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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le lundi 12 février 1979 - Vol. 20 N° 101

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Seize heures sept minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Assermentation de Mme Francine Fournier

Je voudrais déposer deux copies de l'asser-mentation de Mme Francine Fournier comme vice-présidente de la Commission des droits de la personne et cela, conformément à la loi.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Période des questions orales.

M. le chef parlementaire de l'Opposition officielle.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je n'ai pas l'intention d'utiliser la première question pour qu'elle soit au débit de la période des questions pour l'Opposition officielle. Je sais fort bien que le premier ministre du Québec est retenu avec le premier ministre de la France, mais je pourrais, cependant, profiter de ce début de la période des questions pour donner un avis au premier ministre, peut-être par le truchement du vice-premier ministre, s'il veut répondre à la question; cela a peut-être été discuté au Conseil des ministres. A quand les élections partielles dans Argenteuil et dans Jean-Talon?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, le chef de l'Opposition vient d'expliquer lui-même, et à bon droit, la raison de l'absence du premier ministre actuellement. Je puis l'assurer que le premier ministre n'est pas absent jusqu'au printemps.

Le Président: Deuxième question, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Levesque (Bonaventure): Je proteste, M. le Président.

Le Président: Deuxième question, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je crains que la deuxième question n'ait à peu près la même... (16 h 10)

Une Voix: ... portée...

M. Lalonde: ... portée que la première étant donné qu'elle s'adressait au ministre délégué à l'énergie ou au ministre de la Justice. Mais étant donné l'absence des deux, je dois l'adresser au vice-premier ministre. Il s'agit de...

Des Voix: Ah! Voilà le ministre de la Justice. M. Lalonde: Voilà le ministre de la Justice. Le Président: Voilà le ministre de la Justice.

Réclamation consécutive au saccage de LG 2

M. Lalonde: M. le Président, la Société d'énergie de la baie James a pris une action en justice réclamant $32 millions d'un syndicat et de membres d'un syndicat à la suite du saccage qu'on a appelé le saccage de la baie James, il y a plusieurs années. Or, la rumeur veut que, conformément au préjugé favorable de ce gouvernement pour les syndicats, il soit question de régler cette réclamation de $32 millions pour la modique somme de $125 000.

Une Voix: Ah oui?

M. Lalonde: Cette rumeur a déjà été publiée il y a quelques jours et ma question s'adresse au ministre de la Justice. A-t-il reçu des conseillers juridiques du ministère ou des conseillers juridiques de la Société d'énergie de la baie James des opinions suivant lesquelles l'on devrait régler le plus tôt possible, alors que le procès vient à peine de commencer, il y a quelques semaines — un procès qui est prévu pour plusieurs mois? Est-il question de régler rapidement en sous-main cette réclamation de $32 millions pour $125 000?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je n'ai reçu aucune opinion juridique dans quelque sens que ce soit concernant la cause que mentionne le député de Marguerite-Bourgeoys. A ce que je sache, il s'agit d'une réclamation civile où les parties sont très bien identifiées, et le procès se déroulera selon les règles usuelles.

M. Lalonde: M. le Président, étant donné que...

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ... la Société d'énergie de la baie James appartient à toute la population, étant donné toutefois qu'il est fort possible qu'elle soit représentée à ce procès non pas par des représentants du ministère de la Justice, c'est-à-dire non pas par des avocats employés au ministère de la Justice, mais par des avocats de la pratique privée, est-ce que le ministre de la Justice peut s'assurer qu'aucun règlement n'interviendra dans cette cause à moins que lui-même ou ses services aient été informés et se soient satisfaits du bien-fondé d'un tel règlement? Il est possible que la Société d'énergie de la baie James soit représentée en justice par des avocats de la pratique privée, comme il arrive souvent. Est-ce que le ministre de la Justice, étant donné quand même qu'il est le jurisconsulte du gouvernement, étant donné que la Société d'énergie de la baie James représente toute la population, s'assurera qu'aucun tel règlement n'interviendra à moins qu'il soit satisfait que toutes les conditions soient remplies et qu'il soit satisfait qu'un tel règlement soit justifié?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys comprendra que, si je suis jurisconsulte je ne suis quand même pas le juge de cette cause où les parties — comme je l'ai dit tout à l'heure — sont très bien identifiées. Elles sont représentées pour la plupart, sinon entièrement, par des avocats de la pratique privée. Mais, à la suite de la question du député de Marguerite-Bourgeoys, je prendrai la peine d'en discuter avec le ministre délégué à l'énergie.

Le Président: M. le député de Gatineau. Tout de suite après, M. le député de Bellechasse.

Règlement de placement dans l'industrie de la construction

M. Gratton: M. le Président, ma question s'adresse au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Le 19 janvier dernier, le ministre rencontrait son homologue ontarien pour lui faire — selon les termes employés par le ministre québécois — des propositions très précises quant à l'application du règlement concernant le placement dans l'industrie de la construction. Le ministre s'attendait, à ce moment, d'obtenir une réponse du gouvernement ontarien dans les deux semaines qui suivraient ou, tout au moins, au cours de la conférence des premiers ministres qui a eu lieu au début de février. Or, en fin de semaine, le ministre ontarien, M. Elgie, déclarait que le Québec n'avait fait que des suggestions — loin d'être des propositions très concrètes — et qu'il ne s'agissait que de suggestions qui étaient encore à l'étude. Le ministre pourrait-il nous dire quelles sont les propositions concrètes qu'il a faites à son homologue ontarien et à quel moment il prévoit obtenir une réponse de ce dernier?

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, j'ai effectivement rencontré M. Elgie, ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre de l'Ontario, à la mi-janvier. Contrairement à ce qui a pu paraître récemment dans certains journaux, à partir d'une dépêche — je pense — de Canadian Press de Toronto, il ne s'agit pas de suggestions, mais bel et bien de deux propositions précises que j'ai présentées à M. Elgie en présence du sous-ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre du Québec et du sous-ministre du Travail de l'Ontario. Jusqu'à maintenant, je n'ai pas obtenu de réponse de M. Elgie.

Quant au contenu de ces propositions, je pense que, tant et aussi longtemps que le gouvernement ontarien n'aura pas réagi de façon officieuse ou officielle, il ne m'apparaît pas d'intérêt public d'en divulguer le contenu.

M. Gratton: Une question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je comprends fort bien la réticence du ministre à ne pas en divulguer le contenu, mais compte tenu que le ministre Elgie prétend qu'il n'y a pas eu de propositions concrètes, mais de simples suggestions, le ministre ne juge-t-il pas qu'il serait souhaitable et utile qu'il informe au moins les membres de cette Assemblée de ce qu'il a proposé comme solution à ce conflit qui, le ministre en conviendra, est lourd de conséquences pour des milliers de travailleurs québécois de l'industrie de la construction.

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: Si vous permettez, M. le Président, je dirai deux choses à ce sujet. La première est que ce que M. Elgie aurait appelé — et, encore une fois, d'après la dépêche de la Presse canadienne, je ne peux pas présumer que cela traduit nécessairement les propos de M. Elgie — une suggestion plutôt qu'une proposition, je ferai remarquer que le Québec, dans ses relations et dans ses pourparlers, a fait plus de pas sur le plan concret et de la définition des problèmes que le gouvernement ontarien n'en a jamais fait depuis le début de cette question. Deuxièmement, s'il faut qualifier de suggestions deux propositions formulées sous forme d'alternative, je veux bien qu'on les appelle des suggestions.

M. Gratton: Dernière question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Dernière question, très brièvement, M. le Président. Moi aussi, je veux bien que le Québec ait fait beaucoup pour définir le problème. Le fait demeure que le problème n'existe que depuis que le gouvernement du Québec s'est donné ce règlement de placement dans l'industrie de la construction. Je demande au ministre s'il

compte, avant la tenue de la commission parlementaire qui est prévue pour les 20 et 21 février, faire les démarches nécessaires pour que nous ayons réponse définitive du gouvernement d'Ontario à ce sujet.

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-dOeuvre.

M. Johnson: A ce propos, je dirai également deux choses: D'une part, je pense que ces démarches, en ce moment, appartiennent à M. Elgie et au gouvernement ontarien qui, jusqu'à maintenant, n'ont pas répondu à mes démarches et à mes propositions. Deuxièmement, quant à la commission parlementaire, je pense que nous aurons l'occasion, de toute façon, de rediscuter de toute cette question, au moment de la commission parlementaire.

M. Roy: Une autre question additionnelle, M. le Président, sur le même sujet.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud, question additionnelle.

M. Roy: Quand le projet de loi no 136, qui a été déposé et qui a été adopté en deuxième lecture par l'Ontario, aura franchi l'étape de la troisième lecture, on sait très bien quelles sont les répercussions que cette loi va avoir pour les travailleurs de la construction du Québec qui, jusqu'à maintenant, ont réussi à aller travailler en Ontario sans qu'on y fasse obstacle.

J'aimerais demander au ministre, d'une part, si, dans ses projets d'amendement du règlement de placement, il vise à adoucir la mesure de façon que l'Ontario n'ait pas à présenter en troisième lecture ce projet de loi no 136 et, deuxièmement, on me permettra de demander aussi au ministre, puisqu'on fait référence à la commission parlementaire, si cette commission parlementaire permettra aux syndicats, aux représentants syndicaux de se faire entendre devant la commission parlementaire, puisqu'ils ont des points de vue à communiquer aux membres de la commission?

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, j'inviterais d'abord le député de Beauce-Sud à relire le projet de loi no 136 qui est devant le Parlement ontarien, en ce moment, à Queen's Park. Ce projet de loi no 136 n'implique aucune conséquence directe sur cette question de la mobilité de la main-d'oeuvre dans la mesure où le projet de M. Elgie prévoit simplement que le ministre aura un pouvoir réglementaire en matière de placement. Tant et aussi longtemps qu'on ne connaîtra pas le règlement que M. Elgie voudrait entre autres forcer dans la gorge de certains des "building trades" d'Ontario, je pense qu'on ne peut pas spéculer quant aux conséquences de ce règlement.

Deuxièmement, sur la question de fond, il faut peut-être rappeler que ces propositions ou cette alternative de proposition que j'ai faite à M. Elgie comprend la nécessité de la reconnaissance par l'Ontario du fait qu'il existe certains problèmes quant à la liberté pour des Québécois de franchir cette zone frontalière qu'est l'Outaouais, des Québécois à l'occasion font l'objet, dans certains chantiers, de discrimination du seul fait qu'ils sont Québécois, et que toute solution devrait impliquer un minimum de reconnaissance de cette situation et de démarches faites par le gouvernement ontarien pour faire en sorte qu'une telle discrimination n'existe pas à l'égard des Québécois. (16 h 20)

Finalement, sur la question de la commission parlementaire, je n'ai pas l'intention pour le moment d'inviter l'ensemble des syndicats ou l'ensemble du secteur patronal à venir témoigner puisque, d'une part, ils ont eu l'occasion de s'exprimer pendant plusieurs semaines auprès de l'Office de la construction du Québec qui a procédé à une consultation et, d'autre part, cette commission a été convoquée pour permettre aux députés non seulement de décrire les problèmes, puisque tous les députés et particulièrement les députés des régions dites rurales ou semi-urbaines ont eu des problèmes avec l'application de ce règlement de placement, mais d'essayer d'envisager l'ensemble des solutions. C'est ce que nous allons proposer lors de la prise en considération de ce problème devant la commission parlementaire.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Je n'ai vraiment pas de chance, à chaque fois que vous me reconnaissez, le ministre à qui je voulais adresser une question disparaît. Etant donné que ma question s'adressait au ministre de l'Industrie et du Commerce et que le leader du gouvernement nous a assurés qu'il sera ici éventuellement, je vous demande, M. le Président, s'il n'y aurait pas lieu de reconnaître mon collègue de Mégantic-Compton et de me permettre de poser une question, peut-être, à la fin de la période des questions.

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton.

Définition des tâches des infirmières et infirmiers auxiliaires

M. Grenier: Excellente idée, M. le Président. J'aurais voulu, moi aussi, poser ma question au ministre des Affaires sociales qui est également retenu sans doute par la visite du premier ministre de France de même que le ministre d'Etat qui est rattaché à cela, M. Marois. Je poserai ma question à quelqu'un qui s'y connaît dans le secteur soit le ministre du Travail, M. Johnson. Je fais plutôt appel ici à ses connaissances médicales qu'à ses connaissances dans le domaine du travail. Vous allez me permettre, M. le Président, de poser ma question. Alors, je pose ma question...

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton, posez-vous votre question au docteur,

ministre du Travail, ou au docteur, ministre des Affaires sociales?

M. Grenier: Au ministre des Affaires sociales, ne niant pas cependant les connaissances qu'a le ministre du Travail dans le domaine des affaires sociales également. J'adresse ma question au ministre des Affaires sociales.

J'aimerais savoir du ministre s'il peut nous répondre aujourd'hui relativement à cette définition des tâches des infirmiers et infirmières auxiliaires du Québec qui attendent toujours cette définition. On sait qu'à son cabinet on a promis en 1977 que cela se ferait très prochainement et le ministre a rappelé, je pense, en novembre 1978, à Sherbrooke, que c'était tout à fait prêt et que, dans quelques semaines, on pourrait finir par avoir cet élément de solution. On connaît la bataille qu'il y a entre les infirmiers autorisés, les infirmières autorisées et les infirmiers auxiliaires, les infirmières auxiliaires; ils attendent toujours cette définition de tâches.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, je m'excuse de mon retard, c'est que nous venons de signer une entente avec nos amis de la France, par laquelle...

Une Voix: ... économique.

M. Lazure: Oui, cela touche l'économique aussi — ... par laquelle les citoyens de la France et du Québec pourront bénéficier de toutes les mesures de sécurité sociale sur un mode de transférabilité.

Quant à la question du député de Mégantic-Compton... Entre parenthèses, j'entends quelqu'un qui dit: Cela fait longtemps que cela se préparait. Effectivement, cela a été un accouchement assez laborieux qui...

M. Grenier: M. le Président, sur une question de règlement. Vous avez bien sûr senti que le ministre ne répond pas à mes questions. Il est en train de faire une déclaration ministérielle. J'aimerais qu'il réponde à ma question et que demain nous puissions intervenir sur une déclaration ministérielle, s'il y a lieu.

Le Président: Vous avez raison, M. le député de Mégantic-Compton. M. le ministre, je vous demande de revenir à la pertinence de la question.

M. Lazure: La question que soulève le député de Mégantic-Compton touche à la fois à des actes médicaux qui sont délégués à la Corporation des infirmiers et infirmières, mais aussi à la Corporation des auxiliaires, des gardes-malades auxiliaires. C'est une question fort complexe et qui relève en dernière instance surtout du ministre responsable de l'Office des professions, mon collègue de l'Education.

Quant à nous, aux Affaires sociales, nous avons fait des représentations à l'Office des professions et au ministre titulaire et il nous paraît qu'un des éléments de conflit actuellement est précisément dans ce partage, qui reste toujours un peu discutable, des tâches qui sont déléguées de la part de l'Ordre des médecins à la Corporation des infirmières et infirmiers, mais qui doivent, à leur tour, être déléguées des infirmières aux infirmières auxiliaires. Il s'agit d'une opération à trois paliers qui est fort complexe. Nous sommes conscients que chacun des trois organismes professionnels demeure jaloux de ses prérogatives et nous tentons, de concert avec le ministre titulaire de l'Office des professions, de rendre des décisions les plus équitables possible. Je demande à mon collègue de l'Education de peut-être ajouter à la réponse.

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): Effectivement, M. le Président, les intervenants dans ce dossier sont fort nombreux; non seulement y trouvons-nous les trois professions que mon collègue a énumérées, mais également l'Office des professions et, bien sûr, le ministre responsable.

Je pense arriver à mettre au point les règlements de délégation d'ici deux ou trois semaines au maximum en vue de les présenter au Conseil des ministres. Il est inexact, comme on l'a laissé entendre de la part de la Corporation des infirmières, que ces règlements étaient déjà prêts et sur le point d'être soumis — ou auraient déjà été soumis — au Conseil des ministres. C'est inexact. Nousy travaillons d'arrache-pied. J'ai rencontré la semaine dernière l'Ordre des médecins et, avant Noël, j'avais rencontré et la Corporation des infirmières et infirmiers et la Corporation des auxiliaires de façon à me dresser le tableau complet des points de vue avant de présenter au Conseil des ministres la nouvelle réglementation.

On a dit de la part des infirmières, je pense, que j'avais refusé de les recevoir. Je tiens à dire, M. le Président, que c'est inexact: Je les ai reçues. Il n'est pas impossible d'ailleurs que je les reçoive de nouveau afin que nous puissions nous éclairer une dernière fois mutuellement avant que j'aille devant le Conseil des ministres.

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: M. le Président, une question additionnelle que je pose au vice-premier ministre, ministre de l'Education et responsable du dossier. J'avais présumé qu'il y avait déjà trois ministres qui pouvaient être mêlés à ce dossier, mais je vois que le ministre de l'Education a peut-être une part plus importante directement sur cette distribution des tâches. Les infirmiers et infirmières autorisés prétendent qu'ils envahiront le champ des auxiliaires et les auxiliaires prétendent qu'ils pourraient même envahier le champ des infirmiers et infirmiè-

res autorisés. J'aimerais que le ministre nous assure qu'il y a place dans ce secteur pour tout ce monde et qu'on n'arrivera pas avec un congédiement de masse.

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, il ne s'agit pas de l'envahissement par une corporation du champ d'activité d'une autre corporation. Il s'agit de trouver un juste équilibre entre trois corporations qui sont appelées à travailler ensemble, dans nos hôpitaux et nos établissements hospitaliers, trois corporations qui sont, pour ainsi dire — j'allais dire condamnées — disons plutôt appelées à travailler ensemble afin que les soins dispensés aux malades soient les meilleurs possible.

Si l'on se place du point de vue selon lequel ces trois corporations, sont appelées à travailler ensemble, il est bien clair qu'on ne doit pas concevoir la solution comme résultant d'un affrontement, mais plutôt d'un juste équilibre entre les possibilités de chacune de ces professions.

C'est ce à quoi je m'emploie, c'est la perspective dans laquelle je me place pour résoudre ces problèmes. Je puis assurer le député de Mégantic-Compton que les règlements ne bouleverseront pas les choses telles que nous les connaissons actuellement. La délégation existe déjà actuellement, des médecins vers les infirmières et vers les auxiliaires. Dans la pratique quotidienne, cela est absolument inévitable.

Merci, M. le Président. (16 h 30)

Le Président: M. le député de Sainte-Marie, en additionnelle.

M. Bisaillon: Ma question additionnelle s'adresse indifféremment au ministre des Affaires sociales ou au ministre de l'Education, responsable de l'Office des professions. Est-ce qu'il n'est pas exact que dans la pratique, dans le quotidien, les infirmiers et infirmières auxiliaires accomplissent, dans certains hôpitaux, actuellement, des tâches qui, au niveau de l'Office des professions, sont prévues ou dévolues aux infirmières? Et n'est-il pas exact aussi que dans certains hôpitaux, actuellement, dans le quotidien, dans le vécu, des infirmières ou infirmiers accompliraient des tâches qui seraient normalement, dans le Code de l'Office des professions, plutôt dévolues aux médecins ou à la catégorie des médecins?

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je ne donnerai qu'une partie de la réponse; mon collègue des Affaires sociales pourra la compléter s'il le désire. Dans les faits, il existe effectivement, à travers le Québec, des établissements hospitaliers où les auxiliaires jouent un très grand rôle et accomplissent tous les jours des actes infirmiers; nous n'avons pas partout des infirmiers ou infirmières. Dans les faits, il a fallu s'accommoder de cette situation, d'autant que certains auxiliaires ont beaucoup d'expérience. Que l'on songe que certains infirmiers ou infirmières auxiliaires ont jusqu'à quinze et vingt ans d'expérience et peuvent poser des actes sans que la santé ou la sécurité des patients en souffre. Les règlements devront tenir compte de cet état de choses, bien sûr, sans pour autant enlever aux infirmières et aux infirmiers ce qui leur est dû.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales, est-ce que vous auriez des désirs?

M. Lazure: Oui, rapidement, pour compléter cette réponse. Je dirais au député de Sainte-Marie que ma réponse, c'est oui aux deux questions, à savoir que des actes soi-disant médicaux soient accomplis, depuis déjà plusieurs années, à la fois par les infirmières autorisées et à la fois par les infirmières auxiliaires.

Je rappellerai seulement comme dernière remarque à cette Assemblée que, bien avant qu'existe un Office des professions, il existait, dans le quotidien, dans le déroulement normal des choses qui incluait une délégation des tâches, une certaine délégation de responsabilités de tâches. Si bien que plusieurs de ces tâches qui sont actuellement en litige, si je peux dire, dans la réalité sont déjà déléguées à ces deux groupements, aux infirmières autorisées et aux infirmières auxiliaires.

M. Forget: Une question supplémentaire, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci. Le ministre responsable du Code des professions de même que le ministre des Affaires sociales se défendent des délais excessifs qu'ils mettent à apporter des précisions ail mécanisme de délégation des actes sur le fait que la réalité, de toute manière, tient compte des besoins. Comment expliquer — et c'est une question que j'adresse au ministre responsable de l'Office des professions — un délai si long dans l'exercice par le gouvernement de ses responsabilités d'accorder le droit à la réalité? Deuxièmement, une fois qu'il aura terminé son rôle de soi-disant arbitre entre les différents groupes professionnels, le ministre est-il prêt à confronter les décisions auxquelles il en sera venu avec les différents groupes intéressés en commission parlementaire, de manière que chacun puisse se satisfaire que ce rôle d'arbitre a été joué convenablement?

M. Morin (Sauvé): En d'autres termes, M. le Président, le député commence par me blâmer d'avoir pris le temps d'étudier le dossier pour ensuite me demander de nouveaux délais, si j'ai bien compris, en demandant la convocation de la commission parlementaire.

Des Voix: Bravo!

M. Morin (Sauvé): M. le Président, les intérêts en cause sont importants. N'oublions pas que trois

corporations parmi les plus importantes que nous ayons au Québec seront touchées par ces deux règlements de délégation des actes médicaux et des actes infirmiers. J'ai parlé tout à l'heure du nombre d'intervenants dans ce dossier; j'ai mentionné également l'équilibre à trouver entre les responsabilités et les tâches de ces trois corporations.

On ne saurait définir un tel équilibre, ni respecter tous les intérêts en présence qu'après avoir mûrement réfléchi, rencontré les parties — ce que j'ai fait d'ailleurs — et analysé le dossier de fond en comble. C'est ce que je fais depuis de longs mois avec l'aide de l'Office des professions. Je pense être sur le point d'aboutir. Néanmoins, chaque fois que le problème approche de la solution finale, il se trouve toujours de nouvelles questions soulevées par l'une ou l'autre des corporations en présence de sorte que, chaque fois, il me faut tendre l'oreille à nouveau et m'assurer que tous les intérêts seront respectés. Quand je présenterai ces règlements, selon la procédure consacrée, au Conseil des ministres, je me serai assuré qu'ils traduisent un juste équilibre entre tous les intérêts en présence et je ne pense pas qu'il sera nécessaire, à ce moment-là, de faire appel à la commission parlementaire.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

Programme PACEM et PAREM

M. Cordeau: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre des Affaires municipales. M. le ministre, parmi les programmes que vous avez institués, il y a les programmes PACEM et PAREM qui concernent les équipements municipaux. A la demande de nombreux maires et pour l'information de cette Chambre, je vous demande si vous avez l'intention, premièrement, de prolonger pour l'année financière 1979 ces programmes tels que conçus. Sinon, présenterez-vous d'autres programmes comportant d'autres normes?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: M. le Président, il me fait plaisir de répondre à la question du député de Saint-Hyacinthe d'autant plus que ces programmes PAREM et PACEM, pour lesquels un montant de $30 millions a été engagé jusqu'à maintenant, ont véritablement connu un succès auprès des municipalités et ont permis de démarrer plusieurs projets...

Des Voix: Bravo!

M. Tardif: ... et ceci dans tous les comtés du Québec, ainsi qu'une répartition objective pourrait permettre de le constater. M. le Président, ces...

M. Lavoie: Cela n'existait pas avant. Il n'y avait pas de municipalités avant.

Une Voix: C'était du patronage avant, c'était du patronage.

M. Tardif: M. le Président, devant le succès de ces programmes qui, évidemment, étaient pour une durée limitée, d'une part, et devant, d'autre part, le fait que la réforme de la fiscalité municipale, si elle devait entrer en vigueur, le serait probablement le 1er janvier 1980, il nous faudra donc moduler les deux programmes puisque la réforme de la fiscalité implique une abolition des subventions conditionnelles et autres. Nous allons donc moduler ceci. J'ai bon espoir que, d'ici l'entrée en vigueur de la réforme de la fiscalité, nous pourrons trouver une formule, pas nécessairement la même, mais qui soit encore plus incitative et plus créatrice d'emplois pour le monde municipal.

Des Voix: Bravo!

M. Cordeau: Une question additionnelle.

Le Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le ministre nous a fait part de ses intentions, mais peut-il affirmer, c'est-à-dire informer officiellement les maires des municipalités qu'ils pourront bénéficier de programmes semblables pour l'année 1979/80?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: M. le Président, évidemment, c'est le genre d'assurance qui ne pourra être révélée qu'à l'occasion du budget de façon formelle, mais je puis dire que des représentations ont déjà été faites auprès du gouvernement par le ministre des Affaires municipales.

Le Président: M. le député de Taschereau. M. Guay: Merci, M. le Président. M. Grégoire: Très bon ministre. Une Voix: Carnaval!

Supplément du revenu

de la vieillesse aux personnes

dans les centres d'accueil

M. Guay: Ma question s'adresse au ministre des Affaires sociales, M. le Président, si le poulailler d'en face m'en donne la possibilité. M. le Président, le supplément du revenu à la vieillesse a été augmenté au mois de janvier de $20 par mois. Dans le cas des personnes âgées qui sont en centre d'accueil, dans le passé, de telles augmentations ont été versées en tout ou en partie à l'administration de ces centres d'accueil afin de défrayer le coût d'hébergement, de logement, de nourriture et de soins des personnes qui y habitent.

Une rumeur veut que le gouvernement ait décidé de remettre une partie de cette augmentation aux patients en centre d'accueil cette année. J'aimerais savoir du ministre des Affaires sociales s'il est exact que cette rumeur est fondée, et, le cas échéant, quelle est la proportion, quel est le coût moyen pour chaque patient en centre d'accueil qui relève de l'Etat. (16 h 40)

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, je remercie le député de Taschereau de me donner l'occasion...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de rectifier des faits puisque, en réalité, depuis quelques semaines, il y a eu des affirmations à savoir que le gouvernement du Québec avait soutiré la totalité du montant additionnel versé par le gouvernement fédéral aux personnes âgées. Ceci est absolument faux! Nous avons procédé de la façon suivante: II est reconnu que les personnes âgées consacrent environ 75% de leurs revenus — surtout dans le cas de personnes âgées qui ont peu de revenus — à leur logement et leur nourriture. C'est une règle qui est en application depuis déjà un bon moment. Devant ces $20 qui sont tombés un peu à l'improviste du ciel d'Ottawa, nous avons décidé d'augmenter l'allocation mensuelle des personnes âgées, qui était de $63 par mois, à $68. C'est l'allocation de menues dépenses.

Non seulement c'est conforme à cette répartition, comme je l'expliquais tantôt, qui tient compte que les personnes âgées n'utilisent, comme tout le monde d'ailleurs le fait, qu'une partie mineure de leurs revenus pour leurs menues dépenses, mais aussi nous avons en même temps profité de l'occasion pour majorer l'allocation mensuelle aux autres personnes qui vivent dans des hôpitaux de soins prolongés, qui n'ont pas 65 ans ou 60 ans, qui ont 50 ou 55 ans, qui elles aussi recevaient $63 et qui, dorénavant, recevront $68 par mois.

Le Président: M. le député de Taschereau, question additionnelle.

M. Guay: Ce n'est pas vraiment une question additionnelle, autant que la deuxième partie de ma question. M. le Président, si le député de Mégantic-Compton peut cesser de s'exciter, cette Chambre pourra fonctionner normalement.

M. le Président, ma question...

M. Grenier: II n'a pas de question additionnelle et j'ai une additionnelle.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Guay: II s'agit de la deuxième partie de ma question de tantôt que le ministre a oubliée. Je voudrais savoir combien il en coûte à l'Etat, à l'heure actuelle, mensuellement, par personne qui est en centre d'accueil?

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, il est important — comme le député de Taschereau le laisse entendre — que l'Assemblée et la population réalisent que pour chaque personne hébergée en centre d'accueil ou en hôpital de soins prolongés, il en coûte environ $700 par mois. Cette augmentation de $63 à $68 dont je parlais tantôt, M. le Président, il faut la comparer aussi à la situation qui existait il y a deux ans à peine, où les personnes de moins de 65 ans ne recevaient que $49 par mois et les autres, $53 par mois.

Le Président: Mme le député de L'Acadie, je n'ai pas d'objection à vous reconnaître mais je voudrais vous faire savoir...

Mme Lavoie-Roux: Cela va être très court.

Le Président: ... que vous risquez de priver votre collègue, juste derrière vous, d'une question, le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président... M. Gratton: C'est du chantage!

Mme Lavoie-Roux: ... j'aimerais demander au ministre des Affaires sociales s'il peut nous assurer que tout l'argent récupéré d'Ottawa, même s'il distribue autrement les sommes...

Des Voix: A l'ordre, à l'ordre!

Mme Lavoie-Roux: ... ira intégralement aux bénéficiaires, que ce soit ceux qui sont dans des institutions de soins prolongés, soit les personnes âgées, ou si le gouvernement du Québec conserve de cet argent certaines sommes qui ne seront pas affectées immédiatement aux personnes dans des institutions de soins prolongés ou aux personnes âgées.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, la réponse est très brève Je puis assurer le député de L'Acadie que tout cet argent soi-disant venant d'Ottawa dont au moins 24% vient du Québec, des contribuables québécois, tout cet argent retourne au bien-être des personnes âgées.

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton, question additionnelle.

M. Grenier: Question additionnelle. Très rapidement. Le ministre est certainement conscient de la réponse qu'il a donnée tout à l'heure au député de Taschereau sur cette augmentation de $5. Il n'y a pas là un événement à faire les huit colonnes demain matin. C'est une augmentation statutaire qui vient à peu près annuellement. Ce n'est pas non, c'est oui, et le ministre est au courant à part cela.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Je vous en prie, M. le député de Mégantic-Compton, ne privez pas un de vos collègues d'une question. Posez votre question, s'il vous plaît.

M. Grenier: Je voudrais savoir du ministre, sur cette augmentation qui est donnée par le fédéral, ces $5 qu'il vient de donner aux personnes âgées dans le Québec, s'il est conscient que cela n'équivaut pas à l'augmentation du coût de la vie pour ces personnes en centres d'accueil.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, je viens de rappeler qu'en ce qui concerne le coût de la vie, par exemole les repas, les personnes âgées n'ont absolument rien à débourser pour les repas aux centres d'accueil, ni à l'hôpital pour soins prolongés; elles n'ont rien à débourser pour leur hébergement et les $68 qui sont maintenant la somme qu'on leur distribue comme allocation mensuelle servent uniquement aux menues dépenses et à l'argent de poche. J'ajouterais aussi que, dans les centres d'accueil pour personnes âgées, M. le Président, depuis un an, nous avons ajouté un nombre considérable de postes qui représentent une somme d'environ $6 500 000 par année, de façon qu'il y ait plus de personnel dans les centres d'accueil pour soins prolongés. M. le Président, l'indice du coût de la vie, en ce qui concerne la nourriture et le logement, est totalement absorbé par le ministère des Affaires sociales.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Départ de compagnies

M. Scowen: M. le Président, ma question s'adresse au ministre d'Etat au développement économique. Comme vous le savez, M. le Président, le Parti libéral a eu l'occasion, depuis quelques mois maintenant, de déplorer la situation économique à Montréal, le chômage et le départ de compagnies comme Cadbury que vous avez essayé, à toutes fins utiles, de retenir. Récemment, à l'Université Laval, un étudiant a demandé au ministre d'expliquer le départ de ces compagnies; il a donné les explications normales et après il a ajouté: De toute façon, on ne peut quand même pas regretter le départ de nos maîtres. Je pense qu'il s'impose, parce que c'est un ministre important du gouvernement du Québec, qu'il explique exactement ce qu'il veut dire par "maîtres". Nos conseillers, nos bureaux à l'étranger cherchent de l'investissement, l'industrie et le commerce cherchent de l'investissement et il y a les compagnies qui sont intéressées à partir ou à revenir. Je pense qu'ils veulent tous...

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît, il ne vous reste que trois minutes.

M. Scowen: Pour le bénéfice...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Pour le bénéfice de tous les investisseurs étrangers qui songent à venir au Québec et de ceux qui sont ici, on demande au ministre d'expliquer d'une façon assez précise ce qu'il veut dire par les maîtres dont on souhaite le départ. Qui sont-ils? Est-ce que ce sont les Anglais, les capitalistes, les gens d'un certain secteur, les étrangers? Que veut-il dire exactement par le mot "maîtres"?

Le Président: M. le ministre d'Etat au développement économique.

M. Landry: M. le Président, je remercie énormément le député de Notre-Dame-de-Grâce parce que j'ai vu aussi ce rapport de presse et, s'il représentait ma pensée et c'est exact, ce ne sont pas les termes que j'ai employés. Mais je le remercie de me donner l'occasion de préciser ma pensée. Elle est extrêmement claire et, s'il faut des questions additionnelles, j'espère qu'elles viendront (16 h 50)

Si un individu est au Québec depuis 40 ans et se comporte ici comme un colonel de l'armée des Indes se comportait dans ce pays maintenant libéré en 1930, s'il n'a pas pris l'occasion d'apprendre le français en une génération ou deux, s'il considère les populations locales d'une façon méprisante, s'il n'intègre pas son entreprise à l'appareil de production du Québec, s'il se comporte ici en colonisateur, quant à moi, personnellement, quant aux membres de ce gouvernement et à l'immense majorité des Québécois, nous ne pleurerons pas son départ.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. A l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs, s'il vous plaît!

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: II y a certainement, M. le Président, des compagnies qui sont parties. Il y en a quelques-unes dont le ministre ne regrette pas le départ. Tout ce que j'ai demandé, c'est qu'il donne les exemples précis de compagnies dont il est content qu'elles soient disparues pour que tout le

monde puisse comprendre. Qui sont-elles? Quelles sont les compagnies dont il est content qu'elles soient parties? Nommez les compagnies.

Le Président: M. le ministre d'Etat au développement économique.

M. Landry: M. le Président, si le député de Notre-Dame-de-Grâce me met les mots dans la bouche, je vais lui en nommer une qui est ar-chiconnue sur tout le continent, c'est le navire amiral des croque-mitaines et des quétaines, la compagnie Sun Life.

Ces gens étaient ici, se comportant, je le déplore, peut-être qu'eux-mêmes le regrettent-ils aussi, je leur souhaite vivement, précisément comme des colonels de l'armée des Indes avec un personnel à 75% anglophone, avec un bilan négatif vis-à-vis de l'investissement au Québec. C'était une pompe à finance, ils sortaient plus d'argent du Québec qu'ils n'en investissaient.

Une Voix: Ce n'est pas prouvé.

M. Landry: C'est parfaitement prouvé, c'est admis par la Sun Life et c'est surtout admis par l'Association canadienne des assureurs-vie; les données sont disponibles.

J'explique pourquoi j'ai dit "quétaine". Parce que dans cette aventure, ils perdent leur chemise, bon sens! Ce sont des hommes d'affaires qui font un "move ' spectaculaire qui leur bloque le marché qui était le plus en expansion, soit celui du Québec. Voilà pour "quétaine".

Pourquoi "croque-mitaine"? Parce qu'ils ont essayé de faire peur au peuple québécois. Les Bonshommes Sept Heures et ces genres de machins-là, cela n'a plus cours.

M. Scowen: Je veux simplement...

Le Président: Dernière question. A l'ordre, s'il vous plaît! Dernière question, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. A l'ordre, sil vous plaît! ...A l'ordre, s'il vous plaît!... M. le leader parlementaire du gouvernement, s'il vous plaît! Dernière question.

M. Scowen: Je remercie le ministre d'avoir clarifié l'exemple de Sun Life.

Je veux simplement demander si la maison Cadbury et la Banque de Montréal, quant à lui, sont deux autres exemples de compagnies dont il est content du départ.

Le Président: M. le ministre d'Etat au développement économique.

M. Landry: Ecoutez, il faudrait qu'on s'entende, M. le Président. Je sais que l'année 1970, par exemple, a été une très mauvaise année pour les mouvements démographiques au Québec. C'est alors qu'il en est sorti le plus. C'est toujours bien mauvais quand un Québécois quitte le Québec. C'est un peu une antinomie d'ailleurs, parce que la définition d'un Québécois ne passe pas par la langue, la religion et l'ethnie. Un Québécois, c'est celui qui reste. Or, c'est toujours déplorable que, pour une raison ou pour une autre, certains s'en aillent.

Mais vous nous avez beaucoup parlé d'un nombre...

M. Scowen: Excusez-moi.

M. Landry: M. le Président, est-ce que je peux finir mes réponses?

M. Scowen: Je soulève une question de privilège, M. le Président.

M. Landry: Je pense que j'ai été franc envers l'Assemblée et le député, je réponds clairement, qu'on me laisse donc répondre.

M. Picotte: Question de privilège.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je doute qu'il y ait là matière à question de privilège, peut-être, à la rigueur, une question de règlement. Ceci étant dit, je suppose que vous voulez que je ramène M. le ministre d'Etat au développement économique à la pertinence de la question; c'est ce que j'allais faire. M. le ministre d'Etat au développement économique.

M. Scowen: Ce sont des exemples. Il a donné un exemple. J'ai posé deux autres questions.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous réfère au règlement de l'Assemblée nationale qui dit qu'un député ne doit pas commenter la réponse d'un ministre.

M. le ministre d'Etat au dévelopement économique, brièvement, la période est déjà écoulée.

M. Landry: M. le Président, dans l'exemple de Cadbury, cela me fait de la peine non pas pour M. Powell ou pour les intérêts de la compagnie, cela me fait de la peine pour les 600 travailleurs québécois qui ont été mis à pied à cause d'une erreur grossière de gestion de cette compagnie. Cela me fait de la peine aujourd'hui. Quand vous questionnez sur des déplacements minimes de population, avez-vous pensé au million et demi de Québécois qui, après l'Acte de 1867, à cause des conditions économiques créées ici, ont dû s'exiler en Nouvelle-Angleterre pour "weaver" dans les "facteries " de coton, comme ils disaient? Cela me fait mal au coeur.

Le Président: C'est la fin de la période des questions. Nous en sommes aux motions non annoncées.

M. Le Moignan: M. le Président...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Messieurs, à l'ordre, s'il vous plaît!

Nous en sommes aux motions non annoncées.

M. le député de Gaspé.

Motions non annoncées

M. Le Moignan: Merci, M. le Président, en vertu de l'article 34...

Le Président: Nous n'en sommes pas là.

M. Le Moignan: Je pensais à la question que j'aurais aimé poser tout à l'heure; c'est pour cela que j'étais mêlé un peu.

Le Président: Motions non annoncées. M. le député de Gaspé.

Bienvenue à M. Raymond Barre M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: Motions non annoncées, vous avez raison.

Ce matin, M. le Président, en dehors des cadres normaux d'une session régulière et des heures normales, nous avons reçu le premier ministre de France. Je voudrais, en cette journée historique, vous offrir à vous, M. le Président, nos félicitations pour ce magnifique déjeuner que vous nous avez offert, pour ces agapes fraternelles. Je voudrais simplement, M. le Président, vous disposer calmement à recevoir ma motion non annoncée et je ne voudrais pas qu'elle fasse l'objet d'un débat, qu'elle suscite une dizaine d'imitateurs à ma suite parce que je ne veux pas retarder le débat sur le projet de loi 116 qui, normalement, devrait se terminer ce soir à 19 heures. Dans ce froid sibérien, j'ai hâte de retourner en Gaspésie où il fait chaud dans le moment. Je vous lis simplement cette motion non annoncée et je voudrais obtenir l'adhésion de tous les membres de cette Chambre. Si vous la recevez, peut-être dirai-je deux ou trois brefs mots de commentaires pour terminer ce débat.

Voici la motion, M. le Président. Elle est très brève, comme d'habitude, vous le savez. "Qu'il soit inscrit au journal des Débats que les membres de cette Assemblée souhaitent officiellement la bienvenue au Québec au premier ministre de la République française, M. Raymond Barre, et à ses invités". Ce sont là les paroles de la motion.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à la présentation?

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, justement sur ce consentement...

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle...

M. Levesque (Bonaventure): II n'y a pas consentement...

Le Président: Très bien. M. le chef de l'Opposition, je regrette, mais la coutume est — et je ne veux pas créer de précédent — qu'on ne doit pas commenter aux motions non annoncées les consentements ou les refus de consentement.

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège. L'hospitalité du Québec, M. le Président, est telle que je ne voudrais en aucune façon — et ceci est un privilège...

Des Voix: Ah, ah!

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le chef de l'Opposition officielle. (17 heures)

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, l'hospitalité du Québec est tellement traditionnelle et connue que je ne voudrais, en aucune façon permettre que le geste que nous posons présentement puisse être interprété et, si on ne me permet pas d'exercer ce privilège, je dirai au gouvernement- Allez-y, vous avez notre consentement et que l'on procède.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais savoir s'il y a consentement à la présentation de la motion.

M. Levesque (Bonaventure): Si on ne me permet pas d'exercer mon droit, si on ne me permet pas de soulever la question de privilège et de pouvoir terminer mon propos, je vais accepter, quels que soient les résultats, parce que nous avons à discuter, dans quelques instants, un projet de loi important. Et, si l'on veut pouvoir utiliser ce temps pour d'autres fins, le gouvernement en portera la responsabilité. Quant à nous, nous sommes d'accord, si on veut substituer à ce moment-ci une motion de remerciements. Mais nous croyons cependant que, ce matin, nous avons eu l'occasion d'exercer ce droit, ce privilège et cette joie.

Le Président: Si j'ai bien compris vos propos, M. le chef de l'Opposition officielle, il y a consentement à la présentation.

M. le député de Gaspé, vous avez la parole sur votre motion.

Une Voix: On peut suspendre pour permettre un appel à Ottawa.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Comme je l'ai mentionné il y a quelques instants, je ne voulais pas susciter de débat sur cette motion. Mais oendant le lunch tout à l'heure, en écoutant le premier ministre de France, j'ai retenu une idée qui, je pense, nous a tous frappés, quand il a parlé de ce morceau de notre peuple, enraciné au Canada.

M. le Président, la visite du premier ministre de France est certainement pour nous, aujourd'hui, un moment historique. Et s'il y a 370 années de vie française au Canada, ici surtout sur le sol québécois, je crois que nous n'avons pas honte de renier notre passé, bien au contraire. Je pense à cette parole de Fréchette, je crois, qui avait écrit, il y a déjà longtemps: Le sort avait parlé, notre astre s'éclipsait. L'exil cruel, sans fin d'un peuple commençait.

On voit aujourd'hui, M. le Président, qu'il y a un revirement. Il y a eu ténacité chez les nôtres. Il y a eu une foi inébranlable. Et je crois qu'il y a une conscience spécifiquement québécoise qui s'éveille en ce moment. On voudra rattraper le passé. Et peut-être ce que nos amis de droite n'aiment pas, c'est que nous voulons aussi affirmer que nous voulons devenir les maîtres de notre sol, les maîtres de notre destin, les maîtres de notre avenir politique. Ce n'est pas le premier ministre de France qui nous a dit de penser à cela.

Mais si on songe un peu à ce que l'abbé Groulx écrivait il y a nombre d'années, dans un de ses livres qui s'intitulait "Les chemins de l'avenir", il nous indiquait les lignes de conduite que le peuple québécois devait se tracer s'il voulait connaître des lendemains meilleurs, s'il voulait, en tenant compte de son passé, retrouver la foi, le feu sacré des convaincus, le feu sacré des grands conquérants, qui ont semé des noms français dans toute l'Amérique du Nord.

Et aujourd'hui, M. le Président, je crois que c'est une occasion pour nous, en présentant cette motion, de songer à mettre le cap sur des rivages enchanteurs. On parle de constitution, on parle d'un rêve du Québec. Le Québec de l'avenir, M. le Président, je le vois comme un phare. Il y a eu certaines discussions en fin de semaine. On a parlé des minorités de l'extérieur, des autres provinces. Mais, si le Québec est un phare, ses rayons vont se répandre sur toute l'Amérique.

On a parlé de survivance, ce midi; ce n'est plus le temps de parler de survivance. C'est le temps de parler d'expansion, d'enracinement, c'est le temps, pour le Québec, de manifester qu'il veut prendre son avenir en main, qu'il veut, comme on l'a dit, cette excellence.

Plus que cela, je pense, M. le Président, que notre motion a pour but d'ouvrir les yeux des Québécois et de leur dire qu'il est temps qu'aujourd'hui, chez nous, on devienne maîtres, non seulement maîtres du passé — c'est fini, cela — mais maîtres de l'avenir, qu'on regarde vers l'avenir et qu'on bâtisse au Québec un véritable gouvernement fort et solide où les Québécois auront leur mot à dire — et eux seuls — dans la destinée, dans l'avenir du Canada. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent. M. Claude Forget

M. Forget: M. le Président, le libellé de la motion est tel qu'on pourrait croire que personne ne peut s'opposer à ce que l'Assemblée nationale, comme elle l'a fait d'ailleurs ce matin, en dehors de ses séances régulières, souhaite effectivement la bienvenue au premier ministre français qui nous rendait visite. Cependant, comme on a cette motion, comme on a cette occasion d'intervenir dans les travaux parlementaires, motion dont je ne qualifierai pas les motifs du côté de l'Union Nationale...

Une Voix: A l'ordre!

M. Forget: ... mais qui a suscité, du côté du gouvernement, une réaction trop connue, celle de pécher par un excès d'habilité, M. le Président, on a vu là une façon d'embarrasser — je ne sais d'ailleurs pourquoi — l'une ou l'autre des formations politiques qui font partie de l'Opposition. On a dit: Ils vont hésiter à appuyer une telle motion. On pourra, encore une fois, utiliser un événement qui est tout à fait normal, qui est tout à fait protocolaire, de façon à avancer la cause du gouvernement en s'appropriant d'une certaine façon la visite du premier ministre, comme ce gouvernement a cherché à s'approprier tous les événements et tous les symboles qui font partie soit de la vie parlementaire, soit de la vie de la communauté québécoise, en partant du 24 juin dont on a longuement délibéré l'an passé, en essayant encore une fois de faire siens des symboles, des événements qui appartiennent à tous les Québécois, qui appartiennent à tous les membres de l'Assemblée nationale. Et on a vu, il y a quelques instants à peine, le gouvernement, le leader parlementaire du gouvernement céder à cette tentation qui lui est trop naturelle.

M. le Président, je m'en voudrais de laisser passer une occasion qui nous est offerte par l'Union Nationale et par le gouvernement de dire quels sont les sentiments qu'évoquent chez nous un certain nombre de phénomènes auxquels nous assistons, depuis un certain temps, et des propos encore plus récents comme ceux que nous avons entendus ce matin dans la bouche du premier ministre. Je crois que ces événements sont trop récents pour ne pas y faire allusion immédiatement. Je pense en particulier à cette phrase que nous allons certainement citer de façon répétée au cours des prochains mois, phrase que le premier ministre du Québec a eue à l'intention de son homologue français, lorsqu'il a dit: "Les relations que nous avons, nous du Québec, avec la France, nous voudrions en avoir d'identiques avec le Canada." Je pense que c'était là une manifestation de deux choses. D'une part, le désir de tirer parti, pour des fins partisanes, d'un événement qui n'appartenait pas au Parti québécois, mais qui appartenait à l'ensemble de l'Assemblée nationale, tentation à laquelle ont résisté à la fois le chef de notre formation politique, le Parti libéral du Québec, M. Gérard-D. Levesque, et à laquelle a résisté également le chef de l'Union Nationale, M. Rodrigue Biron. Des trois chefs politiques du Québec qui se sont prononcés ce matin, il n'y en a qu'un, le chef du gouvernement, qui n'a pu résister à la tentation de l'utiliser pour des fins partisanes. Je crois que c'est là une très belle démonstration qui

a été faite à la face même du public de cette tentation irrésistible, que l'on retrouve sur les banquettes ministérielles, de s'approprier encore une fois tous les symboles et tous les événements d'une façon qui ne peut pas manquer de susciter chez la plupart des Québécois et bien sûr, de ce côté-ci de l'Assemblée nationale les plus graves réserves. (17 h 10)

C'est la raison d'ailleurs, c'est la seule raison qu'il faut trouver à l'hésitation et même à la réticence que nous avions à accepter le débat de cette motion présentée par l'Union Nationale. Il semble que ce n'est pas approprié — aujourd'hui, en particulier, où nous avons été les hôtes du premier ministre français — de vouloir faire de cette occasion une occasion de débat partisan et politique. Malheureusement, l'exemple vient de haut. Il vient du chef du gouvernement, et puisqu'on ne peut éviter de tomber dans ce débat, il faut le faire franchement.

La deuxième chose qui se dégage des remarques du premier ministre, c'est que c'est une analogie qui dit beaucoup sur les intentions profondes du gouvernement du Parti québécois. Le premier ministre Lévesque dit que son désir le plus profond, c'est de voir les relations entre le Canada et le Québec avoir la même forme, les mêmes dimensions, les mêmes caractéristiques que les relations entre le Québec et la France. C'est nous donner un éclairage absolument limpide sur les intentions du gouvernement du Québec qui, à cause de ses formules entourloupées de souveraineté-association, veut donner l'impression qu'il n'y aura pas de rupture, qu'il n'y aura pas de brisure, que tout se fera dans la continuité, que le Canada tel que nous l'avons connu, avec les avantages présumés qui en découlent, va continuer de durer quel que soit le résultat du choix populaire au Québec au moment du référendum. Lorsque nous avons cette admission de la part du premier ministre qu'après le référendum, les relations qui devraient exister entre le Québec et le reste du Canada devraient être exactement les mêmes que celles qui existent entre le Québec et la France, un pays qui, même s'il partage une même langue et une même culture, est quand même un pays étranger, avec lequel nous échangeons des ambassadeurs, avec lequel nous transigeons comme un pays étranger sous tous les aspects possibles, je crois que nous avons là la révélation, encore une fois, que le but ultime du gouvernement ne consiste qu'en une chose: un bris, une brisure, une cassure — pour utiliser le vocabulaire qu'on cherche soigneusement à camoufler — absolument complets entre ce qui fait actuellement le Québec et ce qui constitue le reste du Canada.

Que le premier ministre du Québec, Mme le Président, ait profité de cette occasion, l'occasion que nous avions aujourd'hui de présenter aux yeux de nos visiteurs étrangers, aux yeux du monde entier qui, dans une certaine mesure, était témoin de cette rencontre, un front qui soit — ne serait-ce que pour des raisons de politesse — non partisan, non pas déchiré par des débats internes, mais qui soit le plus neutre, le plus commun possible à l'ensemble des Québécois, je crois que c'est démontrer l'anxiété qu'éprouve le gouvernement devant les échéances qui le guettent, le désir de capitaliser toutes les occasions pour mettre en relief des orientations qui manquent peut-être de "sex appeal", qui manquent peut-être d'attrait autrement que par la mise en scène qu'on réussit, à certaines occasions, à leur créer.

Je me refuse, pour ma part, Mme le Président, à croire que le gouvernement du Québec n'a invité le chef du gouvernement français que pour des raisons aussi mesquines, aussi étroites, aussi chauvines que celle-là. Je crois que ce que le premier ministre français a dit et ce que le chef de l'Opposition officielle a repris exprimaient davantage la réalité de ces relations, c'est-à-dire le fait qu'elles sont dans la nature des choses, qu'elles existent en tout état de cause, quels que soient les partis qui, d'une année à l'autre, assument les responsabilités du pouvoir à Québec.

Je ne peux pas expliquer, encore une fois, l'attitude du premier ministre qui veut situer différemment cette rencontre et qui a peut-être alimenté cette invitation de motifs qui devraient ne rien avoir à faire avec de tels échanges.

Si cela était le cas, si le gouvernement du Québec, le gouvernement du Parti québécois avait fait cette invitation, avait multiplié les réceptions, les événements de façon à donner une signification politique très locale, très partisane à ces événements, je devrais dire que ce ne serait pas un précédent. En effet, nous avons vu, depuis un peu plus de 26 mois que le gouvernement est en place la multiplication des tentatives faites pour faire intervenir dans un débat qui est proprement l'affaire des Québécois des considérations étrangères Nous avons eu, par exemple, de la part du premier ministre, pas moins de sept visites aux Etats-Unis et il est bien clair que si on regardait les archives de tous les gouvernements qui se sont succédé, on ne trouverait pas un nombre comparable de visites par un premier ministre du Québec aux Etats-Unis.

Il est très certainement condamnable de voir ou de soupçonner chez des gouvernements étrangers le désir de s'insinuer, en quelque sorte, dans les décisions qui n'appartiennent qu'aux Québécois, qu'ils devront trancher démocratiquement. Mais peut-être est-il dans la nature des choses que les gouvernements étrangers qui, malgré tout, font partie de la même planète, s'intéressent à ce qui se passe chez nous, ne serait-ce que pour en prévenir les conséquences, aménager leur politique en fonction des éventualités possibles. Mais ce qui est plus condamnable, c'est de voir chez des Québécois, et particulièrement chez ceux qui occupent des fonctions officielles au niveau gouvernemental, comme on le voit du côté du Parti québécois actuellement au pouvoir, des tentatives répétées pour intervenir dans des forums étrangers, pour solliciter peut-être des appuis à l'étranger, certainement pour désamorcer des oppositions du côté des pouvoirs politiques ou des pouvoirs

économiques outre-frontières. C'est seulement de cette façon qu'on peut exprimer la véritable frénésie avec laquelle non seulement le premier ministre du Québec, depuis le 15 novembre 1976, mais plusieurs de ses collègues ministres ont multiplié leurs visites, leurs voyages, leurs sollicitations auprès d'un tas de publics avec lesquels le Québec a fort peu à faire en temps normal.

Si l'on peut critiquer, encore une fois, des étrangers de se mêler de nos affaires, on n'y peut rien puisque, de toute façon, s'ils s'y intéressent d'une façon ou d'une autre, ils trouveront bien le moyen de continuer à s'y intéresser, que l'on aime cela ou non. Mais là où notre réprobation doit s'adresser avec le plus de force, c'est lorsque l'on trouve, parmi nous, des gens qui cherchent des alliés qui cherchent des appuis ou qui, encore une fois, voient le principal objet de leur effort de persuasion, non pas à l'intérieur du Québec ou du Canada, mais à l'étranger.

Ce ne sont peut-être pas seulement d'ailleurs les auditoires étrangers que l'on vise par de telles démarches. Par personne interposée, par Américain ou Européen interposé, c'est peut-être un auditoire domestique que l'on cherche à impressionner. On cherche peut-être, en d'autres termes, à impressionner les Québécois parce qu'on a su ou on a pu obtenir une audience avec tel ou tel homme d'affaires ou chef d'Etat ou membre de gouvernement à l'étranger. (17 h 20)

On cherche à créer l'impression que s'il advenait que le Québec choisisse la séparation du Canada, l'indépendance politique et économique totale, il y aurait malgré tout dans le monde des gens avec lesquels il serait possible de dialoguer. On essaie de donner cette impression, de créer cette impression par des voyages, par des rencontres qui créent avant la lettre l'impression que la réalité que l'on cherche à créer s'est déjà manifestée. Mme le Président, il s'agit de manoeuvres qui sont à proprement parler malhonnêtes, parce qu'au-delà de la simple politesse qui demande que la plupart du temps, les personnes auxquelles on s'adresse, surtout si on le fait au nom d'un gouvernement légitime, accepteront des rencontres, des rendez-vous parce qu'il n'est pas décent, il n'est pas convenable de les refuser, on cherche, dis-je, à cause simplement de la politesse élémentaire dont ces personnes, dont ces individus font preuve, à créer une impression politique qui n'a rien à voir avec le contenu des discussions qui ont lieu derrière les portes closes.

Il est notoire, Mme le Président, que de telles rencontres ne se font pas en public, qu'elles ne donnent pas lieu à des communiqués conjoints. Il est donc loisible à ceux qui y ont participé de faire état de telle ou telle sympathie, de telle ou telle ouverture d'esprit qui n'engage à rien, de toute manière, mais qui créent au Québec parmi un public qui espère que ces gouvernements, quels qu'ils soient, n'auront pas l'impudence de se couper du reste du monde, l'impression qu'effectivement des liens ont été créés, alors que les seuls liens qui existent sont ceux que les media d'infor- mation ont pu créer au hasard des rencontres et qui n'ont d'autre substance que le papier sur lequel les reportages sont écrits.

Mme le Président, encore une fois le gouvernement, en voulant, en suggérant en quelque sorte presque que ce débat ait lieu, ouvre la porte à toutes sortes de questions sur ses motivations relativement à des gestes comme ceux qui ont été posés lors de la visite du premier ministre français. Il n'est pas convenable, à ce moment-ci, que l'on soulève des questions relativement à cette visite qui en soi, encore une fois, je le répète, est tout à fait normale. Mais il est tout à fait convenable, je crois, que l'on soulève des questions relativement aux motifs du gouvernement. Il est tout à fait légitime pour les membres de l'Opposition de mettre en doute les motifs du gouvernement dans les gestes qu'il a posés à l'occasion de cette visite, dans les propos que le premier ministre du Québec a eus ce matin, dans les démarches multiples auxquelles se livrent le premier ministre et les membres de son gouvernement vis-à-vis des gouvernements et des représentants de pouvoirs économiques étrangers.

Ce sont des questions qui sont tout à fait légitimes et, faut-il le dire, il devient de plus en plus clair pour la plupart des Québécois qui prennent connaissance par les media d'information de ces événements, de se poser un très grand nombre de points d'interrogation. Il est dommage que le premier ministre ne se soit pas sensibilisé suffisamment avant d'adresser à l'Assemblée nationale les paroles qu'il a prononcées ce matin. Il y a quand même un certain nombre de garde-fous qu'il devrait respecter qui sont absolument essentiels si ces visites, si les événements auxquels ils donnent lieu doivent garder le caractère non partisan qu'ils ont eu dans le passé.

Mme le Vice-Président: Votre temps serait écoulé, à moins que vous ne parliez...

Des Voix: Consentement.

Une Voix: Bien non, il parle au nom du parti.

M. Forget: Mme le Président...

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Forget: Mme le Président, au risque de décevoir ceux qui, de l'autre côté, attendent avec impatience la fin de mon intervention, je désirerais vous indiquer, Mme le Président, que je peux, au nom de l'Opposition officielle, prendre la parole pendant une période de 60 minutes.

Mme le Vice-Président: Puisque vous parlez comme représentant du parti, M. le député, vous pouvez y aller.

M. Forget: Je vous remercie, Mme le Président.

Mme le Président, comme membre de cette

Assemblée nationale, je crois qu'il y a un certain nombre de choses beaucoup plus significatives que des félicitations ou des mots de bienvenue qui sont appropriés pour célébrer dignement un événement que l'on croit majeur. Nous sommes réunis depuis à peine quelques jours pour veiller à l'adoption de certaines lois dont l'étude a été suspendue avant Noël et qui constituent autant d'occasions pour le gouvernement de démontrer qu'il peut véritablement être en mesure de célébrer non seulement la venue d'une nouvelle année, mais également qu'il peut véritablement se réjouir de quelque événement que ce soit.

Il me semble que les célébrations auxquelles nous avons assisté aujourd'hui et hier auraient été beaucoup plus sincères si, par exemple, dans le domaine des affaires sociales, nous n'assistions pas à un certain nombre de démissions collectives, de la part du gouvernement, face à ses obligations vis-à-vis des classes de la société qui sont le moins favorisées. Un débat que nous avons eu la semaine dernière démontre clairement que le gouvernement n'a pas pu vivre au niveau de ses promesses relativement aux assistés sociaux.

Nous avons eu aussi l'occasion de constater, au cours de la dernière année, que plusieurs des promesses gouvernementales sont demeurées sans réponse. Le ministre de l'Education nous a fait ici même l'aveu...

M. Laberge: Mme le Président, question de règlement.

M. Forget: ... qu'entre le programme du parti et les promesses électorales...

M. Laberge: Question de règlement, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: M. le député de Jeanne-Mance.

M. Laberge: Je ne sais pas si le député de Saint-Laurent a une dent contre le parti ministériel, mais j'aimerais quand même qu'il soit ramené à la pertinence du débat. S'il veut parler sur la situation des dentistes ou autres, c'est son droit, mais j'aimerais qu'il revienne à la pertinence de la motion, s'il vous plaît.

Mme le Vice-Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Mme le Président, sur la pertinence du débat, il reste que c'est tout à fait pertinent de dire dans quel état d'esprit il faut se situer, se trouver, pour offrir des mots de bienvenue, de félicitations ou se réjouir de quoi que ce soit. Or, je crois que l'Assemblée nationale, dans son ensemble, y compris les membres de l'Opposition, n'est pas du tout en mesure de se réjouir de quoi que ce soit dans le moment. A cause de cela, il est évident que les célébrations, les félicitations et les mots de bienvenue auxquels on veut nous convier sont inappropriés. Je crois que ceci mérite quel- ques mots d'explication puisque, effectivement, nous avons plusieurs raisons de nous désoler. Les raisons sont particulièrement nombreuses dans le domaine des affaires sociales. Il y a quelques minutes encore, le ministre des Affaires sociales répondait à une question d'un collègue de l'Opposition au sujet du sort qui est réservé aux personnes âgées dans les centres d'accueil. Or, on sait très bien, Mme le Président, que le gouvernement, en dépit de ce qu'en a dit le ministre des Affaires sociales, réalise un bénéfice financier considérable d'une opération en vertu de laquelle les personnes âgées ont $20 de plus du gouvernement fédéral et ne peuvent en conserver que $5 pour leurs allocations de dépenses si elles sont dans les centres d'accueil, ce qui permet au gouvernement du Québec... (17 h 30)

M. Charron: Traitez la question intelligemment, quand même!

M. Forget: ... de conserver $15 sur les $20. Les trois quarts des sommes qui sont données...

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: ... par le gouvernement fédéral sont conservés par le gouvernement du Québec. Il s'agit là d'une opération, Mme le Président, qui ne crée pas du tout les conditions nécessaires pour que nous fassions l'unanimité autour de motions de voeux, de bonne fête, de bienvenue ou quoi que ce soit.

M. Charbonneau: Mme le Président, question de règlement.

Mme le Vice-Président: M. le député de Verchères sur une question de règlement.

M. Charbonneau: Mme le Président, on peut endurer pendant une heure, parce que c'est le jeu du député de Saint-Laurent, son discours, mais, s'il veut utiliser son temps pour débattre d'autres sujets qui sont actuellement dans l'actualité politique, je pense, Mme le Président, qu'il y a une injustice. Il y a une motion du député de Gaspé qui se rapporte à un événement qui s'est produit ces derniers jours, y compris ce matin à l'Assemblée nationale. Je pense qu'il y aurait peut-être avantage à ce que vous relisiez — je vous en fais une demande formelle — la motion. De toute façon, les téléspectateurs assistent à un débat de diversion qui va durer jusqu'à 19 heures. Au moins, que ce débat de diversion se déroule sur la motion qui est devant nous, Mme le Président, de grâce!

Mme le Vice-Président: A la suite d'une demande formelle, je vous relis la motion qui est actuellement en discussion: "Qu'il soit inscrit au journal des Débats que les membres de cette Assemblée souhaitent officiellement la bienvenue au Québec au premier ministre de la République française, M. Raymond Barre, et à ses invités."

M. le député de Saint-Laurent, c'est vous qui aviez la parole.

M. Forget: Mme le Président, avant le lunch offert au premier ministre Barre, j'ai eu le plaisir, au salon rouge, d'assister avec tous nos collègues de l'Assemblée nationale à un cocktail, à un vin d'honneur offert au premier ministre. A cette occasion, j'ai également eu le plaisir d'écouter un échange fort animé mettant en présence le premier ministre de France, le premier ministre du Québec, de même que deux membres de sexe féminin de l'Assemblée nationale, mais appartenant à des formations politiques différentes. Je vous laisse, Mme le Président, à deviner leur identité. Il eut été fort intéressant de pouvoir accueillir M. Barre et de lui souhaiter la bienvenue en pouvant faire état des progrès que le Québec a faits dans le domaine de l'égalité pour les femmes dans tous les domaines de l'activité privée ou publique. Malheureusement, lors de ce cocktail et de cette conversation à laquelle le cocktail a fourni un cadre, Mme le Président, il est devenu assez évident que le Québec, peut-être semblable en cela à un certain nombre d'autres pays, mais certainement pas en avance sur eux, éprouve certaines difficultés à se mettre à l'heure de 1979. Il est devenu évident que, même pour ce qui est de la terminologie, il n'était pas possible aux femmes du Québec de souhaiter la bienvenue au premier ministre de la République française exactement de la même façon qu'il est permis aux hommes québécois de le faire.

Il est devenu évident que, dans le domaine des congés de maternité, par exemple, nous n'avons pas toutes les solutions. Je mentionne les congés de maternité parce que c'est un sujet qui est devenu monnaie courante à l'Assemblée nationale; nous en débattions récemment, mais il est devenu assez évident, Mme le Président, que nous ne pourrons pas, à l'occasion de la venue du premier ministre français, faire état d'une réalisation majeure de ce côté. En effet, le gouvernement a décidé d'offrir un congé de maternité à rabais aux femmes du Québec, un congé de maternité à 60%.

M. Gosselin: Question de règlement.

M. Forget: Alors que les accidentés du travail, les accidentés de la route ont droit à une compensation à 90% de leur revenu, les femmes qui sont en face d'une maternité n'ont droit qu'à une compensation à 60%, Mme le Président.

M. Gosselin: Mme le Président...

Mme le Vice-Président: Sur la question de règlement, M. le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: En vertu de l'article 34, pour bien comprendre si je suis dans le bon débat, j'aimerais que vous ayez la bienveillance de relire la motion qui fait l'objet du présent débat, de façon à permettre au député de Saint-Laurent de se situer à nouveau dans le débat.

Mme le Vice-Président: Est-ce que je dois comprendre que vous m'en faites une demande formelle, M. le député, ou si nous pouvons assumer que le député de Saint-Laurent connaît déjà la motion en discussion?

M. Gosselin: Oui.

Mme le Vice-Président: C'est la motion du député de Gaspé, demandant que cette assemblée souhaite officiellement la bienvenue et que ce soit inscrit au journal des Débats.

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Je vous remercie, Mme le Président, de me rappeler qu'il s'agit d'une motion de bienvenue au premier ministre. Mais il est impossible — vous l'admettrez sans doute, Mme la Présidente — de discuter de l'opportunité d'une motion de bienvenue sans s'interroger sur le contexte social, politique, économique dans lequel une telle motion est présentée.

En effet, avons-nous des raisons de nous réjouir particulièrement? Avons-nous des raisons d'inviter le premier ministre particulièrement à venir au Québec pour constater les réalisations économiques, sociales ou politique nouvelles?

Je dois constater, Mme la Présidente, que, de ce côté-là, nous avons encore plusieurs problèmes qui attendent une solution. Ce n'est qu'afin d'éclairer le jugement de nos collègues de l'Assemblée nationale que je fais un inventaire très sommaire et très partiel des causes que nous avons de douter de l'opportunité de nous réjouir ensemble de la venue du premier ministre, au-delà des paroles très sincères que nous lui avons exprimées, via les chefs des différentes formations politiques.

Il y a, malgré tout, un certain nombre de conditions, politiques, économiques et sociales, qui ne sont pas résolues. J'ai mentionné, au début de mes remarques, Mme la Présidente, le fait qu'il est, en soi, désolant de constater que le gouvernement cherche toutes les occasions pour s'approprier et capitaliser sur des motions, des événements, des symboles qui ne lui appartiennent pas en propre, mais que s'il insistait pour le faire, comme le chef de l'Opposition officielle l'a souligné, s'il insistait véritablement pour que ce débat ait lieu, il n'y avait aucune raison, de notre côté, pour retenir nos critiques qui visent à éclairer le contexte dans lequel une telle motion de bienvenue se formule.

Le contexte est fait non seulement des faits, des circonstances particulières à la visite du premier ministre, sur lesquels il y a bien peu à dire, Mme le Président. Il y aurait peut-être, du côté de l'Union Nationale, dans l'esprit de certaines questions, la semaine dernière, d'autres faits plus particuliers qu'ils voudront mettre en lumière, mais je leur laisse ce soin.

Il reste que, de façon plus générale, Mme la Présidente, nous ne sommes pas dans une période où nous pourrions nous réjouir en commun d'une situation sociale, d'une situation politique qui nous permettrait de considérer que ces invi-

tations sont le fait commun de l'ensemble des formations politiques.

Il y a les problèmes de l'aide sociale que j'ai soulignés, les problèmes vis-à-vis des personnes âgées dont on exproprie une partie des revenus au bénéfice du Trésor provincial. Il y a le problème de la situation féminine que nous n'avons pas résolu. Et de façon plus directement pertinente aux travaux de l'Assemblée nationale, il y a les problèmes de la fameuse réforme parlementaire et électorale qui semblent marquer le pas depuis un certain nombre de mois. Il ne semble pas que, de ce côté-là, le zèle réformateur du ministre responsable de la réforme électorale et parlementaire...

M. Gendron: Mme le Président, question de règlement.

M. Forget: ... ait vraiment duré beaucoup plus qu'un certain nombre de saisons.

Mme le Vice-Président: Sur la question de règlement, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Je ne voudrais pas paraître déso-gligeant, Mme le Président, mais...

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Je ne voudrais pas être désobligeant, Mme le Président, mais il me semble que, par respect pour les parlementaires, il est de rigueur que quelqu'un préside à nos travaux. J'aimerais que, dans le débat qui est en cours, vous vous en teniez à l'application stricte du règlement. Je pense qu'il est tout à fait inadmissible que vous assistiez, comme vous le faites présentement, à ce que M. le député de Saint-Laurent nous sert, qui est carrément en dehors de la motion. (17 h 40)

D'aucune façon, même si on a demandé à plusieurs reprises votre collaboration pour que le débat se fasse suivant la motion, vous n'avez semblé être en mesure de guider cette Assemblée dans les travaux que nous sommes en mesure de faire. J'aimerais que vous essayiez d'appliquer d'une façon beaucoup plus à la lettre...

Une Voix: Est-ce une motion de blâme?

M. Gendron: Non, ce n'est pas une motion de blâme. Je demande votre collaboration pour que ce débat auquel assistent les parlementaires se fasse selon les règles, Mme la Présidente.

M. Gratton: Question de règlement, Mme le Président.

Mme le Vice-Président: Sur la question de règlement, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Oui, Mme la Présidente. Je voudrais, et il me semble que c'est dans l'ordre, vous inviter à ne pas tenir compte de cette leçon de parlementarisme que vient de vous servir le député d'Abitibi-Ouest. En effet, je pense que c'est le troisième député ministériel qui intervient pour rappeler la soi-disant pertinence des propos du député de Saint-Laurent et, chaque fois, le député de Saint-Laurent se voit obligé d'expliquer pourquoi il procède de la façon qu'il a choisie pour traiter de cette motion présentée par le député de Gaspé. Mme le Président, on a l'impression de ce côté-ci que le gouvernement veut éviter à tout prix qu'on discute de la loi 116 aujourd'hui et que c'est pour cette raison qu'avec le club ferme de l'Union Nationale, il collabore...

Des Voix: Ah!

M. Gratton: Ah! Si cela vous insulte...

Mme le Vice-Président: M. le député de Gatineau...

Une Voix: Les hommes d'Ottawa.

Mme le Vice-Président: ... je pense que votre intervention sur la question de règlement est suffisamment longue pour que j'aie compris que vous considériez que M. le député de Saint-Laurent était pertinent et que M. le député d'Abitibi-Ouest considérait que le député de Saint-Laurent ne l'était pas, comme d'autres députés dans cette Assemblée. Je fais confiance à l'intelligence des députés. Je pense qu'on a chacun sa façon de concevoir comment une motion peut être débattue. Je vous dirai que M. le député de Saint-Laurent dispose d'une heure pour discuter de la motion suivante, et je la relis: "Qu'il soit inscrit au journal des Débats que les membres de cette Assemblée souhaitent officiellement la bienvenue au Québec au premier ministre de la République française, M. Raymond Barre, et ses invités ". Les interventions, comme chacun le sait dans cette Assemblée, sont maintenant pour dire, chacun à sa façon, si on votera pour ou contre la motion de M. le député de Gaspé. M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît, je vous demanderais, en autant que faire se peut, que nous puissions constater que vous êtes bien pertinent au débat.

M. le député.

M. Charbonneau: Mme le Président...

Mme le Vice-Président: M. le député de Verchères, je pense que...

M. Charbonneau: ... je voudrais vous demander, dans les minutes qui vont suivre, à la suite de l'intervention du député d'Abitibi-Ouest, de faire en sorte que la présidence évite que le Parlement québécois se tourne au ridicule encore pendant deux heures. Merci.

Mme le Vice-Président: M. le député de Verchères, ce n'est pas à moi à dire à un député de quelle façon il doit intervenir. Je pense qu'il a la

responsabilité de son intervention, et j'ai déjà relu la motion.

M. le député de Saint-Laurent.

M. Gratton: Question de règlement, Mme la Présidente.

Mme le Vice-Président: Je pense avoir suffisamment discuté de cette motion de règlement. Je vous accorde la parole si vous voulez apporter queJque chose de différent. D'accord.

M. Gratton: C'est sur une autre question de règlement, Mme la Présidente. Il ne faut quand même pas sauter aux conclusions.

Mme le Vice-Président: Ni éterniser sur la question de règlement.

M. Gratton: Bon! Très calmement, Mme la Présidente, j'aimerais vous faire remarquer que le libellé même de la motion n'est pas conforme aux habitudes de cette Assemblée, puisqu'on y dit —je n'en ai pas copie ici — "Qu'il soit inscrit dans le journal des Débats..." Or, Mme la Présidente, il me semble que ces termes sont complètement redondants puisque, effectivement... Un instant! Vous allez voir que j'ai raison. Le fait qu'on en débatte ici à l'Assemblée nationale veut dire par le fait même que le tout sera inscrit au journal des Débats. Je suggérerais au député de Saint-Laurent de...

Mme le Vice-Président: M. le député de Gatineau, je pense que votre intervention, à mon sens, actuellement, ressemble à une intervention sur la motion comme telle. A ce moment-là, je pense que vous ne devriez pas invoquer une question de règlement.

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Mme le Président, je ne voudrais pas...

M. Gratton:... tantôt au moment où on votera.

Mme le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

C'est M. le député de Saint-Laurent qui parle maintenant. S'il vous plaît!

M. Forget: Je ne voudrais pas, Mme le Président, avoir à répéter les remarques que j'ai faites tout à l'heure, mais il demeure que...

Mme le Vice-Président: M. le député, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: II demeure, Mme le Président, qu'une motion de ce genre, qui appelle le Parlement à une action unanime, a un certain nombre de prérequis. Mes efforts, depuis le début de mon intervention, visent à faire ressortir que ces prérequis ne sont pas nécessairement présents. Les prérequis, c'est qu'il y ait vis-à-vis des principaux problèmes auxquels la société québécoise fait face, dont nous avons collectivement la responsabilité, qui sont des problèmes que le gouvernement a bien en main, des solutions acceptables et acceptées de l'ensemble des Québécois. Or, ce n'est pas le cas. Si ce n'est pas le cas dans le domaine social, si ce n'est pas le cas dans le domaine des problèmes, par exemple, de la reconnaissance des droits des femmes à l'intérieur de notre société, si ce n'est pas le cas dans le domaine des réformes électorale et parlementaire — j'y reviendrai peut-être tout à l'heure — cette espèce d'unanimité à laquelle on nous invite à nous rallier pour une motion de bienvenue est une unanimité, une unité absolument factice. Cela n'a pas de signification. C'est de la simple procédure, c'est fait pour faire perdre du temps, ce sont des manoeuvres partisanes pour embarrasser ou gêner le...

M. Bisaillon: Vous parlez de cela pour faire perdre le temps.

M. Forget:... déroulement normal des débats. Dieu sait quelles sont les motivations. Je ne veux faire le procès de personne au sein de l'Assemblée nationale. Je n'ai pas comme mission de m'ériger en accusateur de quelque collègue que ce soit, mais il demeure, Mme le Président, qu'il est tout à fait légitime, dans le contexte de la présentation d'une telle motion, de souligner que le caractère d'unanimité, qui pourrait rendre significative une telle motion n'existe pas parmi nous. Il n'existe pas dans le domaine social, nous avons eu l'occasion de le mentionner. Il n'existe pas dans le domaine de l'éducation. Dieu sait combien nous avons eu dans le passé l'occasion de souligner, du côté du ministre de l'Education, les hésitations, la valse hésitation à laquelle il s'est livré relativement au programme de prêts-bourses l'automne dernier, où il a dû renier ses engagements. Dans un tel contexte, on ne peut certainement pas s'unir à lui pour féliciter qui que ce soit ou lui accorder la bienvenue.

Mme le Président, il en est de même des procédures parlementaires, de la réforme électorale ou parlementaire. Il y a eu, de ce côté-là, des amorces de réforme auxquelles nous avons souscrit et, depuis de longs mois, depuis près d'un an, c'est le silence le plus complet du côté gouvernemental. Sans aucun doute, le Parlement du Québec a besoin, comme probablement un grand nombre de Parlements, de réformes qui lui permettraient de mieux accomplir son rôle. Parmi ces réformes, il y a probablement une révision de nos règlements qui rendrait des débats comme celui-ci impossibles. Mais quand verrons-nous du côté du gouvernement les initiatives nécessaires...

Mme le Vice-Président: M. le député de Saint-Laurent, est-ce que je peux vous demander votre collaboration, s'il vous plaît?

M. Forget: Mme le Président, encore une fois, c'est un débat à caractère général auquel nous assistons et je pense que je suis tout à fait dans l'ordre de souligner que nous n'avons aucun motif,

aucune raison d'accorder notre consentement à débattre des motions comme celle-là et encore moins à nous joindre au gouvernement dans un spectacle complètement artificiel en vertu duquel il n'y a plus d'opposition au Québec. Tout le monde est d'accord; tout le monde veut les mêmes choses de la même façon. C'est une plaisanterie, c'est une gigantesque plaisanterie à laquelle on nous invite à souscrire. Il n'y a pas de raison de le faire, et c'est pour illustrer un certain nombre des raisons qui nous poussent à nous opposer, de prime abord, à la présentation de telle motion que j'ai voulu intervenir. (17 h 50)

II y en aurait bien d'autres qui pourraient être soulevées et il y a bien d'autres occasions autour desquelles les membres de l'Opposition et les membres du gouvernement s'opposent. Je me demande d'ailleurs, étant donné le caractère du débat qui divise l'Assemblée nationale autour d'un projet de loi visant les agriculteurs au Québec, quelle signification les agriculteurs vont voir dans une motion conjointe qui serait appuyée à la fois par l'Union Nationale, le Parti libéral du Québec et le Parti québécois au sujet d'un événement particulier alors que, d'autre part, ils voient ces différentes forces politiques adopter, vis-à-vis des mesures concrètes qui les touchent, des positions aussi différentes. Il faut quand même adopter des attitudes qui sont raisonnablement cohérentes.

Est-ce que les oppositions partisanes auxquelles les débats de l'Assemblée nationale donnent lieu sont des oppositions purement factices ou sont-elles des oppositions basées sur une compréhension fondamentalement différente des intérêts en présence? Si la dernière explication est vraie, si véritablement nous défendons ici des conceptions différentes de la société, des points de vue qui, sur certains points importants, sont fondamentalement opposés, comment la population du Québec, qui nous regarde par l'entremise de la télévision, peut-elle comprendre que sur tel ou tel sujet on en vienne tout à coup à des ententes unanimes, à des félicitations, à mes motions d'appui ou quoi que ce soit. Quelle espèce de spectacle essaie-t-on de susciter, qu'il s'agisse de négociations constitutionnelles ou de simples motions de bienvenue à tel ou tel personnage? Il reste que nous ne pouvons pas effacer d'un trait de plume, comme on nous invite à le faire par une telle motion, le fait que nous ayons entre nous des divergences fondamentales que nous ne pouvons pas ignorer, que la population connaît très bien et qu'il serait futile de vouloir mettre de côté temporairement pour une occasion, un motif de relations publiques, quel qu'il soit.

Il est inévitable, bien sûr, et tout à fait normal, tout à fait souhaitable, que lorsqu'un hôte de marque rende visite à l'Assemblée nationale, il le fasse du haut des galeries, comme c'est le cas la plupart du temps, ou qu'il s'adresse à nous du parquet de l'Assemblée nationale, comme cela a été le cas ce matin, pour la première fois. Il est tout à fait normal que chacune des formations politiques lui formule, dans ses propres termes, les sentiments que sa visite suscite; cela a été fait ce matin. Mais vouloir aller au-delà de l'expression, par chacun d'entre nous, de sa façon de considérer les choses, vouloir effacer, en quelque sorte, par une motion les oppositions fondamentales, vouloir créer l'impression que certains voudraient fort créer pour des motifs qu'ils sont seuls à connaître que, dans le fond, parce que nous sommes tous Québécois, nous pouvons tous nous entendre sur un tas de sujets, je pense que c'est là peut-être contribuer à une espèce d'euphorie préréférendaire qui n'a rien à voir avec le travail normal du Parlement.

Mme le Président, pour toutes ces raisons, ne voulant pas abuser de la patience de nos collègues et voulant faire ressortir — et c'est peut-être le message qui se dégage de mes propos — la futilité et l'inutilité de telles motions, espérant justement, par le temps qu'il faut pour débattre de telles motions, persuader le leader du gouvernement et tous nos collègues de l'Assemblée nationale qu'il est futile, déraisonnable et enfantin de présenter de telles motions, je crois que si ce message est passé, si on a bien compris, un peu partout, que telle était l'intention que j'avais en prenant la parole, ce temps n'aura pas été perdu.

En effet, il est à peu près temps que dans nos comportements parlementaires nous cessions de vouloir capitaliser telle ou telle occasion par des motions; il y a un travail concret qui nous attend et qu'on retarde de façon injustifiée en présentant une telle motion.

Est-ce qu'on l'a compris enfin? Est-ce qu'on l'a compris, une fois pour toutes, que ce genre de motion, si on nous force à la débattre, nous pouvons la débattre fort longtemps, malheureusement. Mais nous allons débattre cette motion fort longtemps si on nous y oblige. Il serait bien mieux, dans l'intérêt de tout le monde, dans l'intérêt public, d'oublier cela et de passer à du travail sérieux.

Mme le Vice-Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Claude Charron

M. Charron: Très brièvement, Mme le Président. Ne serait-ce que pour ramener les membres de l'Assemblée les deux pieds sur terre après la dose de chloroforme qu'ils viennent de recevoir, je voudrais seulement leur signaler qu'effectivement, derrière le charabia que le député de Saint-Laurent vient de déverser dans le journal des Débats, il y a effectivement des priorités législatives qui nous impliquent tous, je pense, en tout cas, qui impliquent certainement plus les Québécois que la motion qui est en discussion actuellement. Après un sursaut, un réveil que j'ai eu au cours du discours du député, vers la fin de son intervention, je crois qu'il nous signalait, qu'il suppliait, avec le ton grêle de pisse-vinaigre que son chef lui inculque, le leader du gouvernement de ne plus admettre de motions aussi enfantines. Je dois lui rappeler que cette motion ne provient sans doute pas de notre côté.

De la part de notre chef, et parmi les ministres

qui ont participé à la séance de travail avec les ministres français qui sont ici, on a senti effectivement que nous avons offert à la France le meilleur de nous-mêmes sans que cette Assemblée ait à paralyser ses travaux. Cela ne provient pas d'ici, mais d'en face. C'est peut-être bien calculé du fait que nos amis mènent un combat d'arrière-garde sur la loi 116 actuellement et qu'ils cherchent sans aucun doute les moyens d'étirer le débat au-delà de leurs forces. C'est de bonne guerre. Ce qui est de moins bonne guerre, c'est que, hypocritement, un député, sous le prétexte de dénoncer pareille motion, allonge le débat inutilement.

C'est pourquoi, en vertu de l'article 77 du règlement, aussi je vais vous expliquer en un instant pourquoi je choisis, M. le Président, d'invoquer cet article du règlement à ce moment-ci, c'est que non seulement il y a la loi 116 que la classe agricole du Québec attend, mais il y a aussi le fait que ce n'est vraiment pas le moment d'offrir le spectacle que l'Assemblée offre depuis que le député de Gaspé et le député de Saint-Laurent ont pris la parole.

J'admets comme tous, vétéran de cette Assemblée, que cette Chambre doit avoir, à certains moments, ce que j'appelle les excès d'absurdité et, que dans ce contexte, il faut aller ouvrir les valves. Les plus absurdes parlent le plus longtemps. Ce que vient de nous offrir le député de Saint-Laurent est le prototype de ce que je veux imager.

Je termine donc, M. le Président, en disant qu'il serait plus que malheureux, c'est pourquoi aucun député du Parti québécois ne s'est associé à cette aventure, que sous le prétexte d'une bienvenue que nous avons par ailleurs amplement témoignée, l'Assemblée offre l'exemple d'un cirque au moment où nos visiteurs étrangers sont encore à quelques pas d'ici.

Motion d'ajournement du débat

Je me sens justifié, M. le Président, d'inviter l'Assemblée à revenir au sérieux à la discussion de la loi 116 et, en vertu de l'article 77, je propose l'ajournement du débat sur cette motion.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté. M. Brochu: M. le Président... Le Président: M. le député de Richmond. M. Yvon Brochu

M. Brochu: Comme cela m'est permis par le règlement, j'espère que le leader du gouvernement ne m'en tiendra pas rigueur puisque c'est conforme audit règlement, j'aimerais prendre la parole sur cette motion d'ajournement qui est devant nous pour vous souligner d'abord, M. le Président, que c'est la première fois depuis que je siège en cette Assemblée nationale, depuis que j'ai été élu dans les années soixante-dix, que le leader du gouvernement, sur une motion non annoncée d'un député qui est permise en vertu de nos règlements se lève pour proposer l'ajournement du débat alors même, M. le Président, que ce même leader parlementaire du gouvernement, lors de la proposition de cette motion par le député de Gaspé au nom de l'Union Nationale a donné lui-même son consentement à la présentation de cette motion. (18 heures)

M. le Président, je me demande en vertu de quoi et derrière quoi le leader du gouvernement veut se cacher ou se retrancher pour proposer une telle motion actuellement, puisque lui-même, il y a quelques minutes, a donné son consentement pour que cette motion soit discutée. Quel jeu exactement le gouvernement veut-il jouer derrière cela?

M. le Président, j'interviens et je demande au leader du gouvernement lui-même de revenir à la parole qu'il a donnée devant cette Assemblée nationale, il y a quelques minutes. Devant les caméras de télévision, devant la population du Québec, au nom du gouvernement du Québec, je lui demande de revenir en arrière et de respecter l'engagement qui a été pris par son gouvernement à ce moment.

En ce qui concerne le contenu de la motion, je n'aborderai pas le débat de fond sur cette question puisque vous ne m'accordez, M. le Président, en vertu du règlement, que dix minutes pour parler de la motion d'ajournement qui est proposée par le leader du gouvernement. Je vous rappellerai que, dans les propos qu'il a tenus, il n'est nullement de son devoir, ni de ses pouvoirs, ni de sa responsabilité de discuter ou de mettre en doute le bien-fondé de la motion, puisque vous-même, M. le Président, en tant qu'autorité de cette Assemblée, avez reconnu la recevabilité d'une telle motion.

Certains députés à côté de moi, M. le Président, se plaignent et chuchotent qu'il s'agit d'une motion dilatoire. Exactement, et cela prouve seulement une chose, c'est que ces gens sont simplement près du lexique et non de la réalité. Parce qu'en termes de définition, toute motion est dilatoire, parce qu'elle prend du temps de la Chambre, tout simplement.

J'aurais aimé revenir à quelques années passées — même pas; même le 21 décembre, mes collègues me rappellent les changements de décisions qui ont été faits par le gouvernement à ce moment, qui avaient été annoncés — bien avant cela, dans les années 1970, 1971, 1972, alors que le Parti québécois était dans l'Opposition ici, à ce moment. Je pense que, si le leader du gouvernement — il ne l'a pas fait, à ma connaissance — avait proposé une telle motion qui, elle, serait dilatoire, dans tous les sens du mot, parce qu'elle viserait à retarder le travail de l'Opposition et le bien-fondé de la mise en garde que l'Opposition met à tout point de vue, comme la réalité qu'elle

veut souligner dans ce rapprochement de la France et du Québec par une motion fort justifiée du député de Gaspé, j'aurais peut-être quelques exemples un peu étonnants à fournir sur le comportement du Parti québécois. A ce moment, je suis convaincu que ces gens auraient été les premiers à être debout sur leur pupitre et à déchirer leur tunique en disant: Les droits de la démocratie sont brimés.

Au nom de quoi et de quelle urgence, M. le Président, le leader du gouvernement se permet-il actuellement d'invoquer l'ajournement? Pour travailler sur quel projet de loi, alors même qu'il fait allusion au projet de loi no 116 que nous avons discuté jeudi dernier en deuxième lecture et qu'aucun député du Parti québécois n'a même osé prendre la parole sur la deuxième lecture du projet de loi no 116? Où est l'urgence de proposer une motion d'ajournement, pour étudier quoi? Le projet de loi no 110 ou toute autre pièce de législation qui se trouve à notre feuilleton actuellement? Le leader du gouvernement a été passablement ténébreux en ce qui concerne ses intentions et les raisons fondamentales qui le motivent à proposer une telle motion d'ajournement.

J'aimerais l'entendre là-dessus, mais j'aimerais surtout — et je résume mes propos à ceux-ci, malgré les cris que j'entends à ma gauche — demander au leader du gouvernement simplement ceci. Devant la population du Québec, je lui demande de respecter l'engagement qu'il a pris tout à l'heure en acceptant lui-même, au nom d'un gouvernement dûment élu, la motion dûment proposée par le député de Gaspé, pour discuter de ceci, M. le Président, je vous le rappelle pour que ce soit inscrit au journal des Débats: Que les membres de cette Assemblée souhaitent officiellement la bienvenue au Québec du premier ministre de la République française, M. Raymond Barre, et de ses invités; motion qui permettait à chaque parti de l'Opposition de faire le point sur cette question et de souligner certains éléments que ces partis croient justifiés. Je demande au gouvernement, je demande au ministre responsable, au leader parlementaire de ne pas renier la parole qu'il a lui-même donnée devant tous les Québécois et de retirer la motion d'ajournement qu'il a présentée sans aucune urgence.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle, au nom de votre parti.

M. Jean-Noël Lavoie

M. Lavoie: M. le Président, nous sommes actuellement devant une motion du leader parlementaire du gouvernement, motion faite en vertu de l'article 77, en vue de l'ajournement du débat sur une motion du député de Gaspé. A mon humble avis, M. le Président, je crois qu'il s'agit de deux motions superflues. La première n'était pas nécessaire, je crois. M. Barre a été reçu au Canada et au Québec dignement, suivant les règles de l'éthique et du protocole; nous avons eu des échanges tout à fait agréables ce matin. Le chef de l'Opposition officielle a eu l'occasion de s'exprimer au nom de l'Opposition officielle du Parti libéral. Le chef de l'Union Nationale l'a fait le mieux qu'il a pu au nom de son parti. Le premier ministre du Québec l'a fait également au nom du gouvernement. Je me demande d'où vient cette motion du député de Gaspé. C'est une motion qu'on appelle superfétatoire; elle n'était pas nécessaire après les propos, d'ailleurs unanimes, exprimés par la voix du député de Lotbinière.

L'autre reproche que je fais actuellement est au leader parlementaire du gouvernement qui est le maître des jeux, qui est celui, ici à cette Assemblée, qui doit s'occuper, qui est chargé de voir à ce que le Parlement fasse son travail, puisse terminer, durant les jours que nous avons devant nous, l'étude de trois ou quatre lois prétendument urgentes. Il est tombé bêtement dans la trappe évidente du député de l'Union Nationale. Le député de Gaspé, au moyen d'un truc un peu enfantin, une motion non annoncée, tend un piège au gouvernement et voici que...

M. Brochu: Question de règlement, M. le Président.

M. Lavoie:... tout le Parlement est bouleversé, que le Parlement est paralysé.

M. Brochu: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le député de Richmond sur votre question de règlement.

M. Brochu: M. le Président, je reconnais au député de Laval le plein droit d'intervenir en vertu de nos règlements; cependant, je pense qu'il n'a pas le droit, à ce moment-ci, d'intervenir sur la qualification du contenu de la motion. Je vous rappellerai simplement que l'Union Nationale n'a fait que présenter la motion; c'est le Parti libéral qui a fait perdre une heure du temps de la Chambre sur cette motion.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Lavoie: Je n'aurais jamais pensé que le député de Richmond, justement, aurait pu faire le lien avec les propos que je voulais tenir à l'instant sur le discours tenu par le député de Saint-Laurent, justement, dans ce débat sur la question de la bienvenue qu'on doit exprimer à un chef d'Etat, surtout lorsqu'il s'agit du premier ministre de France. Lorsqu'on souhaite la bienvenue à un visiteur, c'est le moment de le saisir de toutes les appréhensions ou de tous les propos que nous voulons échanger justement entre la mère patrie et cette partie du Canada qui s'appelle le Québec. C'est le moment opportun. Ce serait l'occasion — d'ailleurs, cela a été fait ce matin par les chefs de parti — d'exprimer des voeux au sujet des échanges que nous devons avoir entre la France et le Québec. Comment peut-on prétendre

que le député de Saint-Laurent ne tenait pas des propos tout à fait pertinents lorsqu'il voulait s'exprimer sur ce qu'on voit aujourd'hui, demain, entre cette France et ce Québec? Est-ce qu'on doit être satisfait des échanges dans les affaires sociales? A mon point de vue — c'est le reproche que je fais au leader parlementaire du gouvernement, d'avoir laissé ouvrir cette porte — cette motion du député de Gaspé pourrait faire l'objet de débats pendant des semaines et des mois parce que nous avons beaucoup à dire sur ces échanges entre le Québec et la France, autant que nous pourrions en dire si le président des Etats-Unis venait nous voir. On pourrait s'exprimer pour voir quelle sorte d'échanges, de liens d'amitié nous aimerions avoir avec nos voisins du Maine ou du Massachusetts. (18 h 10)

M. le Président, c'est tout à fait normal. M. le Président, cette mise en garde, grâce à l'expérience du chef parlementaire du Parti libéral qui s'est levé, vous auriez dû, tout calmement, lorsque la motion a été présentée, dire: Cette motion est superflue. Le député de Saint-Jacques aurait pu dire: Pourquoi une telle motion? C'est diminuer les propos des chefs de partis ce matin. Ils se sont exprimés au nom du Quéec, de tout l'éventail politique du Québec. Ils ont dit: M. Barre, bonjour, soyez heureux chez nous. Vous êtes le bienvenu. Tâchez de souhaiter à la France le meilleur avenir possible, lui disant que nous sommes également assez grands pour voir à notre propre destinée. Cela se dit couramment, cela se dit franchement. Pourquoi cette motion?

M. le Président, j'aurais un voeu à formuler. Nous, de l'Opposition libérale, voulons que les travaux puissent se terminer normalement. J'exprime le voeu, et j'espère que cela pourra faire l'objet d'un consentement de cette Assemblée, que le leader parlementaire du gouvernement puisse retirer sa motion et qu'on procède au vote immédiatement. J'ai hâte de formuler mon expression de bienvenue au premier ministre de la République française. Et s'il y avait un commun accord, on pourrait voter immédiatement, autrement, sa-vez-vous ce qui va arriver? Il va arriver encore des motions qui vont... L'Assemblée nationale ne pourra jamais s'exprimer. Cela fait deux fois que cela arrive, M. le Président, une fois pour féliciter les policiers de Saint-Jérôme...

M. Bédard: La Sûreté du Québec.

M. Lavoie: La Sûreté du Québec, et cette motion est morte au feuilleton. Une autre fois, il s'agissait d'un vote de confiance à votre adresse, M. le Président, qui était encore superfétatoire. On ne s'est même pas exprimé. Cette motion est encore au feuilleton.

Imaginez-vous donc que si vous n'acceptez pas l'offre que je vous fais actuellement, de voter immédiatement sur cette motion, le premier ministre de France va être reparti et on ne lui aura pas encore souhaité la bienvenue.

Je pense qu'on pourrait procéder aux travaux normaux de cette Assemblée et j'espère qu'on pourra obtenir ce consentement. Que le leader retire sa motion d'ajournement et qu'on souhaite, d'une manière unanime, cette bienvenue au premier ministre de la République française.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement, pour votre droit de réplique.

M. Charron: M. le Président, avant d'exercer mon droit de réplique, puisque nous sommes à la veille d'un vote, que ce soit sur la motion ou sur autre chose, je prends à la lettre la proposition que vient de faire le leader de l'Opposition officielle. Puisqu'il doit y avoir un vote dans quelques minutes, inévitablement je demande de but en blanc aux représentants de l'Union Nationale s'ils acceptent que ce soit leur motion qui soit mise aux voix immédiatement plutôt que la mienne.

Des Voix: Oui.

M. Brochu: M. le Président, j'accepte volontiers que le leader parlementaire du gouvernement souligne sa première décision qu'il avait prise tout à l'heure et qu'il accepte de retirer tout simplement sa motion qui était non avenue. Par contre, puisque le Parti libéral a pris son droit de parole sur cette question, nous allons exprimer quelques opinions, très brièvement, sur cette motion que nous avons nous-mêmes présentée. Je suis content de voir que le leader du gouvernement revient à sa première parole.

M. Charron: M. le Président, je pense que ceux qui ont déjà vu passer les gros chars ont compris tout ce qui vient de se passer. Cela ressemble beaucoup à de la mauvaise foi, comme on me le souffle actuellement. Mais en tout cas...

M. Brochu: Question de règlement, M. le Président. Question de privilège.

M. Charron: M. le Président, je n'ai pas affirmé...

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Brochu: Question de privilège, M. le Président. Je vous ferai remarquer, en tant que président de cette Assemblée, que je n'ai pas sollicité du tout, dans les dernières minutes, de parler, de donner quelque opinion que ce soit au leader du gouvernement. C'est à sa demande que je me suis levé pour donner notre opinion. Nous avons présenté seulement la motion. Un député libéral a parlé pendant une heure et je pense que le leader du gouvernement, en vertu de nos règlements, m'a demandé si l'Union Nationale avait l'intention de prendre la parole ou non. Je lui ai dit simplement oui. Je ne vois pas où est la mauvaise foi là-dedans; c'est en vertu de notre règlement, comme l'Assemblée nationale a le droit de procéder et comme j'ai le droit de répondre.

M. Charron: M. le Président, j'exerce mon droit de réplique et je retire ce que je viens de dire.

Ils sont blancs comme neige. Ce que je veux donner comme opinion, M. le Président, c'est très brièvement ceci. Je pense que le "party" a assez duré. Je pense que chacun s'est rincé le gosier à son goût, mais maintenant la tactique dilatoire a fait son chef-d'oeuvre, c'est-à-dire qu'elle nous a à peu près interdit d'achever la loi 116 ce soir. Je pense que tout le monde... Du côté de l'Union Nationale, on pourra savourer le bon coup. Du côté du Parti libéral, on pourra dire qu'on s'est taillé une place entre l'arbre et l'écorce, encore une fois grâce aux talents de pisse-vinaigne du député de Saint-Laurent...

Des Voix: Bravo!

M. Charron: ... et dans l'ensemble, M. le Président, ce que je retire de satisfaction de ce débat ridicule de cet après-midi, c'est qu'aucun député du Parti québécois n'y a participé. Je l'ai fait à titre de leader du gouvernement à l'Assemblée parce que j'ai trouvé absolument sublime comme exemple, j'ai presque envie de dire d'im-bécilité, ce qui nous a été offert cet après-midi. Je propose qu'on mette ma motion aux voix, M. le Président.

Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

M. Brochu: Vote enregistré. Le Président: Qu'on appelle les députés. Suspension à 18 h 16

Reprise à 18 h 24

Mise aux voix de la motion d'ajournement du débat

Le Vice-Président: J'appelle aux voix la motion d'ajournement du débat sur la motion présentée cet après-midi, motion d'ajournement présentée par M. le leader parlementaire du gouvernement. Que celles et ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Charron, Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), O'Neill, Mme Cuerrier, MM. Proulx, Duhaime, Garon, Vaugeois, Martel, Bertrand, Fallu, Michaud, Rancourt, Laberge, Grégoire, Lefebvre, Laplante, Mme Leblanc-Bantey, MM. Bisaillon, de Bellefeuille, Gendron, Alfred, Marquis, Gagnon, Ouellette, Perron, Gosselin, Dussault, Boucher, Beauséjour, Baril, Bordeleau, Charbonneau, Gravel, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Jolivet, Levesque (Bonaventure), Lavoie, Vaillancourt (Orford), Lalonde, Forget, Mailloux, Goldbloom, Mme Lavoie-Roux, MM. Lamontagne, Blank, Picotte, Scowen, Pagé, Gratton.

Le Vice-Président: Ceux qui sont contre?

Le Secrétaire adjoint: MM. Biron, Grenier, Russell, Goulet, Fontaine, Brochu, Le Moignan, Cordeau.

Le Vice-Président: Abstentions?

Le Secrétaire: Pour: 53 — Contre: 8 — Abstentions: 0

Le Vice-Président: La motion est adoptée et le débat est ajourné. M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Vice-Président: Oui, M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): ... afin d'éviter à cette motion principale le sort qui pourrait peut-être lui être réservé si on ne revenait pas à l'étude de cette motion, est-ce que je peux suggérer que maintenant nous puissions disposer de la motion principale en votant unanimement pour cette motion?

Le Vice-Président: Oui, M. le député.

M. Brochu: M. le Président, très brièvement. Même si l'Union Nationale n'a que présenté la motion et que le Parti libéral a pris une heure du temps de la Chambre pour en parler et dire qu'il ne voulait pas en discuter, l'Union Nationale va quand même, pour accélérer les travaux de la Chambre, accepter sans discussion de procéder au vote de cette motion.

Vote enregistré, M. le Président, cependant.

M. Charron: J'approuve entièrement la suggestion faite par le chef de l'Opposition officielle. Si on demande le vote enregistré, toutefois, du côté de l'Union Nationale, je proposerais que les mêmes députés qui viennent de s'inscrire soient inscrits en faveur de la motion.

Le Vice-Président: M. le leader parlementaire du gouvernement, si j'ai cinq députés qui demandent un vote enregistré, je devrai m'exécuter.

M. Brochu: M. le Président...

M. Charron: Vite alors.

Mise aux voix de la motion principale

Le Vice-Président: D'accord. Est-il nécessaire d'appeler les députés? Non. Alors, nous votons sur la motion principale, à savoir que l'on souhaite la bienvenue à M. le premier ministre de France.

Que ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Biron, Grenier, Russell, Goulet, Fontaine, Brochu, Le Moignan, Cordeau, Charron, Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), O'Neill, Mme Cuerrier, MM. Proulx, Duhaime, Lessard, Garon, Vaugeois, Martel, Bertrand, Fallu, Michaud, Rancourt, Laberge, Grégoire, Lefebvre, Laplante, Mme Leblanc-Bantey, MM. Bisaillon, de Bellefeuille, Gendron, Alfred, Marquis, Gagnon, Ouellette, Perron, Gosselin, Dussault, Boucher, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Charbonneau, Gravel, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Jolivet, Levesque (Bonaventure), Lavoie, Vaillancourt (Orford), Lalonde, Forget, Mailloux, Goldbloom, Mme Lavoie-Roux, MM. Lamontagne, Blank, Picotte, Scowen, Gratton, Pagé, Roy.

Le Vice-Président: Contre? Abstentions?

Le Secrétaire: Pour: 64 — Contre: 0 — Abstentions: 0 (18 h 30)

Le Vice-Président: M. le premier ministre de France sera très heureux de votre unanimité.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je transmettrai dans quelques minutes au premier ministre de France, que je dois retrouver, le souhait unanime de l'Assemblée nationale. Je n'oserai pas dire dans quelles circonstances ridicules cela s'est fait. Je me contenterai du message dans son ensemble.

Le Vice-Président: S'il vous plaît, oui.

M. Charron: Je n'ai pas d'autres motions non annoncées, M. le Président.

Le Vice-Président: D'après l'ordre de la Chambre, M. le leader parlementaire, nous devons siéger jusqu'à 19 heures. Je vous demande ce que vous appelez.

M. Charron: On n'est pas rendu à cet article, M. le Président.

Le Vice-Président: C'est vrai. Vous avez raison.

M. Charron: Je crois que vous devez solliciter s'il y a par hasard encore des motions non annoncées.

Le Vice-Président: Nous ne sommes pas encore aux affaires du jour. Nous étions aux motions non annoncées. Est-ce qu'il y en aurait d'autres? Enregistrement des noms sur les votes en suspens. Avis.

Travaux parlementaires

M. Charron: Avis à la Chambre, M. le Président. Je voudrais simplement rappeler ce qui figure au feuilleton puisque cela occupe trois commissions parlementaires demain, ou deux. Il y a réunion de la commission des consommateurs, coopératives et institutions financières au salon rouge, demain matin, à 10 heures, afin d'étudier et d'entendre les gens intéressés à deux projets de loi privés qui ont été déposés la semaine dernière. La commission de la justice, elle, se réunira à la salle 91-A sur deux projets de loi privés aussi qui lui ont été déférés. Je le rappelle afin que personne ne l'oublie et je vous prie d'appeler l'article 7) du feuilleton d'aujourd'hui, M. le Président.

Le Vice-Président: Oui, M. le député de Mégantic-Compton, en vertu de 34.

M. Grenier: Le leader n'a pas fait allusion au projet de loi no 84, mais serait-il en mesure de nous annoncer si le ministre peut, dès demain, nous remettre les amendements qu'il doit déposer en Chambre?

M. Charron: Dès que la loi 116 sera adoptée en deuxième lecture.

Le Vice-Président: Oui, M. le député, en vertu de 34.

M. Fontaine: En vertu de 34 également, il y a un projet de loi qui s'appelle le projet de loi no 110 qui est également au feuilleton pour étude en troisième lecture. Est-ce qu'il y a également des amendements qui doivent être déposés et quand le projet de loi sera-t-il appelé?

M. Charron: Dès que la loi 116 sera adoptée en deuxième lecture.

M. Fontaine: Au mois d'avril.

Le Vice-Président: Cela va?

Affaires du jour.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Article 7), M. le Président.

Projet de loi no 116 Deuxième lecture (suite)

Le Vice-Président: C'est donc la reprise du débat sur la motion de M. le ministre de l'Agriculture proposant que le projet de loi no 116, Loi modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles — un instant, s'il vous plaît — soit maintenant lu une deuxième fois. M. le député de Portneuf avait demandé l'ajournement du débat.

M. Michel Pagé

M. Pagé: C'est cela, M. le Président.

Je vous remercie, M. le Président. En effet,

jeudi soir dernier, même si nous étions plusieurs collègues ici, à l'Assemblée, on se le rappellera, en compagnie de mes collègues libéraux qui, eux aussi, voulaient prendre la parole, je me suis levé pour demander l'ajournement du débat.

Je vois d'ailleurs mon collègue de Gatineau qui interviendra peut-être tout à l'heure ou encore peut-être demain sur le sujet.

M. le Président, ce projet de loi no 116 ne peut pas nous laisser indifférent, notamment lorsqu'on représente ici, à l'Assemblée, un comté rural, un comté où on a des producteurs agricoles qui sont directement affectés par ce projet de loi.

Ce projet de loi a fait couler beaucoup d'encre. Il a provoqué plusieurs débats. Selon le gouvernement — c'était son souhait — qui voulait que ce projet de loi soit adopté avant le 21 décembre, il a été reporté pour étude à cette brève session. Il a amené des représentations, des contestations dans certains cas.

M. le Président, le projet de loi no 116 contient des prévisions très spécifiques à l'égard d'un jugement de la Cour suprême qui a été rendu le 19 janvier 1978. Ce projet de loi met en relief, abstraction faite de son libellé, une opposition de principe, à savoir: Est-ce que, dans l'agriculture du Québec, on se doit de continuer à évoluer, à fonctionner avec des plans conjoints. On se rappellera qu'un des éléments importants des critiques à l'égard de ce projet de loi, par un groupe de producteurs agricoles du Québec qu'on qualifie de dissidents, s'adresse aux plans conjoints.

M. le Président, le moment n'est pas choisi pour qu'on en arrive à un débat aussi fondamental que celui-là. On sait qu'il est devenu impérieux, nécessaire pour le législateur québécois, pour le ministre de l'Agriculture du Québec de déposer ce projet de loi, entre autres, ce qui est prévu à l'article 7, qui vient, somme toute, ratifier ce qui a été invalidé par le jugement de la Cour suprême. Cela veut donc dire, M. le Président, que si cette Assemblée n'adoptait pas le projet de loi, notamment l'article 7, nous pourrions assister, éventuellement, à une foule de procédures judiciaires, relativement aux prélevés, aux cotisations, aux redevances qui ont été versés en vertu de plans conjoints auprès de différents offices de producteurs.

C'est évident, M. le Président, qu'un plan conjoint — et c'est là qu'est le principe, c'est là qu'est la bataille — implique des contingentements, des limitations de productions pour le producteur agricole, des quotas. Cela, c'est le volet des restrictions d'un plan conjoint. C'est le volet qui fait qu'il est peut-être plus ou moins intéressant pour le producteur agricole de savoir que, dans tel type de production donnée, il est limité à un quota X en mille livres de lait, en nombre de porcs ou en nombre de poulets ou autrement. Cette structure, ce moyen constitue quand même la seule façon de garantir un prix aux producteurs jusqu'à maintenant, une garantie aux producteurs d'un revenu de prix donné pour ce qu'il mettra en marché éventuellement. C'est évident que tout ce mécanisme de plan conjoint, on le vit au Québec depuis peut-être une quinzaine d'années ou à peu près. C'est évident pour certains que ce serait peut-être plus emballant, plus intéressant de produire hors quota, de produire sans aucune limitation, mais je ne suis pas convaincu, M. le Président, quant à moi, et ce pour en avoir discuté avec les producteurs agricoles de mon comté, que mettre de côté tout ce qui a été fait à l'intérieur des plans conjoints serait rendre service aux producteurs agricoles du Québec.

On se rappellera qu'il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années — c'est ce qu'on me dit; je n'étais pas vieux à ce moment-là, mais on se le rappellera quand même — la production agricole était en grande partie, M. le Président, une production artisanale au Québec. C'est maintenant devenu, avec des mécanismes comme ceux-là qui garantissent des prix aux producteurs, une économie industrielle. C'est évident que cela impliquera toujours des limitations, mais il y a quand même un élément, c'est que ces offices, ces plans conjoints sont formés par les producteurs eux-mêmes. C'est eux-mêmes qui ont à voter, à se prononcer sur ce qui est décidé, sur ce qui est envisagé à l'intérieur des plans conjoints, abstraction faite, évidemment, de la question du porc, mais là, c'est un tout autre débat où un plan conjoint a été imposé sans référendum.

M. le Président, c'est le premier volet de mon intervention, à savoir que ce projet de loi, que l'opposition de plusieurs personnes à l'égard du projet remet en cause et oblige le gouvernement, dans des délais que j'espère assez brefs, à tenir tout au moins une commission parlementaire. On se rappellera que nous avons eu à voter, il y a quelques jours, sur une motion déposée ici à l'Assemblée nationale, demandant au ministre de l'Agriculture et à l'Assemblée de reporter d'un mois l'étude du projet de loi pour qu'on puisse entendre les parties en commission parlementaire.

Le ministre de l'Agriculture et député de Lévis pourra me répondre dans sa réplique. Même si la loi 116 est adoptée sans qu'on ait une commission parlementaire, parce que cela a été exprimé par l'Assemblée lors d'un vote de la majorité ministérielle, j'ose croire que nous pourrons quand même avoir une commission parlementaire qui siégera éventuellement de façon à entendre les parties pour avoir exactement leur opinion, leurs commentaires, leurs considérations pour savoir pourquoi elles ne sont pas d'accord sur les plans conjoints et en quoi la structure telle quelle pourrait être modifiée de façon à répondre plus adéquatement et plus exactement à la volonté... (18 h 40)

Le Vice-Président: Je m'excuse, M. le député.

M. Pagé: Oui, qu'est-ce qui arrive?

Le Vice-Président: Je comprends que vous en faites un voeu.

M. Pagé: Oui, j'en fais un voeu tout simplement. Vous savez, M. le Président, qu'on ne peut pas présenter plus d'une motion au moment du débat en deuxième lecture. J'en fais tout simple-

ment un voeu et j'espère que ce voeu ne tombera pas dans l'oreille d'un sourd, mais que le ministre de l'Agriculture saura y donner suite une fois que la loi sera adoptée.

Je comprends que certains producteurs agricoles puissent avoir de nombreuses réserves à l'égard du projet de loi 116. Il n'y a pas seulement l'article 7. Si ce projet de loi ne contenait que l'article 7, il aurait été adopté, fort probablement, avant le 21 décembre dernier, car je pense que la très grande majorité des parlementaires ici s'est montrée favorable à l'adoption dans des délais assez brefs de l'article 7, lequel vise à rétablir la situation qui a été l'objet d'un jugement de la Cour suprême.

Mais il y a d'autres dispositions, M. le Président, qui confèrent des pouvoirs bien spécifiques, bien particuliers aux offices de producteurs, des dispositions qui n'étaient peut-être pas dans la loi antérieurement, mais qui étaient dans les règlements des plans conjoints. Qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, même s'il est de commune renommée que les plans conjoints et les offices de producteurs n'avaient que des pouvoirs au niveau de la mise en marché, il fallait quand même qu'ils aient des pouvoirs au niveau de la production parce que, somme toute, on a vécu à l'intérieur de quotas, de banques de quotas et de production limitée.

Avec le projet de loi 116, ces pouvoirs des offices sont clairement indiqués; ils sont prévus noir sur blanc, à la lettre dans le texte de loi. Ces pouvoirs peuvent paraître assez exorbitants. Je ne voudrais pas que vous vous opposiez, M. le Président, même si je fais référence aux articles 3 et 5, parce que c'est quand même le principe des pouvoirs d'un office pour intervenir dans la vie du producteur.

On n'a qu'à lire l'article 3j où il est spécifié que l'office peut "obliger un producteur à détenir un contingent émis par l'office pour produire ou mettre en marché un produit commercialisé, déterminer les conditions auxquelles ce contingent peut être émis, prohiber l'émission de tout contingent au-delà d'une limite prescrite, prescrire la réduction des contingents lorsque cette limite est atteinte ou susceptible de l'être — cela ouvre encore une porte à beaucoup de choses hypothétiques — interdire la production ou la mise en marché en violation du contingent, prévoir l'annulation, la suspension, la révocation temporaire ou définitive du contingent d'un producteur en raison de la violation par lui de la présente loi, d'un plan conjoint, d'une ordonnance, d'un règlement, d'une convention dûment homologuée et d'une décision arbitrale à la condition que ce producteur ait eu préalablement l'occasion d'être entendu par l'office '.

M. le Président, c'est beaucoup de pouvoirs qui appartiendront, qui seront entre les mains — un pouvoir quasi judiciaire ou presque — des offices à l'égard d'un producteur. Je comprends que le producteur agricole qui constate que son office aura autant de pouvoirs, des pouvoirs aussi exorbitants, comme je vous le disais tout à l'heure, a une certaine crainte, une certaine inquiétude. C'est à des questions comme celles-là que le ministre de l'Agriculture aurait pu répondre si on avait eu une commission parlementaire. Peut-être que, soit dans sa réplique ou encore dans l'étude du projet de loi article par article, celui-ci pourra arriver avec des amendements à son projet de loi. Cela se fait régulièrement. Je crois que vous étiez vous-même à l'étude du projet de loi 110, M. le Président. On se rappellera que c'était bien urgent de l'adopter avant le 21 décembre. Vous aurez constaté que, dès le mois de janvier, le ministre du Travail nous apportait des amendements. Encore la semaine dernière, il nous apportait des amendements qui amendaient les amendements. Il ne faudrait pas se surprendre que le ministre de l'Agriculture, demain ou ce soir — si le débat se termine avant 19 heures — nous apporte encore des amendements au projet de loi 116 qui viseraient éventuellement à clarifier ou à modifier les articles qui sont contentieux dans ce projet de loi et qui suscitent de l'inquiétude de la part d'un fort groupe, un groupe qui n'est pas négligeable et ce, quoi qu'en dise le ministre de l'Agriculture, même si encore tout récemment à la télévision, il disait: Vous savez, 5000 signataires d'une pétition, ce n'est pas grave. On avait l'impression, à l'entendre, qu'il s'en fichait comme de l'an quarante.

Mais je crois que ce n'est pas là son rôle. Ce n'est pas le mandat qu'il a en tant que ministre de l'Agriculture. Sa responsabilité est bien indiquée; c'est de faire en sorte que le projet de loi colle le plus possible non seulement aux besoins des producteurs eux-mêmes, mais à l'orientation à donner à l'agriculture. Il y a un débat de fond lancé par le projet de loi 116. Dans l'économie agricole, doit-on mettre de côté les plans conjoints? Doit-on mettre de côté les offices qui avaient comme mandat d'administrer ces plans conjoints? Doit-on revenir à une quinzaine d'années ou c'était — vous excuserez le terme, M. le Président — le "free for all" où tout le monde pouvait produire. Mais on se rappellera dans quel contexte cela se faisait. Quant à moi, je serais favorable à ce que cette question sur le principe d'une limitation de production soit débattue dans un débat peut-être plus ouvert, dans un débat peut-être plus calme qu'un débat aussi litigieux, aussi contentieux qu.e le débat qu'entraîne le projet de loi 116.

M. le Président, je ne voudrais pas — vous savez, ce serait facile par un projet de loi, de faire sauter tout cela, les plans conjoints — quant à moi, revenir à l'époque qu'on a connue à l'été 1976 alors que des producteurs agricoles qui avaient dépassé leur quota de lait étaient dans nos bureaux avec des pénalités, avec des périodes de trois, quatre et même cinq mois, dans certains cas, où ils n'avaient aucune paie, aucun revenu. Je ne voudrais pas revenir à cette époque. Quant à moi, si l'on veut garantir un revenu, un montant d'argent pour le produit, pour la production mise en marché par ce producteur agricole, on doit avoir des limitations dans la production.

De toute façon, le débat est lancé par le projet

de loi 116. Encore une fois, M. le Président, je dois vous dire que je voterai en faveur du principe de ce projet de loi parce que c'est le principe qu'on étudie ici en deuxième lecture. J'espère, cependant, que le ministre de l'Agriculture n'agira pas envers et contre tous en disant: Mon projet de loi est très bien et les quelques amendements ou quelques propositions qui pourraient être formulés par quelque groupe autre que le mien, je ne les accepterai pas. Je pense, M. le Président, que le ministre de l'Agriculture est plus sérieux que cela. Il doit, tout au moins, être plus responsable que cela.

C'est ainsi qu'on peut présumer, qu'on peut s'attendre que le débat à l'étude du projet de loi article par article amènera le ministre, d'une part, à répondre aux questions parce que les dissidents ont formulé des questions. Ils ont formulé des interrogations et des inquiétudes. Vous devriez — c'est là qu'est votre mandat — répondre à ces questions-là. Il est probable que des amendements seront apportés d'un côté ou de l'autre de la Chambre lors de l'étude du projet de loi. J'attends du ministre de l'Agriculture qu'il soit réceptif, qu'il ne les rejette pas du revers de la main, comme cela a malheureusement été le cas lors de l'étude de la loi sur le zonage agricole. C'est évident que le ministre pourra dire: Vous savez, j'ai l'Union des producteurs agricoles en arrière de moi, j'ai une résolution de l'Union des produteurs agricoles, j'ai une demande pressante de l'Union des producteurs agricoles pour que le projet de loi 116 soit adopté. Je conviens que le projet de loi 116 va dans le sens des intérêts des producteurs, mais que le ministre ne se targue pas trop de l'appui qu'il a ou qu'il a reçu de l'Union des producteurs agricoles parce que malheureusement je vais presque être obligé, à la longue — parce que c'est presque sur le point de se reproduire — de remettre en cause ou en doute le bien-fondé d'une telle déclaration de la part du ministre. On se rappellera qu'à l'aube des Fêtes, pendant la période des Fêtes ou quelques jours avant Noël, le ministre de l'Agriculture nous disait, et il paraissait bien sincère: Vous savez, les producteurs agricoles sont favorables à la loi 90. Dès le lendemain du Jour de l'An, des gens venaient à mon bureau et s'inquiétaient du projet de loi. J'ai rencontré plusieurs producteurs agricoles qui ne sont pas du tout satisfaits de la loi 90.

On se dirige vers le même débat, on se dirige vers le même problème. Le ministre va nous dire tout à l'heure, probablement dans sa réplique, jusqu'à un certain degré et à juste titre, que les producteurs agricoles sont favorables. J'en conviens. Mais il y a des dissidents, il y a des gens qui ne sont pas d'accord.

Comme je vous le dis et comme je l'ai déjà dit, il y a des gens qui ont des inquiétudes. J'espère que le ministre pourra y répondre, soit dans la réplique ou lors de l'étude du projet de loi article par article.

M. le Président, c'était là l'essentiel de mes commentaires et je vous remercie.

Le Président suppléant (M. Dussault): M. le député de Saint-François.

M. Réal Rancourt

M. Rancourt: M. le Président, avant de commencer mon intervention, je me poserais une question et je la poserais aussi peut-être aux députés de l'Union Nationale. En écoutant leurs interventions,, je me suis demandé s'ils avaient vraiment rencontré des agriculteurs. Je pense que les agriculteurs sont vraiment plus conscients de leurs besoins qu'eux l'ont fait valoir ici, à l'Assemblée nationale. C'est une perception que j'en ai pour l'instant. Je me suis posé cette question.

Maintenant, je pourrais vous demander pourquoi tant de palabres sur ce projet de loi; certains, volontairement ou non, font le jeu d'un nombre restreint de producteurs bien manipulés par des hommes de loi qui en vivent, qui cherchent par un combat d'arrière-garde à semer la confusion chez les producteurs de bonne foi, comme j'en connais dans ma région et ailleurs. Certains malheureusement, comme groupe ou sous-groupe, pour une raison ou une autre, n'ont pu évoluer dans le sens d'une agriculture organisée, cernés de toute part par les besoins d'une production sur cédule, imposée dans beaucoup de cas par des vendeurs d'alimentation animale. Une commission parlementaire, nous l'aurons, nous l'aurons sur l'étude article par article du projet de loi; les oppositions auront d'ailleurs la faculté d'apprendre ce qu'est réellement la portée de ce projet de loi. (18 h 50)

Cette même Opposition, si elle est vraiment sincère, intelligente, cessera d'être jetée dans ce débat, d'être manipulée encore une fois par toutes sortes d'inventions malveillantes d'un groupe qui cherche à tout prix à discréditer le syndicalisme agricole pour un système de production qui mènera infailliblement à la création de monopoles industriels en agriculture, ce qui voudrait dire que nous assisterions, impuissants — et je souligne le mot impuissants — à la disparition de la ferme familiale viable, bien sûr. Cessons de faire du folklore et vivons en agriculture d'une manière ordonnée, avec une gérance soucieuse de la qualité, de la régularité d'un coût de revient qui assurera à nos concitoyens un approvisionnement sur lequel ils pourront se fier.

Il importe de préciser immédiatement que le projet de loi no 116 n'a rien à voir avec la loi 64 et n'accorde pas de pouvoirs additionnels à l'UPA. Donc, ceux qui crient sur tous les toits que le projet de loi une fois approuvé donnera à l'UPA, droit de vie ou de mort sur les producteurs abusent gravement de la crédibilité des agriculteurs. Il s'agit d'un projet de loi pour modifier la loi 12, Loi sur la mise en marché des produits agricoles. La loi 12 régit la mise en marché des produits agricoles et est administrée par un organisme de surveillance créé par cette même loi, la Régie des marchés agricoles du Québec. La fonction principale de cette régie est de favoriser une mise en

marché ordonnée, efficace et juste des produits agricoles. Les plans conjoints provinciaux de mise en marché de produits agricoles qui participent à des plans nationaux ont dû faire face à une situation nouvelle à la suite d'un jugement de la Cour suprême du Canada.

En effet, les frais nationaux de mise en marché ne peuvent plus être imposés ou perçus suivant les dispositions législatives fédérales. Toutes les législatures doivent donner aux plans conjoints de leurs provinces les pouvoirs nécessaires pour remplir les engagements pris au niveau national. La situation est réglée dans la majorité des autres provinces canadiennes sans que les autorités provinciales aient eu à faire face à un tollé comme celui que nous connaissons ici au Québec. Dans la production de lait, rien n'est changé aux plans conjoints en place. Le projet de loi no 116 vient préciser que si les frais à l'exportation des produits laitiers versés suivant le plan global de commercialisation du lait du Canada ne peuvent être déduits en vertu des dispositions législatives fédérales, ils le sont selon les dispositions législatives provinciales prévues dans la loi 116. Cette disposition n'ajoute rien aux pouvoirs des plans conjoints présentement en application au Québec puisque ces déductions se font depuis 1970 pour le lait.

Ce projet de loi ne confère aucun pouvoir additionnel aux plans conjoints en place. Les règlements d'un plan pour la mise en marché ordonnée d'un produit agricole au Québec sont toujours soumis aux dispositions de la loi 12, c'est-à-dire, assujettis à l'approbation de la Régie des marchés agricoles du Québec selon les procédures habituelles connues de tous. Les plans conjoints à venir seront également mis en place suivant les dispositions de la loi 12. Les pouvoirs qu'exercent les plans conjoints en place ne sont pas accrus, comme je viens de le dire, et seront toujours soumis à l'approbation de la Régie des marchés agricoles; le pouvoir de contingenter la production agricole n'est pas nouveau et il se fait toujours sous la surveillance de la Régie des marchés agricoles.

Pour terminer mon intervention, j'aimerais ajouter une chose. Simplement pour bien situer, pour bien faire comprendre, j'ai à l'esprit une pensée du philosophe chinois — bien sûr, on est peut-être loin de l'agriculture, mais je pense que ce qu'il a dit dans une phrase, on devrait l'appliquer — "Celui dont la pensée ne va pas loin verra les ennuis de près." Je pense qu'il y a certains membres de l'Opposition ici qui, justement, se chargent de voir les ennuis simplement. Merci.

Le Vice-Président: M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cordeau: M. le Président étant donné l'ordre de la Chambre de terminer nos travaux à 19 heures, je demande l'ajournement du débat.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Des Voix: Non.

M. Cordeau: M. le Président.

Le Vice-Président: Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Fabien Cordeau

M. Cordeau: II m'est impossible de ne prendre part à la discussion actuelle concernant ce projet de loi no 116, Loi modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles. Tel que je l'ai mentionné mardi dernier, je tiens à redire que je n'ai aucun ressentiment envers l'Union des producteurs agricoles. Je considère que les producteurs agricoles ont droit à leur syndicat, mais je me demande parfois si le syndicat joue actuellement auprès des producteurs le rôle qui lui est dévolu dans le projet de loi actuel.

Je regrette infiniment que ce gouvernement qui se veut transparent n'ait pas acquiescé à la demande de l'Opposition de convoquer une commission parlementaire où on aurait pu entendre ceux qui sont pour ou contre ce projet de loi.

Je demande au ministre, au nom des producteurs agricoles de différents milieux, ce que cache cedit projet de loi. Pourquoi a-t-on peur d'entendre ceux qui ne partagent pas l'opinion du ministre?

Concernant les dissidents — je l'ai dit mardi dernier et je vais le redire ce soir — et ceux qui ne partagent pas le point de vue du ministre, on nous reproche de les appuyer. En tant que membre de l'Union Nationale, je tiens à vous redire que je suis fier d'être un de leurs porte-parole, car ils représentent une minorité, et la minorité a encore le droit d'être entendue dans cette assemblée, et ils sont les défenseurs de ce droit primordial que possède encore tout citoyen de pouvoir s'exprimer librement dans cette province.

Ces dissidents, aujourd'hui, on les trouve chez les gros, les moyens et les petits producteurs agricoles, ainsi que dans tous les mouvements coopératifs. D'ailleurs, la contestation, messieurs du Parti québécois, cela vous connaît. Vous êtes d'ailleurs tous des contestataires et des dissidents. Je crois même que parmi la députation gouvernementale, il y a eu dans le passé des contestataires qui ont fait leur marque. Est-ce à dire que vous avez eu tort d'agir comme vous l'avez fait? Demain ou dans un avenir plus ou moins rapproché, on donnera peut-être raison à ceux qui, aujourd'hui, ne partagent pas l'opinion du ministre.

M. le Président, permettez-moi de vous faire connaître l'opinion des administrateurs de la Coopérative de Granby qui ont fait parvenir au ministre un télégramme qu'il a, sans aucun doute, reçu, lu et compris. J'en cite une partie: La Coopérative agricole de Granby considère que le projet de loi 116, dans sa formulation actuelle, risque d'entraver d'une manière directe l'autonomie de l'organisation coopérative, de la mise en marché des produits agricoles au Québec et d'entraîner à

brève échéance la mort de la coopération en matière agricole.

M. Garon: Quelle date?

M. Cordeau: Probablement que le ministre ne s'en souvient pas, il ne l'a pas lu; c'est ce que je craignais.

Le projet de loi 116 risque de détruire la coopération dans un secteur clé de notre économie là où elle a toujours fait preuve d'audace et joue un rôle prépondérant en dotant les producteurs québécois des outils nécessaires à leur développement et à leur croissance du Québec. A titre d'exemple, l'article 1 du projet de loi constitue une tentative déguisée de vider de son sens l'article 2 de la loi actuelle sur la mise en marché des produits agricoles en en restreignant considérablement la portée et l'application. Cet article risque d'entraîner la paralysie complète et totale de l'activité sociale et économique de la coopération agricole. (79 heures)

M. le Président...

Le Vice-Président: Je m'excuse. Des Voix: Consentement.

Le Vice-Président: Je m'excuse, je suis lié à un ordre de la Chambre. C'est un ordre strict. J'en suis le serviteur, à moins qu'il n'y ait d'autres... Il y a un ordre de la Chambre, M. le député. M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement, brièvement.

M. Bertrand: M. le Président, nous sommes très heureux de nous garder de la matière grise pour poursuivre l'écoute de la pièce d'éloquence que nous sert le député de Saint-Hyacinthe. Je voudrais simplement rappeler qu'avant de vous demander d'ajourner nos travaux à demain, 14 h, il y aura, demain matin, deux commissions parlementaires qui vont siéger, l'une au salon rouge, celle des consommateurs, coopératives et institutions financières, et l'autre à la salle 91-A, celle de la justice, M. le Président.

Le Vice-Président: Et sur ce...

M. Bertrand: Je demande l'ajournement du débat.

Le Vice-Président: M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: J'aimerais que le député de Saint-Hyacinthe dépose le document qu'il a cité tout à l'heure.

Le Vice-Président: A ce que je sache, M. le député de Saint-Hyacinthe n'est pas ministre. Je déclare que ces travaux sont ajournés à demain, quatorze heures.

Fin de la séance à 19 h 2

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