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(Quatorze heures dix minutes)
Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions élues.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. le député de Laprairie.
Etude du projet de loi no 53
M. Michaud: M. le Président, vous me permettrez, suivant
les dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la
commission élue permanente des consommateurs, coopératives et
institutions financières qui a étudié, le 13 novembre, le
projet de loi no 53, Loi sur les corporations de fonds de
sécurité, article par article, et l'a adopté avec des
amendements.
Le Président: Merci. Rapport déposé.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des députés.
Période de questions orales.
Avant la période de questions, on m'informe que nous avons
l'honneur d'avoir la présence aujourd'hui, dans les galeries, de
l'ex-ministre de l'Agriculture, M. Alcide Courcy.
M. le chef de l'Opposition officielle.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Elections complémentaires et politique du
gouvernement
M. Ryan: M. le Président, j'espère que le premier
ministre est aussi fier d'être Québécois aujourd'hui qu'il
l'était le 15 novembre il y a trois ans. Nous autres, notre
fierté n'a jamais diminué, dans la défaite comme dans la
victoire, elle est la même.
Au cours des dix-huit derniers mois, nous avons eu dans Québec
six élections complémentaires. Ces six élections
complémentaires, si on fait le total des voix exprimées dans
chacune, ont donné les résultats suivants les
élections d'hier suivent d'ailleurs la tendance qui s'était
manifestée antérieurement : un vote d'à peu
près 62% pour le Parti libéral, un vote d'à peu
près 32% pour le Parti québécois, qui est au pouvoir
actuellement. Au lendemain de l'élection de Notre-Dame- de-Grâce,
le premier ministre avait dit: Cela ne compte pas. Ce sont des électeurs
anglophones qui ont appuyé le Parti libéral. Il avait
cherché d'ailleurs à accoller cette légende à notre
parti.
Maintenant, au terme de ces six élections complémentaires,
on voit qu'il y a eu des circonscriptions à caractère urbain, des
circonscriptions à caractère rural, des circonscriptions de la
région de Québec, des circonscriptions de la région de
Montréal, des circonscriptions presque entièrement francophones,
deux qui étaient de composition plutôt mixte au point de vue
linguistique, des circonscriptions comptant des travailleurs en très
grand nombre, des circonscriptions comptant des producteurs agricoles ou des
éléments de milieux ruraux en très grand nombre.
Devant ces faits qui se sont accumulés avec une constance et une
stabilité très éloquente, je voudrais demander au chef du
gouvernement s'il envisage des changements importants dans les politiques de
son gouvernement en matière constitutionnelle, en matière
économique et sociale, en matière aussi de concorde entre les
citoyens au plan culturel et linguistique, en particulier. Je pense qu'on peut
honnêtement inférer des résultats que nous avons eus hier
qu'il y a une désapprobation ou un rejet manifeste des politiques
gouvernementales. Je demande au chef du gouvernement s'il envisage des
changements importants dans les politiques de son gouvernement et, à
défaut de tels changements, ce qu'il envisage de faire pour que son
gouvernement conserve au moins une certaine image de
légitimité.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, hier soir
c'est bien une des rares fois où je suis tombé d'accord
sans la moindre consultation avec le chef de l'Opposition j'ai dit
à peu près la même chose que lui, qu'il y avait dans le
résultat dans les trois comtés un verdict évidemment
très sévère et un coup également très dur
pour notre parti et, forcément, pour le gouvernement. Je n'ai pas besoin
de dire que ce n'est pas facile à avaler. Cela me rappelle quasiment le
titre d'un roman qui a fait son tour de piste déjà il y a
quelques années, "Cela fait mal surtout quand on rit".
Même si cela n'est pas facile à avaler, la voix des
citoyens, il est évident qu'on ne peut pas en nier le message. Il y a un
message très net de mécontentement. On est encore sous le choc
préliminaire. Je pense que nos amis d'en face comprendront cela. Mais
soit dit en passant, pour reprendre le tout début du préambule du
chef de l'Opposition, c'est vrai que c'est aujourd'hui le 15 novembre. Hier,
c'était le 14 et cela rappelait des bons souvenirs, curieusement, le 14
novembre 1962. Ce qui me rappelait aussi que de 1960 à 1979 en
tout cas, pour celui qui vous parle, M. le Président avec ce que
cela représente de hauts et de bas, cela ne m'a jamais
empêché de me sentir non
seulement fier, ce sont des mots trop faciles, mais aussi pleinement
Québécois tout le long du chemin, peu importent les accidents de
parcours.
Cela étant dit, je ne pense pas qu'on s'attende à ce qu'on
ait eu le temps de décanter tout cela, surtout quand on tient compte des
urgences extraordinairement stressantes auxquelles on doit faire face
également et qui je crois dans l'intérêt de
l'ensemble de la société, ont plus d'importance que le sort de
nos candidats ou de quelque candidat que ce soit.
Il y a certainement plus qu'un simple avertissement ou un simple coup de
semonce dans ces résultats. Il y a des raisons plus profondes qu'il va
falloir même si c'est très pénible essayer de
tirer au clair de notre mieux parce que sinon on n'en dégagerait pas la
vraie leçon. Il y a des choses dont on peut être sûr
dès le début. C'est que trois ans de pouvoir, c'est
nécessairement une sorte de "déconnection" inévitable,
surtout quand on tient compte du contexte général de la
société, aussi bien au Québec qu'ailleurs. Je pense qu'on
voit cela ailleurs. Qu'on le veuille ou non, on le voit ici. Peut-être
que cela émousse suffisamment les perceptions parce que les choses
s'accumulent tellement vite, les problèmes aussi, qu'on n'arrive plus
à suivre. Il faudrait littéralement être capable de se
diviser en quatre ou en cinq pour y arriver convenablement. Je pense que c'est
une chose qui saute aux yeux.
Il y a une chose qui, à mon humble avis, est évidente.
Cela rejoint le climat social socio-économique, si on veut
une sorte d'insécurité généralisée, les
hausses de prix, etc., qui font qu'il y a un mécontentement latent
partout. On le voit dans les sondages et on le voit dans les perceptions que
nous donnent les rencontres avec les gens. Quand s'ajoutent à cela des
secousses sociales à répétition, comme celles de ces
derniers mois, il y a une insécurité qui s'accumule, qui
découle de cela et qui est très difficile à supporter.
Cela entretient un mécontentement.
C'est évident et ce n'est pas du tout injuste que
la cible, c'est le gouvernement, finalement. La cible, c'est peut-être
davantage le mouvement syndical en ce moment, je pense qu'il ne faut pas faire
les autruches; seulement, eux ne sont pas exposés à des
élections de la même façon. (14 h 20)
II s'ajoute probablement il faut avoir, je ne dirai même
pas l'humilité, mais le bon sens de le reconnaître à
cela qu'il y a une certaine désillusion qui semble accompagner le
mécontentement. Et c'est peut-être très nettement notre
faute d'avoir trop semé par des attitudes l'illusion qu'il y avait
peut-être une sorte de recette magique dans ce domaine des
problèmes sociaux. Cela fait pourtant quelque temps qu'on a appris
à nos dépens qu'il n'y a pas de recette magique, mais c'est un
message, très évidemment, qui n'a pas passé et personne
n'est à blâmer sur le fait qu'il n'ait pas passé. Je pense
que ça signifie une chose: c'est que tous ces cadres nouveaux et tous
ces mécanismes savamment étudiés et, Dieu sait, laborieu-
sement mis en place depuis un an et demi ou deux ans, s'ils ont réussi
je crois qu'on doit l'admettre à accélérer
sensiblement, même si c'est tardif parce qu'on est seulement
à quatre mois, même pas cinq mois de l'expiration des contrats du
front commun les négociations, chose certaine, jusqu'à
nouvel ordre, n'ont pas aidé à éviter l'affrontement.
S'il y a une chose qui nous apparaissait déjà et qui nous
apparaît encore plus clairement maintenant, c'est que ça va
être à repenser. J'avoue humblement qu'on n'a pas, là non
plus, de recette magique à évoquer, mais ça va être
nécessairement à repenser. Et peut-être que ça va
plus loin que cela; à ce moment-là, ceux qui peuvent changer les
mentalités s'attelleront à la tâche. Cela va
peut-être jusqu'à des habitudes, tellement incrustées dans
les mentalités, d'affrontement, d'égoïsme presque barbare
qu'on se demande si, dans l'immédiat, il y a quelque chose à
faire.
Sur l'autre aspect de la question du chef de l'Opposition à
propos de notre option constitutionnelle, du référendum qui
vient, je ne crois pas, contrairement à ce que semble vouloir dire le
chef de l'Opposition, parce que je ne vois d'évidence nulle part, que
ça ait pu avoir un effet marquant. D'abord, je voudrais dissiper une
sorte de fausseté mineure, mais qui est souvent répandue par
l'Opposition, surtout ces derniers jours, soit que le livre blanc, venant
à la fin d'octobre, début novembre, était comme une sorte
de manoeuvre stratégique pour voir si ça donnerait des
résultats dans les élections partielles.
Cela ne vaut même pas une question de privilège, mais je
rappellerai tout simplement que certains de nos amis d'en face prenaient
même un ton moqueur pour commenter le fait que j'aie été
obligé de reporter les élections partielles au mois de novembre,
que j'aurais aimé mieux qu'elles passent en septembre, comme
c'était prévu. Les gens qui s'imaginaient là encore
ils voient toujours de la stratégie partout qu'il y avait quelque
chose de stratégique là-dedans. Je pense qu'on a aujourd'hui la
preuve que le pressentiment que j'exprimais que j'aimerais mieux ça en
septembre n'était peut-être pas complètement faux. De toute
façon, ce n'est pas de gaité de coeur que je les ai
reportées, mais j'avais pris l'engagement on essaie de tenir nos
engagements en juin de publier ce livre blanc le plus près
possible de la rentrée, c'est-à-dire dans l'automne, de
façon que les gens aient le temps de s'en faire une idée, de voir
ce document constitutionnel parce que c'en est un ce document de
feuille de route pour l'avenir, avant que la question ne soit rendue publique,
à la veille des Fêtes.
Tout ça a coïncidé et je dirais que, contrairement au
chef de l'Opposition, si ça a eu un effet dans les élections
partielles, ça en a eu un à cause de la rapidité trop
grande et du manque de temps pour assimiler ce dont il s'agit. J'en verrais la
preuve là, c'est la seule chose un peu méchante que je
vais dire, mais il y a quand même des choses qu'il faut dire de la
façon suivante: ça a
très peu joué, semble-t-ii, parce que nous, on avait
beaucoup de travail, on n'avait pas autant le temps que le chef de l'Opposition
de nous promener sans arrêt dans les comtés, mais ça a
beaucoup joué, les raisons sociales et d'autres, y compris des
dissensions presque masochistes dans notre parti, qui ont terriblement
handicapé les débuts de campagnes. Mais ça a très
peu été constitutionnel, si je suis bien renseigné, dans
Prévost et dans Maisonneuve où les résultats, si on tient
compte des points de départ, sont quand même passablement
le moins qu'on puisse dire décevants pour nous, tandis que
ça a beaucoup joué et on a fait tout ce qu'on a pu
même les media d'information ont fini par s'en rendre compte du
côté libéral, pour faire peur au monde avec la question
référendaire dans Beauce-Sud. Là, contrairement aux deux
autres, les résultats sont par rapport au passé, au point
de départ extraordinairement encourageants.
Alors, je crois que cet argument ne vaut pas, mais, là-dessus
comme sur le reste, je peux me tromper.
Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Ryan: Je voudrais tout d'abord, M. le Président, avec
votre permission, corriger une fausse impression que risquent d'amplifier les
propos qu'a tenus le premier ministre au sujet de ma présence en cette
Chambre, depuis la reprise des travaux au début d'octobre. J'ai fait des
calculs sommaires, ce midi, à la suite des propos tenus hier soir par le
premier ministre. Je peux vous affirmer que j'ai participé à 15
votes sur 21 qui ont été tenus dans cette Chambre depuis le 9
octobre, tandis que le premier ministre a participé à 10.
Des Voix: Ah, ah!
M. Ryan: C'est vrai qu'il a fallu s'absenter quelques jours de la
Chambre pour aller travailler sur le terrain. J'ai constaté sur le
terrain, M. le premier ministre, que les interrogations sont très vives
et très grandes dans les esprits au sujet de la politique
constitutionnelle du gouvernement et qu'elles ont été rendues
encore plus aiguës, plus présentes par la publication du livre
blanc en plein coeur de cette campagne électorale. C'était
inévitable qu'il devienne un grand sujet de discussion. Je peux assurer
le premier ministre que, de notre côté, nous avons proposé
l'idéal que nous défendons dans les termes les plus positifs
possible. Il arrive toujours que certains propos négatifs se glissent
autant de l'autre côté de la Chambre que du nôtre, mais, au
fond, nous avons dit clairement à nos concitoyens qu'il y a deux grandes
conceptions qui s'affrontent, qu'ils doivent choisir entre les deux et qu'il
n'y a pas beaucoup de place pour s'asseoir entre les deux chaises.
Ce que je voudrais demander au premier ministre en complément,
nous, nous avons la conviction que, tout en se prononçant sur un paquet
de choses, nos concitoyens ont aussi porté un jugement
sévère sur l'option constitutionnelle qui leur était
proposée dans le livre blanc. Je voudrais demander au premier ministre
s'il entend maintenir cette option constitutionnelle intégralement,
comme elle est présentée dans le livre blanc. Les
résultats des élections sont-ils susceptibles d'entraîner
des changements dans l'échéancier qu'a laissé entrevoir le
gouvernement, tant en ce qui concerne le prochain référendum que
le programme de travail au cours des prochains mois? Je pense que, si on
pouvait obtenir des assurances du premier ministre à ce sujet, cela
pourrait être très utile pour la poursuite de notre travail
commun.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais
répondre très simplement ceci, et là je vais laisser de
côté les deuxièmes préambules du chef de
l'Opposition. Premièrement, sur les faits, on n'a pas la même
interprétation, mais je ne suis pas l'ange des Arabes, le chef de
l'Opposition non plus, pour sonder les reins et les coeurs; alors, nous notre
perception ne va pas jusque-là, sauf pour admettre peut-être ceci.
C'est que comme le chef de l'Opposition et d'autres se sont promenés
dans le paysage avec une abondance sans précédent pour parler de
cela surtout dans Beauce-Sud, cela nous a été quand
même très visible en des termes extrêmement
terrifiants, je n'irai pas plus loin, et que, d'autre part, le livre blanc
était tout nouveau et que, par conséquent, très peu de
gens avaient vraiment eu le temps, non seulement de le lire, mais de le
décanter.
Finalement, par stratégie ou par incapacité, le Parti
libéral pouvait jouer sur ce plan-là le négatif le plus
complet parce qu'il n'a rien d'autre à proposer, sauf, de façon
vague, le fédéralisme plus ou moins renouvelé, mais
personne ne sait ce que ça mange en hiver.
Partant de là, c'est évident qu'il y avait un avantage
tactique qui a servi beaucoup, comme, hélas, c'est normal et on n'y peut
rien, dans des élections partielles. Ce n'est pas du tout la même
chose, je crois, quand vient le moment d'une campagne vraiment nationale. Cela
étant dit, je réponds au chef de l'Opposition que sur le fond,
non. Après douze ans de travail, contrairement aux perceptions du chef
de l'Opposition ce n'est pas la mienne de toute façon, je
me sentirais honteux de reculer sur quoi que ce soit en ce qui concerne
l'avenir du Québec. Ce sera aux citoyens de se prononcer.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Mais à la suite des résultats des
élections d'hier, M. le Président, est-ce que le premier ministre
serait prêt à répéter dans cette Chambre ce qu'il a
déjà dit antérieurement, à savoir que le Parti
libéral serait un parti appuyé surtout par les anglophones au
Québec?
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, ça
ne me rappelle rien de précis, mais ça me rappelle tout de
même dans l'immédiat ce que le chef de l'Opposition a
commencé à dire tout à l'heure à propos de la
cascade d'élections partielles en parlant de Notre-Dame-de-Grâce.
J'aurais dit: Cela ne compte pas, il a été appuyé par les
anglophones, le Parti libéral. Je n'ai jamais dit qu'aucune voix ne
comptait pas. Les citoyens anglophones du Québec ont les mêmes
droits y compris bon Dieu, il me semble que c'est l'évidence
même le droit de vote et, démocratiquement, le droit
d'être pour ou contre ce qu'ils veulent. (14 h 30)
Cela étant dit, il reste quand même une chose que je vais
répéter parce que je pense qu'elle est évidente. Il y a un
"block vote", comme on dit en anglais, c'est-à-dire un vote anglophone
très massif qui est pour l'appartenance à tout prix à une
majorité pancanadienne, parce que, ainsi, ils se sentent dans l'ensemble
c'est normal, je ne les blâme pas moins minoritaires. Ils
ne sont pas tout à fait minoritaires parce qu'ils appartiennent à
la majorité pancanadienne. C'est normal, mais, d'un autre
côté, c'est un fait.
Le Président: Question principale, M. le leader
parlementaire de l'Opposition.
Application de la loi no 62 et
négociations
M. Levesque (Bonaventure): Nous avons dans cette Chambre, lundi
dernier, je le rappelle de nouveau, adopté la loi no 62 relativement
à la suspension du droit de grève et à l'obligation de
consulter les membres de la base. Est-ce que le premier ministre pourrait nous
dire, premièrement, s'il y a eu quelque chose de nouveau depuis les
réponses d'hier?
Deuxièmement, je tiens encore à rappeler qu'il y a eu
définitivement des incitations à défier la loi. Est-ce
qu'à la suite de ces incitations il y a eu des débrayages
effectivement? Et, s'il y a eu des débrayages, le premier ministre
peut-il nous informer ou demander à son ministre de la Justice de nous
dire s'il y a eu des mesures prises par le Procureur général
à la suite de ces conditions?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je laisserai le ministre de la
Justice probablement répéter, pour l'essentiel, ce qu'il a dit
hier. Mais, s'il y a des choses à ajouter en ce qui concerne la mise en
marche de certaines décisions dans son ministère, je lui
laisserai le soin de le dire. Je n'ai pas pu vérifier depuis hier de ce
côté.
Pour ce qui est de débrayages, il y a quelques ombres au tableau,
mais elles sont moins nombreuses qu'on aurait pu le craindre. Pour ce qu'il y a
de nouveau depuis hier, ce serait essentiellement, en dehors des
débrayages, la question des négociations. Alors, si on veut
connaître la situation véritable dans les secteurs, je pourrais
demander au ministre des Affaires sociales et au ministre de l'Education, le
plus sommairement possible, de faire le point ils ont eu le tableau,
à ce qu'on m'a dit, vers 13 h 50; moi, je n'ai pas eu le temps de le
voir et demander peut-être au ministre des Finances, tout de suite
après, de faire le point sur ce qu'il y a de nouveau, s'il y en a aux
négociations.
Une Voix: Vous agissez comme maître de
cérémonie?
M. Lévesque (Taillon): Non, je ne suis pas maître de
cérémonie. C'est simplement qu'il y a de nos collègues qui
font leur travail et, régulièrement, on fait le point. Mais je
refuse de faire comme mon prédécesseur et de négocier en
dessous de la table dans mon bureau.
Le Président: M. le ministre de l'Education.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, dans les
collèges et dans les écoles du Québec, aujourd'hui, chacun
est à son travail. Pendant ce temps, nous négocions depuis hier
avec les collèges, depuis ce matin avec les commissions scolaires,
j'entends avec les syndicats représentant le personnel des commissions
scolaires, et ceci, à ce qu'on m'a dit, à peu près
à toutes les tables, sinon à toutes les tables. Il y a quelques
tables dont je n'ai pas de nouvelles, mais, en gros, les négociations
ont repris.
L'un de nos gros problèmes à l'heure actuelle en est un de
communication. En effet, dans certaines commissions scolaires, en ce moment, il
se prend des votes. Il s'en est pris avant-hier soir, encore hier soir, sur la
question de la grève ou du défi à la loi 62. Le
problème, c'est que les enseignants ne connaissent pas les offres et ne
savent pas non plus ce qui se passe, bien sûr, aux tables.
Malheureusement, de plusieurs coins nous viennent des plaintes dans le sens
qu'on demande des votes, mais on n'informe pas les enseignants sur ce qui se
passe ni sur les offres gouvernementales. L'un de nos gros problèmes au
cours des semaines, des jours qui viennent, ce sera de faire en sorte que les
enseignants à la base sachent ce qui se passe, connaissent les offres
gouvernementales. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président...
Le Président: Pardon?
Une Voix: ...
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales,
sommairement, s'il vous plaît.
M. Lazure: En ce qui concerne les négociations, M. le
Président, la table du Cartel des organismes professionnels de la
santé, le COPS, ainsi que la table de la Fédération des
infirmières du Québec ont négocié hier et
négocient aujour-
d'hui. Il en est de même de la table de la
Fédération des affaires sociales. Hier soir, durant la nuit, il y
a eu, de la même façon, des rencontres avec la
Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ. En somme,
toutes les unités syndicales sont représentées; autant
celles dont le contrat est échu depuis 1978 que le front commun de 1979
s'affairent actuellement et négocient de façon très
intensive. En ce qui concerne la situation dans le réseau des affaires
sociales, je pense qu'on doit se réjouir que la très vaste
majorité des établissements fonctionne de façon normale
à 100%. Il y a eu des incidents ce matin dans deux endroits, un à
l'hôpital Sainte-Justine et l'autre, au centre d'accueil
Pierre-Joseph-Triest, dans l'est de Montréal. On m'informe, à 2 h
20 cet après-midi, qu'à Sainte-Justine la situation est redevenue
normale, puisque les employés, après plusieurs heures
d'assemblée, de délibération, ont décidé,
par vote, de retourner au travail et de respecter la loi. Au centre d'accueil
Pierre-Joseph-Triest, dans l'est de Montréal, la situation est encore un
peu flottante puisque les syndiqués sont encore en
délibération. Mais on m'assure que dans les deux cas, de toute
façon, la santé et cela, on le tient de la bouche des
dirigeants des établissements n'est certainement pas en
danger.
Le Président: Merci.
M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je voudrais simplement
ajouter qu'à la table centrale où, comme on le sait, se
négocient les conditions salariales, le groupe des coordonnateurs des
deux côtés, qui a amorcé déjà depuis la
semaine dernière les discussions salariales, a repris ces discussions
depuis hier. Après avoir, dans la journée d'hier, traité
des clauses salariales les moins importantes globalement, j'entends,
c'est-à-dire les questions de pensions, de congés de
maternité et de primes d'éloignement la journée
d'aujourd'hui est consacrée à la discussion des échelles
de salaires proprement dites, des négociations sur les clauses
salariales essentielles.
Le Président: Merci.
M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, comme on peut le
constater à la lumière de ce qui a été dit par mes
collègues, je crois que la loi no 62 produit actuellement le
résultat qui a été recherché par cette
Assemblée nationale qui l'a adoptée. C'était un appel
à la négociation. A l'heure actuelle, les négociations se
poursuivent intensivement. La grève illimitée qui était
prévue pour le 13 n'a pas eu lieu et, globalement, la loi est
respectée.
Je pense que la préoccupation première du Procureur
général, c'est effectivement de voir et de poser les gestes qui
donnent la chance que la loi qui est adoptée par cette Chambre produise
l'effet désiré.
Quant aux cas globalement, la loi est respectée, on est
à même de le constater isolés, ceux qu'on a
mentionnés hier, et également certains faits qui se sont produits
à l'hôpital Sainte-Justice ou encore à un centre d'accueil,
je puis dire qu'ils font l'objet, à l'heure actuelle, de l'action
habituelle et appropriée du ministère de la Justice. Je peux
répéter ce que j'ai dit à l'Assemblée nationale, le
Procureur général n'hésitera pas à prendre les
décisions à la lumière des dossiers qui lui seront
soumis.
Une Voix: Question supplémentaire.
Le Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Forget: Question supplémentaire.
M. Grenier: Question additionnelle, M. le Président, sur
cette dernière. Bien sûr, j'avais l'intention de poser la question
au ministre des Affaires sociales concernant les deux centres pour lesquels il
nous a donné une réponse. Mes informations dataient de midi,
alors que les siennes dataient de 14 h 20. Elles sont, bien sûr, plus
précises. (14 h 40)
J'aimerais demander au premier ministre, à la suite de la
déclaration qu'il a faite en relation avec la question qui a
été posée par le député de Brome-Missisquoi,
la semaine dernière, alors que beaucoup de gens nous disent, par
télégramme, qu'il y aurait peut-être lieu de consulter le
public sur le droit de grève dans le secteur public. Le premier ministre
avait répondu à cette question du député de
Brome-Missisquoi: "Je peux simplement promettre au député que
l'opinion qu'il vient d'exprimer va recevoir toute l'attention qu'elle
mérite, y compris ce qu'il a indiqué comme sa perception du
sentiment de l'opinion publique. Je pense qu'elle est suffisamment claire,
actuellement, pour qu'on n'ait même pas besoin de
référendum."
J'aimerais savoir puisque lundi on ne sera pas en Chambre,
ça ira à mardi si on a prévu un autre moyen pour
pallier les difficultés qui pourraient surgir lundi matin, comme les
journaux en font état ce matin, et si cette proposition faite par le
député de Brome-Missisquoi est toujours envisagée par le
premier ministre.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je ne répéterai pas
ce que j'ai dit assez longuement, ce qui, malheureusement, finissait par l'aveu
qu'on n'a pas trouvé de recette magique. Je ne reprendrai pas tous les
arguments qui ont flotté autour et alentour du droit de grève
dans le secteur public. La chose qui est certaine, c'est que l'abus flagrant,
catastrophique, depuis une douzaine d'années, de ce droit de
grève, qui devrait être un dernier recours, remet tout cela en
question, et on n'a pas besoin de faire des sondages pour le savoir. Cela remet
tout en question, et d'une façon de plus en plus inquiétante, si
j'étais un syndicaliste avec une tête sur les épaules.
Cela étant dit, je répéterai ce que j'ai dit tout
à l'heure. C'est qu'il est évident qu'on n'a pas trouvé,
en ce moment, la façon de régler, de bonne foi, de façon
négociée, ces renouvellements de contrats qui reviennent à
tous les trois ans, à peu près. Il va falloir remettre cela
à l'étude au plus vite pour voir s'il y a moyen de trouver une
autre façon de déboucher. Chose certaine, s'il n'y a pas une
réflexion parallèle qui se fait dans le monde syndical et, en
particulier, dans ce qu'on appelle couramment l'establishment syndical, j'avoue
que je ne sais pas dans quel état sera la société dans les
mois qui viennent.
Le Président: M. le député de Saint-Laurent;
tout de suite après, M. le député de Bellechasse.
M. Forget: M. le Président, le ministre de la Justice
vient de nous dire que la loi 62 est globalement respectée. Nous n'avons
pas besoin d'un ministre de la Justice pour faire respecter la loi globalement,
mais pour la faire respecter à chaque fois qu'elle est violée.
Or, il y a des événements qui se sont produits à
Sainte-Justine et dans un centre d'accueil pour malades chroniques. Est-ce que
le ministre de la Justice nous dit qu'il suffit de faire la grève
seulement trois heures par jour pour respecter l'esprit de la loi 62? Si c'est
cela, on va pouvoir bloquer tous les hôpitaux constamment, seulement en
faisant la grève trois heures par jour.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, je suis très
surpris des propos du député de Saint-Laurent, parce que je puis
lui dire que la justice n'a pas besoin, non plus, d'un député qui
essaie de créer un état de panique, alors qu'il n'y en a pas.
M. Forget: Question de privilège, M. le
Président.
M. Bédard: Vous avez une question de privilège?
Faites-en une.
Le Président: M. le député de Saint-Laurent,
sur une question de privilège.
M. Forget: M. le Président, le ministre de la Justice
m'accuse de créer une situation de panique. J'essaie simplement
d'obtenir du ministre de la Justice des indications claires de ses intentions,
de façon, précisément, que la panique ne résulte
pas de la situation actuelle.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: C'est ce que j'avais compris de votre question
et je m'apprête à donner la réponse appropriée. Je
redis, cependant, que le député de Saint-Laurent se sente
visé ou pas, que la justice n'a pas besoin de quelque
député que ce soit pour créer un état de panique
là où il n'y en a pas. Le meilleur exemple en est ce qu'a fait le
député de Saint-Laurent tout à l'heure, parce qu'il est en
train d'essayer d'adresser des reproches au ministre de la Justice concernant
des faits qui se sont passés à un centre d'accueil. M. le
Président, ces faits se sont produits aujourd'hui. J'ai pris la peine de
dire au député de Saint-Laurent ou à celui qui a
posé la question tout à l'heure que, justement, ce cas
particulier, de même que les autres cas isolés, de même que
le cas de Sainte-Justine qu'on a évoqué tout à l'heure,
où il y avait certaines difficultés d'accès, font l'objet,
à l'heure actuelle, des enquêtes appropriées par le
ministère de la Justice et que les décisions seront prises en
conséquence, mais sans panique.
Le Président: M. le député de
Bellechasse.
Débrayages à la CTCUM
M. Goulet: Ma question s'adresse au ministre du Travail. On sait,
M. le Président, que les Montréalais ne sont pas seulement
inquiets de la situation qui prévaut dans leurs hôpitaux, mais
qu'ils doivent également faire face à un débrayage
possible du transport en commun, un débrayage éventuel. Sur ce
point, je pense que c'est vrai de dire que la population ne sait plus sur quel
pied danser, pour ne pas dire sur quel pied marcher. Malgré un ordre de
poursuivre le travail de la part du syndicat, certains secteurs de la ville ont
été paralysés par des débrayages d'un certain
nombre de chauffeurs d'autobus. Je sais que le ministre a rencontré,
hier soir, le président du comité exécutif. Peut-il
à l'instant nous assurer, à la suite de cette intervention
personnelle dans le dossier, s'il y aura enfin un règlement
définitif d'ici peu, de manière que la population n'ait pas
à vivre dans cette incertitude qui lui pend au bout du nez
constamment?
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, effectivement, il y a eu,
hier, un épisode, qui a duré quelques heures, où, à
partir de la station Namur de la Commission de transport qui dessert une partie
de l'Ouest et du Nord-Ouest de l'île de Montréal, il y aurait eu
un ralentissement. La veille, le syndicat avait laissé entendre qu'il y
aurait débrayage ce jour-là, mais avait contremandé le
débrayage. Il semble que, pour une raison ou pour une autre, compte tenu
de l'heure à laquelle se sont levés ceux qui voulaient faire
débrayage, il y en a quelques-uns qui ont décidé qu'ils
n'iraient pas ce jour-là. Cela a pris quelques heures et tout est
rentré dans l'ordre. Au moment où on se parle, effectivement, le
transport en commun fonctionne à 100% à Montréal.
Deuxièmement, j'ai rencontré M. Normand Hamelin,
président de la Fraternité des chauffeurs d'autobus, hier. M.
Hamelin a tenté de m'expli-quer c'est pour cela que je l'ai
convoqué comment 54% de votes oui à la proposition d'un
médiateur du ministère du Travail ce n'était pas
concluant. Je dois avouer que je n'ai pas été
particulièrement convaincu par les arguments invoqués par
le syndicat. Le syndicat, pas sa constitution, doit soumettre pour une
approbation à 66% les projets de convention collective, ce qui veut dire
qu'en pratique, quand un syndicat exige cela et que pour lui, la
majorité n'est pas 50% plus un, c'est 66%, on peut assister à une
escalade sans fin jusqu'à ce qu'il y ait moins de 35% de gens qui soient
vaguement insatisfaits de ce qu'il y a là. Ceci m'étonne un peu.
Sur le plan habituel des relations de travail, c'est plutôt
inusité, puisqu'en général la majorité, c'est 50%
plus un. Cela crée l'ambiguïté suivante: le ministère
du Travail a envoyé deux conciliateurs dans le dossier, par la suite un
médiateur qui a fait un rapport technique, complexe et dont s'est
félicité d'ailleurs le président du syndicat qui l'avait
recommandé, ce rapport, en assemblée générale, et
le résultat d'un vote au scrutin secret des membres présents
à l'assemblée, c'était 54% pour.
Par contre, après qu'une série des personnes eut
quitté la salle, il y a eu un vote, aux petites heures du matin, pour
octroyer au syndicat un mandat d'exercer des mesures de pression par voie de
débrayages occasionnels. Ce qui fait qu'au moment où nous nous
parlons, le syndicat a deux mandats: il a, d'une part, un mandat effectivement
majoritaire d'acceptation de la proposition de M. Desilets comme convention
collective, mais, d'autre part, un mandat de faire des moyens de pression pour
que ce soit changé. Heureusement que la constitution du syndicat ne dit
pas que cela prend 99% du monde qui soient satisfaits; sans cela il n'y aurait
jamais de convention collective dans ce syndicat-là. D'une part, il y a
cela.
Deuxièmement, à l'occasion de cette rencontre avec M.
Hamelin, j'ai cependant constaté qu'il y avait un problème
technique au niveau de l'interprétation de données touchant les
assignations, la masse salariale, etc., entre la CTCUM et le syndicat. Je puis
donc vous affirmer qu'à compter d'aujourd'hui il y aura des
échanges entre le syndicat et la Commission de transport sur ces
données techniques et ces questions de chiffres touchant la masse
salariale qui est impliquée.
Le tout, je crois, sans qu'il n'y ait normalement de perturbations du
service de transport en commun à Montréal. (14 h 50)
Le Président: M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: M. le Président, le ministre ne croit-il pas
que ce serait à lui ou à son ministère de fixer un
pourcentage de vote acceptable quant au résultat d'un vote et ne pas
laisser ça à un syndicat? Comme il l'a souligné tout
à l'heure, si le syndicat décidait de mettre ça à
90%, ce serait la même chose.
Dans le deuxième volet de la deuxième partie de ma
question, dans le journal Le Devoir de ce matin on laisse entendre que cet
imbroglio dans les procédures de régie interne de la
fraternité le ministre a touché une partie du
problème tout à l'heure en parlant du pourcentage du vote
ce n'est, d'après l'article du Devoir, que la pointe d'un iceberg
au-dessus de problèmes plus graves qui apparaissent à plusieurs
chauffeurs comme étant non résolus par le projet de convention
collective. On dit qu'un climat d'extrême méfiance entre
l'employeur et ses employés a incité le médiateur, M.
Desilets, à recommander aux parties en cause de tenter
l'expérience d'une médiation préventive devant parvenir
à des conclusions dans les six mois suivant la signature d'une
convention collective.
Je veux savoir du ministre s'il y a des possibilités que cette
suggestion du médiateur en faveur d'une médiation
préventive soit acceptée; est-ce qu'il en a été
question hier soir? Et qu'on arrête de jouer au chat et à la
souris avec la population.
Pour ne pas avoir besoin de me relever, si ça ne fonctionne pas,
est-ce que le ministre prévoir dans ce cas-là également
une loi pour qu'enfin, une fois pour toutes, à Montréal, on sache
à quoi s'en tenir?
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-D'oeuvre.
M. Johnson: La dernière partie de la question du
député est entièrement hypothétique,
spéculative et dramatise à l'avance. Deuxièmement, je ne
peux pas, en vertu des lois...
M. Goulet: Question de privilège. Je ne peux pas permettre
qu'on m'accuse de dramatiser. On m'a accusé de ça ici pour la
ville de Québec et cela a duré six à huit mois le conflit.
Ce n'était pas dramatiser, M. le Président. On ne voudrait pas
que ce soit la même chose pour la moitié de la province de
Québec qui réside à Montréal.
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, le transport en commun
fonctionne à Montréal. Peut-être que le
député de Bellechasse n'y est pas allé récemment.
Deuxièmement, quant à la loi, il n'appartient pas au
gouvernement, au ministre du Travail ou à un fonctionnaire, en vertu du
Code du travail après tout, les lois sont adoptées par
cette Assemblée de décider ce que sera la constitution du
syndicat au chapitre du vote, sauf par voie spécifique qui serait des
amendements au Code du travail ou une loi spécifique dans ce cas.
Ce à quoi on a affaire, c'est un syndicat, un des rares
syndicats, à part le groupe des "teamsters", qui, effectivement, dans sa
constitution, possède une telle règle de majorité. C'est
un des rares syndicats où la majorité c'est plus que 50% plus 1.
Cela donne des ambiguïtés comme celle qu'on connaît.
Deuxièmement, quant à la médiation
préventive, assurément, je pense qu'historiquement ce n'est pas
compliqué d'en faire le compte. Les relations de travail à la
CTCUM sont assez pourries, merci. C'est pour cela que mon ministère a
suggéré, dans le rapport de médiation qui a
été adopté, qu'effectivement les parties se livrent
à un exercice de médiation préventive pour essayer de
discuter de certains des problèmes au lieu d'être
obligées, toujours, en catastrophe, en plein coeur d'un conflit,
de tout régler. C'est accepter que la convention et le rapport de
médiation portent sur un ensemble de conditions de travail et que
certains des problèmes puissent faire l'objet de discussions entre les
parties, calmement, avec les ressources extrêmement efficaces qu'on peut
leur donner au ministère du Travail.
M. Goulet: La dernière, M. le Président, si vous le
permettez.
Le Président: M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Est-ce que le ministre a demandé ou va demander
au président du syndicat de reporter son vote à 50% ou 50% plus
un? Il dit que c'est inacceptable, mais est-ce qu'il a fait des pressions de ce
côté pour leur demander de faire un peu comme partout ailleurs,
tout simplement de ramener cela à 50% plus un, à la
majorité absolue?
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, il y a plusieurs choses dans
ce que vient de dire le député de Bellechasse. D'abord, je n'ai
pas dit que c'était inacceptable; j'ai dit que c'était
étonnant et peu usuel. Encore une fois, je n'ai pas dit que
c'était inacceptable. Si je pensais que c'était inacceptable, je
l'aurais dit et il faudrait agir en conséquence. Je dis juste que c'est
surprenant, étonnant et inhabituel. Je pense que le syndicat doit y
penser. Sauf que pour y penser, théoriquement, le syndicat serait
obligé d'amender sa propre constitution. Il respecte sa propre
constitution en faisant ce qu'il fait présentement. Donc, il y a un
problème.
Ce que je peux vous dire, c'est que la Fraternité, en tant
qu'exécutif, a un problème parce qu'elle a deux mandats
contradictoires entre les mains. D'une part, il y en a qui acceptent un rapport
de médiation et, d'autre part, il y en a qui veulent qu'il y ait des
moyens de pression qui soient exercés. C'est un peu étrange comme
situation.
Les façons de dénouer la situation c'est qu'on finisse par
s'entendre. Si la question des échanges de chiffres et des
échanges de données très précises sur
l'interprétation de certains aspects du rapport peuvent se
dénouer entre la commission et le syndicat, éventuellement, tant
mieux. On n'en parlera pas et leur problème de constitution interne, on
y verra ou, quand on amendera le Code du travail, on y pensera un de ces
jours.
Ou encore, le président du syndicat a, en vertu de cette
même constitution le pouvoir de demander ce qu'on appelle un
référendum à l'intérieur du syndicat et, cette
fois, ce ne sont pas les membres présents à l'assemblée
qui votent, mais tous les membres du syndicat votent. Encore une fois, cela
prendrait 66% pour l'acceptation du rapport.
Le Président: M. le député de
Rouyn-Noranda.
Siège social de la SDBJ
M. Samson: M. le Président, je voudrais adresser ma
question à l'honorable ministre de l'Energie et des Ressources.
Dernièrement, le ministre mentionnait que la Société de
développement de la Baie James se verrait probablement confier un
nouveau mandat par le gouvernement. Dans l'élaboration de ce nouveau
mandat, il serait peut-être possible qu'on voie arriver le siège
social de la Société de développement de la Baie James
dans la région du Nord-Ouest québécois. J'aimerais
demander au ministre s'il serait en mesure, aujourd'hui, de nous faire savoir
si ce nouveau mandat a été décidé et de nous
donner, si possible, quelques éléments de ce nouveau mandat de la
Société de développement de la Baie James.
Dans sa réponse, il y a quelques semaines, le ministre
mentionnait qu'au conseil d'administration de la Société de
développement de la Baie James deux nouvelles personnalités
venaient d'être nommées. J'avais cru, à ce
moment-là, qu'il s'agissait de deux postes nouveaux, mais j'ai appris,
par la suite, que c'était en remplacement de deux membres du conseil
d'administration qui étaient à ce moment-là en poste.
Comme il y avait, parmi ces deux membres, M. Lucien Cliche, de la région
du Nord-Ouest québécois, dont le mandat venait à terme, le
ministre pourrait-il en profiter pour me dire s'il y a des raisons
spéciales pour lesquelles le mandat du seul membre venant de la
région du Nord-Ouest n'a pas été renouvelé à
cette occasion?
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: M. le Président, en fait, ce
n'était pas parce que je tenais à expulser quelqu'un de la
région, mais tout simplement parce que nous tenions à donner un
meilleur contrôle sur la Société de développement de
la Baie James par des entreprises québécoises, des
sociétés d'Etat qui oeuvrent déjà dans le domaine.
C'est pour cette raison que le président de SOQUEM est devenu membre du
conseil d'administration de la SDBJ et, également, que le
président de la SEBJ est devenu membre du conseil d'administration de la
SDBJ, de manière qu'on puisse minimiser les dédoublements puisque
ces sociétés d'Etat oeuvrent dans les mêmes secteurs que la
SDBJ.
Les dédoublements qui s'ensuivent sont souvent des
dédoublements coûteux. C'était donc pour tenter d'assurer
une meilleure cohésion dans l'évaluation du mandat de la SDBJ que
ces deux personnes ont été nommées à la place de
deux candidats qui étaient là précédemment.
Je dois dire cependant que, advenant la définition du nouveau
mandat, le mandat de la SDBJ devenant plus clair, à ce moment-là,
il y aurait lieu de nommer un conseil d'administration qui répon-
dra aux objectifs du gouvernement. Mais pour l'instant, ce que nous
avons comme objectif, c'est tenter de clarifier le rôle respectif de la
SDBJ par rapport aux autres sociétés d'Etat.
Maintenant, je termine en soulignant que, pour l'instant, il n'y a pas
eu de définition du mandat de la SOBJ pour la simple raison que le haut
fonctionnaire de mon ministère qui était chargé de ce
mandat a quitté l'emploi du ministère, mais il continue cependant
à siéger auprès de la SDBJ, d'une part. D'autre part,
j'attends d'ici la semaine prochaine la nomination d'un nouveau sous-ministre
à mon ministère, ce qui me permettra de reprendre le dossier
là où il était rendu et d'en arriver plus rapidement
à une réponse.
Le Président: Fin de la période des questions.
Motions non annoncées.
Enregistrement des noms sur les votes en suspens.
Je crois qu'il y a des votes en suspens. Maintenant, M. le leader
parlementaire de l'Opposition officielle, pourriez-vous indiquer à la
présidence le choix de la question avec débat de vendredi
prochain?
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je vous
remercie de cette invitation fort à propos que vous nous faites à
ce moment-ci...
M. Ryan: Pendant que tu cherches... (15 heures)
M. Levesque (Bonaventure):... et qui m'amène à vous
indiquer, de la façon la plus précise possible, la question avec
débat qui sera appelée pour vendredi, dans neuf jours. Ce sera
celle que l'on retrouve à la page 10 du feuilleton d'aujourd'hui.
M. Ryan: Celui qui garde la rondelle pendant que le gars est en
pénitence.
M. Levesque (Bonaventure): Commission permanente du travail et de
la main-d'oeuvre, question avec débat du député de
Portneuf au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre sur le sujet suivant:
L'application du règlement de placement dans l'industrie de la
construction et les règlements de qualification appliqués par la
Régie des entreprises de construction.
Le Président: Avis vous est donné en
conséquence, M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre. Je
demande maintenant qu'on appelle les députés.
Suspension à 15 h 1
Reprise à 15 h 14
Motion priant le gouvernement d'intervenir
pour faire abaisser le taux
d'intérêt
de la Banque du Canada
Mise aux voix du sous-amendement
Le Président: Je mets maintenant aux voix la motion,
l'amendement et le sous-amendement sur la motion de M. le député
de Rouyn-Noranda. Je mets d'abord aux voix le sous-amendement apporté
par M. le député d'Outremont, lequel se lit comme suit: "Que
l'amendement du ministre d'Etat au Développement économique soit
amendé par le remplacement de tous les mots après "prenne des
mesures" par les suivants: "fiscales nécessaires afin d'atténuer
le plus possible les effets pour les personnes à faible revenu de
l'augmentation du taux d'intérêt et que, de son propre chef, le
gouvernement du Québec prenne des mesures visant le même
objectif."
Que ceux et celles qui sont en faveur de ce sous-amendement veuillent
bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure),
Saint-Germain, Vaillancourt (Orford), Lalonde, Rivest, Ciaccia, Lamontagne,
Giasson, Caron, Dubois, Picotte, Marchand, Gratton, Pagé, Springate.
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre ce
sous-amendement veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Charron, Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Morin
(Louis-Hébert), Parizeau, Marois, Landry, Léonard, Vaugeois,
Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Gendron, de Belleval, Johnson,
Chevrette, Duhaime, Lessard, Lazure, Léger, Tardif, Garon, O'Neill,
Martel, Paquette, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx,
Laberge, Grégoire, Guay, Lefebvre, Laplante, Mme Leblanc-Bantey, MM. de
Bellefeuille, Dussault, Marquis, Ouellette, Perron, Gosselin, Jolivet,
Brassard, Godin, Lavigne, Mercier, Boucher, Desbiens, Baril, Charbonneau,
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Brochu, Grenier,
Goulet, Fontaine, Le Moignan, Samson.
Le Président: Que ceux et celles qui veulent s'abstenir
veuillent bien se lever.
Le Secrétaire: Pour: 16 Contre: 63
Abstentions: 0
Le Président: Le sous-amendement est rejeté.
Mise aux voix de l'amendement
Je mets maintenant aux voix l'amendement proposé par M. le
ministre d'Etat au Développement économique, qui se lit comme
suit: "Que la motion en discussion soit amendée en remplaçant,
dans la sixième ligne, tous les mots après les mots "celle-ci"
par les mots "évite de hausser indûment les taux
d'intérêt et pour que le gouvernement fédéral prenne
des mesures correctives afin d'atténuer les effets négatifs de
ces taux anormalement élevés, ceci notamment pour les PME et les
citoyens les plus durement touchés."
Que ceux et celles qui sont en faveur de cet amendement veuillent bien
se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire: MM. Lévesque (Taillon), Charron,
Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Morin (Louis-Hébert),
Parizeau, Marois, Landry, Léonard, Vaugeois, Bérubé, Mme
Ouellette, MM. Clair, Gendron, de Belleval, Johnson, Chevrette, Duhaime,
Lessard, Lazure, Léger, Tardif, Garon, O'Neill, Martel, Paquette,
Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge,
Grégoire, Guay, Lefebvre, Laplante, Mme Leblanc-Bantey, MM. de
Bellefeuille, Dussault, Marquis, Ouellette, Perron, Gosselin, Jolivet,
Brassard, Godin, Lavigne, Mercier, Boucher, Desbiens, Baril, Charbonneau,
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Ryan, Levesque
(Bonaventure), Saint-Germain, Vaillancourt (Orford), Lalonde, Rivest, Ciaccia,
Lamontagne, Giasson, Caron, Dubois, Picotte, Marchand, Gratton, Pagé,
Springate, Brochu, Grenier, Goulet, Fontaine, Le Moignan, Samson.
Le Secrétaire adjoint: Pour: 79 contre: 0
Abstentions: 0
Le Président: L'amendement est adopté.
M. Charron: Puis-je proposer le même vote pour la motion
principale?
Mise aux voix de la motion principale
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale, est-ce qu'il y a consentement? M. le député de
Rouyn-Noranda? Alors, il y a consentement et c'est le même vote sur la
motion principale de M. le député de Rouyn-Noranda, telle
qu'amendée par le ministre d'Etat au Développement
économique. Je déclare la motion adoptée telle
qu'amendée. (15 h 20)
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Charron: Je voudrais, d'abord, indiquer que la réunion
mensuelle de la commission des engagements financiers se fera à la salle
91-A, à compter de 9 h 30 le matin, le jeudi 29 novembre prochain. De
même, mardi matin prochain, trois commissions se réuniront: au
salon rouge, c'est la commission de la présidence du conseil et de la
constitution qui entreprendra à ce moment l'étude article par
article du projet de loi no 10; à la salle 81-A, ce sera celle des
affaires culturelles qui poursuivra l'étude article par article du
projet de loi sur le livre et, à la salle 91-A, ce sera celle des
consommateurs, coopératives et institutions financières qui
poursuivra l'étude article par article du projet de loi no 54. Demain
matin, au salon bleu, ici, ce sera la réunion de la commission
parlementaire des affaires sociales à la demande du député
de Mégantic-Compton, à compter de 10 heures du matin.
M. Grenier: Est-ce que vous pourriez relire le sujet de la motion
de demain?
M. Charron: Je peux la relire. Il s'agit, tel que le
député a choisi de l'inscrire, de "la définition d'une
politique familiale au Québec". Je fais motion, M. le Président,
pour que, cet après-midi et ce soir, aux heures régulières
de la Chambre, se réunisse la commission de la présidence du
conseil jusqu'à ce qu'elle ait achevé l'étude article par
article du projet de loi no 9. Je signale la présence à cette
commission, cet après-midi, du directeur général des
élections afin de pouvoir répondre à certaines questions
des députés membres de la commission comme ceux-ci l'ont
exprimé. De même, je fais motion pour qu'à 81-A, aux
mêmes heures, la commission de la justice se réunisse pour
poursuivre l'étude article par article du projet de loi no 55.
Le Vice-Président: Est-ce que ces motions seront
adoptées?
Des Voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je vous prierais d'appeler
l'article 3 du feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi no 43 Deuxième lecture Motion de
report
Le Vice-Président: J'appelle donc la reprise du
débat sur l'amendement de M. Russell à la motion de M. Garon
proposant que le projet de loi no 43, Loi modifiant la Loi du ministère
de l'Agriculture, soit maintenant lu la deuxième fois, lequel amendement
se lit comme suit: "Que la motion en discussion soit amendée en
retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant à la fin les mots "dans
trois mois". M. le député de Maskinongé avait
demandé l'ajournement du débat.
M. le député de Maskinongé.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: On se souviendra qu'hier, après avoir
entamé la deuxième lecture du projet de loi no 43 et après
avoir mentionné, nous de l'Opposition officielle de même que le
parti de l'Union Nationale, ce que nous pensions du projet de loi no 43, le
député de Brome-Missisquoi avait présenté à
la considération de cette Chambre une motion de report. Cette motion de
report visait à retarder de trois mois l'étude du projet de loi
dans le but que le ministre de l'Agriculture nous apporte les
éléments dont nous avions fait mention.
Nous devons étudier et regarder au mérite la motion de
report du député de Brome-Missisquoi. C'est évident
j'entendais hier le député de Joliette-Montcalm qui a pris la
parole durant dix minutes sur cette motion de report que pour les
ministériels, pour les gens assis en face de nous, c'est toujours plus
facile d'utiliser le concept qui dit que lorsqu'on a une motion de report
annoncée par un député de cette Chambre, c'est tout
simplement dans le but de retarder davantage l'adoption d'une loi.
Evidemment, ces députés ministériels ne mentionnent
pas, par la même occasion, que dans le livre du règlement que nous
avons à l'Assemblée nationale vous le connaissez, M. le
Président, le règlement de l'Assemblée nationale et sans
doute beaucoup mieux que moi encore, vous me sem-blez être un expert en
la matière qui comprend tout près de 200 articles, la
seule façon pour un député de l'Opposition d'obtenir des
renseignements additionnels d'un ministre responsable de quelque
ministère que ce soit et au sujet de quelque projet de loi que ce soit,
la seule façon de demander au ministre de nous fournir des
renseignements additionnels en attendant de pouvoir nous prononcer est
d'utiliser cet article de notre règlement qui permet la motion de
report.
C'est le seul article qui nous permet d'obtenir des renseignements
additionnels de la part du ministre de l'Agriculture. Même pas, M. le
Président; une question en Chambre nous permettrait d'obtenir les
renseignements que nous voulons obtenir. Je vous vois déjà, dans
votre sagesse habituelle, si un député que ce soit le
député de Brome-Missisquoi ou moi-même ou n'importe quel
député de l'Opposition officielle demandait au ministre de
l'Agriculture, durant la période de questions, de préciser
certaines choses, nous mentionner que c'est hors règlement puisque nous
sommes en train de l'étudier en deuxième lecture, que nous aurons
la commission parlementaire dans quelques jours, une semaine tout au plus, pour
étudier article par article ce projet de loi. A ce moment-là,
cette question serait hors d'ordre à l'Assemblée nationale.
Donc, il ne reste qu'une solution, M. le Président, c'est la
motion de report. Je vous dirai, au point de départ, que, bien que je
pense et bien que je sois convaincu que cette motion de report est importante
et a sa valeur, je ne pourrais pas, personnellement, y souscrire, pour des
raisons bien précises que je vais vous énumérer. Une
motion de report à trois mois je ne dis pas s'il avait
été question d'une motion de report à une semaine ou
quinze jours, le temps que le ministre de l'Agriculture nous amène ce
qu'on a pu lui demander comme renseignements aurait pour effet, cela
fait déjà un an que le projet de loi est déposé, de
prolonger pour trois mois additionnels. Quant à nous, de l'Opposition
officielle, j'ai eu l'occasion de vous mentionner, en deuxième lecture,
que nous avions insisté, lors de l'étude du projet de loi no 90,
pour qu'une loi soit amenée dans le but de créer une banque de
sols arables. Donc, c'est évident qu'en prolongeant de trois mois ce
serait contraire à ce que nous avons exigé lors de l'étude
de troisième lecture. C'est un point.
Il y a un deuxième point tout aussi important. Nous connaissons
le ministre de l'Agriculture; nous connaissons ce gouvernement d'emballage, un
gouvernement qui fait de beaux emballages avec des ballons soufflés
à l'intérieur, avec de beaux rubans qui s'en viennent de plus en
plus rouges, avec un beau chou rouge hier, en tout cas, le ruban
était plus rouge qu'à l'accoutumée ce gouvernement
nous présente des lois pour attirer l'attention des
Québécois.
Connaissant le ministre de l'Agriculture, même si nous lui
demandions et même si nous lui donnions trois mois pour tâcher de
répondre aux questions que nous avons posées hier, à
savoir qu'il nous dise d'avance quel organisme va administrer ce projet de loi
officiellement et non pas de nous dire que cela devrait être tel
organisme ou que ce serait peut-être tel autre organisme, mais nous dire
que c'est tel organisme qui va s'occuper de cela, tel qu'on l'a demandé
en deuxième lecture... donner encore trois mois au ministre de
l'Agriculture pour qu'il nous dise d'après quels critères et de
quelle façon vont se faire les transactions soit pour le louage d'une
terre arable qui fera partie de la banque de sols arables, soit encore pour la
vendre... Je l'ai dit hier, M. le Président. En supposant qu'il y aurait
deux députés en cette Chambre qui seraient des agriculteurs... Il
y a quelques députés qui sont des agriculteurs. Je suppose que le
député de Kamouraska et le député de
Maskinongé sont des agriculteurs, si je prends cet exemple de mon
côté. Supposons qu'il y ait dans la banque de sols arables une
terre à vendre. Le député de Kamouraska est
intéressé. On sait qu'il fait partie du gouvernement qui est au
pouvoir. Il est près du ministre de l'Agriculture. Le
député de Maskinongé qui, à certaines occasions,
critique les projets de loi du ministre de l'Agriculture parce qu'il ne les
trouve pas assez sains pour l'ensemble des agriculteurs du Québec est
intéressé lui aussi. D'après quels critères va-t-on
adjuger cette terre et à quel prix? Va-t-on préférer le
député de Kamouraska au député de
Maskinongé?
Une Voix: Oui.
M. Picotte: Est-ce que cela va prendre une carte du Parti
québécois à ce moment-là? Je sais que celui qui la
posséderait aurait le haut du pavé.
C'est tout cela qu'on a demandé au ministre de l'Agriculture. M.
le Président, même si on donnait trois mois additionnels au
ministre de l'Agriculture, il ne nous fournirait pas ces renseignements. On le
connaît d'avance. D'abord, il ne le sait pas. Il n'est pas capable de
nous répondre. Ce sont ses technocrates qui connaissent cela.
Deuxièmement, je pense que pour lui, c'est du superflu. Pour lui, ces
choses ne sont pas importantes. Pour lui, ce qui est important, c'est de faire
adopter quelques lois et de dire: Je ne peux pas, durant mon terme de ministre
parce que cela ne durera pas tellement longtemps encore ne pas
avoir fait adopter de lois dans le domaine de l'agriculture. S'il dit: J'en ai
fait adopter sept ou huit, M. le Président, que cela ait de l'allure ou
moins d'allure, cela n'a pas d'importance. (15 h 30)
Je pense que donner trois mois additionnels au ministre de
l'Agriculture, ce serait nous conter à nous-mêmes des mensonges;
ce serait tomber dans un piège avec lequel il pourrait s'amuser
après. On sait, M. le Président, à quel point le ministre
de l'Agriculture est peu sérieux. Il n'est pas tout à fait
sérieux. Il s'amuse avec des choses bien facilement. Ce serait tomber
dans le propre piège du ministre de l'Agriculture. Je le verrais se
taper la bedaine et se dire: Ils vont retarder de trois mois additionnels.
L'Opposition n'est bonne que pour retarder; donc, ils n'auront pas d'autres
renseignements additionnels.
M. le Président, ce serait fort à propos si on avait
affaire à un ministre plus collaborateur; si on avait affaire à
un ministre qui prend l'agriculture au sérieux, on aurait
peut-être souscrit à cette motion de report, mais, connaissant
toutes ces choses-là, en ce qui me concerne, en tout cas, je me vois
dans l'obligation de ne pas souscrire à la motion et d'étudier,
le plus rapidement possible, ce projet de loi en espérant, comme je l'ai
mentionné tantôt, que les fonctionnaires du ministère, lors
de l'étude article par article, sauront nous donner les vraies
réponses, M. le Président.
Je remercie, en terminant, la Chambre de m'avoir laissé
l'occasion aujourd'hui de faire mon discours sans interruption. Je sais que les
événements d'hier ont permis aujourd'hui aux gens
d'écouter, sachant qu'assez souvent nos sages conseils peuvent leur
porter profit. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Bellechasse.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Merci, M. le Président. Nous avons devant nous
une motion de report à trois mois concernant le projet de loi no 43 que
nous étudions présentement en deuxième lecture, Loi
modifiant la Loi du ministère de l'Agriculture. D'abord, je vous informe
qu'en vertu de l'article 94 de notre règlement je parlerai sur cette
motion comme représentant de ma formation politique, ce qui devrait vous
permettre de m'accorder 30 minutes.
Pourquoi une motion de report? Voilà la question qui a
été posée par tous les intervenants qui m'ont
précédé et qui se sont prévalus de leur droit de
parole sur cette motion. Pourquoi une motion de report? D'après le
député de Joliette-Montcalm, cette motion n'aurait pas sa raison
d'être et elle aurait été formulée dans le seul but
de faire perdre du temps à la Chambre, accusation, M. le
Président vous en conviendrez avec moi sans fondement qui
me surprend beaucoup de la part du député qui l'a
formulée.
Revenons au fond même de la motion. Connaissant très bien
le parrain de cette motion de report, connaissant très bien son
objectivité, son sens du devoir et le connaissant comme un homme
responsable, vous comprendrez que je me devais de réfuter les propos du
député de Joliette-Montcalm et de revenir à la charge afin
d'expliquer la raison d'être et le bien-fondé de la motion
présentée par le député unioniste de
Brome-Missisquoi. "Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage" sera
le dicton qui m'inspirera afin d'essayer de faire comprendre aux gens d'en face
qu'ils doivent appuyer une telle motion, et que trois mois, ce ne sera pas du
temps gaspillé.
Pourquoi demander au gouvernement l'adoption de cette motion et ainsi
accorder une période de trois mois? Pour plusieurs raisons. D'accord, le
député de Maskinongé nous a dit que, peut-être, deux
semaines auraient suffi, peut-être qu'un mois suffi, mais à un
moment donné il faut mettre un chiffre et nous avons jugé en
toute objectivité que trois mois serait un laps de temps raisonnable, un
laps de temps réaliste. Trois mois, cela permettrait d'abord de
convoquer une commission parlementaire, si ce n'est qu'une journée ou
deux, pour nous permettre d'entendre certaines personnes
intéressées, certaines personnes très qualifiées et
touchées par ce projet de loi; ces personnes pourraient se
présenter devant les membres de cette Assemblée pour leur dire ce
qu'elles pensent du projet de loi.
Cela pourrait également nous permettre de questionner le ministre
sur les véritables buts visés par ce projet de loi, parce qu'il y
a certainement des buts visés par ce projet de loi qui ne sont pas
inscrits dans cette loi ou, tout au moins, qui ne sont pas clairs. Cela
permettrait également au ministre et à d'autres personnes de nous
expliquer pourquoi ce projet de loi ne nous a pas été
présenté en même temps que la Loi sur la protection du
territoire agricole. Le projet de loi no 99 a été
présenté en même temps, mais je veux dire: Pourquoi
n'a-t-il pas été inclus dans le projet de loi no 90 qui,
maintenant, est force de loi? Cela pourrait également permettre au
ministre de nous prouver qu'actuellement nous manquons de terres arables au
Québec, nous manquons de sols et surtout après l'adoption de la
loi 90, Loi sur la protection du territoire agricole, cela permettrait au
ministre de nous dire pourquoi nous avons besoin de plus que ce projet de
loi.
Cela permettrait également au ministre de nous prouver en quoi
cette loi sera bénéfique aux agriculteurs déjà en
place, pas aux agriculteurs
éventuels, aux agriculteurs déjà en place, d'abord.
Je pense que c'est d'abord à ces gens qu'il faut penser lorsqu'on parle
d'agriculture, et ça permettrait au ministre de venir nous dire en quoi
ce projet de loi sera bénéfique directement aux agriculteurs
déjà en place. Ces trois mois permettraient également au
ministre de nous dire pourquoi le gouvernement veut posséder les terres
au lieu d'en faciliter la vente ou l'achat par des agriculteurs. Pourquoi
veut-il en posséder d'abord pour ensuite en faire ce qu'il voudra bien
en faire?
Cela permettrait et c'est le point sur lequel j'attache le plus
d'importance durant mon intervention au ministre de déposer les
règlements, parce qu'il faut prendre connaissance de ce projet de loi no
43 pour s'apercevoir qu'il y aura énormément de
règlements. On sait que bien souvent les règlements, sans changer
le principe, changent beaucoup l'application d'une loi. On reviendra aux
règlements tout à l'heure, M. le Président.
Cela permettrait également au ministre de nous donner beaucoup
plus d'information qu'il n'en a donnée hier lors de son discours de
deuxième lecture, discours de présentation, concernant le bail
éventuel que devra signer le locateur, concernant les suivis de ce bail,
la durée de ce bail. Le député de Joliette-Montcalm nous a
dit: Vous demandez une motion de report parce que vous voulez protéger
vos amis. M. le Président, on aurait justement des questions à
poser à l'honorable ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation
concernant les pressions politiques qui pourront être faites une fois que
cette loi sera en vigueur, juste concernant le bail et qui a priorité.
Nous aurions beaucoup de questions. D'accord, M. le Président. Le
ministre nous dira: Vous viendrez les faire en commission parlementaire, mais
en commission parlementaire il sera trop tard parce que le principe du projet
de loi sera adopté, et c'est pourquoi nous voulons avoir ces
règlements. Nous aimerions connaître le contenu de ces
règlements avant de se rendre en commission parlementaire, parce qu'une
fois rendu en commission parlementaire il sera trop tard.
Cela permettrait également au ministre d'être plus loquace
concernant les informations qu'il nous a données hier, lorsqu'on tient
compte de l'option d'achat. Il y aurait énormément de questions
que nous aimerions sans faute poser au ministre avant de se rendre en
commission parlementaire, avant l'adoption de ce projet de loi en
deuxième lecture, avant l'adoption du principe. C'est pour cela, M. le
Président, qu'une commission parlementaire je ne parle pas d'une
commission de quinze jours, une commission parlementaire de quelques jours,
quelques heures pourrait permettre au ministre de répondre
à ces questions et également de déposer certains
règlements.
Il est vrai, comme l'a dit le député de Joliette-Montcalm,
que la loi a été déposée il y a tout près
d'un an. A ce moment, le projet portait le no 99. On ne pourrait pas dire, pour
être honnête, qu'on l'a réimprimé, mais on l'a tout
simplement déposé de nouveau de façon qu'il ne porte pas
le même numéro. C'est vrai qu'il y a un projet de loi no 99 qui
est sensiblement la même chose que celui-ci qui a été
déposé il y a un an, il faut l'admettre. (15 h 40)
M. le Président, justement, le député de
Joliette-Montcalm, hier, lorsqu'il parlait contre cette motion de report
à trois mois, disait que l'Opposition n'avait pas eu le temps de se
préparer, de prendre connaissance du projet de loi et c'est là
justement le fond du problème parce que nous disons: Raison de plus, si
ce projet de loi a été déjà déposé il
y a un an ou tout près d'un an, comment se fait-il que le ministre et
ses fonctionnaires ne peuvent pas nous déposer les règlements
immédiatement? La période d'un an qui a couru pour nous, pour
prendre connaissance du projet de loi, pourquoi le ministre n'a-t-il pas
bénéficié lui aussi de cette période d'un an pour
nous déposer certains règlements, s'il ne peut pas les
déposer tous? C'est là, M. le Président, la raison
fondamentale de la motion de report. On voudrait lui donner trois mois de plus
au ministre j'aurais envie d'être méchant pour lui
permettre de compléter ses devoirs, comme disait mon professeur dans le
temps que j'étais étudiant. Depuis un an, il semble qu'il n'a pas
eu le temps de les faire ou, s'il a eu le temps de préparer ses
règlements, pourquoi les cacher et ne pas les déposer
immédiatement?
M. le Président, loin de nous l'idée de reporter ce projet
de loi pour le plaisir de le reporter, mais c'est parce que nous aimerions
connaître les règlements. Le député de
Joliette-Montcalm, hier également, nous a dit: Cela permettrait, par
exemple, au ministère des Transports de céder certaines parties
de terrain qui lui appartiennent, parce que les agriculteurs seraient
intéressés à les avoir.
M. le Président, on n'a pas du tout besoin d'un projet de loi
comme cela. Le ministère des Transports s'il possède une terre
ou du sol arable et qu'il veut s'en départir n'a pas
besoin de la vendre au gouvernement, la vendre au ministère de
l'Agriculture pour qu'ensuite le ministère de l'Agriculture la revende
à un particulier. Il peut la vendre à n'importe quel agriculteur,
en mettant une condition que la personne qui achètera cette partie de
terrain devra s'en servir pour l'agriculture. Le ministère des
Transports peut très bien faire cela sans passer par le ministère
de l'Agriculture.
Alors, la raison invoquée par le député de
Joliette-Montcalm ne tient pas parce que le ministère des Transports
pourrait très bien se départir de ce sol arable qui lui
appartient et le vendre directement à des particuliers ou à des
agriculteurs voisins, possédant des terrains voisins, en y mettant une
condition dans un contrat. Qu'est-ce qu'un contrat? Simplement, lorsqu'il le
vendra il mettra une condition en disant: Ce sol devra servir ou devra
être vendu à un agriculteur, à condition qu'il le cultive.
Il n'est pas nécessaire de passer par le ministère de
l'Agriculture pour cela.
Les règlements, j'y reviens, j'avais dit tout à l'heure
que je reviendrais aux règlements. Est-ce important les
règlements? Est-ce que le député de Bellechasse ou le
député de Brome-Missisquoi
parlent de cela pour le plaisir d'en parler? Parce qu'il faut le faire
en deuxième lecture? Je voudrais savoir qu'est-ce qu'on doit penser de
cela. Je vais vous citer des grands hommes. Je ne vous citerai pas des
libéraux, parce qu'on va nous dire dans la face que si cela vient du
Parti libéral, ce n'est pas bon. Je ne vous citerai pas des unionistes,
parce qu'on va dire: Ecoutez, cela vient de l'Opposition, ce n'est pas bon. Je
ne vous citerai pas des députés du Parti québécois
qui siégeaient dans cette Chambre du côté de l'Opposition
de 1970 à 1976, parce que je le sais, on va nous répondre: Autres
temps, autres moeurs, et étant donné que ce n'est pas la
même conjoncture, ce ne sont pas les mêmes propos, parce qu'eux
aussi ont exigé des dépôts de règlements avant
l'adoption d'une deuxième lecture. Je ne vous citerai pas ces gens; je
vais vous citer des gens beaucoup plus crédibles, des gens qui ont
parlé sur le bien-fondé des règlements et du rôle
que devrait jouer le législateur, justement, concernant ces
règlements. Vous comprenez très bien pourquoi cette
période de trois mois, pour permettre de déposer ces
règlements. Je vais vous citer des gens beaucoup plus crédibles
que les gens de l'Opposition ou que les députés du Parti
québécois qui ont siégé de 1970 à 1976.
Je vais vous citer du Bédard, un gars en qui j'ai une grande
confiance. M. le Président, je me reporte au journal des Débats
du jeudi 1er novembre 1979 ce n'est pas loin de
l'Assemblée où nous siégeons, volume 21, et je m'en vais
à la page 3312. C'est le ministre d'Etat à la Réforme
électorale, M. Marc-André Bédard, qui parle. Toujours
concernant les fameux règlements il dit ceci: "Egalement je pense
que c'est un des points majeurs le député de
Nicolet-Yamaska a émis l'opinion que les premiers règlements
devraient aussi être adoptés par la commission parlementaire et
non par le gouvernement." Il admet que ce n'est pas après que le projet
de loi ait été adopté, mais au moins par les membres de la
commission parlementaire. "Cette préoccupation du député
de Nicolet-Yamaska, qui a d'ailleurs été partagée par
d'autres députés de l'Opposition et également du
côté ministériel, pourra faire l'objet d'une
sérieuse considération. A moins qu'il y ait des obstacles tout
à fait majeurs qui soient portés à mon attention par les
responsables ou les spécialistes dans le domaine, je suis très
disposé à prendre en grande considération cette suggestion
et à apporter peut-être les correctifs nécessaires."
Le ministre en question était vraiment sincère lorsqu'il
disait cela parce que, sauf erreur, hier matin, en commission parlementaire, il
a biffé une section concernant les règlements au chapitre IX du
projet de loi 9. Le ministre en question était sincère dans ses
propos du 1er novembre parce que, 14 jours après, il biffait l'article
209 de son projet de loi et ainsi permettait que les règlements soient
soumis à l'approbation de la commission permanente, c'est-à-dire
aux membres de la commission avant d'être adoptés. C'est
déjà un précédent, c'est déjà bien et
je félicite le ministre d'Etat à la Réforme
électorale d'avoir montré le pas à ses
collègues.
Je vais vous citer un autre personnage extrêmement éminent,
un personnage crédible; je vais vous citer du Vaugeois, M. le
Président. Jeudi 8 novembre 1979.
M. Grenier: Pas du vaudeville, du Vaugeois!
M. Goulet: Non, pas du vaudeville, du Vaugeois. Jeudi 8 novembre
1979, toujours dans le journal des Débats de l'Assemblée
nationale; c'est le ministre des Communications qui parle, ça doit
être crédible. Si les gens de l'Opposition, lorsqu'ils demandent
des règlements, font cela pour le plaisir de le faire, M. Vaugeois dit
ceci: "J'ai toujours rêvé de trouver des textes qui en disaient le
plus possible. Quand on prend en main un texte de loi, on rêve
également d'avoir un texte qui dit l'essentiel, qui dit les objectifs,
qui dit les moyens et qui est intelligible par quelqu'un de moyennement
intelligent. Or, les textes de loi n'ont pas souvent cette qualité."
C'était M. Vaugeois qui parlait la semaine dernière. "Les textes
de loi n'ont pas souvent cette qualité et, comme législateur, je
rêvais d'arriver à une loi toute simple, bien
équilibrée, disant les objectifs, disant les moyens, etc.
Malheureusement c'est toujours le ministre Vaugeois qui parle, le
ministre des Communications j'ai été obligé de
reconnaître que les exigences d'une législation avaient un certain
nombre de contraintes et de règles qui, dans le cas présent,
m'invitaient à présenter davantage une loi-cadre, ce que je me
suis résigné à faire, conscient que les règlements
devenaient à ce moment très importants. Pour jouer le jeu au
moins, à cet égard, le plus en harmonie avec mes convictions,
j'ai demandé qu'on prépare tous les règlements
prévisibles en même temps et qu'on puisse déposer en
commission parlementaire, en même temps que le projet de loi qui
était considéré, tous les avant-projets de
règlements qui étaient nécessaires pour l'application de
la loi." Le ministre l'a fait dans un beau volume bien
préparé.
Le ministre continue et dit ceci: "J'indique déjà, si vous
voulez, la solution que je vais proposer à mes collègues de la
commission parlementaire pour éviter qu'un ministre quel qu'il soit, y
compris celui qui vous parle, ne puisse abuser du pouvoir qu'il a de modifier
les règlements sans venir devant cette Chambre." Ecoutez, ce ne sont pas
des gens de ce côté-ci qui parlent; ce sont deux de vos ministres
et des gars importants, des gars qui sont assis sur la première
rangée. Le ministre continue en disant: "J'ai l'intention de proposer
que tous les amendements aux règlements soient soumis à un
comité consultatif qui est déjà prévu dans la loi,
qui existe déjà sous une forme, j'y ai fait
référence tout à l'heure, la loi existante prévoit
un comité consultatif du livre, notre nouveau projet de loi
prévoit également ce comité avec un mandat élargi",
ainsi de suite. "Le ministre aura l'obligation de soumettre tout amendement
qu'il voudrait pouvoir apporter à l'un ou l'autre des règlements,
il devra les soumettre à ce comité ou ce conseil, selon le terme
que nous choisirons. Celui-ci, ce comité, cette commission, ce conseil,
peu importe le nom, pourra, s'il le juge approprié, tenir
des audiences, recevoir des rapports, écouter des gens et l'avis
de ce comité sera rendu public dans les 30 jours qui suivront sa
réception par le ministre, de telle façon qu'aucun ministre ne
pourra profiter du fait que beaucoup de choses sont dans les règlements
pour transformer cette loi ou encore l'amener à des pratiques qui n'ont
pas été voulues par les membres de ce Parlement au moyen de son
étude, encore bien moins, il faut le supposer, par des gens de la
profession." Fin de la citation du ministre Vaugeois. (15 h 50)
Si c'était bon la semaine dernière pour le ministre de la
Justice, ministre d'Etat à la Réforme électorale, si ces
propos étaient également bons pour le ministre des
Communications, si c'est vrai pour ces deux ministres, je me demande pourquoi
cette demande devient farfelue dès qu'elle est faite par des
députés de l'Opposition. Trois mois, ce serait tout à fait
raisonnable pour permettre au ministre des Communications et au ministre de la
Justice de convaincre leur collègue à l'Agriculture de faire la
même chose. Ils ont créé des précédents et
nous devons les féliciter. C'est pour cela que nous voulons avoir ces
règlements dans ce projet de loi parce que c'est exactement pour les
mêmes principes qu'a invoqués le ministre des Communications.
Tenir des propos comme ceux que j'ai entendus hier, je peux dire que ce
n'est pas l'objectivité qui étouffe certains
députés d'en face. Ils n'ont qu'à relire les textes de
leurs collègues, non pas prendre notre parole, non pas prendre celle de
mes collègues de droite, mais prendre la parole de leurs ministres. Ce
seul article que je viens de vous citer sur les règlements,
d'après moi et bien humblement, et sans charriage, justifie à lui
seul le report de ce projet de loi à trois mois. Si, dans un mois, le
ministre peut nous donner ce que nous demandons, nous sommes assez
honnêtes pour l'admettre et nous couperons notre motion à un mois
au lieu de trois mois. Nous avons mis trois mois parce qu'on s'est dit: Si le
ministre n'a pas eu le temps de le faire dans un an, trois mois seront
suffisants pour lui.
Egalement, pourquoi ces trois mois, pourquoi cette motion de report? Le
ministre a dit beaucoup de choses hier dans son intervention de deuxième
lecture qui ne sont pas dans le projet de loi. Je ne mets pas en doute les
bonnes intentions du ministre mais il a dit beaucoup de choses concernant ce
projet de loi qui ne sont pas dans la loi. Pourquoi avoir peur de mettre ces
choses dans le projet de loi? Il me répondra: Vous verrez, avec les
règlements. Justement, qu'on nous le dise tout de suite, nous allons
cesser toute discussion et nous allons adopter ce projet de loi.
Quant au bail, par exemple, on dit: En vue d'agrandir sa ferme ou de la
rendre rentable. M. le Président, actuellement, le problème,
à ce que je sache, surtout avec la protection des sols agricoles, ce
n'est pas que les agriculteurs manquent de sols. Le problème
actuellement, c'est qu'ils ont de la difficulté à avoir des
quotas. En tout cas, je parle pour les agriculteurs que je connais bien, ceux
du comté de Bellechasse-Dorchester. Le grand problème, ce n'est
pas le manque de sols, c'est d'écouler leur production, c'est le manque
de quotas. Il y en a qui produisent environ à 50%, 60% de leur
capacité de production, actuellement, au niveau du lait.
Ce qu'on veut, ce sont des débouchés. En quoi ce projet de
loi règle-t-il les problèmes? Absolument rien. Au lieu d'acheter
des terres et de les louer, si on veut vraiment aider l'agriculteur à
rentabiliser sa ferme, pourquoi ne l'aide-t-on pas davantage à s'acheter
du sol, s'il en a besoin, tout simplement l'aider à l'acheter? Je pense
que cela créerait un dynamisme beaucoup plus que si on lui consent la
location d'une ferme.
Au sujet du locataire, une simple question: qu'est-ce qu'il
adviendra on va me dire: Ecoute, il ne faut pas rentrer dans tous les
détails demain matin, si un locataire meurt? Est-ce que ce sera
sa famille qui aura préséance sur la continuité du bail?
Qui cultivera la terre demain matin s'il y a une très grosse
organisation sur une ferme louée et que, malheureusement, le locataire
meurt? Qu'est-ce qui va arriver? Ce sont des questions, je pense, qu'il est bon
de se poser avant, plutôt qu'être pris les deux pieds dans les
plats une fois que la loi sera adoptée.
La durée du bail, c'est encore la même chose. Le ministre a
dit hier: trois ans, cinq ans, neuf ans, peut-être trente ans. Ecoutez,
que va-t-il arriver? Un agriculteur qui loue une ferme pour cinq ans, si sa
ferme est bien entretenue il travaille jour et nuit sur cette ferme dans
le but de l'acquérir un jour, de l'acheter quelles garanties
a-t-il pour s'assurer que la ferme lui sera louée de nouveau ou que
c'est lui qui aura priorité pour l'achat? Quelles garanties a-t-il quant
au prolongement de son bail? Le ministre en a parlé hier. Pourquoi ne le
met-il pas dans la loi? Si le gouvernement change, M. le Président, le
ministre va dire: Oui, cela ne se passe pas comme cela. Le député
de Maskinongé a touché un point tout à l'heure. Vous avez
trois personnes qui veulent avoir une ferme, surtout si elle est jugée
rentable au bout de trois ou cinq ans. M. le Président, le ministre
ouvre des portes à beaucoup de pressions politiques. Qu'arrivera-t-il?
Il a donné un exemple. Si c'est un ami, un bon organisateur du Parti
québécois qui demande la terre, ou d'un autre parti qui sera au
pouvoir, comparativement à une autre personne dont le ministre ou un
fonctionnaire n'aime pas la figure, qui aura priorité? Comment
allons-nous faire la sélection? Ce sont des questions qu'il faut se
poser avant d'adopter ce projet de loi, et nous n'avons pas eu les
réponses hier.
Le ministre a dit là-dessus, M. le Président, et je vous
cite les propos mêmes du ministre hier: "Les terres acquises par la
banque pourront être louées par bail... avec ou sans option
d'achat à un agriculteur, à un aspirant agriculteur ou à
une exploitation de groupe en vue d'agrandir sa ferme pour la rendre rentable
ou en accroître la rentabilité, ou pour les établir dans
une ferme rentable". Le problème actuellement, c'est qu'on n'est pas
capable d'écouler le produit. Cela ne sert à
rien de parler d'agrandir les fermes, mais, encore là, si
c'était le besoin. Mais quand le ministre parle du bail, voici ce qu'il
dit, M. le Président: "Le bail ordinaire sera consenti pour une
période d'un certain nombre d'années." Ce n'est pas encore clair
dans l'esprit du ministre. "Par exemple, un bail ordinaire pourra être de
trois ans, mais cela pourra être un peu plus également." C'est le
ministre qui parle, dans le journal des Débats d'hier, page R/5390.
"Pour être renouvelé, il pourra comporter des conditions quant
à l'utilisation. "
Ah! Peut-on louer une terre à un agriculteur et, au bout de trois
ans, dire à l'agriculteur: Si tu ne veux pas semer des pommes de terre
ou des carottes, tu ne l'auras plus, ta ferme? Est-ce que cela se peut? Le
ministre dit non, mais il faudrait qu'il le mette dans l'affaire. C'est quoi,
ces conditions? "... pourra comporter des conditions quant à
l'utilisation. Il pourra être assorti d'une option d'achat si le
locataire offre un bon potentiel de succès en agriculture." Cela va
être quoi, les critères, à savoir si cet agriculteur a un
plus grand potentiel de succès en agriculture que son voisin? Vous voyez
le charroyage, la porte que vous ouvrez? Je pense que le ministre
là-dessus, au niveau des pressions politiques, se rend
vulnérable. "Je pense continue le ministre que la
règle devra être que le locataire puisse obtenir dès sa
location une option d'achat." "Je pense". Pourquoi ne pas le mettre dans le
projet de loi? Je pense que c'est important. Un gars qui va louer une ferme, M.
le Président et qui va y travailler pendant quatre ou cinq ans jour et
nuit, je pense qu'il devrait avoir une option d'achat. S'il améliore
cette terre, s'il s'organise pour qu'elle soit rentable, je pense que ce serait
logique d'avoir une option d'achat, et ce n'est pas dans le projet de loi. Le
ministre l'a dit, et je cite ses propres paroles: "Je pense que la règle
devra être...". Il aurait dû dire: "Je certifie que la
règle...". "La condition pourra être que la terre serve pour
l'agriculture et non pas qu'il la loue, qu'éventuellement il
l'achète et ne la fasse pas servir pour l'agriculture."
C'est parfait. J'imagine que, si vos louez la terre, ce sera pour
qu'elle soit cultivée, pour qu'elle serve à l'agriculture. Ce
serait bien le bout. Après avoir fait adopter une loi sur le zonage
agricole, s'il fallait que le ministère de l'Agriculture loue une terre
arable qui servirait pour autre chose, ce serait bien le bout. Mais quand
même. Le ministre l'a dit et j'appuie ses propos. Quant aux premiers
propos du ministre au sujet du bail et à l'option d'achat, je pense que
c'est flou. Il faudrait absolument qu'il nous dise ce qu'il entend faire avec
cela. Une parenthèse, M. le Président. Je vais vous demander quel
est le temps dont je dispose encore.
Le Président suppléant (M. Marcoux): Deux
minutes...
M. Goulet: Deux minutes?
Le Président suppléant (M. Marcoux):... pour
conclure.
M. Goulet: Cela passe vite, M. le Président. Vous avez
certainement compris, M. le Président, que la demande du
député de Brome-Missisquoi n'est pas une demande de report
d'adoption de ce projet de loi à trois mois pour le plaisir de le
reporter à trois mois. C'est vrai qu'elle aurait pu être d'un ou
deux mois. (16 heures)
M. le Président, j'ai tenté, durant la demi-heure que vous
avez mise à ma disposition, de convaincre le ministre, le
député de Joliette-Montcalm et mes collègues que cette
demande n'est pas farfelue, que ce n'est pas pour faire perdre le temps de la
Chambre. J'ai essayé et j'ai tenté, M. le Président, avec
des arguments objectifs s'ils ne sont pas objectifs, j'aimerais qu'on me
le rappelle tout à l'heure de convaincre mes collègues
qu'on devrait, sans faute, attendre et nous permettre de rencontrer, lors d'une
commission parlementaire, le ministre, et certaines personnes qui, à
l'avantage de tout le monde, pourraient nous éclairer. Le ministre
pourrait nous éclairer sur les propos qu'il a tenus hier; il pourrait
nous éclairer sur certains buts visés par la loi. Je ne dis pas
qu'il a de mauvaises intentions, mais si les intentions sont bonnes, pourquoi
ne pas les mettre dans la loi ou pourquoi ne pas suivre l'exemple de son
collègue des Communications et ainsi faire en sorte que ce projet de loi
soit adopté le plus rapidement possible après avoir
répondu à nos questions? S'il ne veut pas y répondre, nous
sommes en droit de croire que c'est parce qu'il a probablement des choses
à cacher.
Je sais que ce n'est pas la façon d'agir du ministre de
l'Agriculture et de l'Alimentation. Etant donné que nous avons foi en
son objectivité, on lui demande tout simplement, bien humblement, de
déposer ces règlements, de nous permettre une petite commission
parlementaire d'une demi-journée et ainsi faire la lumière sur
les buts réels de ce projet de loi. Si cela répond à nos
questions, M. le Président, ce sera avec plaisir qu'on l'aidera à
adopter son projet de loi. Jusque-là, nous ne sommes pas prêts
à lui donner un chèque en blanc afin que ce projet de loi soit
adopté, sans qu'on ait eu une réponse à ces questions
très importantes, à notre avis. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président suppléant (M. Marcoux): J'allais
demander si la motion allait être adoptée. M. le
député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Après avoir
entendu la dernière intervention, j'ai choisi de faire une brève
réplique parce que les gens du comté de Verchères qui
n'ont pas encore eu l'occasion de prendre connaissance du projet de loi, mais
qui ont appris, ces derniers jours, qu'il
y a en discussion un projet de loi pour créer une banque de sols,
sont impatients que ce projet de loi soit adopté le plus rapidement
possible. Je vais essayer de vous expliquer brièvement pourquoi.
Ensuite, je reviendrai sur les arguments qu'a tenté de développer
le député de Bellechasse.
Au sujet du comté de Verchères, je lisais un article de la
Presse, il y a quelques jours, dans lequel on disait que s'il y a un
comté au Québec qui a été l'objet de l'attention de
la Commission de protection du territoire agricole, c'est bien le comté
de Verchères. Contrairement à ce que plusieurs personnes avaient
laissé entendre lorsque la Loi sur la protection du territoire agricole
a été adoptée, les terres n'ont pas diminué de
valeur dans le comté de Verchères. Elles ont plutôt
augmenté de valeur selon le marché; pas plus qu'ailleurs, mais
pas moins qu'ailleurs.
Une Voix: Contrairement à ce qui a été
déclaré.
M. Charbonneau: Comme le signale le ministre, contrairement
à ce que l'Opposition nous avait annoncé à grand renfort
de terrorisme verbal pendant les nombreux mois de discussion de ce projet de
loi. Aujourd'hui, les gens du comté de Verchères qui ont eu
à transiger avec la Commission de protection du territoire agricole
attendent la loi qui crée une banque de sols. Il y a deux
catégories de citoyens qui attendent impatiemment que cette loi arrive.
Il y a d'abord les agriculteurs qui sont intéressés à
prendre de l'expansion, à augmenter leur superficie de culture et de
production, et qui attendent qu'un organisme gouvernemental puisse être
en mesure de mettre à leur disposition de nouvelles terres qui ne sont
pas accessibles actuellement. C'est le premier groupe de citoyens de mon
comté qui attendent et qui désirent une loi qui crée un
banque de sols.
Il y a un autre groupe, probablement encore plus impatient que le
premier, qui attend cette loi. Il attend avec impatience depuis un an. S'il y a
un reproche qu'on pourrait lui adresser, ce n'est pas d'attendre; c'est d'avoir
tellement attendu. Cest gens-là sont les vieux agriculteurs qui sont
poignés avec leur terre, qui n'ont pas de relève et qui, du jour
au lendemain, à cause de la Loi sur la protection du territoire
agricole, ont vu disparaître la possibilité de vendre leur terre
et de se créer en somme, un fonds de retraite avec leur terre.
On a dit à ces gens, au moment où on a adopté la
loi sur la protection du territoire agricole: Ne vous inquiétez pas, on
a prévu quelque chose pour vous. Le gouvernement est bien conscient que
vous avez travaillé toute votre vie, que vous n'avez pas de
relève et que, parce que vous n'avez pas de relève, vous
êtes pris avec votre terre et vous ne pouvez peut-être pas la
vendre aussi facilement que vous ne l'auriez pu dans le passé. On n'a
pas l'intention de vous laisser mourir sur vos terres en les laissant en friche
parce qu'à un moment donné vous ne serez plus capables de les
développer avec, finalement, peu de revenus pour subsister
jusqu'à la fin de vos jours. A ce moment-là, on leur avait
indiqué notre intention de créer une banque de sols.
L'objectif n'est pas tellement sorcier, pas tellement compliqué.
Contrairement à ce qu'a laissé croire le député de
Bellechasse, l'objectif est bien simple: faire en sorte que le gouvernement
puisse fournir à ces agriculteurs le fonds de pension dont ils avaient
besoin, qu'ils puisent vendre leur terre à un organisme gouvernemental
plus rapidement qu'ils ne peuvent le faire actuellement pour qu'ils puisent
avoir des revenus pour continuer de subvenir à leurs besoins; qu'ils
puissent quitter l'agriculture si c'est leur désir ou s'ils ne sont plus
capables de travailler, s'ils n'ont pas de relève, et pour que ces
terres puissent être rapidement cédées à la
première catégorie de citoyens dont je parlais, les agriculteurs
qui, eux, attendent pour augmenter leur superficie.
C'est pour cela que c'est important d'adopter cette loi rapidement et
c'est pour cela qu'il est inacceptable d'avoir devant nous une telle motion,
alors qu'on étudie le principe du projet de loi. Les citoyens qui nous
écoutent doivent savoir que la deuxième lecture d'un projet de
loi, c'est pour étudier le principe. On veut reporter l'étude de
ce principe à trois mois, alors que ça fait déjà un
an que plusieurs citoyens du Québec, notamment dans mon comté,
comme je vous l'ai indiqué, attendent après cette loi. Il y a des
citoyens du Québec, hier, qui nous ont jugés comme gouvernement,
comme parti politique. J'écoutais le ministre d'Etat à la
Condition féminine dire que certains de nos citoyens avaient
peut-être la mémoire courte. J'espère que les gens qui nous
écoutent aujourd'hui que les vieux agriculteurs vont se rappeler que les
interventions actuelles des gens de l'Opposition, c'est pour empêcher le
gouvernement de régler leur problème, comme on avait promis qu'on
le réglerait au moment où on a adopté la Loi sur la
protection du territoire agricole.
Ce qui est inacceptable, c'est d'essayer de faire de la petite politique
sur le dos des gens qui sont actuellement impatients d'avoir cet outil
gouvernemental pour pouvoir céder leur terre afin d'obtenir les revenus
nécessaires. Dans certains cas, on attend depuis des mois, depuis un an,
depuis l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole, cette
mesure gouvernementale qui avait été annoncée.
J'espère, encore une fois, que les citoyens et les citoyennes qui nous
écoutent, ceux du comté de Verchères, mais
également les autres ne seront pas dupes des petites manoeuvres
politiques des gens de l'Opposition.
Je vais prendre un certain nombre d'arguments qui ont été
invoqués par le député de Bellechasse, pour essayer de
montrer comment, dans le fond, ce sont des arguments qui ne tiennent pas
vraiment, des arguments qui sont invoqués pour la galerie, pour
impressionner le public, pour donner l'impression qu'on a de bonnes raisons de
vouloir retarder l'étude de ce projet de loi. On nous a dit: II faudrait
attendre trois mois parce qu'on pourrait convoquer une commission
parlementaire, comme si les gens qui nous écou-
tent ignoraient qu'après l'adoption en deuxième lecture il
y a automatiquement une commission parlementaire pour étudier article
par article le projet de loi, pour étudier point par point le texte de
loi, pour tenter de l'améliorer au maximum. C'est pour cela qu'on
prévoit dans nos règlements, dans notre procédure, une
commission parlementaire. Et c'est même possible il y a eu
plusieurs précédents à l'Assemblée nationale
d'entendre des citoyens à cette étape de la procédure
d'adoption d'un projet de loi. Qu'on ne vienne pas faire croire à la
population qu'on aurait besoin de trois mois pour pouvoir convaincre le
ministre de convoquer une commission parlementaire. Si on adoptait rapidement
le principe du projet de loi en deuxième lecture, on pourrait rapidement
aller en commission parlementaire, contrairement, à ce que laissent
croire les députés de l'Opposition.
On nous dit aussi: On a des questions à poser au ministre parce
qu'il doit avoir des buts cachés. Les buts ne sont pas cachés; je
viens de les exposer. Il y a des citoyens à qui on a promis qu'on
adopterait une mesure pour ne pas les pénaliser par la Loi sur la
protection du territoire agricole. Ils attendent cette mesure et c'est le but
de cette loi. Ce n'est pas sorcier. Ce n'est pas un projet de loi qui comporte
des tonnes de pages; il a neuf pages. (16 h 10)
J'ai l'impression que les gens qui se donnent la peine de lire ce texte
vont se rendre compte que l'objectif est clair, est limpide; c'est, rapidement,
de permettre à des citoyens de sortir d'une impasse et, en même
temps, de donner aux agriculteurs la possibilité de prendre de
l'expansion.
On nous dit: Pourquoi ne pas avoir présenté le projet de
loi actuel en même temps que la Loi sur la protection du territoire
agricole? D'abord, si on se rappelle bien, ce projet de loi, qui porte un
nouveau numéro, avait été déposé au
même moment où on avait déposé la Loi sur la
protection du territoire agricole. C'était sage, à mon avis,
d'attendre l'expérimentation de cette loi, les problèmes que cela
causerait éventuellement, parce que tout le monde savait qu'on aurait un
certain nombre de problèmes d'application de la loi. Donc, on a attendu
un certain nombre de mois pour voir comment la Loi sur la protection du
territoire agricole s'appliquait, quels étaient ses effets sur les vieux
agriculteurs, les rentiers, les gens qui sont sur le bord de quitter la
production agricole, ce métier, pour être en mesure de mieux
adapter la loi qu'on avait déposée, qui était surtout,
à ce moment, une indication de notre intention d'agir.
On nous dit aussi: Pourquoi le gouvernement veut-il posséder des
terres; II doit y avoir des raisons obscures je vous remercie, M. le
Président, de me faire signe qu'il me reste deux minutes
souterraines qui incitent le gouvernement à présenter un projet
de loi pour lui permettre d'acquérir des terres. Il n'y a pas de raison.
Le gouvernement ne veut pas nationaliser les terres. Le gouvernement ne veut
pas les posséder pour les cultiver lui-même. Le gouvernement,
c'est le Con- seil des ministres. Je n'ai pas l'impression que les ministres
ont beaucoup de temps à mettre sur la culture de la terre au
Québec. J'ai plutôt l'impression, M. le Président, que le
gouvernement veut faire en sorte que, le plus rapidement possible, les gens
soient dépannés ou encore des gens soient en mesure
d'étendre leur territoire de production. C'est cela. Il n'y a pas de
cachette dans cette affaire.
Je pourrais dire, en conclusion j'aurais beaucoup de choses
à dire; malheureusement, quand on ne parle pas au nom du parti qu'on
représente, on n'a pas une demi-heure, mais dix minutes que dans
le fond, la motion qui est en discussion actuellement, une motion de report
à trois mois, c'est une motion qui vise à faire de la petite
politique sur le dos des vieux agriculteurs, sur le dos des gens qui sont
prêts actuellement et qui attendent que le gouvernement leur donne la
possibilité d'acheter des nouvelles terres à des prix qui sont
accessibles, intéressants pour que leur production aille de l'avant. On
refuse de discuter le principe. On voudrait reporter la discussion de principe.
Ce serait peut-être intéressant de savoir déjà,
à ce moment-ci, si les députés de l'Opposition sont contre
le principe. Il serait peut-être important pour les agriculteurs de mon
comté, les vieux comme les jeunes, qui attendent après cette loi
de savoir si les députés libéraux et les
députés de l'Union Nationale sont contre le principe de ce projet
de loi puisqu'ils ne veulent pas en discuter immédiatement.
En terminant, je rappelle que les gens qu'on pénalise
actuellement, ce sont des gens qui attendent déjà depuis un an
que ce projet de loi soit discuté à l'Assemblée nationale,
attendent qu'il soit adopté ou attendent qu'il soit en vigueur. Ils
attendent avec impatience dans mon comté et dans tous les comtés
agricoles du Québec. Si le député de Bellechasse n'a pas
compris cela et si les députés libéraux qui
prétendent représenter les comtés agricoles n'ont pas
compris cela, c'est parce qu'ils ne font pas souvent du porte à porte
dans leurs rangs. C'est parce qu'ils ne connaissent pas tellement la situation
agricole dans leurs comtés, M. le Président. Merci.
Le Vice-Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Fernand Grenier
M. Grenier: M. le Président, l'intention de l'Union
Nationale sur ce projet de loi était, bien sûr, de sensibiliser la
population. Le but de notre intervention, le but de l'intervention du
député de Brome-Missisquoi, qui a demandé de reporter
l'adoption de cette loi à trois mois, était tout à fait
précis, à savoir que nous voulions davantage informer la
population sur ce projet de loi qui dort à l'Assemblée nationale,
déposé qu'il est depuis un an environ. Il dort à
l'Assemblée nationale. Il fait surface depuis une semaine afin
d'introduire ce nouveau mécanisme d'une banque de terres arables au
niveau de la province de Québec. L'Union
Nationale a voté contre la première lecture de ce projet
de loi à la demande du député de Huntingdon qui
était, à ce moment, le porte-parole de l'agriculture.
La raison de s'opposer à l'adoption de cette loi était
fondée et le député de Huntingdon a fait accepter par le
caucus de l'Union Nationale de s'opposer à l'adoption de cette loi, dans
le contexte actuel. Je pense que le député de Huntingdon sera
heureux de venir appuyer l'Union Nationale tout à l'heure dans ses
démarches, sentant que ce projet de loi n'a pas été
modifié, n'a pas subi de transformation importante. Nous aurons bien
sûr l'appui du député de Huntingdon pour continuer le
débat en vue d'aider les cultivateurs à ne pas subir cette banque
des terres arables.
Il y a de bonnes choses dans la loi du ministre, et d'autres
députés de l'Union Nationale ont eu l'occasion de le dire, mais
c'est toujours ce qu'on retrouve dans ces lois, ce n'est pas du nouveau. Ce
n'est pas l'actuel ministre de l'Agriculture qui a inventé cela. Dans
une loi, il y a généralement des bonnes choses, mais il y a aussi
des choses moins intéressantes. C'est le but de l'Opposition de faire
ressortir ces aspects moins intéressants pour les personnes
intéressées à l'adoption d'un projet de loi telles que les
cultivateurs qui aspirent le devenir.
Dans les bonnes choses, par exemple, le ministre décide qu'il va
empêcher le transfert de terres ou l'achat de terres par des personnes
qui ne sont pas résidentes au Québec depuis au moins 365 jours;
je pense que c'est une bonne chose qu'il nous faut appuyer et il est bon de le
dire dans ce discours aujourd'hui. Nous sommes favorables à un article
du projet de loi qui fait que seuls les résidents au Québec
depuis plus d'un an pourront accepter des transferts et des achats de terres.
C'est correct cela. C'est un article de loi tout à fait à
point.
Le ministre est conscient de tous ces comtés du Québec en
bordure des frontières américaines, soit le long du Maine, du
Vermont, du New Hampshire, de l'Etat de New York, de toutes ces terres qui sont
en vente. Les Américains viennent investir au Québec, mais ils
n'ont pas envie de devenir cultivateurs, mais absolument pas. Ils n'ont
même pas envie d'être des électeurs du Québec puisque
personne de ceux-là n'a l'intention de déménager au
Québec. Ce qu'ils veulent, c'est d'investir le surplus d'argent qu'ils
ont fait dans les affaires aux Etats-Unis au Québec pour avoir moins
d'impôt à payer. Ils n'ont pas l'intention d'être des
résidents du Québec et ils ont encore moins l'intention
d'être des électeurs. Ils aimeraient bien cela quand même
être des gens importants ici. Même certains, on l'a touché
par d'autres lois, aimeraient bien passer pour des résidents et se
prévaloir de nos lois sociales, par exemple; elles sont joliment en
retard aux Etats-Unis sur les nôtres. Ils aimeraient être des
mi-résidents du Québec.
On le vit près des frontières je vois le
député d'Orford on a dans nos comtés des
résidents soi-disant Américains qui essaient d'a- voir leur carte
d'assurance soleil pour bénéficier de nos lois sociales alors
qu'ils sont bien en retard sur les nôtres. C'est une raison, un
pied-à-terre au Québec, en investissant leur argent. Ils n'ont
pas l'intention de défricher. Vous en voyez trois ou quatre de ces
Américains qui arrivent ici au mois d'avril ou au mois de mai qui se
ramassent deux ou trois chèvres qui vivent autour de leur maison. Il
faut vivre ces problèmes. Il n'y a pas que les problèmes des
grandes fermes qui existent dans les régions de Valleyfield ou de
Saint-Jean, alors qu'on a de bons terrains propres à la culture. Mais il
y a aussi ce nombre immense de petites fermes en bordure des frontières
américaines, je le répète, qui méritent une
considération plus correcte de la part du ministre. Cet article de la
loi, il est bon, il est excellent, pour empêcher ces personnes de
posséder nos fermes ici et de n'en rien faire après. C'est ce qui
a souvent invité le ministre de l'Agriculture et même de la
Colonisation du temps... Le ministre d'Etat à l'Agriculture de l'ancien
gouvernement, qui est ici à ma droite actuellement, a été
témoin de cela. J'ai eu l'occasion pendant qu'il était ministre
de le rencontrer et de lui parler des difficultés qu'on avait à
ce moment au niveau des Cantons de l'Est sur ces sortes de terres qui
étaient pourtant propres à certaines cultures et dont on ne se
servait pas.
Combien de petites fermes dans nos régions quand je parle
de région, je ne parle pas de mon comté en bordure servent
actuellement à l'élevage d'abeilles? Le ministre pourra
vérifier. Combien de gens possèdent 100 acres dans des
comtés le long des frontières américaines ou 200 acres,
où ils font l'élevage de trois ou quatre chèvres et
où d'autres font l'élevage de deux ou trois nids d'abeilles? Ce
sera à vérifier. Il y a de belles terres qui pourraient servir
à l'élevage du mouton, par exemple. Actuellement cela se fait, il
n'y a pas de difficultés majeures, l'élevage du porc ou des
choses comme cela.
Cela peut servir à autre chose, mais c'est une grandeur de
terrain qui mériterait d'être considérée. Le
ministre est au courant de cela, je le sais, il a visité les
régions à plusieurs reprises. Il est au courant de cela. C'est
bon. Ce qui n'est pas bon, c'est la banque de terres. Cette banque de terres,
on sera contre. On votera contre le projet de loi s'il n'y a pas de
modification pour cette raison qui a été celle invoquée
par le député de Huntingdon quand il a fait état au caucus
des raisons pour lesquelles on devait s'opposer au dépôt de cette
loi, même en première lecture. (16 h 20)
C'est resté la même chose. C'était, pour lui, la
banque de terres qui était absolument inacceptable alors qu'il
était le porte-parole de notre parti à ce moment-là sur
l'agriculture. C'est cette raison qui a fait que nous nous sommes
opposés en première lecture, et il continuera de faire la lutte
tant et aussi longtemps que le ministre ne proposera pas des amendements. A
partir de là, on lui demandera de respecter ses engagements et
probablement qu'il les respectera aussi, en suivant le
vote qui sera celui de l'Union Nationale en deuxième lecture.
Je voudrais vous dire qu'en plus d'avoir une banque de terres, laquelle
nous ne pouvons accepter c'est une forme de socialisme au niveau
de cette banque de terres arables le gouvernement, l'Etat aura encore un nombre
de fonctionnaires à nommer pour administrer cette banque de terres. Il
me semble qu'on en a assez; la machine est assez lourde, il me semble! La
machine gouvernementale est assez lourde. Pourquoi aller encore l'alourdir dans
un secteur comme celui du domaine agricole? Le ministre est conscient de cela,
il le sait. Le ministre de l'Agriculture est un homme qui a assez
voyagé. Il dirige son ministère depuis trois ans et il est au
courant que sa machine est fortement lourde. Il aimerait peut-être avoir
plus de contrôle dans certains secteurs, mais pourquoi aller se donner un
autre système important, un organisme où il devra faire appel
à un nombre important de fonctionnaires? Il aura encore plus de
difficultés à administrer sa machine qui est pourtant
suffisamment lourde. Il le sait. C'est la partie compliquée de la
loi.
Le ministre des Finances, sous cet aspect de l'administration des terres
arables qu'on se donnera prochainement qui pourra être
déficitaire à un moment donné aussi aimera-t-il
absorber d'autres déficits dans ce secteur? Cela pourrait être
laissé au secteur privé et être rentable dans le secteur
privé, alors que ce pourra être déficitaire s'il est
laissé à l'Etat, si c'est l'Etat qui doit l'administrer. Il y a
un secteur où il y a eu de l'évolution dernièrement, on le
vit encore. On parle souvent des grandes questions agricoles, ici. On entend le
député de Montmagny-L'Islet, on entend le député de
Bellechasse ou le député de Nicolet-Yamaska qui vivent dans des
secteurs agricoles fort importants. Je vois le député de Vanier,
mais je pense que le député de Vanier connaît moins le
secteur agricole; il le connaît peut-être, mais ce peut être
une connaissance personnelle, puisque ce n'est pas le comté de Vanier
qui fournit beaucoup de productions agricoles au Québec.
J'aimerais attirer votre attention sur le fait que cet organisme viendra
alourdir la machine. Les personnes qui parlent dans de grands comtés,
comme je le disais, connaissent la grande culture agricole, mais il y a aussi
cette moyenne culture qui se retrouve dans nos comtés au pied des
montagnes, comtés plus difficiles sur lesquels le ministre aurait
avantage à se pencher. Avant de se lancer dans cette banque de terres
arables, j'aurais aimé interroger le ministre, poser certaines questions
au ministre par rapport à l'organisme qu'il s'est donné ou que
s'est donné avant lui, bien sûr, le gouvernement, le
ministère de l'Agriculture, cet organisme du regroupement forestier, par
exemple, qui est un organisme paragouvernemental. J'aimerais qu'il me dise,
dans sa réplique, ce qu'il pense du succès du regroupement
forestier. Il y a certainement des choses positives qui se sont faites
là. J'aimerais qu'il en fasse une analyse aussi parce que le
regroupement forestier va être facilement comparable à l'organisme
qu'on veut créer actuellement en parlant de l'administration des terres
arables?
Ces ajouts de terres qui nous arrivent, que ce soit sur l'autoroute, par
exemple, de Québec-Sherbrooke, que ce soit sur la Transcanadienne, entre
Montréal et Québec, ces ajouts de terres, s'il y a des terres
là-dedans qui ne sont pas la propriété d'individus,
pourquoi en faire une banque d'Etat? Pourquoi les mettre là, pourquoi ne
pas les offrir dans les encans, par exemple, où le plus offrant pourrait
les avoir? Il y aurait des possibilités, si on avait cette philosophie
au lieu de toujours penser que c'est l'Etat qui va régler le
problème, si on voulait vivre cette philosophie que de temps en temps le
secteur privé peut réussir des choses dans la vie. J'aimerais que
le ministre étudie cela de très près et, pendant les trois
mois qu'on lui demande, avec le report de l'étude de cette loi, qu'il
revoie ces régions pour savoir un peu ce qui pourrait être fait
avec les terres arables. Au lieu d'en faire une banque pour le gouvernement,
qu'on voie s'il n'y a pas lieu d'avoir un organisme privé qui, lui,
pourrait peut-être trouver une autre façon d'administrer ces
parties de terres qui pourraient être à l'Etat.
J'aurais eu bien d'autres points à souligner, c'est dommage qu'on
n'ait que dix minutes. J'aurais pourtant voulu entretenir le ministre plus
longuement et lui poser d'autres questions afin qu'il nous donne des
éléments de réponse aux questions de bon nombre de nos
cultivateurs, de nos agriculteurs. Je vous remercie.
Le Vice-Président: M. le ministre de l'Agriculture, vous
avez droit à trente minutes en vertu du règlement.
M. Jean Garon
M. Garon: Merci, M. le Président. A l'avenir, j'ai
l'intention de prendre toutes les minutes que le règlement me permettra
pour parler des politiques agricoles. Jusqu'à maintenant, le
gouvernement s'est contenté d'adopter des politiques pour les
agriculteurs, mais n'a pas passé assez de temps pour montrer ce que
c'était avant et dans quelle mesure les politiques
fédérales viennent essayer de détruire ce qu'on fait.
D'ici les prochaines élections, je prendrai tout le temps que le
règlement me permet pour le dire et le manifester.
Des Voix: Bravo! Bravo!
Une Voix: Cela s'appelle libérer la parole.
M. Garon: Le député de Bellechasse a dit avec
raison que les quotas empêchent la production. Je ferai remarquer au
député de Bellechasse que tous les quotas laitiers qui sont
limités le sont à 100% par la politique fédérale et
que le gouvernement du Québec n'a pas un seul mot à dire sur les
limites de quotas qui sont faites aux producteurs laitiers. Cela, j'ai
l'intention de le dire tous les jours au cours des prochains mois, au cours de
l'année ou des deux ans avant les prochaines élec-
tions, parce qu'il y a encore de l'ambiguïté semée
dans les rangs surtout par le Parti libéral, principal responsable des
coupures de quotas qu'il y a eu en 1976 et qui ont été faites de
façon scandaleuse. J'ai l'intention de dire, à l'avenir, à
tous les agriculteurs qu'ils ont le choix de revenir à un régime
comme dans le temps du régime libéral où les cultivateurs
étaient massacrés, où ils vivaient dans le patronage,
où ils vivaient dans des politiques de coupures de quotas. J'ai
l'intention de le dire d'une façon régulière et tous les
jours.
Je vais prendre les productions une à une, M. le
Président. La production laitière: coupure de quotas de 20% en
1976 par le gouvernement fédéral qui est le seul responsable de
cette politique laitière puisqu'il s'agit du lait industriel où
il y a des relations interprovinciales. Cette politique dépend à
100% du gouvernement fédéral et le Québec n'a rien
à dire sur la décision du gouvernement fédéral de
couper les quotas de 20%, de 10% ou de 5%. De la même façon,
actuellement, les cultivateurs reçoivent des chèques de paie
où il y a zéro sur le chèque parce que la nouvelle
politique fédérale de cette année attribue les quotas au
mois. Je veux bien que, lorsque le gouvernement fédéral veut
s'attribuer les mérites, il les prenne, mais, quand il a des
responsabilités, qu'il soit assez honnête pour s'attribuer aussi
les responsabilités.
Les quotas qu'il y a actuellement au Québec, au mois, quels que
soient les objectifs poursuivis et qui font que les cultivateurs, à
certains moments de l'année, reçoivent des chèques
marqués zéro sont attribuables à 100% au gouvernement
fédéral et le gouvernement du Québec n'a pas un mot
à dire dans cette politique parce que c'est de juridiction
fédérale.
Deuxièmement, dans le poulet, je voudrais que les
fédérations de producteurs, les abattoirs aient le courage de
dire qu'actuellement le gouvernement fédéral, avec le nouveau
ministre de l'Agriculture qui, je pense, a juste le titre et n'occupe pas la
fonction...
Le Vice-Président: M. le député d'Orford. A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Vaillancourt (Orford): M. le Président...
Le Vice-Président: Une question de règlement?
M. Vaillancourt (Orford): ... est-ce que le ministre me
permettrait de lui poser une question?
Le Vice-Président: Avec le consentement du ministre.
M. Vaillancourt (Orford): Je crois qu'il change de sujet.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Effectivement, la présidence a été extrêmement
tolérante avec le député de Mégantic-Compton. La
présidence d'office dit qu'elle a été tolérante
avec le député de Mégantic-Compton et avec les autres
députés également. C'est toujours difficile, sur une
motion de report, de ne pas toucher au fond, de telle sorte que je suis
sûr qu'on ne m'en voudra pas si je manifeste la même
tolérance, tout en spécifiant à tous les
députés que nous sommes sur une motion de report. M. le
ministre.
M. Garon: M. le Président, lorsqu'on me demande des
renseignements et le député de Bellechasse, dans son
allocution, me demandait certains renseignements j'aime dire la
vérité. J'aime expliquer à la population ce qui se passe.
Tantôt, j'ai parlé du lait, mais je voudrais indiquer ce qui se
passe dans le porc. Cela va renseigner en même temps le
député de Maskinongé qui, dans l'agriculture, ne fait pas
une grosse différence entre une vache et un lapin. (16 h 30)
Je vais vous dire ceci, M. le Président. Dans l'élevage du
porc, on a subi cette année deux politiques fédérales qui
ont été terribles pour les éleveurs de porc.
Premièrement, quand est arrivé le nouveau règlement...
M. Picotte: M. le Président, comme je n'ai pas...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre! Avez-vous une question de règlement?
M. Picotte: Une directive.
Le Vice-Président: Une directive? Oui.
M. Picotte: Comme je n'ai pas la vue du ministre, il serait
possible que je ne fasse pas la différence entre une vache
laitière et le ministre, mais...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.
M. Garon: M. le Président, j'espère que ces minutes
ne me seront pas coupées. La population est à même de se
rendre compte que le Parti libéral ne veut pas que la
vérité soit connue. La vermine doit être combattue tous les
jours parce que si, dans une ville, on cesse de combattre la vermine, elle
continue à proliférer. Pour le porc, M. le Président, le
gouvernement fédéral a adopté cette année
rouge comme bleu, même politique le 28 mars 1979, annoncée
par le gouvernement libéral d'Ottawa, une nouvelle politique des grains
de provende qui limitait l'accès du Québec au marché libre
des grains de l'Ouest. Changement de gouvernement le 22 mai. La politique est
maintenue par le Parti conservateur. Pourquoi, bleu comme rouge, dans le
domaine des grains, les politiques sont-elles pensées en fonction de
l'Ouest au détriment des agriculteurs québécois?
Une Voix: Un instant!
M. Garon: Deuxième politique nuisible. Je peux dire que
cette politique a eu tellement de succès qu'au lieu d'avoir 6 000 000
chiffre du mois de septembre 6 100 000 boisseaux sur le
marché libre, cela a baissé, dans un mois, à 2 900 000
boisseaux, moins de la moitié de ce qui était accessible un an
auparavant. Cette politique a pour but de limiter les approvisionnements des
marchés de l'Est pour pénaliser nos producteurs sans sol du
Québec, éleveurs de porc ou éleveurs de poulet. M. le
Président...
M. Goulet: M. le Président...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Bellechasse sur une question... A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Bellechasse, sur une question de
règlement.
M. Goulet: Question de règlement. Ce que le ministre de
l'Agriculture dit, ce sont peut-être des choses fort valables. Ce n'est
pas que je veuille lui couper la parole, mais je ne vois pas du tout en
quoi...
Une Voix: La vérité vous fait mal.
M. Goulet: Non. Il n'est pas question de vérité qui
fasse mal ou non. Je ne vois pas du tout, M. le Président, en quoi on
peut relier ces propos au projet de loi 43 et à la motion de report du
député de Brome-Missisquoi. M. le Président,
écoutez! J'ai parlé...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Goulet: ... tout à l'heure sur cette motion de report.
J'ai essayé d'être pertinent pendant mes 30 minutes. M. le
Président, vous ne m'avez jamais rappelé à l'ordre. Si je
n'avais pas été pertinent, les députés d'en face
l'auraient fait. J'ai dit qu'on ne posait pas le bon problème...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre, s'il vous plaît!
Une Voix: Au service d'Ottawa.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Rimouski, sur une question de règlement.
M. Marcoux: Sur la question de règlement soulevée
par le député de Bellechasse, le projet de loi que nous
étudions concerne la volonté du gouvernement de rendre productif
l'ensemble des territoires arables au Québec parce qu'on a des
problèmes d'approvisionnement en grains de provende, etc., et je pense
que le ministre est parfaitement dans l'ordre.
Le Vice-Président: Je vais répéter une chose
que j'ai dite à plusieurs reprises. Je voudrais que ceux qui prennent la
parole indiquent à la présidence les arguments qui militent en
faveur d'un report ou d'un non-report de l'étude du projet de loi
à trois mois... S'il vous plaît, à l'ordre! Et pour autant
que les discours des députés seront faits dans ce but de
convaincre la présidence qu'il faut reporter ou non l'étude du
projet de loi, cela me semble pertinent. M. le ministre.
M. Garon: Merci, M. le Président. Je répondais
d'ailleurs au député de Bellechasse qui disait que le
problème n'était pas une politique de terre, mais les quotas et
les marchés qui manquaient. J'explique pourquoi ces marchés
manquent et quelle en est la principale cause. Je vais vous en donner une autre
qui va être une révélation, qui n'a jamais
été révélée jusqu'à maintenant. Je
vais vous dire, M. le Président, que la grève dans le port de
Montréal, écoutez bien ce que je vais vous dire là
port avec un "t" que les manutentionnaires de grains du port de
Montréal ont été en grève pendant six mois, entre
le mois de mai et la fin d'octobre ou le début de novembre. Le
gouvernement fédéral est intervenu à Vancouver. Le
ministre du Travail lui-même, M. Lincoln Alexander, est intervenu et la
grève s'est réglée en quatre jours au port de Vancouver,
à des taux horaires...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre, s'il vous plaît!
Une Voix: C'est de la visite qu'on attendait depuis
longtemps.
Une Voix: C'est un de vos amis. Le Vice-Président:
M. le ministre.
M. Garon: M. le Président, alors quatre mois et quatre
jours...
Une Voix: Vous êtes rendus avec Chartrand...
M. Garon: ... pour intervenir au port de Montréal. Le
salaire, M. le Président, dans le port de Vancouver, les taux horaires
qui ont été réglés se situent entre $10 et $11
l'heure. Au port de Montréal, cela a pris six mois de grève.
J'aimerais que les dirigeants syndicaux nous disent pourquoi cela a pris six
mois de grève pour régler pour $3 de moins l'heure que dans le
port de Vancouver. On a réglé dans le port de Vancouver entre $10
et $11 l'heure et, dans le port de Montréal, on a réglé
entre $7 et $8 l'heure et, dans certains cas, pour moins de $7. Cela a pris six
mois. Pendant ce temps-là, les agriculteurs québécois
devaient payer les grains de provende de $5 à $20 la tonne plus cher
qu'avant.
M. le Président, demandons-nous après cela, alors que le
prix actuel de la volaille est très concurrentiel, quand des situations
comme celle-là arrivent, à qui appartient la
responsabilité de ce qu'on fait subir aux éleveurs
québécois. Dans le domaine du poulet, décision
récente d'un charmant ministre de l'Agriculture d'Ottawa. Parfois, je me
demande s'il est ministre. Quand il s'agit du
grain, il faut aller voir le ministre des Transports, M. Mazankowski.
Quand il s'agit du port de Montréal et des grains de provende, il faut
aller voir le ministre du Travail, M. Alexander. Quand il s'agit des terres de
Mirabel, il faut aller voir le ministre des Travaux publics, M. Neilsen. Quand
il s'agit du poulet, il faut aller voir le ministre de l'Industrie et du
Commerce d'Ottawa. Chaque fois que j'ai un dossier agricole à Ottawa, je
n'ai quasiment jamais affaire au ministre de l'Agriculture. Je n'ai jamais vu
cela. J'ai l'impression que c'est un ministre fantôme qu'il y a à
Ottawa.
Dans le domaine du poulet, je vais vous dire ce qui se passe. Le
gouvernement fédéral a accepté des importations de 48 500
000 livres de poulet importé. On a donné aux Américains,
lors de la dernière négociation, 6,3% du marché canadien
c'est-y assez fort? alors qu'on avait signé, en 1977, le
plan et que la moyenne des importations était d'environ 20 millions de
livres. Pourquoi? Parce que le gouvernement fédéral je ne
sais pas ce qu'il a négocié en retour pour l'Ontario a
décidé de laisser tomber le poulet. C'est clair comme de l'eau de
source.
Je viens de vous mentionner, M. le Président, le lait, le porc,
le poulet, les plus grandes productions québécoises, et vous
voyez l'action du gouvernement fédéral. Les gens devront savoir
que le gouvernement de Québec doit travailler d'arrache-pied pour
bâtir une agriculture québécoise. Tout le monde le
reconnaît, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti
québécois, jamais l'agriculture québécoise n'a
connu des politiques comme elle en connaît actuellement. Jamais dans
toute l'histoire du Québec.
Une Voix: ...
Une Voix: Ils faisaient le stade olympique pendant ce
temps-là.
Une Voix: Je sais parler au monde.
M. Garon: A partir de maintenant, M. le Président...
Une Voix: On va leur montrer comment ils se font organiser.
Le Vice-Président: A l'ordre!
M. Garon: Les lois, c'est évident qu'elles traitent de
principes et qu'elles ne peuvent pas traiter de tous les détails, parce
que c'est le règlement qui prévoit les détails. Je vais
vous donner un exemple, M. le Président. Et j'ai remarqué, quand
on a souligné au député de l'Union Nationale que ce projet
de loi avait été déposé il y a un an, qu'il a
été surpris. Il a eu un mouvement de surprise. Aujourd'hui, il
s'est rattrapé et il a essayé de trouver des excuses. Mais ce
projet de loi a été déposé et il a seulement quatre
pages. Je vais vous dire, M. le Président, que, dans un an, l'Opposition
n'a pas eu le temps d'étudier ces quatre pages. Durant le temps
où j'ai été ministre de l'Agriculture, j'ai eu le temps de
faire 20 projets de loi, pas seulement les critiquer, pas seulement essayer de
trouver le trou dedans, mais les bâtir. J'ai bâti au-dessus d'une
centaine de programmes en plus de parcourir la province constamment pour voir
quels sont les problèmes des agriculteurs. (16 h 40)
L'Opposition essaie de me faire jouer le rôle d'un joueur de
hockey qui doit aller marquer des buts en ayant deux ou trois joueurs de
l'équipe adverse sur les épaules. A longueur de journée,
qu'est-ce que vous avez, ici en cette Chambre? Vous avez une Opposition qui
fait de l'opposition systématique. Elle s'est même opposée
au lait dans les écoles.
M. Goulet: Voyons donc! Vous charriez.
M. Garon: Je peux dire, M. le Président, que cette loi est
nécessaire parce que nous avons l'intention de faire de cette loi un
instrument pour passer les surplus de terres aux agriculteurs. Quand les
députés de l'Union Nationale ou du Parti libéral disent
qu'on n'a pas besoin de cette loi, pourquoi n'ont-ils pas passé les
parcelles aux agriculteurs? Pourquoi, dans le passé, ont-ils
gardé les surplus d'expropriation comme propriété de
l'Etat? Ce que nous voulons faire, c'est les remettre aux agriculteurs, les
parcelles qui sont entre les mains du ministère des Transports et du
ministère des Travaux publics depuis des dizaines et des dizaines
d'années, qui meurent là. Nous voulons transmettre ces parcelles
aux agriculteurs. Qui était le gouvernement socialiste qui voulait que
l'Etat reste propriétaire des terres expropriées? Le gouvernement
actuel ou les partis d'Opposition qui ne se sont jamais donné le souci
de remettre ces terres à l'agriculteur, mais qui
préféraient les voir en friche le long des autoroutes parce
qu'ils n'étaient pas capables, dirait la fonction publique, de vendre
les terres aux agriculteurs?
Quand ils viennent m'accuser d'écouter les fonctionnaires qui
préparent les projets de loi, je vais vous dire une chose. Les
agriculteurs savent tous que je suis le premier ministre de l'Agriculture qui,
quand on lui pose une question, n'a pas besoin de se pencher vers les
sous-ministres pour savoir quoi répondre. Ils le savent tous. Ils ont
connu des ministres de l'Agriculture, avant, et quand il y avait des
réunions, le ministre devait toujours se pencher et, à ce
moment-là, le sous-ministre devait lui dire quoi répondre.
Même que les agriculteurs disaient souvent: Laissez donc répondre
le sous-ministre, ça va aller plus vite.
Aujourd'hui, au contraire, les politiques sont pensées par le
gouvernement, par les agriculteurs parce que notre programme a
été bâti à partir d'une réunion
d'agriculteurs à Sainte-Croix de Lotbinière où 300
agriculteurs se sont réunis pour bâtir les fondations du programme
du Parti québécois. C'est avec ces politiques qui ont
été déterminées par les agriculteurs membres du
Parti québécois que nous annonçons des projets de loi ou
des réglementations à l'avantage de l'agriculture.
M. le Président, des commissions parlementaires, il y en a sur
les projets de loi pour étudier les projets de loi article par article.
La deuxième lecture n'a qu'un seul but, c'est de dire si on est d'accord
avec le principe ou non. Est-ce qu'on est pour l'assurance automobile ou non?
On ne discute pas du taux en deuxième lecture. De la même
façon, dans ce projet de loi, quand on dit: Est-ce qu'on est pour une
banque de terres ou non? Pensez-vous que je vais discuter en deuxième
lecture ça ne se fait jamais à quel taux
d'intérêt pour combien d'années? C'est impossible de
prévoir cela dans une loi, sauf que j'ai indiqué que ça
pourrait être un certain nombre d'années, selon la volonté
du locataire. C'est le locataire qui va le déterminer, en le demandant
au locateur, l'Office du crédit agricole, que j'ai mentionné. Je
n'ai pas dit "peut-être", j'ai dit que l'Office du crédit agricole
va pouvoir louer ou vendre la terre, ou la louer avec option d'achat. C'est
inscrit dans le projet.
Est-il utile de répondre à des questions? On ne peut pas,
dans un projet de loi, prévoir les milliers de cas qui vont se
présenter. Regardez d'autres projets de loi, vous verrez que le projet
de loi prévoit le cadre. Le pouvoir réglementaire est le pouvoir
du gouvernement; ce n'est pas le pouvoir des députés. Les
députés sont des législateurs qui font des lois, et c'est
le gouvernement, le Conseil des ministres, qui fait les règlements. Les
règlements peuvent être modifiés. Imaginez-vous que si on
marquait dans le projet de loi le prix du permis de chasse, il faudrait, chaque
fois qu'on change le prix, apporter un changement à la loi. C'est
ridicule; tout le monde s'entend là-dessus. Ce sont simplement des
députés de l'Opposition, pour prendre le temps de la Chambre, qui
veulent reporter des projets de loi à trois mois.
M. le Président, ils ont un projet de loi tellement capital que
c'est un projet de loi simple qui dit qu'on veut favoriser la relève,
c'est-à-dire faciliter le transfert des terres des plus vieux aux plus
jeunes. Le député de Verchères a dit avec raison
qu'actuellement il y a des personnes âgées qui souhaitent voir
cette loi adoptée. Il y a des jeunes également. L'autre jour,
j'étais à une émission de télévision et il y
avait justement un jeune qui disait: Qu'est-ce que le gouvernement va faire
pour faciliter la relève en plus des mesures déjà
adoptées? J'ai dit: Une des mesures, cela va être la banque de
terres. A ce moment, vous serez obligés de moins capitaliser au point de
départ parce que la banque de terres vous permettra de louer la terre et
vous pourrez acheter l'équipement. Après un certain nombre
d'années, à cause de votre option d'achat qui sera prévue
au contrat, vous pourrez acquérir la terre. C'est un système qui
va être extrêmement avantageux pour les jeunes, pour la
relève. C'est le principal problème.
Tout le temps, constamment, l'Opposition me dit que le problème
de la relève est un problème important, urgent et criant. Mais,
quand on apporte des mesures qui veulent solutionner ce problème,
l'Opposition dit non. L'Opposition critique constamment. Dépendant de
l'heure du jour, les raisonnements du député de Maskinongé
sont plus ou moins flous. Mais je n'ai pas l'habitude, comprenez-vous, de me
laisser influencer, M. le Président, par les comportements bizarres de
l'Opposition. Le gouvernement actuel a eu comme mandat d'établir des
politiques. Nous allons établir ces politiques en fonction des besoins
des gens et non pas en fonction des procédures dilatoires de
l'Opposition. Le mot "dilatoire" veut dire qu'ils font perdre le temps de la
Chambre. Nous allons procéder et, si l'Opposition ne comprend pas, elle
aura tout le temps voulu pour voir comment cela va s'appliquer dans la
réalité.
J'ai remarqué tout à l'heure je voudrais le
souligner, M. le Président, parce que j'ai hâte, moi aussi, de
voir cela que le député de Mégantic-Compton a dit
que la position de l'Union Nationale avait été adoptée
à la suite de suggestions du député de Huntingdon. Nous
allons voir si le député de Huntingdon va voter avec son parti ou
bien s'il va être absent, ou bien s'il va suivre la ligne de parti parce
que les libéraux ont prétendu qu'ils y seraient favorables parce
que c'est un vieux projet qui datait de leur temps. Nous verrons si le
député de Huntingdon va faire amende honorable pour dire qu'il
s'est trompé dans le temps qu'il était dans l'Union Nationale ou
bien s'il est devenu soumis à la férule d'un parti qui n'admet
pas de dissidence. Nous verrons, M. le Président, quelle sera son
attitude.
Quant à moi, j'ai la conscience en paix et le sentiment du devoir
accompli après avoir présenté ce projet de loi. Les gens
voudraient me faire parler du comté de Beauce-Sud. Je dirais que, dans
le comté de Beauce-Sud, le Parti libéral ne pourra pas, à
l'élection générale, faire venir 50 avocats de
Québec parce qu'il va manquer d'avocats le jour du vote. Je n'ai pas une
très haute opinion de mes confrères qui jouent le rôle
qu'ils ont joué dans le plan conjoint du porc pour organiser les
agriculteurs et qui font ce genre de "job" le jour de l'élection, non
plus. M. le Président, je pense qu'essentiellement tous les
agriculteurs, de quelque côté qu'ils soient, de quelque parti
qu'ils soient, savent que le gouvernement actuel a voulu adopter des
politiques.
M. le Président, j'ai aussi eu une projection de l'Office du
crédit agricole qui démontre qu'entre 1974 et 1978 les taux
d'établissements variaient entre 1050 et 1200 par année. On
prévoit pour 1979 1500 établissements de jeunes
c'est-à-dire 300 de plus que la plus forte année des cinq
années précédentes. Cela veut dire que les politiques que
nous avons mises en oeuvre ont joué leur rôle. Les politiques vont
continuer à s'appliquer et les politiques que nous avons en
préparation actuellement vont continuer à être
proposées à la population. (16 h 50)
Aujourd'hui, vous avez des volets qui suivent la Loi sur la protection
du territoire agricole, c'est-à-dire la loi maintenant qui va favoriser
une banque de terres pour faciliter l'établissement des jeunes et la
consolidation des fermes familiales,
l'agrandissement des fermes familiales, pour permettre à ceux qui
y vivent de mieux gagner leur vie. De la même façon que nous avons
adopté avant Noël une mesure pour doubler les subventions aux
jeunes qui s'établissent sur les fermes, de la même façon
aussi nous avons déposé cette semaine un projet de loi pour
empêcher les non-résidents de venir s'accaparer des terres du
Québec, parce que nous voulons que ces terres appartiennent aux
agriculteurs du Québec.
M. le Président, ce ne sont pas des politiques
improvisées, ce sont des politiques que nous mettons en oeuvre et qui
ont un seul but: faire en sorte que les agriculteurs du Québec puissent
assumer la responsabilité extraordinaire de nourrir le peuple du
Québec.
Je vous remercie.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Bellechasse.
M. Goulet: Vous savez, M. le Président, qu'en vertu de
l'article 100 j'aurais pu interrompre le ministre de l'Agriculture pour lui
demander la permission de lui poser une question. J'ai voulu être bon
joueur, je ne l'ai pas interrompu lors de son allocution, mais je vous demande
si je peux m'en prévaloir immédiatement après son
intervention pour lui poser une courte question.
Le Vice-Président: Oui, à la condition que le
ministre de l'Agriculture veuille bien répondre à votre
question.
M. Goulet: Est-ce qu'il consent, M. le Président?
Le Vice-Président: M. le ministre, le député
de Bellechasse aimerait vous poser une question, est-ce que vous consentez?
M. Goulet: Je n'ai pas voulu vous interrompre durant votre
intervention.
M. Garon: Oui.
Le Vice-Président: Très brièvement, de part
et d'autre.
M. Goulet: II n'est pas question d'entreprendre un débat,
mais vous avez dit que c'était la faute du fédéral si,
actuellement, nous n'avions pas de débouché. J'aimerais savoir,
après les propos que vient de tenir le ministre, si demain matin le
Québec était séparé, dans un Québec
souverain, que feriez-vous avec les surplus de production laitière et
que feriez-vous pour obliger la Colombie-Britannique, par exemple, à
acheter son fromage du Québec plutôt que de la
Nouvelle-Zélande? Que ferait-on avec les 50% de surplus de
production?
M. Garon: Premièrement, je favoriserais, au lieu de $2.66
les 100 livres, $3 les 100 livres, parce qu'on pourrait économiser tous
les fonds actuelle- ment qui servent à l'aide alimentaire. Des $1 275
000 000, depuis dix ans, qui ont été versés par le
gouvernement fédéral, il n'y a eu que $75 millions qui sont venus
dans la province de Québec pour acheter des produits du Québec.
Je prendrais cet argent pour donner des meilleures allocations aux producteurs
laitiers. On pourrait penser en termes de $3 les 100 livres au lieu de $2.66
les 100 livres.
Deuxièmement, avec les autres provinces, nous ferons des ententes
sur des échanges intercommerciaux. Je peux vous dire, par exemple, ce
que nous avons commencé à faire depuis deux ans: au lieu d'avoir
une industrie laitière qui produit surtout du beurre et de la poudre, on
a commencé à transformer l'industrie laitière, et c'est un
record d'investissements cette année de $55 millions, deux fois plus que
n'importe quelle autre année au Québec. Aujourd'hui, qu'est-ce
que nous avons? La fromagerie de Matapédia, qui était
fermée à l'hiver 1977, est transformée pour faire du
fromage Cheddar.
Une Voix: Pas besoin de... M. Garon: Attendez un peu.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!... A
l'ordre, s'il vous plaît!... Je comprends que le ministre répond
à la question, mais j'aimerais que la réponse soit brève
et qu'il n'y ait pas de débat par la suite.
Très brièvement, M. le ministre.
M. Garon: Je veux donner comme exemple également que
l'usine je vais donner seulement celui-là comme exemple, puisque
cela touche le comté du député de Bellechasse et le mien
de la laiterie du sud, la Coopérative laitière du sud de
Québec est transformée maintenant pour faire du lait qui va
être exporté au Nigeria. C'est fait, cela, avec quoi? Avec des
subventions, par exemple, en partie du gouvernement du Québec, de $1 211
000, et il y aura également une subvention entre $300 000 et $400 000
pour favoriser l'exportation. Ce sont des politiques.
Actuellement, nous avons une politique laitière qui est
déterminée à Ottawa, qui ne tient pas compte des besoins
du Québec, politique qui est déterminée à chaque
année, au lieu d'être déterminée sur une base de
cinq ans, comme le demandent les agriculteurs du Québec. Les
agriculteurs du Québec ne savent pas comment cette politique va
être modifiée d'une année à l'autre, ne savent pas,
par exemple, comment on va tenir compte de leurs besoins. Quand on voit le
gouvernement fédéral faire les politiques d'exportation et
favoriser les produits de l'Ontario, on se dit que le gouvernement
fédéral ne joue pas tout son rôle. Tandis que quand une
mission commerciale du Québec va à l'étranger, les seuls
produits qu'elle emporte dans sa valise, ce sont les produits
québécois.
Le gouvernement québécois favorise davantage les
exportations de produits laitiers en organisant toutes sortes de missions un
peu partout
dans le monde pour permettre la diversification de marchés dont a
besoin notre industrie laitière.
Le Vice-Président: M. le ministre, je me dois de vous
interrompre, j'ai considéré que la réponse à la
question était comprise dans votre temps. Vous deviez finir
précisément à 16 h 55; vos 30 minutes sont maintenant
expirées. Je me dois de respecter le règlement et je reconnais M.
le député de Gaspé, sur la motion de report.
M. Michel Le Moignan
M. Le Moignan: Je n'ai pas voulu paralyser le ministre dans le
feu de l'action, je n'ai pas voulu lui poser de questions mais, avant, qu'il ne
quitte cette Chambre, je voudrais simplement lui faire une petite remarque. Je
vais parler de porc, de report, de transport, de passeport, des choses qui ont
été invoquées au cours de la dernière heure. Le
ministre a affirmé que l'Union Nationale s'était opposée
à la distribution du lait dans les écoles. Je voudrais qu'il
exclue au moins le député de Gaspé, parce que j'ai
posé une question au ministre de l'Education l'an dernier, lui demandant
à quand le prolongement du pipe-line laitier qui viendrait atteindre nos
écoles de la Gaspésie.
Je voudrais simplement faire remarquer au ministre que j'ai
supplié le ministre de nous apporter du lait. Chez nous, il n'y a pas de
vaches, le ministre le sait, il y en a très peu; notre lait vient de
l'extérieur et on voudrait avoir du bon lait distribué dans nos
écoles. Je voudrais que le ministre tienne compte de cela; je crois que
cela a été appliqué dans certaines de nos commissions
scolaires au cours de l'année 1979/80.
Pour revenir au sujet, je souligne à l'attention du ministre que
de ce côté j'ai fait une intervention au nom de l'Union Nationale
pour que le lait soit définitivement distribué non seulement dans
les grands centres, mais aussi dans les campagnes qui sont les plus
défavorisées, là où il y a surtout des vaches
maigres comme c'est le cas chez nous.
M. le Président, vous avez mentionné il y a quelques
instants qu'on devait, dans le cas présent, convaincre la
présidence de la nécessité de reporter ce projet de loi
à trois mois et, par le fait même, influencer le ministre. Ce
n'est pas vous qui l'avez dit, mais les deux se rattachent, les deux se
tiennent. Il ne s'agit pas du principe de la loi, je n'ai pas à
m'exprimer sur ce point, mais, quant à la question de report à
trois mois, je crois que c'est très logique, c'est très valable.
On peut sortir des douzaines d'arguments pour justifier ceci.
Le ministre nous dit que c'est un projet de loi qui n'a que quatre
pages, il vient nous dire que l'Union Nationale aurait dû, depuis un an,
pouvoir analyser les quatre pages qu'il y a dans ce projet de loi, on vient
nous parler aujourd'hui de l'urgence, de la nécessité d'adopter
ce projet de loi ce soir, si possible. Si le ministre a parcouru la province,
s'il a pénétré dans tous les milieux, s'il a
rencontré tous les cultivateurs, s'il a fait cela depuis un an, je ne
veux pas lui enlever le mérite de ses pérégrinations, mais
comment se fait-il que depuis un an que ce projet de loi est
déposé il n'ait pas été appelé ici à
l'attention des membres de cette Assemblée nationale? Depuis un an que
le projet de loi dort, que les députés en ont pris connaissance,
le ministre aurait eu tout le loisir de déposer en même temps ses
règlements. C'est ce qui est le plus inquiétant.
J'ai écouté le ministre en deuxième lecture, il
nous a expliqué de façon très convaincante tous les
objectifs de son projet de loi, mais le pire de tout est qu'il n'y a rien de
cela d'écrit, de consigné dans le projet de loi que nous avons en
main. On nous dit: Ceci se fera par règlement, cela se fera par
règlement, une autre chose se fera par règlement. En somme, on
est pris dans une foule, dans un dédale de règlements et ces
règlements, nous ne les avons pas.
Le député de Bellechasse a mentionné un point qui
est à l'honneur du ministre de la Réforme parlementaire et aussi
à celui du ministre des Affaires culturelles. Le ministre des Affaires
culturelles nous a dit en cette Chambre la semaine dernière, le 8
novembre, que, s'il tenait à déposer les règlements en
même temps que son projet de loi, c'était simplement pour
préserver le ministre, pour l'empêcher lui-même d'abord de
venir patauger dans les règlements après coup, de les modifier
à son gré sans l'assentiment de l'Assemblée nationale. (17
heures)
Si le ministre des Communications a jugé bon d'agir de cette
façon, M. le Président, je me dis qu'au Conseil des ministres, on
doit se parler quelquefois, on doit être sur la même longueur
d'ondes. Si deux ministres sont d'accord sur des innovations qui sont
peut-être des premières dans nos annales parlementaires du
Québec, je crois que le ministre de l'Agriculture aurait
intérêt à écouter les raisons qui militent en faveur
d'un report à trois mois. Cela permettra au ministre, si les
règlements ne sont pas faits, de les déposer, de nous les donner.
Ce sera tellement facile à ce moment-là d'envisager d'attaquer le
projet de loi. Puisqu'on parle d'une banque de terres, on va se demander si
l'objectif est atteint, mais il n'y a pas que la banque de terres qui est
importante là-dedans, il y a aussi une question d'argent, il y a aussi
une question de crédit.
Quand on regarde, par exemple, l'article 32, c'est tout à base de
règlements. Quand on prend le premier alinéa, cela vient
contredire exactement le premier alinéa. Les objectifs sont nobles,
louables, M. le Président, et je veux le dire à l'honneur du
ministre. Quand il vient nous parler de relève en agriculture,
d'agrandissement, de consolidation des fermes, personne ne peut regimber contre
des motifs aussi louables, des idéaux aussi grands et aussi nobles.
Ensuite, on a une série de dispositions: acquérir,
exécuter, louer, etc. Mais ce qui est le plus inquiétant, c'est
qu'à la fin de tout on dit que "malgré le deuxième
alinéa, le ministre peut, dans les cas prévus au règlement
mais on ne le connaît pas aliéner en tout ou en
partie un immeuble visé audit alinéa à des fins autres que
celles énumérées au premier alinéa". Mais le
premier alinéa est en fonction de l'agriculture, pas en fonction
d'autres choses.
Alors, si on peut aliéner, si on peut transformer, si on peut
changer, cela peut devenir des terrains de balle, des terrains de piste et
pelouse, cela peut devenir n'importe quoi, parce qu'on ne sait pas à
quoi le ministre veut en venir. On demande donc trois mois. Les cultivateurs
attendent, on l'a dit tout à l'heure, depuis un an. Il ne faut pas les
laisser patienter plus longtemps, leur patience est à bout, ils sont
presque à bout de nerfs, ces pauvres cultivateurs! Mais rendus au mois
de novembre, décembre, janvier, la neige est déjà
arrivée, les cultivateurs ne feront pas beaucoup de travaux sur leur
ferme et ils vont trouver bien juste ceux qui nous écoutent
qu'on donne au gouvernement trois mois de plus. Au sujet de la loi dont
ils seront les bénéficiaires un jour ou l'autre, ils diront merci
aux membres de l'Assemblée nationale de ne pas avoir agi avec
précipitation.
Il suffit de regarder la loi votée en 1972 par le Parlement de la
Saskatchewan. Il y a des règlements là-dedans, il y a des
principes de loi, il y a des objectifs, il y a des critères, il y a des
moyens; en somme, la loi n'est peut-être pas parfaite, mais on peut y
trouver l'essentiel de ce qu'on recherche. On nous demande aujourd'hui de voter
une loi. Nous en sommes conscients, nous voulons bien voter cette loi, mais
qu'on nous donne tous les règlements. Le ministre des Affaires
culturelles a jugé bon, par respect pour les parlementaires, de nous
expliquer carrément sa façon d'agir, quand il nous dit qu'il ne
voudrait pas nous donner un projet de loi-cadre sans que nous ayons en
même temps les règlements et que ces règlements puissent
être discutés à fond. Qu'on fasse donc la même chose
avec le projet de loi sur cette banque de terres. Cela évitera
énormément de critiques.
On parle toujours de mesures dilatoires. Si le rôle de
l'Opposition ne consiste pas à essayer d'apporter aux
ministériels un meilleur éclairage, à ce moment-là,
ce n'est pas nécessaire, ce n'est pas beaucoup utile d'apporter des
projets de loi ici en Chambre. Le ministre pourra nous dire: Ma loi est
parfaite, les règlements sont parfaits, signez-moi donc cela sans
regarder et faites-moi confiance surtout. Je n'ai pas d'hésitation
à faire confiance au ministre de l'Agriculture, mais qu'il joue cartes
sur table, qu'il dépose tout, et si nous sommes d'accord, nous allons le
lui dire.
Il ne faudrait pas surtout que la lumière l'éblouisse
à ce point, qu'il garde pour lui toutes ces choses qui semblent
être de grands secrets. Je ne sais pas ce qui l'empêche de
déposer ces règlements, le plus vite possible, devant les membres
de l'Assemblée nationale. A ce moment-là, le projet de loi aura
atteint ses objectifs; nous aurons les règlements et cela facilitera la
deuxième lecture. Surtout, quand vous allez retourner en commission
parlementaire, le ministre sera le premier à dire merci aux
députés de l'Opposition qui l'auront empêché de
glisser sur la pente sur laquelle il s'est déjà
engagé.
Le ministre, qui ne veut pas tomber et qui ne veut pas glisser, nous dit
qu'il a proposé des centaines de mesures et que les cultivateurs
applaudissent. Bien, une mesure aussi valable que celle-là demande
quelques semaines de réflexion de plus, parce qu'on a peut-être eu
des lois précipitées jusqu'à maintenant. Le gouvernement a
voté de bonnes lois on m'a déjà blâmé
d'avoir prononcé ce sacrilège en Chambre dans le domaine
social et dans le domaine culturel, mais, dès qu'on arrivé
à des lois pratiques dans le domaine de l'économie, par exemple,
tout ce qui touche à l'agriculture ou à d'autres domaines, bien
souvent, c'est précipité, c'est prématuré. On n'a
pas eu le temps d'en analyser toutes les implications.
C'est aujourd'hui le troisième anniversaire du gouvernement.
C'est un 15 novembre. On s'en souvient. On le fête ensemble, ce
troisième anniversaire de naissance au parlementarisme pour quelques-uns
d'entre nous, pour la grande majorité. Le gouvernement ne devrait
surtout pas oublier qu'aujourd'hui, le lendemain du 14 novembre 1979, il a une
pente à remonter. On voudrait l'aider à remonter cette pente. On
ne voudrait pas qu'il perde toutes les partielles qui vont survenir d'ici un an
ou deux, parce qu'ils sont capables, nos amis d'à côté,
d'en faire démissionner trois ou quatre. Ils sont capables de vous jouer
un tour.
Le Président suppléant (M. Gagnon): Vous devez
conclure, M. le député de Gaspé.
M. Le Moignan: M. le Président, je conclus.
Le Président suppléant (M. Gagnon): A l'ordre!
M. Le Moignan: On ne veut pas me laisser conclure, M. le
Président. Me donne-t-on un consentement pour prolonger?
Le Président suppléant (M. Gagnon): Vous avez la
parole pour la conclusion.
M. Le Moignan: En conclusion, M. le Président, on n'a pas
voulu placer de candidats simplement pour donner une chance au Parti
québécois. Cela nous a joué un vilain tour et cela a
joué un vilain tour au gouvernement. A l'avenir, on va procéder
de façon différente. Je conclus, M. le Président, en
répétant à l'ancien ministre des Transports je ne
sais pas son nouveau nom de baptême; je pense que c'est Tourisme, Chasse
et Pêche. C'est cela?
Une Voix: Loisirs, Chasse et Pêche.
M. Le Moignan: ... Loisirs, Chasse et Pêche. Je le sais
pour une fois et je vais le retenir de surveiller nos amis de droite.
Ils sont capables d'en faire démissionner deux ou trois autres pour
faire d'autres partielles et vous jouer des tours. Nous voulons vous aider,
surtout si ce sont des comtés ruraux, à ne pas vous enfarger,
à ne pas
vous embarquer dans des projets de loi qui ne sont pas clairs et que les
cultivateurs attendent peut-être, mais qu'ils n'ont pas demandés
dans ce cas-ci. Merci, M. le Président.
Le Président suppléant (M. Gagnon): M. le
député de Richmnd.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais quand
même, brièvement, apporter ma contribution à ce
débat qui a lieu à la suite de la motion présentée
par mon collègue, le député de Brome-Missisquoi, pour
demander le report de l'étude de ce projet de loi à trois mois
pour certaines raisons particulières. Je n'ai pas l'intention de toucher
dans mon intervention plusieurs points que mes collègues ont eu
l'occasion de traiter lors de leur discours sur cette motion, mais j'aimerais
m'attar-der plus spécifiquement à la question des
règlements qui doivent s'attacher à un projet de loi.
On sait le ministre l'a, d'ailleurs, indiqué tout à
l'heure, comme le député de Verchères l'avait
souligné et comme le député de Joliette-Montcalm, la
semaine dernière, l'avait également souligné que le
projet de loi qui est devant nous actuellement a été
déposé il y a déjà environ une année
complète. Tout à l'heure le ministre disait que cela pressait
d'étudier ce projet de loi. On sait que c'est le gouvernement, le leader
parlementaire du gouvernement qui a la responsabilité d'appeler l'ordre
dans lequel on va étudier les projets de loi. Le gouvernement n'a pas
jugé bon depuis un an d'appeler l'étude de ce projet de loi.
Donc, je pense qu'il ne peut pas aujourd'hui logiquement invoquer la raison
qu'on retarde indûment l'étude du projet de loi demandant qu'elle
soit reportée pour certaines raisons particulières, parce qu'on
dit qu'il manque des choses. Si le gouvernement jugeait à ce
moment-là qu'on devait aller beaucoup plus rapidement, pourquoi n'a-t-il
pas appelé devant la Chambre, pour qu'on l'étudie, ce projet de
loi 43, tel qu'il l'indique présentement?
Je reviens à la question des règlements. Tout d'abord, M.
le Président, une simple remarque sur l'exposé qui a
été fait par certains députés du Parti
québécois, en particulier par le député de
Joliette-Montcalm qui était un peu élevé contre le fait
qu'on propose cette motion justement, en disant: La deuxième lecture,
c'est l'occasion de discuter du principe d'un projet de loi. Je suis d'accord.
C'est, d'ailleurs, reconnu dans nos statuts. C'est la tradition parlementaire.
C'est exact, sauf que notre intervention à ce moment-ci visant à
reporter quelque peu le projet de loi ne vise aucunement la discussion de
principe qui est contenu dans le projet de loi. (17 h 10)
C'est l'occasion pour nous, pour l'Union Nationale en particulier,
maintenant, de dire au gouvernement: Pour nous permettre une étude
logique et normale de ce projet de loi, nous n'avons pas en main tous les
éléments qu'on devrait juger nécessaires pour
procéder à une étude rationnel- le, logique et normale
d'une telle pièce législative, indépendamment du fait
qu'on soit pour ou contre le principe comme tel. Je m'explique, M. le
Président.
On a vu, dans le passé, à plusieurs occasions, des projets
de loi dont la réglementation restait cachée jusqu'à ce
que la loi, elle, soit adoptée par l'Assemblée nationale et, par
après, le règlement être très important, même
déborder le cadre législatif dans lequel on avait voulu limiter,
au point de départ, la loi. En d'autres termes, cela veut dire ceci, M.
le Président. Il est arrivé dans le passé que des
règlements soient venus en quelque sorte même remettre en cause,
de quelque façon, le principe qui avait été adopté
par l'Assemblée nationale. Que sont les règlements qui suivent un
projet de loi? Ce sont toutes les modalités d'application et, si on
veut, en d'autres termes, c'est toute la tuyauterie et comment la loi est
appliquée dans des cas plus particuliers.
Si le gouvernement était tellement certain de son action, depuis
un an que ce projet de loi a été déposé devant
l'Assemblée nationale, on n'a pas cru bon de l'apporter, mais si le
gouvernement était tellement certain de son action, pourquoi n'a-t-il
pas eu le temps, lui qui a la responsabilité de préparer les
pièces législatives, ou jugé bon de demander à ses
légistes de travailler là-dessus et de nous fournir, pour notre
travail de deuxième lecture il avait un an pour le faire
toute la réglementation ou toutes les modalités d'application qui
se rattachent à ce projet de loi no 43? De cette façon, on aurait
pu, en deuxième lecture, procéder à une analyse
complète, exhaustive, en connaissance de cause, et sachant de quelle
façon ce projet de loi va fonctionner.
Cette préoccupation a d'ailleurs été celle de mon
collègue, le député de Bellechasse, qui a très bien
décrit tout à l'heure dans quelle perspective on situe notre
intervention, qui n'est pas le point de vue négatif qu'on prête
souvent à l'Opposition. Le député de Bellechasse a
même tiré ce principe de la bouche du ministre des Communications
qui, il n'y a pas plus d'une semaine, a dit rêver lui-même du jour
où les projets de loi à l'Assemblée nationale, devant
être discutés en deuxième lecture, seraient
accompagnés, au même moment ou tout au moins en commission
parlementaire qui poursuit l'étude article par article, desdits
règlements pour en permettre l'analyse logique, éclairée
et normale, de sorte que l'Assemblée nationale puisse se prononcer en
connaissance de cause.
Je pense qu'on touche un principe intéressant. D'ailleurs, cela
n'a pas été reconnu seulement par le ministre des Communications,
mais également par le ministre de la Justice qui a lui-même
posé des gestes récemment à ce sujet. Ce qui est bon
aujourd'hui pour un ministre du gouvernement et même deux, pourquoi cela
ne le serait-il pas dans une loi de l'agriculture qui a certaines implications,
indépendamment comme je le disais de la question du
principe qui est en cause?
On a voulu et on veut encore, je pense j'espère que cela
va se faire dans les mois à venir
revaloriser, dit-on, le rôle des députés. On a voulu
ce gouvernement s'en targue de temps à autre et on veut
revaloriser le rôle de l'Assemblée nationale, dans ce
sens-là, celui du Parlement comme tel. Comment peut-on prétendre
vouloir atteindre cet objectif de revaloriser le rôle du Parlement, des
parlementaires et des députés comme tels et, du même
souffle, dire: On va vous présenter un projet de loi, mais on ne vous
dira pas comment il va s'appliquer et de quelle façon il sera
vécu par les gens? Ces derniers le verront après et on va
décider, seuls, sans que cela passe par la Chambre, au niveau des
fonctionnaires. Cela s'appliquera comme nous le voudrons. Il y a une
espèce de contradiction flagrante dans cette approche.
La motion de report à trois mois que nous présentons pour
demander et exiger le dépôt de ces règlements, on sait au
point de départ qu'elle va être battue. La majorité
ministérielle va la mettre au rancart; c'est officiel et c'est clair.
Ils sont plus nombreux que l'Opposition et c'est ce qui va arriver; on le sait.
Cependant, j'espère au moins une chose. C'est qu'on se serve de
l'occasion qui nous est fournie pour prendre conscience qu'on doit, quelque
peu, dépoussiérer nos institutions parlementaires en termes de
fonctionnement lorsqu'il s'agit de lois comme celle-là, auxquelles se
rattachent des réglementations fort importantes qui peuvent parfois
venir contrebalancer un principe qui est adopté par l'Assemblée
nationale. A l'avenir, qu'on soit employons le terme, M. le
Président, puisqu'il a souventefois été invoqué
du côté du gouvernement et de l'Assemblée nationale
en général, beaucoup plus transparent et beaucoup plus ouvert de
ce côté-là. Cette préoccupation de vouloir
moderniser un peu nos institutions parlementaires est une préoccupation
saine, logique et normale. Je pense que l'étude des projets de loi en
serait de beaucoup facilitée à tous les points de vue.
Lorsqu'on étudie le principe à savoir si on est d'accord
ou non, si on avait, en même temps, un portrait, dans les
règlements, sur la façon dont ce sera vécu par les
citoyens du Québec et sur la façon dont le ministère
entend appliquer cette loi, je pense que l'étude serait beaucoup plus
facile, beaucoup plus logique, beaucoup plus normale. C'est la
préoccupation qu'on a voulu donner à l'Assemblée nationale
en présentant cette motion de report à trois mois pour permettre,
justement, au ministre de l'Agriculture de déposer les fameux
règlements en question.
Je demande à mes collègues de réfléchir
sérieusement là-dessus. Même si on renvoie cette motion de
report à trois mois, j'aimerais qu'on profite de l'occasion pour
réfléchir et apporter les correctifs qu'il serait
nécessaire d'apporter à l'Assemblée nationale, à ce
point de vue. Ce n'est donc pas dans un objectif politique que nous
présentons la présente motion, mais dans l'intérêt
de la population du Québec pour étudier le plus normalement
possible le projet de loi qui est devant nous. Même, je serais prêt
à aller plus loin dans ce sens: Si le gouvernement était
prêt à nous garantir qu'il déposera en commission
parlementaire, lors de l'étude article par article du projet de loi qui
aura lieu d'ici quelques jours, j'imagine, toute la réglementation, on
serait même prêt et je pense que c'est l'avis de mes
collègues, également à retirer tout bonnement cette
motion de report à trois mois, laquelle ne poursuit aucun objectif sur
le fond, qui n'a pas d'autre objectif que celui d'obtenir l'outil qu'on juge
nécessaire pour être capable de faire une analyse normale du
projet de loi, c'est-à-dire la réglementation. Je vois le
ministre de l'Agriculture qui entre sur cela, et je fais appel à lui
dans ce sens; on s'est trop souvent plaint dans le passé je ne
voudrais pas qu'on continue à le faire que l'Assemblée
nationale n'a pas les moyens techniques ou pratiques suffisants, dans les
réglementations, pour étudier les projets de loi en
deuxième lecture.
Merci, M. le Président.
Rejet de la motion de report
Le Vice-Président: Est-ce que la motion de report du
député de Brome-Missisquoi sera adoptée?
Des Voix: Rejeté, M. le Président. Une Voix:
Sur division.
Le Vice-Président: Motion rejetée sur division.
Nous reprenons l'étude de la deuxième lecture du projet de
loi.
M. le député de Kamouraska-Témiscouata, je vous
reconnaîtrai immédiatement après le député de
Orford.
Deuxième lecture (suite) M. Georges
Vaillancourt
M. Vaillancourt (Orford): Merci, M. le Président. Le
projet de loi no 43, Loi modifiant la Loi du ministère de l'Agriculture,
a pour objet de permettre au ministre de l'Agriculture de constituer une banque
de terres arables en vue de disposer de ces terres ou de les louer pour
favoriser la relève en agriculture, l'agrandissement ou la consolidation
des terres arables non utilisées ou sous-uti-lisées.
M. le Président, ce projet de loi a pour principe une très
bonne intention, c'est-à-dire l'achat de terres arables qui sont non
utilisées ou sous-utili-sées. Ce principe, en ce qui me concerne,
n'est pas mauvais en soi, et son but est excellent. Etant donné que nous
avons besoin d'un tel organisme dans la province, je pense qu'il est utile et
nécessaire que le gouvernement se prévale d'une loi comme le
projet de loi no 43 pour le rachat des terres et pour permettre à tous
les agriculteurs du Québec qui veulent s'agrandir ou améliorer
leurs revenus d'avoir un organisme comme une banque des terres.
Le projet de loi no 43 tel que rédigé est totalement
inacceptable sans amendements. L'article 1 du projet de loi no 43 modifie
l'article 29 de la Loi
du ministère de l'Agriculture pour apporter des concordances avec
la nouvelle section VII de la loi proposée par l'article 2 du projet.
Les deux alinéas proposés à l'article 29 de la loi
accordent au ministre une discrétion absolue et totale. Je pense que le
ministre devra penser, en commission parlementaire, à apporter des
amendements à cet article. (17 h 20)
M. le Président, dans ce projet de loi, il est dit que le
ministre pourra agir à sa guise sans avoir à donner aucune
raison, sans avoir à rendre compte à qui que ce soit. La section
4 de la Loi des terres de colonisation, chapitre 102 des Statuts refondus de
1964, donne les causes possibles et la procédure de révocation.
M. le Président, lorsqu'on lit l'article 2 qui amende l'article 32 de la
Loi du ministère de l'Agriculture, on se rend vite compte que cet
article est couché en termes beaucoup trop généraux et
vagues.
Mais ce qui est encore beaucoup plus grave dans cette loi, c'est que le
gouvernement se donne les pouvoirs de légiférer par
décret. Je constate aussi que le gouvernement se donne, dans plusieurs
de ses lois, de tels pouvoirs. Ce sont des pouvoirs que je trouve condamnables.
Le gouvernement devrait essayer de ne pas adopter des lois pour
légiférer par décret, ce qui ne nous permet pas et ne
permet pas à la population de connaître les intentions du
gouvernement.
M. le Président, je crois que le ministre devra aussi apporter
des amendements à cet article afin de le rendre plus précis, en
commission parlementaire, lorsqu'on fera l'étude article par
article.
Il est impensable de ne pas désigner dans cette loi l'organisme
à qui sera conférée l'administration de cette nouvelle
loi. Je pense que c'est un précédent de ne pas indiquer dans la
loi qui va administrer cette loi. Le ministre nous a dit que c'était
l'Office du crédit agricole, mais ce n'est pas dans la loi. Il peut
toujours changer d'idée et créer un autre office ou un autre
organisme qui augmenterait encore la structure administrative du gouvernement.
Je pense que le ministre devrait penser à inclure dans l'administration
de cette banque de terres la Commission de protection du territoire agricole.
Il me semble que cette commission, lorsqu'elle sera à l'échelle
de la province, aura la structure adéquate pour administrer une telle
banque de terres arables. L'Office du crédit agricole, qui est un
organisme plutôt bancaire, pourra, avec l'Office de protection du
territoire agricole, prêter l'argent nécessaire aux cultivateurs
qui voudront acheter des terres de la banque de terres.
M. le Président, je crois que le ministre aurait dû amender
la loi du zonage agricole plutôt qu'amender la Loi du ministère de
l'Agriculture. Ce qui veut dire que la Commission de protection du territoire
agricole est une commission qui pourrait, comme je le disais tout à
l'heure, donner un délai, une surveillance beaucoup plus
adéquate, ce qui permettrait aux propriétaires ou aux
acquéreurs éventuels d'être mieux protégés
car la commission, avec son mécanisme et son person- nel, pourrait
donner plus de sécurité et certainement plus de confiance aux
nouveaux acquéreurs.
A l'article 35, on dit que "le lieutenant-gouverneur en conseil peut,
aux termes et conditions qu'il détermine, autoriser le ministre des
Finances à constituer en faveur de l'organisme désigné, en
vertu de l'article 33, un fonds de roulement n'excédant pas deux cent
mille dollars pour les déboursés nécessaires à
l'administration..." ceci à même le fonds consolidé du
revenu. Je me demande comment le ministre en est arrivé à ce
montant de $200 000. Est-ce que ce montant va être suffisant? S'il n'est
pas suffisant que va-t-il faire?
Ce sont des questions auxquelles j'aimerais que le ministre nous
prépare des réponses lorsqu'on les lui reposera en commission
parlementaire. Pourquoi recourir au fonds consolidé du revenu? Est-ce
pour ne pas rendre de comptes aux députés lors de l'étude
des crédits que le ministre agit ainsi dans ce projet de loi? Le
ministre nous dira peut-être qu'il est difficile de prévoir quels
seront les montants nécessaires. C'est probablement vrai pour la
première année, mais je pense que l'article 41 le
prévoit.
Le ministre nous demande, avec ce projet de loi, presque un
chèque en blanc. Ce projet de loi qui crée une banque de terres
agricoles, je trouve qu'il est rempli d'imprécisions. Un autre point
d'interrogation qui ne manque pas de nous venir à l'esprit, c'est de
savoir si vraiment le moyen qu'entend prendre le gouvernement actuel,
c'est-à-dire la banque de terres arables, est utile, adéquat et
efficace pour atteindre son but, soit la relève agricole,
l'agrandissement ou la consolidation des terres de type familial et
l'exploitation des terres non utilisées ou sous-utilisées.
Nous avons un besoin permanent de relève. Ce besoin se chiffre
annuellement par environ 1200 à 1500 nouveaux exploitants, si l'on
assume que l'agriculteur a une vie active d'environ 30 ans et si on se base sur
les plus récentes statistiques du recensement du Canada de 1976 qui nous
donnent pour le Québec un total de 43 000 fermes. Ce même
recensement signale divers aspects de l'évolution du facteur
démographique au Québec de 1951 à 1976. On constate, au
cours de ce quart de siècle, une augmentation de la population totale de
52,5% et une diminution de la population agricole de plus de 60%,
c'est-à-dire une diminution constante de la main-d'oeuvre agricole de
15,7% en 1951 à 2,9% en 1976 par rapport à main-d'oeuvre totale
québécoise.
En conséquence de la diminution dramatique de la population
agricole à la suite de l'exode vers les villes et de la
dénatalité qui a aussi frappé les familles d'agriculteurs,
on compte maintenant beaucoup moins de cultivateurs, mais leur domaine s'est
fortement agrandi dans la plupart des cas. Toutefois, ces entreprises agricoles
ne sont plus les fermes familiales d'autrefois; ce sont des exploitations qui
doivent être dirigées par des hommes qualifiés. Il est donc
de la plus haute importance que la relève agricole se donne une solide
formation professionnelle afin de faire face aux défis actuels ou
à venir.
Pour conclure, je vois dans ce projet de loi beaucoup
d'imprécisions. Il s'agit d'un autre pas vers une forme de socialisme
agricole et de chèque en blanc que le ministre nous demande de voter
avec son projet de loi. Il est difficile d'aller plus loin dans l'analyse de
cet important projet de loi, car on n'en connaît à l'heure
actuelle que les grandes lignes. J'espère que les règlements qui
en découleront seront plus importants et plus précis que le
projet de loi lui-même.
Est-ce que le ministre répondra à tous les points
d'interrogation que nous nous posons? Je l'espère et soyez assuré
que nous allons nous prévaloir de notre privilège en commission
parlementaire pour lui poser les questions afin d'éclair-cir tous ces
points d'interrogation que nous avons trouvés dans ce projet de loi.
M. le Président, je pense que c'est un projet de loi important
dont nous avons besoin pour améliorer notre agriculture, mais je pense
que nous devons le faire d'une manière sécuritaire pour les
prochains acquéreurs de ces terres. Merci.
Le Président suppléant (M. Gagnon): M. le
député de Kamouraska-Témiscouata. (17 h 30)
M. Léonard Lévesque
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Merci, M. le Président. Moi aussi, je voudrais prendre quelques
minutes pour parler un peu du projet de loi 43. Avant d'en venir
concrètement au projet de loi no 43...
M. Picotte: Je m'excuse auprès du député de
Kamouraska, mais est-ce que je pourrais vous demander une directive, M. le
Président, à la suite de ce que je viens d'entendre?
Le Président suppléant (M. Gagnon): Bien...
M. Picotte: Si vous ne vous assoyez pas, je ne peux pas
parler!
Le Président suppléant (M. Gagnon): D'accord,
allez-y.
M. Picotte: Etant donné que le député de
Kamouraska commence à parler et que ça devrait être
brillant, ce qu'il va dire, M. le Président, pourriez-vous inviter les
collègues qui sont en caucus et les post mortem des trois partielles
à prendre...
Le Président suppléant (M. Gagnon): A l'ordre! Tout
est à l'ordre.
M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
C'est très bien, M. le Président, de rappeler le
député de Maskinongé à l'ordre parce qu'il a eu
l'occasion de parler en deuxième lecture...
Une Voix: Et il n'a rien dit.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): ... et
à peu près pour ne rien dire. Avant d'en venir au projet de loi,
je voudrais relever quelques arguments des députés de
Maskinongé et de Brome-Missisquoi. Le député de
Maskinongé a surtout parlé de télévision, des
députés qui regardaient la télévision au lieu
d'être en Chambre. Il a aussi parlé d'une certaine Rosalie
péquiste; là, je ne suis pas d'accord avec lui. Avant le 15
novembre 1976, des Rosalie existaient, c'étaient surtout des Rosalie
PLQ, il y en avait 101 ou 102, c'étaient les bureaux des
députés, c'était la Rosalie PLQ. On en avait en
quantité.
J'aimerais aussi revenir sur quelques points mentionnés par le
député de Brome-Missisquoi qui disait que le ministère de
l'Agriculture et le ministre de l'Agriculture n'ont pas fait grand-chose depuis
trois ans pour stimuler l'agriculture au Québec au point de vue de
l'économie. Je ne sais pas si ces gens font le tour de leur
comté, ils étaient peut-être plutôt
intéressés dans les comtés où se tenaient des
élections partielles, Beauce-Sud, Prévost et Maisonneuve,
malgré que dans Maisonneuve on ne peut pas voir grand silos. Par contre,
dans le comté de Kamouraska-Témiscouata que je représente,
je peux vous dire que, depuis trois ans, des programmes ont été
mis sur pied par le ministère de l'Agriculture du Québec, par
l'actuel ministre de l'Agriculture. On voit des rangs complets où, le 15
novembre 1976, il n'y avait aucun silo aux fermes. Aujourd'hui, on peut compter
trois, quatre, cinq silos. C'est grâce à des programmes qui ont
été mis sur pied avec l'aide financière du
ministère de l'Agriculture, en collaboration aussi avec le
ministère fédéral de l'Agriculture. Il ne faut pas
l'oublier, il ne faut pas être hypocrite.
A la suite des élections d'hier, on peut enchaîner
là-dessus, je lisais dans le journal: Les forces
fédéralistes sont satisfaites de ce rejet. En parlant d'hier, de
ce qu'on a eu. Mais on voit ici, à côté: Jarvis ce
n'est pas un joueur de hockey des Canadiens garde secrètes dix
études accablantes pour le fédéralisme. On va les avoir,
ces études; ça va être intéressant de voir cela, dix
études accablantes pour le fédéralisme. Cela se situe dans
les propos du ministre tout à l'heure au sujet du
fédéral.
Le député de Brome-Missisquoi disait: On n'a pas
d'écoles, on n'a pas assez d'instituts. Dans mon comté,
heureusement, j'ai l'Institut de technologie agricole de La Pocatière,
il y a le laboratoire des sols d'où sortent des finissants. Tout
à l'heure je reviendrai, dans les notes explicatives sur le projet de
loi, à l'aide pour stimuler la relève agricole. Ce projet de loi
sera très important pour la relève agricole.
Dans les notes explicatives, j'aurais aimé qu'on lise: Le
présent projet de loi a principalement pour objet de permettre au
ministre de l'Agriculture "et au comité du caucus des
députés de l'Agriculture" de constituer une banque de
sols. Le ministre rencontre assez souvent les députés qui
font partie du caucus agricole pour avoir des suggestions, surtout de
députés venant du milieu agricole et de députés qui
ont exploité et qui exploitent encore un peu, de loin, une ferme. Je
suis propriétaire d'une ferme.
Si on revient à la relève agricole, je pense que c'est
urgent. Je ne comprenais pas tout à l'heure pourquoi l'Union Nationale
avait fait une motion de report parce que c'est urgent, parce que c'est un
ensemble, la loi de la protection des sols arables, le projet de loi no 43 qui
va créer une banque de sols et le projet de loi no 41. Aujourd'hui, on
explique le projet de loi no 43. On dit: Constituer une banque de terres
arables en vue de disposer de ces terres et de les louer pour favoriser la
relève en agriculture.
Quand je vais à des remises de diplômes, comme l'automne
dernier, à l'Institut de technologie agricole de La Pocatière, je
discute avec les finissants. On a des réactions, souvent, qui nous font
un peu réfléchir sur ces lois. Nous autres, écoutez, en
sortant de l'ITA, on a une théorie. C'est parfait, le cours qui est
donné, on ne peut pas demander mieux. Assez souvent,
l'été, on a un stage pour se perfectionner un peu plus. Mais
c'est coûteux d'aller investir $100 000, $125 000, $150 000 ou $200 000
sur une ferme, et c'est vrai. Si vous aviez un projet, si le gouvernement avait
une banque de sols qu'on pourrait louer avec option d'achat aux finissants de
nos écoles d'agriculture! Je dis: Messieurs, il y a un projet de loi qui
a été déposé l'automne passé, qui a
changé de numéro mais qui est à peu près la
même chose, et qu'on va probablement étudier à cette
session-ci, qu'on va étudier en commission parlementaire article par
article pour pouvoir le modifier s'il y a lieu. Moi aussi, je suis bien
d'accord, si on peut avoir une vue d'ensemble des règlements qui se
rapportent à cela; ce serait intéressant et puis on pourra
ensuite rendre des terres disponibles à nos finissants qui seront la
relève agricole dans les années à venir.
Je serai très heureux de voir ce projet de loi adopté, si
on peut avoir l'accord de l'Opposition. L'agriculture, pour l'Opposition, passe
en second lieu d'après ce que je vois mais, quand même, il y a des
gens dans l'Opposition qui sont encore assez sérieux et je pense qu'ils
vont pouvoir nous donner un coup de main pour faire un bon projet de loi.
Le député de Brome-Missisquoi disait dans son allocution
qu'on ne stimulait pas. Pensons au programme de lait-école, même
si le fléau de lait ne se rend pas jusqu'en Gaspésie. Je pense
que le ministre va en parler dans sa réplique, ce n'est pas comme un
étang d'huile dans le fleuve qui s'étend. Cela va venir, on a mis
plusieurs millions dans cela, pour favoriser une consommation de notre produit.
Il n'y a pas tellement longtemps, pas plus d'un mois, on a eu une
première en Amérique du Nord, une usine qui va transformer nos
produits laitiers dans le comté de Kamouraska-Témiscouata,
à Saint-Alexandre, l'usine laitière de la Côte-
Sud, un projet dans lequel le gouvernement du Québec a investi
tout près de $1 million. C'est quelque chose, cela! Le
fédéral fait sa quote-part... Le fédéral, environ
$500 000; par contre, d'après mon collègue de Montmagny-L'Islet,
le fédéral en met plus d'un autre côté, soit sur les
quotas de lait. On ne s'obstinera pas là-dessus. Mais on fait quelque
chose; tout près de $1 million pour l'usine laitière de
Saint-Alexandre, c'est quelque chose pour la finition de notre produit. Deux
fois plus que les rouges qui nous ont précédés, c'est
vrai, surtout dans le comté de Kamouraska-Témiscouata parce qu'on
pourrait prendre l'exemple au ministère des Transports, un peu partout.
On a fait la route transcanadienne, point. Les routes secondaires ont
été négligées. On commence à "carrosser" un
peu mieux, sauf dans le comté de Montmagny-L'Islet, et mon
collègue pourra me reprendre là-dessus, où cela a
été un petit peu mieux. Peut-être que le
député était meilleur, en tout cas.
Je suis très fier, le projet de loi prévoit que le
gouvernement pourra, aux conditions qu'il détermine, confier
l'administration de la banque de terres arables à un organisme public.
Le ministre a laissé voir qu'il est possible que ce soit l'Office du
crédit agricole. Je suis un peu d'accord avec cela. L'Office du
crédit agricole possède déjà beaucoup de dossiers
de cultivateurs... Je serais d'accord; il y aura peut-être des arguments
qui amèneront qu'on vote pour un autre office mais je serais d'accord
que ce soit l'office qui administre. (17 h 40)
II y a des raisons à cela. L'office possède
déjà les dossiers de plusieurs agriculteurs. Pour
l'agrandissement de la ferme, le cultivateur ou l'agriculteur pourra se
prévaloir d'un dossier qui est déjà à l'Office du
crédit agricole. Comme je vous le dis, je vois l'Office du crédit
agricole assez... D'ailleurs, l'office nous prouve présentement que les
prêts agricoles sortent de plus en plus vite. Cela va mieux de ce
côté et on voit que la politique est sortie de là. Comme
agriculteur, depuis 1961, j'en ai vu de toutes les sortes. J'ai vu des bleus,
des rouges. J'ai eu affaire à l'Office du crédit agricole quand
j'ai débuté, comme d'autres jeunes cultivateurs, mais les
critères de base pour obtenir un prêt agricole, au moment
où j'ai fait une demande de prêt agricole, c'était une
carte de l'Union Nationale, que je n'avais pas. Je déplore cela pour mon
comté. Je le dis publiquement. J'ai essayé de nouveau aussi...
Cela va dans le projet de loi. J'ai dit que cela va être l'office pour
venir à dire...
Une Voix: La carte de membre de l'Union Nationale n'est pas dans
le projet de loi.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata):
Non. Je la verrais mal là-dedans aussi. J'ai essayé aussi
plus tard, mais je me suis aperçu que le premier était
d'être du bon côté politique, peu importe la carte. J'ai
vécu cela. Je ne l'ai pas entendu dire. Je l'ai vécu
moi-même. Je peux le dire publiquement. Je n'ai pas peur de le dire.
C'est pour cette raison que je préférerais que l'Office du
crédit agricole soit autorisé, après l'étude du
projet de loi, en voyant les règlements...
Une Voix: ... cartes.
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): Ce n'est pas
bon, ces cartes-là. Je serais favorable à l'Office du
crédit agricole. Il prévoit également que le gouvernement
peut autoriser le ministre des Finances à avancer les montants
nécessaires pour l'acquisition des immeubles et l'exécution de
travaux d'aménagement en vue c'est là qu'on pourra sortir
des budgets de l'Office du crédit agricole ou du ministère des
Finances de donner des budgets à l'office pour pouvoir
prêter sur des parties de terrains qui seront inoccupées par
rapport à certains projets de routes, que j'ai assez souvent
dénoncés, comme l'autoroute 20 qui est passée par mon
comté. J'aurais préféré, au lieu de détruire
toutes les terres basses qu'on est en train d'égoutter
présentement par des digues au coût de plusieurs milliers de
dollars... Je vois le ministre des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche
qui me regarde. Ce n'est pas tellement pour la récupération des
sols arables, mais c'est surtout aussi pour pouvoir drainer les sols existants.
On a des problèmes. J'ai rencontré les agriculteurs. Ils sont
bien d'accord avec ce qu'on fait. Maintenant, on pourrait avoir des ententes
entre le ministre de l'Agriculture et le ministre des Loisirs, de la Chasse et
de la Pêche pour protéger l'agriculture autant que la faune. Je
suis d'accord avec cela. On est un parti qui peut se parler et se regarder en
face. Je pense que d'ici un bout de temps, tout cela sera
réglé.
M. le Président, pour enchaîner sur le projet de loi, comme
je le disais tout à l'heure, le ministre des Finances pourra
prévoir des crédits pour faire l'achat de terrains qui sont
présentement incultes. On a beaucoup d'acres de terre près de la
route 20 présentement.
On a aussi des agriculteurs qui sont rendus à l'âge de la
retraite. J'en ai dans ma paroisse. J'en ai un peu partout. S'il y a un projet
de loi qui leur donne le choix de vendre leur propriété à
un prix raisonnable, au prix du marché, je pense que plusieurs
propriétaires qui sont rendus à l'âge de la retraite vont
en profiter pour vendre leur terre et se mettre complètement à la
retraite. Ils sont encore inquiets. Doit-on la louer? Il y a une incertitude,
mais je pense que ce projet de loi va les aider.
Il y a aussi un point qui a été soulevé concernant
le dépôt des règlements. Cela a été
soulevé quand ils ont présenté la motion de report. A
l'étude article par article en commission parlementaire, le ministre
pourra peut-être nous apporter certains arguments, défendre des
articles, un, deux, trois. On pourra sûrement inscrire ce projet de loi
avec le projet de loi no 41 et la loi 90 qu'on a tant essayé de
dénigrer, pour dire qu'elle ne serait pas adoptée. Aujourd'hui,
dans mon comté, on nous demande quand M. Garon va étendre un
décret pour le projet de loi. Si ce décret peut donc
s'éten- dre, on a donc hâte! Ce sont des organismes comme l'UPA.
Même l'UPA appuie le projet de loi no 43.
Je pense qu'il est très important qu'on passe à la
deuxième lecture et à l'étude article par article le plus
vite possible pour que ce projet de loi soit sanctionné. Des gens
disaient que le projet de loi comptait quatre pages et pas beaucoup d'articles,
mais, avec les pages blanches, il en compte six. Merci, M. le
Président.
Le Président: Merci.
M. le député de Bellechasse.
M. Goulet: Merci, M. le Président. Une Voix: On va
suspendre.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Je pensais demander la suspension, mais je vais
commencer et nous reviendrons après souper. Le ministre de l'Agriculture
et de l'Alimentation nous présente un projet de loi en vue de
créer une banque de terres. Par cette mesure, bien sûr, le
gouvernement entend favoriser la relève ou encore la consolidation de
fermes de type familial et l'exploitation des terres arables non
utilisées ou sous-utilisées.
Nous, de l'Union Nationale, ne sommes pas contre l'objectif poursuivi
par la création d'une banque de terres. Au contraire, M. le
Président, l'Union Nationale, et son histoire en témoigne, a
toujours eu comme priorité de favoriser le développement de
l'agriculture. On n'a qu'à penser mon collègue de
Brome-Missisquoi nous l'a rappelé hier à
l'électrification d'accord, c'est du passé, mais
c'était de son temps et il fallait le faire de nos campagnes,
à la création du crédit agricole, à l'adoption
d'une loi des marchés agricoles qui, naturellement, doit s'adapter
à l'évolution rapide du marché, mais qui ne doit pas
nécessairement tomber dans l'absurde. En disant cela, je pense à
la loi no 116 qui donne à la fédération un pouvoir absolu,
complet et sans recours sur la production des agriculteurs. Elle peut,
notamment, déterminer les conditions pour produire et vendre, garder une
part de quotas et les distribuer comme bon lui semble, diminuer, suspendre ou
annuler un quota, etc. Les agriculteurs québécois dont les
produits sont soumis à un plan conjoint de mise en marché sont
emprisonnés dans un système que je pourrais qualifier de
dictatorial, à l'exemple, M. le Président je ne voudrais
pas être méchant, mais je le dis quand même entre
parenthèses de certains pays qu'on peut situer en arrière
du rideau de fer, ce qui va s'avérer, à brève
échéance, le pire ennemi de la ferme familiale.
M. le Président, je n'ai pas l'intention de reprendre les
débats sur la loi no 116 dont on connaît maintenant tous les
méfaits qu'elle a produits au niveau du producteur. Par contre, nous
faisons face aujourd'hui à un combat différent, mais de
même taille. Je parle naturellement du projet de loi no 43
réalisant ainsi la mainmise de l'Etat sur le
principal facteur de production de l'agriculteur, soit la terre
elle-même. M. le Président, je serais curieux de savoir si ce
même gouvernement aurait le courage d'imposer le même loi à
un autre secteur de l'économie en prenant possession de son principal
facteur de production. J'ai l'impression que l'on se retrouverait devant une
économie en déroute, sur le bord de la faillite
économiquement parlant et, comme je l'ai dit tout à l'heure, on
se rapprocherait du socialisme.
M. le Président, j'aimerais savoir si le ministre de
l'Agriculture et de l'Alimentation a daigné consulter la base avant de
présenter un tel projet de loi. Je suis forcé de constater que ce
n'est pas lui qui doit trimer dur du matin au soir pour atteindre et surtout
maintenir le niveau rentable de production que doivent maintenir nos
agriculteurs. Les agriculteurs vous m'excuserez ces termes sont
écoeurés de satisfaire cette "gang" de bureaucrates et de
technocrates assis derrière un bureau avec des multitudes de lois et de
règlements. C'est un dédale de mesures administratives pour
occuper certains fonctionnaires issus d'une administration trop lourde. C'est
là que nous en sommes rendus et je le déplore fortement.
Les agriculteurs n'ont pas demandé cette mesure. C'est encore le
gouvernement péquiste, il l'a dit tout à l'heure. Quand il a fait
sa réunion dans Lotbinière, il a pris soin de mentionner que
c'étaient des agriculteurs péquistes qui leur imposent une autre
de ces lois socialisantes, une loi qui enlève aux gens leurs
responsabilités pour les confier à l'Etat. On veut, bien
sûr, que l'Etat soit responsable à notre place, et on le fait avec
ce projet de loi. L'Etat étend ses tentacules dans tous les domaines,
laissant de moins en moins de place à l'initiative privée et
à l'esprit d'entreprise. (17 h 50)
Au lieu de nous présenter un tel projet de loi, le gouvernement
devrait faire renaître cet esprit d'entreprise auprès des
agriculteurs. N'avons-nous pas, en Amérique du Nord, atteint l'un des
plus hauts niveaux de vie au monde? Nous sommes capables de produire des
produits alimentaires en quantité abondante et à des prix
moindres que dans plusieurs autres pays grâce, en particulier, au
dynamisme de l'entreprise privée, et ce bien avant que le gouvernement
actuel n'arrive au pouvoir. Je ne comprends pas le gouvernement de nous
présenter un tel projet de loi. Les agriculteurs font face, en ce
moment, à de sérieux problèmes comme, par exemple, la
mainmise de nos meilleures terres agricoles par des non-résidants pour
d'autres fins que la production agricole, et cela à des prix d'or; quand
je parle de prix d'or, vous savez à quel niveau se situe le prix de l'or
actuellement.
Vous me direz que le gouvernement a déjà inscrit au
feuilleton un projet de loi en ce sens. J'ajouterai que c'est ce projet de loi
qui devrait être débattu en ce moment parce que cette mainmise
étrangère est un sérieux obstacle à l'achat des
terres par notre relève agricole, une relève qui ne peut
évidemment pas concurrencer les offres fabuleuses des étrangers.
C'est cette loi qu'on de- vrait discuter actuellement pour régler le
problème.
Il est grand temps, je pense, que ce gouvernement prenne ses
responsabilités et, cette fois-ci, les bonnes. Même s'il pense
avoir pris ses responsabilités, on lui a rappelé hier, de
façon non équivoque, dans trois comtés du Québec,
que les responsabilités qu'il pensait les meilleures ne sont pas celles
que les Québécois auraient identifiées comme étant
les priorités.
Ceci dit, au lieu d'adopter des lois qui, en fait, ne font que "patcher"
des trous, le gouvernement devrait plutôt s'appliquer à
régler les problèmes à la base. S'il ne le fait pas, c'est
que le gouvernement actuel est beaucoup plus préoccupé de gagner
son référendum et de parler de son référendum en ce
moment que d'édicter des lois qui feraient vraiment progresser
l'agriculture dans le Québec, surtout l'agriculture de type
familial.
Ce gouvernement jette de la poudre aux yeux des agriculteurs. Le
gouvernement pense qu'il va apaiser les agriculteurs par une telle mesure. M.
le Président, je pense que c'est vraiment prendre ces gens pour des
naïfs. Voulez-vous bien me dire ce qu'on apportera de plus aux
agriculteurs en créant une banque de terres dans la situation actuelle?
Je dirai tout simplement qu'une telle mesure brime les libertés
d'action, freine l'esprit d'initiative, freine l'esprit d'entrepreneurship de
nos agriculteurs. M. le Président, je m'adresse au gouvernement
péquiste assis en face de nous et plus particulièrement au
ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation et je leur dis tout simplement
et en toute modestie que, pour solutionner les problèmes qui affligent
l'agriculture aujourd'hui, il faut de prime abord que soient identifiés
et réglés les problèmes de base de l'agriculture
québécoise.
C'est l'essentiel. Ils ne l'ont pas fait. Il faut se demander, M. le
Président, pourquoi les jeunes sont si peu intéressés
à venir s'établir sur une ferme. Il faut se demander
également pourquoi il y a tant de terres abandonnées ou
sous-utilisées et édicter des lois en fonction des
réponses obtenues. C'est là que se situe le problème. Vous
me direz, M. le Président, que c'est ce à quoi la banque de
terres veut s'attaquer. Je dirai tout simplement que ou bien le ministre n'a
pas trouvé les bonnes réponses, ou bien il est incapable de
trouver les solutions à ce problème, parce que cette banque de
terres ne règle rien, sinon occuper certains fonctionnaires qui doivent
mériter leur salaire. C'est comme si on mettait un cataplasme sur une
plaie sans l'avoir désinfectée. C'est exactement ce qu'on veut
faire avec ce projet de loi. Ce projet de loi favorise quoi? Je pose cette
question parce que, pour favoriser l'agriculture, il faut des mesures qui
favorisent l'agriculteur et cela, je pense que le ministre de l'Agriculture et
de l'Alimentation ne l'a pas compris. Pour favoriser l'agriculture, il faut des
mesures qui favorisent l'agriculteur. Ce projet de loi n'en contient pas, il
n'apporte aucun remède aux vrais problèmes de l'agriculteur. Il
ne contient aucune mesure incitative qui permettra aux jeunes d'accéder
à la profession d'agriculteur.
Peu de jeunes veulent se lancer en agriculture parce qu'ils trouvent la
chose peu attrayante, peu rémunératrice par rapport à la
somme de travail investi. On n'a qu'à comparer un jeune agriculteur
à un jeune qui travaille dans l'industrie avec le salaire, les avantages
sociaux et les conditions de vie pour comprendre son attitude. Avec ce projet
de loi, on lui enlève même le goût de devenir
propriétaire de son entreprise en lui enlevant son principal facteur de
production qu'est la terre et on veut tout simplement lui louer. Il faut
plutôt permettre...
M. Picotte: Etant donné qu'il est 17 h 55 et nous n'avons
pas quorum, il serait peut-être plus facile de suspendre et de revenir
à 20 heures plutôt que vous demander le quorum, M. le
Président.
Une Voix: ... ce n'est pas lui qui...
M. Picotte: II s'agit de compter, M. le Président.
Le Président: Vous pouvez poursuivre, M. le
député de Bellechasse.
M. Goulet: M. le Président, j'étais en train de
dire qu'on voit comment ce projet de loi intéresse les gens du Parti
québécois, on a été obligé d'invoquer le
quorum à plusieurs reprises cet après-midi.
De toute façon, avec ce projet de loi, je disais qu'on
enlève...
M. Charbonneau: Question de privilège. M. le
Président, je pense que c'est mon privilège comme
député dans cette Chambre, pour avoir été
présent tout l'après-midi, de corriger l'affirmation qui vient
d'être faite par le député de Bellechasse disant
qu'à plusieurs reprises, durant la séance de cet
après-midi, on a invoqué le quorum. C'est faux et les gens qui
ont suivi les débats à la télévision savent que le
député de Bellechasse vient de mentir effrontément
à la Chambre et à la population du Québec.
Le Président: M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: M. le Président, de mon siège de
député, je demande au député de Verchères de
retirer ses paroles. Je n'ai pas menti à la Chambre et je prends
à témoin le député de Vanier...
Le Président: Bon. A l'ordre, s'il vous plaît, M. le
député de Bellechasse!
Un moment s'il vous plaît. M. le ministre, je reviens à
vous tout de suite. M. le député de Verchères, je vous
demande, avec la gentilhommerie qui est la vôtre normalement, de retirer
ce mot qui est non parlementaire.
M. Charbonneau: M. le Président, je n'ai pas l'intention
de retirer des paroles qui... Il me semble que tous les gens qui ont
écouté la session cet après-midi...
Le Président: M. le député de
Verchères, ma décision est rendue, le terme que vous avez
utilisé est non parlementaire. Peu importe le contenu, M. le
député de Verchères. Je vous rappelle le règlement
à cet égard. Peu importe que vous ayez raison ou non sur le fond,
le terme est non parlementaire. Je vous invite, M. le député de
Verchères, à le retirer.
M. Charbonneau: Dans ce cas, M. le Président, vous avez
peut-être le dictionnaire à la portée de la main.
J'aimerais que vous me donniez un adjectif pour qualifier ce que le
député de Bellechasse vient de faire.
Le Président: M. le député de
Verchères, je vous invite à retirer le mot. Connaissant votre
gen-tilhommerie, je vous invite à le faire.
M. Charbonneau: M. le Président, est-ce que j'ait
traité le député de menteur? J'ai dit qu'il avait menti,
je pense...
Le Président: Le terme est non parlementaire. Je n'y peux
rien.
M. Charbonneau: Vous me permettez quand même de dire que
ceux qui nous écoutent ne sont pas dupes. C'est inexact ce qu'il vient
de dire. Franchement, il ne faut pas nous prendre pour des enfants
d'école.
Le Président: M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: M. le Président, je pourrais soulever maintes
et maintes questions de privilège. Le député de Vanier
sait très bien ce que je veux dire et, à l'avenir, au lieu
d'avertir le leader adjoint, dès que nous n'aurons pas quorum, nous le
soulèverons de notre siège. Cet après-midi, à
plusieurs reprises, nous n'avions pas quorum et j'aimerais que le
député de Vanier confirme mes dires parce que je le lui ai
rappelé. Il y a toujours bien des limites pour se faire traiter de
toutes sortes de choses en Chambre, M. le Président!
M. Bertrand: M. le Président...
Le Président: M. le député de Vanier.
M. Bertrand: ... je ne voulais pas me lever même si le
député de Bellechasse a mentionné le député
de Vanier à quelques reprises dans sa dernière intervention, mais
je dois dire à cette Chambre qu'il est exact que le député
de Bellechasse, à deux occasions cet après-midi, m'a dit: Si
votre monde n'est pas en Chambre, on va intervenir pour signifier que le quorum
n'est pas respecté. Le député de Bellechasse admettra,
comme vient de le dire le député de Verchères, qu'il n'a
pas publiquement, comme c'est son droit selon le règlement,
invoqué l'article qui indique qu'il n'y a pas quorum. C'est sur cela que
le député de Verchères a eu raison de dire que
c'était inexact de dire que le quorum avait été
invoqué si le député de Bellechasse veut bien
me laisser une seconde même si le député de
Bellechasse m'a demandé à certains moments que nos
députés soient en Chambre, etc., ce qui est normalement, comme
vous le savez fort bien, le travail du whip et non pas du leader adjoint du
gouvernement.
Le Président: L'Assemblée suspend ses travaux
jusqu'à 20 heures.
Fin de la séance à 18 heures
Reprise de la séance à 20 h 8
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
M. le député de Bellechasse, en vous indiquant qu'il vous
reste cinq minutes pour terminer votre intervention.
M. Goulet: D'accord, M. le Président. Je vous remercie,
bien que j'aie été interrompu cinq bonnes minutes!
M. le Président, je vous avise tout de suite, sans vouloir
déranger la Chambre, qu'immédiatement après mon
intervention, je soulèverai une petite question de privilège pour
rétablir certains faits.
Je disais donc, lorsque nous avons suspendu pour l'heure du repas, M. le
Président, que pour revaloriser la profession d'agriculteur, c'est le
ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation qui est le meilleur
véhicule de promotion parce que c'est lui qui a intérêt
à avoir une relève efficace. Le ministère de l'Agriculture
doit être conscient que l'installation de nouveaux agriculteurs,
notamment des jeunes est une nécessité économique. C'est
aussi un moyen efficace de modernisation en raison du dynamisme des jeunes et
de leur réceptivité plus grande en moyenne que celle de leurs
aînés, réceptivité au niveau technique, M. le
Président. C'est pour cela que nous aimerions nous assurer que ces gens
sont propriétaires de leurs fermes et c'est le but même de notre
intervention. La relève agricole, c'est l'avenir de l'agriculture. Il
faut prendre les moyens pour que les jeunes soient aptes à relever le
défi que l'agriculture leur lègue. On peut expliquer la faible
entrée des jeunes par le manque d'attrait que l'agriculture procure.
C'est un facteur, mais non le seul. En effet, le manque de financement n'aide
en rien la venue d'aspirants agriculteurs, c'est plutôt un facteur qui
accentue l'exode agricole.
Ce problème de financement est criant chez nos agriculteurs et
ils ont malheureusement l'ultime gloire de détenir la palme d'or et de
l'endettement au Canada. Je pense que ce n'est pas un honneur. En effet,
l'agriculteur s'endette de plus en plus sans arriver à accroître
son revenu réel. Ses dettes se sont accrues de 115% en sept ans, passant
de $537 millions à $1,15 milliard. Pendant ce temps, ses revenus nets ne
progressaient que de 69%. Or, cette dette de $1,15 milliard représente
24% du capital agricole québécois. C'est cela qui est malheureux.
Si on la compare à celle d'autres provinces, par exemple, en Ontario,
elle est à 13,5%, en Saskatchewan, en Alberta, au Manitoba, tout
près de 13%; il y a seulement au Nouveau-Brunswick où elle est
à 20%, et au Québec, nous sommes à 24%. (20 h 10)
Les agriculteurs québécois sont en train de s'enliser dans
les dettes parce qu'ils ne sont pas capables d'écouler la production qui
leur permettrait d'obtenir des revenus suffisants pour l'investissement
effectué. Les Québécois ont vu leur rendement, par rapport
au capital investi, passer de 10,25% en 1970 à 8,22% en 1977; donc, une
baisse de 19,8%. Je pense qu'il faut prendre cela en considération.
On se rend compte que le gouvernement actuel ne semble pas vouloir
comprendre les difficultés de ces agriculteurs. Au lieu de chercher
à accroître le revenu des agriculteurs pour qu'ils obtiennent un
meilleur rendement sur le capital investi, on nous propose une banque de terres
qui ne favorise pas un accroissement du revenu par une augmentation de la
production. Au contraire. On va diminuer le capital investi de l'agriculteur.
De cette façon, on obtiendra peut-être le même
résultat. C'est justement là-dessus qu'on ne s'entend pas. De
toute façon, c'est beaucoup plus facile comme cela, même si cela
coûte plus cher au gouvernement. D'ailleurs, ce n'est pas la
première fois que le gouvernement actuel agit de cette façon. Il
nous a imposé la loi 116 qui avait le même but, diminuer la
production des agriculteurs. Lorsque nous faisons face à des faits aussi
désastreux pour l'agriculture en général, on peut se
rendre compte de la taille du problème de financement qui incombe aux
jeunes agriculteurs.
M. le Président, je vois que vous me faites signe. J'irai assez
rapidement. A la lumière d'une situation qui ne cesse de se
détériorer, le législateur se doit de privilégier
l'installation des jeunes agriculteurs par le canal du crédit, en
prévoyant à leur bénéfice des avantages
spécifiques sous forme de bas taux d'intérêt sur des
prêts à moyen terme ou sous forme de subventions. L'agriculteur,
même s'il est obligé d'emprunter pour sa ferme à des bas
taux, lorsqu'il est propriétaire de sa ferme, il a quand même la
motivation d'être le propriétaire plutôt que d'être
locataire. Là est le sens même de notre argumentation, être
d'abord le propriétaire. M. le Président, l'agriculture, en
général, et, en particulier, la relève font face à
un grave problème de financement. La forme d'aide que le gouvernement
est appelé à apporter doit tenir compte que l'entreprise agricole
requiert un investissement trois fois plus élevé que dans les
autres industries par dollar de revenu brut, que les risques qu'elle encourt
sont élevés et qu'elle est soumise aux mêmes normes de
rentabilité que les autres entreprises.
C'est en ce sens, M. le Président, en terminant, que je vous dis
que l'Union Nationale appuierait sans réserve la formation d'une banque
de
crédit régionale qui fournirait à chacune des
régions, suivant la particularité propre à chacune
d'elles, du crédit à bon compte. Cette forme de crédit
aiderait le producteur en lui procurant l'argent nécessaire à
l'achat de machinerie agricole et autres choses indispensables au
fonctionnement efficace d'une entreprise agricole. Le gouvernement prend le
problème par le mauvais bout. Comment voulez-vous qu'un producteur
agricole agrandisse ou pense agrandir sa ferme s'il est incapable
d'écouler sa production actuelle? Comment voulez-vous, M. le
Président, qu'un producteur soit encouragé à produire
davantage si son gouvernement ne fait qu'adopter des lois comme la loi 116, une
loi qui freine l'expansion des fermes?
Il n'appartient pas, M. le Président, en terminant, au
gouvernement de jouer à l'agent immobilier en achetant, en vendant ou en
louant des terres. Le gouvernement devrait plutôt s'appliquer à
retourner à la vocation agricole les terres abandonnés ou non
utilisées, obliger ces propriétaires terriens, par une lourde
taxe ou une autre mesure appropriée, de cultiver ces terres, et ainsi le
Québec pourrait, dans un proche avenir, développer son potentiel
agricole au maximum.
Voilà les propos que je voulais tenir en deuxième
lecture.
M. le Président, étant donné que j'en avais
demandé la permission loin de moi l'idée de
déranger la Chambre ou encore de soulever un autre débat
je voudrais soulever une question de privilège. C'est l'entente que
j'avais eue avec vous dès le début de la séance de ce
soir. Nous nous sommes quittés sur une question de privilège
soulevée par le député de Verchères et par
moi-même. Je vais tenter de le faire le plus sereinement possible. Les
propos qui ont occasionné ce débat sont, de ma part, les
suivants: "... on a été obligé d'invoquer le quorum
à plusieurs reprises cet après-midi." Ce à quoi le
député de Verchères a rétorqué que j'avais
menti à la Chambre et menti aux Québécois.
Je voulais tout simplement soulever le fait que loin de moi était
l'idée d'un mensonge, petit ou gros, parce que je suis allé au
journal des Débats chercher les galées et je me suis
aperçu qu'à 17 h 55 le député de Maskinongé,
M. Picotte, avait dit et je cite ses paroles: "Etant donné qu'il est 17
h 55 et nous n'avons pas quorum, il serait peut-être plus facile de
suspendre et de revenir à 20 heures plutôt que vous demander le
quorum, M. le Président." C'était au moins souligner l'absence de
quorum, parce que j'ai bien dit dans mon intervention "on a été
obligé" et non pas "nous".
Quant à "à plusieurs reprises", M. le Président, je
m'explique et c'est le but de ma question...
Une Voix: Ce sont les libéraux qui...
M. Goulet: "On", je n'ai pas dit "j'ai". M. le Président,
je remercie le député de Vanier pour avoir, par son
objectivité, permis de rétablir les faits d'un côté
comme de l'autre parce que peut-être que les deux députés
avaient raison. Je cite le député de Vanier à la page 5499
des débats de cet après-midi: "... mais je dois dire à
cette Chambre qu'il est exact que le député de Bellechasse,
à deux occasions cet après-midi, m'a dit: Si votre monde n'est
pas en Chambre, on va interpeller la Chambre pour signifier que le quorum n'est
pas respecté." C'est ce que je lui ai dit ici, mais pas dans mon micro,
je le reconnais. Cela faisait quand même trois fois. "Le
député de Bellechasse admettra, comme vient de le dire le
député de Verchères, qu'il n'a pas publiquement, comme
c'est son droit selon le règlement, invoqué l'article qui
signifie qu'il n'y a pas quorum."
Ce que je voulais dire, c'est qu'à trois reprises, à ma
connaissance, la question du quorum avait été soulevée,
dont une fois officiellement et deux fois officieusement, parce que je
m'étais adressé au leader adjoint à travers la Chambre,
sans passer par le micro. Ces deux dernières fois, probablement que le
député de Verchères n'était pas au courant.
Je pense que ces accusations d'avoir menti à la Chambre ne sont
pas à la hauteur du député de Verchères et je le
lui demande en toute sérénité de bien vouloir les retirer
après l'explication que j'ai donnée.
Le Vice-Président: M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, j'avais l'impression que
j'avais retiré, du moins, le qualificatif. J'en avais utilisé un
moins offensant, mais, paraît-il, il n'était pas parlementaire.
Mais la mise au point que vient de faire le député de Bellechasse
et surtout l'affirmation que, dans le fond, les deux députés
avaient sans doute raison, chacun dans son interprétation, clôt le
débat, à mon point de vue. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Tout est bien qui finit bien. M. le
député de Saint-François.
M. Réal Rancourt
M. Rancourt: M. le Président, ce soir, en prenant la
parole sur la Loi modifiant la Loi du ministère de l'Agriculture, je le
fais en tant qu'agriculteur. Je me retrouve ici, à l'Assemblée
nationale, simplement parce que comme agriculteur, dans les années
soixante-seize, avec tout le contexte dans lequel on vivait au cours de ces
années, je me suis dit, une bonne fois: Plutôt que de toujours
critiquer, qu'est-ce que je ferais si j'allais à l'Assemblée
nationale? J'ai regardé les partis en lice, bien sûr, et le seul
endroit où je me suis retrouvé à l'aise, c'était au
niveau du Parti québécois.
Depuis ce temps, le Parti québécois a
présenté des lois qui, comme la loi 90, ont fait que nous avons,
au départ, cherché d'une façon partielle, peut-être,
mais quand même réussi à délimiter une zone agricole
protégée. On pourrait dire qu'il y a encore des problèmes,
bien sûr; c'est que ça fait seulement une année que nous
avons décrété les zones protégées. Je crois
qu'il y a là cohérence du gouvernement et cohérence du
Parti québécois, surtout en agriculture.
Maintenant que nous avons protégé une partie de notre sol
et, j'espère, le reste du Québec très bientôt
en décrétant d'autres régions il y a eu aussi la
loi 125 qui, pour moi, est très importante parce qu'elle permettra,
suivant qu'une ou l'autre en prenne charge, de couvrir le Québec
très rapidement dans l'aménagement du territoire. En dehors de
l'agriculture, nous allons aménager pour les Québécois,
jusque dans les années 2000, notre territoire d'appartenance. (20 h
20)
En plus des lois agricoles, en incluant les lois du crédit, un
train de mesures concernant le crédit, je pense qu'il faudrait aussi
mentionner justement cette cohérence du gouvernement qui a fait un
sommet agro-alimentaire en le faisant suivre de mini-sommets dans le sens de
l'industrie céréaliè-re qui a eu lieu la semaine
dernière à Saint-Hyacinthe, à Sherbrooke, la fin de la
semaine prochaine sur l'industrie bovine, un peu plus tard à Rimouski
sur l'industrie laitière et autres. Ayant protégé le sol,
maintenant il s'agit, pour l'agriculture d'aujourd'hui et de demain je
pense que comme gouvernement et comme député agricole, c'est mon
devoir ici à cette Assemblée de trouver une façon
de revaloriser l'agriculteur. Parfois, j'ai été
déçu de voir, ici à l'Assemblée nationale, la
façon dont on traite les problèmes agricoles, surtout les partis
d'Opposition. On dit souvent: si vous aviez un chapeau, vous parleriez à
travers.
Cette loi d'une banque de sols, je me répète, c'est une
cohérence du gouvernement. Je vais parler de ma région en
particulier qui n'est pas zo-née agricole, qui n'est pas dans une zone
agricole. Il y a des fermes chez nous qui se vendent peut-être à
des prix très élevés comparativement je laisse de
côté la région de Montréal, la plaine
à d'autres régions périphériques du Québec.
Il y a chez nous des fermes qui sont des unités rentables jusqu'à
un certain point de vue. Parfois, il y a un père de famille, c'est une
ferme familiale. Je m'en tiens au type de ferme familiale. Ce père de
famille qui a une unité rentable, une ferme rentable, a aussi des fils
et, actuellement chez nous, le fils a de la difficulté à acheter.
Le père n'est pas encore assez âgé, il a peut-être 50
ans et il n'y a pas suffisamment grand d'espace pour former une
société. Chez nous, les fermes maintenant ce sont des
sociétés père-fils de plus en plus, et fille-frère.
C'est une industrie, chez nous. En partant de là, cette loi est d'une
valeur inestimable.
Je vais vous donner un cas où cela pourrait s'appliquer. Dans ma
région, il y a une ferme qui est une unité rentable, une
industrie laitière d'une centaine de vaches. Cette unité est
rentable pour un individu avec un fils, mais il y en a un autre qui a 22 ans,
par exemple, qui ne peut pas s'intégrer à la
société.
Vous me direz: Que vient faire la banque de sols à
l'intérieur de cela? Mais il y a un voisin, par exemple, et celui-ci
veut vendre. Le coût de la ferme est peut-être de $200 000 ou $300
000, c'est une autre unité rentable, mais le fils n'a pas les moyens et
il ne peut pas aller chercher au niveau du crédit agricole,
actuellement, le maximum; c'est-à-dire qu'il peut aller chercher le
maximum, mais il faut toujours conserver la notion de rentabilité en
agriculture, et l'Office du crédit agricole et ceux qui prêtent
ont cette notion de rentabilité.
Il pourrait arriver que, pour augmenter cette rentabilité de deux
ou de trois fermes, l'Office du crédit agricole, l'agence qui est
mandatée par le gouvernement, achète d'une façon claire et
nette la ferme voisine qui est disponible en trouvant une formule et qu'elle
l'offre à l'agriculteur. D'ailleurs, ne vous en faites pas, les
agriculteurs vont trouver facilement des façons d'appliquer cette loi,
de l'utiliser. Les gars chez nous, ce sont des gestionnaires en agriculture, ce
sont des gestionnaires au point de vue financier aussi. Donc, en utilisant
cette loi, ils pourront se rendre au crédit agricole et demander
d'acheter la ferme pour la louer pour une période de cinq ans. Ils
essayeront de trouver une méthode et peut-être d'aller chercher du
crédit à la production pour l'office pour augmenter la notion de
rentabilité au niveau des deux ou trois fermes réunies, en
société ou autrement. Partant de là, cela fera que le fils
de l'agriculteur pourra s'intégrer, et le deuxième fils pourrait
s'intégrer à la ferme déjà existante.
Quand on parle de socialisme, comme je l'ai entendu en deux occasions de
l'Union Nationale et des libéraux, je trouve que c'est vraiment
charrier. Est-ce du socialisme que permettre à un office
créé par le gouvernement du Québec d'acheter une ferme et
de la louer pour une période, sous promesse d'achat dans les quelques
années futures? En fin de compte, mon voisin de fauteuil dit c'est du
capitalisme d'Etat; c'est peut-être vrai. C'est cela qu'on vous dit.
Croyez-vous que l'agriculteur va vouloir nécessairement toujours en
être locataire? Je sais que les individus chez moi vont vouloir
l'acheter. Ils vont l'acheter parce que c'est permis par la loi, et si dans
d'autres régions on peut essayer de louer par quelqu'un pour une longue
période, il y a parfois des périodes...
Si un bonhomme de 40 ans, par exemple, veut faire de la production
céréalière ou la culture du maïs on va prendre
la plaine de Montréal pour lui, est-ce nécessairement
rentable d'acheter? Peut-être pas, toujours pour la notion de
rentabilité que certains d'entre vous considèrent le nec plus
ultra. La notion de rentabilité existe en agriculture et pour cet
agriculteur qui veut faire de la production céréalière en
maïs-grain ou autre chose, la notion de rentabilité dira
peut-être que c'est préférable pour lui de louer pour les
années qui lui restent en agriculture, à son âge, et
à faire fructifier la terre. Dans le fond, cette ferme qui a
été en production, c'est du capital pour tout le Québec,
pour tous les Québécois. Cela permet justement d'augmenter notre
production en viande bovine.
Je me trouve dans une position où je ne comprends pas du tout les
partis d'Opposition qui nous disent qu'ils vont voter oui et qui parlent
contre, ceux qui nous disent qu'ils sont absolument contre tout le principe de
la loi. Je crois qu'il
n'y a qu'une cohérence dans tout ce que nous avons fait, au
gouvernement du Québec, pour l'agriculture. Ce que les agriculteurs du
Québec recherchent, c'est la rentabilité; ces gens ont besoin de
fiscalistes. Je demande au ministre de l'Agriculture qu'il y ait dans les
bureaux régionaux d'agriculture des fiscalistes pour permettre la
transition d'une ferme d'un à l'autre. Dans ma région, j'ai des
fermes qui se sont vendues $1 500 000. Croyez-vous que la Société
du crédit agricole va prêter à un jeune le montant pour
acheter cette ferme? Jamais de la vie, ce n'est pas possible. Même si on
pouvait trouver l'argent, pour ce jeune de 26 ou 27 ans, rembourser $1 500 000
en capital et intérêts, c'est impossible. Toujours la notion de
rentabilité.
Je pense qu'il y a une possibilité d'utilisation des fermes qui
sont actuellement en vente dans des régions données sous forme de
location afin de permettre d'augmenter cette rentabilité en agriculture.
Comme agriculteur, je n'ai pas et la plupart des agriculteurs n'ont pas
tendance à parler longuement sur un sujet, mais ils le comprennent
rapidement. Depuis que je suis ici, à l'Assemblée nationale, cela
a été une de mes difficultés d'adaptation d'entendre
parler pour ne rien dire, pour essayer de trouver des solutions qu'on ne
cherche même pas. Nous, on essaie de les chercher, alors qu'on tourne
autour du pot du côté de l'Opposition. Comme agriculteur, je tiens
à dire que je retournerai en agriculture parce que c'est mon seul
métier et je pourrai me dire, quand j'y retournerai, que j'ai fait mon
devoir au niveau de l'amélioration de l'agriculture au Québec et
je pense que tous les députés ici, surtout ceux du caucus
agricole, auront cette fierté de l'avoir fait.
Donc, pour ne pas faire mentir l'adage qui dit que les agriculteurs ne
sont pas des gens qui parlent pour ne rien dire, mais qui veulent qu'on agisse,
je vais me taire là-dessus en vous disant que je pense que tous ceux qui
veulent vraiment prouver qu'on veut faire quelque chose de valable de
l'agriculture ne peuvent faire autrement que d'accepter un projet de loi
semblable. Qu'on le discute dans ses modalités ou dans ses
détails, je suis d'accord, mais pas de partage inutile parce que c'est
un besoin et, d'ailleurs, il y aura d'autres projets de loi qui vont suivre qui
vont prouver, encore une fois, cette cohérence que le gouvernement du
Québec a pour l'agriculture du Québec. Merci. (20 h 30)
Le Vice-Président: Est-ce que la motion de deuxième
lecture du projet de loi no 43 sera adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Vice-Président: M. le député de
Deux-Montagnes.
M. Pierre de Bellefeuille
M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne peux pas
laisser passer cette occasion de dire quelques mots sur le projet de loi que
nous avons devant nous parce que je représente le comté de
Deux-Montagnes où se trouve Mirabel, y compris un territoire agricole
important qui a été exproprié par le gouvernement
fédéral il y a environ dix ans. Ce projet de loi est d'une
importance particulière par rapport aux terres agricoles de Mirabel
puisqu'il a principalement pour objet, comme le disent les notes explicatives,
de permettre au ministre de l'Agriculture de constituer une banque de terres
arables en vue de disposer de ces terres ou de les louer pour favoriser la
relève en agriculture, etc.
Je vais vous rappeler les grandes lignes de ce qui s'est passé
à Mirabel depuis 1969. Il y a eu une expropriation qui a
été faite à la suite de cette décision que le
gouvernement fédéral avait prise d'implanter là-bas le
nouvel aéroport international de Montréal. Cette décision,
comme vous le savez, avait été prise contre la volonté du
gouvernement du Québec qui, à l'époque, était un
gouvernement de l'Union Nationale. Ottawa a exproprié un très
vaste territoire, beaucoup plus vaste que ce qui était exigé par
ses besoins aux fins de l'aéroport. Il y a toutes sortes d'explications
qu'on a avancées depuis pour montrer pourquoi Ottawa a exproprié
environ 80 000 acres de bonnes terres agricoles de trop. La principale
explication, c'est, je crois, qu'Ottawa se méfiait du gouvernement du
Québec et n'était pas sûr de jouir de la collaboration du
gouvernement du Québec. Alors, Ottawa a exproprié une très
vaste zone afin d'exploiter, de contrôler ce territoire à son
gré.
Dans ces 80 000 acres de terres agricoles dans la région de
Mirabel, on trouve, de fait, entre 6% et 7% des terres de catégorie A au
Québec. Comme vous le savez, au Québec, on n'est pas
gâté par les terres de catégorie A; on en a relativement
peu et il y a entre 6% et 7% qui se trouvent dans ce territoire. C'est donc un
morceau de territoire agricole extrêmement important pour le
Québec.
Quand Ottawa a pris cela en main, on a permis aux gens d'y pratiquer
l'agriculture, mais c'est, depuis dix ans, de l'agriculture en location avec
divers genres de bail. Le bail le plus courant était un bail de cinq ou
dix ans. Cependant, tous les baux comportaient, M. le Président, une
clause d'annulation à six mois d'avis. Ce qui fait que les producteurs
agricoles locataires de Mirabel ne pouvaient pas vraiment faire de
l'agriculture moderne, de l'agriculture rentable parce que pour faire de
l'agriculture de nos jours et plusieurs intervenants dans le
débat l'ont dit il faut faire des investissements
considérables. Quand on a un bail avec une clause d'annulation à
six mois d'avis, il n'est absolument pas question vous le comprendrez,
M. le Président de risquer des investissements, alors qu'on n'est
pas propriétaire du sol et qu'on peut être évincé
à brève échéance.
Le résultat, M. le Président, c'est que ces belles terres,
où il y a des paroisses dont vous connaissez certains des noms on
a surtout parlé de Sainte-Scholastique, mais il y a plusieurs autres
paroisses dans ce secteur qui ont été groupées en une
nouvelle et très vaste municipalité qui
s'appelle Mirabel la partie agricole de ce territoire est
gravement sous-exploitée. C'est un territoire qui est plus ou moins
à l'abandon à cause des conditions faites par le gouvernement
d'Ottawa.
Malgré tout, il y a là une population fière qui a
su se retrousser les manches, se relever et se remettre du très grand
dérangement que fut l'expropriation d'il y a dix ans. Je me souviens
qu'à la suite de l'expropriation, il y avait des paroisses qui
présentaient un visage vraiment pénible. Je songe, par exemple,
au village de Sainte-Monique où on avait vraiment l'impression que
c'était devenu un village fantôme, il y a quelques années.
Il y avait peu de gens qui y habitaient. Il y avait beaucoup de constructions
qui étaient plus ou moins à l'abandon de façon très
littérale, mais depuis, Sainte-Monique est redevenue une très
belle paroisse. C'est redevenu très joli, Sainte-Monique, parce que les
gens, quand même, n'ont pas cédé au découragement.
Ils ne se sont pas laissés aller. Ils se sont ressaisis. Il y a des gens
qui ont travaillé avec eux dans le cadre de ce grand effort pour se
retrousser les manches et reprendre possession de leur milieu de vie. Il y a un
un comité des expropriés qui a été organisé,
ce comité a évolué et est devenu aujourd'hui le Centre
d'information et d'animation communautaire, le CIAC. Avec des dirigeants locaux
je n'en nommerai qu'un seul, le curé Duquette, de
Sainte-Scholastique de grande valeur, ils ont réussi à
lutter contre la volonté d'Ottawa, à imposer leurs points de vue
à certains égards, mais ils n'ont pas pu régler le
problème de fond qui est le problème de ce bail à court
terme avec clause d'annulation à six mois d'avis. Ce problème
existe encore. Il n'est pas réglé.
Notre projet de loi no 43, justement dont je félicite le
ministre parrain va nous permettre de régler ce problème.
Notre ministre de l'Agriculture a déjà fait des
représentations auprès de l'ancien gouvernement d'Ottawa sur
cette question et il a repris maintenant les démarches auprès du
nouveau gouvernement d'Ottawa.
J'invite le ministre, maintenant que nous a-vons en main cet instrument,
ce projet de loi qui va nous donner le moyen d'assurer la relance agricole de
Mirabel, à intensifier ses démarches auprès du
gouvernement d'Ottawa afin que le Québec reprenne contrôle et
possession des belles terres de Mirabel. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: Merci. M. le ministre de l'Agriculture
et de l'Alimentation.
M. Garon: Vas-y.
Le Vice-Président: M. le député de Berthier.
M. Jean-Guy Mercier
M. Mercier: M. le Président, je m'en voudrais de laisser
passer une occasion de formuler certains commentaires sur un projet de loi que
j'estime extrêmement important et qui, apparemment, ne semble pas
susciter beaucoup d'intérêt du côté de l'Opposition,
et à tort, je pense...
Une Voix: Au contraire.
M. Mercier:... puisqu'il s'agit là d'un projet de loi
majeur. En fin de compte, on peut se poser la question: Pourquoi une banque de
sols? Il faut bien comprendre qu'on ne crée pas un organisme de toutes
pièces pour exercer des pouvoirs qui n'existent pas. Au contraire, ces
pouvoirs existent et, bien souvent, ils font l'objet d'un certain nombre de
responsabilités à l'intérieur de quelques
ministères. Je pense, par exemple, au ministère des Transports,
bien sûr, mais également au ministère de l'Energie et des
Ressources. Je pense également à toute cette importance qu'il y a
dans une politique d'ensemble de relance de l'agriculture d'avoir un organisme
qui puisse faire cette jonction entre l'offre et la demande. La banque de sols
va essentiellement servir, premièrement, à établir cette
jonction. Des agriculteurs ont des fermes bien établies, bien
organisées, et cherchent, à cause de l'âge de la retraite
ou pour absence de relève, à s'en départir mais ils ne
trouvent pas nécessairement un acheteur. Le prix des terres, Dieu sait
à quel point il a fluctué pour toutes sortes de raisons. Il y a
quelques années, dans certaines régions, de très belles
fermes bien organisées devaient être vendues
séparément, en pièces, puisque le prix des terres
était à peu près nul. Il s'agissait que quelques terres se
vendent à des prix élevés et, spontanément, le prix
des terres, dans toute une région, devenait absolument astronomique et
cela devenait tout à fait inaccessible aux jeunes agriculteurs. Ne
serait-ce que pour stabiliser un petit peu l'équilibre entre l'offre et
la demande pour les terres organisées pour lesquelles nous avons besoin
d'une relève de qualité pour utiliser ces actifs et continuer
à les faire fructifier, nous avons besoin d'un organisme de ce genre
pour en permettre l'achat à des jeunes, qui n'ont pas les moyens
financiers nécessairement, mais qui ont l'expérience et la
compétence. En somme, il ne s'agit pas de distribuer des terres et des
actifs considérables à des gens qui ont simplement un attrait
momentané pour l'agriculture. Il existe un potentiel de jeunes
formés et aptes à prendre la relève en agriculture n'ayant
pas nécessairement le capital nécessaire, mais prêts
à entrer en possession et à faire fonctionner une ferme. (21 h
40)
Cette banque de sols peut établir cette jonction entre des fermes
déjà bien organisées, mais sans relève, et des
jeunes, d'autre part, qui veulent s'en porter acquéreurs. Egalement,
l'absence totale de planification et d'aménagement du territoire a fait
en sorte que beaucoup de terres ont été laissées en
friche, plus ou moins organisées, achetées par des gens qui
espéraient un profit facile. Il faudrait, à un moment
donné, les réutiliser pour l'agriculture ou pour d'autres
vocations, le reboisement ou autre chose. Je pense que la banque de sols sera
utile là aussi.
Cette banque de sols pourra fournir également une expertise
technique dont on a absolument besoin. On a mentionné le cas de ces
autoroutes. Il y a, près de chez moi, dans ma région,
l'autoroute 40 qui a laissé des dizaines de parcelles de terrain
de cinq arpents, dix arpents et, dans certains cas, trente ou quarante arpents
absolument inutilisées et qui, sans avoir toujours un potentiel pour
l'agriculture telle qu'on la connaît, ont un potentiel au moins pour des
activités forestières. De magnifiques boisés sont
là sans utilisateurs et, finalement, le ministère des Transports
n'a pas l'expertise technique, présentement, et n'a pas la
préoccupation de réutiliser à des vocations agricoles ou
forestières ces parcelles de terrain. Il s'en est déjà
vendu au plus offrant, dans certaines périodes, au moment où la
terre ne valait presque rien, il y a dix ou quinze années, dans
certaines régions, pour des chansons, et parfois pour des prix beaucoup
trop élevés pour la valeur que ça avait vraiment.
Manifestement, les gens du ministère des Transports n'étaient pas
aptes à définir, en fonction d'une vocation et d'un potentiel qui
doivent être évalués, techniquement parlant, la
véritable valeur de ces parcelles de terrain ni à les
réintroduire dans un circuit où elles auraient pu être
profitables au point de vue économique.
La banque de sols pourra fournir cette expertise technique. Pour Mirabel
ou pour toute autre terre acquise par les différents ministères
et dont on ne sait trop quoi faire à l'intérieur des
ministères, présentement, la banque de sols pourra être un
atout précieux. Dans le nord de mon comté, on voit à quel
point de nombreux billets de location traînent, avec toutes les
difficultés que ça représente en ce qui concerne les
titres. Le ministère des Terres et Forêts jouait depuis quelques
années un rôle croissant dans le domaine des terres; l'ancien
ministère de la Colonisation en avait joué un aussi bien avant.
Il faut voir à quel fouillis on assiste dans ce secteur avec des billets
de location de terres qui ont été transmises dans des conditions
absolument bizarres et pour lesquelles, tôt ou tard, il faudra
également régulariser la situation et réutiliser les
terrains.
On a dit cela frappe le sens commun que dans les endroits
où on a les meilleures terres, il faut les réutiliser pour
l'agriculture. C'est également extrêmement important en
périphérie des terres de la couronne dans des régions
forestières comme Saint-Michel-des-Saints, Saint-Zénon, dans ces
régions où il existe encore des territoires privés ou des
territoires à propriété contestable et contestée.
Ces territoires pourraient être utilisés à profit pour des
exploitations forestières intéressantes, de façon qu'elles
deviennent elles aussi de petites entreprises exploitées, où on
pourrait commencer à modifier un type d'exploitation forestière
qui, bien souvent, n'a pas toujours été au profit de ces
municipalités et des petites scieries qui auraient pu subsister si elles
avaient pu compter sur des petits boisés d'une centaine d'arpents bien
entretenus pour s'approvisionner.
Je pense, M. le Président, que dans ce secteur, également,
la banque de sols pourrait être un atout considérable, ne
serait-ce que pour sortir de ce fouillis dans lequel on se retrouve avec des
titres bizarres et pour lesquels on constate que le ministère des Terres
et Forêts n'est pas bien équi- pé présentement, ni
le ministère de l'Agriculture. Ce sont des terrains auxquels nous
pourrons, à profit, redonner une vocation agricole ou
forestière.
Pour toutes ces raisons, cette banque de sols correspond à un
besoin que nous avons à cause des options et des choix politiques que
nous avons faits de redonner, à travers les vocations agricoles et
forestières, les vocations premières de notre territoire, un
essor économique qui nécessite un instrument comme
celui-là présentement.
Le Vice-Président: Merci beaucoup. M. le
député de Richmond.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Merci, M. le Président. J'aimerais
également faire quelques remarques brèves sur cette motion de
deuxième lecture du projet de loi no 43 visant à créer une
banque de sols arables au Québec. J'aimerais peut-être, en
commençant mes propos, enchaîner sur ce qui a été
souligné de façon intéressante par le député
de Saint-François. Je pense qu'au point de départ il faut voir la
perspective dans laquelle se situait le député de
Saint-François pour faire ses remarques. C'est lui-même un
agriculteur; donc, il a la connaissance du domaine pour l'avoir vécu
personnellement et il continue, je pense, si mes informations sont bonnes,
à le vivre puisqu'il possède sa ferme. Donc, il oeuvre
directement dans le milieu concerné et, à ce moment, il est
appelé à être en contact régulièrement avec
ses confrères qui travaillent dans le domaine agricole.
Le député de Saint-François a alors
mentionné une situation je ne sais pas si c'était
hypothétique ou s'il faisait référence, à ce
moment, à un de ses amis; on m'indique que c'était un cas
réel où une famille, par exemple, exploitant une ferme
voyait un de ses fils intéressé à participer à
l'entreprise familiale par le biais de l'acquisition d'une ferme voisine. Mais,
à cause du montant impliqué, c'est-à-dire $200 000
à $300 000 pour acquérir cette entité rentable en soi, il
devenait, à ce moment, impossible au garçon d'entrer dans cette
entreprise familiale avec sa part en recevant du crédit agricole les
sommes nécessaires pour faire face à ses obligations et exploiter
cette entité nouvelle liée à la ferme paternelle.
Dans l'approche que prend le gouvernement, actuellement, en
créant une banque de terres, il peut y avoir des possibilités
d'aide à de telles situations. Cependant, on doit considérer
également je pense que le ministre devra se pencher
là-dessus quels moyens on est prêt à offrir de plus
au jeune agriculteur qui veut entrer sur le marché direct de
l'acquisition d'une ferme rentable ou d'une entité rentable ou d'un
"partnership", d'une coopération à une entité
déjà existante. Qu'est-ce qu'on est prêt à faire
à l'Office du crédit agricole peut-être pour
améliorer la situation afin de lui permettre justement soit
d'acquérir une entité rentable en soi au coût de $200 000
à $300 000 ou soit d'avoir suffisamment d'argent pour être capable
d'entrer dans un "partnership" valable?
Le problème demeure entier et, même si on avait, je pense,
au point de départ cette banque, je ne crois pas que, le lendemain
matin, l'Office du crédit agricole dans les conditions actuelles serait
prêt à consentir davantage à l'individu auquel faisait
référence le député de Saint-François qu'il
n'est prêt à le faire dans le moment. On se retrouverait
exactement dans la même situation. Selon ses critères ou selon les
sommes d'argent ou les disponibilités financières que le
gouvernement veut bien mettre entre ses mains actuellement, si l'Office du
crédit agricole ne juge pas dans les circonstances actuelles qu'il peut
prêter un montant X dans ce cas bien précis, comment, demain
matin, lorsque la loi va être adoptée, le même Office du
crédit agricole, avec les mêmes possibilités, avec les
mêmes moyens financiers et avec les mêmes normes, va-t-il
être en mesure, cette fois, de dire: Oui, mon jeune, on t'encourage;
maintenant, tu peux y aller? Il n'y a absolument rien de changé, sinon
que la ferme aura tout simplement passé par le biais de la banque de
terres agricoles.
Ceci me fait dire, au point de départ, que la démarche est
peut-être intéressante à analyser, à
considérer, mais qu'en soi seulement cette opération, à
mon sens, ne peut pas suffire à répondre aux exigences et aux
demandes de ces jeunes agriculteurs qui, actuellement, ne peuvent pas, faute de
moyens et faute de possibilités au niveau de l'Office du crédit
agricole, se porter acquéreurs de telles entreprises. Donc, il ne
faudrait pas voir la création de cette banque de sols arables au
Québec comme une espèce de panacée qui, sans
répondre à toutes les situations, répondrait dans
l'ensemble à la grande majorité et serait une sorte d'âge
d'or pour la relève agricole ou pour ceux qui sont déjà
dans le milieu, mais qui voudraient s'agrandir. Le lendemain matin, M. le
Président, de l'adoption de ce projet de loi, on va être aux
prises, exactement, avec les mêmes réalités et avec les
mêmes possibilités surtout du côté de l'Office du
crédit agricole.
Je pense que, de ce côté, il faut mettre les choses dans
leur vraie perspective et je pense que c'est la responsabilité du
gouvernement; si, d'un côté, il veut ouvrir la porte pour donner
vraiment une chance à la relève, il faut qu'il se penche du
côté des moyens financiers ou du support technique qu'il est
prêt à donner via son Office du crédit agricole. Sans cela,
on se retrouve exactement devant la même situation. (20 h 50)
Ce serait faux, je pense, de laisser croire à la population
actuellement, et surtout à ceux qui sont impliqués dans le
domaine agricole, que cela pourrait répondre, dans un ensemble complet,
à leurs besoins de ce côté, si on ne fait pas les autres
corrections à l'Office du crédit agricole ou à d'autres
programmes qui pourraient être améliorés. Le ministre
pourrait peut-être me donner son point de vue là-dessus, et me
dire de quelle façon, si le projet de loi qu'il présente
actuellement est adopté à l'Assemblée nationale, il pourra
compléter, autrement dit, cette première approche au niveau de
l'Office du crédit agricole ou d'autres programmes qui pourraient amener
l'équilibre. Je pense que le ministre est conscient, d'après le
signe de tête qu'il me fait actuellement, que la simple création
d'une banque, si on ne modifie pas les autres choses autour, n'apporte pas le
roulement désiré et qu'on n'atteinda peut-être pas les
objectifs qu'on vise à atteindre par le projet de loi.
La relève, en matière d'agriculture, je peux vous en
parler également en connaissance de cause. Je sais qu'il existe une
relève intéressante en agriculture au Québec. Il y a des
jeunes qui sont issus de nos milieux ruraux et qui sont grandement
intéressés à continuer la lignée, comme on le dit
parfois, de leur père, de leurs ancêtres, soit sur la ferme
familiale, soit dans des entités distinctes, ou soit encore dans des
associations avec la ferme familiale ou avec leurs frères, ainsi de
suite. Il y a des jeunes qui sont remplis de courage, des jeunes qui ont de la
connaissance, qui ont l'expérience, qui ont souventefois la formation au
niveau des écoles d'agriculture et qui sont prêts, sauf qu'ils
attendent qu'on leur fournisse la possibilité ou les moyens au niveau
des encadrements législatifs ou au niveau des programmes pour le
faire.
Cela implique évidemment toute la question de la
rentabilité, mais j'aurai l'occasion d'y revenir dans un autre volet. Je
voulais simplement souligner, je pense que le ministre en est conscient
également, que la relève, il en existe une, et je pense qu'elle
est prête à fonctionner, qu'elle est prête à passer
à l'action. Il suffit qu'elle soit placée, cette relève
agricole, dans des situations et dans des conditions favorables pour être
capable de se lancer. On en a vu trop souvent moi, je le sais pour avoir
des amis personnels dans ce cas ne pas oser s'embarquer à cause
des risques trop grands, des exigences trop grandes et de la marge de manoeuvre
de moins en moins grande, elle, du côté de l'agriculture. Le
jeune, placé devant cela, va aimer mieux, peut-être, lorsque la
situation est moins rose en agriculture, aller travailler à la
journée ou prendre un métier pour avoir un salaire fixe et ne pas
se lancer dans le risque de l'agriculture, lorsqu'il y a des situations trop
chaotiques ou que la rentabilité n'est pas assez assurée ou qu'on
ne lui fournit pas l'aide financière nécessaire pour se
lancer.
C'est comme dans d'autres domaines, en commençant, c'est certain
qu'au point de départ, le jeune agriculteur, même s'il a les
talents, même s'il a la connaissance, même s'il a
l'expérience dans le domaine agricole, il n'est pas
nécessairement fortuné. Je dirais que dans 95% des cas, à
moins d'avoir une fortune de famille personnelle très vaste, le jeune
agriculteur a besoin d'une aide, d'un coup de pouce, au point de départ,
pour le lancer. Je voulais bien souligner cette situation et indiquer au
ministre que de ce côté-ci de la Chambre également, on est
conscient de la situation. On sait qu'il doit y avoir des améliorations
à apporter, de sorte qu'on puisse mettre entre les mains de cette
jeunesse qui peut être productive, les moyens pour participer de
façon normale à une société dite moderne qui peut
prétendre faire
vivre ses individus et avoir une économie qui roule
davantage.
Maintenant, il y a un autre aspect sur lequel j'ai glissé
rapidement tout à l'heure, et c'est la question de la rentabilité
de nos entreprises agricoles. Je comprends qu'il y a quand même eu toute
une évolution de ce côté. A partir de la ferme familiale,
ancestrale que l'on connaissait, il y a 30, 40 ou 50 ans, on est passé
à des entités administratives qui sont devenues, en fin de
compte, des entreprises au sens spécifique, au sens direct du mot,
c'est-à-dire des entreprises administratives, tout simplement, au
même titre que d'autres entreprises dans le domaine de la production ou
autre. Dans ce sens, il y a eu une transformation de la façon de voir et
de la façon d'administrer et de tout le mode d'approche dans le domaine
de l'agriculture également. Donc, il y a eu des changements massifs au
cours des 20 dernières années surtout où l'agriculture
devient une entreprise au même titre que d'autres entreprises.
Maintenant, comme tout autre secteur également, dans le domaine
de l'administration, si l'entreprise en question ne trouve pas dans son
fonctionnement la capacité d'être rentable, elle ne peut pas
continuer. Que ce soit dans le domaine de l'agriculture ou dans un autre
domaine, c'est le même principe. Ce n'est pas parce qu'on aime
l'agriculture, qu'on aime être cultivateur, qu'on aime être
agriculteur qu'on va être prêt à consacrer 15 ou 20 heures
par jour, s'il le faut, durant les belles années de sa jeunesse.
Même si on est prêt à faire tout ça, si l'entreprise
n'est pas rentable ou si la situation ne permet pas au producteur agricole
d'écouler son produit à un prix qui lui permette de faire face
à ses coûts de production et lui laisse en même temps la
marge de manoeuvre nécessaire pour faire face aux exigences nouvelles de
la modernisation de son équipement, on se retrouve devant une situation
malheureuse. Ce n'est pas parce que c'est une ferme que le type va continuer
à travailler jusqu'à sa dernière goutte de sueur, qu'il va
se saigner à blanc pour en arriver à une faillite au bout de la
ligne.
Tout ceci pour vous dire que même en agriculture on doit viser la
rentabilité. Je pense que le rôle moteur que le gouvernement peut
jouer à ce niveau, ce n'est peut-être pas nécessairement de
jouer lui-même, mais de fixer des règles de jeu de telle sorte que
les conditions soient les plus favorables possible à ces entreprises. A
l'intérieur de cela, ne soyez pas inquiet, M. le Président
je pense que le ministre en est conscient également si les
règles du jeu sont suffisamment souples et suffisamment dynamiques pour
permettre aux individus qui oeuvrent dans le domaine de l'agriculture de gagner
leur vie et que leur entreprise soit rentable, on n'aura pas besoin de pousser
sur les agriculteurs, on n'aura pas besoin de pousser sur la relève et
on n'aura pas besoin de moyens artificiels, cela va bien fonctionner. Je pense
qu'il y a un dynamisme inhérent à nos jeunes agriculteurs et
même à nos agriculteurs en général au Québec;
il s'agit qu'ils soient placés dans des conditions favorables et ils
vont produire. On le sait, depuis quelques années il y a souvent des
situations difficiles, délicates qui se présentent et nos gars
vont manifester, nos gars vont dire qu'il y a des problèmes, mais ce
n'est pas parce qu'ils manquent de dynamisme, c'est parce qu'il y a des murs,
dans l'exploitation de leurs entreprises, qui les empêchent de
s'épanouir pleinement et de travailler à fond dans leurs
entreprises pour atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés.
La création d'une banque de terres agricoles pourrait, à
certains égards, être intéressante à analyser, mais
il faut voir l'ensemble de la situation dans sa vraie perspective aussi et je
dis au ministre: Qu'on rende les entreprises rentables, qu'on crée des
conditions favorables à tout point de vue, pour que nos producteurs
agricoles puissent avoir un revenu suffisant, et ils vont s'organiser tout
seuls, ils pourront être même davantage motivés si on leur
laisse la plus grande liberté possible dans ce secteur.
On peut être porté à se demander s'il manque
d'agriculteurs au Québec. Je pense qu'il n'en manque pas, justement. On
a une bonne classe agricole au Québec, dynamique, qui est prête
à travailler, qui l'a démontré, qui le démontre
encore parce que cette classe agricole est passée à travers des
problèmes passablement difficiles. Ils ont démontré leur
ténacité, leur courage et leur capacité de faire face aux
situations en continuant de se maintenir. Donc, ce n'est pas un problème
de dire qu'on n'a pas assez d'agriculteurs au Québec. Malheureusement
il y a des chiffres, je ne les ai pas ici depuis quelques
années on assiste à une diminution du nombre de nos producteurs
agricoles parce que les situations ne sont pas suffisamment
intéressantes pour leur permettre de continuer. Il y a
différentes conditions qui peuvent être discutées alentour
de cela, mais on constate, au niveau du chiffre absolu de nos producteurs
agricoles, qu'il y a une diminution assez importante au niveau du nombre comme
tel.
La deuxième question qu'on peut se poser est: Est-ce qu'on manque
de fermes au Québec? Cette deuxième question, évidemment,
va de soi avec l'autre. Je pense qu'il ne manque pas de fermes, il y en a
suffisamment. On a des terres fantastiques au Québec, pas toutes bien
développées et pas toutes entretenues, d'accord, mais je pense
qu'on a un potentiel assez formidable de ce côté. Pourquoi
n'est-ce pas suffisamment exploité et suffisamment
développé? Je n'ai vu nulle part, dans une société
basée sur le système économique de la libre entreprise tel
qu'on a actuellement, un secteur de l'activité économique qui est
en bonne santé, qui fonctionne bien et que les gens mettent de
côté, volontairement, lorsque ça fonctionne bien.
Lorsqu'il y a des problèmes, ceux qui ont à oeuvrer dans
tel domaine vont peut-être mettre de côté leur
intérêt dans ce domaine et on peut assister à ce à
quoi on assiste dans le domaine de l'agriculture, malheureusement. Mais,
lorsqu'un
secteur est en bonne activité, qu'il est en croissance de
rentabilité, c'est le contraire qui se produit. Non seulement il n'y
aurait pas trop de terres, si vous voulez, mais il n'y en aurait pas assez pour
la demande des agriculteurs s'il y avait vraiment des conditions idéales
au niveau du financement, au niveau de l'aide pour l'accès au
marché des jeunes agriculteurs qui veulent se lancer là-dedans;
de même pour l'expansion de ceux déjà établis. Je
pense que ce serait le contraire et de plus en plus il y aurait un dynamisme
inhérent de soi-même sans qu'on soit obligé d'avoir un
encadrement juridique où les agriculteurs iraient eux-mêmes si
c'était tellement rentable et tellement intéressant. Je comprends
qu'il y a des ajustements, il y a des nuances à apporter, mais je pense
que le tableau d'ensemble se présente quand même de cette
façon. (21 heures)
Maintenant, par intérêt, j'ai feuilleté tout
à l'heure la Loi du ministère de l'Agriculture, le chapitre M-14,
section I, de novembre 1978. Le ministre pourra peut-être m'apporter les
nuances qu'il jugera bon d'apporter là-dessus aussi. En lisant certains
articles, il m'est venu certaines remarques et certains commentaires auxquels
le ministre pourra peut-être répondre. L'article 24 de ce chapitre
M-14 sur l'agriculture dit ceci: "Le ministre de l'Agriculture peut, avec
l'approbation du gouvernement, assumer la direction et assurer
l'exécution de ces plans, programmes et projets". On fait
référence à l'article précédent.
"Acquisition de biens: II peut, aux fins de ces plans, programmes et projets,
acquérir, louer ou aliéner tout bien meuble et immeule, accorder
des subventions, prêts ou avances, verser des primes, allocations ou
indemnités, exécuter ou faire exécuter des travaux
d'amélioration, d'aménagement et d'équipement
agricole".
A l'article 25 on dit ceci: "Le ministre peut conclure des accords avec
tout gouvernement ou organisme, ainsi qu'avec toute personne, association,
société ou corporation, en vue de l'élaboration et de
l'exécution de tout plan, programme ou projet visé à la
présente section".
Enfin, à l'article 26: "Le gouvernement peut, aux conditions
qu'il détermine, confier la direction ou l'exécution d'un plan,
programme ou projet, à un organisme gouvernemental qu'il désigne.
L'organisme désigné peut, à ces fins, exercer tout pouvoir
prévu aux articles 24 et 25 que lui confère le gouvernement".
C'est donc dire qu'avec ces dispositions, déjà, de la loi
existante, il semblerait que le ministre ait déjà les pouvoirs de
se porter acquéreur de tout bien meuble ou immeuble, et de louer ou
aliéner lesdits biens meubles ou immeubles. Le ministre pourra
peut-être faire l'interprétation qu'il connaît de cet
article de la loi mais il me semblait, au point de départ,
d'après l'information que j'ai pu obtenir, que ces dispositions seraient
à peu près les mêmes que celles qu'on retrouverait dans le
projet de loi no 43, de sorte que le ministre aurait déjà eu en
main, si tel est le cas, sans avoir à passer par l'adoption du projet de
loi no 43 qui est devant l'Assemblée nationale, les pouvoirs de
procéder directement à l'acquisition de certaines
propriétés pour fins de revente ou de location.
J'aimerais avoir son point de vue là-dessus. Si tel est le cas,
peut-il m'expliquer pourquoi à ce moment-là on a jugé bon
de devoir revenir devant l'Assemblée nationale avec un projet de loi
qui, en substance, dirait à peu près les mêmes choses que
la loi existante du ministère, qui donnerait au ministre des pouvoirs en
sa possession.
J'aimerais souligner un dernier point, M. le Président, avec
votre permission, et attirer l'attention du ministre là-dessus. On sait
qu'en vertu du projet de loi no 43, le ministre pourra vendre ou louer des
terres agricoles qui feront partie de sa banque de sols arables. On n'a aucune
stipulation quant au bail de location en ce qui concerne ce qui va arriver au
bout de quelques années lorsqu'un agriculteur, par exemple, louera une
ferme de la banque de sols arables. Il n'y a aucune garantie qui apparaît
dans le projet de loi pour ledit agriculteur qui aura, pendant trois ans,
quatre ans, cinq ans, loué un morceau de terre adjacent à sa
ferme par exemple, si on prend le cas du député de
Saint-François qui l'aura mis en valeur, qui l'aura
exploité, qui l'aura labouré, ensemencé,
défriché, drainé même, et qui aura fait tout ce que
cela comprend comme mise au point agricole. Il n'y a rien dans le projet de loi
qui garantit que ce locataire pourra, s'il le désire, devenir
propriétaire du lot qu'il aura lui-même, au cours des
années, défriché, drainé, ensemencé, mis en
valeur. Je pense qu'il y aurait là une lacune. Ecoutez, ce sont
simplement les données fondamentales de la nature humaine. Pourquoi un
individu désireux de louer une terre y mettrait-il autant d'efforts si,
au bout de la ligne, cette même terre devait être louée par
la suite à son deuxième voisin ou à un autre qui pourrait
être intéressé par la suite, peut-être doublement
intéressé à la louer à ce moment-là parce
que, justement, elle aura été défrichée et mise en
valeur par le premier agriculteur qui l'aura louée?
Je comprends que cela peut peut-être faire partie de la
réglementation à venir, mais j'aimerais beaucoup entendre le
ministre là-dessus. En ce qui me concerne, ce serait un point important
que j'aimerais voir préciser dès maintenant, si c'est possible.
Je pense que cela aiderait la bonne tournure des discussions autour du projet
de loi 43. Si le ministre me dit que c'est pour venir au niveau des
règlements, j'aimerais qu'il nous en donne la garantie dans son discours
de réplique. Si c'est réellement son intention je pense
qu'il y a fait allusion indirectement dans son discours de présentation
de deuxième lecture que le bail de location puisse contenir une
option d'achat pour celui qui loue, j'aimerais qu'il nous le précise
dans sa réplique de deuxième lecture. Ainsi, cela nous permettra,
en connaissance de cause, d'analyser de nouveau cette section de la loi
à la lumière, justement, d'une connaissance meilleure des
intentions réelles du ministre. Je pense qu'il a accepté dans ce
sens-là. M. le Président, je terminerai là-dessus mes
remarques, en rappelant au
ministre les quelques questions que je lui ai posées. Je lui
indiquerais simplement que j'apprécierais que, dans son discours de
réplique, il puisse nous donner les informations qu'on lui a
demandées à ce sujet. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. Julien Giasson
M. Giasson: M. le Président, je n'ai pas l'intention
d'intervenir très longuement sur le projet de loi 43. Cependant, je ne
pouvais pas m'abstenir parce que vous vous rappelez sans doute, M. le
Président, que, lors d'un débat sur un autre projet de loi que le
ministre de l'Agriculture avait déposé devant cette
Assemblée, soit la Loi sur la protection du territoire agricole, nous
avions argumenté très longuement avec le ministre surtout lors du
débat de la commission parlementaire de l'agriculture afin de savoir,
concernant la conservation et la protection du sol arable au Québec, de
quelle manière le gouvernement procéderait pour atteindre les
fins premières qu'il recherchait par ce principe de la protection du
territoire agricole. Il était évident que, même si nous
protégions une vaste partie des bonnes terres arables du Québec,
si nous n'avions pas de mesures particulières en agriculture, si nous
n'avions pas de programme qui s'adressait à de la production
sectorielle, il devenait quasi inutile de vouloir protéger les terres
arables du Québec. Dans un premier temps, les agriculteurs du
Québec, producteurs agricoles qui tenaient fondamentalement à
conserver intactes les fermes qu'ils possédaient et, même, qui
tenaient à les agrandir ont toujours fait en sorte, sans qu'il existe de
loi à cette fin, de respecter fondamentalement l'intégrité
de leur ferme, donc, du territoire agricole qu'ils contrôlaient.
Il y a eu et cela a été un des motifs mis en
évidence par le ministre de l'Agriculture au cours des
dernières années, surtout dans la région
métropolitaine de Montréal, autour de la région
métropolitaine et dans la vallée du Richelieu, beaucoup
d'acquisitions de terres à des fins purement spéculatives. On
n'avait pas de politique ou de programme particulier pour remettre ces terres
en valeur. Dans l'immense majorité des cas, on avait laissé ces
terres retourner en friche, puisqu'on attendait le marché afin
d'atteindre la fin spéculative qui était la raison fondamentale
de l'acquisition de ces bonnes terres agricoles. Donc, on peut dire, M. le
Président, qu'à la suite de la Loi sur la protection du
territoire agricole la première véritable mesure qui peut faire
en sorte qu'on commence à vouloir utiliser fondamentalement le
territoire agricole... M. le Président, je viens d'entendre le ministre
de l'Agriculture faire une remarque désobligeante. Il ferait mieux
d'écouter ce que j'ai à dire et il sera peut-être plus en
état de comprendre.
M. Garon: II dit, M. le Président, que c'est la
première mesure! Le député n'est pas conscient qu'on a
adopté à peu près une centaine de programmes depuis trois
ans.
Le Président: Bon, bon, bon! M. le ministre, vous aurez
droit, tout à l'heure, d'exercer votre réplique. Alors, je vous
prie d'attendre.
M. le député de Montmagny-L'Islet, vous pouvez
poursuivre.
M. Giasson: M. le Président, le ministre n'est même
pas en mesure de réaliser que, depuis l'adoption de la Loi sur la
protection du territoire agricole, des mesures véritables que nous
avions réclamées pour faire en sorte que ce sol qu'on
protège soit vraiment utilisé, il n'en est pas sorti, sauf
celle-ci qui modifie la Loi du ministère de l'Agriculture, afin de
permettre au gouvernement du Québec de reprendre possession de certaines
terres de chez nous en vue de trouver une utilisation qui n'existe pas
présentement pour fins agricoles. (21 h 10)
Pourrais-je tout de même rappeler au ministre, M. le
Président, ceci. Cela fait déjà trois ans qu'il assume la
responsabilité du ministère de l'Agriculture. Même avant de
prendre la direction du ministère de l'Agriculture, j'avais eu
l'occasion d'entendre ses propos sur la négligence absurde des anciens
gouvernements à utiliser les terres agricoles du Québec, à
créer des politiques et à retourner aux agriculteurs de
très bonnes portions de territoire agricole qui étaient
détenues par le gouvernement. Il s'est contenté d'accabler de
tous les reproches le gouvernement fédéral à la suite de
l'expropriation des terres de Mirabel. Mais après trois ans, le ministre
de l'Agriculture et de l'Alimentation va-t-il admettre qu'il n'a fait aucun
effort afin de convaincre ses collègues, sous la responsabilité
desquels traînent d'excellents sols agricoles qui n'ont même pas
été loués à des cultivateurs qui auraient
été intéressés à les prendre?
Le ministre veut-il des preuves? Dans le comté de
Montmagny-L'Islet, le ministère des Transports possède des
milliers d'acres de bons sols agricoles à la suite des acquisitions
faites en vue de la construction de l'autoroute 20. Le ministre va dire: Cela a
été le choix d'un mauvais site. Il a beau croire que c'est le
choix d'un mauvais site, nous sommes devant une situation qui existe. Le
ministère des Transports s'est porté acquéreur de parties
de terres très nombreuses puisque le tracé de l'autoroute passe
sur le bout des fermes au trécarré d'à peu près
toutes les fermes qui se situent entre Lévis dans la
région vers l'est et Rivière-du-Loup. Ce ministre qui
criait au scandale avant d'assumer la direction du ministère de
l'Agriculture et de l'Alimentation n'a rien fait pour convaincre ses
collègues d'autres ministères, qui sont propriétaires du
sol, propriétaires de fait et de droit, par des titres de
propriété absolument complets, de louer ou même de vendre
parce qu'il y avait des cultivateurs qui étaient prêts à
acheter et que d'autres auraient surtout aimé louer des
parcelles de ces terres pour compléter leur propre organisation
agricole.
Quand le ministre se réclame de l'urgence absolue de permettre
que le bon sol du Québec soit utilisé, quand il crie au scandale
devant l'opération du gouvernement fédéral à
Mirabel, il nous prouve qu'il n'est pas sérieux parce que, comme je
viens de le signaler, dans un comté, celui que je représente,
Montmagny-L'Islet, le gouvernement du Québec, depuis quelques
années, depuis environ 1967, possède encore des milliers
d'arpents de bonnes terres agricoles et l'actuel gouvernement, après
trois ans de pouvoir, n'a pas plus bougé que ses
prédécesseurs. Qu'il ne nous fasse pas de broue et qu'il ne
vienne pas péter ses bretelles devant nous autres, disant qu'il est le
défenseur de l'intégrité du territoire agricole, qu'il est
l'homme constamment à l'affût de l'utilisation la plus rationnelle
possible de nos bonnes terres. Qu'il ne vienne pas nous raconter cela. C'est
une farce monumentale, M. le Président. Je viens de vous en donner la
preuve. Je vous cite le cas de terrains, d'excellentes terres agricoles qui
sont la propriété du ministère des Transports dans mon
comté.
Ce n'est pas seulement dans le comté de Montmagny-L'Islet que
cette situation existe. Elle existe encore, pour certaines parcelles, dans le
comté de Bellechasse. Quand je parle de Montmagny-L'Islet, je vous parle
de fermes complètes, de fermes totales qui ont été
expropriées par le ministère parce que, au lieu d'être
sanctionnées dans son fronteau, c'est-à-dire au bout du rang,
certaines terres avaient été sanctionnées à peu
près dans le centre et le ministère des Transports avait
jugé opportun d'acquérir la totalité de la ferme avec
bâtiments. Que le ministre aille voir du côté du
comté de Kamouraska-Témiscouata et il va découvrir encore
un tas de parcelles de terrains qui sont la propriété du
ministère des Transports, des bouts de fermes qui n'ont pas
été utilisés parce que le ministère fonctionnait
à l'intérieur d'un tracé qui avait été
préparé.
Donc, le sérieux que veut laisser croire le ministre de
l'Agriculture et de l'Alimentation ne nous épate pas parce qu'il ne
procède pas lui-même, comme représentant au Conseil des
ministres, à la remise en valeur, à la location ou à la
vente de sols qui sont la propriété intrinsèque du
gouvernement du Québec.
Il y a une autre dimension dans cette loi, M. le Président, qu'on
ne peut ignorer, c'est que, traditionnellement, le gouvernement du
Québec, en vue de l'expansion de l'agriculture chez nous, avait
concédé, tout au long de son histoire, beaucoup de terres sur
billets de location.
M. Garon: Je vous ferai remarquer que le temps alloué au
député est écoulé. Six minutes... 20 minutes pour
tout le monde?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, nous sommes
en deuxième lecture, M. le député de Montmagny-L'Islet a
droit à 20 minutes et cette période finira à 21 h 25.
M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Giasson: J'étais à dire, M. le Président,
qu'on fait un retour en arrière en modifiant la Loi du ministère
de l'Agriculture puisque, dans le passé, on a concédé
énormément, en vertu de la loi des terres de colonisation, de
terrains à des agriculteurs du Québec ou à des colons du
Québec en vue d'agrandir le territoire agricole.
Voici que cette loi nous dit que dorénavant le ministre de
l'Agriculture, par le biais de l'organisme qu'il va désigner pour
administrer la loi, va pouvoir se porter acquéreur de terrains,
d'immeubles détenus en vertu de la loi des terres de colonisation.
Est-ce qu'il faut comprendre, par cette disposition de la loi 43, que le
ministre a l'intention de reprendre, de détenteurs de billets de
location, des terrains qui avaient été concédés il
y a 25, 30, 40 ou 50 ans? Il reste encore au Québec beaucoup de terres
détenues, en vertu de la loi des terres de colonisation, sur la base de
billets de location.
On a senti depuis quelques années, avant la prise du pouvoir par
le Parti québécois, qu'on voulait retourner en arrière en
ce qui a trait à des terres détenues en vertu de billets de
location. Dans les ministères, principalement dans le ministère
de l'Agriculture, comme dans le ministère des Terres et Forêts,
certaines personnes parmi les hauts fonctionnaires rêvaient de reprendre
au ministère de l'Agriculture de ces terres que le ministère
détenait en vue de concession sur billet de location pour les retourner
au ministère des Terres et Forêts, sous prétexte que des
terrains concédés n'avaient pas été utilisés
pour les fins recherchées, soit la colonisation et le
développement de l'agriculture. Devant cette réalité, il y
a des hauts fonctionnaires qui ont pensé qu'on devait retourner une
partie de ces terrains détenus par les citoyens du Québec en
vertu d'un billet émis en bonne et due forme, et qu'on voulait retourner
au ministère des Terres et Forêts des terrains que de nos
Québécois détenaient depuis de nombreuses
années.
Je ne voudrais pas que, par le biais de cette loi, on donne les pouvoirs
au ministre de l'Agriculture de reprendre des lots détenus sur billet de
location. Ces lots se retrouvent surtout dans des régions où le
potentiel agricole est moins grand, c'est-à-dire dans les régions
éloignées du Québec telles que la Gaspésie, le
Nord-Ouest québécois, ou encore sur les terres les plus
élevées par rapport au niveau de la mer; je pense à des
concessions complètes qui ont été faites dans les parties
sud des comtés de la rive sud du Saint-Laurent, où il existe
encore des centaines et des centaines de lots détenus sur billet de
location.
Il ne faudrait pas que le mouvement que nous avons senti depuis quelques
années de reprendre ces terrains aux détenteurs de billet de
location soit une façon de les déposséder; pas en
totalité, puisque ces gens n'ont pas de titre de
propriété, ils détiennent ces terrains en vertu d'un
billet de location. Je crois qu'il faut reconnaître le mérite de
ces détenteurs de billet de location qui ont bien protégé
les terrains que la couronne leur avait concédés par billet. Non
seulement il ne faudrait pas acquérir ces terrains, mais il faudrait
faire en
sorte que des lettres patentes qui vont établir de façon
définitive les droits de propriété réels soient
émises à ces détenteurs de billet de location. Même
si ces personnes ne devaient pas exploiter pour l'agriculture les terrains
qu'elles possèdent, elles pourraient tout au moins les conserver et les
aménager en vue d'en faire des exploitations forestières
très intéressantes et fort rentables. (21 h 20)
Le ministre aurait indiqué, lors de son discours de
deuxième lecture, que l'organisme dont fait mention la loi serait
l'Office du crédit agricole. Je n'ai pas l'intention de mettre en doute
le choix d'une telle société ou d'un tel organisme gouvernemental
puisque déjà dans les faits, au cours des récentes
années, l'Office du crédit agricole, même en l'absence de
cette loi, est devenu propriétaire d'un certain nombre de fermes au
Québec. L'Office du crédit agricole, à partir de ces
fermes possédées par lui, a déjà mis à la
disposition de fermiers, en vue d'un agrandissement, d'une amélioration
de leur ensemble, a déjà mis à la disposition de
cultivateurs, sous base de location, certaines parcelles de terrains ou
certaines fermes complètes que l'office possède. Donc, la loi en
soi ne crée pas quelque chose d'inédit, de nouveau. La loi vient
tout simplement confirmer ou compléter ce que pratique
déjà l'Office du crédit agricole du Québec, soit la
possession du fonds de terre arable, la revente quand c'est là la
meilleure hypothèse, la location quand cela sert mieux les
intérêts de l'agriculture.
C'est vous dire, M. le Président, qu'on n'a pas
créé une merveille en présentant devant l'Assemblée
nationale une loi qui, pour certains, apparaît comme une chose tout
à fait nouvelle et inédite. On vient tout simplement permettre
à l'Office du crédit agricole de continuer dans l'avenir une
activité qu'il pratique déjà depuis quelques années
au Québec. Est-il nécessaire de légiférer en vue
d'une meilleure utilisation? Je pense que la question ne se pose même
pas. Nous savons tous qu'au Québec, pour autant que les producteurs
agricoles vont réaliser qu'à long terme nous avons des programmes
agricoles qui assurent la sécurité de l'entreprise agricole, que
nous avons des programmes ou des politiques agricoles qui permettent la
rentabilité réelle d'une entreprise de chez nous, il se trouvera
toujours des producteurs agricoles pour maintenir cette activité.
D'accord, traditionnellement, le sol a été utilisé
en vue de la production laitière au Québec. C'était la
grande exploitation à l'intérieur des spécialités
agricoles. On sent déjà que la mise sur pied de programmes
très sécuritaires va faire en sorte qu'il y aura diversification
d'ici 20 ans dans les genres de cultures qu'on pratique chez nous. Cela va
être possible d'ici 20 ans. Cela va se faire graduellement dans le temps.
Cela va être possible, comme je le disais il y a un instant, pour autant
que nous aurons un ensemble de politiques agricoles bien définies, bien
spécifiques qui vont assurer la continuité de cultivateurs, de
producteurs agricoles ou d'entreprises agricoles dans des productions nouvelles
qui pourraient être, par exemple, la production des
céréales, qui pourraient également aller du
côté de l'élevage du bovin de boucherie, la production du
boeuf puisque nous savons que nous faisons venir de l'extérieur du
Québec des quantités très fortes, très grandes de
ces produits dont a besoin l'agriculture ici chez nous parce que les grands
consommateurs de céréales au Québec sont encore les
cultivateurs, surtout ceux qui sont dans les élevages qu'on appelle les
productions sans sol.
Donc, c'est un des premiers maillons que le gouvernement se donne en vue
d'aller vers une véritable utilisation rationnelle de l'ensemble des
bonnes terres agricoles. Dans cette optique, même si nous nous posons des
questions sur certains choix que le ministre a faits dans l'administration de
sa loi, et si nous avons toute une zone qui nous est inconnue vis-à-vis
des conditions qui seront posées, surtout pour celui qui voudra
être locateur de terre possédée par le gouvernement, il
reste que nous devons quand même, au-delà de ces inconnues, courir
la chance d'évoluer et d'avancer de ce côté afin que nous
ayons véritablement une meilleure utilisation de nos sols agricoles.
Mais cela ne règle pas, en dépit de tout le beau
côté que peut avoir une politique de ce genre, le problème
de gens qui ont acheté, il y a plusieurs années, des fermes dans
les meilleures régions du Québec, des gens qui ont acheté
non pas dans un but spéculatif ces gens n'avaient aucune
intention spéculative des fermes parce que,
financièrement, ils étaient en mesure de le faire, sans
être des agriculteurs.
Ce sont des gens qui ont des professions libérales; d'autres sont
dans l'enseignement, professeurs à l'université, professeurs dans
les commissions scolaires et ils ont décidé de se porter
acquéreurs d'une ferme complète sans avoir l'intention de
l'exploiter ou de la cultiver. Dans mon comté, encore une fois, j'ai vu
des professeurs acheter les meilleures terres qu'on a dans la région,
soit celles qui bordent le Saint-Laurent. Au lieu de faire en sorte que ces
terres soient cultivées et exploitées par des cultivateurs,
voisins ou à quelques pas de ces fermes, qui voulaient prendre de
l'expansion, on a tout simplement planté. On est retourné
à la plantation de la totalité d'une excellente terre agricole
dans les meilleurs sols qu'on peut avoir dans la région chez nous.
Le projet de loi que nous discutons ce soir ne permettra pas de changer
cela. Autrement dit, les Québécois qui ont fait une telle
opération, qui ont acheté des terres sans avoir aucunement
l'intention de les cultiver ou de les faire cultiver en les mettant à la
disposition d'autres cultivateurs, vont pouvoir garder ce sol non productif.
C'est donc dire que, pour tous ces propriétaires de terrains qui ne
cultivent pas et qui ne cultiveront jamais, il faudrait par une loi,
établir un programme fiscal ou des politiques fiscales qui feraient en
sorte que ces gens n'auraient pas le choix; pour éviter ces charges
fiscales, ils auraient l'obligation de remettre à la disposition de gens
qui veulent les louer ou les acquérir des terres qui, depuis des
années,
sont absolument improductives au point qu'elles retournent en
friche.
Donc, je m'arrête là-dessus. Après un examen du
projet de loi et une discussion avec mes collègues, je crois que, dans
un sens de continuité à la suite de la politique de protection du
territoire agricole, il faut reconnaître le bien-fondé de ce
projet de loi et, en conséquence, nous donnerons notre appui lors du
vote de deuxième lecture. Merci.
Le Président: M. le député de Champlain.
M. Marcel Gagnon
M. Gagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Evidemment,
c'est encore une fois avec beaucoup de plaisir et de fierté que je me
lève pour parler d'un projet de loi qui touche l'agriculture. Beaucoup
de plaisir, parce que j'ai l'impression... Qu'est-ce qui se passe? Les
libéraux, en face, nous disent que l'agriculture n'est pas née en
1976, avec la prise du pouvoir du Parti québécois, mais je pense
qu'ils ne sont pas conscients qu'elle est presque née là. Pendant
les six dernières années, de 1970 à 1976, il ne
s'était rien fait en agriculture et on est allé tellement vite
qu'ils oublient les bonnes choses qu'on a faites dans le domaine agricole.
On n'a qu'à penser, par exemple, aux cinq lois qu'on a
adoptées pour réaménager tout le financement dans le
domaine agricole. C'étaient des lois attendues depuis extrêmement
longtemps par tous les agriculteurs du Québec. On n'avait pas osé
y toucher avant; on est arrivé et, dans une session, on a adopté
les cinq lois. Une, entre autres, dont je suis très fier, c'est la loi
qui a permis aux agriculteurs de se financer eux-mêmes par l'entremise de
la banque ou de la caisse et de financer leurs productions en se
détachant des compagnies. Je pense que c'est une loi dont il faudrait
reparler et qui, actuellement, obtient des succès fantastiques.
Lorsque les libéraux parlent d'une loi que l'on propose à
cette Assemblée nationale, on a l'impression que c'est trop vite, trop
tard ou pas assez ou qu'il y en a trop dans la loi. Je me souviens que,
lorsqu'on a parlé de la loi 90, Loi sur la protection du territoire
agricole, pour le député de Maskinongé, il aurait fallu
que, dans la loi 90, on règle ensemble tous les problèmes de
l'agriculture. Il aurait fallu qu'il voie dans cette loi tous les nouveaux
programmes dans le domaine agricole. On avait beau lui faire comprendre qu'il
faut d'abord protéger le territoire agricole, faire ce que j'appelle,
moi, le parc industriel agricole pour, après, être capable de
mettre des industries à l'intérieur. Mais, pour qu'il soit
satisfait de la loi 90, il aurait fallu y incorporer tous les programmes
agricoles. (21 h 30)
Ce soir, on nous dit encore que ce projet de loi qui crée une
banque de sols, c'est une chose à laquelle on aurait dû penser
depuis longtemps. Ce que je ne comprends pas, c'est qu'ils ont
été au pouvoir pendant six ans... Le député de
Maskinongé a même mentionné qu'il ne serait pas surpris
qu'on ait pris cette loi qui avait été laissée sur les
tablettes par l'ex-ministre de l'Agriculture, M. Drummond. Je ne serais pas
surpris moi non plus qu'on l'ait prise là parce que cela a
été un gouvernement rempli de bonnes intentions, mais qui n'est
jamais passé à l'action. C'est fort possible qu'un projet de loi
comme celui-là ait été trouvé sur les tablettes.
Vous savez, cela me fait penser à l'époque où
j'étais dans le syndicalisme agricole. On demandait au gouvernement du
temps de nous aider à sauver l'agriculture. On venait rencontrer le
ministre de l'Agriculture, il était rempli de bonnes intentions à
un point tel qu'il était prêt à adopter des lois pour nous
satisfaire. En même temps, pour satisfaire aussi les fournisseurs de la
caisse électorale et pour ne pas rendre l'agriculteur trop
indépendant des compagnies de moulée, il trouvait moyen de
laisser la loi sur les tablettes et de ne pas s'en servir.
Cela a été le cas, par exemple, de la loi qui stabilisait
les prix en agriculture. Après s'être battu en 1974 pour
l'obtenir, de 1974 à 1976 le seul domaine où on a trouvé
moyen de l'appliquer c'est dans le domaine d'une petite partie de
l'élevage du boeuf. Depuis que nous avons pris le pouvoir, nous avons
appliqué la Loi de la stabilisation des prix dans le domaine du boeuf au
complet, dans le porcelet, la pomme de terre, les céréales comme
le maïs, le blé, l'orge et l'avoine; je pense qu'on se
prépare à l'appliquer aussi dans d'autres domaines. On est
très mal placé, en face, pour nous dire qu'on n'a rien fait
jusqu'à présent en agriculture.
Une Voix: Ils ne sont même pas là!
M. Gagnon: Ils ont raison de ne pas être là, je
crois que l'agriculture ne les a jamais tellement intéressés. Il
y a aussi un domaine qui n'a jamais été touché depuis un
bon nombre d'années. On parle de l'établissement de jeunes
agriculteurs et on se scandalise qu'on n'en fait pas encore assez. C'est
drôle, mais il a fallu qu'on prenne le pouvoir pour augmenter la
subvention pour l'établissement de jeunes agriculteurs de $4000 à
$8000. Je me demande depuis combien de temps elle était figée
à $4000. Au moment où on subventionnait les jeunes agriculteurs
pour s'établir à $4000, les fermes valaient peut-être entre
$25 000 et $50 000. Aujourd'hui, pour avoir une bonne ferme, il faut payer
quelque chose comme $200 000 à $250 000 et même plus.
C'était logique qu'on retouche cette subvention pour
l'établissement des fils de cultivateurs. On nous dit qu'on n'a rien
fait, mais en trois ans cela s'est fait.
Quant aux députés de l'Union Nationale, ils trouvent qu'il
y a trop de contrôle dans le domaine agricole. Ils disent: Pourquoi
protéger les terres agricoles, pourquoi créer une banque de sols
quand on empêche les agriculteurs de produire? Ils ont l'impression que
c'est tout ce que ça prend, produire, que sans contrôle on peut
produire de façon désordonnée, qu'on peut même
stabiliser
les prix de la production; si on a trop de production, on ne sait pas ce
qu'on fera avec, mais on paiera pour. Si, un jour, on veut voir une agriculture
rentable, ce qu'on a réussi et ce qui le sera de plus en plus, il faut
d'abord penser à diversifier cette agriculture. Il faut penser aussi
à ce qu'il y ait un certain contrôle de façon à
pouvoir produire la quantité dont nos consommateurs ont besoin, la
quantité qu'on peut vendre et qu'on peut exporter, mais non pas produire
assez pour faire baisser les prix ou pour devoir jeter les produits, commeon
l'a vu dans les années 1973 et 1974, entre autres, dans le domaine des
oeufs.
En quelques mots, je puis vous dire que je suis personnellement
très heureux de ce que notre gouvernement a fait en trois ans pour
l'agriculture. Malgré le venin qu'on tente de répandre un peu
partout en province, tous les agriculteurs que je rencontre sont aussi
très heureux, ils ont l'impression d'être devenus des
professionnels en agriculture et c'est vrai. Ils ont l'impression qu'ils
peuvent maintenant investir sur les fermes, leur territoire agricole est
protégé. Ce n'est pas un spéculateur qui va venir leur
enlever la ferme ou la ferme du voisin et qui va détruire tout
l'intérêt de l'agriculture dans le bout. Avec la création
d'une banque de sols, je pense que cela complète un peu le programme
dans le domaine du financement de l'agriculture. Combien de jeunes
agriculteurs, qui se sentent le talent, qui ont la volonté, qui ont le
courage, qui ont les bras, les muscles, tout ce qu'il faut pour produire, pour
s'établir sur une ferme, n'ont pas la finance. Parfois ils craignent de
s'acheter immédiatement une ferme parce qu'ils se considèrent un
peu trop jeunes ou parce qu'ils trouvent que l'investissement est trop fort et
ils voudraient faire l'expérience d'un certain nombre d'années
avant de s'établir réellement.
D'un autre côté, vous avez des parcelles de terre dans tous
les comtés agricoles du Québec qui se gaspillent depuis
longtemps. Cela me faisait sourire d'écouter le dernier intervenant
libéral, qui a mentionné qu'il était scandalisé
qu'on n'ait pas récupéré à ce jour les parcelles
qui appartenaient au ministère des Transports. Il faudrait se demander
comment il se fait que l'ancien régime se sentait le besoin d'exproprier
tant de terre pour faire plaisir à de petits amis politiques. Il y a des
parcelles à récupérer, c'est énorme! Mais il faut
savoir d'abord pourquoi elles ont été expropriées et je
vais vous raconter un petit fait, sans mentionner de nom évidemment.
Chez nous, pas tellement loin, dans le comté de Champlain, il y a un
propriétaire d'une belle vieille maison qui aurait due être
déclarée site historique qui s'est vu exproprié au prix de
$150 000. Lui-même n'a jamais su pourquoi. Le ministère des
Transports ne l'a jamais su non plus. Aujourd'hui, cette belle maison a
été démolie, on a dit que c'était peut-être
pour élargir un jour un pont qui se trouvait dans ce coin. Il n'y a
jamais eu de plan pour l'élargissement du pont mais on a
exproprié cet ami politique et, aujourd'hui, ce beau terrain sur le bord
d'une rivière pousse en branches. Cela s'est fait partout.
Dans un comté voisin, on a décidé un jour
d'élargir une route. D'un côté de la route, il y avait
quinze maisons et, de l'autre, le champ était vacant. Alors, je ne sais
pas de quelle façon on a étudié le programme, mais on a
décidé d'élargir sur le côté des quinze
maisons. On avait probablement quinze amis politiques à exproprier. On
est pris dans des situations semblables, et je comprends le ministre de
l'Agriculture de vouloir créer la banque de sols pour essayer de
récupérer ces terrains qui ont été gaspillés
avec l'argent des contribuables québécois, par les
libéraux évidemment, par l'ancien régime.
Là-dessus, je peux vous dire que, pour favoriser la
relève, pour favoriser l'agrandissement de fermes de type familial, pour
favoriser l'exploitation, pour aider les jeunes à s'établir en
agriculture et pour montrer la continuité logique de notre gouvernement
dans le but de développer l'agriculture au Québec, je suis
très heureux de cette loi et c'est bien évident que je voterai
positivement.
Le Président suppléant (M. Laberge): M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Comme on se retrouve,
on a passé la journée en commission parlementaire et, ce soir, on
se retrouve à l'Assemblée nationale. Je n'ai pas
été souvent d'accord avec le député de Champlain
mais vous permettrez de dire que, sur les propos qu'il vient de tenir
concernant les expropriations du ministère des Transports, il me fait
plaisir ce soir de lui dire que je suis en parfait accord avec lui sur
plusieurs points qu'il a mentionnés. Je pourrais aussi, dans mon
comté, donner des exemples d'expropriations complètement
ridicules qui ont été faites, entre autres dans un rang où
il y avait peut-être dix maisons d'un côté et de l'autre
côté aucune maison et où on a exproprié du
côté où il y avait dix maisons.
Je pense, M. le Président, que de ce côté l'ancien
gouvernement aurait peut-être des leçons à recevoir
d'autres partis politiques. Le présent projet de loi, si on regarde les
notes explicatives, a principalement pour objet de permettre au ministre de
l'Agriculture de constituer une banque de terres arables en vue de disposer de
ces terres ou de les louer pour favoriser la relève en agriculture,
l'agrandissement ou la consolidation de fermes de type familial et
l'exploitation des terres arables non utilisées ou
sous-utilisées. Je pense qu'il n'y a pas un parlementaire à
l'Assemblée nationale qui peut dire qu'il est contre le but visé
dans les notes explicatives du projet de loi. (21 h 40)
Quand on veut favoriser la relève en agriculture, tout le monde
va se lever ici pour dire: Oui, c'est vrai, il faut favoriser la relève
en agriculture. Les jeunes, surtout avec les taux d'intérêt qu'on
connaît actuellement et le prix élevé des terres, je pense
que c'est important qu'on les aide à relever le domaine agricole au
Québec. On veut favoriser
l'agrandissement ou la consolidation des fermes, surtout de type
familial. Je pense bien qu'il n'y a personne dans cette Chambre qui va se lever
pour dire: Je suis contre ce but. Quant à l'exploitation des terres
arables non utilisées comme le député de Champlain
le mentionnait tantôt je pense que tout le monde est favorable
à cela aussi.
Cependant, le projet de loi qu'on nous présente, M. le
Président, ne nous donne pas suffisamment de garanties que le but qu'on
veut atteindre va être atteint, que le projet de loi no 43 pourra arriver
à ce but. Pourquoi, M. le Président? Le ministre de l'Agriculture
le député de Richmond y a fait allusion tantôt
a déjà, dans la Loi du ministère de l'Agriculture,
les pouvoirs nécessaires afin d'acquérir et de louer des terres
agricoles. Le ministre de l'Agriculture aurait pu tout simplement, en adoptant
des règlements qui font suite à la Loi du ministère de
l'Agriculture, créer sa banque de terres sans passer par l'adoption d'un
projet de loi à l'Assemblée nationale.
M. le Président, il y a également l'Office du
crédit agricole qui oeuvre actuellement au Québec et qui,
à ma connaissance cela doit être permis dans sa loi bien
que je ne l'aie pas vérifié déjà, a
commencé à faire l'acquisition et la location de terres depuis un
certain temps. Le ministre me fait signe que non, mais je pense que même
si ce n'est pas dans la loi, l'office le fait quand même. Je pourrais
vous mentionner le nom de personnes de mon comté qui ont actuellement
des terres en location qui leur ont été louées par
l'Office du crédit agricole du Québec.
M. le Président, pourquoi le ministre de l'Agriculture
présente-t-il un projet de loi si déjà l'application en
vue d'en arriver au but visé dans le projet de loi est
déjà faite? Je pense que le ministre de l'Agriculture a
l'intention de présenter un projet de loi en vue de dire aux
fonctionnaires du ministère de l'Agriculture: C'est ce que je veux et
c'est ce que vous allez faire, parce qu'il n'a pas trop confiance à ses
fonctionnaires et il veut arriver à trouver une solution qui va lui
permettre de les diriger dans le bon sens. M. le Président, je pense que
cette solution l'honore.
Cependant, là où je ne le suis pas, c'est que le projet de
loi qu'il nous présente, eh bien, il n'y a rien dedans. Il n'y a rien
dedans. C'est un projet de loi qu'on dit omnibus. Tout ce qu'il y a
là-dedans, c'est de dire que le lieutenant-gouverneur en conseil aura le
droit de faire telle ou telle chose. Comment pouvons-nous, membres de
l'Assemblée nationale, sachant que le ministre de l'Agriculture veut
atteindre un but que tout le monde trouve louable, mais ne sachant pas comment
il va l'atteindre, donner au ministre de l'Agriculture, bien qu'on lui fasse
confiance, un chèque en blanc et lui dire: Faites des règlements,
sans les soumettre à l'Assemblée nationale. Il faudrait bien que
la population prenne conscience que tous les règlements que le ministre
de l'Agriculture et de l'Alimentation va adopter, on ne pourra pas les
étudier. Ils ne nous sont pas soumis en tant que membres de
l'Assemblée nationale. Les règle- ments sont adoptés par
le Conseil des ministres, publiés dans la Gazette officielle et
deviennent en vigueur sans qu'on soit consulté.
M. le Président, je pense qu'on ne peut pas l'accepter et je ne
pense pas, non plus, qu'un agriculteur du Québec, s'il avait ce projet
de loi entre les mains ce soir et s'il était en train de le lire
tranquillement dans son salon, serait capable de comprendre ce que le ministre
va faire. Je ne pense pas qu'il y ait un agriculteur qui soit en mesure de dire
au ministre de l'Agriculture: Oui, je te fais confiance, vas-y, fais cela et on
va voir que cela va bien aller. Non, ce n'est pas de cette façon qu'on
légifère.
M. le Président, le ministre de l'Agriculture n'a pas
innové en présentant un projet de loi comme celui-là. Il y
a d'autres provinces au Canada qui ont adopté des projets de loi. Entre
autres, j'ai ici le projet de loi de la province de la Saskatchewan. Le
ministre de l'Agriculture l'a sûrement lu; il en a sûrement pris
connaissance. Dans ce projet de loi, tous les buts visés et la
façon dont on va y arriver sont inclus. On a un véritable projet
de loi qui nous indique quels sont les buts vers lesquels on veut aller et
comment on va faire pour y arriver. Tout est prévu dans le projet de
loi, pas dans les règlements. Attendez, on va passer tout cela en revue,
on a du temps en masse. D'accord?
Le ministre nous présente un paquet de règlements et je ne
pense pas qu'on puisse comprendre qu'un agriculteur du Québec accepte
une loi comme celle-là sans pouvoir prendre connaissance des
règlements. Pourquoi n'avons-nous pas les règlements devant nous
autres, ce soir? Pourquoi l'Assemblée nationale ne peut-elle pas en
prendre connaissance? Le ministre de l'Agriculture a commencé l'an
dernier, vers la période de Noël, à nous présenter un
projet de loi qui portait le no 99, qui avait exactement le même titre et
le même but. Depuis un an, le ministre de l'Agriculture a un projet de
loi en main qui vise la formation d'une banque de terres arables au
Québec et il n'a pas été en mesure de préparer ou
de faire préparer des règlements par ses fonctionnaires ou ses
légistes afin que nous, les législateurs, puissions en prendre
connaissance et dire: Oui, M. le ministre de l'Agriculture, on accepte les
solutions que vous proposez. En un an, le ministre de l'Agriculture n'a pas
été capable de préparer ces règlements et de nous
les présenter à l'Assemblée nationale.
On passe par-dessus. On serait même prêt à accepter
que le ministre de l'Agriculture n'ait pas été capable, pendant
un an, de préparer ces règlements. On lui offre une autre
solution. Cet après-midi, il y a eu une motion de report à
l'Assemblée nationale. On lui a dit de retarder de trois mois
l'étude du projet de loi, de préparer ses règlements et de
revenir nous les soumettre. A ce moment-là, on vous dira si cela est
correct et on votera votre loi. Le ministre de l'Agriculture n'a pas encore
voulu.
M. le Président, je voudrais faire remarquer au ministre de
l'Agriculture qu'il y a d'autres ministres au gouvernement qui ont
peut-être l'esprit un
peu plus ouvert que lui et qui acceptent des choses qui méritent
une attention tout à fait particulière et qui pourront faire
évoluer la démocratie à l'Assemblée nationale. Je
veux ici parler du ministre de la Justice, en tant que ministre d'Etat à
la Réforme électorale. Le projet de loi no 9 que nous avons fini
d'étudier cet après-midi en commission parlementaire, dans un de
ses articles, article 208 on parle de la Loi électorale, mais
cela pourrait s'appliquer au projet de loi du ministre de l'Agriculture
dit: "Le directeur général élabore des projets de
règlements pas des règlements, des projets de
règlements sur les matières qui doivent être
prescrites par règlement en vertu de la présente loi. Ces
règlements sont soumis à l'approbation de la commission
permanente de l'Assemblée nationale du Québec. Une fois
approuvés, avec ou sans modification par cette commission, les
règlements sont publiés dans la Gazette officielle du
Québec et entrent en vigueur à la date de cette publication ou
à une date ultérieure qui est fixée.
M. le Président, une formule comme celle-là, si le
ministre de l'Agriculture voulait se donner la peine de l'appliquer dans son
projet de loi, pourrait nous permettre de créer l'unanimité
à l'Assemblée nationale afin de faire en sorte que les projets de
règlements que le ministre de l'Agriculture a l'intention de faire
adopter avec cette loi soient soumis à la commission parlementaire de
l'agriculture pour que nous puissions en prendre connaissance, que nous
puissions les étudier, que nous puissions les approuver et, une fois ces
règlements approuvés, on pourra les incorporer à la loi,
à la satisfaction de tous les membres de l'Assemblée
nationale.
On fait des suggestions au ministre de l'Agriculture, on lui tend la
perche; s'il veut la prendre, il va probablement avoir l'unanimité des
membres de l'Assemblée nationale afin que le projet de loi qu'il nous
présente devienne véritablement un projet collectif.
On va revenir à différents articles qui sont
proposés dans le projet du ministre de l'Agriculture. Le ministre, dans
son projet de loi, nous dit: On va permettre d'acquérir tout immeuble
aux prix et conditions fixés conformément aux règlements.
Qu'est-ce que ça veut dire? On ne comprend rien. Tant qu'on ne
connaît pas les règlements, on ne comprend pas. Le ministre de
l'Agriculture nous disait, tantôt: Qu'est-ce qu'il y a dans la loi de la
Saskatchewan? Je lui dirai qu'entre autres, aux articles 10 et 11 de la loi de
la Saskatchewan, on retrouve comment on fait pour acquérir tout
immeuble, à quel prix et à quelles conditions. Il n'y a pas de
règlements dans cette loi, la loi de la Saskatchewan inclut tout ce qui
est prévu dans le règlement. (21 h 50)
On nous dit également: Exécuter ou faire exécuter,
sur tel immeuble, des travaux d'entretien et d'aménagement et la mise en
valeur. Dans la loi de la Saskatchewan, aux articles 25, 26 et 27, on retrouve
cela, les conditions et tout cela. Qu'est-ce qui arrive avec notre loi dont on
ne connaît pas les règlements? Qu'est-ce qui arrive si un jeune
agriculteur fait de l'amélioration sur une ferme pendant une
période de cinq ans, laboure la terre, la cultive, la fait produire,
l'améliore, la draine, qu'arrive-t-il à ce jeune agriculteur au
bout de cinq ans? Est-ce qu'on le retourne chez lui? Est-ce qu'il a une
permission de l'acheter? Est-ce qu'il a un privilège de l'acheter?
Est-ce qu'on va la donner à un petit ami péquiste qui demeure
à côté? Est-ce que c'est ce qu'on va faire?
J'espère que ce n'est pas là l'intention du ministre de
l'Agriculture. Mais si ce n'est pas cela, pourquoi ne l'inscrit-il pas dans sa
loi?
Une Voix: C'est cela.
M. Fontaine: Incluez-le dans la loi et on n'aura pas à
faire des suppositions, ça va être clair.
M. Garon: ...
M. Fontaine: Quelles sont les conditions d'admissibilité?
Il n'y a rien de prévu dans la loi. Il n'y a rien, M. le
Président, dans cette loi. Comment voulez-vous qu'on adopte une loi
semblable? Qu'on nous donne les conditions requises pour être locataire
ou les conditions qui vont permettre d'acheter une telle terre après une
certaine période de temps ou même immédiatement
après que le gouvernement en aura pris possession. Que la loi nous dise
quelles sont les conditions qui sont prévues par cela. On va
peut-être pouvoir, à ce moment, accepter. Là, M. le
Président, le ministre nous présente cette série de
règlements et en plus de cela, à la fin de l'article 32, le
ministre nous dit: Malgré le deuxième alinéa,
malgré tous les règlements qu'on lui permet d'adopter, il y a un
autre article qui dit: Malgré le deuxième alinéa, le
ministre peut, dans les cas prévus aux règlements, aliéner
en tout ou en partie un immeuble visé ou dit alinéa à des
fins autres que celles énumérées au premier alinéa.
Il énumère une série de cas où le ministre va
pouvoir faire des règlements.
Dans un autre article, en bas, on nous dit: Même s'il a dit cela,
même s'il peut faire des règlements, il va pouvoir en faire
d'autres pour le contraire. Avez-vous déjà vu cela vous, M. le
Président? J'espère que vous ne l'avez jamais vu parce que ce
n'est pas cela de la législation. On ne peut pas accepter cela en tant
que parlementaire. On a différents points qui ne sont pas
éclaircis dans la loi. Est-ce qu'on nous dit dans la loi, est-ce que le
ministre peut nous le dire, ce qu'on fait si le locataire décède
en cours de bail? Il n'y a rien qui est prévu dans la loi. Est-ce qu'on
va enlever la terre à la veuve et la transférer à une
autre personne? Il n'y a rien qui est prévu dans la loi pour cela. Que
fait-on si le locataire abandonne la terre en cours de bail? Qu'est-ce qu'on
fait avec cela? Il n'y a rien de prévu dans la loi, M. le
Président. Que fait-on si le locataire ne se révèle pas un
bon agriculteur, par exemple. Cela peut arriver qu'on loue une terre, à
un moment donné, à quelqu'un, surtout si c'est un PQ, et on
s'aperçoit que ce n'est pas un bon agriculteur. Cela peut
arriver. Qu'est-ce qu'on fait avec la terre? Il n'y a rien qui est
prévu dans la loi pour cela.
Peut-être que le député de Chauveau serait
intéressé à retourner sur la terre. Oui? Que fait-on si le
locataire, M. le Président, veut sous-louer la terre? Il n'y a rien de
prévu dans le projet de loi pour cela. Que fait-on si le locataire veut
casser un bail? Il n'y a rien de prévu dans le projet de loi pour
cela.
M. Goulet: Le ministre n'écoute même pas les
questions.
M. Fontaine: Le ministre du Revenu, qui se pense bien fin, me
dit: II existe un Code civil. C'est un bail de terre, on adopte une loi
spéciale pour cela. Le Code civil ne s'applique pas à cela. Si le
ministre veut que le Code civil s'applique...
M. Garon: M. le Président, il faudrait que le
député...
Le Vice-Président: A l'ordre! Je constate... A l'ordre,
s'il vous plaît!
M. le ministre, lorsque le président est debout, vous vous
assoyez. Je constate que les membres du Barreau sont divisés. Le
président ne se transformera pas en juge de vos opinions
différentes et je redonne la parole à mon collègue et
confrère de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président, c'est bien simple
à comprendre, le ministre va comprendre cela.
M. Garon: Question de règlement. M. Fontaine: M. le
Président...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Et
à gauche et à droite, assoyez-vous, le président est
debout.
M. le ministre, vous pouvez vous lever maintenant, le président
est assis.
M. Garon: M. le Président, je voudrais dire simplement que
pour les contrats passés par l'Office du crédit agricole, c'est
évident que le Code civil s'applique. Je pense qu'il faudrait
peut-être se référer au Barreau pour l'opinion qu'a
donnée le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, ce n'est pas une question de
règlement. Si le ministre n'est pas de mon avis, il a le droit de se
reprendre dans sa réplique, mais je pense bien que le ministre va
admettre que s'il passe des règlements pour dire comment le bail doit
s'appliquer, le Code civil ne s'appliquera pas, ce sera son règlement
qui va s'appliquer.
M. le Président, le ministre a beau dire n'importe quoi, c'est ce
qui arrive.
M. le Président, je continue.
Le Vice-Président: A l'ordre!
M. Clair: Je soulève une question de privilège, M.
le Président.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Clair: Ma question de privilège est la suivante. Un
député avocat peut toujours induire en erreur ses clients, mais
ne peut pas induire en erreur la Chambre, et c'est ce que le
député de Nicolet-Yamaska est en train de faire.
M. Fontaine: M. le Président, c'est parce que j'en ai des
clients et que lui n'en a jamais eu.
Le Vice-Président: Je vous demanderais de conclure, M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, dans le projet de loi
il ne me reste qu'une minute, je voudrais terminer quelles sont les
conditions imposées au locataire lorsqu'il fait de l'amélioration
sur la ferme? Il n'y a rien de prévu dans le projet de loi
là-dessus.
Quelles sont les conditions? La banque de terres peut-elle prendre en
charge la culture et cultiver la terre? Supposons que la banque de terres
décide elle-même de cultiver la terre, quelles sont les conditions
prévues dans ce cas? Sur quoi se base...
M. Garon: Qu'est-ce que c'est ça?
Le Vice-Président: M. le ministre de l'Agriculture.
M. Garon: M. le Président, j'aimerais savoir ceci: quand
l'Office du crédit agricole obtient une hypothèque, est-ce le
Code civil qui s'applique?
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Une
chance qu'il n'y a pas 15 ou 20 membres du Barreau dans la salle ce soir. A
l'ordre, s'il vous plaît! Le président a ses opinions, mais il ne
peut les dire.
M. le député de Nicolet-Yamaska, veuillez conclure, s'il
vous plaît!
M. Fontaine: M. le Président, vous admettrez que j'ai
été interrompu à plusieurs reprises. Que le ministre du
Revenu braille, que le ministre de l'Agriculture braille; ils ont beau dire ce
qu'ils voudront, mais, si le ministre de l'Agriculture décide de passer
des règlements pour dire dans quelles conditions un bail va être
cassé, un bail va être annulé ou qu'on va pouvoir faire de
la sous-location, c'est le règlement du ministre de l'Agriculture qui va
s'appliquer et non pas le Code civil et je le répète, M. le
Président. Si le ministre de l'Agriculture est capable de me dire le
contraire, qu'il envoie son opinion au Barreau et vous allez voir quelle
réponse il va avoir.
M. Grenier: M. le Président, je propose l'ajournement du
débat.
Le Vice-Président: Le député de
Mégantic-Compton propose l'ajournement du débat. Est-ce
adopté? A l'ordre, s'il vous plaît! Il est dix heures.
Oui, vous terminiez à 21 h 58, M. le député de
Nicolet-Yamaska. D'autre part, j'aimerais vous dire qu'à cette heure-ci
il n'y a plus de question de règlement. Le président, à
dix heures, doit automatiquement ajourner les travaux. J'aimerais, quand
même, qu'un député demande l'ajournement du débat...
(22 heures)
M. Grenier: Je l'ai demandé.
Le Vice-Président: Je sais qu'il a été
demandé par le député de Mégantic-Compton. Je l'ai
reconnu effectivement, sauf que, d'après une certaine règle qu'il
y a ici...
Une Voix: II n'y a pas de règle.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! La
motion du député de Mégantic-Compton est-elle
adoptée?
Une Voix: Adopté.
M. Bertrand: Oui, M. le Président...
Le Vice-Président: Oui?
M. Bertrand: ... simplement pour rappeler à nos
collègues que demain matin il y a une question avec débat; c'est
le jeune et brillant député de Mégantic-Compton qui va
nous entretenir de politique familiale en présence du non moins jeune et
brillant ministre des Affaires sociales.
Mardi prochain, trois commissions parlementaires, M. le
Président: celle de la présidence du conseil sur le projet de loi
no 10, au salon rouge; celle de la commission des affaires culturelles sur le
projet de loi no 51, à la salle 81-A; et celle des consommateurs,
coopératives et institutions financières sur le projet de loi no
54, à la salle 91-A.
Avant de terminer, M. le Président, je veux encourager nos amis
du Parti libéral, en avant, à faire beaucoup de travail dans
D'Arcy McGee en fin de semaine, il paraît que leur comté est en
danger là.
Le Vice-Président: Alors, les travaux de
l'Assemblée sont... S'il vous plaît, à l'ordre! A
l'ordre!
Les travaux de l'Assemblée sont ajournés à mardi,
14 heures.
Fin de la séance à 22 h 2