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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le jeudi 15 novembre 1979 - Vol. 21 N° 67

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures dix minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions élues.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. le député de Laprairie.

Etude du projet de loi no 53

M. Michaud: M. le Président, vous me permettrez, suivant les dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente des consommateurs, coopératives et institutions financières qui a étudié, le 13 novembre, le projet de loi no 53, Loi sur les corporations de fonds de sécurité, article par article, et l'a adopté avec des amendements.

Le Président: Merci. Rapport déposé.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés. Période de questions orales.

Avant la période de questions, on m'informe que nous avons l'honneur d'avoir la présence aujourd'hui, dans les galeries, de l'ex-ministre de l'Agriculture, M. Alcide Courcy.

M. le chef de l'Opposition officielle.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Elections complémentaires et politique du gouvernement

M. Ryan: M. le Président, j'espère que le premier ministre est aussi fier d'être Québécois aujourd'hui qu'il l'était le 15 novembre il y a trois ans. Nous autres, notre fierté n'a jamais diminué, dans la défaite comme dans la victoire, elle est la même.

Au cours des dix-huit derniers mois, nous avons eu dans Québec six élections complémentaires. Ces six élections complémentaires, si on fait le total des voix exprimées dans chacune, ont donné les résultats suivants — les élections d'hier suivent d'ailleurs la tendance qui s'était manifestée antérieurement —: un vote d'à peu près 62% pour le Parti libéral, un vote d'à peu près 32% pour le Parti québécois, qui est au pouvoir actuellement. Au lendemain de l'élection de Notre-Dame- de-Grâce, le premier ministre avait dit: Cela ne compte pas. Ce sont des électeurs anglophones qui ont appuyé le Parti libéral. Il avait cherché d'ailleurs à accoller cette légende à notre parti.

Maintenant, au terme de ces six élections complémentaires, on voit qu'il y a eu des circonscriptions à caractère urbain, des circonscriptions à caractère rural, des circonscriptions de la région de Québec, des circonscriptions de la région de Montréal, des circonscriptions presque entièrement francophones, deux qui étaient de composition plutôt mixte au point de vue linguistique, des circonscriptions comptant des travailleurs en très grand nombre, des circonscriptions comptant des producteurs agricoles ou des éléments de milieux ruraux en très grand nombre.

Devant ces faits qui se sont accumulés avec une constance et une stabilité très éloquente, je voudrais demander au chef du gouvernement s'il envisage des changements importants dans les politiques de son gouvernement en matière constitutionnelle, en matière économique et sociale, en matière aussi de concorde entre les citoyens au plan culturel et linguistique, en particulier. Je pense qu'on peut honnêtement inférer des résultats que nous avons eus hier qu'il y a une désapprobation ou un rejet manifeste des politiques gouvernementales. Je demande au chef du gouvernement s'il envisage des changements importants dans les politiques de son gouvernement et, à défaut de tels changements, ce qu'il envisage de faire pour que son gouvernement conserve au moins une certaine image de légitimité.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, hier soir — c'est bien une des rares fois où je suis tombé d'accord sans la moindre consultation avec le chef de l'Opposition — j'ai dit à peu près la même chose que lui, qu'il y avait dans le résultat dans les trois comtés un verdict évidemment très sévère et un coup également très dur pour notre parti et, forcément, pour le gouvernement. Je n'ai pas besoin de dire que ce n'est pas facile à avaler. Cela me rappelle quasiment le titre d'un roman qui a fait son tour de piste déjà il y a quelques années, "Cela fait mal surtout quand on rit".

Même si cela n'est pas facile à avaler, la voix des citoyens, il est évident qu'on ne peut pas en nier le message. Il y a un message très net de mécontentement. On est encore sous le choc préliminaire. Je pense que nos amis d'en face comprendront cela. Mais soit dit en passant, pour reprendre le tout début du préambule du chef de l'Opposition, c'est vrai que c'est aujourd'hui le 15 novembre. Hier, c'était le 14 et cela rappelait des bons souvenirs, curieusement, le 14 novembre 1962. Ce qui me rappelait aussi que de 1960 à 1979 — en tout cas, pour celui qui vous parle, M. le Président — avec ce que cela représente de hauts et de bas, cela ne m'a jamais empêché de me sentir non

seulement fier, ce sont des mots trop faciles, mais aussi pleinement Québécois tout le long du chemin, peu importent les accidents de parcours.

Cela étant dit, je ne pense pas qu'on s'attende à ce qu'on ait eu le temps de décanter tout cela, surtout quand on tient compte des urgences extraordinairement stressantes auxquelles on doit faire face également et qui — je crois — dans l'intérêt de l'ensemble de la société, ont plus d'importance que le sort de nos candidats ou de quelque candidat que ce soit.

Il y a certainement plus qu'un simple avertissement ou un simple coup de semonce dans ces résultats. Il y a des raisons plus profondes qu'il va falloir — même si c'est très pénible — essayer de tirer au clair de notre mieux parce que sinon on n'en dégagerait pas la vraie leçon. Il y a des choses dont on peut être sûr dès le début. C'est que trois ans de pouvoir, c'est nécessairement une sorte de "déconnection" inévitable, surtout quand on tient compte du contexte général de la société, aussi bien au Québec qu'ailleurs. Je pense qu'on voit cela ailleurs. Qu'on le veuille ou non, on le voit ici. Peut-être que cela émousse suffisamment les perceptions parce que les choses s'accumulent tellement vite, les problèmes aussi, qu'on n'arrive plus à suivre. Il faudrait littéralement être capable de se diviser en quatre ou en cinq pour y arriver convenablement. Je pense que c'est une chose qui saute aux yeux.

Il y a une chose qui, à mon humble avis, est évidente. Cela rejoint le climat social — socio-économique, si on veut — une sorte d'insécurité généralisée, les hausses de prix, etc., qui font qu'il y a un mécontentement latent partout. On le voit dans les sondages et on le voit dans les perceptions que nous donnent les rencontres avec les gens. Quand s'ajoutent à cela des secousses sociales à répétition, comme celles de ces derniers mois, il y a une insécurité qui s'accumule, qui découle de cela et qui est très difficile à supporter. Cela entretient un mécontentement.

C'est évident — et ce n'est pas du tout injuste — que la cible, c'est le gouvernement, finalement. La cible, c'est peut-être davantage le mouvement syndical en ce moment, je pense qu'il ne faut pas faire les autruches; seulement, eux ne sont pas exposés à des élections de la même façon. (14 h 20)

II s'ajoute probablement — il faut avoir, je ne dirai même pas l'humilité, mais le bon sens de le reconnaître — à cela qu'il y a une certaine désillusion qui semble accompagner le mécontentement. Et c'est peut-être très nettement notre faute d'avoir trop semé par des attitudes l'illusion qu'il y avait peut-être une sorte de recette magique dans ce domaine des problèmes sociaux. Cela fait pourtant quelque temps qu'on a appris à nos dépens qu'il n'y a pas de recette magique, mais c'est un message, très évidemment, qui n'a pas passé et personne n'est à blâmer sur le fait qu'il n'ait pas passé. Je pense que ça signifie une chose: c'est que tous ces cadres nouveaux et tous ces mécanismes savamment étudiés et, Dieu sait, laborieu- sement mis en place depuis un an et demi ou deux ans, s'ils ont réussi — je crois qu'on doit l'admettre — à accélérer sensiblement, même si c'est tardif — parce qu'on est seulement à quatre mois, même pas cinq mois de l'expiration des contrats du front commun — les négociations, chose certaine, jusqu'à nouvel ordre, n'ont pas aidé à éviter l'affrontement.

S'il y a une chose qui nous apparaissait déjà et qui nous apparaît encore plus clairement maintenant, c'est que ça va être à repenser. J'avoue humblement qu'on n'a pas, là non plus, de recette magique à évoquer, mais ça va être nécessairement à repenser. Et peut-être que ça va plus loin que cela; à ce moment-là, ceux qui peuvent changer les mentalités s'attelleront à la tâche. Cela va peut-être jusqu'à des habitudes, tellement incrustées dans les mentalités, d'affrontement, d'égoïsme presque barbare qu'on se demande si, dans l'immédiat, il y a quelque chose à faire.

Sur l'autre aspect de la question du chef de l'Opposition à propos de notre option constitutionnelle, du référendum qui vient, je ne crois pas, contrairement à ce que semble vouloir dire le chef de l'Opposition, parce que je ne vois d'évidence nulle part, que ça ait pu avoir un effet marquant. D'abord, je voudrais dissiper une sorte de fausseté mineure, mais qui est souvent répandue par l'Opposition, surtout ces derniers jours, soit que le livre blanc, venant à la fin d'octobre, début novembre, était comme une sorte de manoeuvre stratégique pour voir si ça donnerait des résultats dans les élections partielles.

Cela ne vaut même pas une question de privilège, mais je rappellerai tout simplement que certains de nos amis d'en face prenaient même un ton moqueur pour commenter le fait que j'aie été obligé de reporter les élections partielles au mois de novembre, que j'aurais aimé mieux qu'elles passent en septembre, comme c'était prévu. Les gens qui s'imaginaient — là encore ils voient toujours de la stratégie partout — qu'il y avait quelque chose de stratégique là-dedans. Je pense qu'on a aujourd'hui la preuve que le pressentiment que j'exprimais que j'aimerais mieux ça en septembre n'était peut-être pas complètement faux. De toute façon, ce n'est pas de gaité de coeur que je les ai reportées, mais j'avais pris l'engagement — on essaie de tenir nos engagements — en juin de publier ce livre blanc le plus près possible de la rentrée, c'est-à-dire dans l'automne, de façon que les gens aient le temps de s'en faire une idée, de voir ce document constitutionnel — parce que c'en est un — ce document de feuille de route pour l'avenir, avant que la question ne soit rendue publique, à la veille des Fêtes.

Tout ça a coïncidé et je dirais que, contrairement au chef de l'Opposition, si ça a eu un effet dans les élections partielles, ça en a eu un à cause de la rapidité trop grande et du manque de temps pour assimiler ce dont il s'agit. J'en verrais la preuve — là, c'est la seule chose un peu méchante que je vais dire, mais il y a quand même des choses qu'il faut dire — de la façon suivante: ça a

très peu joué, semble-t-ii, parce que nous, on avait beaucoup de travail, on n'avait pas autant le temps que le chef de l'Opposition de nous promener sans arrêt dans les comtés, mais ça a beaucoup joué, les raisons sociales et d'autres, y compris des dissensions presque masochistes dans notre parti, qui ont terriblement handicapé les débuts de campagnes. Mais ça a très peu été constitutionnel, si je suis bien renseigné, dans Prévost et dans Maisonneuve où les résultats, si on tient compte des points de départ, sont quand même passablement — le moins qu'on puisse dire — décevants pour nous, tandis que ça a beaucoup joué et on a fait tout ce qu'on a pu — même les media d'information ont fini par s'en rendre compte — du côté libéral, pour faire peur au monde avec la question référendaire dans Beauce-Sud. Là, contrairement aux deux autres, les résultats sont — par rapport au passé, au point de départ — extraordinairement encourageants.

Alors, je crois que cet argument ne vaut pas, mais, là-dessus comme sur le reste, je peux me tromper.

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Ryan: Je voudrais tout d'abord, M. le Président, avec votre permission, corriger une fausse impression que risquent d'amplifier les propos qu'a tenus le premier ministre au sujet de ma présence en cette Chambre, depuis la reprise des travaux au début d'octobre. J'ai fait des calculs sommaires, ce midi, à la suite des propos tenus hier soir par le premier ministre. Je peux vous affirmer que j'ai participé à 15 votes sur 21 qui ont été tenus dans cette Chambre depuis le 9 octobre, tandis que le premier ministre a participé à 10.

Des Voix: Ah, ah!

M. Ryan: C'est vrai qu'il a fallu s'absenter quelques jours de la Chambre pour aller travailler sur le terrain. J'ai constaté sur le terrain, M. le premier ministre, que les interrogations sont très vives et très grandes dans les esprits au sujet de la politique constitutionnelle du gouvernement et qu'elles ont été rendues encore plus aiguës, plus présentes par la publication du livre blanc en plein coeur de cette campagne électorale. C'était inévitable qu'il devienne un grand sujet de discussion. Je peux assurer le premier ministre que, de notre côté, nous avons proposé l'idéal que nous défendons dans les termes les plus positifs possible. Il arrive toujours que certains propos négatifs se glissent autant de l'autre côté de la Chambre que du nôtre, mais, au fond, nous avons dit clairement à nos concitoyens qu'il y a deux grandes conceptions qui s'affrontent, qu'ils doivent choisir entre les deux et qu'il n'y a pas beaucoup de place pour s'asseoir entre les deux chaises.

Ce que je voudrais demander au premier ministre en complément, nous, nous avons la conviction que, tout en se prononçant sur un paquet de choses, nos concitoyens ont aussi porté un jugement sévère sur l'option constitutionnelle qui leur était proposée dans le livre blanc. Je voudrais demander au premier ministre s'il entend maintenir cette option constitutionnelle intégralement, comme elle est présentée dans le livre blanc. Les résultats des élections sont-ils susceptibles d'entraîner des changements dans l'échéancier qu'a laissé entrevoir le gouvernement, tant en ce qui concerne le prochain référendum que le programme de travail au cours des prochains mois? Je pense que, si on pouvait obtenir des assurances du premier ministre à ce sujet, cela pourrait être très utile pour la poursuite de notre travail commun.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais répondre très simplement ceci, et là je vais laisser de côté les deuxièmes préambules du chef de l'Opposition. Premièrement, sur les faits, on n'a pas la même interprétation, mais je ne suis pas l'ange des Arabes, le chef de l'Opposition non plus, pour sonder les reins et les coeurs; alors, nous notre perception ne va pas jusque-là, sauf pour admettre peut-être ceci. C'est que comme le chef de l'Opposition et d'autres se sont promenés dans le paysage avec une abondance sans précédent pour parler de cela — surtout dans Beauce-Sud, cela nous a été quand même très visible — en des termes extrêmement terrifiants, je n'irai pas plus loin, et que, d'autre part, le livre blanc était tout nouveau et que, par conséquent, très peu de gens avaient vraiment eu le temps, non seulement de le lire, mais de le décanter.

Finalement, par stratégie ou par incapacité, le Parti libéral pouvait jouer sur ce plan-là le négatif le plus complet parce qu'il n'a rien d'autre à proposer, sauf, de façon vague, le fédéralisme plus ou moins renouvelé, mais personne ne sait ce que ça mange en hiver.

Partant de là, c'est évident qu'il y avait un avantage tactique qui a servi beaucoup, comme, hélas, c'est normal et on n'y peut rien, dans des élections partielles. Ce n'est pas du tout la même chose, je crois, quand vient le moment d'une campagne vraiment nationale. Cela étant dit, je réponds au chef de l'Opposition que sur le fond, non. Après douze ans de travail, contrairement aux perceptions du chef de l'Opposition — ce n'est pas la mienne — de toute façon, je me sentirais honteux de reculer sur quoi que ce soit en ce qui concerne l'avenir du Québec. Ce sera aux citoyens de se prononcer.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Mais à la suite des résultats des élections d'hier, M. le Président, est-ce que le premier ministre serait prêt à répéter dans cette Chambre ce qu'il a déjà dit antérieurement, à savoir que le Parti libéral serait un parti appuyé surtout par les anglophones au Québec?

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, ça ne me rappelle rien de précis, mais ça me rappelle tout de même dans l'immédiat ce que le chef de l'Opposition a commencé à dire tout à l'heure à propos de la cascade d'élections partielles en parlant de Notre-Dame-de-Grâce. J'aurais dit: Cela ne compte pas, il a été appuyé par les anglophones, le Parti libéral. Je n'ai jamais dit qu'aucune voix ne comptait pas. Les citoyens anglophones du Québec ont les mêmes droits y compris — bon Dieu, il me semble que c'est l'évidence même— le droit de vote et, démocratiquement, le droit d'être pour ou contre ce qu'ils veulent. (14 h 30)

Cela étant dit, il reste quand même une chose que je vais répéter parce que je pense qu'elle est évidente. Il y a un "block vote", comme on dit en anglais, c'est-à-dire un vote anglophone très massif qui est pour l'appartenance à tout prix à une majorité pancanadienne, parce que, ainsi, ils se sentent dans l'ensemble — c'est normal, je ne les blâme pas — moins minoritaires. Ils ne sont pas tout à fait minoritaires parce qu'ils appartiennent à la majorité pancanadienne. C'est normal, mais, d'un autre côté, c'est un fait.

Le Président: Question principale, M. le leader parlementaire de l'Opposition.

Application de la loi no 62 et négociations

M. Levesque (Bonaventure): Nous avons dans cette Chambre, lundi dernier, je le rappelle de nouveau, adopté la loi no 62 relativement à la suspension du droit de grève et à l'obligation de consulter les membres de la base. Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire, premièrement, s'il y a eu quelque chose de nouveau depuis les réponses d'hier?

Deuxièmement, je tiens encore à rappeler qu'il y a eu définitivement des incitations à défier la loi. Est-ce qu'à la suite de ces incitations il y a eu des débrayages effectivement? Et, s'il y a eu des débrayages, le premier ministre peut-il nous informer ou demander à son ministre de la Justice de nous dire s'il y a eu des mesures prises par le Procureur général à la suite de ces conditions?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je laisserai le ministre de la Justice probablement répéter, pour l'essentiel, ce qu'il a dit hier. Mais, s'il y a des choses à ajouter en ce qui concerne la mise en marche de certaines décisions dans son ministère, je lui laisserai le soin de le dire. Je n'ai pas pu vérifier depuis hier de ce côté.

Pour ce qui est de débrayages, il y a quelques ombres au tableau, mais elles sont moins nombreuses qu'on aurait pu le craindre. Pour ce qu'il y a de nouveau depuis hier, ce serait essentiellement, en dehors des débrayages, la question des négociations. Alors, si on veut connaître la situation véritable dans les secteurs, je pourrais demander au ministre des Affaires sociales et au ministre de l'Education, le plus sommairement possible, de faire le point — ils ont eu le tableau, à ce qu'on m'a dit, vers 13 h 50; moi, je n'ai pas eu le temps de le voir — et demander peut-être au ministre des Finances, tout de suite après, de faire le point sur ce qu'il y a de nouveau, s'il y en a aux négociations.

Une Voix: Vous agissez comme maître de cérémonie?

M. Lévesque (Taillon): Non, je ne suis pas maître de cérémonie. C'est simplement qu'il y a de nos collègues qui font leur travail et, régulièrement, on fait le point. Mais je refuse de faire comme mon prédécesseur et de négocier en dessous de la table dans mon bureau.

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, dans les collèges et dans les écoles du Québec, aujourd'hui, chacun est à son travail. Pendant ce temps, nous négocions depuis hier avec les collèges, depuis ce matin avec les commissions scolaires, j'entends avec les syndicats représentant le personnel des commissions scolaires, et ceci, à ce qu'on m'a dit, à peu près à toutes les tables, sinon à toutes les tables. Il y a quelques tables dont je n'ai pas de nouvelles, mais, en gros, les négociations ont repris.

L'un de nos gros problèmes à l'heure actuelle en est un de communication. En effet, dans certaines commissions scolaires, en ce moment, il se prend des votes. Il s'en est pris avant-hier soir, encore hier soir, sur la question de la grève ou du défi à la loi 62. Le problème, c'est que les enseignants ne connaissent pas les offres et ne savent pas non plus ce qui se passe, bien sûr, aux tables. Malheureusement, de plusieurs coins nous viennent des plaintes dans le sens qu'on demande des votes, mais on n'informe pas les enseignants sur ce qui se passe ni sur les offres gouvernementales. L'un de nos gros problèmes au cours des semaines, des jours qui viennent, ce sera de faire en sorte que les enseignants à la base sachent ce qui se passe, connaissent les offres gouvernementales. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président...

Le Président: Pardon?

Une Voix: ...

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales, sommairement, s'il vous plaît.

M. Lazure: En ce qui concerne les négociations, M. le Président, la table du Cartel des organismes professionnels de la santé, le COPS, ainsi que la table de la Fédération des infirmières du Québec ont négocié hier et négocient aujour-

d'hui. Il en est de même de la table de la Fédération des affaires sociales. Hier soir, durant la nuit, il y a eu, de la même façon, des rencontres avec la Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ. En somme, toutes les unités syndicales sont représentées; autant celles dont le contrat est échu depuis 1978 que le front commun de 1979 s'affairent actuellement et négocient de façon très intensive. En ce qui concerne la situation dans le réseau des affaires sociales, je pense qu'on doit se réjouir que la très vaste majorité des établissements fonctionne de façon normale à 100%. Il y a eu des incidents ce matin dans deux endroits, un à l'hôpital Sainte-Justine et l'autre, au centre d'accueil Pierre-Joseph-Triest, dans l'est de Montréal. On m'informe, à 2 h 20 cet après-midi, qu'à Sainte-Justine la situation est redevenue normale, puisque les employés, après plusieurs heures d'assemblée, de délibération, ont décidé, par vote, de retourner au travail et de respecter la loi. Au centre d'accueil Pierre-Joseph-Triest, dans l'est de Montréal, la situation est encore un peu flottante puisque les syndiqués sont encore en délibération. Mais on m'assure que dans les deux cas, de toute façon, la santé — et cela, on le tient de la bouche des dirigeants des établissements — n'est certainement pas en danger.

Le Président: Merci.

M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je voudrais simplement ajouter qu'à la table centrale où, comme on le sait, se négocient les conditions salariales, le groupe des coordonnateurs des deux côtés, qui a amorcé déjà depuis la semaine dernière les discussions salariales, a repris ces discussions depuis hier. Après avoir, dans la journée d'hier, traité des clauses salariales les moins importantes — globalement, j'entends, c'est-à-dire les questions de pensions, de congés de maternité et de primes d'éloignement — la journée d'aujourd'hui est consacrée à la discussion des échelles de salaires proprement dites, des négociations sur les clauses salariales essentielles.

Le Président: Merci.

M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, comme on peut le constater à la lumière de ce qui a été dit par mes collègues, je crois que la loi no 62 produit actuellement le résultat qui a été recherché par cette Assemblée nationale qui l'a adoptée. C'était un appel à la négociation. A l'heure actuelle, les négociations se poursuivent intensivement. La grève illimitée qui était prévue pour le 13 n'a pas eu lieu et, globalement, la loi est respectée.

Je pense que la préoccupation première du Procureur général, c'est effectivement de voir et de poser les gestes qui donnent la chance que la loi qui est adoptée par cette Chambre produise l'effet désiré.

Quant aux cas — globalement, la loi est respectée, on est à même de le constater — isolés, ceux qu'on a mentionnés hier, et également certains faits qui se sont produits à l'hôpital Sainte-Justice ou encore à un centre d'accueil, je puis dire qu'ils font l'objet, à l'heure actuelle, de l'action habituelle et appropriée du ministère de la Justice. Je peux répéter ce que j'ai dit à l'Assemblée nationale, le Procureur général n'hésitera pas à prendre les décisions à la lumière des dossiers qui lui seront soumis.

Une Voix: Question supplémentaire.

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Forget: Question supplémentaire.

M. Grenier: Question additionnelle, M. le Président, sur cette dernière. Bien sûr, j'avais l'intention de poser la question au ministre des Affaires sociales concernant les deux centres pour lesquels il nous a donné une réponse. Mes informations dataient de midi, alors que les siennes dataient de 14 h 20. Elles sont, bien sûr, plus précises. (14 h 40)

J'aimerais demander au premier ministre, à la suite de la déclaration qu'il a faite en relation avec la question qui a été posée par le député de Brome-Missisquoi, la semaine dernière, alors que beaucoup de gens nous disent, par télégramme, qu'il y aurait peut-être lieu de consulter le public sur le droit de grève dans le secteur public. Le premier ministre avait répondu à cette question du député de Brome-Missisquoi: "Je peux simplement promettre au député que l'opinion qu'il vient d'exprimer va recevoir toute l'attention qu'elle mérite, y compris ce qu'il a indiqué comme sa perception du sentiment de l'opinion publique. Je pense qu'elle est suffisamment claire, actuellement, pour qu'on n'ait même pas besoin de référendum."

J'aimerais savoir — puisque lundi on ne sera pas en Chambre, ça ira à mardi — si on a prévu un autre moyen pour pallier les difficultés qui pourraient surgir lundi matin, comme les journaux en font état ce matin, et si cette proposition faite par le député de Brome-Missisquoi est toujours envisagée par le premier ministre.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je ne répéterai pas ce que j'ai dit assez longuement, ce qui, malheureusement, finissait par l'aveu qu'on n'a pas trouvé de recette magique. Je ne reprendrai pas tous les arguments qui ont flotté autour et alentour du droit de grève dans le secteur public. La chose qui est certaine, c'est que l'abus flagrant, catastrophique, depuis une douzaine d'années, de ce droit de grève, qui devrait être un dernier recours, remet tout cela en question, et on n'a pas besoin de faire des sondages pour le savoir. Cela remet tout en question, et d'une façon de plus en plus inquiétante, si j'étais un syndicaliste avec une tête sur les épaules.

Cela étant dit, je répéterai ce que j'ai dit tout à l'heure. C'est qu'il est évident qu'on n'a pas trouvé, en ce moment, la façon de régler, de bonne foi, de façon négociée, ces renouvellements de contrats qui reviennent à tous les trois ans, à peu près. Il va falloir remettre cela à l'étude au plus vite pour voir s'il y a moyen de trouver une autre façon de déboucher. Chose certaine, s'il n'y a pas une réflexion parallèle qui se fait dans le monde syndical et, en particulier, dans ce qu'on appelle couramment l'establishment syndical, j'avoue que je ne sais pas dans quel état sera la société dans les mois qui viennent.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent; tout de suite après, M. le député de Bellechasse.

M. Forget: M. le Président, le ministre de la Justice vient de nous dire que la loi 62 est globalement respectée. Nous n'avons pas besoin d'un ministre de la Justice pour faire respecter la loi globalement, mais pour la faire respecter à chaque fois qu'elle est violée. Or, il y a des événements qui se sont produits à Sainte-Justine et dans un centre d'accueil pour malades chroniques. Est-ce que le ministre de la Justice nous dit qu'il suffit de faire la grève seulement trois heures par jour pour respecter l'esprit de la loi 62? Si c'est cela, on va pouvoir bloquer tous les hôpitaux constamment, seulement en faisant la grève trois heures par jour.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je suis très surpris des propos du député de Saint-Laurent, parce que je puis lui dire que la justice n'a pas besoin, non plus, d'un député qui essaie de créer un état de panique, alors qu'il n'y en a pas.

M. Forget: Question de privilège, M. le Président.

M. Bédard: Vous avez une question de privilège? Faites-en une.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, sur une question de privilège.

M. Forget: M. le Président, le ministre de la Justice m'accuse de créer une situation de panique. J'essaie simplement d'obtenir du ministre de la Justice des indications claires de ses intentions, de façon, précisément, que la panique ne résulte pas de la situation actuelle.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: C'est ce que j'avais compris de votre question et je m'apprête à donner la réponse appropriée. Je redis, cependant, que le député de Saint-Laurent se sente visé ou pas, que la justice n'a pas besoin de quelque député que ce soit pour créer un état de panique là où il n'y en a pas. Le meilleur exemple en est ce qu'a fait le député de Saint-Laurent tout à l'heure, parce qu'il est en train d'essayer d'adresser des reproches au ministre de la Justice concernant des faits qui se sont passés à un centre d'accueil. M. le Président, ces faits se sont produits aujourd'hui. J'ai pris la peine de dire au député de Saint-Laurent ou à celui qui a posé la question tout à l'heure que, justement, ce cas particulier, de même que les autres cas isolés, de même que le cas de Sainte-Justine qu'on a évoqué tout à l'heure, où il y avait certaines difficultés d'accès, font l'objet, à l'heure actuelle, des enquêtes appropriées par le ministère de la Justice et que les décisions seront prises en conséquence, mais sans panique.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

Débrayages à la CTCUM

M. Goulet: Ma question s'adresse au ministre du Travail. On sait, M. le Président, que les Montréalais ne sont pas seulement inquiets de la situation qui prévaut dans leurs hôpitaux, mais qu'ils doivent également faire face à un débrayage possible du transport en commun, un débrayage éventuel. Sur ce point, je pense que c'est vrai de dire que la population ne sait plus sur quel pied danser, pour ne pas dire sur quel pied marcher. Malgré un ordre de poursuivre le travail de la part du syndicat, certains secteurs de la ville ont été paralysés par des débrayages d'un certain nombre de chauffeurs d'autobus. Je sais que le ministre a rencontré, hier soir, le président du comité exécutif. Peut-il à l'instant nous assurer, à la suite de cette intervention personnelle dans le dossier, s'il y aura enfin un règlement définitif d'ici peu, de manière que la population n'ait pas à vivre dans cette incertitude qui lui pend au bout du nez constamment?

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, effectivement, il y a eu, hier, un épisode, qui a duré quelques heures, où, à partir de la station Namur de la Commission de transport qui dessert une partie de l'Ouest et du Nord-Ouest de l'île de Montréal, il y aurait eu un ralentissement. La veille, le syndicat avait laissé entendre qu'il y aurait débrayage ce jour-là, mais avait contremandé le débrayage. Il semble que, pour une raison ou pour une autre, compte tenu de l'heure à laquelle se sont levés ceux qui voulaient faire débrayage, il y en a quelques-uns qui ont décidé qu'ils n'iraient pas ce jour-là. Cela a pris quelques heures et tout est rentré dans l'ordre. Au moment où on se parle, effectivement, le transport en commun fonctionne à 100% à Montréal.

Deuxièmement, j'ai rencontré M. Normand Hamelin, président de la Fraternité des chauffeurs d'autobus, hier. M. Hamelin a tenté de m'expli-quer — c'est pour cela que je l'ai convoqué — comment 54% de votes oui à la proposition d'un médiateur du ministère du Travail ce n'était pas concluant. Je dois avouer que je n'ai pas été

particulièrement convaincu par les arguments invoqués par le syndicat. Le syndicat, pas sa constitution, doit soumettre pour une approbation à 66% les projets de convention collective, ce qui veut dire qu'en pratique, quand un syndicat exige cela et que pour lui, la majorité n'est pas 50% plus un, c'est 66%, on peut assister à une escalade sans fin jusqu'à ce qu'il y ait moins de 35% de gens qui soient vaguement insatisfaits de ce qu'il y a là. Ceci m'étonne un peu. Sur le plan habituel des relations de travail, c'est plutôt inusité, puisqu'en général la majorité, c'est 50% plus un. Cela crée l'ambiguïté suivante: le ministère du Travail a envoyé deux conciliateurs dans le dossier, par la suite un médiateur qui a fait un rapport technique, complexe et dont s'est félicité d'ailleurs le président du syndicat qui l'avait recommandé, ce rapport, en assemblée générale, et le résultat d'un vote au scrutin secret des membres présents à l'assemblée, c'était 54% pour.

Par contre, après qu'une série des personnes eut quitté la salle, il y a eu un vote, aux petites heures du matin, pour octroyer au syndicat un mandat d'exercer des mesures de pression par voie de débrayages occasionnels. Ce qui fait qu'au moment où nous nous parlons, le syndicat a deux mandats: il a, d'une part, un mandat effectivement majoritaire d'acceptation de la proposition de M. Desilets comme convention collective, mais, d'autre part, un mandat de faire des moyens de pression pour que ce soit changé. Heureusement que la constitution du syndicat ne dit pas que cela prend 99% du monde qui soient satisfaits; sans cela il n'y aurait jamais de convention collective dans ce syndicat-là. D'une part, il y a cela.

Deuxièmement, à l'occasion de cette rencontre avec M. Hamelin, j'ai cependant constaté qu'il y avait un problème technique au niveau de l'interprétation de données touchant les assignations, la masse salariale, etc., entre la CTCUM et le syndicat. Je puis donc vous affirmer qu'à compter d'aujourd'hui il y aura des échanges entre le syndicat et la Commission de transport sur ces données techniques et ces questions de chiffres touchant la masse salariale qui est impliquée.

Le tout, je crois, sans qu'il n'y ait normalement de perturbations du service de transport en commun à Montréal. (14 h 50)

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, le ministre ne croit-il pas que ce serait à lui ou à son ministère de fixer un pourcentage de vote acceptable quant au résultat d'un vote et ne pas laisser ça à un syndicat? Comme il l'a souligné tout à l'heure, si le syndicat décidait de mettre ça à 90%, ce serait la même chose.

Dans le deuxième volet de la deuxième partie de ma question, dans le journal Le Devoir de ce matin on laisse entendre que cet imbroglio dans les procédures de régie interne de la fraternité — le ministre a touché une partie du problème tout à l'heure en parlant du pourcentage du vote — ce n'est, d'après l'article du Devoir, que la pointe d'un iceberg au-dessus de problèmes plus graves qui apparaissent à plusieurs chauffeurs comme étant non résolus par le projet de convention collective. On dit qu'un climat d'extrême méfiance entre l'employeur et ses employés a incité le médiateur, M. Desilets, à recommander aux parties en cause de tenter l'expérience d'une médiation préventive devant parvenir à des conclusions dans les six mois suivant la signature d'une convention collective.

Je veux savoir du ministre s'il y a des possibilités que cette suggestion du médiateur en faveur d'une médiation préventive soit acceptée; est-ce qu'il en a été question hier soir? Et qu'on arrête de jouer au chat et à la souris avec la population.

Pour ne pas avoir besoin de me relever, si ça ne fonctionne pas, est-ce que le ministre prévoir dans ce cas-là également une loi pour qu'enfin, une fois pour toutes, à Montréal, on sache à quoi s'en tenir?

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-D'oeuvre.

M. Johnson: La dernière partie de la question du député est entièrement hypothétique, spéculative et dramatise à l'avance. Deuxièmement, je ne peux pas, en vertu des lois...

M. Goulet: Question de privilège. Je ne peux pas permettre qu'on m'accuse de dramatiser. On m'a accusé de ça ici pour la ville de Québec et cela a duré six à huit mois le conflit. Ce n'était pas dramatiser, M. le Président. On ne voudrait pas que ce soit la même chose pour la moitié de la province de Québec qui réside à Montréal.

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, le transport en commun fonctionne à Montréal. Peut-être que le député de Bellechasse n'y est pas allé récemment. Deuxièmement, quant à la loi, il n'appartient pas au gouvernement, au ministre du Travail ou à un fonctionnaire, en vertu du Code du travail — après tout, les lois sont adoptées par cette Assemblée — de décider ce que sera la constitution du syndicat au chapitre du vote, sauf par voie spécifique qui serait des amendements au Code du travail ou une loi spécifique dans ce cas.

Ce à quoi on a affaire, c'est un syndicat, un des rares syndicats, à part le groupe des "teamsters", qui, effectivement, dans sa constitution, possède une telle règle de majorité. C'est un des rares syndicats où la majorité c'est plus que 50% plus 1. Cela donne des ambiguïtés comme celle qu'on connaît.

Deuxièmement, quant à la médiation préventive, assurément, je pense qu'historiquement ce n'est pas compliqué d'en faire le compte. Les relations de travail à la CTCUM sont assez pourries, merci. C'est pour cela que mon ministère a suggéré, dans le rapport de médiation qui a été adopté, qu'effectivement les parties se livrent à un exercice de médiation préventive pour essayer de discuter de certains des problèmes au lieu d'être

obligées, toujours, en catastrophe, en plein coeur d'un conflit, de tout régler. C'est accepter que la convention et le rapport de médiation portent sur un ensemble de conditions de travail et que certains des problèmes puissent faire l'objet de discussions entre les parties, calmement, avec les ressources extrêmement efficaces qu'on peut leur donner au ministère du Travail.

M. Goulet: La dernière, M. le Président, si vous le permettez.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Est-ce que le ministre a demandé ou va demander au président du syndicat de reporter son vote à 50% ou 50% plus un? Il dit que c'est inacceptable, mais est-ce qu'il a fait des pressions de ce côté pour leur demander de faire un peu comme partout ailleurs, tout simplement de ramener cela à 50% plus un, à la majorité absolue?

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, il y a plusieurs choses dans ce que vient de dire le député de Bellechasse. D'abord, je n'ai pas dit que c'était inacceptable; j'ai dit que c'était étonnant et peu usuel. Encore une fois, je n'ai pas dit que c'était inacceptable. Si je pensais que c'était inacceptable, je l'aurais dit et il faudrait agir en conséquence. Je dis juste que c'est surprenant, étonnant et inhabituel. Je pense que le syndicat doit y penser. Sauf que pour y penser, théoriquement, le syndicat serait obligé d'amender sa propre constitution. Il respecte sa propre constitution en faisant ce qu'il fait présentement. Donc, il y a un problème.

Ce que je peux vous dire, c'est que la Fraternité, en tant qu'exécutif, a un problème parce qu'elle a deux mandats contradictoires entre les mains. D'une part, il y en a qui acceptent un rapport de médiation et, d'autre part, il y en a qui veulent qu'il y ait des moyens de pression qui soient exercés. C'est un peu étrange comme situation.

Les façons de dénouer la situation c'est qu'on finisse par s'entendre. Si la question des échanges de chiffres et des échanges de données très précises sur l'interprétation de certains aspects du rapport peuvent se dénouer entre la commission et le syndicat, éventuellement, tant mieux. On n'en parlera pas et leur problème de constitution interne, on y verra ou, quand on amendera le Code du travail, on y pensera un de ces jours.

Ou encore, le président du syndicat a, en vertu de cette même constitution le pouvoir de demander ce qu'on appelle un référendum à l'intérieur du syndicat et, cette fois, ce ne sont pas les membres présents à l'assemblée qui votent, mais tous les membres du syndicat votent. Encore une fois, cela prendrait 66% pour l'acceptation du rapport.

Le Président: M. le député de Rouyn-Noranda.

Siège social de la SDBJ

M. Samson: M. le Président, je voudrais adresser ma question à l'honorable ministre de l'Energie et des Ressources. Dernièrement, le ministre mentionnait que la Société de développement de la Baie James se verrait probablement confier un nouveau mandat par le gouvernement. Dans l'élaboration de ce nouveau mandat, il serait peut-être possible qu'on voie arriver le siège social de la Société de développement de la Baie James dans la région du Nord-Ouest québécois. J'aimerais demander au ministre s'il serait en mesure, aujourd'hui, de nous faire savoir si ce nouveau mandat a été décidé et de nous donner, si possible, quelques éléments de ce nouveau mandat de la Société de développement de la Baie James.

Dans sa réponse, il y a quelques semaines, le ministre mentionnait qu'au conseil d'administration de la Société de développement de la Baie James deux nouvelles personnalités venaient d'être nommées. J'avais cru, à ce moment-là, qu'il s'agissait de deux postes nouveaux, mais j'ai appris, par la suite, que c'était en remplacement de deux membres du conseil d'administration qui étaient à ce moment-là en poste. Comme il y avait, parmi ces deux membres, M. Lucien Cliche, de la région du Nord-Ouest québécois, dont le mandat venait à terme, le ministre pourrait-il en profiter pour me dire s'il y a des raisons spéciales pour lesquelles le mandat du seul membre venant de la région du Nord-Ouest n'a pas été renouvelé à cette occasion?

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: M. le Président, en fait, ce n'était pas parce que je tenais à expulser quelqu'un de la région, mais tout simplement parce que nous tenions à donner un meilleur contrôle sur la Société de développement de la Baie James par des entreprises québécoises, des sociétés d'Etat qui oeuvrent déjà dans le domaine. C'est pour cette raison que le président de SOQUEM est devenu membre du conseil d'administration de la SDBJ et, également, que le président de la SEBJ est devenu membre du conseil d'administration de la SDBJ, de manière qu'on puisse minimiser les dédoublements puisque ces sociétés d'Etat oeuvrent dans les mêmes secteurs que la SDBJ.

Les dédoublements qui s'ensuivent sont souvent des dédoublements coûteux. C'était donc pour tenter d'assurer une meilleure cohésion dans l'évaluation du mandat de la SDBJ que ces deux personnes ont été nommées à la place de deux candidats qui étaient là précédemment.

Je dois dire cependant que, advenant la définition du nouveau mandat, le mandat de la SDBJ devenant plus clair, à ce moment-là, il y aurait lieu de nommer un conseil d'administration qui répon-

dra aux objectifs du gouvernement. Mais pour l'instant, ce que nous avons comme objectif, c'est tenter de clarifier le rôle respectif de la SDBJ par rapport aux autres sociétés d'Etat.

Maintenant, je termine en soulignant que, pour l'instant, il n'y a pas eu de définition du mandat de la SOBJ pour la simple raison que le haut fonctionnaire de mon ministère qui était chargé de ce mandat a quitté l'emploi du ministère, mais il continue cependant à siéger auprès de la SDBJ, d'une part. D'autre part, j'attends d'ici la semaine prochaine la nomination d'un nouveau sous-ministre à mon ministère, ce qui me permettra de reprendre le dossier là où il était rendu et d'en arriver plus rapidement à une réponse.

Le Président: Fin de la période des questions.

Motions non annoncées.

Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Je crois qu'il y a des votes en suspens. Maintenant, M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle, pourriez-vous indiquer à la présidence le choix de la question avec débat de vendredi prochain?

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je vous remercie de cette invitation fort à propos que vous nous faites à ce moment-ci...

M. Ryan: Pendant que tu cherches... (15 heures)

M. Levesque (Bonaventure):... et qui m'amène à vous indiquer, de la façon la plus précise possible, la question avec débat qui sera appelée pour vendredi, dans neuf jours. Ce sera celle que l'on retrouve à la page 10 du feuilleton d'aujourd'hui.

M. Ryan: Celui qui garde la rondelle pendant que le gars est en pénitence.

M. Levesque (Bonaventure): Commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre, question avec débat du député de Portneuf au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre sur le sujet suivant: L'application du règlement de placement dans l'industrie de la construction et les règlements de qualification appliqués par la Régie des entreprises de construction.

Le Président: Avis vous est donné en conséquence, M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je demande maintenant qu'on appelle les députés.

Suspension à 15 h 1

Reprise à 15 h 14

Motion priant le gouvernement d'intervenir

pour faire abaisser le taux d'intérêt

de la Banque du Canada

Mise aux voix du sous-amendement

Le Président: Je mets maintenant aux voix la motion, l'amendement et le sous-amendement sur la motion de M. le député de Rouyn-Noranda. Je mets d'abord aux voix le sous-amendement apporté par M. le député d'Outremont, lequel se lit comme suit: "Que l'amendement du ministre d'Etat au Développement économique soit amendé par le remplacement de tous les mots après "prenne des mesures" par les suivants: "fiscales nécessaires afin d'atténuer le plus possible les effets pour les personnes à faible revenu de l'augmentation du taux d'intérêt et que, de son propre chef, le gouvernement du Québec prenne des mesures visant le même objectif."

Que ceux et celles qui sont en faveur de ce sous-amendement veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure), Saint-Germain, Vaillancourt (Orford), Lalonde, Rivest, Ciaccia, Lamontagne, Giasson, Caron, Dubois, Picotte, Marchand, Gratton, Pagé, Springate.

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre ce sous-amendement veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Charron, Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Morin (Louis-Hébert), Parizeau, Marois, Landry, Léonard, Vaugeois, Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Gendron, de Belleval, Johnson, Chevrette, Duhaime, Lessard, Lazure, Léger, Tardif, Garon, O'Neill, Martel, Paquette, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge, Grégoire, Guay, Lefebvre, Laplante, Mme Leblanc-Bantey, MM. de Bellefeuille, Dussault, Marquis, Ouellette, Perron, Gosselin, Jolivet, Brassard, Godin, Lavigne, Mercier, Boucher, Desbiens, Baril, Charbonneau, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Brochu, Grenier, Goulet, Fontaine, Le Moignan, Samson.

Le Président: Que ceux et celles qui veulent s'abstenir veuillent bien se lever.

Le Secrétaire: Pour: 16 — Contre: 63 — Abstentions: 0

Le Président: Le sous-amendement est rejeté.

Mise aux voix de l'amendement

Je mets maintenant aux voix l'amendement proposé par M. le ministre d'Etat au Développement économique, qui se lit comme suit: "Que la motion en discussion soit amendée en remplaçant, dans la sixième ligne, tous les mots après les mots "celle-ci" par les mots "évite de hausser indûment les taux d'intérêt et pour que le gouvernement fédéral prenne des mesures correctives afin d'atténuer les effets négatifs de ces taux anormalement élevés, ceci notamment pour les PME et les citoyens les plus durement touchés."

Que ceux et celles qui sont en faveur de cet amendement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire: MM. Lévesque (Taillon), Charron, Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Morin (Louis-Hébert), Parizeau, Marois, Landry, Léonard, Vaugeois, Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Gendron, de Belleval, Johnson, Chevrette, Duhaime, Lessard, Lazure, Léger, Tardif, Garon, O'Neill, Martel, Paquette, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge, Grégoire, Guay, Lefebvre, Laplante, Mme Leblanc-Bantey, MM. de Bellefeuille, Dussault, Marquis, Ouellette, Perron, Gosselin, Jolivet, Brassard, Godin, Lavigne, Mercier, Boucher, Desbiens, Baril, Charbonneau, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Ryan, Levesque (Bonaventure), Saint-Germain, Vaillancourt (Orford), Lalonde, Rivest, Ciaccia, Lamontagne, Giasson, Caron, Dubois, Picotte, Marchand, Gratton, Pagé, Springate, Brochu, Grenier, Goulet, Fontaine, Le Moignan, Samson.

Le Secrétaire adjoint: Pour: 79 — contre: 0 — Abstentions: 0

Le Président: L'amendement est adopté.

M. Charron: Puis-je proposer le même vote pour la motion principale?

Mise aux voix de la motion principale

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, est-ce qu'il y a consentement? M. le député de Rouyn-Noranda? Alors, il y a consentement et c'est le même vote sur la motion principale de M. le député de Rouyn-Noranda, telle qu'amendée par le ministre d'Etat au Développement économique. Je déclare la motion adoptée telle qu'amendée. (15 h 20)

M. le leader parlementaire du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Charron: Je voudrais, d'abord, indiquer que la réunion mensuelle de la commission des engagements financiers se fera à la salle 91-A, à compter de 9 h 30 le matin, le jeudi 29 novembre prochain. De même, mardi matin prochain, trois commissions se réuniront: au salon rouge, c'est la commission de la présidence du conseil et de la constitution qui entreprendra à ce moment l'étude article par article du projet de loi no 10; à la salle 81-A, ce sera celle des affaires culturelles qui poursuivra l'étude article par article du projet de loi sur le livre et, à la salle 91-A, ce sera celle des consommateurs, coopératives et institutions financières qui poursuivra l'étude article par article du projet de loi no 54. Demain matin, au salon bleu, ici, ce sera la réunion de la commission parlementaire des affaires sociales à la demande du député de Mégantic-Compton, à compter de 10 heures du matin.

M. Grenier: Est-ce que vous pourriez relire le sujet de la motion de demain?

M. Charron: Je peux la relire. Il s'agit, tel que le député a choisi de l'inscrire, de "la définition d'une politique familiale au Québec". Je fais motion, M. le Président, pour que, cet après-midi et ce soir, aux heures régulières de la Chambre, se réunisse la commission de la présidence du conseil jusqu'à ce qu'elle ait achevé l'étude article par article du projet de loi no 9. Je signale la présence à cette commission, cet après-midi, du directeur général des élections afin de pouvoir répondre à certaines questions des députés membres de la commission comme ceux-ci l'ont exprimé. De même, je fais motion pour qu'à 81-A, aux mêmes heures, la commission de la justice se réunisse pour poursuivre l'étude article par article du projet de loi no 55.

Le Vice-Président: Est-ce que ces motions seront adoptées?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article 3 du feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi no 43 Deuxième lecture Motion de report

Le Vice-Président: J'appelle donc la reprise du débat sur l'amendement de M. Russell à la motion de M. Garon proposant que le projet de loi no 43, Loi modifiant la Loi du ministère de l'Agriculture, soit maintenant lu la deuxième fois, lequel amendement se lit comme suit: "Que la motion en discussion soit amendée en retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant à la fin les mots "dans trois mois". M. le député de Maskinongé avait demandé l'ajournement du débat.

M. le député de Maskinongé.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: On se souviendra qu'hier, après avoir entamé la deuxième lecture du projet de loi no 43 et après avoir mentionné, nous de l'Opposition officielle de même que le parti de l'Union Nationale, ce que nous pensions du projet de loi no 43, le député de Brome-Missisquoi avait présenté à la considération de cette Chambre une motion de report. Cette motion de report visait à retarder de trois mois l'étude du projet de loi dans le but que le ministre de l'Agriculture nous apporte les éléments dont nous avions fait mention.

Nous devons étudier et regarder au mérite la motion de report du député de Brome-Missisquoi. C'est évident — j'entendais hier le député de Joliette-Montcalm qui a pris la parole durant dix minutes sur cette motion de report — que pour les ministériels, pour les gens assis en face de nous, c'est toujours plus facile d'utiliser le concept qui dit que lorsqu'on a une motion de report annoncée par un député de cette Chambre, c'est tout simplement dans le but de retarder davantage l'adoption d'une loi.

Evidemment, ces députés ministériels ne mentionnent pas, par la même occasion, que dans le livre du règlement que nous avons à l'Assemblée nationale — vous le connaissez, M. le Président, le règlement de l'Assemblée nationale et sans doute beaucoup mieux que moi encore, vous me sem-blez être un expert en la matière — qui comprend tout près de 200 articles, la seule façon pour un député de l'Opposition d'obtenir des renseignements additionnels d'un ministre responsable de quelque ministère que ce soit et au sujet de quelque projet de loi que ce soit, la seule façon de demander au ministre de nous fournir des renseignements additionnels en attendant de pouvoir nous prononcer est d'utiliser cet article de notre règlement qui permet la motion de report.

C'est le seul article qui nous permet d'obtenir des renseignements additionnels de la part du ministre de l'Agriculture. Même pas, M. le Président; une question en Chambre nous permettrait d'obtenir les renseignements que nous voulons obtenir. Je vous vois déjà, dans votre sagesse habituelle, si un député — que ce soit le député de Brome-Missisquoi ou moi-même ou n'importe quel député de l'Opposition officielle — demandait au ministre de l'Agriculture, durant la période de questions, de préciser certaines choses, nous mentionner que c'est hors règlement puisque nous sommes en train de l'étudier en deuxième lecture, que nous aurons la commission parlementaire dans quelques jours, une semaine tout au plus, pour étudier article par article ce projet de loi. A ce moment-là, cette question serait hors d'ordre à l'Assemblée nationale.

Donc, il ne reste qu'une solution, M. le Président, c'est la motion de report. Je vous dirai, au point de départ, que, bien que je pense et bien que je sois convaincu que cette motion de report est importante et a sa valeur, je ne pourrais pas, personnellement, y souscrire, pour des raisons bien précises que je vais vous énumérer. Une motion de report à trois mois — je ne dis pas s'il avait été question d'une motion de report à une semaine ou quinze jours, le temps que le ministre de l'Agriculture nous amène ce qu'on a pu lui demander comme renseignements — aurait pour effet, cela fait déjà un an que le projet de loi est déposé, de prolonger pour trois mois additionnels. Quant à nous, de l'Opposition officielle, j'ai eu l'occasion de vous mentionner, en deuxième lecture, que nous avions insisté, lors de l'étude du projet de loi no 90, pour qu'une loi soit amenée dans le but de créer une banque de sols arables. Donc, c'est évident qu'en prolongeant de trois mois ce serait contraire à ce que nous avons exigé lors de l'étude de troisième lecture. C'est un point.

Il y a un deuxième point tout aussi important. Nous connaissons le ministre de l'Agriculture; nous connaissons ce gouvernement d'emballage, un gouvernement qui fait de beaux emballages avec des ballons soufflés à l'intérieur, avec de beaux rubans qui s'en viennent de plus en plus rouges, avec un beau chou rouge — hier, en tout cas, le ruban était plus rouge qu'à l'accoutumée — ce gouvernement nous présente des lois pour attirer l'attention des Québécois.

Connaissant le ministre de l'Agriculture, même si nous lui demandions et même si nous lui donnions trois mois pour tâcher de répondre aux questions que nous avons posées hier, à savoir qu'il nous dise d'avance quel organisme va administrer ce projet de loi officiellement et non pas de nous dire que cela devrait être tel organisme ou que ce serait peut-être tel autre organisme, mais nous dire que c'est tel organisme qui va s'occuper de cela, tel qu'on l'a demandé en deuxième lecture... donner encore trois mois au ministre de l'Agriculture pour qu'il nous dise d'après quels critères et de quelle façon vont se faire les transactions soit pour le louage d'une terre arable qui fera partie de la banque de sols arables, soit encore pour la vendre... Je l'ai dit hier, M. le Président. En supposant qu'il y aurait deux députés en cette Chambre qui seraient des agriculteurs... Il y a quelques députés qui sont des agriculteurs. Je suppose que le député de Kamouraska et le député de Maskinongé sont des agriculteurs, si je prends cet exemple de mon côté. Supposons qu'il y ait dans la banque de sols arables une terre à vendre. Le député de Kamouraska est intéressé. On sait qu'il fait partie du gouvernement qui est au pouvoir. Il est près du ministre de l'Agriculture. Le député de Maskinongé qui, à certaines occasions, critique les projets de loi du ministre de l'Agriculture parce qu'il ne les trouve pas assez sains pour l'ensemble des agriculteurs du Québec est intéressé lui aussi. D'après quels critères va-t-on adjuger cette terre et à quel prix? Va-t-on préférer le député de Kamouraska au député de Maskinongé?

Une Voix: Oui.

M. Picotte: Est-ce que cela va prendre une carte du Parti québécois à ce moment-là? Je sais que celui qui la posséderait aurait le haut du pavé.

C'est tout cela qu'on a demandé au ministre de l'Agriculture. M. le Président, même si on donnait trois mois additionnels au ministre de l'Agriculture, il ne nous fournirait pas ces renseignements. On le connaît d'avance. D'abord, il ne le sait pas. Il n'est pas capable de nous répondre. Ce sont ses technocrates qui connaissent cela. Deuxièmement, je pense que pour lui, c'est du superflu. Pour lui, ces choses ne sont pas importantes. Pour lui, ce qui est important, c'est de faire adopter quelques lois et de dire: Je ne peux pas, durant mon terme de ministre — parce que cela ne durera pas tellement longtemps encore — ne pas avoir fait adopter de lois dans le domaine de l'agriculture. S'il dit: J'en ai fait adopter sept ou huit, M. le Président, que cela ait de l'allure ou moins d'allure, cela n'a pas d'importance. (15 h 30)

Je pense que donner trois mois additionnels au ministre de l'Agriculture, ce serait nous conter à nous-mêmes des mensonges; ce serait tomber dans un piège avec lequel il pourrait s'amuser après. On sait, M. le Président, à quel point le ministre de l'Agriculture est peu sérieux. Il n'est pas tout à fait sérieux. Il s'amuse avec des choses bien facilement. Ce serait tomber dans le propre piège du ministre de l'Agriculture. Je le verrais se taper la bedaine et se dire: Ils vont retarder de trois mois additionnels. L'Opposition n'est bonne que pour retarder; donc, ils n'auront pas d'autres renseignements additionnels.

M. le Président, ce serait fort à propos si on avait affaire à un ministre plus collaborateur; si on avait affaire à un ministre qui prend l'agriculture au sérieux, on aurait peut-être souscrit à cette motion de report, mais, connaissant toutes ces choses-là, en ce qui me concerne, en tout cas, je me vois dans l'obligation de ne pas souscrire à la motion et d'étudier, le plus rapidement possible, ce projet de loi en espérant, comme je l'ai mentionné tantôt, que les fonctionnaires du ministère, lors de l'étude article par article, sauront nous donner les vraies réponses, M. le Président.

Je remercie, en terminant, la Chambre de m'avoir laissé l'occasion aujourd'hui de faire mon discours sans interruption. Je sais que les événements d'hier ont permis aujourd'hui aux gens d'écouter, sachant qu'assez souvent nos sages conseils peuvent leur porter profit. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Bellechasse.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Merci, M. le Président. Nous avons devant nous une motion de report à trois mois concernant le projet de loi no 43 que nous étudions présentement en deuxième lecture, Loi modifiant la Loi du ministère de l'Agriculture. D'abord, je vous informe qu'en vertu de l'article 94 de notre règlement je parlerai sur cette motion comme représentant de ma formation politique, ce qui devrait vous permettre de m'accorder 30 minutes.

Pourquoi une motion de report? Voilà la question qui a été posée par tous les intervenants qui m'ont précédé et qui se sont prévalus de leur droit de parole sur cette motion. Pourquoi une motion de report? D'après le député de Joliette-Montcalm, cette motion n'aurait pas sa raison d'être et elle aurait été formulée dans le seul but de faire perdre du temps à la Chambre, accusation, M. le Président — vous en conviendrez avec moi — sans fondement qui me surprend beaucoup de la part du député qui l'a formulée.

Revenons au fond même de la motion. Connaissant très bien le parrain de cette motion de report, connaissant très bien son objectivité, son sens du devoir et le connaissant comme un homme responsable, vous comprendrez que je me devais de réfuter les propos du député de Joliette-Montcalm et de revenir à la charge afin d'expliquer la raison d'être et le bien-fondé de la motion présentée par le député unioniste de Brome-Missisquoi. "Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage" sera le dicton qui m'inspirera afin d'essayer de faire comprendre aux gens d'en face qu'ils doivent appuyer une telle motion, et que trois mois, ce ne sera pas du temps gaspillé.

Pourquoi demander au gouvernement l'adoption de cette motion et ainsi accorder une période de trois mois? Pour plusieurs raisons. D'accord, le député de Maskinongé nous a dit que, peut-être, deux semaines auraient suffi, peut-être qu'un mois suffi, mais à un moment donné il faut mettre un chiffre et nous avons jugé en toute objectivité que trois mois serait un laps de temps raisonnable, un laps de temps réaliste. Trois mois, cela permettrait d'abord de convoquer une commission parlementaire, si ce n'est qu'une journée ou deux, pour nous permettre d'entendre certaines personnes intéressées, certaines personnes très qualifiées et touchées par ce projet de loi; ces personnes pourraient se présenter devant les membres de cette Assemblée pour leur dire ce qu'elles pensent du projet de loi.

Cela pourrait également nous permettre de questionner le ministre sur les véritables buts visés par ce projet de loi, parce qu'il y a certainement des buts visés par ce projet de loi qui ne sont pas inscrits dans cette loi ou, tout au moins, qui ne sont pas clairs. Cela permettrait également au ministre et à d'autres personnes de nous expliquer pourquoi ce projet de loi ne nous a pas été présenté en même temps que la Loi sur la protection du territoire agricole. Le projet de loi no 99 a été présenté en même temps, mais je veux dire: Pourquoi n'a-t-il pas été inclus dans le projet de loi no 90 qui, maintenant, est force de loi? Cela pourrait également permettre au ministre de nous prouver qu'actuellement nous manquons de terres arables au Québec, nous manquons de sols et surtout après l'adoption de la loi 90, Loi sur la protection du territoire agricole, cela permettrait au ministre de nous dire pourquoi nous avons besoin de plus que ce projet de loi.

Cela permettrait également au ministre de nous prouver en quoi cette loi sera bénéfique aux agriculteurs déjà en place, pas aux agriculteurs

éventuels, aux agriculteurs déjà en place, d'abord. Je pense que c'est d'abord à ces gens qu'il faut penser lorsqu'on parle d'agriculture, et ça permettrait au ministre de venir nous dire en quoi ce projet de loi sera bénéfique directement aux agriculteurs déjà en place. Ces trois mois permettraient également au ministre de nous dire pourquoi le gouvernement veut posséder les terres au lieu d'en faciliter la vente ou l'achat par des agriculteurs. Pourquoi veut-il en posséder d'abord pour ensuite en faire ce qu'il voudra bien en faire?

Cela permettrait — et c'est le point sur lequel j'attache le plus d'importance durant mon intervention — au ministre de déposer les règlements, parce qu'il faut prendre connaissance de ce projet de loi no 43 pour s'apercevoir qu'il y aura énormément de règlements. On sait que bien souvent les règlements, sans changer le principe, changent beaucoup l'application d'une loi. On reviendra aux règlements tout à l'heure, M. le Président.

Cela permettrait également au ministre de nous donner beaucoup plus d'information qu'il n'en a donnée hier lors de son discours de deuxième lecture, discours de présentation, concernant le bail éventuel que devra signer le locateur, concernant les suivis de ce bail, la durée de ce bail. Le député de Joliette-Montcalm nous a dit: Vous demandez une motion de report parce que vous voulez protéger vos amis. M. le Président, on aurait justement des questions à poser à l'honorable ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation concernant les pressions politiques qui pourront être faites une fois que cette loi sera en vigueur, juste concernant le bail et qui a priorité. Nous aurions beaucoup de questions. D'accord, M. le Président. Le ministre nous dira: Vous viendrez les faire en commission parlementaire, mais en commission parlementaire il sera trop tard parce que le principe du projet de loi sera adopté, et c'est pourquoi nous voulons avoir ces règlements. Nous aimerions connaître le contenu de ces règlements avant de se rendre en commission parlementaire, parce qu'une fois rendu en commission parlementaire il sera trop tard.

Cela permettrait également au ministre d'être plus loquace concernant les informations qu'il nous a données hier, lorsqu'on tient compte de l'option d'achat. Il y aurait énormément de questions que nous aimerions sans faute poser au ministre avant de se rendre en commission parlementaire, avant l'adoption de ce projet de loi en deuxième lecture, avant l'adoption du principe. C'est pour cela, M. le Président, qu'une commission parlementaire — je ne parle pas d'une commission de quinze jours, une commission parlementaire de quelques jours, quelques heures — pourrait permettre au ministre de répondre à ces questions et également de déposer certains règlements.

Il est vrai, comme l'a dit le député de Joliette-Montcalm, que la loi a été déposée il y a tout près d'un an. A ce moment, le projet portait le no 99. On ne pourrait pas dire, pour être honnête, qu'on l'a réimprimé, mais on l'a tout simplement déposé de nouveau de façon qu'il ne porte pas le même numéro. C'est vrai qu'il y a un projet de loi no 99 qui est sensiblement la même chose que celui-ci qui a été déposé il y a un an, il faut l'admettre. (15 h 40)

M. le Président, justement, le député de Joliette-Montcalm, hier, lorsqu'il parlait contre cette motion de report à trois mois, disait que l'Opposition n'avait pas eu le temps de se préparer, de prendre connaissance du projet de loi et c'est là justement le fond du problème parce que nous disons: Raison de plus, si ce projet de loi a été déjà déposé il y a un an ou tout près d'un an, comment se fait-il que le ministre et ses fonctionnaires ne peuvent pas nous déposer les règlements immédiatement? La période d'un an qui a couru pour nous, pour prendre connaissance du projet de loi, pourquoi le ministre n'a-t-il pas bénéficié lui aussi de cette période d'un an pour nous déposer certains règlements, s'il ne peut pas les déposer tous? C'est là, M. le Président, la raison fondamentale de la motion de report. On voudrait lui donner trois mois de plus au ministre — j'aurais envie d'être méchant — pour lui permettre de compléter ses devoirs, comme disait mon professeur dans le temps que j'étais étudiant. Depuis un an, il semble qu'il n'a pas eu le temps de les faire ou, s'il a eu le temps de préparer ses règlements, pourquoi les cacher et ne pas les déposer immédiatement?

M. le Président, loin de nous l'idée de reporter ce projet de loi pour le plaisir de le reporter, mais c'est parce que nous aimerions connaître les règlements. Le député de Joliette-Montcalm, hier également, nous a dit: Cela permettrait, par exemple, au ministère des Transports de céder certaines parties de terrain qui lui appartiennent, parce que les agriculteurs seraient intéressés à les avoir.

M. le Président, on n'a pas du tout besoin d'un projet de loi comme cela. Le ministère des Transports s'il possède une terre — ou du sol arable — et qu'il veut s'en départir n'a pas besoin de la vendre au gouvernement, la vendre au ministère de l'Agriculture pour qu'ensuite le ministère de l'Agriculture la revende à un particulier. Il peut la vendre à n'importe quel agriculteur, en mettant une condition que la personne qui achètera cette partie de terrain devra s'en servir pour l'agriculture. Le ministère des Transports peut très bien faire cela sans passer par le ministère de l'Agriculture.

Alors, la raison invoquée par le député de Joliette-Montcalm ne tient pas parce que le ministère des Transports pourrait très bien se départir de ce sol arable qui lui appartient et le vendre directement à des particuliers ou à des agriculteurs voisins, possédant des terrains voisins, en y mettant une condition dans un contrat. Qu'est-ce qu'un contrat? Simplement, lorsqu'il le vendra il mettra une condition en disant: Ce sol devra servir ou devra être vendu à un agriculteur, à condition qu'il le cultive. Il n'est pas nécessaire de passer par le ministère de l'Agriculture pour cela.

Les règlements, j'y reviens, j'avais dit tout à l'heure que je reviendrais aux règlements. Est-ce important les règlements? Est-ce que le député de Bellechasse ou le député de Brome-Missisquoi

parlent de cela pour le plaisir d'en parler? Parce qu'il faut le faire en deuxième lecture? Je voudrais savoir qu'est-ce qu'on doit penser de cela. Je vais vous citer des grands hommes. Je ne vous citerai pas des libéraux, parce qu'on va nous dire dans la face que si cela vient du Parti libéral, ce n'est pas bon. Je ne vous citerai pas des unionistes, parce qu'on va dire: Ecoutez, cela vient de l'Opposition, ce n'est pas bon. Je ne vous citerai pas des députés du Parti québécois qui siégeaient dans cette Chambre du côté de l'Opposition de 1970 à 1976, parce que je le sais, on va nous répondre: Autres temps, autres moeurs, et étant donné que ce n'est pas la même conjoncture, ce ne sont pas les mêmes propos, parce qu'eux aussi ont exigé des dépôts de règlements avant l'adoption d'une deuxième lecture. Je ne vous citerai pas ces gens; je vais vous citer des gens beaucoup plus crédibles, des gens qui ont parlé sur le bien-fondé des règlements et du rôle que devrait jouer le législateur, justement, concernant ces règlements. Vous comprenez très bien pourquoi cette période de trois mois, pour permettre de déposer ces règlements. Je vais vous citer des gens beaucoup plus crédibles que les gens de l'Opposition ou que les députés du Parti québécois qui ont siégé de 1970 à 1976.

Je vais vous citer du Bédard, un gars en qui j'ai une grande confiance. M. le Président, je me reporte au journal des Débats du jeudi 1er novembre 1979 — ce n'est pas loin — de l'Assemblée où nous siégeons, volume 21, et je m'en vais à la page 3312. C'est le ministre d'Etat à la Réforme électorale, M. Marc-André Bédard, qui parle. Toujours concernant les fameux règlements il dit ceci: "Egalement — je pense que c'est un des points majeurs — le député de Nicolet-Yamaska a émis l'opinion que les premiers règlements devraient aussi être adoptés par la commission parlementaire et non par le gouvernement." Il admet que ce n'est pas après que le projet de loi ait été adopté, mais au moins par les membres de la commission parlementaire. "Cette préoccupation du député de Nicolet-Yamaska, qui a d'ailleurs été partagée par d'autres députés de l'Opposition et également du côté ministériel, pourra faire l'objet d'une sérieuse considération. A moins qu'il y ait des obstacles tout à fait majeurs qui soient portés à mon attention par les responsables ou les spécialistes dans le domaine, je suis très disposé à prendre en grande considération cette suggestion et à apporter peut-être les correctifs nécessaires."

Le ministre en question était vraiment sincère lorsqu'il disait cela parce que, sauf erreur, hier matin, en commission parlementaire, il a biffé une section concernant les règlements au chapitre IX du projet de loi 9. Le ministre en question était sincère dans ses propos du 1er novembre parce que, 14 jours après, il biffait l'article 209 de son projet de loi et ainsi permettait que les règlements soient soumis à l'approbation de la commission permanente, c'est-à-dire aux membres de la commission avant d'être adoptés. C'est déjà un précédent, c'est déjà bien et je félicite le ministre d'Etat à la Réforme électorale d'avoir montré le pas à ses collègues.

Je vais vous citer un autre personnage extrêmement éminent, un personnage crédible; je vais vous citer du Vaugeois, M. le Président. Jeudi 8 novembre 1979.

M. Grenier: Pas du vaudeville, du Vaugeois!

M. Goulet: Non, pas du vaudeville, du Vaugeois. Jeudi 8 novembre 1979, toujours dans le journal des Débats de l'Assemblée nationale; c'est le ministre des Communications qui parle, ça doit être crédible. Si les gens de l'Opposition, lorsqu'ils demandent des règlements, font cela pour le plaisir de le faire, M. Vaugeois dit ceci: "J'ai toujours rêvé de trouver des textes qui en disaient le plus possible. Quand on prend en main un texte de loi, on rêve également d'avoir un texte qui dit l'essentiel, qui dit les objectifs, qui dit les moyens et qui est intelligible par quelqu'un de moyennement intelligent. Or, les textes de loi n'ont pas souvent cette qualité." C'était M. Vaugeois qui parlait la semaine dernière. "Les textes de loi n'ont pas souvent cette qualité et, comme législateur, je rêvais d'arriver à une loi toute simple, bien équilibrée, disant les objectifs, disant les moyens, etc. Malheureusement — c'est toujours le ministre Vaugeois qui parle, le ministre des Communications — j'ai été obligé de reconnaître que les exigences d'une législation avaient un certain nombre de contraintes et de règles qui, dans le cas présent, m'invitaient à présenter davantage une loi-cadre, ce que je me suis résigné à faire, conscient que les règlements devenaient à ce moment très importants. Pour jouer le jeu au moins, à cet égard, le plus en harmonie avec mes convictions, j'ai demandé qu'on prépare tous les règlements prévisibles en même temps et qu'on puisse déposer en commission parlementaire, en même temps que le projet de loi qui était considéré, tous les avant-projets de règlements qui étaient nécessaires pour l'application de la loi." Le ministre l'a fait dans un beau volume bien préparé.

Le ministre continue et dit ceci: "J'indique déjà, si vous voulez, la solution que je vais proposer à mes collègues de la commission parlementaire pour éviter qu'un ministre quel qu'il soit, y compris celui qui vous parle, ne puisse abuser du pouvoir qu'il a de modifier les règlements sans venir devant cette Chambre." Ecoutez, ce ne sont pas des gens de ce côté-ci qui parlent; ce sont deux de vos ministres et des gars importants, des gars qui sont assis sur la première rangée. Le ministre continue en disant: "J'ai l'intention de proposer que tous les amendements aux règlements soient soumis à un comité consultatif qui est déjà prévu dans la loi, qui existe déjà sous une forme, j'y ai fait référence tout à l'heure, la loi existante prévoit un comité consultatif du livre, notre nouveau projet de loi prévoit également ce comité avec un mandat élargi", ainsi de suite. "Le ministre aura l'obligation de soumettre tout amendement qu'il voudrait pouvoir apporter à l'un ou l'autre des règlements, il devra les soumettre à ce comité ou ce conseil, selon le terme que nous choisirons. Celui-ci, ce comité, cette commission, ce conseil, peu importe le nom, pourra, s'il le juge approprié, tenir

des audiences, recevoir des rapports, écouter des gens et l'avis de ce comité sera rendu public dans les 30 jours qui suivront sa réception par le ministre, de telle façon qu'aucun ministre ne pourra profiter du fait que beaucoup de choses sont dans les règlements pour transformer cette loi ou encore l'amener à des pratiques qui n'ont pas été voulues par les membres de ce Parlement au moyen de son étude, encore bien moins, il faut le supposer, par des gens de la profession." Fin de la citation du ministre Vaugeois. (15 h 50)

Si c'était bon la semaine dernière pour le ministre de la Justice, ministre d'Etat à la Réforme électorale, si ces propos étaient également bons pour le ministre des Communications, si c'est vrai pour ces deux ministres, je me demande pourquoi cette demande devient farfelue dès qu'elle est faite par des députés de l'Opposition. Trois mois, ce serait tout à fait raisonnable pour permettre au ministre des Communications et au ministre de la Justice de convaincre leur collègue à l'Agriculture de faire la même chose. Ils ont créé des précédents et nous devons les féliciter. C'est pour cela que nous voulons avoir ces règlements dans ce projet de loi parce que c'est exactement pour les mêmes principes qu'a invoqués le ministre des Communications.

Tenir des propos comme ceux que j'ai entendus hier, je peux dire que ce n'est pas l'objectivité qui étouffe certains députés d'en face. Ils n'ont qu'à relire les textes de leurs collègues, non pas prendre notre parole, non pas prendre celle de mes collègues de droite, mais prendre la parole de leurs ministres. Ce seul article que je viens de vous citer sur les règlements, d'après moi et bien humblement, et sans charriage, justifie à lui seul le report de ce projet de loi à trois mois. Si, dans un mois, le ministre peut nous donner ce que nous demandons, nous sommes assez honnêtes pour l'admettre et nous couperons notre motion à un mois au lieu de trois mois. Nous avons mis trois mois parce qu'on s'est dit: Si le ministre n'a pas eu le temps de le faire dans un an, trois mois seront suffisants pour lui.

Egalement, pourquoi ces trois mois, pourquoi cette motion de report? Le ministre a dit beaucoup de choses hier dans son intervention de deuxième lecture qui ne sont pas dans le projet de loi. Je ne mets pas en doute les bonnes intentions du ministre mais il a dit beaucoup de choses concernant ce projet de loi qui ne sont pas dans la loi. Pourquoi avoir peur de mettre ces choses dans le projet de loi? Il me répondra: Vous verrez, avec les règlements. Justement, qu'on nous le dise tout de suite, nous allons cesser toute discussion et nous allons adopter ce projet de loi.

Quant au bail, par exemple, on dit: En vue d'agrandir sa ferme ou de la rendre rentable. M. le Président, actuellement, le problème, à ce que je sache, surtout avec la protection des sols agricoles, ce n'est pas que les agriculteurs manquent de sols. Le problème actuellement, c'est qu'ils ont de la difficulté à avoir des quotas. En tout cas, je parle pour les agriculteurs que je connais bien, ceux du comté de Bellechasse-Dorchester. Le grand problème, ce n'est pas le manque de sols, c'est d'écouler leur production, c'est le manque de quotas. Il y en a qui produisent environ à 50%, 60% de leur capacité de production, actuellement, au niveau du lait.

Ce qu'on veut, ce sont des débouchés. En quoi ce projet de loi règle-t-il les problèmes? Absolument rien. Au lieu d'acheter des terres et de les louer, si on veut vraiment aider l'agriculteur à rentabiliser sa ferme, pourquoi ne l'aide-t-on pas davantage à s'acheter du sol, s'il en a besoin, tout simplement l'aider à l'acheter? Je pense que cela créerait un dynamisme beaucoup plus que si on lui consent la location d'une ferme.

Au sujet du locataire, une simple question: qu'est-ce qu'il adviendra— on va me dire: Ecoute, il ne faut pas rentrer dans tous les détails — demain matin, si un locataire meurt? Est-ce que ce sera sa famille qui aura préséance sur la continuité du bail? Qui cultivera la terre demain matin s'il y a une très grosse organisation sur une ferme louée et que, malheureusement, le locataire meurt? Qu'est-ce qui va arriver? Ce sont des questions, je pense, qu'il est bon de se poser avant, plutôt qu'être pris les deux pieds dans les plats une fois que la loi sera adoptée.

La durée du bail, c'est encore la même chose. Le ministre a dit hier: trois ans, cinq ans, neuf ans, peut-être trente ans. Ecoutez, que va-t-il arriver? Un agriculteur qui loue une ferme pour cinq ans, si sa ferme est bien entretenue — il travaille jour et nuit sur cette ferme dans le but de l'acquérir un jour, de l'acheter — quelles garanties a-t-il pour s'assurer que la ferme lui sera louée de nouveau ou que c'est lui qui aura priorité pour l'achat? Quelles garanties a-t-il quant au prolongement de son bail? Le ministre en a parlé hier. Pourquoi ne le met-il pas dans la loi? Si le gouvernement change, M. le Président, le ministre va dire: Oui, cela ne se passe pas comme cela. Le député de Maskinongé a touché un point tout à l'heure. Vous avez trois personnes qui veulent avoir une ferme, surtout si elle est jugée rentable au bout de trois ou cinq ans. M. le Président, le ministre ouvre des portes à beaucoup de pressions politiques. Qu'arrivera-t-il? Il a donné un exemple. Si c'est un ami, un bon organisateur du Parti québécois qui demande la terre, ou d'un autre parti qui sera au pouvoir, comparativement à une autre personne dont le ministre ou un fonctionnaire n'aime pas la figure, qui aura priorité? Comment allons-nous faire la sélection? Ce sont des questions qu'il faut se poser avant d'adopter ce projet de loi, et nous n'avons pas eu les réponses hier.

Le ministre a dit là-dessus, M. le Président, et je vous cite les propos mêmes du ministre hier: "Les terres acquises par la banque pourront être louées par bail... avec ou sans option d'achat à un agriculteur, à un aspirant agriculteur ou à une exploitation de groupe en vue d'agrandir sa ferme pour la rendre rentable ou en accroître la rentabilité, ou pour les établir dans une ferme rentable". Le problème actuellement, c'est qu'on n'est pas capable d'écouler le produit. Cela ne sert à

rien de parler d'agrandir les fermes, mais, encore là, si c'était le besoin. Mais quand le ministre parle du bail, voici ce qu'il dit, M. le Président: "Le bail ordinaire sera consenti pour une période d'un certain nombre d'années." Ce n'est pas encore clair dans l'esprit du ministre. "Par exemple, un bail ordinaire pourra être de trois ans, mais cela pourra être un peu plus également." C'est le ministre qui parle, dans le journal des Débats d'hier, page R/5390. "Pour être renouvelé, il pourra comporter des conditions quant à l'utilisation. "

Ah! Peut-on louer une terre à un agriculteur et, au bout de trois ans, dire à l'agriculteur: Si tu ne veux pas semer des pommes de terre ou des carottes, tu ne l'auras plus, ta ferme? Est-ce que cela se peut? Le ministre dit non, mais il faudrait qu'il le mette dans l'affaire. C'est quoi, ces conditions? "... pourra comporter des conditions quant à l'utilisation. Il pourra être assorti d'une option d'achat si le locataire offre un bon potentiel de succès en agriculture." Cela va être quoi, les critères, à savoir si cet agriculteur a un plus grand potentiel de succès en agriculture que son voisin? Vous voyez le charroyage, la porte que vous ouvrez? Je pense que le ministre là-dessus, au niveau des pressions politiques, se rend vulnérable. "Je pense — continue le ministre — que la règle devra être que le locataire puisse obtenir dès sa location une option d'achat." "Je pense". Pourquoi ne pas le mettre dans le projet de loi? Je pense que c'est important. Un gars qui va louer une ferme, M. le Président et qui va y travailler pendant quatre ou cinq ans jour et nuit, je pense qu'il devrait avoir une option d'achat. S'il améliore cette terre, s'il s'organise pour qu'elle soit rentable, je pense que ce serait logique d'avoir une option d'achat, et ce n'est pas dans le projet de loi. Le ministre l'a dit, et je cite ses propres paroles: "Je pense que la règle devra être...". Il aurait dû dire: "Je certifie que la règle...". "La condition pourra être que la terre serve pour l'agriculture et non pas qu'il la loue, qu'éventuellement il l'achète et ne la fasse pas servir pour l'agriculture."

C'est parfait. J'imagine que, si vos louez la terre, ce sera pour qu'elle soit cultivée, pour qu'elle serve à l'agriculture. Ce serait bien le bout. Après avoir fait adopter une loi sur le zonage agricole, s'il fallait que le ministère de l'Agriculture loue une terre arable qui servirait pour autre chose, ce serait bien le bout. Mais quand même. Le ministre l'a dit et j'appuie ses propos. Quant aux premiers propos du ministre au sujet du bail et à l'option d'achat, je pense que c'est flou. Il faudrait absolument qu'il nous dise ce qu'il entend faire avec cela. Une parenthèse, M. le Président. Je vais vous demander quel est le temps dont je dispose encore.

Le Président suppléant (M. Marcoux): Deux minutes...

M. Goulet: Deux minutes?

Le Président suppléant (M. Marcoux):... pour conclure.

M. Goulet: Cela passe vite, M. le Président. Vous avez certainement compris, M. le Président, que la demande du député de Brome-Missisquoi n'est pas une demande de report d'adoption de ce projet de loi à trois mois pour le plaisir de le reporter à trois mois. C'est vrai qu'elle aurait pu être d'un ou deux mois. (16 heures)

M. le Président, j'ai tenté, durant la demi-heure que vous avez mise à ma disposition, de convaincre le ministre, le député de Joliette-Montcalm et mes collègues que cette demande n'est pas farfelue, que ce n'est pas pour faire perdre le temps de la Chambre. J'ai essayé et j'ai tenté, M. le Président, avec des arguments objectifs — s'ils ne sont pas objectifs, j'aimerais qu'on me le rappelle tout à l'heure — de convaincre mes collègues qu'on devrait, sans faute, attendre et nous permettre de rencontrer, lors d'une commission parlementaire, le ministre, et certaines personnes qui, à l'avantage de tout le monde, pourraient nous éclairer. Le ministre pourrait nous éclairer sur les propos qu'il a tenus hier; il pourrait nous éclairer sur certains buts visés par la loi. Je ne dis pas qu'il a de mauvaises intentions, mais si les intentions sont bonnes, pourquoi ne pas les mettre dans la loi ou pourquoi ne pas suivre l'exemple de son collègue des Communications et ainsi faire en sorte que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible après avoir répondu à nos questions? S'il ne veut pas y répondre, nous sommes en droit de croire que c'est parce qu'il a probablement des choses à cacher.

Je sais que ce n'est pas la façon d'agir du ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation. Etant donné que nous avons foi en son objectivité, on lui demande tout simplement, bien humblement, de déposer ces règlements, de nous permettre une petite commission parlementaire d'une demi-journée et ainsi faire la lumière sur les buts réels de ce projet de loi. Si cela répond à nos questions, M. le Président, ce sera avec plaisir qu'on l'aidera à adopter son projet de loi. Jusque-là, nous ne sommes pas prêts à lui donner un chèque en blanc afin que ce projet de loi soit adopté, sans qu'on ait eu une réponse à ces questions très importantes, à notre avis. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Marcoux): J'allais demander si la motion allait être adoptée. M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Après avoir entendu la dernière intervention, j'ai choisi de faire une brève réplique parce que les gens du comté de Verchères qui n'ont pas encore eu l'occasion de prendre connaissance du projet de loi, mais qui ont appris, ces derniers jours, qu'il

y a en discussion un projet de loi pour créer une banque de sols, sont impatients que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement possible. Je vais essayer de vous expliquer brièvement pourquoi. Ensuite, je reviendrai sur les arguments qu'a tenté de développer le député de Bellechasse.

Au sujet du comté de Verchères, je lisais un article de la Presse, il y a quelques jours, dans lequel on disait que s'il y a un comté au Québec qui a été l'objet de l'attention de la Commission de protection du territoire agricole, c'est bien le comté de Verchères. Contrairement à ce que plusieurs personnes avaient laissé entendre lorsque la Loi sur la protection du territoire agricole a été adoptée, les terres n'ont pas diminué de valeur dans le comté de Verchères. Elles ont plutôt augmenté de valeur selon le marché; pas plus qu'ailleurs, mais pas moins qu'ailleurs.

Une Voix: Contrairement à ce qui a été déclaré.

M. Charbonneau: Comme le signale le ministre, contrairement à ce que l'Opposition nous avait annoncé à grand renfort de terrorisme verbal pendant les nombreux mois de discussion de ce projet de loi. Aujourd'hui, les gens du comté de Verchères qui ont eu à transiger avec la Commission de protection du territoire agricole attendent la loi qui crée une banque de sols. Il y a deux catégories de citoyens qui attendent impatiemment que cette loi arrive. Il y a d'abord les agriculteurs qui sont intéressés à prendre de l'expansion, à augmenter leur superficie de culture et de production, et qui attendent qu'un organisme gouvernemental puisse être en mesure de mettre à leur disposition de nouvelles terres qui ne sont pas accessibles actuellement. C'est le premier groupe de citoyens de mon comté qui attendent et qui désirent une loi qui crée un banque de sols.

Il y a un autre groupe, probablement encore plus impatient que le premier, qui attend cette loi. Il attend avec impatience depuis un an. S'il y a un reproche qu'on pourrait lui adresser, ce n'est pas d'attendre; c'est d'avoir tellement attendu. Cest gens-là sont les vieux agriculteurs qui sont poignés avec leur terre, qui n'ont pas de relève et qui, du jour au lendemain, à cause de la Loi sur la protection du territoire agricole, ont vu disparaître la possibilité de vendre leur terre et de se créer en somme, un fonds de retraite avec leur terre.

On a dit à ces gens, au moment où on a adopté la loi sur la protection du territoire agricole: Ne vous inquiétez pas, on a prévu quelque chose pour vous. Le gouvernement est bien conscient que vous avez travaillé toute votre vie, que vous n'avez pas de relève et que, parce que vous n'avez pas de relève, vous êtes pris avec votre terre et vous ne pouvez peut-être pas la vendre aussi facilement que vous ne l'auriez pu dans le passé. On n'a pas l'intention de vous laisser mourir sur vos terres en les laissant en friche parce qu'à un moment donné vous ne serez plus capables de les développer avec, finalement, peu de revenus pour subsister jusqu'à la fin de vos jours. A ce moment-là, on leur avait indiqué notre intention de créer une banque de sols.

L'objectif n'est pas tellement sorcier, pas tellement compliqué. Contrairement à ce qu'a laissé croire le député de Bellechasse, l'objectif est bien simple: faire en sorte que le gouvernement puisse fournir à ces agriculteurs le fonds de pension dont ils avaient besoin, qu'ils puisent vendre leur terre à un organisme gouvernemental plus rapidement qu'ils ne peuvent le faire actuellement pour qu'ils puisent avoir des revenus pour continuer de subvenir à leurs besoins; qu'ils puissent quitter l'agriculture si c'est leur désir ou s'ils ne sont plus capables de travailler, s'ils n'ont pas de relève, et pour que ces terres puissent être rapidement cédées à la première catégorie de citoyens dont je parlais, les agriculteurs qui, eux, attendent pour augmenter leur superficie.

C'est pour cela que c'est important d'adopter cette loi rapidement et c'est pour cela qu'il est inacceptable d'avoir devant nous une telle motion, alors qu'on étudie le principe du projet de loi. Les citoyens qui nous écoutent doivent savoir que la deuxième lecture d'un projet de loi, c'est pour étudier le principe. On veut reporter l'étude de ce principe à trois mois, alors que ça fait déjà un an que plusieurs citoyens du Québec, notamment dans mon comté, comme je vous l'ai indiqué, attendent après cette loi. Il y a des citoyens du Québec, hier, qui nous ont jugés comme gouvernement, comme parti politique. J'écoutais le ministre d'Etat à la Condition féminine dire que certains de nos citoyens avaient peut-être la mémoire courte. J'espère que les gens qui nous écoutent aujourd'hui que les vieux agriculteurs vont se rappeler que les interventions actuelles des gens de l'Opposition, c'est pour empêcher le gouvernement de régler leur problème, comme on avait promis qu'on le réglerait au moment où on a adopté la Loi sur la protection du territoire agricole.

Ce qui est inacceptable, c'est d'essayer de faire de la petite politique sur le dos des gens qui sont actuellement impatients d'avoir cet outil gouvernemental pour pouvoir céder leur terre afin d'obtenir les revenus nécessaires. Dans certains cas, on attend depuis des mois, depuis un an, depuis l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole, cette mesure gouvernementale qui avait été annoncée. J'espère, encore une fois, que les citoyens et les citoyennes qui nous écoutent, ceux du comté de Verchères, mais également les autres ne seront pas dupes des petites manoeuvres politiques des gens de l'Opposition.

Je vais prendre un certain nombre d'arguments qui ont été invoqués par le député de Bellechasse, pour essayer de montrer comment, dans le fond, ce sont des arguments qui ne tiennent pas vraiment, des arguments qui sont invoqués pour la galerie, pour impressionner le public, pour donner l'impression qu'on a de bonnes raisons de vouloir retarder l'étude de ce projet de loi. On nous a dit: II faudrait attendre trois mois parce qu'on pourrait convoquer une commission parlementaire, comme si les gens qui nous écou-

tent ignoraient qu'après l'adoption en deuxième lecture il y a automatiquement une commission parlementaire pour étudier article par article le projet de loi, pour étudier point par point le texte de loi, pour tenter de l'améliorer au maximum. C'est pour cela qu'on prévoit dans nos règlements, dans notre procédure, une commission parlementaire. Et c'est même possible — il y a eu plusieurs précédents à l'Assemblée nationale — d'entendre des citoyens à cette étape de la procédure d'adoption d'un projet de loi. Qu'on ne vienne pas faire croire à la population qu'on aurait besoin de trois mois pour pouvoir convaincre le ministre de convoquer une commission parlementaire. Si on adoptait rapidement le principe du projet de loi en deuxième lecture, on pourrait rapidement aller en commission parlementaire, contrairement, à ce que laissent croire les députés de l'Opposition.

On nous dit aussi: On a des questions à poser au ministre parce qu'il doit avoir des buts cachés. Les buts ne sont pas cachés; je viens de les exposer. Il y a des citoyens à qui on a promis qu'on adopterait une mesure pour ne pas les pénaliser par la Loi sur la protection du territoire agricole. Ils attendent cette mesure et c'est le but de cette loi. Ce n'est pas sorcier. Ce n'est pas un projet de loi qui comporte des tonnes de pages; il a neuf pages. (16 h 10)

J'ai l'impression que les gens qui se donnent la peine de lire ce texte vont se rendre compte que l'objectif est clair, est limpide; c'est, rapidement, de permettre à des citoyens de sortir d'une impasse et, en même temps, de donner aux agriculteurs la possibilité de prendre de l'expansion.

On nous dit: Pourquoi ne pas avoir présenté le projet de loi actuel en même temps que la Loi sur la protection du territoire agricole? D'abord, si on se rappelle bien, ce projet de loi, qui porte un nouveau numéro, avait été déposé au même moment où on avait déposé la Loi sur la protection du territoire agricole. C'était sage, à mon avis, d'attendre l'expérimentation de cette loi, les problèmes que cela causerait éventuellement, parce que tout le monde savait qu'on aurait un certain nombre de problèmes d'application de la loi. Donc, on a attendu un certain nombre de mois pour voir comment la Loi sur la protection du territoire agricole s'appliquait, quels étaient ses effets sur les vieux agriculteurs, les rentiers, les gens qui sont sur le bord de quitter la production agricole, ce métier, pour être en mesure de mieux adapter la loi qu'on avait déposée, qui était surtout, à ce moment, une indication de notre intention d'agir.

On nous dit aussi: Pourquoi le gouvernement veut-il posséder des terres; II doit y avoir des raisons obscures — je vous remercie, M. le Président, de me faire signe qu'il me reste deux minutes — souterraines qui incitent le gouvernement à présenter un projet de loi pour lui permettre d'acquérir des terres. Il n'y a pas de raison. Le gouvernement ne veut pas nationaliser les terres. Le gouvernement ne veut pas les posséder pour les cultiver lui-même. Le gouvernement, c'est le Con- seil des ministres. Je n'ai pas l'impression que les ministres ont beaucoup de temps à mettre sur la culture de la terre au Québec. J'ai plutôt l'impression, M. le Président, que le gouvernement veut faire en sorte que, le plus rapidement possible, les gens soient dépannés ou encore des gens soient en mesure d'étendre leur territoire de production. C'est cela. Il n'y a pas de cachette dans cette affaire.

Je pourrais dire, en conclusion — j'aurais beaucoup de choses à dire; malheureusement, quand on ne parle pas au nom du parti qu'on représente, on n'a pas une demi-heure, mais dix minutes — que dans le fond, la motion qui est en discussion actuellement, une motion de report à trois mois, c'est une motion qui vise à faire de la petite politique sur le dos des vieux agriculteurs, sur le dos des gens qui sont prêts actuellement et qui attendent que le gouvernement leur donne la possibilité d'acheter des nouvelles terres à des prix qui sont accessibles, intéressants pour que leur production aille de l'avant. On refuse de discuter le principe. On voudrait reporter la discussion de principe. Ce serait peut-être intéressant de savoir déjà, à ce moment-ci, si les députés de l'Opposition sont contre le principe. Il serait peut-être important pour les agriculteurs de mon comté, les vieux comme les jeunes, qui attendent après cette loi de savoir si les députés libéraux et les députés de l'Union Nationale sont contre le principe de ce projet de loi puisqu'ils ne veulent pas en discuter immédiatement.

En terminant, je rappelle que les gens qu'on pénalise actuellement, ce sont des gens qui attendent déjà depuis un an que ce projet de loi soit discuté à l'Assemblée nationale, attendent qu'il soit adopté ou attendent qu'il soit en vigueur. Ils attendent avec impatience dans mon comté et dans tous les comtés agricoles du Québec. Si le député de Bellechasse n'a pas compris cela et si les députés libéraux qui prétendent représenter les comtés agricoles n'ont pas compris cela, c'est parce qu'ils ne font pas souvent du porte à porte dans leurs rangs. C'est parce qu'ils ne connaissent pas tellement la situation agricole dans leurs comtés, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Fernand Grenier

M. Grenier: M. le Président, l'intention de l'Union Nationale sur ce projet de loi était, bien sûr, de sensibiliser la population. Le but de notre intervention, le but de l'intervention du député de Brome-Missisquoi, qui a demandé de reporter l'adoption de cette loi à trois mois, était tout à fait précis, à savoir que nous voulions davantage informer la population sur ce projet de loi qui dort à l'Assemblée nationale, déposé qu'il est depuis un an environ. Il dort à l'Assemblée nationale. Il fait surface depuis une semaine afin d'introduire ce nouveau mécanisme d'une banque de terres arables au niveau de la province de Québec. L'Union

Nationale a voté contre la première lecture de ce projet de loi à la demande du député de Huntingdon qui était, à ce moment, le porte-parole de l'agriculture.

La raison de s'opposer à l'adoption de cette loi était fondée et le député de Huntingdon a fait accepter par le caucus de l'Union Nationale de s'opposer à l'adoption de cette loi, dans le contexte actuel. Je pense que le député de Huntingdon sera heureux de venir appuyer l'Union Nationale tout à l'heure dans ses démarches, sentant que ce projet de loi n'a pas été modifié, n'a pas subi de transformation importante. Nous aurons bien sûr l'appui du député de Huntingdon pour continuer le débat en vue d'aider les cultivateurs à ne pas subir cette banque des terres arables.

Il y a de bonnes choses dans la loi du ministre, et d'autres députés de l'Union Nationale ont eu l'occasion de le dire, mais c'est toujours ce qu'on retrouve dans ces lois, ce n'est pas du nouveau. Ce n'est pas l'actuel ministre de l'Agriculture qui a inventé cela. Dans une loi, il y a généralement des bonnes choses, mais il y a aussi des choses moins intéressantes. C'est le but de l'Opposition de faire ressortir ces aspects moins intéressants pour les personnes intéressées à l'adoption d'un projet de loi telles que les cultivateurs qui aspirent le devenir.

Dans les bonnes choses, par exemple, le ministre décide qu'il va empêcher le transfert de terres ou l'achat de terres par des personnes qui ne sont pas résidentes au Québec depuis au moins 365 jours; je pense que c'est une bonne chose qu'il nous faut appuyer et il est bon de le dire dans ce discours aujourd'hui. Nous sommes favorables à un article du projet de loi qui fait que seuls les résidents au Québec depuis plus d'un an pourront accepter des transferts et des achats de terres. C'est correct cela. C'est un article de loi tout à fait à point.

Le ministre est conscient de tous ces comtés du Québec en bordure des frontières américaines, soit le long du Maine, du Vermont, du New Hampshire, de l'Etat de New York, de toutes ces terres qui sont en vente. Les Américains viennent investir au Québec, mais ils n'ont pas envie de devenir cultivateurs, mais absolument pas. Ils n'ont même pas envie d'être des électeurs du Québec puisque personne de ceux-là n'a l'intention de déménager au Québec. Ce qu'ils veulent, c'est d'investir le surplus d'argent qu'ils ont fait dans les affaires aux Etats-Unis au Québec pour avoir moins d'impôt à payer. Ils n'ont pas l'intention d'être des résidents du Québec et ils ont encore moins l'intention d'être des électeurs. Ils aimeraient bien cela quand même être des gens importants ici. Même certains, on l'a touché par d'autres lois, aimeraient bien passer pour des résidents et se prévaloir de nos lois sociales, par exemple; elles sont joliment en retard aux Etats-Unis sur les nôtres. Ils aimeraient être des mi-résidents du Québec.

On le vit près des frontières — je vois le député d'Orford — on a dans nos comtés des résidents soi-disant Américains qui essaient d'a- voir leur carte d'assurance soleil pour bénéficier de nos lois sociales alors qu'ils sont bien en retard sur les nôtres. C'est une raison, un pied-à-terre au Québec, en investissant leur argent. Ils n'ont pas l'intention de défricher. Vous en voyez trois ou quatre de ces Américains qui arrivent ici au mois d'avril ou au mois de mai qui se ramassent deux ou trois chèvres qui vivent autour de leur maison. Il faut vivre ces problèmes. Il n'y a pas que les problèmes des grandes fermes qui existent dans les régions de Valleyfield ou de Saint-Jean, alors qu'on a de bons terrains propres à la culture. Mais il y a aussi ce nombre immense de petites fermes en bordure des frontières américaines, je le répète, qui méritent une considération plus correcte de la part du ministre. Cet article de la loi, il est bon, il est excellent, pour empêcher ces personnes de posséder nos fermes ici et de n'en rien faire après. C'est ce qui a souvent invité le ministre de l'Agriculture et même de la Colonisation du temps... Le ministre d'Etat à l'Agriculture de l'ancien gouvernement, qui est ici à ma droite actuellement, a été témoin de cela. J'ai eu l'occasion pendant qu'il était ministre de le rencontrer et de lui parler des difficultés qu'on avait à ce moment au niveau des Cantons de l'Est sur ces sortes de terres qui étaient pourtant propres à certaines cultures et dont on ne se servait pas.

Combien de petites fermes dans nos régions — quand je parle de région, je ne parle pas de mon comté — en bordure servent actuellement à l'élevage d'abeilles? Le ministre pourra vérifier. Combien de gens possèdent 100 acres dans des comtés le long des frontières américaines ou 200 acres, où ils font l'élevage de trois ou quatre chèvres et où d'autres font l'élevage de deux ou trois nids d'abeilles? Ce sera à vérifier. Il y a de belles terres qui pourraient servir à l'élevage du mouton, par exemple. Actuellement cela se fait, il n'y a pas de difficultés majeures, l'élevage du porc ou des choses comme cela.

Cela peut servir à autre chose, mais c'est une grandeur de terrain qui mériterait d'être considérée. Le ministre est au courant de cela, je le sais, il a visité les régions à plusieurs reprises. Il est au courant de cela. C'est bon. Ce qui n'est pas bon, c'est la banque de terres. Cette banque de terres, on sera contre. On votera contre le projet de loi s'il n'y a pas de modification pour cette raison qui a été celle invoquée par le député de Huntingdon quand il a fait état au caucus des raisons pour lesquelles on devait s'opposer au dépôt de cette loi, même en première lecture. (16 h 20)

C'est resté la même chose. C'était, pour lui, la banque de terres qui était absolument inacceptable alors qu'il était le porte-parole de notre parti à ce moment-là sur l'agriculture. C'est cette raison qui a fait que nous nous sommes opposés en première lecture, et il continuera de faire la lutte tant et aussi longtemps que le ministre ne proposera pas des amendements. A partir de là, on lui demandera de respecter ses engagements et probablement qu'il les respectera aussi, en suivant le

vote qui sera celui de l'Union Nationale en deuxième lecture.

Je voudrais vous dire qu'en plus d'avoir une banque de terres, laquelle nous ne pouvons accepter — c'est une forme de socialisme — au niveau de cette banque de terres arables le gouvernement, l'Etat aura encore un nombre de fonctionnaires à nommer pour administrer cette banque de terres. Il me semble qu'on en a assez; la machine est assez lourde, il me semble! La machine gouvernementale est assez lourde. Pourquoi aller encore l'alourdir dans un secteur comme celui du domaine agricole? Le ministre est conscient de cela, il le sait. Le ministre de l'Agriculture est un homme qui a assez voyagé. Il dirige son ministère depuis trois ans et il est au courant que sa machine est fortement lourde. Il aimerait peut-être avoir plus de contrôle dans certains secteurs, mais pourquoi aller se donner un autre système important, un organisme où il devra faire appel à un nombre important de fonctionnaires? Il aura encore plus de difficultés à administrer sa machine qui est pourtant suffisamment lourde. Il le sait. C'est la partie compliquée de la loi.

Le ministre des Finances, sous cet aspect de l'administration des terres arables qu'on se donnera prochainement — qui pourra être déficitaire à un moment donné aussi — aimera-t-il absorber d'autres déficits dans ce secteur? Cela pourrait être laissé au secteur privé et être rentable dans le secteur privé, alors que ce pourra être déficitaire s'il est laissé à l'Etat, si c'est l'Etat qui doit l'administrer. Il y a un secteur où il y a eu de l'évolution dernièrement, on le vit encore. On parle souvent des grandes questions agricoles, ici. On entend le député de Montmagny-L'Islet, on entend le député de Bellechasse ou le député de Nicolet-Yamaska qui vivent dans des secteurs agricoles fort importants. Je vois le député de Vanier, mais je pense que le député de Vanier connaît moins le secteur agricole; il le connaît peut-être, mais ce peut être une connaissance personnelle, puisque ce n'est pas le comté de Vanier qui fournit beaucoup de productions agricoles au Québec.

J'aimerais attirer votre attention sur le fait que cet organisme viendra alourdir la machine. Les personnes qui parlent dans de grands comtés, comme je le disais, connaissent la grande culture agricole, mais il y a aussi cette moyenne culture qui se retrouve dans nos comtés au pied des montagnes, comtés plus difficiles sur lesquels le ministre aurait avantage à se pencher. Avant de se lancer dans cette banque de terres arables, j'aurais aimé interroger le ministre, poser certaines questions au ministre par rapport à l'organisme qu'il s'est donné ou que s'est donné avant lui, bien sûr, le gouvernement, le ministère de l'Agriculture, cet organisme du regroupement forestier, par exemple, qui est un organisme paragouvernemental. J'aimerais qu'il me dise, dans sa réplique, ce qu'il pense du succès du regroupement forestier. Il y a certainement des choses positives qui se sont faites là. J'aimerais qu'il en fasse une analyse aussi parce que le regroupement forestier va être facilement comparable à l'organisme qu'on veut créer actuellement en parlant de l'administration des terres arables?

Ces ajouts de terres qui nous arrivent, que ce soit sur l'autoroute, par exemple, de Québec-Sherbrooke, que ce soit sur la Transcanadienne, entre Montréal et Québec, ces ajouts de terres, s'il y a des terres là-dedans qui ne sont pas la propriété d'individus, pourquoi en faire une banque d'Etat? Pourquoi les mettre là, pourquoi ne pas les offrir dans les encans, par exemple, où le plus offrant pourrait les avoir? Il y aurait des possibilités, si on avait cette philosophie au lieu de toujours penser que c'est l'Etat qui va régler le problème, si on voulait vivre cette philosophie que de temps en temps le secteur privé peut réussir des choses dans la vie. J'aimerais que le ministre étudie cela de très près et, pendant les trois mois qu'on lui demande, avec le report de l'étude de cette loi, qu'il revoie ces régions pour savoir un peu ce qui pourrait être fait avec les terres arables. Au lieu d'en faire une banque pour le gouvernement, qu'on voie s'il n'y a pas lieu d'avoir un organisme privé qui, lui, pourrait peut-être trouver une autre façon d'administrer ces parties de terres qui pourraient être à l'Etat.

J'aurais eu bien d'autres points à souligner, c'est dommage qu'on n'ait que dix minutes. J'aurais pourtant voulu entretenir le ministre plus longuement et lui poser d'autres questions afin qu'il nous donne des éléments de réponse aux questions de bon nombre de nos cultivateurs, de nos agriculteurs. Je vous remercie.

Le Vice-Président: M. le ministre de l'Agriculture, vous avez droit à trente minutes en vertu du règlement.

M. Jean Garon

M. Garon: Merci, M. le Président. A l'avenir, j'ai l'intention de prendre toutes les minutes que le règlement me permettra pour parler des politiques agricoles. Jusqu'à maintenant, le gouvernement s'est contenté d'adopter des politiques pour les agriculteurs, mais n'a pas passé assez de temps pour montrer ce que c'était avant et dans quelle mesure les politiques fédérales viennent essayer de détruire ce qu'on fait. D'ici les prochaines élections, je prendrai tout le temps que le règlement me permet pour le dire et le manifester.

Des Voix: Bravo! Bravo!

Une Voix: Cela s'appelle libérer la parole.

M. Garon: Le député de Bellechasse a dit avec raison que les quotas empêchent la production. Je ferai remarquer au député de Bellechasse que tous les quotas laitiers qui sont limités le sont à 100% par la politique fédérale et que le gouvernement du Québec n'a pas un seul mot à dire sur les limites de quotas qui sont faites aux producteurs laitiers. Cela, j'ai l'intention de le dire tous les jours au cours des prochains mois, au cours de l'année ou des deux ans avant les prochaines élec-

tions, parce qu'il y a encore de l'ambiguïté semée dans les rangs surtout par le Parti libéral, principal responsable des coupures de quotas qu'il y a eu en 1976 et qui ont été faites de façon scandaleuse. J'ai l'intention de dire, à l'avenir, à tous les agriculteurs qu'ils ont le choix de revenir à un régime comme dans le temps du régime libéral où les cultivateurs étaient massacrés, où ils vivaient dans le patronage, où ils vivaient dans des politiques de coupures de quotas. J'ai l'intention de le dire d'une façon régulière et tous les jours.

Je vais prendre les productions une à une, M. le Président. La production laitière: coupure de quotas de 20% en 1976 par le gouvernement fédéral qui est le seul responsable de cette politique laitière puisqu'il s'agit du lait industriel où il y a des relations interprovinciales. Cette politique dépend à 100% du gouvernement fédéral et le Québec n'a rien à dire sur la décision du gouvernement fédéral de couper les quotas de 20%, de 10% ou de 5%. De la même façon, actuellement, les cultivateurs reçoivent des chèques de paie où il y a zéro sur le chèque parce que la nouvelle politique fédérale de cette année attribue les quotas au mois. Je veux bien que, lorsque le gouvernement fédéral veut s'attribuer les mérites, il les prenne, mais, quand il a des responsabilités, qu'il soit assez honnête pour s'attribuer aussi les responsabilités.

Les quotas qu'il y a actuellement au Québec, au mois, quels que soient les objectifs poursuivis et qui font que les cultivateurs, à certains moments de l'année, reçoivent des chèques marqués zéro sont attribuables à 100% au gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec n'a pas un mot à dire dans cette politique parce que c'est de juridiction fédérale.

Deuxièmement, dans le poulet, je voudrais que les fédérations de producteurs, les abattoirs aient le courage de dire qu'actuellement le gouvernement fédéral, avec le nouveau ministre de l'Agriculture qui, je pense, a juste le titre et n'occupe pas la fonction...

Le Vice-Président: M. le député d'Orford. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Vaillancourt (Orford): M. le Président...

Le Vice-Président: Une question de règlement?

M. Vaillancourt (Orford): ... est-ce que le ministre me permettrait de lui poser une question?

Le Vice-Président: Avec le consentement du ministre.

M. Vaillancourt (Orford): Je crois qu'il change de sujet.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Effectivement, la présidence a été extrêmement tolérante avec le député de Mégantic-Compton. La présidence d'office dit qu'elle a été tolérante avec le député de Mégantic-Compton et avec les autres députés également. C'est toujours difficile, sur une motion de report, de ne pas toucher au fond, de telle sorte que je suis sûr qu'on ne m'en voudra pas si je manifeste la même tolérance, tout en spécifiant à tous les députés que nous sommes sur une motion de report. M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, lorsqu'on me demande des renseignements — et le député de Bellechasse, dans son allocution, me demandait certains renseignements — j'aime dire la vérité. J'aime expliquer à la population ce qui se passe. Tantôt, j'ai parlé du lait, mais je voudrais indiquer ce qui se passe dans le porc. Cela va renseigner en même temps le député de Maskinongé qui, dans l'agriculture, ne fait pas une grosse différence entre une vache et un lapin. (16 h 30)

Je vais vous dire ceci, M. le Président. Dans l'élevage du porc, on a subi cette année deux politiques fédérales qui ont été terribles pour les éleveurs de porc. Premièrement, quand est arrivé le nouveau règlement...

M. Picotte: M. le Président, comme je n'ai pas...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! Avez-vous une question de règlement?

M. Picotte: Une directive.

Le Vice-Président: Une directive? Oui.

M. Picotte: Comme je n'ai pas la vue du ministre, il serait possible que je ne fasse pas la différence entre une vache laitière et le ministre, mais...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, j'espère que ces minutes ne me seront pas coupées. La population est à même de se rendre compte que le Parti libéral ne veut pas que la vérité soit connue. La vermine doit être combattue tous les jours parce que si, dans une ville, on cesse de combattre la vermine, elle continue à proliférer. Pour le porc, M. le Président, le gouvernement fédéral a adopté cette année — rouge comme bleu, même politique — le 28 mars 1979, annoncée par le gouvernement libéral d'Ottawa, une nouvelle politique des grains de provende qui limitait l'accès du Québec au marché libre des grains de l'Ouest. Changement de gouvernement le 22 mai. La politique est maintenue par le Parti conservateur. Pourquoi, bleu comme rouge, dans le domaine des grains, les politiques sont-elles pensées en fonction de l'Ouest au détriment des agriculteurs québécois?

Une Voix: Un instant!

M. Garon: Deuxième politique nuisible. Je peux dire que cette politique a eu tellement de succès qu'au lieu d'avoir 6 000 000 — chiffre du mois de septembre — 6 100 000 boisseaux sur le marché libre, cela a baissé, dans un mois, à 2 900 000 boisseaux, moins de la moitié de ce qui était accessible un an auparavant. Cette politique a pour but de limiter les approvisionnements des marchés de l'Est pour pénaliser nos producteurs sans sol du Québec, éleveurs de porc ou éleveurs de poulet. M. le Président...

M. Goulet: M. le Président...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Bellechasse sur une question... A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Bellechasse, sur une question de règlement.

M. Goulet: Question de règlement. Ce que le ministre de l'Agriculture dit, ce sont peut-être des choses fort valables. Ce n'est pas que je veuille lui couper la parole, mais je ne vois pas du tout en quoi...

Une Voix: La vérité vous fait mal.

M. Goulet: Non. Il n'est pas question de vérité qui fasse mal ou non. Je ne vois pas du tout, M. le Président, en quoi on peut relier ces propos au projet de loi 43 et à la motion de report du député de Brome-Missisquoi. M. le Président, écoutez! J'ai parlé...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Goulet: ... tout à l'heure sur cette motion de report. J'ai essayé d'être pertinent pendant mes 30 minutes. M. le Président, vous ne m'avez jamais rappelé à l'ordre. Si je n'avais pas été pertinent, les députés d'en face l'auraient fait. J'ai dit qu'on ne posait pas le bon problème...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

Une Voix: Au service d'Ottawa.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Rimouski, sur une question de règlement.

M. Marcoux: Sur la question de règlement soulevée par le député de Bellechasse, le projet de loi que nous étudions concerne la volonté du gouvernement de rendre productif l'ensemble des territoires arables au Québec parce qu'on a des problèmes d'approvisionnement en grains de provende, etc., et je pense que le ministre est parfaitement dans l'ordre.

Le Vice-Président: Je vais répéter une chose que j'ai dite à plusieurs reprises. Je voudrais que ceux qui prennent la parole indiquent à la présidence les arguments qui militent en faveur d'un report ou d'un non-report de l'étude du projet de loi à trois mois... S'il vous plaît, à l'ordre! Et pour autant que les discours des députés seront faits dans ce but de convaincre la présidence qu'il faut reporter ou non l'étude du projet de loi, cela me semble pertinent. M. le ministre.

M. Garon: Merci, M. le Président. Je répondais d'ailleurs au député de Bellechasse qui disait que le problème n'était pas une politique de terre, mais les quotas et les marchés qui manquaient. J'explique pourquoi ces marchés manquent et quelle en est la principale cause. Je vais vous en donner une autre qui va être une révélation, qui n'a jamais été révélée jusqu'à maintenant. Je vais vous dire, M. le Président, que la grève dans le port de Montréal, écoutez bien ce que je vais vous dire là — port avec un "t" — que les manutentionnaires de grains du port de Montréal ont été en grève pendant six mois, entre le mois de mai et la fin d'octobre ou le début de novembre. Le gouvernement fédéral est intervenu à Vancouver. Le ministre du Travail lui-même, M. Lincoln Alexander, est intervenu et la grève s'est réglée en quatre jours au port de Vancouver, à des taux horaires...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

Une Voix: C'est de la visite qu'on attendait depuis longtemps.

Une Voix: C'est un de vos amis. Le Vice-Président: M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, alors quatre mois et quatre jours...

Une Voix: Vous êtes rendus avec Chartrand...

M. Garon: ... pour intervenir au port de Montréal. Le salaire, M. le Président, dans le port de Vancouver, les taux horaires qui ont été réglés se situent entre $10 et $11 l'heure. Au port de Montréal, cela a pris six mois de grève. J'aimerais que les dirigeants syndicaux nous disent pourquoi cela a pris six mois de grève pour régler pour $3 de moins l'heure que dans le port de Vancouver. On a réglé dans le port de Vancouver entre $10 et $11 l'heure et, dans le port de Montréal, on a réglé entre $7 et $8 l'heure et, dans certains cas, pour moins de $7. Cela a pris six mois. Pendant ce temps-là, les agriculteurs québécois devaient payer les grains de provende de $5 à $20 la tonne plus cher qu'avant.

M. le Président, demandons-nous après cela, alors que le prix actuel de la volaille est très concurrentiel, quand des situations comme celle-là arrivent, à qui appartient la responsabilité de ce qu'on fait subir aux éleveurs québécois. Dans le domaine du poulet, décision récente d'un charmant ministre de l'Agriculture d'Ottawa. Parfois, je me demande s'il est ministre. Quand il s'agit du

grain, il faut aller voir le ministre des Transports, M. Mazankowski. Quand il s'agit du port de Montréal et des grains de provende, il faut aller voir le ministre du Travail, M. Alexander. Quand il s'agit des terres de Mirabel, il faut aller voir le ministre des Travaux publics, M. Neilsen. Quand il s'agit du poulet, il faut aller voir le ministre de l'Industrie et du Commerce d'Ottawa. Chaque fois que j'ai un dossier agricole à Ottawa, je n'ai quasiment jamais affaire au ministre de l'Agriculture. Je n'ai jamais vu cela. J'ai l'impression que c'est un ministre fantôme qu'il y a à Ottawa.

Dans le domaine du poulet, je vais vous dire ce qui se passe. Le gouvernement fédéral a accepté des importations de 48 500 000 livres de poulet importé. On a donné aux Américains, lors de la dernière négociation, 6,3% du marché canadien — c'est-y assez fort? — alors qu'on avait signé, en 1977, le plan et que la moyenne des importations était d'environ 20 millions de livres. Pourquoi? Parce que le gouvernement fédéral — je ne sais pas ce qu'il a négocié en retour pour l'Ontario — a décidé de laisser tomber le poulet. C'est clair comme de l'eau de source.

Je viens de vous mentionner, M. le Président, le lait, le porc, le poulet, les plus grandes productions québécoises, et vous voyez l'action du gouvernement fédéral. Les gens devront savoir que le gouvernement de Québec doit travailler d'arrache-pied pour bâtir une agriculture québécoise. Tout le monde le reconnaît, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, jamais l'agriculture québécoise n'a connu des politiques comme elle en connaît actuellement. Jamais dans toute l'histoire du Québec.

Une Voix: ...

Une Voix: Ils faisaient le stade olympique pendant ce temps-là.

Une Voix: Je sais parler au monde.

M. Garon: A partir de maintenant, M. le Président...

Une Voix: On va leur montrer comment ils se font organiser.

Le Vice-Président: A l'ordre!

M. Garon: Les lois, c'est évident qu'elles traitent de principes et qu'elles ne peuvent pas traiter de tous les détails, parce que c'est le règlement qui prévoit les détails. Je vais vous donner un exemple, M. le Président. Et j'ai remarqué, quand on a souligné au député de l'Union Nationale que ce projet de loi avait été déposé il y a un an, qu'il a été surpris. Il a eu un mouvement de surprise. Aujourd'hui, il s'est rattrapé et il a essayé de trouver des excuses. Mais ce projet de loi a été déposé et il a seulement quatre pages. Je vais vous dire, M. le Président, que, dans un an, l'Opposition n'a pas eu le temps d'étudier ces quatre pages. Durant le temps où j'ai été ministre de l'Agriculture, j'ai eu le temps de faire 20 projets de loi, pas seulement les critiquer, pas seulement essayer de trouver le trou dedans, mais les bâtir. J'ai bâti au-dessus d'une centaine de programmes en plus de parcourir la province constamment pour voir quels sont les problèmes des agriculteurs. (16 h 40)

L'Opposition essaie de me faire jouer le rôle d'un joueur de hockey qui doit aller marquer des buts en ayant deux ou trois joueurs de l'équipe adverse sur les épaules. A longueur de journée, qu'est-ce que vous avez, ici en cette Chambre? Vous avez une Opposition qui fait de l'opposition systématique. Elle s'est même opposée au lait dans les écoles.

M. Goulet: Voyons donc! Vous charriez.

M. Garon: Je peux dire, M. le Président, que cette loi est nécessaire parce que nous avons l'intention de faire de cette loi un instrument pour passer les surplus de terres aux agriculteurs. Quand les députés de l'Union Nationale ou du Parti libéral disent qu'on n'a pas besoin de cette loi, pourquoi n'ont-ils pas passé les parcelles aux agriculteurs? Pourquoi, dans le passé, ont-ils gardé les surplus d'expropriation comme propriété de l'Etat? Ce que nous voulons faire, c'est les remettre aux agriculteurs, les parcelles qui sont entre les mains du ministère des Transports et du ministère des Travaux publics depuis des dizaines et des dizaines d'années, qui meurent là. Nous voulons transmettre ces parcelles aux agriculteurs. Qui était le gouvernement socialiste qui voulait que l'Etat reste propriétaire des terres expropriées? Le gouvernement actuel ou les partis d'Opposition qui ne se sont jamais donné le souci de remettre ces terres à l'agriculteur, mais qui préféraient les voir en friche le long des autoroutes parce qu'ils n'étaient pas capables, dirait la fonction publique, de vendre les terres aux agriculteurs?

Quand ils viennent m'accuser d'écouter les fonctionnaires qui préparent les projets de loi, je vais vous dire une chose. Les agriculteurs savent tous que je suis le premier ministre de l'Agriculture qui, quand on lui pose une question, n'a pas besoin de se pencher vers les sous-ministres pour savoir quoi répondre. Ils le savent tous. Ils ont connu des ministres de l'Agriculture, avant, et quand il y avait des réunions, le ministre devait toujours se pencher et, à ce moment-là, le sous-ministre devait lui dire quoi répondre. Même que les agriculteurs disaient souvent: Laissez donc répondre le sous-ministre, ça va aller plus vite.

Aujourd'hui, au contraire, les politiques sont pensées par le gouvernement, par les agriculteurs parce que notre programme a été bâti à partir d'une réunion d'agriculteurs à Sainte-Croix de Lotbinière où 300 agriculteurs se sont réunis pour bâtir les fondations du programme du Parti québécois. C'est avec ces politiques qui ont été déterminées par les agriculteurs membres du Parti québécois que nous annonçons des projets de loi ou des réglementations à l'avantage de l'agriculture.

M. le Président, des commissions parlementaires, il y en a sur les projets de loi pour étudier les projets de loi article par article. La deuxième lecture n'a qu'un seul but, c'est de dire si on est d'accord avec le principe ou non. Est-ce qu'on est pour l'assurance automobile ou non? On ne discute pas du taux en deuxième lecture. De la même façon, dans ce projet de loi, quand on dit: Est-ce qu'on est pour une banque de terres ou non? Pensez-vous que je vais discuter en deuxième lecture — ça ne se fait jamais — à quel taux d'intérêt pour combien d'années? C'est impossible de prévoir cela dans une loi, sauf que j'ai indiqué que ça pourrait être un certain nombre d'années, selon la volonté du locataire. C'est le locataire qui va le déterminer, en le demandant au locateur, l'Office du crédit agricole, que j'ai mentionné. Je n'ai pas dit "peut-être", j'ai dit que l'Office du crédit agricole va pouvoir louer ou vendre la terre, ou la louer avec option d'achat. C'est inscrit dans le projet.

Est-il utile de répondre à des questions? On ne peut pas, dans un projet de loi, prévoir les milliers de cas qui vont se présenter. Regardez d'autres projets de loi, vous verrez que le projet de loi prévoit le cadre. Le pouvoir réglementaire est le pouvoir du gouvernement; ce n'est pas le pouvoir des députés. Les députés sont des législateurs qui font des lois, et c'est le gouvernement, le Conseil des ministres, qui fait les règlements. Les règlements peuvent être modifiés. Imaginez-vous que si on marquait dans le projet de loi le prix du permis de chasse, il faudrait, chaque fois qu'on change le prix, apporter un changement à la loi. C'est ridicule; tout le monde s'entend là-dessus. Ce sont simplement des députés de l'Opposition, pour prendre le temps de la Chambre, qui veulent reporter des projets de loi à trois mois.

M. le Président, ils ont un projet de loi tellement capital que c'est un projet de loi simple qui dit qu'on veut favoriser la relève, c'est-à-dire faciliter le transfert des terres des plus vieux aux plus jeunes. Le député de Verchères a dit avec raison qu'actuellement il y a des personnes âgées qui souhaitent voir cette loi adoptée. Il y a des jeunes également. L'autre jour, j'étais à une émission de télévision et il y avait justement un jeune qui disait: Qu'est-ce que le gouvernement va faire pour faciliter la relève en plus des mesures déjà adoptées? J'ai dit: Une des mesures, cela va être la banque de terres. A ce moment, vous serez obligés de moins capitaliser au point de départ parce que la banque de terres vous permettra de louer la terre et vous pourrez acheter l'équipement. Après un certain nombre d'années, à cause de votre option d'achat qui sera prévue au contrat, vous pourrez acquérir la terre. C'est un système qui va être extrêmement avantageux pour les jeunes, pour la relève. C'est le principal problème.

Tout le temps, constamment, l'Opposition me dit que le problème de la relève est un problème important, urgent et criant. Mais, quand on apporte des mesures qui veulent solutionner ce problème, l'Opposition dit non. L'Opposition critique constamment. Dépendant de l'heure du jour, les raisonnements du député de Maskinongé sont plus ou moins flous. Mais je n'ai pas l'habitude, comprenez-vous, de me laisser influencer, M. le Président, par les comportements bizarres de l'Opposition. Le gouvernement actuel a eu comme mandat d'établir des politiques. Nous allons établir ces politiques en fonction des besoins des gens et non pas en fonction des procédures dilatoires de l'Opposition. Le mot "dilatoire" veut dire qu'ils font perdre le temps de la Chambre. Nous allons procéder et, si l'Opposition ne comprend pas, elle aura tout le temps voulu pour voir comment cela va s'appliquer dans la réalité.

J'ai remarqué tout à l'heure — je voudrais le souligner, M. le Président, parce que j'ai hâte, moi aussi, de voir cela — que le député de Mégantic-Compton a dit que la position de l'Union Nationale avait été adoptée à la suite de suggestions du député de Huntingdon. Nous allons voir si le député de Huntingdon va voter avec son parti ou bien s'il va être absent, ou bien s'il va suivre la ligne de parti parce que les libéraux ont prétendu qu'ils y seraient favorables parce que c'est un vieux projet qui datait de leur temps. Nous verrons si le député de Huntingdon va faire amende honorable pour dire qu'il s'est trompé dans le temps qu'il était dans l'Union Nationale ou bien s'il est devenu soumis à la férule d'un parti qui n'admet pas de dissidence. Nous verrons, M. le Président, quelle sera son attitude.

Quant à moi, j'ai la conscience en paix et le sentiment du devoir accompli après avoir présenté ce projet de loi. Les gens voudraient me faire parler du comté de Beauce-Sud. Je dirais que, dans le comté de Beauce-Sud, le Parti libéral ne pourra pas, à l'élection générale, faire venir 50 avocats de Québec parce qu'il va manquer d'avocats le jour du vote. Je n'ai pas une très haute opinion de mes confrères qui jouent le rôle qu'ils ont joué dans le plan conjoint du porc pour organiser les agriculteurs et qui font ce genre de "job" le jour de l'élection, non plus. M. le Président, je pense qu'essentiellement tous les agriculteurs, de quelque côté qu'ils soient, de quelque parti qu'ils soient, savent que le gouvernement actuel a voulu adopter des politiques.

M. le Président, j'ai aussi eu une projection de l'Office du crédit agricole qui démontre qu'entre 1974 et 1978 les taux d'établissements variaient entre 1050 et 1200 par année. On prévoit pour 1979 1500 établissements de jeunes c'est-à-dire 300 de plus que la plus forte année des cinq années précédentes. Cela veut dire que les politiques que nous avons mises en oeuvre ont joué leur rôle. Les politiques vont continuer à s'appliquer et les politiques que nous avons en préparation actuellement vont continuer à être proposées à la population. (16 h 50)

Aujourd'hui, vous avez des volets qui suivent la Loi sur la protection du territoire agricole, c'est-à-dire la loi maintenant qui va favoriser une banque de terres pour faciliter l'établissement des jeunes et la consolidation des fermes familiales,

l'agrandissement des fermes familiales, pour permettre à ceux qui y vivent de mieux gagner leur vie. De la même façon que nous avons adopté avant Noël une mesure pour doubler les subventions aux jeunes qui s'établissent sur les fermes, de la même façon aussi nous avons déposé cette semaine un projet de loi pour empêcher les non-résidents de venir s'accaparer des terres du Québec, parce que nous voulons que ces terres appartiennent aux agriculteurs du Québec.

M. le Président, ce ne sont pas des politiques improvisées, ce sont des politiques que nous mettons en oeuvre et qui ont un seul but: faire en sorte que les agriculteurs du Québec puissent assumer la responsabilité extraordinaire de nourrir le peuple du Québec.

Je vous remercie.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Vous savez, M. le Président, qu'en vertu de l'article 100 j'aurais pu interrompre le ministre de l'Agriculture pour lui demander la permission de lui poser une question. J'ai voulu être bon joueur, je ne l'ai pas interrompu lors de son allocution, mais je vous demande si je peux m'en prévaloir immédiatement après son intervention pour lui poser une courte question.

Le Vice-Président: Oui, à la condition que le ministre de l'Agriculture veuille bien répondre à votre question.

M. Goulet: Est-ce qu'il consent, M. le Président?

Le Vice-Président: M. le ministre, le député de Bellechasse aimerait vous poser une question, est-ce que vous consentez?

M. Goulet: Je n'ai pas voulu vous interrompre durant votre intervention.

M. Garon: Oui.

Le Vice-Président: Très brièvement, de part et d'autre.

M. Goulet: II n'est pas question d'entreprendre un débat, mais vous avez dit que c'était la faute du fédéral si, actuellement, nous n'avions pas de débouché. J'aimerais savoir, après les propos que vient de tenir le ministre, si demain matin le Québec était séparé, dans un Québec souverain, que feriez-vous avec les surplus de production laitière et que feriez-vous pour obliger la Colombie-Britannique, par exemple, à acheter son fromage du Québec plutôt que de la Nouvelle-Zélande? Que ferait-on avec les 50% de surplus de production?

M. Garon: Premièrement, je favoriserais, au lieu de $2.66 les 100 livres, $3 les 100 livres, parce qu'on pourrait économiser tous les fonds actuelle- ment qui servent à l'aide alimentaire. Des $1 275 000 000, depuis dix ans, qui ont été versés par le gouvernement fédéral, il n'y a eu que $75 millions qui sont venus dans la province de Québec pour acheter des produits du Québec. Je prendrais cet argent pour donner des meilleures allocations aux producteurs laitiers. On pourrait penser en termes de $3 les 100 livres au lieu de $2.66 les 100 livres.

Deuxièmement, avec les autres provinces, nous ferons des ententes sur des échanges intercommerciaux. Je peux vous dire, par exemple, ce que nous avons commencé à faire depuis deux ans: au lieu d'avoir une industrie laitière qui produit surtout du beurre et de la poudre, on a commencé à transformer l'industrie laitière, et c'est un record d'investissements cette année de $55 millions, deux fois plus que n'importe quelle autre année au Québec. Aujourd'hui, qu'est-ce que nous avons? La fromagerie de Matapédia, qui était fermée à l'hiver 1977, est transformée pour faire du fromage Cheddar.

Une Voix: Pas besoin de... M. Garon: Attendez un peu.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!... A l'ordre, s'il vous plaît!... Je comprends que le ministre répond à la question, mais j'aimerais que la réponse soit brève et qu'il n'y ait pas de débat par la suite.

Très brièvement, M. le ministre.

M. Garon: Je veux donner comme exemple également que l'usine — je vais donner seulement celui-là comme exemple, puisque cela touche le comté du député de Bellechasse et le mien — de la laiterie du sud, la Coopérative laitière du sud de Québec est transformée maintenant pour faire du lait qui va être exporté au Nigeria. C'est fait, cela, avec quoi? Avec des subventions, par exemple, en partie du gouvernement du Québec, de $1 211 000, et il y aura également une subvention entre $300 000 et $400 000 pour favoriser l'exportation. Ce sont des politiques.

Actuellement, nous avons une politique laitière qui est déterminée à Ottawa, qui ne tient pas compte des besoins du Québec, politique qui est déterminée à chaque année, au lieu d'être déterminée sur une base de cinq ans, comme le demandent les agriculteurs du Québec. Les agriculteurs du Québec ne savent pas comment cette politique va être modifiée d'une année à l'autre, ne savent pas, par exemple, comment on va tenir compte de leurs besoins. Quand on voit le gouvernement fédéral faire les politiques d'exportation et favoriser les produits de l'Ontario, on se dit que le gouvernement fédéral ne joue pas tout son rôle. Tandis que quand une mission commerciale du Québec va à l'étranger, les seuls produits qu'elle emporte dans sa valise, ce sont les produits québécois.

Le gouvernement québécois favorise davantage les exportations de produits laitiers en organisant toutes sortes de missions un peu partout

dans le monde pour permettre la diversification de marchés dont a besoin notre industrie laitière.

Le Vice-Président: M. le ministre, je me dois de vous interrompre, j'ai considéré que la réponse à la question était comprise dans votre temps. Vous deviez finir précisément à 16 h 55; vos 30 minutes sont maintenant expirées. Je me dois de respecter le règlement et je reconnais M. le député de Gaspé, sur la motion de report.

M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: Je n'ai pas voulu paralyser le ministre dans le feu de l'action, je n'ai pas voulu lui poser de questions mais, avant, qu'il ne quitte cette Chambre, je voudrais simplement lui faire une petite remarque. Je vais parler de porc, de report, de transport, de passeport, des choses qui ont été invoquées au cours de la dernière heure. Le ministre a affirmé que l'Union Nationale s'était opposée à la distribution du lait dans les écoles. Je voudrais qu'il exclue au moins le député de Gaspé, parce que j'ai posé une question au ministre de l'Education l'an dernier, lui demandant à quand le prolongement du pipe-line laitier qui viendrait atteindre nos écoles de la Gaspésie.

Je voudrais simplement faire remarquer au ministre que j'ai supplié le ministre de nous apporter du lait. Chez nous, il n'y a pas de vaches, le ministre le sait, il y en a très peu; notre lait vient de l'extérieur et on voudrait avoir du bon lait distribué dans nos écoles. Je voudrais que le ministre tienne compte de cela; je crois que cela a été appliqué dans certaines de nos commissions scolaires au cours de l'année 1979/80.

Pour revenir au sujet, je souligne à l'attention du ministre que de ce côté j'ai fait une intervention au nom de l'Union Nationale pour que le lait soit définitivement distribué non seulement dans les grands centres, mais aussi dans les campagnes qui sont les plus défavorisées, là où il y a surtout des vaches maigres comme c'est le cas chez nous.

M. le Président, vous avez mentionné il y a quelques instants qu'on devait, dans le cas présent, convaincre la présidence de la nécessité de reporter ce projet de loi à trois mois et, par le fait même, influencer le ministre. Ce n'est pas vous qui l'avez dit, mais les deux se rattachent, les deux se tiennent. Il ne s'agit pas du principe de la loi, je n'ai pas à m'exprimer sur ce point, mais, quant à la question de report à trois mois, je crois que c'est très logique, c'est très valable. On peut sortir des douzaines d'arguments pour justifier ceci.

Le ministre nous dit que c'est un projet de loi qui n'a que quatre pages, il vient nous dire que l'Union Nationale aurait dû, depuis un an, pouvoir analyser les quatre pages qu'il y a dans ce projet de loi, on vient nous parler aujourd'hui de l'urgence, de la nécessité d'adopter ce projet de loi ce soir, si possible. Si le ministre a parcouru la province, s'il a pénétré dans tous les milieux, s'il a rencontré tous les cultivateurs, s'il a fait cela depuis un an, je ne veux pas lui enlever le mérite de ses pérégrinations, mais comment se fait-il que depuis un an que ce projet de loi est déposé il n'ait pas été appelé ici à l'attention des membres de cette Assemblée nationale? Depuis un an que le projet de loi dort, que les députés en ont pris connaissance, le ministre aurait eu tout le loisir de déposer en même temps ses règlements. C'est ce qui est le plus inquiétant.

J'ai écouté le ministre en deuxième lecture, il nous a expliqué de façon très convaincante tous les objectifs de son projet de loi, mais le pire de tout est qu'il n'y a rien de cela d'écrit, de consigné dans le projet de loi que nous avons en main. On nous dit: Ceci se fera par règlement, cela se fera par règlement, une autre chose se fera par règlement. En somme, on est pris dans une foule, dans un dédale de règlements et ces règlements, nous ne les avons pas.

Le député de Bellechasse a mentionné un point qui est à l'honneur du ministre de la Réforme parlementaire et aussi à celui du ministre des Affaires culturelles. Le ministre des Affaires culturelles nous a dit en cette Chambre la semaine dernière, le 8 novembre, que, s'il tenait à déposer les règlements en même temps que son projet de loi, c'était simplement pour préserver le ministre, pour l'empêcher lui-même d'abord de venir patauger dans les règlements après coup, de les modifier à son gré sans l'assentiment de l'Assemblée nationale. (17 heures)

Si le ministre des Communications a jugé bon d'agir de cette façon, M. le Président, je me dis qu'au Conseil des ministres, on doit se parler quelquefois, on doit être sur la même longueur d'ondes. Si deux ministres sont d'accord sur des innovations qui sont peut-être des premières dans nos annales parlementaires du Québec, je crois que le ministre de l'Agriculture aurait intérêt à écouter les raisons qui militent en faveur d'un report à trois mois. Cela permettra au ministre, si les règlements ne sont pas faits, de les déposer, de nous les donner. Ce sera tellement facile à ce moment-là d'envisager d'attaquer le projet de loi. Puisqu'on parle d'une banque de terres, on va se demander si l'objectif est atteint, mais il n'y a pas que la banque de terres qui est importante là-dedans, il y a aussi une question d'argent, il y a aussi une question de crédit.

Quand on regarde, par exemple, l'article 32, c'est tout à base de règlements. Quand on prend le premier alinéa, cela vient contredire exactement le premier alinéa. Les objectifs sont nobles, louables, M. le Président, et je veux le dire à l'honneur du ministre. Quand il vient nous parler de relève en agriculture, d'agrandissement, de consolidation des fermes, personne ne peut regimber contre des motifs aussi louables, des idéaux aussi grands et aussi nobles. Ensuite, on a une série de dispositions: acquérir, exécuter, louer, etc. Mais ce qui est le plus inquiétant, c'est qu'à la fin de tout on dit que "malgré le deuxième alinéa, le ministre peut, dans les cas prévus au règlement — mais on ne le connaît pas — aliéner en tout ou en partie un immeuble visé audit alinéa à des fins autres que celles énumérées au premier alinéa". Mais le

premier alinéa est en fonction de l'agriculture, pas en fonction d'autres choses.

Alors, si on peut aliéner, si on peut transformer, si on peut changer, cela peut devenir des terrains de balle, des terrains de piste et pelouse, cela peut devenir n'importe quoi, parce qu'on ne sait pas à quoi le ministre veut en venir. On demande donc trois mois. Les cultivateurs attendent, on l'a dit tout à l'heure, depuis un an. Il ne faut pas les laisser patienter plus longtemps, leur patience est à bout, ils sont presque à bout de nerfs, ces pauvres cultivateurs! Mais rendus au mois de novembre, décembre, janvier, la neige est déjà arrivée, les cultivateurs ne feront pas beaucoup de travaux sur leur ferme et ils vont trouver bien juste — ceux qui nous écoutent — qu'on donne au gouvernement trois mois de plus. Au sujet de la loi dont ils seront les bénéficiaires un jour ou l'autre, ils diront merci aux membres de l'Assemblée nationale de ne pas avoir agi avec précipitation.

Il suffit de regarder la loi votée en 1972 par le Parlement de la Saskatchewan. Il y a des règlements là-dedans, il y a des principes de loi, il y a des objectifs, il y a des critères, il y a des moyens; en somme, la loi n'est peut-être pas parfaite, mais on peut y trouver l'essentiel de ce qu'on recherche. On nous demande aujourd'hui de voter une loi. Nous en sommes conscients, nous voulons bien voter cette loi, mais qu'on nous donne tous les règlements. Le ministre des Affaires culturelles a jugé bon, par respect pour les parlementaires, de nous expliquer carrément sa façon d'agir, quand il nous dit qu'il ne voudrait pas nous donner un projet de loi-cadre sans que nous ayons en même temps les règlements et que ces règlements puissent être discutés à fond. Qu'on fasse donc la même chose avec le projet de loi sur cette banque de terres. Cela évitera énormément de critiques.

On parle toujours de mesures dilatoires. Si le rôle de l'Opposition ne consiste pas à essayer d'apporter aux ministériels un meilleur éclairage, à ce moment-là, ce n'est pas nécessaire, ce n'est pas beaucoup utile d'apporter des projets de loi ici en Chambre. Le ministre pourra nous dire: Ma loi est parfaite, les règlements sont parfaits, signez-moi donc cela sans regarder et faites-moi confiance surtout. Je n'ai pas d'hésitation à faire confiance au ministre de l'Agriculture, mais qu'il joue cartes sur table, qu'il dépose tout, et si nous sommes d'accord, nous allons le lui dire.

Il ne faudrait pas surtout que la lumière l'éblouisse à ce point, qu'il garde pour lui toutes ces choses qui semblent être de grands secrets. Je ne sais pas ce qui l'empêche de déposer ces règlements, le plus vite possible, devant les membres de l'Assemblée nationale. A ce moment-là, le projet de loi aura atteint ses objectifs; nous aurons les règlements et cela facilitera la deuxième lecture. Surtout, quand vous allez retourner en commission parlementaire, le ministre sera le premier à dire merci aux députés de l'Opposition qui l'auront empêché de glisser sur la pente sur laquelle il s'est déjà engagé.

Le ministre, qui ne veut pas tomber et qui ne veut pas glisser, nous dit qu'il a proposé des centaines de mesures et que les cultivateurs applaudissent. Bien, une mesure aussi valable que celle-là demande quelques semaines de réflexion de plus, parce qu'on a peut-être eu des lois précipitées jusqu'à maintenant. Le gouvernement a voté de bonnes lois — on m'a déjà blâmé d'avoir prononcé ce sacrilège en Chambre — dans le domaine social et dans le domaine culturel, mais, dès qu'on arrivé à des lois pratiques dans le domaine de l'économie, par exemple, tout ce qui touche à l'agriculture ou à d'autres domaines, bien souvent, c'est précipité, c'est prématuré. On n'a pas eu le temps d'en analyser toutes les implications.

C'est aujourd'hui le troisième anniversaire du gouvernement. C'est un 15 novembre. On s'en souvient. On le fête ensemble, ce troisième anniversaire de naissance au parlementarisme pour quelques-uns d'entre nous, pour la grande majorité. Le gouvernement ne devrait surtout pas oublier qu'aujourd'hui, le lendemain du 14 novembre 1979, il a une pente à remonter. On voudrait l'aider à remonter cette pente. On ne voudrait pas qu'il perde toutes les partielles qui vont survenir d'ici un an ou deux, parce qu'ils sont capables, nos amis d'à côté, d'en faire démissionner trois ou quatre. Ils sont capables de vous jouer un tour.

Le Président suppléant (M. Gagnon): Vous devez conclure, M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: M. le Président, je conclus.

Le Président suppléant (M. Gagnon): A l'ordre!

M. Le Moignan: On ne veut pas me laisser conclure, M. le Président. Me donne-t-on un consentement pour prolonger?

Le Président suppléant (M. Gagnon): Vous avez la parole pour la conclusion.

M. Le Moignan: En conclusion, M. le Président, on n'a pas voulu placer de candidats simplement pour donner une chance au Parti québécois. Cela nous a joué un vilain tour et cela a joué un vilain tour au gouvernement. A l'avenir, on va procéder de façon différente. Je conclus, M. le Président, en répétant à l'ancien ministre des Transports — je ne sais pas son nouveau nom de baptême; je pense que c'est Tourisme, Chasse et Pêche. C'est cela?

Une Voix: Loisirs, Chasse et Pêche.

M. Le Moignan: ... Loisirs, Chasse et Pêche. Je le sais pour une fois et je vais le retenir — de surveiller nos amis de droite. Ils sont capables d'en faire démissionner deux ou trois autres pour faire d'autres partielles et vous jouer des tours. Nous voulons vous aider, surtout si ce sont des comtés ruraux, à ne pas vous enfarger, à ne pas

vous embarquer dans des projets de loi qui ne sont pas clairs et que les cultivateurs attendent peut-être, mais qu'ils n'ont pas demandés dans ce cas-ci. Merci, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Gagnon): M. le député de Richmnd.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais quand même, brièvement, apporter ma contribution à ce débat qui a lieu à la suite de la motion présentée par mon collègue, le député de Brome-Missisquoi, pour demander le report de l'étude de ce projet de loi à trois mois pour certaines raisons particulières. Je n'ai pas l'intention de toucher dans mon intervention plusieurs points que mes collègues ont eu l'occasion de traiter lors de leur discours sur cette motion, mais j'aimerais m'attar-der plus spécifiquement à la question des règlements qui doivent s'attacher à un projet de loi.

On sait — le ministre l'a, d'ailleurs, indiqué tout à l'heure, comme le député de Verchères l'avait souligné et comme le député de Joliette-Montcalm, la semaine dernière, l'avait également souligné— que le projet de loi qui est devant nous actuellement a été déposé il y a déjà environ une année complète. Tout à l'heure le ministre disait que cela pressait d'étudier ce projet de loi. On sait que c'est le gouvernement, le leader parlementaire du gouvernement qui a la responsabilité d'appeler l'ordre dans lequel on va étudier les projets de loi. Le gouvernement n'a pas jugé bon depuis un an d'appeler l'étude de ce projet de loi. Donc, je pense qu'il ne peut pas aujourd'hui logiquement invoquer la raison qu'on retarde indûment l'étude du projet de loi demandant qu'elle soit reportée pour certaines raisons particulières, parce qu'on dit qu'il manque des choses. Si le gouvernement jugeait à ce moment-là qu'on devait aller beaucoup plus rapidement, pourquoi n'a-t-il pas appelé devant la Chambre, pour qu'on l'étudie, ce projet de loi 43, tel qu'il l'indique présentement?

Je reviens à la question des règlements. Tout d'abord, M. le Président, une simple remarque sur l'exposé qui a été fait par certains députés du Parti québécois, en particulier par le député de Joliette-Montcalm qui était un peu élevé contre le fait qu'on propose cette motion justement, en disant: La deuxième lecture, c'est l'occasion de discuter du principe d'un projet de loi. Je suis d'accord. C'est, d'ailleurs, reconnu dans nos statuts. C'est la tradition parlementaire. C'est exact, sauf que notre intervention à ce moment-ci visant à reporter quelque peu le projet de loi ne vise aucunement la discussion de principe qui est contenu dans le projet de loi. (17 h 10)

C'est l'occasion pour nous, pour l'Union Nationale en particulier, maintenant, de dire au gouvernement: Pour nous permettre une étude logique et normale de ce projet de loi, nous n'avons pas en main tous les éléments qu'on devrait juger nécessaires pour procéder à une étude rationnel- le, logique et normale d'une telle pièce législative, indépendamment du fait qu'on soit pour ou contre le principe comme tel. Je m'explique, M. le Président.

On a vu, dans le passé, à plusieurs occasions, des projets de loi dont la réglementation restait cachée jusqu'à ce que la loi, elle, soit adoptée par l'Assemblée nationale et, par après, le règlement être très important, même déborder le cadre législatif dans lequel on avait voulu limiter, au point de départ, la loi. En d'autres termes, cela veut dire ceci, M. le Président. Il est arrivé dans le passé que des règlements soient venus en quelque sorte même remettre en cause, de quelque façon, le principe qui avait été adopté par l'Assemblée nationale. Que sont les règlements qui suivent un projet de loi? Ce sont toutes les modalités d'application et, si on veut, en d'autres termes, c'est toute la tuyauterie et comment la loi est appliquée dans des cas plus particuliers.

Si le gouvernement était tellement certain de son action, depuis un an que ce projet de loi a été déposé devant l'Assemblée nationale, on n'a pas cru bon de l'apporter, mais si le gouvernement était tellement certain de son action, pourquoi n'a-t-il pas eu le temps, lui qui a la responsabilité de préparer les pièces législatives, ou jugé bon de demander à ses légistes de travailler là-dessus et de nous fournir, pour notre travail de deuxième lecture — il avait un an pour le faire — toute la réglementation ou toutes les modalités d'application qui se rattachent à ce projet de loi no 43? De cette façon, on aurait pu, en deuxième lecture, procéder à une analyse complète, exhaustive, en connaissance de cause, et sachant de quelle façon ce projet de loi va fonctionner.

Cette préoccupation a d'ailleurs été celle de mon collègue, le député de Bellechasse, qui a très bien décrit tout à l'heure dans quelle perspective on situe notre intervention, qui n'est pas le point de vue négatif qu'on prête souvent à l'Opposition. Le député de Bellechasse a même tiré ce principe de la bouche du ministre des Communications qui, il n'y a pas plus d'une semaine, a dit rêver lui-même du jour où les projets de loi à l'Assemblée nationale, devant être discutés en deuxième lecture, seraient accompagnés, au même moment ou tout au moins en commission parlementaire qui poursuit l'étude article par article, desdits règlements pour en permettre l'analyse logique, éclairée et normale, de sorte que l'Assemblée nationale puisse se prononcer en connaissance de cause.

Je pense qu'on touche un principe intéressant. D'ailleurs, cela n'a pas été reconnu seulement par le ministre des Communications, mais également par le ministre de la Justice qui a lui-même posé des gestes récemment à ce sujet. Ce qui est bon aujourd'hui pour un ministre du gouvernement et même deux, pourquoi cela ne le serait-il pas dans une loi de l'agriculture qui a certaines implications, indépendamment — comme je le disais — de la question du principe qui est en cause?

On a voulu et on veut encore, je pense — j'espère que cela va se faire dans les mois à venir —

revaloriser, dit-on, le rôle des députés. On a voulu — ce gouvernement s'en targue de temps à autre — et on veut revaloriser le rôle de l'Assemblée nationale, dans ce sens-là, celui du Parlement comme tel. Comment peut-on prétendre vouloir atteindre cet objectif de revaloriser le rôle du Parlement, des parlementaires et des députés comme tels et, du même souffle, dire: On va vous présenter un projet de loi, mais on ne vous dira pas comment il va s'appliquer et de quelle façon il sera vécu par les gens? Ces derniers le verront après et on va décider, seuls, sans que cela passe par la Chambre, au niveau des fonctionnaires. Cela s'appliquera comme nous le voudrons. Il y a une espèce de contradiction flagrante dans cette approche.

La motion de report à trois mois que nous présentons pour demander et exiger le dépôt de ces règlements, on sait au point de départ qu'elle va être battue. La majorité ministérielle va la mettre au rancart; c'est officiel et c'est clair. Ils sont plus nombreux que l'Opposition et c'est ce qui va arriver; on le sait. Cependant, j'espère au moins une chose. C'est qu'on se serve de l'occasion qui nous est fournie pour prendre conscience qu'on doit, quelque peu, dépoussiérer nos institutions parlementaires en termes de fonctionnement lorsqu'il s'agit de lois comme celle-là, auxquelles se rattachent des réglementations fort importantes qui peuvent parfois venir contrebalancer un principe qui est adopté par l'Assemblée nationale. A l'avenir, qu'on soit — employons le terme, M. le Président, puisqu'il a souventefois été invoqué — du côté du gouvernement et de l'Assemblée nationale en général, beaucoup plus transparent et beaucoup plus ouvert de ce côté-là. Cette préoccupation de vouloir moderniser un peu nos institutions parlementaires est une préoccupation saine, logique et normale. Je pense que l'étude des projets de loi en serait de beaucoup facilitée à tous les points de vue.

Lorsqu'on étudie le principe à savoir si on est d'accord ou non, si on avait, en même temps, un portrait, dans les règlements, sur la façon dont ce sera vécu par les citoyens du Québec et sur la façon dont le ministère entend appliquer cette loi, je pense que l'étude serait beaucoup plus facile, beaucoup plus logique, beaucoup plus normale. C'est la préoccupation qu'on a voulu donner à l'Assemblée nationale en présentant cette motion de report à trois mois pour permettre, justement, au ministre de l'Agriculture de déposer les fameux règlements en question.

Je demande à mes collègues de réfléchir sérieusement là-dessus. Même si on renvoie cette motion de report à trois mois, j'aimerais qu'on profite de l'occasion pour réfléchir et apporter les correctifs qu'il serait nécessaire d'apporter à l'Assemblée nationale, à ce point de vue. Ce n'est donc pas dans un objectif politique que nous présentons la présente motion, mais dans l'intérêt de la population du Québec pour étudier le plus normalement possible le projet de loi qui est devant nous. Même, je serais prêt à aller plus loin dans ce sens: Si le gouvernement était prêt à nous garantir qu'il déposera en commission parlementaire, lors de l'étude article par article du projet de loi qui aura lieu d'ici quelques jours, j'imagine, toute la réglementation, on serait même prêt — et je pense que c'est l'avis de mes collègues, également — à retirer tout bonnement cette motion de report à trois mois, laquelle ne poursuit aucun objectif sur le fond, qui n'a pas d'autre objectif que celui d'obtenir l'outil qu'on juge nécessaire pour être capable de faire une analyse normale du projet de loi, c'est-à-dire la réglementation. Je vois le ministre de l'Agriculture qui entre sur cela, et je fais appel à lui dans ce sens; on s'est trop souvent plaint dans le passé — je ne voudrais pas qu'on continue à le faire — que l'Assemblée nationale n'a pas les moyens techniques ou pratiques suffisants, dans les réglementations, pour étudier les projets de loi en deuxième lecture.

Merci, M. le Président.

Rejet de la motion de report

Le Vice-Président: Est-ce que la motion de report du député de Brome-Missisquoi sera adoptée?

Des Voix: Rejeté, M. le Président. Une Voix: Sur division.

Le Vice-Président: Motion rejetée sur division. Nous reprenons l'étude de la deuxième lecture du projet de loi.

M. le député de Kamouraska-Témiscouata, je vous reconnaîtrai immédiatement après le député de Orford.

Deuxième lecture (suite) M. Georges Vaillancourt

M. Vaillancourt (Orford): Merci, M. le Président. Le projet de loi no 43, Loi modifiant la Loi du ministère de l'Agriculture, a pour objet de permettre au ministre de l'Agriculture de constituer une banque de terres arables en vue de disposer de ces terres ou de les louer pour favoriser la relève en agriculture, l'agrandissement ou la consolidation des terres arables non utilisées ou sous-uti-lisées.

M. le Président, ce projet de loi a pour principe une très bonne intention, c'est-à-dire l'achat de terres arables qui sont non utilisées ou sous-utili-sées. Ce principe, en ce qui me concerne, n'est pas mauvais en soi, et son but est excellent. Etant donné que nous avons besoin d'un tel organisme dans la province, je pense qu'il est utile et nécessaire que le gouvernement se prévale d'une loi comme le projet de loi no 43 pour le rachat des terres et pour permettre à tous les agriculteurs du Québec qui veulent s'agrandir ou améliorer leurs revenus d'avoir un organisme comme une banque des terres.

Le projet de loi no 43 tel que rédigé est totalement inacceptable sans amendements. L'article 1 du projet de loi no 43 modifie l'article 29 de la Loi

du ministère de l'Agriculture pour apporter des concordances avec la nouvelle section VII de la loi proposée par l'article 2 du projet. Les deux alinéas proposés à l'article 29 de la loi accordent au ministre une discrétion absolue et totale. Je pense que le ministre devra penser, en commission parlementaire, à apporter des amendements à cet article. (17 h 20)

M. le Président, dans ce projet de loi, il est dit que le ministre pourra agir à sa guise sans avoir à donner aucune raison, sans avoir à rendre compte à qui que ce soit. La section 4 de la Loi des terres de colonisation, chapitre 102 des Statuts refondus de 1964, donne les causes possibles et la procédure de révocation. M. le Président, lorsqu'on lit l'article 2 qui amende l'article 32 de la Loi du ministère de l'Agriculture, on se rend vite compte que cet article est couché en termes beaucoup trop généraux et vagues.

Mais ce qui est encore beaucoup plus grave dans cette loi, c'est que le gouvernement se donne les pouvoirs de légiférer par décret. Je constate aussi que le gouvernement se donne, dans plusieurs de ses lois, de tels pouvoirs. Ce sont des pouvoirs que je trouve condamnables. Le gouvernement devrait essayer de ne pas adopter des lois pour légiférer par décret, ce qui ne nous permet pas et ne permet pas à la population de connaître les intentions du gouvernement.

M. le Président, je crois que le ministre devra aussi apporter des amendements à cet article afin de le rendre plus précis, en commission parlementaire, lorsqu'on fera l'étude article par article.

Il est impensable de ne pas désigner dans cette loi l'organisme à qui sera conférée l'administration de cette nouvelle loi. Je pense que c'est un précédent de ne pas indiquer dans la loi qui va administrer cette loi. Le ministre nous a dit que c'était l'Office du crédit agricole, mais ce n'est pas dans la loi. Il peut toujours changer d'idée et créer un autre office ou un autre organisme qui augmenterait encore la structure administrative du gouvernement. Je pense que le ministre devrait penser à inclure dans l'administration de cette banque de terres la Commission de protection du territoire agricole. Il me semble que cette commission, lorsqu'elle sera à l'échelle de la province, aura la structure adéquate pour administrer une telle banque de terres arables. L'Office du crédit agricole, qui est un organisme plutôt bancaire, pourra, avec l'Office de protection du territoire agricole, prêter l'argent nécessaire aux cultivateurs qui voudront acheter des terres de la banque de terres.

M. le Président, je crois que le ministre aurait dû amender la loi du zonage agricole plutôt qu'amender la Loi du ministère de l'Agriculture. Ce qui veut dire que la Commission de protection du territoire agricole est une commission qui pourrait, comme je le disais tout à l'heure, donner un délai, une surveillance beaucoup plus adéquate, ce qui permettrait aux propriétaires ou aux acquéreurs éventuels d'être mieux protégés car la commission, avec son mécanisme et son person- nel, pourrait donner plus de sécurité et certainement plus de confiance aux nouveaux acquéreurs.

A l'article 35, on dit que "le lieutenant-gouverneur en conseil peut, aux termes et conditions qu'il détermine, autoriser le ministre des Finances à constituer en faveur de l'organisme désigné, en vertu de l'article 33, un fonds de roulement n'excédant pas deux cent mille dollars pour les déboursés nécessaires à l'administration..." ceci à même le fonds consolidé du revenu. Je me demande comment le ministre en est arrivé à ce montant de $200 000. Est-ce que ce montant va être suffisant? S'il n'est pas suffisant que va-t-il faire?

Ce sont des questions auxquelles j'aimerais que le ministre nous prépare des réponses lorsqu'on les lui reposera en commission parlementaire. Pourquoi recourir au fonds consolidé du revenu? Est-ce pour ne pas rendre de comptes aux députés lors de l'étude des crédits que le ministre agit ainsi dans ce projet de loi? Le ministre nous dira peut-être qu'il est difficile de prévoir quels seront les montants nécessaires. C'est probablement vrai pour la première année, mais je pense que l'article 41 le prévoit.

Le ministre nous demande, avec ce projet de loi, presque un chèque en blanc. Ce projet de loi qui crée une banque de terres agricoles, je trouve qu'il est rempli d'imprécisions. Un autre point d'interrogation qui ne manque pas de nous venir à l'esprit, c'est de savoir si vraiment le moyen qu'entend prendre le gouvernement actuel, c'est-à-dire la banque de terres arables, est utile, adéquat et efficace pour atteindre son but, soit la relève agricole, l'agrandissement ou la consolidation des terres de type familial et l'exploitation des terres non utilisées ou sous-utilisées.

Nous avons un besoin permanent de relève. Ce besoin se chiffre annuellement par environ 1200 à 1500 nouveaux exploitants, si l'on assume que l'agriculteur a une vie active d'environ 30 ans et si on se base sur les plus récentes statistiques du recensement du Canada de 1976 qui nous donnent pour le Québec un total de 43 000 fermes. Ce même recensement signale divers aspects de l'évolution du facteur démographique au Québec de 1951 à 1976. On constate, au cours de ce quart de siècle, une augmentation de la population totale de 52,5% et une diminution de la population agricole de plus de 60%, c'est-à-dire une diminution constante de la main-d'oeuvre agricole de 15,7% en 1951 à 2,9% en 1976 par rapport à main-d'oeuvre totale québécoise.

En conséquence de la diminution dramatique de la population agricole à la suite de l'exode vers les villes et de la dénatalité qui a aussi frappé les familles d'agriculteurs, on compte maintenant beaucoup moins de cultivateurs, mais leur domaine s'est fortement agrandi dans la plupart des cas. Toutefois, ces entreprises agricoles ne sont plus les fermes familiales d'autrefois; ce sont des exploitations qui doivent être dirigées par des hommes qualifiés. Il est donc de la plus haute importance que la relève agricole se donne une solide formation professionnelle afin de faire face aux défis actuels ou à venir.

Pour conclure, je vois dans ce projet de loi beaucoup d'imprécisions. Il s'agit d'un autre pas vers une forme de socialisme agricole et de chèque en blanc que le ministre nous demande de voter avec son projet de loi. Il est difficile d'aller plus loin dans l'analyse de cet important projet de loi, car on n'en connaît à l'heure actuelle que les grandes lignes. J'espère que les règlements qui en découleront seront plus importants et plus précis que le projet de loi lui-même.

Est-ce que le ministre répondra à tous les points d'interrogation que nous nous posons? Je l'espère et soyez assuré que nous allons nous prévaloir de notre privilège en commission parlementaire pour lui poser les questions afin d'éclair-cir tous ces points d'interrogation que nous avons trouvés dans ce projet de loi.

M. le Président, je pense que c'est un projet de loi important dont nous avons besoin pour améliorer notre agriculture, mais je pense que nous devons le faire d'une manière sécuritaire pour les prochains acquéreurs de ces terres. Merci.

Le Président suppléant (M. Gagnon): M. le député de Kamouraska-Témiscouata. (17 h 30)

M. Léonard Lévesque

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Merci, M. le Président. Moi aussi, je voudrais prendre quelques minutes pour parler un peu du projet de loi 43. Avant d'en venir concrètement au projet de loi no 43...

M. Picotte: Je m'excuse auprès du député de Kamouraska, mais est-ce que je pourrais vous demander une directive, M. le Président, à la suite de ce que je viens d'entendre?

Le Président suppléant (M. Gagnon): Bien...

M. Picotte: Si vous ne vous assoyez pas, je ne peux pas parler!

Le Président suppléant (M. Gagnon): D'accord, allez-y.

M. Picotte: Etant donné que le député de Kamouraska commence à parler et que ça devrait être brillant, ce qu'il va dire, M. le Président, pourriez-vous inviter les collègues qui sont en caucus et les post mortem des trois partielles à prendre...

Le Président suppléant (M. Gagnon): A l'ordre! Tout est à l'ordre.

M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

C'est très bien, M. le Président, de rappeler le député de Maskinongé à l'ordre parce qu'il a eu l'occasion de parler en deuxième lecture...

Une Voix: Et il n'a rien dit.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... et à peu près pour ne rien dire. Avant d'en venir au projet de loi, je voudrais relever quelques arguments des députés de Maskinongé et de Brome-Missisquoi. Le député de Maskinongé a surtout parlé de télévision, des députés qui regardaient la télévision au lieu d'être en Chambre. Il a aussi parlé d'une certaine Rosalie péquiste; là, je ne suis pas d'accord avec lui. Avant le 15 novembre 1976, des Rosalie existaient, c'étaient surtout des Rosalie PLQ, il y en avait 101 ou 102, c'étaient les bureaux des députés, c'était la Rosalie PLQ. On en avait en quantité.

J'aimerais aussi revenir sur quelques points mentionnés par le député de Brome-Missisquoi qui disait que le ministère de l'Agriculture et le ministre de l'Agriculture n'ont pas fait grand-chose depuis trois ans pour stimuler l'agriculture au Québec au point de vue de l'économie. Je ne sais pas si ces gens font le tour de leur comté, ils étaient peut-être plutôt intéressés dans les comtés où se tenaient des élections partielles, Beauce-Sud, Prévost et Maisonneuve, malgré que dans Maisonneuve on ne peut pas voir grand silos. Par contre, dans le comté de Kamouraska-Témiscouata que je représente, je peux vous dire que, depuis trois ans, des programmes ont été mis sur pied par le ministère de l'Agriculture du Québec, par l'actuel ministre de l'Agriculture. On voit des rangs complets où, le 15 novembre 1976, il n'y avait aucun silo aux fermes. Aujourd'hui, on peut compter trois, quatre, cinq silos. C'est grâce à des programmes qui ont été mis sur pied avec l'aide financière du ministère de l'Agriculture, en collaboration aussi avec le ministère fédéral de l'Agriculture. Il ne faut pas l'oublier, il ne faut pas être hypocrite.

A la suite des élections d'hier, on peut enchaîner là-dessus, je lisais dans le journal: Les forces fédéralistes sont satisfaites de ce rejet. En parlant d'hier, de ce qu'on a eu. Mais on voit ici, à côté: Jarvis — ce n'est pas un joueur de hockey des Canadiens — garde secrètes dix études accablantes pour le fédéralisme. On va les avoir, ces études; ça va être intéressant de voir cela, dix études accablantes pour le fédéralisme. Cela se situe dans les propos du ministre tout à l'heure au sujet du fédéral.

Le député de Brome-Missisquoi disait: On n'a pas d'écoles, on n'a pas assez d'instituts. Dans mon comté, heureusement, j'ai l'Institut de technologie agricole de La Pocatière, il y a le laboratoire des sols d'où sortent des finissants. Tout à l'heure je reviendrai, dans les notes explicatives sur le projet de loi, à l'aide pour stimuler la relève agricole. Ce projet de loi sera très important pour la relève agricole.

Dans les notes explicatives, j'aurais aimé qu'on lise: Le présent projet de loi a principalement pour objet de permettre au ministre de l'Agriculture "et au comité du caucus des députés de l'Agriculture" de constituer une banque de

sols. Le ministre rencontre assez souvent les députés qui font partie du caucus agricole pour avoir des suggestions, surtout de députés venant du milieu agricole et de députés qui ont exploité et qui exploitent encore un peu, de loin, une ferme. Je suis propriétaire d'une ferme.

Si on revient à la relève agricole, je pense que c'est urgent. Je ne comprenais pas tout à l'heure pourquoi l'Union Nationale avait fait une motion de report parce que c'est urgent, parce que c'est un ensemble, la loi de la protection des sols arables, le projet de loi no 43 qui va créer une banque de sols et le projet de loi no 41. Aujourd'hui, on explique le projet de loi no 43. On dit: Constituer une banque de terres arables en vue de disposer de ces terres et de les louer pour favoriser la relève en agriculture.

Quand je vais à des remises de diplômes, comme l'automne dernier, à l'Institut de technologie agricole de La Pocatière, je discute avec les finissants. On a des réactions, souvent, qui nous font un peu réfléchir sur ces lois. Nous autres, écoutez, en sortant de l'ITA, on a une théorie. C'est parfait, le cours qui est donné, on ne peut pas demander mieux. Assez souvent, l'été, on a un stage pour se perfectionner un peu plus. Mais c'est coûteux d'aller investir $100 000, $125 000, $150 000 ou $200 000 sur une ferme, et c'est vrai. Si vous aviez un projet, si le gouvernement avait une banque de sols qu'on pourrait louer avec option d'achat aux finissants de nos écoles d'agriculture! Je dis: Messieurs, il y a un projet de loi qui a été déposé l'automne passé, qui a changé de numéro mais qui est à peu près la même chose, et qu'on va probablement étudier à cette session-ci, qu'on va étudier en commission parlementaire article par article pour pouvoir le modifier s'il y a lieu. Moi aussi, je suis bien d'accord, si on peut avoir une vue d'ensemble des règlements qui se rapportent à cela; ce serait intéressant et puis on pourra ensuite rendre des terres disponibles à nos finissants qui seront la relève agricole dans les années à venir.

Je serai très heureux de voir ce projet de loi adopté, si on peut avoir l'accord de l'Opposition. L'agriculture, pour l'Opposition, passe en second lieu d'après ce que je vois mais, quand même, il y a des gens dans l'Opposition qui sont encore assez sérieux et je pense qu'ils vont pouvoir nous donner un coup de main pour faire un bon projet de loi.

Le député de Brome-Missisquoi disait dans son allocution qu'on ne stimulait pas. Pensons au programme de lait-école, même si le fléau de lait ne se rend pas jusqu'en Gaspésie. Je pense que le ministre va en parler dans sa réplique, ce n'est pas comme un étang d'huile dans le fleuve qui s'étend. Cela va venir, on a mis plusieurs millions dans cela, pour favoriser une consommation de notre produit. Il n'y a pas tellement longtemps, pas plus d'un mois, on a eu une première en Amérique du Nord, une usine qui va transformer nos produits laitiers dans le comté de Kamouraska-Témiscouata, à Saint-Alexandre, l'usine laitière de la Côte-

Sud, un projet dans lequel le gouvernement du Québec a investi tout près de $1 million. C'est quelque chose, cela! Le fédéral fait sa quote-part... Le fédéral, environ $500 000; par contre, d'après mon collègue de Montmagny-L'Islet, le fédéral en met plus d'un autre côté, soit sur les quotas de lait. On ne s'obstinera pas là-dessus. Mais on fait quelque chose; tout près de $1 million pour l'usine laitière de Saint-Alexandre, c'est quelque chose pour la finition de notre produit. Deux fois plus que les rouges qui nous ont précédés, c'est vrai, surtout dans le comté de Kamouraska-Témiscouata parce qu'on pourrait prendre l'exemple au ministère des Transports, un peu partout. On a fait la route transcanadienne, point. Les routes secondaires ont été négligées. On commence à "carrosser" un peu mieux, sauf dans le comté de Montmagny-L'Islet, et mon collègue pourra me reprendre là-dessus, où cela a été un petit peu mieux. Peut-être que le député était meilleur, en tout cas.

Je suis très fier, le projet de loi prévoit que le gouvernement pourra, aux conditions qu'il détermine, confier l'administration de la banque de terres arables à un organisme public. Le ministre a laissé voir qu'il est possible que ce soit l'Office du crédit agricole. Je suis un peu d'accord avec cela. L'Office du crédit agricole possède déjà beaucoup de dossiers de cultivateurs... Je serais d'accord; il y aura peut-être des arguments qui amèneront qu'on vote pour un autre office mais je serais d'accord que ce soit l'office qui administre. (17 h 40)

II y a des raisons à cela. L'office possède déjà les dossiers de plusieurs agriculteurs. Pour l'agrandissement de la ferme, le cultivateur ou l'agriculteur pourra se prévaloir d'un dossier qui est déjà à l'Office du crédit agricole. Comme je vous le dis, je vois l'Office du crédit agricole assez... D'ailleurs, l'office nous prouve présentement que les prêts agricoles sortent de plus en plus vite. Cela va mieux de ce côté et on voit que la politique est sortie de là. Comme agriculteur, depuis 1961, j'en ai vu de toutes les sortes. J'ai vu des bleus, des rouges. J'ai eu affaire à l'Office du crédit agricole quand j'ai débuté, comme d'autres jeunes cultivateurs, mais les critères de base pour obtenir un prêt agricole, au moment où j'ai fait une demande de prêt agricole, c'était une carte de l'Union Nationale, que je n'avais pas. Je déplore cela pour mon comté. Je le dis publiquement. J'ai essayé de nouveau aussi... Cela va dans le projet de loi. J'ai dit que cela va être l'office pour venir à dire...

Une Voix: La carte de membre de l'Union Nationale n'est pas dans le projet de loi.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):

Non. Je la verrais mal là-dedans aussi. J'ai essayé aussi plus tard, mais je me suis aperçu que le premier était d'être du bon côté politique, peu importe la carte. J'ai vécu cela. Je ne l'ai pas entendu dire. Je l'ai vécu moi-même. Je peux le dire publiquement. Je n'ai pas peur de le dire.

C'est pour cette raison que je préférerais que l'Office du crédit agricole soit autorisé, après l'étude du projet de loi, en voyant les règlements...

Une Voix: ... cartes.

M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Ce n'est pas bon, ces cartes-là. Je serais favorable à l'Office du crédit agricole. Il prévoit également que le gouvernement peut autoriser le ministre des Finances à avancer les montants nécessaires pour l'acquisition des immeubles et l'exécution de travaux d'aménagement en vue — c'est là qu'on pourra sortir des budgets de l'Office du crédit agricole ou du ministère des Finances — de donner des budgets à l'office pour pouvoir prêter sur des parties de terrains qui seront inoccupées par rapport à certains projets de routes, que j'ai assez souvent dénoncés, comme l'autoroute 20 qui est passée par mon comté. J'aurais préféré, au lieu de détruire toutes les terres basses qu'on est en train d'égoutter présentement par des digues au coût de plusieurs milliers de dollars... Je vois le ministre des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche qui me regarde. Ce n'est pas tellement pour la récupération des sols arables, mais c'est surtout aussi pour pouvoir drainer les sols existants. On a des problèmes. J'ai rencontré les agriculteurs. Ils sont bien d'accord avec ce qu'on fait. Maintenant, on pourrait avoir des ententes entre le ministre de l'Agriculture et le ministre des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche pour protéger l'agriculture autant que la faune. Je suis d'accord avec cela. On est un parti qui peut se parler et se regarder en face. Je pense que d'ici un bout de temps, tout cela sera réglé.

M. le Président, pour enchaîner sur le projet de loi, comme je le disais tout à l'heure, le ministre des Finances pourra prévoir des crédits pour faire l'achat de terrains qui sont présentement incultes. On a beaucoup d'acres de terre près de la route 20 présentement.

On a aussi des agriculteurs qui sont rendus à l'âge de la retraite. J'en ai dans ma paroisse. J'en ai un peu partout. S'il y a un projet de loi qui leur donne le choix de vendre leur propriété à un prix raisonnable, au prix du marché, je pense que plusieurs propriétaires qui sont rendus à l'âge de la retraite vont en profiter pour vendre leur terre et se mettre complètement à la retraite. Ils sont encore inquiets. Doit-on la louer? Il y a une incertitude, mais je pense que ce projet de loi va les aider.

Il y a aussi un point qui a été soulevé concernant le dépôt des règlements. Cela a été soulevé quand ils ont présenté la motion de report. A l'étude article par article en commission parlementaire, le ministre pourra peut-être nous apporter certains arguments, défendre des articles, un, deux, trois. On pourra sûrement inscrire ce projet de loi avec le projet de loi no 41 et la loi 90 qu'on a tant essayé de dénigrer, pour dire qu'elle ne serait pas adoptée. Aujourd'hui, dans mon comté, on nous demande quand M. Garon va étendre un décret pour le projet de loi. Si ce décret peut donc s'éten- dre, on a donc hâte! Ce sont des organismes comme l'UPA. Même l'UPA appuie le projet de loi no 43.

Je pense qu'il est très important qu'on passe à la deuxième lecture et à l'étude article par article le plus vite possible pour que ce projet de loi soit sanctionné. Des gens disaient que le projet de loi comptait quatre pages et pas beaucoup d'articles, mais, avec les pages blanches, il en compte six. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci.

M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Une Voix: On va suspendre.

M. Bertrand Goulet

M. Goulet: Je pensais demander la suspension, mais je vais commencer et nous reviendrons après souper. Le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation nous présente un projet de loi en vue de créer une banque de terres. Par cette mesure, bien sûr, le gouvernement entend favoriser la relève ou encore la consolidation de fermes de type familial et l'exploitation des terres arables non utilisées ou sous-utilisées.

Nous, de l'Union Nationale, ne sommes pas contre l'objectif poursuivi par la création d'une banque de terres. Au contraire, M. le Président, l'Union Nationale, et son histoire en témoigne, a toujours eu comme priorité de favoriser le développement de l'agriculture. On n'a qu'à penser — mon collègue de Brome-Missisquoi nous l'a rappelé hier— à l'électrification — d'accord, c'est du passé, mais c'était de son temps et il fallait le faire — de nos campagnes, à la création du crédit agricole, à l'adoption d'une loi des marchés agricoles qui, naturellement, doit s'adapter à l'évolution rapide du marché, mais qui ne doit pas nécessairement tomber dans l'absurde. En disant cela, je pense à la loi no 116 qui donne à la fédération un pouvoir absolu, complet et sans recours sur la production des agriculteurs. Elle peut, notamment, déterminer les conditions pour produire et vendre, garder une part de quotas et les distribuer comme bon lui semble, diminuer, suspendre ou annuler un quota, etc. Les agriculteurs québécois dont les produits sont soumis à un plan conjoint de mise en marché sont emprisonnés dans un système que je pourrais qualifier de dictatorial, à l'exemple, M. le Président — je ne voudrais pas être méchant, mais je le dis quand même entre parenthèses — de certains pays qu'on peut situer en arrière du rideau de fer, ce qui va s'avérer, à brève échéance, le pire ennemi de la ferme familiale.

M. le Président, je n'ai pas l'intention de reprendre les débats sur la loi no 116 dont on connaît maintenant tous les méfaits qu'elle a produits au niveau du producteur. Par contre, nous faisons face aujourd'hui à un combat différent, mais de même taille. Je parle naturellement du projet de loi no 43 réalisant ainsi la mainmise de l'Etat sur le

principal facteur de production de l'agriculteur, soit la terre elle-même. M. le Président, je serais curieux de savoir si ce même gouvernement aurait le courage d'imposer le même loi à un autre secteur de l'économie en prenant possession de son principal facteur de production. J'ai l'impression que l'on se retrouverait devant une économie en déroute, sur le bord de la faillite économiquement parlant et, comme je l'ai dit tout à l'heure, on se rapprocherait du socialisme.

M. le Président, j'aimerais savoir si le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation a daigné consulter la base avant de présenter un tel projet de loi. Je suis forcé de constater que ce n'est pas lui qui doit trimer dur du matin au soir pour atteindre et surtout maintenir le niveau rentable de production que doivent maintenir nos agriculteurs. Les agriculteurs — vous m'excuserez ces termes — sont écoeurés de satisfaire cette "gang" de bureaucrates et de technocrates assis derrière un bureau avec des multitudes de lois et de règlements. C'est un dédale de mesures administratives pour occuper certains fonctionnaires issus d'une administration trop lourde. C'est là que nous en sommes rendus et je le déplore fortement.

Les agriculteurs n'ont pas demandé cette mesure. C'est encore le gouvernement péquiste, il l'a dit tout à l'heure. Quand il a fait sa réunion dans Lotbinière, il a pris soin de mentionner que c'étaient des agriculteurs péquistes qui leur imposent une autre de ces lois socialisantes, une loi qui enlève aux gens leurs responsabilités pour les confier à l'Etat. On veut, bien sûr, que l'Etat soit responsable à notre place, et on le fait avec ce projet de loi. L'Etat étend ses tentacules dans tous les domaines, laissant de moins en moins de place à l'initiative privée et à l'esprit d'entreprise. (17 h 50)

Au lieu de nous présenter un tel projet de loi, le gouvernement devrait faire renaître cet esprit d'entreprise auprès des agriculteurs. N'avons-nous pas, en Amérique du Nord, atteint l'un des plus hauts niveaux de vie au monde? Nous sommes capables de produire des produits alimentaires en quantité abondante et à des prix moindres que dans plusieurs autres pays grâce, en particulier, au dynamisme de l'entreprise privée, et ce bien avant que le gouvernement actuel n'arrive au pouvoir. Je ne comprends pas le gouvernement de nous présenter un tel projet de loi. Les agriculteurs font face, en ce moment, à de sérieux problèmes comme, par exemple, la mainmise de nos meilleures terres agricoles par des non-résidants pour d'autres fins que la production agricole, et cela à des prix d'or; quand je parle de prix d'or, vous savez à quel niveau se situe le prix de l'or actuellement.

Vous me direz que le gouvernement a déjà inscrit au feuilleton un projet de loi en ce sens. J'ajouterai que c'est ce projet de loi qui devrait être débattu en ce moment parce que cette mainmise étrangère est un sérieux obstacle à l'achat des terres par notre relève agricole, une relève qui ne peut évidemment pas concurrencer les offres fabuleuses des étrangers. C'est cette loi qu'on de- vrait discuter actuellement pour régler le problème.

Il est grand temps, je pense, que ce gouvernement prenne ses responsabilités et, cette fois-ci, les bonnes. Même s'il pense avoir pris ses responsabilités, on lui a rappelé hier, de façon non équivoque, dans trois comtés du Québec, que les responsabilités qu'il pensait les meilleures ne sont pas celles que les Québécois auraient identifiées comme étant les priorités.

Ceci dit, au lieu d'adopter des lois qui, en fait, ne font que "patcher" des trous, le gouvernement devrait plutôt s'appliquer à régler les problèmes à la base. S'il ne le fait pas, c'est que le gouvernement actuel est beaucoup plus préoccupé de gagner son référendum et de parler de son référendum en ce moment que d'édicter des lois qui feraient vraiment progresser l'agriculture dans le Québec, surtout l'agriculture de type familial.

Ce gouvernement jette de la poudre aux yeux des agriculteurs. Le gouvernement pense qu'il va apaiser les agriculteurs par une telle mesure. M. le Président, je pense que c'est vraiment prendre ces gens pour des naïfs. Voulez-vous bien me dire ce qu'on apportera de plus aux agriculteurs en créant une banque de terres dans la situation actuelle? Je dirai tout simplement qu'une telle mesure brime les libertés d'action, freine l'esprit d'initiative, freine l'esprit d'entrepreneurship de nos agriculteurs. M. le Président, je m'adresse au gouvernement péquiste assis en face de nous et plus particulièrement au ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation et je leur dis tout simplement et en toute modestie que, pour solutionner les problèmes qui affligent l'agriculture aujourd'hui, il faut de prime abord que soient identifiés et réglés les problèmes de base de l'agriculture québécoise.

C'est l'essentiel. Ils ne l'ont pas fait. Il faut se demander, M. le Président, pourquoi les jeunes sont si peu intéressés à venir s'établir sur une ferme. Il faut se demander également pourquoi il y a tant de terres abandonnées ou sous-utilisées et édicter des lois en fonction des réponses obtenues. C'est là que se situe le problème. Vous me direz, M. le Président, que c'est ce à quoi la banque de terres veut s'attaquer. Je dirai tout simplement que ou bien le ministre n'a pas trouvé les bonnes réponses, ou bien il est incapable de trouver les solutions à ce problème, parce que cette banque de terres ne règle rien, sinon occuper certains fonctionnaires qui doivent mériter leur salaire. C'est comme si on mettait un cataplasme sur une plaie sans l'avoir désinfectée. C'est exactement ce qu'on veut faire avec ce projet de loi. Ce projet de loi favorise quoi? Je pose cette question parce que, pour favoriser l'agriculture, il faut des mesures qui favorisent l'agriculteur et cela, je pense que le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation ne l'a pas compris. Pour favoriser l'agriculture, il faut des mesures qui favorisent l'agriculteur. Ce projet de loi n'en contient pas, il n'apporte aucun remède aux vrais problèmes de l'agriculteur. Il ne contient aucune mesure incitative qui permettra aux jeunes d'accéder à la profession d'agriculteur.

Peu de jeunes veulent se lancer en agriculture parce qu'ils trouvent la chose peu attrayante, peu rémunératrice par rapport à la somme de travail investi. On n'a qu'à comparer un jeune agriculteur à un jeune qui travaille dans l'industrie avec le salaire, les avantages sociaux et les conditions de vie pour comprendre son attitude. Avec ce projet de loi, on lui enlève même le goût de devenir propriétaire de son entreprise en lui enlevant son principal facteur de production qu'est la terre et on veut tout simplement lui louer. Il faut plutôt permettre...

M. Picotte: Etant donné qu'il est 17 h 55 et nous n'avons pas quorum, il serait peut-être plus facile de suspendre et de revenir à 20 heures plutôt que vous demander le quorum, M. le Président.

Une Voix: ... ce n'est pas lui qui...

M. Picotte: II s'agit de compter, M. le Président.

Le Président: Vous pouvez poursuivre, M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, j'étais en train de dire qu'on voit comment ce projet de loi intéresse les gens du Parti québécois, on a été obligé d'invoquer le quorum à plusieurs reprises cet après-midi.

De toute façon, avec ce projet de loi, je disais qu'on enlève...

M. Charbonneau: Question de privilège. M. le Président, je pense que c'est mon privilège comme député dans cette Chambre, pour avoir été présent tout l'après-midi, de corriger l'affirmation qui vient d'être faite par le député de Bellechasse disant qu'à plusieurs reprises, durant la séance de cet après-midi, on a invoqué le quorum. C'est faux et les gens qui ont suivi les débats à la télévision savent que le député de Bellechasse vient de mentir effrontément à la Chambre et à la population du Québec.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, de mon siège de député, je demande au député de Verchères de retirer ses paroles. Je n'ai pas menti à la Chambre et je prends à témoin le député de Vanier...

Le Président: Bon. A l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Bellechasse!

Un moment s'il vous plaît. M. le ministre, je reviens à vous tout de suite. M. le député de Verchères, je vous demande, avec la gentilhommerie qui est la vôtre normalement, de retirer ce mot qui est non parlementaire.

M. Charbonneau: M. le Président, je n'ai pas l'intention de retirer des paroles qui... Il me semble que tous les gens qui ont écouté la session cet après-midi...

Le Président: M. le député de Verchères, ma décision est rendue, le terme que vous avez utilisé est non parlementaire. Peu importe le contenu, M. le député de Verchères. Je vous rappelle le règlement à cet égard. Peu importe que vous ayez raison ou non sur le fond, le terme est non parlementaire. Je vous invite, M. le député de Verchères, à le retirer.

M. Charbonneau: Dans ce cas, M. le Président, vous avez peut-être le dictionnaire à la portée de la main. J'aimerais que vous me donniez un adjectif pour qualifier ce que le député de Bellechasse vient de faire.

Le Président: M. le député de Verchères, je vous invite à retirer le mot. Connaissant votre gen-tilhommerie, je vous invite à le faire.

M. Charbonneau: M. le Président, est-ce que j'ait traité le député de menteur? J'ai dit qu'il avait menti, je pense...

Le Président: Le terme est non parlementaire. Je n'y peux rien.

M. Charbonneau: Vous me permettez quand même de dire que ceux qui nous écoutent ne sont pas dupes. C'est inexact ce qu'il vient de dire. Franchement, il ne faut pas nous prendre pour des enfants d'école.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, je pourrais soulever maintes et maintes questions de privilège. Le député de Vanier sait très bien ce que je veux dire et, à l'avenir, au lieu d'avertir le leader adjoint, dès que nous n'aurons pas quorum, nous le soulèverons de notre siège. Cet après-midi, à plusieurs reprises, nous n'avions pas quorum et j'aimerais que le député de Vanier confirme mes dires parce que je le lui ai rappelé. Il y a toujours bien des limites pour se faire traiter de toutes sortes de choses en Chambre, M. le Président!

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président: M. le député de Vanier.

M. Bertrand: ... je ne voulais pas me lever même si le député de Bellechasse a mentionné le député de Vanier à quelques reprises dans sa dernière intervention, mais je dois dire à cette Chambre qu'il est exact que le député de Bellechasse, à deux occasions cet après-midi, m'a dit: Si votre monde n'est pas en Chambre, on va intervenir pour signifier que le quorum n'est pas respecté. Le député de Bellechasse admettra, comme vient de le dire le député de Verchères, qu'il n'a pas publiquement, comme c'est son droit selon le règlement, invoqué l'article qui indique qu'il n'y a pas quorum. C'est sur cela que le député de Verchères a eu raison de dire que c'était inexact de dire que le quorum avait été invoqué — si le député de Bellechasse veut bien

me laisser une seconde — même si le député de Bellechasse m'a demandé à certains moments que nos députés soient en Chambre, etc., ce qui est normalement, comme vous le savez fort bien, le travail du whip et non pas du leader adjoint du gouvernement.

Le Président: L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

Fin de la séance à 18 heures

Reprise de la séance à 20 h 8

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

M. le député de Bellechasse, en vous indiquant qu'il vous reste cinq minutes pour terminer votre intervention.

M. Goulet: D'accord, M. le Président. Je vous remercie, bien que j'aie été interrompu cinq bonnes minutes!

M. le Président, je vous avise tout de suite, sans vouloir déranger la Chambre, qu'immédiatement après mon intervention, je soulèverai une petite question de privilège pour rétablir certains faits.

Je disais donc, lorsque nous avons suspendu pour l'heure du repas, M. le Président, que pour revaloriser la profession d'agriculteur, c'est le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation qui est le meilleur véhicule de promotion parce que c'est lui qui a intérêt à avoir une relève efficace. Le ministère de l'Agriculture doit être conscient que l'installation de nouveaux agriculteurs, notamment des jeunes est une nécessité économique. C'est aussi un moyen efficace de modernisation en raison du dynamisme des jeunes et de leur réceptivité plus grande en moyenne que celle de leurs aînés, réceptivité au niveau technique, M. le Président. C'est pour cela que nous aimerions nous assurer que ces gens sont propriétaires de leurs fermes et c'est le but même de notre intervention. La relève agricole, c'est l'avenir de l'agriculture. Il faut prendre les moyens pour que les jeunes soient aptes à relever le défi que l'agriculture leur lègue. On peut expliquer la faible entrée des jeunes par le manque d'attrait que l'agriculture procure. C'est un facteur, mais non le seul. En effet, le manque de financement n'aide en rien la venue d'aspirants agriculteurs, c'est plutôt un facteur qui accentue l'exode agricole.

Ce problème de financement est criant chez nos agriculteurs et ils ont malheureusement l'ultime gloire de détenir la palme d'or et de l'endettement au Canada. Je pense que ce n'est pas un honneur. En effet, l'agriculteur s'endette de plus en plus sans arriver à accroître son revenu réel. Ses dettes se sont accrues de 115% en sept ans, passant de $537 millions à $1,15 milliard. Pendant ce temps, ses revenus nets ne progressaient que de 69%. Or, cette dette de $1,15 milliard représente 24% du capital agricole québécois. C'est cela qui est malheureux. Si on la compare à celle d'autres provinces, par exemple, en Ontario, elle est à 13,5%, en Saskatchewan, en Alberta, au Manitoba, tout près de 13%; il y a seulement au Nouveau-Brunswick où elle est à 20%, et au Québec, nous sommes à 24%. (20 h 10)

Les agriculteurs québécois sont en train de s'enliser dans les dettes parce qu'ils ne sont pas capables d'écouler la production qui leur permettrait d'obtenir des revenus suffisants pour l'investissement effectué. Les Québécois ont vu leur rendement, par rapport au capital investi, passer de 10,25% en 1970 à 8,22% en 1977; donc, une baisse de 19,8%. Je pense qu'il faut prendre cela en considération.

On se rend compte que le gouvernement actuel ne semble pas vouloir comprendre les difficultés de ces agriculteurs. Au lieu de chercher à accroître le revenu des agriculteurs pour qu'ils obtiennent un meilleur rendement sur le capital investi, on nous propose une banque de terres qui ne favorise pas un accroissement du revenu par une augmentation de la production. Au contraire. On va diminuer le capital investi de l'agriculteur. De cette façon, on obtiendra peut-être le même résultat. C'est justement là-dessus qu'on ne s'entend pas. De toute façon, c'est beaucoup plus facile comme cela, même si cela coûte plus cher au gouvernement. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que le gouvernement actuel agit de cette façon. Il nous a imposé la loi 116 qui avait le même but, diminuer la production des agriculteurs. Lorsque nous faisons face à des faits aussi désastreux pour l'agriculture en général, on peut se rendre compte de la taille du problème de financement qui incombe aux jeunes agriculteurs.

M. le Président, je vois que vous me faites signe. J'irai assez rapidement. A la lumière d'une situation qui ne cesse de se détériorer, le législateur se doit de privilégier l'installation des jeunes agriculteurs par le canal du crédit, en prévoyant à leur bénéfice des avantages spécifiques sous forme de bas taux d'intérêt sur des prêts à moyen terme ou sous forme de subventions. L'agriculteur, même s'il est obligé d'emprunter pour sa ferme à des bas taux, lorsqu'il est propriétaire de sa ferme, il a quand même la motivation d'être le propriétaire plutôt que d'être locataire. Là est le sens même de notre argumentation, être d'abord le propriétaire. M. le Président, l'agriculture, en général, et, en particulier, la relève font face à un grave problème de financement. La forme d'aide que le gouvernement est appelé à apporter doit tenir compte que l'entreprise agricole requiert un investissement trois fois plus élevé que dans les autres industries par dollar de revenu brut, que les risques qu'elle encourt sont élevés et qu'elle est soumise aux mêmes normes de rentabilité que les autres entreprises.

C'est en ce sens, M. le Président, en terminant, que je vous dis que l'Union Nationale appuierait sans réserve la formation d'une banque de

crédit régionale qui fournirait à chacune des régions, suivant la particularité propre à chacune d'elles, du crédit à bon compte. Cette forme de crédit aiderait le producteur en lui procurant l'argent nécessaire à l'achat de machinerie agricole et autres choses indispensables au fonctionnement efficace d'une entreprise agricole. Le gouvernement prend le problème par le mauvais bout. Comment voulez-vous qu'un producteur agricole agrandisse ou pense agrandir sa ferme s'il est incapable d'écouler sa production actuelle? Comment voulez-vous, M. le Président, qu'un producteur soit encouragé à produire davantage si son gouvernement ne fait qu'adopter des lois comme la loi 116, une loi qui freine l'expansion des fermes?

Il n'appartient pas, M. le Président, en terminant, au gouvernement de jouer à l'agent immobilier en achetant, en vendant ou en louant des terres. Le gouvernement devrait plutôt s'appliquer à retourner à la vocation agricole les terres abandonnés ou non utilisées, obliger ces propriétaires terriens, par une lourde taxe ou une autre mesure appropriée, de cultiver ces terres, et ainsi le Québec pourrait, dans un proche avenir, développer son potentiel agricole au maximum.

Voilà les propos que je voulais tenir en deuxième lecture.

M. le Président, étant donné que j'en avais demandé la permission — loin de moi l'idée de déranger la Chambre ou encore de soulever un autre débat — je voudrais soulever une question de privilège. C'est l'entente que j'avais eue avec vous dès le début de la séance de ce soir. Nous nous sommes quittés sur une question de privilège soulevée par le député de Verchères et par moi-même. Je vais tenter de le faire le plus sereinement possible. Les propos qui ont occasionné ce débat sont, de ma part, les suivants: "... on a été obligé d'invoquer le quorum à plusieurs reprises cet après-midi." Ce à quoi le député de Verchères a rétorqué que j'avais menti à la Chambre et menti aux Québécois.

Je voulais tout simplement soulever le fait que loin de moi était l'idée d'un mensonge, petit ou gros, parce que je suis allé au journal des Débats chercher les galées et je me suis aperçu qu'à 17 h 55 le député de Maskinongé, M. Picotte, avait dit et je cite ses paroles: "Etant donné qu'il est 17 h 55 et nous n'avons pas quorum, il serait peut-être plus facile de suspendre et de revenir à 20 heures plutôt que vous demander le quorum, M. le Président." C'était au moins souligner l'absence de quorum, parce que j'ai bien dit dans mon intervention "on a été obligé" et non pas "nous".

Quant à "à plusieurs reprises", M. le Président, je m'explique et c'est le but de ma question...

Une Voix: Ce sont les libéraux qui...

M. Goulet: "On", je n'ai pas dit "j'ai". M. le Président, je remercie le député de Vanier pour avoir, par son objectivité, permis de rétablir les faits d'un côté comme de l'autre parce que peut-être que les deux députés avaient raison. Je cite le député de Vanier à la page 5499 des débats de cet après-midi: "... mais je dois dire à cette Chambre qu'il est exact que le député de Bellechasse, à deux occasions cet après-midi, m'a dit: Si votre monde n'est pas en Chambre, on va interpeller la Chambre pour signifier que le quorum n'est pas respecté." C'est ce que je lui ai dit ici, mais pas dans mon micro, je le reconnais. Cela faisait quand même trois fois. "Le député de Bellechasse admettra, comme vient de le dire le député de Verchères, qu'il n'a pas publiquement, comme c'est son droit selon le règlement, invoqué l'article qui signifie qu'il n'y a pas quorum."

Ce que je voulais dire, c'est qu'à trois reprises, à ma connaissance, la question du quorum avait été soulevée, dont une fois officiellement et deux fois officieusement, parce que je m'étais adressé au leader adjoint à travers la Chambre, sans passer par le micro. Ces deux dernières fois, probablement que le député de Verchères n'était pas au courant.

Je pense que ces accusations d'avoir menti à la Chambre ne sont pas à la hauteur du député de Verchères et je le lui demande en toute sérénité de bien vouloir les retirer après l'explication que j'ai donnée.

Le Vice-Président: M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, j'avais l'impression que j'avais retiré, du moins, le qualificatif. J'en avais utilisé un moins offensant, mais, paraît-il, il n'était pas parlementaire. Mais la mise au point que vient de faire le député de Bellechasse et surtout l'affirmation que, dans le fond, les deux députés avaient sans doute raison, chacun dans son interprétation, clôt le débat, à mon point de vue. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Tout est bien qui finit bien. M. le député de Saint-François.

M. Réal Rancourt

M. Rancourt: M. le Président, ce soir, en prenant la parole sur la Loi modifiant la Loi du ministère de l'Agriculture, je le fais en tant qu'agriculteur. Je me retrouve ici, à l'Assemblée nationale, simplement parce que comme agriculteur, dans les années soixante-seize, avec tout le contexte dans lequel on vivait au cours de ces années, je me suis dit, une bonne fois: Plutôt que de toujours critiquer, qu'est-ce que je ferais si j'allais à l'Assemblée nationale? J'ai regardé les partis en lice, bien sûr, et le seul endroit où je me suis retrouvé à l'aise, c'était au niveau du Parti québécois.

Depuis ce temps, le Parti québécois a présenté des lois qui, comme la loi 90, ont fait que nous avons, au départ, cherché d'une façon partielle, peut-être, mais quand même réussi à délimiter une zone agricole protégée. On pourrait dire qu'il y a encore des problèmes, bien sûr; c'est que ça fait seulement une année que nous avons décrété les zones protégées. Je crois qu'il y a là cohérence du gouvernement et cohérence du Parti québécois, surtout en agriculture.

Maintenant que nous avons protégé une partie de notre sol — et, j'espère, le reste du Québec très bientôt en décrétant d'autres régions — il y a eu aussi la loi 125 qui, pour moi, est très importante parce qu'elle permettra, suivant qu'une ou l'autre en prenne charge, de couvrir le Québec très rapidement dans l'aménagement du territoire. En dehors de l'agriculture, nous allons aménager pour les Québécois, jusque dans les années 2000, notre territoire d'appartenance. (20 h 20)

En plus des lois agricoles, en incluant les lois du crédit, un train de mesures concernant le crédit, je pense qu'il faudrait aussi mentionner justement cette cohérence du gouvernement qui a fait un sommet agro-alimentaire en le faisant suivre de mini-sommets dans le sens de l'industrie céréaliè-re qui a eu lieu la semaine dernière à Saint-Hyacinthe, à Sherbrooke, la fin de la semaine prochaine sur l'industrie bovine, un peu plus tard à Rimouski sur l'industrie laitière et autres. Ayant protégé le sol, maintenant il s'agit, pour l'agriculture d'aujourd'hui et de demain — je pense que comme gouvernement et comme député agricole, c'est mon devoir ici à cette Assemblée — de trouver une façon de revaloriser l'agriculteur. Parfois, j'ai été déçu de voir, ici à l'Assemblée nationale, la façon dont on traite les problèmes agricoles, surtout les partis d'Opposition. On dit souvent: si vous aviez un chapeau, vous parleriez à travers.

Cette loi d'une banque de sols, je me répète, c'est une cohérence du gouvernement. Je vais parler de ma région en particulier qui n'est pas zo-née agricole, qui n'est pas dans une zone agricole. Il y a des fermes chez nous qui se vendent peut-être à des prix très élevés comparativement — je laisse de côté la région de Montréal, la plaine — à d'autres régions périphériques du Québec. Il y a chez nous des fermes qui sont des unités rentables jusqu'à un certain point de vue. Parfois, il y a un père de famille, c'est une ferme familiale. Je m'en tiens au type de ferme familiale. Ce père de famille qui a une unité rentable, une ferme rentable, a aussi des fils et, actuellement chez nous, le fils a de la difficulté à acheter. Le père n'est pas encore assez âgé, il a peut-être 50 ans et il n'y a pas suffisamment grand d'espace pour former une société. Chez nous, les fermes maintenant ce sont des sociétés père-fils de plus en plus, et fille-frère. C'est une industrie, chez nous. En partant de là, cette loi est d'une valeur inestimable.

Je vais vous donner un cas où cela pourrait s'appliquer. Dans ma région, il y a une ferme qui est une unité rentable, une industrie laitière d'une centaine de vaches. Cette unité est rentable pour un individu avec un fils, mais il y en a un autre qui a 22 ans, par exemple, qui ne peut pas s'intégrer à la société.

Vous me direz: Que vient faire la banque de sols à l'intérieur de cela? Mais il y a un voisin, par exemple, et celui-ci veut vendre. Le coût de la ferme est peut-être de $200 000 ou $300 000, c'est une autre unité rentable, mais le fils n'a pas les moyens et il ne peut pas aller chercher au niveau du crédit agricole, actuellement, le maximum; c'est-à-dire qu'il peut aller chercher le maximum, mais il faut toujours conserver la notion de rentabilité en agriculture, et l'Office du crédit agricole et ceux qui prêtent ont cette notion de rentabilité.

Il pourrait arriver que, pour augmenter cette rentabilité de deux ou de trois fermes, l'Office du crédit agricole, l'agence qui est mandatée par le gouvernement, achète d'une façon claire et nette la ferme voisine qui est disponible en trouvant une formule et qu'elle l'offre à l'agriculteur. D'ailleurs, ne vous en faites pas, les agriculteurs vont trouver facilement des façons d'appliquer cette loi, de l'utiliser. Les gars chez nous, ce sont des gestionnaires en agriculture, ce sont des gestionnaires au point de vue financier aussi. Donc, en utilisant cette loi, ils pourront se rendre au crédit agricole et demander d'acheter la ferme pour la louer pour une période de cinq ans. Ils essayeront de trouver une méthode et peut-être d'aller chercher du crédit à la production pour l'office pour augmenter la notion de rentabilité au niveau des deux ou trois fermes réunies, en société ou autrement. Partant de là, cela fera que le fils de l'agriculteur pourra s'intégrer, et le deuxième fils pourrait s'intégrer à la ferme déjà existante.

Quand on parle de socialisme, comme je l'ai entendu en deux occasions de l'Union Nationale et des libéraux, je trouve que c'est vraiment charrier. Est-ce du socialisme que permettre à un office créé par le gouvernement du Québec d'acheter une ferme et de la louer pour une période, sous promesse d'achat dans les quelques années futures? En fin de compte, mon voisin de fauteuil dit c'est du capitalisme d'Etat; c'est peut-être vrai. C'est cela qu'on vous dit. Croyez-vous que l'agriculteur va vouloir nécessairement toujours en être locataire? Je sais que les individus chez moi vont vouloir l'acheter. Ils vont l'acheter parce que c'est permis par la loi, et si dans d'autres régions on peut essayer de louer par quelqu'un pour une longue période, il y a parfois des périodes...

Si un bonhomme de 40 ans, par exemple, veut faire de la production céréalière ou la culture du maïs — on va prendre la plaine de Montréal — pour lui, est-ce nécessairement rentable d'acheter? Peut-être pas, toujours pour la notion de rentabilité que certains d'entre vous considèrent le nec plus ultra. La notion de rentabilité existe en agriculture et pour cet agriculteur qui veut faire de la production céréalière en maïs-grain ou autre chose, la notion de rentabilité dira peut-être que c'est préférable pour lui de louer pour les années qui lui restent en agriculture, à son âge, et à faire fructifier la terre. Dans le fond, cette ferme qui a été en production, c'est du capital pour tout le Québec, pour tous les Québécois. Cela permet justement d'augmenter notre production en viande bovine.

Je me trouve dans une position où je ne comprends pas du tout les partis d'Opposition qui nous disent qu'ils vont voter oui et qui parlent contre, ceux qui nous disent qu'ils sont absolument contre tout le principe de la loi. Je crois qu'il

n'y a qu'une cohérence dans tout ce que nous avons fait, au gouvernement du Québec, pour l'agriculture. Ce que les agriculteurs du Québec recherchent, c'est la rentabilité; ces gens ont besoin de fiscalistes. Je demande au ministre de l'Agriculture qu'il y ait dans les bureaux régionaux d'agriculture des fiscalistes pour permettre la transition d'une ferme d'un à l'autre. Dans ma région, j'ai des fermes qui se sont vendues $1 500 000. Croyez-vous que la Société du crédit agricole va prêter à un jeune le montant pour acheter cette ferme? Jamais de la vie, ce n'est pas possible. Même si on pouvait trouver l'argent, pour ce jeune de 26 ou 27 ans, rembourser $1 500 000 en capital et intérêts, c'est impossible. Toujours la notion de rentabilité.

Je pense qu'il y a une possibilité d'utilisation des fermes qui sont actuellement en vente dans des régions données sous forme de location afin de permettre d'augmenter cette rentabilité en agriculture. Comme agriculteur, je n'ai pas et la plupart des agriculteurs n'ont pas tendance à parler longuement sur un sujet, mais ils le comprennent rapidement. Depuis que je suis ici, à l'Assemblée nationale, cela a été une de mes difficultés d'adaptation d'entendre parler pour ne rien dire, pour essayer de trouver des solutions qu'on ne cherche même pas. Nous, on essaie de les chercher, alors qu'on tourne autour du pot du côté de l'Opposition. Comme agriculteur, je tiens à dire que je retournerai en agriculture parce que c'est mon seul métier et je pourrai me dire, quand j'y retournerai, que j'ai fait mon devoir au niveau de l'amélioration de l'agriculture au Québec et je pense que tous les députés ici, surtout ceux du caucus agricole, auront cette fierté de l'avoir fait.

Donc, pour ne pas faire mentir l'adage qui dit que les agriculteurs ne sont pas des gens qui parlent pour ne rien dire, mais qui veulent qu'on agisse, je vais me taire là-dessus en vous disant que je pense que tous ceux qui veulent vraiment prouver qu'on veut faire quelque chose de valable de l'agriculture ne peuvent faire autrement que d'accepter un projet de loi semblable. Qu'on le discute dans ses modalités ou dans ses détails, je suis d'accord, mais pas de partage inutile parce que c'est un besoin et, d'ailleurs, il y aura d'autres projets de loi qui vont suivre qui vont prouver, encore une fois, cette cohérence que le gouvernement du Québec a pour l'agriculture du Québec. Merci. (20 h 30)

Le Vice-Président: Est-ce que la motion de deuxième lecture du projet de loi no 43 sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président: M. le député de Deux-Montagnes.

M. Pierre de Bellefeuille

M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne peux pas laisser passer cette occasion de dire quelques mots sur le projet de loi que nous avons devant nous parce que je représente le comté de Deux-Montagnes où se trouve Mirabel, y compris un territoire agricole important qui a été exproprié par le gouvernement fédéral il y a environ dix ans. Ce projet de loi est d'une importance particulière par rapport aux terres agricoles de Mirabel puisqu'il a principalement pour objet, comme le disent les notes explicatives, de permettre au ministre de l'Agriculture de constituer une banque de terres arables en vue de disposer de ces terres ou de les louer pour favoriser la relève en agriculture, etc.

Je vais vous rappeler les grandes lignes de ce qui s'est passé à Mirabel depuis 1969. Il y a eu une expropriation qui a été faite à la suite de cette décision que le gouvernement fédéral avait prise d'implanter là-bas le nouvel aéroport international de Montréal. Cette décision, comme vous le savez, avait été prise contre la volonté du gouvernement du Québec qui, à l'époque, était un gouvernement de l'Union Nationale. Ottawa a exproprié un très vaste territoire, beaucoup plus vaste que ce qui était exigé par ses besoins aux fins de l'aéroport. Il y a toutes sortes d'explications qu'on a avancées depuis pour montrer pourquoi Ottawa a exproprié environ 80 000 acres de bonnes terres agricoles de trop. La principale explication, c'est, je crois, qu'Ottawa se méfiait du gouvernement du Québec et n'était pas sûr de jouir de la collaboration du gouvernement du Québec. Alors, Ottawa a exproprié une très vaste zone afin d'exploiter, de contrôler ce territoire à son gré.

Dans ces 80 000 acres de terres agricoles dans la région de Mirabel, on trouve, de fait, entre 6% et 7% des terres de catégorie A au Québec. Comme vous le savez, au Québec, on n'est pas gâté par les terres de catégorie A; on en a relativement peu et il y a entre 6% et 7% qui se trouvent dans ce territoire. C'est donc un morceau de territoire agricole extrêmement important pour le Québec.

Quand Ottawa a pris cela en main, on a permis aux gens d'y pratiquer l'agriculture, mais c'est, depuis dix ans, de l'agriculture en location avec divers genres de bail. Le bail le plus courant était un bail de cinq ou dix ans. Cependant, tous les baux comportaient, M. le Président, une clause d'annulation à six mois d'avis. Ce qui fait que les producteurs agricoles locataires de Mirabel ne pouvaient pas vraiment faire de l'agriculture moderne, de l'agriculture rentable parce que pour faire de l'agriculture de nos jours — et plusieurs intervenants dans le débat l'ont dit — il faut faire des investissements considérables. Quand on a un bail avec une clause d'annulation à six mois d'avis, il n'est absolument pas question — vous le comprendrez, M. le Président — de risquer des investissements, alors qu'on n'est pas propriétaire du sol et qu'on peut être évincé à brève échéance.

Le résultat, M. le Président, c'est que ces belles terres, où il y a des paroisses dont vous connaissez certains des noms — on a surtout parlé de Sainte-Scholastique, mais il y a plusieurs autres paroisses dans ce secteur qui ont été groupées en une nouvelle et très vaste municipalité qui

s'appelle Mirabel — la partie agricole de ce territoire est gravement sous-exploitée. C'est un territoire qui est plus ou moins à l'abandon à cause des conditions faites par le gouvernement d'Ottawa.

Malgré tout, il y a là une population fière qui a su se retrousser les manches, se relever et se remettre du très grand dérangement que fut l'expropriation d'il y a dix ans. Je me souviens qu'à la suite de l'expropriation, il y avait des paroisses qui présentaient un visage vraiment pénible. Je songe, par exemple, au village de Sainte-Monique où on avait vraiment l'impression que c'était devenu un village fantôme, il y a quelques années. Il y avait peu de gens qui y habitaient. Il y avait beaucoup de constructions qui étaient plus ou moins à l'abandon de façon très littérale, mais depuis, Sainte-Monique est redevenue une très belle paroisse. C'est redevenu très joli, Sainte-Monique, parce que les gens, quand même, n'ont pas cédé au découragement. Ils ne se sont pas laissés aller. Ils se sont ressaisis. Il y a des gens qui ont travaillé avec eux dans le cadre de ce grand effort pour se retrousser les manches et reprendre possession de leur milieu de vie. Il y a un un comité des expropriés qui a été organisé, ce comité a évolué et est devenu aujourd'hui le Centre d'information et d'animation communautaire, le CIAC. Avec des dirigeants locaux — je n'en nommerai qu'un seul, le curé Duquette, de Sainte-Scholastique — de grande valeur, ils ont réussi à lutter contre la volonté d'Ottawa, à imposer leurs points de vue à certains égards, mais ils n'ont pas pu régler le problème de fond qui est le problème de ce bail à court terme avec clause d'annulation à six mois d'avis. Ce problème existe encore. Il n'est pas réglé.

Notre projet de loi no 43, justement — dont je félicite le ministre parrain — va nous permettre de régler ce problème. Notre ministre de l'Agriculture a déjà fait des représentations auprès de l'ancien gouvernement d'Ottawa sur cette question et il a repris maintenant les démarches auprès du nouveau gouvernement d'Ottawa.

J'invite le ministre, maintenant que nous a-vons en main cet instrument, ce projet de loi qui va nous donner le moyen d'assurer la relance agricole de Mirabel, à intensifier ses démarches auprès du gouvernement d'Ottawa afin que le Québec reprenne contrôle et possession des belles terres de Mirabel. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: Merci. M. le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation.

M. Garon: Vas-y.

Le Vice-Président: M. le député de Berthier. M. Jean-Guy Mercier

M. Mercier: M. le Président, je m'en voudrais de laisser passer une occasion de formuler certains commentaires sur un projet de loi que j'estime extrêmement important et qui, apparemment, ne semble pas susciter beaucoup d'intérêt du côté de l'Opposition, et à tort, je pense...

Une Voix: Au contraire.

M. Mercier:... puisqu'il s'agit là d'un projet de loi majeur. En fin de compte, on peut se poser la question: Pourquoi une banque de sols? Il faut bien comprendre qu'on ne crée pas un organisme de toutes pièces pour exercer des pouvoirs qui n'existent pas. Au contraire, ces pouvoirs existent et, bien souvent, ils font l'objet d'un certain nombre de responsabilités à l'intérieur de quelques ministères. Je pense, par exemple, au ministère des Transports, bien sûr, mais également au ministère de l'Energie et des Ressources. Je pense également à toute cette importance qu'il y a dans une politique d'ensemble de relance de l'agriculture d'avoir un organisme qui puisse faire cette jonction entre l'offre et la demande. La banque de sols va essentiellement servir, premièrement, à établir cette jonction. Des agriculteurs ont des fermes bien établies, bien organisées, et cherchent, à cause de l'âge de la retraite ou pour absence de relève, à s'en départir mais ils ne trouvent pas nécessairement un acheteur. Le prix des terres, Dieu sait à quel point il a fluctué pour toutes sortes de raisons. Il y a quelques années, dans certaines régions, de très belles fermes bien organisées devaient être vendues séparément, en pièces, puisque le prix des terres était à peu près nul. Il s'agissait que quelques terres se vendent à des prix élevés et, spontanément, le prix des terres, dans toute une région, devenait absolument astronomique et cela devenait tout à fait inaccessible aux jeunes agriculteurs. Ne serait-ce que pour stabiliser un petit peu l'équilibre entre l'offre et la demande pour les terres organisées pour lesquelles nous avons besoin d'une relève de qualité pour utiliser ces actifs et continuer à les faire fructifier, nous avons besoin d'un organisme de ce genre pour en permettre l'achat à des jeunes, qui n'ont pas les moyens financiers nécessairement, mais qui ont l'expérience et la compétence. En somme, il ne s'agit pas de distribuer des terres et des actifs considérables à des gens qui ont simplement un attrait momentané pour l'agriculture. Il existe un potentiel de jeunes formés et aptes à prendre la relève en agriculture n'ayant pas nécessairement le capital nécessaire, mais prêts à entrer en possession et à faire fonctionner une ferme. (21 h 40)

Cette banque de sols peut établir cette jonction entre des fermes déjà bien organisées, mais sans relève, et des jeunes, d'autre part, qui veulent s'en porter acquéreurs. Egalement, l'absence totale de planification et d'aménagement du territoire a fait en sorte que beaucoup de terres ont été laissées en friche, plus ou moins organisées, achetées par des gens qui espéraient un profit facile. Il faudrait, à un moment donné, les réutiliser pour l'agriculture ou pour d'autres vocations, le reboisement ou autre chose. Je pense que la banque de sols sera utile là aussi.

Cette banque de sols pourra fournir également une expertise technique dont on a absolument besoin. On a mentionné le cas de ces autoroutes. Il y a, près de chez moi, dans ma région,

l'autoroute 40 qui a laissé des dizaines de parcelles de terrain de cinq arpents, dix arpents et, dans certains cas, trente ou quarante arpents absolument inutilisées et qui, sans avoir toujours un potentiel pour l'agriculture telle qu'on la connaît, ont un potentiel au moins pour des activités forestières. De magnifiques boisés sont là sans utilisateurs et, finalement, le ministère des Transports n'a pas l'expertise technique, présentement, et n'a pas la préoccupation de réutiliser à des vocations agricoles ou forestières ces parcelles de terrain. Il s'en est déjà vendu au plus offrant, dans certaines périodes, au moment où la terre ne valait presque rien, il y a dix ou quinze années, dans certaines régions, pour des chansons, et parfois pour des prix beaucoup trop élevés pour la valeur que ça avait vraiment. Manifestement, les gens du ministère des Transports n'étaient pas aptes à définir, en fonction d'une vocation et d'un potentiel qui doivent être évalués, techniquement parlant, la véritable valeur de ces parcelles de terrain ni à les réintroduire dans un circuit où elles auraient pu être profitables au point de vue économique.

La banque de sols pourra fournir cette expertise technique. Pour Mirabel ou pour toute autre terre acquise par les différents ministères et dont on ne sait trop quoi faire à l'intérieur des ministères, présentement, la banque de sols pourra être un atout précieux. Dans le nord de mon comté, on voit à quel point de nombreux billets de location traînent, avec toutes les difficultés que ça représente en ce qui concerne les titres. Le ministère des Terres et Forêts jouait depuis quelques années un rôle croissant dans le domaine des terres; l'ancien ministère de la Colonisation en avait joué un aussi bien avant. Il faut voir à quel fouillis on assiste dans ce secteur avec des billets de location de terres qui ont été transmises dans des conditions absolument bizarres et pour lesquelles, tôt ou tard, il faudra également régulariser la situation et réutiliser les terrains.

On a dit — cela frappe le sens commun — que dans les endroits où on a les meilleures terres, il faut les réutiliser pour l'agriculture. C'est également extrêmement important en périphérie des terres de la couronne dans des régions forestières comme Saint-Michel-des-Saints, Saint-Zénon, dans ces régions où il existe encore des territoires privés ou des territoires à propriété contestable et contestée. Ces territoires pourraient être utilisés à profit pour des exploitations forestières intéressantes, de façon qu'elles deviennent elles aussi de petites entreprises exploitées, où on pourrait commencer à modifier un type d'exploitation forestière qui, bien souvent, n'a pas toujours été au profit de ces municipalités et des petites scieries qui auraient pu subsister si elles avaient pu compter sur des petits boisés d'une centaine d'arpents bien entretenus pour s'approvisionner.

Je pense, M. le Président, que dans ce secteur, également, la banque de sols pourrait être un atout considérable, ne serait-ce que pour sortir de ce fouillis dans lequel on se retrouve avec des titres bizarres et pour lesquels on constate que le ministère des Terres et Forêts n'est pas bien équi- pé présentement, ni le ministère de l'Agriculture. Ce sont des terrains auxquels nous pourrons, à profit, redonner une vocation agricole ou forestière.

Pour toutes ces raisons, cette banque de sols correspond à un besoin que nous avons à cause des options et des choix politiques que nous avons faits de redonner, à travers les vocations agricoles et forestières, les vocations premières de notre territoire, un essor économique qui nécessite un instrument comme celui-là présentement.

Le Vice-Président: Merci beaucoup. M. le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais également faire quelques remarques brèves sur cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 43 visant à créer une banque de sols arables au Québec. J'aimerais peut-être, en commençant mes propos, enchaîner sur ce qui a été souligné de façon intéressante par le député de Saint-François. Je pense qu'au point de départ il faut voir la perspective dans laquelle se situait le député de Saint-François pour faire ses remarques. C'est lui-même un agriculteur; donc, il a la connaissance du domaine pour l'avoir vécu personnellement et il continue, je pense, si mes informations sont bonnes, à le vivre puisqu'il possède sa ferme. Donc, il oeuvre directement dans le milieu concerné et, à ce moment, il est appelé à être en contact régulièrement avec ses confrères qui travaillent dans le domaine agricole.

Le député de Saint-François a alors mentionné une situation — je ne sais pas si c'était hypothétique ou s'il faisait référence, à ce moment, à un de ses amis; on m'indique que c'était un cas réel — où une famille, par exemple, exploitant une ferme voyait un de ses fils intéressé à participer à l'entreprise familiale par le biais de l'acquisition d'une ferme voisine. Mais, à cause du montant impliqué, c'est-à-dire $200 000 à $300 000 pour acquérir cette entité rentable en soi, il devenait, à ce moment, impossible au garçon d'entrer dans cette entreprise familiale avec sa part en recevant du crédit agricole les sommes nécessaires pour faire face à ses obligations et exploiter cette entité nouvelle liée à la ferme paternelle.

Dans l'approche que prend le gouvernement, actuellement, en créant une banque de terres, il peut y avoir des possibilités d'aide à de telles situations. Cependant, on doit considérer également — je pense que le ministre devra se pencher là-dessus — quels moyens on est prêt à offrir de plus au jeune agriculteur qui veut entrer sur le marché direct de l'acquisition d'une ferme rentable ou d'une entité rentable ou d'un "partnership", d'une coopération à une entité déjà existante. Qu'est-ce qu'on est prêt à faire à l'Office du crédit agricole peut-être pour améliorer la situation afin de lui permettre justement soit d'acquérir une entité rentable en soi au coût de $200 000 à $300 000 ou soit d'avoir suffisamment d'argent pour être capable d'entrer dans un "partnership" valable?

Le problème demeure entier et, même si on avait, je pense, au point de départ cette banque, je ne crois pas que, le lendemain matin, l'Office du crédit agricole dans les conditions actuelles serait prêt à consentir davantage à l'individu auquel faisait référence le député de Saint-François qu'il n'est prêt à le faire dans le moment. On se retrouverait exactement dans la même situation. Selon ses critères ou selon les sommes d'argent ou les disponibilités financières que le gouvernement veut bien mettre entre ses mains actuellement, si l'Office du crédit agricole ne juge pas dans les circonstances actuelles qu'il peut prêter un montant X dans ce cas bien précis, comment, demain matin, lorsque la loi va être adoptée, le même Office du crédit agricole, avec les mêmes possibilités, avec les mêmes moyens financiers et avec les mêmes normes, va-t-il être en mesure, cette fois, de dire: Oui, mon jeune, on t'encourage; maintenant, tu peux y aller? Il n'y a absolument rien de changé, sinon que la ferme aura tout simplement passé par le biais de la banque de terres agricoles.

Ceci me fait dire, au point de départ, que la démarche est peut-être intéressante à analyser, à considérer, mais qu'en soi seulement cette opération, à mon sens, ne peut pas suffire à répondre aux exigences et aux demandes de ces jeunes agriculteurs qui, actuellement, ne peuvent pas, faute de moyens et faute de possibilités au niveau de l'Office du crédit agricole, se porter acquéreurs de telles entreprises. Donc, il ne faudrait pas voir la création de cette banque de sols arables au Québec comme une espèce de panacée qui, sans répondre à toutes les situations, répondrait dans l'ensemble à la grande majorité et serait une sorte d'âge d'or pour la relève agricole ou pour ceux qui sont déjà dans le milieu, mais qui voudraient s'agrandir. Le lendemain matin, M. le Président, de l'adoption de ce projet de loi, on va être aux prises, exactement, avec les mêmes réalités et avec les mêmes possibilités surtout du côté de l'Office du crédit agricole.

Je pense que, de ce côté, il faut mettre les choses dans leur vraie perspective et je pense que c'est la responsabilité du gouvernement; si, d'un côté, il veut ouvrir la porte pour donner vraiment une chance à la relève, il faut qu'il se penche du côté des moyens financiers ou du support technique qu'il est prêt à donner via son Office du crédit agricole. Sans cela, on se retrouve exactement devant la même situation. (20 h 50)

Ce serait faux, je pense, de laisser croire à la population actuellement, et surtout à ceux qui sont impliqués dans le domaine agricole, que cela pourrait répondre, dans un ensemble complet, à leurs besoins de ce côté, si on ne fait pas les autres corrections à l'Office du crédit agricole ou à d'autres programmes qui pourraient être améliorés. Le ministre pourrait peut-être me donner son point de vue là-dessus, et me dire de quelle façon, si le projet de loi qu'il présente actuellement est adopté à l'Assemblée nationale, il pourra compléter, autrement dit, cette première approche au niveau de l'Office du crédit agricole ou d'autres programmes qui pourraient amener l'équilibre. Je pense que le ministre est conscient, d'après le signe de tête qu'il me fait actuellement, que la simple création d'une banque, si on ne modifie pas les autres choses autour, n'apporte pas le roulement désiré et qu'on n'atteinda peut-être pas les objectifs qu'on vise à atteindre par le projet de loi.

La relève, en matière d'agriculture, je peux vous en parler également en connaissance de cause. Je sais qu'il existe une relève intéressante en agriculture au Québec. Il y a des jeunes qui sont issus de nos milieux ruraux et qui sont grandement intéressés à continuer la lignée, comme on le dit parfois, de leur père, de leurs ancêtres, soit sur la ferme familiale, soit dans des entités distinctes, ou soit encore dans des associations avec la ferme familiale ou avec leurs frères, ainsi de suite. Il y a des jeunes qui sont remplis de courage, des jeunes qui ont de la connaissance, qui ont l'expérience, qui ont souventefois la formation au niveau des écoles d'agriculture et qui sont prêts, sauf qu'ils attendent qu'on leur fournisse la possibilité ou les moyens au niveau des encadrements législatifs ou au niveau des programmes pour le faire.

Cela implique évidemment toute la question de la rentabilité, mais j'aurai l'occasion d'y revenir dans un autre volet. Je voulais simplement souligner, je pense que le ministre en est conscient également, que la relève, il en existe une, et je pense qu'elle est prête à fonctionner, qu'elle est prête à passer à l'action. Il suffit qu'elle soit placée, cette relève agricole, dans des situations et dans des conditions favorables pour être capable de se lancer. On en a vu trop souvent — moi, je le sais pour avoir des amis personnels dans ce cas — ne pas oser s'embarquer à cause des risques trop grands, des exigences trop grandes et de la marge de manoeuvre de moins en moins grande, elle, du côté de l'agriculture. Le jeune, placé devant cela, va aimer mieux, peut-être, lorsque la situation est moins rose en agriculture, aller travailler à la journée ou prendre un métier pour avoir un salaire fixe et ne pas se lancer dans le risque de l'agriculture, lorsqu'il y a des situations trop chaotiques ou que la rentabilité n'est pas assez assurée ou qu'on ne lui fournit pas l'aide financière nécessaire pour se lancer.

C'est comme dans d'autres domaines, en commençant, c'est certain qu'au point de départ, le jeune agriculteur, même s'il a les talents, même s'il a la connaissance, même s'il a l'expérience dans le domaine agricole, il n'est pas nécessairement fortuné. Je dirais que dans 95% des cas, à moins d'avoir une fortune de famille personnelle très vaste, le jeune agriculteur a besoin d'une aide, d'un coup de pouce, au point de départ, pour le lancer. Je voulais bien souligner cette situation et indiquer au ministre que de ce côté-ci de la Chambre également, on est conscient de la situation. On sait qu'il doit y avoir des améliorations à apporter, de sorte qu'on puisse mettre entre les mains de cette jeunesse qui peut être productive, les moyens pour participer de façon normale à une société dite moderne qui peut prétendre faire

vivre ses individus et avoir une économie qui roule davantage.

Maintenant, il y a un autre aspect sur lequel j'ai glissé rapidement tout à l'heure, et c'est la question de la rentabilité de nos entreprises agricoles. Je comprends qu'il y a quand même eu toute une évolution de ce côté. A partir de la ferme familiale, ancestrale que l'on connaissait, il y a 30, 40 ou 50 ans, on est passé à des entités administratives qui sont devenues, en fin de compte, des entreprises au sens spécifique, au sens direct du mot, c'est-à-dire des entreprises administratives, tout simplement, au même titre que d'autres entreprises dans le domaine de la production ou autre. Dans ce sens, il y a eu une transformation de la façon de voir et de la façon d'administrer et de tout le mode d'approche dans le domaine de l'agriculture également. Donc, il y a eu des changements massifs au cours des 20 dernières années surtout où l'agriculture devient une entreprise au même titre que d'autres entreprises.

Maintenant, comme tout autre secteur également, dans le domaine de l'administration, si l'entreprise en question ne trouve pas dans son fonctionnement la capacité d'être rentable, elle ne peut pas continuer. Que ce soit dans le domaine de l'agriculture ou dans un autre domaine, c'est le même principe. Ce n'est pas parce qu'on aime l'agriculture, qu'on aime être cultivateur, qu'on aime être agriculteur qu'on va être prêt à consacrer 15 ou 20 heures par jour, s'il le faut, durant les belles années de sa jeunesse. Même si on est prêt à faire tout ça, si l'entreprise n'est pas rentable ou si la situation ne permet pas au producteur agricole d'écouler son produit à un prix qui lui permette de faire face à ses coûts de production et lui laisse en même temps la marge de manoeuvre nécessaire pour faire face aux exigences nouvelles de la modernisation de son équipement, on se retrouve devant une situation malheureuse. Ce n'est pas parce que c'est une ferme que le type va continuer à travailler jusqu'à sa dernière goutte de sueur, qu'il va se saigner à blanc pour en arriver à une faillite au bout de la ligne.

Tout ceci pour vous dire que même en agriculture on doit viser la rentabilité. Je pense que le rôle moteur que le gouvernement peut jouer à ce niveau, ce n'est peut-être pas nécessairement de jouer lui-même, mais de fixer des règles de jeu de telle sorte que les conditions soient les plus favorables possible à ces entreprises. A l'intérieur de cela, ne soyez pas inquiet, M. le Président — je pense que le ministre en est conscient également — si les règles du jeu sont suffisamment souples et suffisamment dynamiques pour permettre aux individus qui oeuvrent dans le domaine de l'agriculture de gagner leur vie et que leur entreprise soit rentable, on n'aura pas besoin de pousser sur les agriculteurs, on n'aura pas besoin de pousser sur la relève et on n'aura pas besoin de moyens artificiels, cela va bien fonctionner. Je pense qu'il y a un dynamisme inhérent à nos jeunes agriculteurs et même à nos agriculteurs en général au Québec; il s'agit qu'ils soient placés dans des conditions favorables et ils vont produire. On le sait, depuis quelques années il y a souvent des situations difficiles, délicates qui se présentent et nos gars vont manifester, nos gars vont dire qu'il y a des problèmes, mais ce n'est pas parce qu'ils manquent de dynamisme, c'est parce qu'il y a des murs, dans l'exploitation de leurs entreprises, qui les empêchent de s'épanouir pleinement et de travailler à fond dans leurs entreprises pour atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés.

La création d'une banque de terres agricoles pourrait, à certains égards, être intéressante à analyser, mais il faut voir l'ensemble de la situation dans sa vraie perspective aussi et je dis au ministre: Qu'on rende les entreprises rentables, qu'on crée des conditions favorables à tout point de vue, pour que nos producteurs agricoles puissent avoir un revenu suffisant, et ils vont s'organiser tout seuls, ils pourront être même davantage motivés si on leur laisse la plus grande liberté possible dans ce secteur.

On peut être porté à se demander s'il manque d'agriculteurs au Québec. Je pense qu'il n'en manque pas, justement. On a une bonne classe agricole au Québec, dynamique, qui est prête à travailler, qui l'a démontré, qui le démontre encore parce que cette classe agricole est passée à travers des problèmes passablement difficiles. Ils ont démontré leur ténacité, leur courage et leur capacité de faire face aux situations en continuant de se maintenir. Donc, ce n'est pas un problème de dire qu'on n'a pas assez d'agriculteurs au Québec. Malheureusement — il y a des chiffres, je ne les ai pas ici — depuis quelques années on assiste à une diminution du nombre de nos producteurs agricoles parce que les situations ne sont pas suffisamment intéressantes pour leur permettre de continuer. Il y a différentes conditions qui peuvent être discutées alentour de cela, mais on constate, au niveau du chiffre absolu de nos producteurs agricoles, qu'il y a une diminution assez importante au niveau du nombre comme tel.

La deuxième question qu'on peut se poser est: Est-ce qu'on manque de fermes au Québec? Cette deuxième question, évidemment, va de soi avec l'autre. Je pense qu'il ne manque pas de fermes, il y en a suffisamment. On a des terres fantastiques au Québec, pas toutes bien développées et pas toutes entretenues, d'accord, mais je pense qu'on a un potentiel assez formidable de ce côté. Pourquoi n'est-ce pas suffisamment exploité et suffisamment développé? Je n'ai vu nulle part, dans une société basée sur le système économique de la libre entreprise tel qu'on a actuellement, un secteur de l'activité économique qui est en bonne santé, qui fonctionne bien et que les gens mettent de côté, volontairement, lorsque ça fonctionne bien.

Lorsqu'il y a des problèmes, ceux qui ont à oeuvrer dans tel domaine vont peut-être mettre de côté leur intérêt dans ce domaine et on peut assister à ce à quoi on assiste dans le domaine de l'agriculture, malheureusement. Mais, lorsqu'un

secteur est en bonne activité, qu'il est en croissance de rentabilité, c'est le contraire qui se produit. Non seulement il n'y aurait pas trop de terres, si vous voulez, mais il n'y en aurait pas assez pour la demande des agriculteurs s'il y avait vraiment des conditions idéales au niveau du financement, au niveau de l'aide pour l'accès au marché des jeunes agriculteurs qui veulent se lancer là-dedans; de même pour l'expansion de ceux déjà établis. Je pense que ce serait le contraire et de plus en plus il y aurait un dynamisme inhérent de soi-même sans qu'on soit obligé d'avoir un encadrement juridique où les agriculteurs iraient eux-mêmes si c'était tellement rentable et tellement intéressant. Je comprends qu'il y a des ajustements, il y a des nuances à apporter, mais je pense que le tableau d'ensemble se présente quand même de cette façon. (21 heures)

Maintenant, par intérêt, j'ai feuilleté tout à l'heure la Loi du ministère de l'Agriculture, le chapitre M-14, section I, de novembre 1978. Le ministre pourra peut-être m'apporter les nuances qu'il jugera bon d'apporter là-dessus aussi. En lisant certains articles, il m'est venu certaines remarques et certains commentaires auxquels le ministre pourra peut-être répondre. L'article 24 de ce chapitre M-14 sur l'agriculture dit ceci: "Le ministre de l'Agriculture peut, avec l'approbation du gouvernement, assumer la direction et assurer l'exécution de ces plans, programmes et projets". On fait référence à l'article précédent. "Acquisition de biens: II peut, aux fins de ces plans, programmes et projets, acquérir, louer ou aliéner tout bien meuble et immeule, accorder des subventions, prêts ou avances, verser des primes, allocations ou indemnités, exécuter ou faire exécuter des travaux d'amélioration, d'aménagement et d'équipement agricole".

A l'article 25 on dit ceci: "Le ministre peut conclure des accords avec tout gouvernement ou organisme, ainsi qu'avec toute personne, association, société ou corporation, en vue de l'élaboration et de l'exécution de tout plan, programme ou projet visé à la présente section".

Enfin, à l'article 26: "Le gouvernement peut, aux conditions qu'il détermine, confier la direction ou l'exécution d'un plan, programme ou projet, à un organisme gouvernemental qu'il désigne. L'organisme désigné peut, à ces fins, exercer tout pouvoir prévu aux articles 24 et 25 que lui confère le gouvernement".

C'est donc dire qu'avec ces dispositions, déjà, de la loi existante, il semblerait que le ministre ait déjà les pouvoirs de se porter acquéreur de tout bien meuble ou immeuble, et de louer ou aliéner lesdits biens meubles ou immeubles. Le ministre pourra peut-être faire l'interprétation qu'il connaît de cet article de la loi mais il me semblait, au point de départ, d'après l'information que j'ai pu obtenir, que ces dispositions seraient à peu près les mêmes que celles qu'on retrouverait dans le projet de loi no 43, de sorte que le ministre aurait déjà eu en main, si tel est le cas, sans avoir à passer par l'adoption du projet de loi no 43 qui est devant l'Assemblée nationale, les pouvoirs de procéder directement à l'acquisition de certaines propriétés pour fins de revente ou de location.

J'aimerais avoir son point de vue là-dessus. Si tel est le cas, peut-il m'expliquer pourquoi à ce moment-là on a jugé bon de devoir revenir devant l'Assemblée nationale avec un projet de loi qui, en substance, dirait à peu près les mêmes choses que la loi existante du ministère, qui donnerait au ministre des pouvoirs en sa possession.

J'aimerais souligner un dernier point, M. le Président, avec votre permission, et attirer l'attention du ministre là-dessus. On sait qu'en vertu du projet de loi no 43, le ministre pourra vendre ou louer des terres agricoles qui feront partie de sa banque de sols arables. On n'a aucune stipulation quant au bail de location en ce qui concerne ce qui va arriver au bout de quelques années lorsqu'un agriculteur, par exemple, louera une ferme de la banque de sols arables. Il n'y a aucune garantie qui apparaît dans le projet de loi pour ledit agriculteur qui aura, pendant trois ans, quatre ans, cinq ans, loué un morceau de terre adjacent à sa ferme — par exemple, si on prend le cas du député de Saint-François — qui l'aura mis en valeur, qui l'aura exploité, qui l'aura labouré, ensemencé, défriché, drainé même, et qui aura fait tout ce que cela comprend comme mise au point agricole. Il n'y a rien dans le projet de loi qui garantit que ce locataire pourra, s'il le désire, devenir propriétaire du lot qu'il aura lui-même, au cours des années, défriché, drainé, ensemencé, mis en valeur. Je pense qu'il y aurait là une lacune. Ecoutez, ce sont simplement les données fondamentales de la nature humaine. Pourquoi un individu désireux de louer une terre y mettrait-il autant d'efforts si, au bout de la ligne, cette même terre devait être louée par la suite à son deuxième voisin ou à un autre qui pourrait être intéressé par la suite, peut-être doublement intéressé à la louer à ce moment-là parce que, justement, elle aura été défrichée et mise en valeur par le premier agriculteur qui l'aura louée?

Je comprends que cela peut peut-être faire partie de la réglementation à venir, mais j'aimerais beaucoup entendre le ministre là-dessus. En ce qui me concerne, ce serait un point important que j'aimerais voir préciser dès maintenant, si c'est possible. Je pense que cela aiderait la bonne tournure des discussions autour du projet de loi 43. Si le ministre me dit que c'est pour venir au niveau des règlements, j'aimerais qu'il nous en donne la garantie dans son discours de réplique. Si c'est réellement son intention — je pense qu'il y a fait allusion indirectement dans son discours de présentation de deuxième lecture — que le bail de location puisse contenir une option d'achat pour celui qui loue, j'aimerais qu'il nous le précise dans sa réplique de deuxième lecture. Ainsi, cela nous permettra, en connaissance de cause, d'analyser de nouveau cette section de la loi à la lumière, justement, d'une connaissance meilleure des intentions réelles du ministre. Je pense qu'il a accepté dans ce sens-là. M. le Président, je terminerai là-dessus mes remarques, en rappelant au

ministre les quelques questions que je lui ai posées. Je lui indiquerais simplement que j'apprécierais que, dans son discours de réplique, il puisse nous donner les informations qu'on lui a demandées à ce sujet. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Julien Giasson

M. Giasson: M. le Président, je n'ai pas l'intention d'intervenir très longuement sur le projet de loi 43. Cependant, je ne pouvais pas m'abstenir parce que vous vous rappelez sans doute, M. le Président, que, lors d'un débat sur un autre projet de loi que le ministre de l'Agriculture avait déposé devant cette Assemblée, soit la Loi sur la protection du territoire agricole, nous avions argumenté très longuement avec le ministre surtout lors du débat de la commission parlementaire de l'agriculture afin de savoir, concernant la conservation et la protection du sol arable au Québec, de quelle manière le gouvernement procéderait pour atteindre les fins premières qu'il recherchait par ce principe de la protection du territoire agricole. Il était évident que, même si nous protégions une vaste partie des bonnes terres arables du Québec, si nous n'avions pas de mesures particulières en agriculture, si nous n'avions pas de programme qui s'adressait à de la production sectorielle, il devenait quasi inutile de vouloir protéger les terres arables du Québec. Dans un premier temps, les agriculteurs du Québec, producteurs agricoles qui tenaient fondamentalement à conserver intactes les fermes qu'ils possédaient et, même, qui tenaient à les agrandir ont toujours fait en sorte, sans qu'il existe de loi à cette fin, de respecter fondamentalement l'intégrité de leur ferme, donc, du territoire agricole qu'ils contrôlaient.

Il y a eu — et cela a été un des motifs mis en évidence par le ministre de l'Agriculture — au cours des dernières années, surtout dans la région métropolitaine de Montréal, autour de la région métropolitaine et dans la vallée du Richelieu, beaucoup d'acquisitions de terres à des fins purement spéculatives. On n'avait pas de politique ou de programme particulier pour remettre ces terres en valeur. Dans l'immense majorité des cas, on avait laissé ces terres retourner en friche, puisqu'on attendait le marché afin d'atteindre la fin spéculative qui était la raison fondamentale de l'acquisition de ces bonnes terres agricoles. Donc, on peut dire, M. le Président, qu'à la suite de la Loi sur la protection du territoire agricole la première véritable mesure qui peut faire en sorte qu'on commence à vouloir utiliser fondamentalement le territoire agricole... M. le Président, je viens d'entendre le ministre de l'Agriculture faire une remarque désobligeante. Il ferait mieux d'écouter ce que j'ai à dire et il sera peut-être plus en état de comprendre.

M. Garon: II dit, M. le Président, que c'est la première mesure! Le député n'est pas conscient qu'on a adopté à peu près une centaine de programmes depuis trois ans.

Le Président: Bon, bon, bon! M. le ministre, vous aurez droit, tout à l'heure, d'exercer votre réplique. Alors, je vous prie d'attendre.

M. le député de Montmagny-L'Islet, vous pouvez poursuivre.

M. Giasson: M. le Président, le ministre n'est même pas en mesure de réaliser que, depuis l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole, des mesures véritables que nous avions réclamées pour faire en sorte que ce sol qu'on protège soit vraiment utilisé, il n'en est pas sorti, sauf celle-ci qui modifie la Loi du ministère de l'Agriculture, afin de permettre au gouvernement du Québec de reprendre possession de certaines terres de chez nous en vue de trouver une utilisation qui n'existe pas présentement pour fins agricoles. (21 h 10)

Pourrais-je tout de même rappeler au ministre, M. le Président, ceci. Cela fait déjà trois ans qu'il assume la responsabilité du ministère de l'Agriculture. Même avant de prendre la direction du ministère de l'Agriculture, j'avais eu l'occasion d'entendre ses propos sur la négligence absurde des anciens gouvernements à utiliser les terres agricoles du Québec, à créer des politiques et à retourner aux agriculteurs de très bonnes portions de territoire agricole qui étaient détenues par le gouvernement. Il s'est contenté d'accabler de tous les reproches le gouvernement fédéral à la suite de l'expropriation des terres de Mirabel. Mais après trois ans, le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation va-t-il admettre qu'il n'a fait aucun effort afin de convaincre ses collègues, sous la responsabilité desquels traînent d'excellents sols agricoles qui n'ont même pas été loués à des cultivateurs qui auraient été intéressés à les prendre?

Le ministre veut-il des preuves? Dans le comté de Montmagny-L'Islet, le ministère des Transports possède des milliers d'acres de bons sols agricoles à la suite des acquisitions faites en vue de la construction de l'autoroute 20. Le ministre va dire: Cela a été le choix d'un mauvais site. Il a beau croire que c'est le choix d'un mauvais site, nous sommes devant une situation qui existe. Le ministère des Transports s'est porté acquéreur de parties de terres très nombreuses puisque le tracé de l'autoroute passe sur le bout des fermes au trécarré d'à peu près toutes les fermes qui se situent entre Lévis — dans la région vers l'est — et Rivière-du-Loup. Ce ministre qui criait au scandale avant d'assumer la direction du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation n'a rien fait pour convaincre ses collègues d'autres ministères, qui sont propriétaires du sol, propriétaires de fait et de droit, par des titres de propriété absolument complets, de louer ou même de vendre parce qu'il y avait des cultivateurs qui étaient prêts à acheter et que d'autres auraient surtout aimé louer des

parcelles de ces terres pour compléter leur propre organisation agricole.

Quand le ministre se réclame de l'urgence absolue de permettre que le bon sol du Québec soit utilisé, quand il crie au scandale devant l'opération du gouvernement fédéral à Mirabel, il nous prouve qu'il n'est pas sérieux parce que, comme je viens de le signaler, dans un comté, celui que je représente, Montmagny-L'Islet, le gouvernement du Québec, depuis quelques années, depuis environ 1967, possède encore des milliers d'arpents de bonnes terres agricoles et l'actuel gouvernement, après trois ans de pouvoir, n'a pas plus bougé que ses prédécesseurs. Qu'il ne nous fasse pas de broue et qu'il ne vienne pas péter ses bretelles devant nous autres, disant qu'il est le défenseur de l'intégrité du territoire agricole, qu'il est l'homme constamment à l'affût de l'utilisation la plus rationnelle possible de nos bonnes terres. Qu'il ne vienne pas nous raconter cela. C'est une farce monumentale, M. le Président. Je viens de vous en donner la preuve. Je vous cite le cas de terrains, d'excellentes terres agricoles qui sont la propriété du ministère des Transports dans mon comté.

Ce n'est pas seulement dans le comté de Montmagny-L'Islet que cette situation existe. Elle existe encore, pour certaines parcelles, dans le comté de Bellechasse. Quand je parle de Montmagny-L'Islet, je vous parle de fermes complètes, de fermes totales qui ont été expropriées par le ministère parce que, au lieu d'être sanctionnées dans son fronteau, c'est-à-dire au bout du rang, certaines terres avaient été sanctionnées à peu près dans le centre et le ministère des Transports avait jugé opportun d'acquérir la totalité de la ferme avec bâtiments. Que le ministre aille voir du côté du comté de Kamouraska-Témiscouata et il va découvrir encore un tas de parcelles de terrains qui sont la propriété du ministère des Transports, des bouts de fermes qui n'ont pas été utilisés parce que le ministère fonctionnait à l'intérieur d'un tracé qui avait été préparé.

Donc, le sérieux que veut laisser croire le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation ne nous épate pas parce qu'il ne procède pas lui-même, comme représentant au Conseil des ministres, à la remise en valeur, à la location ou à la vente de sols qui sont la propriété intrinsèque du gouvernement du Québec.

Il y a une autre dimension dans cette loi, M. le Président, qu'on ne peut ignorer, c'est que, traditionnellement, le gouvernement du Québec, en vue de l'expansion de l'agriculture chez nous, avait concédé, tout au long de son histoire, beaucoup de terres sur billets de location.

M. Garon: Je vous ferai remarquer que le temps alloué au député est écoulé. Six minutes... 20 minutes pour tout le monde?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, nous sommes en deuxième lecture, M. le député de Montmagny-L'Islet a droit à 20 minutes et cette période finira à 21 h 25.

M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: J'étais à dire, M. le Président, qu'on fait un retour en arrière en modifiant la Loi du ministère de l'Agriculture puisque, dans le passé, on a concédé énormément, en vertu de la loi des terres de colonisation, de terrains à des agriculteurs du Québec ou à des colons du Québec en vue d'agrandir le territoire agricole.

Voici que cette loi nous dit que dorénavant le ministre de l'Agriculture, par le biais de l'organisme qu'il va désigner pour administrer la loi, va pouvoir se porter acquéreur de terrains, d'immeubles détenus en vertu de la loi des terres de colonisation. Est-ce qu'il faut comprendre, par cette disposition de la loi 43, que le ministre a l'intention de reprendre, de détenteurs de billets de location, des terrains qui avaient été concédés il y a 25, 30, 40 ou 50 ans? Il reste encore au Québec beaucoup de terres détenues, en vertu de la loi des terres de colonisation, sur la base de billets de location.

On a senti depuis quelques années, avant la prise du pouvoir par le Parti québécois, qu'on voulait retourner en arrière en ce qui a trait à des terres détenues en vertu de billets de location. Dans les ministères, principalement dans le ministère de l'Agriculture, comme dans le ministère des Terres et Forêts, certaines personnes parmi les hauts fonctionnaires rêvaient de reprendre au ministère de l'Agriculture de ces terres que le ministère détenait en vue de concession sur billet de location pour les retourner au ministère des Terres et Forêts, sous prétexte que des terrains concédés n'avaient pas été utilisés pour les fins recherchées, soit la colonisation et le développement de l'agriculture. Devant cette réalité, il y a des hauts fonctionnaires qui ont pensé qu'on devait retourner une partie de ces terrains détenus par les citoyens du Québec en vertu d'un billet émis en bonne et due forme, et qu'on voulait retourner au ministère des Terres et Forêts des terrains que de nos Québécois détenaient depuis de nombreuses années.

Je ne voudrais pas que, par le biais de cette loi, on donne les pouvoirs au ministre de l'Agriculture de reprendre des lots détenus sur billet de location. Ces lots se retrouvent surtout dans des régions où le potentiel agricole est moins grand, c'est-à-dire dans les régions éloignées du Québec telles que la Gaspésie, le Nord-Ouest québécois, ou encore sur les terres les plus élevées par rapport au niveau de la mer; je pense à des concessions complètes qui ont été faites dans les parties sud des comtés de la rive sud du Saint-Laurent, où il existe encore des centaines et des centaines de lots détenus sur billet de location.

Il ne faudrait pas que le mouvement que nous avons senti depuis quelques années de reprendre ces terrains aux détenteurs de billet de location soit une façon de les déposséder; pas en totalité, puisque ces gens n'ont pas de titre de propriété, ils détiennent ces terrains en vertu d'un billet de location. Je crois qu'il faut reconnaître le mérite de ces détenteurs de billet de location qui ont bien protégé les terrains que la couronne leur avait concédés par billet. Non seulement il ne faudrait pas acquérir ces terrains, mais il faudrait faire en

sorte que des lettres patentes qui vont établir de façon définitive les droits de propriété réels soient émises à ces détenteurs de billet de location. Même si ces personnes ne devaient pas exploiter pour l'agriculture les terrains qu'elles possèdent, elles pourraient tout au moins les conserver et les aménager en vue d'en faire des exploitations forestières très intéressantes et fort rentables. (21 h 20)

Le ministre aurait indiqué, lors de son discours de deuxième lecture, que l'organisme dont fait mention la loi serait l'Office du crédit agricole. Je n'ai pas l'intention de mettre en doute le choix d'une telle société ou d'un tel organisme gouvernemental puisque déjà dans les faits, au cours des récentes années, l'Office du crédit agricole, même en l'absence de cette loi, est devenu propriétaire d'un certain nombre de fermes au Québec. L'Office du crédit agricole, à partir de ces fermes possédées par lui, a déjà mis à la disposition de fermiers, en vue d'un agrandissement, d'une amélioration de leur ensemble, a déjà mis à la disposition de cultivateurs, sous base de location, certaines parcelles de terrains ou certaines fermes complètes que l'office possède. Donc, la loi en soi ne crée pas quelque chose d'inédit, de nouveau. La loi vient tout simplement confirmer ou compléter ce que pratique déjà l'Office du crédit agricole du Québec, soit la possession du fonds de terre arable, la revente quand c'est là la meilleure hypothèse, la location quand cela sert mieux les intérêts de l'agriculture.

C'est vous dire, M. le Président, qu'on n'a pas créé une merveille en présentant devant l'Assemblée nationale une loi qui, pour certains, apparaît comme une chose tout à fait nouvelle et inédite. On vient tout simplement permettre à l'Office du crédit agricole de continuer dans l'avenir une activité qu'il pratique déjà depuis quelques années au Québec. Est-il nécessaire de légiférer en vue d'une meilleure utilisation? Je pense que la question ne se pose même pas. Nous savons tous qu'au Québec, pour autant que les producteurs agricoles vont réaliser qu'à long terme nous avons des programmes agricoles qui assurent la sécurité de l'entreprise agricole, que nous avons des programmes ou des politiques agricoles qui permettent la rentabilité réelle d'une entreprise de chez nous, il se trouvera toujours des producteurs agricoles pour maintenir cette activité.

D'accord, traditionnellement, le sol a été utilisé en vue de la production laitière au Québec. C'était la grande exploitation à l'intérieur des spécialités agricoles. On sent déjà que la mise sur pied de programmes très sécuritaires va faire en sorte qu'il y aura diversification d'ici 20 ans dans les genres de cultures qu'on pratique chez nous. Cela va être possible d'ici 20 ans. Cela va se faire graduellement dans le temps. Cela va être possible, comme je le disais il y a un instant, pour autant que nous aurons un ensemble de politiques agricoles bien définies, bien spécifiques qui vont assurer la continuité de cultivateurs, de producteurs agricoles ou d'entreprises agricoles dans des productions nouvelles qui pourraient être, par exemple, la production des céréales, qui pourraient également aller du côté de l'élevage du bovin de boucherie, la production du boeuf puisque nous savons que nous faisons venir de l'extérieur du Québec des quantités très fortes, très grandes de ces produits dont a besoin l'agriculture ici chez nous parce que les grands consommateurs de céréales au Québec sont encore les cultivateurs, surtout ceux qui sont dans les élevages qu'on appelle les productions sans sol.

Donc, c'est un des premiers maillons que le gouvernement se donne en vue d'aller vers une véritable utilisation rationnelle de l'ensemble des bonnes terres agricoles. Dans cette optique, même si nous nous posons des questions sur certains choix que le ministre a faits dans l'administration de sa loi, et si nous avons toute une zone qui nous est inconnue vis-à-vis des conditions qui seront posées, surtout pour celui qui voudra être locateur de terre possédée par le gouvernement, il reste que nous devons quand même, au-delà de ces inconnues, courir la chance d'évoluer et d'avancer de ce côté afin que nous ayons véritablement une meilleure utilisation de nos sols agricoles. Mais cela ne règle pas, en dépit de tout le beau côté que peut avoir une politique de ce genre, le problème de gens qui ont acheté, il y a plusieurs années, des fermes dans les meilleures régions du Québec, des gens qui ont acheté non pas dans un but spéculatif — ces gens n'avaient aucune intention spéculative — des fermes parce que, financièrement, ils étaient en mesure de le faire, sans être des agriculteurs.

Ce sont des gens qui ont des professions libérales; d'autres sont dans l'enseignement, professeurs à l'université, professeurs dans les commissions scolaires et ils ont décidé de se porter acquéreurs d'une ferme complète sans avoir l'intention de l'exploiter ou de la cultiver. Dans mon comté, encore une fois, j'ai vu des professeurs acheter les meilleures terres qu'on a dans la région, soit celles qui bordent le Saint-Laurent. Au lieu de faire en sorte que ces terres soient cultivées et exploitées par des cultivateurs, voisins ou à quelques pas de ces fermes, qui voulaient prendre de l'expansion, on a tout simplement planté. On est retourné à la plantation de la totalité d'une excellente terre agricole dans les meilleurs sols qu'on peut avoir dans la région chez nous.

Le projet de loi que nous discutons ce soir ne permettra pas de changer cela. Autrement dit, les Québécois qui ont fait une telle opération, qui ont acheté des terres sans avoir aucunement l'intention de les cultiver ou de les faire cultiver en les mettant à la disposition d'autres cultivateurs, vont pouvoir garder ce sol non productif. C'est donc dire que, pour tous ces propriétaires de terrains qui ne cultivent pas et qui ne cultiveront jamais, il faudrait par une loi, établir un programme fiscal ou des politiques fiscales qui feraient en sorte que ces gens n'auraient pas le choix; pour éviter ces charges fiscales, ils auraient l'obligation de remettre à la disposition de gens qui veulent les louer ou les acquérir des terres qui, depuis des années,

sont absolument improductives au point qu'elles retournent en friche.

Donc, je m'arrête là-dessus. Après un examen du projet de loi et une discussion avec mes collègues, je crois que, dans un sens de continuité à la suite de la politique de protection du territoire agricole, il faut reconnaître le bien-fondé de ce projet de loi et, en conséquence, nous donnerons notre appui lors du vote de deuxième lecture. Merci.

Le Président: M. le député de Champlain. M. Marcel Gagnon

M. Gagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Evidemment, c'est encore une fois avec beaucoup de plaisir et de fierté que je me lève pour parler d'un projet de loi qui touche l'agriculture. Beaucoup de plaisir, parce que j'ai l'impression... Qu'est-ce qui se passe? Les libéraux, en face, nous disent que l'agriculture n'est pas née en 1976, avec la prise du pouvoir du Parti québécois, mais je pense qu'ils ne sont pas conscients qu'elle est presque née là. Pendant les six dernières années, de 1970 à 1976, il ne s'était rien fait en agriculture et on est allé tellement vite qu'ils oublient les bonnes choses qu'on a faites dans le domaine agricole.

On n'a qu'à penser, par exemple, aux cinq lois qu'on a adoptées pour réaménager tout le financement dans le domaine agricole. C'étaient des lois attendues depuis extrêmement longtemps par tous les agriculteurs du Québec. On n'avait pas osé y toucher avant; on est arrivé et, dans une session, on a adopté les cinq lois. Une, entre autres, dont je suis très fier, c'est la loi qui a permis aux agriculteurs de se financer eux-mêmes par l'entremise de la banque ou de la caisse et de financer leurs productions en se détachant des compagnies. Je pense que c'est une loi dont il faudrait reparler et qui, actuellement, obtient des succès fantastiques.

Lorsque les libéraux parlent d'une loi que l'on propose à cette Assemblée nationale, on a l'impression que c'est trop vite, trop tard ou pas assez ou qu'il y en a trop dans la loi. Je me souviens que, lorsqu'on a parlé de la loi 90, Loi sur la protection du territoire agricole, pour le député de Maskinongé, il aurait fallu que, dans la loi 90, on règle ensemble tous les problèmes de l'agriculture. Il aurait fallu qu'il voie dans cette loi tous les nouveaux programmes dans le domaine agricole. On avait beau lui faire comprendre qu'il faut d'abord protéger le territoire agricole, faire ce que j'appelle, moi, le parc industriel agricole pour, après, être capable de mettre des industries à l'intérieur. Mais, pour qu'il soit satisfait de la loi 90, il aurait fallu y incorporer tous les programmes agricoles. (21 h 30)

Ce soir, on nous dit encore que ce projet de loi qui crée une banque de sols, c'est une chose à laquelle on aurait dû penser depuis longtemps. Ce que je ne comprends pas, c'est qu'ils ont été au pouvoir pendant six ans... Le député de Maskinongé a même mentionné qu'il ne serait pas surpris qu'on ait pris cette loi qui avait été laissée sur les tablettes par l'ex-ministre de l'Agriculture, M. Drummond. Je ne serais pas surpris moi non plus qu'on l'ait prise là parce que cela a été un gouvernement rempli de bonnes intentions, mais qui n'est jamais passé à l'action. C'est fort possible qu'un projet de loi comme celui-là ait été trouvé sur les tablettes. Vous savez, cela me fait penser à l'époque où j'étais dans le syndicalisme agricole. On demandait au gouvernement du temps de nous aider à sauver l'agriculture. On venait rencontrer le ministre de l'Agriculture, il était rempli de bonnes intentions à un point tel qu'il était prêt à adopter des lois pour nous satisfaire. En même temps, pour satisfaire aussi les fournisseurs de la caisse électorale et pour ne pas rendre l'agriculteur trop indépendant des compagnies de moulée, il trouvait moyen de laisser la loi sur les tablettes et de ne pas s'en servir.

Cela a été le cas, par exemple, de la loi qui stabilisait les prix en agriculture. Après s'être battu en 1974 pour l'obtenir, de 1974 à 1976 le seul domaine où on a trouvé moyen de l'appliquer c'est dans le domaine d'une petite partie de l'élevage du boeuf. Depuis que nous avons pris le pouvoir, nous avons appliqué la Loi de la stabilisation des prix dans le domaine du boeuf au complet, dans le porcelet, la pomme de terre, les céréales comme le maïs, le blé, l'orge et l'avoine; je pense qu'on se prépare à l'appliquer aussi dans d'autres domaines. On est très mal placé, en face, pour nous dire qu'on n'a rien fait jusqu'à présent en agriculture.

Une Voix: Ils ne sont même pas là!

M. Gagnon: Ils ont raison de ne pas être là, je crois que l'agriculture ne les a jamais tellement intéressés. Il y a aussi un domaine qui n'a jamais été touché depuis un bon nombre d'années. On parle de l'établissement de jeunes agriculteurs et on se scandalise qu'on n'en fait pas encore assez. C'est drôle, mais il a fallu qu'on prenne le pouvoir pour augmenter la subvention pour l'établissement de jeunes agriculteurs de $4000 à $8000. Je me demande depuis combien de temps elle était figée à $4000. Au moment où on subventionnait les jeunes agriculteurs pour s'établir à $4000, les fermes valaient peut-être entre $25 000 et $50 000. Aujourd'hui, pour avoir une bonne ferme, il faut payer quelque chose comme $200 000 à $250 000 et même plus. C'était logique qu'on retouche cette subvention pour l'établissement des fils de cultivateurs. On nous dit qu'on n'a rien fait, mais en trois ans cela s'est fait.

Quant aux députés de l'Union Nationale, ils trouvent qu'il y a trop de contrôle dans le domaine agricole. Ils disent: Pourquoi protéger les terres agricoles, pourquoi créer une banque de sols quand on empêche les agriculteurs de produire? Ils ont l'impression que c'est tout ce que ça prend, produire, que sans contrôle on peut produire de façon désordonnée, qu'on peut même stabiliser

les prix de la production; si on a trop de production, on ne sait pas ce qu'on fera avec, mais on paiera pour. Si, un jour, on veut voir une agriculture rentable, ce qu'on a réussi et ce qui le sera de plus en plus, il faut d'abord penser à diversifier cette agriculture. Il faut penser aussi à ce qu'il y ait un certain contrôle de façon à pouvoir produire la quantité dont nos consommateurs ont besoin, la quantité qu'on peut vendre et qu'on peut exporter, mais non pas produire assez pour faire baisser les prix ou pour devoir jeter les produits, commeon l'a vu dans les années 1973 et 1974, entre autres, dans le domaine des oeufs.

En quelques mots, je puis vous dire que je suis personnellement très heureux de ce que notre gouvernement a fait en trois ans pour l'agriculture. Malgré le venin qu'on tente de répandre un peu partout en province, tous les agriculteurs que je rencontre sont aussi très heureux, ils ont l'impression d'être devenus des professionnels en agriculture et c'est vrai. Ils ont l'impression qu'ils peuvent maintenant investir sur les fermes, leur territoire agricole est protégé. Ce n'est pas un spéculateur qui va venir leur enlever la ferme ou la ferme du voisin et qui va détruire tout l'intérêt de l'agriculture dans le bout. Avec la création d'une banque de sols, je pense que cela complète un peu le programme dans le domaine du financement de l'agriculture. Combien de jeunes agriculteurs, qui se sentent le talent, qui ont la volonté, qui ont le courage, qui ont les bras, les muscles, tout ce qu'il faut pour produire, pour s'établir sur une ferme, n'ont pas la finance. Parfois ils craignent de s'acheter immédiatement une ferme parce qu'ils se considèrent un peu trop jeunes ou parce qu'ils trouvent que l'investissement est trop fort et ils voudraient faire l'expérience d'un certain nombre d'années avant de s'établir réellement.

D'un autre côté, vous avez des parcelles de terre dans tous les comtés agricoles du Québec qui se gaspillent depuis longtemps. Cela me faisait sourire d'écouter le dernier intervenant libéral, qui a mentionné qu'il était scandalisé qu'on n'ait pas récupéré à ce jour les parcelles qui appartenaient au ministère des Transports. Il faudrait se demander comment il se fait que l'ancien régime se sentait le besoin d'exproprier tant de terre pour faire plaisir à de petits amis politiques. Il y a des parcelles à récupérer, c'est énorme! Mais il faut savoir d'abord pourquoi elles ont été expropriées et je vais vous raconter un petit fait, sans mentionner de nom évidemment. Chez nous, pas tellement loin, dans le comté de Champlain, il y a un propriétaire d'une belle vieille maison qui aurait due être déclarée site historique qui s'est vu exproprié au prix de $150 000. Lui-même n'a jamais su pourquoi. Le ministère des Transports ne l'a jamais su non plus. Aujourd'hui, cette belle maison a été démolie, on a dit que c'était peut-être pour élargir un jour un pont qui se trouvait dans ce coin. Il n'y a jamais eu de plan pour l'élargissement du pont mais on a exproprié cet ami politique et, aujourd'hui, ce beau terrain sur le bord d'une rivière pousse en branches. Cela s'est fait partout.

Dans un comté voisin, on a décidé un jour d'élargir une route. D'un côté de la route, il y avait quinze maisons et, de l'autre, le champ était vacant. Alors, je ne sais pas de quelle façon on a étudié le programme, mais on a décidé d'élargir sur le côté des quinze maisons. On avait probablement quinze amis politiques à exproprier. On est pris dans des situations semblables, et je comprends le ministre de l'Agriculture de vouloir créer la banque de sols pour essayer de récupérer ces terrains qui ont été gaspillés avec l'argent des contribuables québécois, par les libéraux évidemment, par l'ancien régime.

Là-dessus, je peux vous dire que, pour favoriser la relève, pour favoriser l'agrandissement de fermes de type familial, pour favoriser l'exploitation, pour aider les jeunes à s'établir en agriculture et pour montrer la continuité logique de notre gouvernement dans le but de développer l'agriculture au Québec, je suis très heureux de cette loi et c'est bien évident que je voterai positivement.

Le Président suppléant (M. Laberge): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Comme on se retrouve, on a passé la journée en commission parlementaire et, ce soir, on se retrouve à l'Assemblée nationale. Je n'ai pas été souvent d'accord avec le député de Champlain mais vous permettrez de dire que, sur les propos qu'il vient de tenir concernant les expropriations du ministère des Transports, il me fait plaisir ce soir de lui dire que je suis en parfait accord avec lui sur plusieurs points qu'il a mentionnés. Je pourrais aussi, dans mon comté, donner des exemples d'expropriations complètement ridicules qui ont été faites, entre autres dans un rang où il y avait peut-être dix maisons d'un côté et de l'autre côté aucune maison et où on a exproprié du côté où il y avait dix maisons.

Je pense, M. le Président, que de ce côté l'ancien gouvernement aurait peut-être des leçons à recevoir d'autres partis politiques. Le présent projet de loi, si on regarde les notes explicatives, a principalement pour objet de permettre au ministre de l'Agriculture de constituer une banque de terres arables en vue de disposer de ces terres ou de les louer pour favoriser la relève en agriculture, l'agrandissement ou la consolidation de fermes de type familial et l'exploitation des terres arables non utilisées ou sous-utilisées. Je pense qu'il n'y a pas un parlementaire à l'Assemblée nationale qui peut dire qu'il est contre le but visé dans les notes explicatives du projet de loi. (21 h 40)

Quand on veut favoriser la relève en agriculture, tout le monde va se lever ici pour dire: Oui, c'est vrai, il faut favoriser la relève en agriculture. Les jeunes, surtout avec les taux d'intérêt qu'on connaît actuellement et le prix élevé des terres, je pense que c'est important qu'on les aide à relever le domaine agricole au Québec. On veut favoriser

l'agrandissement ou la consolidation des fermes, surtout de type familial. Je pense bien qu'il n'y a personne dans cette Chambre qui va se lever pour dire: Je suis contre ce but. Quant à l'exploitation des terres arables non utilisées — comme le député de Champlain le mentionnait tantôt — je pense que tout le monde est favorable à cela aussi.

Cependant, le projet de loi qu'on nous présente, M. le Président, ne nous donne pas suffisamment de garanties que le but qu'on veut atteindre va être atteint, que le projet de loi no 43 pourra arriver à ce but. Pourquoi, M. le Président? Le ministre de l'Agriculture — le député de Richmond y a fait allusion tantôt — a déjà, dans la Loi du ministère de l'Agriculture, les pouvoirs nécessaires afin d'acquérir et de louer des terres agricoles. Le ministre de l'Agriculture aurait pu tout simplement, en adoptant des règlements qui font suite à la Loi du ministère de l'Agriculture, créer sa banque de terres sans passer par l'adoption d'un projet de loi à l'Assemblée nationale.

M. le Président, il y a également l'Office du crédit agricole qui oeuvre actuellement au Québec et qui, à ma connaissance — cela doit être permis dans sa loi bien que je ne l'aie pas vérifié — déjà, a commencé à faire l'acquisition et la location de terres depuis un certain temps. Le ministre me fait signe que non, mais je pense que même si ce n'est pas dans la loi, l'office le fait quand même. Je pourrais vous mentionner le nom de personnes de mon comté qui ont actuellement des terres en location qui leur ont été louées par l'Office du crédit agricole du Québec.

M. le Président, pourquoi le ministre de l'Agriculture présente-t-il un projet de loi si déjà l'application en vue d'en arriver au but visé dans le projet de loi est déjà faite? Je pense que le ministre de l'Agriculture a l'intention de présenter un projet de loi en vue de dire aux fonctionnaires du ministère de l'Agriculture: C'est ce que je veux et c'est ce que vous allez faire, parce qu'il n'a pas trop confiance à ses fonctionnaires et il veut arriver à trouver une solution qui va lui permettre de les diriger dans le bon sens. M. le Président, je pense que cette solution l'honore.

Cependant, là où je ne le suis pas, c'est que le projet de loi qu'il nous présente, eh bien, il n'y a rien dedans. Il n'y a rien dedans. C'est un projet de loi qu'on dit omnibus. Tout ce qu'il y a là-dedans, c'est de dire que le lieutenant-gouverneur en conseil aura le droit de faire telle ou telle chose. Comment pouvons-nous, membres de l'Assemblée nationale, sachant que le ministre de l'Agriculture veut atteindre un but que tout le monde trouve louable, mais ne sachant pas comment il va l'atteindre, donner au ministre de l'Agriculture, bien qu'on lui fasse confiance, un chèque en blanc et lui dire: Faites des règlements, sans les soumettre à l'Assemblée nationale. Il faudrait bien que la population prenne conscience que tous les règlements que le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation va adopter, on ne pourra pas les étudier. Ils ne nous sont pas soumis en tant que membres de l'Assemblée nationale. Les règle- ments sont adoptés par le Conseil des ministres, publiés dans la Gazette officielle et deviennent en vigueur sans qu'on soit consulté.

M. le Président, je pense qu'on ne peut pas l'accepter et je ne pense pas, non plus, qu'un agriculteur du Québec, s'il avait ce projet de loi entre les mains ce soir et s'il était en train de le lire tranquillement dans son salon, serait capable de comprendre ce que le ministre va faire. Je ne pense pas qu'il y ait un agriculteur qui soit en mesure de dire au ministre de l'Agriculture: Oui, je te fais confiance, vas-y, fais cela et on va voir que cela va bien aller. Non, ce n'est pas de cette façon qu'on légifère.

M. le Président, le ministre de l'Agriculture n'a pas innové en présentant un projet de loi comme celui-là. Il y a d'autres provinces au Canada qui ont adopté des projets de loi. Entre autres, j'ai ici le projet de loi de la province de la Saskatchewan. Le ministre de l'Agriculture l'a sûrement lu; il en a sûrement pris connaissance. Dans ce projet de loi, tous les buts visés et la façon dont on va y arriver sont inclus. On a un véritable projet de loi qui nous indique quels sont les buts vers lesquels on veut aller et comment on va faire pour y arriver. Tout est prévu dans le projet de loi, pas dans les règlements. Attendez, on va passer tout cela en revue, on a du temps en masse. D'accord?

Le ministre nous présente un paquet de règlements et je ne pense pas qu'on puisse comprendre qu'un agriculteur du Québec accepte une loi comme celle-là sans pouvoir prendre connaissance des règlements. Pourquoi n'avons-nous pas les règlements devant nous autres, ce soir? Pourquoi l'Assemblée nationale ne peut-elle pas en prendre connaissance? Le ministre de l'Agriculture a commencé l'an dernier, vers la période de Noël, à nous présenter un projet de loi qui portait le no 99, qui avait exactement le même titre et le même but. Depuis un an, le ministre de l'Agriculture a un projet de loi en main qui vise la formation d'une banque de terres arables au Québec et il n'a pas été en mesure de préparer ou de faire préparer des règlements par ses fonctionnaires ou ses légistes afin que nous, les législateurs, puissions en prendre connaissance et dire: Oui, M. le ministre de l'Agriculture, on accepte les solutions que vous proposez. En un an, le ministre de l'Agriculture n'a pas été capable de préparer ces règlements et de nous les présenter à l'Assemblée nationale.

On passe par-dessus. On serait même prêt à accepter que le ministre de l'Agriculture n'ait pas été capable, pendant un an, de préparer ces règlements. On lui offre une autre solution. Cet après-midi, il y a eu une motion de report à l'Assemblée nationale. On lui a dit de retarder de trois mois l'étude du projet de loi, de préparer ses règlements et de revenir nous les soumettre. A ce moment-là, on vous dira si cela est correct et on votera votre loi. Le ministre de l'Agriculture n'a pas encore voulu.

M. le Président, je voudrais faire remarquer au ministre de l'Agriculture qu'il y a d'autres ministres au gouvernement qui ont peut-être l'esprit un

peu plus ouvert que lui et qui acceptent des choses qui méritent une attention tout à fait particulière et qui pourront faire évoluer la démocratie à l'Assemblée nationale. Je veux ici parler du ministre de la Justice, en tant que ministre d'Etat à la Réforme électorale. Le projet de loi no 9 que nous avons fini d'étudier cet après-midi en commission parlementaire, dans un de ses articles, article 208 — on parle de la Loi électorale, mais cela pourrait s'appliquer au projet de loi du ministre de l'Agriculture — dit: "Le directeur général élabore des projets de règlements — pas des règlements, des projets de règlements — sur les matières qui doivent être prescrites par règlement en vertu de la présente loi. Ces règlements sont soumis à l'approbation de la commission permanente de l'Assemblée nationale du Québec. Une fois approuvés, avec ou sans modification par cette commission, les règlements sont publiés dans la Gazette officielle du Québec et entrent en vigueur à la date de cette publication ou à une date ultérieure qui est fixée.

M. le Président, une formule comme celle-là, si le ministre de l'Agriculture voulait se donner la peine de l'appliquer dans son projet de loi, pourrait nous permettre de créer l'unanimité à l'Assemblée nationale afin de faire en sorte que les projets de règlements que le ministre de l'Agriculture a l'intention de faire adopter avec cette loi soient soumis à la commission parlementaire de l'agriculture pour que nous puissions en prendre connaissance, que nous puissions les étudier, que nous puissions les approuver et, une fois ces règlements approuvés, on pourra les incorporer à la loi, à la satisfaction de tous les membres de l'Assemblée nationale.

On fait des suggestions au ministre de l'Agriculture, on lui tend la perche; s'il veut la prendre, il va probablement avoir l'unanimité des membres de l'Assemblée nationale afin que le projet de loi qu'il nous présente devienne véritablement un projet collectif.

On va revenir à différents articles qui sont proposés dans le projet du ministre de l'Agriculture. Le ministre, dans son projet de loi, nous dit: On va permettre d'acquérir tout immeuble aux prix et conditions fixés conformément aux règlements. Qu'est-ce que ça veut dire? On ne comprend rien. Tant qu'on ne connaît pas les règlements, on ne comprend pas. Le ministre de l'Agriculture nous disait, tantôt: Qu'est-ce qu'il y a dans la loi de la Saskatchewan? Je lui dirai qu'entre autres, aux articles 10 et 11 de la loi de la Saskatchewan, on retrouve comment on fait pour acquérir tout immeuble, à quel prix et à quelles conditions. Il n'y a pas de règlements dans cette loi, la loi de la Saskatchewan inclut tout ce qui est prévu dans le règlement. (21 h 50)

On nous dit également: Exécuter ou faire exécuter, sur tel immeuble, des travaux d'entretien et d'aménagement et la mise en valeur. Dans la loi de la Saskatchewan, aux articles 25, 26 et 27, on retrouve cela, les conditions et tout cela. Qu'est-ce qui arrive avec notre loi dont on ne connaît pas les règlements? Qu'est-ce qui arrive si un jeune agriculteur fait de l'amélioration sur une ferme pendant une période de cinq ans, laboure la terre, la cultive, la fait produire, l'améliore, la draine, qu'arrive-t-il à ce jeune agriculteur au bout de cinq ans? Est-ce qu'on le retourne chez lui? Est-ce qu'il a une permission de l'acheter? Est-ce qu'il a un privilège de l'acheter? Est-ce qu'on va la donner à un petit ami péquiste qui demeure à côté? Est-ce que c'est ce qu'on va faire?

J'espère que ce n'est pas là l'intention du ministre de l'Agriculture. Mais si ce n'est pas cela, pourquoi ne l'inscrit-il pas dans sa loi?

Une Voix: C'est cela.

M. Fontaine: Incluez-le dans la loi et on n'aura pas à faire des suppositions, ça va être clair.

M. Garon: ...

M. Fontaine: Quelles sont les conditions d'admissibilité? Il n'y a rien de prévu dans la loi. Il n'y a rien, M. le Président, dans cette loi. Comment voulez-vous qu'on adopte une loi semblable? Qu'on nous donne les conditions requises pour être locataire ou les conditions qui vont permettre d'acheter une telle terre après une certaine période de temps ou même immédiatement après que le gouvernement en aura pris possession. Que la loi nous dise quelles sont les conditions qui sont prévues par cela. On va peut-être pouvoir, à ce moment, accepter. Là, M. le Président, le ministre nous présente cette série de règlements et en plus de cela, à la fin de l'article 32, le ministre nous dit: Malgré le deuxième alinéa, malgré tous les règlements qu'on lui permet d'adopter, il y a un autre article qui dit: Malgré le deuxième alinéa, le ministre peut, dans les cas prévus aux règlements, aliéner en tout ou en partie un immeuble visé ou dit alinéa à des fins autres que celles énumérées au premier alinéa. Il énumère une série de cas où le ministre va pouvoir faire des règlements.

Dans un autre article, en bas, on nous dit: Même s'il a dit cela, même s'il peut faire des règlements, il va pouvoir en faire d'autres pour le contraire. Avez-vous déjà vu cela vous, M. le Président? J'espère que vous ne l'avez jamais vu parce que ce n'est pas cela de la législation. On ne peut pas accepter cela en tant que parlementaire. On a différents points qui ne sont pas éclaircis dans la loi. Est-ce qu'on nous dit dans la loi, est-ce que le ministre peut nous le dire, ce qu'on fait si le locataire décède en cours de bail? Il n'y a rien qui est prévu dans la loi. Est-ce qu'on va enlever la terre à la veuve et la transférer à une autre personne? Il n'y a rien qui est prévu dans la loi pour cela. Que fait-on si le locataire abandonne la terre en cours de bail? Qu'est-ce qu'on fait avec cela? Il n'y a rien de prévu dans la loi, M. le Président. Que fait-on si le locataire ne se révèle pas un bon agriculteur, par exemple. Cela peut arriver qu'on loue une terre, à un moment donné, à quelqu'un, surtout si c'est un PQ, et on s'aperçoit que ce n'est pas un bon agriculteur. Cela peut

arriver. Qu'est-ce qu'on fait avec la terre? Il n'y a rien qui est prévu dans la loi pour cela.

Peut-être que le député de Chauveau serait intéressé à retourner sur la terre. Oui? Que fait-on si le locataire, M. le Président, veut sous-louer la terre? Il n'y a rien de prévu dans le projet de loi pour cela. Que fait-on si le locataire veut casser un bail? Il n'y a rien de prévu dans le projet de loi pour cela.

M. Goulet: Le ministre n'écoute même pas les questions.

M. Fontaine: Le ministre du Revenu, qui se pense bien fin, me dit: II existe un Code civil. C'est un bail de terre, on adopte une loi spéciale pour cela. Le Code civil ne s'applique pas à cela. Si le ministre veut que le Code civil s'applique...

M. Garon: M. le Président, il faudrait que le député...

Le Vice-Président: A l'ordre! Je constate... A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre, lorsque le président est debout, vous vous assoyez. Je constate que les membres du Barreau sont divisés. Le président ne se transformera pas en juge de vos opinions différentes et je redonne la parole à mon collègue et confrère de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président, c'est bien simple à comprendre, le ministre va comprendre cela.

M. Garon: Question de règlement. M. Fontaine: M. le Président...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Et à gauche et à droite, assoyez-vous, le président est debout.

M. le ministre, vous pouvez vous lever maintenant, le président est assis.

M. Garon: M. le Président, je voudrais dire simplement que pour les contrats passés par l'Office du crédit agricole, c'est évident que le Code civil s'applique. Je pense qu'il faudrait peut-être se référer au Barreau pour l'opinion qu'a donnée le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, ce n'est pas une question de règlement. Si le ministre n'est pas de mon avis, il a le droit de se reprendre dans sa réplique, mais je pense bien que le ministre va admettre que s'il passe des règlements pour dire comment le bail doit s'appliquer, le Code civil ne s'appliquera pas, ce sera son règlement qui va s'appliquer.

M. le Président, le ministre a beau dire n'importe quoi, c'est ce qui arrive.

M. le Président, je continue.

Le Vice-Président: A l'ordre!

M. Clair: Je soulève une question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Clair: Ma question de privilège est la suivante. Un député avocat peut toujours induire en erreur ses clients, mais ne peut pas induire en erreur la Chambre, et c'est ce que le député de Nicolet-Yamaska est en train de faire.

M. Fontaine: M. le Président, c'est parce que j'en ai des clients et que lui n'en a jamais eu.

Le Vice-Président: Je vous demanderais de conclure, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, dans le projet de loi — il ne me reste qu'une minute, je voudrais terminer — quelles sont les conditions imposées au locataire lorsqu'il fait de l'amélioration sur la ferme? Il n'y a rien de prévu dans le projet de loi là-dessus.

Quelles sont les conditions? La banque de terres peut-elle prendre en charge la culture et cultiver la terre? Supposons que la banque de terres décide elle-même de cultiver la terre, quelles sont les conditions prévues dans ce cas? Sur quoi se base...

M. Garon: Qu'est-ce que c'est ça?

Le Vice-Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: M. le Président, j'aimerais savoir ceci: quand l'Office du crédit agricole obtient une hypothèque, est-ce le Code civil qui s'applique?

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Une chance qu'il n'y a pas 15 ou 20 membres du Barreau dans la salle ce soir. A l'ordre, s'il vous plaît! Le président a ses opinions, mais il ne peut les dire.

M. le député de Nicolet-Yamaska, veuillez conclure, s'il vous plaît!

M. Fontaine: M. le Président, vous admettrez que j'ai été interrompu à plusieurs reprises. Que le ministre du Revenu braille, que le ministre de l'Agriculture braille; ils ont beau dire ce qu'ils voudront, mais, si le ministre de l'Agriculture décide de passer des règlements pour dire dans quelles conditions un bail va être cassé, un bail va être annulé ou qu'on va pouvoir faire de la sous-location, c'est le règlement du ministre de l'Agriculture qui va s'appliquer et non pas le Code civil et je le répète, M. le Président. Si le ministre de l'Agriculture est capable de me dire le contraire, qu'il envoie son opinion au Barreau et vous allez voir quelle réponse il va avoir.

M. Grenier: M. le Président, je propose l'ajournement du débat.

Le Vice-Président: Le député de Mégantic-Compton propose l'ajournement du débat. Est-ce adopté? A l'ordre, s'il vous plaît! Il est dix heures.

Oui, vous terminiez à 21 h 58, M. le député de Nicolet-Yamaska. D'autre part, j'aimerais vous dire qu'à cette heure-ci il n'y a plus de question de règlement. Le président, à dix heures, doit automatiquement ajourner les travaux. J'aimerais, quand même, qu'un député demande l'ajournement du débat... (22 heures)

M. Grenier: Je l'ai demandé.

Le Vice-Président: Je sais qu'il a été demandé par le député de Mégantic-Compton. Je l'ai reconnu effectivement, sauf que, d'après une certaine règle qu'il y a ici...

Une Voix: II n'y a pas de règle.

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! La motion du député de Mégantic-Compton est-elle adoptée?

Une Voix: Adopté.

M. Bertrand: Oui, M. le Président...

Le Vice-Président: Oui?

M. Bertrand: ... simplement pour rappeler à nos collègues que demain matin il y a une question avec débat; c'est le jeune et brillant député de Mégantic-Compton qui va nous entretenir de politique familiale en présence du non moins jeune et brillant ministre des Affaires sociales.

Mardi prochain, trois commissions parlementaires, M. le Président: celle de la présidence du conseil sur le projet de loi no 10, au salon rouge; celle de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi no 51, à la salle 81-A; et celle des consommateurs, coopératives et institutions financières sur le projet de loi no 54, à la salle 91-A.

Avant de terminer, M. le Président, je veux encourager nos amis du Parti libéral, en avant, à faire beaucoup de travail dans D'Arcy McGee en fin de semaine, il paraît que leur comté est en danger là.

Le Vice-Président: Alors, les travaux de l'Assemblée sont... S'il vous plaît, à l'ordre! A l'ordre!

Les travaux de l'Assemblée sont ajournés à mardi, 14 heures.

Fin de la séance à 22 h 2

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