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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mardi 6 février 1979 - Vol. 20 N° 98

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures huit minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents. M. le ministre des Transports.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Dossier sur l'adjudication d'un contrat de construction de deux navires

M. Lessard: M. le Président, à la demande du député de Lévis, ainsi que des députés de la région de Québec, il me fait plaisir de déposer deux exemplaires du dossier d'information concernant l'adjudication d'un contrat de construction de deux navires pour le compte de la Société des traversiers du Québec.

Le Président: Documents déposés. Dépôt de rapports de commissions élues. M. le député de Rosemont.

Rapport de la commission

ayant examiné le dossier

des discussions constitutionnelles

M. Paquette: Conformément aux dispositions de notre règlement, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution qui a siégé les 17 et 18 janvier 1979 pour l'examen du dossier des discussions constitutionnelles en cours.

Le Président: Rapport déposé. M. le député de Limoilou.

Rapport de la commission ayant étudié le projet de loi no 110

M. Gravel: Conformément aux règlements, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente du travail et de la main-d'oeuvre qui s'est réunie le 21 décembre 1978 et les 23 et 24 janvier 1979 pour étudier article par article le projet de loi no 110, intitulé Loi modifiant la Loi sur la qualification professionnelle des entrepreneurs de construction et d'autres dispositions législatives qu'elle a adopté avec des amendements.

Rapport de la commission ayant étudié le projet de loi no 84

Qu'il me soit aussi permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires sociales qui a siégé le 20 décembre 1978 et les 18, 23, 24 et 25 janvier 1979 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 84, Loi modifiant la Loi de l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives qu'elle a adopté avec des amendements. (14 h 10)

Le Président: Rapports déposés.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, figure aujourd'hui en avis de motion, comme le règlement nous invite à le faire, un projet de loi qui, si l'Opposition y consentait, pourrait immédiatement être déposé au nom du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et qui devrait être étudié avant la fin de cette session. Il s'agit de la Loi modifiant de nouveau la Loi du salaire minimum. Si j'avais le consentement, je pourrais le déposer immédiatement puisque j'en ai copie.

Il est possible que ce projet de loi soit étudié dans la journée de demain, l'Opposition ayant été consultée et connaissant la portée de ce projet de loi, M. le Président. Si j'ai le consentement.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: M. le Président, il s'agit du projet de loi, je crois, qui étend les avantages de congés de maternité aux employés féminins qui sont couverts par...

M. Charron: Par un décret.

M. Lavoie: ... un décret. Nous sommes d'accord pour que ce projet de loi soit déposé immédiatement.

M. Bellemare: M. le Président, je ne voudrais pas répéter les scènes disgracieuses du 21 décembre mais je suis bien prêt à donner mon consentement parce que c'est encore une faille que le gouvernement a oubliée dans l'ordonnance no 17. Ce n'est pas parce que c'est un nouveau projet, c'est une faille; le ministre du Travail nous a téléphoné pour nous demander si nous acceptions de bon gré, de couvrir le décret de la robe et des dames qui travaillent dans l'industrie du textile. Nous avons dit oui et je ne retire pas mon consentement. Je ne voudrais pas que des scènes aussi disgracieuses que celles du 21 décembre se reproduisent parce qu'on donne un consentement verbal.

Une Voix: Très bien.

Projet de loi no 128

Première lecture

M. Claude Charron

M. Charron: Alors, M. le Président, au nom de mon collègue, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, je voudrais déposer le projet de loi no 128 qui modifie la Loi du salaire minimum pour permettre aux personnes qui sont régies par un décret adopté en vertu de la Loi des décrets de conventions collectives de bénéficier de l'application d'une ordonnance relative aux congés de maternité. De plus, une salariée qui est régie par un décret et qui lors de l'entrée en vigueur de la présente loi s'est conformée à l'ordonnance no 17 de 1978 de la Commission du salaire minimum, pourra se prévaloir des droits et être assujettie aux obligations résultant de la Loi du salaire minimum et de ladite ordonnance. L'employeur d'une telle salariée n'est cependant pas assujetti à l'obligation de tenir un registre, de faire un rapport mensuel à la commission ou de payer le prélèvement fixé par cette dernière.

Le Président: Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Des Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

M. Bellemare: M. le Président, je voudrais soulever une question de privilège.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: Nous apprenons à l'instant même que les portes sont encore barrées. Le 18 décembre dernier, nous nous sommes levés, dans cette Chambre, pour protester contre ce non-accès qu'ont les délégations à un Parlement. Je pense, M. le Président, qu'avec la distribution des cartes que nous avons faite, nous n'avons pu rejoindre nos amis qui seraient dans les galeries et qui ne peuvent y pénétrer parce que les portes sont barrées.

C'est la deuxième intervention que nous faisons. Nous n'avons pas le droit d'empêcher les électeurs de la province d'assister aux débats. Les portes sont encore barrées aux agriculteurs et à ceux du monde ouvrier qui viennent protester contre certaines lois et qui sont devant le parlement.

Le Président: Je voudrais, dans un premier temps, faire remarquer aux gens dans les galeries qu'il est interdit de manifester et de se manifester de quelque façon. D'autre part, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, quant à la présidence elle a donné instruction, il y a déjà un bon moment, d'ouvrir les portes et de laisser, dans la mesure du possible, bien sûr, entrer tous ceux qui veulent avoir accès à l'Assemblée nationale.

M. Bellemare: Est-ce qu'on aura une réponse de cela, M. le Président, avant 15 h 30 au retour du ministre de l'Agriculture, qui est allé, par exprès...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, s'il vous plaît.

Période de questions orales. M. le député de Saint-Laurent.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Nationalisation des actifs de l'Asbestos Corporation

M. Forget: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Il y a à peu près un an jour pour jour, l'Assemblée nationale était convoquée pour étudier, en priorité et avec un certain fracas, la Loi constituant la Société nationale de l'amiante dont on avait besoin dans les jours qui suivraient pour mettre à exécution une politique de transformation des fibres au Québec. Depuis plusieurs mois, il y a, paraît-il, selon le ministre des Finances, des négociations; selon le propriétaire d'Asbestos Corporation, par la voix de son vice-président, M. Fiske, il n'y a pas de négociations.

Est-ce que le ministre des Finances, plutôt que de nous dire quelle est sa version de l'expression négociations, accepterait de nous dire à quelle date des porte-parole des deux parties se sont rencontrés et à quel niveau ces discussions se situaient? Surtout, ce qui est le plus important dans une négociation, l'une ou l'autre des parties a-t-elle accepté la nécessité de faire des compromis et même de prendre comme base de discussion la proposition faite par la partie opposée? Soit du côté gouvernemental, soit du côté de General Dynamics, est-ce qu'il y a une acceptation de baser les discussions sur l'hypothèse de l'adversaire, en quelque sorte? Encore une fois, est-ce qu'il y a eu des rencontres, lesquelles, et est-ce qu'elles n'ont pas eu pour effet de commencer un rapprochement des parties?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Quant à la création, M. le Président, il y a un an, de la Société nationale de l'amiante, elle a déjà joué un rôle important dans le développement d'industries de transformation au Québec. A cet égard, si le député de Saint-Laurent veut des détails additionnels, je suis certain que mon collègue des Richesses naturelles

pourrait le mettre au fait de ce que cette société fait depuis qu'elle a été créée.

Quant aux négociations avec Asbestos, il est évident qu'on a tendance à jouer sur les mots. Des négociations, ce sont des échanges entre des gens qui n'en sont pas encore arrivés à une solution ou à une entente. Depuis que nous avons déposé en première lecture, juste avant Noël, un projet de loi visant à nationaliser les actifs de l'Asbestos Corporation au Québec, il y a eu un développement important: c'est que General Dynamics, qui n'avait vraiment pas voulu nous fournir un certain nombre de renseignements quant à sa propre évaluation, a enfin accepté de le faire. Vous voyez, M. le Président, que même un projet en première lecture peut avoir certains effets.

Nos évaluations ont été déposées dans cette Chambre. Il nous manquait, de l'autre côté, pas mal de choses. General Dynamics a accepté de nous fournir un certain nombre de renseignements qui nous manquaient et je me suis entendu avec elle pour qu'une fois que j'aurais passé à travers — je les ai reçus il y a quelques jours — une fois que j'aurais examiné cela, nous nous rencontrions à nouveau.

Dans ce sens, je pense que le dépôt en première lecture de la loi visant à nationaliser les actifs de l'Asbestos Corporation au Québec aura provoqué un rebondissement qui, d'une part, nous permet enfin d'avoir accès à certains types de renseignements que nous n'avions pas et, d'autre part, dans quelques jours, de faire en sorte qu'à nouveau une rencontre ait lieu entre le ministre des Finances et les autorités de General Dynamics.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je dois conclure de la réponse du ministre des Finances qu'il n'y a pas effectivement eu de rencontre de négociations. Il y a eu la transmission d'un document — si je comprends bien — ou de documents de General Dynamics au ministre des Finances. Il n'y a pas de ce côté, du côté du ministre des Finances et du gouvernement, de modifications dans leur position. (14 h 20)

Pourrait-il, en supplémentaire, tout en répondant à ce premier volet, nous indiquer quelles sont les intentions du gouvernement relativement à l'adoption ou à la non-adoption du projet de loi qui a été introduit en première lecture et qui semble, selon le ministre, avoir déjà produit ses effets?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Le problème, M. le Président, c'est que je ne sais pas jusqu'où les effets vont aller. Là, je ne veux pas servir de sorcier dans cette opération. Cela a déjà provoqué un certain mouvement. Si je peux m'exprimer ainsi, cela a secoué le prunier. Est-ce que cela le secouera suffisamment pour qu'on puisse s'entendre sur le nombre de prunes et comment on les ramasse? Je l'espère. Mais une chose est évidente et je pense que l'Assemblée nationale doit avoir toutes les assurances nécessaires à cet égard: le gouvernement est décidé à acquérir soit le contrôle de l'Asbestos Corporation comme compagnie, soit le contrôle des actifs de l'Asbestos Corporation au Québec. Je pense qu'il faut que cela soit très clair et qu'il n'y ait pas la moindre ambiguïté quant à la volonté du gouvernement d'aboutir.

Alors, avant que la nouvelle session ne commence, nous disposons encore d'un peu de temps. Nous allons voir ce qu'on peut faire sur le plan des tractations — puisqu'il y a une ambiguïté sur le mot négociations — avec General Dynamics et, à l'occasion de la nouvelle session, on verra. Mais une chose est claire: la volonté du gouvernement a été très nettement exprimée et la volonté du gouvernement n'est pas changée.

Le Président: M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: M. le Président, une question supplémentaire. Etant donné que, depuis quelque temps déjà, à l'Asbestos Corporation à Thetford, on a cessé toutes les réparations, tout l'entretien des instruments des mines et des usines et que cela entraîne une baisse du moral chez les ouvriers, étant donné également que cela fait quatorze mois que le gouvernement a annoncé son désir d'acheter l'Asbestos Corporation; étant donné que la première lecture a entraîné certains effets, je voudrais demander ceci au ministre des Finances: Est-ce qu'il ne serait pas opportun et est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'adopter le projet de loi en deuxième lecture dès la présente session? Je parle du projet de loi permettant l'expropriation des actifs d'Asbestos Corporation.

M. Charron: Ce n'est pas une question plantée, M. le Président!

Des Voix: Ha! ha!

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Manifestement, M. le Président, comme vient de le dire le leader du parti ministériel, cette question n'était pas plantée. Deuxièmement, je ne suis pas certain qu'elle ne devrait pas être adressée au leader. Troisièmement, compte tenu de ce que dès que nous aurons passé à travers ces documents quand même assez copieux et très techniques que nous ont fait parvenir les autorités de General Dynamics, il va y avoir une réunion entre M. Fiske, qui représente General Dynamics dans ce dossier, et moi-même. Je pense qu'il faudrait quand même attendre les résultats de cette réunion, qui doit avoir lieu normalement dans quelques jours, avant qu'on se branche quant à la tactique à adopter à l'égard de la deuxième lecture. L'important, c'est qu'on sache que la volonté est là et je souscris cependant à ce que disait le député de Frontenac: Maintenant, il faut que cela aboutisse très vite.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Le ministre des Finances nous a parlé de son intention, de sa volonté d'aller jusqu'au bout dans ce processus. Il a également parlé de secouer le prunier pour voir jusqu'à quel point General Dynamics ferait des concessions; est-ce que cela veut dire que le ministre des Finances, au nom du gouvernement, procède exclusivement sur la base de voir jusqu'où General Dynamics est prêt à aller pour rencontrer la demande ou l'offre, plutôt, du gouvernement du Québec? En d'autres termes, est-ce que, sur la question des prix, le ministre peut nous donner une assurance qu'il ne paiera pas plus cher que le prix qu'il a plus ou moins indirectement suggéré l'automne dernier lorsqu'il a déposé les études faites par le gouvernement du Québec qui indiquaient un prix aux environs de $40 ou $42? Est-ce qu'il peut nous donner cette assurance?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Premièrement, M. le Président, quand on dit l'automne dernier, entendons-nous bien. Le député de Saint-Laurent place l'automne très tard ou très froid; c'était juste avant Noël. Je ne voudrais pas qu'on ait l'ombre d'un doute qu'on a laissé passer trois ou quatre mois. L'automne en question, il faisait 20 sous zéro.

M. Forget: M. le Président, est-ce que le ministre des Finances est en train de contester le calendrier qui nous informe que l'hiver commence le 21 décembre?

M. Parizeau: Normalement, M. le Président, si le calendrier commence le 21 décembre, je demande au député de Saint-Laurent, à l'occasion de la première tempête de neige un peu importante de l'année, de convaincre ses concitoyens qu'on est encore en automne. Ceci étant dit — et c'est cela que je tenais à souligner — nous sommes au tout début de février; l'étude a été déposée juste avant Noël.

J'ai indiqué à cette occasion que ceux à qui nous avions demandé d'examiner la valeur des actions de l'Asbestos Corporation en étaient arrivés à une conclusion. J'ai indiqué l'ordre de grandeur. L'Assemblée nationale a pu examiner le document. Je n'ai, jusqu'ici, jamais indiqué combien le gouvernement, lui, sur la base de cette évaluation, serait prêt à payer. Je pense qu'il serait insensé, à l'occasion des tractations et des négociations que nous tenons, d'annoncer à l'avance à la télévision quel prix définitif on va être prêt à payer. Cela ne se fait pas. J'aurai à faire rapport à l'Assemblée nationale du mandat que j'ai, c'est-à-dire ou bien à quel prix on peut s'entendre avec General Dynamics ou bien de la poursuite en deuxième et troisième lectures du projet de loi qui a déjà été déposé visant la nationalisation de la compagnie. Ce sera l'un ou ce sera l'autre. Je ferai rapport à l'Assemblée nationale, mais je ne vais pas à l'avance m'engager à une sorte de prix minimum ou maximum. Ce n'est pas une façon de traiter les choses et, surtout, ce n'est pas une façon de traiter des affaires.

Le Président: M. le député de Charlevoix.

Construction de deux traversiers

M. Mailloux: M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports qui, il y a quelques instants, déposait des documents relativement au débat auquel les media ont fait une large publicité quant à la construction de deux navires pour la Société des traversiers du Québec. Il est possible que ces documents répondent à certaines interrogations du public. Je voudrais quand même, dans un premier temps, pour éclairer la Chambre, poser quelques questions au ministre sur la décision qui fut rendue par le cabinet qui, d'après ce que dit le ministre, fut justifiée par le principe de la soumission publique; comme il y avait une économie de $300 000 ou $400 000, le gouvernement se devait d'accepter la plus basse soumission.

Le ministre des Transports voudrait-il dire à cette Chambre si, pour permettre aux chantiers maritimes de soumissionner, il y avait des plans et devis qui étaient préparés par la société et auxquels les chantiers maritimes ne pouvaient déroger?

Comme deuxième volet, si telle n'était pas l'exigence, la société na-t-elle pas plutôt fixé des paramètres, soit la capacité portante de véhicules pour ces dits navires, coque renforcée pour la navigation dans les glaces, facilité d'embarquement ou de déchargement, soit "roll-on roll-off ' ou le déchargement par le côté, force des moteurs tirant d'eau, facilités pour les passagers, etc.?

Troisièmement, si la conception était laissée aux constructeurs, pourquoi alors le gouvernement a-t-il ignoré — de façon, semble-t-il, radicale — le verdict favorable des experts maritimes de la société d'Etat qui recommandaient l'adjudication du contrat à Davie Shipbuilding?

Le ministre voudrait-il nous dire également si, dans l'estimation qu'en a faite le cabinet des ministres, on a songé que, la vie utile d'un navire étant de 30 ou 40 ans, alors que ces navires seront employés entre Charlevoix et Dubuc dans le Saguenay, où ils subissent les rigueurs d'hiver tel que celui qu'on connaît actuellement, chaque fois qu'on aura à faire réparer ces navires en période hivernale de janvier à la fin de février...

Des Voix: Question!

M. Mailloux: Est-ce qu'on a analysé, dis-je, les sommes supplémentaires qu'il en coûtera pendant une période de 30 ans pour convoyer ces navires vers les chantiers maritimes de Sorel? (14 h 30)

Le Président: M. le ministre des Transports. Il y a trois questions.

M. Lessard: M. le Président, au moment où le député de Charlevoix me pose la question, vous

me permettrez quand même de remercier le chef du Parti libéral du Québec de son appui dans le Journal de Québec du 2 février 1979, alors que devant un militant, à l'encontre d'ailleurs de M. Jean-Guy Picard qui est président de la région de Québec, il disait qu'il était loin d'être assuré que le gouvernement du Québec n'avait pas pris la bonne décision dans cette affaire... Je me demande si le député de Charlevoix a reçu l'autorisation de M. Ryan pour poser cette question.

M. Mailloux: Est-ce qu'un capitaine a besoin de demander l'autorisation à un matelot? M. le Président, j'ai bien dit pour des fins maritimes.

M. Lessard: Si je comprends bien, le capitaine c'est le député de Charlevoix et le matelot en goguette c'est M. Ryan!

Je n'ai pas besoin, je pense bien, d'informer le député de Charlevoix des pouvoirs...

Une Voix: Maître après Dieu!

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Transports.

M. Lessard: Je n'ai pas besoin d'informer le député de Charlevoix des pouvoirs que possède la Société des traversiers du Québec. En effet, la Société des traversiers du Québec a les pouvoirs de procéder comme elle l'entend et elle a de plus du personnel spécialisé pour ce faire. Selon les informations que j'ai obtenues de la société, celle-ci a décidé, et cela en consultation avec les constructeurs, de demander des propositions de soumissions parce qu'elle disposait déjà d'une étude commandée par le ministère des Transports du Québec sur les quais de Baie Sainte-Catherine et Tadoussac. Cette étude traitait, entre autres, du type de navire requis pour la traversée Baie-Sainte-Catherine-Tadoussac et pouvait être mise à la disposition des deux sociétés.

Après quelques rencontres avec les deux constructeurs, il y a eu certaines modifications aux navires, telles que demandées par la Société des traversiers, et les constructeurs en ont été informés et ont accepté ces navires.

Donc, M. le Président, je pense que cela répond aux deux questions. Sur les spécifications qui n'étaient pas très bien définies, en consultation avec les constructeurs on avait établi les normes générales, soit un navire pour 400 passagers, un navire pour 60 véhicules; les deux navires devaient charger et décharger par les deux bouts, posséder des rampes de chargement et de déchargement doubles et ils devaient fonctionner douze mois par année, sous des températures de moins 30 degrés centigrades et de plus 37 degrés centigrades. Je pourrais, M. le Président, donner toutes ces spécifications.

Quant aux réparations que nous devrions faire normalement, annuellement, et qui devraient être faites chez Marine Industrie ou peut-être chez Davie Shipbuilding — il n'y a rien qui empêche Davie Shipbuilding de faire ces réparations lors- qu'elles s'imposeraient — nous n'avons pas fait ces calculs sur une période de 30 ans.

M. Mailloux: M. le Président...

Le Président: M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: ... je pense que le ministre des Transports avait bien saisi la question principale que je lui posais: Sur quoi s'étaient basés les experts maritimes de la société pour dire que le contrat devait être adjugé à la société Davie Shipbuilding? Quelles étaient les raisons?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Lessard: M. le Président, la première raison concernait le creux du navire. La deuxième raison concernait le fait que Davie Shipbuilding était plus près du siège social de la Société des traversiers du Québec que Marine Industrie. Vous conviendrez que la dernière raison ne pouvait pas être concluante. Sans cela, je donnerais probablement tous les contrats de voirie à des entrepreneurs de la région de Québec parce qu'ils sont plus près du ministère que des entrepreneurs d'autres régions. On disait qu'on pouvait épargner $9000 si on utilisait les services de Davie Shipbuilding par rapport aux services de Marine. Ce n'était pas, M. le Président, une raison concluante.

Il y avait une raison qui était plus sérieuse et que j'ai analysée, soit le creux du navire. C'est là une question qu'on m'a posée à plusieurs reprises et je voudrais quand même préciser ce qu'on entend par creux du navire. Le creux du navire, c'est la distance entre le fond du navire et le pont des automobiles. Chacun des deux constructeurs avait été avisé des exigences de la Société des traversiers du Québec et même, dans un télégramme, M. le Président, on avait indiqué à Davie Shipbuilding que le minimum qu'on exigeait pour le creux du navire était de 5,5 mètres et que le maximum était de six mètres. Donc, les deux compagnies respectaient les spécifications précises qui avaient été exigées par la Société des traversiers du Québec.

Dans les circonstances, je devais respecter ces spécifications, je devais respecter le fait que les deux sociétés se pliaient aux exigences de la société. La Davie Shipbuilding était très bien informée que le minimum était de 5,5 mètres mais ceci ne change pas les spécifications premières, à savoir 60 véhicules 400 passagers, etc.

Il est certain, M. le Président, qu'il peut y avoir un certain avantage, selon certaines circonstances, avec un creux plus élevé à marée basse, mais par ailleurs cela pose des problèmes à marée haute, comme notre matelot, notre capitaine peut le savoir. Je ne peux pas faire la comparaison aussi forte, mais si je demande une Chevrolet et qu'on me livre une Cadillac, j'ai encore la liberté de choisir la Chevrolet. Mais, M. le Président, avec une différence de $300 000, nous avons jugé bon, et au Conseil du trésor et au Conseil des ministres, de respecter l'offre la plus basse parce que, dans les deux cas, on respectait les spécifications mini-

males qui sont exigées par la Société des traver-siers du Québec.

Le Président: Dernière question M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: Dernière question supplémentaire. Est-ce que le ministre serait prêt à faire témoigner devant les Oppositions les experts maritimes qui se sont prononcés pour l'adjudication du contrat à Davie Shipbuilding? On verrait peut-être à ce moment si, selon le tirant d'eau dont il parle, il ne donne pas des réponses d'un matelot en goguette actuellement.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Lessard: M. le Président, je pense que le député...

Le Président: Brièvement s'il vous plaît, M. le ministre des Transports.

M. Lessard: ... on en a déjà discuté. Concernant le rapport qui m'a été fourni — j'aimerais vérifier, je l'ai vérifié ce matin — par la Société des traversiers du Québec, comme je n'ai rien à cacher, je pense que c'est compris dans le document, le dossier d'information que j'ai déposé. Il faut dire que la Société des traversiers pouvait faire des recommandations, mais il fallait, quant à nous, tenir compte aussi des deniers publics, et c'est dans ce sens que nous avons respecté la plus basse soumission.

Le Président: M. le chef de l'Opposition, M. le député...

M. Goulet: ... additionnelle...

M. Levesque (Bonaventure): C'est cela, additionnelle M. le Président.

Le Président: Je reviens tout de suite à vous après, M. le député de Bellechasse, pour une question additionnelle.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, si mes renseignements sont exacts, le premier ministre aurait indiqué que le ministère des Transports ou la Société des traversiers devait incessamment donner un contrat pour un autre petit traversier pour l'île aux Grues, je crois, et cette fois-ci à Davie Shipbuilding. Le ministre peut-il renseigner cette Chambre sur les conditions qui entourent l'adjudication de ce contrat? Est-ce qu'il est donné avec soumissions comme les deux autres? Est-ce qu'il a été déjà donné sans soumissions? Et pourquoi cette déclaration du premier ministre?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Lessard: M. le Président, j'avais déjà indiqué, en conférence de presse, que le ministère des

Transports comme tel, et non pas la Société des traversiers du Québec, devait faire construire un nouveau bateau entre l'île aux Grues et Montmagny. Je n'ai pas à ce moment indiqué nécessairement que le contrat devait être soit négocié ou soit en soumission publique. Il est possible que ce contrat puisse être négocié. Quant à moi, je n'ai pas de décision de prise actuellement. D'ici quelques semaines, je transmettrai un mémoire à ce sujet au Conseil des ministres et le Conseil des ministres... (14 h 40)

M. Levesque (Bonaventure): M. le ministre s'est fourvoyé...

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président, question additionnelle. Lors de sa première réponse, le ministre nous a souligné qu'il n'y avait pas unanimité du côté libéral. Je lui rappellerai qu'également on ne semble pas faire l'unanimité du côté ministériel là-dessus. Je veux savoir du ministre si c'est vrai que déjà la Société des traversiers du Québec, suite à la signature du contrat, aurait demandé à Marine de modifier ses plans, une fois que le contrat a été signé, et de changer le creux du navire et de l'abaisser de 2 pieds, le tirant d'eau, ce qui déjà ferait une différence de $150 000. Est-ce vrai oui ou non? Est-ce que le ministre est au courant de cela?

M. Lessard: Est-ce que cela voudrait dire $150 000 par bateau ou $75 000?

M. Goulet: $150 000 pour les deux bateaux.

M. Lessard: Alors cela veut dire $75 000 par bateau, ce qui veut dire que nous aurions encore une marge de $75 000.

M. le Président, je n'ai pas été informé. Je sais qu'il y a des discussions entre Marine Industrie, actuellement, et la Société des traversiers du Québec, et je n'ai pas été informé qu'une telle exigence ait été demandée à Marine Industrie.

Le Président: M. le député de Huntingdon.

M. Lessard: En terminant, M. le Président, j'espère que les députés de l'Union Nationale ne voudraient pas qu'on revienne au temps où on donnait des contrats de peinture et que cela coûtait $9 le gallon, parce qu'on n'allait pas en soumissions, par rapport à $1.95.

Le Président: M. le député de Huntingdon.

M. Goulet: M. le Président, vous me permettrez une autre question suite à cette réponse?

Le Président: M. le député de Huntingdon. M. Dubois: Merci, M. le Président. M. Goulet: Sauvé par la cloche!

Loi sur la mise en marché des produits agricoles

M. Dubois: Ma question s'adresse au vice-premier ministre; j'espère avoir l'attention du vice-premier ministre. Compte tenu que la classe agricole proteste en masse ici même à Québec aujourd'hui et que ces gens remettent en cause le projet de loi 116 — raison principale, d'ailleurs, de notre retour en Chambre aujourd'hui — et dans le but d'élargir le débat et d'offrir l'occasion à ceux qui sont concernés de se prononcer sur le bien-fondé des nouveaux pouvoirs qu'on cède à l'UPA, je désire savoir du vice-premier ministre, en l'absence du ministre de l'Agriculture, si le gouvernement entend consulter par voie de référendum, sur cette question, tel que le permet l'article 93 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, chapitre 36 de 1974.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je suis désolé d'apprendre que l'Union Nationale ne posera pas le même geste que celui qui vient d'être posé par le chef du Parti libéral, qui semble se rallier au projet de loi 116. Pour ce qui est des intentions du gouvernement...

M. Bellemare: II n'a jamais dit cela, M. le Président. C'est erroné ce que dit le vice-premier ministre. Un instant! Prenez votre temps.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je pense que le chef du Parti libéral a annoncé qu'il appuierait le projet de loi 116.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de privilège. On a même droit, je pense, à ce moment-ci, de rappeler la vérité. J'ai assisté à la conférence de presse du chef du Parti libéral du Québec et, tout en souscrivant à l'un des principes, en particulier, qui caractérisent ce projet de loi, il a émis des réserves qu'il serait juste d'énumérer lorsque...

Le Président: Très bien. M. le vice-premier ministre, en répondant à la question, s'il vous plaît.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, pour ce qui est des intentions du gouvernement, je pense que la question doit être adressée au leader du gouvernement en Chambre.

Le Président: M. le leader...

M. Bellemare: Je soulève une question de privilège.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: M. le Président, je soulève une question de privilège. Nous avons été convoqués spécialement — la session de 1978 n'étant pas terminée — le 21 décembre pour étudier les projets de loi 116, 110 et 84. M. le Président, le ministre de l'Agriculture le savait, puisqu'il a fait changer lui-même la date de l'ouverture de la fromagerie de vendredi à aujourd'hui. C'était une stratégie pour ne pas être en Chambre et ne pas répondre aux questions pour lesquelles nous avons été convoqués.

M. le Président, je soulève une question de privilège particulier. J'ai été convoqué pour étudier le projet de loi 116, le ministre a changé la date du vendredi 2 février pour aujourd'hui, le 6, pour être à l'ouverture de la fromagerie. M. le Président, cela est léser les droits des parlementaires.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, pour éviter que cela ne s'enflamme davantage, je dois dire que j'ai été prévenu vers 1 h 30 cet après-midi, au moment où j'étais avec ses fonctionnaires, que le ministre de l'Agriculture serait en retard. Il m'avait dit qu'il devait arriver vers 2 h 30, 2 h 45. D'autre part, le ministre de l'Agriculture est déjà intervenu sur le projet de loi 116, donc sa présence n'est pas essentielle pour que nous l'étudiions cet après-midi...

M. Lavoie: ... droit de réplique. Une Voix: II n'a pas d'affaire à...

M. Charron: Le droit de réplique n'est pas prévu pour 15 heures aujourd'hui, je crois, et j'informe tout de suite le député que c'est la loi 116 que nous étudierons cet après-midi.

M. Bellemare: Comment est-ce que vous expliquez qu'un ministre savait le 2 que l'ouverture...

Le Président: M. le leader parlementaire... A l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, est-ce que vous renoncez à la période de questions?

M. Goulet: M. le Président, je demande une directive.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: C'est mon droit. Merci, M. le Président. Etant donné qu'on nous assure que le ministre de l'Agriculture sera ici dans quelques minutes, est-ce qu'on ne pourrait pas suspendre pour quinze ou vingt minutes et attendre le ministre de l'Agriculture? Nous avons de très importantes questions à poser au ministre de l'Agriculture, M. le Président, au nom des agriculteurs, au nom de tous les agriculteurs du Québec et nous aimerions

pouvoir les lui poser. Etant donné que les autres ministres ne semblent pas pouvoir répondre à ces questions, je vous demande si on ne peut pas suspendre quelques minutes et attendre le ministre de l'Agriculture.

Le Président: II faudrait pour cela qu'il y ait consentement unanime. S'il n'y a pas de consentement, ce n'est pas possible.

M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à l'honorable ministre des Terres et Forêts.

M. Russell: M. le Président, comme question supplémentaire...

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: M. le Président, j'aurais aimé, moi aussi, que le ministre de l'Agriculture y soit, parce qu'il est tellement généreux ces jours-ci, distribuant des bonbons d'un bord et des bonbons de l'autre. Il y aurait peut-être... Ma question... Si je lui avais posé la question, peut-être qu'il répondrait favorablement à cette question. Mais je vais la poser au leader parlementaire, comme cela a l'air que c'est lui qui doit déterminer les travaux de la Chambre. Est-ce l'intention du gouvernement — ce n'est pas une générosité qu'on demande, c'est simplement un peu de décence — de convoquer la commission parlementaire pour faire entendre les intéressés sur le projet de loi 116?

Le Président: Le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, le délai occasionné par l'ajournement de ce projet de loi entre le 21 décembre et aujourd'hui a abondamment donné à chacun non seulement le temps de prendre connaissance du projet de loi, non seulement le temps de faire connaître son opinion, mais aussi, je pense, d'essayer par tous les moyens possibles de la répandre dans le monde agricole et même chez l'ensemble des citoyens du Québec. Je crois que, dans ces circonstances, les députés pourront étudier la deuxième lecture du projet de loi cet après-midi et très attentivement, article par article, lorsque la commission de l'agriculture sera saisie du projet de loi après qu'il lui aura été déféré.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

Jugement sur la réserve des trois chaînes

M. Roy: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à l'honorable ministre des Terres et Forêts et concerne — on s'en doutera bien — la fameuse et célèbre loi des trois chaînes. Le jugement rendu à Rimouski la semaine dernière a confirmé, semble-t-il, définitivement les droits des pro- priétaires de terrains pour ceux qui avaient eu des lettres patentes ou des billets de location émis entre 1884 et 1919. J'aimerais demander au ministre si c'est l'intention du gouvernement d'en appeler de cette décision, c'est-à-dire d'aller devant la Cour d'appel, premièrement.

Deuxièmement, en attendant que cette décision soit prise, si jamais elle devait être prise — j'espère que le ministre répondra dans la négative — est-ce que le ministre peut nous assurer qu'il a donné ordre que soient suspendus les avis, les réclamations, les états de compte qui ont été envoyés aux propriétaires?

Le Président: M. le ministre des Terres et Forêts.

M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'il convient d'expliquer ce qu'est cette loi de la réserve des trois chaînes de manière à permettre aux membres de cette Assemblée de bien saisir les implications du débat en question. Le député de Beauce-Sud est évidemment un expert dans cette question et, forcément, il n'a peut-être pas tout expliqué.

C'est relativement simple, M. le Président, puisqu'en 1884 l'Assemblée législative, le Parlement à l'époque décidait que, le long des cours d'eau non navigables et non flottables, il y aurait une réserve de trois chaînes — 180 pieds — pour permettre aux citoyens de pouvoir aller à la pêche au saumon librement et, donc, de circuler le long des rivières sans être bloqués par la propriété privée. C'était donc un principe d'accessibilité générale de tous les Québécois à leurs rivières. (14 h 50)

En 1919, le gouvernement a décidé de revoir cette loi pour une raison très simple. Il y avait débat à l'époque entre juristes à savoir s'il s'agissait véritablement d'une propriété plutôt qu'une simple servitude, c'est-à-dire d'un droit de passage. Ce gouvernement, cette Assemblée a choisi d'adopter une loi qui se lisait essentiellement ainsi: Cette réserve est et a été une réserve en pleine propriété. En d'autres termes, cette Assemblée choisissait de considérer cette réserve comme véritablement propriété de l'Etat pour les siècles à venir.

Cependant, il s'avère qu'un juge vient d'analyser effectivement ce projet de loi et a dû conclure que, même s'il semblait y avoir une volonté explicite du législateur, le fait de ne pas avoir mentionné la rétroactivité de façon absolument explicite pouvait à ce moment-là rendre cette loi nulle et non avenue. A partir de 1919, néanmoins, cette réserve est propriété du gouvernement, mais entre 1884 et 1919 il semble bien y avoir désaccord.

Je dois dire, M. le Président, qu'accepter le jugement tel qu'il est proposé a des implications importantes. D'une part, il faut reconnaître que le gouvernement depuis 1919 a consenti énormément de droits, de ventes, de cessions à différents utilisateurs pour cette réserve des trois chaînes; en d'autres termes, il y a aujourd'hui des occu-

pations à la suite de titres émis par le gouvernement. Cela pourrait donc représenter sur le plan impact politique, impact économique un problème véritablement énorme. Par conséquent, le contentieux du ministère des Terres et Forêts recommande que l'on aille en appel. Cependant, je pense qu'il demeure que c'est au ministère de la Justice de décider si nous devons oui ou non aller en appel.

Quant à la politique du ministère, je dois souligner que, dans la mesure où nous étions à réévaluer cette réserve de manière à en amoindrir l'impact, nous avions justement pris comme politique, pour autant que les propriétaires riverains du lot adjacent étaient concernés, de ne pas la mettre en application, donc, de fermer les yeux, mais de nous contenter d'appliquer certaines normes telles que le refus du déboisement en particulier et, également, le refus du lotissement que nous ne permettions pas. Dans le cas des lotissements évidemment, nous pouvons rectifier la situation par des baux, mais d'une façon générale nous nous sommes contentés de fermer les yeux dans l'attente d'avoir une politique un peu plus claire. Je dois dire que c'est un problème extrêmement délicat et j'ai dû faire faire plusieurs analyses techniques pour vraiment mesurer l'impact de cette réserve sur l'ensemble du territoire québécois de manière qu'éventuellement cette Assemblée soit capable, en l'absence de toute partisanerie politique, d'évaluer véritablement le bien-fondé de cette réserve et d'en décider d'une façon appropriée.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud, une question.

M. Roy: M. le Président, j'aurais une question additionnelle. D'abord, on me permettra peut-être une mise au point. Le ministre a cité tout à l'heure, dans sa réponse, que la loi de 1919 disait "a été". J'aimerais demander au ministre, lui suggérer de relire la loi textuelle. Ce n'est pas dans la loi de 1919 qu'on a dit "a été". C'est dans la loi de 1969, alors qu'on a ajouté un paragraphe à la Loi des terres et forêts. A la suite de cette rectification, et étant donné qu'il y a un grand nombre de petits propriétaires — et je pense, M. le Président, qu'il n'est pas exagéré de dire que c'est quelques centaines de milliers de petits propriétaires de terrains au Québec qui sont concernés par cette loi et — compte tenu également de la position qui avait été prise par l'ancien gouvernement de suspendre l'application de la loi et de revoir cela dans un ensemble général, dans une nouvelle politique, j'aimerais demander au ministre — parce que quand même, c'est lui qui est responsable de l'application de la loi — s'il recommande d'abord au ministère de la Justice d'en appeler de la décision — c'est une décision qui relève du ministre actuellement — s'il recommande d'en appeler de la décision ou s'il demande tout simplement qu'elle soit suspendue de façon définitive pour que soit retirée cette épée de Damoclès qui menace des centaines de milliers de petits pro- priétaires au Québec, propriétaires de terrains privés. Il pourrait les rassurer en leur disant que ce sera plutôt une politique générale, une loi générale qui sera déposée par le gouvernement et qui pourrait régler cette question une fois pour toutes.

Le Président: M. le ministre des Terres et Forêts, brièvement, s'il vous plaît.

M. Bérubé: Oui. La décision, M. le Président, relève évidemment du ministre de la Justice et c'est à lui que revient la décision d'aller ou non en appel, et j'ai souligné l'opinion de mon contentieux, que je fais mienne, d'une part. Quant au point concernant 1969 ou 1919, malheureusement, le député de Beauce-Sud erre.

M. Boy: Question de règlement, M. le Président. Je m'excuse.

Le Président: M. le député de Gatineau.

M. Roy: C'est une question de règlement, M. le Président. On comparera les deux textes de la loi, mais je n'accepte pas que le ministre dise que j'erre. J'ai étudié suffisamment ce dossier et ce n'est pas tout de le dire. Il faut le prouver. Que le ministre le prouve!

Le Président: M. le député de Gatineau.

Remplacement du mot "stop" par "arrêt"

M. Gratton: M. le Président, très brièvement, j'aimerais simplement demander au ministre des Transports où il en est rendu avec sa décision, que plusieurs — incluant le premier ministre — ont qualifiée de ridicule, de faire disparaître le mot "stop" de la signalisation routière pour le remplacer par le mot "arrêt". Est-ce que la déclaration du premier ministre à Washington a réussi à stopper le ministre des Transports?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Lessard: M. le Président, le premier ministre pourra s'expliquer en temps et lieu concernant sa déclaration de Washington. Je n'étais pas présent. C'est cela. On va choisir dans le tas. Je pense qu'on sait très bien que l'article 29 de la loi 101, pour bien placer le débat quand même, alors qu'il n'y avait pas de décision officielle, qu'il n'y avait pas eu d'arrêté ministériel à ce sujet, l'article 29 dit: "Seule la langue officielle peut être utilisée dans la signalisation routière. Le texte français peut être complété ou remplacé par des symboles ou des pictogrammes." A partir de là, on a analysé les différents choix qui pouvaient s'imposer entre arrêt, stop et les pictogrammes. J'ai eu l'occasion de donner un certain nombre d'explications concernant le fait que je favorisais arrêt plutôt que stop, mais comme il semble — M. le Président, quand même c'est une tempête dans un verre d'eau — que ni arrêt ni stop ne peut faire l'unanimité, on n'est pas pour en faire une révolution.

Je pense bien que l'ampleur qu'a pris ce débat est complètement disproportionnée par rapport à la décision qui a été prise à ce sujet. On analyse actuellement une autre formule qui pourrait faire l'unanimité tout en respectant le projet de loi...

Des Voix: Oh!

M. Lessard: ...101 et éviter, en terminant, les querelles byzantines sur le sexe des anges qui ont caractérisé ce débat depuis le début.

M. Gratton: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Gratton: Est-ce que c'est une question additionnelle?

M. Lavoie: On donnera notre consentement au chef de l'Union Nationale.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Je comprends, messieurs, je comprends, une additionnelle, il y en a d'autres aussi. Je vous demande qu'elles soient très brèves, pour permettre au chef de l'Union Nationale une dernière question.

M. Gratton: Toutes aussi brèves que la question principale, M. le Président.

J'aimerais simplement demander au ministre s'il ne considère pas... Il a lui-même fait allusion à l'importance indue qu'a prise toute cette question. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu pour le ministre, dans son souci d'être honnête, transparent, de tout simplement avouer qu'il s'est fourvoyé en voulant faire disparaître le mot "stop" et de revenir au statu quo, ce qui serait français, ce qui éviterait des dépenses inutiles et ce qui, surtout, empêcherait le ministre des Transports de se faire traiter comme l'a traité le premier ministre, la semaine dernière?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Lessard: J'ai l'impression que le Parti libéral voudrait bien qu'on reprenne une autre guerre inutile qui m'apparaît extrêmement futile. En temps et lieu, le ministre des Transports fera connaître sa décision, tout en tenant compte, contrairement à ce qu'on a dit, des coûts que tout ceci comportera.

Quant à moi, il n'y a absolument rien là et je ne pense pas que les colonnes du Temple vont s'effondrer soit avec "arrêt" ou soit avec "stop".

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale. M. Biron: Ma question s'adresse au...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Union Nationale.

Navires commandés par un armateur grec

M. Biron: Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce. A la fin de décembre dernier, en étudiant le projet de loi no 108 qui a épargné de la faillite Marine Industrie, le ministre avait porté des plaintes sérieuses quant à certains agissements de la Société pour l'expansion des exportations, une société canadienne, spécialement dans une lettre que le ministre a déposée à l'Assemblée nationale le 18 décembre dernier.

Le 28 décembre, M. MacDonald, le président de la SEE, répondait à cette lettre et disait entre autres, et je cite: "Si Marine Industrie se trouve dans la situation actuelle, c'est parce qu'après avoir longtemps joui d'une excellente réputation le contrôle de la qualité semble maintenant lui avoir échappé. Ceci est devenu évident lorsque, durant le cours de la construction des navires pour le compte de Karageorgis, les inspecteurs de l'acheteur ont décelé de graves vices de construction qui furent par la suite confirmés par Lloyd Surveyor."

Est-ce exact, est-ce que depuis ce temps le ministre a vérifié les accusations de la Société pour l'expansion des exportations? Est-il exact que la société Marine Industrie aurait payé les $9 300 000 tout simplement pour acheter le silence de Karageorgis sur la mauvaise qualité des produits de Marine Industrie? Quelle a été la réaction du ministre et quelle a été la réponse de M. MacDonald? (15 heures)

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Tremblay: M. le Président, j'ai effectivement reçu une réponse à la lettre que j'avais expédiée au président de la SEE. J'ai moi-même répondu au président et, lorsqu'il aura pris connaissance de ma lettre, il me fera plaisir de déposer à la fois sa réponse et ma réponse à sa missive.

En ce qui concerne les vices de fabrication qui étaient allégués par l'acheteur dans les années 1975/1976, nous en avions discuté en commission parlementaire les 7 et 8 décembre derniers et, effectivement, on sait qu'il y avait eu des plaintes de la part de l'acheteur concernant certains détails techniques eu égard aux bateaux.

Ceci faisait partie évidemment du contentieux qu'avait l'acheteur grec contre Marine Industrie, et ceci est dans le rapport de la Société générale de financement qui a été déposé devant la commission parlementaire des 7 et 8 décembre derniers. Ce contentieux est aussi dans le rapport Wermenlinger et dans le rapport Desmeules, de sorte que ceci était un fait connu de la part de la SGF. Le point central, par contre, consiste à savoir si la SEE a appuyé les prétentions de l'acheteur qui voulait se sortir de son contrat en prétextant différents problèmes techniques ou si elle a appuyé Marine. C'était le point que nous voulions faire éclairer. Parce que, comme on se le rappelle, M. le Président, en commission parlementaire il a été

établi que la société Marine a passé pour $100 millions de contrats d'achat de pièces et d'équipement à partir d'un télex, en avril 75, qui lui avait été expédié par la SEE et qui garantissait le financement.

Ces questions ont été passées sous silence, ou laissées sans réponse par le président de la SEE. J'ai donc formulé de nouvelles demandes dans la lettre que je lui ai envoyée il y a quelques semaines. Je déposerai cette lettre d'ici une semaine, M. le Président.

Le Président: Fin de la période de questions.

M. Biron: Une question additionnelle.

Le Président: Fin de la période de questions.

M. Roy: M. le Président, j'aurais une question de privilège, simplement pour préciser une chose qui a été mentionnée tout à l'heure, si on me le permet.

Le Président: Sur votre question de privilège, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, j'ai la loi qui a été sanctionnée le 17 mars 1919 et à laquelle a fait référence le ministre et on dit ceci. Je vais me limiter à lire l'article de la loi. L'article 2252 des Statuts refondus est amendé en remplaçant les mots "pour des fins de pêche", dans la troisième ligne, par les mots "en pleine propriété en faveur de la couronne". Il n'est aucunement question des mots "a été" auxquels le ministre a fait référence tout à l'heure.

Le Président: Nous en sommes...

M. Lessard: M. le Président, je vais juste compléter très brièvement une réponse à une question du député de Bellechasse.

Non, concernant Davie Shipbuilding ou Marine Industrie, il n'y a eu aucune modification au contrat.

M. Goulet: Cela ne répond pas à ma question du tout.

Motions non annoncées

Félicitations au président du 25e Carnaval de Québec

Le Président: Nous en sommes maintenant aux motions non annoncées. M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, très brièvement. Vous savez que le Carnaval de Québec a été l'objet de déclarations de la part de certains membres de l'Assemblée nationale, depuis une semaine, alors je me limiterai à faire la motion suivante qui, j'espère, sera acceptée: Que cette Assemblée adresse ses félicitations au président du 25e Car- naval d'hiver de Québec, M. Jacques Paradis, et aux milliers de travailleurs bénévoles qui consacrent leur temps à faire de cet important événement un succès sur tous les plans pour la grande région de Québec.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à la présentation de la motion?

Est-ce que la motion sera adoptée? Adoptée.

Des Voix: Vote, vote.

M. Brochu: Vote enregistré, M. le Président, sur cette motion.

Le Président: Qu'on appelle les députés. Suspension à 15 h 4

Reprise à 15 h 13

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion de M. le député de Portneuf visant à féliciter le président et les bénévoles du Carnaval de Québec.

Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion de félicitations veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Levesque (Bonaventure), Lavoie, Vaillancourt (Orford), Lalonde, Forget, Mailloux, Goldbloom, Larivière, Ciaccia, Raynauld, Lamontagne, Blank, Caron, O'Gallagher, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Morin (Sauvé), Charron, Cardinal, Burns, Laurin, Parizeau, Marois, Landry, Couture, Tremblay, Bérubé, Mme Ouellette, M. O'Neill, Mme Cuerrier, MM. de Belleval, Joron, Mme Payette, MM. Johnson, Proulx, Duhaime, Lessard, Lazure, Léger, Tardif, Vaugeois, Martel, Paquette, Chevrette, Bertrand, Fallu, Michaud, Rancourt, Laberge, Grégoire, Guay, Lefebvre, Laplante, Mme Leblanc-Bantey, MM. de Bellefeuille, Gendron, Mercier, Alfred, Gagnon, Ouellette, Gosselin, Clair, Brassard, Godin, Lavigne, Dussault, Boucher, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Gravel, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Jolivet, Biron, Bellemare, Grenier Russell, Goulet, Fontaine, Brochu, Dubois, Le Moignan, Cordeau, Roy, Shaw.

Le Président: Que ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever! Les abstentions?

Le Secrétaire: Pour: 91 — Contre: 0 — Abstentions: 0.

Le Président: La motion est adoptée. M. le député de Vanier.

Retour au travail de M. Lessard

M. Bertrand: M. le Président, ma motion est très brève et n'engendrera pas de débat ni, j'es-

père, de vote. On mettrait la personne dans une autre situation d'ajouter à son travail.

Je voudrais simplement souligner et me réjouir avec les membres de l'Assemblée nationale du retour parmi nous et en pleine santé, en pleine forme — on vient de le constater — de notre secrétaire adjoint, M. Lessard.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: Je voudrais appuyer cette motion avec un grand plaisir. Je connais depuis de nombreuses années ce dévoué assistant greffier et je lui présente mes meilleurs voeux de santé.

M. Lavoie: Nous allons nous joindre à vous. Nous n'avions pas à nous lever pour cela. Je suggérerais au secrétaire adjoint d'aller vous voir pour peut-être profiter d'une révision de salaire, après ce vote unanime.

Le Président: Alors, la motion est adoptée.

Enregistrement des noms sur les votes en suspens. Je dois donner lecture à cette Assemblée d'un avis qui m'a été communiqué dans les délais requis.

Demande de débat d'urgence

relative aux conflits de Murdochville et de Clermont

"M. le Président, conformément à l'article 78 de notre règlement, je désire vous informer qu'avant l'appel des affaires du jour à la séance d'aujourd'hui, j'ai l'intention de proposer que soit tenu un débat pour discuter une affaire importante de la compétence de l'Assemblée et dont l'étude s'impose d'urgence, à savoir les conflits de travail qui perdurent à Murdochville et à Donohue, à Clermont. Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs." Et c'est signé du député de Portneuf, Michel Pagé.

M. le député de Portneuf, je vous autorise à présenter votre motion. Je pense qu'elle n'appelle pas une étude très poussée. Je vous demande de vous restreindre à la présentation de votre motion.

M. Pagé: Elle est acceptée? Le Président: On va attendre...

M. Lavoie: Si j'ai bien compris vos propos, cette motion est reçue.

Le Président: Si vous aviez bien compris mes propos, vous n'auriez pas conclu qu'elle était déjà reçue, mais suivant la coutume, M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle, on autorise le député à présenter sa motion brièvement en s'en tenant au texte de sa motion.

M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Effectivement, avant une heure cet après-midi, je vous fai- sais parvenir un avis vous informant que j'entendais me prévaloir de cette procédure inhabituelle et un peu extraordinaire qui est prévue à l'article 78 de notre règlement.

J'entends vous dire, dans un premier temps, pourquoi je demande qu'un débat d'urgence se tienne cet après-midi et, dans un deuxième temps, pourquoi, selon moi, vous devriez accepter que ce débat puisse se faire.

M. le Président, cela touche deux conflits importants. Tout d'abord, le cas de la Gaspé Copper Mines à Murdochville, et aussi le cas de la Donohue, de Clermont. Ce sont deux régions qui, en plus d'être déjà particulièrement et malheureusement affectées par des taux de chômage qui sont trop élevés, par un développement économique qui est très limité, ont à vivre des conflits ouvriers qui perdurent déjà depuis trois mois et demi. Dans le cas de Murdochville, je n'ai qu'à vous résumer très brièvement la situation et à vous dire que cela affecte toute la région. La grève a débuté le 17 octobre dernier. Il y a eu des rencontres de conciliation. Cela a échoué. Cela n'a pas abouti. Toute la région perd actuellement...

M. Charron: Question de règlement, M. le Président. Le député sait très bien qu'il doit s'en tenir actuellement aux arguments de l'urgence. Si vous acceptez son débat, il aura l'occasion de faire tout l'historique du conflit et, surtout, de nous proposer les solutions. (15 h 20)

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: Sur la question de règlement soulevée par le leader du gouvernement, je prétends que l'honorable député de Portneuf avait fait une juste introduction pour dire la date du conflit. Il s'en vient maintenant vers les conclusions qui vont vous démontrer l'urgence qu'il y aurait, cet après-midi, de discuter de ces deux grèves qui sont pendantes depuis le mois d'octobre 1978.

Le Président: M. le député de Portneuf, en vous demandant de ne pas abuser.

M. Pagé: Oui, mais ce ne sera pas abuser que de remercier mon collègue de Johnson de la solidarité qu'il exprime. M. le Président, ces deux conflits affectent les deux régions. De façon particulière, dans Charlevoix, 52% des travailleurs sont sans emploi actuellement. Ce sont des millions de revenus, de salaires qui se perdent dans la région de Murdochville. Ce sont des commerces qui ferment, des familles qui ont déjà quitté. J'espère que ce débat sera accepté, et j'aimerais vous dire en quoi vous vous devriez de l'accepter.

Selon l'article 78 de notre règlement, il faut que le sujet soit l'objet de la compétence de l'Assemblée. Je crois que c'est indiscutable. Les responsabilités administratives du gouvernement; on sait que, dans ce dossier, le ministre du Travail a posé des gestes en tant que ministre du Travail par la nomination et la désignation de concilia-

teurs. Il y a toute la question de savoir l'urgence de la question. Je pense qu'en soi cela a déjà trop tardé, l'étude, la discussion de ces deux problèmes combien épineux et importants pour les milliers de travailleurs et les milliers de familles qui sont indirectement affectées par ces conflits. C'est urgent et on se devrait ici, à l'Assemblée nationale, de procéder dans les plus brefs délais à l'intérieur de ce débat qui pourrait éventuellement aboutir à une commission parlementaire ou autre démarche de l'Assemblée pour qu'ensemble les députés de l'Assemblée nationale, les députés des régions concernées puissent s'asseoir autour de la table avec le ministre du Travail comme cela a été le cas dans le conflit de la Commonwealth Plywood où la commission parlementaire, par exemple — je termine là-dessus, M. le Président — vous a permis d'obliger, en quelque sorte, le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre à intervenir personnellement.

Vous me direz, M. le Président: Est-ce que vous aviez d'autres occasions, d'autres questions, d'autres moments où vous auriez pu soulever cette question? J'abonde dans le même sens que vous; peut-être que cela aurait pu être soulevé à l'Assemblée nationale lors de la période des questions. Mais je ne crois pas — et ce bien objectivement à la lumière de l'expérience des quelques années que j'ai ici — qu'à la période des questions, durant laquelle un député a un laps de temps de deux ou trois minutes, avec un très bref préambule, vous en conviendrez, on puisse amener un débat aussi important que ces deux conflits qui perdurent à Clermont et à Murdochville.

Il va de soi, M. le Président, d'autant plus que la présente session est une session de très brève durée, c'est une session de quelques jours seulement qui est appréhendée, qu'on ne prévoit pas que nous pourrons, dans des délais très brefs — sinon d'ici le mois de mars et après le discours du premier ministre ou du lieutenant-gouverneur seulement — amener cette question ici à l'Assemblée nationale.

M. le Président, le débat d'aujourd'hui pourrait nous permettre, ensemble, conjointement, tous les députés concernés et intéressés par le dossier, d'échanger nos vues dans un premier temps — ce jusqu'à 18 heures — et de voir ce que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre a fait. La motion que je présente aujourd'hui ne vise pas à adresser des reproches ou quoi que ce soit au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre; loin de là. On veut tout simplement savoir ce qui s'est passé dans le dossier et on veut aussi savoir si le ministre a pris ses responsabilités. On veut lui ajouter la lumière de l'expérience de ses collègues de l'Opposition, comme l'expérience pertinente et vécue, avec combien d'acuité, de la part des députés des régions concernées où il y a des milliers de personnes qui sont sans travail. Le gouvernement a une responsabilité, le gouvernement devrait d'emblée — avant même que vous ne preniez votre décision à ce sujet — accepter ce débat unanimement. Il durera deux heures. Ensemble, j'espère, une fois que ce consentement aura été donné, nous pourrons conjointement dégager des éléments de solution ou tout au moins dire au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre ce qu'il devrait faire dans ce conflit.

Décision du président

Le Président: Comme j'avais reçu — je vous en sais gré d'ailleurs, M. le député de Portneuf — mieux que dans les délais requis, même relativement tôt ce matin, notre avis, j'ai donc eu l'occasion de réfléchir à votre demande. Selon les décisions qui ont été rendues antérieurement, on a toujours été — vous le savez — très prudent quant à la recevabilité des motions d'urgence lorsqu'il s'agissait d'une question locale ou même d'une question régionale et surtout lorsqu'il s'agissait aussi de relations de travail. On a également toujours reconnu comme critère qu'il fallait que la crise soit soudaine.

Ainsi, on ne permettrait pas un débat d'urgence sur un conflit de travail qui — j'ouvre les guillemets — "perdure", surtout si on employait ce verbe dans l'avis même qui demandait un tel débat, ce qui est le cas aujourd'hui, à moins qu'on n'alléguât des faits nouveaux. On pourrait, à la rigueur, demander un débat d'urgence sur un phénomène qui perdure, mais à condition d'alléguer des faits nouveaux.

Je voudrais également faire référence au deuxième paragraphe de l'article 78 de notre règlement qui dit que le président décide de la recevabilité de la motion en tenant compte, entre autres, "des responsabilités administratives du gouvernement". Alors, je pense qu'il y avait manifestement une espèce d'unanimité tout à l'heure quant à l'urgence de discuter d'autres questions, notamment de ce qui est à l'ordre du jour aujourd'hui même. Il semblait se dégager une certaine unanimité assez évidente de la part des membres de l'Assemblée.

Il faudrait peut-être faire une distinction, M. le député de Portneuf, entre un problème urgent — ce que je reconnais — et l'urgence d'en discuter par rapport à d'autres problèmes. Outre le fait qu'il n'y a pas vraiment urgence parce qu'il s'agit d'une situation qui perdure, si on se base sur le texte même de notre règlement qui parle des responsabilités administratives du gouvernement et si on tient pour acquis — ce que tout le monde sait — que nous nous retrouvons aujourd'hui presque, oserais-je dire, en session un peu spéciale pour discuter de problèmes qui, de l'avis de tous, sont urgents, je pense que, dans de telles conditions, il n'y a pas lieu de recevoir votre requête, M. le député de Portneuf.

M. le leader parlementaire du gouvernement, aux affaires du jour.

Travaux parlementaires

M. Charron: Oui, M. le Président. Je voudrais d'abord donner des avis à la Chambre pour l'organisation des travaux, si je peux m'avancer jusqu'à cette semaine au complet. Dans quelques instants,

je vous inviterai à rappeler le débat sur la loi 116 qui devrait occuper, je pense, une bonne partie de notre journée, sinon sa totalité, jusqu'à 22 heures. Demain matin, nous allons prendre en considération le rapport sur le projet de loi 84 du ministre des Affaires sociales, le projet de loi 110 du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et, par la suite, puisque nous aurons sa présence assurée, la deuxième lecture du projet de loi 128 que j'ai déposé en son nom cet après-midi, à la séance de demain, de 10 heures jusqu'à 13 heures.

Demain après-midi, c'est la liberté de l'Opposition officielle de présenter sa motion et de nous la faire connaître tout à l'heure. Jeudi, nous devrions ou achever le projet de loi 116, s'il n'est pas fini ce soir, si on le finit dans la journée de jeudi, ou alors immédiatement déférer ce projet de loi à la commission parlementaire de l'agriculture, et nous adonner ici en Chambre au moins au début de l'étude du projet de loi au nom du ministre des Terres et Forêts qui concerne la Société REXFOR. Je crois que je viens d'indiquer d'un seul coup tout le programme de la semaine à l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: Si la deuxième lecture du projet de loi 116 n'est pas terminée aujourd'hui, est-ce que j'ai bien compris le leader du gouvernement que demain matin, à la reprise des travaux, il ne s'agirait pas de continuer 116?

M. Charron: Nous allons d'abord faire les deux prises en considération des deux rapports déposés aujourd'hui, faire la deuxième lecture au moins de la loi 128. Nous la déférerons en commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre dès demain après-midi. Cela ne devrait pas faire d'histoire, à ce que j'ai pu comprendre. Jeudi, après la troisième lecture des deux projets de loi nos 84 et 110, nous reviendrions à 116 s'il n'est pas terminé aujourd'hui.

M. Lavoie: Une dernière question, M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: En ce qui concerne le projet de loi sur REXFOR, est-ce que le gouvernement est d'opinion qu'il y a urgence d'adopter ce projet de loi durant cette partie, cette fin de session? Si on ne termine pas ce projet de loi, la troisième lecture, durant les quelques jours que nous avons devant nous, ce projet de loi pourrait être reporté à la prochaine session normale de 1979.

M. Charron: C'est exact, M. le Président. C'est l'assurance que j'avais donnée au chef de l'Opposition. Il s'agit uniquement, pendant que nos collègues de l'agriculture scruteront article par article le projet de loi, de permettre que sur un dossier ou sur un autre, c'est celui que le gouvernement a choisi, nous puissions avancer. Il n'est pas obligatoire pour nous, ni même dans notre intention d'attendre son adoption, même de principe, pour proroger cette session. (15 h 30)

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle. Permettez-moi, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale de poser une question à M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle. Est-ce que vous pourriez nous indiquer quelle sera la motion de demain, parce qu'elle appartient — suivant les compilations que j'ai faites — à l'Opposition officielle.

M. Lavoie: Je vous remercie, M. le Président, d'ailleurs c'était mon intention, avant de passer aux affaires du jour, de donner avis à cette Assemblée de la motion que nous proposons à l'Assemblée demain. Elle est inscrite en appendice au nom du député de D'Arcy McGee et se lit comme suit: Que cette Assemblée est d'avis que la commission permanente des affaires sociales se réunisse dans les meilleurs délais pour étudier les conséquences pénibles pour les familles avec enfants à charge de la décision du gouvernement de suspendre à leur égard l'indexation des prestations d'aide sociale. Demain, le député de D'Arcy McGee, je n'en doute pas, saura convaincre cette Assemblée d'adopter cette motion.

Le Président: Avis est donné en conséquence. M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: En vertu de l'article 34, M. le Président, je voudrais demander au leader s'il est de bonne humeur, premièrement.

M. Charron: Enormément.

M. Bellemare: D'accord, parce que, la dernière fois que je l'ai vu, il semblait dans un état pitoyable.

M. le Président, en vertu de l'article 34. Je comprends qu'il y aura une réunion des leaders à la salle 193-A, jeudi après-midi, après la période des questions. Est-ce confirmé officiellement? Est-ce que le leader pourrait nous dire s'il va s'agir des règlements sessionnels pour la session qui s'en vient ou si c'est pour d'autres raisons majeures, par exemple des moyens que veut employer le leader pour terminer cette session? Il a le droit, en vertu de l'article 30.2, de faire une motion pour siéger le lundi aussi.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Cela est vraiment trop loin encore pour que je puisse annoncer tout de suite: J'ai l'intention d'utiliser cet article du règlement.

La convocation de jeudi après-midi que j'ai faite à mes collègues leaders parlementaires est aux fins de prendre connaissance des modifications qu'ils souhaiteraient voir apporter au rè-

glement sessionnel que nous sommes à expérimenter cette année. Après avoir accepté au moins le dépôt de ces demandes, je les considérerai et je ferai rapport au Conseil des ministres; par la suite, lorsque la position du gouvernement sera arrêtée, je reprendrai les discussions avec mes collègues. L'important pour moi, jeudi, c'est d'accueillir les souhaits que vous voulez formuler, parce que j'ai encore comme objectif que le prochain règlement sessionnel soit adopté à l'unanimité de cette Assemblée.

M. Bellemare: Nous souhaitons la bienvenue au ministre de l'Agriculture, qui arrive à temps. J'espère qu'il va avoir l'occasion d'aller voir les cultivateurs.

Je demande maintenant au leader s'il croit suffisante une seule séance des leaders après que les articles considérés comme sessionnels auront été vus par les participants? Ne croit-il pas qu'il y aurait lieu d'avoir une autre réunion le plus tôt possible pour qu'après avoir étudié, nous, les règlements sessionnels on puisse revenir avec des suggestions?

M. Charron: Oui, oui.

M. Bellemare: Si on les a le matin ou dans l'après-midi à 4 heures et qu'on nous demande...

M. Charron: C'est convenu.

M. Bellemare: C'est convenu, il y aura une autre rencontre des leaders, très bien.

Le Président: Affaires du jour.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Excusez, M. le Président, article 3, s'il vous plaît, du feuilleton.

Projet de loi no 116 Deuxième lecture (suite)

Le Président: Merci. Alors, j'appelle maintenant la reprise du débat sur la motion de M. le ministre de l'Agriculture proposant que le projet de loi no 116, Loi modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, soit maintenant lu pour la deuxième fois.

En passant, peut-être qu'il n'est pas inutile de retourner au 21 décembre, comme si c'était hier. Le ministre de l'Agriculture avait déjà présenté son projet de loi, il avait été suivi du député de Montmagny-L'Islet, ensuite du député de Huntingdon, du leader parlementaire de l'Opposition officielle, de M. le député de Beauce-Sud; et le leader parlementaire du gouvernement avait parlé de 10 h 31 à 10 h 45, il avait donc utilisé 14 des 60 minutes auxquelles il a droit.

Il vous reste donc, M. le leader parlementaire du gouvernement, pour intervenir, 46 minutes, si mes calculs sont exacts.

M. Bellemare: Me serait-il permis, M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Bellemare: ... de vous faire remarquer que l'Union Nationale a eu droit à 22 minutes sur l'heure qui lui a été dévolue et jamais, dans son discours, le député de Huntingdon n'a souligné une seule fois qu'il parlait au nom du parti.

Je tiens à le souligner pour que tout à l'heure il n'y ait pas de problème.

Le Président: C'est noté. M. Bellemare: C'est noté?

Le Président: C'est noté, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, que M. le député de Huntingdon ne parlait pas au nom de l'Union Nationale.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Garon: M. le Président...

M. Lavoie: Est-ce le nouveau leader? Vous venez de nous présenter le leader parlementaire du gouvernement?

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de l'Agriculture.

M. Lavoie: Ah, bon!

M. Garon: Je voudrais soulever une question de privilège, M. le Président, parce qu'on m'a dit qu'en mon absence le député de Johnson a pensé que j'employais les trucs qu'il employait quand il faisait partie du gouvernement.

M. Bellemare: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre! J'ai dit, j'ai répété que vous aviez fait changer la date de vendredi pour celle d'aujourd'hui. C'est ce que j'ai dit.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, vous étiez de bonne humeur, restez donc de bonne humeur.

M. le ministre de l'Agriculture, brièvement, s'il vous plaît.

M. Garon: Je peux vous dire, M. le Président, que j'ai assisté à l'inauguration de la fromagerie Corneville, à Saint-Hyacinthe. On ne peut pas empêcher le progrès sous le gouvernement actuel! J'ai pensé être à temps pour la période des questions puisque l'ouverture était à 10 h 30, mais les dirigeants m'ont gardé pour le dessert, c'est-à-dire pour la fin. Comme il y avait un grand nombre d'orateurs et que le menu était chargé, je suis arrivé plus tard que prévu. Je pense que demain ou après-demain je pourrai répondre à toutes les questions du député de Johnson.

M. Bellemare: Allez donc parler aux cultivateurs, là!

M. Garon: Je suppose qu'il va encore me parler des porcheries de 30 cochons!

M. Bellemare: Certainement! On va vous en parler, laissez faire, vous n'êtes pas sorti du bois, certain!

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président, je pense qu'il est important qu'on puisse intervenir sur le projet de loi no 116. J'aimerais pouvoir me servir de mon droit de parole sur le projet de loi no 116.

Le Président: Vous aurez votre droit de parole tout à l'heure, après le leader parlementaire du gouvernement.

M. le leader parlementaire du gouvernement, il vous reste 46 minutes.

M. Claude Charron (suite)

M. Charron: Merci, M. le Président.

Comme membre du gouvernement, je suis heureux de reprendre — comme je vous l'avais indiqué d'ailleurs lorsque nous avons ajourné cette session à aujourd'hui — à cette occasion l'étude d'un projet de loi que non seulement à ce moment-là mais encore plus aujourd'hui j'estime extrêmement important pour les producteurs agricoles du Québec. J'affirmerai tout de suite, devant l'Opposition, qu'il y a certainement eu avantage, en ce qui nous concerne en tout cas — et j'espère qu'on le sentira dans ses interventions également — à ce que ce projet de loi connaisse un certain délai dans son adoption.

Des Voix: Ah!

M. Charron: Cela a eu pour effet premier, chez nous, de nous convaincre du bien-fondé du principe fondamental de ce projet de loi comme vient d'y souscrire, m'a-t-on informé, le chef du Parti libéral mais, en plus de cela, du bien-fondé de plusieurs des modalités qui, si elles avaient été acceptées, comme l'Assemblée semblait s'apprêter à le faire, le 21 décembre dernier, n'auraient pas conduit à la catastrophe, mais auraient permis à certains charlatans de continuer — je serai modéré — à mal informer les producteurs agricoles auxquels ils s'adressent.

Le fait que nous reprenions aujourd'hui ouvertement, et sans nous presser, l'étude de ce projet de loi aura, j'espère, un effet — pour ceux qui veulent bien entendre, bien sûr — d'information sur sa portée. L'ajournement m'a permis également, comme à bon nombre de mes collègues du Conseil des ministres, de parcourir un certain nombre de comtés du Québec, de rencontrer un grand nombre de producteurs agricoles et de discuter avec eux. J'ai rencontré des gens inquiets, j'ai rencontré des gens dissidents, mais j'ai rencontré un très grand nombre de citoyens dont les organismes — ou alors individuellement — avaient choisi, au cours du mois de décembre dernier, d'être parmi ceux qui réclamaient de cette Assemblée l'adoption de ce projet de loi. (15 h 40)

Quand je me présentais dans ces contrées du Québec, ils me demandaient, comme leader du gouvernement, si j'allais tenir parole et rappeler, tel qu'annoncé le 21 décembre, dès aujourd'hui ce projet de loi. Non seulement leur ai-je dit que je le ferais — ce que je fais — mais je leur ai dit qu'à cause de leurs inquiétudes et souvent parce qu'ils sont devenus des objets de manipulation dans certains coins du pays, il est important que ce débat leur apporte l'information qu'ils attendent.

Il est toujours bon de dire, lorsqu'on présente un projet de loi, pourquoi on le présente. Ce serait le point de départ, je pense. Le ministre de l'Agriculture l'a expliqué dans sa présentation de deuxième lecture. On s'est évertué à le dire à chaque occasion et je pense que, là-dessus, tout le monde le comprend encore.

Il s'agit de se soumettre ici aux institutions du pays auquel nous appartenons encore et à sa plus importante, qui s'appelle la Cour suprême, qui a décidé, il y a déjà quelques mois, que certaines lois à partir desquelles des organisations agricoles s'étaient établies au cours des années et qui émanaient du gouvernement fédéral étaient ultra vires. Entre nous, cela veut dire des lois qui n'auraient jamais dû exister parce que, dans ce domaine comme dans d'autres, le gouvernement fédéral se mêlait de ce qui ne le regardait pas. La Cour suprême a décidé que, si on veut réglementer la production et la mise en marché de produits agricoles, ce sont les provinces, dans ce pays, qui doivent le faire et non pas le gouvernement fédéral.

Vous comprenez, M. le Président, l'inquiétude qui a gagné immédiatement un certain nombre d'offices de producteurs agricoles du Québec parce que leur existence légale, leur droit de percevoir, leur droit de gérer et de réglementer se trouvaient du fait même balayés et, dans certains cas, les constructions d'hommes de bonne volonté depuis une vingtaine d'années étaient balayées par une décision de la Cour suprême.

Ce que fait le Québec aujourd'hui — il est la cinquième province à le faire au lendemain de la décision de la Cour suprême — c'est accepter de bon gré de prendre cette juridiction et de continuer de travailler avec les producteurs agricoles pour leur assurer une stabilité de revenu et ne plus les livrer en pâture comme le demanderait la fameuse loi de l'offre et de la demande. Autrement dit, non seulement nous voulons épauler ce qu'ils ont fait depuis plusieurs années, mais les aider à aller de l'avant. C'est une responsabilité qu'accepte avec plaisir le gouvernement du Québec et j'espère que l'Assemblée nationale, dans son entier, y souscrira après le nombre d'années que nous l'avons demandée.

M. le Président, si cette loi n'était pas adoptée, n'importe quel producteur agricole du Québec pourrait se présenter devant son office de producteurs, suivant le champ qu'il occupe, que cela soit

dans le domaine de la volaille, dans le domaine du bois, que cela soit dans le domaine du lait, et réclamer d'être remboursé pour toutes ses contributions depuis le début de l'existence du plan conjoint auquel il a souscrit.

Cela pourrait vouloir dire, dans certains cas, des sommes astronomiques. Non seulement, pourrait-il réclamer d'être remboursé, mais ceux qui doivent, en vertu des règlements de l'office, payer leur contribution se trouveraient lavés de leur dette à l'égard de l'office de producteurs pendant que d'autres qui se sont acquittés de leur dette à temps perdraient, à toutes fins utiles, leurs fonds.

C'est — je pense que le mot n'est pas trop fort — la faillite assurée de tous les offices de producteurs et donc de tous les plans conjoints si la loi 116 n'est pas adoptée. Non seulement cela met en péril, comme je viens de le dire, les offices de producteurs, mais les offices de producteurs existent en vertu de quoi? Ils existent à cause de l'existence d'un plan conjoint qui est adopté en vertu d'une loi, qui a respecté les impératifs que la loi avait imposés et qui a été reconnu comme plan conjoint par la suite devant affecter une partie de la production agricole du Québec.

M. le Président, les plans conjoints, puis-je en donner — et vous me permettrez de le dire — en profane, une définition de profane comme n'importe quel citoyen du Québec qui n'est peut-être pas habitué, comme je l'ai été pendant un certain temps, à connaître cet important aspect de la vie économique du Québec, et je dirais même de la vie sociale quand on pense au niveau de vie des producteurs agricoles du Québec?

Un plan conjoint, ce n'est pas — comme j'ai déjà vu un journaliste en parler à travers son chapeau — un plan fédéral-provincial. Un plan conjoint, c'est un groupe de producteurs — Us n'ont même pas besoin d'être très nombreux pour le créer — qui, en échange d'un prix moyen assuré, face au marché de leurs produits, acceptent — je dis bien en échange — entre eux une certaine discipline de production qu'on peut appeler ou qui s'appelle dans plusieurs cas des quotas. Ils acceptent, pour assurer que leurs produits agricoles leur assureront un revenu convenable après tous les efforts qu'ils ont faits et les investissements qu'ils ont faits, ils acceptent qu'entre eux, producteurs d'un même produit, ils quantifient la production individuelle de chacun en échange d'un prix stable. Autrement, si c'est la loi du plus fort, comme avant même l'existence des plans conjoints, le plus petit ne perce jamais et les plus gros, qui ont bel et bien leurs porte-parole — ils sont aux alentours du Parlement actuellement — les plus gros, qui ont bel et bien leurs porte-parole, ont la liberté du loup dans la bergerie. Un produit monte, attire les gens à investir dans ce secteur et, à un moment donné, il y a surabondance. On est obligé de jeter des produits tellement il y en a. Pas besoin de vous dire, M. le Président, que le prix chute.

Il y a un autre aléa de la vie qui se produit. Le prix devient plus stable et le prix monte. Aussitôt que le prix monte, la source de revenus attire un grand nombre de producteurs qui sont intéressés à s'y en aller et, automatiquement, leur arrivée produit une chute des prix. C'est à cause de ces hauts et ces bas, que commençait à l'époque à connaître l'agriculture québécoise, qu'il y a déjà plusieurs années le gouvernement du Québec s'est rendu à la demande, à l'époque, de l'Union des cultivateurs catholiques du Québec, et a décidé d'introduire ici l'existence des plans conjoints pour, précisément, protéger ceux qui s'adonnent à la production d'un produit agricole en particulier, leur assurer que demain matin, n'importe qui ne pourra venir leur enlever leur gagne-pain, leur assurer leur droit à la subsistance et leur assurer un prix moyen de revenu quant à la denrée qu'ils produisent. C'est une loi de l'Union Nationale qui, me dit-on, s'apprête à combattre ce projet de loi aujourd'hui. Mais c'est elle-même, en 1956, qui a établi au Québec l'existence des plans conjoints, 1956, M. le Président, et le premier à naître est né l'année d'après, tant le besoin était pressant. Aussitôt que la Législature du Québec leur a permis de le faire dans plusieurs secteurs, les producteurs agricoles ont commencé à bénéficier de ce projet de loi plutôt que d'être soumis aux aléas de la vie.

M. Bellemare: Oui, mais regardez quelle sorte de plan a fait le projet de loi 12.

M. Charron: Alors là, M. le Président, la loi qui a autorisé ces producteurs agricoles à se regrouper a été modifiée au fil des années. Elle s'est adaptée en cours de route, et ce que nous faisons aujourd'hui, ce n'est pas chambarder la Loi des marchés agricoles, mais c'est l'adapter à la réalité de 1979. Elle a été modifiée en 1958. C'est l'Union Nationale même, deux ans après avoir créé le projet de loi, qui introduisait la notion d'enquêteurs afin de surveiller l'application des plans conjoints. Elle a été modifiée en 1963 par le Parti libéral. C'est normal. Elle avait cinq ans d'existence. Elle a duré, mais toujours dans l'intérêt des agriculteurs et toujours à l'unanimité de l'Assemblée nationale. Des modifications ont été apportées en cours de route à la fameuse Loi des marchés agricoles. En 1968, l'Union Nationale, qui était revenue au pouvoir, a à nouveau modifié la loi. Les libéraux l'ont modifiée en 1971, l'ont modifiée en 1974; presque intouchée depuis ce temps, le gouvernement du Parti québécois y apporte aujourd'hui une modification dont je parlerai à l'instant. (15 h 50)

Le Québec était-il seul au monde à agir en ce sens? M. le Président, on dit même que c'est en Australie qu'a été conçue cette idée de regrouper les producteurs. Dans plusieurs pays européens, elle s'est appliquée. Ici même au Canada, la Colombie-Britannique a établi l'existence de plans conjoints dans certaines productions depuis 1927. L'Ontario avait même devancé le Québec. Le Québec était la cinquième ou la sixième province, en 1956, à établir cela. Nulle part, on n'a renoncé à l'existence des

plans conjoints. Dans ce débat, aux députés de l'Opposition qui s'apprêtent à intervenir, je demande s'ils souscrivent encore à l'idée de plans conjoints comme formule de développement économique de l'agriculture du Québec et de sécurité de revenu sociale pour ceux de nos concitoyens qui s'adonnent à cette activité. Si vous êtes contre les plans conjoints...

M. Roy: Ce n'est pas cela qui est dans le projet de loi.

M. Charron: ... alors il est bien simple...

M. Roy: Ce n'est pas cela qui est dans le projet de loi, voyons!

M. Charron: II est bien simple, M. le Président...

M. Roy: II ne faut pas charrier. Arrêtez de charrier quand même!

M. Charron: ... d'être à l'encontre des plans conjoints.

Le Vice-Président: A l'ordre! Un instant, s'il vous plaît! Un instant! M. le député de Beauce-Sud a déjà utilisé son temps. La parole est au leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Je veux seulement dire à ceux — enfin, je ne le sais pas, mais je ne lui prête pas d'intentions — avec qui le député de Beauce-Sud, me dit-on, a le goût de frayer...

M. Roy: M. le Président, je demanderais une précision. Compte tenu de l'importance du débat qu'il y a à l'heure actuelle, je ne me contenterai pas d'allusion. Je vais me contenter de faits directs. Que le ministre donne des précisions sur ce qu'il vient de dire et, si nécessaire, M. le Président, j'utiliserai mon droit de privilège en cette Chambre pour rétablir la situation.

M. Charron: D'accord.

M. Roy: Mais je n'accepte pas d'allusion.

M. Charron: M. le Président, je crois avoir lu dans les media d'information que le député de Beauce-Sud, sur ce projet de loi, est plutôt près de ceux qu'on appelle les dissidents que des porte-parole de l'Union des producteurs agricoles.

M. Roy: M. le Président, question de privilège. Le Vice-Président: D'accord.

M. Roy: L'honorable ministre sait très bien qu'en vertu du règlement — c'est un spécialiste et je ne conteste pas sa connaissance du règlement — on interdit même, à un moment donné, en cette Assemblée nationale, de faire allusion aux articles de journaux. M. le Président, j'ai apporté mon point de vue sur ce projet de loi 116. Il y a eu des réunions, mais en aucun moment je n'ai voulu m'identifier à quelque groupe que ce soit, que ce soit de l'UPA ou des dissidents. Si le député de Saint-Jacques veut s'identifier à un groupe, c'est son affaire à lui. Je n'ai pas de directive à lui donner, mais je me suis bien gardé de ne m'identifier à aucun groupe pour garder une ligne indépendante, pour garder une liberté de manoeuvre et être capable d'utiliser mon droit de vote et mon droit de parole en connaissance de cause, mais en toute justice, à l'endroit de la classe agricole dans son ensemble.

M. Charron: D'accord.

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire.

M. Charron: D'accord. Pour le député de Beauce-Sud, c'est toujours ni oui ni non. Je respecte le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, je regrette. M. le Président, question de privilège. Question de privilège, M. le Président. Ce n'est pas une question de ni oui ni non dans le projet de loi. J'ai dit au ministre — je ne veux pas reprendre le débat du 21 décembre — : La partie du projet de loi qui vise à corriger le vide créé par la Cour suprême, il n'y a pas de discussion à ce sujet. Ce n'est pas une question de ni oui ni non. J'ai dit: Oui, il faut que la loi soit adoptée. J'ai même donné mon consentement pour que cette partie de la loi soit votée avant Noël. Alors, qu'on ne vienne pas charrier. Quant à l'autre partie du projet de loi, j'ai des choses à dire et je tiens à dire à l'honorable leader du gouvernement et à cette Chambre que ce ne sera pas ni oui ni non; je n'ai pas de patins dans les pieds ma position sera claire et nette.

M. Charron: Bon!

Le Vice-Président: Bon! Un instant quand même! Je n'ai pas envie que cela devienne un dialogue. Vous avez tout votre temps.

M. Bellemare: Je voudrais vous donner un point de vue qui est tout à fait spécial.

Le Vice-Président: Non. Est-ce une question de règlement ou de privilège?

M. Bellemare: C'est une question pour continuer le privilège de l'honorable député. C'est une question qui est purement démocratique, M. le Président. Dans les circonstances, l'honorable député de Beauce-Sud a raison parce que, en vertu des articles 48, 49 et 50, il s'agit...

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, avec tout le respect que je vous dois, je pense que M. le député de Beauce-Sud peut se défendre lui-même.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je crois qu'il n'est pas exagéré de dire que ceux qui s'opposent à ce projet de loi actuellement, comme mon collègue de l'Agriculture l'a affirmé, ne sont pas des figures inconnues pour tous ceux qui ont assumé la fonction qu'il occupe actuellement dans le passé, pour ceux qui se sont intéressés à ces questions plus que pour le plaisir de le faire.

J'ai mentionné le nombre de fois que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles a été modifiée; c'était tout à fait normal dans l'évolution d'une loi qui a aujourd'hui 23 ans. Mais, c'est une chose qui n'a jamais été acceptée dès le début, en particulier de ceux qui bénéficiaient du système au départ, il faut bien s'en apercevoir, ceux pour qui l'offre et la demande, la loi économique naturelle comme on l'appelle, avait plutôt des avantages que des inconvénients par rapport aux petits producteurs qui étaient parfois balayés littéralement de la carte devant les plus gros. Ceux-là ne l'ont jamais acceptée et chaque fois que l'Assemblée nationale s'est appliquée à moderniser la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, ils étaient dans les parages. Ils ont des moyens, à part cela, d'aller même chercher d'honnêtes producteurs agricoles et de les convaincre à l'occasion — je les respecte, j'ai discuté avec eux à chaque fois que je les rencontrais — de certaines appréhensions qu'ils pourraient avoir au sujet du projet de loi.

Il ne faut pas être surpris de voir sur les pancartes, tellement ils découvrent leur jeu eux-mêmes, que non seulement ils revendiquent le retrait du projet de loi no 116, autrement dit la mise à terre des plans conjoints au Québec, mais — ils le disent eux-mêmes — qu'ils revendiquent même l'abolition de la loi créant le syndicalisme agricole, la Loi de l'Union des producteurs agricoles qui a été votée ici. Ils n'acceptent rien de ce qui s'appelle la protection des producteurs agricoles. Ils veulent la loi libre où, morceau par morceau, terre par terre, ferme par ferme, ils vont pouvoir s'approprier la majorité d'une production agricole et soumettre tous les autres producteurs agricoles, où qu'ils soient dans le Québec, à leur loi, à leurs règlements, à leurs prix. Ils vont passer après qu'eux auront passé quelque part.

M. le Président, dans ces circonstances, que, dans trois ou quatre ans l'Assemblée nationale soit appelée à nouveau à toucher à la Loi de la mise en marché des produits agricoles pour l'adapter aux circonstances de l'époque, je vous assure qu'ils seront à nouveau ici. Ils l'ont été au moment du projet de loi no 12 qui était présenté par le Parti libéral. Je m'en souviens, j'étais ici à l'Assemblée à cette époque. Je dis que c'est leur droit le plus ferme, leur droit le plus strict, mais c'est sûr que je ne m'évertuerai pas à chaque fois à reprendre un débat que l'Union Nationale a tranché en 1956, que les libéraux ont appuyé en 1963, que l'Union Nationale a réappuyé en 1968, que les libéraux ont modifié à nouveau en 1971 et 1974 et que le Parti québécois met à jour en 1979. Je ne suis pas surpris de cela. Je ne perdrai certainement pas mon temps et je n'inviterai non plus per- sonne à perdre son temps à reprendre un débat qui, pour nous, est déjà tranché. Les plans conjoints sont faits pour exister. C'est le seul moyen d'assurer le développement rationnel de cette partie de notre économie québécoise et c'est le seul moyen de protéger l'agriculteur québécois de la loi du loup dans la bergerie.

M. le Président, — j'ai discuté avec des producteurs agricoles d'ailleurs — le député me demandait pourquoi j'étais content. J'ai été visiter le comté de Johnson au cours de la dernière semaine et j'ai eu le plaisir de rencontrer des gens très affables qui sont les électeurs du député. J'ai eu aussi l'occasion d'avoir une discussion très civilisée, très courtoise et très agréable avec plusieurs producteurs agricoles de ce coin. J'ai compris un certain nombre d'interrogations qu'ils avaient, non pas parce que ces citoyens étaient nécessairement — loin de là — de mauvaise foi, mais je crois qu'ils avaient été, en bonne partie, mal informés.

J'ai eu l'occasion de tomber sur un document signé par Mme Gilberte Côté-Mercier, bien connue: "Québec tombé aux mains des communistes", à l'encontre de la loi 116. Je ne dis pas que tous ces producteurs se nourrissent de ce genre de feuille de chou, M. le Président, mais je dis quand même que quand toutes les forces reconnues comme étant les plus rétrogrades au Québec continuent à les alimenter, c'est normal que dans la tête et dans l'âme de certains de nos concitoyens qui vivent sur des terres du Québec il y ait des questions auxquelles il faille répondre.

On nous dit, par exemple, que par ce projet de loi, en plus d'accepter la décision de la Cour suprême, on se donne un pouvoir que nous n'avions jamais eu auparavant, celui de contrôler la production. On dit qu'on avance, c'est un peu le langage de cette feuille, jusque dans l'intimité de la production agricole, de l'agencement de la vie d'un citoyen qui a choisi cette activité économique pour gagner sa vie. (16 heures)

M. le Président, est-ce la première fois que le gouvernement du Québec mentionne qu'il autorise les offices de producteurs à contrôler la production? L'article 67c de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, avant même la loi 116, dit ceci: "L'office de producteurs peut par règlement: contingenter la production et la vente — je dis bien contingenter la production et la vente — fixer le temps et le lieu de la mise en marché et prohiber la mise en marché faite à l'encontre d'un règlement adopté en vertu du présent paragraphe". Est-ce qu'on innove? Cet amendement date de 1974, il existe toujours, il a toujours été appliqué; c'est un amendement de 1974 du ministre Toupin, est-ce qu'il doit être abrogé?

La Cour suprême nous a invités à le clarifier. Ce qui concerne le marché interprovincial, cela relève du fédéral et le jugement dit: Ce qui concerne le marché intraprovincial et la production, c'est de juridiction provinciale. Ce que fait l'article 3 du projet de loi no 116 en modifiant 67c,

ce n'est pas le changer, c'est le mettre à jour et affirmer cette réalité. D'autre part, M. le Président, dans les lois que le fédéral avait faites, qui viennent d'être déclarées non valides, on réglementait aussi la production agricole. Ce n'est pas nous qui l'inventons. La Loi sur l'organisation du marché des produits agricoles, la loi de 1971, celle-là, du gouvernement fédéral, à l'article 2 qui vient d'être déclaré ultra vires, mentionnait bien que l'office au niveau canadien avait droit de réglementer la production. En Ontario, M. le Président, cet exemple qui fait toujours frémir les coeurs, The Farm Products Marketing Act, comme s'appelle la loi équivalente à notre Loi sur la mise en marché des produits agricoles, a aussi le même règlement de production.

Je viens de mentionner la loi actuelle à l'article 67c. L'article 85 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles dit très bien que, pour produire, un agriculteur doit obtenir de la Régie des marchés agricoles un permis pour ce faire. Ce n'est pas nouveau et tous les agriculteurs l'ont accepté. Autrement, n'importe qui va s'improviser producteur de n'importe quoi et ceux qui ont mis leur énergie, ont investi leur argent pour bâtir une exploitation agricole rationnelle vont, demain, matin, être balayés de la carte si on le fait. Tout le monde a souscrit à ce principe. Chaque fois que l'Assemblée nationale a été appelée à voter là-dessus, on a toujours dit oui unanimement. Ce que fait le projet de loi, c'est reconnaître qu'on est rendu là. Ne nous contons pas de peurs comme je le disais à un certain nombre d'agriculteurs. Quand on dit: Contrôler la mise en marché, c'est correct, mais ne pas contrôler la production, il ne faut pas tomber sur la tête non plus. On ne peut pas inviter des citoyens à produire sur le plan agricole indépendamment de ce qu'ils ont le droit de vendre par la mise en marché. Quel est l'intérêt économique d'un agriculteur dont le quota de lait, par exemple, est de 300 000 livres par année d'en produire 400 000? Quel est l'intérêt économique? Je sais que tout le monde a à l'esprit une chose, une possibilité de marché noir. Ce n est pas une réalité qu'on peut sortir des musées. Les producteurs agricoles rencontrés dans le domaine des oeufs, en particulier, évoquent l'existence connue de marchés noirs à certaines occasions qui ont pour effet encore une fois, malgré tous les efforts du plan conjoint, de galvauder les prix et de faire intervenir une concurrence déloyale. Essentiellement, M. le Président, le contrôle de la mise en marché a, et depuis longtemps, des effets jusque dans la production.

Quand, par exemple, on a voulu au niveau fédéral contrôler la mise en marché des oeufs, c'est le gouvernement fédéral qui a envoyé des enquêteurs pour aller chez les producteurs vérifier le nombre de poules. Quand on parle des poules pour les oeufs, est-ce qu'on ne parle pas de production? M. le Président, est-ce qu'il n'y a pas déjà des interventions dans ce domaine qui se sont faites? Quand on dit fixer le temps et le lieu, est-ce que ce n'est pas déjà connu que les quotas pour les volailles, par exemple, se déterminent en fonction du nombre de pieds carrés qu'un producteur agricole ou avicole possède à ce moment-là? Est-ce que ce ne sont pas déjà des pratiques établies? Plutôt que de crier au renversement de situation, tout ce monde n'est-il pas déjà habitué de travailler dans ce domaine?

Un producteur agricole de Saint-Nazaire d'Ac-ton me disait: Mais si moi je veux produire 350 000 livres de lait, parce qu'avec les 50 000 supplémentaires au quota que j'ai, j'ai l'intention, par exemple, comme c'est le cas, et c'est normal, de nourrir les veaux en vue d'une autre production agricole? Cela s'obtient au moment du quota de production et du quota de mise en marché. Tout le monde sait le mécanisme pour obtenir ces quotas. Ils sont connus depuis des années également. Ce n'est pas le gouvernement, ce ne sont pas les fonctionnaires du gouvernement qui les décrètent, les quotas, et qui décrètent les règlements de production. Ce sont les offices de producteurs eux-mêmes qui les déterminent.

Avant d'entrer dans ce sujet, puisqu'on parle souvent du carcan dans lequel la production agricole se trouvera enfermée demain, qui va être un bon point et mon dernier point avant de conclure, je voudrais dire, une fois de plus, que non seulement nous n'innovons pas au point de renverser la vie économique de tous ces concitoyens, mais nous précisons, à l'invitation de la Cour suprême du Canada, les pouvoirs qui nous sont octroyés actuellement. On veut aussi, en l'affirmant dans l'article 67c, tel que le dit l'article 3 du projet de loi, effectivement, contingenter la production, c'est-à-dire éviter des scènes aussi absurdes que celles qu'on a connues dans le Québec où, par une production non contrôlée et du fait que la mise en marché, elle, était réglementée, on a dû littéralement détruire des biens agricoles qui avaient été produits. L'enterrage des oeufs par des bulldozers, ce sont des scènes que des gens ont connues dans le Québec. Le marché noir, je l'évoquais tantôt, ce sont des scènes que des gens connaissent aujourd'hui dans le Québec. Des faillites aussi, pour ceux qu'on a laissé investir leur argent pour ensuite apprendre que leur quota de mise en marché est plus petit que le quota de production auquel ils se sont livrés et dans lequel ils ont investi leur argent. Ce sont des choses que les gens peuvent connaître aussi plus tard.

Quel intérêt avons-nous à laisser cette possibilité théorique à n'importe qui de produire tant d'acres ou tant de têtes, tant d'oeufs ou tant de bois par année si, dans les faits, lorsqu'il se présentera pour obtenir son quota de mise en marché, ils vont lui rester sur les bras? Quel intérêt avons-nous à le laisser investir son argent, son temps si, dans le fond, dans le plan conjoint dans lequel il vit, il sait déjà que la mise en marché de son produit, — et il l'accepte déjà — est réglementée et contingentée?

Autre point aussi qui est important à souligner. On n'est pas tout seul sur la planète. Le pays auquel on appartient encore est membre d'accords internationaux aussi, à l'occasion, qui peuvent avoir des effets plus que vivants chez nous.

Le Kennedy Round, par exemple, invite chacun des participants, ceux qui signent, à eux-mêmes déterminer et à s'engager à une production agricole maximum sur leur territoire, qui inclut même le réseau d'exportations naturelles qu'ils ont, mais pas au-delà de cela. Autrement, le "dumping" est permis; autrement, la frontière du pays n'est plus imperméable. Ce que j'évoque comme cas très précis, c'est que, par exemple, si on avait ici au Québec une production désordonnée de volailles, au-delà de ce que le plan national, qui donne déjà un grand avantage au Québec, nous permet d'avoir, si nous défoncions, et que c'était connu, cette norme de production ici, il n'y a rien qui interdirait aux Américains de faire un "dumping" de volailles chez nous. Et allez demander aux agriculteurs si c'est intéressant pour une stabilité de revenu et si c'est intéressant pour des prix à maintenir. On a une parole à respecter aussi, dans des accords internationaux. Je ne pense pas que ce soit dans l'intérêt de quiconque d'y manquer actuellement.

M. le Président, j'évoquais tantôt les possibilités théoriques que peut avoir un producteur agricole de produire à bon gré. Mais l'établissement du contrôle de mise en marché est un fait déjà connu. Encore une fois, le projet de loi no 116 ne nous fait pas tomber aux mains des communistes ou ne nous amène pas dans une société interplanétaire. Il ne fait que reconnaître ce que la majorité des producteurs agricoles du Québec veulent, comme ils l'ont exprimé chaque fois que nous avons reçu ces listes de télégrammes de gens de tous les coins du Québec qui comprennent très bien que le plus grand malheur pour le développement de l'économie québécoise, ce serait la faillite des plans conjoints. Qu'ils soient améliorés, les plans conjoints, j'ai eu l'occasion d'en apprendre plus que d'en informer les citoyens, au cours de ces tournées. Elles ont un très bon effet sur les hommes politiques qui se promènent aussi. J'en demeure convaincu. Mais n'est-ce pas une responsabilité des producteurs agricoles eux-mêmes? Je pense qu'ils seraient les premiers à ne pas vouloir que les technocrates du ministère de l'Agriculture, comme j'en ai entendu parler, ou encore moins les députés citadins mêlés aux députés ruraux, aient l'occasion d'intervenir dans ce domaine. (16 h 10)

Ils le fixeront eux-mêmes, entre eux, puisque les offices de producteurs, qui ont le pouvoir, en vertu de la loi, de faire des règlements visant à la vie des plans conjoints, sont une émanation des producteurs eux-mêmes. Il n'est pas question de retirer aux producteurs agricoles du Québec ce droit de gérer eux-mêmes, entre eux, les assemblées générales de producteurs pour contrôler les offices; c'est prévu dans la loi, cela doit demeurer, cela doit même s'améliorer, mais personne ne veut retirer au citoyen qui a à contester...

On a annoncé un amendement qui va permettre à un producteur, s'il se sent lésé, de faire appel à la Régie des marchés agricoles pour avoir un appui dans sa démarche, mais c'est entre eux que ces citoyens, qui ont fait la preuve de leur dynanisme, de leur capacité d'invention et de leur capacité de gestion de leur propre affaire, doivent continuer à le faire. Quand on parle d'un carcan syndical dans lequel les producteurs vont être enfermés, on présuppose toujours au départ qu'on va tomber dans le plus grand obscurantisme qu'on puisse imaginer. Il y a toujours des prophètes du cataclysme automatique, aussitôt qu'on dit simplement, comme s'ils n'étaient pas assez grands pour s'organiser entre eux, que cela va automatiquement arriver. Le ministre a fait part aux membres de la commission parlementaire que, pour rassurer les gens sur cet aspect, nous allons introduire, lors de l'étude article par article, des amendements comme celui que je viens de mentionner et qui vont permettre aux producteurs, s'ils se sentent lésés à l'intérieur d'un règlement émanant d'un office de producteurs, de faire appel à la régie.

C'est connu. Il ne faut pas faire semblant qu'on l'apprend; tous les députés intéressés à la question ont eu ces amendements avant même le 21 décembre dernier, quand on s'est quitté. On va retirer du projet de loi le pouvoir de l'office d'acheter directement ou de vendre les surplus. C'est annoncé. Le député est au courant aussi que l'article 77 va également être modifié afin de retirer — c'est à la demande des coopératives que le ministre l'a fait, lesquelles appuient maintenant le projet de loi — la possibilité pour l'office de producteurs — je cite le projet de loi même — "d'imposer et de percevoir des contributions" en vertu de l'article 77. Ce sont des modifications que des gens de bonne volonté font connaître.

Si les députés de l'Opposition, plutôt que d'épouser inconditionnellement n'importe quel épouvantail à moineau, veulent travailler au projet de loi lors de l'étude article par article, on améliorera le projet de loi également. N'est-on pas d'accord, tous ensemble, pour dire que ce projet de loi mérite — à cause du risque que la loi actuelle du fédéral, devenue désuète, laisse caducs un certain nombre de plans conjoints — qu'on travaille le plus rapidement possible à son adoption? Je veux enlever pour une dernière fois si possible cette inquiétude que des producteurs agricoles m'exprimaient de se voir balayer de la carte littéralement par des règlements.

L'office de producteurs agricoles en vertu de la loi actuelle — cela, on ne le change pas, on n'a pas l'intention de le changer et je pense ne pas parler à travers mon chapeau ni devancer les propos du ministre de l'Agriculture en disant que ce n'est même pas notre intention à moyen terme, parce que c'est capital dans l'organisation de la vie agricole du Québec — l'office de producteurs d'une denrée particulière, en vertu des articles 67 et 68 du projet de loi, doit voter un règlement. En vertu de l'article 71, il doit le soumettre à la régie avant qu'il soit accepté. La régie, elle, peut décider d'obliger, en vertu du même article 71, l'office à convoquer une assemblée générale des producteurs avant que le règlement ne soit appliqué ou elle peut l'obliger, en vertu de l'article 70, à

procéder par entente sans qu'on ait beson de se rendre à un règlement.

Toutes ces cautions, tous ces coussins pour respecter les producteurs agricoles du Québec sont déjà dans le projet de loi, sont maintenus dans le projet de loi. Tout ce qu'on veut faire, actuellement, c'est d'épauler cette démarche qui est déjà connue par la grande majorité des producteurs agricoles du Québec.

M. le Président, je veux conclure en disant que ce projet de loi, à mon avis, est une pierre de plus dans l'édifice au service de la classe agricole du Québec que le gouvernement du Parti québécois a essayé de construire depuis le début de son mandat. Il s'agit, non seulement de reconnaître une réalité qui fait l'affaire de tous, sauf de ceux qui ont été et qui seront les éternels mécontents de l'existence des plans conjoints, mais également, s'ajoutant à la loi de la protection des terres agricoles, s'ajoutant à un certain nombre de mesures annoncées au cours du mandat du Parti québécois, d'essayer de consolider non seulement le respect pour cette catégorie de citoyens de chez nous, mais aussi l'importance économique qu'ils occupent dans notre vie collective.

Je crois que nous sommes quand même devant un grand phénomène dans ce projet de loi, et je le dis à l'intention de ceux qui se préparent à intervenir peut-être à l'encontre... Je n'en ai pas vu souvent — on me dira s'il y en a eu souvent — des projets de loi qui ont regroupé, dans l'appui au projet de loi, le syndicalisme agricole et les coopératives. C'est pourtant le cas du projet de loi 116 actuellement. Ils ne se sont pas toujours épousés, mais nous avons ici un texte que je pourrais citer, mais je sens, seulement à entendre le député se gourmer, qu'il a déjà connu ce texte et que nous sommes devant une réalité importante.

Maintenant, il y a des inquiétudes qui vont toujours rester. Je peux bien lire le texte, parce que c'est important. Dans le "Coopérateur agricole", numéro de janvier, je crois, on dit: "Dans tous ses contacts avec l'Etat, la Coopérative fédérée affirmait et réaffirmait qu'elle n'avait jamais, ni de près, ni de loin, adhéré ou donné son appui au mouvement d'un groupe de producteurs dissidents." Je pense qu'il est important de reconnaître que non seulement l'Union des producteurs agricoles, d'emblée, depuis décembre, réclame l'adoption de ce projet de loi pour éviter la chute des plans conjoints, mais que d'autres viennent de se joindre à elle et qu'ils représentent, je pense, ensemble — on l'admettra au moins — la très grande majorité des producteurs agricoles du Québec.

Je laisse un message quand même, M. le Président — parce que plusieurs ministres ont eu la même leçon au cours de la dernière semaine de tournée — à l'Union des producteurs agricoles du Québec: Expliquer, réexpliquer son fonctionnement, rejoindre, prendre le temps de redire à chacun de ses membres, de ses producteurs agricoles la portée non seulement du projet de loi, mais d'un règlement émanant d'un office de producteurs, le régime des quotas, les coupures, aussi, que certains connaissent sur leur quota d'année en année, expliquer pourquoi cela arrive et comment, dans le fond, puisque nous le croyons tous, c'est dans l'intérêt de tous que cela continue à fonctionner ainsi puisque le contraire serait pire — mettons cela comme tel — parce que l'absence de pareils organismes aurait comme le dit le jugement de la Cour suprême et j'emploie son mot, l'absence aurait des effets catastrophiques.

Au fond, si l'UPA accepte cette responsabilité et je crois qu'elle doit l'assumer mieux qu'elle ne le fait actuellement... Je le dis en tout respect pour ceux qui y travaillent, mais j'ai senti quand même — ce sont des citoyens du Québec qui se sont exprimés — que ce n'est pas contre le projet de loi 116 qu'ils en avaient tellement, mais que le degré d'explications qu'ils devaient en recevoir ne paraissait pas suffisant.

Malgré le remous qu'il peut créer et qu'il créera au cours des prochaines heures de débat de cette Assemblée — le député de Lévis et ministre de l'Agriculture me permettra de le dire ce n'est quand même pas un projet de loi historique. Il s'agit d'accepter une juridiction qui vient d'être reconnue au Québec et de l'accepter de bon gré. Je pense que, là-dessus, l'unanimité de l'Assemblée est déjà assurée. D'autre part, il s'agit de mettre à jour, sans bouleverser. Je me suis efforcé de démontrer tout ce qui est régularisé déjà; si cela n'existe pas déjà dans la loi — puisqu'il faut bien aller voir dans la loi ce qu'elle dit déjà — cela existe au moins dans les faits. Il s'agit de conditions de vie qu'une grande majorité de ceux qui sont dans le syndicalisme agricole ou dans les coopératives connaissent déjà, acceptent déjà. L'Assemblée n'a pas à se laisser bousculer par ces gens; c'est leur liberté, et je comprends très bien pourquoi. Auparavant, je vais reprendre mon expression de tantôt, c'était la liberté du loup dans la bergerie; ils étaient probablement plus à l'aise qu'avant de devoir se soumettre à un front commun de producteurs agricoles pour négocier les prix. (16 h 20)

C'est évident que c'est plus dur pour les gens qui achètent ces produits agricoles aux fins de les transformer. C'était plus agréable de les prendre bouchée par bouchée, pièce par pièce, mais cette étape est révolue. Elle est révolue depuis vingt-trois ans au Québec et ceux qui sollicitent de ce gouvernement de revenir en arrière frappent sans aucun doute à la mauvaise porte.

M. le Président, c'est un drôle de projet de loi parce que, s'il est adopté, dans un certain sens, il n'arrive rien. Les plans conjoints continuent à être validés. Ils continuent à exister légalement. Les contributions qui sont perçues sont légales. On régularise. On prend à notre compte ce que le fédéral avait déjà accepté. Donc, il n'arrive rien de ce côté. Quant au contrôle de la production et de la mise en marché, nous ne faisons qu'adapter une loi à la réalité de 1979. C'est un drôle de projet de loi parce que, s'il est adopté, il n'arrive à peu

près rien, sauf une poursuite un peu plus éclairée d'une loi qui, je pense, chaque fois qu'elle a été soumise à l'Assemblée, a reçu l'assentiment unanime de tous. Si elle n'est pas adoptée, c'est la catastrophe, comme le dit le jugement de la Cour suprême à je ne sais plus quelle page. Il dit là-dedans que, si vraiment cela devait arriver, tout peut s'effondrer. J'espère que l'unanimité de l'Assemblée existera pour éviter la catastrophe. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Maskinongé.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: M. le Président, je pense que nous sommes heureux au Québec d'avoir depuis au moins trois ans, puisque je peux faire un retour en arrière, de bons agriculteurs de salon au niveau du salon de la race. Il y a déjà trois ans, j'ai vécu moi-même comme député de l'Opposition, d'arrière-ban, comme député aussi au pouvoir, d'arrière-ban, une rétrospective de l'agriculture faite par le ministre de l'Education actuel, M. Jacques-Yvan Morin, qui défendait les agriculteurs au Québec. Je viens d'entendre, M. le Président, comme vous d'ailleurs, le ministre délégué au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports défendre les agriculteurs au Québec. Je sais qu'il a visité dernièrement, dans le blitz que le gouvernement faisait, le comté de Saint-Maurice dans la belle Mauricie. Mais je peux vous dire qu'il n'a pas rencontré beaucoup d'agriculteurs. Je peux vous dire que l'expérience du ministre délégué au Haut-Commissariat à la jeunesse, aux loisirs et aux sports, le leader du gouvernement, au niveau de l'agriculture est non seulement très mince, mais presque inexistante.

On peut se rendre compte, nous de l'Opposition officielle, le Parti libéral, que, lors de la dernière session qui se poursuit présentement, c'est-à-dire les 20 et 21 décembre derniers, le gouvernement actuel, contrairement à ce qu'il avait prôné lorsqu'il était dans l'Opposition, a apporté une multitude de lois ici même en cette Chambre pour les faire adopter par le Parlement. A l'intérieur de ces lois, il y avait la loi 116.

Je suis heureux d'avoir eu l'occasion, comme membre de l'Opposition officielle, de retarder l'adoption de la loi 116, afin de consulter les agriculteurs de chacun de nos comtés. Lors de cette consultation — d'ailleurs, je dois vous dire que le chef du Parti libéral a fait une consultation... Il y a présentement des agriculteurs dissidents devant le parlement. C'est bien sûr que ce n'est pas la majorité qui est dissidente. C'est bien certain que, quand on légifère, on doit le faire à l'intérieur d'un cadre donné et non pas le faire pour des dissidents. Mais je pense qu'il est important, comme membres de l'Assemblée nationale qui siègent ici, que nous soyons à l'écoute de ces agriculteurs et que nous tentions au moins de répondre à leurs questions. Peu importe ce qui se passe, peu importe la validité de leur contestation, peu importe qu'ils aient raison ou non, ce qui est important, c'est qu'il y ait au moins un représentant du ministère de l'Agriculture. Or, c'est le ministre de l'Agriculture qui doit leur répondre. Ce n'est pas l'Opposition qui doit répondre aux questions des dissidents qui se trouvent devant le parlement. C'est sûr que ce n'est pas drôle d'avoir des dissidents, mais je pense que des points doivent être respectés et c'est le ministre de l'Agriculture qui doit répondre à leurs questions. Malheureusement, M. le Président, cet après-midi, le ministre de l'Agriculture n'est pas ici. Il est allé inaugurer une certaine...

Une Voix: Une fromagerie.

M. Picotte:... formagerie, entre autres, dans le comté de Saint-Hyacinthe. Ecoutez! C'est facile d'invoquer l'histoire des agendas. Je peux vous dire que le 28 avril, par exemple, je serai à tel endroit; le 4 mars, je serai à un autre endroit dans mon comté. C'est facile de dire cela. Pourquoi le ministre de l'Agriculture n'est-il pas ici présent cet après-midi pour répondre aux dissidents qui sont devant le parlement, leur donner une réponse? On discute de ce projet de loi 116 depuis avant l'ajournement des Fêtes. Le député de Laval, entre autres, en a mentionné certains points. Il y a au moins quatre articles dans le projet de loi 116, qui comporte sept articles, qui sont de droit nouveau. Nous avons demandé, comme Opposition, autant l'Union Nationale, le PNP que le Parti libéral, qu'il y ait au moins une consultation. Il y en a qui ont demandé une commission parlementaire. Elle a été refusée. Je vais aller jusqu'à demander un référendum parmi les agriculteurs. Ce n'est pas bien compliqué. L'UPA défend les agriculteurs et elle dit au gouvernement que tous les agriculteurs sont d'accord sur le projet de loi 116. Je pense qu'elle ne devrait pas être contre un référendum concernant la loi 116. (16 h 30)

J'ai rencontré personnellement — je dois le dire — des dissidents, autant de mon comté que des comtés environnants, qui m'ont dit: M. Picotte, on n'a pas d'objection au projet de loi no 116; si le gouvernement veut décréter un référendum, on est prêts, nous les dissidents, à l'assumer et on est prêts à en discuter avec tous les agriculteurs du Québec. Donc, c'est facile. L'UPA dit qu'elle est majoritaire avec ses membres, les dissidents n'ont pas peur d'un référendum et le ministre de l'Agriculture ne veut pas donner un référendum. C'est quoi, cela veut dire quoi, M. le Président?

Je vais aller plus loin que cela. Je ne l'accuse pas, M. le Président, mais quand même. Je ne sais pas si vous vous souvenez, cela fait déjà un an que la Cour suprême du Canada a décrété qu'il fallait légiférer du côté du projet de loi no 116, surtout l'article 7. Ne parlons pas des autres articles parce qu'on a déjà demandé de scinder le projet de loi et il m'a l'air que ce n'est pas possible. On a demandé de scinder le projet de loi, M. le Président; la Cour suprême a dit qu'on devrait légiférer de telle façon. Cela fait un an, exactement, et le mi-

nistre de l'Agriculture n'a pas daigné répondre aux voeux de la Cour suprême. Pourquoi, M. le Président? Est-ce que le ministre attendait de passer son projet de loi no 90 en même temps que le projet de loi no 116? Est-ce que l'UPA — et là, je ne les accuse pas, loin de là — a été dupe du ministre de l'Agriculture actuel — parce que l'UPA n'est pas coupable — qui, lui, a lésiné pendant neuf mois, dix mois avant d'amener cette correction que la Cour suprême lui demandait? Est-ce cela, M. le Président, et est-ce qu'on doit blâmer l'UPA? Loin de là.

M. Caron: M. le Président, je m'excuse à l'endroit de mon collègue de Maskinongé.

Le Vice-Président: M. le député de Verdun.

M. Caron: Cela est une loi importante et urgente; on est ici à cette date, au mois de février, et on n'a même pas quorum; il n'y a quasiment pas de membres, il y a plus de membres de l'Opposition. Je pense que c'est désagréable à voir et j'espère que le whip ministériel court après ses députés et les ministres en plus, le leader du gouvernement...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Verdun, vous avez le droit d'invoquer le défaut de quorum mais vous ne pouvez pas faire un débat. Je constate qu'il y a quorum. Je constate maintenant qu'il y a quorum.

M. Caron: Vous êtes assis, bon. Merci, M. le Président. Je voudrais, pour les gens qui regardent la télévision, dire qu'au moment où je l'ai demandé il n'y avait pas quorum. Je pense que c'est normal.

Le Vice-Président: Bon, d'accord. On va finir cela très brièvement. Au moment où vous l'avez demandé, je n'ai pas constaté officiellement qu'il n'y avait pas quorum, c'était votre droit. Au moment où je l'ai constaté, à ce moment-là, il y avait quorum.

M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Je disais qu'au moment même où je vous parle — et je parle de ce qui s'est passé la semaine dernière dans le comté de Maskinongé entre autres, et dans plusieurs comtés — l'UPA se promène et convoque les agriculteurs, ses propres membres, à des réunions pour essayer non seulement de discuter mais de leur vendre le projet de loi no 90.

Donc, M. le Président, la loi 90, moi pour un et pour l'Opposition officielle, elle a été votée, adoptée, les agriculteurs sont poignés avec et ils doivent vivre avec. Pourquoi l'UPA présentement se promène-t-elle dans les comtés pour vendre la loi 90 alors qu'on doit étudier présentement, au moment où je vous parle, la loi 116? Pourquoi?

Le Vice-Président: C'est pour cela que je vous demanderais de revenir à la loi 116.

M. Picotte: C'est cela, M. le Président. Je commence à me demander, M. le Président — et vous allez comprendre parce que vous êtes intelligent, du moins j'ai l'impression, en vous regardant, que vous l'êtes — j'ai l'impression qu'avec la loi 116, il y a eu une certaine connivence, sans vouloir accuser personne.

M. Garon: Question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président: Un instant, question de privilège.

M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Avant les Fêtes, les députés de l'Opposition disaient que si l'UPA appuyait le projet de loi, c'est parce qu'il y avait eu une entente pour nommer les dirigeants sur la commission. On a constaté qu'il n'y en a pas de dirigeants. Aujourd'hui, on fait encore des accusations mensongères.

Le Vice-Président: Un instant. A l'ordre! Un instant. A l'ordre, s'il vous plaît. S'il vous plaît! Nous ne sommes pas dans le fumoir. Il faut répondre d'abord au député de Laval. J'ai donné la parole à M. le ministre de l'Agriculture parce qu'il a invoqué une question de privilège. Ah oui, je l'ai entendu, je m'excuse! Seulement, dès que j'ai constaté que cela n'en était pas une, je l'ai interrompu. S'il vous plaît! M. le ministre. M. le ministre aura le droit de réplique, par conséquent, il peut attendre ce moment qui lui est reconnu par nos règlements. M. le député de Maskinongé a droit à ses 20 minutes.

M. Picotte: C'est pour cela, d'ailleurs, M. le Président, que j'ai mentionné tantôt que vous me sembliez intelligent. Je n'en doute pas. Je vous ai dit ceci: J'ai l'impression, drôlement l'impression qu'il y a eu certaines ententes entre l'UPA, le ministère de l'Agriculture, loi 90, loi 116, cela va passer, cela ne passera pas, ce n'est pas sûr, c'est bon pour les agriculteurs, ce n'est pas bon, chose certaine c'est que l'UPA, dans mon comté comme dans les comtés de l'Opposition et dans d'autres comtés, les gens qui sont en face de moi discutent la loi 90 au moment où elle est adoptée et tout le monde doit vivre avec. C'est cela, M. le Président.

M. Garon: Voulez-vous que je vous dise pourquoi?

Le Vice-Président: M. le ministre, vous le direz au moment de la réplique. M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: M. le Président...

Le Vice-Président: M. le député de Roberval! M. le député de Maskinongé.

M. Picotte:... je pense qu'il serait impérieux et je vous le mentionne, j'ai rencontré les gens de

l'UPA dans le comté de Maskinongé, dans la Mau-ricie, j'ai rencontré des gens de l'UPA en dehors de la Mauricie et je dois vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui comprennent grand chose à la loi 116. Nous sommes d'accord, comme nous l'avons déjà mentionné, nous de l'Opposition officielle, que la loi 116 doit être ratifiée au niveau et nous avons demandé cela au ministre, on l'a demandé au ministre: Scindez votre projet de loi, l'article 7 on va l'adopter tout de suite. Si vous voulez adopter simplement l'article 7 et laisser tomber les autres articles, M. le ministre, la session est finie dans trois minutes. Sans consulter mon parti, je suis certain que cela va être vrai. Vrai ou pas vrai? (16 h 40)

Des Voix: D'accord.

Des Voix: Pas d'accord.

M. Picotte: L'article 7, pourquoi les autres articles? Est-ce que vous êtes capable, comme ministre de l'Agriculture, est-ce que l'UPA, l'Union des producteurs agricoles, est capable de dire à ses membres pourquoi les autres articles du projet de loi no 116? Si tout le monde est capable de répondre à cela, si tout le monde est capable de dire que cela va quand même avantager les producteurs agricoles au Québec, à ce moment, il n'y a aucun problème, M. le Président. On va donner la loi du ministre, aucune difficulté. Mais je pense que ce n'est pas cela. Ce n'est pas pour rien que le ministre était en retard, cet après-midi. Il y avait des dissidents en avant, il n'était pas présent pour leur répondre. C'est une question d'agenda, c'est évident, M. le Président. Moi aussi, mon agenda, je peux le changer quand je veux, où je veux, il n'y a aucun problème. Le ministre était mieux de ne pas être ici à ce moment, il était mieux de ne pas répondre présentement. Le gars qui est en avant, c'est un agriculteur.

Une Voix: Ils sont partis.

M. Picotte: Qu'il soit dissident ou pas dissident, qu'il soit parti ou pas parti, qu'il soit là ou pas là, peu importe, c'est un dissident et il a besoin d'explication. Celui qui peut donner des explications, c'est le ministre de l'Agriculture, c'est le gouvernement du Québec.

Une Voix: Avez-vous pris un coup avec eux?

M. Picotte: M. le Président, je dois vous dire que, malgré la lenteur du ministre à apporter cette loi, parce que, de janvier 1978 à février 1979, c'est un an, j'imagine, on doit quand même reconnaître qu'à cause du jugement de la Cour suprême, nous devons quand même être favorables à cette loi, du moins pour l'article 7. Comme on doit penser que le ministre est de bonne foi. qu'il nous a dit qu'il ne pouvait pas scinder le projet de loi et que ses juristes lui avaient dit que ce n'était pas possible justement d'enlever, j'aimerais en terminant faire une motion.

Motion de report à un mois

Je pense que cette motion est bien importante, et je pense bien qu'à ce moment, ni l'UPA, ni les dissidents, ni le gouvernement, ni l'Opposition ne seront contre. J'aimerais faire une motion, M. le Président, au report d'un mois, cela veut dire report de la deuxième lecture à un mois, pour tenir une commission parlementaire afin d'entendre les parties et tous les gens impliqués pour tâcher d'étudier ce projet de loi no 116. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Un instant! M. le député de Maskinongé, votre motion quant à sa première partie, est certainement recevable. Oui, allez.

M. Lavoie: On voulait applaudir l'intervention de notre député.

Le Vice-Président: D'accord.

La motion, quant à sa première partie de report à un mois, est certainement recevable en deuxième lecture, M. le député de Laval le sait et tous les autres députés de l'Assemblée. Quant à l'autre partie, qu'il y ait commission parlementaire, cela doit faire l'objet d'une autre motion, parce qu'il ne peut y en avoir qu'une à la fois. C'est la motion de report à un mois.

M. Lamontagne: M. le Président.

Le Vice-Président: Oui, M. le député de Roberval.

M. Lamontagne: M. le Président, en fait, je me lève...

Le Vice-Président: Sur la motion.

M. Lamontagne: ... sur la motion, brièvement, pour appuyer cette motion de mon collègue le député de Maskinongé...

M. Bellemare: M. le Président, je veux bien au moins qu'on respecte l'ordre qu'on avait établi entre nous comme gentlemen. On avait dit que, quand le gouvernement aurait parlé, le Parti libéral ou l'Opposition officielle parlerait et que nous, nous aurions cette préférence de suivre un certain ordre que nous nous étions tracé comme gentlemen. Maintenant, si cela ne vaut plus rien, écoutez on est prêt à l'accepter, mais je pense que...

Le Vice-Président: Non, M. le leader de l'Union Nationale, vous connaissez déjà depuis très longtemps l'article 92 du règlement actuel. Si j'avais vu quelqu'un de l'Union Nationale se lever — je ne l'ai pas vu, je m'excuse — et m'interpeler par le titre prévu dans cet article, je l'aurais fait. Je demanderais justement qu'il y ait un accord de gentilhomme entre les partis.

M. Lamontagne: Je ne parlerai que quelques minutes, M. le Président. En fait, personne ne s'est

levé. J'ai même regardé de leur côté à deux reprises. J'aurais déjà terminé, vous savez.

Le Vice-Président: D'accord. C'est M. le député de Brome-Missisquoi qui a demandé la parole. Je vais vous reconnaître immédiatement après qu'aura terminé — il faut quand même qu'il y ait un peu d'ordre — M. le député de Roberval.

M. Robert Lamontagne

M. Lamontagne: Depuis le 21 décembre dernier, nous savons que ce projet de loi suscite un grand intérêt au Québec. Le leader du gouvernement nous disait tout à l'heure qu'il reconnaissait maintenant qu'il est bon que ce projet de loi n'ait pas été adopté le 21 décembre dernier. Il faudrait presque repasser nos images télévisées, surtout celles du leader du gouvernement pour voir comme il était choqué, pour le moins — pour employer un terme modéré — que l'Assemblée nationale n'adopte pas à la vapeur le projet de loi no 116.

Comme le député de Maskinongé vient de le dire, la période des Fêtes passée, tous nos collègues de l'Assemblée nationale ont essayé de consulter, dans le meilleur temps possible, les producteurs de leur comté respectif. Comme l'a aussi souligné le député de Maskinongé, l'UPA, au niveau provincial, était évidemment fort préoccupée par le projet de loi no 90. Le leader du gouvernement lui-même a dit tout à l'heure qu'il croyait que l'UPA n'avait pas donné toute l'information nécessaire concernant le projet de loi no 116. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le leader du gouvernement tout à l'heure. Au moment où nous nous parlons, le leader du gouvernement est donc d'accord et conscient que la population du Québec, et en particulier les producteurs agricoles... Je pourrais vous parler, je vous parlerai sans doute, lors d'une autre intervention en deuxième lecture, des consommateurs. Il va falloir que quelqu'un en parle. Lorsqu'on parle de plans conjoints, il faut parler des résultats sur les consommateurs.

Tout cela pour dire que dans le comté de Roberval, il y a des producteurs agricoles. Bien sûr — et je pense de mon devoir de le dire — j'ai reçu des télégrammes d'appui de l'UPA, de la Fédération de l'UPA du Saguenay-Lac-Saint-Jean, du Syndicat des producteurs d'oeufs de consommation du Sagunay-Lac-Saint-Jean, du Syndicat des producteurs de lait industriel du Saguenay-Lac-Saint-Jean, etc. Il est clair que les présidents d'organismes dans nos régions respectives sont plus aptes, de par leur fonction, et mieux placés que les producteurs et les individus eux-mêmes pour connaître un projet de loi. Ce n'est qu'au cours des derniers jours — j'en prends à témoin à peu près tous nos collègues — que les producteurs eux-mêmes ont commencé à être véritablement sensibilisés au projet de loi 116. Je ne sais pas combien de personnes il y avait à l'extérieur au cours de l'après-midi, mais lorsqu'il y a une dissidence aussi importante, venant d'un groupe aussi important, je pense que le rôle du député est d'abord d'être attentif.

Comme l'honorable député de Maskinongé l'a dit tout à l'heure, qu'ils aient tort ou raison, ils se sont tous déplacés pour venir à Québec. Ils représentent l'élite de la classe agricole du Québec. Ils sont chez nous, à Québec, actuellement, tentant de se faire entendre par le gouvernement actuel. Qu'est-ce qu'on fait? On dit: Vous autres, allez chez le diable, nous adoptons cette loi-là! Qu'on fasse quelque chose qui est dans la pure tradition parlementaire, ce que le Parti québécois a toujours réclamé, a toujours dit qu'il ferait: Lorsque des gens désireront se faire entendre, nous les entendrons. S'il y en a un, en cette Chambre, qui a fait des interventions remplies d'une émotion extraordinaire, pour dire comme il serait utile et nécessaire que le gouvernement entende les parties, c'est bien le leader du gouvernement. Là, 3000 personnes, au moins, viennent réclamer de se faire entendre devant une commission parlementaire. On pourrait — je le ferai plus tard — leur parler du référendum qui pourrait être discuté à l'occasion de cette commission parlementaire. (16 h 50)

Lorsque mon collègue de Maskinongé demande un délai d'un mois... C'est la reprise des travaux de l'Assemblée nationale au mois de mars. Nous pourrions suspendre nos travaux pour un mois et le leader du gouvernement pourrait convoquer, demain si nécessaire, cette commission parlementaire.

J'ai devant moi, comme sans aucun doute plusieurs d'entre vous, la lettre adressée par le groupe des dissidents. Je voudrais bien avoir des réponses à tout ce qu'il y a là. J'ai devant moi la lettre qui m'a été remise par un groupe de dissidents du comté de Roberval. Bien sûr, j'en ai une foule d'autres qui appuient la position de l'UPA et qui appuient la position du projet de loi 116, mais est-ce que, parce qu'une grande majorité, sans aucun doute en nombre, et je ne dirais pas en production, appuient, la position actuelle, est-ce qu'à ceux qui, jusqu'à maintenant, se sont occupés à la fois de la production et de la mise en marché, on va dire: Ecoutez. Vous ne représentez pas la majorité, donc vous ne méritez pas d'être entendus? J'espère qu'on n'en est pas rendu là au Québec. C'est un devoir de député de réclamer, comme première intervention sur ce projet de loi 116, comme l'honorable député de Maskinongé l'a fait, le droit à la dissidence d'abord de ceux qui sont dissidents et le droit d'être entendus. Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, qui est assis à côté du leader du gouvernement, à plusieurs reprises au cours de la dernière session, c'est-à-dire de la session en cours, a accepté de rencontrer des gens qui, dans son esprit, au départ, pouvaient être des dissidents. Je pense que c'est fondamental dans l'étude du projet de loi 116 et je reprends, en terminant, les deux arguments que le leader du gouvernement a appuyés lui-même.

Premièrement, il est maintenant heureux que le projet de loi 116 n'ait pas été adopté le 21 décembre dernier. Deuxièmement, le leader du gou-

vernement constate et dit à l'UPA... Il a constaté, par son "blitz" organisé par Communication-Québec en collaboration avec le Parti québécois — on en reparlera à un autre moment — que l'UPA n'a pas assez donné d'information sur le projet de loi 116.

Si on est pour adopter ce projet de loi alors que le leader du gouvernement prétend que les gens n'ont pas assez d'information, comment... Je vous prends à titre d'intermédiaire, Mme la Vice-Présidente — vous devez avoir de l'influence là-dedans — pour essayer de convaincre le gouvernement, non pas de changer d'idée — on n'est pas à ce stade de changer d'idée — mais de permettre à ce groupe fort important de venir nous expliquer, à nous les parlementaires, le sens de leurs représentations contenues dans cette lettre. Le ministre a parlé en deuxième lecture. Nous aimerions l'entendre, non pas crier d'un bout à l'autre de la Chambre, mais répondre devant nous aux dissidents: Voici la lettre aux dissidents. Voici, comme ministre de l'Agriculture, ce que je leur réponds.

Il y a moyen de faire cela rapidement. Je pense que d'autres pourront appuyer cela. Nous sommes seulement mardi. Les dissidents sont là. Cela pourrait même s'organiser ce soir, demain matin, mais je supplie le leader du gouvernement de revoir les nombreuses fois où il a réclamé et obtenu des convocations rapides comme celle-là. Lorsque des gens se sont déplacés, sont devant nous et qu'on refuse d'ouvrir notre porte, il y a lieu de se poser des questions.

Donc, je demande, en appuyant le député de Maskinongé, au leader du gouvernement, compte tenu de ses propres arguments, de suspendre pour un temps l'étude de ce projet de loi 116 et d'entendre les dissidents en commission parlementaire.

Mme le Vice-Président: Sur la motion d'amendement, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Armand Russell

M. Russell: Je voudrais dire d'une façon très brève que nous sommes d'accord sur la motion du député de Maskinongé pour reporter à un mois cette étude du projet de loi en deuxième lecture.

Les raisons sont très simples. Je pense que cela a été invoqué par le leader parlementaire. J'ai constaté cet après-midi qu'il avait une humeur beaucoup moins massacrante que celle qu'il avait le 21 et je pourrais aujourd'hui — je peux — avec beaucoup de fierté féliciter le chef de l'Union Nationale et mes collègues ainsi que le député de Beauce-Sud de ne pas d'être laissé imposer le rouleau compresseur qu'on voulait imposer le 21.

Une Voix: Très bien.

M. Russell: Dans le système parlementaire que je connais, Mme la Présidente, pour autant que je sache, nous avons à représenter ces majorités silencieuses qui ne peuvent se faire entendre. C'est notre rôle et notre responsabilité et ce rôle, j'ai l'intention de le jouer dans sa pleine mesure.

Je ne vois pas que le ministre ait même le droit, le privilège, qu'il s'est offert dans les derniers jours — c'est ce que j'ai entendu, j'espère que cela a été mal rapporté — de dire que ce sont des quantités négligeables. Pour ces raisons, je pense qu'il y a quelque chose qui circule dans les comtés...

M. Garon: Question de privilège, M. le Président.

M. Russell: ... de la province qui n'est pas bon.

Mme le Vice-Président: Sur une question de privilège, M. le ministre.

M. Garon: Je n'ai jamais dit que c'étaient des quantités négligeables, Mme le Président. Ce que j'ai simplement dit, c'est que j'avais entendu des dissidents pendant un an et demi de temps au ministère et tous ces gens, que j'ai rencontrés pendant un an et demi sont contre toute forme d'organisation syndicale.

M. Russell: Mme le Président, j'ai bien dit... Une Voix: Catimini!

Mme le Vice-Président: M. le ministre, ce que vous appelez une question de privilège prend l'allure d'une intervention. Je vous ferai remarquer que vous disposez vous aussi de dix minutes pour parler sur cette motion d'amendement. C'est M. le député de Brome-Missisquoi qui a la parole maintenant.

M. Russell: Je veux dire au ministre qu'il a dix minutes. Il a son droit de réplique. Il aura le privilège de revenir et si on dit des faussetés, de les relever; c'est son devoir de le faire. Mais dans le moment, je parle au nom de ceux qui sont des dissidents. Je dis qu'ils ont le droit de se faire entendre et c'est à nous de l'Opposition de les représenter ici en Chambre. J'ai l'intention de le faire avec toutes les capacités que je possède. Quand on laisse croire, comme l'a dit le leader parlementaire cet après-midi — c'est cela qui me chatouille un peu — que ce sont des gros, que ce sont des gens intéressés, des acheteurs qui manipulent les petits, je dis que c'est une fausseté à la face même de la population et des cultivateurs du Québec. Je connais chez nous des gens de l'UPA; je connais surtout des coopérateurs qui s'opposent férocement à la loi 116 dans sa forme actuelle. J'ai même des télégrammes ici dont l'un est signé par Michel Lemire, président de la coopérative de... Pardon?

Mme le Vice-Président: A l'ordre, M. le député! Sur la motion d'amendement...

M. Russell: Oui, je sais. C'est simplement par accident pour vous démontrer l'importance de

retarder à un mois pour donner une chance au leader parlementaire du gouvernement de retourner dans le comté de Johnson, de s'asseoir avec les gens et les écouter...

Une Voix: Du vrai monde.

M. Russell: D'aller dans d'autres comtés ruraux aussi, non pas simplement dans le comté de Saint-Jacques, pas simplement entendre la voix des membres dirigeants de l'UPA. Je ne leur en veux pas. C'est leur privilège, peut-être leur droit, de faire ce qu'ils ont fait.

Mme le Président, il y a des choses qui ont été drôlement surprenantes. J'ai moi aussi circulé dans mon comté parce que je représente un comté rural. J'ai rencontré des membres de ma famille. J'ai rencontré des amis qui sont des cultivateurs membres de l'UPA depuis nombre d'années. Je leur ai expliqué les pouvoirs qu'avait l'UPA avec la loi existante — qui est bien dans nos statuts, au chapitre 36 — je leur ai lu cela et ils sont restés tout surpris. L'UPA oublie souvent d'informer correctement ses membres. Je ne dis pas qu'elle le fait malhonnêtement. Mais je pense qu'à ce moment-ci, lorsque tout le système est mis en cause on est en train de soulever à travers la province des cris qui viennent de tous bords, tous côtés, et un mécontentement qui va peut-être nuire énormément à l'économie de la province. On n'a pas le droit de le faire. On doit faire un moment d'arrêt. On tente de nous faire croire que c'est urgent. Si c'était réellement urgent, j'aurais un reproche très amer à faire au ministre de l'Agriculture. Ce n'est pas d'hier, le jugement de la Cour suprême. Je regarde les autres gouvernements. On a parlé de cinq; j'en connais trois qui ont adopté des lois qui concordent avec le jugement de la Cour supérieure. Simplement cela, par exemple. Le projet de loi 116 va plus loin que cela. Seulement cela. Et ces lois-là ont été adoptées au mois de juin. Qu'avons-nous fait, nous, ici? Si cela pressait...

M. Garon: Non!

M. Russell: Voyons! Un instant!

Une Voix: Arrêtez de grogner.

M. Grenier: II y a deux têtes de trop...

M. Russell: Le Nouveau-Brunswick l'a sanctionnée le 28 juin 1978.

Des Voix: Ah!

M. Russell: C'est quoi, cela? La loi a été sanctionnée en Ontario le 23 juin 1978. C'est quoi, cela? Et nous, on nous a apporté cela au mois de décembre. C'est le cadeau de Noël, oui!

M. Garon: Au mois de novembre.

M. Russell: Elle a été appelée ici, Mme la Présidente — j'en appelle au leader parlemen- taire — le soir du 21 décembre à l'invitation du leader du Parti libéral.

M. Garon: Mme le Président, je regrette! Des Voix: A l'ordre!

M. Garon: Je regrette. C'est complètement faux. La loi a été déposée au mois de novembre. Il y a eu la deuxième lecture, et c'est l'Opposition qui n'a pas voulu continuer le discours de deuxième lecture au mois de novembre. Un instant! (17 heures)

M. Bellemare: Mme le Président, j'ai en...

Mme le Vice-Président: S'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Brome-Missisquoi, c'est vous qui avez la parole.

M. Russell: Je pense qu'il a le droit comme les autres d'invoquer des questions de privilège, mais il doit les indiquer; ce qu'il ne fait pas actuellement. Il intervient à sa guise et je pense que ce qu'il fait là n'est pas parlementaire. Ce n'est pas la bonne marche à suivre. Il devrait, comme ministre, montrer l'exemple. Je ne veux pas lui enlever son droit de privilège. S'il a une question de privilège, qu'il la fasse, mais qu'il la fasse conformément à nos règlements.

Mme le Vice-Président: Sur la motion d'amendement, M. le député.

M. Russell: Mme la Présidente, je disais que nous appuyons cette motion d'amendement. J'étais un peu heureux cet après-midi de voir que le leader parlementaire avait reconnu qu'il y avait réellement là des raisons de retarder. Il était lui-même satisfait que cela ait retardé. Je dis qu'un mois, cela ne presse pas plus que cela, parce que cela fait déjà plus de six mois que les autres provinces, qui étaient directement visées, ont voté leur loi. Que je sache, à ce jour, aucune réclamation n'a été faite depuis le jugement de la Cour suprême. Donc, je pense qu'un mois de plus ne fera de mal à personne et cela va donner le temps de renseigner les membres de la Chambre et même les membres de l'UPA qui actuellement appuient sans savoir ce qu'ils appuient. Il ne s'agit pas actuellement que du projet de loi 116.

Les dissidents remettent en cause tout le principe de la Loi des contingentements, la totalité en est mise en cause et c'est leur privilège. On ne peut pas leur contester ce droit. Aujourd'hui, ce qu'ils contestent en plus de contester l'article 36 de nos statuts, ce sont les pouvoirs additionnels que le projet de loi 116 nous apporte. Même si cela pressait, ce n'était même pas nécessaire de présenter le projet de loi 116 parce que, contrairement aux autres provinces, au chapitre 36 des statuts, à l'article 77, l'UPA aurait pu le faire et peut le faire encore par une assemblée générale. Cela nous donnerait le temps de discuter des modifications qu'on veut apporter, des contestations, avec les contingentements, le contrôle,

parce que cela affecte beaucoup de monde. Ce n'est pas si facile que cela de voter un projet de loi à la vapeur. On va dire: Les petits contestataires, on les met de côté et, pour défendre tout cela, on accuse les gros.

Mme la Présidente, cela fait environ vingt années que je travaille en cette Chambre et je crois bien que l'évolution de la question de l'UPA, qui était l'UCC anciennement... La loi de la mise en marché a été votée en 1956, je l'ai vécue. Elle a été votée avec beaucoup de prudence. Elle a été modifiée en 1963 par le Parti libéral et elle l'a été avec beaucoup de modération. En 1974, on est allé un peu plus loin dans bien des domaines, sans renseigner les gens. Ce serait juste et raisonnable qu'aujourd'hui on fasse deux choses: au moins qu'on ait la décence d'avoir une commission parlementaire pour écouter les dissidents, leur expliquer exactement ce qu'on veut faire...

Une Voix: C'est cela.

M. Russell: ... ne pas faire comme a fait le représentant de l'UPA. Je l'ai vu faire des représentations publiques en disant: On ne veut pas agir pour faire mal à personne; ce n'est pas tellement pour contrôler les étendues des cultures; c'est simplement pour corriger une situation, une lacune qu'on retrouve dans la loi. C'est cela, on était d'accord pour corriger cette lacune à condition qu'on discute des deux côtés. On l'a dit le 21 décembre: Voter simplement cet article et on va être d'accord; on va régler ce problème; le reste, on le fera dans d'autres circonstances. Actuellement, si on regarde ce qui se fait dans les autres provinces qu'on a mentionnées, elles n'ont pas les syndicats agricoles qu'on a, elles n'ont pas les pouvoirs qu'on a ici. Elles ont remis en cause tout le système du contingentement, de la mise en marché et du contrôle des prix. Tout le système est remis en cause et il existe une commission d'étude à ce sujet. La Colombie-Britannique, cela fait 52 ans qu'elle joue avec le contingentement, le contrôle de la mise en marché. Elle sent aujourd'hui le besoin, pour protéger le consommateur, d'avoir une commission pour faire enquête sur le tout. Nous autres, on va refuser 30 jours aux députés, à ceux qui s'opposent actuellement — à ceux qu'on appelle dissidents — une commission parlementaire pour discuter de cette situation.

Mme la Présidente, j'aurai d'autres occasions pour continuer à faire mon exposé mais, c'est pour toutes ces raisons, pour ces quelques raisons et une multiplication d'autres raisons que je pourrais invoquer qui justifieraient une commission parlementaire dans ce Parlement, que j'appuie la motion du député de Maskinongé.

Mme le Vice-Président: M. le député de Beauce-Sud, sur la motion d'amendement.

M. Fabien Roy

M. Roy: Merci, Mme le Président. Nous avons un amendement qui a été proposé par l'honorable député de Saint-Jacques qui vise à reporter d'un mois... Excusez-moi, c'est parce que j'avais un oeil sur le député de Saint-Jacques, Mme le Président; d'ailleurs, je l'ai toujours à l'oeil. L'honorable député de Maskinongé demande de reporter d'un mois l'étude du projet de loi no 116 de façon à permettre aux organismes intéressés, aux producteurs agricoles de différentes catégories, de différents secteurs d'activités économiques, de différents secteurs d'activités économiques agricoles, de se présenter devant la commission parlementaire et d'exprimer leur point de vue sur le projet de loi no 116.

J'ai dit, au mois de décembre dernier, qu'il n'y avait pas urgence à voter immédiatement le projet de loi no 116 et je continue à prétendre qu'il n'y avait pas urgence puisque, effectivement, selon mes informations, il n'y aurait que quatre provinces qui auraient comblé le vide causé par la Cour suprême. D'autant plus, Mme le Président, que le projet de loi n'entrait même pas en vigueur le jour de sa sanction. Une preuve des plus évidentes qu'il n'y avait pas urgence et qu'il n'y a pas plus d'urgence aujourd'hui, puisque le gouvernement ne nous a pas encore indiqué son intention de faire que le projet de loi soit en vigueur le jour où il sera sanctionné. Le projet de loi entrera en vigueur à la date qui sera fixée par proclamation du gouvernement, à l'exception des dispositions exclues par cette proclamation, lesquelles entreront en vigueur à une date ultérieure — plus tard qui sera fixée par proclamation du gouvernement.

Or, cela confirme hors de tout doute qu'il n'y avait pas urgence à voter le projet de loi le 21 décembre dernier. Cela confirme aussi le fait qu'il y a deux volets à ce projet de loi. L'honorable leader du gouvernement l'a dit tout à l'heure, il y a deux aspects à ce projet de loi, ce qu'on a refusé de reconnaître au mois de décembre dernier et ce que j'ai toujours soutenu. Il y a une partie du projet de loi qui vise à combler le vide créé par le jugement de la Cour suprême et qui rend illégale la perception de contributions des sources de financement pour financer trois plans conjoints, soit celui du lait, celui des oeufs et celui de la dinde.

J'ai été très surpris d'entendre l'honorable leader du gouvernement dire que si le projet de loi no 116 n'était pas adopté, tous les plans conjoints seraient jetés par terre. On a livré une fausse information à la population du Québec; on a même tenté de semer la panique chez la classe agricole. Le projet de loi no 116 ne remet pas en cause la loi 36; les plans conjoints qui existent au Québec, sauf trois, sont entièrement régis par la loi 36, loi provinciale qui a été votée en 1974. Actuellement, il n'y a pas de débat devant cette Assemblée pour rappeler la loi 36, l'ancien projet de loi 12 de 1974. Il n'y a pas de débat devant l'Assemblée nationale actuellement qui vise à rappeler la Loi de la mise en marché des produits agricoles, ce qui aurait pour effet — et là, certains dirigeants de l'UPA qui véhiculent cette information, certains officiers du ministère et certains membres du gouvernement qui véhiculent cette

information auraient raison de dire qu'on jette tout par terre si on visait à rappeler la loi 36, le chapitre 36 des Statuts de 1974. Mais ce n'est pas du tout le cas.

Pour ce qui concerne de combler le vide créé par la Cour suprême du Canada et qui cause des problèmes actuellement, des difficultés, qui remet en cause l'existence même du plan conjoint national du lait, du plan conjoint des oeufs et celui de la dinde, je l'ai dit et je le répète, on ne m'accusera pas de patiner, j'étais prêt à donner mon consentement. J'ai rencontré des producteurs des deux groupes, je l'ai dit devant même cette Assemblée durant les jours qui ont précédé la fête de Noël, avant le 21 décembre, j'étais prêt à donner mon consentement pour que cette partie du projet de loi soit adoptée. (17 h 10)

Les agriculteurs du Québec malheureusement ne sont pas informés, et c'est la raison pour laquelle il devrait y avoir une commission parlementaire pour demander aux intéressés de venir s'expliquer devant l'Assemblée nationale, de venir nous dire ce qu'ils en pensent devant une commission parlementaire.

Pour ce qui a trait à la deuxième partie de la loi, le gouvernement a bien déclaré qu'il n'était pas décidé de la faire entrer en vigueur immédiatement, c'est-à-dire en même temps que la première partie du projet de loi, et qu'on change le niveau des pouvoirs des offices de mise en marché. La loi 36 accorde des pouvoirs aux offices de mise en marché au niveau de la mise en marché, quelques légers pouvoirs au niveau de la production, mais très limités. Quant à la loi actuelle, c'est la raison pour laquelle j'aimerais qu'il y ait encore plus de consultation. La commission parlementaire serait très importante à cet égard.

Nous aurions énormément de questions à poser là-dessus. Le nouveau niveau des pouvoirs qui sont conférés par la loi, c'est d'accorder ces pouvoirs au niveau de la production. Quand on parle du niveau de la production, on parle de la ferme. Il y a des dispositions dans la loi 36: Doit exister un système d'inspecteurs, un réseau d'inspecteurs, un système d'inspection. Si les pouvoirs sont appliqués au niveau de la production, cela veut dire que les producteurs agricoles du Québec auront les inspecteurs chez eux. C'est là qu'est le point. C'est le point, Mme la Présidente, sur lequel je ne veux pas revenir ici, soit le fond même du projet de loi, et faire un discours de deuxième lecture. Mais nous avons des questions à poser à l'UPA, des questions à poser aux dissidents, des questions à poser au monde de la coopération, des questions à poser à tous les organismes qui s'intéressent à l'évolution, qui s'intéressent au développement de l'industrie agro-alimentaire au Québec.

J'aurais des questions aussi à poser, Mme la Présidente, sur le fait que — d'ailleurs, je pourrais peut-être me permettre de faire une parenthèse et de rassurer le ministre — depuis le 21 décembre, le ministre pourra peut-être se consoler, il y a quelque 200 producteurs laitiers de moins déjà, au Québec.

Le nombre de producteurs de lait nature, selon les dernières statistiques que je possède, est de 4937 et il y a 20 200 producteurs de lait industriel. Il y a tout le problème de la répartition des quotas entre les producteurs de lait nature et les producteurs de lait industriel. Quand je parle des producteurs de lait nature, je parle de la partie de leur production qui va au lait industriel. J'aurais aussi des questions à poser aux intéressés concernant les fameuses coupures de quotas qui ont forcé quelques milliers de producteurs à se départir de leurs fermes, il y a quelques années et même encore à l'heure actuelle. Comment se fait-il qu'un certain nombre de producteurs ont dû subir des coupures de 20% alors que la production nationale — ce sont là des questions auxquelles j'aimerais avoir des réponses — a été de 17 043 000 000 de livres de lait en 1975? Qu'on retienne bien les chiffres.

La production nationale a été de 16 946 000 000 de livres en 1976. La production nationale a été de 16 976 000 000 de livres en 1977. Où est la coupure de 20%? Il y a des centaines de petits producteurs de mon comté qui ont eu recours à l'aide sociale. Mme la Présidente, il y en a quelques centaines d'autres qui sont menacés également. C'est ainsi dans tout le territoire du Québec. J'aimerais savoir ce qui se passe à l'heure actuelle. J'aimerais savoir si le gouvernement actuel vise comme politique de faire en sorte qu'on se retrouve comme en Californie avec 2000 producteurs laitiers. La Californie, qui a une population plus grande que celle du Québec, a 2000 producteurs laitiers. Actuellement, ce n'est pas téméraire de prédire qu'en 1981, des quelque 24 937 producteurs qu'il y avait au début de décembre, il y en aura moins de 20 000 dans la province. Mme la Présidente, j'ai bien l'intention de travailler pour la promotion de la classe agricole au Québec. Je n'ai jamais ménagé mes efforts, ni en cette Chambre, ni ailleurs au Québec, ni dans mon comté pour tenter de représenter et d'exiger des politiques — je terminerai là-dessus, Mme la Présidente — pour la promotion et les meilleurs intérêts de la classe agricole.

Mais quand je parle de la classe agricole, je parle des producteurs agricoles qui sont des citoyens, qui font partie des citoyens du Québec, des êtres humains qui ont des familles, qui ne demandent pas mieux que d'avoir leur place dans la société et qui doivent faire de la place actuellement pour permettre aux gros d'être toujours plus gros, dans l'intention d'éliminer le plus grand nombre de petits possible.

Nous avons des questions à poser comme cela et je me garde bien de m'identifier à aucun des deux grands groupes qui s'opposent actuellement au Québec. Nous avons une responsabilité comme législateurs et cette responsabilité, nous devons l'assumer en toute liberté. Si le ministre veut s'identifier à un groupe, cela le regarde, il n'a pas de compte à me rendre. Mais, en ce qui me concerne, c'est quand même mon droit et mon privilège de garder une ligne, ce que j'appelle la ligne droite, la ligne de l'objectivité. C'est dans ce sens, Mme le Président, que j'appuie la motion du

député de Maskinongé et c'est dans ce sens que, si jamais la commission parlementaire est convoquée, j'aurai des questions à poser à ces personnes.

M. Bellemare: Mme le Président, je voudrais simplement dire un mot, puisque le temps est fort limité...

Mme le Vice-Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, est-ce que vous voulez prendre la parole sur la motion d'amendement?

M. Bellemare: Oui, oui.

Mme le Vice-Président: Je reconnais d'abord le député de Joliette-Montcalm, le député de Shefford et vous ensuite, M. le leader.

Oui, j'ai entendu. Je regrette, M. le leader de l'Union Nationale, j'ai entendu M. le député de Joliette-Montcalm à qui je donne la parole, M. le député de Shefford ensuite et M. le leader de l'Union Nationale.

M. le député.

M. Verreault: Je ne voudrais pas passer sous silence le fait... Je ne reviendrai pas là-dessus...

Mme le Vice-Président: Sur une question de règlement.

M. Verreault: ... mais, quand même, presque quinze secondes avant que le député de Beauce-Sud ait fini son intervention, j'étais déjà debout et, lorsqu'il s'est assis, j'étais déjà debout et j'ai demandé, Mme le Président, le droit de parole. Je ne vous chicanerai pas là-dessus, de toute façon, mais, tout de même, il faudrait peut-être, lorsque vous donnez votre autorisation, faire le tour de la Chambre pour savoir qui se lève et qui ne se lève pas.

Mme le Vice-Président: M. le député, quand même, voulez-vous, nous n'allons pas nous chicaner sur le droit de parole? Je vous dis que je vous donne la parole immédiatement. Je vous ai vu vous lever, mais j'ai vu le député de Joliette-Montcalm. J'ai déjà donné la parole au député de Joliette-Montcalm. Ce sera ensuite vous, M. le député de Shefford, et ensuite M. le leader de l'Union Nationale.

M. Chevrette: Mme le Président, si vous acceptez l'alternance comme principe, question d'information, étant donné...

Mme le Vice-Président: M. le député, je vous ai déjà donné la parole.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: C'est parce que je reconnais que, sur mon côté, quand on s'est levé, on était deux en même temps. Le ministre était debout aussi. Si vous êtes pour vous chicaner, je vais y aller.

C'est Mme le Président qui va me donner la parole, je pense bien, et, si vous me laissez parler, je vais parler.

Mme le Président, je serai contre cette motion d'amendement pour les motifs suivants: Je pense que quelqu'un qui suit le moindrement des dossiers en agriculture connaît fort bien tout l'esprit qui sous-tend la discussion entre dissidents et non-dissidents en agriculture. C'est une question de perception même de l'agriculture qui est débattue présentement.

J'entendais le député de Beauce-Sud finir son intervention en disant: Je ne voudrais plus que les gros mangent les petits en agriculture. Vous n'avez qu'à voter contre les plans conjoints et l'implantation des plans conjoints et vous allez voir comment les intégrateurs vont manger les petits en agriculture.

M. Roy: Mme le Président, question de privilège. La loi actuellement à l'étude... Question de privilège, parce qu'il ne faut quand même pas trop charrier là-dessus, il y en a déjà pas mal eu. La loi qui est actuellement devant nous ne nous demande pas de voter pour ou contre les plans conjoints. Je regrette, mais ce n'est pas l'objet de la discussion en cours.

Mme le Vice-Président: M. le député de Joliette-Montcalm

M. Chevrette: Mme le Président, je ne ferai pas comme certains députés qui s'en vont rencontrer les dissidents, qui leur parlent pour se faire applaudir et qui changent de paroisse après pour essayer de se faire applaudir par l'UPA. Je vais purement et simplement dire que ce projet de loi no 116 n'est qu'une simple concordance avec une loi fédérale reconnue ultra vires. C'est aussi simple que cela. Je pense qu'on se doit de protéger les millions de dollars qui sont investis par nos producteurs québécois et qui risquent de devoir poursuivre... Et c'est notre devoir, comme Assemblée nationale, de veiller à protéger ceci. (17 h 20)

Je comprends mal que, depuis le mois de novembre, on n'ait pas pu comprendre qu'il s'agissait de régulariser une situation. On se sert même des projets de loi votés au mois de mai pour montrer que c'était simple et que cela a été voté rapidement ailleurs et ici on vient faire une motion d'amendement pour reporter le vote sur ce projet de loi. Où est la cohérence? Si cela a été si vite adopté ailleurs et si vous nous reprochez d'avoir pris tant de temps, comment se fait-il que vous preniez tellement de temps pour adopter un projet de loi si simple?

M. Bellemare: Parce qu'il y a d'autres choses dedans.

M. Chevrette: Pourquoi?

M. Bellemare: II y a différents problèmes.

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît. A l'ordre!

M. le leader de l'Union Nationale, vous aurez un droit de parole. Je vous demanderais d'attendre et de patienter quelques minutes.

M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Oui, Mme le Président, je serai très bref parce que je sais qu'ils ont l'air de vouloir voter rapidement. J'interviendrai sur le fond de la loi. L'Opposition nous reproche de l'avoir déposé si tard. Je reviens là-dessus parce que cela me semble une incohérence totale. Brandir des projets de loi du Nouveau-Brunswick en date du mois de mai, cela paraît bien à la télévision, cela frappe; surtout quand on ne voit pas souvent le député, cela frappe.

On a dit que c'est une concordance juridique. Une concordance juridique peut ouvrir un débat sur le fond. On ne le fait pas sur la procédure et sur des motions de report; on le fait sur le fond de la loi. Il y a des députés qui disent qu'ils ont besoin d'information. Ils ont rencontré les dissidents dans leur milieu, ils ont rencontré les gens de l'UPA dans leur milieu. Je ne vois pas comment il se fait qu'ils ne sont plus renseignés rendus dans cette noble enceinte, comme on le dit. Ils sont si bons pour faire de si beaux discours pour avoir des applaudissements des deux bords! Il faut se brancher, une fois dans la vie, en politique. Quand tu as fait ton choix, tu l'exprimes comme législateur. C'est ce qu'on est prêt à faire et qu'on batte cet amendement au plus vite.

Mme le Vice-Président: M. le député de Shefford.

M. Verreault: Mme le Président...

M. Goulet: Quand le député va-t-il prendre son droit de parole?

Mme le Vice-Président: Je vous ai déjà nommé, M. le député de Shefford, vous avez déjà la parole.

M. Richard Verreault

M. Verreault: Je m'excuse, Mme le Président, je n'ai rien dit. C'est mon collègue de Bellechasse qui a fait quelques observations et j'attendais qu'il ait fini. Vous comprendrez très bien que j'appuierai la motion de mon collègue de Maskinongé. M'avez-vous donné la parole?

Mme le Vice-Président: Oui, allez.

M. Verreault: Je continue. Dans les circonstances, je crois que la motion formulée par le député de Maskinongé, proposant le report à un mois de la deuxième lecture du projet de loi no 116, est très modérée. Connaissant le contexte, connaissant le contenu du projet de loi no 116, un mois est nettement insuffisant pour pouvoir approfondir ce dossier, en faire l'analyse, faire des consultations nécessaires. A la place de mon collègue, au lieu de proposer un mois, j'en aurais sûrement proposé deux ou trois pour permettre une consultation vraiment large afin que toutes les parties concernées puissent exprimer leur opinion.

Nous vivons actuellement un scénario qui nous fait presque penser à un film western. On a déjà catalogué, de part et d'autre, les bons et les pas bons. Les bons sont ceux qui sont pour, qui sont avec le ministre; les pas bons sont les dissidents et ceux qui sont récalcitrants. Lorsque, dans un mouvement de producteurs agricoles qui compte près de 45 000 membres, il y a 10, 20 ou 100 dissidents ou contestataires, vous savez pertinemment qu'on ne se badre pas avec cela; on n'en fait pas tellement de cas. On se pose des questions, on commence, du moins, à s'en poser. Lorsqu'il y en a 3000 ici, devant cette Assemblée, lorsqu'il y en a 5000 ou 6000 et qu'il y en aura plus peut-être demain ou après-demain et qu'on dit à cette Assemblée, à ces dissidents et à tous ceux qui font partie de cette association des producteurs agricoles du Québec que cette quantité — je n'utiliserai pas le terme du député de Brome-Missisquoi qui était négligeable — est une quantité particulièrement négligée.

Vous savez, avec 3000, 4000 ou 5000 et peut-être bientôt demain 8000 contestataires ou dissidents, il faut se poser de sérieuses questions, et ces questions, il faudrait peut-être se les poser avant que la pagaille ne commence.

Le leader du gouvernement, tout à l'heure, essayait de convaincre les membres de l'Opposition qu'il fallait à tout prix que le projet de loi 116 soit adopté, sans consultation, sans amendement et, évidemment, les yeux fermés, les oreilles bouchées et tout ce que vous voudrez...

Le mois que le député de Maskinongé exige, c'est pour de la consultation. Il y a des problèmes. Il faut aller jusqu'au fond du problème. Il faut rencontrer les gens qui sont pour et qu'ils nous expliquent pourquoi ils sont pour; il faut qu'on rencontre les gens qui sont contre et qu'ils nous disent pourquoi ils sont contre. Lorsqu'on parle de plusieurs milliers de dissidents et que cela représente quand même des producteurs assez importants, il faudrait peut-être se poser la question: Qu'est-ce qui se passe? Il faudrait peut-être connaître aussi les réponses à ces questions.

Vous savez, le projet de loi 116, en plus de ce qu'il contient, a des implications qui sont énormes, qui auront des répercussions sur la structure, sur l'organisation et sur le global de l'agriculture au Québec. Il aura des implications importantes.

Je me fais peut-être l'avocat du diable dans les circonstances. J'aurai peut-être moi-même quelques difficultés avec mon parti politique, le Parti libéral, parce que mon opinion est quelque peu différente. Mais dans les circonstances, je dois, comme il est normal à un membre de l'Assemblée nationale, être le reflet de mes électeurs. La classe agricole chez moi a des problè-

mes, et ces problèmes méritent d'être expliqués, d'être compris par les membres de l'Assemblée nationale.

Je ne voudrai jamais prétendre, ô grand Seigneur, que je suis un spécialiste dans le domaine de l'agriculture. Jamais je ne le prétendrai, de toute façon. Chez moi, j'ai des producteurs qui sont prospères, qui réussissent très bien et il y a peut-être une question à laquelle il faudra répondre, et non seulement à moi: comment se fait-il que dans ma région, dans la région du sud-est de Montréal, dans la région des Cantons de l'Est, mon collègue de Brome-Missisquoi pourra en témoigner, il y ait tant de dissidents, tant de membres de l'Union des producteurs agricoles qui sont mécontents actuellement?

Le député de je ne sais d'où nous disait tout à l'heure que nous avions les quelques jours d'ajournement pour faire nos consultations. Cela nous a permis de nous faire une idée claire et nette de la situation.

Madame, c'est très facile de prendre un dé, de la garrocher dans les airs et finalement dire: Parce que cela tombe sur le oui, on va dire oui, et parce que cela tombe sur le non, on va dire non. Je pense que la plupart des membres de cette Assemblée, qu'ils soient des ruraux, qu'ils soient des urbains, doivent prendre eux aussi part à ce débat, parce que, mon collègue, le whip du Parti libéral le mentionnait, on ne touche pas simplement les producteurs dans le sens général du mot, ni les dissidents, on parle également des consommateurs et toutes les parties que mon collègue de Maskinongé mentionnait tout à l'heure, alors qu'il demandait de retarder d'un mois l'adoption du projet de loi 116 en deuxième lecture. Cela avait pour but de permettre à toutes ces parties, et je les inclus toutes, de venir se prononcer, nous dire pourquoi elles sont d'accord, pourquoi elles sont contre. Tous les membres de cette Assemblée — parce que les commissions sont quand même très limitées, la session ne durera pas ad vitam aeternam — tous les membres de cette Assemblée des 110 comtés du Québec pourraient participer à ce débat en commission parlementaire et pourraient avoir une idée très claire et très nette.

Le projet de loi 116, comme mes collègues de l'Union Nationale le mentionnaient, a des implications qui auront des répercussions énormes. Malheureusement, je ne voudrais pas faire le prophète de malheur, mais je vous dis franchement que la pagaille qu'on essaie d'éviter aujourd'hui avec le projet de loi 116 va simplement être stimulée si on ne prend pas le temps nécessaire pour l'étudier avec logique, avec honnêteté, en prenant en considération tous les faits, tous les facteurs. (17 h 30)

Madame, je ne vous donne pas plus de deux ou trois mois. La pagaille dans l'agriculture ici au Québec sera là pour de bon. Evidemment, le système est peut-être usé. Le ministre de l'Agriculture nous parle de réformes, de projets de loi, de tout ce que vous voudrez; dans les circonstances, il faudra que l'Assemblée nationale se penche sur les problèmes de l'agriculture. Nous avons l'occa- sion de le faire en adoptant la motion qui a été formulée par le député de Maskinongé. Dans les circonstances, si on ne prend pas le temps de le faire, nous aurons à en subir les effets. Lorsque les cultivateurs commencent à faire des ravages, vous connaissez ce qui en est par l'histoire qui est quand même tout à fait récente. Les gouvernements antérieurs ont vécu ces expériences. Vous verrez les répercussions et les effets que cela donnera de ne pas avoir pris quelques instants, quelques jours, pour écouter ces personnes.

Mme le Vice-Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Maurice Bellemare

M. Bellemare: Je vous remercie de me reconnaître, Mme le Président. J'en suis d'autant plus content et satisfait que, pour des raisons que vous connaissez déjà, je serai peut-être obligé d'être absent pendant la soirée. En tout cas, j'en profite pour vous dire qu'en vertu de l'article 94 j'ai droit à une demi-heure; il est bien entendu à l'article 94 que, pour les discours ordinaires, c'est une heure mais, dans une motion de fond, c'est l'article 94.2 qui s'applique et on a droit à une demi-heure. J'espère avoir au moins votre permission si je dépasse un peu mes 20 minutes. Vous comprendrez que le règlement, c'est le règlement et il faut le suivre. Mme... Pardon?

M. Proulx: On l'accepte.

M. Bellemare: Je suis d'autant plus content de parler sur la motion de l'honorable député de Maskinongé que cela vient d'un comté agricole. Il est le représentant d'une masse considérable de cultivateurs pratiquants, pas sur l'asphalte comme dans le comté de Saint-Jacques. Je n'en connais pas beaucoup d'éleveurs de poules, d'éleveurs de porcs dans le comté de Saint-Jacques sur l'asphalte. Je n'en connais pas. Mais, parce qu'on a un député du côté libéral qui se lève et qui sait ce qu'est un comté rural et ce que les cultivateurs veulent, je pense véritablement qu'on a le droit de donner à ce député notre appui total et absolu.

Mme le Président, je me demande en parlant sur la motion de l'honorable député — puisqu'on est contenu dans ce cadre-là — comment il se fait que le gouvernement ne voit pas les 3000 ou 4000 cultivateurs qui sont là pour deux jours, et, leurs arguments ne peuvent pas traverser les murs de cette Assemblée nationale parce que les portes sont barrées, parce que le ministre est absent. Voyez-vous la stratégie du gouvernement? On est des gens ouverts. On est des gens qui comprennent le bon sens. Apportez-nous des arguments disent-ils? Vous autres, la vieille Opposition, l'Union Nationale... Oui! L'Union Nationale est contre! Et elle est contre pour bien des raisons. C'est nous, Mme le Président, qui avons, les premiers dans cette province, assuré la législation pour les plans conjoints et la mise en marché des produits agricoles. Oui, l'Union Nationale a été la première à battre la

marche. Oui, madame. C'est nous qui avons fait face à tous ceux qui, dans le temps, pouvaient être contre cette nouvelle orientation que donnait pour la première fois dans la province un gouvernement qui était soucieux des cultivateurs, qui l'avait d'ailleurs prouvé par un crédit agricole bien fait dans la province de Québec, par une électrification rurale qui n'existait pas, par le drainage des terres qui a été le plan définitif pour les cultivateurs qui ont commencé à prospérer. Parlant sur la motion, je me demande comment il se fait que le gouvernement ne veut pas accorder de commission parlementaire à 5000 cultivateurs qui ont signé la requête suivante, 5000 cultivateurs. Cela ne fait pas des années. La requête a été émise le 6 février 1979 pour que 5000 cultivateurs de la province de Québec la signent.

Que disait-elle comme en-tête? Nous avons les documents en main, Mme le Président, et si quelqu'un veut la vérifier, nous n'avons aucune objection. Les producteurs agricoles du Québec dont les noms suivent sont en complet désaccord avec le projet de loi 116 présenté par le ministre Garon et en exigent le retrait immédiat. Les producteurs sont d'avis que le syndicat possède déjà suffisamment de pouvoirs avec la loi qui existe actuellement et ne veulent pas que le syndicat ait le pouvoir... La commission parlementaire qu'on a demandée serait utile et nécessaire pour que le gouvernement, après avoir entendu les pour et les contre, puisse revenir devant la Chambre et dire: Messieurs, nous avons fait notre devoir; nous avons entendu les pour et nous avons entendu les contre.

Mme la Présidente, vous qui connaissez bien la proportion des cultivateurs dans votre comté et celle des citoyens urbains, vous savez vous aussi que vous seriez portée à avoir cette idée d'une commission parlementaire. Je suis assuré que, comprenant si bien les cultivateurs, vous seriez, avec votre beau sourire, madame, d'accord pour qu'on puisse avoir une commission parlementaire. Je vous en remercie, madame; votre sourire me dit beaucoup.

On voit un ministre, à 23 h 55 le 7 décembre, en deuxième lecture du projet de loi 116, quand tout le monde dort, quand tout le monde est couché, en catimini, appeler la deuxième lecture du projet de loi 116. Vous pensez qu'il n'y a pas eu de réactions! Elles ont peut-être été lentes, mais c'est le 7 décembre à minuit moins quelques minutes que la deuxième lecture a été faite, à la grande noirceur. M. le ministre va se dire: Le député de Johnson ne m'impressionne pas. Non, lui non plus.

M. Garon: Mme le Président, une question de privilège.

Mme le Vice-Président: Sur une question de privilège, M. le ministre de l'Agriculture.

M. Grenier: II est revenu.

M. Garon: J'écoutais le député de Johnson faire son discours. Il mentait effrontément. La deuxième lecture a été faite durant le jour.

M. Bellemare: Mme le Président, j'ai ici...

Des Voix: A l'ordre!

M. Garon: Elle a été faite durant le jour.

M. Bellemare: ... à la page 4473...

Une Voix: A l'ordre, le ministre!

M. Bertrand: Mme la Présidente...

M. Bellemare: Un instant.

Mme le Vice-Président: M. le leader. M. le leader de l'Union Nationale, si vous me le permettez, je vais entendre ce que M. le ministre appelle une question de privilège. Nous verrons.

M. Grenier: Vous ne comprendrez pas.

Mme le Vice-Président: Vous avez ensuite le droit de parole. M. le ministre.

M. Garon: Mme le Président, le député de Johnson a affirmé que le discours de deuxième lecture de ce projet de loi avait été prononcé la nuit. C'est complètement faux. Il a été prononcé durant le jour. Il est passé à la télévision et je prends à témoin le député de Montmagny-L'Islet qui s'est levé immédiatement après pour dire qu'il ne voulait pas prononcer son discours immédiatement. Cela s'est fait en pleine journée, en pleine télévision à part cela, et non pas durant la nuit comme le dit — c'est une autre de ses menteries — le député de Johnson.

M. Bellemare: Bon! Merci pour les menteries. Mme le Président, j'admets que cela a été fait à 11 h 40 du matin. D'accord, mais...

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: Un instant.

Mme le Vice-Président: A tordre!

M. Bellemare: ... quand les discours de deuxième lecture des autres députés ont-ils été prononcés? Le 21 décembre au soir à la toute dernière minute. Six opinants ont parlé, dans la noirceur, de votre loi pour essayer de la faire adopter par un Parlement qui était à la dernière minute de la session. Le ministre aura beau dire qu'il s'est promené à travers la province. Il s'est promené, c'est vrai, mais il a reçu à certains endroits des drôles de bienvenues dans sa tournée. Il a même été, à certains endroits, hué.

M. Garon: Où?

M. Bellemare: Oui.

Une Voix: A Saint-Guillaume.

M. Garon: Nommez un seul endroit?

M. Bellemare: A Saint-Guillaume, c'est un endroit.

M. Garon: Vous n'étiez pas là. J'ai été très bien reçu.

M. Bellemare: Non.

M. Biron: A Lévis.

M. Bellemare: A Lévis.

M. Garon: A Lévis, j'ai été bien reçu aussi.

M. Grenier: Avec les PQ, cela va mieux, mais avec les agriculteurs, cela ne va pas bien.

Mme le Vice-Président: A l'ordre! S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Bellemare: Mme le Président, l'honorable député de Joliette-Montcalm a dit tout à l'heure: L'Union Nationale tâchez donc de vous brancher! Ecoutez, avec tout ce qu'on a fait depuis 40 ans dans la province de Québec, si on ne peut pas avoir un peu de mérite de ce côté-là, je me demande ce qu'il faudrait faire de plus pour se brancher définitivement. On suit toujours la même lignée de nos traditions. On a été en faveur des cultivateurs dans le temps, on l'a prouvé par les différentes lois qu'on a votées. (17 h 40)

C'est nous qui avons adopté, en 1958, les plans conjoints, c'est nous qui les avons améliorés. C'est nous, aujourd'hui, qui semblons les premiers à défendre encore les cultivateurs sur la place publique pour empêcher le gouvernement de saper à sa base l'autorité des plans conjoints et particulièrement des coopératives. Mais quand on travaille pour cela, Mme le Président, on travaille pour le consommateur indirectement parce que le produit fini, le produit livré... Non, c'est vrai, madame, vous avez raison; en vertu de la motion de l'honorable député de Maskinongé, je dois vous demander un délai parce que je pense que trop vite va apporter des problèmes qui vont faire tort à l'économie rurale.

On a assez de misère actuellement avec les plans conjoints et, dans les coopératives, à établir une certaine politique d'action sans que le gouvernement vienne nous "saprer" les bois dans les roues avec une politique comme celle-ci. On dit que les autres provinces ont été assez rapides; la Colombie-Britannique, après le jugement de la Cour suprême, le 24 juin, a adopté la loi qui est ici, Public Act of British Columbia, présentée au mois de mars et sanctionnée le 29 juin. On a eu le temps de l'étudier; la loi de la Colombie Britannique spécifiait directement le jugement de la Cour suprême, point! Il n'y avait pas d'attaque sur les plans conjoints, il n'y avait pas d'attaque sur les quotas de la requête que je viens de vous donner, il n'y avait pas le temps de fixer le lieu de la production, de réduire les quotas, d'annuler les quotas, d'imposer des pénalités basées sur le volume ou la quantité du produit agricole ou sur la superficie cultivée, de saisir le surplus de production sans rien payer, de classer les producteurs en groupes des bons, des moins bons et des très bons aux fins d'imposer et de percevoir des contributions — c'est l'article 5 — de valider, de façon rétroactive, l'imposition des frais de redevances qui ont été perçues illégalement.

Cela, je le comprends mais tout cela, c'est pour vous dire que si on avait une commission parlementaire, si on avait quelques jours, selon la motion de l'honorable député, de plus pour étudier véritablement tout cela, nous pourrions faire comme les autres provinces. Si la Colombie-Britannique l'a déposé au mois de mars, elle l'a accepté au mois de juin; l'Ontario l'a accepté le 19 juin et le Nouveau-Brunswick l'a accepté le 28 juin. Elles aussi avaient déposé au mois de mars les deux copies de la loi.

Mme le Président, je voudrais revenir à cette motion. Quand vous avez, dans la province, 5000 cultivateurs qui demandent véritablement d'être entendus, quand vous avez au moins 3000 ou 4000 personnes ici, devant le parlement, qui sont réunies actuellement...

M. Bertrand: 300.

M. Bellemare: On est allé les voir et on s'est montré la face.

M. Bertrand: Nous aussi.

M. Bellemare: Ah oui! vous n'avez pas dû être applaudis.

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Bellemare: Je dis que quand il y a actuellement des députés qui sont ici dans cette Chambre, qui représentent des régions rurales, comme dans le comté de Johnson, j'ai à peu près les deux tiers de mon comté qui sont entièrement agricoles... Personne ne pourrait contester cela: sur les 31 paroisses, j'en ai certainement au moins 26 ou 27 qui sont entièrement agricoles. Alors, ces gens sont venus par groupes. Ils sont venus nous demander de vous solliciter au gouvernement de ne pas adopter ce bill en vitesse, d'être raisonnables, de les entendre dans une commission parlementaire. Madame, on voit que l'économie en serait perturbée, on voit véritablement que tout le système de nos cultivateurs que nous avons élaboré depuis des années et que vous essayez vous aussi de rendre meilleur, va être pire. Si, comme l'avait demandé quelqu'un dans cette Chambre avant le 21, on sectionnait ce bill en deux, on n'aurait eu aucune objection à ce que l'article de la loi qui prévoit la rétroactivité ou le non-perçu soit imposable, et je dis, madame, que

le jugement de la Cour suprême aurait été parfaitement accepté.

Ce n'est pas cela. On se saisit de cette loi pour dire aux cultivateurs — j'entendais tout à l'heure l'honorable leader commencer son discours en disant'. Ecoutez, c'est une question simplement de technique légale. On veut rendre justice aux cultivateurs qui, en vertu du jugement de la Cour suprême, ont vu leur contribution annulée par un geste posé par la Cour suprême qui disait que c'était illégal et ultra vires. Maintenant, on veut légaliser cela, Mme le Président, mais on se sert actuellement de ce bill, de cette loi 116 pour y ajouter d'autres choses que plusieurs parmi les cultivateurs ne savaient pas, mais qui était contenu dans le bill 36 de 1974. Mais les cultivateurs n'avaient jamais été saisis de ces propositions. Aujourd'hui, on va beaucoup plus loin dans l'explication qu'on leur donne en leur disant: Ecoutez, quand il va s'agir de fixer le temps et le lieu de production, c'est extrêmement pénible.

Un cultivateur est habitué d'être le maître absolu sur sa terre, et on l'y a préparé par le bill 90. Je n'en parle pas, Mme le Président, mais je dis qu'on l'a préparé à cela par l'adoption du bill 90. La motion qu'a présentée le député de Maskinongé pour demander un délai, nous l'aurions appuyée, mais, par la voix du député de Brome-Missisquoi, nous aurions mis ce délai à dix jours. Qu'importe, un mois, nous sommes prêts à l'accepter, et nous sommes surtout prêts, madame, à accepter une commission parlementaire. Madame, tout le monde le sait, je n'ai pas besoin de vous le répéter, il faut que l'opinion publique soit convaincue de la nécessité de la loi et je pense que si on avait une commission parlementaire dans les 10 jours ou les 20 jours qui suivraient cette session, nous pourrions entendre les gens nous donner leur opinion. N'oubliez pas que vous allez attaquer une classe de gens qui ont une grosse mémoire. Les cultivateurs, dans la province de Québec, ne sont pas comme les autres sections de notre population. Les ouvriers, les professionnels, les entrepreneurs, les menuisiers ou les autres, cela n'est pas le même genre. Un cultivateur prend du temps à se décider, prend du temps à réfléchir, mais quand il a décidé quelque chose, madame, c'est la vox populi. Je voudrais que vous vous en souveniez.

La vox populi va se faire entendre bien plus fort après l'adoption de cette loi. Le ministre peut dire que c'est ridicule, il pourra dire: Je les ai tous vus, je les ai tous rencontrés, ils sont tous satisfaits. Pas tant que cela, Mme le Président. Nous aussi, chacun des députés de l'Union Nationale, avons fait le tour de nos comtés, on n'avait pas besoin d'une télévision pour nous annoncer dans les comtés; nous avons fait le tour de nos comtés et nous en revenons avec des impressions bien différentes, après la visite des ministres. Je vous garantis que j'ai passé derrière le ministre dans mon comté, je n'oserais pas lui dire, pour ne pas lui faire de peine, ce que les gens m'ont dit. La grande majorité l'a trouvé un peu jeune. Les cultivateurs ont dit: II est frisé comme un jeune bébé, il a l'air jeune, le ministre. Oui, c'est vrai, c'est très pertinent, je reviens.

J'ai le droit de dire qu'il est venu chez nous. Une Voix: Ce n'est pas pertinent du tout.

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bellemare: J'ai le droit de dire que les cultivateurs chez nous l'ont trouvé drôlement jeune votre ministre. Ils ont trouvé qu'il raisonnait et qu'il ne répondait pas aux questions souvent.

Mme le Président, 100% des gens dans mon comté m'ont dit qu'ils étaient contre le projet de loi no 116. Je n'en ai pas vu qui y étaient favorables. Dieu sait que j'ai eu le temps de faire le tour, d'aller voir tout le monde. Je ne suis pas encore si mal vu que cela. Même si je suis une épave, comme l'a dit si malencontreusement le ministre de l'Industrie et du Commerce, il a reçu sa réponse dans la province. (17 h 50)

II y a 100% des députés de l'Union Nationale qui sont contre ce projet de loi. Parce qu'on vit dans des comtés ruraux, on sait comment les plans conjoints et les coopératives fonctionnent chez nous. On a conscience d'être près de la population. C'est pour cette raison qu'aujourd'hui je me fais personnellement le porte-parole de mon comté, de mes cultivateurs, de mes coopérateurs, de ceux qui sont dans les plans conjoints pour vous dire que le projet de loi no 116 devrait être honni dans cette province. Il devrait être barré, parce qu'on a, en vertu de 36, tous les pouvoirs qu'on veut se donner pour parfaire le jugement de la Cour suprême qui a été rendu.

Mme le Vice-Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Jean Garon

M. Garon: Mme le Président, je dois dire qu'on m'avait prévenu qu'en présentant le projet de loi no 116, ne serait-ce que pour changer une virgule à la Loi de la mise en marché des produits agricoles, ceux qui étaient contre la mise en marché en groupe des agriculteurs sous la forme des plans conjoints qui parfois s'étendent dans des plans nationaux, il y aurait un tollé de la part des producteurs dissidents.

Evidemment, à la même occasion aussi, j'ai craint un instant que les vieilles luttes qui existent entre le mouvement coopératif et le mouvement syndical se résolveraient. Mais le mouvement coopératif a compris, et le mouvement syndical aussi, que le projet de loi no 116 était nécessaire, parce que les enjeux du projet de loi no 116 sont considérables, parce que les plans nationaux, que ce soit le plan du lait, le plan du dindon, le plan des oeufs, et maintenant un nouveau plan qui a été accepté par le gouvernement fédéral, à la suite des demandes du gouvernement du Québec et des producteurs agricoles, depuis de nombreuses années, le plan national du poulet qui a été accepté à la fin de décembre 1978. Nous avons besoin de la loi 116 pour maintenir ces plans nationaux et pour mettre en oeuvre le plan national du poulet.

A cette occasion, des fumistes peuvent dire toutes sortes de balivernes. J'aimerais au moins qu'on dise la vérité aux agriculteurs. Jamais, depuis que j'ai été nommé ministre de l'Agriculture — on pourra dire n'importe quoi, on pourra dire que je suis trop gros — il y a une chose qu'on ne pourra jamais dire de moi, c'est-à-dire que j'ai menti; je n'ai jamais menti. Jamais je n'ai raconté un seul mensonge aux agriculteurs!

M. Lavoie: Sauf dans le zonage agricole.

M. Garon: La protection du territoire agricole est une mesure populaire.

M. Lavoie: Un peu. De petites menteries.

M. Garon: II y a évidemment des questions qui se posent à la suite des discours de l'Opposition qui ont véhiculé un tas de menteries. A la suite de nos explications, aux explications fournies par la commission, les gens disent: Ah, si c'est comme ça, c'est bon en mosus! Excepté qu'on a dit toutes sortes de choses dans l'Opposition, comme les gens ne pourront plus faire de testament ou des choses comme cela. C'est complètement faux. Maintenant que la loi est adoptée, des feuillets seront distribués à la population.

Mme le Vice-Président: A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! A l'ordre, M. le député de Nicolet-Yamaska! S'il vous plaît!

Je comprends, M. le ministre, que certaines interventions peuvent vous avoir porté à déborder un peu en réponse aux incitations sur la motion d'amendement sur laquelle nous devons parler maintenant.

A l'ordre, M. le député de Mégantic-Compton, s'il vous plaît!

M. le ministre.

M. Garon: J'ai entendu, par exemple, le député de Beauce-Sud dont les interventions varient selon les auditoires. Quand il parle devant des dissidents, c'est un langage. Quand il parle devant les gens de l'UPA, où il y a 800 producteurs agricoles, ce n'est plus tout à fait le même langage. Je dois dire ceci, par exemple. Quand le député de Beauce-Sud veut qu'on tienne une commission parlementaire sur les coupures de quotas de 20% de 1976, il n'est pas dans le bon Parlement parce que c'est à Ottawa que cela a été coupé en 1976. Les cultivateurs le savent tous. Quand ils sont partis en autobus, ils ne sont pas venus à Québec, ils sont allés à Ottawa.

Je suis indigné quand je vois qu'on essaie de prendre les agriculteurs pour des niaiseux en leur racontant de telles balivernes. Les agriculteurs savent comment fonctionnent ces lois. Evidemment, il y a des points d'interrogation, c'est normal et l'étude article par article d'un projet de loi est là justement pour répondre aux points d'interrogation.

M. Grenier: Les ententes...

M. Garon: II n'y a jamais eu d'ententes, comme je n'ai pas déposé la loi en pleine nuit, comme la deuxième lecture n'a pas eu lieu en pleine nuit, comme il n'y a pas de dirigeants de l'UPA qui ont été nommés à la commission actuellement. Ce sont tous des mensonges que vous avez véhiculés.

M. Lavoie: Mme la Présidente, je voudrais soulever une question de règlement avant que le ministre...

Mme le Vice-Président: A l'ordre! A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît. M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle se lève sur une question — cela vient? — de règlement.

M. le leader.

M. Lavoie: C'est bien simple, Mme la Présidente. Je voudrais demander au ministre de parler de la motion. Y aura-t-il une commission parlementaire, oui ou non? Arrêtez donc de vous étouffer. Dites-nous donc si vous en voulez une commission...

Mme le Vice-Président: A l'ordre! A l'ordre! S'il vous plaît! Le calme se fait tout doucement. M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: Mme le Président, je pense que ce qui arrive, c'est qu'à l'occasion de cette loi il y a toutes sortes de discussions qui se font qui ne regardent pas du tout le projet de loi 116. Exemple: si dans la région de Nicolet on discute de l'affectation des quotas au niveau de cette région, c'est une question particulière qui n'est pas concernée du tout par le projet de loi 116. A ce moment, la façon de le faire, c'est par une plainte à la régie et on m'a dit qu'il y avait eu une plainte de déposée à la régie. C'est une question complètement différente. Quand on dit, par exemple, qu'il doit y avoir des ajustements entre le mouvement coopératif...

M. Lavoie: M. le Président, existe-t-il un règlement à l'Assemblée nationale? Cela fait deux fois qu'on demande au ministre de respecter le règlement. Nous sommes sur une motion secondaire du député de Maskinongé demandant que le projet de loi soit remis à un mois pour qu'il y ait une commission parlementaire. On ne veut pas que le ministre exerce sa réplique. Il fera sa réplique plus tard, sur la motion principale. Ce sera lu dans un mois d'aujourd'hui.

M. Garon: M. le Président...

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: ... j'ai laissé parler les députés. Je sais le député de Laval rusé. Il sait que je parle à la télévision et que les cultivateurs m'entendent. Il veut m'empêcher de parler. Ce que je veux dire, c'est ceci: Les députés ont dit: Pourquoi une nouvelle commission parlementaire? Et je dis: Pour-

quoi? On n'a pas besoin d'une commission parlementaire.

Une Voix: Pourquoi?

M. Garon: Parce qu'il est évident qu'il doit y avoir des ajustements entre le mouvement coopératif et le mouvement syndical dans le milieu agricole. Mais la loi 116 ne concerne pas du tout cette question. La loi 116 n'ajoute rien à ce qui existe actuellement. La meilleure preuve? Je vais lire la loi fédérale, l'article 2, un des articles avec lesquels on a trompé la population, un article qui a été déclaré ultra vires dans le chapitre A-7 de la loi fédérale visant le placement des produits agricoles sur le marché interprovincial et dans le commerce d'exportation. Qu'est-ce qu'on dit là-dedans? On dit: "Le gouvernement peut fixer, imposer, percevoir des contributions ou droits de la part de personnes adonnées à la production ou au placement de la totalité ou d'une partie de quelque produit agricole et, à cette fin, de classer ces personnes en groupes". C'est exactement la loi fédérale qui dit qu'on peut classer les producteurs en groupes. Qu'avons-nous mis dans la loi québécoise, le projet de loi 116? Exactement la même chose. Classer en groupes. Et quand je vois — et j'espère que ce n'est pas un avocat qui a écrit cela...

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture... M. Garon: Quand je vois...

Le Président:... pourrais-je vous demander de parler sur la motion et d'être un peu plus pertinent? (18 heures)

M. Garon: Quand on dit, par exemple, qu'on a fait cette loi pour classer des bons, des pas bons et des pas bons, ce n'est pas vrai. C'est fait pour classer en lait industriel, en lait de consommation, en producteurs de fruits et de légumes, etc. On veut une commission parlementaire, au fond, pour permettre les mesures dilatoires qui ont existé pendant des années avec la dissidence, de la même façon que le Parti libéral a dû verser des centaines de milliers de dollars parce que les dissidents ne payaient pas leur cotisation pour que le plan des oeufs continue à fonctionner; question du député de Huntingdon à laquelle j'ai répondu en inscrivant les montants, puisqu'il avait déjà inscrit cette question au feuilleton. Le Parti libéral considérait-il, à ce moment-là, qu'il fallait jeter au dessus de $1 million dans l'eau ou s'il considérait qu'il était important de maintenir le plan national des oeufs ou s'il considérait important qu'il fallait mettre dans la législation les articles nécessaires pour endiguer les ambiguïtés afin qu'on ne puisse pas dire qu'on produisait pour un marché interprovincial pour éviter le contrôle par le plan national des oeufs.

Ce que cette loi 116 vient faire, au fond, c'est uniquement boucher des trous que la Cour suprême a demandé de boucher parce qu'elle a dit: La production totale est de juridiction provinciale. A ce moment-là, on ne pourra pas dire que le produit pour un marché provincial...

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, je vous rappelle tout simplement qu'il est 18 heures et que l'Assemblée doit suspendre ses travaux jusqu'à 20 heures. A 20 heures.

Suspension de la séance à 18 h 2

Reprise de la séance à 20 h 8

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre de l'Agriculture, vous en étiez à votre intervention sur la motion de report à un mois. Je vous cède de nouveau le droit de parole, M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: M. le Président, quand les partis d'Opposition nous disent qu'ils veulent le report à un mois, au fond, ils ont eu, depuis le 21 ou le 22 décembre, la journée où on a ajourné, la nuit plutôt, la fois où le chef de l'Union Nationale n'était pas capable de décider, avec son caucus, ce qu'il ferait... A ce moment-là, M. le Président...

M. Grenier: ... Seigneur de la vie! Ha! ha! ha! Une Voix: ... le leader pleurait.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe! M. le ministre peut poursuivre.

M. Garon:... on avait annoncé qu'il y aurait, le 6 février, reprise de la session pour adopter, entre autres, le projet de loi no 116. Je pense qu'à ce moment-là les députés qui n'ont pas pris — j'espère — des vacances entre le 22 décembre et le 6 février — cela fait un mois et demi, c'est peut-être fort un peu — et qui travaillent, j'imagine, ont eu le temps de lire le projet de loi no 116 mais, surtout, en correspondance avec la Loi de la mise en marché des produits agricoles. Le projet de loi no 116 n'est pas un projet de loi qui doit se lire seul, c'est un projet de loi qui se greffe à la Loi de la mise en marché des produits agricoles. Alors, il faut lire les deux lois ensemble et voir à quel point — en lisant toute la Loi de la mise en marché des produits agricoles — le projet de loi no 116, en réalité, n'ajoute pas de pouvoirs, que les pouvoirs sont dans la loi. (20 h 10)

C'est pour cela qu'il faut dire que reporter à un mois, je pense, est inutile; ce sont des mesures dilatoires. Je dois dire également que je suis un peu étonné de l'attitude de l'Union Nationale et du député de Beauce-Sud parce que souvent, en commission parlementaire, ils nous disent que la production c'est dans le champ, que cela doit être dirigé par les agriculteurs. Voilà des plans conjoints qui sont dirigés par les agriculteurs. Ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui les dirigent, qui

sont en charge; ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui élisent leurs dirigeants. J'en ai rencontré à Saint-Guillaume qui me disaient — cela avait l'air d'une chicane de famille — qu'ils n'aimaient pas tel et tel dirigeant. C'est votre privilège, lors des assemblées annuelles, de changer vos dirigeants. Ce sont là des lois. A ce moment-là, si vous n'aimez pas tel règlement dans votre plan conjoint, changez votre règlement.

La loi ne vous dit pas d'adopter tel ou tel règlement, elle vous dit: Vous pouvez adopter des règlements pour faire telle et telle chose. A ce moment, il faut que les gens aillent aux réunions, discutent, demandent des informations et élisent des dirigeants qu'ils veulent voir élus. Quand on dit, par exemple: Les dirigeants de l'UPA, dans certains cas, comme disait le député de Beauce-Sud, sont de gros producteurs, vous n'avez qu'à en élire des petits. Ils n'ont qu'à aller au vote et à élire des petits et s'ils les trouvent trop petits, en élire des moyens, mais élire des gens qui correspondent à ce qu'ils veulent voir représenter. Tout cela est dans la loi actuellement et c'est la même chose dans les coopératives également, les gens qui siègent aux conseils d'administration des coopératives sont des gens qui ont été élus par les producteurs. Les lois québécoises ont été faites comme cela et je pense qu'on a bien fait de les faire de cette façon, contrairement aux lois de l'Ontario ou d'autres provinces, où le pouvoir vient d'en haut. C'est toujours d'en haut, du fonctionnarisme, et c'est toujours... l'Union Nationale m'a dit...

M. Raynauld: Parlez-nous donc du porc. Vous l'avez imposé d'en haut! Franchement!

M. Garon: Parlez-nous donc des amendements que vous avez votés pour permettre justement — c'est vous-mêmes qui avez adopté les amendements dans la loi de 1975 pour permettre l'adoption du porc sans référendum. Il faudrait quand même qu'il y ait une certaine continuité même si les députés changent dans le parti libéral.

Une Voix: D'en haut, avec les bureaucrates.

Mme le Vice-Président: M. le député d'Outremont, vous pourrez intervenir — s'il vous plaît! A l'ordre!

M. Raynauld: Question de privilège. Mme le Président, j'ai entendu le député des Deux-Montagnes parler des porcs d'Outremont. Je voudrais qu'il retire ses paroles.

Mme le Vice-Président: Je vous en prie.

M. de Bellefeuille: Mme le Président, je retire toute parole qui aurait pu être jugée offensante. Je voulais indiquer que, dans la circonscription d'Outremont, les porcs sont peu nombreux. C'est tout.

Mme le Vice-Président: M. le député. C'est M. le ministre de l'Agriculture qui a maintenant le droit de parole. A l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais vous faire remarquer que vous aurez un droit de parole, si vous le demandez, mais je vous demanderais maintenant de respecter celui du ministre de l'Agriculture. M. le ministre.

M. Garon: Mme le Président, je pense bien qu'il n'y a pas beaucoup de porcs dans Outremont, il y aurait plutôt des cochons d'Inde pour amuser les enfants. Quand on a fait la Loi sur la protection du territoire agricole, on a réalisé que dans le comté d'Outremont, il y a seulement un cultivateur, je ne sais pas à quelle place il se trouve et je ne sais pas s'il va demander d'être inclus dans le zonage.

M. Raynauld: Avez-vous des porcs chez vous?

M. Garon: II s'agit, Mme le Président, d'amendements qui sont essentiellement...

Mme le Vice-Président: M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Fontaine: Mme le Président, le ministre fait un excellent discours...

Mme le Vice-Président: A quel propos voulez-vous intervenir, M. le député? Sur une question de règlement?

M. Fontaine: Sur une question de règlement.

Mme le Vice-Président: Sur une question de règlement, M. le ministre de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Le ministre fait un excellent discours, mais ce serait bien plus intéressant s'il y avait au moins 30 personnes pour l'écouter.

Mme le Vice-Président: Je pense que nous avons quorum, mais nous allons quand même vérifier.

Nous n'avons pas quorum. Y aurait-il des députés? S'il vous plaît! Qu'on appelle les députés.

A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: II s'agit essentiellement d'une loi qui a pour objet de compléter la Loi de la mise en marché des produits agricoles au Québec parce que la Cour suprême a créé un vice juridique par sa décision du 19 janvier 1978. J'ai demandé à la Régie des marchés agricoles de faire une enquête au mois de décembre — elle l'a fait le 18 décembre 1978 — pour voir où en était rendue cette question dans les autres provinces.

On remarque qu'au 18 décembre 1978, pour le lait — parce qu'il y a une loi séparée pour le lait et pour les autres produits agricoles dans certaines provinces — trois provinces avaient amendé leur loi, soit l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et l'Alber-ta; deux provinces avaient des textes en préparation, soit la Colombie-Britannique et le Manito-

ba; deux provinces n'avaient pas encore fixé leur besoin d'amender leur loi, elles n'étaient pas encore certaines, la Nouvelle-Ecosse et l'lle-du-Prince-Edouard et deux provinces pensent que leur texte présent est assez large, soit la Saskatchewan et Terre-Neuve. Pour les autres produits agricoles, c'est-à-dire les oeufs, le dindon, etc., quatre provinces avaient amendé leur loi, l'Ontario, le Manitoba, la Colombie canadienne et le Nouveau-Brunswick et cinq provinces prétendent que leur texte actuel est assez large, soit la Saskatchewan, I'Alberta, Ile-du-Prince-Edouard, la Nouvelle-Ecosse et Terre-Neuve. (20 h 20)

Quant à la rétroactivité pour le lait, encore là, parce que la législation est différente pour le lait et les autres produits agricoles, trois provinces l'ont prévue, l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et l'AI-berta; une province n'a pas encore de projet séparé — j'imagine que c'est à cause de la période électorale — c'est la Nouvelle-Ecosse, et deux provinces avaient des projets en préparation, le Manitoba et la Colombie-Britannique; trois provinces croient leur loi adéquate et ne prévoient aucun problème de réclamation, c'est-à-dire les autres provinces que je n'ai pas mentionnées. Pour les autres produits agricoles, les oeufs, le dindon, etc., quatre provinces prévoient une rétroactivité: l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et la Colombie-Britannique, et cinq provinces prétendent leur loi adéquate, donc ne s'attendent à aucune réclamation, ce sont les cinq autres provinces, et il reste seulement le Québec à ce point de vue.

Quant aux pouvoirs donnés aux offices d'annuler et de suspendre des quotas lorsque c'est nécessaire de le faire — il ne s'agit pas d'annuler à tout venant comme cela — pour le lait, toutes les provinces l'ont dans leur loi. Pour le fait... Attendez un peu. Moins la Nouvelle-Ecosse, je suppose que ces gens n'ont pas eu encore le temps de le faire, parce qu'ils n'ont pas encore amendé leur loi à cause des élections. Pour les autres produits agricoles, toutes les provinces, sans exception, ont ces pouvoirs dans leur législation. Alors, Mme le Président, comme le souligne le journal Vers Demain-Pèlerin, qui semble avoir des disciples dans cette Chambre — le député de Beauce-Sud retourne aux sources semble-t-il — nous serions la dixième province à devenir communiste. Nous serions la dernière et on suivrait le pas des autres. Je pense que c'est un peu ridicule.

Au fond, tout simplement, la mise en marché collective des produits agricoles se fait de cette façon dans l'ensemble du Canada. Il y a des plans nationaux à faire fonctionner. Il s'agit essentiellement de faire fonctionner les plans nationaux, le plan du lait, le plan des dindons, le plan des oeufs et de mettre en marche le plan du poulet.

Alors, Mme le Président, je pense qu'il n'est pas nécessaire d'ajourner le débat, de faire une commission parlementaire. Tout simplement, lorsqu'on fera l'étude article par article, les conseillers juridiques qui ont travaillé avec moi à l'élaboration de ce projet de loi seront là et nous pourrons répondre, à chacun des articles, à toutes les questions que posera l'Opposition pour clarifier certains points de vue — je comprends que ce sont des lois complexes — pour clarifier toutes les questions que l'Opposition voudra bien poser lors de l'étude des projets de loi. Je peux vous dire que je ne pense pas que nous ayons mis dans cette loi un seul mot qui soit superflu. S'il s'en trouve, lors de la discussion en commission parlementaire, puisque c'est la coutume de discuter des articles article par article, nous pourrons enlever les mots inutiles; mais je pense que ces articles sont nécessaires. Ils sont nécessaires aussi pour enlever l'ambiguïté. Je pense qu'il n'est pas normal que les lois et les plans nationaux soient constamment devant les tribunaux comme on l'a connu au Québec, au cours des dernières années.

Il n'est pas normal qu'on retrouve constamment des débats juridiques. Les producteurs agricoles ont autre chose à faire dans le fonctionnement des plans nationaux et des plans conjoints que se retrouver constamment devant les tribunaux parce que les lois ont été mal faites et qu'à ce moment-là il y a des trous dans les lois. C'est cela que la Cour suprême essentiellement a voulu faire dans son jugement de 1978; elle a voulu donner la juridiction à 100% sur toute la production, quelle que soit la finalité, que ce soit la production pour des fins locales, régionales, provinciales, interprovinciales, internationales et, s'il y a autre chose plus tard, ce sera compris aussi. Tout cela est de juridiction provinciale. En ce qui concerne le commerce...

M. Lavoie: Ce n'est pas la tour de Pise.

M. Garon: Je vais vous dire une chose. Vous voyez encore les problèmes que nous crée la Cour suprême. Au fond, c'est parce que la loi fédérale n'avait pas été bien faite qu'on est obligé de changer tout cela. Vous voyez le trouble que nous donne encore le fédéral. Si la loi n'avait pas été déclarée ultra vires dans quelques articles, on n'aurait pas tout ce travail à faire.

M. Lavoie: La Cour suprême a donné raison aux provinces.

M. Gratton: Elle ne penchait pas du même bord.

M. Garon: Elle a changé sa jurisprudence. Elle a dit que la province a juridiction sur la production. A ce moment-là, on ne pourra pas plaider devant les tribunaux des points d'ambiguïté qui ont été plaidés dans le passé et qui ont permis toutes sortes d'échappatoires non pas à la majorité des producteurs, mais à la minorité des producteurs qui ne respecte pas la majorité. Quand des plans conjoints sont adoptés à des pourcentages, comme les oeufs, de 92%, celui qui ne veut pas payer alors qu'il bénéficie de tous les avantages dont les autres bénéficient, je trouve qu'il est anormal qu'il ne paie pas sa part. Il n'est pas nor-

mal, non plus que, dans un syndicat ouvrier ou dans une association professionnelle, celui qui profite des avantages alors que 92% des gens ont voté puisse s'en tirer sans payer alors que tout le monde paie, parce que le plan a été fait pour la majorité, pas seulement pour la majorité, mais pour tous les producteurs.

Quand il y a un prix administré, un prix administré, c'est quoi? C'est un prix qui a été fixé non pas par l'offre et la demande, mais par négociation, qui est supposé rencontrer les coûts de production. C'est évident qu'à cela se greffe un contrôle de la production parce qu'à ce prix administré il pourrait y avoir des productions qui dépasseraient deux et trois fois les besoins du marché. C'est cela, les règles du jeu. C'est évident que ces problèmes peuvent être complexes. C'est évident. Par exemple, dans les quotas de lait, quand on administre pour l'ensemble du Canada et qu'il y a des subventions pour la production du lait, c'est évident qu'il y a un contrôle de la production parce qu'il y a un coût, un prix subventionné.

Les producteurs s'attendent de produire deux fois et peut-être plus de lait encore, et le marché n'est pas capable de reprendre ce lait-là à moins qu'on travaille pour développer les marchés. C'est pour cela que j'étais absent à la période des questions aujourd'hui; j'ai assisté à l'inauguration d'une usine de fromage, d'une fromagerie, qui va faire des fromages que, jusqu'à maintenant, nous importions d'Europe. 30 millions de livres de lait vont aller dans cette fromagerie.

Des Voix: Bravo!

M. Garon: J'aurai l'occasion aussi, au cours de cette semaine...

M. Grenier: Cela fait dix fois que vous l'annoncez.

M. Garon: Oui, parce que c'est important. Ce sont des fromages qu'on importait à 100% auparavant. J'aurai l'occasion, au cours de cette semaine, d'annoncer également d'autres subventions à des entreprises qui sont dans les produits les plus modernes où nous accaparons une grande partie du marché ontarien, du marché américain et du marché des Maritimes. C'est comme cela que le développement économique au Québec va se faire. C'est pour cela que je voudrais que le projet de loi 116 soit adopté le plus rapidement possible pour que le ministre de l'Agriculture ait autre chose à faire que de parler de la dissidence, au lieu de parler de développement économique agro-alimentaire au Québec et me laisser le temps de bâtir les entreprises comme on l'a fait depuis deux ans à la grandeur du Québec.

Des Voix: Bravo!

M. Garon: Quant à ceux qui pensent — je sais que le député de Shefford a déjà dit cela; il y en a d'autres de l'Union Nationale — que je couchais avec l'UPA, je ne couche avec personne, sauf avec ma femme. Je vais vous dire simplement qu'à certains moments il y a des discussions sur le développement agro-alimentaire. Il arrive que nous divergions d'opinion, qu'il y ait des discussions, mais souventefois nous avons la même opinion. Je pense qu'il est normal qu'un gouvernement consulte les producteurs agricoles. Dans le cas du projet de loi 116, je vous dirai bien franchement que, contrairement à tout ce qu'on a dit, jamais l'UPA ne nous a demandé d'adopter cette loi. Ce sont nos conseillers juridiques eux-mêmes qui nous ont dit: Nous avons besoin de cette loi à la suite du jugement de la Cour suprême. Je peux vous dire — croyez-le ou non — que c'est la vérité. Jamais il n'y a eu une demande de l'UPA à savoir: Adoptez-nous la loi 116! Au contraire, les conseillers juridiques me pressaient, au cours de l'été, de me préparer à adopter le projet de loi 116 puisque c'était urgent de l'adopter. Je peux vous dire que c'est avec beaucoup de réticence et avec beaucoup — je dirais — d'études, beaucoup de discussions avec les gens du ministère que nous avons présenté le projet de loi no 116.

Regardez un des articles où il faut discuter au point de vue de l'administration de certains pouvoirs, dans le cadre d'un plan national, des organismes fédéraux, des organismes interprovinciaux ou des organismes québécois provinciaux. Je ne suis pas et je pense bien que vous savez que le gouvernement actuel du Québec n'est pas porté, par tempérament, à confier à d'autres l'administration de ses pouvoirs. Mais, dans le cadre d'un plan national, on n'a pas le choix parce que, dans certains cas, les surplus ne se retrouvent pas au niveau d'une province mais se retrouvent dans l'ensemble du territoire que couvre le plan. A ce moment-là, il serait complètement illusoire de vouloir administrer un plan national, c'est-à-dire un plan... J'appelle cela un plan national mais c'est plutôt un plan canadien, si vous voulez, pour l'ensemble du Canada, un plan qui n'est pas fédéral vraiment, un plan fédéral-interprovincial mais qui couvre l'ensemble du Canada; il serait illusoire d'administrer cela autrement que par un organisme conjoint. (20 h 30)

J'ai fait étudier ces articles avec beaucoup de parcimonie; je les ai fait changer à plusieurs reprises pour être bien sûr que le Québec n'aliénait aucun des pouvoirs qui lui étaient consentis par la Cour suprême, de sorte qu'il y ait dans la loi uniquement ce qui était nécessaire pour faire fonctionner ces plans. Je ne voudrais pas, je l'ai dit tout à l'heure, et je vais terminer là-dessus, Mme le Président...

M. Lavoie: Je crois que...

Mme le Vice-Président: M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: ... le ministre devient de moins en moins intéressant et il a épuisé son droit de parole depuis au moins trois minutes. S'il veut continuer encore une minute ou deux, on n'a pas d'objection mais, au moins, que ce soit sur la motion.

Mme le Vice-Président: M. le ministre.

M. Garon: Mme le Président, je pense que nous n'avons pas besoin de délai, parce qu'il s'agit d'une loi essentiellement simple. Si, comme le dit le député de Beauce-Sud, on veut régler tout le problème de la commercialisation des produits agricoles, avec les coupures de quotas du fédéral, avec la question des coopératives et du syndicalisme, etc., c'est une autre paire de manches. A ce moment-là, on tombe complètement en dehors du projet de loi no 116 puisqu'il vient uniquement combler un vide juridique. Pour faire cette étude, nous pouvons procéder très rapidement en commission parlementaire et à toutes les questions que l'Opposition peut se poser, des réponses pourront y être fournies.

Je pense que ce n'est pas le moment pour faire un débat sur toute la commercialisation des produits agricoles au Québec. Il s'agit simplement de faire fonctionner des plans que nous avons déjà.

Des Voix: Vote! Vote!

Mme le Vice-Président: Cette...

M. Dubois: J'aimerais intervenir.

Mme le Vice-Président: M. le député de Huntingdon, vous voulez intervenir sur la motion d'amendement?

M. Dubois: C'est cela.

Mme le Vice-Président: M. le député de Huntingdon.

M. Claude Dubois

M. Dubois: Merci, Mme le Président. Pour ma part, je suis d'accord avec la motion du député de Maskinongé pour reporter de quelques jours du moins, l'étude du projet de loi afin de permettre que des intervenants viennent en commission parlementaire pour nous expliquer les raisons pour lesquelles certains désirent le projet de loi d'une façon rapide et aussi, pour certains autres, les raisons pour lesquelles ils sont contre le projet de loi.

Je pense qu'il serait important que tous les intervenants puissent se présenter à la même tribune, soit une commission parlementaire. Nous l'avons vécu au niveau du projet de loi no 90 et je pense que ce fut très intéressant pour tous les intervenants. Ce fut très intéressant pour les membres de l'Assemblée nationale qui y ont participé et ce fut aussi au profit des agriculteurs qui ont pu quand même recevoir de la part de la presse écrite et de la télévision des commentaires sur cette commission. Je pense qu'on a réussi quand même à susciter beaucoup d'intérêt chez la population agricole quand il s'est agi de discuter le projet de loi no 90. Nous savons tous que la Cour suprême du Canada a déclaré certains prélevés ultra vires, certains autres prélevés illégaux sur certaines productions. Ce jugement date de plus d'un an. Je pense que c'était, si je ne me trompe pas, le 18 janvier 1978. Je peux me tromper d'une journée ou deux, mais cela fait plus d'un an et je pense qu'il n'y a rien qui est tombé à terre depuis ce temps. La plans conjoints fonctionnent comme ils fonctionnaient antérieurement. Il n'y a rien de changé et je ne vois pas pourquoi le ministre de l'Agriculture serait aussi pressé et nous pousserait aussi fortement dans le dos pour faire sanctionner ce projet de loi qui est à mon avis très abusif dans le sens qu'il concède à un syndicat des pouvoirs exorbitants, chose qui n'est pas acceptable.

Je pense que c'est à peu près comme si on disait que demain on laisse à la CSN ou à la FTQ le contrôle de l'économie industrielle au Québec. Ce serait à peu près la même chose. Ici, on voudrait laisser le contrôle de l'économie agricole entre les mains d'un syndicat. J'aimerais qu'un jour on puisse définir le rôle du syndicalisme dans l'agriculture, le rôle des coopératives et aussi le rôle d'un office de producteurs ou d'une fédération de producteurs. Je pense que tout le monde est mêlé là-dedans. Les trois ne se comprennent pas et je pense qu'il y a lieu pour le législateur de définir le rôle de chacun. Je pense que c'est impératif que ce soit fait. J'aimerais aussi indiquer que la loi qui fut sanctionnée en 1974, qu'on appelle le chapitre 36, Loi sur la mise en marché des produits agricoles au Québec, le fut sous le régime libéral. A ce moment, l'Union Nationale n'était pas dans le portrait parce qu'on n'avait pas de représentant à l'Assemblée nationale. Il n'y a pas eu d'opposition sur ce projet de loi. Celui-là aussi était exorbitant. Il concédait des pouvoirs abusifs aux offices de producteurs et au syndicalisme, mais étant donné que personne n'a défendu la liberté des agriculteurs, à ce moment, le projet de loi est passé à peu près inaperçu.

Aujourd'hui, c'est tout autre chose au niveau du projet de loi no 116. Il y a ici dans cette Chambre des défenseurs de l'agriculteur et c'est l'Union Nationale, je veux le préciser. J'aimerais ici, si vous voulez qu'on traite de syndicalisme, vous citer un article de Travail-Québec, publication d'octobre 1978 que j'ai reçue la semaine dernière du ministère du Travail, volume 14, no 3. On traite ici du syndicalisme à travers le monde et à travers le Canada et c'est écrit par M. Lucien Lévesque, responsable du centre de documentation de l'UPA. On dit ici: La loi des producteurs agricoles permet l'accréditation d'une seule association agricole, accorde le pouvoir de percevoir des cotisations et des contributions obligatoires, ceci après avoir franchi favorablement l'étape d'un référendum. Référendum, remarquez bien.

Puis, si on se rappelle le plan conjoint sur le porc au Québec, il y a deux référendums négatifs et on a sanctionné quand même ce plan conjoint. Le ministre actuel de l'Agriculture est donc responsable d'avoir sanctionné un plan conjoint sur le porc au Québec sans référendum positif. Il y a eu deux référendums négatifs. Il faudrait se souvenir de cela quand même.

Si la loi qui a accrédité l'UPA comme un syndicat professionnel, on l'indiquait dans cette loi, mais c'est bien indiqué: après référendum. Un référendum, ordinairement, on en accepte le résultat, s'il est positif, mais s'il est négatif. C'est le sens que je comprends.

Un peu plus loin, on dit que l'UPA est un organisme démocratique. Qu'est-ce qu'un organisme démocratique? Qui favorise la participation, respecte le droit d'association — c'est fort, cela respecte le droit d'association — et la liberté d'adhésion — cela va encore plus loin, tout cela est dit par l'UPA, ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'UPA qui le dit et c'est Travail-Québec — respecte le droit d'association et la liberté d'adhésion des agriculteurs. Elle est contrôlée naturellement par eux. Toute personne intéressée dans la production et la mise en marché des produits agricoles peut adhérer librement au syndicat de son choix, sous réserve...

Une Voix: C'est sur la motion cela.

M. Dubois: Non, mais je veux montrer comment cela se fait qu'il y a des problèmes aujourd'hui et pourquoi il faut le rapporter. ... sous réserve des règlements des syndicats, cette personne peut aussi retirer son adhésion en tout temps. Est-ce que c'est le cas? Vous lirez Travail-Québec.

Egalement, le ministre nous a cité l'exemple d'autres provinces, Mme le Président, qui ont sanctionné des projets de loi peut-être un peu identiques, il s'agit de la Colombie-Britannique, il s'agit de l'Ontario et il s'agit du Nouveau-Brunswick. Mais il y a une chose que le ministre a oublié de nous dire, c'est qu'en Ontario, en Colombie-Britannique aussi bien qu'au Nouveau-Brunswick, le contrôle de la production agricole est sous la loi votée par ces provinces, mais sous un contrôle absolu du lieutenant-gouverneur en conseil ou sous le contrôle du Conseil des ministres. Ici, au Québec, on cède à un office de producteurs tous les contrôles et tous les droits. On dit dans le projet de loi no 116 — je n'ai pas les paroles exactes, je pourrai le reprendre, si vous voulez — que l'Office des producteurs prend la place du lieutenant-gouverneur en conseil. Alors, c'est ni plus ni moins que céder tous nos droits aux offices puisque les offices sont chapeautés par un syndicat, et finalement c'est un syndicat qui contrôle l'économie agricole au Québec. C'est un fait et on le vit aujourd'hui. (20 h 40)

Pourquoi avons-nous des problèmes, c'est parce qu'on a cédé à un syndicat tous les droits dans l'agriculture, droits de produire et droits de mettre en marché, chose qui n'existait pas avant. Il y avait un contrôle sur la mise en marché et non un contrôle sur la production. Aujourd'hui, on vit un contrôle ou on va vivre, avec le projet de loi no 116, un contrôle sur la production aussi bien que sur la mise en marché. Je pense que cela est pas mal aberrant dans un pays où on doit vivre quand même une certaine démocratie et une certaine liberté.

J'inviterais les membres de cette Chambre à vérifier les projets de loi des autres provinces. Quand le ministre nous dit que cela remplit un vide créé par le verdict de la Cour suprême, je pense que c'est plus que remplir le vide créé par ce verdict, c'est de donner des pouvoirs additionnels aux offices de producteurs. Je n'ai absolument rien contre un plan conjoint qui est administré par les producteurs. Mais, aujourd'hui, c'est la bureaucratie qui administre les plans conjoints et non les agriculteurs. C'est une autre chose, cela.

Une Voix: C'est différent.

M. Dubois: II serait temps que le ministre décide, une fois pour toutes, de définir les pouvoirs qu'on cède à un syndicat, les pouvoirs qu'on cède à une coopérative et les pouvoirs qu'on cède à un office de producteurs.

Il semble aussi plus évident, depuis hier, que le ministre de l'Agriculture serait porté à chapeauter et même à cautionner les agissements de l'UPA, de l'Union des producteurs agricoles, vis-à-vis des coopératives en laissant entre les mains des offices des producteurs le contrôle absolu sur la production agricole et plus particulièrement sur la production du lait au Québec. Par le fait même, on pourrait vivre un jour où les coopératives agricoles du Québec ne pourraient plus s'approvisionner en lait puisque le contrôle serait entre les mains du syndicat qui, lui, devient automatiquement, avec Unilait, un autre transformateur de lait. Nous avons deux éléments parallèles dans la transformation du lait au Québec. C'est de plus en plus évident depuis hier puisqu'on a lu dans les journaux que le Conseil des ministres aurait voté un certain prêt à Unilait qui conférerait des pouvoirs de mise en marché et de contrôle de production à ces gens-là. Je ne sais pas si le ministre a l'intention de détruire les coopératives au Québec, mais il reste un danger. Nous allons vivre, dans les jours qui vont suivre, un affrontement de tous les instants entre ces deux éléments: d'une part, le syndicalisme agricole, qui est l'UPA, et, d'autre part, les coopératives. Ce qui arrive n'est pas pour le bienfait des agriculteurs; on va se détruire mutuellement et nous allons avoir des affrontements d'agriculteurs, des affrontements de syndicats et des affrontements de coopératives.

J'aurais beaucoup d'autres éléments à apporter, mais il y aurait lieu que j'aille plus en profondeur et j'attendrai plutôt lors de l'étude article par article du projet de loi no 116 et aussi au moment de l'heure qui me sera dévolue à la troisième lecture. A ce moment-là, je pourrai y aller plus profondément sur certains points qui me semblent prioritaires et qui pourraient permettre quand même de régler les problèmes que vivent présentement nos agriculteurs.

Je vous remercie, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Julien Giasson

M. Giasson: Mon collègue, le député de Maskinongé, au cours de son intervention dans le débat de deuxième lecture a réclamé du ministre de l'Agriculture la possibilité de faire siéger une commission parlementaire au cours des prochains jours afin de permettre à l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale, qui s'intéressent profondément aux problèmes agricoles du Québec, y compris le député de Joliette qui compte beaucup de producteurs et de grandes entreprises dans son milieu, d'examiner en profondeur tout le système de fonctionnement des plans conjoints au Québec, que ce soit dans le secteur... Je parle de plans conjoints qui sont surtout chapeautés par un office canadien de commercialisation ou de plan national parce que depuis quelques mois, surtout depuis la tombée de la loi 116 sur la table de l'Assemblée nationale, nous avons entendu des expressions d'avis ou d'opinions les plus variées qui soient.

Mme le Président, ce que j'ai entendu, personnellement, au cours de nombreuses discussions, va d'un extrême à l'autre. Il m'a été donné de rencontrer et de discuter avec des gens qui représentent ce qu'on appelle communément des dissidents ou des gens qui désapprouvent l'application des plans conjoints, des commentaires me sont venus d'administrateurs, de fédérations de producteurs qui administrent des plans conjoints au Québec. La tenue d'une commission parlementaire, Mme le Président, n'a absolument rien d'inconcevable en soi, surtout dans le contexte que nous vivons depuis quelques semaines.

Jamais, à ma connaissance, à l'Assemblée nationale ou dans une commission parlementaire de l'agriculture, il n'a été donné aux députés du Québec d'écouter et d'entendre des personnes qui ont vécu des expériences pratiques, que ce soit l'expérience vécue par ceux qui prétendent que des producteurs ont été lésés dans leurs droits, des producteurs chez qui on serait allé faire des saisies de produits de façon indue et anormale, des producteurs chez qui on avait saisi des oeufs, sous prétexte que le nombre de poules dans un poulailler dépassait le nombre autorisé par la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec. Cela nous a été dit, mais cela nous est lancé par une des parties en cause dans cette opération.

Comme il serait important également de connaître, Mme le Président, l'avis ou l'expérience vécue par certaines fédérations de production organisées de pians conjoints chez nous, lorsqu'on nous dit que pendant toute la période d'existence du plan conjoint de la chair de volaille, il s'est trouvé des producteurs détenteurs de quotas qui ne se sont jamais gênés pour faire de la production hors quota, comme on nous a raconté que des abattoirs avicoles au Québec ne se sont jamais gênés pour passer à côté de la réglementation prévue dans le cas de la chair de volaille pour aller s'approvisionner dans des provinces voisines, pour commander de la volaille vivante venant des Etats-Unis quand cela faisait leur affaire, comme également nous avons entendu des faits voulant que des producteurs, détenteurs de quotas au Québec, aient multiplié des programmes de production de volaille afin de les expédier dans les provinces voisines, que ce soit au Nou-veau-Brunswick ou en Ontario.

Il me semble, Mme le Président, que c'est l'expression du bon sens de convoquer notre commission parlementaire de l'agriculture pendant ce débat de la loi 116 qui ouvre la Loi des marchés agricoles du Québec. Ce serait l'occasion idéale d'inviter tous ceux qui veulent comparaître, que ce soient de simples producteurs, des représentants de groupes qu'on appelle les dissidents, des représentants de l'Office des producteurs de porcs du Québec qui doivent vivre un plan conjoint qui n'a jamais été voté et voulu par la base, par la majorité, par le biais de la tenue d'un référendum, mais qui vivent un plan conjoint décidé de toute autorité contre la volonté majoritaire des intéressés, décidé de toute autorité par le ministre de l'Agriculture du Québec.

Je l'avais avisé à l'époque, que l'expérience d'un plan conjoint non voulu par les producteurs était voué dès le départ à l'échec, que le ministre nie cela, qu'il me dise qu'en dépit de deux ordonnances de la Régie des marchés agricoles, qu'il a ordonné aux producteurs de souscrire un montant de $0.10 au départ par tête mise en marché pour financer... pas un sou n'a été perçu des producteurs. Vous donnerez vos chiffres, M. le ministre. La régie a dû procéder à une deuxième ordonnance auprès des salaisons ou des abattoirs du Québec les enjoignant de retenir à la source les $0.10 par tête contributoire.

Dites-nous, M. le ministre, combien d'abattoirs ont respecté cette ordonnance? Combien d'argent a été perçu? Dites-le-nous, M. le ministre. Vous n'en percevrez pas, à l'intérieur de ce plan conjoint décidé par vous. (20 h 50)

Une Voix: La motion, c'était un point d'ajournement.

M. Giasson: Mieux que cela. Une Voix: Ah!

M. Giasson: L'équipe des personnes qui travaillent avec vous à la Régie des marchés agricoles du Québec est déjà consciente que le plan conjoint imposé d'autorité ne fonctionnera pas pour un certain nombre d'années encore, parce que vous avez imposé ce plan conjoint. Il serait bon que, dans notre commission parlementaire de l'agriculture qui devrait siéger au cours des prochains jours, nous voyions la dimension réelle de la situation à l'endroit des producteurs de porc. Il faudra également, Mme le Président, entendre les représentants de la Fédération des producteurs de chair de volaille nous expliquer de quelle façon ils ont pu obliger un abattoir au Québec, entre autres La Chaîne coopérative du Saguenay qui, un certain jour, a décidé de demander à des producteurs

qui ne détenaient pas de quotas de se lancer dans la production de chair de volaille, se portant garante de ce qui pourrait survenir. Vous savez cela, M. le ministre, vous savez que cela s'est produit.

M. Garon: Dans votre temps, je suppose?

M. Giasson: Quel que soit le temps, cela s'est produit. Il faudra voir si la Fédération des producteurs de chair de volaille a été si dure pour cette entreprise qui avait défié le système accepté et mis en place, qui avait oublié totalement la réglementation; il faudra savoir de quelle façon la fédération a agi. Est-ce que, vraiment, cela a été aussi dur, aussi méchant, aussi mauvais que les gens l'ont prétendu? Combien de pénalités a déjà assumées ou payées la Chaîne coopérative du Saguenay pour avoir procédé contre la réglementation mise en place par la Fédération des producteurs de chair de volaille? Il faudrait savoir également quels sont les problèmes vécus par d'autres organismes de production, par des salaisons pour qu'on comprenne ce qu'est la réalité, la vérité de la mise en application de plans conjoints au Québec.

M. Chevrette: Mme le Président, question de règlement, s'il vous plaît!

Mme le Vice-Président: Sur la question de règlement, M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: Je vais être très bref. Tout au cours du discours du ministre de l'Agriculture, j'ai entendu piailler qu'il enfreignait le règlement. Cela fait cinq minutes que le député de Montmagny-L'Islet ne parle même pas sur la pertinence de la résolution.

M. Giasson: II devrait y avoir une commission parlementaire, ce qui va dans le sens de la motion.

Une Voix: II est passé à la télévision. C'est bien.

M. Giasson: Nous avons, Mme le Président, l'obligation de convoquer la commission parlementaire.

Mme le Vice-Président: M. le député de Montmagny-L'Islet, je veux simplement vous demander qu'il devienne évident chaque fois — en tout cas assez souvent — que vous parlez à l'intérieur de la motion d'amendement.

M. Giasson: II est évident, Mme le Président, qu'il est impérieux de convoquer la commission parlementaire. Il n'y a pas de péril en la demeure si nous adoptons ou sanctionnons la loi 116 une semaine plus tard que les prévisions du ministre, ou quinze jours plus tard. Il n'y a vraiment pas de péril en la demeure. Et personne ne va en souffrir. Personne. Et enfin, nous aurions l'occasion, députés de cette Assemblée, d'aller voir le fond des choses et de questionner, de dialoguer avec des personnes qui ont des choses à dire là-dedans. Ce n'est pas demander la mer à boire, M. le ministre. C'est vous demander une chose qui est absolument sensée et normale. Pour ma part, j'ose encore croire que vous allez entendre cette demande formulée par le député de Maskinongé, celle de nous permettre, au cours des prochains jours, d'entendre, devant la commission parlementaire du ministère de l'agriculture, tous les intéressés qui ont des points à faire valoir, quels que soient les objectifs qu'ils recherchent. C'est la seule façon de faire véritablement la lumière à l'intérieur de l'expérience vécue pour différents plans conjoints au Québec. Si vous ne le faites pas, M. le ministre, nous allons continuer à vivre avec des propos que nous entendrons de part et d'autre, avec des affirmations qui peuvent être gratuites parfois, parce que nous n'avons pas cette occasion de découvrir la dimension réelle de chaque expérience vécue à l'intérieur d'un plan conjoint depuis que ces plans ont été instaurés dans chacune des spécialités.

Mme le Président, j'ai eu l'occasion de dire au ministre, dès le dépôt de sa loi, qu'il m'apparaissait impérieux de scinder cette loi afin que, dans un premier temps et rapidement, nous puissions valider des opérations et des décisions menées en vertu d'une loi fédérale. On pourrait se permettre d'attendre un petit peu afin d'approfondir véritablement par le jeu d'une commission parlementaire toute la portée des pouvoirs plus étendus, des pouvoirs coercitifs qui sont plus marqués dans le projet de loi 116 que ceux que nous avions à l'intérieur de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles. Pourquoi? Peut-être en vue de donner plus de dents à la Loi des marchés agricoles à l'égard de ceux qui se sont foutés habituellement, dans le passé, des règles du jeu du système établi. Il faut bien comprendre que ces pouvoirs à l'endroit des quotas détenus ne sont pas pour pénaliser indûment des producteurs qui veulent vraiment respecter les règles établies, mais qu'ils s'appliquent à ceux qui veulent profiter du système au maximum, soit en produisant leur quota et en produisant hors quota assez souvent ou en faisant du commerce qui ne va pas dans le sens des ententes intervenues. Ils profitent aux deux bouts du système, c'est-à-dire en ayant une bonne structure de prix et en dépassant largement les quotas de production qu'ils possèdent

Pour ces motifs, Mme le Président, je termine en rappelant au ministre de l'Agriculture qu'il se doit de permettre aux députés de l'Assemblée nationale du Québec d'entendre toutes ces personnes qui vont faire une lumière qui m'apparaît nécessaire au moment où nous naviguons un peu en eau trouble compte tenu de tous les propos que nous avons entendus au cours des dernières semaines. Merci.

Mme le Vice-Président: M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Mme le Président, nous avons devant nous une motion de report à un mois de

l'étude en deuxième lecture de ce projet de loi, tel que demandé par le député de Maskinongé. Je juge que le délai demandé est très raisonnable. On peut qualifier cette demande de motion dilatoire ou encore de "filibuster", mais je pense sincèrement que ce n'est pas du tout le cas. C'est tout simplement pour permettre à cette commission parlementaire de siéger et d'entendre des groupes intéressés, peut-être même pour permettre au syndicat de l'UPA au niveau de la base de consulter davantage ses membres par le biais d'un référendum et pour permettre également de renseigner ces mêmes membres, soit toujours les gens à la base, l'agriculteur lui-même et pas seulement le directeur régional ou le directeur au niveau d'une paroisse de ce syndicat.

Cette commission nous permettrait d'entendre naturellement les dirigeants de l'Union des producteurs agricoles, le syndicat qui représente les producteurs agricoles au Québec. Elle permettrait également à ceux qui le désirent, soit les agriculteurs de la base parallèlement à leur représentant syndical, de venir nous rencontrer, de venir répondre à certaines questions. Elle permettrait également aux agriculteurs qu'on dit en désaccord de se faire entendre. Si je n'emploie pas le mot "dissidents", c'est intentionnel parce que, lorsqu'on parle d'agriculteurs dissidents, ce sont des groupes qui, à un moment donné, ne veulent absolument rien savoir des plans conjoints. Mais dans mon bureau de comté et lors de tournées durant l'intersession, j'ai répondu à des questions de plusieurs agriculteurs de la base, par exemple, des producteurs de lait qui ont des quotas de 150 000, 200 000 et 250 000 livres, qui, sans être en désaccord complet avec ce projet de loi, se posaient de sérieuses questions quant à son application et auraient aimé en savoir davantage. (21 heures)

Je pense qu'on peut qualifier ces agriculteurs de membres à part entière de leur syndicat. Ils ne contestent pas à 100% leur syndicat mais ils aimeraient être renseignés davantage quant à l'implication future de ce projet de loi. On pourrait même aller jusqu'à entendre, peut-être, les consommateurs eux-mêmes, ou même certains groupes de consommateurs, et également en profiter pour faire venir des représentants de coopératives, des coopérateurs eux-mêmes.

On a beau nous dire que les coopératives sont en accord complet avec ce projet de loi, pas plus tard que cet après-midi, lorsque j'ai eu l'occasion de regarder à deux ou trois reprises par la fenêtre, j'ai vu des camions lettrés COOP, Coopérative. Je me demande ce que ces camions, ce que les représentants de ces coopératives faisaient ici s'ils sont en accord complet avec ce projet de loi. Vous comprenez comme moi qu'ils n'ont aucune raison de venir contester, s'il est vrai qu'ils sont en accord complet avec ce projet de loi. Donc, s'ils sont venus ici cet après-midi, si j'ai eu l'occasion de voir de mes propres yeux des camions, des gens des coopératives, c'est parce que quelque chose dans ce projet de loi leur fait peur et ils auraient quelque chose à dire sur ce projet de loi no 116.

On l'a fait dans d'autres commissions. On a adopté dernièrement le projet de loi no 72, le nouveau code du consommateur, et nous avons entendu en commission parlementaire certains groupes qui sont venus répondre à plusieurs questions que nous avions à leur poser, et cela a fait la lumière. Cela a fait la lumière comme ceci parce que, personnellement, j'avais cru comprendre par le biais des journaux ou d'autres media, que ces gens étaient eux aussi des dissidents ou en désaccord avec le projet de loi, et à deux ou trois de ces groupes, j'ai eu l'occasion de poser des questions. Je ne me suis pas gêné, en troisième lecture, pour adopter ce projet de loi parce qu'ils ont été très faibles dans leur argumentation. C'est ce que je voudrais faire également avec certains groupes intéressés ou qui seront touchés directement par le projet de loi no 116: simplement faire la lumière ou avoir des renseignements, comme le disait tout à l'heure le député de Montmagny-L'Islet et plusieurs personnes dans cette Chambre, faire la lumière sur certains articles de ce projet de loi, aller jusqu'au fond des choses pour voir l'implication directe de certains articles et même de certains mots, Mme la Présidente.

Je pense que c'est le but, en commission parlementaire, de faire venir les gens intéressés, les gens compétents dans la matière pour qu'ils puissent renseigner l'ensemble des députés de façon à nous aider à prendre une décision et de voir si, véritablement, il y a du charriage ou non et voir si, véritablement, ceux qui sont en désaccord ont raison ou ont tort. C'est le but premier d'une commission parlementaire. Ce délai permettrait également à certains députés de rencontrer les agriculteurs de leur comté, non seulement les présidents de zone ou encore les présidents régionaux du syndicat qui est mandaté pour représenter ces agriculteurs, mais faire comme j'ai fait en fin de semaine et comme j'ai fait depuis deux semaines, rencontrer des groupes d'agriculteurs eux-mêmes, les agriculteurs à la base.

Parce que je l'ai fait, je peux vous dire que j'ai eu certaines surprises. Je me suis aperçu que le projet de loi n'était pas compris, que les gens se posaient des questions et doutaient ou avaient peur qu'il soit adopté. C'est pour cela qu'on est ici ce soir, Mme la Présidente. On n'a pas dit que ce projet de loi était complètement mauvais, mais il y a plusieurs articles sur lesquels on aimerait avoir des informations pour savoir l'implication. C'est pourquoi on demande un délai d'un mois.

Les raisons qui ont présidé à la rédaction de ce projet de loi sont de trois ordres. Dans un premier temps, le gouvernement veut s'emparer du champ de juridiction laissé vacant par un jugement de la Cour suprême du Canada qui a déclaré illégales les cotisations ou les prélevés perçus par le gouvernement fédéral sur ces organismes ou sur des produits agricoles produits et mis en marché au Québec. On est d'accord sur ce principe qu'on doit, à un moment donné, remplir ce vide. Dans un deuxième temps, ce projet de loi effrite le droit de propriété des quotas ou des contingentements auxquels certains groupes de producteurs sont déjà soumis en permettant au syndicalisme

agricole de les diminuer ou de les annuler à son gré afin d'éliminer la portée du jugement rendu par le juge en chef de la Cour suprême qui a statué, il y a quelques mois, que les contingentements étaient la propriété exclusive du détenteur lui-même.

Dans un troisième temps, le gouvernement du Québec, par ce projet de loi — c'est pour cela qu'on veut avoir des informations en commission parlementaire — déléguera au syndicalisme agricole le pouvoir de contingenter toutes, je dis bien toutes les productions agricoles sans recours possible devant les tribunaux par les producteurs eux-mêmes; ceci, afin d'assurer par ce moyen, croit-on, d'après le ministre, la rentabilité de l'agriculture au Québec. On permettrait à certaines personnes de venir nous expliquer pourquoi un syndicat devrait avoir le pouvoir de fixer le temps et le lieu de la production. Avant cela, on permettrait de fixer le temps et le lieu de la mise en marché. Maintenant, pourquoi est-ce obligatoire — le ministre délégué au Haut-Commissariat, à la jeunesse, aux loisirs et aux sports ne m'a pas convaincu par ses arguments cet après-midi — pourquoi faut-il donner le pouvoir au syndicat de fixer le temps et le lieu de production et de réduire les quotas? Par ce projet de loi, on donnera le pouvoir au syndicat de réduire ou même d'annuler les quotas. Oui, le ministre me dit si c'est nécessaire, mais on le permettra quand même. On permettra également au syndicat, Mme le Président...

M. Garon: J'ai dit: Si c'était nécessaire, lors de la phrase précédente quand il a parlé de fixer le temps et le lieu de production.

Mme le Vice-Président: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Sur le point de règlement, madame. Je pense que tout à l'heure le ministre a eu l'occasion de s'exprimer. J'ai été assez gentil de l'écouter. Je lui demande de faire la même chose. Si cela ne fait pas son affaire, il aura son droit de réplique également.

Madame, il y a aussi le pouvoir d'imposer des pénalités basées sur le volume produit plutôt que le volume vendu, de saisir le surplus de production sans rien payer. Madame, on donne ces pouvoirs. J'aimerais personnellement comme député, avant de voter un projet de loi comme cela, savoir toutes les implications que cela peut avoir dans le champ. Si je me pose la question, monsieur, je ne suis pas le seul à le faire; il faut se promener dans un comté agricole pour savoir que les cultivateurs eux-mêmes, les gens de la base ne savent pas trop où on s'en va avec ce plan. Cela permettrait — je m'excuse, j'ai été interrompu à plusieurs reprises — de faire des suggestions valables également. Cette commission permettrait de faire des suggestions valables au ministre et je suis sûr que celui-ci accepterait certains amendements que proposerait l'Union Nationale. Nous en avons quatre très importants à proposer, M. le Président. Pourquoi ne pas accepter un tel test de démocratie?

M. Duhaime: Question de règlement.

Le Vice-Président: D'accord. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Duhaime: Je m'excuse auprès de mon collègue, mais malheureusement le règlement s'applique des deux côtés de la Chambre. Je suis informé que le temps de parole est épuisé.

M. Lamontagne: ... tout à l'heure.

M. Duhaime: C'est votre problème. Le temps de parole est écoulé.

Le Vice-Président: C'est exact. Je pense que tous les députés connaissent le règlement et que les interruptions sont constantes à cette Assemblée et qu'elles sont normalement comptées dans le temps.

M. Lamontagne: Voulez-vous en profiter pour vérifier le quorum de l'Assemblée, s'il vous plaît!

Le Vice-Président: D'accord. Il y a quorum. M. le député, je vous prierais de terminer dans quelques secondes.

M. Goulet: M. le Président, je trouve cela déplorable. Je me soumets bien gentiment à votre décision, mais je peux vous dire que cet après-midi nous avons laissé parler les gens d'en face, et j'aimerais qu'ils en fassent autant. S'ils n'ont pas peur de la démocratie, s'ils n'ont pas peur d'entendre ce qu'on veut savoir là-dessus, qu'ils le fassent voir. Le ministre a essayé avant Noël de faire des pressions jusqu'aux petites heures du matin. Les gens sont venus dans nos bureaux faire des pressions et il fallait que ce projet de loi soit adopté sans faute sinon l'agriculture au Québec, ce serait un fiasco. M. le Président, nous disions: Ecoutez, quand cela presse, c'est le temps de prendre son temps. On reviendra après Noël et on discutera de ce projet de loi de façon qu'on ait le meilleur possible. (21 h 10)

M. le Président, cela fait un mois et demi et je pense que nous avions raison. J'invite le ministre à m'indiquer un producteur agricole au Québec qui se porte plus mal parce qu'on n'a pas adopté ce projet de loi le 21 décembre.

M. le Président, je pense qu'une commission parlementaire n'est pas exagérée; un mois de délai n'est pas exagéré. Aucun agriculteur au Québec ne se portera plus mal. Je demande au ministre d'accorder ce délai et je suis convaincu que le projet de loi sera amélioré. Dans sa forme actuelle, nous ne sommes pas prêts à l'adopter.

Le Vice-Président: Oui, M. le député d'Iberville.

Une Voix: Pour une fois il parle sur le projet de loi no 116. Il n'a jamais voulu parler depuis un mois.

M. Jacques Beauséjour

M. Beauséjour: M. le Président, en entendant les différents débats qu'on a eus, toute la journée, je me suis demandé parfois si on n'était pas en deuxième lecture. Cela aurait au moins eu une chose de valable, c'est que ceux qui écoutent à la télévision, s'ils n'ont pas eu la chance d'écouter les débats d'aujourd'hui, pourront probablement réentendre encore les mêmes discours.

Ne vous en faites pas, je vais parler maintenant sur l'idée de reporter à un mois l'étude en commission. Quand on reviendra ensuite en deuxième lecture, je n'aurai pas besoin de faire un deuxième discours, parce que de la façon dont on parle ici, on répète toujours la même chose.

Je me suis dit, M. le Président qu'il y a peut-être une autre raison. Un peu avant les Fêtes, ici à la porte de l'Assemblée nationale, il y avait des manifestants, bien sûr. J'en ai compté 125 et je vais en ajouter 25 pour faire 150. Aujourd'hui, je regarde, je ne peux pas me fier aux chiffres du député de Johnson, peut-être qu'il aurait besoin d'un ajustement de la vue, puisque moi j'en aurais compté environ 300. Je ne sais pas si dans un mois, cela va en donner plus. Je me poserais une autre question aussi: Combien des gens qui étaient ici cet après-midi avaient leur carte de producteur agricole? Je pose la question.

M. le Président, dans mon comté, si je regarde un peu quelles sont les réactions, je dirais que j'ai un peu de tout. J'ai des intégrateurs, j'ai des dissidents, j'ai des producteurs syndiqués membres de l'UPA, et je dirais que j'ai des producteurs membre de l'UPA qui sont informés, d'autres qui le sont plus ou moins. Peut-être que l'Opposition, en demandant de reporter à un mois l'étude en commission, jouerait le rôle d'informateur que d'autres doivent jouer.

M. le Président, quand j'ai visité — du moins je vais prendre mon comté — des producteurs, et chez ceux qui m'ont invité aussi à les rencontrer, j'ai remarqué que les arguments qu'on nous apporte vont du côté de l'inquiétude pour ce qui est des quotas de lait industriel qui sont coupés. C'est de juridiction fédérale, et je me suis aperçu qu'on mêle cela avec le projet de loi no 116. Il y en a plusieurs qui s'interrogent aussi au niveau de la participation des membres à l'organisme syndical. A ce niveau, j'ai l'impression qu'au début des plans conjoints, au début de l'UPA, c'était tout nouveau et peut-être qu'aujourd'hui, grâce à tous les échanges qui se font et aux interrogations qui ont eu lieu dans le milieu agricole, il y a deux groupes au niveau de l'organisation syndicale qui devraient se poser des questions. J'espère et je suis sûr qu'ils vont se les poser.

Jusqu'où les dirigeants poussent-ils la participation des membres? Par contre, il y a aussi les membres. C'est un phénomène qu'on ne retrouve pas simplement dans l'organisation de l'UPA, on le retrouve dans tous les organismes syndicaux, on le retrouve aussi dans les municipalités, c'est la participation des membres. Quand cela touche le portefeuille, on se déplace. A part cela, il n'y a personne ou il y en a très peu qui se déplacent. C'est le même phénomène. Il y aurait peut-être une interrogation au niveau des gens, des membres de l'UPA. On se déplace peut-être quand il semble y avoir un problème, mais, au niveau de l'information, il faudrait aller la chercher aussi à d'autres moments.

Les responsables devraient trouver des mécanismes de participation. Je sais que ce n'est pas facile, surtout quand à la base on préfère souvent rester devant la télévision à regarder la partie de hockey avec une bouteille à la main. Malheureusement, ce n'est pas toujours une bouteille de lait! C'est la réalité. Dans le fond, la loi 116 ne change pas tellement de choses. Pourquoi une commission? Nous aurons, comme je l'ai indiqué, la chance de l'étudier article par article. Cela ne sert à rien, ce n'est pas à nous de jouer le rôle d'éducateurs à ce niveau. Nous sommes des législateurs et nous ne pouvons pas jouer les deux rôles au complet ici en même temps. Je parle de l'Assemblée nationale. Quand on retourne dans nos comtés, c'est à nous de le faire.

Bien sûr, ce que j'ai cru trouver au niveau du projet de loi, c'est un vide juridique à combler. Tout le monde le dit, tout le monde s'entend là-dessus. Dans le milieu agricole où je suis allé, il ne semble pas y avoir trop de problèmes. Le manque de participation est souvent un problème. Souvent, il y en a qui m'ont dit: Ne donnez pas plus de pouvoirs à l'UPA. C'est sûr qu'il y en a qui sont d'accord, mais il y en a certains qui m'ont dit cela. Dans le fond, pourquoi? Toujours à cause du fameux problème de participation à la base qui nous revient. Je dirais qu'il y a un autre aspect assez important au niveau du projet de loi, c'est peut-être de boucher certains trous de telle façon qu'on puisse éviter ce qui s'est produit, ce qui a résulté en des coûts astronomiques. Si les producteurs agricoles le vérifiaient, dans le fond, c'est un peu eux aussi qui paient la note.

Il faudrait voir à ce que nos lois aient des dents et soient respectées. Quand la lumière est rouge, on peut bien dire: Moi, je peux passer, je vais regarder de chaque côté. Il serait peut-être bon, si on a installé un arrêt, que tout le monde le respecte. C'est la même chose pour les plans conjoints. Si on n'a pas les mesures adéquates... Quand je lis une certaine requête, on y laisse entendre que par certaines mesures on va couper des quotas, on va réduire des quotas. Souvent, on oublie que, dans le projet de loi, c'est inscrit "en violation de la présente loi, en violation des règlements". Il me semble qu'il est dans l'ordre de respecter les règlements. Pour ceux qui les respectent, il n'y a pas de problème. C'est pour ceux qui ne les respectent pas qu'il faut avoir des mesures. (21 h 20)

Je dirais aux producteurs agricoles, dans la réflexion qu'ils font, de songer quand même que j'ai indiqué qu'il y a trois groupes qui semblent se

manifester dans le milieu: des syndiqués informés, des syndiqués plus ou moins informés et j'ai aussi dit des intégrateurs et dissidents. Des fois, peut-être qu'en prenant une décision de dire: Ne donnez pas plus de pouvoir au groupe syndical, il faudrait voir s'il n'y aurait pas danger d'ouvrir la cage du lion et ce n'est peut-être pas ce qu'il y a de préférable.

Est-ce qu'il faut donner les pouvoirs au niveau de la base — ici, j'ai indiqué tantôt tous les problèmes de participation — ou s'il faut risquer qu'il y en ait cinq ou dix — et si ce sont des compagnies — qui prennent le contrôle de tout? C'est une question qu'il faudrait aussi se poser. M. le Président, pour signaler qu'un peu tout le problème qui semble se vivre aujourd'hui peut se régler très facilement et j'aurais cru, au dépôt du projet de loi 116, qu'il aurait été voté assez facilement. Nous aurons une commission parlementaire. Ce n'est pas nécessaire d'attendre un mois, c'est seulement retarder une échéance. Nous pourrons l'étudier article par article. Il y a des amendements qui seront apportés à certains articles, mais en attendant, aux membres de la Chambre qui sont ici, à ceux qui nous écoutent, M. le Président, je laisserais un texte que j'ai lu cet après-midi, qui, je pense, correspond assez bien au résumé du problème. On le retrouve dans la Terre de chez nous, du 1er février 1979 par M. Daniel Rivest. Même si on dit que c'est l'organe d'un groupe ou d'un autre, je pense que l'article laisse percevoir différents aspects du problème et on aurait avantage à en prendre connaissance. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Alors, messieurs, est-ce que cette motion... Oui, M. le député.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: M. le Président, j'aimerais également faire certains commentaires sur cette motion présentée cet après-midi par un de nos collègues qui vise à reporter d'un mois l'étude en deuxième lecture du projet de loi, permettant ainsi la convocation d'une commission parlementaire pour entendre les différents groupes intéressés ou impliqués par cette pièce législative que nous a apportée le gouvernement à la toute fin de la session, au moment de l'ajournement des Fêtes, soit le 21 décembre dernier.

Le gouvernement, en convoquant cette session — appelons-la extraordinaire — aujourd'hui, cette prolongation de session de façon anormale, sinon non habituelle et spécifiquement centrée sur l'étude du projet de loi 116, indique par là l'importance qu'il accorde à ce projet de loi. A ce moment-ci, M. le Président, je demande au ministre de l'Agriculture, comme au gouvernement qui est en face, d'être conséquent et d'être logique jusqu'au bout et, puisqu'on a accordé autant d'importance à ce projet de loi, tant et si bien qu'on fait siéger la Chambre durant cette semaine et la semaine prochaine, qu'on ait également la logique de tenir cette commission parlementaire pour entendre les personnes qui ont demandé, d'ailleurs, d'être entendues en commission parlementaire. Je pense que c'est une question d'être conséquent avec les gestes qu'on a posés et qu'on pose actuellement, qu'on puisse, à ce moment-là, ouvrir les livres sur toute cette question, qu'on puisse obtenir de la part du gouvernement les informations supplémentaires qu'on est en droit d'obtenir en tant que membres de cette Assemblée nationale.

Les parties en présence au niveau — disons-le — de ce conflit que suscite le projet de loi 116 devraient pouvoir également obtenir des éclairages sur les intentions précises connues ou non à ce jour du gouvernement par cette législation et que nous puissions, en tant que législateurs, obtenir des différentes parties en cause toutes les informations qu'on peut juger pertinentes et nécessaires dans la situation actuelle.

M. le Président, si la situation était d'un calme plat et que personne n'élevait la voix actuellement pour demander quoi que ce soit en ce qui concerne ce projet de loi, l'Union Nationale serait malvenue d'insister afin de convoquer une telle commission parlementaire. Mais ce n'est pas le cas. Il faudrait être aveugle ou ne pas accepter de voir la réalité qui existe actuellement pour nier le fait qu'il y a des remous qui méritent d'être évalués et qui sont assez considérables au sein du mouvement agricole qui justifient la tenue d'une telle commission parlementaire. Donc, nos demandes sont basées, non pas sur un désir que nous pourrions avoir en tant qu'hommes politiques, mais sur des réalités, sur des faits et en particulier, sur le fait majeur que des groupes importants représentant nos producteurs agricoles demandent à être entendus et ont des objections majeures en ce qui concerne certaines dispositions de ce projet de loi. S'ils ont tort, on le leur prouvera à la commission parlementaire. Le ministre donnera ses raisons. Il donnera sa version des faits, son interprétation de la loi. Mais à la fin de la commission parlementaire, ces gens, d'un côté comme de l'autre, sauront au moins davantage à quoi s'en tenir en ce qui concerne le contenu et les conséquences éventuelles d'un projet de loi, tel que celui que nous avons sur la table. Ceux qui se posent des questions, ceux qui manifestent, les quelques milliers qui sont dehors, qui étaient au Hilton cet après-midi aussi, sont en droit de se poser des questions et d'obtenir des réponses. C'est là aussi une partie de la base de nos producteurs agricoles.

M. Charron: J'espère que vous dites quelque millier sans "S".

M. Brochu: Le leader parlementaire du gouvernement, qui est en train en même temps de signer son courrier et de faire des remarques pendant que je parle, j'ai déploré ses propos cet après-midi lorsqu'il a qualifié ces gens de charlatans. J'ai trouvé extrêmement malheureux ses propos face aux gens des coopératives qui étaient dehors ici et aux agriculteurs qui étaient réunis au Hilton. C'est leur droit le plus strict, le plus

sincère, le plus normal dans une société dite "libre" que de se réunir pour avoir le droit de manifester leur opposition à ce qu'ils croient être injuste dans un projet de loi. C'est tout à fait alarmant et malheureux d'entendre le leader parlementaire du gouvernement du Parti québécois traiter ces gens, comme il l'a fait aujourd'hui, de charlatans. M. le Président, qu'on se rappelle — j'étais député en cette Chambre en 1970 — qu'il y avait un petit groupe qui siégeait de ce côté-là. Ce n'était pas la majorité. Ils étaient six sur 102 députés.

Une Voix: Sept.

M. Brochu: Sept. Si on avait tenu le même langage, ce serait eux à ce moment-là qui auraient été les charlatans ou les dissidents, parce qu'ils n'étaient pas de la même opinion que l'ensemble des députés dans cette Chambre. C'était le Parti québécois qui n'était jamais d'accord et qui forme aujourd'hui la majorité ministérielle, de l'autre côté de la Chambre. Tant qu'on vit dans un pays libre, on a le droit de poser des questions. On a le droit de s'associer, on a même le droit de remettre en question les associations, comme le font d'ailleurs actuellement certains membres du Parti québécois et, en particulier, dans nos régions relativement aux manoeuvres que vous faites dans certains dossiers. C'est leur liberté la plus stricte.

M. le Président, le ministre de l'Agriculture a dit tout à l'heure: On va étudier le projet de loi article par article. Il n'y a pas de problème. On pourra à ce moment-là vider les questions. Ce n'est pas du tout la même chose, M. le Président, et vous le savez très bien par votre expérience, que de tenir une commission parlementaire de la Chambre pour étudier article par article un projet de loi et l'autre commission parlementaire, où l'on convoque des parties pour obtenir des informations sur l'ensemble d'un dossier. C'est tout à fait différent. On a vécu l'expérience d'ailleurs au niveau du projet de loi 70 alors qu'en pleine étude même article par article du projet de loi, on s'est entendu pour demander à des groupes de venir répondre à nos questions, ce qui a eu pour effet de faire progresser positivement nos discussions. (21 h 30)

A plus forte raison, maintenant que ce mouvement existe, celui de remise en question de certaines choses, de faire toute la lumière. Il n'y a aucune raison de vouloir cacher quoi que ce soit. Le rôle d'un gouvernement n'est pas de se cacher derrière sa possibilité de refuser une commission parlementaire, surtout lorsqu'elle est dûment demandée par toute l'Opposition et beaucoup de gens dans le champ; au contraire, son rôle, c'est de faire toute la lumière. Je pose la question suivante si le gouvernement n'a rien à cacher dans ce dossier.

Si le gouvernement est si certain que le dossier est limpide, comme le laisse entendre le ministre de l'Agriculture, il nous le dira. Pour ce qui me concerne, je dirai: D'accord, vous avez raison, j'accepte désormais votre projet de loi. Mais venez à la commission parlementaire en face des parties en cause, soyez capables de répondre aux questions que ces gens-là se posent. Que le ministre nous donne exactement toute la structure de son projet de loi, ce qu'il y a dessus, dedans comme en dessous du projet de loi. A ce moment-là, on sera capable de rendre un jugement définitif en connaissance de cause. Après cela, on ne pourra pas dire à quelqu'un: On a refusé de vous entendre. Actuellement, ce que le gouvernement fait, avec la transparence qu'il a prétendu avoir — un gouvernement dit hautement démocratique — il refuse, à toutes fins utiles, d'entendre les groupes. Aujourd'hui, le leader du gouvernement a dit: On ne les a pas entendus depuis les Fêtes; on aurait eu le temps de le faire. Mais je vous rappelle simplement ceci, M. le Président: Ce n'est pas le rôle de l'Opposition de convoquer une commission parlementaire. Pour ce qui nous concerne, on a demandé depuis longtemps — c'était le rôle et la responsabilité du gouvernement du Parti québécois et en particulier du leader avec le ministre de l'Agriculture — à ces derniers de convoquer cette commission parlementaire. Comme mon collègue de Huntingdon l'a dit, on peut avoir, malheureusement, à cause de cette situation, un affrontement avec les coopératives et également avec le syndicat. On a des responsabilités. Lorsqu'on voit que c'est demandé de cette façon, notre rôle est de vous dire: Allumez vos lumières et prenez vos responsabilités. Si vous n'avez rien à cacher, ouvrez les livres de la commission parlementaire et après, on fera le point; on les refermera et on viendra étudier le projet de loi article par article.

Le Vice-Président: M. le député, arrivez à une conclusion, s'il vous plaît!

M. Brochu: Oui, M. le Président. Etant donné que mon temps de parole achève, je demande de nouveau au ministre de reconsidérer sa position dans ce dossier, de convoquer la commission parlementaire. Après, on fermera les livres, on passera au vote à ce sujet. Je reste sceptique et j'ai le droit, comme législateur, de me poser des questions. Pourquoi, dans ce projet de loi, amènet-on deux principes? On a demandé au ministre, lors de l'étude en décembre, de scinder le projet de loi en deux, de régler la partie qui concerne la décision de la Cour suprême dans un projet de loi et l'autre partie, qui ne va pas du tout avec la première, de la régler à côté et de la discuter à côté. On n'a jamais voulu. Au contraire, on s'est mis à faire du lobbying, comme mon collègue, le député de Bellechasse, le disait à ce moment-là, auprès de tous les députés, pour essayer de voter ce projet de loi à la vapeur avant Noël. Je vous dis que, lorsque vous essayez ces stratagèmes, on est plus sceptique et avec raison. Le mouvement s'accentue et monte de ce côté-là et les questions légitimes, de la part de membres de l'UPA — même de dirigeants de régions de l'UPA, comme des groupes que vous dites dissidents, vous, du Parti québécois — ces questions sont de plus en plus légitimes et augmentent. On demande tout

simplement des réponses. Si on a tort, vous nous le direz. Si vous avez raison, on va le reconnaître, mais ayez au moins la force, le courage de prendre la responsabilité que vous avez et de tenir cette commission parlementaire. C'est cela que l'Union Nationale vous dit depuis le début.

Le Vice-Président: Merci, M. le député de Richmond.

M. le député de D'Arcy McGee.

M. Victor Goldbloom

M. Goldbloom: M. le Président, si je me lève pour prendre la parole sur la motion de l'honorable député de Maskinongé, c'est non seulement pour appuyer cette motion bien conçue et tout à fait justifiée, mais c'est aussi pour montrer à l'opinion publique du Québec le changement de visage subi par ce gouvernement au cours des 28 derniers mois.

M. le Président, je l'ai déjà dit plusieurs fois en cette Chambre: Les députés qui affichent la bannière du Parti québécois, qui ont siégé en cette Chambre avant le 15 novembre 1976, étaient les partisans les plus farouches de la tenue des commissions parlementaires. Voilà que, rendus au pouvoir, ce n'est plus intéressant. M. le Président, nous avons eu des commissions parlementaires devant l'insistance des députés péquistes où nous avons entendu des groupements dont ces mêmes députés se faisaient les porte-parole, les avocats, pour obtenir, pour ces groupes le droit de s'exprimer devant les membres de cette Assemblée nationale.

M. le Président, quand on entend un groupe, on pose normalement des questions, surtout si l'on ne connaît pas le groupe, si l'on a des doutes quant à la composition, quant à la motivation du groupe en question. On s'informe, avant d'aller trop loin, de ce que c'est; combien de membres, quelle est la justification pour la présence du groupe en question devant une commission parlementaire? Nous avons vu les députés péquistes amener devant les commissions parlementaires des groupes qui ne comptaient même pas 50 membres et dont deux porte-parole, et parfois même un seul, s'étaient déplacés pour se rendre ici afin de communiquer un point de vue aux députés qui ont la possibilité d'apprécier tout l'éventail des intérêts qui peuvent avoir une influence sur la décision que doit prendre l'Assemblée nationale dans l'intérêt de la collectivité québécoise.

Voici que nous avons des gens qui ont passé une partie de la journée devant les portes de l'Assemblée nationale afin de pouvoir exprimer un point de vue, un désaccord avec le gouvernement. Je ne veux pas faire un procès d'intention, mais j'imiterai le distingué député d'Iberville qui s'est permis de poser des questions. Il a dit: Je ne fais pas d'accusation, je ne fais pas de procès d'intention, mais je pose une question: Est-ce que les gens qui sont venus manifester sont véritablement des producteurs agricoles? C'est, pour le moins,

M. le Président, laisser planer un doute sur la réputation des gens venus manifester pour exprimer leurs intérêts. M. le Président, je me permets de poser la question: Le gouvernement a-t-il peur d'entendre des gens qui ne sont pas d'accord avec lui? Ici, à l'Assemblée nationale, il a la majorité; alors, il n'a qu'à attendre que les députés d'Opposition épuisent leur droit de parole et à réclamer le vote; alors, la volonté du gouvernement est exaucée.

Mais il s'agit de gens qui ne sont pas soumis aux mêmes règles, qui ne sont pas appelés à voter, mais qui ont le droit, comme citoyens, de venir devant leurs représentants élus et faire part à ces représentants élus de leur point de vue et, notamment, de leurs objections à un projet de loi présenté par le gouvernement. M. le Président, soyons francs et objectifs, ce n'est pas souvent qu'on a vu des manifestations devant le parlement pour féliciter le gouvernement au pouvoir.

Une Voix: Cela viendra.

M. Goldbloom: Or, M. le Président, nous avons des gens qui se déplacent par un temps sibérien et attendent à l'extérieur et on leur ferme les portes au nez. Il faut une intervention auprès de la présidence pour que les portes soient ouvertes et le gouvernement dit: On connaît le point de vue de tout le monde, on connaît tous les éléments de la discussion. Il n'y a plus de débat à faire, nous avons raison. M. le Président, dans les activités humaines, personne n'a toujours raison. Le gouvernement peut croire qu'il a la majorité de l'opinion publique de son côté; il a le droit de penser ce qu'il veut penser. Quand il déclenchera éventuellement des élections, il saura s'il a eu raison ou non. Mais, entre-temps, ce n'est pas une question de compter des têtes; c'est une question d'écouter des citoyens sincères qui ont des intérêts légitimes et qui veulent les défendre, et le gouvernement dit non. (21 h 40)

M. le Président, nous sommes ici afin de compléter une session. Nous avons trois ou quatre ou cinq projets de loi. A ma connaissance, il n'y a pas de commission parlementaire qui est appelée à siéger demain. Il y a également jeudi. Il y a des membres de cette Assemblée nationale — et je peux en témoigner — qui sont prêts à rester vendredi, s'il le faut. Lundi, nous sommes appelés à revenir pour écouter le premier ministre de la France. M. le Président, il y a amplement le temps, le loisir, la disponibilité de salles et de personnel pour que nous ayons une séance de la commission parlementaire pour écouter les intéressés.

M. Garon: Je pense que le député de D'Arcy McGee n'est pas dans la pertinence du débat. Le fait qu'il n'y ait pas de commission parlementaire demain, alors qu'il s'agit d'un amendement...

Le Vice-Président: J'ai donné à tous la même chance. Je sais bien que la motion, et je l'ai indiqué, dès qu'elle a été déposée par le député de

Maskinongé, n'était pas à l'effet qu'il y ait une commission parlementaire, mais à l'effet qu'il y ait report dans un mois. Depuis ce temps, de tous les côtés de la Chambre, j'ai entendu, j'ai écouté ce qui s'est dit.

M. Garon: Ils ne comprennent même pas le projet de loi, ils ne comprennent même pas une motion.

Le Vice-Président: II n'y a pas de débat sur une question de règlement.

M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier:... soulevé par le ministre. La commission est reportée à un mois. C'est bien dire, comme le disait le député de D'Arcy McGee, qu'on peut faire l'étude pendant ce mois pour rendre rapport dans un mois.

Le Vice-Président: Un instant, s'il vous plaît. Il n'y a pas de commission qui est reportée à un mois. La motion qui est devant cette Assemblée c'est que l'étude en deuxième lecture soit reportée à un mois, et elle a été jugée recevable.

Ml. Grenier: M. le Président, l'allusion que faisait le député de D'Arcy McGee, c'est bien évident que demain, par stratégie, le gouvernement a décidé qu'on n'étudiait pas la loi 116 afin de permettre aux cultivateurs de s'en retourner chez eux et de recommencer...

Le Vice-Président: D'accord. Je reconnais, M. le député de D'Arcy McGee, qui n'a pas encore terminé.

M. Goldbloom: M. le Président, je vous remercie d'avoir éclairé la lanterne du ministre de l'Agriculture qui a l'injure facile.

M. le Président, ce genre de motion est traditionnel, vous le savez, vous l'avez expliqué. On demande que soit reportée, pour une période déterminée, la deuxième lecture d'un projet de loi. Et afin de justifier cette remise à plus tard, on invoque l'opportunité de convoquer une commission parlementaire afin d'entendre les intéressés. Si j'ai parlé des tout prochains jours, c'est simplement, comme l'a bien compris le député de Mégantic-Compton, parce qu'il y a actuellement à Québec des gens intéressés qui pourraient venir. Il y en a d'autres qui pourraient venir si l'avis était donné par leurs collègues qui se sont déplacés, parce qu'il est certain que les gens qui sont ici ne représentent pas l'ensemble des protestataires contre ce projet de loi.

Alors, M. le Président, toujours à l'instar du député d'Iberville, je suis obligé de poser de nouveau la question: Le gouvernement a-t-il peur que l'on mette en relief des lacunes dans son projet de loi? A-t-il peur qu'on mette en relief des difficultés d'application? C'est souvent ce qui arrive quand des gens qui vivent dans le champ d'activité en question viennent devant une com- mission parlementaire et font valoir des difficultés d'application auxquelles le gouvernement n'a pas pensé.

Une Voix: C'est le cas de le dire.

M. Goldbloom: Est-ce que le gouvernement a peur d'entendre des gens parler d'injustices possibles dans son projet de loi? M. le Président, il me semble que ce gouvernement, issu d'un parti qui était l'apôtre de la tenue de séances publiques, d'audiences publiques des commissions parlementaires, pourrait, au moins de temps en temps, se rappeler son passé et écouter les citoyens qui ont le droit d'être entendus quand leurs intérêts sont en jeu.

Le Vice-Président: Suivant l'application que je fais toujours de l'article 92, j'accorde le droit de parole à M. le député de Berthier.

M. Jean-Guy Mercier

M. Mercier: Merci, M. le Président. En somme le jeu, puisqu'il faut bien parler d'un jeu — le parlementarisme comporte certains éléments de jeu, sérieux quand même — le jeu de l'Opposition se résume à relativement peu de chose. A travers cette motion de report à un mois, essentiellement, souhaite-t-on reposer tout d'un bloc, tout ensemble tous les problèmes, enfin, tous les éléments de cette hétérogénité du milieu rural, puisque le monde agricole n'est pas aussi homogène que certains pourraient le croire? Le monde agricole est travaillé par différentes tensions; qu'on parle de syndicalisme, qu'on parle de coopération, de régie des marchés, des plans conjoints, on parle de choses d'une grande complexité juridique, mais on parle également de réalités sociologiques, de réalités économiques, bref, on repose un ensemble de débats.

A travers cette effervescence qu'on constate de plus en plus dans le monde agricole, à travers tout ce mouvement, je pense que l'Opposition souhaite brouiller les cartes et mêler le monde agricole. Il faut connaître les principaux courants qui ont travaillé le monde agricole, ce que c'était il y a quelques années face à ce peu d'intérêt que manifestait l'ancien gouvernement à l'égard di monde agricole et cette espèce de renouveau qui commence à se manifester pour voir à quel point c'est un monde qui est en ébullition, c'est un monde qui commence à renaître. Ces divergences d'opinions qui se manifestent concernent le syndicalisme, la coopération. On dirait des conflits de génération; on voit, par exemple, des maires d'un certain âge, des préfets de comté s'opposer à des lois comme celle de la protection du territoire agricole alors qu'ils ont vécu de l'agriculture toute leur vie et, face à cela, des jeunes qui entrevoyaient leur avenir beaucoup plus du côté de la construction dans les grands centres et qui recommencent à s'intéresser à l'agriculture et à entrevoir un avenir dans le monde agricole.

Que penser de ces divergences d'opinions, il y a quelques années, lorsqu'est arrivée cette fameuse crise du lait alors qu'on voyait des gens oeuvrant dans la production maraîchère, dans la production du boeuf ou dans d'autres productions faire peu de cas de ce drame qui affligeait une production aussi importante que le lait? Donc, un monde qui est tiraillé entre la ferme familiale, le début de l'industrialisation avec ces quasi-usines que sont les porcheries de 10 000, 15 000 ou 20 000 porcs et ces poulaillers immenses, entre cette commercialisation, ces techniques ultra-modernes qu'on constate à certaines couches de l'activité agricole alors qu'on voit, d'autre part, la renaissance d'un type d'agriculture beaucoup plus traditionnel. Tous ces conflits qu'on voit poindre de part et d'autre, c'est sur cela, je pense, que l'Opposition veut miser pour relancer non seulement un débat, mais tous les débats à la fois et tenter de contrer ces politiques et cet intérêt qu'a manifestés le gouvernement actuel pour l'agriculture et qui sont en train de porter fruit.

Comme quelqu'un le disait dans un éditorial de la Terre de chez nous, je pense que l'UPA aura, à travers ce débat, pris conscience de l'importance pour elle d'accentuer — on ne peut pas lui reprocher de ne pas l'avoir fait avant — l'information à l'égard des membres, de renforcer ses cadres en tant qu'organisme professionnel, de mieux définir son rôle et de participer, comme elle l'a fait d'ailleurs, à ce grand projet gouvernemental de relancer l'agriculture sur des bases prospères et dynamiques. Evidemment, un mouvement d'une telle envergure n'est pas sans créer quelques remous. Il ne faut pas paniquer face à cela; il faut être conscient qu'un tel déblocage dans un secteur qui a été trop longtemps négligé ne se fait pas sans bouleversements, sans antagonismes. Ce sont ces problèmes qui sont posés présentement. (21 h 50)

Face à cela, le gouvernement actuel — je relisais, tout à l'heure, cette fameuse loi 116 — ne cesse de répéter, depuis bientôt deux mois, que le projet de loi no 116 n'a pour seul objectif que de combler un vide juridique. Ce projet de loi de sept ou huit articles n'est pas fait pour définir, accentuer, améliorer, stimuler ou freiner les plans conjoints. Ce projet de loi no 116, on l'a répété, est fait pour combler un vide juridique. C'est peu de chose en soi, mais cela peut comporter des conséquences dramatiques si ce n'est pas fait. Je pense qu'il faut être un peu irresponsable, face à cette situation... Evidemment, les gens de l'Opposition, dont plusieurs ont une formation juridique importante, ne sont pas sans constater que ce projet de loi dit relativement peu de chose et vise à combler un vide. Je pense qu'ils en sont bien conscients. Si ce n'était pas fait, si cela devait être reporté indéfiniment, je pense qu'il faudrait être un peu irresponsable pour risquer de poser au monde agricole et à certaines productions bien organisées des problèmes d'une envergure énorme. Je pense particulièrement aux fédérations de producteurs de lait, à ces productions régies par des quotas, par des fédérations.

Ce serait une tragédie si, finalement, le retard à appliquer ces lois, à compléter notre juridiction, puisque c'est maintenant devenu intra vires pour les provinces, cet empressement à compléter ce vide juridique, ne devait pas être comblé. Il pourrait avoir des conséquences énormes et reposer d'énormes problèmes des consensus qui pourraient être très faibles si le problème devait se poursuivre. Je pense à ces distributions de quotas entre les provinces, aux subsides de la Commission canadienne du lait, aux producteurs laitiers. Ce serait une tragédie. Je pense que l'Opposition, dans ce cas-ci, devrait cesser de faire preuve de partisanerie, devrait moins miser sur une tentative de profiter d'un problème politique qu'elle est en train d'essayer de créer. Je pense aussi faire preuve de bonne volonté pour donner au monde agricole la stabilité qui est nécessaire au développement des productions. Je voterai évidemment contre cette motion de report d'un mois et je souhaite de tout coeur que ce projet de loi soit adopté dans le plus bref délai pour qu'on puisse, comme le disait le ministre de l'Agriculture, continuer à poursuivre cet effort de relancer l'industrie agricole.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez maintenant la parole.

M. Fabien Cordeau

M. Cordeau: M. le Président, c'est pour moi un devoir de prendre part à la discussion actuelle concernant ce projet de loi 116, Loi modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles. Au début de mes remarques, qui seront brèves, je tiens à dire que je n'ai aucun ressentiment envers l'Union des producteurs agricoles et ses dirigeants. J'admets que les producteurs agricoles ont droit à leur syndicat, mais je me demande parfois pourquoi il n'y a pas plus d'une association agricole comme il en existe pour les autres travailleurs. La liberté de faire partie d'une association de son choix serait-elle possible dans le milieu agricole? M. le Président, je crois que la motion qui est devant nous...

M. Garon: M. le Président, est-ce qu'on peut revenir à la pertinence du débat? On en est rendu à se demander si on doit créer plusieurs organismes syndicaux au Québec.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture. M. le député de Saint-Hyacinthe, vous pouvez poursuivre.

M. Cordeau: Je vous remercie, M. le Président, de votre bon jugement.

M. le Président, je crois que la motion devant nous et présentée par le député de Maskinongé, qui a pour but de reporter à un mois l'étude du projet de loi 116, est très à propos. Ce laps de temps nous permettra d'entendre en commission parlementaire tous les groupements qui vont pour ou contre ce projet de loi. A cette commission

parlementaire, après les avoir entendus, nous pourrons poser des questions à loisir aux intervenants, tant de l'UPA que des dissidents ou de ceux qui ne partagent pas le point de vue du ministre.

Concernant les dissidents ou ceux qui ne partagent pas le point de vue du ministre, on nous accuse de les appuyer. En tant que membre d'un parti de l'Opposition, je suis fier d'être un de leur porte-parole ou défenseur de ce droit primordial qu'a encore tout citoyen dans cette province de pouvoir s'exprimer librement. D'ailleurs, la contestation, messieurs d'en face, cela vous connaît. Et je crois même que parmi la députation gouvernementale, il y a eu dans le passé des contestataires qui ont fait leur marque. Est-ce à dire que vous avez eu tort d'agir comme vous l'avez fait?

Lors de cette commission, nous aimerions entendre l'UPA et lui poser des questions. Egalement, nous aimerions certainement entendre les représentants du secteur coopératif nous dire pourquoi ils s'opposent aux articles 1, 3, 5 et 6 tels que rédigés. Les autorités de la Coopérative agricole de Granby, dans un télégramme que le ministre de l'Agriculture a sans doute reçu, disaient ceci, et je cite: "La Coopérative agricole de Granby considère que le projet de loi 116 dans sa formulation actuelle risque d'entraver d'une manière directe l'autonomie de l'organisation coopérative, de la mise en marché des produits agricoles au Québec et d'entraîner, à brève échéance, la mort de la coopération en matière agricole. Le projet de loi 116 risque de détruire la coopération dans un secteur clé de notre économie, là où elle a toujours fait preuve d'audace et joue un rôle prépondérant en dotant les producteurs québécois des outils nécessaires à leur développement et à la croissance du Québec." Plus loin, on ajoutait: "Reconnaître aux seuls offices producteurs le pouvoir absolu de contrôler intégralement tous les aspects de la production et de la mise en marché des produits agricoles équivaudrait à créer de grands trusts syndicaux agricoles provoquant ainsi la disparition des coopératives."

M. le Président, permettez-moi de vous lire un autre témoignage, celui-là provenant d'un article paru dans "Le coopérateur agricole" du mois de janvier: "Or, prenant connaissance du projet de loi, tel que soumis en première lecture, les autorités de la Coopérative fédérée et de quelques-unes de ses plus importantes coopératives sociétaires constataient que le texte du projet de loi allait beaucoup plus loin que le mentionnaient les notes explicatives qui le précédaient. Une étude rapide, mais en profondeur, fut faite et communiquée au conseil d'administration de la Fédérée alors en réunion. On avait décelé que, volontairement ou non, les légistes accordaient aux offices de producteurs des pouvoirs extrêmement larges qui risquaient de brimer la liberté des producteurs d'abord et qui mettaient ensuite en péril l'existence même des coopératives agricoles. La Régie des marchés agricoles elle-même pouvait y perdre ses plus belles plumes.

Voilà, M. le Président, des raisons pour lesquelles nous avons eu amplement raison de nous opposer à l'adoption du projet de loi tel que soumis par le ministre au mois de décembre et qu'il voulait nous faire adopter coûte que coûte.

M. Garon: M. le Président...

M. Cordeau: Devant cette commission...

M. Garon: M. le Président...

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: ... je pense qu'un député n'a pas le droit d'induire la Chambre en erreur...

Une Voix: II n'a pas le droit de parole, M. le Président.

M. Cordeau: M. le Président, ai-je la parole?

M. Garon: ... puisque j'ai moi-même déposé les amendements à la commission parlementaire de l'agriculture pour dire qu'il y aurait des modifications dans le projet de loi 116, tel que déposé. Arrêtez donc de mentir à la population.

M. Fontaine: Déposez-les donc vos amendements...

M. Garon: Ils ont été donnés à tous les membres de la commission parlementaire.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture. M. le député de Saint-Hyacinthe, vous pouvez poursuivre. (22 heures)

M. Cordeau: Merci de votre second jugement en appel, M. le Président.

Devant cette commission, l'on pourrait également faire le point sur le véritable rôle que jouent les plans conjoints actuels. L'on m'a toujours dit qu'un plan conjoint avait pour but de protéger les fermes familiales. Devant les résultats du plan conjoint sur les oeufs, je m'interroge car, de 2632 producteurs du début, il ne reste que 375 quotas répartis parmi environ 300 producteurs. La ferme familiale s'en va chez le diable avec des affaires comme cela.

En terminant, je tiens à répéter que j'appuierai la motion du député de Maskinongé, car je crois sincèrement qu'en agriculture comme ailleurs l'initiative privée a encore sa place et que les agriculteurs n'aiment pas à être encagés, que cela se fasse pas leur organisme syndical ou par tout autre organisme.

J'espère, M. le Président, que le ministre nous accordera cette commission parlementaire pour le plus grand bien de tous les agriculteurs du Québec.

M. Grenier: M. le Président...

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton. Il est maintenant 22 heures...

M. Grenier: ... est-ce que je peux proposer l'ajournement du débat?

M. Lavoie: Consentement. Du fait que nous avons été habitués, au mois de décembre, à siéger jusqu'à 4 heures ou 5 heures du matin, à cette heure-ci, on commence notre journée. Je suis prêt à donner notre consentement, M. le Président, pour une heure.

M. Grenier: Je demande l'ajournement du débat, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je propose l'ajournement des travaux de la Chambre à demain, 10 heures.

Le Président: Adopté? Une Voix: Adopté.

Le Président: Alors, l'Assemblée ajourne ses travaux à demain, 10 heures.

Fin de la séance à 22 h 3

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