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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes. Déclarations ministérielles.
M. le ministre des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche.
Appui au groupe Québecair
M. Lucien
Lessard
M. Lessard: M. le Président, je tiens d'abord à
m'excuser auprès des partis de l'Opposition, puisque c'est ce matin que
nous avons décidé de faire une déclaration
ministérielle. Il y a quelques corrections mineures sur la
déclaration ministérielle, mais je pense que les
représentants de l'Opposition ont été avertis en
conséquence.
M. le Président, je désire informer cette Assemblée
d'une décision qu'a rendue hier le gouvernement du Québec au
sujet de la propriété de la compagnie de transport aérien
Nordair dont le siège social est à Montréal. J'exposerai
auparavant les principaux événements qui ont marqué
l'évolution de ce dossier. C'est en mai 1977 que les actionnaires de
Nordair ont entrepris la vente de cette compagnie aérienne et, en
décembre de la même année, l'offre d'achat d'Air Canada
était acceptée par Nordair, puisqu'elle était, en termes
financiers, la plus élevée de toutes les offres jusqu'alors
présentées.
Ces événements se produisaient au moment même
où je mettais en place au sein du ministère des Transports du
Québec une structure qui permettait de diversifier et d'étendre
les responsabilités de ce ministère en matière de
transport au Québec. Parmi les nouveaux secteurs d'intérêt,
le transport aérien venait d'être défini comme un secteur
prioritaire d'intervention au Québec. Donc, un mois après l'offre
d'acquisition de Nordair par Air Canada, soit en janvier 1978, j'ai fait
connaître la position du gouvernement du Québec au sujet de cette
transaction.
Il s'agissait, d'abord et avant tout et c'est encore le cas
aujourd'hui de favoriser l'acquisition de cette compagnie par des
intérêts majoritairement québécois. Pour nous du
Québec, il s'est agi de profiter de cette occasion pour amorcer le
redressement de notre secteur aérien.
En effet et de nombreux membres de cette Assemblée peuvent
en témoigner éloquemment les carences du transport
aérien au Québec ne sont plus à exposer. Tous savent le
nombre inacceptable de délais qui peuvent être rencontrés
lors d'un trajet qui nous amène d'un point du Québec à un
autre. En plus d'être inadéquatement desservis par ce mode de
transport de pointe, les
Québécois avaient, il y a deux ans et malheureusement
encore aujourd'hui, à se plaindre du peu de place que nous occupions
dans cette industrie.
C'est pourquoi, dès janvier 1978, ai-je précisé
qu'il ne pouvait être question pour le Québec de perdre le
siège social de Nordair. L'intérêt du Québec
réside donc dans le maintien à Montréal de la principale
place d'affaires de cette société. Il est, d'autre part,
impératif que la vente de Nordair favorise sensiblement une
amélioration des services aériens au Québec.
Enfin, le troisième principe que j'exprimais en janvier 1978, au
nom du gouvernement du Québec, était que la vente de Nordair
devait favoriser un accroissement de l'accès des Québécois
aux emplois liés au transport aérien dans notre ciel. Toujours en
janvier 1978, j'ai commandé une étude à une firme
newyorkaise occupant un des premiers rangs des sociétés de
financement des entreprises aériennes. Les conclusions de cette
étude m'ont clairement indiqué le bien-fondé de la
position du Québec, à savoir la faisabilité
financière d'un transporteur aérien québécois fort,
principal agent de liaison entre les régions du Québec où
de plus petits transporteurs assureraient les liaisons intrarégionales.
Cette étude m'indiquait également que Québecair et Nordair
fusionnées pouvaient assurer leur développement en remplissant le
rôle d'articulation maîtresse du transport aérien au
Québec sans la nécessité d'une intervention d'Air
Canada.
Malgré une série de revendications du Québec, il a
fallu près d'une année au gouvernement fédéral pour
rendre une décision, décision confuse par ailleurs, et par
laquelle on autorisait l'acquisition de Nordair par Air Canada tout en lui
ordonnant de revendre cette compagnie à des intérêts
privés dans les douze mois, soit cet automne. Présumant, comme il
se doit, de la bonne foi du gouvernement fédéral, nous avons
intensifié en 1979 nos efforts sur deux fronts en vue de la
réalisation de nos objectifs. D'abord au Québec, en vue de
favoriser le regroupement d'intérêts financiers
québécois, ensuite, auprès du gouvernement
fédéral, en vue de soutenir l'intérêt manifeste et
vital que nous portons à ce dossier. A partir du mois d'août 1979,
conscient que le délai de douze mois annoncé par le
fédéral pour la rétrocession de Nordair tirait à sa
fin, je me suis personnellement et activement impliqué tant
auprès de mon homologue fédéral d'alors, M. Mazankowski,
que des milieux financiers de chez nous. (10 h 20)
Depuis lors, la chronologie significative des événements
s'établit comme suit: Dans un premier temps, M. Alfred Hamel, acquiert
le contrôle majoritaire de Québecair: ensuite, la
Société d'investissement Desjardins acquiert un cinquième
des actions de Québecair; la Fédération des caisses
d'entraide économique du Québec offre publiquement à
Québecair les 10% d'actions qu'el-
le détient dans le groupe Lizotte ou dans le groupe Nordair. Ce
dernier événement contribue largement à renforcer le
rapprochement le plus solide jusqu'ici de groupes québécois
impliqués dans le dossier Nordair et solutionne l'impasse
rencontrée lors de mes tentatives de réunir les groupes Lizotte
et Hamel. L'offre de Québecair comprend donc maintenant la
Société d'investissement Desjardins, les groupes Hamel et
Provost, la Fédération des caisses d'entraide économique,
Great Lakes Airlines et les Credit Unions de l'Ontario, tout en conservant la
majorité des actions aux groupes québécois.
En conclusion, le gouvernement du Québec a décidé
d'indiquer au gouvernement fédéral son appui à l'offre
d'acquisition de Nordair par le groupe Québecair parce que cette offre
rencontre nos objectifs dans le développement du transport aérien
au Québec. Le gouvernement du Québec indiquera par ailleurs au
gouvernement fédéral son exigence qu'une décision
concernant cette question soit prise dans les plus brefs délais, compte
tenu que l'incertitude qui règne en ce domaine a déjà
causé suffisamment de tort à l'industrie du transport
aérien au Québec. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, inutile de dire que, du
côté de l'Opposition officielle, nous sommes tout à fait
sympathiques à l'idée fondamentale qui a été
exprimée par le ministre dans sa communication, c'est-à-dire
l'idée suivant laquelle d'abord les besoins aigus du Québec en
matière de service de transport aérien soient comblés de
manière plus satisfaisante dans l'avenir et, deuxièmement, le
principe voulant que des citoyens de cette partie du Canada, le Québec,
soient davantage impliqués dans la prise de responsabilités et de
décisions dans l'industrie du transport aérien.
Nous avons tous constaté, nous qui voyageons d'une partie
à l'autre du territoire, très fréquemment, qu'il y a bien
des régions qui sont desservies de manière incomplète,
d'autres qui ne le sont pas du tout. Des améliorations
considérables sont souhaitables et même nécessaires de ce
côté.
C'est à mon point de vue assez clair que, si une implication
québécoise plus ferme et plus directe était acquise dans
le secteur, les choses seraient facilitées. Nous pourrions envisager des
améliorations dans des conditions beaucoup plus intéressantes.
Par conséquent, sur ces deux points fondamentaux, je pense qu'il y a
beaucoup de sympathie dans tous les secteurs de la Chambre et même de
l'opinion au Québec.
Dans la déclaration qu'a faite le ministre ce matin, il y a des
points qui méritent d'être soulignés, tout simplement du
point de vue logique. Je pense que ce n'est pas mauvais qu'on vous le souligne.
Peut-être que vous pourrez clarifier cela tantôt, M. le ministre. A
la page 3 de sa déclaration, le ministre nous raconte les étapes
qui ont conduit à l'acquisition temporaire de Nordair par Air Canada,
à la fin de décembre 1977. Ensuite, le ministre nous dit que
dès janvier 1978 il a commandé une étude à une
firme newyorkaise. Ensuite, on arrive au quatrième paragraphe et
là, on revient à l'acquisition de Nordair. C'est comme si,
à la suite de l'étude et de ses conclusions, le gouvernement du
Québec avait fait des démarches auprès du gouvernement
fédéral, mais, déjà, c'est une chose qui
était acquise. Je ne sais pas si c'est parce que la déclaration a
été préparée dans des conditions de hâte,
mais je pense qu'il y a un petit problème d'articulation logique ou
chronologique qui devrait être clarifié par le ministre.
En passant, le ministre a fait allusion à cette étude qui
avait été commandée à une firme newyorkaise qui
aurait conclu à la désirabilité d'une fusion de Nordair et
de Québecair et aux résultats économiques
intéressants qu'on pourrait entrevoir à la suite d'une telle
fusion. Je voudrais signaler une fois de plus au gouvernement qu'il tend de
plus en plus à s'approprier le monopole, la propriété
jalouse de ces études et de ces expertises commandées à
propos de différentes questions. Je crois qu'il serait très
indiqué que le ministre nous soumette le contenu, même le texte de
cette étude. Je remarque que du côté du gouvernement qui
favorisait énormément la transparence quand il était dans
l'Opposition et j'étais le plus souvent de son côté
à l'époque quand il faisait des demandes de cette nature
je pense qu'il y a une tendance de plus en plus marquée à
s'approprier des documents qui sont, de toute évidence,
d'intérêt public, surtout au stade où nous en sommes dans
l'examen de ce dossier. Je pense qu'il serait même du devoir du
gouvernement de nous communiquer la teneur de cette étude.
Je me réjouis avec le ministre du rapprochement qui s'est
effectué entre des groupes d'investisseurs québécois que
séparaient, jusqu'à maintenant, des différences d'approche
ou d'intérêt parfois difficiles à comprendre. Je
félicite, en particulier, le président de la
Fédération des caisses d'entraide économique, M. Gagnon,
du geste qu'il a fait la semaine dernière, quand il a dit que, dans
l'intérêt général du Québec, il serait
prêt à se dégager de l'implication qu'il avait dans le
secteur si son geste était de nature à favoriser l'acquisition de
Nordair par un groupe québécois. Je pense que c'est un geste
qu'il vaut la peine de souligner. Il vaut également la peine de
souligner l'initiative de ceux qui se sont regroupés derrière M.
Alfred Hamel. Je suis très heureux de voir que le mouvement Desjardins
semble prêt à prendre certains risques dans ce secteur-ci. Je
souligne l'implication du groupe Provost également. Les groupes
ontariens sont minoritaires. Je pense que c'est très bien
également.
Une chose que je voudrais souligner à l'attention du ministre
avant de terminer, c'est qu'il serait très important, avant de se
prononcer là-dessus d'une manière ferme le gouvernement a
eu
toutes les données en main, c'est très bien; nous ne les
avons pas eues que nous sachions exactement de quoi il s'agit quand on
parle de Nordair. Nordair est une société dont les services vont
bien au-delà du Québec. Je crois comprendre que c'est une
société qui dessert tout le Grand-Nord canadien et que c'est
même de là que découle sa rentabilité principale.
Elle a également des lignes de transport au sud. Selon des informations
fragmentaires que j'ai pu glaner ici ou là, ce n'est pas de ce
côté que réside la source de rentabilité la plus
élevée.
Pour ajouter une considération, M. le Président, je pense
qu'il ne faudra pas, non plus, refuser d'examiner le problème dans une
perspective plus large, au besoin. Vous savez que nous avons de gros
problèmes de transport aérien du côté des provinces
atlantiques également. Je vois que, dans les propos du ministre, on
parle d'association entre des intérêts ontariens et
québécois. Je crois que, si l'intérêt
général demandait que ces considérations fussent
élargies de manières à embrasser également la
question qui doit nous inviter à nous demander s'il n'y aurait pas une
amélioration considérable à chercher de ce
côté-là aussi, ce serait très bien.
Ces réserves étant faites, ces questions étant
posées, je voudrais dire avec insistance que je suis très heureux
de seconder la perspective générale dans laquelle on nous a
parlé ce matin et de dire une fois de plus au gouvernement, comme nous
aimons le faire souvent: Autant cela nous déplaît quand des
questions de principe ou de vision générale nous obligent
à nous opposer au gouvernement autant cela nous
déplaît de le faire, autant nous le faisons avec vigueur,
cependant autant nous sommes heureux quand des valeurs communes, des
principes fondamentaux ou des intérêts très vitaux nous le
commandent, de nous associer à une démarche gouvernementale.
Par conséquent, si le ministre veut nous permettre de seconder la
position du gouvernement avec encore plus de force, je lui serais reconnaissant
de nous transmettre dans les plus brefs délais les suppléments
d'information dont nous avons besoin pour adopter une attitude en toute
connaissance de cause comme c'est notre devoir de le faire.
Le Président: Merci. M. le député de
Missisquoi. (10 h 30)
M. Armand Russell
M. Russell: M. le Président, je voudrais d'abord remercier
le ministre de nous avoir transmis à la dernière minute cette
déclaration ministérielle. J'ai dû en prendre connaissance
en même temps qu'il en a fait la lecture en Chambre. Par contre, je suis
heureux de cette déclaration, ce matin, qui renouvelle ce qu'il a
déjà dit il y a quelques mois ou quelques années dans son
enthousiasme de créer ici une société aérienne
québécoise. J'aurais aimé, s'il a fait faire une
étude par une société américaine qui s'est
avérée très positive, qu'il la dépose en Chambre
pour qu'on puisse en prendre connaissance nous aussi parce qu'on est aussi
désireux qu'il peut l'être de s'assurer que cette
société québécoise peut être rentable.
Evidemment, nous y sommes très favorables. Je me demande bien
pourquoi cette déclaration est faite à ce moment-ci. Est-ce qu'il
y aura des possibilités qu'Air Canada laisse vendre Nordair à
d'autres intérêts? Est-ce qu'Air Canada refuserait de vendre
Nordair? Je pense que si c'était là la raison de sa
déclaration, je pourrais faire une recommandation: qu'il entreprenne
immédiatement des négociations avec le fédéral qui
a autorisé cette vente. Je pense qu'il est obligé d'intervenir
pour autoriser la vente par Air Canada à une autre
société. Si ce n'était seulement cette raison, je pense
qu'il faudrait plus qu'une déclaration ministérielle. S'il veut
avoir l'appui de la Chambre, je pense que ce sera facile de l'avoir. Il pourra
déposer toute l'information qu'il possède et faire une motion
dans ce sens. Je pense qu'ensemble on pourrait débattre la question en
connaissance de cause et faire en sorte de créer l'unanimité de
toute l'Assemblée nationale pour s'adresser au fédéral et
dire: Nous favorisons que cela demeure dans les mains d'une
société majoritairement québécoise. Personne ne va
s'opposer à cela et je pense qu'il aurait l'occasion, depuis qu'il a
amorcé ces déclarations depuis presque deux ans, d'obtenir
l'unanimité de la Chambre et un appui absolu.
M. le Président, je ne veux pas éterniser les commentaires
là-dessus. Je pense bien qu'il s'agit là simplement d'une
répétition de déclaration qui est de bonne guerre
politique, je présume, et pour montrer à ce groupement qui s'est
formé qu'on est bien heureux de voir qu'il a réussi l'unification
de sorte qu'on a au moins une société majoritairement
québécoise qui opère actuellement au Québec et qui
pourra, dans un avenir rapproché, amplifier sa capacité de
pouvoir s'assurer une meilleure rentabilité. Je suis convaincu que
l'acquisition de Nordair pourra être un actif très positif pour
cette société québécoise. Donc, je veux simplement
dire que le groupe que je représente est très conscient de la
valeur de cet achat et nous allons le supporter. Je renouvelle ma demande au
ministre pour qu'il nous dépose cette documentation qu'il possède
ici. On pourra en prendre connaissance. Je l'inviterais, si cela presse,
dès la semaine prochaine, qu'il fasse une motion en ce sens et on sera
heureux de la débattre, de l'appuyer pour qu'il puisse la transmettre au
gouvernement fédéral.
Le Président: M. le ministre des Loisirs, de la Chasse et
de la Pêche.
M. Lucien Lessard
M. Lessard: M. le Président, très
brièvement, je remercie d'abord tous les représentants de
l'Opposition de leur appui. Si je fais cette déclaration ce matin, c'est
que justement j'envisage
qu'une décision devrait être prise d'ici quelques heures,
peut-être, ou quelques jours, par le gouvernement fédéral,
et j'estime qu'il est extrêmement important que la position de
l'Assemblée nationale, la position du Québec soit connue, parce
que même si je ne suis pas dans les secrets du cabinet du gouvernement
fédéral, il est possible que cette décision ne
représente pas ou puisse ne pas représenter la position du
Québec. Il est important de faire connaître la position du
gouvernement du Québec et des membres de l'Assemblée nationale
afin que le cabinet fédéral puisse tenir compte de cette position
avant de prendre une décision.
Je voudrais répondre au chef de l'Opposition officielle en ce qui
concerne un peu la chronologie des événements. Il est certain que
lorsque je suis arrivé au ministère des Transports, nous n'avions
pas comme telles d'études techniques concernant l'ensemble du secteur
aérien au Québec. Comme dès le début, en fait, nous
avons appris l'annonce de la vente de Nordair à Air Canada, nous avons
dû réagir sur le plan des principes, et c'est dans ce sens
qu'à la page 2 de ma déclaration j'énonce la
déclaration de principe que j'avais faite à ce moment vers le
mois de janvier 1978.
Cependant, à la suite de cela et pour bien confirmer ma
déclaration de principe, pour voir si cette déclaration pouvait
être appuyée par des faits économiques, des études
économiques, c'est à ce moment que j'ai commandé
l'étude économique dont j'ai parlé et qui confirmait qu'il
était possible pour les compagnies québécoises de se
regrouper et d'être rentables, particulièrement en ce qui concerne
le groupe Nordair et le groupe Québecair.
Il est envisagé dans cette étude la possibilité,
par exemple, d'un regroupement de la compagnie qui dessert actuellement les
territoires ou les provinces atlantiques. Nous n'avons jamais eu d'objection
à voir ce regroupement, mais pour le moment cela a été
plutôt les éléments québécois qui ont
tenté de se regrouper, quitte cependant à négocier avec
des groupes de l'Ontario, ce que nous avons fait, d'ailleurs, ce qui fut
concrétisé puisque Great Lakes et le Credit Union de l'Ontario
ont accepté de se regrouper avec des groupes
québécois.
En ce qui me concerne les études techniques comme telles, vous
conviendrez qu'il s'agissait d'une négociation très
délicate. Je l'ai dit ici en cette Chambre, quand on négocie une
chose assez valable au point de vue du principe, mais en même temps qui
touche $33 millions ou $34 millions, il n'est pas facile de mettre ensemble
deux groupes qui ont été en conflit depuis passablement de temps,
puisqu'on m'indiquait que le groupe Nordair et le groupe Québecair
faisaient des tentatives depuis 20 ans pour se regrouper. Lorsque j'ai eu
à les rencontrer face à face, j'ai senti qu'il ne serait pas
facile d'en arriver à ce regroupement, de telle façon que les
études que j'ai obtenues, je les ai mises à la disposition des
groupes concernés, mais toujours dans le sens de conserver l'objectif
que je m'étais fixé, à savoir que les groupes
québécois puissent conserver la majorité des actions
à l'intérieur de cette entreprise. Je pense qu'il aurait
été de très mauvaise guerre de mettre à la
disposition du public l'ensemble de ces études puisque ces études
auraient été accessibles, à ce moment, à des
concurrents qui n'ont pas nécessairement les mêmes
intérêts que le gouvernement du Québec.
Dans ce sens, lorsque la transaction sera consacrée, lorsqu'une
décision pourra être prise par le gouvernement
fédéral, je n'y aurai aucune objection et je verrai à ce
que ces études puissent être transmises au chef de l'Opposition ou
aux représentants de l'Opposition, mais si je ne l'ai pas fait, ce n'est
pas dans une tentative de cacher les négociations qui avaient lieu. J'ai
toujours évité de faire de la publicité avec cela,
même si j'ai eu plusieurs rencontres avec les différents groupes
concernés, parce que je voyais que toute tentative de publicité
pouvait nuire aux négociations qui étaient en marche à ce
moment.
M. le Président, je pense qu'il pourrait être utile de
rendre par la suite ces études publiques, je n'ai rien à cacher.
Maintenant, l'objectif que j'ai toujours poursuivi a été le
regroupement des groupes francophones et nous espérons que cet objectif
sera réalisé dans les plus courts délais.
M. Russell: M. le Président, si vous me le permettez.
Le Président: Dépôt de documents.
M. Russell: Me permettriez-vous de poser une simple question au
ministre?
Le Président: M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Russell: S'il s'agit d'une question d'urgence, notre groupe
et, je le pense bien, l'Opposition officielle serions d'accord pour faire une
motion d'urgence pour qu'on dépose les documents et on en discutera. Je
préférerais qu'on fasse une motion immédiatement, avant
coup, plutôt que d'aller avec une motion dé contestation, de
protestation après coup.
M. Lessard: M. le Président, je pense bien que c'est
l'objectif qu'on poursuit qui est important. Je ne connais pas la
décision du gouvernement fédéral. Si elle allait à
l'encontre des intérêts du gouvernement du Québec, il
faudrait renégocier avec les groupes concernés de telle
façon qu'il m'est difficile pour le moment d'annoncer que je vais
rendre, demain matin, ces études publiques, parce que ces études,
étant rendues publiques, seraient accessibles à des groupes qui
n'ont pas nécessairement nos intérêts. Est-ce que je
devrais fournir à des groupes ontariens, par exemple, une étude
qui a été faite et payée par le gouvernement du
Québec?
Le Président: Dépôt de documents.
M. le leader parlementaire du gouvernement au nom de M. le ministre de
la Justice. (10 h 40)
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Rapport annuel de la Commission des libérations
conditionnelles
M. Charron: Au nom de mon collègue de la Justice, je
dépose le rapport annuel 1978-1979 de la Commission
québécoise des libérations conditionnelles.
Le Président: Merci. Rapport déposé. M. le
ministre de l'Education.
Rapport annuel de l'Université du
Québec
M. Morin (Sauvé): M. le Président, permettez-moi,
à titre de ministre de l'Education, de déposer le dixième
rapport annuel de l'Université du Québec qui porte sur
l'année 1978-1979.
Le Président: Rapport déposé. M. le leader
parlementaire du gouvernement au nom du ministre des Communications.
Rapport annuel du ministère des
Communications
M. Charron: Je dépose le rapport annuel 1978-1979 du
ministère des Communications.
Le Président: Rapport déposé. M. le ministre
des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche.
Rapport annuel du ministère du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche
M. Lessard: J'ai le plaisir de déposer le rapport annuel
du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche 1978-1979.
En même temps, il me fait plaisir de déposer le rapport annuel
1979 du comité organisateur de la fête nationale du
Québec.
Le Président: Merci. Rapport déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
M. le leader du gouvernement.
M. Charron: Le projet de loi qui apparaît à
l'article g) du feuilleton, M. le Président.
Projet de loi no 189
Première
lecture
Le Président: M. le député de Vanier propose
la première lecture du projet de loi no 189, Loi sur la
Fédération des Magasins Co-op. Est-ce que cette motion de
première lecture sera adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
M. Charron: Article h) du feuilleton.
Projet de loi no 192
Première
lecture
Le Président: M. le député de Vanier propose
la première lecture du projet de loi no 192, Loi concernant la
Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec. Est-ce que cette motion de première lecture
sera adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Y a-t-il une motion?
M. Charron: Non, il n'y a pas de motion de
déférence, M. le Président. Deuxième lecture
à une prochaine séance.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente.
Période des questions orales. M. le chef de l'Opposition.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Prix
pétroliers
M. Ryan: Nous serons appelés à discuter, demain,
d'une motion gouvernementale au sujet de certaines répercussions du
budget fédéral dévoilé l'autre soir à
Ottawa. Afin de discuter de cette motion de la manière la plus
sérieuse possible, nous aurions besoin de tous les renseignements qui
seront nécessaires pour définir notre position. Je voudrais
demander au premier ministre ce matin deux choses: Premièrement, on
discute beaucoup des prix pétroliers au Canada depuis nombre de mois. Il
y a même eu à Ottawa je crois que c'est à la fin de
décembre une conférence des premiers ministres sur
l'énergie à laquelle le premier ministre n'a pu se rendre pour
des raisons que nous avons comprises, mais à laquelle il avait
délégué son ministre des Richesses naturelles.
J'aimerais savoir si le gouvernement du Québec a mis sur papier
sa position en matière de prix pétroliers. Est-ce qu'il y a un
texte sur lequel on pourrait s'appuyer? Vous avez beaucoup parlé de
cela. Est-ce qu'il y a un texte, un document énonçant la position
officielle du gouvernement du Québec en matière de prix
pétroliers, de manière que nous n'engagions pas le débat
au cours des prochains jours à partir de bouts de citations pris ici et
là, que ce soient celles du ministre ou les miennes, ou celles de mes
collègues qui ont parlé de ces choses. J'ai remarqué, en
particulier, qu'il y en a qui ont tendance à extrapoler, à
prendre des déclarations et à leur faire dire exactement le
contraire de ce qu'elles disent. Les gens sérieux ne s'occupent pas de
cela.
Le premier volet de ma question au premier ministre: Est-ce qu'il y a,
quelque part, un document officiel du gouvernement adressé soit aux
autorités fédérales, soit aux autorités des autres
provinces, soit à l'opinion publique, énonçant la
politique du gouvernement en matière de prix pétroliers?
Deuxièmement, j'ai cru comprendre que la première fois que le
gouvernement avait été saisi du projet d'augmentation de la taxe
d'accise remonte à cette conférence des premiers ministres
à laquelle nous étions représentés par le ministre
des Richesses naturelles. Il s'en est vanté lui-même l'autre jour
à la période où il y avait une question avec débat.
Il semblait être dans le sac; il disait ouvertement qu'une augmentation
de cette taxe s'en venait. J'ai lu des comptes rendus et j'ai trouvé
cela là-dedans.
Je voudrais savoir quand le gouvernement a-t-il été saisi
pour la première fois de ce projet de comment a-t-il réagi?
Est-ce qu'il y a eu autre chose que la lettre qu'on a déposée en
cette Chambre il y a quelques jours, vers la fin de la semaine dernière?
Troisième volet, le premier ministre a-t-il reçu d'autres
communications du gouvernement fédéral à ce sujet avant ou
après le discours du budget, lundi soir dernier, et voudrait-il nous
donner connaissance de ces communications qu'il aurait reçues de
l'autorité fédérale?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Sur la première partie de la
question, M. le Président, en ce qui concerne les prix
pétroliers, enfin les augmentations de prix qui sont prévues, je
dois dire ce n'est pas un mystère que c'était dans
l'air depuis un bon bout de temps. De façon indirecte, j'avais eu
l'occasion d'en parler avec certains à Ottawa. Mais la première
fois où le gouvernement a cru bon de préciser et je pense
qu'on doit se référer à ce texte, c'était un texte
du gouvernement en même temps que du ministre de l'Energie et des
Ressources où le gouvernement du Québec, officiellement, a
cru bon de prendre position sur cette question, c'était à la
conférence fédérale-provinciale des premiers ministres
à laquelle, comme le rappelait le chef de l'Opposition, je n'ai pu
assister mais où le gouvernement était représenté
par le ministre des Ressources et de l'Energie.
Cette intervention constitue, je crois, le résumé le plus
clair, le plus complet quant à nous de la position du gouvernement,
surtout si on l'accompagne et là il n'y a pas d'objection
à le transmettre à l'Opposition du document d'appui qui,
je crois, servait d'arrière-plan à ce document.
Pour ce qui est de la taxe d'accise, sauf erreur, d'une façon
concrète, cela a été également évoqué
mais là, le ministre de l'Energie pourrait peut-être
compléter parce que c'est dans son secteur de responsabilités
quotidiennes. Sauf erreur, cela a été évoqué pour
la première fois, de façon concrète, pendant cette
même conférence fédérale-provinciale. La seule
réaction que j'ai eue, moi, a pris la forme de la lettre, quand cela
s'est mis à se confirmer, que les rumeurs ont commencé à
étayer cela, qui non seulement a été rendue publique mais
déposée dans cette Chambre la semaine dernière.
Maintenant, d'autres communications, je crois que oui, mais j'aimerais
mieux prendre avis...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas si la réponse
intéresse le chef de l'Opposition. J'aimerais mieux prendre avis de la
dernière partie de sa question en ce qui concerne d'autres
communications parce que je craindrais d'oublier quelque chose. Je pourrais
vérifier aujourd'hui et, au plus tard demain matin, compléter
cette partie de la réponse.
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: M. le Président, si on demande
aux Québécois de combien de plus ils veulent payer leur essence,
la répose est très facile. On ne veut pas payer plus cher notre
essence, M. le Président. S'ils veulent nous la donner, on va la
prendre. En ce sens, notre position a été très simple
depuis le début. C'est que, comme acheteur, on veut payer le moins cher
possible. Par conséquent, on n'est pas intéressé à
ce que le citoyen québécois paie plus cher pour chauffer sa
maison, paie plus cher pour conduire son automobile et par définition
même, on est là pour défendre les intérêts des
Québécois. C'est la première partie de la
réponse.
M. Ryan: De la propagande!
M. Bérubé: La deuxième partie de la
réponse, M. le Président, est que c'est le vendeur actuellement
qui est en mesure de décider du prix auquel il est prêt à
vendre son pétrole. C'est la deuxième partie. Dans ces
conditions, nous avons insisté essentiellement sur un aspect au moins.
C'est que la hausse doit être graduelle. Ce n'est pas possible pour un
citoyen de supporter instantanément une augmentation subite du prix de
l'essence à laquelle son budget, ses revenus ne sont pas capables de
s'ajuster, de la même façon qu'un vendeur d'automobiles n'est pas
capable, du jour au lendemain, de changer tout son stock
d'automobiles pour tenir compte du prix de l'essence. Il faut que ces
ajustements soient graduels. Vous noterez que ce qui est annoncé par le
gouvernement fédéral, c'est une hausse instantanée au prix
international parce que là, finalement, tout le monde est d'accord pour
dire qu'une hausse du prix international, c'était d'à peu
près $0.30 le gallon. Le député d'Outremont l'a
publié dans un article dans le Devoir. Tout le monde est d'accord
là-dessus maintenant. Ce n'est plus $3 ou $4. L'Opposition s'est mise
d'accord. Donc, ce que cela veut dire, c'est que nous avons tout simplement
demandé au gouvernement fédéral une hausse graduelle.
Quant à savoir ce que rerésente le gradualisme, il y a des
hypothèses.
Maintenant, la deuxième partie de la question porte sur le type
de relations qui ont prévalu entre le gouvernement du Québec et
le gouvernement fédéral. Je dois dire à cet égard
qu'il y a eu des échanges au niveau des fonctionnaires qui, à mon
point de vue, ont été satisfaisants, en ce sens qu'il y a eu un
changement radical dans l'attitude des fonctionnaires à Ottawa, en ce
sens qu'ils ont indiqué à leurs contre parties provinciales les
éléments de ce que pourrait être une politique
fédérale énergétique. Cependant, lorsque j'ai
demandé à rencontrer le ministre de l'Energie, il m'a
été pratiquement impossible de le rencontrer. Je n'ai pu le
rencontrer, en fait, qu'une semaine un peu moins même avant
la conférence des premiers ministres, justement en vue de
préparer cette conférence des premiers ministres. Ce qui s'est
produit d'ailleurs, le Québec n'est pas la seule province
à s'être plaint de cette situation c'est que très
peu de provinces ont eu l'occasion de pouvoir s'asseoir avec le gouvernement
fédéral et d'en discuter. Il n'y a eu que l'Ontario et l'Alberta
en pratique, ce qui veut dire que nous avons été mis de
côté en ce qui a trait au processus politique de discussions
préliminaires à la préparation du budget. Donc,
première observation. (10 h 50)
Comme gouvernement, ce n'est vraiment que lors de la rencontre que j'ai
eue avec Hnatyshyn, rencontre qui était demandée depuis des mois,
qu'il a été possible pour moi, effectivement, d'aborder cette
question, ce qui fait que la véritable première proposition
officielle du gouvernement du Québec a été à la
conférence des premiers ministres, 4 à ce moment-là,
puisqu'il n'avait pas été possible d'en discuter
précédemment. Je dois dire qu'il y a eu des échanges entre
les fonctionnaires, entre l'administration, ce qui nous a permis d'avoir des
indications, mais chaque fois qu'on a voulu discuter à fond de la
question, on a été plutôt évasif. On a
souligné que c'étaient des hypothèses, que peut-être
que oui, peut-être que non. Par conséquent, le gouvernement ne
pouvait certainement pas s'opposer à quelque chose qui était
purement hypothétique. Ce n'est que graduellement qu'on a vu poindre de
façon beaucoup plus claire la position fédérale.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Je répète ma question, parce que je n'ai
pas compris la réponse. C'est très difficile quand le ministre
parle de distinguer la propagande des faits et des informations objectives.
Est-ce qu'au cours de toutes ces conversations, de toute ces démarches
épuisantes que le ministre a faites, il a laissé quelque part des
traces écrites sur lesquelles on pourrait s'appuyer pour essayer de
mieux comprendre sa pensée et sa politique, des traces écrites
officielles? Le ministre est allé représenter le Québec
à la conférence des premiers ministres. Est-ce qu'il y avait
à ce moment-là un document énonçant la politique du
Québec? C'est bien beau de se faire dire, comme un élève
de première d'économique, que c'est le vendeur qui
détermine le prix. On n'a pas besoin d'être élu dans cette
Chambre pour savoir cela. On le sait depuis longtemps. Je demande au ministre:
Est-ce qu'il avait autre chose à dire que ces âneries quand il est
allé à la conférence
fédérale-provinciale?
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: Je regrette, M. le Président,
d'avoir assisté une fois de plus à de la provocation de la part
du chef d'un parti qui manifeste une arrogance méprisante pour tous les
travaux de l'Assemblée nationale, qui fausse toutes les questions et qui
est incapable de mener un débat correctement.
M. Ryan: M. le Président... Une Voix: ... jamais de
réponse.
M. Ryan: ... je répète que j'ai posé une
question précise à laquelle j'aimerais avoir une réponse.
Si le ministre n'a pas de réponse à donner, qu'il le dise: Je
n'ai pas de texte à produire. Nous le saurons, c'est tout.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président. Le
Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je le répète, je
comprends que le chef de l'Opposition soit de mauvaise humeur après les
contradictions absolument flagrantes qu'il y a eu hier soir sur une des lois
les plus importantes de la session, mais il reste...
Une Voix: M. le Président.
M. Lévesque (Taillon): ... une chose, c'est qu'on n'a pas
le droit de perdre la mémoire en trois minutes. J'ai dit au
député d'Argenteuil que le texte approuvé par le
gouvernement c'est pour cela que le ministre ne l'a pas
répété; peut-être qu'il faut répéter
quatre fois la même chose pour qu'on comprenne en face le texte
officiel, approuvé par le gouvernement, de l'intervention
québécoise à la conférence sur l'énergie au
mois de décembre serait fourni à l'Opposition. Elle
pourra le lire, c'est un texte officiel de la position du gouvernement
du Québec.
Le Président: M. le député d'Outremont.
M. Raynauld: Question additionnelle, M. le Président. Le
problème de ce document, M. le Président, c'est que la
conférence a eu lieu le 12 novembre. C'est tout à fait exact
qu'on n'a jamais vu la position du gouvernement. Est-ce qu'il serait
possible... Est-ce que le premier ministre nous dit que cela va être
disponible? Est-ce que cela va être distribué en Chambre? Est-ce
que cela va nous être transmis?
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai dit
tout à l'heure que ce texte, qui n'a rien de mystérieux il
a été prononcé publiquement à la conférence
et il a même été débité à la
télévision, je pense, à haute et intelligible voix
sera disponible pour l'Opposition, si possible, Seigneur! pour essayer de voir
si elle peut finir par être pour, contre ou à moitié contre
le budget fédéral et les plaies qu'il inflige à la vie
quotidienne des Québécois le plus vite possible.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Juste un petit complément très bref, M. le
Président. Est-ce que je pourrais obtenir du premier ministre...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef
de l'Opposition.
M. Ryan: ... l'assurance qu'au cours de la journée il nous
fera tenir copie de tous les documents pertinents qui pourront nous
éclairer en vue de la préparation du débat de demain, y
compris copie du télégramme qu'il a reçu, d'après
ce que les journaux nous disent ce matin, du premier ministre Clark et dont
nous n'avions pas entendu parler avant que les journaux ne nous le
dévoilent ce matin?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président. C'est
pour cela que tout à l'heure, dans la troisième partie de ma
réponse, j'ai dit que pour éviter de risquer d'oublier des choses
pertinentes, je me donnais, au plus tard, jusqu'à demain matin pour
également rendre disponibles des choses additionnelles qui sont
arrivées. Il y a le télégramme en question. Il y a
également peut-être autre chose. Je ne voudrais pas oublier
quelque chose pour me le faire reprocher après, c'est tout.
M. Lavoie: M. le Président...
Le Président: Question principale, M. le
député de Laval.
Grève à Hydro-Québec
M. Lavoie: ... relativement à la grève
d'Hydro-Québec qui affecte de très nombreux contribua- bles du
Québec, ma question aurait deux volets. Est-ce que le premier ministre
pourrait faire le point sur la situation et sur la médiation qui se
déroulait dans la journée d'hier? J'imagine qu'il demandera
à son ministre des Ressources de nous donner, encore une fois, la
couleur du temps, mais est-il exact qu'il y a aujourd'hui, au moment où
je vous parle, 180 pannes au Québec, affectant 6300 abonnés, dont
110 durent depuis au-delà de deux jours, douze pannes majeures qui
affectent 3800 abonnés, qui durent depuis huit à dix jours? Dans
la région de la Beauce, où il y a des éleveurs d'animaux,
des propriétaires de porcheries, il y a cinq paroisses affectées
où, si les pannes ne sont pas rétablies sans délai, on
devra procéder à l'abattage des animaux. Egalement, dans la ville
de Laval, tout le centre-ville est en panne depuis au-delà de deux jours
cela fera trois jours à 23 heures ce soir affectant une
centaine de magasins, une quinzaine d'usines, 3500 emplois des ateliers
protégés. Est-ce exact et est-ce que le gouvernement entend
prendre ses responsabilités?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, si on me le
permet, je demanderai d'abord au ministre de l'Energie et des Ressources qui,
au jour le jour et presque d'heure en heure a des gens qui suivent la
situation, de préciser, peut-être en rectifiant au besoin
certaines des choses qui ont été dites par le
député de Laval et en confirmant celles qui sont exactes, la
couleur du temps comme le député l'a dit. Après tout,
comme il s'agit d'une médiation et que la médiation, comme la
conciliation, c'est la responsabilité directe du ministre du Travail et
de la Main-d'Oeuvre et de ses hauts fonctionnaires, je demanderais au ministre
du Travail et de la Main-d'Oeuvre de nous dire l'état de la situation
concernant la médiation et les espoirs très sérieux que
nous nourrissons aujourd'hui même. Si le ministre de l'Energie
voulait...
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: La réponse va être
très simple en l'occurrence. Je dirais que c'est essentiellement vrai,
ce que le député de Laval a indiqué; ce serait les
chiffres que j'aurais donnés à cette Assemblée. Vous
remarquerez qu'il n'y a pas eu de clameurs de notre part. Vous avez pu
réciter votre texte au complet sans qu'on vous interrompe. Je pense que
c'est un changement notable; c'est beaucoup plus agréable, d'ailleurs,
pour l'oreille, d'une part. Donc, il y a un seul point de différence, M.
le Président, et je pense que c'est quand même important de le
souligner. Dans les pannes qui durent depuis plus de deux jours, il y en a
effectivement 110 qui affectent 1700 abonnés. Ce qu'il est important,
cependant, de souligner, c'est qu'en fait, sur ces 110 pannes, il y en a 27 qui
affectent 195 abonnés qui résident dans leur maison principale.
Donc, la différence entre 110 et 27, ce sont des pannes qui affectent
des résidences secondaires,
des chalets, donc des choses moins essentielles. Dans ce cas, le
syndicat se traîne les pieds, peut-être avec assez de
justification, et ne fait pas les réparations rapidement.
Essentiellement, on peut parler non pas de 110 pannes qui affectent 1700
abonnés depuis 24 heures, tout le monde étant dans le froid en
train de grelotter, mais il faudrait plutôt dire 27 pannes qui affectent
195 abonnés où là, effectivement, les gens souffrent,
à mon avis, inutilement parce que c'est trop long.
Mais il faut quand même souligner, que, lorsqu'on regarde les
statistiques que je donne quotidiennement, chaque fois qu'il m'est posé
une question, que le nombre de pannes diminue. Aujourd'hui, c'est 180, c'est
moins qu'hier. En d'autres termes, cela veut dire que le syndicat fait un
effort réel pour essayer de réparer. Ce n'est pas toujours facile
dans le froid, dans la situation que l'on connaît présentement, de
réparer une panne instantanément. (11 heures)
Même en temps normal, quand il n'y a pas de grève, il y a
des pannes au Québec de plus de deux jours, ce qui veut dire qu'il y a
un certain nombre de ces pannes qui sont éminemment difficiles à
réparer et qui auraient pris plus d'une journée, de toute
façon. Je dois dire que le syndicat semble manifester une volonté
de réparer. Je dois dire que chaque fois qu'on communique avec mon
cabinet et qu'à la suite de cela nous communiquons avec le comité
provisoire, on me signale en général que le syndicat
répare en dedans de quelques heures les pannes en question. Ce n'est pas
que je cherche à excuser, à ne pas insister sur le fait que pour
195 abonnés, être dans le noir et dans le froid depuis deux jours
n'est pas pénible, ce n'est pas cela que je veux dire. Je ne voudrais
pas non plus que l'on accuse le syndicat de ne pas faire un effort quand il en
fait un réellement.
Le Président: M. le député de Laval. M.
Lavoie: Question additionnelle.
M. Garon: M. le Président, c'est parce que le
député de Laval a dit qu'il y avait cinq éleveurs de
porcs...
M. Lavoie: Cinq paroisses affectées.
M. Garon: Vous avez dit cinq éleveurs de porcs, que les
porcs devraient aller à l'abattage. Est-ce que je peux demander au
député de Laval de fournir les noms des cinq éleveurs de
porcs...
Une Voix: Quelle paroisse?
M. Garon:... avec leur endroit de résidence et on va s'en
occuper immédiatement.
M. Lavoie: M. le Président, je vais laisser la parole au
député de Beauce-Sud pour répondre à cette question
du ministre.
Le Président: M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: M. le Président, effectivement, il y a cinq
paroisses qui sont affectées: La Guadeloupe, Saint-Ephrem,
Saint-Evariste, Saint-Victor et Courcelles, et il y a beaucoup plus que cinq
éleveurs de porcs. Je pourrais lui en citer 25 à 30, de
mémoire, si ce n'est pas abuser du temps de la Chambre. Je crois qu'il y
a urgence à la situation. Voulez-vous que je vous en cite, M. le
Président? M. Henri-Louis Lapointe, de Saint-Victor, MM. Noël et
Jean-Marie Tardif, de Saint-Victor, M. René Plante, de Saint-Ephrem, M.
François Hamel, de Saint-Ephrem. Je pourrais continuer la liste. Je ne
suis pas préparé. Disons, etc.
Le Président: M. le député de Laval.
M. Lavoie: M. le Président, étant donné que
le ministre de l'Agriculture n'a pas de question additionnelle...
M. Lévesque (Taillon): M. le Président... Le
Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): ... le député de
Laval m'avait posé une question à deux volets, parfaitement
normaux, d'ailleurs. L'un sur la couleur du temps, c'est-à-dire,
hélas, sur les problèmes que créent la grève et les
pannes, et l'autre sur la médiation. J'avais offert une réponse
du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre sur la méditation. Je
crois que ce serait préliminaire.
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, je comprends que cela peut
sembler excédant pour les membres de l'Assemblée d'avoir
l'impression que c'est toujours un peu la même ritournelle, quand on
parle de ce qui se passe à une table de négociation. C'est
malheureusement comme cela que cela se passe. On n'a pas encore trouvé
de mécanisme magique qui permette, simplement par la volonté ou
un souhait vague ou un crochet descendant des nuages, de régler ces
problèmes. Ceci dit, les deux médiateurs assistés du
sous-ministre et du directeur des relations de travail du ministère,
jusqu'aux petites heures ce matin, vers 5 ou 6 heures, s'affairaient à
faire la proposition ou la recommandation qui sera remise aux parties à
14 heures cet après-midi. Donc, le syndicat ou les syndicats et
Hydro-Québec ont été convoqués pour 14 heures au
bureau du ministère à Montréal. On leur remettra alors les
textes qu'on s'affaire à finaliser ce matin et à imprimer; il
faut beaucoup de copies parce que les parties sont très nombreuses. On
s'affaire en ce moment à finaliser, donc, ces recommandations. Je
souhaite, évidemment, M. le Président, que la sagesse,
l'expérience et particulièrement l'impartialité des hommes
qui sont dans ce dossier pour mon ministère permet-
tent d'en arriver à un règlement puisqu'ils s'inspireront
des principes généraux dont s'inspirent les médiateurs,
c'est-à-dire, les mandats des parties, la possibilité de faire
avancer les contenus. Finalement, je souhaite qu'advenant un refus par
certaines des instances d'un côté ou de l'autre, on ait
l'assurance que les représentants iront devant leurs membres d'un
côté comme de l'autre, c'est-à-dire devant le conseil
d'administration dans le cas des négociateurs de l'Hydro, et devant
l'ensemble des travailleurs dans le cas des représentants syndicaux.
Le Président: M. le député de Laval.
M. Lavoie: Le premier ministre comprendra que cela est bien beau
de vivre d'espoir et d'espérance de jour en jour. Est-ce que demain
matin, lorsque nous reviendrons à la période de questions, on se
fera dire encore que nous avons des bons espoirs que la médiation qui
continue...
M. Johnson: M. le Président, si vous me permettez, j'ai
bien dit...
M. Lavoie: Oui, cet après-midi.
M. Johnson: Je comprends qu'il y avait peut-être un peu de
bruit en face, pour une raison que je ne comprends pas, mais j'ai bien dit
qu'elle se terminait cet après-midi cette médiation. A 14 heures
cet après-midi, MM. Crevier, Tremblay, Blain et Désilets
remettront aux parties leurs recommandations qui devraient être en fait
un rapport global sur l'ensemble des points en litige dans cette convention
collective et qui devrait faire l'objet, normalement, nous le souhaitons, d'une
acceptation des deux parties.
M. Lavoie: M. le Président.
Le Président: M. le député de Laval.
M. Lavoie: Nous souhaiterions que, durant la séance
d'aujourd'hui, peut-être vers 18 heures, avant la suspension des travaux,
le ministre nous donne le résultat de cette médiation, de la
proposition qui sera déposée à 14 heures cet
après-midi. Est-ce que le ministre pourrait s'engager à nous
faire une déclaration cet après-midi, à la suite du
dépôt de ce rapport, et cela, avant la suspension des travaux
à 18 heures?
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, je n'ai aucune objection
à faire un état succinct évidemment du rapport de
médiation qui sera une brique considérable, parce que cela porte
sur beaucoup de choses, à la condition, cependant, M. le
Président, d'une part que ce ne soit pas un précédent et
deuxièmement, que cela ne donne pas lieu à un débat.
M. Lavoie: J'aurais une dernière question.
Le Président: Une dernière question, M. le
député de Laval.
M. Lavoie: Mon dernier appel pour que le gouvernement prenne ses
responsabilités dans ce dossier, concernant, entre autres, les services
essentiels. Est-ce que le gouvernement est prêt à modifier,
aujourd'hui même, l'autorité en ce qui concerne les services
essentiels, que cela ne soit pas confié uniquement aux
syndiqués?
Deuxièmement, est-ce que le premier ministre, en prenant ses
responsabilités, pourrait s'impliquer autant dans ce dossier
d'Hydro-Québec que lorsque le gouvernement s'est impliqué pour
accepter des augmentations de tarifs d'électricité de 70% sur une
période de quatre ans?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, depuis
quelque deux mois, deux mois et demi, je pense qu'on s'implique autant qu'un
gouvernement peut le faire jusqu'à la limite de ses forces dans les
conflits qui se déroulent. Je ferai remarquer au député de
Laval que, tenant compte du fait que tout a refoulé jusqu'au Front
commun, ce qui était probablement inévitable, possiblement, sauf
des exceptions s'il y a des exceptions, tant pis, on reprendra cela tout
de suite après le début de l'année tout l'essentiel
de cette ronde ces infernales négociations qui reviennent tous
les trois ans aura été réglé, pour la
première fois, espérons-le, avant Noël, c'est-à-dire
en dedans de six mois alors que les minimums qu'on avait avant, en 1972, 1975
et 1976, c'était 18 à 24 mois. On fait ce qu'on peut, on n'a pas
trouvé de recette magique, mais il y a quand même une
sacrée amélioration.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.
M. Biron: Une courte question additionnelle, M. le
Président, au ministre du Travail concernant le conflit
d'Hydro-Québec. Il y a quelques semaines, le ministre du Travail avait
eu des plaintes très sévères à l'endroit de
l'attitude des chefs syndicaux, non pas des travailleurs, en disant: II me
semble que le syndicat n'a pas de volonté réelle de
négocier dans ce conflit. Est-ce que, maintenant, au cours des derniers
jours, le ministre peut nous dire que l'attitude des négociateurs du
syndicat est meilleure qu'elle ne l'était au début? Est-ce qu'il
est satisfait de cette attitude? Y a-t-il une volonté de négocier
de la part du syndicat maintenant?
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: Ecoutez, dans le fond, quand on est rendu au stade
d'une médiation qui débouche sur une recommandation des
médiateurs, il n'y a,
en pratique, plus de place pour la négociation, à moins
que les parties, de part et d'autre, s'entendent pour tout remettre en cause et
parapher tous les textes de la convention collective. Mais à partir du
moment où j'ai nommé les médiateurs, la semaine
dernière, il était entendu que ce à quoi nous assisterions
à compter de lundi matin, c'était que la partie patronale et la
partie syndicale, en pratique, seraient obligées de déballer
l'essentiel de leur demandes et qu'à partir de cela mes
médiateurs faisaient et formulaient une recommandation qui,
évidemment, ne pourra pas donner à 100%, même pas sur
l'ensemble des points, raison ou aux demandes syndicales ou aux exigences
patronales. Mais ils essaient de trancher du mieux qu'ils peuvent entre ces
positions qu'on espère être dans le cadre de la médiation
toujours, la position ultime du syndicat et de la partie patronale. (11 h
10)
Je pense que cet exercice qui a duré près de 48 heures
avec les parties, plusieurs heures chaque journée de lundi et mardi,
ainsi que très tard dans la soirée mardi, avec le syndicat, ce
sera la base de ce qui permettra à 14 heures cet après-midi
à nos deux médiateurs de déposer une recommandation finale
qui devrait faire l'objet d'un règlement.
Le Président: M. le député de
Bellechasse
Zonage agricole et aménagement du
territoire
M. Goulet: Merci, M. le Président. Lors des débats
de première, deuxième et troisième lecture, et même
en commission parlementaire, du projet de loi qui est maintenant devenu la loi
no 125, nous avons manifesté notre regret de l'absence de toute
modalité sur l'harmonisation des deux politiques gouvernementales. A la
fin des travaux, le ministre a déposé une proposition
détaillée et fort attendue sur l'harmonisation du zonage agricole
et l'aménagement du territoire. Cette proposition se trouve à
l'intérieur de ce document signé par le ministre d'Etat à
l'Aménagement du territoire.
Ma question s'adresse à ce ministre. Je voudrais savoir s'il
partage les propos du premier ministre et du ministre de l'Agriculture quand
ils affirment que ce document n'a à peu près pas de valeur
exécutoire et qu'il n'engage en rien le gouvernement parce que ce n'est
pas un document officiel. En effet, l'un soutient que ce document est un
document personnel déposé par le ministre et qu'il n'a rien
d'officiel et l'autre parle d'une quelconque formule d'harmonisation.
Je voudrais savoir du ministre d'Etat à l'Aménagement du
territoire s'il est d'accord avec ces propos. Comment concilier les propos de
son chef, le premier ministre, et ceux de son collègue à
l'Agriculture avec les propos qu'il a lui-même tenus concernant ce
document?
Le Président: M. le ministre d'Etat à
l'Aménagement du territoire.
M. Léonard: Ce qui a été
déposé à l'Assemblée nationale, c'est la
déclaration ou une proposition du 21 décembre dernier qui
émanait du Conseil des ministres. J'ai dit, lorsque j'ai
déposé le document sur l'harmonisation, que c'était un
document d'explicitation de cette proposition qui était en consultation
parmi la population et que chacun aurait à donner son opinion par
rapport au document. Nous avons entendu différentes opinions, nous en
attendons d'autres avant de procéder plus avant dans cette
harmonisation.
Le Président: M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: En déposant le projet de loi no 125 en
décembre dernier, le ministre avait donné un certain nombre
d'indications, comme il vient de le dire, aux municipalités quant au
rôle qu'elles joueraient à cet égard. Selon ce document, il
serait possible aux municipalités régionales de s'impliquer
directement dans la gestion de la loi de la protection du territoire agricole.
Ceci a eu pour effet de soulever un tollé de protestations en provenance
de certains groupes dont les agriculteurs réunis à Québec,
en fin de semaine, lors du congrès de l'UPA, protestations que le
premier ministre a tôt fait d'apaiser en déclarant ce qui suit: "A
aucun moment la primauté de la loi 90 assurant la protection des terres
agricoles québécoises ne sera entachée par une quelconque
formule d'harmonisation entre les lois touchant le zonage et
l'aménagement du territoire."
A la suite de cela, le ministre de l'Agriculture, en réponse
à une de mes questions en commission parlementaire la semaine
dernière, disait à peu près ceci au sujet de la formule
d'harmonisation: "La formule d'harmonisation a été
déposée par le ministre d'Etat à l'Aménagement
comme un document personnel. C'est un document personnel du ministre. Il ne l'a
pas présenté comme un document officiel, il l'a
présenté comme un document personnel". Je lui disais, et je cite
encore très brièvement, M. le Président, puisque c'est
notre première question: "D'après ce qu'il nous a dit
parlant du ministre d'Etat à l'Aménagement du territoire
tout le monde était d'accord", ce à quoi le ministre de
l'Agriculture a répondu: "Voyons donc!" Voulant dire: Nous
n'étions pas nécessairement d'accord.
J'aimerais savoir du ministre d'Etat à l'Aménagement du
territoire comment il peut concilier les propos que je viens de citer, ceux du
premier ministre et du ministre de l'Agriculture, avec ses propos dans ce
document où il dit: "Je déposais à l'Assemblée
nationale, en même temps que le projet de loi sur l'aménagement et
l'urbanisme, une déclaration adoptée par le Conseil des ministres
pour fins de consultation. J'ai donc résolu de préparer une
proposition plus détaillée de cette déclaration
d'harmonisation et d'en faire la diffusion. Ce document reprend cette
proposition de manière plus précise en la faisant
précéder d'un bref résumé." C'est signé du
ministre d'Etat à l'Aménagement du territoire, Jacques
Léonard.
J'aimerais savoir comment le ministre peut concilier les propos qu'il a
lui-même signés dans ce document et ceux de ses deux
collègues.
Le Président: M. le ministre d'Etat à
l'Aménagement du territoire.
M. Giasson: C'est de la bouillie pour les chats!
Une Voix: C'est bien vrai.
M. Léonard: Est-ce que le poulailler a fini? Des Voix:
Oh!
Le Président: M. le ministre d'Etat à
l'Aménagement du territoire.
M. Bérubé: Ecoutez donc les réponses! Une
Voix: Envoyez-leur une poche de grain!
M. Léonard: Cela demeure toujours une proposition sur la
table et le document qui a été déposé est une
explicitation de cette proposition qui est toujours en consultation, M. le
Président.
Je vais simplement rappeler quand même des choses: la loi 125 a
été sanctionnée le 21 novembre dernier seulement. Il n'y a
aucune municipalité régionale de comté qui fonctionne
à ce jour; aucune n'a de lettres patentes. Donc, ce n'est pas une
urgence. Par ailleurs, j'ai toujours dit, et je l'ai dit même au cours du
débat sur la loi 90, que la protection des terres agricoles était
une urgence nationale pour les Québécois et qu'il était
important qu'on les protège par la loi 90. Tout le monde est d'accord
là-dessus, il n'y a aucun doute, et moi aussi, je suis d'accord. Ne vous
faites pas de fausse joie là-dessus, l'Opposition; je suis d'accord
là-dessus.
La proposition qui est sur la table vise à donner des
responsabilités aux municipalités régionales de
comté, sous la protection de la Commission de protection du territoire
agricole en ce qui concerne la protection du territoire agricole. On ne peut
pas penser qu'un jour ou l'autre on va arrêter de protéger le
territoire agricole; c'est une nécessité. Je pense qu'au fur et
à mesure que les municipalités régionales de comté
s'implanteront on verra à ce moment-là, on pourra expliciter
davantage cette proposition d'harmonisation, mais il est sûr qu'elle ne
peut pas s'appliquer dès maintenant puisque aucune municipalité
régionale de comté, n'a de lettres patentes.
M. Goulet: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Suite à la réponse nationale du
ministre, je ne suis pas d'accord avec le ministre lorsqu'il dit que c'est
seulement une proposition et lorsqu'il dit: "C'est une déclaration
adoptée par le Conseil des ministres que je veux expliciter davantage",
et c'est lui-même qui a signé ces propos.
M. le Président, je voudrais savoir très brièvement
qui a raison dans cette équipe; parmi ces trois personnages que j'ai
nommés, qui dit vrai? lequel des trois doit-on écouter? lequel
est prioritaire et pourquoi varier les réponses et les propos selon les
auditoires devant lesquels on se trouve, selon que ce sont des gens des
municipalités ou encore des gens du monde agricole? Pourquoi deux
ministres soutiennent-ils une thèse contraire aux propos qu'a
signés le ministre parrain du projet de loi sur l'aménagement du
territoire? Pourquoi des propos différents selon l'auditoire devant
lequel on se trouve?
Le Président: M. le ministre d'Etat à
l'Aménagement.
M. Léonard: M. le Président, je vais simplement
rappeler une chose: il s'agit là d'une proposition qui est soumise
à la consultation, qui est discutable. Je pense qu'on donne des
explications; on a toujours donné les mêmes, en tout cas. M. le
député peut dire ce qu'il veut, il reste que c'est une
proposition qui est soumise à la consultation. Il n'y a rien de
contradictoire dans tout ce qui a été dit là-dedans.
M. Grenier: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
Négociations avec les enseignants
M. Grenier:... ma question s'adresse au ministre de l'Education.
J'aimerais attirer l'attention du ministre sur ce que nous avons ce matin dans
les journaux, à savoir que le gouvernement aurait voulu qu'à
partir du 21 décembre les Québécois parlent de la question
qui sera déposée, mais il semble qu'on parlera d'un autre sujet
qui est fort important, soit la grève qui se prépare à la
CEQ. Dans un court résumé, ce matin, on dit: Les
négociations sont suspendues aux tables d'enseignants des CEGEP, la
partie patronale ayant fait savoir qu'elle n'a plus rien à offrir, ni
rien à dire. De leur côté, les enseignants
s'apprêtent à demander à leurs membres des mandats d'action
qui pourraient être de déclencher la grève vers la fin de
janvier.
On voit ici une pleine page de publicité qui est faite et qui
dit: Un non massif du 29 novembre est resté sans écho;
donnons-nous les moyens de la lutte. Nous avons voté contre les offres,
votons maintenant pour la grève.
J'aimerais savoir du ministre de l'Education si ce qui nous est
rapporté se rapproche de la vérité
et, si oui, quelle est son action en vue de prévenir cette
grève éventuelle qui nous attend pour la mi-janvier.
Le Président: M. le ministre de l'Education.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je ne sais si la
question du député de Mégantic-Compton porte sur les
collèges ou les niveaux de l'école primaire et secondaire.
Commençons, s'il le veut bien, par les collèges. Effectivement,
nous nous étions mis d'accord avec les représentants de la
Fédération nationale des enseignants du Québec aux tables
de négociation. Par la suite, il y a eu consultation des
différents syndicats membres de la FNEQ et le vote a donné, en
faveur de nos offres, et des ententes auxquelles nous en étions venus
aux tables, une majorité de trois collèges. (11 h 20)
Le résultat, si ma mémoire est bonne, a été
21 à 18. Toutefois, en additionnant le nombre de votes dans l'ensemble
des collèges, on s'est rendu compte que sur environ 4000 votants, il y
avait une majorité de 148 membres des syndicats qui se
prononçaient contre les offres. Les règles syndicales
déterminées par ce groupement de syndicats qui forment la FNEQ
prévoient que la majorité doit être acquise dans les
institutions et chez les enseignants, de sorte qu'à l'heure actuelle, on
se trouve dans une impasse. Une majorité de collèges accepte mais
une légère majorité d'enseignants refuse. Dans les
circonstances, M. le Président, nous estimons, du côté
gouvernemental, avoir mis sur la table tout ce que nos mandats nous
permettaient d'y déposer. Toutefois, j'ai indiqué à la
FNEQ que nous étions prêts à rencontrer ses
négociateurs pour voir s'il est possible ils nous l'avaient
demandé d'ailleurs de concrétiser dans les textes
certaines des offres qui avaient été faites et acceptées.
Les "écritures" comme on le dit en termes de négociations
ne sont pas tout à fait complétées et nous avons
déclaré que nous étions prêts à rencontrer la
FNEQ pour ce faire.
Le Président: Merci.
M. Grenier: M. le Président...
Le Président: Une dernière question, M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier:... je sais que nous étudions
présentement en commission parlementaire le projet de loi 71. J'ai eu
l'occasion de rapporter au ministre les difficultés qui étaient
causées à la CEQ relativement aux articles 48 qui portent les
numéros 480 et 484. Ils font semble-t-il partie des
négociations et il semble que M. Gaulin, qui nous a contactés,
trouve que cette loi, d'abord, est un "melting pot". Le ministre a admis que
parmi les groupes qui ont été impliqués dans
l'étude de cette loi, seule la CEQ n'a pas participé à la
préparation de la loi que nous avons devant nous. J'aimerais savoir si
le ministre serait prêt à retirer cet article 48 afin de permettre
à la CEQ de pouvoir partager l'étude de cette loi avec nous.
Le Président: M. le ministre de l'Education.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, le projet de loi
no 71 n'est pas pour employer l'expression du député
un "melting pot". C'est un ensemble de dispositions qui organisent dans
chaque école un conseil d'orientation facultatif qui définit plus
précisément qu'auparavant les compétences et les
responsabilités des commissions scolaires, qui définit
également les objets de consultation obligatoire auprès des
comités de parents ou d'école de la part des commissions
scolaires. Il y a donc là un ensemble cohérent de dispositions
qui découlent du livre vert et de la consultation qui a fait suite
à la publication de ce document.
M. le Président, la CEQ a été invitée par
lettre, au mois d'avril, à participer au comité au sein duquel se
sont retrouvés tous les agents de l'éducation qui ont
participé à la rédaction du projet de loi. La CEQ a
refusé quatre mois plus tard il a fallu quatre mois pour que nous
obtenions sa réponse par écrit a refusé absolument
de participer au comité. Elle nous disait dans sa lettre que la CEQ
n'acceptait pas la notion de projet éducatif de l'école, ni non
plus le conseil d'orientation où l'on retrouverait des enseignants, des
parents et les administrateurs de l'école. L'attitude de la CEQ porte
sur le fond du projet. Malheureusement, comme ils ont refusé de
participer à la rédaction, je ne puis être injuste envers
tous les organismes qui, eux, ont accepté, pendant des mois, de
participer, semaine après semaine, à l'élaboration de ces
articles. Je ne puis me montrer injuste et donner la préférence
à un organisme qui a été invité à participer
et qui a refusé carrément notre invitation.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
Jugement de la Cour suprême sur le chapitre III
de la Loi sur la langue française
M. Ryan: M. le Président, ainsi que vous le savez, une
cause très importante était à l'étude à la
Cour suprême du Canada. Cette cause portait sur la validité
constitutionnelle du chapitre III de la loi 101 sur la langue française,
faisant de la langue française la seule langue officielle des tribunaux
et de l'Assemblée nationale du Québec.
Cette loi avait été contestée en même temps
qu'une contestation était instituée contre une
célèbre loi manitobaine, remontant à la fin du
siècle dernier, supprimant les droits et privilèges de la langue
française dans les institutions publiques du Manitoba. Or, la Cour
suprême a rendu son jugement ce matin, à l'unanimité des
neuf juges qui ont composé le banc d'audition, en l'occurrence, elle a
décidé que le chapitre contesté de la loi 101 était
inconstitutionnel, de même, d'ailleurs, que la loi du Manitoba, qui avait
été contestée par un M. George Forest de Saint-Boniface.
Devant cette décision de la Cour suprê-
me au passage, je souligne que le juge en chef de la Cour
supérieure du Québec s'était prononcé dans le
même sens. Son jugement avait été ratifié à
l'unanimité par un banc de sept juges de la Cour d'appel du
Québec, et maintenant, c'est la voix de neuf juges de la Cour
suprême qui vient s'ajouter à ce dossier je voudrais
demander au premier ministre d'abord, s'il entend au cours de la
présente journée donner à la Chambre une occasion d'en
discuter et deuxièmement, quelles mesures a prévues ou entend
prendre au cours des jours ou des semaines à venir je n'en sais
rien son gouvernement, pour donner suite au jugement rendu par le plus
haut tribunal du pays.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Très brièvement, M.
le Président, nous venons d'apprendre comme il était
prévu, d'ailleurs, qu'on l'apprendrait aujourd'hui par
télex, la teneur du jugement de la Cour suprême. Le leader
parlementaire du gouvernement pourra, dans les heures qui viennent parce
qu'il faut tout de même avoir le temps de faire exam iner ce jugement par
les juristes sûrement, aussi tôt que possible, pourra donner
à l'Opposition toute la procédure qui sera probablement
nécessaire au point de vue législatif et dans les plus brefs
délais, pour donner suite à ce jugement qui, comme l'a
souligné le chef de l'Opposition, prétend redresser une situation
après 80 ans au Manitoba, alors que les forces assimilatrices ont eu
tout le temps de faire l'érosion de la population francophone dans
l'ouest, mais après deux ans, d'une façon extrêmement
pressée, veut nous imposer et nous impose le même genre de
redressement dans un contexte où je ne vois nulle menace, nulle part,
pour la minorité anglophone du Québec.
Le Président: Fin de la période des questions.
M. Levesque (Bonaventure): ...permet. Le premier ministre vient
de confirmer à cette Chambre qu'il va prendre des mesures qui nous
seront annoncées par le leader parlementaire du gouvernement,
relativement aux correctifs nécessaires. Est-ce que le premier ministre
peut informer cette Chambre s'il avait parce que, comme il s'attendait
à un jugement aujourd'hui pris ou si son gouvernement avait pris
des mesures nécessaires pour préparer des projets de
législation et un certain cheminement ou certaines options? Peut-il nous
faire part de ses préparatifs quant au projet de loi qu'il a
envisagé, au cas où la décision serait celle que l'on
vient d'apprendre? Autrement dit, est-ce que le premier ministre est satisfait,
de par ses conseillers juridiques et particulièrement du jurisconsulte
du gouvernement, est-il bien satisfait que l'on peut, dans les heures qui
viennent, éviter un trou juridique important, parce qu'il s'agit de
quoi? De 150, 200 ou 250 lois déjà passées par cette
Assemblée nationale. Est-ce qu'il est sûr que nous pouvons, avec
toute la collaboration de part et d'autre, être assurés à
ce moment-ci que l'on peut, d'ici quelques heures ou d'ici la fin de semaine,
d'après les conseillers juridiques non pas ceux qui ont
conseillé le ministre d'Etat au Développement culturel je
parle d'autres juristes sur lesquels on peut réellement se fonder.
Est-ce qu'on peut être sûr, le gouvernement est-il sûr, le
premier ministre est-il sûr que l'on peut prendre des mesures
présentement qui évitent, justement, cette situation qui pourrait
être absolument anar-chique?
Le Président: M. le premier ministre. (11 h 30)
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, très
brièvement, je ferais remarquer au député de Bonaventure
que les juristes et les autres conseillers qui ont accompagné la
démarche du ministre d'Etat au Développement culturel se
fondaient sur l'évolution de la réalité. Je pense que,
comme avocat, le député de Bonaventure sait très bien que
la loi et en particulier les vieilles lois constitutionnelles souvent
désuètes sont bien en retard sur la réalité. On
aura l'occasion d'en parler dans les heures ou les jours qui viennent,
sûrement avant la fin de semaine. Je remercie d'avance l'Opposition
officielle de cette coopération et de cette collaboration que nous
offre, à l'avance, son leader parlementaire.
M. Levesque (Bonaventure): Avec les réserves qui
s'imposent nécessairement.
M. Lévesque (Taillon): Je n'avais pas entendu de
réserves quand le député de Bonaventure en parlait.
M. Levesque (Bonaventure): Selon les circonstances du moment.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): De toute façon, la
réponse en ce qui concerne l'état de préparation
vis-à-vis de ce jugement appréhendé pour employer
un adjectif qu'on a déjà entendu nous paraît assez
complet sauf qu'il faut tout de même je pense que c'est le moindre
bon sens lire le jugement, qu'il soit lu par le jurisconsulte et son
équipe avant qu'on puisse arriver devant l'Assemblée nationale
avec quelque chose qui attache tous les fils, s'il y a des fils à
attacher.
Le Président: Motions non annoncées.
M. Godin: M. le Président, question additionnelle.
Le Président: M. le député de Mercier, je
regrette, mais la période de questions est expirée. Est-ce qu'il
y a consentement?
Des Voix: Oui.
Le Président: II y a consentement, M. le
député de Mercier.
Des Voix: Non. Non. Le Président: II n'y a pas
consentement. Grève à Hydro-Québec
(suite)
M. Garon: M. le Président, j'aimerais donner un
complément de réponse, puisque j'ai fait appeler les cinq
cultivateurs mentionnés tout à l'heure, pour vous dire ceci.
L'électricité est rétablie à Saint-Ephrem. On m'a
dit que cela fait déjà un bout de temps, une demi-heure.
J'aimerais dire aussi que les trois cultivateurs en question, M. René
Plante, de Saint-Ephrem, qui élève 2000 porcs, M. François
Hamel, entre 1500 et 1600, et M. Marcel Bolduc 2000, ont tous trois des dynamos
pour prendre la place de l'électricité quand il manque de
courant. Je peux vous dire que, d'une façon habituelle, les cultivateurs
qui ont des élevages de 2000 porcs, cela veut dire qu'ils ont un
inventaire au-dessus de $100 000, prennent cette précaution. Dans le cas
des deux autres, ils n'ont pas encore été rejoints par
téléphone.
M. Mathieu: M. le Président, vous me permettez un
complément de question.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Je
comprends, mais je pense qu'aujourd'hui, cela serait inéquitable, M. le
député de Beauce-Sud. Vous pourrez revenir demain, je vous
reconnaîtrai demain.
Aux motions non annoncées.
M. Mathieu: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Beauce-Sud.
M. Mathieu: Je me sens vraiment lésé dans mes
droits puisque le ministre est intervenu en réplique à ce que
j'avais dit. Il me semble que...
Le Président: M. le député de Beauce-Sud,
êtes-vous en train de nous dire que vous êtes lésé
dans vos droits quand vous posez une question et qu'on lui apporte une
réponse?
M. Mathieu: C'est que le...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
règlement.
M. Charron: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le Président. Il a
été de jurisprudence constante ici dans cette Chambre je
n'ai pas à vous le rappeler, parce que vous savez tellement bien
interpréter le règlement, que vous connaissez d'ailleurs
très bien alors qu'il y a un complément d'information
apporté par un ministre, de permettre normalement une question
additionnelle, surtout lorsque la réponse s'adresse, dans ce cas-ci, au
député de Beauce-Sud. Lorsqu'il a soulevé la question de
privilège, il a invoqué tout simplement ce droit. Je ne demande
pas le consentement de la Chambre, parce que ce n'est pas nécessaire. Je
pense que la jurisprudence est tellement bien établie dans ce cas-ci que
je pense qu'on devrait permettre au député de Beauce-Sud de poser
une petite, une très petite question additionnelle.
M. Charron: Sur la question de règlement.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je pense que vous venez de
prendre une décision que doit accepter le député de
Beauce-Sud et, même si le député de Bonaventure se
transforme en dynamo pour dépanner son collègue de Beauce-Sud, je
crois que votre décision doit prévaloir.
Le Président: Je voudrais tout simplement signaler qu'il
est vrai que normalement c'est arrivé même très
souvent je permets une question additionnelle quand un complément
de réponse est apporté. Cela est tout à fait exact. De
même, il est arrivé très souvent que je puisse permettre
à un député d'ajouter une question additionnelle, comme
cela a été le cas pour le député de Mercier tout
à l'heure. Malheureusement, la période des questions s'est
terminée à 11 h 28 et nous serons bientôt à 11 h 38.
Je pense que demain je vous reconnaîtrai M. le député de
Beauce-Sud.
M. le député de Johnson.
M. Bellemare: M. le Président, je ne voudrais pas que le
député de Beauce-Sud soit lésé en étant
accusé d'avoir faussé la vérité parce qu'il y a
trois quarts d'heure que la question a été posée et il y a
seulement une demi-heure que l'électricité est rendue. Le
député de Beauce-Sud avait raison. Il n'a pas trompé la
Chambre.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Motions
non annoncées.
A l'ordre, s'il vous plaît! Nous en sommes à
l'enregistrement des noms sur les votes en suspens et il y a justement un vote
en suspens. Cela va faire du bien à tout le monde. Qu'on appelle les
députés.
Suspension à 11 h 37
Reprise à 11 h 45
Mise aux voix de la deuxième lecture du projet
de loi no 17
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la
motion présentée par le ministre d'Etat au Développement
social, proposant que le projet de loi no 17, réimprimé, Loi sur
la santé et la sécurité du travail, soit maintenant lu
pour la deuxième fois.
Que ceux et celles qui sont pour cette motion veuillent bien se lever,
s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Charron, Mme Cuerrier, MM. Bédard, Laurin, Morin (Sauvé),
Parizeau, Marois, Landry, Léonard, Couture, Vaugeois,
Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt
(Jonquière), Gendron, Joron, de Belleval, Johnson, Chevrette, Duhaime,
Lessard, Lazure, Léger, Tardif, Garon, O'Neill, Martel, Paquette,
Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge, Guay,
Laplante, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Bisaillon, de Bellefeuille, Dussault, Alfred,
Marquis, Ouellette, Perron, Gosselin, Jolivet, Brassard, Godin, Lavigne,
Mercier, Boucher, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Charbonneau,
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Bellemare.
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette
motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure),
Caron, Vaillancourt (Orford), Forget, Lavoie, Mailloux, Blank, O'Gallagher,
Picotte, Ciaccia, Raynauld, Lamontagne, Giasson, Rivest, Mme Chaput-Rolland,
MM. Lalande, Mathieu, Dubois, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé,
Verreault, Springate, Biron, Brochu, Grenier, Goulet, Fontaine, Russell,
Cordeau, Le Moignan.
Le Président: Que ceux et celles qui désirent
s'abstenir, veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: M. Tremblay.
Le Secrétaire: Pour: 63 Contre: 33
Abs-tions: 1
Le Président: La motion est adoptée. M.
Fontaine: M. le Président.
Le Président: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. En vertu de l'article
34, j'aimerais demander au leader du gouvernement s'il a, comme moi,
reçu ce matin un télégramme du Barreau du Québec et
un autre du Conseil interprofessionnel qui demandent le retrait de l'article
274 du projet de loi no 17 et qui aimeraient être entendus en commission
parlementaire. Est-ce que le ministre a l'intention de donner suite à
ces demandes?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
Renvoi à la commission du travail et de la
main-d'oeuvre
M. Charron: M. le Président, si vous me le permettez, je
voudrais d'abord proposer de déférer le projet de loi no 17
à la commission du travail et de la main-d'oeuvre, et je fournirai ma
réponse au député par la suite. (11 h 50)
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
Des Voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Avis à la Chambre
M. Charron: C'est donc au moment où se réunira
cette commission, comme la Chambre vient d'en décider, et où elle
abordera l'article 274 du projet de loi, que le député pourra,
à ce moment-là, s'il choisit de le faire, se faire
l'interprète de ceux qu'il vient de nommer ou alors de poser des
questions au ministre quant à l'application de l'article 274.
M. Fontaine: Vous ne voulez pas qu'on les entende!
Le Président: Aux avis à la Chambre, M. le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Je voudrais d'abord rappeler le menu de la
journée qui peut peut-être être modifié. Comme l'a
dit le premier ministre tout à l'heure, dès que le Conseil des
ministres, cet après-midi, après avoir pris connaissance en
détail du jugement de la Cour suprême, aura pris une
décision, je remplirai l'engagement qu'a pris au nom du gouvernement le
premier ministre et je communiquerai les détails de cette
décision aux partis d'Opposition. Pour le moment, M. le
Président, comme dirait la Cour suprême: The show must go on!" On
va continuer avec le calendrier régulier des travaux de cette
Assemblée.
J'indique donc pour aujourd'hui et dans l'ordre la deuxième
lecture du projet de loi no 69, deuxième lecture du projet de loi no 72,
du projet de loi no 78, du projet de loi no 48 et du projet de loi no 52. Dans
l'ordre, les projets de loi appelés aujourd'hui seront les projets de
loi nos 69, 72, 78, 48 et 52.
Je voudrais proposer, M. le Président, que la commission du
travail et de la main-d'oeuvre, qui vient d'être saisie du projet de loi
no 17, à la salle 81-A, et celle des affaires municipales, au salon
rouge, sur le projet de loi no 57, puissent aux
heures prévues par le règlement de décembre,
poursuivre leur travail et l'ordre qu'elles ont reçu de la Chambre.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
M. Grenier: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Grenier: ... est-ce que le leader parlementaire pourrait
informer cette Chambre à quel moment il entend appeler le projet de loi
no 71 ? Cette semaine ou la semaine prochaine? Quand y a-t-il un trou?
M. Charron: Je n'en sais rien pour le moment. M. le
Président, je regrette.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Je vous prierais d'appeler l'article 15 du
feuilleton, s'il vous plaît.
Le Président: J'appelle maintenant la deuxième
lecture du...
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Questions inscrites au feuilleton
M. Charron: Excusez-moi, je pense que j'aurais eu le consentement
au dépôt de certaines questions que j'ai oubliées au
feuilleton; elles sont sur mon pupitre cela va prendre trois secondes. La
question no 5 de M. Vaillancourt, la réponse provenant de certains
ministères. Je fais motion pour que cette réponse soit
considérée comme un dépôt de document, M. le
Président.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
M. Charron: Et je dépose le document. Le
Président: Adopté.
M. Charron: La question no 6 de M. Gosselin, la réponse
venant de M. Morin (Sauvé) et M. Lazure. Je réponds en leur nom,
M. le Président.
Motion no 32 de M. Springate; je dépose le document au nom de M.
Morin (Sauvé).
Veuillez appeler l'article 15 du feuilleton, M. le Président.
Projet de loi no 69 Deuxième lecture
Le Président: Alors, j'appelle donc maintenant la
deuxième lecture du projet de loi no 69,
Loi modifiant la Loi sur les parcs. La parole appartient à M. le
ministre des Loisirs, de laChasse et de la Pêche.
M. le ministre.
Quelques secondes, M. le ministre, pour permettre aux
députés de partir vers les commissions parlementaires.
M. le ministre, vous avez maintenant la parole.
M. Lucien Lessard
M. Lessard: Merci, M. le Président. Bien simplement et
bien brièvement, le projet de loi no 69, Loi modifiant la Loi sur les
parcs, 1977, a pour objet de prolonger de deux ans le délai prévu
pour procéder à la classification des parcs de la
Gaspésie, du mont Orford, des Laurentides et du mont Tremblant. Il
s'agit d'un projet de loi technique qui n'apporte donc aucune modification
significative à la loi adoptée en 1977 par l'Assemblée
nationale. La Loi sur les parcs de 1977 avait, vous vous en rappelez, pour
objet de constituer pour la première un véritable réseau
de parcs nationaux au Québec.
Pourquoi un véritable réseau de parcs nationaux au
Québec? Pourquoi un véritable réseau de parcs nationaux?
Eh bien, M. le Président, à cause de la désuétude
et de l'absence de rigueur de l'ancienne Loi des parcs provinciaux qui
permettait sur les quatre territoires dont il est question à peu
près toute espèce d'activités bien souvent incompatibles
avec la notion internationalement reconnue d'un parc. La situation, lorsque
nous l'avons prise en main, était qu'aucun des quatre territoires
identifiés alors comme parcs du Québec ne rencontrait les
caractères internationaux de parc.
La Loi sur les parcs de 1977 venait donc corriger cette situation
déplorable en lançant un processus qui visait à
déterminer des limites d'espaces verts de récréation dont
on précisait avec toute la rigueur possible la ou les vocations, selon
le cas. L'originalité du processus de classification de nos parcs
nationaux réside dans le choix que nous avons fait d'inscrire
formellement la participation des citoyens du Québec au choix de
l'affectation de tel ou tel territoire à telle ou telle vocation. La
participation à la consultation populaire a été tellement
riche et dense que le gouvernement du Québec a besoin de temps pour
faire honneur à l'ensemble du matériel recueilli.
Naturellement, M. le Président, il faut aussi préciser
que, lorsque nous avions annoncé cette participation populaire, nous
n'avions pas l'intention de faire en sorte que ceci soit une participation de
frime, mais une véritable participation. Nous avions l'intention aussi
de prendre en considération les mémoires qui ont
été présentés par les différents groupes
impliqués. Il y va donc de l'intérêt des gens qui ont
exprimé des avis et de l'intétêt du Québec dans son
ensemble. Les générations futures auront à porter la
justesse de nos décisions en matière de parcs. En plus
d'être de nature tout à fait novatrice, l'obligation que s'est
imposée le gouvernement de consulter la population avant de créer
des parcs a généré un mouvement d'intérêt
fort positif et fort éclairant sur la
politique gouvernementale en matière de parcs et sur le
réseau de parcs dont désire se doter le Québec.
Il est important que les décisions qui seront prises tiennent
compte de tous les éléments des avis reçus à
l'occasion des audiences publiques qui ont été tenues. C'est la
raison pour laquelle le projet de loi modifiant la Loi sur les parcs reporte au
30 novembre 1981 la classification des parcs créés en vertu de la
Loi des parcs provinciaux, soit le parc des Laurentides, le parc du mont
Tremblant, de la Gaspésie et du mont Orford. Quant au deuxième
alinéa de l'article premier et de l'article 2 du projet de loi 69 que je
soumets à l'attention de notre Assemblée, ils sont, eux aussi,
d'ordre purement technique. Ces deux éléments du projet de loi
visent, en effet, à assurer un lien légal de passage de
l'ancienne Loi sur les parcs provinciaux à la Loi sur les parcs de 1977,
ce qui explique l'effet rétroactif au 29 novembre 1977 lorsque cette
Assemblée approuva le principe et la forme du projet que nous
soumettions alors. En effet, M. le Président, il n'était pas
prévu que la consultation populaire puisse être faite en ce qui
concerne les quatre parcs provinciaux que j'ai mentionnés
précédemment.
De ce fait, je présume donc de l'unanimité de
l'Assemblée nationale autour du principe de l'accessibilité
à la nature qui représente pour l'ensemble de la population une
composante essentielle de la qualité de la vie, au même titre que
la santé et l'éducation. La reconnaissance de ce principe
implique l'élimination des obstacles physiques et sociaux compromettant
l'accès universel à la nature. Elle suppose que soient
aménagés des espaces et équipements appropriés et
en nombre suffisant pour favoriser un contact simple et spontané de
l'homme avec la nature. Elle suppose aussi, M. le Président,
particulièrement, que les limites de ces différents parcs ne
puissent être modifiées constamment selon les désirs soit
du ministère des Ressources et de l'Energie, soit d'autres
ministères qui pourraient être intéressés à
prendre une partie du territoire de ces parcs. (12 heures)
La mise en valeur de ces espaces récréatifs fournit le
calme et la détente recherchés par une population de plus en plus
concentrée, dans un nombre restreint des grandes agglomérations.
Ces territoires vastes et libres procurent à chaque citoyen le
dépaysement saisonnier qu'il recherche à l'occasion de ses
périodes de vacances. Ils offrent des moyens simples de satisfaire des
besoins d'expansion et d'animation souvent brimés par les conditions de
la vie urbaine. Surtout, M. le Président, je pense qu'il va falloir
avoir une politique de développement des parcs, particulièrement
dans le secteur de la région de Montréal où près de
50% de la population se retrouve et où nous avons malheureusement
si on excepte les parcs Oka et du mont-Tremblant peu de territoires de
plein air qui puissent être véritablement accessibles à
l'ensemble de cette population.
M. le Président, comme je l'indiquais, il s'agit essentiellement
de deux modifications techniques qui viennent corriger la Loi sur les parcs du
29 novembre 1977. Si ces modifications n'avaient pas lieu, M. le
Président, ou n'étaient pas acceptées par
l'Assemblée nationale, j'aurais été dans l'obligation de
classer ces parcs comme parcs de récréation ou comme parcs de
conservation, avant le 29 novembre 1977, date qui est déjà
dépassée, et en même temps, il m'aurait été
impossible de prendre en considération l'ensemble des mémoires
qui m'ont été présentés en ce qui me concerne
particulièrement, lorsque j'ai fait les audiences sur le parc du mont
Tremblant, et en ce qui concerne mon prédécesseur lorsqu'il a
fait les audiences sur les trois autres parcs, dont le parc du mont Orford, qui
lui, est déjà classé. Donc, il n'y a pas de
problème de ce côté-là, mais il reste les parcs de
la Gaspésie et des Laurentides.
M. le Président, je vous remercie de votre collaboration et
j'espère que ce projet de loi sera adopté à
l'Assemblée nationale, afin de pouvoir corriger certains
problèmes techniques qui ont pu se soulever, à la suite de la Loi
sur les parcs adoptée le 29 novembre 1977. Merci, M. le ministre.
Le Président: Merci.
M. le député de Charlevoix.
M. Raymond Mailloux
M. Mailloux: La loi que vient de présenter le ministre, M.
le Président, vise deux objectifs: premièrement, en modifiant
l'article 13, le gouvernement prolonge de deux ans le délai lui
permettant de classifier un parc provincial à titre de parc de
conservation ou de parc de récréation. Il s'agit des parcs
provinciaux des Laurentides, du mont Tremblant, de la Gaspésie et du
mont Orford. M. le Président, l'amendement à l'article 14
autorise le gouvernement à modifier les limites de ces quatre parcs. On
doit noter également que ces modifications auront un effet depuis le 29
novembre 1977.
Sur le fond du projet, je dis au ministre que nous n'avons aucune
objection. Cependant, on me permettra de faire les remarques suivantes et de
rappeler au gouvernement la clairvoyance d'un de mes collègues, le
député de Portneuf, qui, lors de l'étude en commission
parlementaire, en novembre 1977, avait averti le titulaire du ministère
du temps, le député de Saint-Maurice, aujourd'hui ministre de
l'Industrie et du Commerce, que la date limite du 29 novembre 1979 qu'il se
fixait par le projet de loi 19 qui est aujourd'hui amendé, était
forcément beaucoup trop rapprochée pour lui permettre de
répondre aux exigences de la loi, soit les avis, les audiences et les
prises de décision dont vient de nous parler le ministre et qu'on a eus
depuis ce temps. Dans ce temps-là, le ministre, le député
de Saint-Maurice, n'avait pas daigné tenir compte de cet avertissement.
C'est pourquoi aujourd'hui le gouvernement nous demande un délai
additionnel de deux ans.
M. le Président, faudrait-il rappeler également au
gouvernement ce qu'on pourrait peut-être appeler une orgie de
dépenses faites par le titulaire du temps, lors du lancement du projet
de classifi-
cation du parc de la Gaspésie, alors qu'on avait nolisé
trois avions, deux hélicoptères, deux autobus
réservés, un dîner pour deux au gîte du mont Albert,
vin inclus et valide pour trois semaines, qui n'était rien d'autre que
l'annonce de la diminution de la superficie actuelle de ce parc.
M. le Président, avant de terminer, je voudrais dire au ministre
qu'il est vrai qu'il a besoin de délais supplémentaires.
Malgré les consultations qui se sont poursuivies depuis, quand on songe
à l'ensemble des intervenants de toute nature qui ont eu accès
à ces parcs dans le passé, quand on songe également que,
davantage aujourd'hui avec les heures qui sont disponibles, le public a le
droit de réclamer avec raison que certains espaces verts à
proximité des centres les plus populeux lui soient
réservés pour des fins récréatives, et que le
gouvernement a également le droit de lui conserver la faune qu'on
rencontre dans ces parcs et de protéger les espèces.
Je voudrais dire un mot du parc des Laurentides. Je sais que vous, comme
président de cette Assemblée, il vous tient plus à coeur
parce que, comme moi, vivant à proximité de ces lieux, nous le
connaissons davantage. C'est un parc dont on dit qu'il est celui qui a fourni,
dans tout le Québec, des variétés de truites
mouchetées qui sont l'excellence dans l'ensemble de ce qu'on peut
pêcher sur l'ensemble du territoire québécois.
Actuellement, les intentions gouvernementales qui ont été
annoncées étaient de soustraire une partie de cette entité
qui avait été vouée à des fins industrielles, soit
certaines coupes de bois pour la compagnie Donohue, et en réserver une
partie pour la réalisation d'une tentative qu'a faite le gouvernement
précédent de réimplanter si je puis m'exprimer
ainsi le caribou qui en était disparu depuis une centaine
d'années. A cette fin, le gouvernement voudrait distraire l'ensemble des
grands jardins où l'on rencontre la nourriture qu'a besoin cette
espèce, soit le lichen qu'on retrouve dans les grands jardins.
Forcément, je pense que le gouvernement a le droit de continuer cette
expérience.
Ce que je voulais dire au ministre, c'est qu'au même moment
où on demande des délais supplémentaires, je constate
également que, s'il y a des raisons pour que certaines parties de ces
parcs soient protégées pour des fins de loisirs, chasse,
conservation, récréation, il y a quand même aussi des
raisons économiques qui font que des coupes de bois qui ont servi dans
le passé à satisfaire des industries qui font vivre des
collectivités du milieu... Dans mon esprit, c'est l'industrie Donohue
Brothers qui a déjà perdu, dans les années qui viennent de
s'écouler, les réserves forestières de Sainte-Marguerite
dans le comté de Dubuc aujourd'hui, afin que les gens du milieu puissent
organiser le moulin de bois de sciage de Samoco dont on a déjà
beaucoup entendu parler. Je pense que c'était normal que les gens du
milieu aient voulu conserver leurs boisés. Dans ce temps-là,
c'était le titulaire actuel du ministère des Loisirs qui
était député de cette circonscription. On a
également enlevé à cette compagnie les réserves
venant des comtés de la rive sud, les comtés de Kamouraska,
Témiscouata où elle pouvait avoir la possibilité
d'un approvisionnement et on sait que la forêt de Charlevoix, dans le
parc des Laurentides, au séminaire de Québec ou dans les
boisés privés est devenu également une forêt qui est
davantage épuisée. La compagnie n'a plus les garanties
d'approvisionnement qui pourraient permettre que les 1000 employés, qui
ont toujours vécu depuis une cinquantaine d'années dans cette
industrie, conservent leur emploi si, ce qui est enlevé à des
coupes leur permettant de continuer à fonctionner, si ces coupes
étaient davantage restreintes. (12 h 10)
Je voudrais dire au ministre du Loisir que l'Opposition officielle
accepte le délai qu'il nous demande afin qu'on réévalue
encore avec plus d'attention l'ensemble des facteurs à
considérer, si ce délai supplémentaire permet que moins
d'erreurs ne se commettent dans les définitions qui seront
données à ces quatre parcs. Je pense qu'il est
préférable de repousser encore la promulgation de telles
modifications pour permettre au gouvernement d'entendre une fois de plus
l'ensemble des intervenants qui veulent se manifester. Quand on regarde ce
qu'en disent ceux qui sont journalistes en la matière et qui ont
écouté les intervenants dans ce débat depuis une couple
d'années, on constate que pour deux et même trois de ces parcs
l'unanimité est loin d'être faite. L'ensemble des intervenants ne
se sont pas encore entendus avec le gouvernement pour clarifier valablement la
situation. M. le Président, je ne voudrais pas prolonger davantage. Nous
appuyons la mesure que sollicite le ministre. Je pense qu'elle permettra que
des erreurs soient évitées.
Le Vice-Président: M. le député de
Gaspé.
M. Michel Le Moignan
M. Le Moignan: M. le Président, en regardant le projet de
loi no 69, Loi modifiant la Loi sur les parcs, je n'ai pas à assurer le
ministre que je suis entièrement d'accord avec lui, mais je voudrais
faire quelques brèves remarques parce que j'ai eu l'occasion d'assister
à l'étude du projet de loi no 19 qui fut déposé au
cours de l'automne 1977. A ce moment, on avait prévu un délai de
deux ans, donc, jusqu'au 29 novembre 1979. Je comprends très bien les
arguments fournis par le ministre tout à l'heure, le temps de
réflexion nécessaire que le gouvernement doit s'imposer. Quand
nous avons voté cette loi no 19, elle concernait les quatre grands parcs
reconnus dans la province de Québec. On sait que le premier de ces
parcs, c'est celui de la Gaspésie qui fut reconnu par une loi
spéciale en 1937, il y a donc au-delà de 40 ans. Ce parc avait un
but de conservation, mais on sait qu'au cours des années les
gouvernements successifs ont dévié un peu de la loi qui fut
adoptée à ce moment parce qu'à quatre ou cinq reprises
certains arrêtés en conseil ont permis l'exploitation
forestière et l'exploitation minière, à tel point qu'en
1977, quand le projet de loi fut adopté, le ministre a annoncé
une série de consultations, d'audiences publiques à travers la
province.
C'est le 15 août 1978 que le ministre du temps, dans une
somptueuse conférence à Sainte-Anne-des-Monts, rendait publiques
les grandes lignes de sa politique concernant l'évolution des parcs
provinciaux. Les 20 et 21 octobre 1978, à l'occasion de deux
journées d'étude à Sainte-Anne-des-Monts, de nombreux
intervenants avaient à l'occasion présenté des
mémoires. Le gouvernement avait réduit, rétréci un
peu les limites du parc, qui étaient de 1290 kilomètres
carrés, à 686 kilomètres, soit 265 milles carrés
environ.
On a parlé de la vocation du parc de la Gaspésie, celle du
mont Orford, du mont Tremblant ou des Laurentides. Il y a selon la vocation des
parcs un aspect tout à fait particulier. Le parc de la Gaspésie
était d'abord un parc de conservation et on a eu l'excellente initiative
d'y ajouter un aspect récréatif et un aspect culturel. On sait
qu'au moment où le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la
Pêche de l'époque, au mois d'août, annonçait sa
future politique des parcs, le jour même le ministre des Terres et
Forêts et des Richesses naturelles annonçait également une
prospection minière intensive à l'intérieur même du
parc de la Gaspésie.
Regardons un article publié dans le Soleil, en date du 17
août, et dont le titre se lit comme suit: "Que Duhaime et
Bérubé protègent les Chic-Chocs". On dit, à ce
moment: "A quel jeu jouent les ministres des Richesses naturelles, Yves
Bérubé, et du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, Yves
Duhaime? Nourrissent-ils la même volonté politique de créer
bientôt un véritable parc de conservation dans les Chic-Chocs, en
Gaspésie ou s'apprêtent-ils à livrer à
l'exploitation minière et forestière l'ensemble de 600 milles
carrés environ, qu'on désignait depuis 1937, comme étant
le parc de la Gaspésie?" Et on dit un peu plus loin dans le même
article de Raymond Gagné: "De son côté et au même
moment, alors que le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche
donnait une conférence à Sainte-Anne-des-Monts, M. Yves
Bérubé annonçait un programme de prospection
minière intensive, à l'intérieur même des limites du
parc tel que proposé".
On sait que, quelques mois plus tard, un conflit s'est engagé
entre le ministre des Terres et Forêts et le ministre du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche, parce que la société REXFOR, sans
autorisation préalable du ministère des Terres et Forêts,
avait déjà commencé à effectuer des
opérations forestières à l'intérieur du parc de la
Gaspésie même, à la suite des déclarations et des
mémoires qui furent présentés à
Sainte-Anne-des-Monts.
Maintenant, en 1979, on nous annonce aujourd'hui, et le ministre demande
un délai de deux ans. Je voudrais que le ministre, tout à
l'heure, dans sa réplique, concilie une déclaration qu'il faisait
dernièrement, d'après une nouvelle émanant du bureau du
Soleil à Matane. Il semblait faire une exception pour le parc de la
Gaspésie puisqu'on donne comme titre: "Les limites seront connues au
cours de l'été prochain". Je vais simplement rappeler quelques
traits de cet article au ministre, et je ne serais pas surpris, dans le cas du
parc de la Gaspésie, qu'il y ait peut-être une
accélération parce que les audiences publiques eurent lieu un an
avant celles qui concernent les autres parcs. Le ministre nous dit que ce sera
au cours de l'été 1980. Je n'ai aucune objection, bien au
contraire. Le ministre dit qu'en même temps, il y a cette
société d'exploration québécoise, la SOQUEM, qui
est en train de mener à terme un rapport qu'elle a peut-être
soumis maintenant ou je ne sais pas encore si ce rapport va être
déposé très bientôt. "Si les limites du parc,
déclarait le ministre M. Lessard, devaient en être sensiblement
modifiées, le ministre Lessard a toutefois indiqué que de
nouvelles audiences publiques pourraient être tenues". Maintenant, je ne
sais pas, à ce moment, si les explorations minières
s'étant révélées peut-être positives, parce
que cela concerne différents minéraux, peut-être une
richesse, une mine d'or ou d'argent pour la Gaspésie, alors je crois que
cela sera peut-être aussi à considérer. Puisqu'on nous dit
ici qu'on croit confirmer la présence en quantité exploitable,
soit de cuivre, soit de plomb, de molybdène, de magnésium, de
nickel, de chromite, d'uranium et d'olivine. Si on trouve une dizaine de mines
tout à fait valables, des mines qui se prêtent à
l'exploitation minière, je comprends très bien que le nouveau
ministre est en face d'un dilemme, d'une situation qu'il devra trancher dans
les mois à venir.
J'aimerais que le ministre nous entretienne de ce propos tout à
l'heure. D'ailleurs, les limites du parc de la Gaspésie sont
déjà tellement réduites, mais d'un autre
côté, si on trouve des mines qui vont employer des centaines ou
des milliers de travaillants, à ce moment, on peut se demander s'il va
falloir déplacer un peu à droite ou à gauche les 250
caribous qui, heureusement, ont fini par subsister, à traverser les
épreuves même des siècles, puisque c'est une espèce
rare qu'on retrouve exclusivement autour des monts de la Table en
Gaspésie même.
Je demande simplement au ministre, tout en étant d'accord sur le
projet de loi, de nous concilier cette exploration forestière,
l'exploitation minière et la vocation du parc de la Gaspésie. Je
ne veux pas aborder, ce matin, certaines demandes qui ont déjà
été faites pour certaines réserves par certains citoyens
de Mont-Louis et de Mont-Saint-Pierre qui aimeraient avoir en dehors des
limites du parc une certaine réserve où ils pourraient aussi
s'organiser des facilités récréatives, culturelles, de
délassement, tout en aidant aussi à la conservation dans cet
endroit du parc. Je vous remercie, M. le Président. (12 h 20)
Le Vice-Président: Merci. M. le ministre des Loisirs, de
la Chasse et de la Pêche.
M. Lucien Lessard
M. Lessard: M. le Président, quelques mots en
réponse aux questions qui ont été posées par
les
représentants de l'Opposition. Disons d'abord que si j'ai
demandé un délai de deux ans, ceci ne veut pas dire pour autant
que j'attendrai deux ans avant de décider de la classification d'un parc
ou de l'autre. Dans le cas, par exemple, du parc du mont Tremblant, je faisais
des audiences les 23 et 24 novembre derniers et je recevais, à ce
moment-là, les mémoires de 53 groupes qui avaient
travaillé, qui avaient préparé des mémoires et qui
nous les ont soumis. Vous comprendrez que dans les circonstances, puisque
l'ex-loi m'obligeait à classifier le parc comme parc de
récréation ou parc de conservation le 29 novembre, il
m'était impossible de tenir compte véritablement des
mémoires qui m'avaient été présentés si je
me soumettais à la loi antérieure, à savoir l'obligation
de classifier le 29 novembre. Je n'avais donc qu'une période de cinq
jours pour classifier le parc et tenir compte de l'ensemble des mémoires
qui m'avaient été présentés.
C'est donc une des raisons qui font que je demande un délai de
deux ans. Ceci ne veut pas dire pour autant que je prendrai
nécessairement deux ans pour classer chacun des quatre parcs dont on
parle actuellement. Dans le cas du parc de la Gaspésie, par exemple, les
audiences ont eu lieu depuis déjà un certain temps; nous avons
déjà commencé à analyser les mémoires qui
nous ont été présentés et je devrais recevoir,
d'ici quelques semaines, d'ici le printemps, l'analyse de ces mémoires
et un certain nombre de recommandations. Donc, il est possible que je
l'ai bien indiqué au cours de l'été prochain je
puisse prendre une décision en ce qui concerne le parc de la
Gaspésie. Je n'ai pas voulu fixer de date précise parce qu'on
sait qu'il peut y avoir des pépins avant une telle classification.
Cependant, j'espère que nous pourrons prendre une décision finale
d'ici l'été prochain.
Il faut aussi souligner que, dans le cas de la classification des parcs,
il y a une conciliation nécessaire entre, d'une part, les besoins ou les
facteurs économiques et, d'autre part, les facteurs sociaux. Lorsque
j'ai assisté, par exemple, aux audiences du mont Tremblant les 23 et 24
novembre, j'avais un groupe de Montréalais qui font des études
dans différentes universités et qui, eux, exigeaient le maintien
du parc existant du mont Tremblant. Puisque ce parc était
classifié comme parc de récréation, il aurait fallu
définitivement abolir, selon les exigences qui m'étaient faites,
toute exploitation forestière ou toute exploitation minière
à l'intérieur du parc. Ceci se trouvait à toucher six
petites entreprises qui étaient des scieries locales et qui engageaient
environ 300 personnes du milieu.
C'est certain que la disparition de 300 emplois à Montréal
fait beaucoup moins mal que la disparition de 15 ou 20 emplois dans de petites
municipalités de 1500 ou 2000 habitants. Je pense que ces petites
scieries locales avaient d'abord besoin de continuer d'exister et, en
même temps, les gens qui y travaillaient avaient le droit de continuer
aussi de gagner leur pain, de travailler, de gagner leur vie. C'est dans ce
sens qu'il s'est établi une conciliation entre, d'une part, le
ministère des Ter- res et Forêts et, d'autre part, le ministre
actuel des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche de telle façon
qu'on puisse maintenir l'exploitation de cinq ou six petites compagnies quitte
à prévoir, cependant, que d'ici une dizaine d'années nous
puissions alimenter ces petites scieries locales à même d'autres
réserves forestières où il pourrait se faire actuellement
de la sylviculture, d'ici une période de de dix ans, pour être
capable définitivement d'en arriver à déterminer
exclusivement un parc comme parc de récréation ou de
conservation.
Il va falloir, un jour ou l'autre, se dire que la richesse d'un certain
nombre de territoires québécois doit être conservée
pour les générations futures. Il va falloir qu'on se dise, comme
dans certains Etats américains, comme en ce qui concerne, par exemple,
les parcs nationaux, qu'une fois que ces parcs seront classifiés comme
parcs de récréation ou parcs de conservation, ils puissent
conserver leurs limites de façon définitive à moins, comme
le disait tout à l'heure le député de Gaspé, qu'il
puisse être indiqué qu'une mine pourrait être
exploitée et, dans les circonstances, nous devrons revenir en
consultation auprès de la population si ces limites devaient être
modifiées.
Cependant, ce sera en cas de situations extrêmes, parce qu'il va
falloir, comme Québécois et nous sommes déjà
en retard à ce sujet qu'on se dise, et surtout avec l'immense
territoire que nous avons, que nous devons assurer aux
générations futures comme aux générations
existantes un certain nombre de territoires de plein air qui soient accessibles
en vue, justement, de répondre à ces besoins de plus en plus
évidents et qui sont de plus en plus importants et exigés,
c'est-à-dire l'accessibilité au plein air, pouvoir
délaisser le béton de temps en temps pour aller dans ces
territoires de plein air qui sont caractéristiques du milieu
québécois.
Donc, on aura toujours cette conciliation; d'une part, le facteur
économique et, d'autre part, le facteur social. Mais il va falloir que,
tôt ou tard, on fasse un choix sur un certain nombre de territoires
québécois et que ce choix soit presque définitif. C'est
dans ce sens qu'est arrivée la Loi des parcs, comme l'expliquait le
député de Gaspé, et comme l'expliquait le
député de Charlevoix. Les parcs que nous avions auparavant, qu'on
appelait parcs provinciaux, n'étaient pas véritablement des parcs
dans le sens des caractères internationaux reconnaissant les parcs. La
reconnaissance des parcs devient une reconnaissance officielle et
définitive alors que, dans le passé, par arrêté en
conseil, on pouvait permettre la coupe de bois. Par exemple, on n'a qu'à
se promener sur la route de Chicoutimi pour constater que le long du grand lac
Jacques-Cartier, par exemple, a été littéralement, je
dirais, plumé par des compagnies forestières sans même
tenir compte de la loi des trois chaînes.
On ne peut pas accepter, comme gouvernement, qu'on puisse à un
moment donné, littéralement exploiter, dans des secteurs qui sont
reconnus comme parcs, la forêt sans tenir compte des conséquences
négatives que peut créer l'érosion
le long d'un parc, en coupant, en faisant des coupes à blanc le
long des berges de lacs ou le long des rivières. C'est dans ce sens que
nous voulons en arriver à une politique des parcs qui corresponde aux
aspects, aux critères internationaux, d'abord en ce qui concerne les
quatre parcs provinciaux existants et, d'autre part aussi, parce que
nous sommes en retard il va falloir développer, comme je
l'indiquais tout à l'heure, d'autres parcs québécois
particulièrement autour de la région de Montréal, comme je
l'indiquais, puisque cette population a actuellement très peu
accès à des territoires de plein air. Il faut se promener un
petit peu, par exemple, faire un peu de camping les fins de semaine, pour
constater qu'au parc des Voltigeurs, le vendredi soir, il est impossible de
rentrer; au parc d'Oka, c'est exactement la même chose, de telle
façon que les Montréalais sont obligés de se diriger, par
exemple, au lac Champlain, au sud des Etats-Unis, pour avoir des territoires
accessibles. (12 h 30)
Donc, la conservation de territoires de parcs, d'abord comme parcs de
récréation ou comme parcs de conservation, ne peut pas être
considérée comme un élément négatif, mais
comme un élément positif pour l'ensemble des citoyens. C'est
aussi un élément économique dans le sens que, si nous
voulons véritablement conserver nos Québécois
pensons, par exemple, à des quartiers de Montréal comme
Saint-Henri, Maisonneuve, etc. à l'intérieur du
Québec, il va falloir leur donner des territoires de plein air qui
soient accessibles et en même temps, si nous voulons attirer du tourisme
de l'extérieur, il va falloir que ces territoires soient bien
organisés et qu'ils soient aussi accessibles.
Voilà, M. le Président. Je dois vous souligner que j'ai
pas l'intention d'attendre les deux années avant de faire la
classification des parcs. Je le ferai dans le cas du parc de la Gaspésie
probablement avant l'extension du délai qui m'a été
fournie aujourd'hui. Quant au parc du mont Tremblant et des autres, nous
prendrons en considération tous les mémoires et, une fois que
nous aurons décidé des limites, nous espérons que
l'ensemble des citoyens québécois, y compris les compagnies
forestières, y compris les ministères du gouvernement,
respecteront ces limites pour les générations actuelles et pour
les générations futures. Merci.
Le Vice-Président: La motion de deuxième lecture du
projet de loi no 69, Loi modifiant la Loi sur les parcs, sera-t-elle
adoptée?
Des Voix: Adopté.
M. Mailloux: M. le Président...
Le Vice-Président: M. le député de
Charlevoix.
M. Mailloux: ... je serais prêt à faire une
suggestion au leader parlementaire. S'il veut appe- ler la commission
plénière, nous n'avons pas de questions, semble-t-il, à
poser. J'en ai discuté avec mon collègue de Gaspé. Alors,
nous pourrions accepter immédiatement.
M. Charron: Volontiers. J'accepte cette offre, M. le
Président.
Une Voix: Les écritures.
M. Charron: Ce sont plutôt les écritures, comme on
dit dans le jargon.
Le Vice-Président: La motion d'envoi du projet de loi no
69 à la commission plénière sera-t-elle
adoptée?
M. Mailloux: Adopté.
Commission plénière
Le Vice-Président: Le rapport de ladite commission
sera-t-il adopté?
M. Mailloux: Adopté.
Le Vice-Président: Y a-t-il consentement pour la
troisième lecture?
M. Mailloux: Consentement.
Troisième lecture
Le Vice-Président: Consentement. Le projet de loi
sera-t-il adopté?
M. Mailloux: Oui. Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: Oui, oui. Sur cette lancée, M. le
Président, puis-je proposer la même chose pour le projet de loi no
72 qui apparaît à l'article 18 du feuilleton, s'il vous
plaît?
Projet de loi no 72
Deuxième
lecture
Le Vice-Président: J'appelle donc la deuxième
lecture du projet de loi no 72, Loi sur le ministère de l'Energie et des
Ressources.
M. le ministre.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je vois
le sourire, non pas arrogant, mais au moins narquois, très amical, du
député qui me fait face, le député de
Marguerite-Bourgeoys. Si je dois prétendre qu'il s'agit là d'un
projet très important, ce n'est pas simplement parce que je suis
ministre de l'Energie et des Ressources, mais parce que l'énergie et les
ressources sont la base de toute
l'économie québécoise, et c'est ce que je vais
essayer d'expliquer aux Québécois et aux membres de cette
Assemblée en quelques minutes pour tenter de placer la création
du ministère de l'Energie et des Ressources dans son contexte.
Soulignons d'abord que les richesses naturelles sont peut-être
l'atout le plus important que détient le Québec pour assurer son
développement. Quand on regarde l'énergie, les mines, la
forêt, cela représente entre 13% et 15% de toute la richesse
collective des Québécois, à peu près 3% pour les
mines, entre 3% et 5%, cela dépend de la vitesse avec laquelle on
introduit le complexe de la Baie James dans les calculs, entre 3% et 5% pour
l'électricité, 6% pour le bois. Donc, on est entre 13% et 15% du
produit national brut. Mais ce n'est pas tout. Chaque travailleur qui vend un
produit minier ou forestier à l'étranger, il faut faire vivre ce
travailleur. Cela veut dire qu'il y a un commerçant qui lui vend sa
nourriture. Il y a quelqu'un qui va favoriser sa récréation. Il
va aller au théâtre. Il va aller au cinéma. Il va pratiquer
des sports. Il va acheter des produits. Si on regarde tous ceux qui vont vivre
autour de ce travail, c'est facilement deux et même trois travailleurs
mettons deux travailleurs pour chaque travailleur qui travaille
dans l'industrie des ressources. Cela veut dire qu'entre 25%, et
peut-être 33%, de toute la richesse des Québécois viennent
de ces richesses naturelles,... C'est donc capital.
Ce qui se passe dans notre secteur des richesses naturelles a un impact
considérable. De chaque dollar que vous prenez, il y a au moins $0,25
que vous avez dans ce dollar parce que vous avez des richesses naturelles,
sinon votre dollar vaudrait $0,75. Alors, immédiatement, on se rend
compte de l'importance de l'énergie, des mines, des forêts, de nos
terres, pour assurer la richesse, pour maintenir notre niveau de vie actuel. Il
y a également non pas seulement le fait que c'est important pour nous,
mais c'est important à l'échelle mondiale. Dans le domaine
minier, le Québec est le neuvième producteur au monde. Donc, nous
sommes parmi les grands producteurs du monde, avec un leadership absolument
évident dans le cas de l'amiante, mais également un très
gros producteur de fer, de cuivre, de zinc, de niobium. On me dit même
qu'il y a du granite qui quitte le Québec pour l'Italie pour être
poli et qui est racheté au Canada et aux Etats-Unis sous forme de
panneaux de décoration pour les édifices. C'est un très
gros producteur minéral.
Non seulement cela, mais si on regarde les pâtes et papiers, on
sait bien que c'est une industrie extrêmement importante pour le
Québec. L'industrie du sciage est également une industrie
capitale au Québec. Le tiers du papier journal en Amérique du
Nord est produit ici, au Québec. Cela veut dire qu'il y a un journal sur
trois en Amérique du Nord qui est publié sur du papier
québécois. On pourrait parler aussi de
l'hydroélectricité qui est une richesse absolument extraordinaire
pour le Québec. Présentement, nous répondons, à peu
près à 27% ou 28% de nos besoins en énergie, à
partir de l'hydroélectricité. D'ici 1990, ce pourcen- tage aura
monté. Il aura atteint 40% et pour l'an 2000, à peu près
la moitié. Cela veut dire que la moitié de notre énergie
viendra des rivières. Les Québécois ne se rendent pas
compte à quel point ils sont chanceux, parce qu'une fois que vous avez
construit un barrage et que vous le mettez en marche, vous avez
réalisé la dépense au moment de la construction. Les frais
d'exploitation sont négligeables dans le coût final de
l'électricité. Or, une fois que vous l'avez payé, il est
payé, votre barrage. Votre électricité n'a donc plus aucun
coût pour vous, ce qui veut dire, en pratique, que le coût d'un
kilowatt d'électricité qu'on produit au Québec, à
tous les dix ans, il nous coûte la moitié moins cher. C'est
capital, parce que cela veut dire que toute cette énergie
hydroélectrique va diminuer de prix, alors que toutes les sources
énergétiques du monde vont monter. Vous imaginez rapidement
l'avantage économique que le Québec est en train de se
dégager pour l'avenir.
Donc, quand on additionne les mines, l'énergie, les forêts,
on constate que le Québec est extraordinairement riche et puissant. Je
m'arrête, M. le Président, pour m'interroger sur les facteurs qui
font qu'un pays est riche ou qu'un pays est pauvre. Le principal atout d'un
pays, c'est d'abord sa population. Vous avez des pays dénués de
toute richesse naturelle, qui n'ont aucun avantage comparatif, qui sont
placés... prenons la Suisse en plein milieu de montagnes avec des moyens
de communication difficiles, avec des géants tout autour et la Suisse
est néanmoins un des pays les plus riches. Ce qui fait la force d'un
pays, c'est d'abord sa population. Là-dessus, le Québec a
énormément de chances, parce que notre population est très
jeune et dynamique. Quand je regarde notre population, je m'aperçois que
27% se situent entre 15 et 24 ans. Une population jeune, c'est une population
nouvelle, une population qui n'a pas d'idées préconçues,
une population capable de faire face aux changements, d'initier les
changements, de pousser sur le changement, finalement, d'amener une
amélioration à nos conditions de vie, alors qu'une population
vieillie a apporté sa contribution. Evidemment, elle cherche à
bénéficier de l'effort qu'elle a fourni dans les années
passées. Ce n'est pas elle qui amène la société
à modifier, changer, prendre de l'expansion. C'est normal, c'est la
jeunesse qui nous pousse dans le dos. (12 h 40)
Mais ce n'est pas tout. Non seulement notre population est jeune, 27%
ont entre 15 et 24 ans mais, comparez-la avec celle des Etats-Unis où il
y a 16% des jeunes dans cette gamme d'âge; en France, c'est 20%. En
d'autres termes, le Québec a une population plus jeune qu'à peu
près tous les pays industrialisés. C'est cela que nous allons
récolter bientôt. Ces jeunes vont développer notre
économie. Ces jeunes vont développer notre société.
C'est également une population jeune et éduquée. Je ne
sais pas si les Québécois réalisent qu'au Canada, ce sont
les Québécois qui dépensent le plus pour
l'éducation de leurs enfants, $737 par habitant, pour éduquer nos
enfants, alors
que la moyenne canadienne est de $611, de l'Ontario $635. C'est au
Québec qu'on dépense le plus pour éduquer nos enfants.
Par conséquent, non seulement le Québec dépense
plus que l'ensemble des autres provinces canadiennes, mais en plus, ce qui est
capital, c'est de constater que le Canada est le pays qui dépense le
plus au monde pour éduquer ses enfants, 7,7% du produit national brut,
de plus que tous les autres pays du monde. Ceci veut dire que si le Canada
dépense plus que tous les autres pays du monde et que le Québec
dépense plus que toutes les autres provinces canadiennes, c'est qu'au
Québec on dépense le plus pour l'éducation de nos enfants
au monde. Cela est capital. Nous avons une population jeune, une population
édu-quée. Nous avons des atouts extraordinaires.
Comme deuxième avantage, on peut parler de la localisation.
Est-ce que le Québec est bien situé? M. le Président, si
les Français de France se sont établis sur les rives du
Saint-Laurent, c'est parce que c'est un endroit extraordinaire, parce que le
fleuve nous ouvrait l'Amérique, parce que c'était l'ouverture sur
les Grands Lacs, c'était l'ouverture sur tout le commerce de la traite
des fourrures, c'était, et ce l'est encore aujourd'hui, par la
vallée du Richelieu, l'ouverture sur New York. C'est probablement le
pays, avec la Hollande, qui a la plus extraordinaire ouverture sur un continent
intérieur, parce que les navires passent par le Québec, le
réseau routier naturel, même aérien, passe par le
Québec. Donc, à nouveau, des atouts précieux.
Depuis quelques jours, nous voyons dans la presse que l'épargne
des Québécois atteint $100 milliards, que la moitié de
cette épargne est maintenant contrôlée par des
Québécois. D'ailleurs, dans un de ces articles, on soulignait
qu'en général, les hommes d'affaires... La raison pour laquelle
nous contrôlons aujourd'hui notre épargne n'était
même pas soulignée. C'est parce qu'il y a eu un gouvernement
libéral en 1960 qui a décidé de dire que nous serions
maîtres chez nous, que nous devrions nous donner les instruments de
développement économique et la Caisse de dépôt est
l'instrument le plus extraordinaire qui a permis aux Québécois de
reprendre le contrôle sur $7 à $8 milliards de leur
économie. C'est parce que des Québécois ont
décidé de cesser d'être de simples travailleurs pour les
autres et de reprendre le contrôle de leur économie et de leur
épargne dans les années soixante qu'on a aujourd'hui le
Québec que l'on connaît et non pour d'autres raisons.
Les hommes d'affaires n'aiment pas insister sur l'impact qu'ont eu les
politiques gouvernementales à l'époque, mais le Parti
québécois aujourd'hui est resté dans cette tradition qui
consiste à dire: Ce ne sont pas les autres qui vont faire notre
développement; il ne faut pas attendre les multinationales
étrangères comme ITT ou d'autres. Il faut que ce soit
nous-mêmes. Nous avons l'argent. Quand une multinationale vient
s'installer chez nous, elle emprunte dans nos banques, notre argent.
Nous avons tout ce qu'il faut. Nous avons trois des dix plus grandes
firmes d'ingénieurs-conseils au monde. Nous avons la population la plus
édu-quée, nous avons la population la plus jeune, la plus
dynamique. C'est capital, c'est cela la force du Québec. Elle est
là. Elle est en nous. Elle n'est pas dans les étrangers. Elle
n'est pas dans le Canada-anglais. Elle est en nous. On a une force
extraordinaire. Il ne faut pas que nous, comme membres de l'Assemblée
nationale, essayions d'écraser ce désir des
Québécois de se prendre en main. Il faut faire l'inverse. Il faut
les encourager. Il faut leur montrer le chemin. C'est cela notre but, notre
rôle. Finalement, c'est son dynamisme aussi.
Je sais que les Québécois ont vécu 200 ans sur
leurs terres, dans leurs villages, que les "jobs" payantes, ce n'était
pas pour eux autres. Le dernier recensement, par exemple, en 1970, a
montré que les Canadiens français étaient ceux qui
étaient les moins bien payés au Québec. On le sait. On
s'est habitué à jouer le rôle de porteur d'eau. Les "jobs"
payantes, les postes de direction, le contrôle de nos compagnies, le
contrôle de nos banques, le contrôle de nos institutions
politiques, on était habitué à les laisser entre les mains
d'étrangers, et c'est difficile pour nous de modifier notre attitude
tranquillement, petit à petit et à un moment donné dire:
Non, il n'y a pas de raison pour laquelle les autres ne mènent pas leurs
affaires, pourquoi est-ce que moi je ne mènerais pas les miennes? Je
dirais que l'existence du Parti québécois aujourd'hui, c'est le
symptôme de l'évolution de la pensée
québécoise. C'est que de plus en plus de Québécois
pensent qu'ils sont capables, que c'est faisable, qu'ils ne sont pas plus
niaiseux que les autres. Il y en a de plus en plus. Parfois, quand je regarde
le Parti libéral, je me dis: II y en a encore des vieux dans une
société et je les regarde et je me dis: Des gens qui sont encore
un peu sclérosés, qui sont restés poignés par les
complexes antérieurs dont ils n'arrivent pas à se défaire.
Ils ne comprennent pas que la force du Québec, c'est dans le dynamisme.
Eux autres, tout ce qu'ils voudraient faire, c'est mettre le couvert et
l'écraser.
Le dernier élément, ce sont les richesses naturelles.
C'est ce que j'ai souligné tantôt, notre richesse. On a tout ce
qu'il faut. Qu'est-ce qu'on a essayé de faire comme gouvernement? C'est
très simple... M. le Président, il me reste combien de temps
à peu près?
Le Vice-Président: Vous avez droit à une heure, M.
le ministre.
M. Bérubé: Je ne parlerai pas une heure.
Qu'est-ce que nous avons cherché à faire comme
gouvernement? D'abord, je dois dire que, lorsque nous sommes arrivés, il
fallait reconnaître que notre industrie était mal en point. Vous
savez que 70% de l'industrie de la transformation du cuivre est située
au Québec, l'industrie canadienne est au Québec. Donc, nous avons
une industrie de transformation très poussée, mais nous
n'avons même pas 6% des réserves canadiennes, ce qui veut
dire qu'on n'a pas la quantité de minerai pour supporter notre
activité industrielle. On peut donc perdre cette industrie très
rapidement.
Donc, première situation, pas assez d'exploration au
Québec, pas assez de réserves minières au Québec
pour notre industrie. Première observation. Deuxième observation.
Est-ce que je devrais parler, M. le Président, du dossier de la
Wayagamack, de la fermeture de l'usine de la Consolidated Bathurst lorsque nous
sommes arrivés au pouvoir? Est-ce que je devrais parler de East Angus,
menace de fermeture? Est-ce que je devrais parler de l'opinion
générajisée qui prévalait à l'époque
que l'industrie du Québec ait une industrie vieillotte, non
modernisée, avec des coûts de bois les plus
élevés?
M. le Président, on lisait la semaine dernière que
l'industrie forestière, grâce aux programmes gouvernementaux, va
investir $2 500 000 000 au Québec, cinq fois plus par année
qu'elle ne le faisait dans le passé. L'Association de l'industrie
forestière canadienne nous dit: C'est au Québec en ce moment
qu'il y a le plus d'expansion, le plus de dynamisme. Ce sont les
conséquences des politiques.
Dans le domaine de l'énergie, quand est-ce qu'on avait entendu
parler d'une politique de l'énergie? Quand est-ce qu'un gouvernement
nous avait dit: Dans le secteur énergétique, voilà
où nous nous en allons, voilà l'équilibre que nous allons
essayer de faire entre le pétrole, le gaz, l'électricité,
voilà la stratégie de développement que nous allons faire,
que nous allons instaurer au Québec. C'est à M. Joron qu'on doit
cette approche, cette réflexion en profondeur sur l'importance des
économies d'énergie, sur l'importance d'avoir une politique
énergétique pour le Québec. Je peux vous garantir que
d'ici quelques mois, nous aurons des nouvelles absolument extraordinaires
à annoncer aux Québécois dans le secteur
énergétique. C'est la conséquence d'une politique.
En fait, les Québécois ont élu un gouvernement
certains vont dire trop intellectuel de technocrates. Oui, mais
c'est compliqué ces problèmes; quand vous élisez une bande
d'insignifiants, vous vous étonnez après qu'il n'y ait pas de
réponse. C'est sûr que certains de ces dossiers sont techniques.
C'est sûr que certains de ces dossiers sont difficiles, mais lorsqu'on
arrive à les comprendre, lorsqu'on arrive à les maîtriser,
on peut changer des choses. (12 h 50)
Quand je suis arrivé en Gaspésie, j'avais, à
Cap-Chat, une scierie qui était en faillite, fermée, j'avais
Anse-Pleureuse, j'avais Grande-Vallée où c'était
fermé, il y avait des usines à Pointe-à-la-Croix, dans le
comté de Bonaventure, il y avait une usine de fermée à New
Richmond, il y avait une scierie qui a fermé, cela fermait partout.
Allez voir aujourd'hui en Gaspésie, vous allez voir que toutes les
usines ont deux fois plus de bois. Vous allez dire: Bérubé n'a
pas fait pousser les arbres plus vite. Non, Bérubé n'a pas fait
pousser les ar- bres un peu plus vite, mais ce que Bérubé a fait
avec les députés du Parti québécois, le caucus des
députés de l'Est, c'est qu'on s'est assis et on a essayé
de comprendre pourquoi cela ne marchait pas. Quand on a compris pourquoi cela
ne marchait pas, on a demandé: Pourquoi ne faites-vous pas cela comme
cela? Ils ont dit: II faudrait une volonté politique, on va l'avoir la
volonté politique. Aujourd'hui, vous irez voir les usines en
Gaspésie. Vous allez voir, on a doublé l'approvisionnement de
toutes nos scieries. Cela est le résultat d'une politique de gens qui
sont peut-être technocrates, mais qui comprennent en maudit comment cela
se passe. C'est cela qu'il faut dans un gouvernement.
Alors, quand on essaie de comprendre notre attitude face aux richesses
naturelles, je peux l'expliquer assez simplement. On s'est posé deux
questions: Qui contrôle nos compagnies? Qui bénéficie de
ces compagnies? Si on a la réponse à ces questions, on est
capable de décider quoi faire. Quand une industrie est
contrôlée par des Québécois, à ce moment, on
dit: On n'a pas besoin d'essayer de rentrer l'Etat là-dedans, cela
marche bien, on n'a pas besoin de chercher à rentrer l'Etat plus avant
dans l'industrie du sciage, sauf quand il y a des dossiers où
l'industrie privée ne veut pas les prendre. On joue un peu le rôle
de frappeurs de relève dans le cas du sciage, où il y a une
entreprise privée en faillite, qui a de la misère, on ne trouve
pas d'entreprise privée pour prendre la relève, à ce
moment, on y va. Et si on manque notre coup, on la repasse à
l'entreprise privée, comme cela s'est fait dans le cas de Samoco, on
joue le jeu de l'entreprise privée, mais sans essayer d'enlever les
autres de là. Cela, c'est quand on a des Québécois qui
sont en place, qui sont bons, et ils montrent en général qu'ils
sont bons. On n'a pas de raison.
A ce moment, que fait-on? Il faut les encourager. On peut
peut-être les inciter à faire des choses inédites, donc
leur donner des subventions. On peut peut-être leur donner des
réductions d'impôt pour les inciter à faire certaines
choses. On peut peut-être mettre sur pied des programmes qui vont
réduire leurs coûts; par exemple, le coût du bois pour
l'industrie forestière. Si le coût du bois baisse, nos compagnies
vont faire plus de profits. Si nos compagnies font plus de profits, elles vont
réinvestir au Québec parce que c'est rentable. Il faut donc
s'attaquer là où est le problème, aux coûts. C'est
pour cela qu'on a enlevé les taxes sur les carburants pour les
véhicules dans les mines et dans les forêts; c'était pour
réduire les coûts. C'est pour cela que le gouvernement Clark
augmente les taxes sur le carburant; c'est pour augmenter les coûts.
C'est la différence de raisonnement entre deux gouvernements.
Dans ces conditions, cela finit par avoir un impact et l'industrie se
développe. C'est ce qu'on a observé au Québec. Vous lirer
la Presse d'hier, en page B-2. Pas la première page, M. le
Président, la page B-2. C'est le deuxième feuillet de la Presse,
pas à la première page, ça serait trop visible, mais
à la deuxième page. En onze mois, 104 000 emplois
créés au Québec. Les libéraux, eux, promet-
taient 100 000 emplois; nous autres, on les livre! On ne s'est pas fait
péter les bretelles; on s'est assis, on a regardé comment
fonctionnait l'économie et on a essayé de faire ce qu'on pouvait.
104 000 emplois en onze mois! En 1976, il y en a eu 14 000. Je n'ai pas vu cela
dans la première page des journaux. Je n'ai pas vu les journalistes
dire: Performance économique extraordinaire du gouvernement. Je n'ai pas
vu cela. Quand on fait la comparaison avec les autres provinces, on
s'aperçoit que c'est un désastre dans les autres provinces. Il
n'y a aucune expansion industrielle comme celle qu'on a connue au
Québec.
Le ministre responsable du Développement économique devait
citer des chiffres où la moitié de l'investissement au
Québec s'est faite dans le secteur manufacturier, alors que cela ne
dépassait jamais 30% au Québec. Il n'y a pas que cela; 90% des
emplois sont créés par la petite et la moyenne entreprise au
Québec. Des petits Québécois comme nous ont
décidé de se prendre en main et de cesser d'attendre après
ces maudites multinationales. Quand va-t-on se dire que ce ne sont pas les
étrangers qui vont nous développer, c'est nous autres? Ce ne sont
pas les Canadiens anglais qui vont nous développer, c'est nous autres.
L'Alberta va développer son Alberta en fonction de ses
intérêts. Qui pense que l'Alberta va avoir comme objectif de nous
faire des cadeaux? On n'a pas comme objectif de leur faire des cadeaux et eux,
non plus. Comme ils sont plus gros que nous, ils vont toujours nous syphonner
à leur intérêt. C'est ce qu'il faut se dire, comme
Québécois, pas autre chose et, après, prendre les
décisions qui s'imposent.
Alors, on s'est posé la question: Qui contrôle et qui en
bénéficie? Dans le cas d'une industrie comme celle du cuivre de
Noranda, c'est vrai qu'on ne la contrôle pas. Par contre, ils ne se sont
pas contentés d'exploiter le minerai et de s'en aller; ils ont fait des
concentrateurs, ils ont fait des "smelters ", ils ont fait des usines
d'affinage, la Canadian Electrolytic Zinc, la Canadian Copper Refiners. Vous
admettrez avec moi qu'ils ne se sont pas forcés pour trouver des noms
français, mais, enfin, au moins, on avait les "jobs".
Là, avec la loi 101, je ne le sais pas parce que la Cour
suprême n'aime pas qu'on vive en français au Québec, il
paraît que c'est inconstitutionnel. Parce que, évidemment, au
Manitoba, quand on a changé la loi en 1890, il y a 80 ans, il y avait
des francophones là, on était quasiment la moitié;
aujourd'hui, il n'y en a plus parce que, évidemment, on s'est
organisé pour les écraser un à un. Quand il y avait un
francophone, bang! on l'écrasait; il y en avait un autre là,
bang! on l'écrasait. C'était ce qu'on faisait. Mais
évidemment quand il n'y en a plus, la Cour suprême dit: C'est
inconstitutionnel, vous n'auriez pas dû faire cela. Là, tous les
petits Lévesque et les petits Tremblay, maintenant ils parlent comme
cela parce qu'ils ne savent plus. D'ailleurs, les enfants ne parlent plus
français, le tiers de chaque génération de francophones
maintenant, les enfants ne veulent plus parler français, ils ont honte
de parler français. Ils ont raison d'avoir honte de parler
français parce que quand on a des pères qui se laissent assimiler
comme cela, ils ont raison d'avoir honte de parler français.
Ce n'est pas étonnant qu'après avoir été
écrasés un à un, ils n'ont plus bien grande fierté
d'être francophones. Mais nous autres, au Québec, on ne se
laissera pas écraser.
Alors, quand on a une société comme Noranda, qu'est-ce
qu'on fait avec? On dit: Vous avez montré que vous étiez
prêts à travailler avec des Québécois pour
développer notre industrie, on applique les mêmes mesures. Mais
quand on en frappe une comme l'amiante, qui n'a pas d'autre objectif que de
nous siphonner, nous enlever notre minerai et de le sortir le plus vite
possible du Québec pour pouvoir le transformer ailleurs, on dit: Wo! les
moteurs, cela ne se fera plus. Vous allez cesser de nous exploiter. Les
libéraux sont contre cela parce que les libéraux aiment quand on
se fait exploiter.
Vous n'avez qu'à regarder qui finance ProCanada, vous allez le
voir. On a la liste de ceux qui financent Pro-Canada, M. le Président,
je dois certainement l'avoir sous les yeux; ce sont toutes des multinationales.
Normalement, je devrais l'avoir, c'est dommage. Ce sont toutes des
multinationales anglophones de l'extérieur du Québec. Ce sont
elles qui financent, ce sont elles qui sont bien au Québec: J'y suis,
j'y reste! Parce qu'elles sont bien à nous exploiter. Il faut se le
dire, une fois dans notre vie.
Ceux qui défendent ces multinationales sont de l'autre bord, du
côté libéral. Ils ne sont peut-être pas du
côté... On est en train de me donner la liste, M. le
Président, des noms: Aluminum Company of Canada, $75 000; Northern
Telecom, $75 000; Royal Bank of Canada, Canadian Imperial Bank of Commerce,
Canadian Pacific, Canadian National, the Molson Company, Imperial Oil, Bell
Canada, Bank of Montreal, Gulf Canada, Trans-Canada Pipelines, Steinberg, Bank
of Nova Scotia... Je pourrais vous en donner, ce sont eux qui sont bien et qui
veulent le rester à nous exploiter. C'est toujours ce qu'on a connu dans
le passé.
M. le Président, quand on voit les richesses du Québec,
quand on voit le dynamisme extraordinaire des Québécois et leur
fierté, on se regarde et on se dit: On n'a pas le droit de les laisser
tomber. Il faut regarder un peu l'administration gouvernementale et essayer de
la rendre encore plus efficace. On s'est bien rendu compte, qu'on parle
d'énergie, qu'on parle de mines, qu'on parle de forêts, c'est la
même affaire. C'est comment bâtir une industrie, une
économie à partir d'un avantage que nous donne notre pays, notre
ressource. C'est une mentalité. C'est une façon de penser. Si on
a un tout petit ministère des Richesses naturelles comme les
libéraux l'ont gardé, il n'est pas assez gros pour avoir une
direction de développement économique. On n'est pas pour
embaucher trop de fonctionnaires. Cela coûte cher en taxes.
Le Vice-Président: M. le ministre, excusez-moi. Il est 13
heures.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, le discours du ministre est
tellement nourrissant qu'on peut peut-être passer par-dessus notre
dîner aujourd'hui avec le consentement unanime de la Chambre?
Le Vice-Président: Sauf qu'on ne peut pas passer
par-dessus le règlement, M. le leader adjoint du gouvernement. En
conséquence, les travaux de l'Assemblée sont suspendus
jusqu'à 15 heures cet après-midi.
Suspension de la séance à 12 h 59
Reprise de la séance à 15 h 6
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît. Veuillez
vous asseoir.
M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, tout d'abord,
je remarque l'absence massive, pour dire le moins...
M. Bertrand: Question de règlement, s'il vous plaît,
M. le Président.
M. Levesque (Bonaventure): Qu'on me permette au moins de dire de
quelle absence il s'agit.
M. Bertrand: M. le Président...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que je
peux terminer ma phrase?
Le Président: M. le leader!
M. Bertrand: Oui, question de règlement, question de
privilège.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que j'ai dit quelque chose, M.
le Président, qui...
M. Bertrand: Oui, je voudrais rétablir les faits.
M. Levesque (Bonaventure): J'ai dit: Je note l'absence
massive.
Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement, je
vous céderai la parole immédiatement après.
M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Je remarque, M. le Président,
l'absence massive de renseignements, renseignements qui devaient nous
être fournis par le gouvernement et qui nous ont été
définitivement promis ce matin en cette Chambre. Si j'invoque le
règlement à ce moment-ci j'attire l'attention de la
présidence, d'une part, de cette Assemblée, d'autre part, et du
gouvernement, en particulier c'est que nous savons, M. le
Président, qu'un jugement très important a été
rendu ce matin, un jugement unanime de dernière instance de la Cour
suprême...
M. Chevrette: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Joliette-Montcalm.
M. Chevrette: A moins qu'il n'y ait une question de
privilège dans la question du député de Bonaventure, on en
est à la deuxième lecture d'un projet de loi bien
spécifique. Il y a eu une demande de renseignements ce matin et le
leader parlementaire du gouvernement a dit qu'au cours de la journée il
donnerait des renseignements. Donc, il n'y a pas question de le laisser aller
dans son paraph rasage, parce qu'on sait où il veut en venir.
Le Président: M. le député de
Joliette-Montcalm, le leader parlementaire de l'Opposition a invoqué le
règlement. Je pense que je vais l'entendre.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je sollicite
l'attention des membres de cette Assemblée, qui devraient être
particulièrement intéressés à la situation que nous
vivons présentement et qui devraient avoir une attitude respectueuse, en
tenant compte particulièrement, M. le Président, de la
collaboration...
M. Bertrand: M. le Président, question de
règlement.
M. Levesque (Bonaventure): ... qu'on aura à demander
à l'Opposition.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
leader parlementaire de l'Opposition officielle, je sollicite votre
collaboration pour vous en tenir à la question de règlement que
vous avez invoquée.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, simplement pour rassurer le
leader parlementaire de l'Opposition, je peux lui dire immédiatement
qu'il aurait fait grand plaisir au leader parlementaire du gouvernement
d'être présent ici à 15 heures s'il avait été
en mesure, à ce moment-là, de livrer à l'Opposition les
fruits du travail du Conseil des ministres qui est en réunion depuis 14
heures cet après-midi. S'il n'est pas ici à ce moment-ci, c'est
certainement parce qu'il est retenu au Conseil des ministres pour discussions
plus élaborées autour des décisions que le gouvernement
doit prendre. (15 h 10)
Je voudrais simplement rassurer le chef de l'Opposition que dès
que le leader parlementaire sera en mesure de donner les informations à
la Chambre relativement aux actions que le gouvernement entend poser, il
reviendra ici à l'Assemblée nationale et je pense que, du
consentement unanime, il pourra livrer la marchandise devant nos
collègues de l'Assemblée nationale. Je pense qu'il ne
s'agit pas de faire un plat avec des événements que tout
le monde comprend très bien dans les circonstances.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je continue
d'invoquer le règlement. Est-ce qu'il y a une obstruction
systématique ou me donnez-vous la parole, M. le Président?
Le Président: Vous avez la parole, M. le leader
parlementaire de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le Président. Le
ministre de l'Energie et des Ressources a eu l'occasion de se montrer
exactement ce qu'il est et à l'altitude où il vole...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
leader parlementaire de l'Opposition, je vous en supplie, tenez-vous en au...
C'est justement ce que je déplore. Je souhaiterais que vous commenciez,
M. le leader parlementaire de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'invoque le
règlement et je veux simplement rappeler à la Présidence
que nous avons été témoins aujourd'hui en cette Chambre
d'un jugement unanime de dernière instance de la Cour suprême qui
confirme les jugements également unanimes de la Cour d'appel du
Québec et du juge en chef de la Cour supérieure du Québec
et qui déclare inconstitutionnelles...
M. Ryan: Ecoute, tu vas le savoir.
M. Levesque (Bonaventure): ... certaines parties de la loi 101
sur la Charte de la langue française et qui touche en particulier les
activités de l'Assemblée nationale du Québec et cela,
depuis le 27 août 1977 et déclare, du même coup, invalide
toute la législation...
M. Marchand: M. le Président, question de
règlement.
M. Bertrand: M. le Président, question de
règlement.
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'on peut me laisser terminer
ma phrase?
M. Bertrand: Question de règlement.
Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement, je
vous reconnaîtrai pour votre question de règlement tout de suite
après M. le leader parlementaire de l'Opposition. Je voudrais vous
signaler que le leader parlementaire de l'Opposition s'est levé sur une
question de règlement et qu'on n'invoque pas une autre question de
règlement pour interrompre une première question de
règlement. Je vais d'abord entendre le leader parlementaire de
l'Opposition et, après quoi, M. le leader parlementaire adjoint du
gouvernement, je vous céderai la parole.
M. Levesque (Bonaventure): Je vous remercie, M. le
Président. Je tiens à préciser que, si l'Opposition est de
trop en cette Assemblée, nous agirons en conséquence. M. le
Président, je vous rappelais et je rappelais aux membres sérieux
de cette Assemblée que non seulement cette loi a été
déclarée inconstitutionnelle dans plusieurs de ses parties
importantes, mais que, du même coup, ce jugement rendait invalide toute
la législation et possiblement, sans doute, la réglementation qui
lui est subordonnée et cela depuis cette date, le 27 août 1977.
Cela crée une situation extrêmement grave pour nous aujourd'hui,
en particulier, au moment où je vous parle, une situation à
laquelle il faut remédier.
Je comprends, comme on l'a indiqué, que le cabinet des ministres
se penche actuellement sur cette situation et nous attendons les
réactions du Conseil des ministres, réactions qui nous ont
été promises au cours de la journée. Mais au cours de
l'heure du déjeûner, M. le Président, et c'est là le
but précis du fait que j'invoque le règlement, à la
lecture de ce jugement et à l'appréciation de ses
conséquences normales, des doutes se sont élevés sur la
valeur, la légitimité et même la légalité,
surtout la légalité des travaux qui sont présentement
poursuivis par cette Assemblée et par ses commissions.
Si on pouvait, M. le Président, jusqu'à ce matin, à
11 heures, ignorer que l'on procédait illégalement, ce n'est plus
le cas actuellement. Les projets de loi qui nous ont été soumis
et qui sont présentement étudiés autant à
l'Assemblée qu'en commission doivent normalement comporter les
mêmes vices que ceux que l'on reproche à la législation que
nous avons adoptée en cette Chambre depuis le 27 août 1977.
Le but de mon intervention, à ce moment-ci, M. le
Président on semble comprendre maintenant qu'il y a un certain
fondement à cette question de règlement est de vous
demander, d'une part, une directive; deuxièmement, de vous demander, de
demander à cette Assemblée s'il n'y aurait pas lieu de suspendre
nos travaux ou encore, ce qui serait préférable, d'avoir une
motion du gouvernement pour que vous quittiez votre fauteuil, non pas parce que
vous ne seriez pas l'homme le mieux désigné pour présider
nos travaux, mais simplement pour que nous puissions nous former en commission
plénière et avoir l'occasion de recevoir des avis juridiques, et
les meilleurs possible, évidemment. Si on veut réellement, en
plus, recevoir la collaboration, à mon sens essentielle de l'Opposition
officielle, des autres oppositions et de tous les membres de cette
Assemblée, je pense que cette collaboration serait mieux assurée
si on pouvait éclairer les membres de cette Chambre sur les
conséquences du jugement rendu, autant sur les travaux qui se
poursuivent aujourd'hui que sur la législation et la
réglementation qui lui est subordonnée, qui ont été
adoptées par cette Assemblée depuis le 27 août 1977.
C'est dans un esprit non pas seulement de collaboration, mais avec un
sens profond des res-
ponsabilités, que nous vous demandons, d'une part, une directive
quant à cette légalité de nos travaux. Je comprends
peut-être que je vous demande un avis juridique, à ce moment-ci,
mais je vous demande également une directive dans le sens qu'il faut que
nous sachions que ce que nous faisons aujourd'hui n'est pas en pure perte et
n'est pas en quelque sorte une attitude irrespectueuse à l'égard
de tous les tribunaux et du Québec et du Canada.
Ce que je vous demande, c'est bien simple. Est-ce que nous
procédons à l'Assemblée, aujour-d'hui, et en commission,
d'une façon légaie, d'une façon légitime, ou est-ce
que nous ne devrions pas nous poser la question collectivement à
l'intérieur d'une commission plénière, ou selon toute
autre mesure que la présidence pourrait nous suggérer ou encore
qu'un autre membre de cette Assemblée pourrait lui-même ou
elle-même suggérer. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Sur la même question de règlement, M. le
Président, je m'excuse. Le député de Bonaventure le
premier sait bien, d'ailleurs, que nous sommes depuis 14 heures en
réunion du Conseil des ministres. Je l'avais prévenu qu'il y
aurait une réunion cet après-midi. Nous sommes en train de
prendre connaissance, à la lettre du jugement, comme je lui avais
demandé de nous donner le temps de le faire. Le député de
Bonaventure et les phénix qui l'entourent ont eu besoin de quelques
minutes à peine, eux, pour comprendre toute la portée du jugement
que la Cour suprême a mis des mois à rédiger. Ils arrivent
donc au début de la reprise de la séance cet après-midi,
leur interprétation, aussi catégorique que celle de leurs
collègues d'Ottawa je ne pense pas avoir mal compris
suscitant en leur âme le doute qu'ils vous transmettent, à savoir
si cette Assemblée, littéralement, a encore le droit de se
réunir en français actuellement.
M. Bérubé: C'est incroyable.
M. Charron: Je ne pense pas exagérer. La question que le
député...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Charron: La question que le député de
Bonaventure pose vise à savoir si, le fait que cette Assemblée,
depuis ce matin et encore cet après-midi, sur le projet de loi au nom du
ministre de l'Energie et des Ressources, travaille sur un texte en
français ne rend pas de toute façon caduc son travail et s'il ne
serait pas plutôt opportun que le texte anglais de la même loi qui
existe, qui a été déposé, soit rendu officiel pour
nous soumettre au jugement de la Cour suprême et, là, nos amis se
trouveraient à l'aise de travailler. Actuellement, ils vous transmettent
des doutes de conscience; ils ont l'impression que c'est non valide, le travail
qu'on fait... (15 h 20)
Une Voix: C'est incroyable!
M. Charron: ... puisque le seul texte valide, selon nous
actuellement, est le texte français. Je pense bien interpréter la
question que pose le député de Bonaventure. C'est la question.
Ils demandent au président: Est-ce qu'on ne devrait pas interrompre nos
travaux parce que le seul texte sur lequel nous travaillons actuellement qui
soit officiel est le texte français. Ils ne disent pas...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
privilège. Je suis bien prêt à écouter, de la
façon la plus objective possible, le leader parlementaire...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre!
Je demande votre collaboration, s'il vous plaît!
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Levesque (Bonaventure): Je n'ai pas terminé, je
m'excuse. J'avais juste commencé à le dire. M. le
Président, je disais que j'étais bien prêt à
écouter le leader parlementaire du gouvernement et à solliciter
même sa collaboration pour qu'on en arrive à une situation qui
serait à l'avantage et dans le meilleur intérêt des
citoyens du Québec. Mais je n'ai jamais prononcé les mots qu'on
me prête présentement et je veux justement en faire une question
de privilège.
Je n'ai voulu que m'attacher à une décision des cours, des
tribunaux, et je n'ai pas voulu discuter du fond de la question; j'ai voulu
simplement rappeler qu'il y avait une décision de dernière
instance de la Cour suprême qui confirmait les décisions prises
par tous les tribunaux, le juge en chef de la Cour supérieure du
Québec et, à l'unanimité, tous les juges de la Cour
d'appel du Québec. Devant ces décisions des tribunaux, je vous
pose la question tout simplement, M. le Président, c'est ce que j'ai
dit: Est-ce que nous poursuivons des travaux qui sont en conformité avec
les décisions rendues par les tribunaux?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvenement.
M. Charron: M. le Président, si le règlement me le
permettait, je vous poserais une question qui vous tirerait d'embarras, parce
que j'ai l'impression que c'est vous qu'on met plus dans l'embarras que le
député de Bonaventure, cet après-midi.
Le député sait très bien, malgré l'innocence
qu'il affiche actuellement, qu'en vertu de la même décision qui
l'amène à poser la question de règlement, effectivement,
d'ici quelques heures le premier ministre l'a dit ce matin ce
soir ou demain, le gouvernement devra soumettre une loi à
l'Assemblée qui nous amène à nous soumettre, bon
gré, mal gré on le verra au cours du débat
de gaité de coeur ou pas, à une décision de la Cour
suprême du pays. D'accord.
Autrement dit, le député l'a évoqué
lui-même, peut se trouver en péril toute législation
adoptée
depuis 1977. Le député, s'il a lu le jugement comme nous
sommes en train de le faire au Conseil des ministres aussi, découvrira
que non seulement peut se trouver en péril toute législation
depuis 1977 mais depuis un bon nombre d'années préalables
à 1977. La page 11 du jugement, pour donner une référence
précise, évoque la réglementation à partir des
pouvoirs délégués. Par exemple, le conseil municipal de
Saint-Ephrem-de-Beauce qui n'aurait pas adopté, dans les deux langues,
un règlement municipal, cedit règlement serait caduc, pas depuis
1977, depuis 1867.
N'ayant pas tout l'esprit juridique et la science infuse de
l'Opposition, je préfère retourner travailler avec mes
collègues et examiner la portée réelle de ce jugement, M.
le Président, avant de le faire. Ce que je proposerais actuellement,
plutôt que de vous mettre dans l'embarras d'interpréter une
décision de la Cur suprême c'est un peu le sens de la
question de directive que fait le député de Bonaventure, M. le
Président, à votre égard... Il n'a pas dit qu'il croyait
qu'en son âme et conscience la Chambre devrait suspendre ses travaux,
comme il ne vous a pas dit qu'il pensait que la Chambre ne devrait pas
suspendre ses travaux. Il vous demande d'interpréter le jugement de la
Cour suprême actuellement. Ne tombez pas dans ce piège, M. le
Président. Ne tombez pas dans ce piège.
Je vais plutôt proposer quelque chose au député de
Bonaventure. Comme la loi qui suivra inévitablement la réunion
actuelle du Conseil des ministres aura pour effet d'englober un certain nombre
de lois, au moins jusqu'à 1977, peut-être même plus loin,
comme je viens de le laisser entendre, est-ce qu'on ne pourrait pas convenir
que sera incluse également la loi en discussion actuellement? En ce
sens, sachant que cette loi sera comprise parmi toutes les autres,
l'Assemblée pourrait normalement continuer son travail actuellement.
Sachant que peut-être disons que je donne bonne voix au
député de Bonaventure le travail actuel se fait dans un
cadre qui, depuis 10 h 30 ce matin, est irrégulier et non reconnu, mais
tous, hommes et femmes alentour de cette Assemblée, sachant que d'ici
quelques heures cette situation sera régularisée, est-ce qu'on ne
peut pas procéder, comme nous l'avons fait tout bonnement ce matin,
même après le jugement, sur la loi au nom du ministre des Loisirs,
de la Chasse et de la Pêche et poursuivre le travail sur la loi
présentée par le ministre de l'Energie et des Ressources?
Comme contre-partie de la proposition que je fais à l'Opposition,
continuons notre travail, respectant en cela l'engagement que j'ai pris ce
matin. Dès qu'on me permettra de retourner en réunion avec mes
collègues et dès qu'une décision finale sera prise, et
cela ne devrait pas tarder, j'en ferai part à la Chambre et elle sera
saisie prochainement de toute la réponse que le Conseil des ministres
est prêt à lui donner.
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'aurais trois
ou quatre remarques brèves avant de répondre à la question
posée par le leader parlementaire du gouvernement.
Premièrement, notre formation politique est
intéressée à poursuivre comme toujours les travaux de
l'Assemblée nationale. Cela a été constant chez nous et
nous avons toujours manifesté, particulièrement durant cette fin
de session, le plus grand esprit de collaboration que l'on puisse demander. Le
leader parlementaire du gouvernement peut en témoigner. S'il n'est pas
d'accord, qu'il se lève.
Deuxièmement, M. le Président il s'est assis vite
dans le cas présent, ce n'est pas parce que nous avons voulu
interrompre le cours normal des choses; nous ne voulons pas et nous n'avons pas
voulu retarder les travaux de cette Assemblée. Ce n'est pas là
notre but.
Nous n'avons pas voulu non plus c'est troisièmement
toucher le fond de la question comme l'a fait le député de
Saint-Jacques, le leader parlementaire du gouvernement. Autrement, nous aurions
parlé du geste absolument irresponsable et déraisonnable
posé par le gouvernement, lorsque, malgré les meilleurs avis, il
a décidé de plonger en 1977, comme il l'a fait, et qu'il plonge,
présentement, l'Assemblée nationale dans la situation où
nous nous trouvons. Les responsables sont là, M. le Président,
mais je n'en parlerai pas aujourd'hui.
M. le Président, la seule chose qui m'amène sinon à
vous présenter cette demande de directive; du moins à invoquer le
règlement, c'est qu'à l'étude de ce jugement qui nous
arrive... Je comprends que le Conseil des ministres ait besoin d'un peu plus de
temps. D'accord, vous avez une responsabilité gouvernementale. Il faut
boucher tous les trous, prévoir tout ce qu'il y a moyen de
prévoir. Tout ce que j'ai fait, c'est de vous offrir notre
collaboration. J'ai même suggéré une commission
plénière où, nous aussi, nous pourrions recevoir des avis
juridiques, soit de ceux qui conseillent la présidence ou de ceux qui
conseillent le gouvernement.
Ici, il ne s'agit pas de décider, M. le Président, si le
gouvernement siège une minute, une heure ou deux heures. Il s'agit d'une
question qui touche directement l'Assemblée nationale. C'est la raison
pour laquelle je pose la question beaucoup plus à la présidence
que je la pose au leader du gouvernement. Le leader du gouvernement a une
responsabilité; c'est de venir nous faire rapport à un moment
donné, dans une ou deux heures, des intentions du gouvernement en ce qui
a trait à la procédure qu'il entend suivre et la soumettre
à cette Chambre pour régler ou remédier à la
situation.
Quant à la présidence, lorsque je me tourne vers vous, M.
le Président, c'est que cette Assemblée est présentement
saisie d'un jugement des tribunaux et des plus hauts tribunaux du pays qui nous
disent que ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, jusqu'à ce
matin, était entaché d'illégalité et rendait un peu
caducs et sans effet les
travaux que nous avons faits et rendaient dans
l'illégalité... M. le Président, j'ai droit de le dire; le
tribunal l'a dit. Je répète simplement ce que les tribunaux
disent: que c'est inconstitutionnel. (15 h 30)
M. Ryan: Des fanatiques, des fanatiques...
M. Levesque (Bonaventure): Je comprends qu'il y ait des gens qui
ne comprennent absolument rien, M. le Président, du droit pur. Ce n'est
pas une question de fond. Je n'ai pas voulu commencer à
interpréter quoi que ce soit des faits. Mais je demande à la
présidence, cependant je le demande d'une façon plus
formelle et beaucoup plus sereine, malgré les interruptions que je
reçois de l'autre côté continuellement
premièrement, si nous pouvons continuer nos travaux, à
l'Assemblée et en commission, et cela, d'une façon valable,
légitime et légale. Je pose la question à la
présidence. Je lui demande une directive.
Le leader parlementaire du gouvernement dit que nous pouvons couvrir
tout cela, comme nous le ferions ou comme nous avons l'intention de le faire
pour la législation antécédente. Je dis que nous ne sommes
pas dans la même situation qu'hier et avant-hier. Aujourd'hui, alors que
nous siégeons, nous savons collectivement la décision rendue par
le tribunal de dernière instance. Normalement, j'invoque le
règlement et je pose cette question en toute
sérénité et en assurant non seulement la
présidence, mais également tous les membres de cette Chambre et
même le gouvernement qui semble pris de panique de la plus grande
collaboration de l'Opposition officielle, tenant compte du sens des
responsabilités qui doit nous guider collectivement à ce
moment-ci, de l'intérêt public qui doit nous guider et non pas
cette parti-sanerie aveugle qui semble motiver les agissements du
gouvernement.
Le Président: Très bien. M. le leader parlementaire
de l'Opposition officielle, c'est une question intéressante et, comme
vous l'avez qualifiée vous-même, une question de droit pur. Alors,
je vais me permettre de vous donner une réponse de droit pur. La
présidence n'a aucune connaissance juridique de la décision qui a
été rendue ce matin par la Cour suprême. Non seulement la
présidence n'a jamais été avisée officiellement de
ce jugement, mais elle n'a pas pu, jusqu'à maintenant, en prendre
connaissance. Je suis en train de faire des démarches pour essayer de me
procurer ce jugement dont on dit qu'il contient 127 pages.
M. Levesque (Bonaventure): Quinze pages.
Le Président: Quinze pages. Vous voyez comment je n'ai
aucune connaissance de la décision. Le jugement n'a jamais
été signifié à la présidence et il
m'apparaîtrait extrêmement imprudent d'interrompre les travaux de
l'Assemblée nationale sur la base d'un jugement qui n'a jamais
été signifié à la présidence et dont elle
n'a non seulement aucune connaissance de fait, mais encore aucune con-
naissance juridique au sens strict du terme. C'est pourquoi il n'appartient
pas, dans de pareilles circonstances, à la présidence de prendre
la décision d'interrompre les travaux de l'Assemblée
nationale.
Sans connaître, encore une fois, le jugement, il
m'étonnerait que la Cour suprême ait interdit aux membres de
l'Assemblée nationale de prononcer des interventions ou des discours sur
des projets de loi en discussion. Il appartiendra à l'Assemblée
nationale d'apporter, s'il y a lieu, une loi correctrice. La présidence
n'a pas à intervenir là-dedans et il est certain que je ne
permettrai jamais de suspendre les travaux de l'Assemblée nationale sur
la base d'un jugement dont la présidence n'a pas pris connaissance et
qui ne lui a jamais été signifié. M. le ministre...
M. le député de Laval.
M. Lavoie: Je pense que vous avez parfaitement raison. Même
si vous aviez une connaissance juridique du jugement, je pense que vous n'avez
pas et vous avez parfaitement raison à interpréter
un jugement et à donner une opinion juridique.
M. Bérubé: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: M. le ministre, je vous reconnaîtrai
immédiatement après le député de Laval.
M. Lavoie: En l'occurence, M. le Président, je crois que
vous devez attendre, comme vous l'avez indiqué vous-même, en tant
que serviteur de l'Assemblée, une directive de l'Assemblée
à cet effet. C'est la raison pour laquelle le leader parlementaire de
l'Opposition suggérait la formation possible de la commission
plénière pour que l'Assemblée elle-même
décide de la procédure, du déroulement des travaux de
l'Assemblée. Ce n'est pas une chose, à mon avis, qui doit se
décider au Conseil des ministres. Le Conseil des ministres doit prendre
une décision gouvernementale, une décision de cabinet. Quels
moyens législatifs prendre pour replacer la situation? C'est une
décision ministérielle. Mais pour le déroulement des
travaux de cette Assemblée, autant pour les projets de loi que nous
étudions actuellement, qui sont soit en commission ou à
l'Assemblée ici, c'est à l'Assemblée à
décider. Ce n'est pas au président. C'est à nous de donner
des instructions au président. C'est la raison pour laquelle je crois
qu'il pourrait y avoir une consultation avec les leaders avec le
président, parce que c'est une situation qui est quand même grave.
C'est à l'Assemblée elle-même, soit par une commission
plénière, de donner une décision, de donner même des
directives au président pour le déroulement de nos travaux.
M. le Président, je fais cette proposition que vous convoquiez
les leaders pour organiser la formation d'une commission de l'Assemblée
nationale pour savoir où on va dans l'ordonnance de nos travaux.
M. Charron: Votre décision est rendue.
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: M. le Président, j'avais donc
entrepris de débattre...
M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le Président.
J'invoque le règlement.
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Bérubé: C'est un véritable bâillon,
M. le Président. Je ne crois pas que vous lui ayez donné la
parole. Par conséquent, je demanderais au leader, tant et aussi
longtemps que vous ne lui aurez pas donné la parole, de bien vouloir se
rasseoir et d'attendre. M. le Président, étant donné que
nous sommes en train de débattre le projet de loi no 72, créant
le ministère de l'Energie et des Ressources...
Le Président: Sur votre question de règlement, M.
le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président... Le
Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, on dirait que
nos amis d'en face pensent qu'il ne s'agit là que d'une Assemblée
contradictoire partisane, alors que ce que nous voulons simplement...
Une Voix: Le conseil national du PQ.
M. Levesque (Bonaventure): Oui, le conseil national du PQ,
à peu près cela, M. le Président.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition,
s'il vous plaît.
M. Levesque (Bonaventure): Avec tout le respect que je vous dois,
M. le Président, je puis vous assurer que nous voulons que ceci se
déroule dans le plus grand respect de nos règlements, mais
surtout qu'on ait ce respect mutuel qu'évoquait le chef de l'Opposition
hier. Qu'on essaie de regarder les questions assez... Si le cabinet est
présentement réuni, cela doit être parce que c'est une
question importante. Il ne s'agit pas de se rappeler ou non du fond de la
question en anglais ou en français, il s'agit pour nous simplement de
savoir si la présidence retient la suggestion du député de
Laval qui demande simplement que l'Assemblée vous donne la directive que
vous vous dites incapable de rendre ou de donner parce que vous n'êtes
pas saisi du jugement en question.
Cependant, comme disait quelqu'un: Nul n'est censé ignorer la
loi. Est-ce qu'on peut ainsi ignorer un jugement de dernière instance du
plus haut tribunal du pays? Je pense bien que nous serions absolument
inconscients quant à nous, M. le Pré- sident, d'agir comme si de
rien n'était. Si le cabinet est réuni présentement, c'est
parce qu'il est saisi de la gravité de la situation. Nous ici, à
l'Assemblée nationale, nous ne pouvons pas ignorer cette situation, et
cette situation, qu'on le veuille ou non, touche directement la
légalité, la légitimité de nos travaux depuis 1977.
Il est normal que nous posions des questions, non pas de la façon qu'on
nous interpelle de l'autre côté, présentement, mais sachant
que nous avons un devoir important à accomplir et cela dans
l'intérêt des citoyens. (15 h 40)
Est-ce que nous allons, à ce moment-ci, nous réunir comme
n'importe quelle Assemblée, comme le cabinet le fait de son
côté, l'Exécutif le fait? Est-ce que le législateur
ne devrait pas à ce moment-ci être saisi de cette situation et se
poser la même question que se pose l'Exécutif? Est-ce que nous
allons continuer de travailler parce que nous sommes rendus à tel
"debater" ou tel article?
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition,
j'ai déjà rendu la décision tout à l'heure en ce
qui concerne ce point. Maintenant, avant d'ajouter à ce que j'ai dit, je
voudrais d'abord, et je pense que vous allez trouver cela normal, essayer de
prendre connaissance de ce jugement. Je ne sais même pas...
M. Levesque (Bonaventure): J'ai le jugement.
Le Président: Je comprends. Alors, vous me ferez le
plaisir de me prêter ce jugement. Dans les circonstances, c'est la
responsabilité première du leader parlementaire du gouvernement,
dans le cadre de notre règlement sessionnel, de tracer le programme de
la journée; c'est sa responsabilité de demander que les travaux
de l'Assemblée nationale se poursuivent. Je prends bonne note toutefois
de la suggestion qui m'est faite de convoquer une conférence des
leaders, je suis sûr que cela sera relativement facile à
réaliser; nous pourrons avoir une conférence des leaders et cela
me fera plaisir de présider une telle conférence. En attendant,
je suis le voeu exprimé par celui qui est le maître de la
procédure et qui a le droit et le pouvoir, conformément à
notre règlement, de tracer le programme de nos travaux pour la
journée, puisque nous sommes dans le cadre de notre règlement
sessionnel. Il en assume la responsabilité. Alors je cède la
parole à M. le ministre de l'Energie et des Ressources.
M. Levesque (Bonaventure): Puis-je ajouter un mot, s'il vous
plaît?
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Cette suggestion, peut-être que
cela ne répond pas entièrement à nos
préoccupations, qui sont très sérieuses. Mais puis-je
suggérer, et cela dans un but très constructif, au moins pour
reconnaître le principe
de la chose, que nous suspendions cinq minutes cela ne retardera
pas les travaux et que nous ayons une réunion des leaders avec le
président? Je pense que ce serait suffisant, ces cinq minutes, pour au
moins établir certaines positions et peut-être essayer de trouver
un modus Vivendi.
Le Président: Je voudrais connaître le sentiments
des deux autres leaders là-dessus.
M. Charron: Moi, M. le Président...
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Je ne dirais pas non à cette proposition si je
savais une chose préalablement, sinon je me conformerais à votre
directive et je dirais que la Chambre devrait poursuivre ses travaux
normalement.
Le député de Bonaventure peut-il nous dire, plutôt
que de vous donner le fardeau de cette décision, avant qu'on se
réunisse, et le dire devant tout le monde ici, si dans son
interprétation à lui nous devrions cesser de siéger? Avec
la garantie que j'ai donnée tout à l'heure que ce projet de loi
en discussion, comme toutes les autres, sera dans quelques heures
régularisé, avec toute la collaboration qu'il a manifestée
et qu'il a mentionnée, pouvons-nous continuer notre travail? Je voudrais
savoir avant ce qu'il va vous dire là-bas.
M. Levesque (Bonaventure): Nous n'avons rien à cacher, M.
le Président, à ce sujet; nous avons l'intention de rechercher
quelque chose qui nous permettrait de continuer le plus tôt possible.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Brochu: M. le Président, je n'ai aucune objection, en
ce qui nous concerne, à ce que nous tenions cette réunion des
leaders actuellement, le plus tôt possible, si cela peut aider la bonne
marche de nos travaux.
M. le Président, est-ce qu'on me permettrait, de ce
côté-ci, l'Opposition officielle, d'exprimer notre opinion
également?
M. Levesque (Bonaventure): Sûrement.
M. Brochu: Merci, M. le Président, Je n'ai pas d'objection
à tenir cette réunion si cela peut assurer la bonne marche des
travaux, quoique je suis un peu surpris, à ce moment-ci, qu'on fasse un
plat au moment où la Cour suprême vient à peine de rendre
le jugement. Je pense qu'il y a certains actes législatifs du
gouvernement qui viennent d'être jugés non constitutionnels; le
gouvernement de son côté vient de nous annoncer, je pense que
c'est là le contenu de la réunion des ministres actuellement, son
intention de corriger par un autre acte législatif qui vient à
peine d'être reconnu comme non constitutionnel. Je pense qu'il faut
être réaliste dans les faits et accepter, à ce moment, la
discussion que le gouvernement ouvrira sur cette question, et là
discuter, si on veut, de la question de fond. Je pense qu'il faut être
réaliste sur le temps et les délais, mais, en ce qui me concerne,
je suis prêt à tenir cete réunion des leaders. Ce qu'on
vise, c'est que l'Assemblée nationale puisse continuer ses travaux. Elle
a siégé avant que le jugement de la Cour soit rendu, et pourtant
c'était devant les tribunaux. Maintenant que c'est une question
d'heures, je pense qu'on pourrait arriver à un consensus pour continuer
nos travaux et par la suite corriger cette situation.
Le Président: Bon. Puisqu'il semble y avoir un
consentement des trois leaders...
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Est-ce que je peux vous proposer qu'on ait cette
réunion dans quelques minutes, mais qu'entre-temps le
député de Matane puisse continuer son intervention?
M. Levesque (Bonaventure): Ce n'est pas une question de retarder
les travaux, c'est simplement une question de principe.
Le Président: Alors, comme il semble y avoir consentement,
nous allons suspendre les travaux pour cinq minutes.
Suspension à 15 h 46
Reprise à 15 h 55
Le Président: A l'ordre!
La conférence de cinq minutes des leaders a eu lieu et s'est
déroulée dans un climat plus serein que celui qui
prévalait ici avant la conférence. J'espère que la
sérénité de la conférence des leaders se
répercutera à l'Assemblée.
Je vous cède la parole, M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Cette question qu'a soulevée l'Opposition,
dont le bien-fondé, s'il est discutable, est quand même
respectable, nous amène à poser la question ici même, au
sein de l'Assemblée, sur un sujet qui devrait faire l'unanimité
de tous et de toutes, c'est-à-dire le respect de la décision d'un
tribunal.
J'affirme tout de suite que si nous sommes en réunion
actuellement j'espère y retourner dans quelques instants
c'est précisément parce que notre volonté première
est de respecter la décision d'un tribunal. Je laisse, encore une fois,
aux débats à venir le soin de qualifier de quelle manière
nous entendons le faire, mais si c'est l'intention qu'on veut me voir affirmer,
je le dis sans ambages, nous allons la respecter.
Je fais donc part de l'intention formelle du gouvernement de
présenter, d'ici quelques heures, une loi si j'étais de
l'autre bord, je pourrais probablement vous le dire mieux, mais je suis ici
depuis quelques minutes déjà qui régularisera,
je l'espère, aux yeux de tous la situation telle que la
décision du tribunal suprême vient de nous obliger à le
faire actuellement. J'invite donc, avec cette assurance, nos collègues
qui étaient au travail aux commissions parlementaires et ceux qui
s'apprêtaient à intervenir sur un projet de loi en discussion
à l'Assemblée à poursuivre ce travail de discussion. Les
articles des projets de loi en discussion à la commission des affaires
municipales et à la commission du travail et de la main-d'oeuvre peuvent
être adoptés par la commission.
Quand nous aurons régularisé la situation,
c'est-à-dire bien simplement quand la troisième lecture et la
sanction de la loi dont je viens de faire mention auront été
faites, à chacune des tables de travail on pourra, par une motion,
rendre officiels les articles qui auront été, en collaboration,
discutés, acceptés et pesés à leur mérite, y
compris les amendements qu'auront voulu y inscrire les députés.
L'objectif de mon intervention est simple. C'est que s'il y a une partie de
bien-fondé dans l'intervention de l'Opposition, indéniablement,
dans le cadre actuel, cela ne doit pas paralyser les travaux de
l'Assemblée nationale pour quiconque veut y mettre de la bonne
volonté et de la collaboration. Je viens d'inscrire le moyen par lequel
cela pourrait se faire. Nous poumons continuer à travailler tout en nous
assurant que ce travail sera régularisé par la suite.
C'est la proposition que j'ai faite et qui devrait nous permettre de
reprendre les travaux aux deux commissions et à l'Assemblée,
immédiatement, M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Je veux remercier le leader
parlementaire du gouvernement, premièrement, pour le ton serein avec
lequel il vient de s'exprimer au nom du gouvernement. Je veux le remercier
d'avoir reconnu le sérieux des préoccupations que nous avons fait
connaître à cette Assemblée relativement aux travaux de
cette Chambre et aux travaux en commission. Nous sommes également
solidaires du gouvernement dans le respect des décisions des tribunaux.
(16 heures)
Finalement et je pense que c'est cela qui fera que nous allons
manifester notre meilleure collaboration, comme nous l'avions d'ailleurs
indiqué devant la déclaration solennelle faite par le
leader parlementaire du gouvernement qu'il avait l'intention j'imagine
aujourd'hui; il dit dans quelques heures dans les prochaines heures, de
faire connaître à cette Chambre les mesures qui seront
immédiatement prises afin de remédier d'une façon
adéquate à la situation dans laquelle nous nous trouvons
présentement, au nom de notre formation politique et avec tout ce qu'il
faudra, évidemment, de collaboration de part et d'autre pour que les
travaux que nous allons poursuivre, autant en cette Chambre qu'en commission,
ne soient pas complètement futiles ou ne comportent pas d'irrespect
vis-à-vis des tribunaux, avec toutes ces conditions, nous serons heureux
d'accorder notre collaboration et de poursuivre les travaux et cela, dans le
meilleur esprit et dans le meilleur intérêt des citoyens du
Québec.
M. Brochu: M. le Président...
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Brochu: ... étant donné qu'on nous donne
l'assurance qu'en fait il y aura une loi pour régulariser la situation,
je pense qu'il ne demeure aucune espèce d'objection possible à ce
que nous puissions continuer nos travaux. D'ailleurs, dès que le
jugement de la cour a été rendu et cela avait même
été signifié avant le gouvernement avait
souligné son intention de corriger, le cas échéant, la
situation, si le jugement de la Cour suprême devait être
défavorable. C'est ce qui me faisait dire, tout à l'heure,
qu'à toutes fins utiles nous n'avions pas besoin de tenir ce
débat puisque l'intention était manifeste de la part du
gouvernement, dès que le jugement de la cour a été rendu,
de corriger ce qui était maintenant devenu des actes jugés non
constitutionnels.
Donc, il s'agit simplement, à ce moment-ci, d'une question de
bonne volonté de part et d'autre pour pouvoir continuer nos travaux
quand on sait très bien que, dans les prochaines heures,
l'Assemblée nationale aura à se prononcer, dans un nouveau cadre
législatif, pour corriger cette situation reconnue non constitutionnelle
par le plus haut tribunal du pays.
Le Président: Alors, M. le ministre de l'Energie et des
Ressources, vous pouvez maintenant reprendre votre intervention.
M. Bérubé: Mr Speaker, we do not really know now if
we have the right to speak our own language. I do not know, probably this
language will be more adaptable to the Opposition, presumably.
Ceci pour dire, M. le Président, que ce matin j'avais
commencé ma présentation du projet de loi en abordant tout le
problème des richesses naturelles. Suite vous me permettrez de le
souligner à ce long débat un peu procédurier que
nous venons de tenir, débat qui est un peu humiliant, vous le
reconnaîtrez, parce que...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'invoque le
règlement. Nous avons, il me semble, non seulement manifesté une
grande collaboration, mais nous avons fait preuve et je pense que je
l'ai dit de la part du gouvernement, au moins du leader du gouvernement
d'une certaine maturité dans toute cette affaire. Nous venons de
reprendre à peine, il y a quelques instants, un débat en
deuxième lecture et nous avons droit à ce cabotinage. Il n'y a
pas de pertinence du débat, on parle de n'importe quoi et on veut
remettre en question des choses qui viennent à peine d'être
réglées.
M. Charron: A l'ordre!
M. Levesque (Bonaventure): Alors, M. le Président, si on
veut réellement avoir la collaboration de l'Opposition officielle, il va
falloir qu'on revienne aux travaux. C'est ce qu'on voulait avoir, des travaux
dans cette Chambre. On disait que c'était important de retourner aux
travaux de cette Chambre, de ne rien retarder. Eh bien, qu'on agisse en
conséquence.
Le Président: A l'ordre! M. le ministre de l'Energie et
des Ressources, puis-je vous demander de revenir immédiatement au projet
de loi no 72 qui vous concerne?
Une Voix: Cela fait mal aux oreilles, le français.
M. Bérubé: Oui, M. le Président, c'est bel
et bien de ce projet de loi que je parle. J'allais simplement souligner que
vous avez, derrière vous, un tableau j'inviterais les
caméras à le regarder qui montre ce premier débat
à l'Assemblée nationale en 1792 pour qu'on ait le droit
d'utiliser notre langue chez nous au Québec, M. le Président.
Pour cette raison, M. le Président, j'utiliserai la langue que
m'ont enseignée mes parents, la langue que leur avait enseignée
leurs parents, la langue que mes ancêtres se sont transmise de
génération en génération et dont je suis fier.
M. le Président, je suis même, en un sens, un peu inquiet
parce que nous discutons d'un projet de loi, le projet de loi 72, où
nous avons déjà une traduction anglaise. Il est bien
évident qu'il est très difficile, sinon impossible, de traduire
exactement ses sentiments dans les deux langues. Par conséquent, nous
avons dans ce projet de loi un texte français et un texte anglais.
Malheureusement, M. le Président, s'il y avait un iota, s'il y avait une
petite différence d'interprétation dans les deux textes et que
ceci devait être contesté, et si la version française n'est
pas la version officielle, il faudra trancher laquelle des deux versions sera
officielle. Qui tranchera? La Cour suprême, M. le Président, la
Cour suprême qui se basera sur le "common law", c'est-à-dire
l'interprétation anglaise de nos lois.
Le Président: S'il vous plaît!
M. Bérubé: Vous vous rendez compte, M. le
Président, qu'il est difficile de défendre un projet de loi,
alors qu'on ne sait jamais comment il sera interprété.
Néanmoins, M. le Président, je m'attaquerai au dernier point de
mon exposé qui porte sur les raisons de la mise sur pied de ce
ministère de l'Energie et des Ressources. D'abord, il faut se dire
et c'est ce que j'ai souligné dans la première partie de
mon intervention, que le gouvernement s'est préoccupé d'utiliser
les richesses naturelles du Québec de manière...
Une Voix: ...
M. Bérubé: II y a un poulet qui se fait aller de
l'autre côté.
Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre.
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je
soulignais l'importance que le gouvernement a mise dans les richesses
naturelles pour le développement de notre économie. J'ai
expliqué un certain nombre de politiques qui ont obtenu un succès
certainement inespéré puisque je pouvais citer les derniers
chiffres de création d'emploi, les derniers chiffres concernant
l'investissement dans le secteur des pâtes et papiers. Je pouvais
souligner que notre industrie minière a maintenant le championnat au
niveau de l'exploration. C'est le plus haut niveau de forage de toutes les
provinces canadiennes. En d'autres termes, M. le Président, je pouvais
souligner le succès d'un certain nombre de politiques.
Cependant, il fallait compléter ces politiques. Lorsqu'on examine
soigneusement les mines, l'énergie, les forêts, les terres, on
découvre un ensemble d'objectifs communs à ces secteurs qu'il
faut tenter d'harmoniser pour faire en sorte que le gouvernement puisse
éventuellement avoir une politique des ressources, une politique qui
nous permette de savoir comment nous allons utiliser nos richesses naturelles
dans une direction donnée. M. le Président, c'est bien
évident qu'au niveau des mines le ministère n'est pas assez gros
pour justifier un service d'informatique, pour justifier une gestion du
personnel trop considérable, pour justifier également un service
aux sociétés d'Etat. Une des conséquences, qui a
d'ailleurs été soulignée, dès notre arrivée
au pouvoir, par tous les présidents des sociétés d'Etat
lors d'une rencontre, c'est qu'il n'y a pratiquement pas moyen pour le
gouvernement d'émettre des directives à nos
sociétés d'Etat parce que les agences gouvernementales
susceptibles d'émettre ces directives sont tellement morcellées
qu'il n'y en a aucune qui a véritablement le personnel, les
compétences pour réfléchir aux orientations, aux mandats
de nos sociétés d'Etat.
Il faut donc tenter de regrouper ces organismes à vocation
économique et faire en sorte que l'on puisse disposer d'un peu plus de
personnel. Comment peut-on y arriver? Il va de soi que nous avons
cherché à maintenir à l'intérieur de ce
ministère quatre vocations, c'est-à-dire distinguer soigneusement
entre les terres, les mines, l'énergie, les forêts. Il doit donc y
avoir un sous-ministre associé à chacune de ces directions, de
ces secteurs, de manière à ce que l'industrie qui s'adresse au
ministère des Ressources sache qu'elle s'adresse à un
fonctionnaire qui se voit déléguer son autorité
directement du sous-ministre et qui sait que l'autorité finale qui
prendra la décision sera une autorité qui partage ses
intérêts. (16 h 10)
En effet, M. le Président, on a assité à certains
regroupements de ministères, par exemple en Ontario, où on a mis
ensemble des secteurs, des
directions aussi disparates que les parcs, les mines et les
forêts. Particulièrement dans le cas des parcs, il faut constater
qu'un ministre chargé du loisir, de la chasse et de la pêche, est
un ministre qui se préoccupe de récréation, de
qualité de vie, de milieu. Par conséquent, il a des objectifs
différents de ceux du ministre des Forêts, qui lui veut utiliser
les forêts de manière à assurer le développement
économique. Il va de soi qu'il y a des arbitrages. Ce n'est pas facile.
Si on veut faire un parc, il va falloir sortir les exploitations
forestières. C'est un peu anormal que le même ministre prenne les
deux décisions en même temps, parce que, s'il est orienté
vers les parcs, il y a des chances qu'il sacrifie l'économie. Si, au
contraire, il est orienté vers l'économie, il y a des chances
qu'il sacrifie le loisir, la récréation et la qualité du
milieu.
C'est au Conseil des ministres de faire ces arbitrages. D'ailleurs, le
gouvernement actuel a inauguré cette nouvelle façon de
gérer en créant ces postes de ministres d'Etat au
Développement économique, à l'Aménagement du
territoire, dont le rôle est justement l'arbitrage de telles orientations
ou de tels objectifs qui peuvent être en contradiction, de manière
qu'on puisse prendre une décision essentiellement politique. Il est donc
important que, dans un ministère des Ressources, on ne confonde pas le
loisir avec l'activité économique. C'est ce que nous avons fait.
Nous n'avons regroupé ensemble que des activités
économiques qui auront comme objectif d'assurer le mieux-être des
Québécois en leur permettant de travailler dans une industrie qui
bâtit sa richesse, son développement sur un avantage comparatif
que sont nos ressources.
Donc, il est dangereux de mêler; c'est exactement ce qu nous
n'avons pas fait. Nous avons pris les moyens pour que nous n'ayons que des
vocations économiques. Il y aura donc un sous-ministre aux mines
associé, un sous-ministre aux forêts, un sous-ministre à
l'énergie et lorsque l'industrie, les coopératives
forestières discuteront avec un fonctionnaire, avec le sous-ministre aux
forêts, elles sauront qu'elles parlent à l'autorité
suprême à l'intérieur du ministère,
l'autorité administrative, il va sans dire.
Il y a des avantages au regroupement. Par exemple, nous avions deux
directeurs généraux à l'administration. Nous n'en aurons
plus qu'un. Nous avions deux directeurs du budget. Nous n'en aurons plus qu'un.
Nous avions cinq cadres à la gestion financière. Nous n'en aurons
que trois. Deux directeurs à la gestion du personnel; nous n'en aurons
plus qu'un. En d'autres termes, le regroupement de ces unités
administratives va nous permettre de réduire le nombre de fonctionnaires
chargés de certaines tâches communes et faire en sorte qu'on
puisse alléger l'administration publique. C'est d'autant plus
nécessaire, M. le Président, que tous ces nouveaux programmes que
nous avons introduits depuis un an et demi ou deux ans se sont
autofinancés, si on peut dire, à partir d'une banque de postes de
fonctionnaires que nous avons dégagée grâce à des
économies.
C'est-à-dire que le gouvernement s'est organisé pour
améliorer les services aux citoyens, mais sans augmenter le nombre de
fonctionnaires, donc en procédant à de tels regroupements,
à de telles rationalisations. C'est cela une pensée
économique claire, qui comprend ce que sont les économies.
Le ministre des Finances du gouvernement fédéral nous
parle d'essayer de mettre un terme à ces déficits
budgétaires astronomiques que les libéraux lui ont causés.
D'ailleurs, M. le Président, les libéraux nous avait
légué exactement la même chose, parce que les
libéraux sont connus pour laisser à tous les gouvernements qui
leur succèdent des finances dans un état catastrophique. Dois-je
souligner, M. le Président, que tous ces programmes que nous avons
offerts aux Québécois, nous les avons offerts sans augmenter la
fontion publique? Mais, si le gouvernement fédéral veut
réduire les dépenses, il pourrait comprimer la fonction publique.
Ce n'est pas ce qu'il choisit. Il choisit l'augmentation des taxes. C'est une
façon d'équilibrer un budget. On augmente les taxes. Evidemment,
le petit contribuable qui est "poigné" pour payer cela, c'est un peu
plus difficile. Mais ce n'est pas tellement un problème.
D'ailleurs, c'est comme cela que cela fonctionnait avec l'ancien
gouvernement libéral. On augmentait les taxes; on équilibrait les
budgets. Ce n'est pas de cette façon que nous l'avons fait. Nous l'avons
fait en réduisant les impôts, en réduisant le nombre de
fonctionnaires, en s'orga-nisant pour donner de meilleurs services, en
défendant des projets de loi comme ceux que nous avons vus à
l'Assemblée nationale, sur la santé-sécurité, que
nous faisons, à l'intérieur, avec nos banques de postes.
Donc, nous réduisons les postes. Qu'est-ce que cela permet de
faire en réduisant le nombre de fonctionnaires? D'offrir des services
que je ne pouvais pas donner avant. Par exemple, nous pourrons avoir un service
de l'informatique beaucoup plus important, beaucoup plus complet. Par exemple,
nous pourrons avoir maintenant pour les Québécois, pour le
ministère des Richesses naturelles qui, auparavant, n'avait pas de
service en région, des services en région. Pourquoi? Parce que le
ministère des Terres et Forêts avait neuf bureaux
régionaux, 44 unités de gestion, des bureaux locaux.
Par conséquent, il est possible, à l'intérieur d'un
seul ministère, sans multiplier l'administration, d'offrir les services
de l'énergie, des mines, des forêts directement aux citoyens. Une
des difficultés que nous avons rencontrées dans notre programme
d'isolation de maisons ne nous le cachons pas, le gouvernement
fédéral l'a connue aussi c'est que le citoyen qui voulait
des renseignements sur la façon de remplir les formules ne savait pas
où s'adresser. Il n'y a pas de bureaux des Richesses naturelles ou de
l'Energie à Sainte-Anne-des-Monts. Il n'y en a pas non plus à
Matane mais il y a des bureaux du ministère des Terres et Forêts.
En regroupant nos services, il est possible, pour un agent de bureau, de venir
faire un
stage à Québec, d'apprendre comment fonctionne le
programme d'isolation de maisons et de retourner ensuite en région pour
aider les citoyens à remplir les formulaires en question. Cela est le
genre d'économie de moyens qu'on peut réaliser par le
regroupement du ministère.
Cela veut dire, M. le Président, que l'accès à la
clientèle sera beaucoup amélioré; cela veut dire que nous
aurons des bureaux implantés sur tout le territoire sans avoir
augmenté le nombre d'effectif, sans avoir augmenté le personnel.
Egalement, les postes de fonctionnaires que nous dégageons par cette
opération, nous pouvons nous en servir ailleurs. Par exemple, le
ministre de l'Energie et des Ressources, maintenant, devient titulaire de sept
sociétés d'Etat et de deux régies, REXFOR,
Hydro-Québec, SOQUIP, SOQUEM, SNA, SDBJ, Société de
cartographie. Il est pratiquement impossible de suivre ces
sociétés sans avoir, au niveau du ministère, une
équipe dont le rôle est d'essayer de définir ce que les
Québécois veulent de leur société, quels sont les
objectifs, les orientations de cette société. L'Opposition aura
remarqué qu'au cours des dernières années, nous avons
amendé plusieurs lois des sociétés d'Etat pour donner le
pouvoir à l'Assemblée nationale, au gouvernement,
d'émettre des directives quant aux objectifs, quant aux
orientations.
Mais, pour préparer ces orientations, il faut des gens qui
pensent, il faut des gens qui puissent s'occuper de ces sociétés
d'Etat, qui puissent s'occuper des mandats que pourraient réaliser nos
sociétés d'Etat. Dans nos ministères, nous n'avons pas ce
personnel. Mon intention est donc de constituer une équipe des
sociétés d'Etat dont le rôle sera spécifiquement de
définir ces mandats, d'essayer de voir ce que la collectivité
attend d'un organisme comme une société d'Etat, ce que l'on
attend d'Hydro-Québec, ce que l'on attend de SOQUIP, de SOQUEM, de la
SNA. Donc, cela permettra un suivi gouvernemental beaucoup plus serré de
l'activité de nos sociétés d'Etat, non pas pour s'immiscer
dans le fonctionnement quotidien des sociétés d'Etat, mais pour
jouer le rôle qu'un gouvernement doit jouer, soit celui de définir
les orientations. Où est-ce qu'on va? Pourquoi va-t-on là?
Qu'est-ce qu'on veut faire? C'est à l'Etat à définir cela.
C'est aux citoyens du Québec à décider qu'est-ce qu'ils
veulent faire avec SIDBEC.
Une fois que l'on a décidé ce que l'on veut faire avec une
société d'Etat, il appartient au conseil d'administration,
nommé par la loi, que le gouvernement a choisi, de réaliser
évidemment le mandat et de faire rapport au gouvernement. Lorsqu'il fait
rapport, il faut qu'il y ait quelqu'un au gouvernement qui le lise. Il ne
s'agit pas d'envoyer un rapport au gouvernement, qu'on le mette sur une
tablette et qu'on le laisse dormir sous la poussière. Il faut que le
gouvernement s'inquiète, se préoccupe du fonctionnement de ses
sociétés d'Etat.
Avec le regroupement, avec les économies au niveau de
l'administration, il est possible d'améliorer ce contrôle de
l'homme politique sur les orientations de nos sociétés d'Etat.
D'autres économies sont possibles, sans nécessairement
réduire le nombre de postes, mais en augmentant l'ampleur de ces
services. Nous avons un service de voirie minière, un service de voirie
forestière. Il est donc tout à fait possible, un jour ce
n'est pas mon intention peut-être d'harmoniser le fonctionnement
de ces deux services de manière qu'on ait un plus gros service, mieux
équipé, avec un meilleur choix d'ingénieurs, regroupant
les deux, mais avec certaines spécialisations possibles. C'est le genre
d'amélioration que le regroupement des ministères veut rendre
possible. (16 h 20)
M. le Président, il faut le souligner, ce regroupement de la
Direction générale de l'énergie, de la Direction
générale des mines, de la Direction générale des
forêts et de la Direction générale des terres va nous
permettre de réaliser un ensemble de politiques qui n'étaient pas
possibles au gouvernement du Québec antérieurement. Certains
diront: N'est-il pas trop lourd pour un homme de devoir supporter le poids
d'autant de directions? Je dois dire que, depuis maintenant trois ans,
étant à la tête de ce ministère, ayant les deux
ministères essentiellement, j'ai pu apprécier la quantité
de travail qui était nécessaire. Je dois dire que la tâche
du ministre est d'autant plus réduite que nous avons une haute fonction
publique compétente, suffisamment nombreuse pour faire toutes les
tâches qu'on attend d'elle.
Je dois souligner aussi que nous n'avons plus la Direction
générale des eaux qui a été regroupée avec
le ministère de l'Environnement pour créer un véritable
ministère de l'Environnement. Nous avions antérieurement deux
gestionnaires de l'eau: la Direction générale des eaux et les
Services de protection de l'environnement. Vous aviez un
Québécois qui choisissait de se construire un quai sur le bord de
l'eau; il demandait la permission à la Direction générale
des eaux, on lui donnait la permission. Mais, le lendemain, un inspecteur de
l'Environnement survenait et on lui disait: Non, on vous l'interdit pour des
raisons d'environnement. Il disait au gouvernement: Faites-vous une
idée. C'était le problème d'avoir deux gestionnaires. On a
réglé le problème. Les deux gestionnaires, cela va
être le même ministre. Il va falloir qu'il y ait un sous-ministre,
à un moment donné, qui fasse les arbitrages. Le citoyen, quand il
aura l'autorisation, il aura l'autorisation. Il n'aura pas besoin de se
demander si, le lendemain, il n'y a pas un autre ministère qui va le
contredire.
Ayant abandonné cette Direction générale des eaux
il y a déjà quelques mois, nou avons également
démantelé, si on veut, la Direction générale du
Nouveau-Québec créée par M. Lévesque. Cette
Direction générale du Nouveau-Québec visait à
remplir un vide que malheureusement, je dois dire, M. Duplessis avait
laissé. En effet, lorsque les terres du Nord ont été
concédées, en 1912, au Québec, les gouvernements
québécois successifs trouvaient un peu pesant d'avoir à
s'occuper des Indiens, du développement et on préférait
laisser ce rôle à Ottawa. C'est en 1962, si je ne m'abuse, que M.
Lévesque, alors ministre des Richesses naturelles, devait créer
la Direction générale du Nou-veau-Québec pour forcer le
gouvernement du
Québec à assumer ses responsabilités. Cette oeuvre
de pionnier a porté fruit. Graduellement, l'ensemble des
ministères s'est préoccupé du développement du Nord
et, d'ailleurs, c'est au député de Mont-Royal que l'on doit la
négociation de l'entente de la Baie James en vertu de laquelle chaque
ministère devait assumer ses responsabilités.
Personnellement, j'estimais que la Direction générale du
Nouveau-Québec devenait essentiellement un "colonial office".
Evidemment, le député de Mont-Royal va dire: Qu'est-ce qu'il y a
de mal à avoir un "colonial office"? Enfin, nous,
Québécois, n'aimons pas tellement les "colonial offices" et, par
conséquent, on a gardé des mauvais souvenirs. Vous savez, ces
"colonial offices" sont ces ministères horizontaux qui s'occupent des
coopératives, des hôpitaux, des écoles et qui, eux, savent
ce qui est bon pour les autochtones, ce qui est bon pour les Cris, ce qui est
bon pour les Inuit. Or, il m'apparaît qu'il faut effectivement que chaque
ministère assume ses responsabilités. Les Inuit sont des citoyens
québécois qui doivent pouvoir s'adresser au ministère de
l'Education ou au ministère des Affaires sociales. En d'autres termes,
Mme la Présidente, la tâche du ministre des Richesses naturelles
s'était considérablement allégée du fait qu'il
n'avait plus la Direction générale des eaux et du fait qu'il
n'avait plus la Direction générale du Nouveau-Québec. Par
conséquent, ce regroupement permet de créer un ministère
assez costaud, assez important pour se doter de tous les instruments
administratifs nécessaires à une bonne gestion et je pense que
cela ne peut qu'aider le développement de nos richesses naturelles.
M. le Président, je dois dire que cet objectif de regrouper ces
ministères est ancien. M. Lévesque avait proposé cela
à l'époque où il était à l'intérieur
du gouvernement libéral; il avait proposé le regroupement des
Terres et Forêts et des Richesses naturelles. Les conflits de
personnalité entre ministres avaient rendu difficile cette
rationalisation, même si elle était désirable.
Les gouvernements qui ont succédé au gouvernement
libéral, qu'ils soient de l'Union Nationale ou du Parti libéral,
ont préféré à nouveau ne pas s'immiscer dans cette
question et, finalement, c'est l'élection du Parti
québécois, avec la nomination d'un seul et même ministre
à la tête de ces deux ministères, qui a rendu beaucoup plus
facile cette rationalisation administrative. C'est donc la conséquence
d'une longue réflexion, d'une orientation mûrement
réfléchie qui nous amène, M. le Président, avec
fierté, à présenter ce projet de loi qui crée le
ministère de l'Energie et des Ressources.
La Vice-Présidente: M. le député de
Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. Je vois que dans les
dernières minutes de son intervention, le ministre a finalement
parlé du projet de loi. Je ne peux pas laisser sans commentaire les pro-
pos qu'il nous a donnés ce matin. Nous avons été
témoins, ce matin, d'un spectacle peu édifiant par le ministre,
au sujet du projet de loi. C'était assez édifiant, par exemple,
quant à l'attitude du ministre.
Le ministre a parlé d'une série de sujets: de la loi 101,
des années 1960, il a parlé de nos institutions politiques, il a
parlé des Anglais. Je ne ferai pas la litanie de tous les sujets qui
n'étaient pas pertinents au débat de ce matin. Ce qui est le plus
regrettable, c'est que le ministre a parlé de la façon la plus
dérogatoire des investisseurs du Québec, qui sont au
Québec, dans des termes que je n'oserais même pas
répéter dans cette Chambre. Il a traité d'exploiteuses des
sociétés québécoises qui ont été
fondées par des Québécois. Ceci pour vous dire que je ne
m'abaisserai pas à ce genre de débat. Je vais parler de la
substance du projet de loi, je vais me limiter à critiquer ce qui est
dans le projet de loi, ce qui n'y est pas, mais qui aurait dû être
dans le projet de loi. Je voudrais seulement dire que si la performance du
ministre, ce matin, est un avant-goût des débats
référendaires, je sympathise avec la population du
Québec.
Le ministre a mentionné l'importance des richesses naturelles.
Parce qu'il y a une importance vitale aux richesses naturelles, aux ressources
énergétiques, j'aurais pensé que le projet de loi aurait
reflété l'importance que le ministre attache aux richesses du
Québec; j'aurais pensé qu'on aurait eu un projet de loi qui
aurait été concis, qui aurait été précis,
qui aurait défini le mandat du ministre, les fonctions du ministre, pour
répondre aux besoins des Québécois. Cela aurait
été vraiment une occasion pour le ministre de remplir les
engagements de son gouvernement, les engagements de son
prédécesseur au ministère, les engagements qu'il avait
pris quant à la formation d'un quasi superministère, les
fonctions qu'il lui donnait dans le livre blanc. On en parlait page
après page toutes les fonctions de ce ministère. Malheureusement,
j'ai essayé de trouver, dans le projet de loi, les intentions du livre
blanc quant à la formation du ministère et elles ne sont pas
incluses. (16 h 30)
On a plutôt un projet de loi qui tend, dans la tradition actuelle
du gouvernement, à élargir les pouvoir discrétionnaires du
nouveau ministre en rendant plus vague le libellé des obligations et des
pouvoirs. J'en donnerai quelques exemples. Avant d'aller plus loin sur le
projet de loi lui-même, je voudrais répondre à quelques
propos que le ministre a évoqués quant aux politiques du
ministère.
Par exemple, il a mentionné que dans le domaine des pâtes
et papiers, grâce à la politique du gouvernement, il y aurait des
investissements en excès de 12 milliards. Ce que le ministre a
oublié de mentionner, c'est que, de ces sommes qui seront
données, transférées ou investies par les compagnies de
pâtes et papiers, 60% des sommes que le ministre a mentionnées
proviendront du gouvernement fédéral...
M. Bérubé: De nos taxes!
M. Ciaccia: 60%, on oublie de le dire, ça!
M. Bérubé: De nos taxes!
M. Ciaccia: Et 40% seulement ce n'est même pas 50-50
proviennent du gouvernement du Québec. Je crois que, si on veut
vraiment dire la vérité, on ne doit pas omettre des faits
saillants aussi importants; qu'on donne au moins tous les faits à la
population. Si le ministre croit que ce sont des sommes qui sont payées
par certaines taxes, la population en jugera. Au moins, le ministre devrait
avoir l'honnêteté de ne pas dire seulement une
demi-vérité en essayant de prendre tout le crédit, toute
la gloire pour son ministère et son programme dans un cas semblable.
L'autre aspect mentionné par le ministre est le domaine minier.
Il nous a démontré l'importance des richesses naturelles au
Québec. Je ne veux pas sous-estimer cette richesse ou son importance
pour les Québécois, mais le ministre essaie toujours de traiter
le Québec comme une entité complètement à part du
Canada, comme quoi nous, Québécois, n'avons pas à partager
les richesses canadiennes. Par exemple, il mentionne la production
minérale au Québec. En termes de pourcentage, de valeur de
dollars, si on prend la production totale minérale au Canada, on en a,
d'après les chiffres de 1978, pour $19 milliards. C'est la valeur
globale canadienne. La valeur au Québec est de $1 800 000 000, ce qui
représente 9,3% de la valeur totale canadienne.
La raison pour laquelle je porte ces chiffres à votre attention,
c'est pour essayer de situer dans le contexte le débat de ce projet de
loi. Si on veut, pour donner encore plus de précisions sur ces chiffres,
enlever des $19 milliards de la production minérale du Canada la
production des combustibles, on constate que le Québec produit
approximativement 21% de la production minérale, excluant la production
des combustibles. Tout ceci pour dire que nous devons avoir des lois au
Québec pour promouvoir, aider et encourager l'investissement dans ce
domaine, mais il ne faut pas exagérer et voir aussi les richesses que
nous partageons, à titre de Québécois et de Canadiens,
avec le Canada.
Venons au projet de loi. Dans le livre blanc, le gouvernement
s'était engagé à avoir un ministère de l'Energie
qui devait s'occuper de la conservation, qui devait transiger avec tous les
autres ministères du gouvernement. On en faisait une grande liste on
parlait du Code du bâtiment qui devait être refait, on pariait des
relations entre le ministère de l'Energie, le ministère des
Travaux publics et le ministère des Transports pour démontrer
l'importance qu'on voulait accorder à ce ministère.
Nous voyons que ces intentions n'ont pas été traduites
dans le projet de loi. L'article clé du projet de loi qui donne les
pouvoirs au ministre, c'est l'article 12. Je vais, pour commencer, faire
certaines critiques de ce qui est contenu dans cet article et je reviendrai
pour faire certaines suggestions sur ce qui aurait dû être inclus
et qui a été omis.
Premièrement, je veux croire que peut-être le ministre n'a
pas vraiment réalisé ce que l'alinéa 10 de cet article 12
dit. Je vais le citer. Cet article donne des pouvoirs au ministre pour
démontrer un peu le genre de projet de loi qu'on nous propose
pour "la définition, le maintien et le respect de
l'intégrité territoriale du Québec". Pouvez-vous croire,
Mme la Présidente, que c'est le ministre qui va avoir ce pouvoir, que
c'est lui qui va définir l'intégrité territoriale? Je
crois bien que le ministre ne s'y est pas référé dans son
discours. On ne devrait donc pas avoir trop de difficulté à
apporter certains amendements à cet article parce que,
premièrement, ce n'est pas le rôle d'un ministre ou d'un individu
dans un gouvernement de donner une définition d'un territoire; ça
revient au gouvernement entier. On peut se questionner sur ce que veulent dire
"le maintien et le respect" de cette intégrité territoriale.
C'est une fonction d'un gouvernement et non pas d'un ministre.
Venons-en à certains articles encore plus importants. Non
seulement ce projet de loi donne-t-il des pouvoirs au ministre, mais il abroge
certaines autres stipulations dans d'autres projets de loi.
Premièrement, c'est une technique législative qui n'est pas tout
à fait acceptable. Si on veut amender la loi d'Hydro-Québec,
qu'on présente donc à la Chambre un projet de loi pour amender la
loi d'Hydro-Québec; qu'on n'essaie pas de le faire par le truchement
d'un projet de loi qui va créer un autre ministère parce
qu'à ce moment-là on ne peut pas, adéquatement, aller sur
le fond du projet de loi d'Hydro-Québec, en voir exactement toutes les
implications.
Dans l'alinéa 12, on nous dit que, les pouvoirs du ministre
comprennent "l'accélération de l'expansion d'Hydro-Québec
en lui assurant notamment l'exploitation des forces hydrauliques disponibles".
Ceci remplace et modifie l'article qui se lisait comme suit:
D'accélérer l'expansion d'Hydro-Québec et lui assurer
l'exploitation de toutes forces hydrauliques non concédées
ceci est important partout où il est économiquement
possible de les aménager. Nous avions dans la loi une obligation pour le
ministre de se préoccuper des projets qui étaient
économiquement possibles. Aujourd'hui, le ministre nous enlève
cela; il vient nous dire qu'il veut avoir, lui, le droit
d'accélérer l'expansion d'Hydro-Québec, sans restriction,
sans s'occuper si c'est économiquement valable ou non. Il n'y aura pas
de restriction, il n'y aura pas de contrôle sur le ministre.
On peut se demander pourquoi le ministre voudrait se donner ce genre de
pouvoirs. Je vais parler d'un projet très spécifique. C'est
peut-être le projet auquel le ministre songe et où il a besoin du
pouvoir qu'il veut ici, un pouvoir abusif, pouvoir qui peut seulement
coûter plus cher aux contribuables, puisqu'il ne doit pas s'occuper si
c'est économiquement rentable ou non. C'est le projet des rapides de
Lachine, le Projet Archipel. Il y a eu des études par
Hydro-Québec durant les
années 1970, 1971, qui ont démontré que ce projet
n'était pas rentable, qu'il y avait des problèmes techniques, des
difficultés. (16 h 40)
On nous annonce maintenant que le gouvernement procède à
une autre étape dans ce projet. Est-ce que cela veut dire que le
ministre va avoir le droit de donner des instructions à Hydro
d'accélérer, de produire, de construire des projets alors
même qu'Hydro sait qu'ils ne sont pas économiquement rentables? Je
crois, Mme la Présidente, que c'est totalement abusif. Quand on parle de
l'économie du Québec, quand on dit qu'on veut développer
nos ressources, qu'on le fasse au moins d'après les règles de
l'économie pour les rendre rentables. J'espère que, dans sa
réplique, le ministre va nous expliquer pourquoi il a amendé la
loi pour enlever les mots "où il est économiquement possible de
les aménager". Cela ne s'appliquerait peut-être pas seulement
là. Cela peut s'appliquer à une série de projets de
loi.
Si on laisse le projet tel qu'il est écrit maintenant, qui va
payer pour? Cela va être le contribuable. Il n'y aura pas de restrictions
imposées au ministre pour protéger le contribuable du
Quéec. On pourrait se demander ici ce que veut dire
accélérer. Le ministre ne voudrait-il pas plutôt dire qu'il
veut orienter, qu'il veut faire certains programmes, certaines planifications
à son ministère? Sans des restrictions économiques, je
crois qu'on desservirait la population si on acceptait cet alinéa, tel
qu'il a été écrit par le ministre où on parle
d'accélérer.
On pourrait mettre en doute d'autres aspects de ce projet de loi quand
on dit que le ministre a comme pouvoir "le maintien des approvisionnements en
énergie." Cet alinéa nous mentionne qu'il est du devoir du
ministre d'assurer "le maintien des approvisionnements en énergie". Ici
encore, on a le même problème qui se pose. Dans quelles
circonstances et jusqu'à quel point le ministre peut-il intervenir
à ce niveau pour maintenir les approvisionnements en énergie,
quand on sait que les approvisionnements en énergie pour 70% et plus
viennent d'en dehors du Québec? On pourvoit à 26% environ de nos
besoins énergétiques par des sources hydroélectriques, des
sources autochtones. On pourrait peut-être demander au ministre
d'expliquer ce que cet article veut dire. On nous dit aussi... C'est un aspect
un peu redondant du projet de loi, parce qu'il y a certains aspects du projet
de loi qui sont déjà inclus dans d'autres lois. On aurait eu
l'occasion vraiment d'arriver avec une orientation, avec des pouvoirs qui
auraient démontré le mandat que le ministre veut se donner
plutôt que d'amender certaines lois, d'inclure des termes qui sont
déjà inclus dans un autre projet de loi. Je vais vous donner un
exemple: "la surveillance de la qualité des produits
énergétiques et de la sécurité de leur
distribution." Ce pouvoir existe déjà dans le chapitre 31 des
Statuts refondus du Québec. Quelle est la différence? Quel
pouvoir additionnel le ministre se donne-t-il? Ou il veut abroger l'autre
projet de loi ou bien il veut se donner d'autres pouvoirs additionnels qui ne
sont pas mentionnés ici.
Mme la Présidente, je cite les articles 21 et 22 du projet de loi
qui amendent la Loi sur l'Hydro-Québec. L'article 21 est discutable sur
le principe même de la modification demandée. En effet, cet
article demande la modification d'un article de la Loi sur
l'Hydro-Québec. Il est étonnant de voir une modification à
la Loi sur l'Hydro-Québec dans le cadre de la création du
ministère de l'Energie et des Ressources. Si on avait voulu changer un
article de la Loi sur l'Hydro-Québec, on aurait dû le
présenter comme un amendement au projet de loi ou à la Loi sur
l'Hydro.
Mme la Présidente, il faudrait peut-être faire un peu le
bilan du ministère de l'Energie. Que nous a donné ce
ministère dans les trois dernières années? Il nous avait
annoncé des programmes de conservation.
Mme la Présidente, je ne vois aucunement dans le projet de loi
une seule référence à la conservation, à un mandat
que le ministre pourrait avoir pour implanter des programmes de conservation
dans d'autres ministères, pour faire des recommandations au
gouvernement. On n'en mentionne même pas. Pourtant, dans le livre blanc
sur l'énergie, on en parlait. On attachait de l'importance au programme
de conservation. On disait qu'on effectuerait 23% des épargnes dans ce
domaine. Alors, il me semble que si vraiment le ministre était
sincère et voulait vraiment implanter ces programmes, il aurait
dû, au moins, se confier ce mandat-là. On ne voit aucun mandat
d'inclus dans le projet de loi.
Quel autre fait pouvons-nous porter à l'attention du ministre et
de la population au cours des trois dernières années? On pourrait
parler des pannes d'électricité. On pourrait en parler. Tous les
jours, le ministre nous fait un récit de toutes les pannes
d'électricité qui existent au Québec. Il ne nous dit pas
ce qu'il va faire. Il appelle les gens: les abonnés. Ce ne sont pas des
personnes, des êtres humains, des pères de famille avec des
enfants. Ce sont des abonnés. Il en fait la liste tous les jours.
Quelles sont ses responsabilités? Est-ce qu'il a assumé certaines
responsabilités envers cela? Quand on le questionne sur ces services
essentiels, on fait répondre le ministre du Travail. Mais le mandat du
ministre du Travail, c'est d'administrer le Code du travail avec la
médiation, avec toutes les différentes étapes. Mais pour
les personnes, Mme la Présidente, au milieu de l'hiver, au temps que
nous connaissons, qui souffrent de ces pannes d'électricité,
qu'est-ce que le ministre fait? On dirait qu'il est heureux. Il est vite
à se lever à la Chambre pour nous compter le nombre de personnes
qui sont affectées, le nombre d'abonnés; il en fait état
quotidiennement.
Une Voix: II traite les propriétaires
d'abonnés.
M. Ciaccia: Mme la Présidente, je crois que ce n'est pas
de cette façon qu'on va prendre nos responsabilités. On parle
aussi du prix du pétrole. Je voudrais signaler à l'attention de
cette Chambre je note que l'ex-ministre de l'Energie est présent,
peut-être qu'il va se souvenir des propos qui étaient inclus dans
son livre blanc sur l'éner-
gie qu'on parlait du prix de l'énergie, à la page
74. On disait: "La protection du consommateur d'énergie implique qu'en
premier lieu le consommateur obtienne son approvisionnement en énergie
à un prix équitable". C'étaient de belles paroles.
C'était vraiment une chose sur laquelle toute la population pouvait
être d'accord. Plus tard, on disait: "Pour empêcher
d'éventuels abus, le gouvernement dispose déjà d'un
pouvoir d'intervention qui semble suffisant. Un amendement apporté
à la Loi sur le commerce des produits pétroliers permet, en
effet, au gouvernement, sur la recommandation du ministre
délégué à l'Energie, de contrôler la
répercussion au niveau du consommateur d'une augmentation du prix du
pétrole brut et, enfin, de fixer le prix des produits pétroliers
sur tout ou une partie du territoire québécois".
Une Voix: C'était trop bon; ils l'ont changé.
M. Ciaccia: C'étaient les propos du livre blanc sur
l'énergie. On est entièrement d'accord sur ce paragraphe, mais on
voudrait voir comment cela se traduit dans les actions du ministre ou dans le
projet de loi. Mme la Présidente, depuis quelques mois, en
réponse aux questions en Chambre, avant que le gouvernement
fédéral nous donne les augmentations, ces prochaines
années, du prix du pétrole, la position du ministre de l'Energie
était: II faut payer le prix mondial. Quelles représentations
faisait-il auprès du gouvernement fédéral? Il nous disait
que c'était le prix mondial et qu'il fallait transiger avec l'Alberta,
avec d'autres sur les matières énergétiques, comme si
c'était une matière commerciale ordinaire. (16 h 50)
Où étaient les propos du livre blanc à ce
moment-là? Pourquoi ne représentaient-ils pas les consommateurs
du Québec? Heureusement que le gouvernement fédéral n'a
pas monté au prix mondial. Cela n'est pas grâce aux
représentations du gouvernement du Québec. Quand on attire son
attention sur cela, le ministre veut nous le faire oublier. Il essaie de
détourner le sujet. Quand on attire l'attention du ministre sur le fait
que le prix du pétrole, dans des pays indépendants qui n'ont pas
de pétrole, est trois ou quatre fois le prix qu'on paie au
Québec, le ministre tourne cela en dérision. Il fait de l'humour
avec cela.
Je voudrais citer, Mme la Présidente, le document
budgétaire du gouvernement fédéral. On pourrait citer une
série d'autres documents mais je cite seulement ceci: Au Royaume Uni,
les prix de détail sont de deux fois et demie ceux du Canada. Dans des
pays tels l'Allemagne de l'Ouest, la France et l'Italie, les prix sont de trois
à quatre fois plus élevés qu'ici. Cela est exact. Ce n'est
pas $0.30 de plus le gallon ou de $0.25 de plus; c'est trois à quatre
fois plus; c'est $3 à $4 le gallon équivalent. C'est clair. La
population doit le savoir. C'est parce que ces pays qui sont
indépendants n'ont pas de pétrole sur leur territoire.
Forcément, ils doivent l'acheter sur le marché international et
il faut qu'ils paient pour cela. Il y a des balances de paiements
internationaux, alors cela crée des paiements de taxes et cela force les
pays à charger ces prix pour un produit qu'ils n'ont pas. C'est sur cela
qu'on essayait d'attirer l'attention du ministre. Ici, au Canada, nous avons
ces approvisionnements. Non seulement 60% des approvisionnements
pétroliers au Québec viennent de l'Alberta mais l'objectif du
gouvernement fédéral est l'autosuffisance pour 1990.
Je comprends bien que le ministre est pris avec son option politique. Il
prône l'indépendance. Alors, c'est difficile pour lui de dire: Je
veux être indépendant, je veux la séparation du
Québec mais je veux me fier sur les sources pétrolières
canadiennes. Il y aurait là, clairement, une contradiction totale.
Alors, il ne peut pas le dire. Il est forcé de dire qu'il va traiter
l'Alberta comme les autres pays étrangers, qu'il va traiter le Canada
comme il traiterait le Moyen-Orient. De cette façon, il ne peut pas
insister auprès du gouvernement fédéral pour les
bénéfices qui, vraiment, devraient être les nôtres.
Heureusement, même si le gouvernement du Québec n'a pas fait de
représentations, d'autres en ont fait. Je crois que les prix que nous
payons maintenant, même avec l'augmentation de la taxe d'accise,
même avec l'augmentation de l'année 1980 de $4 le baril...
Seulement pour donner un exemple: A la fin de 1980, le prix que nous allons
payer le pétrole ici sera encore moins que le prix, par exemple, qu'on
paie dans l'Etat de New York. Cela, après la taxe d'accise et
l'augmentation stipulée dans le budget fédéral.
Ceci pour dire que le projet de loi ne reflète pas la
réalité du Québec, ne reflète pas les obligations
que le ministre de l'Energie a envers le Québec, ne reflète pas
la coopération que le ministre de l'Energie devrait avoir avec les
autres provinces, avec le gouvernement fédéral. On ne voit rien
dans le projet de loi qui donne ce mandat au ministre, sur lequel mandat on
pourrait juger le ministre à la fin de l'année quand il fait son
rapport. Non, le projet de loi 72 est totalement silencieux sur des aspects
très importants.
Je ferais certaines suggestions, par exemple, sur ce que devrait
contenir le projet de loi sur le mandat du ministre, sur les fonctions du
ministre. Je ne parle pas ici de la section des terres et forêts, de la
section des richesses naturelles parce que cela existe déjà. On
prend trois ministères et on les regroupe. On regroupe ces trois
ministères pour en faire un.
L'aspect nouveau du projet de loi c'est l'aspect qui concerne le
ministère de l'Energie. Par exemple, quand je vois que le ministre... Je
cite le ministre dans ses propos de ce matin: Si on a un tout petit
ministère des Richesses naturelles, comme les libéraux l'ont
gardé... Mme la Présidente, je voudrais rappeler au ministre des
Richesses naturelles que le premier ministre actuel était le ministre
des Richesses naturelles dans le gouvernement libéral. Je crois que ce
genre de propos n'ajoute rien à la discussion et à l'essai
d'explication du projet de loi et de ce qu'il devrait inclure. Je vais faire
certaines suggestions au
ministre concernant ce qu'un projet de loi devrait inclure pour vraiment
s'assurer que le ministre pourrait remplir son mandat pour le
bénéfice de tous les citoyens. Un projet de loi, ici, c'est comme
dire au ministre: Voici ce que vous allez faire. Voici ce qui est votre
rôle. Quand le ministre, par exemple, nous fait toute une explication,
comme il l'a fait cet après-midi, sur le mécanisme et dit: II y
avait quatre vocations, terres et forêts, mines, énergie et
richesses naturelles, il nous explique la mécanique des sous-ministres
et le regroupement.
C'est seulement la mécanique, Mme la Présidente, cela
n'explique pas les orientations. Cela ne nous donne pas une idée de la
direction où le ministère va aller. Cela donne l'administration
du ministère comme dans tous les autres ministères. Chaque
ministère a un sous-ministre et des sous-ministres adjoints. Cela ne
nous aide pas à comprendre la direction vers laquelle le
ministère doit s'en aller dans ses politiques, la vocation du ministre
ou ses fonctions. Ce qu'un projet de loi, par exemple, devrait dire, c'est que
le ministre doit revoir la question énergétique en rapport avec
les objectifs de court et de long termes se rapportant aux besoins
énergétiques du Québec. Ce serait une fonction du
ministre. On pourrait vraiment dire: Voici ce que le ministre devrait
répondre, devrait faire pour le bénéfice des contribuables
du Québec. Revoir toute la question énergétique à
court terme et à long terme parce qu'il y a des problèmes
peut-être, à court terme, des problèmes, par exemple, ici,
durant l'hiver. Il y a les questions d'approvisionnement, Mme la
Présidente. Comment le ministre va-t-il remplir cette obligation de nous
dire qu'il y a des approvisionnements suffisants et de se fier à lui
quand il dit: C'est le gouvernement qui va s'en occuper? Est-ce que cela
répond aux besoins des Québécois? Cela devrait être
un des rôles, une des fonctions du ministre.
Deuxièmement, le ministre devrait avoir un rôle de
conseiller et assister le gouvernement dans ses transactions avec d'autres
gouvernements concernant les questions énergétiques, parce que si
on avait l'autosuffisance, on pourrait dire, qu'on ne s'en occupe pas, que
c'est moins important, nos transactions avec d'autres gouvernements. Mais c'est
absolument vital qu'on ait, premièrement des relations, des transactions
avec d'autres gouvernements, qu'on le reconnaisse et que ce soit une
coordination, une collaboration avec le gouvernement fédéral et
les autres gouvernements provinciaux des provinces productrices. Ici, on
verrait l'orientation, le rôle du ministre dans le domaine
énergétique.
Troisièmement, le ministre devrait faire des recommandations pour
la bonne coordination de toutes les questions énergétiques du
gouvernement, tout en visant à s'assurer de l'application logique de la
politique. Plus spécifiquement, ici, on peut donner une liste des points
importants du rôle du ministre dans certains secteurs spécifiques.
Premièrement, la suffisance des approvisionnements. Deuxièmement,
les prix. Troisième- ment, le développement des ressources
énergétiques du Québec. (17 heures)
Ce serait un rôle sur lequel on pourrait juger le ministre, ce
serait un rôle qui décrirait en réalité ce que le
ministre devrait faire dans ce domaine. De plus, il devrait faire des
recommandations en ce qui a trait aux priorités et au
développement de la recherche. Je vois qu'il y a déjà une
disposition dans le projet de loi qui traite de la recherche; j'y reviendrai
tantôt.
Sur tous les aspects de l'énergie qui sont importants, comprenant
la conservation, le nouveau ministre de l'Énergie est-il moins
préoccupé que l'ancien ministre de l'Energie. L'ex-ministre de
l'Energie en avait des préoccupations; il l'a écrit dans son
livre blanc. Cela aurait dû être un engagement du gouvernement,
parce que la question de conservation, cela devient de plus en plus important.
On a un projet de loi qui est vraiment quelque chose d'incroyable. On
crée un ministère de l'Energie et un des aspects les plus
importants de toute la question énergétique, la conservation,
n'est même pas mentionné dans le document.
Si vous lisez ce document-ci, la question de la conservation de
l'énergie, ce n'est pas la responsabilité du ministre de
l'Energie. A qui appartient cette responsabilité? Est-ce qu'on le
retrouve dans un autre document? Evidemment non. Ce n'était pas une de
ses priorités. Je crois que la priorité du ministre, c'est de
vraiment charrier contre le fédéralisme. Cela est sa
priorité, mais vraiment s'occuper des intérêts du
Québécois, ce n'est pas prioritaire.
Une Voix: Ce n'est pas un ministre, c'est un minus.
M. Ciaccia: On devrait référer à la
conservation, on devrait référer à l'utilisation et au
développement des nouvelles sources d'énergie. Dans le livre
blanc, on faisait grand état des nouvelles sources d'énergie.
Cela peut devenir de plus en plus important, parce qu'il va falloir trouver des
alternatives au pétrole, il va falloir trouver d'autres sources, parce
qu'on nous avertit dans tous les pays producteurs que cela se peut qu'il y ait
de moins en moins de production, que les pays eux-mêmes vont utiliser ces
produits et qu'éventuellement ils vont être épuisés.
Alors, cela devrait être une des préoccupations principales du
ministre de trouver des nouvelles sources d'énergie et cela devrait
faire partie, il me semble, du projet de loi.
Les sujets que je viens de mentionner auraient dû être au
début du projet de loi; cela aurait dû être les clauses les
plus importantes. Ce n'est pas important pour le Québécois de
lire que le ministre va accélérer le développement
à Hydro-Québec, que cela soit économiquement rentable ou
non. Cela laisse des inquiétudes dans la population. Mais la question
d'utiliser et de développer de nouvelles sources d'énergie, la
question de conservation, c'est important. Cela aurait démontré
vraiment que le ministre s'occupe des vraies priorités. On les oublie
complètement.
Les suggestions que j'ai faites quant aux différentes inclusions
dans le projet de loi, je ne m'en cache pas, je les ai trouvées dans la
loi créant un ministère de l'Energie dans la province de
l'Ontario. Je me suis dit: Je vais faire une comparaison. On nous
présente un projet de loi et je me suis dit: Voyons ce que les autres
juridictions, ce que les autres provinces font. L'Ontario, cela doit être
comparable, parce que l'Ontario, non plus, n'a pas de sources de
pétrole. L'Ontario se fie sur la production hydroélectrique, sur
le gaz naturel, de la même façon que nous allons nous y fier de
plus en plus.
Or, j'ai vu que ce ministère de l'Energie avait été
créé durant la crise énergétique en 1973 et on voit
ses priorités. Cela aurait été une des choses les plus
faciles, comme je l'ai fait, d'aller voir ce qu'une autre province faisait et
si les mandats confiés au ministre répondaient aux besoins de la
population. Le ministre aurait pu faire la même chose et s'assurer que
les mandats qu'il confiait à son ministère de l'Energie
incluaient les priorités des citoyens.
C'est malheureux qu'il ne l'ait pas fait. Je puis vous assurer que nous
allons lui suggérer certains amendements, en commission parlementaire,
pour bonifier ce projet de loi parce qu'il est totalement inadéquat. Il
amende d'autres lois, il omet ce qu'il devrait avoir, il est redondant sur
certains aspects.
Un autre aspect où on constate l'inexactitude est le domaine de
la recherche. Un article dit que le ministre sera responsable de
l'établissement de laboratoires de recherche minéralogique,
métallurgique, hydraulique, forestière et
énergétique. Ceci remplace, dans la Loi sur le ministère
des richesses naturelles, un article qui parlait de la question des recherches
et qui faisait un genre d'obligation au ministère de s'assurer qu'il y
aurait de la recherche dans le domaine privé, de s'assurer qu'il y
aurait une stimulation à la recherche. On voyait le mandat que le
ministère aurait et on voyait l'obligation du ministère de
s'assurer non seulement que le gouvernement pouvait entreprendre certains
projets de recherche, certaines études lui-même, mais ce qui est
encore plus important, stimuler la recherche dans le secteur privé.
Je me demande pourquoi tous ces aspects, qui étaient
déjà dans le projet de loi, ont été enlevés.
On essaie de faire des réformes, on essaie d'améliorer la loi en
n'incluant pas ce qu'il y a de bon. Je peux vous donner quelques exemples qui
étaient contenus dans le projet de loi et qui sont maintenant
abrogés. On disait: Aider les entreprises minières et
métallurgiques à perfectionner les procédés, etc.
Il y avait une obligation, pour le gouvernement de fournir de l'aide à
l'entreprise privée, mais je sais que le ministre n'est pas trop
favorable à l'entreprise privée, spécialement si ce sont
des multinationales; je ne répéterai pas tous les propos du
ministre ce matin.
Une autre obligation était de fournir à la petite
industrie les services de laboratoire que ses ressources financières ne
lui permettent pas d'établir. C'est une obligation qui existe
actuellement et le ministre l'enlève, dans son projet de loi. Est-ce que
cela veut dire qu'il ne veut plus aider les petites entreprises, qu'il ne veut
plus fournir ce genre d'aide? On pourrait dire que c'est inclus dans
l'établissement de laboratoires de recherche, mais ça ne l'est
pas. Il faut préciser, il faut spécifier ce qu'on veut faire et
ne pas tout laisser à la discrétion du ministre. Que ce soit ce
ministre-ci ou un autre, lui laisser la discrétion, cela veut dire qu'il
y aura des oublis, que certains droits seront enlevés à des
contribuables. J'ai donné cet exemple pour démontrer une autre
faille, une autre défectuosité dans ce projet de loi.
On a parlé des politiques du gouvernement dans le domaine
énergétique. Je n'en ai pas vu. Le ministre n'a pas parlé
de la question des prix. Mais maintenant que le gouvernement
fédéral a donné des indications sur les prix, tout
à coup, le ministre dit: C'est moi qui ai défendu les
Québécois! Après le fait, il les défend. Je ne sais
si la population va vraiment le croire. Le projet de la Baie James, on en a
déjà parlé; c'est une réalisation de l'ancien
gouvernement. On n'en a pas trop parlé aujourd'hui, le ministre n'y a
pas trop référé. Il a dit que la Direction
générale du Nouveau-Québec sera maintenant
remplacée par d'autres organismes. C'est remplacé, mais à
la suite de la création de certains organismes dans le Grand-Nord, de
gouvernements régionaux, des corporations municipales, et cela a encore
été fait sous l'administration du gouvernement
précédent, du gouvernement libéral. Au fur et à
mesure que tous les organismes sont mis en place, des projets de loi ont
été adoptés durant les deux dernières années
pour donner effet à l'entente de la Baie James, mais naturellement, il
n'y avait plus de nécessité pour la Direction
générale du Nouveau-Québec qui disons-le, donnons
le crédit avait été instituée pour des
raisons très spécifiques et qui a accompli son mandat pour
établir une présence dans le Grand-Nord et essayer
d'établir certains services aux résidents de ces endroits. (17 h
10)
Mais l'approche que nous avons prise l'ancien gouvernement
c'était que tous les ministères devaient être
impliqués dans le Grand-Nord et c'est pour ces raisons qu'on a
institué certains organismes pour remplacer la Direction
générale du Nouveau-Québec.
Il y a un autre aspect dans le projet de loi qui devrait être
inclus et qui a été omis. On dit que le ministre est responsable
pour les sociétés d'Etat, pour Hydro-Québec. On ne voit
rien dans le projet de loi, par exemple, à l'obligation de donner
certaines informations pour la tarification. On avait fait des suggestions
quant à la tarification, que celle-ci ne devrait pas être
exclusivement déterminée par le Conseil des ministres. On fait
cette tarification, ces augmentations sans donner l'information au public. On
avait suggéré une régie pour avoir des auditions
publiques; on admet que le pouvoir final, décisionnel, appartient au
gouvernement, au Conseil des ministres.
Mais, dans le projet de loi, le ministre aurait dû s'assurer
et c'était l'endroit idéal; je ne parle
pas de la régie, je ne parle pas de la question de tarification;
c'est un autre sujet qui devrait faire partie d'un autre projet de loi
que les informations nécessaires soient fournies, soit au ministre, soit
au public, par les sociétés d'Etat, que ce soit
Hydro-Québec pour la question de tarification, que ce soit les autres
sociétés d'Etat qu'il a mentionnées dans d'autres
domaines. C'aurait été l'occasion idéale pour
démontrer que, vraiment, il comprenait le problème, que le public
devrait avoir toutes les informations, non seulement le public mais le ministre
lui-même, avant de faire une recommandation, avant que le Conseil des
ministres soit saisi de la demande de tarification. Une certaine obligation de
la part d'Hydro-Québec de fournir des informations. On aurait pu inclure
dans le projet de loi le genre d'informations qu'on voulait.
Une Voix: C'est dans la Loi sur Hydro-Québec.
M. Ciaccia: Ce n'est pas suffisant, je le sais. Le ministre des
Institutions financières me dit que c'est dans la Loi sur
Hydro-Québec. Mais, justement, ce n'est pas suffisant. On aurait pu
préciser. Même avec la Loi sur Hydro-Québec, pour les
dernières tarifications que le gouvernement a acceptées, trois
années de suite, sans auditions publiques, ainsi de suite, on n'avait
pas les informations. Et si les députés n'avaient pas ces
informations, que pensez-vous du public? Je comprends, Hydro-Québec a
dit: On a besoin de l'augmentation parce qu'on va faire tant de
déboursés, tant d'emprunts; on va appliquer un taux 1,25, des
formules financières. Mais cela n'aide pas le contribuable, cela n'aide
pas à comprendre les différentes classes de tarification et tous
les détails, toutes les informations. Je pense que c'est important que
les députés aient au moins cela pour qu'ils l'expliquent à
leurs électeurs. Cela aurait été l'occasion parfaite de
l'inclure.
Le ministre des Institutions financières réfère
à la Loi sur Hydro-Québec; vous l'amendez déjà la
Loi sur Hydro-Québec; vous enlevez la redevance de $20 millions suite au
budget du ministre des Finances. Vous avez fait cet amendement; je ne suis pas
d'accord qu'on amende la Loi sur HydroQuébec dans une loi qui
crée un ministère. Mais, une fois que vous avez fait cela, vous
auriez pu ajouter un autre amendement, un amendement qui aurait
été vraiment important pour nous, pour nous donner ce genre
d'information, et certains délais aussi; au mois d'août, ou
septembre, quand on demandait l'augmentation de tarification, on ne nous
donnait les mémoires si on était chanceux qu'une
semaine avant, des fois que trois ou quatre jours avant.
On aurait pu imposer certains contrôles, certains délais
minimaux pour nous permettre d'avoir ces renseignements, pour nous permettre de
poser les questions nécessaires et pour nous permettre d'informer le
public. Je crois que cela n'aurait pas été contre les
intérêts du gouvernement. Cela aurait aidé le gouvernement
parce que je ne serais pas ici aujourd'hui pour vous accuser de ne pas nous
donner d'information.
Mme la Présidente, ce sont les commentaires que j'ai à
faire sur ce projet de loi. Je trouve que le ministre a vraiment manqué
une occasion idéale de nous donner un projet de loi sur la
création d'un ministère de l'Energie qui aurait vraiment
répondu aux fonctions que le ministre doit avoir et a, qui aurait
répondu aux besoins de la population. Malheureusement, on nous donne un
projet de loi qui, à mon avis, est un recul. D'après la direction
dans laquelle l'ancien ministre de l'Energie s'en allait et les propos du livre
blanc sur la politique énergétique, où on parlait de la
création d'un ministère de l'Energie, on avait vraiment
l'impression que c'était un des superministères.
Il n'y a aucune raison pour que ce ne le soit pas à cause de
l'importance de l'énergie pour notre économie, l'importance des
approvisionnements, l'importance des prix, l'importance de la conservation,
l'importance pour le ministère d'être capable de dire au ministre
des Travaux publics: II faut que les lumières s'éteignent
à 17 heures. Il aurait dû avoir l'obligation et le pouvoir de le
faire, de dire au ministère de l'Education: Vous allez fermer les
lumières dans les écoles à telle heure pour faire vraiment
de la conservation d'énergie. Cela aurait été l'occasion
idéale et on aurait appuyé ces mesures, ces pouvoirs que le
ministère de l'Énergie devrait avoir.
Non seulement n'a-t-il pas ces pouvoirs, mais il ne mentionne même
pas la question de la conservation. C'est une lacune. Je me demande comment le
ministre a pu omettre même de mentionner le mot "conservation" dans son
projet de loi. On parlait des différentes vocations, non pas d'un
ministère de l'Energie et des Ressources, pas des terres et forêts
ou des richesses naturelles, mais de la vocation d'un ministère de
l'Energie. Je cite un extrait du livre blanc: "Le ministère de l'Energie
aura un rôle de conseil auprès du gouvernement pour ce qui
concerne les sociétés d'Etat intervenant dans le secteur de
l'énergie. Enfin, le ministère de l'Energie, en collaboration
avec les autres ministères, conseillera le gouvernement pour toutes les
interventions, etc." On ne le voit pas dans le projet de loi. On ne lui accorde
pas ce rôle. Je dirais même que les articles dans le projet de loi
touchant strictement le ministère de l'Energie sont très
restreints. Ils sont réduits. Il n'y en a pas beaucoup. Il y en a
quelque-uns. C'est totalement inadéquat pour nos besoins et cela ne
correspond pas du tout à la réalité.
Je ne saisis pas l'occasion, comme l'a fait le ministre ce matin, pour
commencer à parler du fédéralisme, quoique je pourrais
bien le faire pour justifier certaines mesures qui devraient être
incluses.
En somme, Mme la Présidente, on est déçu. Je suis
déçu de voir le projet de loi rédigé de cette
façon. Je peux assurer le ministre que nous allons faire l'effort
d'apporter des amendements pour nous assurer qu'on puisse définir
clairement le mandat et les responsabilités du ministre. Merci.
La Vice-Présidente: M. le député de
Richmond.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais
également à mon tour apporter quelques commentaires sur la
deuxième lecture de ce projet de loi no 72 qui est devant
l'Assemblée nationale et qui vise à créer, en fait, et
à organiser le ministère de l'Energie et des Ressources, à
fusionner ces domaines sous le chapeau et la responsabilité d'un seul
ministère et sous la juridiction d'un seul ministre, soit l'actuel
ministre qu'on reconnaît comme étant celui qui est responsable de
l'énergie et des ressources.
(17 h 20)
Mme la Présidente ce projet de loi survient à un moment
passablement important, à un moment qu'on pourrait dire
stratégique surtout sur le plan de l'énergie, avec les situations
difficiles que l'on connaît actuellement au pays et sur le continent
américain, plus particulièrement en ce qui concerne les
approvisionnements, les stocks actuels et les conditions de travail en ce qui
concerne, par exemple, la distribution actuellement au niveau des compagnies
qui sont en grève, comme Pétro-fina, Shell, Texaco, etc. Je pense
qu'on n'a pas besoin de faire un portrait tellement détaillé de
la situation pour que tous comprennent qu'à ce moment-ci, Mme la
Présidente, la situation sur le plan énergétique est
passablement sérieuse. L'adoption de ce projet de loi, qui vise à
regrouper sous un même chapeau, sous une même responsabilité
l'ensemble des secteurs impliqués, revêt donc une importance
beaucoup plus grande à ce moment-ci qu'à un autre moment dans le
passé, disons, surtout par le fait que cette situation, dans le contexte
énergétique, est survenue d'une façon passablement
soudaine et imprévisible, il y a de cela pas des décennies et pas
trop d'années non plus.
Donc, on ajoute essentiellement aux responsabilités du ministre
des Terres et Forêts les responsabilités liées à
l'énergie. Le ministre lui-même je commencerai mon
intervention là-dessus, Mme la Présidente a
démontré son esprit de travail et sa capacité de s'atteler
à des dossiers, de posséder ses dossiers et d'être capable
de les défendre avec hardiesse et connaissance. Je pense qu'il est
capable d'ajouter, même si cela peut être pesant au point de vue du
travail, cette surcharge aux responsabilités déjà pesantes
qu'il avait. Mais, comme il l'a indiqué lui-même, lorsque avec le
temps un ministre responsable en arrive a s'entourer d'une équipe de
plus en plus compétente et à laquelle il peut
déléguer certaines responsabilités, je pense qu'à
ce moment-là il peut faire face à des responsabilités de
plus en plus larges avec efficacité.
La même chose je pense que c'est l'expérience de
tous les parlementaires dans cette Chambre s'applique à tous les
parlementaires qui, au début d'un mandat sont peut-être aux prises
avec certaines difficultés et trouvent le travail d'un
député débordant, parce que leur méthode de travail
n'est peut-être pas ajustée. On sait que c'est toujours
passablement exigeant, mais, avec le temps, on arrive à
développer des méthodes qui permettent de rendre service
davantage à nos concitoyens en moins de temps et d'abattre plus de
besogne, parce que, justement, on améliore les méthodes. Je pense
que c'est la même chose au niveau des ministères et des
responsabilités qu'on confie à un ministre en titre. C'est
l'expérience que le ministre, en somme, nous a livrée en quelques
mots tout à l'heure, lorsqu'il a indiqué que maintenant il se
sentait également lui-même davantage en mesure d'exercer une
responsabilité plus grande à cause de la compétence des
gens qui pouvaient l'entourer et de l'expertise que lui et son entourage ont
maintenant dans ce domaine. D'ailleurs, que l'on partage ou non, M. le
Président, les idées du ministre ou ses approches politiques je
pense qu'il faut reconnaître certains journaux l'ont
souligné et lui ont rendu hommage l'acharnement de ce ministre,
son esprit de travail et le sérieux qu'il met dans ses dossiers. Comme
je vous le dis, qu'on soit d'accord ou non avec le contenu de son approche ou
du travail qu'il fait en Chambre, des propositions qu'il fait à
l'Assemblée nationale, c'est un ministre qui travaille avec beaucoup de
sérieux et qui démontre une capacité de travail peu
ordinaire.
Une Voix: Qui cela?
M. Brochu: M. le Président, j'aimerais continuer mes
remarques sur ce projet de loi. Evidemment, la création d'un
ministère, comme le propose le projet de loi 72 qui est devant nous,
peut donner lieu à une discussion fort large. On peut tout remettre en
question, rediscuter et réanalyser tout ce que touche directement ou
indirectement le ou les ministères concernés, à partir des
budgets jusqu'à la politique d'ensemble, en passant par toutes les
questions d'ordre technique qui peuvent se poser dans un domaine ou dans un
autre des activités qui sont couvertes par le ministère. Ce n'est
pas mon intention à ce stade-ci, au niveau de la deuxième
lecture, d'entreprendre un large débat sur l'ensemble théorique
des actions du ministère ou de faire une analyse en profondeur du
cheminement du ministère depuis son existence et ainsi de suite.
J'aimerais de façon plus particulière c'était
là le sens de mes premiers propos, M. le Président
m'attarder quelque peu sur la situation pétrolière. C'est donc la
nouvelle responsabilité qu'on confie au ministre Bérubé et
ce n'est pas la moindre dans le contexte que nous vivons actuellement.
C'est peut-être plus dans ce sentier que j'ai l'intention
d'orienter mon intervention pour étaler certaines situations, pour poser
également certaines questions auxquelles le ministre aura l'occasion de
répondre dans son discours de réplique ou au cours de
l'étude, article par article, du projet de loi. Ce sont des
préoccupations que j'ai actuellement, au nom de ma formation politique,
et des questions que les citoyens du Québec également peuvent se
poser dans le contexte de la crise pétrolière que l'on vit dans
le moment. Le ministre aura peut-être la gentillesse de répondre
à ces questions, lors de sa réplique en deuxième
lectu-
re. Je pense que cela pourrait être de nature à avancer nos
travaux.
J'aurais aimé poser ces questions lors de la question avec
débat, vendredi dernier. Je profite donc de l'occasion qui m'est
donnée aujourd'hui pour les ramener puisque, vendredi dernier,
j'étais retenu, comme vous le savez, M. le Président, à
une réunion de leaders parlementaires, ce qui m'a empêché
de participer à cette question avec débat qui avait
été demandée par le député de
Mont-Royal.
Tout d'abord, M. le Président, j'aimerais parler de la question
du rationnement d'essence qui peut, éventuellement, être
imposé par le gouvernement fédéral, advenant des baisses
dans les approvisionnements. Le Québec cela a été
souligné par le ministre à l'Assemblée nationale
s'en remet, pour le moment, aux mécanismes fédéraux devant
jouer, le cas échéant, dans une situation comme celle--là.
On dit que selon le nouveau programme fédéral, si par hasard, les
exportations d'huile brute baissent de 11%, à 7%, on mettra en branle ce
fameux programme de restrictions fédérales actuel auprès
des grandes sociétés pétrolières. On dit
également c'est le Globe & Mail qui rapportait cela à
Toronto récemment, je crois que si la baisse des exportations
atteint plus de 20%, le rationnement entrera en vigueur immédiatement.
Il n'y aura pas d'autres discussions là-dessus, ce sera applicable de
façon automatique.
Le Québec, comme je l'ai indiqué, de son
côté, sur cette question, advenant une pénurie des produits
pétroliers cet hiver ou, le cas échéant, un hiver
subséquent je pense qu'on doit vivre de plus en plus à
court terme dans ce secteur s'en remet au gouvernement
fédéral. Le ministre, dans une réponse qu'il a
donnée à une de mes questions la semaine dernière, a
indiqué que le plan provincial ou le plan du Québec, en
matière de réaction à une pénurie, prendrait
environ un an et demi à être appliqué de façon
raisonnable pour donner les résultats escomptés. C'est donc dire
qu'au moment où on se parle, au moment où le gouvernement
fédéral a clairement indiqué son intention de
démanteler la société Pétro-Canada, au moment
où le gouvernement fédéral a en main les outils pour
passer à l'action advenant une pénurie, le gouvernement du
Québec, de son côté, a quand même un plan d'action
qui serait très lent à mettre en marche. On s'en remet donc
uniquement au plan d'action fédéral. S'il devait arriver une
situation soudaine c'est cela surtout qui est à craindre dans ce
secteur, on sait que cela est déjà arrivé, qu'il y a eu
des menaces que cela puisse arriver maintenant et ce n'est pas impossible que
cela se produise on serait peut-être dans...
M. Bérubé: M. le Président, je peux apporter
une précision au député de Richmond.
Le Vice-Président: Avec son consentement. M. Brochu:
Oui.
M. Bérubé: II va pouvoir l'introduire en même
temps dans son intervention. M. le député de Richmond vient de
mentionner qu'on s'en remettait au plan fédéral concernant le
rationnement et que le plan québécois ne pourrait pas être
en oeuvre d'ici un an, un an et demi. Je ne sais pas si le député
de Richmond sait qu'en vertu de la loi C-42, le gouvernement
fédéral s'est approprié, sur le plan constitutionnel, le
pouvoir de légiférer dans ce domaine et qu'il ne serait pas
possible pour nous de légiférer sans qu'il y ait une
volonté fédérale de nous le permettre. Cela explique
pourquoi il y a une différence entre les deux, pourquoi le Québec
ne peut pas être prêt au moment où Ottawa est
prêt.
M. Brochu: Merci. Je suis content que le ministre souligne cet
aspect à ce moment-ci. Cela me permettra d'enchaîner directement
sur ses propos. C'est une question qui est quand même importante puisque
je l'associe directement à la question de l'approvisionnement par le
Québec en matière pétrolière. On sait
qu'actuellement les approvisionnements sont régis par le gouvernement
fédéral. C'est d'ailleurs le ministre Hnatyshyn lui-même
qui a pris en main je l'ai indiqué récemment dans une
question les négociations avec le Mexique pour un
approvisionnement supérieur en pétrole pour le Canada.
Cependant, j'avais indiqué au ministre à ce
moment-là, dans des questions que j'ai posées ici à
l'Assemblée nationale, qu'on sait qu'il existe une société
d'Etat le ministre y a fait allusion tout à l'heure qui
s'appelle SOQUIP dont le président, M. Cloutier, s'est rendu
dernièrement au Mexique pour explorer le terrain pétrolier
justement. M. Cloutier est revenu en disant que la société PEMEX,
qui est la société des pétroles mexicains, était
prête à négocier des approvisionnements en pétrole
avec le gouvernement du Québec à condition d'avoir,
évidemment c'est là le sens de la remarque du ministre
également et c'est là le sens de l'indication du ministre
un mandat pour le faire du gouvernement fédéral. (17 h
30)
Je pense que c'est exactement la situation. Ce sont les propos, ou
à peu près, que le ministre m'avait transmis dans sa
réponse aux questions. Le président de SOQUIP avait
indiqué, à ce moment, qu'il serait intéressant pour le
Québec d'explorer cette avenue et de se préparer, le cas
échéant, au cas de pénurie. Ce que j'avais souligné
au ministre, c'est qu'on ne devait peut-être pas attendre pour faire ces
démarches, qu'on soit devant un fait accompli, qu'on soit devant une
coupure d'approvisionnement ou devant un problème international
politique grave qui pourrait nous mettre devant une situation où le
Québec n'aurait à peu près pas de marge de manoeuvre,
peut-être pas le Canada non plus. On sait combien actuellement, sur le
plan international, il y a des fluctuations dans les situations et, en un
clin-d'oeil, ce qu'on croyait assuré peut devenir fort
inquiétant. On a vu l'embargo en 1973. La crise
iranienne a mis les Etats-Unis presque à genoux, le
secrétaire d'Etat est obligé de faire des courbettes en pays
européens actuellement pour demander à tout le monde de bien
vouloir l'aider auprès de l'Iran et ainsi de suite.
C'est donc dire, M. le Président, que la moindre situation, dans
des pays qui n'ont pourtant pas d'importance majeure, peut remettre en cause
toute notre situation et toute la sécurité de nos pays et en
particulier du Québec en matière d'approvisionnement de produits
pétroliers. J'avais insisté, à ce moment, et
j'enchaîne encore sur la question du ministre, pour demander au ministre
responsable du Québec, qui est devant moi actuellement, s'il avait
demandé le mandat, pour sa société d'Etat SOQUIP, de
pouvoir négocier les approvisionnements de pétrole mexicains
elle-même. Le ministre ne m'avait pas répondu à ce moment.
Il m'avait répondu d'une façon générale, il m'avait
dit que le mandat n'avait pas été demandé, mais ne m'avait
pas dit qu'il avait l'intention de le demander. On avait indiqué
simplement que la loi québécoise prendrait beaucoup de temps
à être appliquée, qu'il s'agissait de mettre plusieurs
mécanismes en branle, au niveau de SOQUIP également.
Tout ceci pour dire finalement, c'est ce que j'ai compris de ses propos,
qu'il n'était pas de l'intention du gouvernement du Québec de
demander ledit mandat du gouvernement fédéral pour permettre
à SOQUIP d'avoir au moins en main l'outil nécessaire, le cas
échéant, pour être capable d'agir indépendamment de
toutes les questions techniques qui pouvaient se poser entre eux. J'aimerais
que le ministre, là-dessus, dans sa réplique, puisse faire le
point et nous dire exactement quelles sont les intentions du gouvernement du
Québec sur cette question. Je sais que le mandat n'a pas
été demandé pour SOQUIP au niveau fédéral,
mais est-ce que ce ne serait pas sage de le demander immédiatement,
même si vous n'en avez pas besoin dans les prochaines semaines, mais au
moins d'avoir ce mandat pour être capable, le cas échéant,
une crise intervenant, d'intervenir dans les plus brefs délais?
Cette réaction n'est pas nouvelle, M. le Président, ce
besoin de réagir a été reconnu dans le passé par
l'ancien ministre responsable de l'énergie, qui est avec nous
aujourd'hui. Il avait fait certaines déclarations dans ce sens, et j'ai
ici une coupure de presse de la Presse du jeudi 22 novembre 1979, où on
dit ceci: Le ministre québécois de l'Energie, M. Guy Joron, avait
fortement dénoncé en février l'ingérence du
fédéral dans la distribution des produits raffinés et
annoncé du même coup la présentation, au cours des semaines
qui suivaient, d'un projet de loi québécois sur la
répartition advenant une situation d'urgence.
Donc, je pense qu'à ce moment le ministre qui était
responsable de ce dossier reconnaissait au Québec la
responsabilité de prévoir en cette matière et de se doter
de tous les outils possibles pour être capables de faire face aux
situations. On sait que, depuis ce temps, ladite loi a été, je
pense, mise sur les tablettes, de sorte qu'actuellement, comme le ministre l'a
indiqué à juste titre, on est devant la situation que, si le
Québec avait à se débattre dans une situation d'urgence,
il devrait compter un an ou un an et demi d'action ou de mise en branle de
procédés quelconques pour faire face à une situation. Je
pense que c'est la responsabilité de ce gouvernement essentiellement de
se donner tous les outils par sagesse, si vous voulez, au point de
départ, pour être capable de faire face aux situations qui
pourraient avoir à se produire. Je demande au ministre, dans sa
réplique, de faire le point sur cette question et de nous dire
clairement si c'est son intention de demander un mandat pour sa
société. Je pense que le président a indiqué
clairement qu'en ce qui le concerne il serait prêt à agir dans les
plus brefs délais, si le mandat lui était fourni
évidemment.
Maintenant, sur cette même question énergétique,
lors de l'étude des crédits du ministère en avril 1977,
j'avais posé un certain nombre de questions sur la situation dans
l'approvisionnement et le stockage en matière pétrolière.
Le ministre responsable m'avait donné certaines réponses dont
j'aimerais livrer le contenu rapidement à l'actuel ministre pour bien se
resituer dans le cadre des préoccupations qui sont les miennes au moment
où je fais ce discours de deuxième lecture.
Je cite le journal des Débats. C'est le ministre Joron qui parle
à ce moment: "Je voudrais brièvement répondre à
quelques points qu'a soulevés le député de Richmond. En ce
qui concerne l'entreposage, le député de Richmond semblait en
faire un cas très urgent et très important, relié à
la possibilité d'interruption des approvisionnements provenant du
Moyen-Orient, si jamais la situation politique là-bas se
développait d'une façon fâcheuse et nous en privait. Il
faut d'abord rappeler qu'il n'y a peut-être pas une capacité de
stockage dit stratégique considérable au Québec, mais que
l'inventaire normal dans le cours des affaires de distribution de produits
pétroliers représente en moyenne environ 45 jours de
consommation, un mois et demi. Cela peut aller jusqu'à deux mois dans
certains cas. "Donc, on ne serait pas dans l'optique d'une interruption, pris
les culottes baissées, si vous me passez l'expression, du jour au
lendemain; il y a presque deux mois de jeu."
C'est ce qu'on avait comme réponse, à ce moment, en 1977,
lors de l'étude des crédits. Maintenant, on a eu des
développements de situations. Je rappelle que dans le cadre de cette
discussion, j'avais indiqué au ministre que, de plus en plus, on
s'orientait vers une situation incertaine du côté des
approvisionnements pétroliers et que le moindre changement de politique
c'était surtout relié au Moyen-Orient pouvait nous
amener dans des conditions beaucoup plus difficiles au niveau de
l'approvisionnement et qu'il y aurait peut-être lieu, à cause de
cela, qu'au Québec on puisse avoir la préoccupation d'analyser
tout au moins la possibilité de stocker davantage de produits
raffinés pour faire face à ces périodes.
A ce moment, il y avait 45 jours. Le ministre me disait qu'il y avait 45
jours de réserve possible, et si une crise intervenait c'est
encore le cas
aujourd'hui si une crise soudaine c'est de plus en plus le
cas dans ces situations arrivait au début de l'hiver, au mois
d'octobre ou au mois de novembre, avec 45 jours, on se retrouve au milieu ou
à la fin de janvier dans une situation très très
dangereuse, pour ne pas dire critique au plus haut point. Donc, cette marge de
manoeuvre de 45 jours n'est réellement pas suffisante dans le contexte
politique mondial actuel. On a su, par la suite c'était la
préoccupation que j'avais exprimée au ministre en 1977
récemment par les propos qui ont été tenus par le
premier ministre Clark qu'en moyenne, au niveau du Canada, actuellement,
tant au niveau de l'huile à chauffage qu'au niveau du pétrole, de
l'essence comme telle, on avait pour deux jours de réserve seulement, ce
qui serait donc une réduction considérable de cette marge de
manoeuvre qu'on nous disait avoir en 1977. Je comprends que c'est une moyenne
au niveau du pays. Ces chiffres ont pu être modifiés quelque peu
par la suite. Le ministre il faut que je sois clair, précis et
juste là-dedans à une autre de mes questions, avait
indiqué qu'au Québec la situation pouvait être un peu
différente. Mais je pense que notre marge de manoeuvre, en ce qui
concerne le stockage et les réserves, est beaucoup moins grande au
moment où on se parle que les 45 jours. On nous donnait 45 jours de
réserve en 1977. Or, le premier ministre du Canada nous dit que c'est
une moyenne de deux jours au Canada pour l'huile à chauffage et pour
l'essence. Il y a peut-être des chiffres qui sont plus réalistes
entre les deux ou plus exacts, au moment où on se parle, mais il y a
quand même une situation importante et dangereuse à laquelle il
faut faire place actuellement dans la question du stockage.
Ce que je souligne et demande au ministre là-dedans je
n'ai pas vu, du moins j'ai regardé rapidement les différentes
dispositions du projet de loi, cette préoccupation soulignée de
façon majeure au niveau du projet de loi c'est s'il y aurait lieu
pour le Québec d'envisager cette possibilité. Je comprends que
cela peut impliquer des investissements et ainsi de suite, mais gouverner c'est
prévoir. Dans ce sens, n'y aurait-il pas lieu d'analyser une
possibilité plus grande de stockage de produits pétroliers au
Québec pour assurer justement une marge de manoeuvre beaucoup plus
grande que celle qu'on a actuellement?
Maintenant, je continue la citation que le ministre me faisait en
réponse aux préoccupations que je lui indiquais à ce
moment. Il disait ceci: "Alors, la marge de manoeuvre est quand même
assez grande en parlant des 45 jours en question c'est sous cette
lumière qu'il faut évaluer le coût additionnel de
créer un stockage stratégique. Je ne suis pas sûr vraiment
que ce serait le meilleur investissement qu'on peut faire, parce que le danger
d'interruption on pense évidemment à l'hiver n'est
finalement pas aussi grand que cela, parce qu'il y a des possibilités de
repli de toutes sortes de côtés. Ceci dit, vous avez quand
même raison à plus long terme de nous inviter à diversifier
nos sources d'approvisionnement". Et il continue en disant... Parce qu'au
Québec, l'approvisionnement en énergie dépend à 70%
du pétrole. On sait qu'en ce qui concerne les approvisionnements de
pétrole, cela ne vient pas uniquement de l'Iran. Je pense que ce qui
vient de l'Iran est d'environ 5%; cela ne vient pas uniquement non plus du
Moyen-Orient. Il en vient du Vénézuéla, il en viendra du
Mexique également. Cependant le problème demeure le même,
parce qu'on sait qu'au niveau de la politique internationale, il se fait des
alliances, il se défait des alliances de plus en plus rapidement, de
sorte que ce qu'on peut voir comme une sécurité au niveau de
certaines alliances actuellement, demain ou dans une semaine, peut s'effondrer
de façon qu'on se retrouve dans une autre situation. (17 h 40)
J'avais cité, à ce moment-là, un volume
intéressant qui s'appelle "Oil Power Play in the Middle East', où
on établissait la stratégie suivante. S'il arrivait, par exemple,
qu'on veuille se servir de l'arme du pétrole comme d'un moyen politique
par rapport aux guerres qui existent ou par rapport à la situation
d'Israël, par exemple, ou par rapport au monde islamique, cela pourrait
avoir certaines influences. Ce sont des réalités; ce n'est pas de
la science-fiction. Ce sont des choses qu'on vit actuellement, au moment
où on se parle. Cela indique que, dans peu de temps
l'expérience qu'on a vécue, dans les derniers mois nous l'indique
clairement une situation qu'on croit très sécuritaire peut
devenir tout à fait dangereuse. Je ne dis pas cela pour faire peur
à qui que ce soit, mais je pense qu'il faut être réaliste
dans la situation. Il y a des choses sur lesquelles on peut intervenir et il y
en a sur lesquelles on ne peut à peu près rien faire.
Ce qu'on peut faire dans le domaine qui nous reste maintenant, c'est
peut-être de prévoir au niveau des stockages. Je comprends qu'en
1977, lorsque le ministre responsable m'a fait cette réponse, dans le
contexte de l'époque, il y avait beaucoup moins de risques et de dangers
qu'actuellement. Mais, au moment où on se parle, les
événements nous ont largement prouvé qu'il y aurait
peut-être lieu que le gouvernement du Québec ait une
préoccupation majeure dans ce domaine et se donne la peine de faire
l'analyse du besoin d'avoir un stockage stratégique plus grand que celui
qu'on a pour être capable de faire face à des dangers
éventuels.
Il y a un autre aspect de cette question que j'aimerais
brièvement toucher, qui a une certaine importance; cela concerne les
pénuries de pétrole. En cela, je pense être le porte-parole
de plusieurs Québécois qui disent souvent: Est-ce réel, la
crise de l'énergie? On en a discuté lors de l'étude du
livre blanc sur la politique énergétique. Je pense que cette
question se pose toujours, tant et si bien que plusieurs, à un moment
donné, abandonnent en cours de route pour dire: II n'y en a pas,
finalement, de crise de l'énergie; c'est peut-être plutôt un
moyen pour les grandes entreprises d'augmenter leur prix parce que du
pétrole, il n'en manque pas. Tout ce qu'on fait, c'est qu'on demande
aux
gens de payer plus cher. Donc, il n'en manque pas; on nous demande
simplement de payer plus cher et si on peut payer plus cher, on en a!
Il y a quand même un danger là-dedans et c'est un peu
là-dessus que mon intervention veut porter à ce moment-ci. Je
conviens qu'il y a des réserves de pétrole peut-être
beaucoup plus grandes que ce qu'on a bien voulu nous laisser croire
jusqu'à tout dernièrement. On sait que les sables bitumineux de
l'Athabaska sont des réserves fantastiques et
phénoménales. On sait qu'au Venezuela on vient de
découvrir des sources beaucoup plus importantes en matière de
mazout lourd que ce qu'on estimait avoir au point de départ. Il y a donc
des développements de ce côté. Par contre, il faut aussi
être conscient que ce pétrole n'est pas rendu ici. Dans la
perspective de ce que je vous indique, le plus risqué, c'est toujours le
cas d'une crise soudaine, parce que, même s'il y a beaucoup de
pétrole dans les sables bitumineux de l'Athabaska, il est dans les
sables bitumineux de l'Athabaska. De même, les réserves
supplémentaires qu'on vient de découvrir au Venezuela existent,
mais elles sont toujours dans le sol du Venezuela, elles ne sont pas dans les
foyers québécois ni dans les "tanks" d'huile à chauffage,
ni dans les stations d'essence. C'est la situation comme telle.
Devant cela, le citoyen se pose des questions; il se demande si c'est
réel ou si ça ne l'est pas. Il y a des choses qui font qu'on peut
se poser des questions. Il y a peut-être un peu des deux. Il y a
peut-être des entreprises qui ont profité des situations pour
augmenter leurs prix et pour essayer de tirer des profits beaucoup plus
élevés de cela, laissant croire justement aux citoyens qu'ils
avaient plus ou moins lieu de s'inquiéter pour autant qu'ils
étaient capables de payer. C'est pour cela que je dis qu'il y a des
nuances à apporter. C'est peut-être plus ou moins vrai; il y a
peut-être des entreprises qui ont exagéré dans ce sens.
J'aimerais me référer à un article du Devoir du
mercredi 29 août où on dit cela, à propos des
approvisionnements en pétrole de la ville de Montréal, où
il n'y avait pas eu d'autre soumissionnaire. Je pense que la compagnie Shell a
indiqué à ce moment-là, d'après son
président, qu'elle éprouvait des difficultés à
satisfaire les demandes qui lui étaient faites. On dit que la situation
est peu prometteuse et qu'elle pourrait même s'aggraver au cours des mois
d'hiver, d'après les gens de Shell. Les choses seraient rendues au poin
où la compagnie refuse de nombreuses demandes de mazout léger. Si
la ville de Montréal ne peut obtenir un meilleur prix, conclut M.
Paterson, c'est que le pétrole brut ne sera peut-être pas
disponible comme on le voudrait et qu'il faudra même se préparer
à absorber des coûts imprévus.
Je continue: "Bref, le système des appels d'offres ne tient plus
et même les clients ordinaires devront faire face à des hausses de
prix d'huile à chauffage s'ils ne veulent pas geler cet hiver."
Voilà qui détonne par rapport à la tranquille assurance
qu'affichait il y a quelque temps le ministre de l'Energie en parlant du
ministre responsable à ce moment-là. On continue en disant: "Deux
simples questions se posent en effet: Pourquoi le système d'appel public
d'offres n'a-t-il pas fonctionné dans le cas de la ville? Est-il vrai
que nous devons prévoir une situation peu prometteuse qui pourrait
s'aggraver avec les mois d'hiver? Si les appels d'offres ne permettent plus aux
institutions publiques de s'assurer qu'elles vont obtenir l'huile à
chauffage au meilleur coût possible, il faut dès lors s'attendre
à une élimination de la concurrence auprès de la
clientèle des particuliers. Voilà qui va demander non seulement
un contrôle public de ce bien essentiel tombé sous une coupe
pratiquement monopolistique mais l'entrée en jeu du gouvernement
lui-même comme source d'approvisionnement."
Je continue la citation: "II ne faut pas en effet que les règles
qui régissent les approvisionnements publics et privés soient
mises de côté simplement sur la foi des évaluations de
certaines compagnies et que les fournisseurs empochent la différence des
prix incontrôlés. Il était facile, au cours de la
dernière pénurie d'essence chez nos voisins du sud en
parlant des Etats-Unis de faire reporter la colère des
consommateurs sur les pays exportateurs de pétrole, voire les pays
arabes. En fait, le relevé des profits pétroliers, tel que le New
York Times a pu l'établir récemment, montre que si l'or noir a
enrichi ses producteurs, les compagnies américaines ont su rapidement et
largement faire grimper leurs profits."
On dit, en terminant, que le moment est venu pour les autorités
publiques de vérifier pourquoi les appels d'offres de Montréal
n'ont pas fonctionné, ainsi de suite.
Je pense que c'est là une indication aussi que c'est
peut-être la responsabilité du gouvernement de faire l'analyse de
ce qui se passe de ce côté pour éviter, si c'est le cas,
que certaines grandes entreprises, peut-être sur le dos d'une crise qui
est en partie réelle par rapport aux produits pétroliers, en
profitent pour monter indûment les prix, jouant ainsi constamment et
encore une fois sur le dos de l'ensemble des citoyens qui n'ont d'autre choix,
s'ils veulent se chauffer et conduire leur voiture, que de payer le prix qu'on
leur demande. Je pense que cela devient une responsabilité de la
collectivité et de nos gouvernements de vérifier les
règles de jeu dans ce sens et de voir exactement ce qui se passe afin
d'apporter des correctifs s'il y a lieu.
Maintenant, pour toucher un autre point avant de terminer, on vit
actuellement, au Québec, dans le cas des produits pétroliers, une
situation qui devient un petit peu plus difficile de jour en jour en ce qui
concerne les raffineries. J'ai eu l'occasion de poser plusieurs questions au
ministre responsable de l'Energie et des Ressources, sur cette question, depuis
le déput de cette affaire. On sait que, depuis quelques semaines, il y a
eu menace de grève, il y a eu mandat de grève qui a
été donné par les employés de différentes
raffineries, par Texaco, Petrofina et Shell, je pense, trois des grandes
raffineries en tout cas, et le dossier a
suivi son cours; le ministre m'avait référé au
ministre du Travail et on disait: On va laisser aller les mécanismes
normaux; on espère que tout va rentrer dans l'ordre et qu'on n'aura pas
à faire face à des situations difficiles de ce
côté.
Maintenant, on apprend et je pense que le ministre est au
courant; c'est le journal d'hier, la Presse du mercredi 12 décembre
que dans les raffineries, la situation s'est envenimée et le
Syndicat des travailleurs unis du pétrole déclenchera une
grève générale de ses 1300 membres montréalais le
22 décembre prochain si les négociations entreprises avec les
raffineries Shell, Petrof ina et Texaco en vue de la signature d'une convention
collective n'ont pas permis d'en arriver à une entente d'ici là.
Cette déclaration comme on l'indique plus loin a quand
même fait baisser d'un cran l'optimisme manifesté jusqu'ici en ce
qui a trait aux approvisionnements de mazout pour les prochains mois. On
insiste de façon particulière pour dire que, si la situation
devait continuer à s'envenimer dans le même sens, on pourrait
mettre en péril les approvisionnements en mazout, surtout des
Montréalais.
Devant cela, j'insiste auprès du ministre pour qu'il prenne les
dispositions nécessaires pour prévenir surtout dans le
contexte qu'on vit, à cause de l'ensemble de la situation que je viens
de décrire les retombées extrêmement graves que
pourrait avoir une telle grève générale dans ce secteur
d'approvisionnement. Le ministre avait pris la peine de répondre
à mes questions, et de façon fort précise, lorsque je lui
ai soumis cette situation qu'il y avait risque de grève
générale dans les raffineries de Montréal. Le ministre
m'avait indiqué à ce moment-là, et je cite ses propos ici:
Essentiellement, M. le Président, il y a deux points tout à fait
distincts. D'une part, les relations de travail. Mon collègue pourra y
répondre.
Soulignons en passant que nos réserves de pétrole brut en
septembre étaient effectivement d'à peu près 20%
inférieures aux normes normales satisfaisantes. Cependant, le rythme de
raffinage au Québec est à ce point élevé qu'on
prévoit, si le rythme continue à se matérialiser et
c'est ce que nous observons présentement et c'était
réel au moment où le ministre le disait des surplus
raffinés vers les mois de janvier et février qui seront d'environ
40% par rapport aux réserves habituelles, ce qui donnerait normalement
et amplement de pétrole pour faire face à la moindre situation,
par exemple, une situation comme celle qu'on a pu connaître
l'année dernière lorsque, à un moment donné,
lié à un ensemble de phénomènes, la crise en Iran,
le froid de l'hiver et ainsi de suite, on s'est retrouvé dans une
situation analogue. (17 h 50)
Le ministre m'indiquait donc à ce moment-là que vers les
mois de janvier ou février, au rythme de raffinage où on allait
la semaine dernière, on pouvait se retrouver avec une situation
améliorée d'à peu près 40%, mais, depuis ce temps,
la situation a changé. Donc, on ne peut pas escompter qu'en janvier ou
en février, si cela doit conti- nuer pendant plusieurs semaines, on
puisse atteindre ce niveau de 40% de réserves normales souhaitables qui
nous aurait donné la marge de manoeuvre que le ministre indiquait comme
satisfaisante à ce moment-là. Donc, on fait face à une
nouvelle situation dangereuse dans ce domaine. J'aimerais demander au ministre
qu'il nous fournisse les garanties le plus tôt possible qu'on mettra tout
en oeuvre pour s'assurer que ce problème local n'augmente pas le fardeau
des citoyens du Québec et ne vienne pas aggraver la situation dans le
domaine pétrolier qu'on a à vivre sur le plan national.
C'étaient là, M. le Président, des remarques
d'ordre général et quelques questions précises que j'avais
l'intention de poser au ministre, en profitant de la deuxième lecture de
ce projet de loi 72 qui lui confie maintenant toutes ces
responsabilités. En terminant, j'aimerais souhaiter qu'on aille le plus
rapidement possible évidemment, je pense que cela doit être
notre souci le plus constant vers des investissements au niveau de la
recherche, au niveau de sources nouvelles d'approvisionnement, qu'on ait cette
préoccupation davantage marquée, le plus rapidement possible,
étant donné tout le contexte de la situation que je viens de
décrire.
Qu'on se donne la main également et qu'on sensibilise davantage
nos Québécois au besoin, de conserver l'énergie pour que
cette attitude que je mentionnais tout à l'heure où on peut
être tenté de croire qu'on a de l'énergie en masse ne
perdure pas et joue contre l'ensemble des Québécois
eux-mêmes, en faisant la politique de l'autruche, si vous voulez, disant:
II n'y a pas de problème; on peut continuer à consommer de
l'énergie de façon inconsidérée et il n'y aura
jamais de facture à payer pour cela. Même si on est
hydroquébécois, comme on s'est plu à le dire dans les
annonces, même si dans les années passées, dans la
publicité, on parce que c'était le contexte de ce moment
a dit aux Québécois: Vous pouvez y aller au niveau de
l'électricité, c'est une richesse illimitée, c'est une
richesse renouvelable... C'est vrai que c'est une richesse renouvelable.
Cependant, c'est faux de prétendre que c'est une richesse
illimitée. C'est une richesse limitée, même si elle est
renouvelable. Actuellement l'hydroélectricité, dans notre bilan
énergétique, vaut à peu près quoi? 27% ou 28%,
comme l'a indiqué le ministre. On n'est donc pas complètement
indépendant sur le plan de l'énergie parce qu'on a
l'hydroélectricité. C'est une ressource qui est sûrement
formidable pour nous. C'est un atout majeur pour le Québec. Cependant,
cela ne doit pas nous laisser penser ou nous laisser croire faussement qu'on
peut gaspiller impunément cette énergie. On sait qu'à
certains moments on peut en vendre aux Etats-Unis; cela permet d'avoir certains
revenus, mais on doit avoir cette préoccupation de conserver cette
énergie au maximum.
Je rappelle au ministre, avant de terminer, la question du stockage sur
laquelle j'insiste de façon particulière pour que le gouvernement
fasse une analyse le plus tôt possible de la nécessité
d'avoir un stockage ou des réserves beaucoup plus grandes que
celles qu'on a actuellement pour faire face à des situations soudaines.
Le ministre a indiqué qu'il est maintenant responsable de plusieurs
sociétés d'Etat. Il a indiqué également qu'il y
avait beaucoup d'améliorations au niveau de la gestion de ces
sociétés d'Etat et qu'avec l'amélioration de son
personnel, il y avait beaucoup plus d'expertise, il arrivait à
contrôler davantage c'était sa préoccupation
le fonctionnement et les performances des sociétés d'Etat qui
sont sur sa juridiction.
J'aimerais simplement lui rappeler, à ce chapitre, que
l'Assemblée nationale, à la demande du chef de l'Union Nationale,
a accepté unanimement une motion visant à permettre, dans ce
sens, à l'Assemblée nationale, non pas au Conseil des ministres,
mais à un ministre ce qui ne lui enlève pas sa
responsabilité à permettre à l'Assemblée
nationale, dis-je, d'avoir un droit de regard direct sur les performances, le
comportement des sociétés d'Etat, étant donné que
ces sociétés d'Etat vivent avec les deniers des citoyens et que
les élus de l'Assemblée nationale, étant directement
mandatés par ces citoyens du Québec qui paient la facture, on
puisse moderniser l'Assemblée nationale et lui fournir les
équipements, les outils nécessaires.
En l'occurrence, ce serait une commission permanente pour les membres de
l'Assemblée nationale visant à surveiller et à
améliorer le comportement de nos sociétés d'Etat. Ce
phénomène n'est pas nouveau; il existe en Colombie-Britannique.
Il est connu, je pense, sous l'appellation "Crown corporation act" qui forme
justement cette commission où il n'y a pas de ministres qui
siègent, où ce sont seulement des députés de
l'ensemble de la Chambre. On leur donne ainsi un rôle beaucoup plus
valorisant puisque, à ce moment-là ils ont un mot à dire
dans la surveillance des deniers publics qui sont utilisés au niveau des
sociétés d'Etat.
En terminant, M. le Président, j'aimerais souhaiter bonne chance
au ministre dans ses nouvelles responsabilités. Comme je l'ai dit au
point de départ, lorsque le ministre n'était pas ici, on peut
résumer en disant que le ministre est capable d'en prendre. Je pense
qu'il a prouvé, dans le passé, avec le sérieux,
l'acharnement et l'esprit de travail qu'il a manifesté dans ses
dossiers, qu'il est capable de prendre ses responsabilités et de les
mener à bonne fin. Je pense que c'est notre devoir, de ce
côté-ci, de lui souhaiter bonne chance dans ses lourdes
responsabilités. Surtout dans le contexte énergétique dans
lequel on se trouve actuellement, sa responsabilité va devenir de plus
en plus grande, de plus en plus importante et il aura besoin de toute la
sagesse et de toute la prévision nécessaires pour être
capable de faire face aux situations. Nous allons donc, voter en faveur de ce
projet de loi, en deuxième lecture pour, en fait, officialiser ce qui
existe dans les faits actuellement, donnant ainsi la responsabilité,
sous un même toit, des ressources et de l'énergie au ministre
actuellement responsable de ces dos- siers, en lui souhaitant bonne chance dans
l'accomplissement de ses responsabilités. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement
obtenir le consentement de mes collègues de l'Opposition officielle et
de l'Union Nationale. Le ministre n'en aura pas tellement plus que pour cinq
à dix minutes, mais, il sera forcément amené à
dépasser 18 heures. Je voudrais obtenir le consentement pour que cela
puisse se faire sans qu'on arrête à 18 heures et,
deuxièmement, annoncer immédiatement, tel que l'ont
demandé les gens de l'Opposition officielle cet après-midi, que
le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre va donner certaines informations
relatives au rapport déposé par les médiateurs concernant
le dossier d'Hydro-Québec. Cela se fera immédiatement
après, M. le Président, et, par la suite, nous pourrons suspendre
nos travaux jusqu'à ce soir.
Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consentement?
Des Voix: Oui.
Le Vice-Président: Consentement. M. le ministre.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Merci
aussi aux membres de cette Assemblée. Ceci nous permettra
peut-être de régler ce projet de loi avant de nous engager sans
doute dans un certain nombre de lois correctrices pour tenter de régler
des problèmes reliés à la loi 101, et à la
constitutionnalité de nos lois.
Je voudrais simplement répondre immédiatement à
certaines demandes de l'Opposition concernant ce projet de loi. D'abord, le
député de Mont-Royal, critique pour le Parti libéral,
s'est demandé comment il se faisait que, dans le projet de loi, on
n'avait pas défini le mandat du ministre de façon plus
précise et si on n'avait pas permis à cette Assemblée de
contrôler le bon comportement du ministre ou du ministère à
partir d'un mandat qui serait défini dans la loi.
Ceci, M. le Président, pour la raison bien simple que les
objectifs du ministère sont évidemment le développement en
général de l'économie forestière, de
l'économie minière, de l'énergie au Québec, de
l'aménagement de nos terres. Mais surtout, cet objectif se
précise chaque année lors de la défense du budget. C'est
lors de la défense du budget que nous avons l'occasion, dans cette
Assemblée, de discuter plus précisément des intentions du
ministère pour l'année. C'est toujours en cette fin
d'année de budget qu'on peut également juger de la performance du
ministère et décider si elle a été satisfaisante ou
non. C'est pour cette raison, M. le Président, que dans une loi
comme
celle-là on n'a pas cherché à définir des
mandats. C'est une loi qui, simplement, regroupe des unités
administratives. C'est au moment de la défense du budget que nous
pourrons le faire.
Cependant, la question du député de Mont-Royal concernant
le mandat que l'on aurait dû définir dans la loi est
intéressante parce qu'elle nous permet de rejoindre une
préoccupation du député de Richmond, préoccupation
que, moi, je trouve extrêmement saine. Ce qui m'a frappé dans
l'intervention du député de Richmond, finalement, c'est qu'il a
rapidement quitté la simple bureaucratie de la loi, savoir comment elle
était structurée, pour s'attaquer finalement aux vrais
problèmes qui préoccupent les Québécois cet hiver.
Est-ce qu'ils vont avoir du pétrole pour se chauffer au cours de
l'hiver? Est-ce que notre approvisionnement est sécuritaire à
long terme? Quel prix on va payer? Donc, une quantité de questions
auxquelles le député aimerait avoir des réponses parce que
ses concitoyens attendent de lui des réponses. (18 heures)
C'est en même temps un peu en porte-à-faux parce que nous
avons essentiellement deux nouvelles en même temps. Ce matin, nous avions
la nouvelle que la constitutionnalité de notre loi 101 était
contestée. Cet après-midi, nous avons une autre nouvelle,
à savoir que la Cour d'appel du Québec émet une injonction
contre le gouvernement l'empêchant d'exproprier la société
Asbestos Corporation. Cela vient tout juste de sortir. Voilà deux
décisions de la Cour, décisions extrêmement importantes
qu'il faut comprendre. Les motifs invoqués, soit pour condamner la loi
101, soit pour empêcher le gouvernement d'exproprier, sont toujours
reliés à la constitutionnalité des lois. C'est est-ce que
le gouvernement du Québec a le pouvoir de faire en sorte que quand il y
a une loi préparée dans cette Assemblée nationale, la
version officielle soit la version française, que s'il y a
désaccord entre le français et l'anglais, ce soit la version
française qui prédomine, que les membres de cette
Assemblée nationale puissent, lorsqu'ils votent une loi, savoir dans
quelle langue ils l'ont votée, que lorsqu'ils lisent le texte de loi,
ils sachent que c'est la loi française qui est la vraie loi, et que ce
qui est écrit en français c'est vraiment cela qui a force de loi
et non pas la traduction anglaise. Il faut donc trouver quelque chose pour
s'accrocher.
De la même façon, lorsqu'on s'attaque à la loi
permettant l'expropriation de la société Asbestos, des citoyens
se demandent: Pourquoi la Cour d'appel nous interdit-elle d'exproprier? C'est
à nouveau pour la même raison; la Cour d'appel dit: On ne sait pas
si c'est constitutionnel ou si ce n'est pas constitutionnel. En attendant de le
savoir, ne le faites donc pas et attendez donc. En d'autres termes, on se
heurte toujours à des limites qui sont appliquées à notre
pouvoir, à nous, de représentants des Québécois qui
font que nous ne pouvons pas prendre les décisions que les
Québécois attendent de nous.
Le député de Richmond me dit: Voyez-vous, M. le ministre,
les Québécois se préoccupent s'ils vont pouvoir se
chauffer cet hiver et ils trouvent inadmissible enfin vous n'avez pas
dit inadmissible, mais vous avez quand même exprimé une
inquiétude à voir que le gouvernement du Québec n'a pas la
loi, n'utilise pas SOQUIP pour s'assurer que les Québécois ont de
l'huile à chauffage. J'ai déjà répondu à
cette Assemblée que, si les Québécois voulaient que je
m'en occupe, je le ferais. Mais il faudrait que les Québécois me
disent: Je le veux. La seule façon pour les Québécois de
dire: Je veux que mon gouvernement s'en occupe, c'est par le biais d'un
référendum qui mandate clairement un gouvernement pour qu'il
puisse s'en occuper.
Or, le gouvernement fédéral a choisi, par le biais d'une
loi C-42, il y a un peu plus de deux ans, de s'approprier le pouvoir,
c'est-à-dire que tout ce qui s'appelle l'allocation de pétrole
à différents usagers a été
récupéré par le gouvernement fédéral. Il
suffit au gouvernement fédéral de dire: Le pétrole est
d'intérêt national, pour que, automatiquement, l'Assemblée
nationale du Québec n'ait plus rien à dire vis-à-vis du
pétrole. C'est cela que le gouvernement fédéral a fait. Il
a tout simplement dit: Vous, du Québec vous des provinces
vous n'aurez plus à dire quoi que ce soit à cette
Assemblée nationale pour garantir à vos citoyens qu'ils puissent
se chauffer l'hiver. C'est cela que le Parlement fédéral a
dit.
Dans ces conditions, il ne faut pas attendre du ministre de l'Energie du
Québec qu'il s'engage dans des mesures qui, là, sont
évidemment anticonstitutionnelles. Quand j'ai dit: Nous ne pouvons pas
imposer des taxes pour forcer la transformation de l'amiante au Québec,
c'est parce que je savais que c'était inconstitutionnel. Il y avait six
jugements de la Cour suprême. Donc, je n'avais pas à
écouter les suggestions du député de Lotbinière ou
les suggestions du député de Mont-Royal, je le savais que
c'était inconstitutionnel. Cependant, évidemment, l'expropriation
d'une entreprise ne nous a jamais paru inconstitutionnelle.
Cela veut donc dire qu'en fait tous les pouvoirs de cette
Assemblée seront continuellement remis en cause par une constitution qui
n'a pas fait des deux peuples canadiens deux peuples égaux, qui n'a pas
fait du peuple français du Québec, du peuple
québécois, qui n'a pas fait du peuple canadien deux peuples
égaux qui auraient les mêmes pouvoirs législatifs, les
mêmes pouvoirs d'imposer des taxes, les mêmes pouvoirs de
préparer des lois et qui seraient en mesure, chacun, de défendre
leurs concitoyens. Pour cette raison, nous sommes obligés de nous
tourner vers une majorité qui n'est pas la nôtre pour lui demander
de se préoccuper à notre place de notre bien-être et de
notre développement.
Donc, dans la question que soulève le député de
Richmond, il y a fondamentalement ce que j'appellerais une méprise,
c'est-à-dire qu'on demande au gouvernement de prendre en charge des
responsabilités alors que s'il prend en charge ces
responsabilités, à ce moment-là, on l'accusera
d'être anticonstitutionnel. Par exemple, nous avons pris, dans le cas de
l'amiante, le soin de prendre le contrôle d'une entreprise et d'assurer
le
développement de la transformation. Or, la Cour d'appel nous dit:
Attention, cela pourrait être inconstitutionnel. A nouveau. C'est
toujours le même problème.
Le citoyen qui est assis dans son salon, lui, dit: Donnez-moi de l'huile
à chauffage. Organisez-vous pour transformer l'amiante. Réduisez
le taux de chômage. Ce qui l'intéresse, ce sont les
résultats. Quand on lui explique que pour avoir ce résultat il
faut que j'en aie le pouvoir, là, il trouve ça trop
compliqué. Il dit: Ce sont des problèmes constitutionnels, je ne
comprends pas ça, la souveraineté-association, je ne comprends
pas ça. Arrangez-vous donc et ne me mêlez pas à ça!
Tout ce que je veux, c'est la réponse. Mais on ne peut pas lui donner la
réponse si on n'a pas le pouvoir de le faire. J'espère que les
deux décisions, une de la Cour suprême et l'autre de la Cour
d'appel, vont être assez "illustratives".
Le député de Richmond dit: Est-ce qu'on ne pourrait pas
demander à Ottawa le mandat pour acheter du pétrole? Je n'ai pas
besoin de le demander à Ottawa. Non, SOQUIP peut aller n'importe quand
acheter du pétrole. En cas de pénurie, SOQUIP n'aura plus le
pouvoir de le faire. Présentement, la compagnie Esso peut acheter du
pétrole, la compagnie Shell peut acheter du pétrole, c'est le
pétrole qu'on consomme. Ce qui préoccupe le député
de Richmond, ce n'est pas d'envoyer SOQUIP acheter du pétrole, c'est,
advenant une pénurie, de savoir si cette Assemblée nationale
pourra prendre les moyens, si ce gouvernement pourra prendre les moyens pour
que les Québécois ne soient pas pénalisés. C'est ce
qu'il veut savoir. La réponse, je dois la lui dire: Non, je ne peux pas.
Je ne peux pas parce qu'un gouvernement fédéral a
décidé qu'il m'enlevait cela et que c'était lui qui le
prenait. C'est continuellement le problème et c'est ce qui fait que les
Québécois n'arrivent pas à comprendre. Ils ont
l'impression qu'on a les pouvoirs. Puisqu'on a les pouvoirs, ils disent:
Réglez cela. Quand on leur répond qu'on n'a pas les pouvoirs,
à ce moment-là, ils sont tout mêlés.
Presque toutes les questions qu'a soulevées le
député de Richmond, finalement, sont reliées à la
sécurité des approvisionnements, au commerce extérieur,
aux ententes internationales, à du stockage stratégique. Toutes
ces stratégies doivent être des stratégies d'un Etat
souverain, d'un Etat qui a les pouvoirs d'adopter ces stratégies. Parce
qu'il y a deux niveaux de gouvernement, il y a un gouvernement qui a ce pouvoir
et il y a un autre gouvernement qui, lui, n'a pas ce pouvoir. Il ne faut pas
chercher à faire des choses dont on n'a pas le pouvoir; il faut demander
aux Québécois: Voulez-vous que je le fasse? Si les
Québécois me disent: C'est vous, M. Bérubé, qui
devez vous occuper de notre approvisionnement de pétrole...
Le Vice-Président: M. le ministre, en concluant, s'il vous
plaît!
M. Bérubé: ... alors, M. le Président, je
dirai: Oui, je m'en occuperai. Mais il faudra que les
Québécois l'aient clairement dit et il faudra qu'il y ait
une entente entre les deux peuples fondateurs du Canada, le peuple anglophone
et le peuple francophone, pour qu'on ait des pouvoirs égaux, M. le
Président.
Le Vice-Président: Est-ce que la motion de deuxième
lecture du projet de loi no 72 sera adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission des richesses
naturelles
M. Charron: M. le Président, je veux proposer de
déférer ce projet de loi à la commission des richesses
naturelles.
Le Vice-Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
Une Voix: Adopté.
Le Vice-Président: Adopté.
M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, à la suite d'un
engagement pris ce matin.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
(suite)
Médiation à Hydro-Québec
M. Johnson: M. le Président, à la suite d'une
demande de l'Opposition, je voudrais simplement faire état de la
médiation à Hydro-Québec: à 14 h 30 cet
après-midi, les médiateurs ont rencontré les
représentants patronaux et syndicaux et ont remis un rapport de
médiation qui contient ceci dans ses grandes lignes, en matière
de santé et sécurité: 500 jours/personne pour les fins de
dégagement pour les problèmes de santé et de
sécurité qui sont accordés aux syndicats, la protection du
travailleur en cas de refus de travailler pour des raisons de santé et
de sécurité, le statu quo dans la convention en matière
d'ancienneté et en matière de rémunération des
techniciens, une réduction des heures de 40 à 38 heures et trois
quarts en décembre 1981. Les congés parentaux qui sont identiques
à ceux qui ont été accordés dans le cas du front
commun, c'est-à-dire 20 semaines avec solde, soit 20 semaines
payées pour la femme enceinte, la retraite à 60 ans, sans
pénalité optionnelle et, du côté salarial, ce qui
était le coeur du débat, 8.5% d'augmentation en 1979, avec
rétroactivité complète et un forfaitaire pour compenser
l'inflation en 1979, de l'ordre de $400, 8%, 8% et 8% pour les années
1980, 1981 et 1982, avec intégration au salaire de l'indexation en
fonction du coût de la vie, et finalement, l'enrichissement en
dernière année de convention à 1%. (18 h 10)
Je pense que ce sont là des dispositions qui font de ce rapport
un rapport juste, équitable, qui devraient normalement être la
base d'un règlement à Hydro-Québec et je souhaite que les
travailleurs d'Hydro-Québec retournent immédiatement à
leur poste pour enfin cesser de priver cette partie de nos citoyens qui
souffrent de l'absence de services dans certains coins. Même si cela n'a
pas été généralisé, cela demeure
extrêmement pénible pour les citoyens qui doivent subir cela. Je
suis assuré qu'au scrutin secret ils pourront calmement, j'en suis
convaincu, adopter un rapport qui, à mon avis, est d'une grande justice.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président: M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, pourrais-je demander au
ministre de nous informer du moment où les employés
d'Hydro-Québec seront appelés à voter sur ce rapport?
M. Johnson: A la réunion qui a eu lieu cet
après-midi, qui s'est terminée il y a quelques minutes, les
représentants d'Hydro-Québec nous ont annoncé qu'ils s'en
allaient au conseil d'administration ce soir ou demain matin pour prendre leur
décision finale. Du côté syndical, on nous a laissé
entendre qu'il y aurait sans doute une réaction, ce soit tard, ou
demain, de la part du syndicat proprement dit.
Maintenant, quoi que décide le syndicat, d'accepter, de refuser
ou de rester neutre devant ce rapport de médiation, je pense qu'il
appartiendra ultimement aux travailleurs d'en décider par scrutin secret
et je pense que la meilleure façon de le faire, c'est de le faire dans
un contexte où tout le monde est retourné au travail.
Le Vice-Président: Très brièvement, M. le
député de Richmond.
M. Brochu: Une très brève question. Le ministre
a-t-il eu l'assurance que les offres contenues dans ce rapport vont être
éventuellement soumises aux syndiqués en question?
M. Johnson: Je n'ai pas eu et mes médiateurs n'ont pas eu
cette assurance formelle. Cependant, il est de coutume, il est normal, et,
à ma connaissance, il n'est pas arrivé, depuis que je suis au
ministère que, quand les médiateurs demandent qu'un rapport soit
soumis, on ne respecte pas cette demande. En général,
effectivement, c'est soumis au scrutin secret.
Le Vice-Président: Merci beaucoup. M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: Avant de suspendre les travaux, M. le
Président, je voudrais confirmer devant la Chambre que notre menu
annoncé ce matin est modifié. Lorsque la Chambre reprendra ses
travaux à 20 heures, elle sera saisie d'un projet de loi à
caractère urgent.
Le Vice-Président: Sur ce, les travaux de
l'Assemblée sont suspendus jusqu'à 20 heures.
Suspension de la séance à 18 h 12
Reprise de la séance à 20 h 26
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Motion de suspension
de certaines règles
de procédure
M. Claude Charron
M. Charron: M. le Président, je me vois dans l'obligation
de bouleverser le calendrier de travail que je vous avais annoncé ce
matin. Effectivement, nous devrons abandonner l'étude des projets de loi
en cours pour quelques heures afin de faire face à une urgence. Je me
prévaudrai donc de l'article 84 du règlement et m'appliquerai,
pendant quelques minutes, puisque le règlement m'en fait obligation,
à vous expliquer pourquoi je crois qu'il serait opportun que cette
assemblée consente à abandonner pendant quelques heures quelques
règles de pratique qui prévalent habituellement pour
l'étude de projets de loi, afin que celui que nous allons déposer
dans quelques instants soit étudié complètement, mais dans
un délai plus court qu'à l'accoutumée.
C'est à la fois pour une raison difficile à admettre, mais
facile à expliquer que je vais évoquer l'urgence ce soir. Selon
une nouvelle qui nous a été transmise dans la matinée, un
texte de jugement qui nous est arrivé quelques heures après,
à peu près à l'heure du lunch ce midi, il semble qu'une
vieille loi, dont, je pense, la seule version officielle est en anglais et qui
date de 114 ans, aurait été violée par cette
Assemblée.
Des Voix: Oh!
(20 h 30)
M. Charron: La décision du tribunal qui a prononcé
ce jugement n'est pas une décision anodine, car, M. le Président,
je pense que chacun d'entre nous, dans la vie, a sans doute manqué
à des lois à certaines occasions. Qu'elles soient jeunes ou
vieilles, il me semble que cela n'a aucune importance, surtout quand le
manquement vient d'une Assemblée nationale elle-même.
L'Assemblée nationale des Québécois a manqué
à cette loi, M. le Président, à une loi qui s'est faite
à des milles et des milles d'ici, il y a un siècle de distance
dans le temps, mais qui, aux yeux du jugement qui nous concerne j'en
arrive à l'urgence immédiatement a ce terrible effet
d'annuler ou de risquer d'annuler je ne veux pas m'enfoncer dans des
interprétations juridiques le travail législatif de cette
Assemblée
depuis le 26 août 1977, les heures et les heures, d'efforts que de
part et d'autre de la Chambre nous avons mises à faire de bonnes lois;
de rendre caduques des dispositions qu'en toute bonne foi, en toute
honnêteté et en toute sincérité, à
l'égard de ceux qui nous ont élus, nous avons votées,
appliquées et dans le cadre desquelles, désormais, l'ensemble des
Québécois, cerains de bon gré, certains de mauvais
gré, acceptent de vivre, puisqu'il s'agit de lois qui viennent de leur
Assemblée nationale.
Je suis convaincu qu'au moment où nous les avons faites, M. le
Président, tous, de chaque côté, de la Chambre,
étaient de bonne foi, ce qui fait que s'il y a un sentiment qui est loin
de moi ce soir, c'est de me sentir fautif, encore moins criminel.
Le Président: Je m'excuse, M. le leader parlementaire du
gouvernement. Je voudrais signaler aux gens qui se trouvent dans les galeries
qu'il est rigoureusement et strictement interdit de manifester, comme vous
venez de le faire. Toute marque d'improbation ou d'approbation est
interdite.
M. le leader parlementaire.
M. Charron: Je veux continuer sur l'urgence d'agir à ce
moment-ci, parce que, non seulement plusieurs lois et plusieurs des deniers
publics qui sont consentis en vertu de ces lois l'ont été, au
dire de la Cour suprême, d'une manière illégale,
continueraient à l'être maintenant si nous devions continuer
à procéder dans cette manière, mais, qui plus est, M. le
Président, si cet argument de la production de toute notre
Assemblée ne suffisait pas à convaincre de l'urgence d'agir,
j'ajoute ceci: On lira aux pages 11 et 12 du jugement de la Cour suprême,
qui sera distribué dans quelques instants à l'ensemble des
députés, une affirmation qui, à mes yeux, constitue
l'interprétation maximale et la plus outrancière qu'on pouvait
donner à l'article de la vieille loi de 1867 que nous avons
violée.
En effet, tous ceux qui, dans l'ensemble du Québec à
partir de pouvoirs qui leur avaient été
délégués par cette Assemblée et qui auraient le
tort, comme nous, de le faire dans notre langue, étaient criminels,
étaient fautifs, violaient la loi, commettaient une faute à
l'égard de la loi, cela, non seulement à partir de 1977, mais
depuis toujours, car, d'après l'entendement que nous devons donner au
jugement, quand jusqu'en 1977 cette Assemblée appliquait rigoureusement
l'arti-cle133, c'est-à-dire que toutes nos lois, que tous nos
règlements qui émanaient d'ici devaient être adoptés
et transmis en langue française et anglaise, il semble que la même
obligation pesait alors sur l'ensemble des pouvoirs
délégués.
Ceci veut dire que quand, à Saint-Pamphile, en 1951, un conseil
municipal, en vertu de pouvoirs que cette Assemblée lui avait
donnés, édic-tait des règlements en français
uniquement pour les citoyens de Saint-Pamphile, ils violaient la loi. Ceci veut
dire, M. le Président, que quand à Sainte-Anne-des-Monts, en
1910, la commission scolaire en vertu des lois de l'instruction publique qui
venait d'ici édictait des règlements en français, elle
violait la constitution. Ceci veut dire, je l'ajoute comme argument d'urgence,
que ce n'est pas que cette Assemblée qui est prise en faute, c'est le
peuple québécois en entier où qu'il soit, quelque fonction
publique qu'il ait occupée, si ces fonctions publiques émanaient
de pouvoirs qui avaient été délégués
à partir d'ici. Ce n'est pas à cause de la loi 101, M. le
Président, qu'ils étaient en faute. C'est depuis 1867.
Je me permets cette seule explication. Si ceux qui étaient
à notre place il y a 113 ans, qui ont voté dans cette
Assemblée par une faible majorité j'en conviens, mais qui ont
voté dans cette Assemblée que le Québec allait être
membre de la Confédération, adhérer à la
Confédération, se soumettre à la loi anglaise de 1866, je
suis convaincu que s'ils avaient eu à l'idée qu'en incluant dans
notre constitution l'article 133, ils se trouvaient à obliger tout corps
public détenant un pouvoir délégué de cette
Assemblée d'adopter, pour que le caractère officiel de sa
décision soit reconnu, le bilinguisme dans son adoption et dans sa
proclamation, je suis convaincu que s'ils avaient été au courant
de cette décision qu'en 1867 ils se trouvaient à appliquer ce que
nous dit la Cour suprême, sur l'ensemble du Québec à ce
moment, le vote que cette Assemblée législative a pris aurait pu
être grandement différent et le Québec n'aurait jamais
été dans la Confédération canadienne.
Le Président: Je m'excuse de devoir vous interrompre, M.
le leader parlementaire, mais je dois le faire pour prévenir une
dernière fois ceux qui manifestent dans les galeries, qu'il est
strictement interdit de le faire.
M. Levesque (Bonaventure): Je m'excuse auprès du leader du
gouvernement, mais, vu qu'il y a interruption, puis-je lui demander de nous
faire parvenir copie de la motion qu'il a l'intention de présenter
à cette Chambre? Nous pourrions concourir assez rapidement avec la
motion d'urgence et, pendant qu'il continue de parler pour prouver l'urgence,
nous poumons jeter un coup d'oeil sur le libellé de la motion. Le
règlement prévoit également qu'au moment du
dépôt de la motion les députés devraient recevoir
une copie du projet de loi. Si le leader du gouvernement n'a pas d'objection,
il pourrait également permettre la distribution du projet de loi, tout
en continuant son discours ceci, peut-être, permettrait, à
l'Opposition officielle du moins, d'accepter s'il y a lieu cette motion
d'urgence. S'il y a vraiment urgence, et j'en conviens, nous pourrions apporter
une collaboration efficace dans ce sens.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, comme le règlement me
le dit, j'en arriverai à la motion proprement dite, et cela ne devrait
tarder. Je veux simplement ajouter un troisième argument pour con-
vaincre mes collègues. Et, comme le règlement m'y invite,
non seulement je remettrai la motion à ce moment, mais le projet de loi
lui-même. C'est la motion classique, comme on dit. (20 h 40)
J'ajoute comme troisième argument que nous sommes membres de la
Confédération canadienne. J'ai pu penser qu'en toute connaissance
de cause l'attitude aurait pu être différente, mais elle n'a pas
été différente. Etant membres de la
Confédération canadienne, nous sommes soumis au plus haut
tribunal de ce pays. Il n'a pas toujours été celui qui est
là actuellement et qui nous fait cette injure suprême, mais il est
d'obligation, en vertu même des pouvoirs de cette Assemblée, de se
soumettre. Le Québec l'a toujours fait, et ce gouvernement n'y manquera
pas. Le Québec a toujours pensé toutefois que, de ce
côté de la justice, il y avait des choses à faire et des
choses qui laissaient à désirer. Ce gouvernement aussi le
pense.
D'où, à un autre moment, en une autre circonstance, nous
envisagerons de rétablir pour nous une justice qui mette fin à
ces années de désillusions et de frustrations. Le peuple seul le
décidera. Ce soir, nous devons, à regret, mais en vue de
protéger le travail d'hommes et de femmes de cette Assemblée,
d'hommes et de femmes qui ont accepté de travailler pour l'ensemble de
leurs concitoyens dans des corps publics qui existent à partir de lois
votées dans cette Assemblée, et, pourquoi ne pas le dire, en vue
de l'orde social lui-même, être les premiers à manifester
que nous voulons respecter une décision du tribunal.
Avec ces trois arguments que je résume à notre travail et
à l'importance qui, toute provinciale qu'on veuille qu'elle demeure, est
quand même au coeur de ceux qui ont cherché à sy faire
élire, au moins, j'estime que cette Assemblée doit, de toute
urgence, protéger le travail et les décisions prises dans les
différents corps délégués du Québec depuis
1867, pour ne pas anéantir toutes ces années de construction
à travers des lois et dans un respect rigoureux des règlements
que les citoyens du Québec se sont donnés, et, finalement, parce
qu'il nous faut être les premiers à donner l'exemple du respect
sans tarder d'une décision de tribunal, je propose qu'en vue de
l'adoption du projet de loi no 82, Loi concernant un jugement rendu par la Cour
suprême du Canada le 13 décembre 1979, portant sur la langue et la
législation de la justice au Québec, conformément à
l'article 84, paragraphe 2, que j'invoquais tout à l'heure, je propose
que nous suspendions les articles suivants de notre règlements:
l'article 30... J'en fais parvenir immédiatement une copie au chef de
l'Opposition officielle et au chef de l'Union Nationale. Excusez-moi, je vous
ai donné la mienne. D'accord, ça va. Il y a des carreaux blancs
que je vais vous inviter à remplir.
Je propose que nous suspendions l'article 30, modifié par
l'article 2 du règlement sessionnel, 31, modifié par l'article 3
du règlement sessionnel, 77, 87, 88, 115, 116, 134, 157. Que, nonobstant
les dispositions de l'article 47, paragraphe 1 du règle- ment, toutes
les séances de cette Assemblée soient ouvertes au public; que,
nonobstant les dispositions de l'article 121 du règlement, il ne puisse
y avoir d'amendement en deuxième lecture; que, de plus, la commission
plénière fasse rapport au plus tard trois heures après le
début de ses travaux; que, quinze minutes avant l'expiration de ce
délai, le président de la commission mette immédiatement
aux voix, sans débat, les articles du projet de loi et les amendements
dont la commission n'a pas disposé; que le débat portant sur la
troisième lecture qui suivra immédiatement soit limité
à une intervention d'une heure par parti reconnu; que l'application des
règles ci-dessus énumérées soit suspendue et que
l'Assemblée puisse siéger sans interruption de ce moment
jusqu'à l'adoption du projet de loi no 82.
Je propose à l'Assemblée, M. le Président, de
concourir à cette motion d'urgence.
Le Président: Est-ce que la motion sera
adoptée?
Des Voix: Adopté.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que le
leader parlementaire du gouvernement veut nous dire combien de temps pour la
commission plénière?
M. Charron: Trois heures.
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): Alors, M. le Président, j'ai
écouté avec grande attention les propos tenus par le leader
parlementaire du gouvernement à l'appui de sa motion d'urgence. Nous
n'avions aucun doute quant à la nécessité de
procéder d'urgence; d'ailleurs, nous avons, dès cet
après-midi, indiqué à cette Chambre notre
préoccupation quant à la validité et à la
légitimité de nos travaux à la suite d'une étude
même sommaire de la décision rendue par la Cour suprême du
Canada, décision qui confirmait des décisions antérieures
rendues par la Cour d'appel du Québec et par la Cour supérieure
du Québec.
M. le Président, nous étions tellement d'accord qu'il
s'agissait d'une situation urgente que, quant à nous, nous ne voyions
même pas l'utilité ou là-propos de procéder par
cette motion d'urgence. Je comprends que c'est une procédure de
précaution de la part du leader du gouvernement. Je ne lui en fais pas
reproche, mais, quant à nous, il s'agit là d'une étape qui
n'a pas réellement son utilité.
Nous aurions préféré, M. le Président, que
cette urgence soit soulignée davantage par une ponctualité
à commencer nos travaux à 20 heures ce soir que par le
délai apparemment inexplicable, mais que l'on comprend très bien,
délai qui nous a amenés à entreprendre ces travaux
près d'une demi-heure en retard.
M. le Président, si on veut des explications, on pourra en
demander au premier ministre dans quelques instants, s'il nous fait l'honneur
de laisser sa conférence de presse qu'il a commencée à 20
heures, au moment même où cette Assemblée était
convoquée.
M. le Président, je voudrais éviter de tomber dans la
situation que s'est permis d'explorer le leader parlementaire du gouvernement
en parlant du fond de la question, plutôt qu'en soulignant l'urgence de
procéder à l'étude du projet de loi. En effet, le leader
parlementaire du gouvernement a pris la majorité de son temps pour
interpréter une partie du jugement et je mets personnellement en doute
l'exactitude de cette interprétation.
Je pense qu'il est dangereux, à ce moment-ci de nos travaux,
alors que l'on doit s'en tenir à la raison de l'urgence, de s'attaquer
à certains passages du jugement et surtout de les interpréter
comme a osé le faire le leader parlementaire du gouvernement,
particulièrement en ce qui concerne les décisions qui ont pu
être prises par des municipalités ou des commissions scolaires.
(20 h 50)
Nous aurons l'occasion d'en discuter au cours du débat de fond et
nous espérons que nous serons amplement éclairés afin que
nous puissions faire en sorte que le projet de loi soit étudié,
non pas dans une atmosphère de partisanerie politique, mais plutôt
avec le souci de disposer d'une loi qui a pour but de rendre valide la
législation qui a été adoptée par cette Chambre
depuis le 26 août 1977 et qu'une décision du gouvernement actuel a
rendue problématique, pour dire le moins, à cause d'un
entêtement du ministre d'Etat au Développement culturel, alors que
nous avions prévenu ce dernier des dangers que constituait sa prise de
position.
M. le Président, voici ce que nous voulons suggérer,
cependant, au leader parlementaire du gouvernement, s'il désire notre
collaboration, et nous voulons l'assurer de cela dans l'intérêt
public: Nous sommes prêts à suspendre la discussion de cette
motion si on peut profiter du temps prévu par le règlement,
c'est-à-dire les deux heures pour le débat, pour prendre
connaissance du projet de loi. Nous pourrions nous retirer durant une
période raisonnable de suspension plutôt que de passer ces deux
heures à faire un débat de procédure.
En effet, M. le Président, à l'étape
présente de cette motion d'urgence, on pourrait s'attendre que, comme
cela s'est déjà fait maintes et maintes fois dans cette
Assemblée, l'on utilise pleinement ces deux heures pour s'entendre ou
non sur l'urgence de passer à l'étape suivante. Or, il nous
apparaît, M. le Président, qu'il est urgent que nous devions nous
attaquer à ce projet de loi. Bien conscients de nos
responsabilités, conscients de l'importance qu'il y a pour toutes les
forces vives de cette Assemblée de se pencher sur ce projet de loi, nous
suggérons la suspension de ces travaux à l'Assemblée
nationale pour reprendre, le mieux éclairé possible,
l'étude en deuxième lecture du projet de loi lui-même.
C'est une suggestion que je fais; si elle n'est pas reçue, M. le
Président, nous verrons ensuite quelle mesure ou stratégie nous
devrions adopter.
M. Charron: M. le Président, si le député de
Richmond me permet, peut-être que cela influencera... Je suis tout
à fait disposé, dès que cette Chambre aura adopté
la motion que je viens de lui présenter, à proposer une
suspension des travaux pour deux heures, afin que l'Opposition ait le temps de
prendre connaissance du projet de loi, à moins que moins de deux heures
fassent l'affaire, bien sûr.
Des Voix: ... une heure.
M. Levesque (Bonaventure): Si c'était
immédiatement, on pourrait se retrouver à 22 heures.
M. Charron: Ah bon! d'accord. Une Voix: Moins d'une heure.
M. Levesque (Bonaventure): Excepté si on en parle
jusqu'à 22 heures.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Yvon Brochu
M. Brochu: Merci, M. le Président. Je pense que la
nécessité du contenu d'une telle motion est évidente et sa
discussion à l'Assemblée nationale ne doit pas tarder. Je
souscris entièrement à la proposition. C'était,
d'ailleurs, mon intention de rappeler certains propos au leader du gouvernement
dans ce sens-là, afin qu'on puisse procéder davantage à
une discussion sur le fond plutôt qu'à un débat de
procédure qui n'en finit pas et, finalement, on ne discute pas
réellement de la question qui intéresse l'Assemblée
nationale. Même, nous aurions préféré, en ce qui
concerne l'Union Nationale, qu'on procède par un consentement unanime.
En ce qui nous concerne, les propos que j'ai tenus cet après-midi devant
l'Assemblée nationale indiquaient clairement notre intention de ne pas
nous attarder aux détails de la procédure, mais d'aller
plutôt directement sur la question de fond.
Indépendamment de nos options politiques, je pense qu'il nous
faut comprendre que, devant le vide juridique dans lequel on est placé
actuellement, on n'a pas le choix et qu'il nous faut procéder rapidement
pour apporter les correctifs nécessaires et rétablir la
situation. C'est dans ce sens qu'on aurait été prêt
à collaborer même au niveau d'un consentement unanime.
Lors des discussions sur la loi 101 ce n'est pas mon intention
d'intervenir sur le fond le gouvernement avait été mis au
fait des dangers et des risques évidents qu'il encourait à
vouloir à tout prix adopter cette pièce de législation
telle
qu'il a voulu qu'elle soit adoptée. On se retrouve donc
aujourd'hui, par suite de cette décision de ne vouloir tenir compte
d'aucun de ces avis, devant les résultats qu'on connaît. On se
retrouve devant cette décision qui a été rendue par la
Cour suprême et nous devons maintenant, en tant qu'Assemblée
nationale responsable, poser les gestes législatifs de correction
nécessaires dans les circonstances.
Quel que soit, M. le Président, l'âge ou l'espace qui
puisse nous séparer de la loi sur laquelle, dans le fond, la Cour
suprême s'est appuyée pour faire son jugement, cela reste,
à ce que je sache, une loi en vigueur, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime
pas, jusqu'à ce qu'elle soit changée. Je pense qu'en tant que
gouvernement responsable, si on veut donner l'exemple, d'abord, aux citoyens du
Québec, on doit avoir le courage et la responsabilité de
respecter ce qui existe comme législation, quitte à le changer si
cela ne fait pas notre affaire.
Donc, M. le Président, qu'il soit urgent de rétablir un
état de fait qui depuis le départ suscite beaucoup de doutes dans
les milieux juridiques et politiques, comme je l'ai indiqué, cela ne
nous surprend pas du tout, car la voie d'une telle éventualité
était déjà dressée irrémédiablement
depuis le jugement historique du juge Deschênes de la Cour
supérieure de Québec en janvier 1978. Le débat de ce soir
risque donc d'être assez fort, je pense. J'espère une chose, c'est
qu'on en reste quand même, des deux côtés de la Chambre, au
niveau le plus objectif possible pour corriger cette situation; qu'on ne laisse
pas enflammer nos débats par l'émotivité, mais par un
esprit de bonne volonté, en ayant cette préoccupation de servir
en premier lieu les gens qui nous ont élus, les citoyens de la province
de Québec. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de Gouin. M.
Rodrigue Tremblay
M. Tremblay: M. le Président, j'ai en main copie de la
motion d'urgence du leader parlementaire du gouvernement. Il s'agit
véritablement de la suspension du livre des règlements et des
procédures normales...
M. de Bellefeuille: M. le Président, question de
privilège.
Le Président: M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Serait-il possible à un modeste
député ministériel d'avoir lui aussi, le texte de cette
motion?
Le Président: Je suppose que le leader parle- mentaire du
gouvernement vous le fera acheminer, M. le député de
Deux-Montagnes. M. le député de Gouin.
M. Tremblay: M. le Président, il s'agit
véritablement de la suspension du livre des procédures. Je suis
bien prêt à accorder mon appui à la motion et à la
suggestion du leader du parti de l'Opposition officielle de ne pas prendre les
deux heures prévues au règlement à l'article 84. Par
contre, avant de le faire, je voudrais souligner, évidemment, qu'il n'y
aura que trois heures de discussion après que la commission
plénière aura produit son rapport et qu'il n'y aura qu'une heure
de discussion au cours du débat sur la troisième lecture du
projet de loi 82. Il est écrit au manuscrit qu'il y aura une heure pour
les partis reconnus. J'aimerais avoir l'assurance du leader parlementaire du
gouvernement que j'aurai cinq ou six minutes pour pouvoir parler en
troisième lecture.
Seulement un autre commentaire avant de donner mon assentiment. C'est
simplement une mise en garde, je pense, face à la dramatisation qu'on
serait porté à faire de ce jugement. J'ai entendu les mots
"injure", "criminalité", "viol", etc. Je pense que c'est plutôt un
amendement technique qu'il faut apporter. Je pense que le bien-être des
Québécois n'est pas en cause ce soir. Le fait que les lois en
langue anglaise soient rendues légales par un amendement technique ne
fera pas geler les gens dans leur maison parce qu'ils n'ont pas de
pétrole, pas d'électricité ou pas autre chose. A mon avis,
c'est une question technique et nous devrions la traiter de cette façon.
Merci.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.
(21 heures)
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je suis
d'accord avec mes collègues et je les remercie d'avoir concouru dans le
sens de la suggestion que j'avais faite. Puis-je cependant, maintenant qu'il
dépasse 21 heures, parler plutôt de 22 h 30, s'il n'y a pas
d'objection.
Le Président: Est-ce que la motion dont je souhaite bien
que vous allez me dispenser de la lecture, présentée par le
leader parlementaire du gouvernement, sera adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Si je comprends bien, il y a
consentement pour suspendre les travaux de la Chambre jusqu'à 22 h 30.
La Chambre suspend ses travaux.
Suspension à 21 h 1
Reprise de la séance à 22 h 49
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît. Veuillez
vous asseoir.
Projet de loi no 82
Première
lecture
J'appelle maintenant la motion de première lecture de la Loi
concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13
décembre 1979 sur la langue de la législation et de la justice au
Québec.
Est-ce que cette motion de première lecture sera
adoptée?
Des Voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
M. Charron: Je vous demande d'appeler maintenant la
deuxième lecture.
Deuxième lecture
Le Président: J'appelle maintenant la motion de
deuxième lecture du projet de loi concernant un jugement rendu par la
Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la
législation et de la justice au Québec. (21 h 50)
Je vous cède la parole, M. le ministre d'Etat au
Développement culturel.
M. Camille Laurin
M. Laurin: M. le Président, le jeudi 13 décembre
1979 restera marqué d'une pierre noire dans l'histoire du Québec.
Le jugement de la Cour suprême qui interdit aujourd'hui au Québec
de faire du français la langue de la législation et de la justice
n'est certes pas inattendu. Il aurait été étonnant que la
Cour suprême donne au BNA Act une interprétation qui reconnaisse
les droits et la réalité d'un Québec essentiellement
français depuis sa naissance et qui l'est demeuré. Mais le
jugement étonne par sa sévérité, sa dureté
et son absolutisme, conférant ainsi toute sa vérité
à l'action lapidaire de Cicéron, summum jus, summa injuria, et
qu'on pourrait traduire en français par une formule tout aussi
lapidaire, stricte légalité égale suprême
injustice.
Ce jugement va en effet plus loin dans ce sens que toutes les
appréhensions ou craintes que d'aucuns avaient exprimées. Par ce
jugement, le régime fédéral resserre davantage encore son
étreinte sur le Québec. Le régime fédéral
est confirmé dans son statut d'héritier des conquérants de
1763, de maître absolu de nos institutions dans ce qu'elles ont
d'essentiel.
En plus de maintenir le Québec dans son assujettissement
antérieur, il nous confirme à un statut de locataires et de
chambreurs dans notre propre maison, nous interdisant d'en altérer
notablement les dispositions sans son consentement explicite. Comme pour les
Gens de l'air qui n'ont pas encore obtenu dans les faits la permission de
parler leur langue dans le ciel québécois, il est
désormais interdit, pour tout le temps que le Québec demeurera
dans le régime fédéral, à la majorité
francophone du Québec de se donner des lois et institutions qui lui
ressemblent et qui correspondent à ses besoins et aspirations.
Désabusée, triste, humiliée, encore une fois,
après tant d'autres, plus que jamais découragée devant la
rigidité et l'absolutisme du pouvoir central, moins portée que
jamais au faux espoir d'un renouvellement impossible d'une vieille constitution
oppressive, l'immense majorité des Québécois aura bien
raison de considérer comme un jour sombre, un jour de deuil, un moment
tragique de son histoire collective ce jeudi 13 décembre 1979 où
elle aura dû accepter cette humiliation suprême, courber la
tête sous un diktat qui lui rappelle sa situation de conquise et boire
jusqu'à la lie cette potion amère au goût de cendre.
On se serait du moins attendu que tous les partis partagent la tristesse
et l'amertume des Québécois, sinon leur révolte; une peine
qu'on partage en famille est, en effet, moins lourde à supporter. Mais
il semble que, par masochisme ou opportunisme politique, l'Opposition se cache
la tête dans le sable comme l'autruche et se réjouisse même,
à preuve les rires que je viens d'entendre, par une sorte de
dénégation ou de compensation magique, des malheurs qui frappent
notre communauté québécoise. S'il ne fallait pas mettre
cette aberration ou cet aveuglement au compte d'une sorte de
dérèglement psychoaffectif, il y aurait certes lieu pour nous
d'en avoir honte et de tout tenter pour cacher ou minimiser cette
infirmité. Il est à espérer, en tout cas, que la
réflexion et l'auto-analyse ramèneront l'Opposition à une
vue plus juste des choses et tueront dans l'oeuf cette exubérance tout
à fait inappropriée et ce débordement insolite.
Autrement, le peuple québécois serait obligé de
conclure que l'Opposition accepte, qu'elle appelle même de tous ses voeux
notre démission collective et notre amenuisement, qu'elle se
réjouit de voir mis sur le même pied au Québec l'anglais et
le français comme langues officielles, qu'elle se satisfait du
régime fédéral actuel qui signifie pour nous oppression et
humiliation.
Le présent gouvernement, pour sa part, ne regrette aucunement et
en rien les gestes qu'il a posés. Dans les circonstances adverses qu'il
doit vivre aujourd'hui, il n'en éprouve même que plus de
fierté. S'appuyant sur l'histoire, la culture et l'identité du
peuple québécois installé ici depuis près de quatre
siècles, la loi 101 faisait du français la seule langue
officielle du Québec. Par le jugement qu'elle vient de rendre, la Cour
suprême renverse et rejette cette loi fondamentale, expres-
sion démocratique de la volonté du peuple
québécois incarnée par son instance politique
légitime et suprême, l'Assemblée nationale du
Québec.
Déjà, en 1867, l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique avait imposé l'anglais à la province de Québec
et uniquement à la province de Québec, comme l'une des langues
officielles de la Législature et des tribunaux. Les autres provinces,
l'Ontario, la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brunswick, pouvaient donc se
déclarer unilingues anglaises, ce qu'elles n'ont pas manqué de
faire d'ailleurs, même si le Nouveau-Brunswick comptait alors une
importante minorité française.
Lorsque le Manitoba s'est joint à la Confédération
en 1870, sa population francophone égalait à peu près en
nombre sa population anglophone. Le Manitoba Act lui imposa en
conséquence un statut linguistique identique à celui du
Québec. Mais 20 ans à peine après, la population
anglophone devenue majoritaire abolissait successivement les écoles
françaises et l'usage du français au Parlement et devant les
tribunaux. Les protestations des francophones n'eurent à l'époque
aucun effet, ni à Winnipeg, ni à Ottawa, ni devant les cours
canadiennes, ni au Conseil privé de Londres. Le gouvernement canadien
n'opposa lui non plus aucun geste officiel et abandonna la minorité
franco-manitobaine à son triste sort.
Sous le poids de l'injustice et des persécutions, celle-ci
succomba graduellement à l'assimilation, au point qu'il n'y a plus
aujourd'hui que 4% de parlant français au Manitoba. Ce n'est pas le
jugement d'aujourd'hui de la Cour suprême qui y changera quoi que ce
soit, d'autant plus que les quelques milliers de francophones qui restent
vivent dans un milieu totalement et exclusivement anglais.
Dans le cas du Québec, le gouvernement fédéral a
été infiniment plus rapide. Dès l'adoption de la loi 101,
il s'est rangé dans le camp de ceux qui la dénonçaient. Il
a fourni généreusement son assistance financière,
juridique et morale aux individus et groupes qui ont contesté l'un ou
l'autre des articles de la loi devant les tribunaux. Il a certes fourni la
même assistance aux Franco-Manitobains qui contestaient la
législation inique de 1890, mais avec 80 ans de retard. Ce qu'il visait
à obtenir, au fond, en volant au secours d'une francophonie manitobaine
réduite à presque rien, c'est la condamnation d'une
législation québécoise qui ne faisait pas l'affaire de ses
amis anglophones au Québec, habitués depuis longtemps à
une situation de domination et à un statut privilégié
devenu pour eux un droit sacré et inviolable. Cela même si la loi
101 conservait à cette minorité anglophone son système
scolaire complet, de la maternelle à l'université, ses
institutions culturelles et sociales, son droit de s'exprimer dans sa langue
à l'Assemblée nationale et devant les tribunaux, son droit de
prendre connaissance dans sa langue des lois et règlements de la
Législature, son droit de s'adresser dans sa langue à
l'administration gouvernementale, sans parler des multiples avantages qui lui
sont consentis au niveau de l'étiquetage, des inscriptions, des
catalogues, brochures, dépliants, contrats, et le reste.
(23 heures)
Jamais, M. le Président, les minorités francophones des
autres provinces n'ont été traitées avec autant de
respect, de justice et de générosité, même au
Nouveau-Brunswick où les francophones forment pourtant près de
40% de la population et où le français est devenu, en
théorie, l'une des deux langues officielles. Même si les
minorités francophones de toutes les provinces souhaitent pour
elles-mêmes le sort enviable que le gouvernement du Québec accorde
à sa minorité anglophone, le pouvoir fédéral
exigeait encore davantage pour celle-ci.
Ce que le pouvoir canadien majoritairement anglophone réclame, au
fond, pour ceux des siens qui doivent malheureusement continuer à vivre
dans un Québec français, c'est le retour au statu quo ante, le
maintien intégral des privilèges antérieurs, sans
égard aux droits et besoins d'une majorité francophone trop
longtemps bafouée, humiliée et injustement traitée par une
minorité qui abusait de son pouvoir économique et politique. Par
le jugement de la Cour suprême, le pouvoir fédéral obtient
ce qu'il recherchait. Il réimpose au Québec le joug, le carcan
centenaire dont le Québec s'était débarrassé en
affirmant par voie législative sa propre identité linguistique et
culturelle. Le pouvoir fédéral réaffirme ainsi, de sa
seule et souveraine autorité, que le Québec demeure une colonie
de l'intérieur, qu'il n'a pu échapper à la subordination
politique de l'Etat central, qu'il ne peut reconnaître et inscrire dans
les lois sa réalité fondamentale. Pour le pouvoir
fédéral, il ne peut y avoir de Québec français au
même titre qu'il y a une Ontario anglaise. La Cour suprême aurait
pu certes accorder au Québec le droit d'amender, en matière de
langue, sa propre constitution interne, comme le Québec, d'ailleurs, l'a
déjà fait dans le cas de l'abolition du Conseil législatif
et des comtés protégés.
Il ne manque pas, en effet, de juristes émi-nents pour
prétendre que la langue ressortit aux mêmes catégories
essentielles que la propriété et les droits civils. Comme ces
matières relèvent de la juridiction des provinces en vertu de
l'article 92 du BNA Act, le Québec pouvait donc amender l'article 133
qui traite du statut des langues au Canada et au Québec pour la partie
de cet article qui relève de la constitution interne du Québec.
Mais la Cour suprême, conformément à une pente maintenant
acquise, a préféré perpétuer le rapport de force
qui prévalait en 1867, consacrer l'injustice et la domination dont le
Québec fut alors l'objet, refuser, aujourd'hui comme hier, de
reconnaître que le Québec forme un peuple distinct, nier son
évolution du dernier siècle et sa quête légitime de
fierté et de liberté.
C'est ainsi que le BNA Act peut constamment mettre en échec la
volonté démocratique du peuple québécois. Et c'est
ainsi que le Québec se retrouve, malgré lui, à l'encontre
du bon sens, avec deux langues officielles, car c'est bien de cela qu'il
s'agit.
Quand un projet de loi doit être déposé et
adopté en anglais et en français, quand une loi ne peut prendre
effet qu'une fois sanctionnée à la fois en français et en
anglais par le lieutenant-gouverneur, c'est que l'anglais constitue, à
ce niveau suprême et fondamental du pouvoir législatif, une langue
officielle au même titre que le français. Quand la version
anglaise d'un jugement rendu au Québec par un tribunal
québécois est tout aussi officielle que la version
française du même jugement, il faut en conclure que ces deux
langues jouissent d'un statut égal sur le plan du pouvoir judiciaire
tout aussi important et fondateur que le pouvoir législatif.
Il n'y a donc plus que le pouvoir exécutif, troisième
pilier de notre régime politique, que ne touche pas directement et
substantiellement le jugement de la Cour suprême. Il n'en demeure pas
moins que le jugement redonne à l'anglais au Québec son statut
privilégié de 1867 avec les humiliations, les glissements, les
dangers dont la volonté démocratique du peuple
québécois n'aura réussi à nous débarrasser
que pour deux brèves années.
C'est pour toutes ces raisons, d'ailleurs, que le législateur
n'avait pas erré en 1977. La loi 101 ne faisait pas, en effet, que
reconnaître l'identité linguistique et culturelle d'un pays
majoritairement et essentiellement français, ne faisait pas que
consacrer l'évolution d'un Québec devenu plus fier, adulte et
fort, désormais capable de se prendre en main et d'orienter son destin,
mais cette loi 101 entendait également apporter des solutions pratiques
et définitives à des problèmes devenus urgents dans toutes
les sphères de notre vie collective.
Dans le domaine de la législation et de la justice, en
particulier, le caractère officiel concurrent des textes français
et anglais pose des problèmes sérieux. Outre le fait que cette
situation complique l'interprétation des textes de loi, elle oblige
à utiliser l'anglais tous ceux qui ont à travailler avec des
textes de loi et, en particulier, ceux qui doivent les rédiger, les
interpréter, les critiquer, les utiliser pour justifier ou critiquer
d'autres textes qui en découlent, pour rédiger et
interpréter les règlements et le reste. Pour commencer par la
Fonction publique, notons qu'une bonne partie du ministère de la Justice
se doit et se devra d'être bilingue ainsi que le personnel du contentieux
des divers ministères. Un peu partout, les secrétaires juridiques
se devront également d'être bilingues. Ce qui est plus grave,
c'est que le peuple qui lit son texte de loi en français et pense le
comprendre n'est jamais certain qu'une quelconque subtilité du texte
anglais ne viendra pas compliquer l'interprétation de la loi qu'il croit
avoir comprise.
Ceci touch'e le citoyen ordinaire en tant qu'individu, mais aussi le
syndicaliste dont le Code du travail n'est plus l'instrument clair dont il
croit disposer, le coopérateur, le militant d'un parti politique, d'un
groupe de citoyens, etc.
Idéalement une loi devrait être suffisamment claire pour
que le citoyen moyen puisse l'interpré- ter facilement dans la
majorité des situations. Le bilinguisme législatif nuit à
la clarté et contribue pour sa part à mettre davantage le citoyen
ordinaire à la merci des juristes.
Sur le plan des principes, il serait étrange, d'autre part, que
nous affirmions le droit des personnes à des textes français
seuls officiels dans divers domaines, comme conventions collectives, contrats,
avis publics etc, si ces textes peuvent continuellement être jugés
et interprétés par rapport à un texte plus fondamental qui
serait, lui, officiellement bilingue. Il est important, à mon avis, que
le peuple comprenne que les lois lui appartiennent tout autant que les textes
qui en découlent. (23 h 10)
Ce que la loi 101 cherchait, en somme, à corriger ou à
éviter, c'est précisément l'aberration où doit
logiquement nous précipiter l'interprétation que la Cour
suprême vient de donner à l'article 133, dans un Québec
aussi français que l'Ontario est anglais, l'administration devra
déposer, adopter, imprimer, publier toutes ces lois et tous ces
règlements en anglais en en français. Il pourra donc se trouver,
comme mon collègue de Saint-Jacques le faisait remarquer tout à
l'heure, qu'une municipalité, qu'une commission scolaire, qu'une
institution de santé, bien qu'exclusivement francophone, doive se plier
à cette obligation statutaire, en payer le prix et en porter le poids,
alors que leurs homologues de l'Ontario pourront continuer à n'utiliser
que l'anglais. Dans les statuts, comme possiblement dans les faits, c'est la
bilinguisation intégrale, absolue et méthodique du Québec.
C'est là un statut particulier dont on aurait particulièrement pu
se passer, car cette bilinguisation s'attaque à la fibre même du
Québec, l'effiloche et risque de la disloquer, ce qui prépare
d'autant mieux une autre phase qui a nom aliénation et assimilation.
La possibilité que toute procédure écrite ou
verbale devant les tribunaux puisse se faire en anglais et que tout jugement
puisse se faire en anglais comporte également des conséquences
importantes. On accentue ainsi la pression pour bilinguiser le travail des
secrétaires juridiques, les personnels de contentieux du
ministère de la Justice et ainsi de suite. C'est la raison pour laquelle
la loi 101 avait édicté que les pièces de procédure
émanant des tribunaux et organismes judiciaires ou quasi judiciaires
soient rédigés en français. Non seulement
évite-t-on ainsi les dangers déjà mentionnés, mais
cette pratique constitue de plus un des meilleurs moyens qui soient de forcer
les entreprises à se franciser, à engager des directeurs du
personnel, conseillers juridiques, personnel de bureau, et le reste, qui
maîtrisent le français, ainsi qu'à traiter en
français avec leurs employés et leurs clientèles.
Il y avait donc des raisons pratiques très importantes pour le
législateur de faire du français la langue de la
législation et de la justice. Mais l'argument fondamental pour lequel il
fallait le faire demeure une question de cohérence interne. Une loi sur
la langue officielle qui prétend faire du
français la seule langue officielle, mais qui ne change rien au
fait que le texte anglais de toutes les lois à venir continuera
d'être officiel est un non-sens juridique.
L'article 2 de la loi 22 illustre très bien ce non-sens. Cet
article disait que les deux textes continueront à s'interpréter
l'un par l'autre, le texte français n'ayant priorité qu'en
dernière extrémité, une fois épuisées toutes
les ressources d'interprétation, selon les règles ordinaires. Le
ridicule de cet article nous a incités, à l'époque,
à le retirer et à le remplacer. Or, le jugement de la Cour
suprême nous oblige aujourd'hui à faire machine arrière et
à retomber dans cette même ornière ridicule. Drôle de
façon, en effet, d'affirmer le caractère officiel unique du
français que de mettre à nouveau sur le même pied l'anglais
et le français pour l'interprétation des textes.
La cohérence interne dé la loi suppose aussi que ce qui
est prescrit par le niveau législatif, dans les divers domaines et
secteurs de l'activité humaine, ne soit pas contredit de façon
flagrante par les modes d'aide et d'agir du niveau législatif
lui-même. Comment, par exemple, l'Assemblée nationale peut-elle
décemment adopter des articles qui prescrivent la francisation des
entreprises, du monde du commerce et des affaires, des relations de travail, et
le reste, si elle maintient du même souffle que les textes
français et anglais des lois qu'elle vote sont tous deux aussi officiels
l'un que l'autre? Autant reconnaître tout de suite que le Québec
est condamné, et lui seul, sous le régime fédéral
actuel, à mettre sa langue et son identité au vestiaire, pour
arborer le masque du bilinguisme généralisé qu'on lui
impose.
Le jugement de la Cour suprême ramène ainsi le
Québec à un statut de marginalité et
d'inégalité qui a toujours été le sien dans la
confédération. Deux poids, deux mesures. Dans toutes les autres
provinces canadiennes, sauf une, l'unilinguisme anglais constitue dans les
faits un droit. Au Québec, l'unilinguisme français des structures
politiques et juridiques qui, jusqu'à hier, était un fait ne
portant préjudice à personne, n'est plus un droit pour le peuple
qui l'avait décrété. Ce qui prouve en tout cas que le
Canada est bien constitué de deux peuples et de deux nations, mais l'un
de ces peuples domine, alors que l'autre est asservi. La minorité
anglophone du Québec, aujourd'hui comme en 1867, peut obtenir du pouvoir
central qu'il impose d'autorité l'anglais comme langue officielle au
Québec parce qu'elle appartient au groupe des conquérants.
Après plus de cent ans, cette logique de la conquête poursuit son
cours.
La minorité anglophone du Québec, la mieux
protégée et la moins en danger de toutes les minorités
"coast to coast", doit avoir des privilèges, tandis que les descendants
des découvreurs et des bâtisseurs francophones des provinces
aujourd'hui unilingues anglophones n'ont qu'à se laisser assimiler. Bien
que très largement minoritaire au Québec, l'anglais doit
être mis sur le même pied que le français parce qu'il
demeure, aujourd'hui comme hier, la langue du maître. Quoi qu'il en soit,
le gouvernement du Québec, comme gouvernement responsable, n'a d'autre
choix que de s'ajuster techniquement, administrativement et juridiquement
à la situation créée par ce jugement. Obligés de
nous soumettre pour un temps encore à la loi du plus fort, nous
prendrons immédiatement les mesures qui nous semblent
appropriées.
Dans les heures qui viennent, l'Assemblée nationale sera
appelée à adopter, en français et en anglais, une loi
unique qui donnera force de loi au texte français et à la version
anglaise des lois et règlements qui n'auraient été
adoptés ou approuvés qu'en français. Cette loi unique
prévoira une exception à l'article 37 de la Charte des droits et
libertés de la personne afin qu'une personne puisse être
condamnée pour une des infractions à une des lois visées,
même si cette infraction a été commise avant la
réadoption de cette loi. Cette loi palliative ne touchera pas les
articles 7 à 13 de la Charte de la langue française qui traitent
de la langue de la législation et de la justice, laissant ainsi jouer en
fait l'article 133 du BNA Act. Cette dernière décision, qui
respecte le jugement de la Cour suprême, se veut en même temps une
indication au peuple québécois que le gouvernement du
Québec ne désespère pas de pouvoir offrir bientôt
une vraie partie à ses concitoyens. Cette dernière
décision est également une invitation pressante à tous les
Québécois de se donner, une bonne fois pour toutes, les pouvoirs
essentiels à la maîtrise de leur propre avenir.
Il nous faut tous ensemble répondre sereinement à ce
jugement qui constitue pourtant une insulte à la patience, au courage et
à la fierté des Québécois. En attendant que les
Québécois se prononcent sur leur avenir, le gouvernement
respectera les présentes règles du jeu, règles cependant
dont il faudra sortir malgré ceux qui disent: J'y suis, j'y reste!
Prendre conscience de cet état de soumission coloniale auquel on nous
oblige, c'est commencer à saisir la nécessité du projet de
souveraineté-association proposé à tous les
Québécois par le gouvernement. Seule, en effet, la maîtrise
exclusive et totale de son pouvoir législatif assurera pour toujours au
Québec le maintien et l'épanouissement de son identité
linguistique et culturelle. (23 h 10)
Le jugement de la Cour suprême nous montre qu'il n'y a pas de
solution juridique à la situation actuelle. La solution ne peut venir
que de la volonté du peuple québécois lui-même,
à laquelle aucun jugement de cour ne saurait faire obstacle. Cette
solution est politique et elle ne peut être que la mise en oeuvre d'une
nouvelle entente, d'égal à égal, entre le peuple
québécois et le reste du Canada. Cette entente permettra à
chaque peuple d'être maître chez lui, de s'y développer
selon son génie propre et d'assurer à ses minorités, comme
le fait déjà le Québec, les conditions nécessaires
à leur mieux-être collectif. Il ne peut y avoir d'avenir pour nos
deux pays associés que dans ce climat de justice et de liberté.
Merci.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je n'ai pas l'intention de
verser dans le mélodrame à propos des événements
d'aujourd'hui. Je voudrais, comme à l'ordinaire, m'en tenir à des
propos aussi rigoureusement anylitiques que possible. Je commencerai, par
conséquent, par résumer les principales dispositions de
l'arrêt de la Cour suprême qui a été rendu
aujourd'hui et, ensuite, j'en dégagerai la signification suivant les
indications d'une analyse objective et aussi complète que possible de la
réalité.
D'abord, qu'est-ce que dit le jugement de la Cour suprême au sujet
duquel on nous a tenu des propos aussi larmoyants depuis quelques heures? Il
nous dit que le chapitre III de la Charte de la langue française,
adoptée en août 1977, est incompatible avec l'article 133 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui constitue le principal
document constitutionnel sur lequel se fonde le fonctionnement de nos
institutions politiques. Le jugement nous dit que les articles 7 à 13 de
la Charte de la langue française entraînent une diminution des
droits de la minorité anglophone du Québec par rapport à
ceux que définit l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique.
Deuxième point, le jugement de la Cour suprême
établit que le Québec n'a pas le droit de modifier l'article 133
de la constitution de manière unilatérale. Certains juristes qui
avaient conseillé le gouvernement, de bonne foi sans doute, avaient
estimé qu'en vertu de l'article 92, sous-article 1, qui donne au
Québec le droit d'amender sa propre constitution, le Québec
pouvait amender unilatéralement l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique considéré, par certains
juristes respectables, comme une partie de la constitution du Québec,
dans ses dispositions qui visent la Législature et les tribunaux
québécois.
Cette question, nous l'avions clairement indiqué dans le temps
lors du débat sur le projet de loi no 101, je l'avais indiqué
moi-même de la tribune d'où je fonctionnais à
l'époque, était une question qui devait être
tranchée tôt ou tard par les tribunaux. Cela a été
fait; la Cour suprême établit que l'article 133 est une
disposition fondamentale de la constitution canadienne qui est une partie
indivisible de la constitution du Canada et du Québec et que, par
conséquent, les droits qu'il confère au français et
à l'anglais, le statut officiel qu'il confère à ces deux
langues devant le Parlement fédéral, l'Assemblée nationale
du Québec, les tribunaux du Canada, les tribunaux du Québec,
doivent être respectés.
L'arrêt Jones, auquel se réfèrent les magistrats de
la Cour suprême dans leur jugement rendu aujourd'hui, établit que
si le Parlement fédéral peut élargir les droits
définis à l'article 133 en ce qui le concerne, il n'a pas le
droit de les diminuer et on peut facilement inférer que la même
règle s'applique au Québec.
Le Québec est entièrement libre, si sa Législature
le veut, d'élargir les droits définis à l'article 113, ce
qui laisse une marge considérable pour l'établissement d'une
priorité du français, entre parenthèses, mais il n'est pas
libre de les diminuer unilatéralement. C'est la deuxième
conclusion factuelle qui se dégage de l'arrêt rendu par la Cour
suprême aujourd'hui.
Troisièmement, le jugement rétablit le droit de toute
personne physique ou morale à employer le français ou l'anglais
devant les tribunaux et à l'Assemblée nationale.
Quatrième conclusion qui se dégage du jugement: les
magistrats établissent une définition des lois et actes de
l'Assemblée nationale du Québec qui embrasse non seulement le
texte des lois, mais également ce qu'on appelle la législation
déléguée, c'est-à-dire les règlements
pouvant découler de l'adoption d'une loi, mais ici on a proposé
tantôt des interprétations de cette partie du jugement de la Cour
suprême qui vont bien au-delà de ce que nous lisons
nous-mêmes dans le jugement. Jusqu'à plus ample informé et
après des consultations sérieuses, nous soutenons que
l'interprétation très large qui a été
proposée tantôt par le ministre d'Etat au Développement est
abusive et ne correspond pas du tout à ce qu'on peut trouver dans le
texte.
Cinquième constatation: on donne une définition
élargie des tribunaux de manière à comprendre
également les organismes quasi judiciaires ou parajudiciaires. A moins
de refuser toute évolution de la réalité, M. le
Président, je pense que c'est très difficile de concevoir qu'une
obligation constitutionnelle comme celle-là s'appliquerait aux tribunaux
qui existaient à l'époque et interprétée d'une
manière très littérale, et ne devrait comporter aucune
application à des organismes qui ont une fonction quasi judiciaire. Ceci
est une autre constatation qui se dégage du jugement. Il restera
à établir une définition précise de ce qui est
entendu par organismes quasi judiciaires, mais c'est un fait.
Finalement, des personnes, des citoyens du Québec avaient
interjeté appel de cette législation devant les tribunaux. Ils
ont été confirmés dans leur prétention par les
tribunaux de trois niveaux différents. J'en reparlerai tantôt.
Ceci est la signification véritable du jugement qui a été
rendu aujourd'hui. Tout le reste qu'on a entendu jusqu'à maintenant du
côté gouvernemental, c'est de la littérature nationaliste
à laquelle on a été beaucoup habitué de la part de
ce gouvernement depuis quelques années.
Maintenant, je vais essayer de dégager la signification comme
nous la percevons de notre côté, en toute sincérité
et en toute indépendance d'esprit aussi.
Premier point. J'ai entendu tantôt des expressions très
dures et pas seulement tantôt, depuis le début de la
journée, à l'endroit de ceux qui sont les auteurs de ce jugement.
On a parlé d'une insulte au courage, à l'intelligence des
Québécois. On a parlé de la suprême injure. On a
parlé de cette aberration. Il a été question de
dérèglement psychoaffectif, je crois. Je serais heureux
d'être considéré parmi ceux qui souffrent de cela. Cela
ne me ferait absolument rien, M. le Président, surtout quand je
regarde d'où cela vient. Je tiens à souligner que la
décision rendue aujourd'hui est l'aboutissement d'un long processus
judiciaire au cours duquel pas moins de 17 magistrats ont été
impliqués dans la décision qui a connue son aboutissement
suprême aujourd'hui. Or, de ces magistrats, neuf étaient
francophones et originaires de la province de Québec, donc, citoyens du
Québec au même titre que ceux qui dénoncent la
décision rendue aujourd'hui.
Je reconnais le droit d'un citoyen et d'un gouvernement de diverger
d'opinion avec un tribunal. Je l'ai fait moi-même pendant toute ma
carrière. Cela a toujours été un de mes plaisirs
préférés, mais j'ai toujours respecté les auteurs
des décisions judiciaires et je ne leur ai jamais appliqué le
genre d'épithètes et de jugements qu'on a entendus tantôt.
Je signale, M. le Président, que ce n'est pas une manière de
traiter le pouvoir judiciaire dans une société où il
constitue l'une des assises du caractère démocratique des
institutions. On voudra peut-être dire également en ce qui touche
la Cour suprême on l'a entendu dire souvent de l'autre
côté que c'est un tribunal qui ressemble à la tour
de Pise en ce sens qu'il penche toujours du même côté,
c'est-à-dire d'un côté défavorable au Québec
et aux provinces et favorable aux prétentions du gouvernement
fédéral. (23 h 30)
Je recevais ces jours derniers, par un pur concours de circonstances, le
résultat d'une étude qui a été faite par un juriste
respectable que j'ai entendu citer de l'autre côté de la Chambre
à quelques reprises, Me Gérald Beaudoin, doyen de la
faculté de droit civil de l'Université d'Ottawa. M. Beaudoin a
fait un examen d'une cinquantaine d'arrêts constitutionnels rendus par la
Cour suprême depuis qu'en 1949, des appels au Conseil privé ont
été abolis par une loi du parlement fédéral. Or,
sur ces arrêts qu'a recensés M. Beaudoin dont tout le monde
connaît la patience et la minutie comme chercheur, 24 comportaient des
décisions favorables aux provinces et 23 comportaient des
décisions favorables au pouvoir central.
Parler dans ces conditions d'un pouvoir qui penche toujours du
même côté, je pense que c'est abusif. Je voudrais relever
dans les propos du ministre d'Etat au développement culturel une
aberration dont je tiens à me dissocier totalement de propos sans doute
délibéré. Il associe carrément la Cour
suprême au pouvoir fédéral. "C'est le jeu de
l'équivoque. Par le jugement de la Cour suprême, le pouvoir
fédéral obtient ce qu'il recherchait." On laisse entendre,
à mesure que le texte se déroule, qu'il y aurait une association
étroite entre les deux. Je pense que c'est déformer
complètement la nature et la portée de nos institutions que de
parler ainsi. C'est mon premier point. Je pense qu'il faut d'abord
rétablir l'intégrité, l'indépendance d'esprit,
l'honnêteté de ceux qui ont eu à se prononcer.
J'admets que les tribunaux ne font pas la loi, mais la disent et que,
par conséquent, on ne peut pas attendre davantage d'un tribunal
honnête que ce que la loi elle-même dit ou implique. Ces genres
d'associations qu'on a entendues tout au long du discours qui vient
d'être prononcé, je tiens à m'en dissocier
complètement. Ce n'est pas du tout la conception que je me fais du
pouvoir judiciaire dans notre société.
Deuxième point. La constitution du Canada, M. le
Président, n'est pas parfaite. Elle comporte des imperfections
nombreuses, mais elle existe. Elle a procuré et procure encore aux
citoyens de ce pays des avantages politiques et économiques
considérables. Elle divise, certes, la souveraineté entre deux
ordres de pouvoir, mais elle fournit, pourvu qu'on veuille la considérer
objectivement et impartialement, un champ d'intervention très
étendu à l'autorité de cette province. Depuis que le
présent gouvernement est au pouvoir, il a adopté pas moins de 250
lois différentes. Combien ont été invalidées par
les tribunaux et combien l'ont été pour des raisons futiles? Je
pense que l'ordre de compétence que définit la constitution,
comporte un champ d'intervention très large pour cette Assemblée
nationale et pour le gouvernement qui en dépend.
L'indépendance du Québec existe déjà dans
une large mesure. Faire croire que nous ne pouvons plus rien faire sans ramper
devant le pouvoir fédéral, je pense que c'est se livrer à
des considérations psychodramatiques qui n'ont rien à voir avec
un examen loyal de la situation. La constitution actuelle est imparfaite, mais
il est tout à fait possible de la modifier ou même d'en chercher
l'abrogation en ce qui touche le Québec par des voies
démocratiques. La preuve en est que bien des événements se
sont produits encore ces dernières années qui témoignent
de la haute mesure de liberté dont nous jouissons dans ce pays.
L'élection, en novembre 1976, d'un gouvernement formé par un
parti d'orientation carrément souverainiste est le plus bel exemple
qu'on puisse trouver du genre de liberté politique qui existe dans ce
pays. Nommez les pays au monde où par le processus strictement
démocratique, on aurait pu non seulement assister à
l'élection d'un gouvernement d'inspiration souverainiste, dont
l'orientation même met en question l'unité et
l'intégrité d'un pays. Nommez-moi un autre pays où on
aurait pu voir ce gouvernement fonctionner pendant trois ans.
Je reconnais que le gouvernement a respecté la constitution du
pays. Là, il y avait un cas où elle n'avait pas été
respectée et il a respecté le processus judiciaire. Je dirai
tantôt que j'ai apprécié la célérité
avec laquelle le gouvernement a agi et le gouvernement va se rendre compte que
nous ne lui ferons pas de difficulté dans l'adoption du projet de loi
qui est présenté ce soir parce que je considère que, dans
l'ensemble, même si je ne souscris pas aux propos du ministre d'Etat au
développement culturel, le projet vise loyalement et honnêtement
à donner suite à l'arrêt de la Cour suprême.
Mais, ceci étant dit, je dis que nous avons dans ce pays, en
vertu de la constitution actuelle, des libertés considérables. On
nous annonce la tenue du référendum. Je ne sais pas s'il aura
lieu avec toute cette cascade d'événements qui sont en train de
se produire. Il y en a qui seront peut-être obligés de rajuster
leur échéancier. Mais, je vous dis pour qu'un gouvernement puisse
préparer démocratiquement un référendum dont
l'effet pourrait être dévastateur pour l'unité du pays,
comme nous le connaissons actuellement, il n'y a pas beaucoup de pays au monde
qui permettraient que cela se fasse, sans que cet appareil répressif
dont on a parlé tantôt, et oppressif, soit déjà
intervenu depuis longtemps. C'est bien beau de se gargariser de mots, mais il y
a une limite.
Je pense que je n'ai pas besoin de faire d'autres commentaires
là-dessus, c'est l'évidence même. Les choses les plus
difficiles à démontrer sont souvent les évidences, ce sont
les plus difficiles à percevoir par certains esprits. N'importe quel
professeur de logique vous dirait cela.
Si rien n'a progressé depuis 1976 au plan constitutionnel, il est
difficile d'en blâmer quand même les autres gouvernements, et
même le gouvernement fédéral. Le gouvernement actuel nous a
dit lui-même qu'il était assis sur son choix, qui nous a
été résumé à la fin du discours du ministre
tantôt. Nous attendons son fameux référendum depuis plus de
trois ans. Il nous avait dit qu'il tiendrait le référendum au
bout d'une année, ensuite au bout de deux ans. Là trois ans sont
écoulés. Cela fera au-delà de trois ans et demi que ce
gouvernement sera au pouvoir lorsqu'il tiendra son référendum.
A-t-il subi des contraintes quelconques? A-t-il été victime de
persécution ou d'obstruction ou d'oppression devant les tribunaux ou
à quelque niveau que ce soit? Est-ce pour cela qu'il n'a pas tenu son
référendum? Parce qu'il avait peur de sa propre option, il ne
savait pas comment la présenter au public de cette province. Venir nous
parler d'oppression et de répression dans ces conditions, c'est d'un
ridicule consommé.
Tant que la constitution n'a pas été modifiée ou
abrogée démocratiquement, elle doit être observée et
respectée, surtout par ceux qui ont la charge de la faire observer par
les autres. On a eu des exemples, ces derniers temps dans cette Chambre, de
situations où le gouvernement était tenu par les faits d'appeler
des citoyens au respect de la loi. Il l'a fait, nous l'avons d'ailleurs
secondé dans cet effort. Elle s'applique également au
gouvernement, de toute évidence, cette obligation. Je tiens à
souligner à cet égard que les tribunaux sont les gardiens de la
constitution dans une société démocratique. Ils ne sont
pas et je le souligne à l'intention du ministre d'Etat au
développement culturel le bras séculier du pouvoir
fédéral, comme il aime l'appeler. Ils sont une institution dont
l'indépendance est reconnue et dont il serait très facile de
démontrer, à l'aide de nombreux exemples, qu'ils ont fait la
preuve au Canada, et au Québec en particulier, ces dernières
années, de leur indépendance vis-à-vis du pouvoir
politique.
Je pense que ceux qui disent que, d'un côté, ils se
soumettent à la loi des tribunaux et qui, de l'autre côté,
tiennent des propos qui font tout pour déprécier les tribunaux
dans l'estime de leurs concitoyens, font preuve d'un illogisme, d'une
incohérence pour employer une expression chère au ministre
qu'ils feraient bien de corriger avant de prétendre imposer leur
propre cohérence à tout le monde, cohérence très
artificielle d'ailleurs.
Troisième point. Où ai-je mis mes autres feuilles? Non, je
n'en ai pas besoin elles sont déjà dites, d'ailleurs. Je peux
continuer, j'ai un souci de cohérence.
Troisième point, la responsabilité du gouvernement dans
les événements qui se produisent aujourd'hui est très
importante. Ou le gouvernement a agi de manière incompétente, et
alors il faut l'en blâmer sérieusement. Il avait été
prévenu à l'époque. Je me souviens que beaucoup
d'observateurs et de juristes ont prévenu le gouvernement du
caractère très téméraire de cette partie de la
Charte de la langue française qu'il a imposée avec sa
majorité parlementaire à la majorité des citoyens du
Québec. Le gouvernement n'en a pas tenu compte. Ou il a agi de
manière incompétente, ou il a agi en sachant ce qu'il faisait, et
alors il a cherché délibérément à provoquer
un affrontement politique dont il paie aujourd'hui les frais, parce qu'il
s'était imaginé, selon toute apparence, que la situation
politique évoluerait d'une façon très différente de
ce que nous avons connu, au cours des deux dernières années.
Le premier ministre, dont je déplore l'absence de cette Chambre
en ce moment, a reconnu en conférence de presse que le gouvernement
avait des doutes très sérieux sur la validité de la loi
101, au moment où il en imposait l'adoption dans cette Chambre. Mais il
a dit qu'il fallait prendre des risques, vu la gravité de la situation.
Ces risques, dont on nous a parlé tellement souvent, n'ont jamais
été établis ou démontrés de façon
claire et rationnelle. (23 h 40)
Les chiffres indiquent que le pourcentage de la population francophone
au Québec en 1976 était à peu près exactement le
même qu'en 1867 au moment où la Confédération prit
naissance au Canada, c'est-à-dire à peu près 80% de la
population et que le pourcentage de la minorité anglophone ou d'autres
langues était, par conséquent, à peu près de la
même importance. L'observation la plus élémentaire, la
connaissance historique la plus simple établissent hors de tout doute
que le Québec, depuis un siècle, s'est développé
d'une manière formidable, s'est doté de réseaux
d'institutions dans tous les domaines qui assurent aujourd'hui plus que jamais
la pérennité de son caractère français, la
solidité de son caractère français également.
Moi-même, j'ai eu l'honneur, pendant plusieurs années, de diriger
un journal de langue française qui était parmi les meilleurs du
continent, de l'avis de tous les observateurs impartiaux. Nous n'avons pas fait
ce journal à coups de drapeaux, nous ne l'avons pas fait à coups
de refrains patriotiques; nous l'avons
fait à coups de travail, à coups de précision,
à coups de rigueur. Nous ne passions pas notre temps à regarder
dans le jardin du voisin. Nous en avons fait un journal qui a été
beaucoup amélioré an cours des années où je l'ai
dirigé; d'autres le continuent aujourd'hui et ils n'ont pas besoin de la
loi 101, ils n'ont pas besoin de toutes ces mesures vexatoires, que le
gouvernement actuel a multipliées pour développer leur propre
affaire. C'est une affaire de travail, c'est une affaire d'esprit de
concurrence, de compétition, d'initiative. C'est ce qu'on a trop souvent
oublié. On pouvait très bien établir la priorité du
français dans cette province sans qu'il soit nécessaire de
provoquer ce conflit articifiel et coûteux avec l'article 133 de la
constitution du Canada.
Quatrième observation: la décision de la Cour
suprême n'enlève rien au français dans cette province. Elle
n'entraîne aucunement le Québec sur la voie du bilinguisme
généralisé dont a parlé le ministre d'Etat au
Développement culturel. Elle embrasse deux secteurs très
nettement délimités: la langue de l'Assemblée nationale,
des lois et des règlements et, deuxièmement, la langue des
tribunaux et des procédures judiciaires. Même dans ces secteurs,
elle crée certaines obligations, elle rappelle certaines obligations
avec lesquelles nous avons vécu depuis 1867, qui ne nous ont aucunement
empêchés de nous doter d'un système parlementaire
légal très différent de ceux des autres provinces,
très caractéristique de notre culture. Je ne pense pas que, si,
aujourd'hui, nous siégeons en français dans cette
Assemblée nationale, la loi 101 ait eu quoi que ce soit à faire
avec cela. Cela existait bien longtemps avant la loi 101 et cela existera bien
longtemps après que nous serons débarrassés du
gouvernement actuel.
La décision de la Cour suprême n'interdit aucunement au
Québec de promouvoir une raisonnable priorité du français
dans cette province. Je réaffirme, au nom de mon parti, que le
Québec peut et doit être français, mais qu'il peut et doit
être français dans le plein respect des droits constitutionnels de
sa minorité anglophone et des droits de ses autres minorités.
C'est ça, le véritable réalisme en matière
linguistique.
Cinquième point: la décision de la Cour suprême et
les conséquences qui en découlent démontrent combien il
est important d'enchâsser dans un texte constitutionnel certains droits
linguistiques auxquels une société tient par-dessus tout. Les
lois statutaires sont capricieuses et périssables. La loi 23,
adoptée par le Manitoba en 1890, paraissait éternelle; elle vient
d'être annulée par un arrêt du plus haut tribunal du
pays.
Des Voix: Ah! Ah! Ah!
M. Ryan: Riez si vous voulez, je vais vous donner d'autres
exemples. La loi 63, adoptée par cette Législature vers 1969, est
disparue quelque temps après. La loi 22, adoptée sous le
gouvernement d'un parti auquel je suis honoré d'être
associé, est disparue. Le gouvernement nouveau, du jour, a
décidé qu'il n'y avait rien de bon là- dedans et l'a
refaite au complet avec l'esprit jacobin qui le caractérise souvent. La
loi 101 commence déjà à subir des entailles importantes.
Vous savez qu'il y a d'autres dispositions de la loi 101 qui sont
présentement contestées devant les tribunaux, et qu'il y en a
d'autres qui ne sont pas appliquées à Montréal, pendant
qu'on vient nous dire, dans des rapports soi-disant savants, que personne n'est
mécontent, que tout le monde est maintenant satisfait.
On a le front de venir nous dire qu'aucune entreprise n'a même
quitté le Québec à cause de cette loi. Ceux qui tiennent
ce langage sont coupés d'avec la réalité concrète,
M. le Président. De toute manière, l'expérience enseigne
à l'abondance que les lois statutaires sont caduques et
périssables. Une loi constitutionnelle est, par définition,
beaucoup plus stable, beaucoup plus durable.
L'enchâssement de certains droits linguistiques fondamentaux est
un objectif que poursuit le Parti libéral du Québec mais auquel a
refusé de souscrire le gouvernement actuel depuis qu'il est au pouvoir.
Le gouvernement actuel a préféré mettre de l'avant une
formule d'accords de réciprocité entre gouvernements. Ce genre
d'accord, M. le Président, est encore plus caduc et périssable
que les lois statutaires parce qu'il ne dépend même plus, dans
bien des cas, de la volonté d'un Parlement mais de celle d'un
gouvernement. On sait que les volontés des gouvernements sont encore
plus mobiles et changeantes que celles des législatures, lesquelles le
sont encore beaucoup plus que celles d'une constitution, un document
fondamental.
Sixième observation: Parce que nous respectons la loi, pas
seulement quand on est obligé de s'y soumettre, après avoir
essayé d'en comprendre l'esprit, nous avons demandé, dès
1977, lors du débat qui a précédé l'adoption de la
loi 101, que le gouvernement évite d'imposer un texte qui
menaçait de donner naissance à un conflit constitutionnel et
politique grave autour des articles 92 et 133 de la Constitution. Notre
disposition est la même aujourd'hui qu'en 1977. Jusqu'à
modification ou abrogation de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
nous voulons que l'article 133, comme d'ailleurs tous les autres articles de la
Constitution canadienne, soient loyalement et rigoureusement
observés.
D'ailleurs, contrairement aux prétentions qu'on a fait valoir de
l'autre côté de la Chambre, nous considérons que cet
article n'a rien de tyrannique; nous considérons qu'il reconnaît
les droits fondamentaux des citoyens dans deux domaines très intimement
reliés aux libertés inaliénables des citoyens. Si certains
estiment que c'est pour eux une injure que de se faire rappeler ces obligations
définies par l'article 133, libre à eux; mais je tiens à
souligner avec toute la force dont j'en suis capable que nous ne partageons
aucunement cette opinion. S'il fallait souscrire à cette opinion, ce
serait dire que tous les Québécois qui se sont
succédé à la direction de familles, à la direction
d'institutions, à la direction des affaires
gouvernementales, jusqu'à l'avènement du présent
gouvernement, étaient des aveugles, des imbéciles, des gens qui
n'avaient pas le sens de la réalité. Pendant plus d'un
siècle, on a fait fonctionner le Québec avec cette disposition;
il a fallu que ce gouvernement-ci arrive au pouvoir pour essayer de nous faire
croire que c'est une disposition qui était en train d'étouffer
notre existence collective. Quelle prétention coupée de la
réalité!
D'autre part, M. le Président, je considère que l'article
133, dans sa forme actuelle, est discriminatoire à l'endroit du
Québec parce que le Québec est la seule province pour laquelle il
crée des obligations spéciales en matière de langues
devant être employées dans sa Législature et devant ces
tribunaux. Lors des travaux de la révision constitutionnelle, notre
parti travaillera à ce que cet article, ou une disposition semblable,
s'applique aussi à tous les autres gouvernements provinciaux et,
à tout le moins, pour commencer, aux gouvernements des provinces qui
étaient visées dans la Charte de Victoria et aux gouvernements
des provinces qui étaient visées dans la version retouchée
de la Charte de Victoria que le gouvernement fédéral a soumise
à l'approbation des provinces en 1975 et 1976.
Dans la Charte de Victoria je sais qu'il y en a beaucoup qui ne
la connaissent pas il était prévu que dans au moins quatre
autres provinces des dispositions semblables à celles de l'article 133
devraient désormais s'appliquer d'une manière prescrite par la
Constitution. Vous savez que la Charte de Victoria n'a pas connu de lendemain
parce qu'elle a été refusée par le Québec. Ce ne
sont pas les autres provinces, ce ne sont pas les quatres autres provinces
mentionnées dans la Charte de Victoria qui ont refusé cette
disposition particulière de la Charte de Victoria. C'est parce que le
Québec l'a refusée, pour des raisons qui étaient valables
d'ailleurs. (23 h 50)
Quand on veut nous faire croire, quand on sourit narquoisement, de
l'autre côté, et qu'on veut nous dire: Asseyez-vous, il n'y a rien
à faire, je dis qu'on ment, je dis qu'on déforme la
réalité. Il y a des faits historiques qui sont là pour
vérification facile pourvu qu'on veuille aborder le dossier d'une
manière sérieuse et objective.
En tout cas, je signale la position de notre parti sur cette question.
Je tiens à ce que le public sache clairement que si nous sommes
prêts à accepter d'une manière générale les
dispositions que définit l'article 133 de la constitution, nous tenons
également à ce que semblables dispositions s'imposent dans les
autres provinces et surtout dans celles qui ont une minorité
française au moins atteignant un certain seuil et par là, je
vise...
J'en viens, M. le Président, au cas du Manitoba. Un
deuxième arrêt a été rendu aujourd'hui par la Cour
suprême, qui est d'une grande signification politique, surtout pour
l'avenir. Je déplore comme tout le monde et là-dessus, je
me rallie facilement à l'esprit général des propos qu'a
tenus le ministre d'Etat au Développement culturel le retard
lamentable et les pertes irréparables qui sont survenues au Manitoba
à cause de l'extrême lenteur qu'on a mise à contester
devant les tribunaux la loi adoptée par la Législature du
Manitoba en 1890.
Mais, aujourd'hui, en ce jour où le plus haut tribunal du pays a
reconnu le caractère inique et injuste de la loi manitobaine de 1890, je
tiens à féliciter chaleureusement M. Jacques Forest, citoyen de
Saint-Boniface, et les francophones du Manitoba du courage qu'ils ont
manifesté et de la grande victoire qu'ils ont remportée
aujourd'hui auprès du plus haut tribunal du pays. Je les félicite
de leur persévérance.
J'ai eu l'occasion, dans mon travail passé, de visiter
très souvent nos communautés francophones d'un bout à
l'autre du Canada. Je sais les luttes qu'elles ont faites. Je veux les assurer
ce soir de notre entière solidarité avec elles dans les luttes
qu'elles continueront de mener pour la reconaissance de leurs droits
linguistiques fondamentaux. Je souligne que, dans le cas du Manitoba, le texte
constitutionnel, c'est-à-dire la loi constitutive de 1870, a fini par
prévaloir sur le texte statutaire de 1890, ce qui prouve, encore une
fois, la validité de l'opinion que j'émettais tantôt,
à savoir la supériorité d'un texte constitutionnel sur un
texte statutaire.
Je souligne, M. le Président, toujours à propos de
l'affaire manitobaine, que M. Jacques Forest est venu travailler avec ceux qui,
au Québec, en appelaient auprès des tribunaux de la loi 101, et
je souligne que le gouvernement conservateur du Manitoba, qui voulait maintenir
le statu quo créé par la loi de 1890 s'est associé au
gouvernement du Québec dans la défense de la loi 101 et c'est
peut-être pour cette raison que, quand nous avons parlé de Jacques
Forest tantôt et de la victoire formidable qu'il a remportée
aujourd'hui, il n'y a personne qui a applaudi de l'autre côté de
la Chambre, M. le Président.
Je comprends leurs alliés. C'est un spectacle qui m'a
attristé. J'emploie une expression un peu plus émotive en ce
moment, mais j'ai été attristé de cette
indifférence qui a été manifestée de l'autre
côté envers ce qui s'est passé du côté du
Manitoba aujourd'hui.
J'espère, M. le Président, que le gouvernement du Manitoba
voudra se plier avant autant de loyauté que le gouvernement du
Québec à l'arrêt qui a été rendu par la Cour
suprême. C'est cela, une société démocratique. C'est
une société qui, en fin de compte, malgré tous les
désaccords et toutes les virulences verbales dont on peut s'offrir le
luxe, est capable lorsqu'une décision a été rendue de se
lever et de dire: Nous allons respecter la décision rendue par
l'autorité légitime jusqu'à ce que nous ayons obtenu par
des voies démocratiques les changements que nous espérons. Je
souhaite, par conséquent, que le gouvernement du Manitoba soit aussi
prompt que celui du Québec à donner suite à la
décision rendue aujourd'hui par la Cour suprême.
Je signale, M. le Président, que d'autres parties de la loi 101
sont présentement contestées
devant les tribunaux et encore davantage dans certains secteurs
très importants de l'opinion québécoise. Je souligne que
le gouvernement aurait intérêt à réexaminer ces
parties de la loi 101 au lieu d'aboutir à d'autres désaveux
cruels comme celui qui est survenu aujourd'hui.
L'expérience enseigne, M. le Président,
l'efficacité douteuse, les effets déchirants et divisifs des lois
linguistiques à caractère trop universel et contraignant. Les
lois linguistiques, pour être efficaces et démocratiques, doivent
procéder sur une base de consensus, c'est-à-dire reposer sur le
consentement de tous les secteurs importants de la population auxquels elles
sont destinées. Parmi ces secteurs de la population qui doivent
être partie intégrante du consensus dont je parle, il y a,
évidemment, les groupes minoritaires. C'est bien facile de
définir une démocratie par le respect et l'exécution de la
volonté de la majorité, mais la qualité d'une
démocratie se mesure au sort qu'elle fait à ses minorités.
L'autre est beaucoup trop facile, il s'agit de compter les têtes, de
mettre un fusil ou n'importe quoi dans les mains de chacun. Si vous êtes
25, c'est facile d'avoir raison de 5 ou 10. C'est tellement évident
qu'encore une fois, cela se passe de démonstration. Mais, encore une
fois, la véritable qualité d'une démocratie se mesure
à la qualité du sort qu'elle fait à ses minorités.
Si l'on veut mesurer la qualité du sort fait aux minorités, on
n'a qu'à écouter les minorités. N'écoutons pas la
majorité dans ce temps. Avez-vous déjà vu une
majorité être un juge impartial du traitement qu'elle accorde
à ses minorités? Laissons parler les minorités si nous
voulons savoir dans quelles conditions elles sont placées exactement par
les actes et les décisions de la majorité.
Nous avons eu récemment une indication très claire. J'ai
entendu le premier ministre dire dans cette Chambre qu'il n'en tirait aucune
leçon. Dans le comté de D'Arcy McGee, une trentaine de mille
électeurs se sont présentés aux urnes le 26 novembre
dernier; 791 ont voté pour le gouvernement. C'est le pire désaveu
qu'un gouvernement ait jamais subi. Nous, de notre côté, nous
avons présenté notre programme en matière linguistique, le
même dans D'Arcy McGee, le même dans Notre-Dame-de-Grâce, le
même dans Argenteuil, le même dans Maisonneuve, le même dans
Jean-Talon, le même dans Beauce-Sud et mes collègues qui ont
été élus ces dernières semaines le savent
très bien. Nos concitoyens ont très bien compris ce message. Ils
ne veulent pas de ces mesures linguistiques tâtillonnes,
étouffantes. Ils veulent un régime dont je vous dirai les grandes
lignes dans quelques minutes, M. le Président.
Je répète que les lois linguistiques, pour être
durables et efficaces, pour être des facteurs de concorde parmi les
citoyens, de collaboration, d'intégration véritable doivent
être des lois à caractère beaucoup plus consensuel que
certaines lois qu'on nous a imposées dans un climat de
précipitation et d'imposition des volontés majoritaires depuis
quelques années. Depuis quand la volonté majoritaire est-elle le
critère ultime pour décider des droits des minorités?
C'est la doctrine la plus barbare que j'ai entendue depuis que je suis dans la
vie publique.
Des conceptions profondes, des divergences de perception de la
réalité très profondes séparent l'autre
côté de la Chambre de celui-ci. C'est peut-être bon pour la
vitalité du processus démocratique. A l'occasion d'une
expérience comme celle que nous faisons aujourd'hui, c'est
peut-être opportun de rappeler sur quels points des divergences profondes
nous séparent malheureusement de nos amis de l'autre côté
de la Chambre. Je voudrais leur dire à ce sujet que si nous pouvons
chercher certains rapprochements et ramener le débat politique autour
d'autres enjeux économiques, sociaux, etc., cela fera beaucoup de bien
à l'unité et à la vitalité de cette
société. C'est surtout à son pouvoir assimilateur,
c'est-à-dire à sa capacité d'intégrer heureusement
dans son sein des éléments nouveaux dont elle a tellement
besoin.
Nous sommes séparés par des perceptions différentes
de la réalité québécoise. Nos amis de l'autre
côté de la Chambre continuent de parler du Québec comme
d'une société qui serait, à toutes fins utiles,
entièrement française. Nous percevons le Québec comme une
société beaucoup plus diversifiée que nos amis d'en face
ne veulent l'admettre, surtout dans la région de Montréal. Je n'y
puis rien, M. le Président. C'est une réalité que vous
pouvez constater comme moi. Nous avons, dans l'agglomération de
Montréal, une population d'environ 2 500 000. (Minuit)
Là-dessus, vous avez 800 000 personnes qui n'ont pas le
français comme langue principale et vous en avez les deux tiers qui ont
le français comme langue principale. Ce n'est pas de votre faute, ce
n'est pas de la mienne. Quand on nous dit: On va faire de Montréal une
ville exactement à l'image de Toronto, on est complètement en
dehors de la réalité. C'est facile de se gargariser de slogans
comme cela. Faisons donc un peu plus d'analyse, examinons le contenu de la
réalité, essayons donc d'adapter les mesures gouvernementales aux
réalités sociales, humaines et culturelles. Cessons de vivre dans
des synthèses coupées du réel, dans des synthèses
inventées dans des chapelles doctrinaires et dogmatiques. Cela est un
premier point qui nous sépare profondément de nos amis d'en face
et je le regrette, mais je les assure que nous n'abandonnerons pas notre
perception de la réalité. Je le professe moi-même depuis
des années, c'est une des raisons pour lesquelles on m'a invité
à militer dans le parti que j'ai l'honneur de diriger aujourd'hui. Je
peux vous assurer que nous allons continuer de dire à la population du
Québec que nous l'acceptons comme l'histoire nous l'a donnée
comme elle est, et non pas comme nous voudrions qu'elle fût selon nos
schèmes préconçus.
Perception très différente du rôle de l'Etat, en
particulier, des rapports entre majorité et minorité, entre
droits individuels, libertés personnelles et droits collectifs. Je n'ai
pas le temps de m'étendre sur cette question ce soir, j'en ai
parlé abondam-
ment depuis un an et demi, je vais continuer d'en parler
évidemment, parce que c'est la pierre d'assise d'une
société démocratique. J'ai constaté à
maintes reprises, surtout entre le ministre d'Etat au développement
culturel et ce côté-ci de la Chambre l'existence de fossés
profonds. Je le regrette d'autant plus que le ministre d'Etat est un ami
personnel depuis au-delà d'une trentaine d'années et que sur le
plan strictement personnel, je n'ai jamais eu aucun sujet de différend
avec lui; c'est un homme courtois dont je reconnais l'amabilité, mais
dès qu'il revêt sa redingote de ministre, il m'inquiète.
Perception très différente de toute cette question des rapports
entre droits collectifs et libertés individuelles.
Troisièmement, perception très différente du
rôle de l'Etat dans le domaine de la langue et de la culture, conception
beaucoup plus dirigiste de ce côté-là de la Chambre,
conception beaucoup plus respectueuse de la libre détermination des
individus et des groupes de notre côté de la Chambre.
Quatrièmement, perception très différente du
degré de développement historique de notre population et des
perspectives d'avenir qui s'ouvrent devant elle. De l'autre côté
de la Chambre, j'ai observé très souvent, surtout dans les
documents officiels, comme ce fameux article intitulé comment
s'appelle-t-il l'article dans l'Almanach du peuple l'heure du choix, "Le
Québec à l'heure du choix", vision extrêmement pessimiste
et noire. Le document d'Egal à égal qui a
précédé le dernier congrès du Parti
québécois, un présumé de notre histoire qui a
été écrit avec du vinaigre de toute évidence, peu
conforme à une expérience que nous avons quand même
vécue nous-mêmes. Nous en sommes de cette histoire, nous en sommes
sortis nous-mêmes. Nous l'avons faite depuis dans mon cas
au moins 35 ans. Je n'ai pas passé mon temps à broyer du noir
quand je dirigeais un journal, quand je dirigeais des mouvements et des
organismes de toutes sortes. Nous en avons été et nous en sommes
de cette société.
Je vous dis encore une fois que je n'accepte pas cette version
pessimiste de notre passé et cette vision pessimiste de notre avenir. On
voudrait nous faire croire que pour le Québec, de demeurer dans un
régime fédéral, ce sera le tombeau de sa culture, un
facteur d'ensevelissement. Je n'en crois rien, je ne souscris aucunement
à cette vision pessimiste de notre histoire. Je respecte la vision qu'on
nous présente de l'autre côté et je voudrais, quand on
s'inscrit en désaccord avec nous, qu'on cesse de nous abreuver de cette
litanie de qualificatifs péjoratifs qui n'ont rien à voir avec un
véritable dialogue démocratique. J'inscris mon désaccord
en toute simplicité, en toute franchise. Je pense que cela est bon que
ce le soit. Je dis que si nous ne nous entendons point sur
l'interprétation à donner à un arrêt comme celui de
la Cour suprême aujourd'hui, c'est parce que ces différences
profondes nous séparent dans la perception de la réalité,
dans l'interprétation de l'histoire, dans la vision des perspectives
d'avenir. Je voudrais...
M. Lavoie: II reste quinze minutes.
M. Ryan: Je voudrais indiquer brièvement, avant de
conclure, les perspectives d'avenir linguistique au Canada et au Québec,
selon la vision que nous en avons, selon la direction dans laquelle nous
travaillons d'ores et déjà et dans laquelle nous entendons
continuer à travailler au cours des années à venir.
D'abord, inutile de vous dire que nous entendons continuer de travailler
afin que le Québec décide de continuer à se
développer à l'intérieur d'un régime
fédéral canadien renouvelé. C'est une proposition de base
qui nous distingue du parti gouvernemental et inutile de vous dire que nous
entendons continuer à la promouvoir avec toute la fermeté
nécessaire. Nous ferons connaître au cours des prochaines
semaines... Il arrive un accident de parcours aujourd'hui, le renversement du
gouvernement fédéral, à Ottawa, nous examinerons si c'est
une bonne chose de publier nos propositions pendant une campagne
électorale.
Une Voix: ... Bof!
M. Ryan: Nous verrons. Ils nous le demanderont. J'espère
que le gouvernement n'adoptera pas de loi sur ces questions. Nous prendrons nos
décisions et nos concitoyens nous jugeront. Le document est prêt
et par un concours de circonstances qui témoigne de l'unité dont
nous jouissons au sein de notre parti, il n'y a eu aucun coulage jusqu'à
maintenant.
Ceci étant dit, dans notre plan d'action pour l'avenir, nous
entendons travailler à l'insertion dans la future constitution
canadienne de certains droits fondamentaux, incluant évidemment certains
droits linguistiques. Il n'est pas question d'inclure dans une constitution
toute la gamme des droits linguistiques. Vous verrez pourquoi tantôt. Il
y a certains droits fondamentaux comme, par exemple, le droit d'un enfant de
langue maternelle française ou de langue maternelle anglaise à
l'instruction dans sa langue maternelle partout à travers le Canada.
C'est un droit que nous voudrions voir enchâsser dans une constitution et
non pas être soumis au diktat du ministre d'Etat au Développement
culturel ou aux décisions capricieuses et changeantes de
l'Assemblée nationale, même du Québec. C'était un
premier point.
D'autres droits fondamentaux seront aussi inscrits dans la future
constitution du pays, si cela dépend de nous. Il faut faire un choix de
ce côté, il faut accepter à un moment donné ou
refuser, selon la philosophie dont on s'inspire, que dans une
société démocratique, les tribunaux soient l'organisme
suprême d'interprétation des lois. Nous sommes prêts
à accepter ce pari même si d'autres gouvernements le refusent
totalement pour des raisons qui nous paraissent plus futiles, et fort
discutables à tout le moins, qu'on ne semble le penser.
Deuxièmement, nous continuerons de militer pour que
l'égalité des deux langues soit reconnue
dans les services et les institutions du gouvernement
fédéral de ce pays. Nous avons déjà le principe
très bien inscrit dans les lois du pays, grâce à la loi des
langues officielles adoptée en 1969, je tiens à le dire devant
cette Chambre, est un modèle d'équilibre, de clarté et de
générosité bien compris. Un modèle d'audace
également. On n'a pas eu peur, parce qu'on reconnaissait les deux
langues officiellement au plan fédéral, qu'il en résulte
un genre de mélange, de confusion intellectuelle dont on a entendu
parler tantôt. Le monde actuel ne pourrait pas fonctionner si la
moitié des postulats que j'ai entendu énoncer était
fondée. Nous évoluons vers un ordre de choses où les
multiples seront de plus en plus nombreux et tous ceux qui atteignent un
certain stade de responsabilité, pas tellement élevé,
auront à fonctionner dans plus d'une langue. Cessons de nous faire des
peurs de Bonhomme Sept Heures avec ces questions, acceptons donc une fois pour
toutes le véritable défi de l'Amérique du Nord et de la
réalité contemporaine.
Nous continuerons de militer pour que l'égalité des deux
langues soit reconnue au niveau du gouvernement fédéral et de
toutes ses institutions. Inutile de vous dire que nous insisterons pour que cet
objectif soit inscrit à l'état de norme fondamentale dans la
future constitution du Canada.
Troisièmement, nous insisterons sur la liberté, pour
chaque province, d'établir sa politique linguistique dans les domaines
de sa compétence, étant saufs, évidemment, les droits
fondamentaux qu'aura définis la constitution. Sur la base de ce plancher
nécessaire pour tous nécessaire pour tous, je le proclame
avec beaucoup de fermeté nous reconnaîtrons la
liberté des provinces de définir elles-mêmes, dans leur
domaine, leur politique linguistique. (0 h 10)
En ce qui touche le Québec, notre politique consistera à
promouvoir d'abord la priorité du français dans tous les secteurs
de l'activité collective mais, en même temps, la reconnaissance
raisonnable et explicite des droits de la minorité anglophone et des
autres groupes minoritaires dans toute la mesure où ils ne viendront pas
contredire l'objectif énoncé juste avant celui-ci,
c'est-à-dire la priorité raisonnable de la langue
française. Inutile de vous dire que nous aurons à apporter des
améliorations au texte législatif que nous avons
actuellement.
L'autre jour, le premier ministre me demandait de préciser le
type de changements que nous voudrions apporter à la loi 101. Je l'ai
fait depuis deux ans, continuellement, sur toutes les tribunes à travers
le Québec. On m'a demandé parfois, quand je m'adressais à
des auditoires anglophones: Dites-vous ces choses quand vous allez dans
Beauce-Sud? Les dites-vous quand vous allez dans Rimouski, dans Hauterive, dans
à peu près tous les comtés représentés de
l'autre côté de la Chambre depuis quelques mois? M. le
Président, je tiens exactement le même langage partout; je le
tiens en anglais devant des auditoires anglophones; en français devant
des auditoires francopho- nes; en italien devant des auditoires italiens et si
je ne le fais pas en grec, c'est parce que je n'ai pas eu le temps d'apprendre
le grec jusqu'à maintenant. La tâche de l'homme public n'est pas
d'arriver avec sa redingote de ministre et de dire; Je m'en viens vous parler
dans la langue officielle. C'est de parler la langue des citoyens, M. le
Président; c'est cela la responsabilité d'un homme politique.
Nous travaillerons à restaurer le libre accès des enfants
de langue maternelle anglaise à l'école anglaise, sans
égard à l'école fréquentée par leurs parents
ou au lieu de leur naissance. Ce sont des facteurs secondaires. Les enfants de
langue maternelle anglaise auront accès à l'école
anglaise. Notre régime est le suivant: L'école française
commune pour tous, avec exception pour les enfants de la communauté
anglophone. On n'est pas pour commencer à faire de nouvelles
distinctions: Toi, tu es né à Oxbury, toi tu es né
à Grandville, toi tu vas aller à l'école... Voyons donc!
Pas d'affaires comme cela!
Deuxièmement, droit de s'adresser à l'administration
publique dans sa langue pour l'anglophone. Oui, M. le Président! Et
droit d'être servi dans sa langue par l'administration publique. Dans
notre loi actuelle, je crois que nous reconnaissons le droit de s'adresser
à l'administration publique en anglais. Il n'y a aucune obligation
correspondante pour l'administration publique, tout est laissé vague,
tout est laissé à la discrétion du ministre et de ses
collaborateurs. Il faudrait préciser ces choses-là. Le droit
à des services sociaux et sanitaires dans leur langue; le droit à
l'affichage commercial public dans leur langue. Nous maintiendrons l'affichage
français obligatoire. C'est important! Il y en a qui n'avaient pas
compris, c'était déjà dans la loi 22. Nous n'entendons
aucunement abroger l'obligation défaire l'affichage public en
français, mais quand on est rendu à interdire l'usage d'une autre
langue dans l'affichage public, une fois que les droits de la majorité
ont été respectés, là je dis que le souci
d'esthétisme dépasse les bornes du raisonnable. Laissez donc
l'intelligence des gens se charger du reste, M. le Président. En tout
cas, nous autres, nous y verrons humblement.
En conclusion, nous voterons pour le projet de loi no 82 qui corrige, en
bonne partie, la situation qui est venue réprouver l'arrêt de la
Cour suprême rendu aujourd'hui. Ce projet nous inspire des doutes quant
à la méthode dont il s'inspire. Nous avions recueilli, au cours
de la journée, des opinions juridiques. On nous disait que d'autres
méthodes s'imposaient peut-être pour une application
rigoureusement étanche, à l'abri de toute nouvelle contestation
éventuelle de la décision de la Cour suprême. Nous
espérons que le gouvernement a fait son travail comme il faut cette
fois-ci et qu'il n'a pas consulté un cercle limité de juristes
mais a cherché à élargir l'éventail afin
d'éviter que nous nous retrouvions dans la même situation.
Je serai très heureux, d'ailleurs, si on veut nous fournir non
seulement des précisions au sujet des juristes qu'on a consultés,
mais surtout
les textes d'opinions qu'on a reçues, cela nous rassurerait de
notre côté. Malgré ces doutes, je tiens à
énoncer, en laissant la responsabilité des conséquences
aux auteurs du projet de loi, je crois devoir répéter ce que j'ai
dit tantôt: Ce projet de loi nous paraît avoir été
inspiré par un esprit de bonne foi, par un souci loyal du gouvernement
de se conformer à une décision qu'il n'accepte pas
intellectuellement, et c'est son droit. Je pense que le geste que fait
aujourd'hui le gouvernement, s'inscrit dans la ligne de celui qu'il invitait
les citoyens à faire récemment et, encore une fois, nous serons
très heureux de l'appuyer de nouveau dans cette voie.
M. le Président, ce geste que nous posons ce soir est un premier
pas vers le rétablissement, dans notre société, d'une
situation d'équité linguistique; l'objectif premier en
matière linguistique, est, à mon sens, l'équité
avant celui de l'affirmation catégorique et aveugle de telle ou telle
collectivité.
Je pense que l'objectif premier d'un gouvernement, en ces
matières comme dans les autres, c'est l'équité. Quand un
gouvernement a été vraiment équitable, même s'il n'a
pas répondu à toutes les normes des sociétés
patriotiques, il a peut-être fait un travail plus durable, plus efficace
et plus véritablement démocratique.
La population du Québec a toujours été fière
de sa langue et de sa culture et de ses institutions et de ses façons
caractéristiques de percevoir la vie, de s'exprimer. Elle le demeure et
j'ose espérer qu'elle le demeurera encore longtemps par-delà les
volontés changeantes des gouvernements et des textes capricieux et
mobiles des lois qu'ils font adopter par le Parlement. Cette population a
toujours été aussi respectueuse, profondément
respectueuse, de sa minorité linguistique et aujourd'hui, de ses
minorités linguistiques. Elle eut longtemps parmi ses titres de gloire
celui d'être la province du Canada où sa minorité
linguistique était le plus généreusement
traitée.
Encore aujourd'hui, il arrive que sur plusieurs points et ce n'est pas
nécessairement la faute du gouvernement actuel c'est
peut-être parce qu'il n'a pas pu tout effacer d'un trait ce qui
s'était fait de bon auparavant il arrive que sur plusieurs
points, nous sommes en avance sur les autres provinces et j'en suis très
fier, mais sur d'autres points, nous avons reculé ces dernières
années. Il faut être absolument aveugle pour ne pas entendre la
plainte qui monte de plusieurs milieux à ce sujet.
Je vous dis, M. le Président, que nous n'aurons de justice, de
stabilité, d'harmonie et de concorde dans cette société
tant que nous ne voudrons pas refaire nos conceptions dans ces matières
très délicates sur une base beaucoup plus axée vers la
recherche humble, loyale, large, d'un consensus aussi diversifié que
possible et aussi enraciné que possible dans les divers secteurs qui
forment cette population extrêmement riche, aimable, intéressante
de la province de Québec. Je peux vous assurer, M. le Président,
que nous accueillons ce jugement de la Cour suprême avec ouverture et
humilité. Et humilité. Je n'ai pas peur de le dire. Je sais qu'on
fera des gorges chaudes avec cela. Cela ne me fait rien. On ira retrouver nos
amis sur les tribunes publiques. De ce côté-là, on n'a
aucune inquiétude et j'espère que cet esprit nous animera dans
les travaux que nous serons appelés à faire éventuellement
autour de la question linguistique.
Je veux vous assurer et je termine là-dessus que je
n'ai pas d'autres pensées en ces matières que des pensées
de paix et de respect.
Le Président: M. le chef de l'Union Nationale, vous avez
maintenant la parole.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, je voudrais, en quelques mots,
aborder le problème qu'on nous présente aujourd'hui de
façon modérée, de façon raisonnable, avec le gros
bon sens des gens de chez nous. J'ai cherché un peu ce que j'avais dit
à l'occasion de l'étude de la loi 101. Je veux au début
regarder ma première citation que j'ai dite à l'époque.
J'avais dit sur la question de la langue: "Plus jamais la question de la langue
ne devra chez nous, au Québec, diviser et opposer les citoyens les uns
les autres." Je souhaitais au début de mon discours de deuxième
lecture qu'on puisse en venir à un consensus entre des
Québécois de bonne volonté pour régler des
problèmes et les régler d'une façon définitive afin
que nous n'ayons plus à revenir sur cette question de la langue et
à en faire encore une fois une bataille pour diviser des
Québécois de chez nous.
Je disais aussi, M. le Président: "Plus jamais, que ce soit au
niveau de la législation et' de la justice, de l'administration publique
ou parapubli-que, du marché du travail, du commerce et des affaires ou
au niveau de l'enseignement, plus jamais le Québec ne devra offrir un
visage autre qu'essentiellement français. (0 h 20)
Je disais aussi que plus jamais, pour autant, dans la mission d'assurer
le salut du fait français en cette terre d'Amérique, le
législateur n'attaquera les droits acquis historiquement par les membres
de la communauté anglophone vivant au Québec qui, à
l'instar de tous ceux qui vivent au Québec et du Québec, sont des
Québécois à part entière et cela, il ne faut pas
craindre de l'affirmer bien haut.
Il est intéressant de voir un peu ce que les gens ont dit
à cette époque. Je dois vous dire que la question de la langue,
c'est un domaine qui ne peut laisser aucun d'entre nous indifférent.
Voilà un secteur de notre vie nationale qui traite des valeurs
fondamentales de l'homme d'ici. Cette question, M. le Président,
dépasse l'individu en tant que tel. Cette question rejoint une
conscience nationale qui s'affirme de plus en plus chez nous. Si c'est un fait
normal que cette question soit traitée, elle doit l'être en toute
lucidité, avec un souci de réalisme et d'équité,
dans un climat de sérénité.
La question de la langue avait été oubliée un petit
peu au cours des deux dernières années, parce qu'on avait
réussi à s'occuper d'autre chose, à trouver une
façon de vivre avec une loi que des gens n'aimaient pas, bien sûr,
que des gens avaient le droit de contester et qui, aujourd'hui, revient devant
nous. J'espère, M. le Président, que nous pourrons trouver une
réponse définitive à ce problème, régler, au
cours des quelques semaines qui vont suivre, certains autres problèmes
qui pourraient survenir et faire en sorte, ensuite, que nos
Québécois puissent vivre ensemble, au Québec, sans se
chicaner, sans se diviser, sans se batailler avec les questions de la
langue.
L'émotion qui étreint chaque Québécois
lorsqu'il traite de la politique de la langue ne doit pas prendre le dessus sur
la volonté de légiférer avec responsabilité et bon
sens. M. le Président, cette volonté normale et légitime
d'affirmation de la langue française doit se faire, à mon avis,
dans le respect et la reconnaissance de la communauté anglophone du
Québec. Je redis aujourd'hui ce que je disais il y a deux ou trois ans:
Cette communauté anglophone, qui est ici depuis deux siècles, a
ses institutions propres, ses traditions et sa culture. Notre souci de
reconnaître la communauté anglophone au Québec n'a jamais
été et n'en est pas un de générosité, mais
c'est un souci de justice et d'équité.
Je me souviens, lorsque nous avions discuté cette question de la
langue, lorsque nous avons déposé, en commission parlementaire,
ce que nous appelions notre contreprojet de loi à la loi 101, notre
livre bleu, il y avait beaucoup d'amendements que nous avions
suggérés au ministre. Je me souviens d'avoir discuté avec
le ministre d'Etat au Développement culturel, qui me disait à
l'époque que, dans le fond, il avait un choix à faire
vis-à-vis de la langue de la législation et de la justice,
justement celle qui est touchée par le jugement de ce matin de la Cour
suprême. Il disait: II y a une décision juridique que nous devons
prendre ou une décision politique. Je me souviens de ses mots. Je
l'entends encore aujourd'hui nous dire que le Parti québécois,
comme gouvernement du Québec, avait décidé de prendre une
décision politique et de prendre le risque que cette partie de la loi
soit contestée devant les tribunaux.
Ce qui devait arriver est arrivé. Au-delà des querelles
idéologiques et des batailles de mots, on devait finalement assister
à une confrontation judiciaire d'interprétation de la
constitution. Les cons-titutionnalistes se retrouvent dans deux camps bien
démarqués quant à l'interprétation à donner
des pouvoirs exclusifs des Législatures provinciales contenus à
l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique,
particulièrement au premier alinéa qui reconnaît le pouvoir
exclusif aux provinces de modifier leur constitution avec la seule
réserve des dispositions relatives à la charge de
lieutenant-gouverneur.
Pour les uns, cet article est total et dominant. Pour les autres,
l'article 92,1 ne prime pas sur l'article 133, lequel traite de l'usage du
français et de l'anglais dans les Chambres du Parlement et devant les
tribunaux du Canada, ainsi qu'à l'Assemblée nationale et devant
les tribunaux du Québec. Les constitutionnalistes-conseils du
gouvernement du Québec ont opté pour le premier camp, alors que,
dans son jugement, la Cour suprême vient de donner gain de cause aux
tenants constitutionnalistes de l'autre camp.
Lors de la publication de notre livre bleu sur la langue,
contre-proposition de l'Union Nationale à la loi 101, au chapitre de la
langue, de la législation et de la justice, l'Union Nationale insistait
sur la nécessité de concilier trois principes.
Le premier, d'ordre linguistique, afin d'assurer la
prééminence de la langue française et respecter
l'état de fait historique de l'usage de la langue anglaise à
l'Assemblée nationale du Québec et devant les tribunaux et autres
organismes judiciaires et quasi judiciaires. Deuxième principe, d'ordre
constitutionnel, celui-là même qui confronte les tenants des deux
camps et fait l'objet de la contestation ou du jugement que nous avons
maintenant de la Cour suprême. Le troisième, d'ordre juridique,
puisque tant au niveau de la langue de la législation qu'au niveau de la
langue de la justice les jugements et les textes de loi intimement
reliés l'un à l'autre, toute option linguistique doit tenir
compte du fait que les droits des parties aux prises avec un litige peuvent
être affectés.
D'autre part, tout au long du débat sur la question linguistique
l'Union Nationale a montré un souci de la communauté anglophone
du Québec quant au recours, dans leur langue, à des outils aussi
universels que la législation et la justice. De fait, nous vivons dans
un système de droit mixte qui tient ses origines à la fois du
droit français et de la "common law". La compréhension des textes
de loi, de la doctrine et de la jurisprudence au Québec exigera toujours
des avocats, qu'ils représentent une personne physique ou morale, une
connaissance du français et de l'anglais suffisamment
élevée pour qu'aucune des parties ne soit pénalisée
par le fait que l'une plaide en langue anglaise pendant que l'autre plaide en
langue française et vice versa.
L'Union Nationale adoptait également la thèse
défendue par le Barreau du Québec à l'époque dans
son mémoire à la commission parlementaire sur le projet de loi no
101 relativement aux cas de divergence toujours possibles entre le texte
français et le texte anglais d'un jugement. Aujourd'hui, par le jugement
de la Cour suprême, nous avons une réponse. J'ai
écouté le ministre responsable. Bien sûr, c'était
peut-être politiquement rentable de faire un charriage contre le
gouvernement fédéral ou contre le pouvoir fédéral,
mais il y a lieu de diviser pour les Québécois en tout
honnêteté et surtout avec modération lorsqu'on discute de
cette question de la langue la Cour suprême du pouvoir
législatif fédéral.
Lorsque j'ai entendu le ministre nous dire que par le jugement de la
Cour suprême je le cite "le pouvoir fédéral
obtient ce qu'il recherchait, il réimpose au Québec le joug, le
carcan centenaire dont le Québec s'était débarrassé
en affirmant par
voie législative sa propre identité linguistique et
culturelle", je pense que c'est drôlement charrier dans la mauvaise
direction. Ce jugement de la Cour suprême ne fait qu'entériner un
jugement de la Cour d'appel et de la Cour supérieure du Québec,
de juges québécois, du Québec, qui ont tout simplement
jugé sur les textes de loi. Ce ne sont pas ces gens qui ont voulu mettre
un carcan sur les Québécois, ils n'ont fait qu'interpréter
un texte de loi. Tant et aussi longtemps que nous vivrons dans un pays
démocratique gouverné de la façon qu'il est
gouverné, les juges n'auront qu'à interpréter les textes
de loi.
Je crois que c'est malhonnête de la part du ministre de dire que
c'est le pouvoir fédéral qui nous impose un autre carcan, un
autre joug. Si nous ne sommes pas contents de certaines lois, il y a des
façons de les changer. Il y a des gens qui sont en face de moi et qui,
avant le 15 novembre 1976, n'étaient pas contents de certaines lois au
Québec. Ils se sont présentés, ils ont été
élus pour changer des lois au Québec. Si on n'est pas content
d'autres lois fédérales, il faut se présenter, être
élu on en aura l'occasion au cours des deux prochains mois, je
pense bien et on pourra changer certaines lois qu'on n'aime pas. S'il y
a une constitution que nous n'aimons pas, il y a aussi une possibilité
de négocier avec d'autres provinces et le gouvernement
fédéral pour changer lentement bien sûr, lentement mais
sûrement, des choses que nous n'aimons pas. (0 h 30)
Aujourd'hui, je voudrais demander aux ministériels, de
méditer un peu sur une phrase extraite du manifeste publié dans
Option Québec de M. René Lévesque, premier ministre
actuel, qui disait: "II n'en tiendra plus qu'à nous d'établir,
sans récrimination ni discrimination, cette priorité qu'en ce
moment nous cherchons, avec fièvre mais à tâtons, pour
notre langue et notre culture." Le premier ministre a dit "sans
récrimination ni discrimination". Je crois que lorsqu'on a adopté
la loi 101, on est allé au-delà de ce que le premier ministre
avait demandé de faire. J'aurais aimé que les ministériels
s'en tiennent à ce que leur chef leur a demandé. On n'aurait pas,
aujourd'hui, les problèmes que nous avons avec le jugement de la Cour
suprême et on pourrait, ce soir, passer à d'autres lois.
Bien au-delà de la définition d'une politique
linguistique, ce que nous faisons depuis quelques années, au
Québec, c'est bien la définition politique d'une
société québécoise. C'est ce dont il est question
maintenant. Ne devrait-il pas plutôt y être question d'une
redéfinition de cette société dans le sens d'un projet
collectif des Québécois?
J'aimerais parce qu'on discute de ce problème de la
langue, qui est relié bien sûr à l'avenir collectif des
Québécois, à ce qui nous arrivera si nous devenons
indépendants, si nous avons une nouvelle constitution canadienne, si
nous continuons dans le statu quo, si ce sera la
souveraineté-association à la toute veille de cette grande
discussion que nous aurons, que nous puissions nous élever un peu dans
la discussion et avoir un débat véritablement entre
Québécois de bonne volonté, sans discrimination ni
récrimination, comme disait le premier ministre. Je pense que ce serait
peut-être le temps de profiter de ce débat pour élever le
ton et élaborer tranquillement, entre nous, un projet purement
québécois, au-dessus des lignes de parti. Qu'on arrête de
charrier contre le gouvernement fédéral ou contre d'autres hommes
politiques et qu'ensemble on se mette à la table pour établir
entre Québécois de bonne volonté le minimum vital
essentiel que nous désirons pour le Québec, pour les
Québécois, pour les Québécoises.
Je pense qu'il y a lieu, il y a moyen d'en arriver à un tel
consensus sur le minimum vital essentiel que nous voulons pour notre
société québécoise. Nous pouvons affirmer qu'il
existe une société québécoise et que si elle naquit
un jour et grandit au fil des ans, elle se trouve aujourd'hui en situation de
se redéfinir, en situation de faire le point pour mieux repartir et pour
poursuivre sa trajectoire. Quant à nous, l'Union Nationale, cette
trajectoire, elle la poursuivra régénérée en
elle-même, à l'intérieur d'un Canada redéfini, et
pour vivre la suite de son histoire. Cette redéfinition, comment se
fera-t-elle? Ce projet collectif que je voudrais, pour le Québec, pour
les Québécois et les Québécoises, dans quel climat
sera-t-il défini? Il nous faut y réfléchir en tenant bien
sûr compte d'hier, mais aussi et surtout, quand l'on se
réfère aux études des démographes, dans la pleine
connaissance d'aujourd'hui pour projeter le demain le plus souhaitable. Ce
projet collectif se fera dans un climat serein si nous, premièrement,
les hommes politiques responsables, nous sommes véritablement des hommes
politiques responsables et des femmes politiques responsables en même
temps. Si nous voulons nous élever au-dessus de la petite partisanerie
et essayer, en commun, de trouver ce consensus sur le minimum vital essentiel
que nous voulons comme Québécois et comme
Québécoises.
Cette société à redéfinir, nous ne la
voulons pas fermée et méfiante, toute à la dévotion
d'une ethnie vouée à un culte passionné. Nous la voulons
ouverte, hospitalière et progressiste, où il fera bon vivre,
où, sans exclusion, tous les Québécois sentiront que c'est
là qu'il leur faut vivre et qu'ensemble, fièrement, ils y
vivront. Pour y arriver, il nous faut sortir de nos fibres tout sentiment
violent susceptible de diviser.
Pour arriver à redéfinir cette société, il
nous faut apaiser nos haines, atténuer nos rancoeurs et calmer nos
appréhensions. Il nous faut envisager le Québec dans la
totalité de sa réalité et prolonger la portée du
concept du nationalisme à tous les Québécois, à
tous ceux et celles qui vivent et qui contribuent à son maintien,
à son évolution et à son développement, peu importe
la langue qu'ils parlent au Québec. Il faut, au-delà des origines
ethniques, culturelles et linguistiques, qu'on en vienne à
établir un consensus sur l'appartenance véritable à la
société québécoise. C'est ainsi que nous pourrons
formuler notre projet collectif qui est d'établir ici une authentique
société québé-
coise qui, en fonction du respect mutuel et de la ferme
détermination qui nous animera tous, saura atteindre les objectifs
qu'ensemble tous les citoyens du Québec lui auront fixés. Cette
société devra faire la synthèse de tous les apports
ethniques, culturels et linguistiques du Québec tels qu'ils se trouvent
en ce troisième quart du vingtième siècle et au seuil du
vingt-et-unième siècle.
M. le Président, si je parle de ce projet collectif en parlant de
la question de la langue, c'est que je crois que c'est très relié
ensemble. Ce sont des sentiments qui existent à l'intérieur du
coeur et de l'âme de chaque Québécois et de chaque
Québécoise. Nous, du Québec, situés au confluent
des grandes cultures européennes dans la réalité
contemporaine d'une situation géographique nord-américaine, notre
société devra constituer le point de rencontre, à la fois
des idées et des systèmes tant sociaux, politiques que culturels
en une formule originale et authentiquement québécoise. Cette
société québécoise, dans le respect de ce qui est,
sera riche d'un souffle nouveau et, selon une formule qui aura provoqué
l'adhésion générale, elle saura dorénavant rendre
possible et accessible ce qu'hier encore pouvait nous sembler relever de
l'utopie conférer la dignité d'être à quiconque qui,
de par sa volonté d'être un citoyen à part entière
de cette province, peu importent sa langue et sa culture, aura droit
d'être appelé Québécois. C'est dans cet esprit que
l'Union Nationale a abordé les grands projets qui lui ont
été soumis et c'est dans cet esprit que l'Union Nationale
continue de traiter les projets qui lui sont soumis. Je puis vous assurer, M.
le Président, que nous voulons continuer à maintenir notre
ouverture d'esprit au cours des prochaines semaines, des prochains mois et des
prochaines années. Nous voulons faire en sorte qu'avec
modération, calme et raison nous abordions ces projets d'avenir
collectif pour les citoyens du Québec.
M. le Président, les questions de langue sont tellement
reliées à nos projets d'avenir collectif que je voudrais vous
citer ce que je disais à l'époque lors de l'étude de la
loi 101 parce que je crois que c'est encore de mise aujourd'hui. Je disais:
"Encore aujourd'hui, la loi 101 mérite des amendements et, même
plus, une approche qui soit plus saine disons-le carrément
moins mesquine, à l'endroit de nos concitoyens québécois
à part entière que sont les anglophones, les membres de la
communauté anglophone, dont le premier ministre, à
l'époque, se targuait de reconnaître l'existence, et avec
lesquels, songeons-y bien, nous aurons à vivre l'après-charte.
"
Je disais cela, il y a trois ans. Je pourrais redire la même
aujourd'hui ou je pourrais redire la même chose aussi lorsque nous aurons
le débat sur la question référendaire. Je disais en
particulier: "Ici, je veux être bien clair et bien compris. L'Union
Nationale ressent le besoin de préserver le fait français chez
nous, d'en favoriser l'épanouissement et, donc, de privilégier le
français dans cette terre d'Amérique, besoin d'autant plus
ressenti que le Québec constitue le foyer principal des Canadiens
d'expression française et qu'à ce titre lui incombe la mission de
faire rayonner le fait français partout au Canada et même en
Amérique." (0 h 40)
Je disais: "L'Union Nationale, consciente de la situation
socio-culturelle actuelle du Québec, soucieuse de témoigner de
son parti pris pour la prééminence du français au
Québec, comprend le besoin de dispositions législatives
particulières qui peuvent permettre parfois l'utilisation exclusive de
la langue française ou, et de façon
généralisée, sa prééminence sur la langue
anglaise ou toute autre au Québec. L'Union Nationale ne comprend ni
n'accepte que l'on hésite, que l'on refuse même de
reconnaître formellement cela. Aujourd'hui, je pense que c'est plus de
mise que jamais que l'on refuse même de reconnaître formellement
les droits de la minorité anglophone pourtant consacrés par 200
ans d'histoire. Les anglophones, comme l'a clamé courageusement le
député ministériel de Mercier, forment une
communauté articulée et, à ce titre, ils ont des droits
que l'on doit identifier tout aussi explicitement, du moins dans certains
champs d'action, que l'on a cru nécessaire de le faire et c'était
nécessaire dans le cas des Inuit et des Amérindiens. Toute
vouée à la prééminence du français qu'elle
l'est, l'Union Nationale ne comprend pas, n'accepte pas ce que l'universitaire
montréalais Charles Taylor appelle la conception nativiste de la
minorité anglophone partagée par le Parti
québécois.
Si je dis cela aujourd'hui, c'est aussi pour inviter nos
collègues d'en face à changer un peu d'approche au cours des
prochains mois et faire participer pleinement à la vie de leur parti,
à la vie de notre parti aussi, à la vie de la communauté
québécoise ces anglophones qu'on a peut-être mis un peu
trop de côté depuis que ce gouvernement est en place à
Québec. A tel point que ces gens ne se reconnaissent peut-être pas
comme des Québécois à part entière. Il faudrait
faire en sorte que nous leur fassions comprendre, nous les
Québécois francophones, que, pour nous, les
Québécois anglophones sont des Québécois à
part entière. C'est peut-être l'histoire qui veut que nous
rediscutions aujourd'hui de la Charte de la langue française et que nous
puissions faire appel à plus d'ouverture, plus de
générosité, plus de réalisme et de bon sens de la
part du Parti québécois afin d'inviter nos compatriotes
québécois anglophones à participer à la vie de
leurs partis politiques eux aussi.
Bien sûr, le chef de l'Opposition officielle notait, dans son
discours, les récents résultats d'élections, et en
particulier D'Arcy McGee, le dernier comté. C'est quand même
surprenant, mais il faut constater que les anglophones en bloc se refusent
à participer à la vie démocratique d'un parti politique.
C'est peut-être beau de dire qu'ils ne veulent rien comprendre, mais je
me demande si, lorsque toute une communauté, une collectivité ne
veut rien comprendre, d'après ce que nous dit le Parti
québécois, il n'y a pas quelque chose à réajuster
dans la philosophie politique ou cette
approche que le Parti québécois a présentement ou
sa vue qu'il a sur le Québec et sur les citoyens du Québec.
Bien sûr, les partis politiques ont à faire des approches
différentes. Des partis qui ont peut-être reconnu leurs erreurs,
j'espère en tout cas, qui en cours de route peuvent les corriger, mais
il reste quand même qu'un parti politique qui est le gouvernement d'une
province ne peut se permettre de mettre de côté 20% de la
population en leur disant: On ne veut pas vous comprendre. Il y a
peut-être une approche, il y a peut-être un signe dans cette
décision de la Cour suprême qui fera réfléchir d'une
façon sérieuse ce présent gouvernement du Québec
pour qu'il puisse faire en sorte que nos compatriotes québécois
anglophones puissent davantage participer à la vie du Québec.
Charles Taylor, il y a deux ans, disait ceci: "Beaucoup de nationalistes
soutiennent depuis longtemps que l'existence même d'une communauté
florissante d'anglophones représente un dangereux foyer d'assimilation
au sein du Québec. C'est une vue des choses qui me semble très
néfaste et cela à deux niveaux: d'abord, elle trahit un terrible
manque de confiance en la vitalité de la société et de la
culture québécoise et, ensuite, cette peur engendre fatalement
une politique fermée, chauvine où la survivance de l'un passe par
la suppression de l'autre." Taylor continuait: "Le gouvernement doit absolument
réfléchir à cette question s'il veut amener de
façon spécifique les anglophones du Québec et d'ailleurs
à partager une vision commune d'un Québec renouvelé
où le français aura la place qui lui revient de fait et de
droit.
Je pense que cela s'écrivait il y a un peu plus de deux ans, deux
ans et demi. Cela mériterait qu'on s'y arrête quelques instants.
Je ferai tenir copie de la citation à mon excellent collègue, le
ministre d'Etat au Développement économique; il pourra en
profiter pour y réfléchir davantage.
Que le gouvernement du Québec s'emploie donc à
développer un climat où l'on se parle franchement entre
Québécois de différentes langues. Dès lors, son
action, au lieu de nourrir l'inquiétude des minorités ethniques
en général ou des anglophones en particulier, sera mieux
perçue. Pourquoi donc prendre le risque "immature" d'un règlement
de compte historique ou le risque inutile d'une brimade gratuite dont le prix
serait d'exclure de toute réforme sérieuse au Québec un
cinquième de sa population qui aurait le sentiment de ne pas être
de la partie?
M. le Président, je vous cite encore ce que nous disions à
l'époque sur la loi no 101, parce que ce chapitre de la langue de la
Législature et de la justice est remis en cause. Nous faisions des
suggestions qui sont à peu près dans la ligne de pensée de
ce que la Cour suprême aujourd'hui nous dit de faire ou reconnaît
ultra vires. A l'époque, je disais: II faut, au chapitre de la langue de
la législation et de la justice, tenter de concilier trois principes: le
premier, d'ordre linguistique. Il faut assurer la prééminence de
la langue française et respecter l'état de fait historique de
l'usage de la langue anglaise à l'Assemblée nationale, devant les
tribunaux et les autres organisations judiciaires et quasi judiciaires.
Deuxièmement, de principes d'ordre constitutionnel, il existe
deux thèses, l'une permettant au Québec de modifier à sa
guise l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique en vertu
de sa constitution interne voir l'article 92 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique et l'autre interdisant au
Québec de modifier unilatéralement cet article. Le
troisième principe d'ordre juridique, tant au niveau de la langue de la
législation qu'au niveau de la langue de la justice, puisque les
jugements et les textes de loi sont intimement liés les uns aux autres,
toute option linguistique doit tenir compte du fait que les droits des parties
aux prises avec un litige peuvent être affectés.
L'Union Nationale, en plus de vouloir ici comme partout ailleurs,
consacrer, il va de soi, le statut officiel de la langue française,
reconnaît, par souci d'équité, les besoins et le droit des
membres de la communauté anglophone du Québec de recourir dans
leur langue à des outils aussi universels que la législation et
la justice. L'Union Nationale reconnaît le français et l'anglais
comme langues de la législation pour toutes les étapes de
l'adoption d'un projet de loi. Je disais cela il y a deux ans et demi.
Aujourd'hui, la Cour suprême nous dit que nous avions raison. Ce n'est
pas que cela nous fait seulement plaisir d'avoir raison, mais je pense que
c'était à l'époque la voix de la modération, la
voix du calme, la voix de la raison. Encore aujourd'hui je pense qu'on devrait
trouver, non pas en insultant les autres, mais en commun un modus Vivendi pour
faire participer, faire partager à nos compatriotes anglophones ce que
nous faisons au gouvernement du Québec.
Si nous reconnaissons deux versions officielles des textes de loi
adoptés par l'Assemblée nationale, il faut prévoir ce qui
arrivera en cas de divergence sur l'interprétation à donner
à un ou plusieurs articles d'un texte de loi donné.
Là-dessus, j'ai l'impression que ce projet de loi qui nous est
présenté, encore une fois, pourra être
présenté devant la Cour suprême pour interprétation
dans un de ses articles. Il me fait penser à peu près mot pour
mot à un texte de loi qui a été adopté par
Duplessis en 1937. Il disait qu'en cas de divergence entre les textes
français et anglais le texte français prévalait. Cela n'a
pas été jugé anticonstitutionnel, parce que le
gouvernement de l'époque l'avait retiré deux ou trois ans
après, mais, quand même, on était en passe d'aller
jusqu'à la Cour suprême pour avoir une décision sur cet
article. Il y aurait peut-être lieu d'y remédier en changeant un
peu cet article du projet de loi qui fera en sorte que, en cas de divergence,
le texte français pourra, en dernier lieu, servir, prévaloir.
Mais, quand même, il faut auparavant que toutes les autres règles
ordinaires d'interprétation puissent être acceptées ou
puissent permettre de résoudre convenablement le problème. Nous
ferons des suggestions lorsque nous arriverons à cet article de ce
projet de loi. (0 h 50)
M. le Président, cette prise de position que nous avons toujours
eue concernant la langue concilie notre souci de ne pas porter préjudice
aux droits des parties aux prises avec un litige qui met en cause
l'interprétation d'un ou de plusieurs articles d'un texte de loi et
notre engagement en faveur de la prééminence du
français.
Vu que nous vivons dans un système de droit mixte qui tient ses
origines à la fois du droit français et de la "Common law", la
compréhension des textes de loi, de la doctrine et de la jurisprudence
au Québec exigera toujours des avocats, qu'ils représentent une
personne physique ou morale, une connaissance du français et de
l'anglais suffisamment élevée pour qu'aucune des parties ne soit
pénalisée par le fait que l'une plaide en langue anglaise pendant
que l'autre plaide en langue française, et vice versa.
M. le Président, l'Union Nationale précise que dans les
champs d'action où la communauté anglophone qu'on se targue de
vouloir reconnaître existe, c'est bien au niveau des
municipalités, des commissions scolaires, des services communautaires
qu'il faut la reconnaître. L'Union Nationale a toujours opté pour
une position plus réaliste qui tienne compte du besoin normal et
légitime de donner à nos institutions publiques un visage
essentiellement français, sans pour autant nier à la
communauté anglophone la possibilité de vivre comme telle
là où elle est en majorité au niveau local ou
régional.
Il y a quelque chose qui nous viendra plus tard vis-à-vis de la
langue d'enseignement. Il y a deux ans et demi, lorsque nous avons
adopté la langue de l'enseignement on se souvient qu'il y a eu
beaucoup de discussions nous avions demandé au ministre de
l'Education de l'époque de prendre les mesures nécessaires pour
s'assurer que la fréquence et la qualité des cours de
français dispensés aux élèves qui reçoivent
l'enseignement en langue anglaise soient de nature à donner à
ceux-ci une connaissance suffisante de la langue française pour
permettre à tous les anglophones de devenir, après dix ans ou
douze ans d'étude, suffisamment bilingues pour ne pas avoir de
difficulté nulle part.
Nous voulions aussi, d'autre part, que le ministre de l'Education prenne
les mesures nécessaires pour que tous nos francophones puissent
apprendre l'anglais, parce que c'est une formation, à mon point de vue,
aussi essentielle que d'apprendre la géographie, l'histoire ou
même les mathématiques. En Amérique du Nord, qu'on le
veuille ou non, aussitôt que nous sortons du Québec, nous devons
parler anglais, nous devons communiquer en anglais et tous, à peu
près sans exception, nous voyageons à l'extérieur du
Québec, tous sans exception, nous avons besoin de connaissances
techniques, de connaissances culturelles ou autres. Je pense que c'est une
partie de la formation de nos jeunes Québécois francophones de
pouvoir apprendre au moins à s'exprimer convenablement en anglais. Nous
demandions ça à l'époque. Nous avons constaté que
depuis ce temps il ne s'est pas fait grand-chose, peut-être à
cause des budgets ou d'autre chose, mais d'une façon ou d'une autre il
faudra s'orienter au gouvernement du Québec, au ministère de
l'Education pour faire en sorte de donner cette formation nécessaire aux
jeunes de chez nous.
Il y a aussi un autre point qu'on avait demandé à
l'époque, qui devra être révisé un jour ou l'autre
si nous voulons cette ouverture d'esprit dont je parlais tout à l'heure
vis-à-vis de la communauté anglophone. C'est justement de
permettre à nos compatriotes canadiens anglophones qui nous viennent de
Toronto, d'Ottawa, de Vancouver ou d'ailleurs de venir au Québec et de
pouvoir faire éduquer leurs enfants en anglais, puisque c'est
déjà la langue normale qu'ils parlent à la maison.
Je ne vois pas pourquoi nous continuerions à les forcer, ces
gens-là en particulier... Je ne veux pas dire que les Grecs, les
Polonais ou les autres qui viennent au Québec devraient aller à
l'école anglaise. Nous sommes tous d'accord que ce ne sont pas des
anglophones élevés dans une famille anglophone, ils doivent aller
à l'école française. Mais les anglophones de l'Ontario ou
d'ailleurs à travers le Canada, je pense que ce serait normal qu'on leur
permette d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. On pourrait
solutionner tous les problèmes de langue qui nous sont
présentés maintenant.
M. le Président, je voudrais avant de terminer citer une
conclusion du jugement du juge Deschênes de la Cour supérieure. Ce
n'est certainement pas un anglophone, le juge Deschênes. Lorsqu'il a
rendu son jugement sur la loi no 101 le 27 janvier 1978, il disait ceci: "II ne
faut pas oublier que l'article 133 a été le fruit d'une
décision politique conjointe. Si l'une des parties veut le modifier,
c'est par le truchement d'une autre décision de même nature
qu'elle doit y parvenir donc une décision politique. Au moyen de
sa contestation, le Procureur général du Québec cherche
à obtenir une véritable modification constitutionnelle par le
biais de l'interprétation judiciaire, mais la cour ne saurait se rendre
à cette invitation. Rien ne justifierait la cour de forcer les textes
afin d'en extraire une signification que leurs rédacteurs n'ont jamais
voulu leur donner, mais la cour est tenue d'écarter une loi qui abroge
unilatéralement une garantie constitutionnelle réciproque que
personne n'avait mise en doute durant un siècle."
Le juge Deschênes donne sa conclusion en disant ceci: "S'il est
vrai que les circonstances ont changé, que les esprits ont
évolué et que d'aucuns n'acceptent plus d'être régis
par des textes qui ont présidé à la naissance de ce pays,
il leur appartient de faire passer leurs convictions dans la
réalité politique canadienne, mais, en attendant ce
jour-là, c'est la constitution actuelle que le tribunal doit lire,
interpréter et appliquer." C'est un Québécois comme nous
qui disait cela, le juge Deschênes. Il a tout simplement vu ce qu'il y
avait dans la loi et interprété la loi.
Tout cela plaide en faveur d'une nouvelle constitution canadienne,
constitution qui pourrait répondre à nos besoins. C'est
peut-être le temps, après 113 ans d'histoire, de
dépoussiérer un peu
cette constitution. Et c'est avec ouverture d'esprit que le gouvernement
du Québec devrait se présenter, avec les autres premiers
ministres des provinces canadiennes et le premier ministre
fédéral, et faire en sorte de changer cette constitution
canadienne et de l'adapter aux besoins des citoyens qui habitent le Canada en
1980 ou qui habitent le Québec en 1980.
M. le Président, avant de conclure, je ne peux pas ne pas dire un
mot au sujet de ce qui s'est passé au Manitoba. C'est choquant pour des
francophones. Moi aussi, comme les gens du Parti québécois, je
réalise qu'il y a 80 ans il y avait 50% ou à peu près de
francophones au Manitoba et que, grâce à une loi qui a
été passée à l'époque, aujourd'hui, on
s'aperçoit qu'il ne reste que 4% de francophones. Et, même si le
jugement de la Cour suprême donne raison aux francophones de
l'époque, je ne crois pas que jamais plus le français ne revienne
au Manitoba.
Pour des francophones, bien sûr, c'est difficile à
accepter, mais c'est un fait de l'histoire et il faut bien l'accepter
maintenant. On n'a pas d'autre choix. Il faut faire en sorte, par exemple, de
changer des choses qui sont arrivées et qui n'étaient pas
correctes dans le passé. Il faut les changer pour l'avenir. Il faut
regarder l'avenir et faire en sorte que cette constitution que nous voulons
pour notre pays puisse répondre davantage à nos besoins et
à nos préoccupations.
M. le Président, durant ce débat, comme durant d'autres
débats, linguistiques qui ont accaparé notre temps de même
que nos énergies, l'Union Nationale se fait un devoir d'adopter une
attitude constructive et ce, dans l'intérêt de tous les
Québécois. Il est certain que cette façon d'agir ne cadre
pas avec l'idée qu'on s'est toujours faite dans le passé au
Québec des partis d'Opposition. Mais est-ce là une raison pour
refuser de voir clair, pour refuser d'évoluer à ce moment de
notre histoire où les événements exigent de nous une
nouvelle approche, beaucoup plus réaliste, à mon avis, et qui
fait la juste part des choses?
Et en terminant, je veux vous redire ce que je vous citais au
début: Plus jamais, M. le Président, la question de la langue ne
devra chez nous, au Québec, diviser nos gens et opposer les citoyens les
uns aux autres.
M. Tremblay: M. le Président, je ne sais pas si le premier
ministre voulait...
Le Vice-Président: M. le député de
Chauveau.
M. Tremblay: M. le Président, je pensais avoir
demandé la parole.
M. O'Neill: Je l'ai bien demandée, M. le
Président.
Le Vice-Président: M. le député de Gouin,
à l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Gouin, il est de coutume, en cette
Chambre, lorsqu'un projet de loi est déposé, que nous fassions un
premier tour des chefs des différentes formations politiques. Suite
à un jugement récent du président de l'Assemblée
nationale, qui a été confirmé par Mme la
vice-présidente, après ce premier tour fait en deuxième
lecture, je me dois à ce stade-ci, pour respecter ce jugement et
l'esprit du règlement, de reconnaître le député de
Chauveau. Par la suite, il est bien entendu que, respectant ce même
jugement, je m'en irai du côté de l'Opposition.
M. Tremblay: M. le Président, question de
règlement. L'article 92 dit: "Pour parler, un député doit
se lever et demander la parole au président en le désignant par
son titre." Je croyais avoir le premier demandé la parole, d'une part.
D'autre part, il n'y a pas eu un tour encore. Je pense que le ministre d'Etat
au Développement culturel a fait un discours assez long. Je pense que le
côté de l'Opposition officielle a fait son intervention, de
même que le côté de l'Union Nationale. Il n'y a pas d'autres
députés indépendants ce soir ici. Je crois qu'il serait
dans l'ordre... (1 heure)
Le Vice-Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
le député de Gouin, il y a également un article de notre
règlement qui dit qu'un député ne peut contester une
décision de la présidence. Je sais que tous les
députés savent que, depuis trois ans, une coutume parlementaire
qui existe, en deuxième lecture du moins, c'est qu'une fois que le
proposeur du projet de loi a parlé, que le chef de l'Opposition
officielle ou son représentant a parlé, que le chef de l'Union
Nationale ou son représentant a parlé, consiste à ce qu'un
député ministériel parle et, par la suite, je
reconnaîtrai un député de l'Opposition.
M. Tremblay: M. le Président, loin de moi l'idée de
vouloir contester votre décision. Je m'y rends fort volontiers, mais,
comme j'avais demandé la parole le premier, est-ce que je pourrais
compter sur votre collaboration pour qu'après le député de
Chauveau, vous me donniez la parole?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Chauveau.
M. Louis O'Neill
M. O'Neill: M. le Président, il y a un sentiment de
tristesse que beaucoup parmi nous partagent ce soir, qui est d'ailleurs
partagé par beaucoup de ceux qui sont venus nous rejoindre. Ils auraient
d'ailleurs souhaité venir nous rejoindre encore en plus grand nombre.
Comme me le disaient un certain nombre de gens ce soir, si le temps nous le
permettait, c'est massivement que les Québécois viendraient ici
devant le Parlement exprimer leur indignation. Mais la tristesse, M. le
Président, de cette journée qui a été
décrite par notre collègue, le ministre d'Etat au
Développement culturel, ce n'est pas simplement celle qui vient de ce
jugement qui a été rendu et de ce qu'il révèle,
c'est aussi la tristesse de certains comportements.
Ce soir, je dois vous dire une chose qui m'a rendu triste, c'est de voir
se répéter ce comportement, par exemple, de l'Opposition
officielle, semblant d'ailleurs se réjouir d'une défaite du
Québec. Cette image de gens d'ailleurs, cette image qu'ils nous donnent
depuis que nous sommes ici, de gens qui ont beaucoup de difficulté et
parfois une sorte d'impossibilité de se comporter en
Québécois, de gens d'ailleurs à qui, à cause de
cela, il ne faut pas confier l'avenir de ce pays, parce qu'il faut confier
l'avenir de ce pays à des gens qui se sentent bien d'abord d'ici. Je
crois que, quand des gens se réjouissent de voir le Québec
humilié, ils ne sont sûrement pas dignes de conduire ce pays.
M. le Président, il ne s'agit pas ici de tout relever ce qui a
été dit, n'est-ce pas? Je voudrais simplement relever, entre
autres, un sophisme qui a été répété une
fois ce soir et aussi parler, je dirais, d'une indécence qui a
été répétée une fois de plus. Le sophisme,
c'est celui, entre autres, qui consiste à vouloir opposer dans ce
débat, une fois de plus, des droits individuels et des droits
collectifs, comme si la promotion de droits collectifs n'était pas, dans
certaines circonstances historiques, la meilleure manière de
protéger des droits individuels. Vous connaissez, M. le
Président, cette axiome qui dit qu'en situation
d'inégalité, c'est la loi qui libère et la liberté
qui opprime. Quand les gens sont inégaux, en situation
d'inégalité, quand des gens sont en situation de groupes
dominés, c'est la loi qui les libère. C'est un sophisme que de
toujours ici opposer les droits individuels et les droits collectifs alors que,
justement, cette défense de droits collectifs d'un peuple qui essaie de
se libérer, qui lutte depuis des générations pour
accéder à un statut d'égalité, cette
défense, cette promotion par des droits collectifs, c'est quelque chose
qui est absolument dans la ligne de droits individuels concrets et
réels, ce n'est pas simplement de droits formellement affirmés.
Ce sophisme, nous l'avons encore entendu ce soir.
J'ai aussi entendu une indécence. Cette indécence, ce
propos indécent, il est venu du chef de l'Union Nationale venant donner
le conseil de bien respecter les droits des minorités ici au
Québec. Dans l'histoire de ce pays, mais où donc les droits des
minorités ont-ils été respectés? Au Manitoba, en
Ontario, règlement 17, en Colombie-Britannique ou bien au Québec?
C'est toujours au Québec. Personne n'a de leçon à nous
donner là-dessus, mais c'est de voir que quelqu'un d'ici vient humilier
les Québécois en essayant de nous faire croire qu'ici les droits
de minorités ne sont pas respectés. Comparons la situation;
comparons les conditions de vie des minorités ici au Québec avec
celles des minorités ailleurs et vous trouvez tout de suite la
réponse. C'est une évidence et c'est une injure que l'on fait aux
Québécois quand on vient de cette façon leur donner ce
conseil alors que le problème s'est toujours posé ailleurs qu'au
Québec.
Vous vous rappelez, au moment de la promulgation de la loi 101, que les
francophones en dehors du Québec déclaraient: Si nous avions la
moitié chez nous des avantages dont jouissent les anglophones au
Québec, nous nous croirions au paradis. Jamais ils n'ont eu la
moitié, le tiers, le dixième de cela et il y a des gens qui
viennent nous parler ici du respect du droit des minorités au
Québec. Je sais qu'on a souvent utilisé cette formule selon
laquelle on disait que les jugements de la Cour suprême rappelaient la
tour de Pise qui penchait toujours du même côté. Je pense
qu'il serait beaucoup plus exact de dire que ce n'est pas la Cour suprême
qui penche du même côté, c'est le régime.
A ce point de vue, ce que je retiens de ce jugement de la Cour
suprême, c'est un message très clair, un message que certains ne
veulent peut-être pas comprendre, un message qui met fin aux illusions.
Qu'est-ce que la Cour suprême vient nous dire? Elle vient nous dire: Ce
régime fédéral que nous interprétons, nous, de
notre mieux, il est pire que ce que vous pensiez. C'est cela qu'elle nous dit,
quand on voit toutes les conséquences éventuelles de ce jugement
de la Cour suprême, qui dit: La constitution va jusqu'au point où
vous serez obligés de modifier un grand nombre de pratiques
administratives. C'est vraiment la fin des illusions. Ce que nous dit la Cour
suprême, c'est que ce régime instaure ou affirme dans un texte
notre condition d'infériorité, notre condition de peuple
dominé. C'est cela, finalement, que nous dit la Cour suprême. Elle
nous dit: Lisant la constitution, je vois ici un régime
d'inégalité, et elle nous fait tout simplement
l'exégèse de ce texte. Elle nous dit que nous sommes, au fond,
juridiquement colonisés. Remarquez qu'il y a des gens qui sont, eux,
psychologiquement colonisés. C'est un autre problème. On le
connaît bien ce problème.
Cet exemple de gens colonisés psychologiquement, nous l'avons
devant nous depuis trois ans, mais ce que nous dit la Cour suprême, c'est
que nous sommes aussi juridiquement colonisés. Encore une fois, ce sont
des vérités brutales, des vérités
désagréable que beaucoup n'aimaient pas voir. Je pense que
beaucoup, à partir d'aujourd'hui, beaucoup de ceux même qui
croient à la souveraineté du Québec vont y croire encore
beaucoup plus, parce qu'ils vont s'apercevoir qu'il n'y a aucune illusion
à avoir quant à ce vieux texte de loi qui a été
fait par des gens qui se sont servis les premiers, étant les
maîtres, les conquérants. Ils ont fait, évidemment, des
textes qui correspondaient à leur façon de penser. Ils avaient un
pouvoir à sauvegarder, ils avaient un groupe minoritaire à garder
à l'intérieur de certaines barrières et ils ont fait une
constitution en conséquence.
M. le Président, la perte d'une bataille ne fait pas la perte de
la guerre. Comme disait notre collègue, le ministre d'Etat au
Développement culturel, les jugements de cour ne règlent pas
tout. Il y a aussi les jugements populaires. Il y en aura un bientôt, un
jugement populaire. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, c'est le débat
référendaire qui est bien amorcé. Il y a une
réponse qui viendra bientôt. Ce sera la réponse du peuple
québécois. C'est le peuple québécois qui va se
mêler au débat. Ce n'est pas simplement un débat
entre représentants ici, à l'Assemblée nationale, dont
nous serons les témoins, ce sera un débat du peuple
québécois. Le peuple québécois n'a pas le temps de
s'organiser dans une grande manifestation populaire pour venir nous dire
jusqu'à quel point il rejette ce régime fédéral
qui, encore une fois, apparaît aujourd'hui sous un jour encore plus
odieux qu'avant. Cependant, il y aura une grande rencontre, il y aura une
grande manifestation populaire au printemps où le peuple
québécois, par un oui, viendra vraiment dire ce qu'il veut,
viendra finalement exprimer son désir de se libérer de ce carcan.
C'est là qu'on voit encore plus aujourd'hui qu'avant, à la suite
de ce jugement de la Cour suprême et ce que révèle ce
jugement sur le régime fédéral, on voit encore mieux ce
que le oui voudra dire. Ce sera le oui de la dignité, le oui de la
liberté; le non sera tout simplement le non de la résignation et
le non de la démission.
C'est une étape que nous vivons aujourd'hui, c'est une page
triste d'histoire. Nous en sommes conscients. Nous la vivons et nous
l'acceptons, mais nous ne nous y résignons pas. Nous sommes
profondément convaincus que le peuple québécois ne
l'accepte pas non plus. Le peuple québécois, à partir
d'aujourd'hui, connait beaucoup mieux encore le sens exact de cette
réponse qu'il donnera au printemps, parce qu'on vient, en somme, de lui
révéler que ce régime carcan, dans lequel nous sommes
emprisonnés, est encore bien pire et bien plus menaçant que
beaucoup d'entre nous, que beaucoup de Québécois le croyaient. A
ce point de vue, on peut dire que maintenant, à la suite de cet
événement malheureux, la campagne du référendum a
bien démarré. (1 h 10)
Nous savons plus que jamais maintenant que le oui du printemps qui s'en
vient, ce oui collectif du peuple québécois, ce sera un oui de la
dignité, un oui de la liberté et un oui de la fierté.
Merci, M. le Président!
Le Vice-Président: M. le député de Gouin.
M. Rodrigue Tremblay
M. Tremblay: M. le Président, avec le projet de loi no 82,
on nous demande de rendre légale et officielle la version anglaise des
lois et des règlements adoptés par cette Assemblée
nationale depuis deux ans, en conformité avec l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, et de maintenir bilingue la justice au
Québec.
A mon avis, il n'y a pas là matière à fouetter un
chat, même si le jugement de la Cour suprême démontre on ne
peut plus clairement que le Canada n'a pas de véritable constitution et
même si je peux comprendre que certains croient les obligations contenues
dans l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
difficiles à accepter à cause du déséquilibre de
cet article et souhaiteraient surdramatiser un événement
juridique et constitutionnel.
En fait, la population du Québec, à mon avis, peut dormir
en paix cette nuit, même s'il faudra bien un jour se donner une
constitution équilibrée dans une véritable
Confédération au Canada. Le fait de rendre légales les
versions anglaises de nos lois avec l'adoption ce soir du projet de loi no 82
ne diminuera pas notre bien-être, à moins que nous soyons
déjà tellement fanatisés par la langue anglaise ou
américaine nous cause une répulsion viscérale et nous
perturbe, selon les mots mêmes du ministre d'Etat au Développement
culturel, jusqu'au dérèglement psycho-affectif.
Je ne crois pas cependant que c'est le cas pour la très grande
majorité de nos concitoyens et de nos concitoyennes
québécois et québécoises francophones qui tiennent
à leur langue, bien sûr, mais qui sont aussi
nord-américains, en plus d'être francophones et certainement pas,
bien sûr, pour nos concitoyens québécois anglophones qui
sont, jusqu'à nouvel ordre, des citoyens à part entière,
même si nos concitoyens francophones des autres provinces, eux, ne le
sont pas encore, du moins tant qu'il n'y aura pas une nouvelle
constitution.
Par conséquent, je n'ai aucune objection à appuyer le
projet de loi no 82, afin de régulariser la situation légale de
nos textes de loi. Mais puisque le ministre d'Etat au Développement
culturel et le leader du gouvernement ont élargi le débat sur la
question de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, je suis bien
heureux de les suivre sur ce terrain.
En effet, l'incident constitutionnel d'aujourd'hui illustre on ne peut
mieux le problème fondamental du Québec et du Canada. Nous
n'avons pas de constitution. Nous sommes un des rares pays au monde à ne
pas avoir de constitution. Nous avons une vieille loi qui date de la reine
Victoria et qui appartient à un Parlement étranger, le Parlement
de Londres, et cette loi nous régit et établit nos droits ou
notre absence de droits.
C'est la constitution qui libère et qui protège les
faibles, pour paraphraser ce que disait le député de Chauveau il
y a quelques minutes. Dans cette loi britannique cependant, conçue avant
tout en 1867 et dont j'ai déjà reproduit dans un livre
déposé la semaine dernière les principaux articles, loi
d'ailleurs conçue principalement pour contenir l'expansion des
Etats-Unis, les francophones sont très peu protégés, eu
égard à leurs droits sacrés de survivance et
d'épanouissement en Amérique du Nord et au Canada.
Nous ne formons que 2 1/2% de la population de l'Amérique du
Nord, nous, les francophones, et 27% de la population canadienne, avec nos six
millions d'habitants. Cinq millions de francophones au Québec et un
million au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Ecosse, avec les Acadiens qui forment
240 000 citoyens, et en Ontario et au Manitoba et dans quelques autres
provinces.
Or, dans cette loi britannique, il n'y a vraiment que trois articles qui
nous accordent une certaine protection. L'article 133 dont nous discutons la
valeur aujourd'hui, l'article 93 et l'article 92. L'article 133 dit finalement
que les cours de justice sont ouvertes aux deux langues et que les
parlementai-
res à Québec et à Ottawa peuvent avoir accès
à des textes en langues française et anglaise et peuvent
s'exprimer dans la langue de leur choix.
Donc, les 200 parlementaires du Québec, à Québec et
à Ottawa, peuvent parler les deux langues, tandis que les tribunaux
fédéraux et québécois sont ouverts aux citoyens
canadiens des deux communautés linguistiques.
L'article 93 garantit le droit à des écoles
confessionnelles, mais sans référence à des écoles
dans la langue des citoyens. De sorte qu'en Ontario, à Windsor, à
Pénétang et dans d'autres villes aujourd'hui, il faut revendiquer
et même quêter des écoles françaises parce que ce
n'est pas un droit d'en avoir, c'est un privilège d'en avoir.
Evidemment, l'article 92, qui est le prolongement de l'article 71,
établit les prérogatives du gouvernement du Québec, lequel
constitue la seule autonomie politique véritable et globale pour les
Québécois francophones dans les domaines qui y sont
énumérés.
M. le Président, la loi 92 nous permet de nous demander si ce qui
nous sert aujourd'hui de constitution, l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, dans son article 133, car c'est sur cet article que porte le
jugement de la Cour suprême, devrait être répudié
comme la loi 101 le faisait, ou si, plutôt, nous ne devrions pas conclure
de cet incident constitutionnel qu'une véritable constitution
civilisée, pour un pays bi-national et étendu sur un
demi-continent, devrait contenir dans son sein une protection fondamentale pour
tous les citoyens de l'une ou l'autre des deux communautés linguistiques
du Canada, d'être servis par l'Etat et les tribunaux dans leur propre
langue, quelle que soit la province où ils habitent.
Le drame de l'article 133, c'est qu'il ne s'applique qu'au Québec
et qu'à Ottawa et à ce titre, c'est un article
déséquilibré, car il ne s'applique pas aux francophones
des autres provinces, tandis qu'il couvre les anglophones du Québec.
Là est le déséquilibre, là est l'anomalie et
le député de Chauveau a parfaitement raison de dire que le vrai
problème de l'article 133 est à l'extérieur du
Québec et non pas à l'intérieur du Québec. Les 240
000 Acadiens qui n'ont pas de gouvernement propre au plan régional
depuis 1755 et les 600 000 Ontariens francophones n'ont pas de droits quant
à leur existence et à leur épanouissement en tant que
francophones. Ils ont des privilèges qu'ils doivent souvent arracher de
chaude lutte, mais ils n'ont pas de droits en tant que francophones. Là
est le problème, là est la difficulté et non pas le fait
d'avoir deux textes ici dans notre Assemblée nationale, écrits en
français et en anglais. C'est un faux problème parce qu'il n'y a
pas injustice; l'injustice est à l'extérieur du
Québec.
Ce n'est donc pas là un système civilisé et
équilibré que nous avons au plan constitutionnel au Canada. C'est
même l'absence de système et c'est ce qu'il faut corriger.
On n'a pas de constitution véritable au Canada et il est grand
temps que l'on s'en donne une au plus tôt. Ceci ne signifie nullement,
à mon avis, qu'il faille mettre un X sur les 240 000 Acadiens et les 600
000 Ontariens francophones. Au contraire, quand je compare notre situation de
seulement deux communautés linguistiques et deux des principales langues
internationales parlées à travers le monde sur une
demi-continent, avec celle des autres pays, je ne peux que conclure, primo, que
notre problème est bien mineur, même si sérieux, et,
secundo, que nous n'avons pas beaucoup d'imagination et de leadership pour le
résoudre.
En Suisse, par exemple, ils sont quatre communautés linguistiques
différentes dans un pays grand comme un mouchoir de poche et ils vivent
en harmonie depuis sept siècles, tout en étant Suisses allemands,
Suisses français, Suisses italiens et Suisses romanches, mais ils ont
une constitution. Nous n'en avons pas. (1 h 20)
Je cite l'article 116, par exemple, de la constitution suisse, qui dit
ceci: L'allemand, le français, l'italien et le romanche, sont les
langues nationales de la Suisse; sont déclarées langues
officielles de la confédération l'allemand, le français et
l'italien. C'est ce que j'appelle un système. Non pas la lutte des
langues, mais un système qui permet de vivre et de laisser vivre. C'est
un système, à mon avis, civilisé, un système
moderne.
La solution au Québec et au Canada, ce n'est pas tantôt de
proscrire l'anglais, tantôt de proscrire le français; c'est
plutôt d'accorder à tous les citoyens, quelle que soit la province
où ils vivent en nombre suffisant, c'est-à-dire lorsqu'ils
représentent une minorité de 5% et plus, leur accorder des droits
politiques quant à leur existence et leur épanouissement dans
leur langue. Ce serait une approche logique et civilisée au lieu
d'instaurer la dictature de la majorité qui écrase de son poids
la minorité. Au Canada, les francophones en Ontario, au
Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Ecosse et au Manitoba devraient être
protégés dans ce sens par la nouvelle constitution. Il est trop
facile d'abdiquer et croire qu'on aura contribué à la solution en
se retirant sous notre tente provinciale. Par contre, au Québec, les
Québécois anglophones ont aussi droit d'être des citoyens
à part entière et non pas une minorité dans un ghetto
unilingue.
M. le Président, je crois que c'est là le sens commun et
le bon sens, c'est ce que la vaste majorité des Québécois
et des Québécoises en toute logique appuie et soutient. Ce n'est
pas en dramatisant un problème constitutionnel, de nature technique, et
en fouettant le fanatisme ou l'intolérance, parce que l'article 133 de
cette loi anglaise est mis en force par la Cour suprême, que nous ferons
de notre coin de terre une terre de prospérité où nous
serons fiers d'être nous-mêmes et où il fera bon vivre.
A l'aube de la campagne référendaire, M. le
Président, les tentations seront grandes d'accentuer les divisions entre
les bons et les méchants, les autres et nous, les francophones et les
anglophones, les Québécois francophones et les Canadiens, etc.,
etc. Les hommes politiques qui allègrement feraient sortir le
génie de la bouteille parce qu'à court terme ils en tireraient
des bénéfices politiques ou référendaires ne
pourront pas
facilement le remettre dans la bouteille. Par conséquent, M. le
Président, avant de sonner les clairons et les trompettes pour l'appel
à la guerre et avant de conscrire tous nos ayatollahs, adoptons donc ce
projet de loi 82 pour corriger le problème technique qui est devant nous
et attelons-nous dès maintenant et dans les prochains mois à la
tâche de nous doter d'une véritable constitution, une constitution
qui protège les faibles et les minorités et qui ne donne pas le
droit à la majorité d'opprimer les faibles et les
minorités.
Là, M. le Président, est la maturité et la
responsabilité. Le reste, nous pouvons nous en passer. Pour ma part, je
ne souscris pas au fanatisme linguistique et je n'ai pas l'intention de
commencer ce soir. Merci.
M. Godin: M. le Président, au nom de l'alternance...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît. Vous
ne rendez pas la situation facile à la présidence. A l'ordre,
s'il vous plaît. Mme la députée de Prévost m'avait
fait signe, avant que le député de Gouin n'ait terminé,
qu'elle désirait intervenir. Laissez-moi terminer s'il vous
plaît!
Le député de Vanier a été le premier qui a
dit: M. le Président. M. le député de Mercier, vous
êtes intervenu après votre collègue de Vanier. Or, sans
vouloir faire de discrimination et tout en voulant être conforme et
logique avec la décision que j'ai rendue tout à l'heure, je vais
reconnaître le député de Vanier et, par la suite, Mme la
députée de Prévost, vous serez celle qui serez
reconnue.
M. le député de Vanier.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: Merci, M. le Président. Le débat que
nous avons, ce soir, porte sur un article d'une constitution écrite il y
a plus de 112 ans, sur un article dont, je pense, la lecture s'impose pour des
gens qui, encore à ce moment-ci, peuvent avoir encore la patience de
nous écouter.
M. le Président, l'article 133 se lit comme suit: "Dans les
Chambres du Parlement du Canada et les Chambres de la Législature de
Québec, l'usage de la langue française ou de la langue anglaise
dans les débats sera facultatif, mais dans la rédaction des
registres, procès-verbaux, journaux respectifs de ces Chambres, l'usage
de ces deux langues sera obligatoire. En outre, dans toute plaidoirie ou
pièce de procédure devant les tribunaux du Canada,
établies sous l'autorité du présent acte ou émanant
de ces tribunaux et devant les tribunaux de Québec, ou émanant de
ces derniers, il pourra être aussi fait usage de l'une ou l'autre de ces
langues. Les lois du Parlement du Canada et de la Législature de
Québec devront être imprimées et publiées dans ces
deux langues."
C'est sur la bse de cet article 133 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, M. le Président, que tout le débat
d'aujourd'hui se déroule
Le gouvernement du Québec, prenant en cela ses
responsabilités comme gouvernement, de la même façon que le
gouvernement libéral de 1970 à 1976, et celui de l'Union
Nationale, de 1966 à 1970 l'avaient fait, a décidé de
présenter devant cette Chambre un projet de loi consacrant de
façon définitive le caractère officiel de la langue
française au Québec.
Bien sûr, M. le Président, nous nous rappelons tous le
débat qui avait entouré l'adoption du chapitre III de la Charte
de la langue française, et particulièrement les articles
référant à la langue à l'Assemblée nationale
et à la langue devant les tribunaux. A ce moment, c'est avec beaucoup de
sens de la logique et beaucoup de courage que, comme gouvernement, nous avons
proposé de faire en sorte que la langue de la Législature et des
tribunaux soit la langue française.
M. le Président, tout le monde se rappellera, à ce moment,
que même si la loi, la Charte de la langue française reconnaissait
le français comme seule langue officielle devant l'Assemblée
nationale et devant les tribunaux, il était évident c'est
un droit que nous avons maintenu que les débats pouvaient se
dérouler aussi dans la langue anglaise, que les documents pouvaient
être obtenus dans la langue anglaise ils l'ont été
et que, devant les tribunaux, les citoyens pouvaient se faire entendre
dans leur langue et être entourés de tout le personnel
nécessaire dans leur langue.
Cela, M. le Président, n'a jamais été
empêché par l'adoption de la loi 101 et jamais la
communauté anglophone du Québec n'a pu prétendre que
l'adoption de la Charte de la langue française la brimait d'utiliser sa
langue, d'avoir des services dans sa langue, de parler sa langue, que ce soit
devant l'Assemblée nationale ou devant les tribunaux du Québec.
Cela, M. le Président, il faut le dire, parce qu'il y a quelque chose
d'important qu'on doit constater dans la décision de la Cour
suprême, d'aujourd'hui. Ce que la Cour suprême reconnaît pour
le citoyen Forest de la province du Manitoba, c'est un droit qui est
déjà reconnu à l'intérieur même de la loi 101
au Québec.
Je cite, un résumé qui en a été fait par la
Presse Canadienne, aujourd'hui, et qui interprète la décision
rendue par la Cour suprême: "Ainsi, le plus haut tribunal du pays, soit
la Cour suprême, a trouvé que M. Georges Forest, qui est à
l'origine de cette cause, était en droit d'avoir des copies des textes
législatifs en français et en anglais et que le français
peut être utilisé devant les tribunaux." (1 h 30)
Cela, M. le Président, que la Cour suprême du Canada vient
de reconnaître, aujourd'hui, pour cet individu de la province du Manitoba
et pour tous les autres qui utilisent la langue française est un droit
qui était déjà reconnu, même avec la loi 101, ici au
Québec, pour ce qui était d'obtenir des textes législatifs
en anglais et pour ce qui était de se faire servir en anglais dans les
tribunaux du Québec. Donc, la Cour suprême n'a rien donné
de plus aux francophones de la province du Manitoba que ce qui était
déjà reconnu aux citoyens anglophones du Québec,
même avec la loi 101. Cela, je pense qu'il était important qu'on
le dise.
Le communiqué de la Presse canadienne, ajoute ceci: "Le plus haut
tribunal du pays a reconnu que M. Forest était en droit d'avoir des
copies des textes législatifs en français et en anglais et que le
français peut être utilisé devant les tribunaux. Toutefois,
le jugement est tout à fait silencieux en ce qui a trait à la
langue officielle du Manitoba." Donc, il est bien évident qu'à ce
point de vue, la Cour suprême, dans le jugement qu'elle rend, va beaucoup
moins loins, avec beaucoup moins d'insistance et en entrant beaucoup moins dans
les détails dans le cas du Manitoba que dans le cas du Québec.
Encore une fois, même la Cour suprême, en tentant de faire valoir
des droits égaux qui pourraient s'appliquer de la même
façon dans les provinces du Manitoba et du Québec, consacre une
fois de plus le grand principe qui est à la base même du
système fédéral actuel, c'est qu'il y a deux poids, deux
mesures. Et la Cour suprême vient aujourd'hui de le reconnaître en
rendant un jugement qui est différent dans son contenu et dans ses
principes pour ce qui est du Manitoba et pour ce qui est du Québec.
Mme la Présidente, déjà, au moment de la discussion
de la loi 101, à l'Assemblée nationale, nous n'étions
évidemment pas dupes. Nous savions bien que, même si en adoptant
le chapitre III de la Charte de la langue française nous faisions ce que
nous considérions être tout à fait normal dans le contexte
québécois, il était évident que c'était
jusqu'à un certain point ouvrir la porte à des contestations
devant les tribunaux. Ces contestations n'ont pas tardé à venir.
Rapidement, les cours du Québec ont rendu leurs décisions.
Rapidement, les gens sont allés en appel devant la Cour suprême et
rapidement la Cour suprême a tranché dans le sens que nous
savons.
Déjà, Marc Laurendeau écrivait, le 29 novembre
1978, au moment où la Cour d'appel du Québec avait rendu sa
décision, qu'à ce moment-là peut-être bien
avions-nous fait la preuve par l'absurde, en adoptant la loi 101, que la
constitution actuelle oblige les Québécois francophones à
faire une place à l'anglais dans leurs institutions judiciaires et
parlementaires, tandis que les autres provinces ne sont pas astreintes à
l'obligation réciproque. Parce que le résultat final de tout ce
débat qui est bien plus un débat politique qu'un débat
juridique, c'est que, s'il n'y avait pas eu contestation de la loi 101 devant
la plus haute instance judiciaire du Canada, à savoir la Cour
suprême, s'il n'y avait pas eu débat juridique, on n'aurait pas
parlé du problème politique sous-jacent de la même
façon qu'on en parle aujourd'hui.
La loi 101 a été acceptée par l'Assemblée
nationale, elle a été acceptée par l'opinion publique
québécoise. C'est une des mesures les plus populaires du
gouvernement du Québec. Les gens avaient appris à vivre avec
cette mesure et les gens en étaient satisfaits. Même la
minorité anglophone, après avoir laissé tomber la
poussière qu'avait fait monter l'adoption de cette loi dans sa
communauté, avait appris à vivre avec cette loi et avait surtout
pris en considération, comme les minorités francophones des
autres provinces l'avaient amenée à le faire, la très
grande inégalité qui existe en ce moment entre le traitement qui
est accordé aux minorités francophones hors Québec et le
traitement qui est accordé à la minorité anglophone au
Québec.
Mme la Présidente, je pense que, finalement, la décision
de la Cour suprême est peut-être un mal dans un sens, mais c'est un
bien dans un autre. Cela vient de transposer sur le plan politique à
l'échelle canadienne, mais surtout ici à l'intérieur du
Québec, pour toute la population du Québec, un problème
d'inégalité et d'injustice. C'est de cela que nous allons
maintenant traiter, c'est cela qui va faire l'objet des discussions des
Québécois pendant les prochains jours, les prochaines semaines,
pendant les vacances de Noël et du Nouvel An. C'est de cela que les gens
vont parler. Ils vont en parler parce que, maintenant, à travers cette
décision de la Cour suprême, c'est tout le débat des
inégalités et des injustices qui se trouve posé, ici au
Québec, par rapport à ce qui est fait à nos
minorités francophones à l'extérieur du Québec.
Mme la Présidente, il y a des choses qui doivent être dites
et qui sont importantes; que par exemple, le Québec, avec cette
décision de la Cour suprême, est la seule province dans tout le
Canada où il est fait obligation par la constitution canadienne,
constitution, qui en 1867, par l'article 133, voulait protéger surtout
la minorité anglophone du Québec... Elle ne se préoccupait
pas des minorités francophones des autres provinces, tellement, que
même à ce moment-là, la préoccupation qui
était celle du colonisateur, était de se dire: II y a un coin de
ce pays où les nôtres sont dans une situation de minorité
et c'est pour eux qu'il faut, à l'intérieur de la constitution
canadienne, donner un droit quelconque, les protéger, face à
l'Assemblée nationale et aux tribunaux, mais pas pour les
minorités francophones du reste du Canada, pas pour une province comme
le Manitoba, M. le Président, où il y avait une majorité
de francophones qui vivaient dans cette province. Non, cela, il n'en
était pas question. Je pense que les minorités francophones hors
Québec nous l'ont mis sous les yeux au cours des dernières
années.
J'entendais le chef de l'Opposition tantôt qui disait: On juge la
qualité d'une société au traitement qu'elle fait à
ses minorités. Bien, je sais qu'à ce moment, nous avons
certainement neuf provinces anglophones qui sont antidémocratiques, qui
le sont depuis des dizaines d'années, si elles doivent être
jugées à partir du traitement qu'elles donnent aux
minorités francophones, parce que si on doit juger de la qualité
de la société canadienne anglaise dans les autres provinces
à partir du traitement accordé aux minorités francophones,
je dis que ce sont des sociétés foncièrement
antidémocratiques. Mais si on doit juger la société
québécoise à la qualité du traitement
accordé à la minorité anglophone même avec la loi
101, qui, toute française soit-elle, reconnaît des droits et
consacre une situation de fait de cette minorité anglophone, je dis que,
si on doit juger la qualité de notre société et de la
démocratie vécue dans
notre société québécoise, nous sommes, nous,
du Québec, une société foncièrement
démocratique, foncièrement respectueuse des droits de la
minorité et que nous allons continuer de l'être même si,
dans les autres provinces, ce sont des sociétés nettement
antidémocratiques, pour reprendre l'exemple utilisé par le chef
de l'Opposition.
Il faut qu'on sache, M. le Président, qu'il n'y a aucun statut du
français devant les tribunaux et les Assemblées
législatives en Colombie-Britannique, aucun statut du français
reconnu devant les Assemblées législatives et les tribunaux en
Ontario, à Terre-Neuve, dans l'Ile-du-Prince-Edouard, la Nouvelle-Ecosse
et le Manitoba, malgré la décision que vient de rendre la Cour
suprême aujourd'hui. Tantôt, j'était très
amusé d'écouter le bulletin de nouvelles à la
télévision, où il y avait des questions qui étaient
posées au représentant du Manitoba et on lui demandait: Est-ce
que vous allez appliquer la décision de la Cour suprême? Il
répondait en ces termes: Ecoutez, il faudra être pratique et
raisonnable. Il faudra, en d'autres mots, bien considérer
là, je ne le cite pas, mais j'interprète que, dans le
fond, cette décision qui est rendue aujourd'hui, qui fait
référence à une époque où les francophones
étaient égaux en nombre dans la province du Manitoba, cette
décision qui est prise aujourd'hui, mais qui réfère
à un contexte d'une autre époque, est une décision qui,
aujourd'hui, vaut pour 4% de la population du Manitoba et cela, c'est
significatif, M. le Président.
Il faut être conscient d'une chose, c'est que les décisions
rendues par la Cour suprême d'aujourd'hui sont des décisions qui
ne réfèrent pas à la situation réelle de 1979, qui
ne réfèrent pas à un taux d'assimilation qui a
été extrêmement grand au cours des dernières
années: plus de 35%, entre 1961 et 1971, dans le reste du Canada. Cela
ne fait pas référence à la situation réelle des
minorités francophones hors Québec. Cette décision de la
Cour suprême s'applique à une époque, où, bien
sûr, si elle avait été rendue à une telle
époque, elle aurait été utile pour la survivance de la
minorité francophone, que dis-je, de l'égalité francophone
au sein du Manitoba, mais pas aujourd'hui, au moment où le dommage est
fait, au moment où la situation a comme quelque chose
d'irréparable pour ce qui est d'un traitement normal qui pourrait
être accordé à la minorité francophone au
Manitoba.
M. le Président, puisqu'il s'agit toujours de l'article 133, je
voudrais à ce moment de nos débats, prendre un extrait d'un
document. Je me rappelle avoir fait des discours au Québec où
j'ai abondamment utilisé ce document pour essayer non seulement de bien
comprendre la situation vécue dans tout le Canada, mais essayer de voir
s'il n'y avait pas, sur le plan de l'imagination créatrice des
Canadiens, quelque chose de nouveau qui pouvait être apporté pour
solutionner ces graves problèmes qui nous confrontent, deux peuples,
deux sociétés et deux nations différentes. Ce document, M.
le Président, est le document de la Commission de l'unité
canadienne, qu'on a appelé communément la Commission
Pépin-Ro- barts.
(1 h 40)
Quand j'ouvre le rapport du comité de cette commission qui
s'appelait "Se retrouver, observations et recommandations," je lis que cette
commission avait comme coprésident, MM. Jean-Luc Pépin et John
Robarts et comme membres, M. Beaudoin, M. Cashin, M. Kovitz si je lis
bien leurs écritures M. Marks, M. Watts et il y avait la
députée de Prévost d'aujourd'hui Mme Solange
Chaput-Rolland.
M. le Président, je ne vais pas sortir un extrait de son
contexte, je vais le lire en entier. Aux pages 55 et 56 de ce document et je
lis, M. le Président; ce n'est pas de moi. Cela a davantage
été écrit par Mme la députée de
Prévost et par ses collègues. Je pense que si elle a signé
le document, c'est qu'elle s'y associe. Je lis, M. le Président. "Quant
au Québec, il s'était engagé dans la voie du bilinguisme
bien au-delà des obligations que lui imposait l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique. Récemment, quelques articles de
la loi 101 ont été frappés d'inconstitutionnalité
aux motifs qu'ils violaient cet article 133. Là, encore il y a appel de
cette décision". C'était au moment où tout cela
était en discussion devant les tribunaux du Québec. "Nous sommes
donc au niveau provincial en présence d'une situation confuse qui ne
peut engendrer que frustrations et antagonisme. Il existe et c'est la
commission qui parle à notre avis deux façons d'assurer,
au niveau provincial, la protection des droits linguistiques des
minorités. La première serait d'étendre la portée
de l'article 133 à quelques-unes ou à toutes les autres
provinces." M. le Président, c'est exactement la suggestion que le chef
de l'Opposition officielle a faite tout à l'heure. "Etendre la
portée de l'article 133 à quelques-unes ou à toutes les
autres provinces." Je continue. Mme la députée de Prévost
n'applaudit pas et je la comprends. "La seconde serait d'écarter les
garanties constitutionnelles et d'inviter les provinces à assurer, par
législation, la protection de leur minorité en tenant compte de
leur situation respective et avec l'espoir que se développe entre les
provinces un consensus ou un dénominateur commun qui serait
éventuellement inscrit dans la constitution du pays. Après
mûre réflexion, nous en sommes venus à la conclusion que
cette deuxième façon s'avérera la plus sage à long
terme et la plus susceptible de réussir". Vous savez, ils sont
très drôles les gens de l'Opposition officielle. Le chef de
l'Opposition, avec un beau grand sourire qu'on lui voit trop peu souvent, est
en train d'applaudir pratiquement le contraire de ce qu'il a dit. Parce que
lui, il devra tenter de réconcilier ce qu'il a dit tout à l'heure
lorsque c'était la première hypothèse qu'il retenait
à savoir d'étendre la portée de l'article 133 à
quelques-unes ou à toutes les autres provinces, alors que ce que disait
la Commission sur l'unité canadienne, c'était qu'il fallait
écarter cette approche et plutôt inviter les provinces à
assurer par législation, la protection de leur minorité. C'est
bien différent comme approche. Il faudra que le
chef de l'Opposition nous explique comment il est capable de concilier
la position qu'il a prise tantôt et les applaudissements qu'il est en
train de faire à l'approche qui a été prise par la
députée de Prévost.
Je continue le texte, M. le Président. Plus on avance, plus cela
devient clair. "Cette solution suscitera, nous le prévoyons, des
protestations. Au départ, en effet, elle privera la minorité
anglophone du Québec et la minorité du Manitoba de l'expression
constitutionnelle de certains droits. N'oublions pas, cependant, dans le cas du
Manitoba, que ces garanties constitutionnelles ont été
ignorées depuis plus de 75 ans. En ce qui a trait à la
minorité anglophone du Québec, notre but n'est certes pas de
suggérer que soit commise quelque injustice" et je suis bien d'accord.
"Nous voulons plutôt témoigner du mouvement irréversible
qui veut rendre le Québec de plus en plus français. "Nous croyons
que nul obstacle constitutionnel qui ne s'appliquerait pas aux autres provinces
ne devrait pouvoir entraver la marche du Québec vers sa francisation et
qu'en conséquence, les dispositions de l'article 133 devraient
être abrogées dans la mesure où elles entreraient en
conflit avec les aspirations québécoises." Commission de
l'unité canadienne.
J'ajoute une autre citation, M. le Président: "Nous avons
cependant confiance, plus, nous sommes convaincus que le retrait des
obligations constitutionnelles imposées par l'article 133
n'empêchera pas les Québécois francophones, non plus que le
gouvernement du Québec, de continuer en toute liberté et par le
biais de lois provinciales, à traiter sa communauté anglophone
avec générosité" et c'est ce que nous faisons.
Et je termine par ce dernier paragraphe, M. le Président, suivi
d'une courte citation de deux lignes et demie, du ministre d'Etat au
Développement culturel: "Nous nous attendons à ce que les droits
de la minorité anglophone continuent à être
respectés dans les domaines de l'éducation et des services
sociaux. Ces droits, il importe de le souligner, ne sont pas garantis par la
constitution canadienne et, pourtant, ils sont déjà reconnus dans
la loi 101 et la Charte de la langue française, qui émanent d'un
gouvernement péquiste. "Ainsi avons-nous la preuve au Québec que
les droits de la minorité anglophone peuvent être
protégés, sans pour autant qu'il y ait contrainte
constitutionnelle, et que les gouvernements de cette province sont tout
à fait capables de concilier l'intérêt de la
majorité et les préoccupations de la minorité".
M. le Président, je conclus, 30 secondes, pour dire que je suis
profondément d'accord avec l'esprit qui présidait aux travaux de
la Commission de l'unité canadienne, à ce chapitre. Mais je sais,
M. le Président, que derrière le débat juridique que nous
avons eu aujourd'hui, il y a une dimension politique éminemment plus
importante et je suis d'accord avec une chose qu'a dite le chef de
l'Opposition: Un fossé énorme nous sépare dans
l'appréciation de la réalité canadienne, un fossé
énorme, des divergences profondes nous séparent quant à
l'analyse que nous faisons de la réalité canadienne. Cela, je
pense que c'est le droit de chacun de l'apprécier à sa
façon, mais je dis ceci, comme le disait le ministre d'Etat au
Développement culturel, et c'est là-dessus que je termine, c'est
qu'au-delà des considérations juridiques, il y a une dimension
politique et c'est là-dessus que va se porter la communauté
québécoise au cours des prochains mois. "La volonté d'une
politique du Québec", c'est le ministre d'Etat qui le disait, "La
volonté politique du Québec ne passera pas par des avis de cour,
aussi suprême soit-elle, mais par la volonté majoritaire des
Québécois, qui s'exprimera lors du référendum."
Le Président: Mme la députée... A l'ordre,
s'il vous plaît!
Mme la député de Prévost.
Mme Solange Chaput-Rolland
Mme Chaput-Rolland: M. le Président, certains diront: Cent
ans d'injustice pour les uns et d'autres: Un jour de justice difficile pour les
autres. Et, ce soir, dans cette Chambre, le gouvernement, dont l'axe principal
repose sur le redressement des injustices commises contre des francophones hors
du Québec et dans le Québec, ne semble pas vouloir oser un seul
élan de fraternité vers ceux-là du Manitoba qui sont enfin
debout, enfin "vindiqués" des sévices commis par...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
Mme Chaput-Rolland: ... des sévices commis contre notre
langue, notre culture et notre fierté collective par une loi de la plus
haute cour de justice qui, enfin, ce soir, leur rend justice.
M. le Président, nous sommes maintenant cinq millions
dotés d'un gouvernement dûment élu en français par
des Français, dans une province française. Devons-nous jeter les
hauts cris parce que, ce soir, nous savons que les cours de justice du
Québec, et même dans cette Chambre, nos textes de loi doivent
être adoptés dans les deux langues du pays?
Le gouvernement, dont on a dit qu'il est formé d'hommes et de
femmes parmi les plus intelligents et les plus bilingues de notre famille
québécoise, a lui-même, je crois, tracé
l'ornière qui, ce soir, nous force à discuter
passionnément de notre langue si souvent massacrée par nous tous
sous le drôle de prétexte de la protéger. '1 h 50)
Ce soir, ce débat est, à mon avis, bien peu
réaliste dans la décision de la Cour suprême qui nous
reporte à la réalité d'avant la loi 101. Mais que nous
enlève-t-elle vraiment dans les faits? M. le Président, sans
doute une satisfaction de pouvoir refuser d'accepter que, tant et ausi
longtemps que nous sommes de la Fédération, nous sommes, M. le
Président, assujettis à des règles édictées
il y a longtemps, qui ont, certes, comporté leur part d'injustices,
d'absurde même, et M. le leader parlementaire a justement, je le
reconnais, rappelé
que le texte français de la constitution n'a pas de valeur
légale, et nous avons été nombreux, des deux
côtés de cette Chambre, à nous élever contre cet
accroc à la plus élémentaire justice linguistique dans
notre pays.
Mais faut-il nous déchirer ce soir et demain, tout simplement
parce que nous sommes légalement forcés de respecter l'article
133 et forcés surtout d'accepter de revenir avant certaines
prescriptions de la loi 101, prescriptions que sûrement ce gouvernement
devait prévoir être susceptible d'être contestées
comme elles viennent de l'être?
Que ce jugement soit difficile dans notre contexte actuel, j'en suis, M.
le Président, que ce jugement puisse nous heurter, j'en suis
également, mais qu'il nous surprenne, qu'il nous plonge dans un marasme
linguistique dont nous sortirons encore plus divisés que nous le sommes,
alors, je n'en suis pas, car je ne crois pas que la loi 101 soit tout
entière mise en accusation. Et la commission dont j'ai fait partie en a
reconnu la validité et le bien-fondé mais, il me semble qu'elle
n'avait pas, comme trop souvent ce gouvernement me permet de le croire, une
sorte d'infaillibilité. Elle s'est refusé d'en faire une critique
exhaustive, M. le Président, article par article, car cela
n'était pas là notre mandat.
M. le Président, j'aurais moi aussi souhaité comme
citoyenne du Québec, ce soir, ne pas me retrouver dans une telle
situation. Mais quand je pense à ceux-là, M. le Président,
qui ont, à des lieues d'ici, réussi seuls à garder vivant
ce fait français au Canada, alors, il me semble que j'ai le droit de
regarder au-delà de cette Chambre pour penser à certains de mes
amis et de nos frères qui, ce soir, célébreront une
victoire alors que, de ce côté de la Chambre, un gouvernement qui
veut, par une loi également honnête, sauver le fait
français dans nos frontières, ne dit pas un mot de
réconfort à ceux qui, avec de si frêles moyens et sans
notre aide, et je les connais fort bien, ont résisté seuls pour
garder vivante cette langue. La réalité de 1890 ne peut pas et ne
pourra jamais se répéter en 1980, car notre population, son
poids, son gouvernement présent et de demain, son histoire, sa
démographie et sa politique ne le permettront plus jamais. Je peux, moi
aussi, comprendre une part de déception dans la réaction du
gouvernement mais non une déformation presque systématique du
jugement tellement prévisible de la Cour suprême.
Je ne crois pas que, demain matin, nous allons renier la primauté
du français dans nos écoles, nos hôpitaux, nos usines, nos
universités, nos maisons et nos villes. Elle oblige, il me semble que
nos tribunaux rendent justice dans les deux langues pour ceux qui parlent deux
langues dans cette province.
Nous sommes assez forts, assez riches, assez nombreux, assez
français aussi pour traiter aujourd'hui dans la dignité, devant
la loi, devant nos tribunaux, les Québécois de langue anglaise au
Québec et dans le reste du pays. Je ne me sens pas ce soir
dégradée dans ma langue et dans ma fierté de citoyenne du
Québec, mais décidée plus que jamais à la garder
intacte cette langue et, soucieuse aussi de garder tout notre respect et le
respect de cette Chambre tout entière pour nos cours de justice et pour
ceux qui, en français comme en anglais, y auront recours librement et
démocratiquement. Je vous remercie.
M. Godin: M. le Président...
Le Président: M. le député de Mercier.
M. Gérald Godin
M. Godin: Merci, M. le Président.
M. le Président, je voudrais nommer, pour commencer mon
intervention, quelques personnes, Martin Jérôme,
député de Carillon, Manitoba; A.F. Martin, député
de Maurice, Manitoba; Hoover Marion, député de Saint-Boniface,
Manitoba; William Lagimodière, député de La
Vérendrye, Manitoba; George-Etienne Fortin, secrétaire de la
convention canadienne-française du Manitoba et Mgr Alexandre
Taché, évêque du Manitoba. Ce sont des morts
j'entends les larmes de crocodile de l'autre côté pour une
victoire qui vient 89 ans après le fait. Ce qui distingue les
Français dans ce pays, par rapport à la justice, c'est qu'ils
obtiennent justice quand ils sont morts, tandis que les Anglais obtiennent
justice deux ans après que notre loi soit adoptée. Justice pour
les vivants s'ils sont anglais, justice pour les morts s'ils sont
français. Nous pleurons sur les morts. Mme la députée de
Prévost se lève et dit qu'il va y avoir des fêtes ce soir
au Manitoba; je dis, oui, mais peut-être dans les cimetières. Le
jugement de la Cour suprême permettra aux morts d'avoir des écoles
françaises, permettra aux morts d'obtenir des documents en
français, permettra aux morts de parler français au
Parlement.
Je voudrais vous lire ce qui s'est passé au Manitoba. Pendant six
ans, les gens que j'ai nommés se sont battus comme de vrais Canadiens
français, pour leurs.droits, ils se sont battus, en deux instances
judiciaires locales, deux fois au Conseil privé de Londres, deux fois
à la Cour suprême du Canada. Ils ont obtenu du gouvernement
fédéral, quelques mois avant une élection, une loi
réparatrice. Malheureusement, la fameuse élection a tout
empêché, ils n'ont jamais rien eu, ils ont dû se rabattre
sur les arrangements Laurier-Greenway qui ne donnaient rien du tout à
personne, avec le résultat que dès 1896, plutôt que de se
soumettre à l'oppression, écrit Lionel Groulx, 51 écoles
avaient fermé leurs portes, six ans après l'abolition du
français au Manitoba. Toute une génération de 1000
à 2000 enfants grandissaient dans l'ignorance du français dans
ces écoles.
Par conséquent, je dis qu'il y a deux justices en ce pays. Je
voudrais citer le vieux principe, "don't blame the judge for the law",
n'imputez pas au juge les faiblesses ou les imperfections d'une loi. C'est bien
sûr, mais nous pouvons quand même comparer des situations
politiques de cette époque avec celles qui se passent maintenant. (2
heures)
II y a une loi qui s'appelle The Manitoba Act, de 1870, un acte
voté par le gouvernement impérial de Londres et qui est la
constitution officielle du Manitoba, qui a autant de valeur que le fameux
article 133 cité abondamment par nos amis d'en face. Cette loi no 3
votée en 1870, par laquelle le Manitoba devenait une province
canadienne, disait que les Français avaient droit à leurs
écoles. Vingt ans après, un gouvernement abolit totalement ce
droit. Les Français se battent pendant...
M. le Président, est-ce que vous pourriez demander au caucus
libéral de se réunir dans la salle prévue à cette
fin? Nous sommes dans un Parlement ici.
Donc, M. le Président, cette loi qui est aussi valide, aussi
importante, aussi valable que l'article 133 du BNA Act a été
violée par la province du Manitoba. Les Français se sont battus
et se sont cassé le nez, ils se sont brisé le coeur et ils sont
disparus. Il ne reste plus que 4% de bilingues au Manitoba.
Et aujoud'hui on dit: Victoire! La justice existe en ce pays. Je dis que
oui, la justice existe. Pour les morts. Ils ont subi, les Français du
Manitoba, sur lesquels on entend pleurer aujourd'hui les crocodiles
libéraux, ils ont subi le potinage, le "ber-landage", le "poutinage", le
"grenouillage". Mais jamais de résultats concrets sauf, 89 ans
après, comme le disait le journaliste Philippe de Saint-Robert: "Les
Anglais ont l'art de reconnaître leur propre violence quand ils en ont
empoché les effets."
Il n'y a plus de Français là-bas. Le rêve
fédéraliste est mort au Manitoba et les Français se sont
rendu compte que la seule partie de ce pays, où ils étaient chez
eux, c'était au Québec. Et les migrations vers le Manitoba ont
cessé parce que les gens se sont dit: II n'y a qu'au Québec que
nos droits sont respectés, chez nous. Ailleurs, ils sont violés
partout. Les Maritimes, l'Ontario, le Manitoba, le Québec, c'est
où? C'est chez nous.
Le chef de l'Opposition a dit plus tôt qu'il faut juger de la
qualité d'une démocratie à la mesure du respect qu'elle
fait à ses minorités. Utilisons cette aune pour mesurer le sort
fait par la démocratie canadienne aux minorités et on comprendra
peut-être pourquoi nous voulons changer ce système, nous, du Parti
québécois. Et combien de moyens existe-t-il de changer le
système de lois impériales, coloniales, qui nous gouvernent
encore? Y a-t-il cent moyens? Y a-t-il vingt moyens? Dix? Il y en a deux, M. le
Président.
Il y a les conférences fédérales-provinciales ou il
y a la volonté du peuple clairement exprimée dans un
référendum sur le modèle de Terre-Neuve, en 1949. Il y en
a deux moyens de changer une constitution. Il y a deux moyens pour que les
Québécois se donnent le régime de loi qu'ils veulent se
donner. Il faut rappeler que si nous ne blâmons pas le juge, il faut se
pencher sur la loi. Et ladite loi, c'est le BNA Act, British North America Act,
par lequel le Québec a obtenu, en 1867, certains pouvoirs, certaines
obligations.
Il s'agit donc de la loi fondamentale de ce pays où l'on voudra
nous faire croire que nous sommes chez nous. Le vrai visage du BNA Act est
apparu aujourd'hui, c'est un visage qui n'est pas beau à voir. C'est un
visage qui interdit au gouvernement démocratiquement élu du
Québec d'adopter des lois pour ce qui concerne un aspect vital de sa
personnalité, c'est-à-dire le français dans les cours de
justice.
Ceux qui se demandent pourquoi nous voulons changer ce système,
cette loi fondamentale, vont peut-être comprendre, ce soir, la raison
pour laquelle nous voulons la changer. Ceux qui se demandent pourquoi on veut
une nouvelle entente le comprendront peut-être ce soir. Ceux qui se
demandent pourquoi les Québécois veulent être maîtres
chez eux le comprendront peut-être ce soir.
Combien de moyens y a-t-il donc? Il y en a deux.
Le premier moyen, les conférences
fédérales-provinciales, a-t-il été testé,
oui ou non? La réponse est oui. Regardons le déroulement des
conférences fédérales-provinciales qui est le seul moyen
de changer cette loi fondamentale avec laquelle on nous assène
aujourd'hui une décision qui viole et brime notre pouvoir d'adopter ici
des lois. Regardons les conférences
fédérales-provinciales. Nous les voyons comme un carrousel, un
"merry-go-round", puisque le Parlement redevient bilingue, un "merry-go-round"
où les chevaux de plâtre tournent et tournent au son d'une musique
d'orgue "à steam", comme on disait, et les chevaux de couleur montent et
descendent. M. le Président, ils montent et descendent depuis un
siècle, les chevaux, et tout ce qui change ce sont les cavaliers qui
sont assis sur ces bêtes de plastique. Nous avons eu le cavalier
Honoré Mercier qui, dès 1887, a proposé des changements
à la Confédération. Il recommandait, par exemple, que les
sénateurs soient nommés par les provinces.
Une Voix: La belle trouvaille!
M. Godin: Presque un siècle plus tard, au moment d'agir,
M. Trudeau, à son tour sur le cheval, propose encore que les
sénateurs soient nommés par les provinces. Il n'y a pas eu de
changement. Depuis un siècle, le cheval tourne toujours, M. le
Président, et il n'y a pas de changement.
Nous avons vu passer les cavaliers John Robarts, Lester B. Pearson,
d'autres qui sont morts, d'autres qui sont disparus, d'autres qui ont
été battus, d'autres qui reviendront peut-être et des
nouveaux. Le plus jeune, en l'occurence, c'est le chef de l'Opposition, le plus
jeune à monter sur ces chevaux de plâtre. Des journalistes, dans
une conférence de presse du 1er novembre 1979, lui ont demandé:
Qu'est-ce qui vous fait croire, M. Ryan, M. le chef de l'Opposition, que vous,
vous réussirez dans les "circonférences"
fédérales-provinciales à obtenir des résultats?
Réponse du chef de l'Opposition: "They know very well en parlant
du Canada anglais that the present leader of the Liberal Party of
Québec is not the easiest man to deal with. They know." Je pense que
vous le savez aussi, M. le Président! Il
ajoute: "He en parlant de lui has convictions. He has
principles. He has the support of his people in his party." Quand viendra le
temps, dit-il, de faire des changements, il y aura des conversations
sérieuses.
M. le Président, est-ce que cela signifie que tous ceux qui sont
montés sur les chevaux avant lui n'avaient pas de principes, n'avaient
pas de convictions, n'étaient pas "the easiest men in the world to deal
with"? Est-ce que M. Duplessis était un homme avec lequel il
était facile de négocier? Il n'avait pas de convictions, M.
Duplessis, pas de principes? Est-ce que M. Lesage manquait de principes et de
convictions? Est-ce que M. Lesage n'était pas un homme avec lequel il
était difficile de négocier? Est-ce que M. Daniel Johnson
manquait de convictions et de principes? Est-ce que M. Bertrand, est-ce que M.
Bourassa, est-ce que M. Lévesque manquent de convictions et de principes
et que le premier qui en aurait ici serait le chef du Parti libéral? (2
h 10)
M. le Président, pour changer la loi fondamentale avec laquelle
on nous matraque comme nation ce soir, il faut... Oui, Mme la
députée. Oui, oui, oui. Vous, cela ne vous fait pas mal, vous
avez la tête dure! Je dis que le seul moyen de changer cette loi de base
avec laquelle nous sommes poignés, collés, c'est par un
changement fondamental qui ne viendra pas du "merry-go-round" et qui ne viendra
pas du fait qu'un chef de parti prétend tout d'un coup qu'il a plus de
principes et de convictions que les autres. Le seul moyen, c'est que le
Parlement se tourne vers le peuple et lui demande un mandat de changer cette
loi, et c'est tout. Si le peuple est d'accord pour changer cette loi, elle sera
changée. C'est le seul moyen. Par conséquent, nous devons
passer... On parle des partielles, mon Dieu, Seigneur, on s'énerve sur
des épiphénomènes... des accidents de l'histoire.
M. le Président, excusez-moi si je vous dérange, mais je
terminerai en disant que pour changer cette loi fondamentale contre laquelle
malheureusement j'ai peu entendu la critique ce soir de ce côté,
il n'y a qu'un moyen, c'est de sortir de la logique politicienne et d'entrer
dans la logique du droit du peuple de décider lui-même quelles
institutions il veut se donner. Nous appelons cela le droit du peuple à
se déterminer lui-même, et il ne peut le faire que par un
référendum, et non pas en se fiant à d'autres.
Par conséquent, je terminerai là-dessus...
Le Président: M. le député de Mercier.
M. Godin: Je terminerai en m'adressant au-delà de cette
Assemblée, à toutes les Québécoises et à
tous les Québécois qui nous écoutent peut-être
encore aujourd'hui ou demain ou plus tard, pour leur dire que le seul moyen de
changer la loi dont se sert le régime colonial, dont le dernier avatar
était à Ottawa, le seul moyen de changer ce régime
colonial, impérial, imposé à nous par la majorité
canadienne-anglaise de 1867, le seul moyen par lequel nous pouvons
décider de nous-mêmes ce qui nous convient, c'est de se donner
notre propre constitution par la décision populaire
démocratiquement exprimée dans un référendum. C'est
le seul moyen. Il ne faut pas leurrer le monde, il ne faut pas patiner, il ne
faut pas tuer le temps. Il ne faut pas gagner du temps pour le système
fédéral. Il faut dire aux Québécois: Vous voulez
que cela change, cette loi, qui nous écrase aujourd'hui. Dites oui au
référendum, parce que le seul mot qui veut dire oui, c'est oui.
Merci beaucoup.
Le Président: M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Fernand Grenier
M. Grenier: Merci, M. le Président. Au cours de
l'été 1977, alors que nous adoptions la loi 101, la Charte de la
langue française, nous nous étions penchés, nous, de
l'Union Natinale, et nous avions produit un document, à ce
moment-là, qui a été fort important pour le parti, et je
pense qu'il aurait davantage dû rendre service au gouvernement actuel
puisqu'à ce moment-là, nous avions prévu un peu ce qui se
produit aujourd'hui. Daniel Latouche, du journal Montréal-Matin disait,
à ce moment-là j'en passe un bout, celui des louanges
"quant au contenu, il constitue également un fleuron pour l'Union
Nationale qui a su compléter et rectifier le tir gouvernemental,
là où le projet de loi no 101 en avait le plus besoin. Au plan
des détails pratiques, les amendements soumis par l'UN sont toujours
très pertinents".
M. le Président, je vous rappellerai tout à l'heure
certains amendements que nous avions proposés et qui sont encore
aujourd'hui des carences dans ce projet de loi, des difficultés qui sont
contestées dans différentes régions du Québec, et
je pense bien qu'on revivra ici certains événements qui sont
encore assez frais dans ma mémoire ce soir. Je tâcherai d'en
rappeler certains au gouvernement qui auraient peut-être dû faire
l'objet d'amendements acceptés par ce gouvernement.
Le gouvernement d'Ottawa a décidé ce matin d'appliquer
l'article 133 et de rendre inconstitutionnelle cette Charte de la langue
française dans quelques-uns de ses chapitres. Ce jugement nous semble
sévère, semble sévère à certains. Pourtant,
on s'y attendait. Il était attendu depuis l'adoption de cette loi. Il
avait été contesté devant certains tribunaux on l'a
mentionné tout à l'heure que ce n'est pas dans des moments
comme ce soir où on doit servir à l'assistance ici les discours
les plus enflammés. Je pense qu'il faut être calme, fournir des
expressions aux gens qui permettront de faire avancer le débat et se
préparer pour un débat qui sera encore plus important, je pense,
dans quelques semaines, dans quelques mois, et où il faudra être
davantage plus calme encore, soit au moment du référendum. Il est
possible qu'au lendemain du référendum nous revivions ensemble un
jugement comme aujourd'hui, un jugement que certaines personnes au-
ront de la difficulté à accepter et on l'acceptera
d'autant mieux qu'on s'y sera préparé, et ce n'est pas dans le
tumulte comme on l'a vu, dans des discours enflammés et pleins de
passion qu'on réussira à accepter un référendum de
la population. Je pense qu'il faudra y aller dans le calme.
J'ai un passé, je pense, qui m'a aidé à accepter
pas mal de situations. J'ai été, à peu près toute
ma vie, mêlé à des minorités. Je suis comme
l'ensemble des autres. Je ne suis pas un être extraordinaire. J'ai
vécu dans le Québec, dans une province minoritaire par rapport
aux autres dans notre fait français. Là-dessus, je ressemble aux
autres. J'ai été élevé, j'ai grandi dans un tout
petit village où les Canadiens français étaient en
minorité par rapport aux Ecossais dans les Cantons de l'Est. Je me suis
habitué très jeune à vivre dans un milieu minoritaire. Je
suis allé un peu plus tard étudier à Ottawa, alors que
nous étions dans une ville où nous étions minoritaires et,
par mon poste que je détenais à l'Université d'Ottawa,
j'ai dû avoir des rencontres avec une personne qui n'était pas
toujours facile, qui s'appelait Charlotte Whit-ton, qui ne comprenait pas
tellement l'utilité des deux langues dans la ville d'Ottawa, et,
ensuite, j'ai terminé comme on se doit de le faire en obtenant un
diplôme en Louisiane, où j'ai connu la communauté
acadienne pendant quelques années et vu lutter ces gens. Je suis revenu
vivre dans les Cantons de l'Est, où on vit avec une minorité qui
a à lutter constamment, et, un peu plus tard, j'ai épousé
une personne qui vit dans une communauté minoritaire dans les Cantons de
l'Est, une Ecossaise. Aujourd'hui, je souffre, dans ma famille, de l'adoption
de la loi 101 avec mes deux enfants.
Je suis en mesure de vous parler de la loi 101. Je suis en mesure de
comprendre ce qui nous arrive aujourd'hui. Je suis, de par ma famille, un
nationaliste, et si vous en doutez, vous le demanderez au député
de Vanier. Il en sait quelque chose, lors de l'adoption de la loi 63. Le
député de Vanier s'en souvient, je pense.
M. Brochu: Très bien! (2 h 20)
M. Grenier: M. le Président, le premier ministre, M.
Johnson, me déléguait aux assises qui se tenaient au Manitoba.
J'ai eu l'occasion de discuter avec l'ancien délégué du
Canada à Paris M. Pelletier qui était là, à ce
moment-là, délégué avec Mgr Boudou. J'ai
passé près d'une semaine à discuter avec les
communautés francophones et quand j'entendais, tout à l'heure, la
députée de Prévost, qui a eu l'occasion de circuler
à travers notre Canada, je n'ai pas eu le plaisir de discuter avec
chacune des minorités dans les différentes provinces, mais d'une
façon particulière avec celle du Manitoba et encore là,
dans des moments comme ceux-là, j'ai cette habitude d'y aller
modérément parce que j'ai appris, depuis ma naissance, que ce
n'est pas en faisant des discours enflammés et en mettant les nerfs des
gens à fleur de peau qu'on règle des problèmes. Je pense
que cela aide énormément des hommes à se préparer
dans des milieux comme ceux-là.
La loi 101, je l'ai vécue intensément ici il y a deux ans
et j'avais vécu la loi qui a avorté la loi 85 alors que nous
étions le gouvernement, qui préparait le chemin à la loi
63, qu'on a dû rejeter un matin vers 5 heures en caucus parce qu'on ne
l'endurait pas, on ne l'acceptait pas et cela a donné naissance à
la loi 63 quelques semaines plus tard. Certains de ceux qui sont ici, qui sont
revenus dans la Chambre, se rappellent de ma position face à la loi 63,
des difficultés que j'ai eues de vivre dans mon parti à ce
moment-là. J'ai assisté, du haut des galeries ici, à
l'adoption de la loi 22 et j'ai vu son cheminement et j'ai largement
participé en y faisant de nombreux amendements à la loi 101 qui a
été votée ici l'an dernier.
Vous dire, M. le Président, que la décision de la Cour
suprême qui nous arrive aujourd'hui ne me fait pas mal, ce serait mentir.
Il y a des choses qui me font mal, j'ai des tripes comme tous les
Québécois qui sont ici, les parlant français qui sont ici.
Cela me fait quelque chose moi aussi, ça me touche moi aussi, mais je
tâche d'être plus raisonnable que ça et je me dis que
à ce moment-là, on devait l'attendre cette sentence qui nous
arrive aujourd'hui. On l'avait préparée au cours de
l'été 1977. Il ne faut pas être surpris que cela nous
arrive aujourd'hui. On a joué un jeu, on a tenté de jouer le jeu
politique, mais il faut quand même être raisonnable quand on est
des législateurs. Que le peuple, que des gens ordinaires jouent ce
jeu-là, ça va, mais que des législateurs se mêlent
de jouer le jeu qu'on a fait sur la loi 101, c'est difficile à accepter
et aujourd'hui je n'en suis certainement pas scandalisé, c'est une
réponse qu'on attendait.
Encore une fois, il n'y a rien qui m'énerve et il n'y a rien qui
m'inquiète.
Dans la loi 101 on avait dénoncé des faiblesses. Il y a
des choses difficiles à accepter pour la population dans la loi 101. On
le saura. Par exemple, la clause qui oblige d'annoncer en français
partout, ça fait mal dans des milieux, ça fait mal dans plusieurs
milieux. Ce n'est pas sûr que ce soit bon pour notre collectivité,
ce n'est pas sûr que ce soit bon pour notre économie. Il faudra
qu'on se penche sur ce problème. La clause Canada a fait mal à
pas mal de gens quand on l'a votée ici et elle mériterait
d'être touchée et de fond. La clause que nous avons
proposée à ce moment-là, et c'est celle-là qui me
fait souffrir dans ma famille, c'est la clause du secondaire, alors qu'on a
proposé la clause du primaire pour les petits villages qui ne peuvent
pas avoir d'écoles primaires. Elle a été refusée et
pas besoin de se demander pourquoi les anglophones qui vivent dans les Cantons
de l'Est, en particulier, que je connais mieux, ou dans la Gatineau, qui sont
privés d'écoles primaires, sont vraiment insatisfaits de la loi
101 et ils veulent des changemets et si le ministre se promène, le
ministre, le parrain de la loi veut savoir ce qui se passe dans ces
communautés, il n'a qu'à s'y rendre, qu'à aller les voir
et on lui donnera les raisons véritables pour lesquelles on n'accepte
pas ces certaines clauses.
Il y a eu des améliorations dans la loi 22, dans la loi 101 sur
la loi 22 et le test qui a été aboli pour revenir à la
langue maternelle, est, à mon
sens, une amélioration. I! a également
empêché aussi, c'est une amélioration qu'il faut lui
donner, que la minorité anglophone s'alimente à même la
communauté francophone. Il a empêché ça. Dans le
temps on a appuyé cet amendement. Je pense qu'il a été
appuyé par l'Opposition officielle parce qu'on nous promettait, à
ce moment-là, que pour compenser cet amendement où on
empêchait et on disait que c'était la langue maternelle qui
déciderait on nous a promis qu'il y aurait une
amélioration sensible dans l'enseignement de la langue seconde. Depuis
ce temps-là, encore cette semaine on s'est fait répéter
par le ministre de l'Education que non seulement on ne l'a pas
amélioré mais on l'a diminué au niveau du secondaire et
à peu près pas transformé au niveau du primaire, à
part que quelques projets pilotes pour les quatrièmes années. Ce
sont là des difficultés que l'on éprouve avec la loi 101
et il me semble que le gouvernement ne devrait pas être surpris que des
gens soient insatisfaits et voir que dans certains milieux la popularité
du gouvernement peut fléchir. Ce sont des raisons comme celles-là
qui le font.
On me dit: C'est accepté, tout le monde est très satisfait
et il n'y a pas beaucoup de gens qui peuvent contester les gestes posés
par le gouvernement. Je pense que c'est analyser trop rapidement l'état
de la situation au Québec. Je pense qu'il faut reculer de quelques
années pour se rendre compte que, si la contestation a diminué
à des niveaux comme ceux-là, ce n'est pas nécessairement
parce que les gens sont plus satisfaits, mais il y a maintenant un lieu de
contestation qui n'était pas celui qu'on a connu avant 1976.
C'était la rue à ce moment-là, alors que maintenant la
contestation se fait au Parlement. Les forces sont mieux réparties
maintenant dans le Parlement. Il y a une véritable opposition. Dans le
temps, il n'y avait probablement pas suffisamment de députés en
Chambre pour satisfaire les gens qui pouvaient être insatisfaits. On
sentait que l'opposition se faisait dans la rue. Mais retournons maintenant
cela de l'autre côté. J'ai la forte impression que si l'Opposition
de ce côté-ci ne faisait pas son travail comme elle le fait, la
contestation dans la rue serait pas mal plus forte que celle qu'on a connue
entre les années 1970 et 1976.
Mme la Présidente, je voudrais vous dire une chose, et je termine
là. J'ai la certitude que dans le développement d'une nouvelle
constitution qui devra nous arriver, on devra y mettre le poids pour que non
seulement le Québec et le Manitoba, mais qu'également l'Ontario
et le Nouveau-Brunswick appliquent la règle de l'article 133 de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique. Je pense qu'à partir de
là il y a pas mal de choses qui peuvent être ajustées
autour de cet article qui pourraient rendre service à nos
communautés francophones et anglophones dans nos provinces. Nos
minorités pourraient trouver là satisfaction. Je pense, M. le
Président, qu'une loi, peu importe la la loi que nous voterons ici en
Chambre, qui voudra briser des traditions, des coutumes en voulant y aller
brusquement n'arrivera jamais à être acceptée. Le
gouvernement l'a appris, d'autres gouvernements l'ont appris aussi, que la
nature ne fait pas de bonds, il faut y aller lentement. On joue mal avec les
traditions des Québécois. On a l'esprit latin, il faut s'en
rendre compte à voir les discours qui se font ici en cette Chambre. On
ne changera certainement pas l'esprit, c'est peut-être heureux que ce
soit ainsi. Je pense que le jour où on voudra apporter une loi qui
pourrait transformer ou bien notre langue ou bien nos coutumes, il faudra y
aller modérément et avec l'assentiment de l'ensemble de la
population. Je vous remercie.
Le Président: M. le député de Saint-Laurent.
M. Claude Forget
M. Forget: Ce soir, M. le Président, le gouvernement agit
sagement. Il pose un geste nécessaire à cause de ce jugement de
la Cour suprême. Il pose un geste inévitable et prévisible.
Cependant, tout en agissant sagement, il parle, surtout lorsqu'il parle par la
bouche du ministre d'Etat au Développement culturel, le langage de la
rébellion, le langage de la contestation. Certes, ce gouvernement,
étant donné ce qu'il représente, a le droit le plus strict
d'exprimer sa déception, d'exprimer son désaccord, d'exprimer sa
volonté de changer le régime politique qui a produit ce
résultat, mais l'expression qu'il a donnée à sa dissidence
dépasse de loin ce qu'il est permis et normal d'envisager dans un
régime politique tant que celui-ci dure. Cette rébellion qu'il
exprime par la voie de son ministre et par le parrain du projet de loi,
s'appuie sur un certain nombre d'éléments qui sont
exploités à plaisir. En premier lieu, le gouvernement
exagère grandement la portée de ce projet de loi. Il nous a
amenés à croire que ce projet de loi rendait illégaux ou
invalides tous les règlements des commissions scolaires et des
corporations municipales. (2 h 30)
Mais cette affirmation qu'il claironne dans le discours du ministre
n'est pas suivie, dans le texte de la loi, d'aucune espèce de
conséquence. Il y a là une contradiction qui démontre
clairement l'excès de langage du ministre. Certes, cette loi respecte la
constitution actuelle du pays, mais toutes les références
à cette constitution sont faites dans le mépris et le
ressentiment. Bien sûr, il accepte le verdict des tribunaux, mais il
vocifère en même temps contre leurs diktats un mot sans
aucun doute chargé de significations très lourdes il
déplore leur dureté comme s'ils avaient fait autrement que de
dire le droit qui existe. Il s'étonne qu'ils ne modifient pas la loi
plutôt que de l'interpréter, alors que c'est bien là leur
rôle. Il les accuse de partialité et il condamne l'intention qu'il
leur prête sans aucune justification d'insulter les
Québécois.
M. le Président, tout le discours du gouvernement nous pousse
à croire que la révolte est son vrai langage, et que sa sagesse
actuelle, la sagesse de son acte actuel n'est pour lui qu'une occasion de
regret. Il y a, d'une part, cette action
normale, raisonnable, ordinaire d'un gouvernement, et il y a, d'autre
part, cette parole d'un ministre, cette parole rebelle et contestataire.
Pourquoi ce divorce entre l'action et la parole du gouvernement? Ce que le
gouvernement fait ce soir donne à toute son action et à sa
présence même sur les banquettes d'en face l'allure de l'action
propre à une opposition, plutôt que de l'action propre à un
gouvernement.
Ces gens parlent comme une opposition, et ils ne se consolent pas
d'avoir à assumer le fardeau de gouverner normalement. Ce dilemme, M. le
Président, je pense que le Seigneur l'entendra et les en
délivrera en temps et lieu, mais cette contradiction a des
conséquences qui dureront au-delà de ce soir. Cette contradiction
a d'abord des conséquences pour eux, et pour le ministre en particulier.
Le langage de révolte qu'il tient, selon son habitude parce que
c'est un langage familier qu'il utilise chaque fois que nous l'entendons,
même si ces fois se font de plus en plus rares devrait être
suivi d'une vraie révolte. Si le ministre d'Etat ressent de
l'humiliation ce soir, c'est qu'après avoir employé le langage de
la révolte, après avoir employé le langage de la guerre,
il ne part pas en guerre. Mais cela, c'est son problème.
Il y a aussi des conséquences pour ceux qui écoutent le
gouvernement, qui observent son action et qui essaient de comprendre le divorce
qui existe entre les deux. Nous devenons perplexes sur les intentions
véritables d'un gouvernement qui se livre à cette
opération aussi contusionnante pour le spectateur. Lorsqu'il a l'air
d'être sage, ce gouvernement, et que, d'un autre côté, il
est si visiblement déçu de l'être, est-ce que j'impute des
intentions à ce gouvernement?
Ce chapitre III de la loi 101, qui vient d'être condamné
par la Cour suprême du pays, après que la Cour supérieure
du Québec et la Cour d'appel eussent fait la même chose, si on le
considère isolément, ce n'était pas une vraie loi par un
vrai gouvernement. C'était le prolongement législatif d'un
discours contestataire et c'était une provocation. On a
légiféré pour voir ce que cela donnerait. On l'a fait les
yeux ouverts et très consciemment. Pendant plus d'une semaine, lors des
débats sur la loi 101, l'Opposition officielle a attiré ad
nauseam l'attention du gouvernement sur les problèmes constitutionnels
qui étaient soulevés par l'approche suivie par le gouvernement.
Le gouvernement, les yeux ouverts, a décidé de faire ce
défi à la constitution pour voir ce que cela donnerait et surtout
pour voir ce que l'on pourrait en dire quand on saurait ce que cela donnerait.
On a vu ce soir ce que l'on peut en dire. La démonstration est
faite.
M. le Président, nous ne demandons même pas au gouvernement
d'avoir l'élégance du bon perdant dans ce débat. Nous lui
demandons le respect des règles du jeu. Ce soir, les règles du
jeu sont celles de l'interprétation judiciaire d'un texte. Demain, ce
sera le verdict du peuple exprimé par un référendum. La
démocratie dont on se réclame pour faire ce
référendum, elle n'est pas un jeu auquel on se prête juste
pour voir, pas plus, d'ailleurs, que la législation n'est un jeu auquel
on se livre juste pour voir ce que cela va donner.
Est-ce que demain nous entendrons cette amertume grondante de la part
des membres du gouvernement, si jamais il faut même penser
l'impossible le nombre des "non" l'emporte sur le nombre des "oui"?
Autant le savoir tout de suite, M. le Président. Nous avons ici un
exercice intéressant de l'attitude de ce gouvernement. Saura-t-il
ajuster à ce moment-là sa parole avec son action? C'est là
la conséquence de ce que nous vivons ce soir. C'est une
conséquence pour l'ensemble du Québec et qui dépasse, de
loin, l'enjeu du chapitre III de la loi 101. Ce divorce entre la parole et
l'action dont on a été témoin ce soir, par une loi
raisonnable et des paroles qui ne le sont pas, est-ce que nous le vivrons
à nouveau, est-ce que nous le subirons et le ferons subir à
nouveau à nos concitoyens? M. le Président, le Parti
québécois a déjà réalisé la
souveraineté-association. Il nous en a donné le spectacle ce
soir. La souveraineté du langage outrancier et une association fragile
avec le bon sens.
Le Président: M. le député de Rosemont.
M. Gilbert Paquette
M. Paquette: M. le Président, nous sommes, à 2
heures 40 du matin, en train, encore une fois, de discuter de langue et de
constitution. Certains de nos amis d'en face ont soulevé cette question
tout à l'heure et nous ont dit: Si on pouvait donc arrêter de
parler de langues et de constitution pour parler des vrais problèmes du
Québec, pour parler d'économie. Je vous assure, M. le
Président, que nous avons tous près hâte d'être
rendus à ce jour béni où, comme tous les peuples normaux
de la terre, nous pourrons nous occuper de notre propre développement au
lieu de faire des batailles de survivance pour une chose tout à fait
normale: parler notre langue chez nous. (2 h 40)
Ce qui arrive ce soir est extrêmement humiliant, je pense, pour
tous les Québécois. Ce n'est pas une humiliation pour le
gouvernement. Le gouvernement a adopté une loi qui est légitime,
je pense, aux yeux de la grande majorité des Québécois,
et, sur certains avis juridiques, il a adopté un chapitre qu'on juge
maintenant inconstitutionnel, par rapport à cette vieille loi de 112 ans
qu'on appelle la constitution canadienne et qui est encore à
Londres.
C'est une discussion humiliante, parce que ce peuple
québécois, par ses représentants à
l'Assemblée nationale, avait décidé que la seule langue
officielle du Québec serait le français. Cette loi nous
réintroduit le bilinguisme dans ce qu'il y a peut-être de plus
vital pour un peuple, ses institutions politiques et ses institutions
judiciaires.
Cette loi aura plusieurs conséquences concrètes pour les
citoyens. Je ne vais qu'en citer une. Désormais, devant les tribunaux,
la Cour suprême interprétant enfin, il faut supposer
correcte-
ment... Je ne pense pas qu'il soit de l'intention de qui que ce soit ici
de blâmer la Cour suprême, c'est la constitution qui est à
blâmer. La Cour suprême nous dit que les articles 11 et 12 de la
charte du français forceraient les personnes morales à n'employer
que le français. Au scandale! les personnes morales, les entreprises,
les compagnies seraient obligées d'employer le français par la
charte du français. Cette charte ferait du français la seule
langue officielle des pièces de procédures de nature judiciaire
ou quasi judiciaire. La Cour suprême nous dit: Ces articles 11 et 12 de
la charte du français sont inconstitutionnels, sont contradictoires
à l'article 133.
Ceci signifie que, dorénavant, devant un tribunal quelconque,
Jean Martin, citoyen du Québec, qui a un différend avec Household
Finance Corporation va se présenter devant les tribunaux et que cela va
pouvoir se passer en anglais. Remarquez que ce jugement de la Cour
suprême rétablit, autrement dit, entre autres, les droits de
Household Finance Corporation ou ITT ou n'importe quelle espèce de
compagnie, même pas canadienne, même pas
anglo-québécoise. Cela n'a rien à voir avec les droits de
la minorité, cela n'a rien à voir avec ce désir bien
légitime qu'ont la majorité des Québécois de
posséder une langue seconde, il n'y a personne qui va contester cela. On
permet à des compagnies qui n'ont rien à voir avec ni le
Québec, ni le reste du Canada, ni la minorité anglophone
d'utiliser une autre langue que la nôtre devant nos tribunaux.
C'est ce que Félix Leclerc appelle des gros droits
d'étrangers dans nos papiers de famille. C'est exactement de cela dont
il s'agit. Ces gros droits, on les introduit par une vieille constitution de
112 ans qui, sur ce plan en tout cas, comme sur les autres, mais il serait trop
long de le démontrer, a fait plus que son temps. Mais, il y a plus grave
que cela, en réintroduisant, dans tous ces secteurs vitaux pour notre
vie collective et le Parlement et les tribunaux du Québec, le
bilinguisme, ce jugement aura un impact sur ce que les Québécois,
par leur prise de conscience, avaient réussi à faire.
Je pense que ce qu'il y a de plus important dans nos lois linguistiques,
d'abord la loi 63 et ensuite la loi 22 et la loi 101, ce n'est pas tellement
les articles de ces lois, mais le changement d'attitude et de mentalité
au Québec. Les entreprises en particulier commençaient à
travailler en français, nos diplômés des écoles
commerciales commençaient à se placer plus facilement dans les
entreprises, les immigrants et les groupes minoritaires, au Québec,
commençaient plus volontiers qu'avant à inscrire leurs enfants
à l'école française.
Ce jugement vient changer ce climat de normalité, de
normalité dans ce sens que le Québec était en train
d'apprendre la langue de la majorité sans brimer aucunement les droits
de quelque minorité que ce soit.
C'est pour ça que c'est humiliant, M. le Président,
d'être obligés de refaire ce travail et de se réunir cette
nuit, alors qu'il y a énormément de lois qui attendent devant le
Parlement et dont les Québécois ont besoin. Je pense, entre
autres, à cette Loi sur la santé et la sécurité au
travail, cette réforme de la fiscalité municipale qu'on attend
depuis 30 ans. On est obligés d'être encore ici à faire des
batailles pour survivre, mais quand on fait des batailles pour survivre, on
prend du retard à vivre. Pendant que nous, on fait ça, les autres
développent, partout dans le monde, leur société, à
leur goût.
M. le Président, cette loi, en plus, est profondément
injuste, et là, on va tomber d'accord avec le chef de l'Opposition
officielle, qui nous a dit tantôt que l'acte de 1867, à l'article
133, est très certainement discriminatoire, parce qu'il ne s'applique
qu'au Québec. Effectivement, il est discriminatoire, mais là
où il est difficile de suivre le chef de l'Opposition officielle, c'est
lorsqu'il attaque cet énoncé que faisait le ministre d'Etat au
Développement culturel, où il disait ceci: "Par le jugement de la
Cour suprême, le pouvoir fédéral obtient ce qu'il
recherchait, il réimpose au Québec, le joug, le carcan centenaire
dont le Québec s'était débarrassé en affirmant, par
voie législative sa propre identité linguistique et culturelle."
On a voulu interpréter, du côté du chef de l'Opposition
officielle, en jouant, ce que j'appelle jouer sur les mots et en passant
totalement à côté de la question, comme si cette phrase
voulait dire qu'il y avait des liens quelconques entre le gouvernement
fédéral et la Cour suprême; mais pas du tout, ce n'est pas
ce que ça veut dire, ce que ça veut dire, c'est que la Cour
suprême n'a fait que son devoir, elle a interprété la
constitution, et c'est la constitution qui fonde le pouvoir
fédéral. C'est cette constitution qui a imposé au
Québec, et aux francophones hors Québec aussi, un joug plus que
centenaire.
C'est cet article discriminatoire dans la constitution canadienne, cet
article 133, qui a encouragé toutes les entreprises assimilatrices dans
les autres provinces: 1864, fermeture, sur ordre gouvernemental, des
écoles françaises des Acadiens de la Nouvelle-Ecosse. 1871,
abrogation des droits scolaires coutumiers des Acadiens catholiques du
Nouveau-Brunswick et prohibition de l'enseignement du français dans
cette province. 1877, bannissement du français et de la religion
catholique à l'Ile-du-Prince-Edouard. Toutes les provinces y passent, ce
serait peut-être un peu long, je vais en sauter quelques-unes. 1892,
retrait de l'appui financier de l'Etat aux écoles séparées
francophones des Territoires du Nord-Ouest, qui regroupaient, à ce
moment, l'Alberta et la Saskatchewan quand on sait qu'au Québec,
la minorité anglophone a des écoles payées à
mêmes les fonds publics, de la maternelle à l'université.
C'est très bien et c'est même reconnu dans la loi 101. 1915,
imposition de l'anglais comme seule langue de l'enseignement en Ontario. 1916,
interdiction de l'enseignement du français à tous les niveaux, au
Manitoba justement. (2 h 50)
Je peux vous dire que l'an dernier, j'y étais au Manitoba. On a
parlé de Saint-Boniface tantôt. Saint-Boniface n'est plus une
ville francophone du Manitoba, c'est un quartier de Winnipeg maintenant. Les
francophones n'ont même plus de conseil municipal. Ils n'ont même
plus d'outil politique pour les représenter. J'y étais et le
président, qui est peut-être maintenant un des dirigeants de la
société franco-manitobaine, m'expliquait que quand il
était petit, dans la classe, ils étaient obligés, quand
l'inspecteur arrivait, de serrer les manuels français parce qu'ils
n'avaient pas le droit d'apprendre le français à l'école.
1930, prohibition de l'enseignement du français même en dehors des
heures de classe en Saskatchewan. Cela a été comme cela, M. le
Président, dans toutes les provinces et, aujourd'hui, on se demande
pourquoi on n'applaudit pas aux efforts qu'ont faits les Franco-Manitobains qui
ont été, finalement, couronnés de succès 89 ans
après. On ne peut pas applaudir à une démarche qui passe
à côté de la véritable question. On ne peut pas
applaudir à une démarche qui arrive beaucoup trop tard pour
réparer toutes ces injustices.
Pour ceux qui penseraient que c'est fini, il suffit de rappeler les
huées quand O Canada était chanté en français, les
gens de l'air qui ne peuvent pas piloter en français même au
Québec, même dans l'espace aérien du Québec, ces
écoles en langue française qu'on nous refuse un peu partout et
quand on les a, les francophones sont tellement habitués à
l'anglais que ce sont très souvent des anglophones qui les occupent pour
apprendre le français. Au niveau de la fonction publique
fédérale, le dernier rapport du Commissaire aux langues
officielles, Max Yalden, disait: C'est la langue des catacombes. Ceux qui
pensent que cela a véritablement changé, ce sont eux qui sont
dans les nuages. Ce sont eux qui font de l'idéologie. Ce sont eux qui
manquent de réalisme, qui ne sont pas collés sur les
réalités. On vient bénir ce genre de dynamisme qui s'est
installé.
M. le Président, il faut le dire clairement et nettement, ce
n'est pas la loi 101 qui est injuste, c'est la constitution canadienne. C'est
cette constitution qui a créé ces injustices au Canada. On a
entendu, de la part de l'Opposition, ce que j'appellerais une attitude
d'inconscience, de cachette derrière des écrans juridiques, un
ensemble d'étalage de bonne conscience et de "tournage" autour du pot.
On a essayé de minimiser les effets de la loi. J'ai entendu le
député de Gouin et le député de Lotbinière
nous parler de cela tantôt et un peu plus, ils faisaient comme d'autres
que j'ai entendus privément qui disaient: Ceux qui sont le plus mal pris
là-dedans, c'est bien effrayant, c'est le Manitoba parce que le
Québec n'aura pas besoin de payer pour traduire des lois. Pauvre
gouvernement du Manitoba qui va être obligé de traduire toutes ses
lois et tous ses règlements, c'est donc triste! Qu'est-ce que cela a
à voir avec ce dont on parle? Cela va coûter quelques sous. Cela
ne changera strictement rien au Manitoba. Cela va changer quelque chose au
Québec et dans l'ensemble canadien cette loi.
Ensuite, on nous a parlé de la langue individuelle. Le
député de Mégantic-Compton a dit: C'est bien effrayant la
langue seconde. On n'embarquera pas là-dedans, mais on est à peu
près le seul peuple au monde qui apprend une langue seconde à
partir de la quatrième année et avant, c'était la
cinquième année. Partout en Europe, ils commencent au secondaire
pour votre information.
On nous a parlé de démocratie. On nous a dit: Le Canada,
c'est une société démocratique. C'est le chef de
l'Opposition qui disait cela: Nommez-moi un seul régime où un
parti pourrait défendre la sécession, l'indépendance, la
souveraineté, comme vous le faites. Je lui conseille de lire l'ouvrage
de Jacques Brassard, Accession du Québec à la
souveraineté, et il verra que la majorité des Etats membres des
Nations-Unies ont acquis leur souveraineté depuis 1945. A peu
près de 80% à 85% de ces pays l'ont fait pacifiquement et je
pourrais lui donner des exemples très concrets.
Il y en a un bien simple qui me vient tout de suite à l'esprit.
C'est la Norvège en 1905. Ils ont eu un bout de temps un gouvernement
souverainiste. Il s'est fait battre. Il est revenu et là, à un
moment donné, il a décidé de déposer le souverain
de Suède qui servait de... à véhiculer la mainmise du pays
voisin et finalement, il a tenu un référendum. Tout cela s'est
passé dans... C'était un régime tout aussi
démocratique.
Je vais lui poser une autre question. Nommez-moi une démocratie
au monde, autre que le Canada, "démocratie" entre guillemets, où
60% du groupe minoritaire est complètement assimilé par la langue
de l'autre? Nommez-m'en une. Il y a le Canada. Il y a peut-être d'autres
pays qu'il ne serait peut-être pas bon de nommer. Le chef de
l'Opposition, finalement, lui qui est très réaliste, qui ne fait
pas de dogmatisme, à part qu'il veut absolument que le nouveau
régime politique soit fédéral il faudrait que tout
le monde s'y insère, que cela marche ou non, que cela colle ou non
il ne fait pas de dogmatisme. Il n'est pas coupé du réel.
Il va prendre l'article 133. Il va l'étendre à toutes les
provinces. Tout le monde va avoir accès à l'enseignement dans sa
langue maternelle, francophone et anglophone, et il va mettre cela dans la
constitution canadienne de façon à ce que plus jamais le
Québec ne puisse devenir français. Evidemment, je ne sais pas
comment la députée de Prévost va s'adapter à cela,
elle qui n'a pas fait de rapport minoritaire quand, dans la commission
Pépin-Robarts on dit: II faudrait abolir l'article 133 et laisser les
provinces régler cette question.
M. le Président, je trouve, dans cette proposition du chef de
l'Opposition d'étranges ressemblances et je pense que la
députée de Prévost va être obligée de me dire
qu'elle est d'accord là-dessus à ce qu'il nous en a dit ce
soir, en tout cas, d'étranges ressemblances avec "Le temps d'agir" que
le gouvernement Trudeau a déposé peu avant sa défaite aux
élections fédérales... Justement, M. Trudeau nous disait
qu'on allait régler les problèmes linguistiques. Il avait la
même
vision que le chef de l'Opposition, qu'il y a des groupes linguistiques,
qu'il faut leur parler dans leur langue. Il y a deux groupes qui sont plus
importants que les autres; il y a des anglophones et les francophones. Cela
vaut la peine de mettre leurs droits dans la constitution, de donner
l'accès à l'école en français ou en anglais du
moment que c'est la langue maternelle et donc, de soustraire cela à ces
méchantes provinces qui pourraient se mettre dans la tête de
défendre les droits à leur façon, compte tenu des
réalités de leur société propre.
A ce moment-là, on veut traiter, somme toute, le Québec
comme une province comme les autres. Le Québec va être une
province comme les autres. On essaie encore là on n'est pas
dogmatique de trouver un schème universel. Le Québec n'est
pas une province comme les autres, mais on va la traiter comme les autres. M.
le Président, je regrette de voir cela et j'ai hâte que le
député d'Argenteuil et chef de l'Opposition officielle nous mette
son document sur la table.
On va en parler, de son document. Y a-t-il quelque chose de plus
irréaliste que cette proposition, alors que tout le processus, toute la
constitution a fait son oeuvre? Quand on arrive à la fin et que tous les
francophones, à toutes fins utiles, sont disparus dans les autres
provinces, on va enlever la possibilité au Québec de se
développer en français. Y a-t-il quelque chose de plus
irréaliste que cela, de plus inconscient?
M. le Président, il y a une chose qui devrait attrister les
Québécois et je termine là-dessus. Chaque fois que le
gouvernement fédéral a envahi un champ provincial en violant la
constitution, il a eu un appui universel à la Chambre des communes. On
n'a pas assisté à ces divisions qu'on voit maintenant et ici, ce
qu'on voit, on voit des gens se réjouir dans le genre: Je vous l'avais
bien dit que c'était inconstitutionnel. Je vous l'avais bien dit qu'il
fallait mettre beaucoup plus d'anglais dans cette loi-là. (3 heures)
M. le Président, ce spectacle de division entre
Québécois est triste. Pendant qu'on peut avoir, j'en suis
sûr, dans certains coins, au Canada anglais, ici, on n'est pas capable de
s'entendre sur une chose tout à fait normale, le droit du Québec
de se donner des lois linguistiques qu'il désire conformément
à sa société. Cette question devrait normalement
dépasser les partis. On va nous dire: Vous venez de faire un discours
partisan. Je regrette, M. le Président, mais ce parti est formé
de gens qui viennent de différents horizons politiques. Il n'est pas
là pour se perpétuer dans le paysage; il est là pour
donner au Québec français, aux Québécois, un pays.
Je vous remercie.
Le Vice-Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Ce n'est pas facile, ce soir, M. le Président,
d'être un anglophone dans cette Cham- bre. Il faut que j'admette que j'ai
passé des moments pendant lesquels j'ai été un peu mal
à l'aise. Tout de même, j'ai essayé, durant les
débats, de sortir quelque chose de positif pour peut-être
apprendre quelques leçons pour moi-même et pour les personnes de
mon comté. Qu'est-ce qui est arrivé aujourd'hui? Quant à
moi, un droit de notre société anglophone qui existe depuis 100
ans et qui est enchâssé dans la constitution et un droit qui est
loin d'être le plus important de nos droits, une chose qui n'est pas du
tout importante, quant à moi, a été enlevé il y a
deux ans par un gouvernement qui savait parfaitement, si je comprends bien, que
c'était dans la constitution et que ce qu'il faisait était
anticonstitutionnel. Aujourd'hui ce droit des anglophones est
retourné.
Je n'ai pas l'impression que, quant aux francophones, c'était un
événementl d'une grande importance. C'est mon impression. Mais
j'ai écouté le député de Bourget et je veux citer
ce qu'il a dit quand il a décrit cet événement que moi je
viens de décrire. Je me demande si les Québécois
francophones, l'ensemble, la collectivité, ont vraiment réagi de
la façon qui est décrite dans ce paragraphe par le
député de Bourget. Je cite: "Désabusée, triste,
humiliée encore une fois, après tant d'autres, plus que jamais
découragée devant la rigidité et l'absolution du pouvoir
central, moins portée que jamais aux faux espoirs d'un impossible
renouvellement d'une vieille constitution oppressive, l'immense majorité
des Québécois aura bien raison de considérer comme un jour
sombre, un jour de deuil, un moment tragique de son histoire collective, ce
jeudi 13 décembre 1979, où ils auront dû accepter cette
humiliation suprême, courber la tête sous un diktat qui leur
rappelle leur situation de conquis, boire jusqu'à la lie cette potion
amère au goût de cendre."
M. le Président, la question que je me pose et je me la
pose d'une façon très sérieuse est-ce que c'est
vrai que, ce soir, la majorité des francophones au Québec a
réagi vraiment de cette façon à l'événement
qui est arrivé ce matin. J'ai écouté les descriptions qui
ont été données dans ce discours et également dans
le communiqué de presse du premier ministre qui s'appelle "Injure
suprême". Je veux citer quelques descriptions des anglophones du
Québec et des francophones du Québec que j'ai sorties de ces deux
documents. Les anglophones du Québec d'aujourd'hui sont le peuple qui
domine, le groupe des conquérants, les maîtres, ils ont un statut
privilégié, une minorité avec des privilèges
exorbitants, une minorité dominante et dangeureusement
assimilatrice.
Ce sont les anglophones d'aujourd'hui. Ce sont toutes des citations des
deux documents: une de M. Laurin et l'autre du premier ministre. Les
francophones du Québec, aujourd'hui, sont les victimes des injustices,
de la persécution, de l'assimilation, de l'humiliation, de
l'aliénation, d'une soumission coloniale, locataires dans leur propre
pays, une colonie à l'intérieur, désabusés,
tristes, humiliés encore une fois.
C'est une description de la situation actuelle au Québec
d'après le premier ministre et le ministre
Laurin. Est-ce que c'est vraiment la façon par laquelle la
majorité des francophones québécois voient la situation
aujourd'hui? Je ne sais pas, mais je veux vous dire franchement, M. le
Président, que ce n'est pas ma façon de voir la situation. J'ai
une vision un peu différente du Québec aujourd'hui.
Premièrement, le Québec est français. Personnellement,
parce que c'est français et parce que c'est l'Assemblée nationale
du Québec, je parle français. Je ne parle pas parfaitement le
français, mais c'est beaucoup mieux qu'il y a un an. Je suis
persuadé que, d'ici un an, je vais parler un peu comme le Dr Goldbloorn,
si je continue à faire des efforts.
Il y a ici, au Québec, une société anglophone,
minoritaire bien sûr, qui existe depuis 200 ans, qui n'est pas
très riche, le revenu par personne est bien en dessous de $10 000 par
année. Ces gens ont été comme mes parents et mes
grands-parents, les premiers à habiter la terre où ils sont
aujourd'hui et, de plus en plus, ils sont prêts à jouer
d'après moi un rôle entier dans la société
québécoise. Ils sont dans une situation en pleine
évolution. Vous n'avez qu'à aller à Montréal, dans
les villes et villages du Québec où il existe des groupes
anglophones, pour voir comment ils évoluent au moment actuel. Si vous
avez eu l'occasion, hier soir, de regarder le programme à Radio-Canada,
réseau anglais, sur les anglophones du Québec, vous l'avez
constaté vous-même. Je suis persuadé que ces anglophones
sont tous prêts à respecter la langue française et il y en
a beaucoup qui sont prêts à la vivre avec une passion positive.
J'en suis persuadé.
La vision des francophones et des anglophones que j'ai décrite
tantôt n'est pas du tout celle que je vois quand je parle avec des
francophones que je connais, mes collègues de notre formation à
l'Assemblée nationale, mes amis, mon amour, les personnes qui habitent
dans mon comté et que je rencontre au cours de voyages à travers
le Québec. Ce sont les francophones qui, pour moi, sont contents de
vivre avec les anglophones et qui n'ont aucunement la vision du Québec
des anglophones et des francophones que je viens de décrire.
Je pense que ce débat a permis, pour la première fois
quant à moi c'est un avantage de ce débat aux
Québécois de voir le vrai visage du Parti
québécois. Je comprends et je pense que tout le monde comprend
maintenant pourquoi il n'y a pas d'Anglais de l'autre côté et
pourquoi il n'y a presque aucun électeur de langue anglaise, de
n'importe quel groupe ethnique, qui peut supporter cette formation politique.
Je pense que c'est clair aussi que c'est inutile et impossible pour vous autres
d'espérer créer une association avec un groupe que vous
détestez si manifestement dans toutes vos paroles.
Désabusés que vous êtes de la possibilité de faire
une association avec les Anglais; ce ne sont pas des fous, ils n'accepteront
jamais de faire une association avec les personnes qui leur ont
manifesté ce soir de la haine, de l'amertume. C'est impossible. (3 h
10)
J'ai essayé ce soir de réfléchir un peu sur ce qui
ce passe. Quant à moi, je crois que la vision que vous avez du
Québec est fausse, alors que la mienne est bonne. Bien sûr, je
peux me tromper. Si la mienne est bonne, il y a beaucoup de possibilités
du côté de la collaboratin afin que les anglophones du
Québec puissent vivre ici en plein respect, et, je le
répète, avec passion, dans plusieurs cas, pour la vie
francophone. Si votre vision de la situation actuelle est bonne et si vous
pouvez le prouver avec les résultats d'un référendum et
par une élection générale, c'est clair qu'il ne reste pas
de place pour moi ou pour ies anglophones ici, au Québec. Je le
répète clairement: Après tout ce que j'ai entendu ce soir,
il ne restera pas de place pour les anglophones au Québec.
Je suis persuadé que ces deux événements
n'arriveront pas. Je l'espère certainement et j'ai l'intention de faire
tout ce que je pourrai pour qu'ils ne se réalisent pas. D'après
ce que je connais des autres francophones du Québec, je suis
persuadé que j'ai raison. C'est une loi qui touche un peu la langue
anglaise et parce qu'il y a beaucoup d'anglophones dans mon comté, j'ai
l'intention de terminer ce bref discours en anglais.
The decision of the Supreme Court today, to declare unconstitutional,
chapter III of bill 101, and the corresponding sections of the Manitoba Act
which went against bill 133 or its equivalent in that province, is an important
moment for both the English and the French in Québec. I hope that the
English-speaking people of Québec will not see it as a victory because
it is an opportunity and an invitation for the English-speaking people of this
province to take a fuller and more complete role in the government of
Québec, a government which many of them have for a long time considered
as their second government. In a true federal system, both are equal and if the
federal system of Canada is going to work and if Québec is going to work
as a place where English and French people can work together and live together,
the English people of Quebec are certainly going to have as much respect for
and involved in the government of Québec as they have in the government
of Canada.
The second message that I just like to leave is that what happen in
Manitoba is very important too, and the English-speaking people of
Québec and the rest of this country are going to have to pay some
attention to that, because if any constitutional reform in the coming months
and in the coming years is going to be successful, every province in Canada is
going to have to come to the grips with the future of the French-speaking
people in their province.
The third message is that tonight in the speech of the minister of
Cultural Développement and in the press release of the Prime minister we
have seen the real face of the Parti Québécois, if anybody up to
now was wondering what is was like. I strongly hope that every English-speaking
person in Québec will take the time to read those two documents and if
they are wondering what to do with their spare time in the next six months,
they have their answer right there. Thank you.
La Vice-Présidente: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, Mme la Présidente.
Mme la Présidente, vous qui, avant d'être ici à
l'Assemblée nationale, étiez professeur dans nos écoles
québécoises, et comme d'autres, qui sont également ici,
nos collègues, vous vous rappelez sans doute que, dans notre tendre
enfance, il y avait souvent, dans nos municipalités du Québec,
dans nos petites campagnes, des pièces théâtrales qui
étaient montées par les citoyens de la municipalité. On
appelait cela des "pièces actées". Je ne sais pas si vous vous en
rappelez, mais nous assistons, ce soir, à une pièce actée
du Parti québécois. Depuis deux ans, le Parti
québécois a monté sa pièce actée et, ce
soir, il est en train de nous en livrer le dernier acte. Il semble nous
montrer, ce soir, un mélodrame, et tout cela fait partie de leur
stratégie référendaire. Le scénario
péquiste, Mme la Présidente, est pensé,
réfléchi, prévu, voulu et désiré. Chaque
orateur qui prend la parole tente de prendre un air malheureux,
déconfit, déconcerté mais, dans le fond de son oeil, on
voit qu'il y a un éclair de joie, parce qu'il pense que le jugement qui
a été rendu par la Cour suprême, aujourd'hui, va aider la
cause du Parti québécois afin d'obtenir un résultat
favorable à son référendum. Dans le fond, Mme la
Présidente, ceux qui entourent les orateurs ont, eux, à
côté, la mine réjouie, sont presque joyeux et ils ont
presque le sourire en coin. Sauf le ministre d'Etat au Développement
culturel qui, lui, acte sa pièce en feignant hypocritement le
désarroi en tentant d'alerter la population en lui racontant un paquet
de sornettes à partir d'un texte rédigé il y a deux
semaines, avant même que le jugement soit sorti.
La Vice-Présidente: S'il vous plaît, à
l'ordre!
M. Fontaine: Mme la Présidente, le ministre d'Etat au
Développement culturel et tout le gouvernement du Québec savait,
dès le dépôt de la loi 101, ce qui arriverait aujourd'hui.
Le ministre l'a même confirmé ce soir, peut-être sans le
vouloir, dans son discours, alors qu'il disait, à un moment
donné: "II aurait été surprenant que la Cour suprême
en décide autrement." Il a dit cela dans son discours, ce soir. Alors le
ministre savait d'ores et déjà, lorsque la loi 101 a
été adoptée, qu'il y avait de fortes possibilités
que la Cour suprême rende un jugement tel que nous avons devant nous
aujourd'hui.
Le ministre savait, et des avis juridiques qu'il a toujours
refusé de rendre publics le lui avaient confirmé. Il savait que
certaines parties de sa loi 101 ne respectaient pas l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique. Son but, se servir de cette cause en vue d'obtenir un
appui lors du référendum.
Donc, le ministre d'Etat au Développement culturel s'amène
ce soir en tentant de soulever un certain mécontentement dans la
population, je dirais même, en tentant d'épouvanter la population
et ce, en racontant aux citoyens qui nous écoutent, qui sont
peut-être de moins en moins nombreux à l'heure actuelle, une
série de faussetés comme celles que je vais vous
énumérer. (3 h 20)
Une Voix: II en restait quelques-uns, mais...
M. Fontaine: Le ministre disait: Le pouvoir fédéral
obtient ce qu'il désirait. Comme si c'était le gouvernement
fédéral qui avait rendu la décision que nous avons ce
soir. Le jugement que nous avons, c'est le jugement du plus haut tribunal du
Canada, après avoir passé par toutes les étapes normales
de notre système judiciaire, dont deux sont purement
québécoises, des étapes québécoises pure
laine.
Le jugement de la Cour suprême survient et, à ce que je
sache, à moins que le ministre n'ait des preuves du contraire, le
gouvernement fédéral n'intervient pas dans les décisions
de la Cour suprême. Le ministre disait également un peu plus loin:
Le jugement redonne à l'anglais son statut privilégié. Y
a-t-il quelque chose de plus faux que ce que le ministre a dit dans son
discours? Le jugement redonne à l'anglais son statut
privilégié. Il ne lui redonne pas son statut
privilégié, il remet tout simplement les choses dans
l'état où elles doivent l'être en vertu de l'article 133 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
Le ministre disait aussi: Le jugement oblige les Québécois
à utiliser les textes anglais. Comme si les Québécois,
demain matin, vont être obligés de lire les lois
québécoises en anglais. Les Québécois de langue
française ne seront pas obligés de faire cela. Les textes vont
être écrits comme c'est le cas actuellement, mais adoptés
dans les deux langues. Le Canadien français va pouvoir les lire dans sa
langue, comme l'anglophone va également pouvoir les lire dans sa langue.
Il n'y a rien de changé. Le seul fait qui est changé c'est que
les lois vont être adoptées dans les deux langues, alors que
depuis l'adoption de la loi 101, elles n'étaient adoptées que
dans leur version française.
Même le leader du gouvernement est allé jusqu'à dire
que tous les règlements municipaux adoptés depuis la loi 101 sont
devenus illégaux, sont devenus inconstitutionnels, sont devenus non
valides. Si ce n'est pas là essayer de faire peur à la population
et essayer de les induire en erreur, je me demande qu'est-ce que c'est. Le
jugement est bien clair là-dessus, cela ne touche certainement pas les
règlements municipaux. Le leader du gouvernement a sûrement
été en mesure de prendre des avis juridiques
là-dessus.
L'article 133, deuxième paragraphe, dit: Les actes du Parlement
du Canada et de la Législature du Québec devront être
imprimés et publiés dans ces deux langues. Les actes de la
Législature du Québec, ce ne sont pas les règlements
municipaux. On dit, un peu plus loin, également à la page 11 du
jugement: Pour ce qui est de la question de savoir si les règlements
établis sous le régime des lois de la Législature du
Québec sont des actes au sens de l'article 133, il est évident
que ce serait
tronquer l'obligation imposée par ce texte que de ne pas tenir
compte de l'essor de la législation déléguée. Il
s'agit d'un cas où le plus englobe le moins.
Mme la Présidente, si vous savez lire comme moi, et comme les
péquistes également le savent, les règlements
établis sous le régime des lois de la Législature du
Québec, ce ne sont pas les règlements municipaux. Alors, cessons
donc de faire peur à la population du Québec.
Quelle est la vraie nature du jugement de la Cour suprême? Il y a
trois points importants, à mon avis, dans la décision de la Cour
suprême. Le premier, c'est que les lois et les règlements du
Canada, du Québec et du Manitoba doivent être imprimés,
publiés et adoptés en français et en anglais. C'est le
premier point.
Imprimer et publier les projets de loi du Québec... Ils
étaient déjà imprimés et publiés dans les
deux langues. Il n'y a rien de changé là-dedans. Tout ce qu'il y
a de changé, c'est qu'ils doivent être adoptés,
c'est-à-dire qu'ils doivent recevoir la sanction du
lieutenant-gouverneur en conseil dans les deux langues. C'est ça que la
Cour suprême nous dit aujourd'hui. Il n'y a rien de bien étonnant
là-dedans.
Deuxièmement, que le Québec ne peut,
unilatéralement, modifier l'article 133 de l'Acte de l'Amérique
Britannique du Nord. Cela tombe également sous le sens que le
Québec ne peut, unilatéralement, modifier la constitution du
Canada, c'est bien sûr.
Troisième point, le jugement permet que le français et
l'anglais puissent être utilisés devant les tribunaux judiciaires
et quasi judiciaires. C'était dans notre livre bleu lorsqu'on a
étudié le projet de loi 101. On avait d'ailleurs averti le
gouvernement de la possibilité de l'inconstitution-nalité de ces
articles. La Cour suprême confirme aujourd'hui ce que nous avions dit
alors au gouvernement.
Il n'y a pas grand-chose de nouveau non plus là-dedans. Ce n'est
pas un changement draconien qui ferait en sorte que, demain matin, les
Québécois ne seraient plus capables d'utiliser leur langue
française au Québec. Ce n'est pas ça du tout, Mme la
Présidente.
Le ministre a semblé faire croire à la population, dans
son discours, ce soir, que toute la loi 101 était devenue
inconstitutionnelle Mme la Présidente, il faudrait quand même
essayer de revoir les grands chapitres de la loi 101, voir ce qu'il y a de
changé.
Le titre premier de la loi, Le statut de la langue française, il
n'y a rien de changé là-dedans. Chapitre premier, La langue
officielle du Québec, article premier: "Le français est la langue
officielle du Québec." La Cour suprême n'a pas
déclaré ça inconstitutionnel, Mme la
Présidente.
Chapitre II, Les droits linguistiques fondamentaux, il n'y a rien de
changé là-dessus non plus. Au chapitre III, La langue de la
législation et de la justice, il y a eu une modification dont je viens
de vous faire part. La langue de l'administration, ce n'est pas
inconstitutionnel. Tout est adopté conformément à nos lois
et les tribunaux ne sont pas intervenus dans ce domaine.
La langue des organismes parapublics, il n'y a rien de changé
là-dedans, la loi 101 est toujours valide. La langue du travail. Le
ministre, dans son discours, a dit: les travailleurs ne pourront plus utiliser
leur langue ou quelque chose comme ça. Il n'y a rien de changé
là-dedans, la langue du travail, dans la loi 101. Il n'y a rien de
changé.
M. Grenier: Ecoutez donc quelqu'un qui connaît ça,
ça va vous faire du bien.
M. Fontaine: La langue du commerce et des affaires. Les articles
de la loi 101 qui concernent la langue du commerce et des affaires ne sont pas
déclarés inconstitutionnels. La langue de l'enseignement. Il n'y
a rien de changé. L'Office de la langue française qui est
créé n'est pas aboli. On crée autre chose... La Commission
de toponymie, Mme la Présidente, il n'y a rien de changé
là. La francisation de l'administration, la Cour suprême n'a pas
touché à ça. La francisation des entreprises non plus. La
Commission de surveillance et les enquêtes, elle n'a pas touché
à ça.
M. Grenier: Elle n'a pas changé grand-chose.
M. Fontaine: Le Conseil de la langue française, Mme la
Présidente, c'est encore constitutionnel aujourd'hui.
Qu'est-ce qu'il y a de changé? Il y a deux points de
changés, Mme la Présidente: la langue devant les tribunaux
judiciaires qui peut être utilisée de façon
inconditionnelle, soit le français ou l'anglais, et la langue d'adoption
de nos lois qui peut être le français ou l'anglais. On fait tout
un plat, des gorges chaudes pour quelques petites modifications que la Cour
suprême nous oblige à adopter aujourd'hui. On se sert de ça
pour alerter la population, on se sert de ça pour essayer de gagner
quelques votes au référendum. C'est pas mal mesquin de la part du
gouvernement.
Mme la Présidente, à entendre le Parti
québécois, on dirait que le Québec est devenu francophone
lorsqu'il a pris le pouvoir en 1976 et avec l'adoption de la loi 101. Avant
ça, on parlait tous anglais. Quand ils sont arrivés, on s'est
tous mis à parler français. Et on dirait qu'avec le jugement de
la Cour suprême on va se remettre à parler anglais demain matin.
(3 h 30)
Mme la Présidente, ce qu'on a à faire au Québec, si
on a des modifications à demander aux autres provinces et au
fédéral, c'est d'essayer de trouver des accommodements au niveau
constitutionnel. D'ailleurs, le ministre Laurin lui-même l'a
déclaré le 26 janvier 1978, Mme la Présidente. C'est ce
qu'il a dit. A ce moment-là, il a parlé avec sa tête, il
n'a pas parlé suivant une tactique référendaire.
Il disait, Mme la Présidente: Si la Cour suprême
déclare inconstitutionnelles certaines parties de la loi no 101, c'est
une nouvelle preuve que c'est la constitution qui est mal faite. Bien oui,
la
constitution est mal faite. Mais il faut la changer, la constitution. Il
faut la changer. Tout le monde est d'accord là-dessus qu'il faut la
changer. Il faut prendre les moyens pour la changer, des moyens légaux,
des moyens de discussion. Ce n'est pas en faisant des discours et en disant que
la Cour suprême pactise avec le gouvernement, que les juges de la Cour
suprême ont un penchant du côté anglophone, ce n'est pas
comme cela qu'on va réussir à changer la constitution.
Si on veut être sérieux, Mme la Présidente, qu'on
présente donc aux Québécois un projet de changement
constitutionnel et les Québécois vont se prononcer sur ce projet.
A ce moment-là, on pourra avoir des modifications à la
constitution canadienne qui vont permettre à tous les
Québécois, à tous les Canadiens, de s'épanouir en
harmonie.
Mme la Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le ministre d'Etat au Développement culturel.
M. Camille Laurin
M. Laurin: Mme la Présidente, à 3 h 35, ma
réplique sera brève parce que les interventions vigoureuses de
mes collègues ont déjà complètement démoli
les représentations éminemment fragiles des deux Oppositions
conjuguées.
Je voudrais tout de suite dire...
M. Chevrette: La paix, la paix, la paix, Mme la
députée de L'Acadie!
Mme la Vice-Présidente: M. le député, s'il
vous plaît!
Une Voix: Notre-Dame-de-la-Paix.
M. Laurin: Je voudrais tout de suite dire au député
de Nicolet qu'il ne s'agit pas d'un coup monté à l'avance par le
gouvernement de connivence avec la Cour suprême. Peut-être a-t-il
eu l'impression que mon discours de deuxième lecture était
composé depuis deux ans, mais je dois lui dire que le jugement de la
Cour suprême ne nous a pas plus étonnés que de voir tomber
une pomme sur le sol, selon la loi de Newton.
Cela était évidemment très attendu. Je peux aussi
lui dire que mon pouvoir de rédaction rapide est aussi parfait que celui
de l'ancien directeur du Devoir, et que dans certaines circonstances ce qui se
conçoit s'énonce clairement et vite, lorsqu'il s'agit de
thèses que nous avons, bien sûr, méditées durant de
longues années.
Non, mon propos serait plutôt de m'adresser à quelques-unes
des objections qui nous ont été faites.
Une Voix: A l'ordre! A l'ordre!
M. Laurin: On semble minimiser de l'autre côté de la
Chambre l'effet du jugement de la Cour suprême. On dit, par exemple,
qu'il ne s'agit de rien de moins que de rétablir un article qui existait
déjà. On dit aussi qu'avant que n'intervienne la loi 101, le
Québec vivait déjà en français. Or,
précisément, M. le Président, je pense que tel n'est pas
le cas. Avant que ce gouvernement ne se décide à intervenir
vigoureusement dans le champ linguistique, nous savons que la majorité
des nouveaux immigrants allaient s'intégrer à la minorité
anglophone. Nous savons que le plus grand nombre des travailleurs, au
Québec, ne pouvaient pas travailler en français, ne pouvaient pas
communiquer en français avec leurs supérieurs. Nous savons qu'un
très grand nombre de francophones, durant de longues années,
n'avaient pas la faculté de se faire servir en français dans un
très grand nombre d'établissements commerciaux. Nous savons qu'un
très grand nombre également de francophones ne pouvaient pas
recevoir en français l'information à laquelle ils avaient droit,
etc., etc. Si des progrès manifestes, notables, se sont
manifestés au cours des dernières années, c'est
précisément en raison de la volonté politique vigoureuse
et manifeste de ce gouvernement, mais si cette volonté politique se
trouve maintenant controu-vée, niée, deux ans à peine
après l'adoption de cette loi par le gouvernement central, il est
malheureusement facile de prédire ou d'envisager que, les mêmes
causes produisant les mêmes effets, nous nous retrouverons bientôt
devant une dégradation, une détérioration nouvelle de
notre situation et d'un retour aux anciennes injustices.
On veut minimiser, M. le Président, l'effet de ce jugement de la
Cour suprême, mais pourtant, elle introduit un non-sens dans la politique
linguistique qui est voulue par l'immense majorité des
Québécois. Si, d'une part, on continue de prétendre, comme
dans la loi 22 et comme dans la loi 101, que le français est la langue
officielle du Québec et que, tout de suite après, on
réintroduit deux langues officielles au niveau de nos institutions
législatives, suprêmes, au niveau du pouvoir judiciaire, je pense
qu'on introduit un non-sens en ce sens qu'on se trouve à nier
implicitement ou explicitement, par ces autres articles, l'affirmation
contenue, le principe premier contenu dans l'article premier de cette loi, sans
parler, M. le Président, de tous les effets pratiques qu'a eus et
qu'aura encore la réinstauration du bilinguisme au niveau de la
rédaction, au niveau de l'interprétation des lois, d'une part, et
au niveau de la pratique judiciaire, de l'autre.
J'ai dit dans mon discours de deuxième lecture à quel
point des milliers et des milliers de secrétaires travaillant dans le
domaine des lois ou de l'interprétation des lois ou des jugements
portés sur des lois ont été obligés dans un
passé très récent non seulement de travailler en anglais
autant qu'en français, mais aussi de parler la langue anglaise aussi
souvent, sinon plus souvent que le français. Il n'est pas besoin
d'être grand clerc pour prédire qu'à la suite de ce
jugement que l'on vient de donner, on risque de voir reparaître
très bientôt cette situation qui ne commençait qu'à
se corriger. Le chef de l'Opposition a
d'ailleurs reconnu lui-même cette injustice, puisqu'il dit qu'en
1867, déjà, le Québec avait été l'objet
d'une discrimination, puisqu'il était la seule province à qui on
imposait une pareille situation. (3 h 40)
Mais il passe de Charybde en Scylla, évidemment, quand il
prétend, dans ses futurs efforts vers un fédéralisme
renouvelé, imposer à des provinces unilingues anglaises qui n'en
veulent pas et qui n'en voudront pas, l'extension à toutes les provinces
d'un article que déjà le Québec ne saurait accepter, parce
qu'il constitue la négation de son identité, parce qu'il
constitue la négation de ses aspirations fondamentales.
Le député de Saint-Laurent a dit qu'il y avait un divorce
entre notre discours qu'il trouve révolutionnaire ou contestataire et
notre action qu'il trouve sage et raisonnable. Il dit que nous nous comportons
comme si nous étions encore dans l'Opposition. Je donne absolument
raison au député de Saint-Laurent. Il a parfaitement raison sur
le plan constitutionnel, sur le plan du régime. Il est évident
que même si nous sommes au gouvernement, qui est un gouvernement
provincial, nous sommes encore en contestation de ce régime qui nous a
été imposé et qui ne nous convient pas même
si les efforts du chef de l'Opposition arrivent à le renouveler
car il essaie de faire cohabiter, d'une façon beaucoup trop
étroite deux peuples, deux nations qui ont chacune leurs aspirations et
leurs besoins distincts.
Nous sommes, en effet, en contestation contre ce régime. C'est
lui véritablement, et non pas la Cour suprême, qui en a
donné une interprétation. C'est lui véritablement qui est
à l'origine de ces injustices, de ces discriminations dont nous avons
souffert depuis tant d'années, et qui en sera encore la cause au cours
des prochaines années, non seulement en raison de ce jugement de la Cour
suprême, mais encore plus, si le chef de l'Opposition en arrivait
à le renouveler, puisque désormais, une fois que toutes les
minorités francophones auront été assimilées, ou
presque, dans les autres provinces, il enchâssera dans une constitution
l'interdiction désormais éternelle faite au Québec
d'évoluer dans le sens de ses besoins, de ses aspiratons, de son
identité. Le député de Saint-Laurent a donc parfaitement
raison de prétendre que, sur ce point, même si nous sommes au
gouvernement, nous continuons, plus que jamais, à contester ce
régime, cette constitution. Ce que nous voulons, c'est non pas une
modification de cette constitution, mais son remplacement par un nouveau
régime qui permettra à nos deux peuples, à nos deux
nations, d'être chacun maîtres chez eux, de se développer
selon leur génie propre et de maintenir entre eux des liens
d'amitié, de collaboration que nous avons quand même cités
au cours des années.
Oui, je sais que l'Opposition s'esclaffe. J'ai en effet entendu le
discours du député de Notre-Dame-de-Grâce qui nous accusait
d'entretenir des sentiments de haine à l'égard de la
minorité anglophone. Nous détestons tellement la minorité
anglophone que nous lui avons accordé un statut privilégié
au Québec en maintenant son système scolaire, de la maternelle
à l'université, à même les fonds publics. Nous
détestons tellement la minorité anglophone qu'elle peut garder
ici toutes ses institutions sociales et culturelles, qu'elle peut continuer
à se développer selon son génie propre, avec tous les
instruments, les outils qu'elle possède à sa disposition au
Québec même, dans les autres provinces et dans notre puissant
voisin du Sud. Nous la détestons tellement que nous l'invitons à
entretenir justement avec nous de nouvelles relations qui ne seront plus celles
que je rappelais tout à l'heure où, à l'aide d'un pouvoir
économique qui en fait une sorte de pivot de notre vie collective,
où, à l'aide d'un pouvoir politique fédéral qui ne
cessait d'empiéter dans les juridictions du Québec, elle pouvait
continuer à en profiter.
Mais, nous l'invitons à entretenir avec nous de nouvelles
relations, cette fois, d'égal à égal, où nous
pourrons enfin se respecter comme deux individus devenus adultes et qui sont
capables de comprendre, au nom de la raison, leurs véritables besoins.
Si c'est là de la haine, M. le Président, je pense que le
député de Notre-Dame-de-Grâce ne sait pas comprendre
encore, malgré ses efforts, les aspirations, les besoins, les
souffrances aussi d'un peuple qui, depuis des siècles, essaie de se
libérer de l'étreinte d'une conquête qui, quoiqu'il en est,
l'a sérieusement marqué. Je voudrais revenir ici au chef de
l'Opposition qui nous a dit qu'avec l'article 133 le Québec n'a quand
même pas été entravé dans son développement.
Cela est faux, M. le Président, car cet article 133 aussi bien que le
régime fédéral ont sérieusement entravé le
développement du Québec.
Bien sûr, il a réussi, malgré tout, à se
développer, en raison de la force de ses convictions, en raison du souci
qu'il avait de conserver son identité, en raison de ses richesses
naturelles, en raison de son esprit de travail, en raison de sa
fidélité à lui-même mais, s'il n'y avait pas eu ces
entraves juridiques, politiques, économiques qui lui sont venues, d'une
part, du régime fédéral et, d'autre part, de son exclusion
économique quasi complète au début de la vie industrielle,
ce développement aurait été beaucoup plus rapide. Ce
développement aurait été beaucoup plus complet et nous
n'aurions pas encore actuellement à essayer de rattraper, avec autant de
vigueur, le terrain que nous avons autrefois perdu.
Non, M. le Président, l'article 133 aussi bien que le
régime fédéral lui-même ont constitué une
sérieuse entrave au développement du Québec, au point que
le carcan fédéral, dans lequel nous sommes encore obligés
de vivre, ne fait qu'ajouter à cette entrave, à ces impedimenta,
à ces obstacles qui se dressent encore devant un peuple de plus en plus
fort, de plus en plus adulte, de plus en plus conscient de ses capacités
et de plus en plus capable d'assumer son destin. C'est d'ailleurs la raison
pour laquelle nous ne nous contenterons pas d'une modification à la
constitution, mais que nous demanderons l'accès à une pleine
liberté qui nous permettra justement d'actualiser tout notre potentiel,
de mettre à profit toutes les analyses que nous
avons faites de notre situation et d'utiliser tous les talents ainsi que
toutes les ressources que nous avons pour nous développer dans le sens
de nos besoins, de nos aspirations et aussi de nos possibilités.
Oui, M. le Président, le régime actuel, y compris
l'article 133, a constitué une entrave à notre
développement.
Je veux bien croire, avec le chef de l'Opposition, qu'une
société doit être jugée selon le respect qu'elle
accorde à ses minorités. A ce titre, d'ailleurs, il faudrait
porter un jugement éminemment négatif sur les autres provinces du
Canada qui, comme le député de Rosemont vient de le rappeler, ont
fait subir toutes, l'une après l'autre, depuis 1864, un sort inique aux
minorités francophones "from coast to coast", alors que le
Québec, lui, a toujours été respectueux,
généreux à l'endroit de ces minorités,
malgré les sarcasmes que vient d'énoncer le député
de Notre-Dame-de-Grâce. D'ailleurs, le chef de l'Opposition
lui-même a reconnu le traitement respectueux, généreux que
le Québec avait toujours porté à ses minorités,
qu'il continue à porter à ses minorités, selon le jugement
même d'une des commissaires de la commission Pépin-Robarts, dont
un dés passages a été cité ce soir par le premier
ministre. (3 h 50)
Je pense que nous n'avons pas de leçon à recevoir à
cet égard du député de Notre-Dame-de-Grâce, ni
d'aucun autre député de cette Chambre, surtout quand nous
comparons le sort justement que nous avons fait et continuons de faire à
notre minorité anglophone avec celui qu'ont connu nos minorités
francophones d'ailleurs.
M. le Président, ce traitement généreux et
respectueux ne fait pas que s'étendre à la minorité
anglophone, mais il porte également sur toutes les autres
minorités. Je sais que nos amis d'en face se promènent
actuellement à Montréal pour dire que si jamais la
souveraineté du Québec était proclamée, on
risquerait de voir s'instaurer au Québec un climat de dictature, de
fascisme, de racisme, semblable à ce qui existe dans certaines tribus
africaines. Je le sais, mais, cependant je dois à la
vérité de dire que jamais, dans l'histoire du Québec, un
gouvernement ne s'est montré aussi attentif aux besoins des
minorités ethniques du Québec. Jamais le gouvernement
antérieur, jamais les gouvernements libéraux antérieurs ne
se sont concrètement vraiment penchés sur les besoins de nos
minorités.
Il a fallu attendre ce gouvernement tellement décrié par
nos amis d'en face pour que nous institutions des bureaux de
Communication-Québec où des minorités ethniques
étaient enfin représentées, pour que Radio-Québec
commence enfin toute une série d'émissions à l'adresse des
minorités, pour qu'elles se connaissent mieux entre elles, qu'elles
s'intègrent l'une à l'autre ainsi qu'à la
communauté québécoise.
Il a fallu attendre ce gouvernement pour instaurer un programme
d'enseignement dans les langues d'origine pour les étudiants italiens,
pour les étudiants grecs, pour les étudiants portugais. Il a
fallu attendre ce gouvernement pour que le ministère de l'Immigration se
dote d'un conseil consultatif des ethnies. Il a fallu attendre ce gouvernement
pour que des représentants des diverses minorités soient
présents au Conseil de la langue française.
Il a fallu également attendre ce gouvernement pour qu'une
enquête véritable, la première qui soit faite,
s'accomplisse au niveau du ministère de la Fonction publique et pour que
nous soyons bientôt, très bientôt, en mesure d'annoncer des
mesures correctrices que le député de Notre-Dame-de-Grâce
et le député de Mont-Royal demandent eux-mêmes, qu'ils
n'ont jamais pu obtenir de leur gouvernement antérieurement, mais que
nous, nous pourrons faire.
Au lieu de parler, de semer la haine et la propagande dans les
minorités ethniques de Montréal, nous agissons sobrement et nous
agirons vigoureusement pour que toutes les minorités au Québec
sentent qu'elles sont des communautés québécoises à
part entière et qu'elles peuvent profiter des équipements
collectifs que le peuple québécois est prêt à mettre
à leur disposition pour qu'elles se développent selon leur
génie propre elles aussi, mais en participant véritablement aux
efforts du Québec vers son progrès.
Je pense que s'il faut juger une société d'après le
traitement qu'elle donne à ses minorités, le Québec, le
gouvernement du Québec d'aujourd'hui, recevra une très haute
cote.
Le chef de l'Opposition nous dit qu'il y a des différences
profondes de perception entre le gouvernement et le Parti libéral. Il a
raison, il a raison, mais il y a beaucoup plus que cela. Il y a aussi des
différences d'attitudes et il y a des différences de structures.
Différences d'attitudes, parce qu'alors que nous acceptons nous, ici, de
ce côté, le jugement de la Cour suprême avec tristesse,
parce qu'il rétablit des privilèges exorbitants, l'Opposition de
son côté, l'accepte avec joie, l'accepte avec exubérance
même.
Une Voix: C'est faux.
Une Voix: C'est vrai.
M. Laurin: Non, ceci ressort de plusieurs des discours que nous
avons entendus ce soir de l'autre côté de la Chambre.
Une Voix: Cela commence à vous faire mal.
M. Laurin: Quand, durant des années, des personnes se sont
habituées à marcher de champ, de guingois, en rasant les murs
pour se fondre avec eux, elles finissent par adopter dans leur comportement
cette même démarche. Lorsque des gens sont habitués depuis
plusieurs années à recevoir des coups de pied là où
l'on sait, ils finissent par adopter une attitude courbée dans leur
démarche habituelle. C'est cela la différence profonde entre ce
côté-ci et l'autre côté.
Le Président: M. le ministre, comme il ne semble pas y
avoir consentement, je dois vous
demander de mettre un terme à votre intervention puisque le temps
est écoulé.
M. Laurin: Nous avons pris l'habitude de marcher droit parce que
depuis plusieurs années nous nous sommes redressé la colonne
vertébrale et que nous regardons maintenant vers l'avenir, un avenir que
toute l'histoire de notre peuple dessine devant nous et que nous nous
presserons d'assumer dès que le peuple du Québec nous en aura
donné le mandat, je l'espère, bientôt.
Le Président: Je demande maintenant si la motion de
deuxième lecture présentée par M. le ministre d'Etat au
Développement culturel, relativement au projet de loi no 82,
c'est-à-dire la Loi concernant un jugement rendu par la Cour
suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la
législation et de la justice au Québec, sera maintenant
adoptée?
M. Brochu: Adopté. Le Président:
Adopté.
M. Charron: M. le Président, conformément à
l'ordre de la Chambre, adopté en début de séance ce soir,
je propose que vous quittiez maintenant le fauteuil et que, pour une
période maximum de trois heures, nous procédions en commission
plénière à l'étude article par article du projet de
loi.
Le Président: Est-ce que cette motion serait
adoptée?
M. Brochu: Adopté. Le Président:
Adopté. Suspension de la séance à 3 h 58
Reprise de la séance à 4 h 2
Commission plénière
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre!
M. le député de Sainte-Marie! M. le député
de Saint-Laurent! A l'ordre, s'il vous plaît!
Cette Assemblée s'est constituée en commission
plénière pour étudier le projet de loi no 82, Loi
concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13
décembre 1979 sur la langue de la législation et de la justice au
Québec.
M. le député de Richmond.
M. Brochu: Mme la Présidente, juste avant d'entreprendre
les travaux article par article, étant donné qu'il s'agit d'une
démarche spéciale, est-ce que, pour accélérer la
marche de nos travaux je sais que ce n'est pas habituel, mais on
pourrait demander un consentement, je vous de- mande une directive dans ce sens
nos conseillers techniques pourraient également assister au
déroulement de nos travaux et y participer? Cela ne se fait pas
habituellement, mais, avec un consentement, je pense qu'on pourrait y
arriver.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Richmond, ce serait une dérogation aux règles habituelles de
la commission plénière. Les personnes qu'il est convenu d'appeler
les étrangers en cette Assemblée ne sont pas, habituellement,
assis du côté des oppositions. A moins que je n'aie le
consentement unanime de la commission plénière, je me verrai dans
l'obligation de refuser cette demande, M. le député.
M. Charron: On n'aura pas de misère à avoir le
consentement de l'Opposition, si je remarque bien.
Des Voix: Consentement!
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le leader parlementaire
du gouvernement.
M. Charron: Sans en faire un précédent, à
cause du caractère très particulier et très important de
cette loi, pour qu'elle atteigne son objectif, il faut que toutes les
lumières y soient, bien sûr.
La Présidente (Mme Cuerrier): II y a consentement à
cette dérogation, sans créer de précédent. Les
étrangers, pour cette commission, pourront s'asseoir du
côté des oppositions aussi.
Article 1 du projet de loi no 82.
M. Bédard: A l'article 1, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: L'article 1, tel que rédigé, a
pour effet de remplacer la Charte...
M. Lalonde: Mme la Présidente, si le ministre est pour
attaquer le texte même de l'article tout de suite, j'aimerais poser une
question de portée plus générale, si c'est possible, comme
cela se fait, d'ailleurs, en commission parlementaire. J'aimerais simplement
que le ministre nous explique très brièvement le choix de cette
forme de législation on sait qu'il n'y a pas beaucoup de
précédents et comment il s'est assuré, sans
reproduire les lois entièrement, que cette façon de
procéder atteindra le but visé, à savoir de corriger la
situation sans ouvrir la porte à des contestations, ce que personne ne
souhaite.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: D'une façon générale, la
technique de référence à laquelle nous avons eu recours
est une technique qui se retrouve ailleurs. Le législateur
québécois peut légiférer en se
référant
à des textes identifiables. Nous avons
préféré y aller par référence
générale, sans qu'il y ait en annexe un ensemble de lois,
l'énumération de toutes lois ou de tous les règlements,
parce que nous évitons, par ce moyen, le danger d'oublier des lois. Ce
danger est moins existant, mais, au niveau des règlements, il est bien
clair que s'il avait fallu procéder avec une annexe qui identifie tous
les règlements, les dangers auraient été assez grands
d'oublier certains règlements et de ce fait, d'avoir une loi qui puisse
comporter des trous ou des carences de ce côté.
Pour ce qui est de la technique de référence, en termes de
législation, c'est une pratique qui a déjà
été adoptée par d'autres Législatures. Cette
pratique a pour effet de référer à des textes
législatifs adoptés par un autre Parlement. On peut
peut-être donner quelques exemples. Dans un arrêt du Procureur
général de l'Ontario versus Scott, une loi ontarienne renvoyait
à une loi anglaise en matière de pension alimentaire. Mais on
peut aussi se référer à des textes qui ne sont pas de
nature législative, comme cela va être le cas dans la
présente loi, pour une juridiction, les textes des autres juridictions
n'ont, en fait, pas plus de valeur qu'un autre texte imprimé. Un exemple
de ce genre de référence se trouve à l'article 10,
paragraphe 2, de la Loi sur les aliments et drogues qui renvoie
nommément à différentes pharmacopées pour
déterminer à quel produit la disposition législative
s'applique. On n'a même pas à identifier les textes
nommément. Il suffit que les dispositions puissent être
retracées pour l'usager, sans qu'il y ait risque de confusion. Bien
plus, on peut également renvoyer à un texte, tel qu'il se lira
dans l'avenir. C'est le cas de l'article 554, paragraphe 1, du Code criminel,
qui renvoie aux lois alors en vigueur dans une province. De même, on a
accepté dans l'arrêt Caughlin qu'une loi fédérale
renvoie indirectement aux droits de chaque province je prends
l'expression "en vigueur de temps à autre". Cela peut aller aussi
loin que cela. Je pense que pour ce qui est de la technique de
référence générale, c'est une technique avec
laquelle nous n'innovons pas, c'est une technique qui a été
reconnue.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: La conclusion du ministre est donc on aimerait
l'entendre que le jurisconsulte du gouvernement, appuyé par les
experts de son ministère, conclut que cette façon de
procéder nous donne l'assurance la plus complète du succès
ou du résultat qui est recherché. (4 h 10)
M. Bédard: C'est notre conviction, Mme la
Présidente.
M. Lalonde: Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): D'autres interventions?
M. Ryan: Mme la Présidente, juste une question si vous me
le permettez.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef de l'Opposition
officielle.
M. Ryan: Est-ce qu'on peut vous demander si, en plus de l'avis
des juristes à temps complet du gouvernement, vous avez sollicité
des opinions professionnelles à l'extérieur du milieu
gouvernemental?
M. Bédard: Pas nommément, peut-être des
personnes ayant été consultées au cours de la
journée, mais il est évident que tous les juristes du
ministère de la Justice se sont grandement référés
à tous les auteurs existants et qui peuvent être de nature
à amener l'éclairage que nous proposons.
M. Ryan: M. le ministre, si vous aviez consulté des bons
experts à l'extérieur, comme ils sont presque tous
libéraux, ça aurait facilité notre besogne.
M. Johnson: Je pourrais vous en nommer une couple qui ne le sont
pas!
M. Bédard: Je pourrais vous nommer plusieurs experts qui
ne sont pas libéraux. Enfin, je n'ai jamais fait
l'échantillonnage des convictions politiques de ceux qui m'entourent
comme conseillers.
La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que cette commission
est maintenant d'avis que nous passions à l'article 1 de ce projet de
loi?
M. Lalonde: Nous sommes prêts, oui. M. Bédard:
D'accord.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 1 ?
Adopté?
M. Lalonde: Non, j'aimerais que le ministre explique un peu
l'article 1.
La Présidente (Mme Cuerrier): D'accord, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Bédard: L'article 1 a pour effet de remplacer la Charte
de la langue française et les lois adoptées depuis sa sanction
par le texte français et la version anglaise de ces mêmes lois, en
donnant un caractère officiel à la version anglaise. Le texte
auquel on se réfère est celui publié dans la Gazette
officielle ou, dans le cas des lois qui ne sont pas encore publiées, le
texte des projets de loi tels qu'ils ont été adoptés et
déposés comme documents sessionnels sur le bureau du
secrétaire de l'Assemblée nationale. Dans ce dernier cas, ces
textes seront aussi publiés dans la Gazette officielle; ceux qui ne
l'ont pas été. Chacune de ces lois ainsi réadoptée
prend effet à la même date et aux mêmes dates que la loi
qu'elle remplace. Par
exemple, les dispositions d'une telle loi peuvent avoir pris effet
à des dates différentes, au moyen de diverses proclamations;
c'est pour ça qu'il faut le prévoir.
Le dernier alinéa de l'article 1 indique simplement que l'on
n'est pas obligé de recommencer les technicités et les
procédures qui ont déjà été suivies dans le
cas d'une loi qui a été remplacée. Par exemple, une loi
qui a été publiée dans le Recueil annuel des lois de 1977
je donne un exemple n'aura pas à être
republiée dans le Recueil annuel des lois de 1979.
M. Lalonde: Mme la Présidente, est-ce que le ministre peut
nous expliquer les termes suivants: on parle de chacune des lois
"tels qu'ils ont été publiés on parle des textes
naturellement à la Gazette officielle du Québec ou tels
qu'ils ont été déposés sur le bureau du
secrétaire de l'Assemblée nationale, le 13 décembre 1979."
Est-ce que ce sont ceux que l'on vient de déposer?
M. Bédard: C'est exactement ça.
M. Lalonde: Nous sommes rendus au 14 décembre.
M. Johnson: II y a un amendement à l'article.
M. Bédard: II va y avoir un amendement à l'article
qui se lirait comme suit...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice, je vous interromps. Est-ce que nous pourrions suggérer
comme le dépôt ne peut pas se faire en commission
plénière de procéder de la façon officielle
pour faire le dépôt des documents?
M. Johnson: Si vous permettez, madame?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre du
Travail.
M. Johnson: Le texte dit "tels que déposés", non
pas en commission plénière, etc, mais tels que
déposés très physiquement à un endroit. Alors, je
pense qu'il ne s'agit pas ici d'un dépôt au sens du
règlement, il s'agit d'un dépôt au sens physique, c'est sur
la table qui est ici, par opposition à celle qui est à
l'extérieur. Sans ça, je pense qu'on n'aurait pas besoin
d'avoir...
M. Bédard: Pour qu'on puisse constater effectivement que
ce débat a eu lieu. Maintenant, pour répondre à
l'interrogation du député de Marguerite-Bourgeoys...
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous parlez d'un
dépôt officiel qui portera un numéro au niveau des
documents comme tels, les documents officiels de l'Assemblée nationale.
Est-ce que je pourrais vous suggérer de faire ce dépôt et
peut-être faire les écritures pour faire un rapport
intérimaire de la commission plénière?
M. Bédard: Mme la Présidente, est-ce que vous
auriez une suggestion?
La Présidente (Mme Cuerrier): Si vous nous
suggériez de faire un rapport intérimaire de la commission
plénière et que ce rapport soit adopté, nous ferions les
écritures simplement.
M. Bédard: D'accord.
La Vice-Présidente: D'accord. Le rapport
intérimaire est-il adopté?
M. Bédard: Adopté.
La Vice-Présidente: La motion de retour en commission
plénière est adoptée... Les documents avant cette motion.
Voulez-vous faire la motion de dépôt de documents?
M. Bédard: Je fais la motion de dépôt de
documents.
La Vice-Présidente: Cette motion pour le
dépôt de documents est-elle...
M. Lalonde: Mme la Présidente, cela m'amène
à la question que je devais poser. On voit toute une pile de documents.
Il y a une motion de dépôt de documents et on a l'idée que
ce sont des textes de loi: Y en a-t-il une liste quelque part? On n'est pas
appelé à en vérifier naturellement l'exactitude, mais
c'est une des interrogations que j'avais. Comment allons-nous nous assurer que
les textes qui ont été déposés devant nous, qui
sont actuellement déposés, pour lesquels il y a une motion de
dépôt, sont bien ceux qui n'ont pas été
publiés dans la Gazette officielle, si je comprends bien.
M. Blank: On n'a jamais publié les lois en anglais dans la
Gazette officielle. Depuis la loi 101, il n'y avait aucune publication de la
version anglaise dans la Gazette officielle. Seulement en français.
M. Bédard: Elles ont été publiées en
anglais dans la Gazette officielle.
M. Blank: Oui? Je n'ai jamais vu cela.
M. Bédard: Toutes les lois. Il peut y avoir un retard
à un moment donné, mais toutes les lois...
M. Blank: On m'envoie seulement la version française de la
Gazette officielle. La copie de la Gazette officielle...
M. Bédard: Elles ne sont pas toujours publiées en
même temps, mais, effectivement elles ont toujours été
publiées en anglais.
M. Johnson: Dans deux volumes différents de la Gazette
officielle.
M. Blank: ... en français.
M. Johnson: C'est seulement celui des arrêtés en
conseil.
M. Blank: J'ai les deux versions qui viennent au bureau.
La Vice-Présidente: M. le ministre de la Justice
dépose les documents 420 et 431. Les documents sont
déposés.
M. Lalonde: J'avais posé une question. Je ne veux pas
interrompre le député de Nicolet-Yamaska...
La Vice-Présidente: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je voulais demander au ministre une liste des
documents qu'il déposait.
M. Bédard: La liste serait la suivante. Il y a la Loi
électorale, la loi 9; la loi 10, Loi sur la représentation
électorale; la loi 64, Loi de subsides no 3, la loi 69, Loi modifiant la
Loi sur les parcs; la loi 76, Loi modifiant la Loi sur les allocations
familiales concernant les enfants handicapés; la loi 125, Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme, plus la refonte anglaise de 1977.
M. Lalonde: C'est cela qui fait le volumineux... M.
Bédard: Dépôt.
M. Lalonde: C'est cela. Le texte anglais des lois de 1977.
M. Bédard: C'est cela.
M. Lalonde: Des lois de la refonte de 1977.
M. Bédard: De la refonte.
M. Lalonde: Comment se fait-il qu'on parle de texte
français et de version anglaise à la troisième ligne de
votre premier paragraphe? Est-ce que ce ne sont pas des textes tous les
deux?
M. Bédard: Non. En vertu de la charte, c'étaient
des textes et des versions.
M. Lalonde: La charte n'est plus là. (4 h 20)
M. Bédard: Formellement, ce sont des versions anglaises.
Maintenant, avec l'article 1, nous donnons un caractère officiel
à la version anglaise.
La Vice-Présidente: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Mme la Présidente, la question du
député de Marguerite-Bourgeoys est si ces deux textes,
français et anglais, sont deux textes qui ont la même valeur, qui
sont d'égal à égal, pour employer une expression favorite
du gouvernement.
M. Bédard: Les deux mis ensemble forment une nouvelle loi
qui est celle que nous évoquons par l'article 1, ce qui était
auparavant la version officielle française et la version anglaise. Le
texte officiel français et la version anglaise deviennent une nouvelle
loi qui a pour effet de donner un caractère officiel à la version
anglaise, caractère officiel qui n'existait pas auparavant.
M. Fontaine: Pourquoi parle-t-on en français de "texte
français" et, en anglais, de "version anglaise"? Si ce sont deux textes
officiels, pourquoi ne dit-on pas "le texte français et le texte
anglais"?
M. Johnson: Je peux peut-être reprendre dans des mots
différents. Ce qu'on fait, c'est qu'en vertu du pouvoir souverain du
Parlement qui peut faire à peu près n'importe quoi, y compris
décréter que c'est rouge par terre même si c'est bleu, on
prend le texte français des lois adoptées, on prend la version
anglaise, on fait dans l'abstrait, à travers cet article, une fusion de
ces textes et on dit: Voici les nouvelles lois. On authentifie, par le fait
même, le texte anglais puisqu'on dit: Voici les nouvelles lois, par cette
simple phrase. On a donc les nouveaux textes.
M. Lalonde: De là l'utilité du mot "version"...
M. Johnson: Voilà!
M. Lalonde: ... pour indiquer que c'est bien la traduction du
texte français.
M. Johnson: C'est cela, exactement.
M. Lalonde: D'accord.
M. Bédard: La version devient texte officiel.
La Vice-Présidente: M. le ministre...
M. Lalonde: Alors, je comprends pourquoi.
M. Bédard: Pour répondre au député de
Marguerite-Bourgeoys qui s'interrogeait sur l'à-propos de garder la date
du 13, parce qu'on parle de dépôt le 13 décembre et que
nous sommes le 14, effectivement, nous voudrions faire un amendement. Je ne
sais pas si c'est le temps de le faire.
La Vice-Présidente: Quand nous retournerons en commission
plénière.
M. Bédard: Quand nous retournerons... D'accord.
La Vice-Présidente: Alors, les documents... M. Lalonde:
On n'est pas encore retourné...
La Vice-Présidente: Non, non. Les documents sont
déposés...
M. Lalonde: Naturellement, avant de voter on va voter pour
on veut quand même cons-
tater qu'on ne nous demande pas de faire la vérification de ces
textes ni de l'exactitude de la liste, ni même... On constate simplement
qu'il y a eu un dépôt.
La Vice-Présidente: C'est cela. Alors, il y a maintenant
dépôt des documents. Vous pourrez revenir quand nous serons en
commission pléniè-re, M. le député.
M. Lalonde: Alors, la motion est adoptée, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: Les documents sont
déposés. Retour en commission plénière, selon ce
que nous avions décidé.
M. Bédard: La motion est adoptée? M. Lalonde:
Oui, elle est adoptée.
La Vice-Présidente: Ce n'est pas une motion...
M. Lalonde: On est même revenu.
La Vice-Présidente: ... c'est un dépôt de
documents.
M. Bédard: Le dépôt est adopté.
La Vice-Présidente: Oui, c'est cela, M. le ministre.
Une Voix: II faut retourner en commission.
La Présidente (Mme Cuerrier): II y avait une intervention,
je pense, à propos des documents. Nous sommes de retour en commission
plénière.
M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je voulais demander au ministre de la Justice si les
lois qu'il a énumérées tout à l'heure je
pense qu'il y en a six sont les lois qui ne sont pas sanctionnées
mais qui ont été adoptées en troisième lecture?
M. Bédard: Non, non, elles sont toutes
sanctionnées.
M. Fontaine: Elles sont sanctionnées. M. Bédard:
C'est cela.
Une Voix: Elles n'ont pas été publiées dans
la Gazette officielle?
M. Bédard: Non, pas encore.
M. Lalonde: C'est pour cela qu'elles sont
déposées.
M. Bédard: Elles ont toutes été
sanctionnées très récemment; elles n'ont pas
été publiées dans la Gazette officielle. Maintenant, Mme
la Présidente, je voudrais faire un amendement à cet
article...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice, je pense qu'il y avait une question à propos des documents de
la part du député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Non...
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est à propos de...
Alors, M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Suite à l'interrogation du...
M. Scowen: Excusez-moi, j'ai en effet une petite question sur les
documents, les lois qui ont été abrogées ou qui sont
devenues caduques. Est-ce que c'est certain que toutes les lois, mêmes
celles qui ne sont pas en vigueur, sont dans la liste?
M. Bédard: ... il n'y a pas les lois abrogées ou
devenues caduques.
M. Scowen: Je veux simplement vérifier qu'il n'existe pas
de lois qui pourraient être affectées par cette décision,
qui ne sont pas dans la liste, qui ne sont pas là.
M. Bédard: Qu'elles ne sont pas dans le dépôt
qu'on...
M. Scowen: Dans la liste. M. Bédard: Non.
M. Scowen: Les lois qui sont devenues caduques ou
abrogées, quelque chose...
M. Bédard: Exactement.
M. Lalonde: La loi 62, par exemple, est-elle
ressuscitée?
M. Johnson: Non, non.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre du Travail...
M. Bédard: La négociation non plus.
M. Lalonde: Mais, vous la faites ressusciter.
M. Johnson: Non. Elle est caduque du fait de ses propres
dispositions.
La loi 62 devenait caduque 17 jours, si je me souviens bien,
après son dépôt.
M. Lalonde: Oui, mais le jugement l'a fait disparaître. Si
vous voulez quand même avoir une assise juridique pour continuer les
poursuites que vous avez en cour il faut la faire revivre.
M. Johnson: C'est inclus dans toutes celles qui sont
appelées à être publiées. On va voir plus tard dans
le texte de loi qu'il y a toutes sortes de mécanismes qui permettent de
régler cela.
M. Lalonde: J'ai posé la question. Je ne sais pas s'il y a
d'autres lois de cette nature. En tout
cas, je vois les sous-ministres qui se parlent. J'aurais une question,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: On voit que l'article 1 commence de la façon
suivante: "La Charte de la langue française et chacune des lois, etc.,
sont remplacées". Or, le chapitre III de la Charte de la langue
française a été déclaré inconstitutionnel;
donc, il devrait normalement, logiquement être enlevé de la
charte. Si je m'en rapporte au discours de deuxième lecture du ministre
d'Etat, à la page 16, on voit cette phrase: "Cette loi palliative ne
touchera pas les articles 7 à 13 de la Charte de la langue
française qui traitent de la langue de la législation et de la
justice, laissant ainsi jouer, en fait, l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique." Je me demande ce que cela veut dire au
juste. Est-ce intentionnellement qu'on nous demande ce soir de voter encore en
faveur de ce chapitre?
M. Bédard: Non.
M. Lalonde: Je proposerais un amendement. Je ne le fais pas
formellement, mais je le suggère. C'est qu'on dise: "La Charte de la
langue française, sauf le chapitre III de la charte.
M. Bédard: Non. Nous n'avons pas fait mention
spécifiquement dans le projet de loi de ce qui arrive à ces
articles pour la bonne et simple raison qu'à la suite du jugement de la
Cour suprême ils sont devenus inopérants. Il appartient,
après cela, à la Commission de refonte des lois, lorsqu'elle
procède à la refonte, de décider si elle les reproduit
avec un astérisque indiquant aux citoyens que ces articles sont
inopérants ou, encore, la Commission de refonte des lois peut
décider de ne pas les reproduire. Mais cette décision appartient
à la Commission de refonte des lois.
M. Lalonde: Je vois le président de la Commission de
refonte des lois ou, enfin, un éminent membre assis derrière
vous. Pourrait-il nous indiquer, dans le métier très
spécialisé que peu comprennent enfin, moi, je trouve que
c'est assez difficile s'il va reproduire le chapitre III, même si
on ne fait pas l'amendement que je suggère?
Une Voix: En pratique, dans les cas identiques à
ceux-là...
La Présidente (Mme Cuerrier): Je dois, selon les
règles de cette Assemblée, vous demander de ne pas intervenir ou,
s'il y avait consentement, que vous interveniez en lieu et place du ministre,
comme si c'était lui qui intervenait.
Des Voix: Consentement.
M. Lalonde: Consentement. Cela va être au nom du ministre.
On pourra admirer le langage du ministre.
M. Johnson: Mme la Présidente, me permettez-vous de
soulever une question de règlement? Je pense que M. Jacoby, à qui
on pose la question, n'est pas considéré ici
nécessairement comme conseiller du ministre. On lui pose la question, en
l'occurrence, en tant que président de la Commission de refonte des
lois. Je pense qu'il n'est pas question d'introduire ici à
l'Assemblée la présence du président de la Commission de
refonte des lois. Ceci dit, le ministre peut peut-être répondre ou
je pourrai répondre ou n'importe quel autre des fonctionnaires pourrait
répondre.
M. Lalonde: Je suggérais Me Jacoby parce que je sais qu'il
connaît probablement la réponse, mais, si le ministre la
connaît, qu'il nous la donne.
M. Bédard: Je vous ai donné la réponse tout
à l'heure.
M. Lalonde: Ce n'était pas concluant.
M. Bédard: Ils sont inopérants. Le jugement de la
Cour suprême rend ces articles inopérants. Ensuite, il appartient
à la Commission de refonte des lois de prendre la décision soit
de les reproduire avec un astérisque qui indique que ces textes sont
inopérants ou, encore, de ne pas les reproduire. C'est exactement la
situation.
M. Fontaine: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Nicolet-Yamaska. (4 h 30)
M. Fontaine: Peut-être pourrais-je aider le ministre, en
tenant compte des considérants qui sont avant l'article 1.
Considérant que le chapitre III de cette loi édicte que le
français est la langue de la législation et de la justice au
Québec; "Considérant que la Cour suprême du Canada dans un
jugement rendu le 13 décembre 1979 dans la cause... a
déclaré ce chapitre insconstitu-tionnel.
Si on s'en reporte à l'article 40 de la Loi
d'interprétation, qui dit que le préambule d'une loi en fait
partie et sert à en expliquer l'objet et la portée, on pourrait,
à ce moment-là, dire que, effectivement, le problème est
réglé en fin de compte.
M. Johnson: Cela dit que les articles sont là mais qu'ils
sont inopérants à cause du jugement de la Cour suprême dans
la cause de Blaikie versus le Procureur général du
Québec.
M. Bédard: Est-ce qu'il y a d'autres questions
là-dessus?
M. Lalonde: Le ministre nous assure que les textes
français et la version anglaise tels qu'ils ont
été publiés dans la Gazette officielle du
Québec et ceux qui ont été déposés
comprennent toutes les lois adoptées par cette Assemblée depuis
l'adoption ou l'entrée en vigueur de la loi 101.
M. Bédard: Naturellement, la charte.
M. Lalonde: Y compris celles qui seraient devenues caduques comme
la loi 62, par exemple.
M. Bédard: Une seconde. Elles ont toutes été
publiées dans la Gazette officielle.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice, vous aviez fait état d'un amendement que vous aviez l'intention
de proposer.
M. Bédard: Je voudrais faire un amendement pour remplacer
dans la sixième ligne de l'article 1 le chiffre 13 par 14, simplement
pour concordance. Au moment où on l'a rédigé, on
était au 13, maintenant nous sommes au 14.
M. Rivest: Vous ne l'aviez pas prévu.
La Présidente (Mme Cuerrier): Cet amendement est-il
adopté?
M. Lalonde: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Bédard: On fera un autre amendement, si
nécessaire.
M. Scowen: Je veux simplement revenir à cette question de
distinction entre le mot "texte" et le mot "version". Si je saute à
l'article 2, je vois que les deux mêmes expressions sont utilisées
dans un contexte un peu différent. Je me demande si l'explication que
vous avez donnée en ce qui concerne l'article 1 sera la même ici;
sinon, est-ce que vous êtes encore satisfait que dans l'article 1 votre
explication est justifiée?
M. Johnson: C'est la même chose, on applique le
même...
M. Bédard: C'est le même raisonnement que tout
à l'heure.
La Présidente (Mme Cuerrier): Puisque les...
M. Bédard: Vous savez, la situation qui existe à
l'heure actuelle, c'est que le texte français est le texte officiel, et
il y avait une version anglaise. Suite au jugement de la Cour suprême,
cet article a pour effet d'exprimer que le texte français et le texte
anglais sont officiels.
M. Lalonde: Deviennent un texte, au fond. M. Bédard:
Deviennent un texte, une loi.
M. Lalonde: Une loi, c'est cela. Ce qui était très
évident à la fin du premier alinéa de l'article 1.
M. Bédard: II me semble.
La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, l'amendement dont
nous faisions état, l'amendement pour changer le chiffre 13 pour le
chiffre 14, est-il adopté?
M. Lalonde: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté.
M. Fontaine: Mme la Présidente.
M. Johnson: L'article 1 est-il adopté?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je voudrais savoir du ministre ou de ses conseillers
s'ils ont pris connaissance de certaines remarques ou théories d'un
constitution-naliste de l'Université McGill, M. Scott, et d'un autre, M.
Litvack, qui disent qu'une clause omnibus comme l'article 1 n'est pas
suffisante pour couvrir toute la question.
M. Bédard: C'est leur droit d'avoir cette opinion. L'un,
entre autres, annonce déjà des contestations; mais le Parlement
est souverain et la technique de référence que nous employons est
une technique qui a déjà été employée
validement par d'autres Législatures.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 1 est-il
adopté? M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Quant au premier alinéa, cela va, en ce qui me
concerne. Relativement au deuxième, j'aurais seulement une question. A
la deuxième ligne, on dit: "A compter de la date où la loi ou la
disposition qu'elle remplace..." Etant donné l'heure tardive et le peu
de temps qu'on a eu pour étudier ce projet de loi, je demanderais au
ministre de nous aider un peu à comprendre cela.
M. Johnson: C'est parce qu'en fait, dans différentes lois,
il y a des dispositions qui peuvent être, par exemple, proclamées.
Il y a des textes de loi qui disent: La loi entre en vigueur le jour de sa
sanction. Il y a des textes de loi qui disent: Les articles, la présente
loi ou ses dispositions prennent effet le jour de la proclamation par le
lieutenant-gouverneur en conseil. Ce qu'on veut couvrir, c'est cela
effectivement.
M. Lalonde: Ou la disposition qu'elle remplace. On parle d'une
disposition qui remplacerait une loi.
M. Bédard: Non, une telle loi... M. Johnson: Une
telle loi...
M. Bédard: Une telle loi ou chacune de ces
dispositions...
M. Johnson:... a effet à compter de la date où la
loi ou la disposition dont il est question, qu'elle remplace est
réputée avoir pris effet.
M. Bédard: C'est cela. M. Lalonde: Cela va.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 1 est-il
adopté?
M. Lalonde: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté? L'article 2.
Adopté?
M. Bédard: L'article 2, Mme la Présidente, a pour
effet de permettre au gouvernement de réadopter, au moyen de
règlement, tous les règlements qui ont été
publiés en français et en anglais dans la Gazette officielle.
Tous ces règlements ainsi réadoptés ont effet à
compter de la date prévue pour les règlements qui sont ainsi
remplacés. Même chose que pour les lois. Ces règlements,
même s'ils sont tous réadoptés par le gouvernement,
demeurent les règlements du gouvernement, ou, selon le cas, les
règlements des personnes ou organismes qui étaient
habilités à les adopter originairement.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: II a été suggéré, ce soir,
dans un ou deux de vos discours, que ce n'était non seulement les
règlements du gouvernement, mais les règlements de toutes les
municipalités. Est-ce que vous avez une opinion précise sur la
portée?
M. Bédard: Oui, nous avons une opinion assez
précise sur ce point. Maintenant, je crois que le départ pourrait
peut-être venir plus loin, soit à l'article 3.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef de l'Opposition
officielle.
M. Ryan: Je voudrais demander au ministre si les
règlements auxquels il fait allusion à l'article 2 ont presque
tous déjà été publiés dans une version
anglaise. Aussi, il y a un gros travail de traduction à faire d'ici
à ce que ceci soit complété.
M. Bédard: II y en a environ pour 1500 pages de retard;
à peu près 200 règlements.
M. Ryan: Mais est-ce que c'était la politique du
gouvernement de publier une version anglaise? Est-ce que c'était
seulement un retard qui aurait dû être...
M. Bédard: C'est vraiment un retard parce que la
politique...
M. Ryan: ... comblé de toute manière? Je vais vous
dire le sens de ma question, M. le ministre. Je veux savoir une chose. On a
entendu plutôt, dans la discussion, des arguments voulant que cela impose
des changements radicaux. Ce n'est qu'un changement de statut pour la version
anglaise qui intervient ici.
M. Bédard: Pour ce qui est des changements radicaux
auxquels on a fait allusion, cela se situe sur d'autres plans, lorsqu'on parle
des municipalités et des commissions scolaires. Pour répondre
à votre question, ce sont vraiment des retards, parce que, tant pour les
lois que pour les règlements, selon la politique du gouvernement, on
devait les publier en français et en anglais.
M. Ryan: Tous les règlements qui émanaient du
lieutenant-gouverneur en conseil.
M. Bédard: C'est cela.
M. Ryan: C'est un changement de statut d'une version anglaise
qui, de toute manière, existait ou eut existé.
M. Bédard: Sous cet angle, cela va. (4 h 40)
M. Ryan: Très bien, c'est ce que je voulais savoir.
M. Bédard: Les véritables changements radicaux, qui
sont occasionnés par le jugement de la Cour suprême, nous allons
les retrouver aux articles suivants.
M. Ryan: Bien.
M. Bédard: Ce qui complique la situation pour vrai.
M. Lalonde: En ce qui concerne l'article 2, on parle de la
situation des règlements qui ont déjà été
publiés dans les deux langues.
M. Bédard: C'est cela.
M. Lalonde: Je suis prêt à adopter l'article 2 dans
ses trois alinéas.
M. Johnson: Je m'excuse, ce ne sont pas ceux qui ont
déjà été adoptés dans les deux langues.
M. Lalonde: J'ai parlé de ceux qui ont été
publiés dans les deux langues.
M. Johnson: Non, c'est... Oui, effectivement. M.
Bédard: Oui, oui.
M. Lalonde: Ceux qui ont été publiés dans
les deux langues.
M. Bédard: Ceux qui ont été
publiés.
M. Johnson: II y a une différence entre les deux.
M. Lalonde: Alors que le cas différent paraît
à l'article 3.
M. Bédard: Tandis qu'à l'article 3 on parle de
règlements qui n'ont pas été publiés.
M. Lalonde: C'est cela, qui ne l'ont pas été dans
les deux langues.
M. Bédard: Et ceux qui n'ont pas été
publiés du tout, aussi.
M. Lalonde: De la façon dont c'est libellé, cela
peut aussi couvrir le cas où cela aurait été publié
seulement dans une langue.
M. Bédard: Oui, c'est cela. C'est exact.
M. Lalonde: Je suis prêt à adopter l'article 2, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 2 est
adopté. Article 3.
M. Johnson: Mme la Présidente, si vous me le
permettez...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre du Travail et
de la Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: ... je vais immédiatement, pour situer le
débat et se partager le travail, déposer un papillon pour
l'article 3 afin que son premier paragraphe se lise maintenant comme suit. On
peut peut-être distribuer l'amendement immédiatement.
M. Lalonde: Vous pourriez l'expliquer pendant ce temps.
M. Johnson: C'est ça. L'article 3, au premier paragraphe,
se lirait comme suit: "Dans le cas d'un règlement adopté et, le
cas échéant, approuvé avant ou après la sanction de
la présente loi et dont le texte n'est pas publié en
français et en anglais, le gouvernement, les personnes ou l'organisme
habilités à adopter un tel règlement peuvent adopter un
règlement pour remplacer ce premier règlement et lui donner effet
depuis la date qui était prévue pour le règlement qu'il
remplace si ce nouveau règlement reproduit sans modification le
règlement qu'il remplace. C'est d'une clarté...
M. Lalonde: C'est limpide!
M. Bédard: Quelqu'un qui ne comprend pas ça,
là...
M. Johnson: En d'autres termes, pour faire une longue histoire
courte...
M. Lalonde: En fait, la seule chose que vous ne dites pas
là-dedans, c'est que ce doit être publié dans les deux
langues.
M. Johnson: En pratique, c'est ce que ça dit.
M. Lalonde: Justement, le but de l'exercice est de le faire dans
les deux langues et vous oubliez...
M. Johnson: C'est cela, mais les juristes du ministère de
la Justice, du comité de législation et d'un peu partout ont
travaillé très fort depuis la publication de ce jugement ce
matin, même s'ils avaient déjà des hypothèses, ce
matin, ce n'était plus une hypothèse, c'était une
réalité.
M. Bédard: Cela allait plus loin qu'on pensait.
M. Johnson: Justement, la décision de la Cour
suprême est allée un peu plus loin que ce qui était
prévu, c'est-à-dire qu'en pratique cela pourrait avoir comme
effet je pense que personne ne le met en doute, indépendamment de
la question des municipalités et des commissions scolaires
à toutes fins utiles, de dire: Sont entachés d'une nullité
relative, c'est-à-dire susceptibles d'être contestés, tous
les règlements de l'Etat québécois antérieurs
même à l'adoption de la loi 101. Les dispositions de l'article 3
tel que je viens de le lire ont comme effet essentiellement de permettre au
gouvernement ou à un organisme, par exemple à la Commission du
salaire minimum, qui adopte des règlements, etc., d'adopter, de la
même façon qu'on va le faire au niveau du gouvernement, pour ceux
qu'on a vus tout à l'heure dans l'article 2, un règlement qui,
rétroactivement, va valider tous ces règlements
antérieurs, à condition, cependant, qu'il ne change pas le
contenu de ces règlements. De même, de permettre à ceux
qui, demain ou dans les jours qui viennent, seraient appelés à
adopter des règlements dans une seule des langues, à faire en
sorte qu'ils défassent cette nullité relative dont ils ont
entaché le règlement du fait qu'il a été
adopté seulement dans une langue.
M. Lalonde: En fait, ce que je disais, c'est que vous n'exprimez
pas l'obligation de les adopter dans les deux langues, mais je comprends que si
vous ne le faites pas, c'est parce que cela va sans dire.
M. Johnson: C'est parce que là, c'est l'article 133...
M. Lalonde: C'est l'article 133 qui s'applique.
M. Johnson: ... qui, d'après un banc de plusieurs juges,
s'applique, oui.
M. Lalonde: Un banc de 17 juges.
M. Johnson: Non, pas 17. Cela comprenait la Cour
supérieure et...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Si vous me le permettez, j'aimerais qu'on revienne
sur la question des règlements
municipaux. Je pense que ce serait peut-être important que le
ministre nous donne son point de vue là-dessus. Il nous dit avoir
demandé des avis juridiques à ce sujet dont il pourrait
peut-être nous faire part.
M. Bédard: Disons qu'il y a unanimité au niveau des
légistes du ministère de la Justice, soit que le jugement de la
Cour suprême couvre les règlements municipaux et les
règlements des commissions scolaires. Je pense que le jugement, si vous
vous référez aux pages 11 et 5 concernant l'adoption, cela ne
peut pas être plus clair. Le jugement, entre autres à la page 11,
au dernier paragraphe, stipule ceci, et je cite: "Pour ce qui est de la
question de savoir si les règlements établis sous le
régime de lois de la Législature du Québec sont des actes
au sens de l'article 133, il est évident que ce serait tronquer
l'obligation imposée par ce texte que de ne pas tenir compte de l'essor
de la législation déléguée. Il s'agit d'un cas
où le plus englobe le moins."
Alors, il n'y a aucune indication dans le jugement selon laquelle on
pourrait interpréter restrictivement le sens qui est très clair
de cette disposition.
M. Lalonde: II est permis d'avoir des doutes sur la conclusion du
ministre. Sans naturellement faire injure aux légistes ou aux juristes
qui l'ont conseillé, seulement une question: L'appellation normale, le
sens normal de législation déléguée, est-ce que
cela comprend les règlements et les résolutions des
municipalités? Je ne vous demande pas de répondre mais je n'en
suis pas sûr.
M. Bédard: Sans aucun doute. Oui, c'est notre opinion.
Cela comprend les règlements.
M. Scowen: D'après vous, M. le ministre...
La Vice-Présidente: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: ... l'expression "règlements établis
sous le régime de lois de la Législature" englobe...
M. Bédard: Cela englobe les règlements municipaux
et les règlements des commissions scolaires.
M. Scowen: Quant à vous, il n'y a aucun doute
là-dessus?
M. Bédard: Aucun doute là-dessus.
M. Johnson: Dans la mesure où, en droit, il n'y a jamais
aucun doute.
M. Bédard: C'est-à-dire qu'il y a une
conviction.
M. Johnson: S'il n'y avait jamais vraiment de doute, il n'y
aurait pas de tribunaux.
M. Lalonde: Et il n'y aurait pas d'avocat.
M. Johnson: Et il n'y aurait pas d'avocat, M. Lalonde.
M. Bédard: Et il n'y aurait pas de jugement comme
cela.
La Vice-Présidente: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Bédard: Nous ne sommes pas au discours de
deuxième lecture, mais il est évident que l'effet du jugement vu
sous cet angle je ne pense pas qu'il soit question d'en faire
l'énumération ici va au-delà de ce que nous
attendions, même le pire, et va occasionner nécessairement des
difficultés énormes et des dépenses énormes aussi
pour les municipalités, les commissions scolaires et le
gouvernement.
M. Johnson: Mme la Présidente, si vous permettez, pour
ajouter à cela, je rappelle simplement à l'Opposition qu'à
la page 5 du jugement et à la page 11... Je pense que c'est un peu
là-dessus que nos juristes se sont basés, sur ce raisonnement
qui, en tout les cas, jusqu'à preuve assez claire du contraire, devrait
nous amener à conclure, comme vient de le dire le ministre de la
Justice... A la page 5 du jugement, on dit bien que les articles 8 et 9 de la
Charte de la langue française reproduits plus haut ne sont guère
conciliables avec l'article 133 qui ne prévoit pas seulement mais exige
qu'un statut officiel soit reconnu à l'anglais et au français
dans l'impression et la publication des lois de la Législature du
Québec. On a soutenu devant la cour continue le jugement de la
Cour suprême que cette exigence ne vise pas l'adoption des lois
dans les deux langues mais seulement leur impression et leur publication.
Cependant, si on donne à chaque mot de l'article 133 toute sa
portée, il devient évident que cette exigence est implicite
nous dit la Cour suprême. Ce qui doit être imprimé et
publié dans les deux langues, ce sont les lois et un texte ne devient
loi que s'il est adopté. (4 h 50)
Les textes législatifs ne peuvent être connus du public que
s'ils sont imprimés et publiés lors de leur adoption qui
transforme les projets de loi en lois. De plus, il serait singulier que
l'article 133 prescrive que dans la rédaction des archives,
procès-verbaux et journaux des Chambres de la Législature du
Québec il y en avait alors deux l'usage de l'anglais et du
français sera obligatoire et que cette exigence ne s'applique pas,
également, à l'adoption des lois."
Or, si on va à la page 11, puisque le député de
Marguerite-Bourgeoys a soulevé la question, on dit: "Par ailleurs, pour
ce qui est de la question de savoir si les règlements établis
sous le régime des Lois de la Législature du Québec sont
des actes au sens de l'article 113, il est évident..." En pratique, cela
veut dire quoi? Si on part de la notion qu'une municipalité est un corps
constitué
à partir d'un acte de la Législature du Québec ou
par sa charte ce qui est le cas, par exemple, de la ville de
Montréal et de quelques autres villes, la ville de Québec, si je
ne m'abuse, et la ville de Laval... Non?
Une Voix: Montréal et Québec.
M. Johnson: Montréal et Québec. Les autres sont
constituées en vertu d'une autre Loi de la Législature, qui sont
la Loi des cités et villes ou le Code municipal. Ces corps publics
québécois adoptent des règlements. Est-ce que ces
règlements ne sont pas ceux qui sont visés par la page 11 du
jugement de la Cour suprême? Si on fait l'addition de ce qui est à
la page 5 et à la page 11, je pense que la prudence
élémentaire doit amener le législateur à
considérer que la Cour suprême affirme, en fait, que les
municipalités, comme les commissions scolaires, comme toutes les
commissions ou régies gouvernementales, doivent dorénavant non
seulement publier ou rendre leurs décisions publiques en français
et en anglais, mais adopter leurs résolutions en français et en
anglais. Je pense qu'il est d'une prudence élémentaire d'y
pourvoir et de partir de ce principe d'interprétation, si odieux
puisse-t-il paraître a priori.
M. Lalonde: Remarquez, Mme la Présidente, que je ne mets
pas en doute la bonne foi du gouvernement de vouloir boucher tous les coins. Si
l'article 3 répond à ce doute, ce qui est presque une conviction
de la part des ministres qui sont devant nous, j'en suis, mais si on en est au
niveau de la discussion théorique, juridique, je ne suis ps d'accord
avec le ministre.
M. Bédard: Le libellé du jugement établit
assez clairement une prépondérance dans le sens que les
règlements municipaux, les règlements des commissions scolaires
pourraient être touchés. La prudence élémentaire, en
tant que législateurs, c'est de faire en sorte d'avoir la disposition la
plus large possible, qui puisse corriger toutes les situations possibles.
M. Fontaine: Ce que le ministre nous dit, c'est que trop fort ne
casse pas.
M. Bédard: Non, ce n'est pas trop fort ne casse pas, cela
va dans le sens de l'esprit du libellé du jugement de la Cour
suprême où on dit que le plus englobe le moins. Donc, nous nous
inspirons de la même philosophie que le jugement de la Cour
suprême, en termes de législation.
M. Fontaine: Lorsque le... Une Voix: Je l'ai, le
jugement.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Etant donné que nous sommes dans le domaine de
l'interprétation, il me semble qu'au niveau où nous en sommes,
une interprétation, dans le sens du ministre, dit que ces
règlements englobent les règlements municipaux et des commissions
scolaires ce qui, nous sommes d'accord, causerait un préjudice
considérable. Par ailleurs, on peut également soutenir, dans une
autre interprétation qui pourrait être valable, que ces
règlements ne comprennent pas les règlements municipaux et de
commissions scolaires.
Etant donné que nous sommes dans un domaine où
l'interprétation a libre cours, est-ce que le ministre aurait
l'intention de demander un avis à la Cour suprême en ce sens avant
de soumettre le cas à toutes les municipalités, créer de
la panique et des déboursés?
M. Bédard: Mon cher ami légiste d'en face devrait
se rappeler qu'il y a seulement le gouvernement fédéral qui peut
demander un avis à la Cour suprême.
M. Lalonde: On peut au moins demander un avis juridique de
personnes indépendantes qui ne sont pas sous le coup de la surprise et
de la déception et qui n'ont pas intérêt à faire
empirer les choses.
M. Johnson: Le jugement...
M. Bédard: J'imagine que lorsque vous parlez de gens qui
sont sous le coup de la surprise et de la déception, vous vous incluez
également j'espère et vous incluez tous les
Québécois qui, sûrement, ne sont pas heureux, à
moins d'être Québécois d'une certaine façon que je
ne m'explique pas...
M. Lalonde: Si vous voulez...
M. Bédard: Qu'ils ne sont sûrement pas heureux ce
soir de voir certains de leurs droits...
M. Lalonde: Si vous voulez faire la discussion sur
l'interprétation de Québécois, on peut la faire.
M. Bédard: ... restreints par ce jugement. Je ne veux
pas...
M. Lalonde: On va vous la faire.
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre!
M. Bédard: Mme la Présidente, je n'ai pas voulu
faire un débat politique...
M. Lalonde: C'est ce que vous faites depuis quinze minutes, vous
charriez dans votre interprétation.
M. Bédard: Mais si vous voulez embarquer là-dessus,
on va en...
Au contraire, il n'y a pas de charriage. S'il y a quelqu'un qui a
charrié, j'ai l'impression que c'est plutôt de l'autre
côté.
M. Lalonde: N'oubliez pas que vous êtes ministre de la
Justice.
M. Bédard: Vous charriez dans les assurances, quand ce
n'est pas le moment approprié.
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît, j'ai
deux demandes d'intervention maintenant, celle de l'Opposition...
M. Bédard: Quelqu'un qui est heureux de ce jugement, je ne
critique pas, quelqu'un qui est heureux des effets de ce jugement, comme
Québécois, j'ai du mal à comprendre.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef de l'Opposition
officielle et M. le député de Jean-Talon.
M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Ryan: Mme la Présidente, nous avons pris soin, nous, de
solliciter des avis juridiques aujourd'hui sur la portée exacte de ces
passages du jugement qui ont été cités par le ministre du
Travail tantôt. Les avis que nous avons obtenus sont en sens contraire de
ceux qui nous sont donnés par le ministre ce soir.
M. Bédard: Je puis dire au chef de l'Opposition que nous
aussi nous avons pris soin de prendre toutes les consultations
nécessaires, de faire tous les échanges nécessaires au
niveau de tous les légistes de tous les contentieux possibles, au niveau
des contentieux du ministère de la Justice et je vous ai
explicité tout à l'heure que l'unanimité était dans
le sens de ce que j'ai exprimé tout à l'heure, concernant les
effets de ce jugement de la Cour suprême en ce qui a trait aux
municipalités et aux commissions scolaires.
M. Ryan: Je m'excuse, Mme la Présidente, il ne m'a pas
laissé terminer mon intervention.
M. Bédard: Je m'excuse, je croyais que vous aviez
terminé.
M. Lalonde: II aime bien cela interrompre.
M. Ryan: Franchement, j'ai le droit de terminer mon
intervention.
M. Bédard: Oui, oui, je croyais que vous aviez
terminé. Allez-y.
M. Lalonde: Non, non, vous l'avez interrompu.
M. Ryan: Vous m'avez interrompu.
M. Bédard: Cela doit vous arriver aussi.
M. Ryan: Les avis que nous avons obtenus nous indiquaient que la
portée de ce jugement vise évidemment les lois qui n'ont pas
été présentées et adoptées dans les deux
langues. Deuxièmement, les règlements relevant directement du
lieutenant-gouverneur en conseil et découlant de ces lois. Je tiens
à le dire, pour que cela entre au dossier, pour que ce soit clair qu'il
y avait une autre interprétation qui existait de ce jugement.
Je recommanderais au gouvernement, avant d'émettre des directives
à l'intention de toutes les municipalités et corporations
scolaires, de faire montre de plus de prudence qu'il n'en a manifesté
quand cette loi a été adoptée.
M. Rivest: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Jean-Talon.
M. Rivest: Si je comprends bien le jugement, tel qu'il est
écrit, il porte sur la partie III de la Charte de la langue
française. Or, la partie III, c'est la langue de l'administration et de
la justice. Or, les corporations municipales...
Une Voix: De la législation.
M. Rivest: De la législation et de la justice, chapitre
III, excusez-moi.
Les corporations municipales et scolaires, dans la Charte de la langue
française sont au chapitre IV, n'est-ce pas, qui s'intitule "La langue
de l'administration", définie à l'article 14. En annexe, on pose
l'article 14, "Le gouvernement... etc. et les organismes municipaux et
scolaires." Je crois que le dispositif du jugement de la Cour suprême
porte sur le chapitre III et le ministre nous dit que l'interprétation
je conçois que le ministre ait cette prudence certainement
d'évoquer cette possibilité, mais de l'affirmer comme
certitude... le jugement de la Cour suprême porte sur le chapitre
III, et cela aurait des conséquences directes sur la langue de
l'administration définie au chapitre IV comme étant les actes des
organismes municipaux et scolaires?
M. Johnson: La loi 101 dit...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Bédard: La loi 101...
M. Rivest: Juste avant que vous répondiez, je ne l'ai pas
vérifié, j'aimerais aussi qu'on regarde le jugement du juge
Deschênes, quel sens on peut dégager de la notion de
règlements ainsi que du jugement de la Cour d'appel.
M. Bédard: Le jugement du juge Deschênes est encore
plus explicite. Je n'ai pas voulu tout à l'heure le mentionner, mais
justement le jugement explicite ceci: La Cour est d'opinion que l'obligation
prévue à l'article 133 doit s'entendre de la législation
déléguée, aussi bien que de la législation
parlementaire, et que de ce fait, les articles 9 et 10 de la charte
contredisent encore l'article 133...
M. Rivest: Le chapitre III, mais le chapitre IV. (5 heures)
M. Bédard: ... c'est encore plus explicite que le jugement
de la Cour suprême.
M. Rivest: Ce que je veux dire au ministre, c'est de bien
regarder également et d'examiner
cette question. Je ne dis pas que j'ai absolument raison.
J'évoque cette possibilité. On parle toujours des articles 9 et
10 qui sont au chapitre III. C'est le jugement de la Cour suprême et on
l'a là-dessus. Or, les municipalités, c'est le chapitre 4,
l'article 14 et aux annexes, c'est marqué spécifiquement: "Les
organismes municipaux et scolaires, communautés urbaines,
municipalités, organismes scolaires, etc." Or, il n'est question nulle
part du chapitre IV dans le jugement de la Cour suprême. Comment la Cour
suprême pourrait-elle s'être prononcée sur les actes des
municipalités qui sont posés en termes de règlements et de
résolutions? Il faudrait y regarder deux fois.
M. Bédard: On va regarder...
M. Johnson: Encore une fois, M. le Président, je pense que
le ministre de la Justice a été bien explicite tout à
l'heure, quand il a dit que c'est une question de prépondérance
d'opinions. Dans les cas des juristes du gouvernement, c'est une question
d'unanimité. C'est une question de prépondérance et aussi
de prudence que doit avoir le ministre de la Justice du Québec...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rivest: Si le ministre me permet... Le ministre dit:
Prudence...
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez,
j'étais en train de répondre. Je n'ai pas interrompu le
député de Jean-Talon. Je n'ai pas d'objection à
répondre, par la suite, à une autre question. Or, d'une part, il
y a une question de prépondérance. Deuxièmement, il y a
une question, à partir du moment où une interprétation
ne serait-ce que par prépondérance est à
savoir que c'est susceptible de toucher les municipalités, il y a une
question de prudence élémentaire, de responsabilité de ce
gouvernement et de ce Parlement de faire en sorte qu'on protège les
municipalités et les commissions scolaires. Cela vient du fait, entre
autres, que s'il est exact que c'est le chapitre III qui a été
touché par la Cour suprême, c'est à ce chapitre III,
l'article 10, qu'on y parle de l'administration et de certaines obligations
qu'elle a et qu'à l'annexe de la loi, on décrit parmi
l'administration, les municipalités, les communautés
urbaines...
M. Rivest: Recouverts de quel article?
Le Président (M. Vaillancourt, Orford): A l'ordre s'il
vous plaît!
M. Rivest: M. le Président, juste un point...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Rivest: ... juste une remarque...
M. Bédard: Les articles 9 et 10, M. le
député de...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
reviendrez après, M. le député de Jean-Talon.
M. Rivest: ... quand on parle de l'annexe, au titre, c'est
marqué: Article 14, au-dessus de l'annexe. Relisez votre loi. Vous allez
voir; c'est marqué: Article 14. L'annexe réfère à
l'article 14 qui est au chapitre IV. La prudence dont le ministre a
parlé, j'en conviens. Mais ce que le chef de l'Opposition a
indiqué tantôt, c'est que les dramatisations artificielles qui ont
été faites, au titre des municipalités... Ce n'est pas de
la prudence, c'est de la politique.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre s'il vous plaît! M. le ministre.
Une Voix: ... son seul argument, c'est...
M. Bédard: Ceux qui demandent au gouvernement d'exercer
une certaine prudence font preuve, avec des propos comme ceux du
député de Jean-Talon d'une imprudence carrément
inacceptable, parce que...
Une Voix: Voyons donc!
M. Rivest: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre s'il vous plaît!
M. Bédard: ... vous êtes de ceux, qui, dans un
premier temps, dites qu'il peut y avoir des opinions partagées en termes
d'appréciation juridique de certaines dispositions du jugement et du
même trait, vous accusez le gouvernement de vouloir dramatiser certaines
conséquences, parce que vous partez d'une conviction qui n'est soutenue
par absolument rien. Vous partez d'une conviction à savoir que cela ne
touche pas les municipalités et les commission scolaires. Je vous ai
explicité tout à l'heure je ne veux pas en faire un
débat politique et j'essaie de me restreindre à la portée
juridique du jugement, selon les conseillers du ministère de la Justice
la prépondérance unanime à savoir que cela touche
les municipalités et les commissions scolaires, et de plus, la prudence
élémentaire de légiférer dans le sens que nous
proposons.
M. Rivest: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Tout ce que mes propos, pour corriger
l'interprétation...
M. Bédard: II ne faudrait pas que vous fassiez le
contraire.
Une Voix: C'est lui qui avait la parole.
M. Rivest: J'ai soulevé une question de règlement.
Question de règlement. Tout ce que mes propos ont voulu indiquer...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, messieurs! M. le
député de Jean-Talon, s'il vous plaît! Avant, j'aimerais
dire ceci: Nous sommes en commission plénière et je remarque que
les députés ont pris l'habitude de s'interrompre. Là, je
fais appel à tous les côtés de la Chambre.
Une Voix: "It is altogether a free for all".
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est
plus difficile qu'à l'Assemblée nationale de tenir le
contrôle ou l'ordre en commission plénière, et en
conséquence, je vous demanderais de demander le droit de parole, avant
de l'exercer, puisque... Exactement, M. le député de
Nicolet-Yamaska, j'allais dire que j'essaie de vous donner la parole depuis au
moins cinq minutes. Alors, M. le député de Jean-Talon, sur une
question de règlement.
M. Rivest: Ma question de règlement est très
simple. A la suite de l'appréciation que le ministre de la Justice a
fait de mes propos, je veux simplement dire que l'arguement que j'ai voulu
apporter, c'est simplement qu'il m'apparaissait à première vue,
sans avoir fait une analyse absolument fouillée de la question, en tout
cas, prima facie, il m'apparaît que les municipalités et les
commissions scolaires ressortent du chapitre IV de la Chartre de la langue
française dont la Cour suprême ne s'est nullement
préoccupée et que l'annexe dont il a été question
est coiffée dans la codification que j'ai vue de la mention de l'article
14. Le jugement de la Cour suprême réfère
spécifiquement aux articles 9 et 10. Donc est que les certitudes
des conseillers légistes du ministre que je respecte hautement ne
répondent pas complètement aux inquiétudes
sérieuses et je pense qu'il y a une inquiétude absolument
sérieuse que j'ai soulignée en la marquant bien... C'est le texte
même de la Charte de la langue française qui dit que les
municipalités et les commissions scolaires ressortent du chapitre IV et
non du chapitre 3 qui a fait l'objet du jugement de la Cour suprême. Tout
ce que je veux dire, simplement pour étayer l'argumentation du chef de
l'Opposition, c'est que les arguments qui ont été fournis au
cours du débat en deuxième lecture ou les quasi-certitudes qui
ont été données dans les discours étaient nettement
abusives sur les implications qu'avait ce jugement sur les commissions
scolaires et les municipalités.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre.
M. Bédard: M. le Président, sur ce point, je ne
vois pas comment le député de Jean-Talon qui sourit au moment
où je parle peut dire que c'est à partir d'une étude prima
facie qu'il en arrive à exprimer certains commentaires, entre autres, le
commentaire ou l'accusation de vouloir dramatiser c'est certain
le résultat du jugement de la Cour suprême. Je pense qu'il devrait
user d'une certaine prudence, après avoir fait une étude prima
facie, comme il l'a mentionné tout à l'heure, avant...
M. Rivest: Répondez-y!
M. Bédard: ... de dramatiser, d'accuser qui que ce
soit...
M. Rivest: Répondez donc à l'argument que je vous
ai donné!
M. Bédard: ... de dramatiser. Je pense que nous assistons
peut-être à une opération systématique pour
minimiser les effets du jugement de la Cour suprême. Prenez garde
à ce genre d'opération. Beaucoup plus politique que juridique,
votre opération!
M. Rivest: Et vice versa.
Une Voix: Votre spectacle s'écroule.
M. Rivest: Répondez à l'argument. M. Johnson: M. le
Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! Dans l'ordre,
et dans les deux sens du terme, le ministre du Travail, le député
de Nicolet-Yamaska, le député de Maisonneuve et le
député de Notre-Dame-de-Grâce, dans l'ordre!
M. Fontaine: M. le Président, il y a cinq minutes que
j'essaie d'avoir la parole...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui,
mais...
M. Fontaine: ... si ce n'est pas dix et là, vous donnez la
parole de nouveau au ministre du Travail.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Bon!
Mais si le député de Jean-Talon n'avait pas soulevé une
question de règlement qui n'en était pas une, vous auriez
parlé. M. le ministre du Travail et par la suite le député
de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Ce n'est pas ma faute! Quelle sorte de justice
est-ce?
M. Johnson: M. le Président, deux remarques brèves.
La première, c'est sur l'annexe. La loi telle que sanctionnée
n'indique aucune référence à quelque article que ce soit
au niveau de l'annexe. Je pense que le député de Jean-Talon,
avant d'affirmer ce qu'il a affirmé tout à l'heure, aurait
dû vérifier la loi telle que sanctionnée. Il a
peut-être vu une codification administrative et, de bonne foi, il dit: On
référait à l'article 14, mais la loi telle que
sanctionnée à son annexe, à l'administration
définit les municipalités, les communautés urbaines comme
en faisant partie ainsi que les organismes scolaires. Deuxièmement, je
pense, M. le Président-Une Voix: Cela va faire!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson: M. le Président, si vous le permettez, est-ce
qu'il serait possible de terminer et de demander au député de
Jean-Talon de se calmer?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson: Est-ce que je peux seulement terminer, M. le
Président? M. le Président...
M. Rivest: Question de règlement, M. le Président.
J'ai le droit.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rivest: M. le Président, je cite les statuts refondus
du Québec. Est-ce que les lois sont sanctionnées dans les statuts
refondus du Québec?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre du Travail.
M. Johnson: M. le Président, je vous dis et je
répète que la loi telle que sanctionnée par Son Honneur le
lieutenant-gouverneur du Québec le 26 août 1977 prévoyait
à l'annexe, sans mention d'article, que l'administration inclut les
communautés urbaines, les municipalités et les organismes
scolaires. C'est là la prudence dont parle le ministre de la Justice, je
pense, en pensant au fait que tout à coup ce serait vrai, tout à
coup l'Opposition se tromperait, comme cela arrive. (5 h 10)
Deuxièmement, je voudrais simplement mentionner que même
dans l'hypothèse où il n'y aurait pas cette
prépondérance, même dans l'hypothèse où les
municipalités ne seraient pas touchées, en vertu de la loi,
même dans l'hypothèse où les organismes scolaires ne le
seraient pas non plus, tous les actes réglementaires cela, je ne
pense pas que l'Opposition le nie du gouvernement ou de ses organismes,
tels la Commission des accidents du travail, la Régie des rentes, la
Commission du crédit agricole, l'ensemble, la pléthore
d'organismes qu'on a, on pourrait, à partir du jugement de la Cour
suprême, affirmer que sans la présence de la législation
que nous allons adopter on l'espère cette nuit ou ce matin
ces organismes, depuis 1867, auraient opéré dans
l'illégalité parce qu'ils n'ont pas adopté les
règlements en anglais en même temps qu'ils le faisaient en
français.
Je pense que l'Opposition va admettre d'abord que cela n'a pas de
sens.
Est-ce que l'article est adopté, M. le Président?
M. Fontaine: M. le Président, on est parti d'une certitude
presque immuable de la part du ministre de la Justice et du ministre du Travail
et là, on arrive à une probabilité, on dit: si
c'était ça. J'ai entendu le ministre des Affaires municipales
dire: Et si ça touchait les municipalités. D'accord. C'est
possible. On agit avec prudence, d'accord. Mais de là à en faire
une certitude, à dire, comme ce l'était au début et dans
les discours de deuxième lecture, il y a une marge. Nous aussi, on a
demandé des renseignements d'ordre juridique à des professionnels
en la matière, et ces gens nous ont donné une opinion
différente de celle que vous nous avez donnée.
Ils ont interprété l'article 133, deuxième
paragraphe.
M. Grenier: Ce n'étaient pas des pee-wee.
M. Fontaine: Ils ont dit: Les actes du Parlement du Canada et de
la Législature de Québec, ce ne sont pas les
municipalités, ça. Ils ont dit aussi à la page 11, les
règlements établis sous le régime des lois de la
Législature du Québec, ce ne sont pas les
municipalités.
M. Bédard: Allez plus loin, il a été...
M. Fontaine: D'accord?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Fontaine: Ces experts nous ont donné une opinion qui
peut être aussi valable que celle de vos experts à vous
autres.
M. Johnson: ... certitude en droit pour un avocat.
M. Fontaine: De là à en faire une certitude, je
pense qu'il y a une marge. D'ailleurs le ministre du Travail vient justement
d'admettre que d'une certitude que c'était, au départ, c'est
devenu une possibilité.
M. Johnson: Non, je n'ai jamais utilisé le mot
possibilité.
M. Fontaine: D'accord, si c'est une possibilité...
M. Johnson: M. le Président, c'est faux.
M. Fontaine:... on essaie de la couvrir, on est d'accord
là-dessus, on est prêt à l'adopter, mais pas en disant que
c'est une certitude.
M. Bédard: Là, vous êtes... non, je voudrais
que ce soit...
M. Fontaine: M. le Président, est-ce qu'il y a
possibilité d'avoir la parole dans cette Chambre, sans toujours se faire
interrompre par les deux ministres qui sont de l'autre côté?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! On dirait que plus l'heure avance, plus l'ordre
est difficile à obtenir d'ailleurs. Je pense que c'est normal. M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, que les ministres nous
disent que c'est une prudence élémentaire qu'il faut prendre,
nous sommes d'accord là-dessus, mais ne pas en faire une affirmation
catégorique, je pense qu'il y a là également une
prudence.
M. Bédard: Le député de Nicolet-Yamaska peut
être d'accord avec lui-même, mais je crois qu'il a sûrement
mal interprété nos propos quand il semble vouloir dire que nous
sommes d'accord avec ses propos. Loin de là, parce que le
député de Nicolet-Yamaska, quand il cite le jugement, il ne va
pas jusqu'au bout des citations. A la page 11, c'est le texte par lequel j'ai
commencé, dès les premières explications, pour exprimer la
certitude qu'il y a, au niveau des officiers légistes du
ministère de la Justice et des Affaires municipales à savoir que
ça s'applique aux municipalités et aux commissions scolaires.
C'est le texte du jugement qui dit il faut le lire au long pour
ce qui est de la question de savoir si les règlements établis
sous le régime de Loi de la Législature du Québec sont des
actes, au sens de l'article 133, il aurait fallu que le député de
Nicolet-Yamaska continue de lire.
Le jugement dit: II est évident que ce serait tronquer
l'obligation on n'y va pas de main morte imposée par ce
texte que de ne pas tenir compte de l'essor de la législation
déléguée. Or, la législation
déléguée...
M. Fontaine: La législation déléguée
de la Législature.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: ... c'est très clairement défini
en termes juridiques, cela comprend les règlements municipaux et les
règlements des commissions scolaires.
M. Fontaine: II faudrait peut-être, M. le
Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Nicolet-Yamaska.
A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: M. le Président, je ne veux pas porter
un jugement ici. La Cour suprême en a donné un. Je ne suis pas
juge...
M. Fontaine: M. le Président, est-ce que vous m'avez
donné la parole?
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! Je n'ai donné la parole à
personne, mais tout le monde la prend.
M. Bédard: Vous aviez terminé tout à
l'heure.
M. Fontaine: Je vous ai entendu dire M. le député
de Nicolet-Yamaska.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Tout le
monde la prend, par exemple. A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: M. le Président, je n'avais pas
terminé.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre!
M. Bédard: Je ne sais pas à qui était la
parole, mais je sais que cela fait deux ou trois minutes que je parlais, avant
que le député de Nicolet-Yamaska pense que c'était
à lui la parole.
M. Fontaine: Vous aviez fini et le président m'a
donné la parole. Vous avez continué quand même.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: Je vous trouve agressif. Cela n'a pas de bon
sens. Pourquoi êtes-vous si agressif que cela? On parle de textes
juridiques. Il n'y a pas de quoi être agressif.
M. Fontaine: Parce que vous êtes en train de tromper la
population. C'est pour cela qu'on est agressif.
M. Bédard: Le résultat, par exemple, l'effet...
Mais vous, vous êtes dans une opération pour essayer de minimiser
les effets de ce jugement de la Cour suprême. Je ne suis pas d'accord
avec vous, c'est tout.
M. Fontaine: Vous autres, vous essayez de faire peur au monde.
Vous êtes une gang de bonhommes sept heures.
M. Bédard: Vous avez une argumentation politique et je
développe une argumentation juridique. Ce sont deux choses
différentes.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Je pense que cela ne
peut-plus continuer de la façon dont s'est parti. Je fais appel à
votre collaboration. Je vous incite à relire l'article 26 de notre
règlement. Ce n'est pas facile pour les députés et ce
n'est pas
facile non plus pour la présidence, à cette heure, de
présider ce genre de débat. Depuis le début, de tous les
côtés de la Chambre, on s'interrompt de façon
régulière. Je ne sais pas qui avait la parole au moment où
le brouhaha a commencé. Quoi qu'il en soit, M. le député
de Nicolet-Yamaska, je vous la cède, la parole.
M. Fontaine: M. le Président, il aurait peut-être
fallu que les deux ministres fassent un petit caucus avant de venir à la
commission parlementaire. Au début, ils ont commencé avec une
certitude, après cela, il y en a un qui a dit au cas où et
là, ils reviennent encore avec une certitude.
M. Johnson: Question de règlement.
M. Fontaine: Qu'ils aillent donc se consulter et après
cela on aura une opinion qui sera valable.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre du Travail, sur une question de
règlement.
M. Bédard: Dites donc ce que vous avez à dire et
cessez d'interpréter ce qu'on a à dire. C'est clair que nous ne
sommes pas d'accord. C'est tout.
M. Johnson: M. le Président, question de
règlement.
M. Fontaine: C'est cela que j'ai dit, vous n'êtes pas
d'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: C'est clair qu'on n'est pas d'accord avec votre
interprétation, mais n'essayez pas de valoriser votre
interprétation en voyant des désaccords dans les propos que je
peux avoir et ceux de mon collègue du Travail. Ce sont essentiellement
les mêmes que j'ai tenus.
M. Fontaine: Vous êtes sorti cinq minutes. Vous en avez
perdu un bout.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, sur une question de
règlement.
M. Johnson: M. le Président, sur une question de
règlement, puisqu'il n'y a pas de question de privilège en
commission plénière. Je souligne simplement que l'affirmation que
vient de faire le député de Nicolet-Yamaska je vais lui
demander de nuancer ses propos ou de les retirer est absolument fausse.
Je n'ai jamais affirmé que c'était une vague probabilité
qu'une municipalité soit affectée, au contraire. L'arrêt
Hodge versus the Queen, conseil privé, le plus haut tribunal qui
affectait le droit canadien jusqu'en 1949, a décidé et a
défini qu'un règlement municipal, c'était de la
législation déléguée. Et dans le jugement de la
Cour suprême, on dit que la législation
déléguée est couverte par l'obligation de le faire de
façon bilingue, d'où le fait que l'interprétation
qu'à l'unanimité les juristes de ce gouvernement et les juristes
des comités de législation du ministère des Affaires
municipales et du ministère de la Justice donnent, c'est
qu'effectivement cela affecte les municipalités.
A partir de cela, si c'est l'opinion contraire des gens d'en face, pour
des raisons que je n'espérerais même pas soupçonner, je
pense qu'ils ont le droit et ils la feront valoir dans un autre contexte. C'est
cela la prudence du gouvernement. (5 h 20)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Maisonneuve. Enfin!
M. Lalande: Oui, enfin! C'est une question de précision
dans le fond. Je voudrais savoir quand est-ce qu'on va couvrir le fait des avis
publics, des ordonnances en exécution de jugements et tout ce qui a
été publié seulement en français et qui aurait
dû l'être en anglais également? Comment va-t-on
remédier à cela? Je suis allé un peu en avant et je ne
vois pas comment on va le faire, comment on va couvrir cela, ces ventes par
shérifs, toutes ces histoires-là qui ont paru dans les journaux,
dans les significations spéciales ou quoi que ce soit qui étaient
seulement en français alors qu'elles auraient dû être en
français et en anglais. Comment va-t-on couvrir cela?
M. Bédard: Tout simplement on n'a pas à les
couvrir, ce ne sont pas des règlements, ce sont des décisions. Je
pense que, normalement, vous devriez être au courant de...
M. Lalande: Je ne sais pas exactement si c'est tout à fait
cela. Il pourrait y avoir des genres de jugements interlocutoires qui ont eu
lieu là-dedans. C'est justement cela le problème, c'est que je
suis au courant.
M. Bédard: C'est très élémentaire,
n'est-ce pas? Ce ne sont pas des règlements, ce sont des
décisions, ce à quoi vous référez.
Une Voix: Qui a la parole?
M. Lalande: Oui, mais quand on est en exécution de
jugement...
Une Voix: Ce sont des décisions.
M. Bédard: Là, on parle des jugements et on parle
des règlements.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalande: C'est seulement une précision, je voudrais
savoir comment on va pouvoir couvrir cela.
M. Johnson: On n'a pas à le couvrir.
M. Bédard: On n'a pas à le couvrir. On parle de
règlements et de lois. Vous parlez de décisions.
M. Lalande: Oui, on ne l'a pas couvert à l'article 1 au
niveau des jugements et on ne le couvre pas au niveau des règlements.
Où est-ce qu'on va le couvrir? Je ne le sais pas. Ce n'est
peut-être pas aussi clair que cela. C'est peut-être un jugement
interlocutoire, je veux dire en exécution, en tout cas.
M. Bédard: On n'est pas obligé de le couvrir, ce
n'est pas affecté par le jugement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de...
Une Voix: ...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non,
vous ne pouvez pas à ce stade-ci. Là, c'est le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
Une Voix: Je veux simplement clarifier...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal, sur une question de règlement.
M. Ciaccia: M. le Président, c'est une question de
règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.
M. Ciaccia: Une des raisons pour lesquells nous sommes ici ce
soir, que nous avons le jugement, c'est parce que le gouvernement a
refusé...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Dites-moi en quoi c'est une question de règlement.
M. Ciaccia: L'article 40 du chapitre VI. Entendez ma question de
règlement, après cela, vous pourrez décider si cela en est
une ou non. Une des raisons pour lesquelles nous sommes ici et que le jugement
a été rendu par la Cour suprême, c'est parce que nous
avions demandé au gouvernement de déposer l'avis juridique...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Excusez-moi, je vous arrête. Ce n'est pas une question de
règlement. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Ciaccia: M. le Président, on avait demandé le
dépôt de l'avis juridique.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal, ce n'est pas une question de
règlement. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: J'ai simplement l'intention d'essayer d'apporter une
définition, un peu différente à ce mot "prudence". Quand
la loi a été adoptée, il y a deux ans, je suis certain que
le gouvernement n'a pas agi avec prudence, parce que je suis certain qu'il a
reçu des avertissements sérieux quant à la
constitutionnalité de cette loi. Ce soir, vous agissez avec ce que vous
définissez comme une grande prudence, mais, parce que, comme vous
autres, je suis certain que vous autres et nous autres voulons limiter autant
que possible les conséquences et la portée de cette
décision, puis-je suggérer que ce soit une bonne idée de
commencer par la base pour ce soir et pour l'avenir immédiat au moins
avec le principe que tout ce qui est visé par la loi est le minimum, en
d'autres mots les règlements qui découlent directement du
lieutenant-gouverneur en conseil, du cabinet point, et de ne pas s'imaginer ou
prétendre que la Cour suprême voulait aller même en
arrière, avant 1977, parce que ce n'est pas du tout clair que ce soit le
cas il y a des interprétations différentes si vous
voulez...
M. Bédard: Mais est-ce que c'est clair que ce n'est pas le
cas?
M. Scowen: ... vraiment minimiser, comme nous autres, la
portée et les complications de cette affaire-là en
présumant que la décision est limitée aux cas qui datent
d'après 1977.
M. Johnson: ... consultants libéraux vous ont dit
cela.
M. Bédard: Nous sommes prêts à vouloir
minimiser les effets, mais pas au point de devenir irréaliste, ce vers
quoi, des fois, on peut être tenté de s'orienter. Nous avons
à légiférer dans l'intérêt des
Québécois en tenant compte...
M. Scowen: Trouvez-vous qu'une telle décision ce soir sera
plus réaliste que la décision que vous avez prise il y a deux
ans?
Le Vice-Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, je veux simplement
répéter: On peut bien essayer de le minimiser, mais je pense
qu'il faut demeurer réaliste. On a beau vouloir minimiser l'effet du
jugement de la Cour suprême, mais il reste une chose, c'est que le
jugement de la Cour suprême est là et il a des effets qui semblent
très clairs, selon l'opinion unanime des légistes du
ministère de la Justice, des légistes du comité de
législation, également des légistes des Affaires
municipales. Nous légiférons simplement dans le sens des
représentations de ces légistes et dans l'intérêt
des Québécois qui est que la législation corrige
l'ensemble des effets du jugement de la Cour suprême.
M. Scowen: Est-ce que vous n'exagérez pas à ce
moment? Vous en êtes certain?
M. Bédard: Ce n'est pas mon habitude d'exagérer.
Quand je vous dis que c'est l'interprétation, je vous ai dit, dès
le commencement de l'étude de cet article, à quoi je
référais, à savoir le libellé même du
jugement de la Cour suprême qui, à notre opinion, va beaucoup plus
loin que tout ce qui avait été pensé, même dans une
hypothèse pessimiste.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Verchères. Non? M. le député de
Mégantic-Compton et, après, le député de
Mont-Royal.
M. Grenier: Merci. Je ne remercierai jamais assez longtemps la
Providence de ne pas avoir fait un avocat. Je voudrais vous dire...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député, vous insultez la présidence.
M. Grenier: Je croyais que vous étiez notaire. Vous
êtes avocat, je m'excuse.
M. Lalonde: Nous autres aussi, on la remercie.
M. Grenier: M. le Président, j'aurais aimé
que...
Une Voix: On est bien content!
M. Grenier: ... le gouvernement ait eu cette prudence quand on a
adopté la loi 101 qu'on a ce soir. Vraiment, elle est minutieuse,
celle-là, beaucoup plus que l'autre. Le gouvernement est probablement
sérieux et sincère quand il nous dit que cela inclut les
municipalités et les commissions scolaires. Si cela devait être le
cas, j'imagine qu'on va prévenir les autorités municipales et
scolaires de faire cela. Il me semble que, si le gouvernement veut être
aussi "précautionneux" qu'il l'est ce soir, il va investiguer un petit
peu plus que cela avant pour savoir s'il a raison d'inquiéter les
commissions scolaires et les conseils municipaux. Avant de répondre,
j'aimerais savoir du ministre s'il a l'intention d'avoir des certitudes avant
juillet et août, et de ne pas laisser traîner cela dans le
décor jusqu'après le référendum. Il ne faudrait pas
que cela prenne l'air du coup des faux certificats en 1962, non plus.
M. Bédard: M. le Président, nous ne sommes pas
à l'étude du projet de loi en deuxième lecture. En tant
que ministre de la Justice...
M. Grenier: Je l'aurais cru tout à l'heure, à vous
entendre!
M. Bédard: Je vous ai laissé parler. Il faut quand
même que je réponde. J'ai essayé de répondre, au
tout début, d'une façon purement technique, à partir de
l'évaluation et de l'étude du jugement de la Cour suprême.
Ce n'est qu'après que certains membres de l'Opposition eurent
laissé en- tendre qu'on essayait de maximiser l'interprétation du
jugement de la Cour suprême que je me suis senti le besoin d'indiquer
à l'Opposition d'être prudente dans certaines tentatives
peut-être de vouloir minimiser la portée du jugement de la Cour
suprême qui est quand même là. C'est un débat
juridique, je le redis encore une fois, sous l'angle juridique et non pas
l'angle partisan.
M. Grenier: Une question très courte. Est-ce que vous avez
l'intention de rendre cela clair?
M. Bédard: Quand on a parlé de prudence, on n'a pas
dit, de ce côté, qu'on faisait preuve d'excès de prudence.
On a dit, au contraire, que l'élémentaire prudence était
de légiférer dans le sens que nous légiférons;
l'élémentaire prudence, par un excès de prudence. Je
voudrais que mes propos soient bien interprétés.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, quand nous avions
discuté en commission parlementaire de ces articles, les membres de
l'Opposition officielle ont porté à l'attention du gouvernement
à ce moment le fait que ces articles allaient contre l'article 133 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Le gouvernement, à ce
moment, disait: Non, nous avons des opinions juridiques disant que c'est
légal. Moi-même, j'avais demandé... M. le Président,
s'il vous plaît... (5 h 30)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il
vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: ... pas le débat de la loi 101.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: Ecoutez, je n'ai pas abusé de mon droit de
parole ce soir.
Une Voix: ... article par article, ça, voyons donc!
M. Bédard: M. le Président... indépendant...
M. Ciaccia: J'avais demandé...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: M. le Président, j'avais demandé
moi-même la présence du ministre de la Justice, parce qu'on
discutait quelque chose de législatif et ce n'est pas avec le
ministre... Je crois que le ministre d'Etat au Développement culturel va
s'en souvenir. J'ai dit: Ce n'est pas le ministre d'Etat au
Développement culturel qui va pouvoir discuter de la
légalité de ces articles. J'avais demandé, j'avais
insisté pour que le ministre de la Justice soit présent.
On avait refusé.
Une Voix: II n'y avait pas de...
M. Ciaccia: Le ministre d'Etat au Développement culturel
nous avait dit, à ce moment-là: Nous avons des opinions
juridiques. Alors, on a demandé...
Une Voix: ...
M. Ciaccia:... pouvez-vous, s'il vous plaît, déposer
les avis juridiques à l'effet que le chapitre III est légal?
Parce que le ministre de l'Education j'avais porté ça
à l'attention de la commission parlementaire à la suite de
certaines questions, avait dit que si la Cour suprême devait
déclarer illégal ce chapitre du projet de loi, cela aurait fait
l'affaire du gouvernement, parce que le gouvernement l'aurait utilisé ou
l'utiliserait pour des fins politiques. Alors, où était la
prudence du gouvernement à ce moment-là? Vous aviez refusé
de déposer les avis juridiques.
Je vous demande, ce soir, M. le Président, je demande au ministre
de la Justice, ce soir... Il nous dit qu'il a des avis juridiques à
l'effet que le jugement de la Cour suprême s'applique non seulement
à la législation de l'Assemblée nationale et aux
règlements découlant du lieutenant-gouverneur en conseil, mais
s'applique, en plus, aux municipalités et aux commissions scolaires.
Est-ce que je pourrais demander au ministre de la Justice de déposer
l'avis juridique qu'il a qu'il dit qu'il a à l'effet... Un
instant! laissez-moi terminer...
M. Bédard: Question de règlement! Question de
règlement!
M. Ciaccia: Laissez-moi terminer, s'il vous plaît, M. le
Président!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: Non, mais question de règlement!
M. Ciaccia: Est-ce qu'il pourrait déposer...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II y a
une question de règlement, M. le député de Mont-Royal.
M. Bédard: Juste une question de règlement...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur une
question de règlement.
M. Bédard: ... parce que peut-être que le
député a mal interprété mes propos. Je n'ai jamais
parlé d'avis juridiques écrits.
Des Voix: Ah!
M. Bédard: Je vous ai dit: Les avis juridiques
c'est encore plus que des avis écrits ...
Une Voix: Ah!
M. Bédard: ... des légistes du ministère de
la Justice, du comité de législation et du contentieux des
Affaires municipales. Maintenant, M. le Président, nous avons eu le
jugement de la Cour suprême dans les délais que vous savez. Il est
évident que les légistes n'ont pas commencé à
s'écrire des avis. Ils se sont réunis. Ils ont discuté
ensemble aux fins de conseiller le ministre de la Justice le plus
équitablement possible sur la portée du jugement. Voyons
donc!
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Est-ce que je peux continuer, M. le Président?
Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous
pouvez.
M. Ciaccia: M. le Président, c'est trop...
Des Voix: ...
M. Ciaccia: M. le Président, c'est... En anglais, il y a
une expression, vous m'excuserez: "Once bitten, twice shy". C'est le même
raisonnement que nous avons eu lors de la discussion du chapitre III.
C'était des opinions juridiques. On refusait toujours de nous donner les
informations et les opinions juridiques qu'on demandait. C'est bien facile ce
soir, pour le ministre de la Justice de dire: Ce sont des avis verbals que nous
avons. Si ce sont des avis verbals seulement, alors, je suggère...
Des Voix: Verbaux.
M. Ciaccia: Verbaux, excusez-moi. Je vais améliorer mon
français, moi aussi. Peut-être que j'éviterai ce genre
d'erreur, mais...
Des Voix: ...
M. Ciaccia: C'est trop facile, vous savez. Il faut juger
ça dans le contexte. Je peux aller chercher le journal des Débats
où le ministre de l'Education a dit: Nous allons utiliser le jugement
pour des fins politiques, premièrement. C'est trop facile, ce soir, de
dire: Nous avons un avis verbal-Une Voix: ...
M. Ciaccia: Si c'est seulement un avis verbal, dans le contexte
des déclarations qui ont été faites, dans le contexte des
demandes que nous avons faites, dans le contexte de l'argumentation du
député de Jean-Talon que le jugement s'applique seulement au
chapitre III, je vous soumets, M. le Président, et je soumets au
ministre de la Justice que vous avez le devoir, en termes de prudence, de
donner non seulement justice, mais aussi l'apparence que justice soit
faite.
M. Bédard: Soyez réaliste un peu.
M. Ciaccia: Ecoutez! Ne m'interrompez pas, il est tard, il est 5
h 35 du matin.
M. Bédard: Oui, mais ne vous énervez pas, soyez
réaliste seulement.
M. Ciaccia: II y a une obligation pour le ministre de
démontrer que vraiment il ne veut pas utiliser ça pour des fins
politiques, qu'il veut être prudent. La prudence, dans ce cas-ci, ce
n'est pas d'aller au-delà de ce que le jugement dit, ce n'est pas de
créer une atmosphère, un climat suite aux propos et aux
déclarations du premier ministre et à la déclaration du
ministre des Affaires culturelles.
Voici ce que la prudence exige. Le gouvernement peut-il déposer
un avis juridique à l'effet que le jugement de la Cour suprême ne
s'applique pas seulement à la législation de l'Assemblée
nationale et aux règlements du lieutenant-gouverneur en conseil? S'il ne
peut pas déposer cet avis juridique, le jugement de la Cour
suprême s'applique seulement au chapitre III. Le ministre ne peut pas
nous dire ce soir que ça va s'appliquer aux municipalités et aux
commissions scolaires. S'il fait ça, alors là, les
déclarations antérieures des différents ministre on peut
en tirer les conclusions qui s'imposent au sujet des buts politiques et des
utilisations politiques d'une décision éventuelle de la Cour
suprême.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre de la Justice.
M. Bédard: Je pense que c'est le député qui
essaie vraiment de créer un climat parce que à ce que je me
rappelle, dès le début...
Une Voix: ... n'est pas fini.
M. Ciaccia: J'essaie d'être prudent. La prudence...
M. Bédard: Non, mais vous avez parlé, voulez-vous
laisser parler les autres? Est-ce que vous laissez parler les autres?
Le député en est la meilleure illustration à
l'effet qu'il essaie de créer un climat. En ce qui nous regarde, si nous
en étions restés là, il y a longtemps que l'article serait
fini en termes d'étude. Dès mes premiers propos, je me suis
référé uniquement à des arguments juridiques et un
des premiers arguments c'est le libellé même du jugement de la
Cour suprême, entre autres à la page 11. Je ne sais pas si c'est
nécessaire que je le recite au député, mais il est
très clair, il dit ceci:...
M. Ciaccia: Nous l'avons lu.
M. Bédard: Oui, mais vous ne voulez pas comprendre. Quand
on vous donne des arguments juridiques...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: ... vous nous dites: On les a
déjà. Et vous semblez vraiment avoir une attitude de gens qui
veulent minimiser ce jugement. Ne me demandez pas...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'odre, s'il vous plaît!
M. Bédard: ... de faire de la politique dans mes
explications.
M. Ciaccia: On veut le minimiser pour des fins politiques; on
veut le maximaliser pour des fins juridiques.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre s'il vous plaît!
M. Bédard: Le jugement a des effets juridiques
énormes et ce jugement va plus loin que toutes les hypothèses
pessimistes que nous avions faites au ministère de la Justice. Bon! Au
niveau des citoyens québécois, au niveau des
municipalités, des commissions scolaires, ce jugement va avoir des
effets très négatifs. Je vous l'ai dit, à partir d'une
argumentation juridique qui est le libellé du jugement lui-même,
qui dit ceci: "Pour ce qui est de savoir... Relisez-le parce que vous lisez
sans vouloir comprendre...
M. Lalonde: Cela fait quatre fois qu'on le lit.
M. Bédard: ... Pour ce qui est de la question de
savoir...
M. Lalonde: Réellement, c'est de l'abus, quand même.
On a trois heures seulement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre s'il vous plaît!
M. Bédard: M. le Président, je pense que j'ai la
parole.
M. Lalonde: Je comprends que le ministre sourit. Il a un petit
air triomphateur dans son "show".
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lalonde: On a seulement trois heures, n'abusez pas.
M. Bédard: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît, vous allez me donner le goût de changer
de profession, si ça continue.
M. Ciaccia: Une directive, M. le Président.
Une Voix: Vous aussi?
M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais demander si la commission peut
suspendre ses travaux jusqu'à ce que le ministre produise un avis
juridique à l'effet que le jugement s'applique aux municipalités
et commissions scolaires.
Une Voix: Non, il n'y a pas de dépôt en commission.
(5 h 40)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous
avons l'ordre de l'Assemblée nationale... Nous avons adopté une
motion de suspension des règles. Nous sommes liés par un cadre
très précis. Je pense que, si ma mémoire est
fidèle, c'est dans les quinze minutes avant l'expiration des trois
heures que la présidence doit appeler les votes, et ainsi de suite. Nous
sommes dans un cadre précis. En temps normal, cela pourrait
peut-être se faire, mais pas dans le cadre actuel.
M. Ciaccia: M. le Président, si les avis juridiques sont
tellement clairs, cela ne lui prendra pas de temps à les produire. Il
peut les écrire. On va attendre quelques minutes.
M. Bédard: Vous jouez aux irréalistes. M. le
Président, en plus de vouloir créer un climat, le
député...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: Oui, il peut faire des clins d'oeil et sourire.
Le député en plus de cela est irréaliste.
M. Ciaccia: Je n'ai pas fait de clin d'oeil. M. le
Président, une question de règlement.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ciaccia: Cela fait 24 heures que je suis debout. Les yeux me
ferment, M. le Président. Ce ne sont pas des clins d'oeil. Je suis
fatigué.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: Pas plus que les autres. Allez dormir.
Peut-être que votre raisonnement va être meilleur. Le
député, je le dis, non seulement crée un climat mais il
est irréaliste. J'ai bien mentionné que le jugement de la Cour
suprême est arrivé dans les délais qu'il sait et
qu'à ce moment-là...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre! M. le ministre de la Justice, s'il vous plaît, à
l'ordre.
M. Fontaine: M. le Président, est-ce que le ministre de la
Justice a le droit d'imputer des motifs aux autres membres de
l'Assemblée nationale?
M. Johnson: M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, à l'ordre s'il vous
plaît!
M. Johnson: M. le Président, si vous permettez une
seconde, je vais vous montrer les avis juridiques. Ils sont assis ici les avis
juridiques. Ils sont là.
Une Voix: Déposez-les.
M. Bédard: On ne peut pas les produire, par exemple.
M. Johnson: M. le Président...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
ministre du Travail, je tiens à dire au député de
Marguerite-Bourgeoys qu'il n'y a pas de dépôt en commission
plénière. M. le ministre du Travail.
M. Lalonde: Sauvé par le règlement!
M. Johnson: M. le Président, si les membres de la
commission me le permettent, je vous promets que mon intervention ne durera pas
plus de trois minutes. D'abord, je pense qu'on nous a fait beaucoup de
procès d'intention ce soir et ce n'est probablement pas anormal
qu'à 5 h 45 du matin les gens se fassent des procès d'intention
sur une affaire comme celle-là. Deuxièmement, quand le jugement
de la Cour suprême a été rendu, hier, avant midi, jeudi, le
ministre de la Justice, d'autres membres du comité de
législation, incluant celui qui vous parle, et le Conseil des ministres
se sont réunis. On a passé des heures là-dedans avec les
meilleurs experts du gouvernement du Québec, sur le plan juridique;
c'est de ceux-là dont je parlais qui sont assis derrière nous, et
d'autres qui ne sont pas ici.
On a travaillé très fort et on a travaillé
très dur parce que dans le jugement de la Cour suprême, il y avait
une chose absolument inattendue. Cette chose inattendue oublions pour le
moment la question des municipalités et des commissions scolaires
c'est que la Cour suprême du Canada a déclaré et je
sais que les gens d'en face ne le contestent pas que tous les
règlements adoptés par le gouvernement du Québec ou
approuvés par le gouvernement du Québec, émanant des lois
antérieures à la Charte de la langue française,
c'est-à-dire depuis 1867, s'ils n'ont pas été
adoptés par le Conseil des ministres, que ce soit sous Taschereau, sous
Godbout, sous Honoré Mercier avant cela, sous Duplessis, sous Lesage,
même sous Robert Bourassa, que tous ces règlements, que ce soit
ceux de la Commission du salaire minimum, de la Commission des accidents du
travail ou les autres, seraient invalides et contestables sur le plan juridique
du seul fait qu'ils ont été adoptés au Québec
depuis 1867 en français. Je pense que les gens en face de nous ne
contestent pas que c'est ce que dit clairement le jugement.
Cependant, ce dont les gens en face de nous semblent douter, c'est que
cela s'applique aux municipalités et aux organismes scolaires, les
commissions scolaires en pratique. L'interprétation que nous en faisons,
c'est celle, encore une fois, d'une journée considérable de
travail dans ce secteur, encore une fois avec les meilleures ressources.
Ce que je sais, c'est que le chef de l'Opposition nous a dit, tout
à l'heure, qu'il y avait un paquet de consultants et de conseillers
juridiques libéraux il l'a dit lui-même, ils sont chez
nous, ils sont de notre parti, les gens de l'extérieur qu'on a
consultés. Je lui demanderais peut-être de nous produire son avis,
ou au moins de nous donner ses arguments, clairement, pour nous dire que les
commissions scolaires ne sont pas touchées et les municipalités
ne sont pas touchées. On aimerait entendre l'argumentation de
l'Opposition, M. le Président. On vous écoute!
M. Bédard: Vous nous accusez de dramatiser...
M. Lalonde: Voulez-vous, s'il vous plaît, laisser la
parole, quand vous posez une question?
M. Bédard: On vous la laisse la parole, mais au moins
prouvez-nous ce que vous avancez.
M. Lalonde: Soyez donc au moins poli, est-ce que vous vous
souvenez que vous êtes ministre de la Justice?
M. Bédard: Prouvez au moins ce que vous avanvez par des
arguments juridiques.
M. Lalonde: Vous ne vous en souvenez pas? Vous avez l'air d'un
comédien.
La Présidente (Mme Cuerrier): Un moment, s'il vous
plaît!
M. Johnson: Est-ce qu'on peut entendre l'argumentation de
l'Opposition, Mme la Présidente?
M. Ryan: Mme la Présidente, il y en a qui ont
demandé la parole avant moi, ce n'est pas à lui de décider
que c'est moi qui vais parler maintenant, c'est à vous. Il y en a qui
ont demandé la parole, si vous voulez leur donner; je vais y
répondre en temps et lieu.
M. Charbonneau: Vous n'en avez pas d'avis juridique. Dites-le
donc!
La Présidente (Mme Cuerrier): J'allais demander... M. le
député de Verchères, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Qui a la parole? Je l'ai demandée
tantôt.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Cela fait quinze minutes que j'essaie d'avoir la
parole, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): J'espère qu'on va
vous laisser parler, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: On n'a pas fait d'objection à l'article 3, en
fait, on a déclaré notre intention de l'adopter il y a une
demi-heure, Mme la Présidente, mais les deux ministres devant nous, le
ministre du Travail et le ministre de la Justice, ont fait une
démonstration de la situation qui m'apparaît pessimiste.
M. Johnson: Ah! là c'est pessimiste, ce n'est pas
tronqué et dramatique, c'est juste pessimiste!
M. Lalonde: C'est une démonstration organisée de
dramatisation volontaire, simplement pour faire partie justement du spectacle.
On en a entendu, Mme la Présidente, en deuxième lecture je
ne sais pas si le ministre de la Justice y était ce soir, un
spectacle de dramatisation où, réellement, ce jugement venait
nous enlever littéralement notre langue au Québec. Je
n'étais pas tellement surpris des acteurs de ce drame, mais lorsque j'ai
vu le ministre de la Justice, je m'attendais à autre chose. Mais je me
suis souvenu qu'il préfère être indépendantiste
qu'être ministre de la Justice probablement.
M. Johnson: C'est un bel argument juridique, ça!
M. Bédard: Je ne soulèverai même pas de
question de règlement, Mme la Présidente, ça ne vaut pas
la peine!
M. Lalonde: Le spectacle, le comportement du ministre de la
Justice, depuis une demi-heure, est indigne à mon sens.
M. Bédard: Ce sont des gros arguments juridiques,
ça!
M. Johnson: Vos consultants libéraux ne sont pas bien
forts, si c'est ça qu'ils vous ont dit; ce n'est pas fort, vous devriez
les changer!
M. Lalonde: II devrait plutôt faire attention avant
d'exprimer des opinions aussi peu...
M. Johnson: C'est ça, vos avis juridiques?
M. Lalonde:... appuyées sur des textes, parce qu'il vient
d'avouer qu'il n'a aucun texte, aucune opinion écrite; il me semble
qu'il devrait faire preuve de prudence avant.
M. Bédard: Question de règlement. Mme la
Présidente, c'est complètement faux ce que dit le
député de Marguerite-Bourgeoys, quand il dit que l'opinion que
nous avons exprimée ne s'appuyait sur aucun texte. Au contraire...
M. Lalonde: Opinion écrite, j'ai dit. M. Bédard: Au
contraire...
M. Lalonde: Non, j'ai dit que vous n'aviez pas d'opinion
écrite.
M. Bédard: Sur aucun texte et il s'applique sur...
M. Lalonde: Non, j'ai dit que vous n'aviez pas d'opinion
écrite.
M. Bédard: Non, mais est-ce qu'il y a seulement le
député de Marguerite-Bourgeoys qui a le droit d'accuser, Mme la
Présidente?
M. Lalonde: Non, votre question de règlement est caduque,
vous avez mal compris, j'ai dit qu'elle ne s'appuie pas sur une opinion
écrite.
M. Bédard: Ce que je remarque...
M. Lalonde: On vient d'apprendre ça, Mme la
Présidente, il n'y a pas d'opinion écrite.
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: J'avais le droit de parole.
M. Bédard: Mme la Présidente, ce que je remarque
c'est que...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: ... à l'invitation qu'on a faite
à l'Opposition de nous donner ses arguments juridiques qui seraient de
nature à lui faire croire que ça ne s'applique pas aux
municipalités et aux commissions scolaires, je remarque qu'elle n'a
aucune opinion juridique, aucun argument juridique, alors que nous avons
basé notre argumentation sur le jugement même de la Cour
suprême.
M. Lalonde: Question de règlement. Le ministre vient de
soulever une question de règlement qui n'en était pas une, vous
l'aurez remarqué. Je ne me laisserai pas prendre à ce jeu de
diversion simplement; c'est le ministre lui-même qui a ouvert le
débat en disant qu'il avait des opinions, ça a commencé
par une prépondérance unanime, c'est devenu une certitude et,
ensuite, quand on a demandé des opinions écrites, on n'en avait
pas. (5 h 50)
C'est le ministre lui-même qui a ouvert le débat
là-dessus. Nous, on a consulté, pour avoir une idée
où on s'en allait, mais c'est le gouvernement qui offre sa loi, qui
propose la loi actuellement. C'est à lui, au ministre, d'étayer
un petit peu le drame, l'espèce de spectacle qu'il nous donne depuis une
demi-heure.
M. Bédard: Non, mais donnez-nous vos argu- ments. Vous
êtes là et vous engueulez le pouvoir, vous l'accusez de dramatiser
et vous n'avez aucun argument.
M. Lalonde: J'ai le droit de parole.
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît.
M. Lalonde: Vous souvenez-vous que vous êtes ministre de la
Justice.
M. Bédard: C'est un argument juridique.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef de l'Opposition
officielle m'a demandé la parole.
M. Ryan: Merci, Mme la Présidente. J'apprécierais
que le ministre de la Justice cesse de décider qui va parler, qu'il vous
laisse le droit de décider cela, vous semblez plus capable de le faire
que lui. Mme la Présidente, on m'a posé une question. Je voudrais
y répondre. Tantôt, ce n'est pas parce que je ne voulais pas
répondre. C'est simplement parce que je voulais respecter le tour des
autres qui demandent de parler depuis tantôt. C'est la seule raison. Je
veux dire une chose au ministre. Je pense que nous avons intérêt
de part et d'autre, indépendamment des opinions qui ont pu être
reçues, à ce que ce jugement n'ait pas l'application extensive
qui est redoutée par le gouvernement. Il peut arriver que le
gouvernement ait raison. Que les opinions juridiques auxquelles il se fie
soient les meilleures. En réponse à la question que le ministre
m'a posée, je vais lui dire ceci: S'il veut prendre l'engagement de ne
pas se lancer dans une application précipitée et littérale
de cela il n'est pas obligé d'envoyer une directive demain matin
à toutes les commissions scolaires et municipalités on va
lui faire parvenir les opinions que nous avons eues.
Il va comprendre. Lui a des juristes à son service payés
à temps complet. Nous autres, ce sont des consultations que nous avons
faites auprès de personnes bénévoles. Je vais m'arranger
pour obtenir ces opinions de manière plus élaborée. Je
serai très heureux de les faire tenir au ministre au cours des prochains
jours.
M. Bédard: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): Cet amendement...
M. Bédard: Nous adoptons une loi. Il est évident
que nous prendrons les dispositions qui sont nécessaires à la
suite de l'adoption de la loi telle qu'elle sera libellée et
adoptée.
M. Johnson: Mme la Présidente, l'article 3 est-il
adopté?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je voudrais demander au ministre de la Justice ou au
ministre du Travail s'il
accepterait aussitôt qu'il décidera d'émettre des
directives aux municipalités ou aux commissions scolaires, de les
déposer ces directives à l'Assemblée nationale pour qu'on
puisse en prendre connaissance.
M. Bédard: C'est le ministre des Affaires municipales.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre...
M. Fontaine: Ce n'est pas pour prendre un avis. Je veux savoir
s'il va le faire oui ou non.
M. Bédard: J'ai le droit de prendre avis.
M. Tardif: Vous nous conseillez de prendre avis. C'est ce que je
vais faire.
M. Fontaine: Mme la Présidente, je demande au ministre
s'il va les déposer à l'Assemblée nationale ou s'il ne les
déposera pas? S'il ne veut pas les déposer, qu'il dise non. S'il
veut les déposer, qu'il dise oui.
M. Tardif: Mme la Présidente...
M. Fontaine: Je ne sais pas ce qu'ils veulent avoir le Parti
québécois. Un oui ou un non, qu'ils le disent.
M. Tardif: Si jamais on me conseillait d'envoyer...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires
municipales.
M. Tardif: ... quelque directive que ce soit aux
municipalités, évidemment, j'en envoie 1600 copies aux 1600
municipalités. J'en enverrai 110 copies aux députés de la
Chambre.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Mme la Présidente, admettons pour un moment
qu'il y a un doute, nous, nous ne croyons pas qu'il y ait de doute dans
l'interprétation du jugement de la Cour suprême. Supposons qu'on
admet qu'il y a un certain doute à la page 11, Mme la Présidente,
je fais une hypothèse dans l'intérêt d'essayer de trouver
une solution. Supposons qu'on dit: Oui, il y a un doute, est-ce que cela ne
serait pas dans l'intérêt des municipalités, dans
l'intérêt de l'intention du gouvernement, telle qu'exprimée
par le ministre des Affaires culturelles, d'appliquer la loi de façon
à causer le moins de problèmes possibles, et à enlever
tout doute...
M. Bédard: Je suis parfaitement d'accord avec vous.
M. Ciaccia: ... que peut-être vous...
M. Bédard: Non, mais là...
M. Ciaccia: Laissez-moi finir. Enlever tout doute que
peut-être vous allez l'utiliser pour des fins politiques. S'il y a un
doute que cela s'applique ou que cela ne s'applique pas, pourquoi ne
l'interprétez-vous pas de façon que cela ne s'applique pas aux
municipalités et que cela ne s'applique pas aux commissions scolaires,
sous réserve d'obtenir des avis juridiques. Pour le moment, il y a un
doute. On veut être consistant, je parle pour nous, avec notre
propre...
M. Bédard: C'est ce que vous dites.
M. Ciaccia: Oui, mais je donne une hypothèse pour essayer
de trouver une solution, pour être consistant, cohérent avec vos
propres intentions et la propre manière dont vous aviez
interprété la loi 101 en disant: Très bien, nous allons
l'interpréter de telle façon que cela va causer le moins de
problèmes possible aux municipalités et aux commissions
scolaires, et on va dire que cela s'applique strictement au chapitre III sous
réserve d'une opinion juridique qui pourrait être obtenue et,
à ce moment-là, nous prendrons les mesures qui s'imposent.
M. Bédard: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: C'est évident qu'en tant que
gouvernement, on essaie de légiférer dans le sens de créer
le moins d'ennuis possible aux citoyens, de légiférer dans le
sens de l'intérêt des citoyens. D'autre part, il faut quand
même être réaliste. Nous avons devant nous un jugement,
je vous le dis très simplement, c'est l'opinion des juristes tant
du ministère de la Justice que du comité de législation
que des juristes des Affaires municipales nous avons devant nous un
jugement dont le libellé est tel que nous devons légiférer
dans le sens que nous vous proposons de le faire, dans le sens du projet de loi
que nous étudions. Il est évident que si notre conviction
était que nous devons légiférer en moins par rapport
à ce que nous proposons dans le projet de loi, nous le ferions. D'un
autre côté, on n'a pas le droit, à partir du désir
c'est humain de vouloir minimiser la portée, d'accepter de
devenir irréaliste et d'oublier les mots mêmes, le libellé
même du jugement qui dit je vais le répéter, mais
très rapidement: "Pour ce qui est de la question de savoir si les
règlements établis sous le régime de lois de la
Législature du Québec sont des actes au sens de l'article 133
c'est la Cour suprême qui le dit il est évident que
ce serait tronquer l'obligation imposée par ce texte que de ne pas tenir
compte de l'essor de la législation déléguée. Il
s'agit d'un cas où le plus elle en ajoute encore englobe
le moins, pour être sûr de ne rien oublier." A cela, nous avons
évoqué tout à l'heure un jugement, à savoir le
jugement Hodge versus la Reine, qui a spécifié, qui a
tranché dans le sens que des règlements municipaux
étaient une législation déléguée. C'est
l'argumentation juridique que j'ai employée dès le départ
de la discussion sur cet article. Je crois que l'argumentation que j'ai
apportée n'a rien de politique. Je pense bien qu'elle se situe seulement
sur le plan juridique. L'Opposition nous dit qu'elle a fait des consultations.
Le chef de l'Opposition nous a dit qu'il avait fait des consultations je
n'ai pas raison d'en douter, loin de là qui étaient dans
ce sens. En tout cas, les représentations qu'on lui a faites seraient
dans le sens que cela n'affectait pas ou ne touphait pas les
municipalités ou les commissions scolaires. Je ne suis pas là
pour mettre en doute ce que dit le chef de l'Opposition. Je dis simplement ce
sur quoi je me base, sauf que j'aimerais bien que l'Opposition si cela
nous aide, tant mieux nous donne des arguments juridiques qui soient de
nature à nous convaincre qu'on légifère en trop. (6
heures)
Je vous le dit très honnêtement, je crois que l'Opposition
n'a amené aucune argumentation juridique qui serait de nature à
nous faire légiférer autrement que ce qui est contenu dans le
projet de loi. C'est pour cela que nous légiférons dans ce sens,
non pas en étant heureux d'être obligés de
légiférer comme ça, mais parce qu'on essaie d'être
le plus logique possible du point de vue juridique par rapport au
libellé du jugement de la Cour suprême.
M. Lalonde: Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): J'ai deux demandes
d'intervention. M. le ministre du Travail me fait signe depuis tantôt
qu'il veut ajouter quelque chose.
M. Lalonde: Est-ce que j'avais demandé la parole
avant?
La Présidente (Mme Cuerrier): Non. M. le ministre du
Travail me faisait signe...
M. Lalonde: Allez-y.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... qu'il voulait ajouter
quelque chose.
M. Lalonde: Si cela peut aider à accélérer
les travaux.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je vous donnerai la parole
immédiatement après, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Johnson: Je ne voudrais pas répéter ce que mon
collègue vient de dire, mais simplement compléter de la
façon suivante pour essayer de résumer cela en essayant de ne pas
utiliser la terminologie juridique. La Cour suprême nous dit
essentiellement une chose. Elle nous dit que ce qui, dans le passé
à partir de l'analyse de la loi 101 au Québec n'a
pas été adopté en anglais par l'administration publique,
à toutes fins utiles, parce qu'elle parle de la législation
déléguée on parle a priori et on va juste s'occuper
de l'administration publique; je ne parle pas de l'autre théorie qui
voudrait que cela affecte également la Loi des compagnies, je parle
juste des administrations publiques; j'inclus les corps municipaux et scolaires
non seulement doit publier, non seulement doit être rendu public
en anglais et en français, mais doit avoir été
adopté en anglais et en français. C'est la premier affirmation
qui est contenue à la page 5.
A la page 11 du jugement, on dit: II est bien évident qu'au sens
de l'article 133 du BNA Act, il faut également considérer que
toute la législation déléguée le plus inclut
le moindre est considérée comme sujette à cette
même règle que les lois, c'est-à-dire que ce doit
être non seulement publié et rendu public en anglais et en
français, mais que cela doit avoir été adopté en
français et en anglais. L'interprétation que nous donnons et que
tous les légistes donnent à cela, c'est qu'un règlement
municipal, c'est de la législation déléguée.
Maintenant, je pense que le raisonnement est en trois points, comme on
l'apprend en première année à la Faculté de droit.
Le député de Marguerite-Bourgeoys a connu cela, il a même
enseigné si je ne me trompe pas.
J'aimerais maintenant entendre la démonstration contraire de la
part de l'Opposition, à savoir que les municipalités ne sont pas
couvertes; qu'on en fasse la démonstration contraire en commission sur
un plan juridique. Qu'on arrête de parler d'histoires abracadabrantes et
de mêler les séparatistes à cela. On est ici, en
commission, pour régler un problème juridique. J'aimerais
entendre, en trois points, la démonstration du député de
Marguerite-Bourgeoys.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys, vous aviez demandé la parole.
M. Lalonde: Si le gouvernement croit qu'on doive faire preuve de
prudence à cause de ces hypothèses qu'il décrit comme des
certitudes, cela fait à peu près cinq fois que je vous dis qu'on
est prêt à adopter l'article 3.
M. Bédard: Bon, adoptons-le.
M. Lalonde: Cela fait une heure que je l'ai dit.
M. Bédard: Voyons!
M. Johnson: Mais on n'a pas votre réponse!
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Je l'ai répété il y a à
peu près dix minutes.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement à
l'article 3 est-il...
M. Lalonde: Sauf que je dois dire au ministre que cette prudence
dont il fait preuve actuellement, on aurait souhaité qu'il en fasse
preuve lors de l'adoption de la loi 101.
M. Johnson: Adopté, Mme la Présidente.
M. Lalonde: Je suis sûr que c'est la même prudence
dont il fera preuve dans ce cas-ci que celle dont il fait preuve dans les
poursuites qu'on lui a demandées, que la Commission de surveillance de
la langue française lui a demandées dans quelques dossiers depuis
plusieurs mois, poursuites qui n'ont pas été prises encore. On ne
fait pas de vagues avant le référendum, Mme la Présidente!
Je suis sûr qu'il va faire preuve de prudence aussi dans ce cas-ci
exactement comme dans les autres.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Mont-Royal.
M. Bédard: Je serai sûrement beaucoup plus prudent
dans mes gestes que le député de Marguerite-Bourgeoys l'est dans
ses paroles.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Mme la Présidente, si vous me le permettez et
si le ministre me le permet, je vais lire... je vais
référer...
M. Bédard: Mme la Présidente, avant de passer,
l'Opposition a dit qu'elle était prête, le député de
Marguerite-Bourgeoys a adopté l'article 3. Est-ce qu'on est prêt
ou si on n'est pas prêt?
M. Lalonde: On est prêt mais il y a beaucoup de membres
ici, il y a beaucoup de membres qui ont droit de parole.
M. Bédard: Vous voyez un peu, je ne dirai pas
l'hypocrisie, Mme la Présidente, mais...
M. Lalonde: Un instant! Question de règlement.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre... A l'ordre,
s'il vous plaît!
M. Lalonde: Mme la Présidente, question de
règlement.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Mont-Royal...
M. Bédard: Non, non, j'ai dit: Je ne dirai pas
l'hypocrisie...
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: ... ce n'est pas cela que j'ai dit?
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est M. le
député de Mont-Royal...
M. Lalonde: Mme la Présidente, je pensais que le
député de Chicoutimi était ministre de la Justice.
La Présidente (Mme Cuerrier):... qui a la parole
actuellement.
M. Ciaccia: Mme la Présidente, merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Mont-Royal.
M. Lalonde: J'ai une question de règlement, Mme la
Présidente, j'ai dit que j'étais prêt...
M. Bédard: Cela ne m'empêche pas d'avoir les yeux
ouverts quand même je serais ministre de la Justice.
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre de la Justice, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): Sur une question de
règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'ai peut-être frappé un point sensible
quand j'ai parlé des...
La Présidente (Mme Cuerrier): Sur une question de
règlement, m'avez-vous dit, M. le député...
M. Lalonde: Je ne sais pas pourquoi le ministre perd le
contrôle de ses gestes...
M. Bédard: Au contraire.
M. Lalonde:... en me traitant d'hypocrite alors que tout ce que
j'ai dit, c'est que j'étais prêt et je suis prêt maintenant
à l'adopter. Mais le ministre...
M. Bédard: Nous sommes prêts aussi.
M. Lalonde: ... ici, dans l'Opposition officielle...
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre!
M. Lalonde: ... ce n'est pas comme dans le Parti
québécois, chaque membre a le droit de parler...
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre! M. Lalonde:
suivant les règlements. M. Bédard: Non, non, mais
alors...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Mont-Royal.
M. Bédard: ... arrêtez de...
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre!
M. Bédard: ... tout ce que je vous demande, arrêtez
de laissez croire que l'Opposition est prête à adopter cela tout
de suite...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le...
M. Bédard: ... parce que vous êtes contredit tout de
suite par vos collègues qui veulent parler. Je n'ai pas d'objection.
La Présidente (Mme Cuerrier): J'ai déjà
donné la parole au député de Mont-Royal.
M. Ryan: II n'y a pas moyen de les contrôler.
M. Bédard: Vous n'êtes pas capable de les
contrôler?
M. Ciaccia: Mme la Présidente...
M. Bédard: Le chef de l'Opposition n'est pas capable de
les contrôler.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Mont-Royal.
M. Ryan: Problème de leadership.
M. Ciaccia: Mme la Présidente...
M. Bédard: Pourtant, il me semblait que...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice!
M. Ciaccia: Le ministre a demandé un argument
juridique.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je vais tenter de lui en fournir un, mais je vais me
référer au jugement en anglais, si vous me permettez, parce que
c'est un peu plus facile pour moi de...
Une Voix: Malgré vous autres.
Une Voix: Vous n'avez pas d'argument juridique.
M. Ciaccia: Oui, j'en ai un, un argument juridique. Le jugement
dit: "Dealing now with the question whether regulations issued under the
authority of the acts of the Legislature of Québec, a regulation issued
under a municipality is not a regulation issued under the authority of the
Legislature. It is a regulation issued under the authority of the municipality.
Only very indirectly seulement indirectement a new interpret, a
regulation or a law of a municipality has been a regulation issued directly
under the act of that municipality. When the judgment of the Supreme Court
speaks of regulations issued under the authority of the acts of the
Legislature, it means directly under the authority of the acts of the
Legislature and directly would mean regulations of the Lieutenant Governor in
Council. Otherwise, it would say directly or indirectly, or it would say under
the authority of a municipality."
If the judgment of the Supreme Court of Canada had wanted to, had wished
or had encompass municipalities, it would have stipulated not only under the
authority of acts of the Legislature of Québec but it would have
stipulated under authority of acts of a municipality and of a school
commission. It specifically did not refer to municipalities, it did not refer
to school commissions. It restricted its application cela restreint son
application to the authority of acts of the Legislature.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement...
M. Ciaccia: At no time you cannot impute an intention. One of the
rules of interpretation, even if you take the rules of interpretation of the
Civil Code, if the Supreme Court had intented that this judgment would work to
apply to a municipality or to a school commission, the Supreme Court would have
specifically included in its judgment a reference to a municipality or a school
commission.
I think that the judges of the Supreme Court and it is the only
way to interpret it are sufficiently specific in the intention in which
they expressed themselves and it is not up to the minister of Justice or to
anyone else to impute an intention to a judgment.
(6 h 10)
La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement à
l'article 3 est-il adopté?
M. Ciaccia: Bien oui, Mme la Présidente, mais je voudrais
avoir la réponse du ministre de la Justice, lui demandant une opinion
juridique. Le moins que je pourrais m'attendre c'est...
M. Lalonde: Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre en a
demandé une.
M. Bédard: J'ai pris note de l'argumentation du
député. Je lui ai donné l'argumentation sur laquelle je
m'appuyais, pas seulement moi comme ministre de la Justice, mais tous les
légistes, tant du ministère des Affaires municipales, du
ministère de la Justice et du comité de législation, pour
donner l'interprétation, la véritable interprétation, que
nous croyons être la véritable interprétation, sinon, nous
ne légiférerions pas dans le sens que nous
légiférons.
On ne légifère quand même pas pour le plaisir, on
légifère, parce qu'il y a eu un jugement de la Cour suprême
qui a les effets que nous croyons,
qui nous oblige à légiférer comme nous
légiférons.
Je reconnais que le député a droit à ses opinions,
je les respecte, mais l'argumentation qu'il nous a présentée
je le dis humblement n'est pas de nature à ébranler
l'opinion que j'ai émise tout à l'heure, à partir du
jugement lui-même.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Etant donné que le gouvernement
fédéral peut demander une opinion à la Cour suprême
oui, le gouvernement existe toujours, ne soyez pas inquiets, cela ne
sera pas long qu'il va revivre à part cela- est-ce que le ministre de la
Justice ou le gouvernement serait d'accord pour communiquer avec le ministre de
la Justice fédéral afin de lui demander qu'il fasse une
intervention auprès de la Cour suprême pour donner
l'interprétation de cette partie du jugement.
M. Bédard: Je répondrai dans le sens d'une
interrogation. Je me demande jusqu'à quel point on peut demander
à la Cour suprême d'interpréter son propre jugement.
M. Fontaine: C'est possible.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement à
l'article 3 est-il adopté?
M. Bédard: Vous dites que c'est possible, je me pose
l'interrogation.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: Normalement, on est censé être
capable de lire...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice, est-ce que vous êtes prêt à adopter l'article
3?
M. Bédard: Sûrement. Le chef de l'Opposition est
d'accord.
La Présidente (Mme Cuerrier): Article 3, adopté?
Adopté.
M. Bédard: Enfin.
La Présidente (Mme Cuerrier): Article 3 tel
qu'amendé, adopté.
M. Johnson: Tel qu'amendé?
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui. Adopté.
Une Voix: Article 4.
La Présidente (Mme Cuerrier): Article 4.
M. Johnson: A l'article 4, deux amendements.
Ce sont des amendements de forme encore une fois. Le 13 décembre,
à la troisième ligne du premier alinéa est remplacé
par 14 décembre 1979.
La Présidente (Mme Cuerrier): Amendement
adopté.
Des Voix: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté.
M. Johnson: Deuxièmement, à la ligne suivante, le
numéro 442 est remplacé par le numéro 432.
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté? Une Voix:
...
M. Johnson: Parce que c'est une erreur de copie.
M. Lalonde: Je voulais vérifier. Mme la Présidente,
je voulais justement vérifier...
M. Johnson: Je n'ai pas d'opinion juridique au soutien de mon
amendement, c'est une erreur de copie.
Une Voix: Ils sont fatigants.
M. Lalonde: Je voulais vérifier si c'était dans les
chiffres qui sont mentionnés dans l'autre paragraphe. Or, c'est le
chiffre suivant et de là ma question à savoir où est le
dépôt. Est-ce qu'il a été fait en même temps
que le premier dépôt auquel on a assisté solennellement
tantôt?
M. Charron: Je crois pouvoir fournir l'information, parce que
j'ai voulu respecter, je crois que cela a été fait, sous toutes
réserves, au bureau du greffier, pendant que l'Assemblée
était saisie du projet de loi ce soir. Je ne mettrais pas mon
siège en jeu là-dessus.
M. Lalonde: Vous n'êtes pas au vôtre de toute
façon!
M. Charron: Surtout que je ne suis pas au mien!
M. Lalonde: C'est parce que l'article parle d'un
dépôt sur le bureau du secrétaire, comme celui...
M. Charron: Là, je mets mon siège en jeu!
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous courez des risques, M.
le leader!
M. Charron: On dit que tout a été
déposé en bonne et due forme. C'est l'information que j'ai. Donc,
ce qu'on m'avait dit entre les branches est confirmé et tout a
été fait.
M. Lalonde: Sur le bureau du secrétaire.
M. Charron: C'est cela.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement est-il
adopté?
M. Lalonde: L'amendement est adopté sûrement, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 4, tel
qu'amendé, est-il adopté?
M. Lalonde: J'aimerais que nous ayons quelques explications. De
quels documents s'agit-il?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: Le texte anglais des Lois refondues de 1977 a
été dactylographié directement à partir de
l'ordinateur du service de jurimétrie chez l'Editeur officiel. C'est
aride comme explication. Ce texte brut a été déposé
en divers volumes comme document sessionnel 4432. Par cet article, on donne
force de loi à ce texte à compter du 1er septembre 1979, date
à laquelle on a proclamé en vigueur le texte français des
Lois refondues. Comme ce texte ne sera pas disponible pour le public en
général, on conserve toutefois en vigueur le texte anglais des
lois remplacées par les Lois refondues jusqu'à ce que l'Editeur
officiel ait publié une édition reliée et une
édition sur feuilles mobiles de ce texte. Lorsque ces éditions
seront disponibles, une proclamation abrogera le texte anglais des lois
remplacées, comme on l'a déjà fait pour le texte
français.
M. Lalonde: Adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 4 adopté
tel qu'amendé.
M. Bédard: C'est l'explication limpide d'un texte
compliqué.
M. Lalonde: C'est ainsi que je l'avais compris à la
lecture. La seule chose, c'est que je n'avais pas eu connaissance de
l'arrêté en conseil 2046-79, mais j'ai présumé que
c'était celui qui avait abrogé les lois et fait entrer en vigueur
le 1er septembre 1979 la nouvelle refonte.
M. Bédard: C'est exact.
La Présidente (Mme Cuerrier): Article 5 adopté?
M. Lalonde: Mme la Présidente, j'aurais une question
à l'article 5. L'article 40 reste tel quel dans la Loi
d'interprétation. Cet article 40 avait été justement
amendé par la loi 101, je pense, dans son deuxième alinéa
qui se lit comme suit: "Les lois doivent s'interpréter, en cas de doute,
de manière à ne pas restreindre le statut du français." On
n'a jamais trop compris ce que cela voulait dire.
M. Bédard: Essentiellement, je pense bien que ce n'est pas
l'idée des membres de l'Opposition de faire en sorte de retourner
à une situation qui serait même un recul par rapport à la
loi 22. C'est pour cela qu'on a inséré cette disposition et je
pense que cela va de soi.
M. Lalonde: Je n'ai pas eu le temps de continuer mon explication
quand le ministre m'a interrompu. Si vous le permettez, je vais la
terminer.
M. Bédard: D'accord.
M. Lalonde: Donc, on conserve l'article 40 tel quel et on propose
ceci comme article 40.1 : "En cas de divergence entre les textes
français et anglais, le texte français prévaut." Le
ministre vient de référer à la loi 22, sauf qu'à la
loi 22 on avait eu une certaine prudence et on avait dit ceci à
l'article 2: "En cas de divergence que les règles ordinaires
d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le
texte français des lois du Québec prévaut sur le texte
anglais." La raison était bien naturelle, à savoir que la
délibération se fait très majoritairement en
français et, donc, que le texte français a plus de chances de
refléter l'intention du législateur, au cas de doute.
M. Bédard: C'est exact.
M. Lalonde: Maintenant, pourquoi pas cette précaution de
référence aux règles ordinaires?
M. Johnson: Parce que, en pratique, les règles ordinaires
prévoient qu'on ne peut pas faire affaire avec un texte
législatif sans, à un moment donné, être capable de
l'interpréter. Les principes mêmes d'interprétation nous
disent qu'on peut toujours interpréter un texte de loi,
c'est-à-dire qu'on présume que le législateur en
général est cohérent et non seulement en
général, mais qu'il est toujours cohérent, ce qu'on ne
peut pas nécessairement présumer de tout le monde ou de toutes
les institutions, mais on présume cela. (6 h 20)
Or, en disant dans la loi 22, comme c'était le cas, qu'à
partir du moment où les règles d'interprétation normales
ne nous permettent pas de trouver une solution, là, le texte
français va prédominer. Mais en pratique, "le texte
français va prédominer" devient totalement inopérant comme
notion, parce que la première notion réfère à cette
notion générale du droit d'interprétation qui dit qu'il
faut toujours trouver une interprétation à un texte de loi.
Or, ce qu'on vient dire, ici, clairement, c'est que s'il y a une
contradiction entre le texte français et le texte anglais, c'est le
texte français qui prévaut au niveau de l'interprétation,
ce qui a l'avantage d'être plus clair, ce qui a l'avantage d'être
le gros bon sens au Québec et qui est probablement ce que va, sans
doute, adopter le Manitoba. Enfin, je ne sais pas si ces gens vont le faire,
mais cela ne m'étonnerait pas que le Manitoba l'adopte, mais en sens
inverse.
M. Lalonde: Le texte français ou le texte anglais.
M. Johnson: Sûrement pas le texte français.
M. Bédard: C'est-à-dire, comme les débats
sont en français, on légifère en français.
M. Lalonde: Je remercie le ministre de ses explications.
M. Bédard: C'est sûrement dans cette langue qu'on a
le plus de chance d'être conforme à l'intention du
législateur. J'imagine que le Manitoba, s'il a à
légiférer, dans le cas de divergences, prévoira que ce
sera naturellement le texte anglais qui prévaudra.
M. Lalonde: On va leur laisser régler leurs propres
problèmes.
M. Bédard: Oui, on a assez des nôtres.
La Présidente (M. Cuerrier): L'article 5 sera-t-il
adopté?
M. Lalonde: Je remercie le ministre du Travail de ses
explications, je pense bien qu'on n'a pas besoin de se soumettre à une
délibération plus avancée, je les accepte telles quelles.
Nous pouvons adopter l'article 5, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 5 est
adopté.
M. Johnson: L'article 6, Mme la Présidente? La
Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. M. Lalonde: ...
M. Bédard: L'article 6 vise un problème pratique.
En effet, puisque la présente loi vise à remplacer des lois ou
des règlements existants, en vertu desquels des poursuites
pénales ont pu être prises et des condamnations prononcées,
il convient, à cause de la Charte des droits et libertés de la
personne, de consolider ces situations malgré l'effet rétroactif
possible des lois et des règlements qui ont pour effet d'effectuer un
remplacement. Autrement dit, il y a eu...
M. Lalonde: Avouez que c'est un caractère
rétroactif très artificiel. Au fond, l'intention du
législateur, c'était qu'il y ait une loi.
M. Bédard: C'est qu'en fonction des lois qui ont
été passées ou des règlements, il y a eu,
naturellement, des condamnations qui ont pu être faites à
l'endroit de certaines personnes, des peines ont pu être subies par
certaines personnes; pour éviter que ces mêmes personnes puissent
revenir avec des réclamations contre le gouvernement, sous
prétexte que les lois étaient illégales, il faut
naturellement prévoir insérer cette disposition pour qu'un tel
recours ne soit pas possible, puisque, effectivement, ces condamnations ont
été faites en vertu de lois légales, à partir du
moment où on adopte le présent projet de loi.
M. Lalonde: Alors, l'article 6 est adopté.
La Présidente (Mme Cuerrier): Article 6 adopté.
Article 7, adopté.
M. Lalonde: Adopté.
M. Bédard: Le projet de loi est adopté.
M. Johnson: Le projet de loi est adopté, tel
qu'amendé?
La Présidente (Mme Cuerrier): Le projet de loi est
adopté, tel qu'amendé. M. le Président, j'ai l'honneur de
vous faire rapport que la commission plénière a
étudié le projet de loi no 82 et qu'elle l'a adopté avec
les amendements.
Le Président: Comme il me serait difficile d'appeler
à ce moment-ci les affaires courantes et de parler d'affaires courantes,
je vais demander si le rapport est adopté avec ses amendements.
M. Lalonde: Adopté.
Le Président: Adopté? Et je vais maintenant
demander si la motion de troisième lecture sera adoptée.
M. le chef de l'Opposition officielle.
Troisième lecture M. Claude Ryan
M. Ryan: Je n'ai pas l'intention d'intervenir, pour être
franc avec vous. Je veux seulement faire deux remarques très
brèves pour que ce soit bien clair qu'on s'est compris là-dessus
et que ce que nous avons voulu dire a été bien entendu de l'autre
côté.
D'abord, nous approuvons, par ce projet de loi je ne sais pas
combien peut-être 250 versions anglaises que nous n'avons pas eu
le temps de lire, évidemment. Il y a une grande imprudence
là-dedans. Nous sommes forcés par les circonstances, mais je
tiens à enregistrer un certain malaise que je vais éprouver avant
de voter pour en troisième lecture. Je tiens à le dire bien
clairement. J'espère que ces lois pourront faire l'objet, dans leur
version anglaise, de vérifications de la par des experts du
gouvernement, de manière que si des amendements tout à fait
majeurs s'imposaient, pour éviter des difficultés devant les
tribunaux, ils nous soient présentés et qu'on puisse les adopter
dans le même esprit de collaboration que nous avons manifesté
aujourd'hui.
Ma deuxième remarque est aussi brève, M. le
Président. Je voudrais que le gouvernement tienne compte des opinions
que nous lui avons données au stade de l'étude article par
article et qu'au moins, au cours des jours qui suivront l'adoption
de cette loi, il fasse montre d'une certaine retenue, de manière
que si nous avons des opinions à lui communiquer, elles puissent
peut-être avoir la moindre chance de l'aider dans son travail.
Le Président: M. le ministre d'Etat au
Développement culturel.
M. Camille Laurin
M. Laurin: M. le Président, le chef de l'Opposition est
d'un naturel très méfiant je viens de découvrir
cela ce soir mais je pense que le gouvernement peut le rassurer que
toutes les précautions seront prises pour que les dangers
éventuels qu'il nous signale seront évités. Quant aux avis
qu'il pourrait nous faire parvenir, à l'appui des positions qu'il a
failli poser sous forme de motion autour de l'article 3, évidemment,
nous serons toujours heureux de les accueillir.
Le Président: Merci. Je demande maintenant si cette motion
de troisième lecture sera adoptée.
Des Voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Motion de premières lectures
M. Charron: M. le Président, puisque nous devrons revenir
à la normale un jour, et conformément à l'engagement que
j'ai pris au milieu de l'après-midi, ici, à l'Assemblée,
afin d'obtenir que chacun consente à poursuivre les travaux "comme si de
rien n'était", tout en sachant l'importance de ce que nous avions
à discuter ce soir, je voudrais présenter très
brièvement trois motions rapides.
Que le texte français et le texte anglais de chacun des projets
de loi suivants soit lu la première fois: Les projets de loi
numéros 3, 47, 52, 59, 65, 66, 68, 70, 73, 75, 78, et là, on
passe aux projets de loi privés qui sont au feuilleton, numéros
189, 190, 191, 192, 193, 195, 198, 199, 200, 204, 209, 213, 216, 217, 218, 219,
230, 233, 236, 238, 241, 244, 267, 279, et 280.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
Des Voix: Adopté.
M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le Président. Il
y a des questions qui se posent. Si je comprends bien, il s'agit simplement des
motions de première lecture.
M. Charron: Quf sont au feuilleton.
M. Levesque (Bonaventure): Qui sont au feuilleton.
M. Charron: Mais qui ont été faites en
français seulement.
M. Levesque (Bonaventure): Cela inclut même le projet de
loi no 3.
M. Charron: Oui. Je l'ai nommé.
M. Levesque (Bonaventure): Je comprends. (6 h 30)
Motion de premières et deuxièmes
lectures
M. Charron: II y en a même qui ont déjà deux
lectures de faites. Ma deuxième motion, c'est que le texte
français et le texte anglais de chacun des projets de loi que je vais
maintenant énumérer soient lus une première et une
deuxième fois, autrement dit, pour les remettre à l'étape
où ils étaient: Les projets de loi 17, 28, 41, 43, 51, 54, 55,
57, 60, 61, 71, 72 c'était celui de cet après-midi
74 et 77.
M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le Président. Il
ne faudrait pas que le leader parlementaire du gouvernement pense qu'on va
changer notre vote en deuxième lecture sur certains de ces projets de
loi. On nous demande de voter en faveur de l'adoption de ces projets de loi
alors que je suis sûr que, dans certains cas, nous avons
enregistré un vote négatif.
M. Charron: D'accord.
M. Levesque (Bonaventure): II faudrait tenir compte de cela, M.
le secrétaire général, M. le Président.
Le Président: Adopté suivant les mêmes votes
pour chacune des lois qui ont été enregistrés.
M. Charron: Cela aurait peut-être été une
bonne occasion de corriger un vote, mais je n'insisterai pas davantage. Nos
amis sont contre la santé et la sécurité, sont contre les
garderies, sont contre la fiscalité municipale.
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, M. le
Président.
M. Charron: OK. Troisième motion...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je pense que
le leader parlementaire du gouvernement fait preuve d'une certaine imprudence,
surtout à ce moment-ci de la nuit. Je le prierais de se restreindre et
de laisser à la population le soin d'interpréter d'une
façon plus objective les prises de position sérieuses et
responsables de l'Opposition officielle.
M. Charron: Une dernière motion, M. le Président,
qui nous permettra de poursuivre les travaux que j'annoncerai à
l'instant, pour la journée. Que les ordres de cette Assemblée,
relativement à chacun des projets de loi dont elle ou l'une de ses
commissions est présentement saisie, soient confirmés et leur
exécution, le cas échéant, poursuivie. Autrement dit,
c'est la motion pour replacer toutes les lois là où elles
étaient en commission, ici ou ailleurs.
M. Levesque (Bonaventure): Pensez-vous, M. le Président,
que nos droits sont bien protégés? A
ce moment-ci de la journée, je me fie beaucoup à la
présidence.
Le Président: Adopté.
M. Charron: M. le Président, dans un instant je vais vous
proposer de nous envoyer tous chacun chez nous, mais avec un rendez vous,
toutefois, que nous reprenions nos travaux à 15 heures, cet
après-midi. La période des questions sera suivie par la
discussion des projets de loi suivants: le projet de loi au nom de mon
collègue, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, sur
la Régie sur la sécurité dans les sports, je ne me
souviens plus du numéro, 78, je crois. En deuxième lieu, le
projet de loi au nom du ministre de la Justice, Loi de la police, et, en
troisième lieu, le projet de loi au nom du ministre de la Justice,
aussi, sur les constituts et les tenures. J'apprendrai probablement demain, M.
le Président, ce que ça veut dire.
Pendant ce temps, demain, aussi, après la période des
questions, deux commissions se réuniront jusqu'à minuit, celle
déjà mandatée sur le projet de loi no 17 et celle
déjà mandatée sur le projet de loi no 57. Je propose
l'ajournement...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Puis-je faire une requête double
à l'honorable leader parlementaire du gouvernement? Y aurait-il moyen,
premièrement, d'intervertir l'ordre des projets de loi et commencer par
les projets de loi au nom du ministre de la Justice? Cela accommoderait, je
pense bien, le ministre de la Justice, qui pourrait se libérer plus
rapidement. Quant à nous, nous avons un collègue qui doit quitter
demain après-midi, et ce serait peut-être plus court, à ce
moment-là. J'offre notre meilleure collaboration au ministre de la
Justice. Ce serait plus court de cette façon pour le ministre de la
Justice.
M. Charron: M. le Président, j'ai déjà pris
un engagement à cet égard, je m'en tiens au programme tel qu'il
était aujourd'hui, avant que n'arrive cette urgence. Je les appelle dans
le même ordre où j'ai toujours avisé l'Opposition que
c'était l'ordre dans lequel ils viendraient.
D'autre part, j'ai été le premier ce soir, à donner
congé au ministre du Loisir de la Chasse et de la Pêche en lui
disant qu'il serait le premier au bâton et le ministre de la Justice
à qui je voudrais bien accorder le temps à la fois de se reposer
et de vaquer à son ministère, je lui ai donné congé
jusqu'à la fin de l'après-midi, demain, ou au début de la
soirée. Donc, je m'en tiens à ce menu, M. le Président,
tel que je l'avais annoncé à l'Opposition.
M. Brochu: M. le Président.
M. Levesque (Bonaventure): Alors, M. le Président, comme
deuxième volet, est-ce qu'il est possible, vu que le leader
parlementaire du gouvernement veut s'en tenir à ce qu'il nous avait
annoncé, puis-je lui rappeler qu'il avait parlé de quatorze
heures et non de quinze heures? Alors, s'il veut s'en tenir à ce qu'il
nous avait proposé, puis-je lui suggérer que nous nous
retrouvions ici à quatorze heures au lieu de quinze heures?
M. Charron: Cela ne vous tente pas de dormir une heure de plus,
franchement? Non?
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Brochu: Une dernière question double, pour
l'organisation de nos travaux. Est-ce que le leader peut nous dire si c'est son
intention d'appeler les commissions parlementaires à siéger
samedi? Deuxièmement, est-ce que lundi, il a l'intention de convoquer ou
les commissions parlementaires ou l'Assemblée nationale? Est-ce qu'il
peut nous l'indiquer maintenant?
M. Charron: M. le Président, je confirmerai demain
seulement le menu de lundi sauf que, je pense, je peux déjà
assurer tout le monde, si c'est une façon d'assurer le monde, que la
Chambre va se réunir lundi. J'aurais bien voulu réaliser le tour
de force de finir une session sans même revendiquer un seul lundi mais je
crois que la dernière semaine, cela fait partie, c'est le moins qu'on
puisse dire, du normal des choses. Quant à des convocations de
commissions parlementaires pour lundi matin, j'essaierai de faire mon possible
pour l'éviter, dans un grand esprit de collaboration.
M. Brochu: A quatorze heures ou quinze heures?
M. Charron: Quinze heures.
Le Président: Est-ce que la motion d'ajournement...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, avant de ce
faire, je voudrais faire remarquer à l'honorable leader parlementaire du
gouvernement qu'il n'a pas jugé à propos de tenir compte de la
deuxième suggestion que je lui faisais. Ceci, simplement, pour bien
inscrire cette partie de la collaboration du gouvernement.
M. Charron: Quatorze heures trente, M. le Président.
M. Levesque (Bonaventure): Très bien.
Le Président: Est-ce que la motion sera
adoptée?
Des Voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Maintenant, je dois vous
rappeler qu'il y a sanction du projet de loi numéro 82
immédiatement chez le lieutenant-gouverneur.
Fin de la séance à 6 h 38