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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le jeudi 13 décembre 1979 - Vol. 21 N° 80

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes. Déclarations ministérielles.

M. le ministre des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche.

Appui au groupe Québecair M. Lucien Lessard

M. Lessard: M. le Président, je tiens d'abord à m'excuser auprès des partis de l'Opposition, puisque c'est ce matin que nous avons décidé de faire une déclaration ministérielle. Il y a quelques corrections mineures sur la déclaration ministérielle, mais je pense que les représentants de l'Opposition ont été avertis en conséquence.

M. le Président, je désire informer cette Assemblée d'une décision qu'a rendue hier le gouvernement du Québec au sujet de la propriété de la compagnie de transport aérien Nordair dont le siège social est à Montréal. J'exposerai auparavant les principaux événements qui ont marqué l'évolution de ce dossier. C'est en mai 1977 que les actionnaires de Nordair ont entrepris la vente de cette compagnie aérienne et, en décembre de la même année, l'offre d'achat d'Air Canada était acceptée par Nordair, puisqu'elle était, en termes financiers, la plus élevée de toutes les offres jusqu'alors présentées.

Ces événements se produisaient au moment même où je mettais en place au sein du ministère des Transports du Québec une structure qui permettait de diversifier et d'étendre les responsabilités de ce ministère en matière de transport au Québec. Parmi les nouveaux secteurs d'intérêt, le transport aérien venait d'être défini comme un secteur prioritaire d'intervention au Québec. Donc, un mois après l'offre d'acquisition de Nordair par Air Canada, soit en janvier 1978, j'ai fait connaître la position du gouvernement du Québec au sujet de cette transaction.

Il s'agissait, d'abord et avant tout — et c'est encore le cas aujourd'hui — de favoriser l'acquisition de cette compagnie par des intérêts majoritairement québécois. Pour nous du Québec, il s'est agi de profiter de cette occasion pour amorcer le redressement de notre secteur aérien.

En effet — et de nombreux membres de cette Assemblée peuvent en témoigner éloquemment — les carences du transport aérien au Québec ne sont plus à exposer. Tous savent le nombre inacceptable de délais qui peuvent être rencontrés lors d'un trajet qui nous amène d'un point du Québec à un autre. En plus d'être inadéquatement desservis par ce mode de transport de pointe, les

Québécois avaient, il y a deux ans et malheureusement encore aujourd'hui, à se plaindre du peu de place que nous occupions dans cette industrie.

C'est pourquoi, dès janvier 1978, ai-je précisé qu'il ne pouvait être question pour le Québec de perdre le siège social de Nordair. L'intérêt du Québec réside donc dans le maintien à Montréal de la principale place d'affaires de cette société. Il est, d'autre part, impératif que la vente de Nordair favorise sensiblement une amélioration des services aériens au Québec.

Enfin, le troisième principe que j'exprimais en janvier 1978, au nom du gouvernement du Québec, était que la vente de Nordair devait favoriser un accroissement de l'accès des Québécois aux emplois liés au transport aérien dans notre ciel. Toujours en janvier 1978, j'ai commandé une étude à une firme newyorkaise occupant un des premiers rangs des sociétés de financement des entreprises aériennes. Les conclusions de cette étude m'ont clairement indiqué le bien-fondé de la position du Québec, à savoir la faisabilité financière d'un transporteur aérien québécois fort, principal agent de liaison entre les régions du Québec où de plus petits transporteurs assureraient les liaisons intrarégionales. Cette étude m'indiquait également que Québecair et Nordair fusionnées pouvaient assurer leur développement en remplissant le rôle d'articulation maîtresse du transport aérien au Québec sans la nécessité d'une intervention d'Air Canada.

Malgré une série de revendications du Québec, il a fallu près d'une année au gouvernement fédéral pour rendre une décision, décision confuse par ailleurs, et par laquelle on autorisait l'acquisition de Nordair par Air Canada tout en lui ordonnant de revendre cette compagnie à des intérêts privés dans les douze mois, soit cet automne. Présumant, comme il se doit, de la bonne foi du gouvernement fédéral, nous avons intensifié en 1979 nos efforts sur deux fronts en vue de la réalisation de nos objectifs. D'abord au Québec, en vue de favoriser le regroupement d'intérêts financiers québécois, ensuite, auprès du gouvernement fédéral, en vue de soutenir l'intérêt manifeste et vital que nous portons à ce dossier. A partir du mois d'août 1979, conscient que le délai de douze mois annoncé par le fédéral pour la rétrocession de Nordair tirait à sa fin, je me suis personnellement et activement impliqué tant auprès de mon homologue fédéral d'alors, M. Mazankowski, que des milieux financiers de chez nous. (10 h 20)

Depuis lors, la chronologie significative des événements s'établit comme suit: Dans un premier temps, M. Alfred Hamel, acquiert le contrôle majoritaire de Québecair: ensuite, la Société d'investissement Desjardins acquiert un cinquième des actions de Québecair; la Fédération des caisses d'entraide économique du Québec offre publiquement à Québecair les 10% d'actions qu'el-

le détient dans le groupe Lizotte ou dans le groupe Nordair. Ce dernier événement contribue largement à renforcer le rapprochement le plus solide jusqu'ici de groupes québécois impliqués dans le dossier Nordair et solutionne l'impasse rencontrée lors de mes tentatives de réunir les groupes Lizotte et Hamel. L'offre de Québecair comprend donc maintenant la Société d'investissement Desjardins, les groupes Hamel et Provost, la Fédération des caisses d'entraide économique, Great Lakes Airlines et les Credit Unions de l'Ontario, tout en conservant la majorité des actions aux groupes québécois.

En conclusion, le gouvernement du Québec a décidé d'indiquer au gouvernement fédéral son appui à l'offre d'acquisition de Nordair par le groupe Québecair parce que cette offre rencontre nos objectifs dans le développement du transport aérien au Québec. Le gouvernement du Québec indiquera par ailleurs au gouvernement fédéral son exigence qu'une décision concernant cette question soit prise dans les plus brefs délais, compte tenu que l'incertitude qui règne en ce domaine a déjà causé suffisamment de tort à l'industrie du transport aérien au Québec. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, inutile de dire que, du côté de l'Opposition officielle, nous sommes tout à fait sympathiques à l'idée fondamentale qui a été exprimée par le ministre dans sa communication, c'est-à-dire l'idée suivant laquelle d'abord les besoins aigus du Québec en matière de service de transport aérien soient comblés de manière plus satisfaisante dans l'avenir et, deuxièmement, le principe voulant que des citoyens de cette partie du Canada, le Québec, soient davantage impliqués dans la prise de responsabilités et de décisions dans l'industrie du transport aérien.

Nous avons tous constaté, nous qui voyageons d'une partie à l'autre du territoire, très fréquemment, qu'il y a bien des régions qui sont desservies de manière incomplète, d'autres qui ne le sont pas du tout. Des améliorations considérables sont souhaitables et même nécessaires de ce côté.

C'est à mon point de vue assez clair que, si une implication québécoise plus ferme et plus directe était acquise dans le secteur, les choses seraient facilitées. Nous pourrions envisager des améliorations dans des conditions beaucoup plus intéressantes. Par conséquent, sur ces deux points fondamentaux, je pense qu'il y a beaucoup de sympathie dans tous les secteurs de la Chambre et même de l'opinion au Québec.

Dans la déclaration qu'a faite le ministre ce matin, il y a des points qui méritent d'être soulignés, tout simplement du point de vue logique. Je pense que ce n'est pas mauvais qu'on vous le souligne. Peut-être que vous pourrez clarifier cela tantôt, M. le ministre. A la page 3 de sa déclaration, le ministre nous raconte les étapes qui ont conduit à l'acquisition temporaire de Nordair par Air Canada, à la fin de décembre 1977. Ensuite, le ministre nous dit que dès janvier 1978 il a commandé une étude à une firme newyorkaise. Ensuite, on arrive au quatrième paragraphe et là, on revient à l'acquisition de Nordair. C'est comme si, à la suite de l'étude et de ses conclusions, le gouvernement du Québec avait fait des démarches auprès du gouvernement fédéral, mais, déjà, c'est une chose qui était acquise. Je ne sais pas si c'est parce que la déclaration a été préparée dans des conditions de hâte, mais je pense qu'il y a un petit problème d'articulation logique ou chronologique qui devrait être clarifié par le ministre.

En passant, le ministre a fait allusion à cette étude qui avait été commandée à une firme newyorkaise qui aurait conclu à la désirabilité d'une fusion de Nordair et de Québecair et aux résultats économiques intéressants qu'on pourrait entrevoir à la suite d'une telle fusion. Je voudrais signaler une fois de plus au gouvernement qu'il tend de plus en plus à s'approprier le monopole, la propriété jalouse de ces études et de ces expertises commandées à propos de différentes questions. Je crois qu'il serait très indiqué que le ministre nous soumette le contenu, même le texte de cette étude. Je remarque que du côté du gouvernement qui favorisait énormément la transparence quand il était dans l'Opposition — et j'étais le plus souvent de son côté à l'époque quand il faisait des demandes de cette nature — je pense qu'il y a une tendance de plus en plus marquée à s'approprier des documents qui sont, de toute évidence, d'intérêt public, surtout au stade où nous en sommes dans l'examen de ce dossier. Je pense qu'il serait même du devoir du gouvernement de nous communiquer la teneur de cette étude.

Je me réjouis avec le ministre du rapprochement qui s'est effectué entre des groupes d'investisseurs québécois que séparaient, jusqu'à maintenant, des différences d'approche ou d'intérêt parfois difficiles à comprendre. Je félicite, en particulier, le président de la Fédération des caisses d'entraide économique, M. Gagnon, du geste qu'il a fait la semaine dernière, quand il a dit que, dans l'intérêt général du Québec, il serait prêt à se dégager de l'implication qu'il avait dans le secteur si son geste était de nature à favoriser l'acquisition de Nordair par un groupe québécois. Je pense que c'est un geste qu'il vaut la peine de souligner. Il vaut également la peine de souligner l'initiative de ceux qui se sont regroupés derrière M. Alfred Hamel. Je suis très heureux de voir que le mouvement Desjardins semble prêt à prendre certains risques dans ce secteur-ci. Je souligne l'implication du groupe Provost également. Les groupes ontariens sont minoritaires. Je pense que c'est très bien également.

Une chose que je voudrais souligner à l'attention du ministre avant de terminer, c'est qu'il serait très important, avant de se prononcer là-dessus d'une manière ferme — le gouvernement a eu

toutes les données en main, c'est très bien; nous ne les avons pas eues — que nous sachions exactement de quoi il s'agit quand on parle de Nordair. Nordair est une société dont les services vont bien au-delà du Québec. Je crois comprendre que c'est une société qui dessert tout le Grand-Nord canadien et que c'est même de là que découle sa rentabilité principale. Elle a également des lignes de transport au sud. Selon des informations fragmentaires que j'ai pu glaner ici ou là, ce n'est pas de ce côté que réside la source de rentabilité la plus élevée.

Pour ajouter une considération, M. le Président, je pense qu'il ne faudra pas, non plus, refuser d'examiner le problème dans une perspective plus large, au besoin. Vous savez que nous avons de gros problèmes de transport aérien du côté des provinces atlantiques également. Je vois que, dans les propos du ministre, on parle d'association entre des intérêts ontariens et québécois. Je crois que, si l'intérêt général demandait que ces considérations fussent élargies de manières à embrasser également la question qui doit nous inviter à nous demander s'il n'y aurait pas une amélioration considérable à chercher de ce côté-là aussi, ce serait très bien.

Ces réserves étant faites, ces questions étant posées, je voudrais dire avec insistance que je suis très heureux de seconder la perspective générale dans laquelle on nous a parlé ce matin et de dire une fois de plus au gouvernement, comme nous aimons le faire souvent: Autant cela nous déplaît quand des questions de principe ou de vision générale nous obligent à nous opposer au gouvernement — autant cela nous déplaît de le faire, autant nous le faisons avec vigueur, cependant — autant nous sommes heureux quand des valeurs communes, des principes fondamentaux ou des intérêts très vitaux nous le commandent, de nous associer à une démarche gouvernementale.

Par conséquent, si le ministre veut nous permettre de seconder la position du gouvernement avec encore plus de force, je lui serais reconnaissant de nous transmettre dans les plus brefs délais les suppléments d'information dont nous avons besoin pour adopter une attitude en toute connaissance de cause comme c'est notre devoir de le faire.

Le Président: Merci. M. le député de Missisquoi. (10 h 30)

M. Armand Russell

M. Russell: M. le Président, je voudrais d'abord remercier le ministre de nous avoir transmis à la dernière minute cette déclaration ministérielle. J'ai dû en prendre connaissance en même temps qu'il en a fait la lecture en Chambre. Par contre, je suis heureux de cette déclaration, ce matin, qui renouvelle ce qu'il a déjà dit il y a quelques mois ou quelques années dans son enthousiasme de créer ici une société aérienne québécoise. J'aurais aimé, s'il a fait faire une étude par une société américaine qui s'est avérée très positive, qu'il la dépose en Chambre pour qu'on puisse en prendre connaissance nous aussi parce qu'on est aussi désireux qu'il peut l'être de s'assurer que cette société québécoise peut être rentable.

Evidemment, nous y sommes très favorables. Je me demande bien pourquoi cette déclaration est faite à ce moment-ci. Est-ce qu'il y aura des possibilités qu'Air Canada laisse vendre Nordair à d'autres intérêts? Est-ce qu'Air Canada refuserait de vendre Nordair? Je pense que si c'était là la raison de sa déclaration, je pourrais faire une recommandation: qu'il entreprenne immédiatement des négociations avec le fédéral qui a autorisé cette vente. Je pense qu'il est obligé d'intervenir pour autoriser la vente par Air Canada à une autre société. Si ce n'était seulement cette raison, je pense qu'il faudrait plus qu'une déclaration ministérielle. S'il veut avoir l'appui de la Chambre, je pense que ce sera facile de l'avoir. Il pourra déposer toute l'information qu'il possède et faire une motion dans ce sens. Je pense qu'ensemble on pourrait débattre la question en connaissance de cause et faire en sorte de créer l'unanimité de toute l'Assemblée nationale pour s'adresser au fédéral et dire: Nous favorisons que cela demeure dans les mains d'une société majoritairement québécoise. Personne ne va s'opposer à cela et je pense qu'il aurait l'occasion, depuis qu'il a amorcé ces déclarations depuis presque deux ans, d'obtenir l'unanimité de la Chambre et un appui absolu.

M. le Président, je ne veux pas éterniser les commentaires là-dessus. Je pense bien qu'il s'agit là simplement d'une répétition de déclaration qui est de bonne guerre politique, je présume, et pour montrer à ce groupement qui s'est formé qu'on est bien heureux de voir qu'il a réussi l'unification de sorte qu'on a au moins une société majoritairement québécoise qui opère actuellement au Québec et qui pourra, dans un avenir rapproché, amplifier sa capacité de pouvoir s'assurer une meilleure rentabilité. Je suis convaincu que l'acquisition de Nordair pourra être un actif très positif pour cette société québécoise. Donc, je veux simplement dire que le groupe que je représente est très conscient de la valeur de cet achat et nous allons le supporter. Je renouvelle ma demande au ministre pour qu'il nous dépose cette documentation qu'il possède ici. On pourra en prendre connaissance. Je l'inviterais, si cela presse, dès la semaine prochaine, qu'il fasse une motion en ce sens et on sera heureux de la débattre, de l'appuyer pour qu'il puisse la transmettre au gouvernement fédéral.

Le Président: M. le ministre des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche.

M. Lucien Lessard

M. Lessard: M. le Président, très brièvement, je remercie d'abord tous les représentants de l'Opposition de leur appui. Si je fais cette déclaration ce matin, c'est que justement j'envisage

qu'une décision devrait être prise d'ici quelques heures, peut-être, ou quelques jours, par le gouvernement fédéral, et j'estime qu'il est extrêmement important que la position de l'Assemblée nationale, la position du Québec soit connue, parce que même si je ne suis pas dans les secrets du cabinet du gouvernement fédéral, il est possible que cette décision ne représente pas ou puisse ne pas représenter la position du Québec. Il est important de faire connaître la position du gouvernement du Québec et des membres de l'Assemblée nationale afin que le cabinet fédéral puisse tenir compte de cette position avant de prendre une décision.

Je voudrais répondre au chef de l'Opposition officielle en ce qui concerne un peu la chronologie des événements. Il est certain que lorsque je suis arrivé au ministère des Transports, nous n'avions pas comme telles d'études techniques concernant l'ensemble du secteur aérien au Québec. Comme dès le début, en fait, nous avons appris l'annonce de la vente de Nordair à Air Canada, nous avons dû réagir sur le plan des principes, et c'est dans ce sens qu'à la page 2 de ma déclaration j'énonce la déclaration de principe que j'avais faite à ce moment vers le mois de janvier 1978.

Cependant, à la suite de cela et pour bien confirmer ma déclaration de principe, pour voir si cette déclaration pouvait être appuyée par des faits économiques, des études économiques, c'est à ce moment que j'ai commandé l'étude économique dont j'ai parlé et qui confirmait qu'il était possible pour les compagnies québécoises de se regrouper et d'être rentables, particulièrement en ce qui concerne le groupe Nordair et le groupe Québecair.

Il est envisagé dans cette étude la possibilité, par exemple, d'un regroupement de la compagnie qui dessert actuellement les territoires ou les provinces atlantiques. Nous n'avons jamais eu d'objection à voir ce regroupement, mais pour le moment cela a été plutôt les éléments québécois qui ont tenté de se regrouper, quitte cependant à négocier avec des groupes de l'Ontario, ce que nous avons fait, d'ailleurs, ce qui fut concrétisé puisque Great Lakes et le Credit Union de l'Ontario ont accepté de se regrouper avec des groupes québécois.

En ce qui me concerne les études techniques comme telles, vous conviendrez qu'il s'agissait d'une négociation très délicate. Je l'ai dit ici en cette Chambre, quand on négocie une chose assez valable au point de vue du principe, mais en même temps qui touche $33 millions ou $34 millions, il n'est pas facile de mettre ensemble deux groupes qui ont été en conflit depuis passablement de temps, puisqu'on m'indiquait que le groupe Nordair et le groupe Québecair faisaient des tentatives depuis 20 ans pour se regrouper. Lorsque j'ai eu à les rencontrer face à face, j'ai senti qu'il ne serait pas facile d'en arriver à ce regroupement, de telle façon que les études que j'ai obtenues, je les ai mises à la disposition des groupes concernés, mais toujours dans le sens de conserver l'objectif que je m'étais fixé, à savoir que les groupes québécois puissent conserver la majorité des actions à l'intérieur de cette entreprise. Je pense qu'il aurait été de très mauvaise guerre de mettre à la disposition du public l'ensemble de ces études puisque ces études auraient été accessibles, à ce moment, à des concurrents qui n'ont pas nécessairement les mêmes intérêts que le gouvernement du Québec.

Dans ce sens, lorsque la transaction sera consacrée, lorsqu'une décision pourra être prise par le gouvernement fédéral, je n'y aurai aucune objection et je verrai à ce que ces études puissent être transmises au chef de l'Opposition ou aux représentants de l'Opposition, mais si je ne l'ai pas fait, ce n'est pas dans une tentative de cacher les négociations qui avaient lieu. J'ai toujours évité de faire de la publicité avec cela, même si j'ai eu plusieurs rencontres avec les différents groupes concernés, parce que je voyais que toute tentative de publicité pouvait nuire aux négociations qui étaient en marche à ce moment.

M. le Président, je pense qu'il pourrait être utile de rendre par la suite ces études publiques, je n'ai rien à cacher. Maintenant, l'objectif que j'ai toujours poursuivi a été le regroupement des groupes francophones et nous espérons que cet objectif sera réalisé dans les plus courts délais.

M. Russell: M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président: Dépôt de documents.

M. Russell: Me permettriez-vous de poser une simple question au ministre?

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Russell: S'il s'agit d'une question d'urgence, notre groupe et, je le pense bien, l'Opposition officielle serions d'accord pour faire une motion d'urgence pour qu'on dépose les documents et on en discutera. Je préférerais qu'on fasse une motion immédiatement, avant coup, plutôt que d'aller avec une motion dé contestation, de protestation après coup.

M. Lessard: M. le Président, je pense bien que c'est l'objectif qu'on poursuit qui est important. Je ne connais pas la décision du gouvernement fédéral. Si elle allait à l'encontre des intérêts du gouvernement du Québec, il faudrait renégocier avec les groupes concernés de telle façon qu'il m'est difficile pour le moment d'annoncer que je vais rendre, demain matin, ces études publiques, parce que ces études, étant rendues publiques, seraient accessibles à des groupes qui n'ont pas nécessairement nos intérêts. Est-ce que je devrais fournir à des groupes ontariens, par exemple, une étude qui a été faite et payée par le gouvernement du Québec?

Le Président: Dépôt de documents.

M. le leader parlementaire du gouvernement au nom de M. le ministre de la Justice. (10 h 40)

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Rapport annuel de la Commission des libérations conditionnelles

M. Charron: Au nom de mon collègue de la Justice, je dépose le rapport annuel 1978-1979 de la Commission québécoise des libérations conditionnelles.

Le Président: Merci. Rapport déposé. M. le ministre de l'Education.

Rapport annuel de l'Université du Québec

M. Morin (Sauvé): M. le Président, permettez-moi, à titre de ministre de l'Education, de déposer le dixième rapport annuel de l'Université du Québec qui porte sur l'année 1978-1979.

Le Président: Rapport déposé. M. le leader parlementaire du gouvernement au nom du ministre des Communications.

Rapport annuel du ministère des Communications

M. Charron: Je dépose le rapport annuel 1978-1979 du ministère des Communications.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche.

Rapport annuel du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche

M. Lessard: J'ai le plaisir de déposer le rapport annuel du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche 1978-1979. En même temps, il me fait plaisir de déposer le rapport annuel 1979 du comité organisateur de la fête nationale du Québec.

Le Président: Merci. Rapport déposé.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Le projet de loi qui apparaît à l'article g) du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi no 189 Première lecture

Le Président: M. le député de Vanier propose la première lecture du projet de loi no 189, Loi sur la Fédération des Magasins Co-op. Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

M. Charron: Article h) du feuilleton.

Projet de loi no 192 Première lecture

Le Président: M. le député de Vanier propose la première lecture du projet de loi no 192, Loi concernant la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec. Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Y a-t-il une motion?

M. Charron: Non, il n'y a pas de motion de déférence, M. le Président. Deuxième lecture à une prochaine séance.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Période des questions orales. M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS Prix pétroliers

M. Ryan: Nous serons appelés à discuter, demain, d'une motion gouvernementale au sujet de certaines répercussions du budget fédéral dévoilé l'autre soir à Ottawa. Afin de discuter de cette motion de la manière la plus sérieuse possible, nous aurions besoin de tous les renseignements qui seront nécessaires pour définir notre position. Je voudrais demander au premier ministre ce matin deux choses: Premièrement, on discute beaucoup des prix pétroliers au Canada depuis nombre de mois. Il y a même eu à Ottawa — je crois que c'est à la fin de décembre — une conférence des premiers ministres sur l'énergie à laquelle le premier ministre n'a pu se rendre pour des raisons que nous avons comprises, mais à laquelle il avait délégué son ministre des Richesses naturelles.

J'aimerais savoir si le gouvernement du Québec a mis sur papier sa position en matière de prix pétroliers. Est-ce qu'il y a un texte sur lequel on pourrait s'appuyer? Vous avez beaucoup parlé de cela. Est-ce qu'il y a un texte, un document énonçant la position officielle du gouvernement du Québec en matière de prix pétroliers, de manière que nous n'engagions pas le débat au cours des prochains jours à partir de bouts de citations pris ici et là, que ce soient celles du ministre ou les miennes, ou celles de mes collègues qui ont parlé de ces choses. J'ai remarqué, en particulier, qu'il y en a qui ont tendance à extrapoler, à prendre des déclarations et à leur faire dire exactement le contraire de ce qu'elles disent. Les gens sérieux ne s'occupent pas de cela.

Le premier volet de ma question au premier ministre: Est-ce qu'il y a, quelque part, un document officiel du gouvernement adressé soit aux autorités fédérales, soit aux autorités des autres provinces, soit à l'opinion publique, énonçant la politique du gouvernement en matière de prix pétroliers? Deuxièmement, j'ai cru comprendre que la première fois que le gouvernement avait été saisi du projet d'augmentation de la taxe d'accise remonte à cette conférence des premiers ministres à laquelle nous étions représentés par le ministre des Richesses naturelles. Il s'en est vanté lui-même l'autre jour à la période où il y avait une question avec débat. Il semblait être dans le sac; il disait ouvertement qu'une augmentation de cette taxe s'en venait. J'ai lu des comptes rendus et j'ai trouvé cela là-dedans.

Je voudrais savoir quand le gouvernement a-t-il été saisi pour la première fois de ce projet de comment a-t-il réagi? Est-ce qu'il y a eu autre chose que la lettre qu'on a déposée en cette Chambre il y a quelques jours, vers la fin de la semaine dernière? Troisième volet, le premier ministre a-t-il reçu d'autres communications du gouvernement fédéral à ce sujet avant ou après le discours du budget, lundi soir dernier, et voudrait-il nous donner connaissance de ces communications qu'il aurait reçues de l'autorité fédérale?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Sur la première partie de la question, M. le Président, en ce qui concerne les prix pétroliers, enfin les augmentations de prix qui sont prévues, je dois dire — ce n'est pas un mystère — que c'était dans l'air depuis un bon bout de temps. De façon indirecte, j'avais eu l'occasion d'en parler avec certains à Ottawa. Mais la première fois où le gouvernement a cru bon de préciser — et je pense qu'on doit se référer à ce texte, c'était un texte du gouvernement en même temps que du ministre de l'Energie et des Ressources — où le gouvernement du Québec, officiellement, a cru bon de prendre position sur cette question, c'était à la conférence fédérale-provinciale des premiers ministres à laquelle, comme le rappelait le chef de l'Opposition, je n'ai pu assister mais où le gouvernement était représenté par le ministre des Ressources et de l'Energie.

Cette intervention constitue, je crois, le résumé le plus clair, le plus complet quant à nous de la position du gouvernement, surtout si on l'accompagne — et là il n'y a pas d'objection à le transmettre à l'Opposition — du document d'appui qui, je crois, servait d'arrière-plan à ce document.

Pour ce qui est de la taxe d'accise, sauf erreur, d'une façon concrète, cela a été également évoqué mais là, le ministre de l'Energie pourrait peut-être compléter parce que c'est dans son secteur de responsabilités quotidiennes. Sauf erreur, cela a été évoqué pour la première fois, de façon concrète, pendant cette même conférence fédérale-provinciale. La seule réaction que j'ai eue, moi, a pris la forme de la lettre, quand cela s'est mis à se confirmer, que les rumeurs ont commencé à étayer cela, qui non seulement a été rendue publique mais déposée dans cette Chambre la semaine dernière.

Maintenant, d'autres communications, je crois que oui, mais j'aimerais mieux prendre avis...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): Je ne sais pas si la réponse intéresse le chef de l'Opposition. J'aimerais mieux prendre avis de la dernière partie de sa question en ce qui concerne d'autres communications parce que je craindrais d'oublier quelque chose. Je pourrais vérifier aujourd'hui et, au plus tard demain matin, compléter cette partie de la réponse.

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: M. le Président, si on demande aux Québécois de combien de plus ils veulent payer leur essence, la répose est très facile. On ne veut pas payer plus cher notre essence, M. le Président. S'ils veulent nous la donner, on va la prendre. En ce sens, notre position a été très simple depuis le début. C'est que, comme acheteur, on veut payer le moins cher possible. Par conséquent, on n'est pas intéressé à ce que le citoyen québécois paie plus cher pour chauffer sa maison, paie plus cher pour conduire son automobile et par définition même, on est là pour défendre les intérêts des Québécois. C'est la première partie de la réponse.

M. Ryan: De la propagande!

M. Bérubé: La deuxième partie de la réponse, M. le Président, est que c'est le vendeur actuellement qui est en mesure de décider du prix auquel il est prêt à vendre son pétrole. C'est la deuxième partie. Dans ces conditions, nous avons insisté essentiellement sur un aspect au moins. C'est que la hausse doit être graduelle. Ce n'est pas possible pour un citoyen de supporter instantanément une augmentation subite du prix de l'essence à laquelle son budget, ses revenus ne sont pas capables de s'ajuster, de la même façon qu'un vendeur d'automobiles n'est pas capable, du jour au lendemain, de changer tout son stock

d'automobiles pour tenir compte du prix de l'essence. Il faut que ces ajustements soient graduels. Vous noterez que ce qui est annoncé par le gouvernement fédéral, c'est une hausse instantanée au prix international parce que là, finalement, tout le monde est d'accord pour dire qu'une hausse du prix international, c'était d'à peu près $0.30 le gallon. Le député d'Outremont l'a publié dans un article dans le Devoir. Tout le monde est d'accord là-dessus maintenant. Ce n'est plus $3 ou $4. L'Opposition s'est mise d'accord. Donc, ce que cela veut dire, c'est que nous avons tout simplement demandé au gouvernement fédéral une hausse graduelle. Quant à savoir ce que rerésente le gradualisme, il y a des hypothèses.

Maintenant, la deuxième partie de la question porte sur le type de relations qui ont prévalu entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral. Je dois dire à cet égard qu'il y a eu des échanges au niveau des fonctionnaires qui, à mon point de vue, ont été satisfaisants, en ce sens qu'il y a eu un changement radical dans l'attitude des fonctionnaires à Ottawa, en ce sens qu'ils ont indiqué à leurs contre parties provinciales les éléments de ce que pourrait être une politique fédérale énergétique. Cependant, lorsque j'ai demandé à rencontrer le ministre de l'Energie, il m'a été pratiquement impossible de le rencontrer. Je n'ai pu le rencontrer, en fait, qu'une semaine — un peu moins même — avant la conférence des premiers ministres, justement en vue de préparer cette conférence des premiers ministres. Ce qui s'est produit — d'ailleurs, le Québec n'est pas la seule province à s'être plaint de cette situation — c'est que très peu de provinces ont eu l'occasion de pouvoir s'asseoir avec le gouvernement fédéral et d'en discuter. Il n'y a eu que l'Ontario et l'Alberta en pratique, ce qui veut dire que nous avons été mis de côté en ce qui a trait au processus politique de discussions préliminaires à la préparation du budget. Donc, première observation. (10 h 50)

Comme gouvernement, ce n'est vraiment que lors de la rencontre que j'ai eue avec Hnatyshyn, rencontre qui était demandée depuis des mois, qu'il a été possible pour moi, effectivement, d'aborder cette question, ce qui fait que la véritable première proposition officielle du gouvernement du Québec a été à la conférence des premiers ministres, 4 à ce moment-là, puisqu'il n'avait pas été possible d'en discuter précédemment. Je dois dire qu'il y a eu des échanges entre les fonctionnaires, entre l'administration, ce qui nous a permis d'avoir des indications, mais chaque fois qu'on a voulu discuter à fond de la question, on a été plutôt évasif. On a souligné que c'étaient des hypothèses, que peut-être que oui, peut-être que non. Par conséquent, le gouvernement ne pouvait certainement pas s'opposer à quelque chose qui était purement hypothétique. Ce n'est que graduellement qu'on a vu poindre de façon beaucoup plus claire la position fédérale.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je répète ma question, parce que je n'ai pas compris la réponse. C'est très difficile quand le ministre parle de distinguer la propagande des faits et des informations objectives. Est-ce qu'au cours de toutes ces conversations, de toute ces démarches épuisantes que le ministre a faites, il a laissé quelque part des traces écrites sur lesquelles on pourrait s'appuyer pour essayer de mieux comprendre sa pensée et sa politique, des traces écrites officielles? Le ministre est allé représenter le Québec à la conférence des premiers ministres. Est-ce qu'il y avait à ce moment-là un document énonçant la politique du Québec? C'est bien beau de se faire dire, comme un élève de première d'économique, que c'est le vendeur qui détermine le prix. On n'a pas besoin d'être élu dans cette Chambre pour savoir cela. On le sait depuis longtemps. Je demande au ministre: Est-ce qu'il avait autre chose à dire que ces âneries quand il est allé à la conférence fédérale-provinciale?

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: Je regrette, M. le Président, d'avoir assisté une fois de plus à de la provocation de la part du chef d'un parti qui manifeste une arrogance méprisante pour tous les travaux de l'Assemblée nationale, qui fausse toutes les questions et qui est incapable de mener un débat correctement.

M. Ryan: M. le Président... Une Voix: ... jamais de réponse.

M. Ryan: ... je répète que j'ai posé une question précise à laquelle j'aimerais avoir une réponse. Si le ministre n'a pas de réponse à donner, qu'il le dise: Je n'ai pas de texte à produire. Nous le saurons, c'est tout.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président. Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je le répète, je comprends que le chef de l'Opposition soit de mauvaise humeur après les contradictions absolument flagrantes qu'il y a eu hier soir sur une des lois les plus importantes de la session, mais il reste...

Une Voix: M. le Président.

M. Lévesque (Taillon): ... une chose, c'est qu'on n'a pas le droit de perdre la mémoire en trois minutes. J'ai dit au député d'Argenteuil que le texte approuvé par le gouvernement — c'est pour cela que le ministre ne l'a pas répété; peut-être qu'il faut répéter quatre fois la même chose pour qu'on comprenne en face — le texte officiel, approuvé par le gouvernement, de l'intervention québécoise à la conférence sur l'énergie au mois de décembre serait fourni à l'Opposition. Elle

pourra le lire, c'est un texte officiel de la position du gouvernement du Québec.

Le Président: M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Question additionnelle, M. le Président. Le problème de ce document, M. le Président, c'est que la conférence a eu lieu le 12 novembre. C'est tout à fait exact qu'on n'a jamais vu la position du gouvernement. Est-ce qu'il serait possible... Est-ce que le premier ministre nous dit que cela va être disponible? Est-ce que cela va être distribué en Chambre? Est-ce que cela va nous être transmis?

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai dit tout à l'heure que ce texte, qui n'a rien de mystérieux — il a été prononcé publiquement à la conférence et il a même été débité à la télévision, je pense, à haute et intelligible voix — sera disponible pour l'Opposition, si possible, Seigneur! pour essayer de voir si elle peut finir par être pour, contre ou à moitié contre le budget fédéral et les plaies qu'il inflige à la vie quotidienne des Québécois le plus vite possible.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Juste un petit complément très bref, M. le Président. Est-ce que je pourrais obtenir du premier ministre...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: ... l'assurance qu'au cours de la journée il nous fera tenir copie de tous les documents pertinents qui pourront nous éclairer en vue de la préparation du débat de demain, y compris copie du télégramme qu'il a reçu, d'après ce que les journaux nous disent ce matin, du premier ministre Clark et dont nous n'avions pas entendu parler avant que les journaux ne nous le dévoilent ce matin?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président. C'est pour cela que tout à l'heure, dans la troisième partie de ma réponse, j'ai dit que pour éviter de risquer d'oublier des choses pertinentes, je me donnais, au plus tard, jusqu'à demain matin pour également rendre disponibles des choses additionnelles qui sont arrivées. Il y a le télégramme en question. Il y a également peut-être autre chose. Je ne voudrais pas oublier quelque chose pour me le faire reprocher après, c'est tout.

M. Lavoie: M. le Président...

Le Président: Question principale, M. le député de Laval.

Grève à Hydro-Québec

M. Lavoie: ... relativement à la grève d'Hydro-Québec qui affecte de très nombreux contribua- bles du Québec, ma question aurait deux volets. Est-ce que le premier ministre pourrait faire le point sur la situation et sur la médiation qui se déroulait dans la journée d'hier? J'imagine qu'il demandera à son ministre des Ressources de nous donner, encore une fois, la couleur du temps, mais est-il exact qu'il y a aujourd'hui, au moment où je vous parle, 180 pannes au Québec, affectant 6300 abonnés, dont 110 durent depuis au-delà de deux jours, douze pannes majeures qui affectent 3800 abonnés, qui durent depuis huit à dix jours? Dans la région de la Beauce, où il y a des éleveurs d'animaux, des propriétaires de porcheries, il y a cinq paroisses affectées où, si les pannes ne sont pas rétablies sans délai, on devra procéder à l'abattage des animaux. Egalement, dans la ville de Laval, tout le centre-ville est en panne depuis au-delà de deux jours — cela fera trois jours à 23 heures ce soir — affectant une centaine de magasins, une quinzaine d'usines, 3500 emplois des ateliers protégés. Est-ce exact et est-ce que le gouvernement entend prendre ses responsabilités?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, si on me le permet, je demanderai d'abord au ministre de l'Energie et des Ressources qui, au jour le jour et presque d'heure en heure a des gens qui suivent la situation, de préciser, peut-être en rectifiant au besoin certaines des choses qui ont été dites par le député de Laval et en confirmant celles qui sont exactes, la couleur du temps comme le député l'a dit. Après tout, comme il s'agit d'une médiation et que la médiation, comme la conciliation, c'est la responsabilité directe du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre et de ses hauts fonctionnaires, je demanderais au ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre de nous dire l'état de la situation concernant la médiation et les espoirs très sérieux que nous nourrissons aujourd'hui même. Si le ministre de l'Energie voulait...

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: La réponse va être très simple en l'occurrence. Je dirais que c'est essentiellement vrai, ce que le député de Laval a indiqué; ce serait les chiffres que j'aurais donnés à cette Assemblée. Vous remarquerez qu'il n'y a pas eu de clameurs de notre part. Vous avez pu réciter votre texte au complet sans qu'on vous interrompe. Je pense que c'est un changement notable; c'est beaucoup plus agréable, d'ailleurs, pour l'oreille, d'une part. Donc, il y a un seul point de différence, M. le Président, et je pense que c'est quand même important de le souligner. Dans les pannes qui durent depuis plus de deux jours, il y en a effectivement 110 qui affectent 1700 abonnés. Ce qu'il est important, cependant, de souligner, c'est qu'en fait, sur ces 110 pannes, il y en a 27 qui affectent 195 abonnés qui résident dans leur maison principale. Donc, la différence entre 110 et 27, ce sont des pannes qui affectent des résidences secondaires,

des chalets, donc des choses moins essentielles. Dans ce cas, le syndicat se traîne les pieds, peut-être avec assez de justification, et ne fait pas les réparations rapidement. Essentiellement, on peut parler non pas de 110 pannes qui affectent 1700 abonnés depuis 24 heures, tout le monde étant dans le froid en train de grelotter, mais il faudrait plutôt dire 27 pannes qui affectent 195 abonnés où là, effectivement, les gens souffrent, à mon avis, inutilement parce que c'est trop long.

Mais il faut quand même souligner, que, lorsqu'on regarde les statistiques que je donne quotidiennement, chaque fois qu'il m'est posé une question, que le nombre de pannes diminue. Aujourd'hui, c'est 180, c'est moins qu'hier. En d'autres termes, cela veut dire que le syndicat fait un effort réel pour essayer de réparer. Ce n'est pas toujours facile dans le froid, dans la situation que l'on connaît présentement, de réparer une panne instantanément. (11 heures)

Même en temps normal, quand il n'y a pas de grève, il y a des pannes au Québec de plus de deux jours, ce qui veut dire qu'il y a un certain nombre de ces pannes qui sont éminemment difficiles à réparer et qui auraient pris plus d'une journée, de toute façon. Je dois dire que le syndicat semble manifester une volonté de réparer. Je dois dire que chaque fois qu'on communique avec mon cabinet et qu'à la suite de cela nous communiquons avec le comité provisoire, on me signale en général que le syndicat répare en dedans de quelques heures les pannes en question. Ce n'est pas que je cherche à excuser, à ne pas insister sur le fait que pour 195 abonnés, être dans le noir et dans le froid depuis deux jours n'est pas pénible, ce n'est pas cela que je veux dire. Je ne voudrais pas non plus que l'on accuse le syndicat de ne pas faire un effort quand il en fait un réellement.

Le Président: M. le député de Laval. M. Lavoie: Question additionnelle.

M. Garon: M. le Président, c'est parce que le député de Laval a dit qu'il y avait cinq éleveurs de porcs...

M. Lavoie: Cinq paroisses affectées.

M. Garon: Vous avez dit cinq éleveurs de porcs, que les porcs devraient aller à l'abattage. Est-ce que je peux demander au député de Laval de fournir les noms des cinq éleveurs de porcs...

Une Voix: Quelle paroisse?

M. Garon:... avec leur endroit de résidence et on va s'en occuper immédiatement.

M. Lavoie: M. le Président, je vais laisser la parole au député de Beauce-Sud pour répondre à cette question du ministre.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: M. le Président, effectivement, il y a cinq paroisses qui sont affectées: La Guadeloupe, Saint-Ephrem, Saint-Evariste, Saint-Victor et Courcelles, et il y a beaucoup plus que cinq éleveurs de porcs. Je pourrais lui en citer 25 à 30, de mémoire, si ce n'est pas abuser du temps de la Chambre. Je crois qu'il y a urgence à la situation. Voulez-vous que je vous en cite, M. le Président? M. Henri-Louis Lapointe, de Saint-Victor, MM. Noël et Jean-Marie Tardif, de Saint-Victor, M. René Plante, de Saint-Ephrem, M. François Hamel, de Saint-Ephrem. Je pourrais continuer la liste. Je ne suis pas préparé. Disons, etc.

Le Président: M. le député de Laval.

M. Lavoie: M. le Président, étant donné que le ministre de l'Agriculture n'a pas de question additionnelle...

M. Lévesque (Taillon): M. le Président... Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): ... le député de Laval m'avait posé une question à deux volets, parfaitement normaux, d'ailleurs. L'un sur la couleur du temps, c'est-à-dire, hélas, sur les problèmes que créent la grève et les pannes, et l'autre sur la médiation. J'avais offert une réponse du ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre sur la méditation. Je crois que ce serait préliminaire.

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, je comprends que cela peut sembler excédant pour les membres de l'Assemblée d'avoir l'impression que c'est toujours un peu la même ritournelle, quand on parle de ce qui se passe à une table de négociation. C'est malheureusement comme cela que cela se passe. On n'a pas encore trouvé de mécanisme magique qui permette, simplement par la volonté ou un souhait vague ou un crochet descendant des nuages, de régler ces problèmes. Ceci dit, les deux médiateurs assistés du sous-ministre et du directeur des relations de travail du ministère, jusqu'aux petites heures ce matin, vers 5 ou 6 heures, s'affairaient à faire la proposition ou la recommandation qui sera remise aux parties à 14 heures cet après-midi. Donc, le syndicat ou les syndicats et Hydro-Québec ont été convoqués pour 14 heures au bureau du ministère à Montréal. On leur remettra alors les textes qu'on s'affaire à finaliser ce matin et à imprimer; il faut beaucoup de copies parce que les parties sont très nombreuses. On s'affaire en ce moment à finaliser, donc, ces recommandations. Je souhaite, évidemment, M. le Président, que la sagesse, l'expérience et particulièrement l'impartialité des hommes qui sont dans ce dossier pour mon ministère permet-

tent d'en arriver à un règlement puisqu'ils s'inspireront des principes généraux dont s'inspirent les médiateurs, c'est-à-dire, les mandats des parties, la possibilité de faire avancer les contenus. Finalement, je souhaite qu'advenant un refus par certaines des instances d'un côté ou de l'autre, on ait l'assurance que les représentants iront devant leurs membres d'un côté comme de l'autre, c'est-à-dire devant le conseil d'administration dans le cas des négociateurs de l'Hydro, et devant l'ensemble des travailleurs dans le cas des représentants syndicaux.

Le Président: M. le député de Laval.

M. Lavoie: Le premier ministre comprendra que cela est bien beau de vivre d'espoir et d'espérance de jour en jour. Est-ce que demain matin, lorsque nous reviendrons à la période de questions, on se fera dire encore que nous avons des bons espoirs que la médiation qui continue...

M. Johnson: M. le Président, si vous me permettez, j'ai bien dit...

M. Lavoie: Oui, cet après-midi.

M. Johnson: Je comprends qu'il y avait peut-être un peu de bruit en face, pour une raison que je ne comprends pas, mais j'ai bien dit qu'elle se terminait cet après-midi cette médiation. A 14 heures cet après-midi, MM. Crevier, Tremblay, Blain et Désilets remettront aux parties leurs recommandations qui devraient être en fait un rapport global sur l'ensemble des points en litige dans cette convention collective et qui devrait faire l'objet, normalement, nous le souhaitons, d'une acceptation des deux parties.

M. Lavoie: M. le Président.

Le Président: M. le député de Laval.

M. Lavoie: Nous souhaiterions que, durant la séance d'aujourd'hui, peut-être vers 18 heures, avant la suspension des travaux, le ministre nous donne le résultat de cette médiation, de la proposition qui sera déposée à 14 heures cet après-midi. Est-ce que le ministre pourrait s'engager à nous faire une déclaration cet après-midi, à la suite du dépôt de ce rapport, et cela, avant la suspension des travaux à 18 heures?

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: M. le Président, je n'ai aucune objection à faire un état succinct évidemment du rapport de médiation qui sera une brique considérable, parce que cela porte sur beaucoup de choses, à la condition, cependant, M. le Président, d'une part que ce ne soit pas un précédent et deuxièmement, que cela ne donne pas lieu à un débat.

M. Lavoie: J'aurais une dernière question.

Le Président: Une dernière question, M. le député de Laval.

M. Lavoie: Mon dernier appel pour que le gouvernement prenne ses responsabilités dans ce dossier, concernant, entre autres, les services essentiels. Est-ce que le gouvernement est prêt à modifier, aujourd'hui même, l'autorité en ce qui concerne les services essentiels, que cela ne soit pas confié uniquement aux syndiqués?

Deuxièmement, est-ce que le premier ministre, en prenant ses responsabilités, pourrait s'impliquer autant dans ce dossier d'Hydro-Québec que lorsque le gouvernement s'est impliqué pour accepter des augmentations de tarifs d'électricité de 70% sur une période de quatre ans?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, depuis quelque deux mois, deux mois et demi, je pense qu'on s'implique autant qu'un gouvernement peut le faire jusqu'à la limite de ses forces dans les conflits qui se déroulent. Je ferai remarquer au député de Laval que, tenant compte du fait que tout a refoulé jusqu'au Front commun, ce qui était probablement inévitable, possiblement, sauf des exceptions — s'il y a des exceptions, tant pis, on reprendra cela tout de suite après le début de l'année — tout l'essentiel de cette ronde — ces infernales négociations qui reviennent tous les trois ans — aura été réglé, pour la première fois, espérons-le, avant Noël, c'est-à-dire en dedans de six mois alors que les minimums qu'on avait avant, en 1972, 1975 et 1976, c'était 18 à 24 mois. On fait ce qu'on peut, on n'a pas trouvé de recette magique, mais il y a quand même une sacrée amélioration.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: Une courte question additionnelle, M. le Président, au ministre du Travail concernant le conflit d'Hydro-Québec. Il y a quelques semaines, le ministre du Travail avait eu des plaintes très sévères à l'endroit de l'attitude des chefs syndicaux, non pas des travailleurs, en disant: II me semble que le syndicat n'a pas de volonté réelle de négocier dans ce conflit. Est-ce que, maintenant, au cours des derniers jours, le ministre peut nous dire que l'attitude des négociateurs du syndicat est meilleure qu'elle ne l'était au début? Est-ce qu'il est satisfait de cette attitude? Y a-t-il une volonté de négocier de la part du syndicat maintenant?

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: Ecoutez, dans le fond, quand on est rendu au stade d'une médiation qui débouche sur une recommandation des médiateurs, il n'y a,

en pratique, plus de place pour la négociation, à moins que les parties, de part et d'autre, s'entendent pour tout remettre en cause et parapher tous les textes de la convention collective. Mais à partir du moment où j'ai nommé les médiateurs, la semaine dernière, il était entendu que ce à quoi nous assisterions à compter de lundi matin, c'était que la partie patronale et la partie syndicale, en pratique, seraient obligées de déballer l'essentiel de leur demandes et qu'à partir de cela mes médiateurs faisaient et formulaient une recommandation qui, évidemment, ne pourra pas donner à 100%, même pas sur l'ensemble des points, raison ou aux demandes syndicales ou aux exigences patronales. Mais ils essaient de trancher du mieux qu'ils peuvent entre ces positions qu'on espère être dans le cadre de la médiation toujours, la position ultime du syndicat et de la partie patronale. (11 h 10)

Je pense que cet exercice qui a duré près de 48 heures avec les parties, plusieurs heures chaque journée de lundi et mardi, ainsi que très tard dans la soirée mardi, avec le syndicat, ce sera la base de ce qui permettra à 14 heures cet après-midi à nos deux médiateurs de déposer une recommandation finale qui devrait faire l'objet d'un règlement.

Le Président: M. le député de Bellechasse

Zonage agricole et aménagement du territoire

M. Goulet: Merci, M. le Président. Lors des débats de première, deuxième et troisième lecture, et même en commission parlementaire, du projet de loi qui est maintenant devenu la loi no 125, nous avons manifesté notre regret de l'absence de toute modalité sur l'harmonisation des deux politiques gouvernementales. A la fin des travaux, le ministre a déposé une proposition détaillée et fort attendue sur l'harmonisation du zonage agricole et l'aménagement du territoire. Cette proposition se trouve à l'intérieur de ce document signé par le ministre d'Etat à l'Aménagement du territoire.

Ma question s'adresse à ce ministre. Je voudrais savoir s'il partage les propos du premier ministre et du ministre de l'Agriculture quand ils affirment que ce document n'a à peu près pas de valeur exécutoire et qu'il n'engage en rien le gouvernement parce que ce n'est pas un document officiel. En effet, l'un soutient que ce document est un document personnel déposé par le ministre et qu'il n'a rien d'officiel et l'autre parle d'une quelconque formule d'harmonisation.

Je voudrais savoir du ministre d'Etat à l'Aménagement du territoire s'il est d'accord avec ces propos. Comment concilier les propos de son chef, le premier ministre, et ceux de son collègue à l'Agriculture avec les propos qu'il a lui-même tenus concernant ce document?

Le Président: M. le ministre d'Etat à l'Aménagement du territoire.

M. Léonard: Ce qui a été déposé à l'Assemblée nationale, c'est la déclaration ou une proposition du 21 décembre dernier qui émanait du Conseil des ministres. J'ai dit, lorsque j'ai déposé le document sur l'harmonisation, que c'était un document d'explicitation de cette proposition qui était en consultation parmi la population et que chacun aurait à donner son opinion par rapport au document. Nous avons entendu différentes opinions, nous en attendons d'autres avant de procéder plus avant dans cette harmonisation.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: En déposant le projet de loi no 125 en décembre dernier, le ministre avait donné un certain nombre d'indications, comme il vient de le dire, aux municipalités quant au rôle qu'elles joueraient à cet égard. Selon ce document, il serait possible aux municipalités régionales de s'impliquer directement dans la gestion de la loi de la protection du territoire agricole. Ceci a eu pour effet de soulever un tollé de protestations en provenance de certains groupes dont les agriculteurs réunis à Québec, en fin de semaine, lors du congrès de l'UPA, protestations que le premier ministre a tôt fait d'apaiser en déclarant ce qui suit: "A aucun moment la primauté de la loi 90 assurant la protection des terres agricoles québécoises ne sera entachée par une quelconque formule d'harmonisation entre les lois touchant le zonage et l'aménagement du territoire."

A la suite de cela, le ministre de l'Agriculture, en réponse à une de mes questions en commission parlementaire la semaine dernière, disait à peu près ceci au sujet de la formule d'harmonisation: "La formule d'harmonisation a été déposée par le ministre d'Etat à l'Aménagement comme un document personnel. C'est un document personnel du ministre. Il ne l'a pas présenté comme un document officiel, il l'a présenté comme un document personnel". Je lui disais, et je cite encore très brièvement, M. le Président, puisque c'est notre première question: "D'après ce qu'il nous a dit — parlant du ministre d'Etat à l'Aménagement du territoire — tout le monde était d'accord", ce à quoi le ministre de l'Agriculture a répondu: "Voyons donc!" Voulant dire: Nous n'étions pas nécessairement d'accord.

J'aimerais savoir du ministre d'Etat à l'Aménagement du territoire comment il peut concilier les propos que je viens de citer, ceux du premier ministre et du ministre de l'Agriculture, avec ses propos dans ce document où il dit: "Je déposais à l'Assemblée nationale, en même temps que le projet de loi sur l'aménagement et l'urbanisme, une déclaration adoptée par le Conseil des ministres pour fins de consultation. J'ai donc résolu de préparer une proposition plus détaillée de cette déclaration d'harmonisation et d'en faire la diffusion. Ce document reprend cette proposition de manière plus précise en la faisant précéder d'un bref résumé." C'est signé du ministre d'Etat à l'Aménagement du territoire, Jacques Léonard.

J'aimerais savoir comment le ministre peut concilier les propos qu'il a lui-même signés dans ce document et ceux de ses deux collègues.

Le Président: M. le ministre d'Etat à l'Aménagement du territoire.

M. Giasson: C'est de la bouillie pour les chats!

Une Voix: C'est bien vrai.

M. Léonard: Est-ce que le poulailler a fini? Des Voix: Oh!

Le Président: M. le ministre d'Etat à l'Aménagement du territoire.

M. Bérubé: Ecoutez donc les réponses! Une Voix: Envoyez-leur une poche de grain!

M. Léonard: Cela demeure toujours une proposition sur la table et le document qui a été déposé est une explicitation de cette proposition qui est toujours en consultation, M. le Président.

Je vais simplement rappeler quand même des choses: la loi 125 a été sanctionnée le 21 novembre dernier seulement. Il n'y a aucune municipalité régionale de comté qui fonctionne à ce jour; aucune n'a de lettres patentes. Donc, ce n'est pas une urgence. Par ailleurs, j'ai toujours dit, et je l'ai dit même au cours du débat sur la loi 90, que la protection des terres agricoles était une urgence nationale pour les Québécois et qu'il était important qu'on les protège par la loi 90. Tout le monde est d'accord là-dessus, il n'y a aucun doute, et moi aussi, je suis d'accord. Ne vous faites pas de fausse joie là-dessus, l'Opposition; je suis d'accord là-dessus.

La proposition qui est sur la table vise à donner des responsabilités aux municipalités régionales de comté, sous la protection de la Commission de protection du territoire agricole en ce qui concerne la protection du territoire agricole. On ne peut pas penser qu'un jour ou l'autre on va arrêter de protéger le territoire agricole; c'est une nécessité. Je pense qu'au fur et à mesure que les municipalités régionales de comté s'implanteront on verra à ce moment-là, on pourra expliciter davantage cette proposition d'harmonisation, mais il est sûr qu'elle ne peut pas s'appliquer dès maintenant puisque aucune municipalité régionale de comté, n'a de lettres patentes.

M. Goulet: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Suite à la réponse nationale du ministre, je ne suis pas d'accord avec le ministre lorsqu'il dit que c'est seulement une proposition et lorsqu'il dit: "C'est une déclaration adoptée par le Conseil des ministres que je veux expliciter davantage", et c'est lui-même qui a signé ces propos.

M. le Président, je voudrais savoir très brièvement qui a raison dans cette équipe; parmi ces trois personnages que j'ai nommés, qui dit vrai? lequel des trois doit-on écouter? lequel est prioritaire et pourquoi varier les réponses et les propos selon les auditoires devant lesquels on se trouve, selon que ce sont des gens des municipalités ou encore des gens du monde agricole? Pourquoi deux ministres soutiennent-ils une thèse contraire aux propos qu'a signés le ministre parrain du projet de loi sur l'aménagement du territoire? Pourquoi des propos différents selon l'auditoire devant lequel on se trouve?

Le Président: M. le ministre d'Etat à l'Aménagement.

M. Léonard: M. le Président, je vais simplement rappeler une chose: il s'agit là d'une proposition qui est soumise à la consultation, qui est discutable. Je pense qu'on donne des explications; on a toujours donné les mêmes, en tout cas. M. le député peut dire ce qu'il veut, il reste que c'est une proposition qui est soumise à la consultation. Il n'y a rien de contradictoire dans tout ce qui a été dit là-dedans.

M. Grenier: M. le Président...

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton.

Négociations avec les enseignants

M. Grenier:... ma question s'adresse au ministre de l'Education. J'aimerais attirer l'attention du ministre sur ce que nous avons ce matin dans les journaux, à savoir que le gouvernement aurait voulu qu'à partir du 21 décembre les Québécois parlent de la question qui sera déposée, mais il semble qu'on parlera d'un autre sujet qui est fort important, soit la grève qui se prépare à la CEQ. Dans un court résumé, ce matin, on dit: Les négociations sont suspendues aux tables d'enseignants des CEGEP, la partie patronale ayant fait savoir qu'elle n'a plus rien à offrir, ni rien à dire. De leur côté, les enseignants s'apprêtent à demander à leurs membres des mandats d'action qui pourraient être de déclencher la grève vers la fin de janvier.

On voit ici une pleine page de publicité qui est faite et qui dit: Un non massif du 29 novembre est resté sans écho; donnons-nous les moyens de la lutte. Nous avons voté contre les offres, votons maintenant pour la grève.

J'aimerais savoir du ministre de l'Education si ce qui nous est rapporté se rapproche de la vérité

et, si oui, quelle est son action en vue de prévenir cette grève éventuelle qui nous attend pour la mi-janvier.

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je ne sais si la question du député de Mégantic-Compton porte sur les collèges ou les niveaux de l'école primaire et secondaire. Commençons, s'il le veut bien, par les collèges. Effectivement, nous nous étions mis d'accord avec les représentants de la Fédération nationale des enseignants du Québec aux tables de négociation. Par la suite, il y a eu consultation des différents syndicats membres de la FNEQ et le vote a donné, en faveur de nos offres, et des ententes auxquelles nous en étions venus aux tables, une majorité de trois collèges. (11 h 20)

Le résultat, si ma mémoire est bonne, a été 21 à 18. Toutefois, en additionnant le nombre de votes dans l'ensemble des collèges, on s'est rendu compte que sur environ 4000 votants, il y avait une majorité de 148 membres des syndicats qui se prononçaient contre les offres. Les règles syndicales déterminées par ce groupement de syndicats qui forment la FNEQ prévoient que la majorité doit être acquise dans les institutions et chez les enseignants, de sorte qu'à l'heure actuelle, on se trouve dans une impasse. Une majorité de collèges accepte mais une légère majorité d'enseignants refuse. Dans les circonstances, M. le Président, nous estimons, du côté gouvernemental, avoir mis sur la table tout ce que nos mandats nous permettaient d'y déposer. Toutefois, j'ai indiqué à la FNEQ que nous étions prêts à rencontrer ses négociateurs pour voir s'il est possible — ils nous l'avaient demandé d'ailleurs — de concrétiser dans les textes certaines des offres qui avaient été faites et acceptées. Les "écritures" — comme on le dit en termes de négociations — ne sont pas tout à fait complétées et nous avons déclaré que nous étions prêts à rencontrer la FNEQ pour ce faire.

Le Président: Merci.

M. Grenier: M. le Président...

Le Président: Une dernière question, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier:... je sais que nous étudions présentement en commission parlementaire le projet de loi 71. J'ai eu l'occasion de rapporter au ministre les difficultés qui étaient causées à la CEQ relativement aux articles 48 qui portent les numéros 480 et 484. Ils font — semble-t-il — partie des négociations et il semble que M. Gaulin, qui nous a contactés, trouve que cette loi, d'abord, est un "melting pot". Le ministre a admis que parmi les groupes qui ont été impliqués dans l'étude de cette loi, seule la CEQ n'a pas participé à la préparation de la loi que nous avons devant nous. J'aimerais savoir si le ministre serait prêt à retirer cet article 48 afin de permettre à la CEQ de pouvoir partager l'étude de cette loi avec nous.

Le Président: M. le ministre de l'Education.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, le projet de loi no 71 n'est pas — pour employer l'expression du député — un "melting pot". C'est un ensemble de dispositions qui organisent dans chaque école un conseil d'orientation facultatif qui définit plus précisément qu'auparavant les compétences et les responsabilités des commissions scolaires, qui définit également les objets de consultation obligatoire auprès des comités de parents ou d'école de la part des commissions scolaires. Il y a donc là un ensemble cohérent de dispositions qui découlent du livre vert et de la consultation qui a fait suite à la publication de ce document.

M. le Président, la CEQ a été invitée par lettre, au mois d'avril, à participer au comité au sein duquel se sont retrouvés tous les agents de l'éducation qui ont participé à la rédaction du projet de loi. La CEQ a refusé quatre mois plus tard — il a fallu quatre mois pour que nous obtenions sa réponse par écrit — a refusé absolument de participer au comité. Elle nous disait dans sa lettre que la CEQ n'acceptait pas la notion de projet éducatif de l'école, ni non plus le conseil d'orientation où l'on retrouverait des enseignants, des parents et les administrateurs de l'école. L'attitude de la CEQ porte sur le fond du projet. Malheureusement, comme ils ont refusé de participer à la rédaction, je ne puis être injuste envers tous les organismes qui, eux, ont accepté, pendant des mois, de participer, semaine après semaine, à l'élaboration de ces articles. Je ne puis me montrer injuste et donner la préférence à un organisme qui a été invité à participer et qui a refusé carrément notre invitation.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

Jugement de la Cour suprême sur le chapitre III de la Loi sur la langue française

M. Ryan: M. le Président, ainsi que vous le savez, une cause très importante était à l'étude à la Cour suprême du Canada. Cette cause portait sur la validité constitutionnelle du chapitre III de la loi 101 sur la langue française, faisant de la langue française la seule langue officielle des tribunaux et de l'Assemblée nationale du Québec.

Cette loi avait été contestée en même temps qu'une contestation était instituée contre une célèbre loi manitobaine, remontant à la fin du siècle dernier, supprimant les droits et privilèges de la langue française dans les institutions publiques du Manitoba. Or, la Cour suprême a rendu son jugement ce matin, à l'unanimité des neuf juges qui ont composé le banc d'audition, en l'occurrence, elle a décidé que le chapitre contesté de la loi 101 était inconstitutionnel, de même, d'ailleurs, que la loi du Manitoba, qui avait été contestée par un M. George Forest de Saint-Boniface. Devant cette décision de la Cour suprê-

me — au passage, je souligne que le juge en chef de la Cour supérieure du Québec s'était prononcé dans le même sens. Son jugement avait été ratifié à l'unanimité par un banc de sept juges de la Cour d'appel du Québec, et maintenant, c'est la voix de neuf juges de la Cour suprême qui vient s'ajouter à ce dossier — je voudrais demander au premier ministre d'abord, s'il entend au cours de la présente journée donner à la Chambre une occasion d'en discuter et deuxièmement, quelles mesures a prévues ou entend prendre au cours des jours ou des semaines à venir — je n'en sais rien — son gouvernement, pour donner suite au jugement rendu par le plus haut tribunal du pays.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Très brièvement, M. le Président, nous venons d'apprendre — comme il était prévu, d'ailleurs, qu'on l'apprendrait aujourd'hui — par télex, la teneur du jugement de la Cour suprême. Le leader parlementaire du gouvernement pourra, dans les heures qui viennent — parce qu'il faut tout de même avoir le temps de faire exam iner ce jugement par les juristes — sûrement, aussi tôt que possible, pourra donner à l'Opposition toute la procédure qui sera probablement nécessaire au point de vue législatif et dans les plus brefs délais, pour donner suite à ce jugement qui, comme l'a souligné le chef de l'Opposition, prétend redresser une situation après 80 ans au Manitoba, alors que les forces assimilatrices ont eu tout le temps de faire l'érosion de la population francophone dans l'ouest, mais après deux ans, d'une façon extrêmement pressée, veut nous imposer et nous impose le même genre de redressement dans un contexte où je ne vois nulle menace, nulle part, pour la minorité anglophone du Québec.

Le Président: Fin de la période des questions.

M. Levesque (Bonaventure): ...permet. Le premier ministre vient de confirmer à cette Chambre qu'il va prendre des mesures qui nous seront annoncées par le leader parlementaire du gouvernement, relativement aux correctifs nécessaires. Est-ce que le premier ministre peut informer cette Chambre s'il avait — parce que, comme il s'attendait à un jugement aujourd'hui — pris ou si son gouvernement avait pris des mesures nécessaires pour préparer des projets de législation et un certain cheminement ou certaines options? Peut-il nous faire part de ses préparatifs quant au projet de loi qu'il a envisagé, au cas où la décision serait celle que l'on vient d'apprendre? Autrement dit, est-ce que le premier ministre est satisfait, de par ses conseillers juridiques et particulièrement du jurisconsulte du gouvernement, est-il bien satisfait que l'on peut, dans les heures qui viennent, éviter un trou juridique important, parce qu'il s'agit de quoi? De 150, 200 ou 250 lois déjà passées par cette Assemblée nationale. Est-ce qu'il est sûr que nous pouvons, avec toute la collaboration de part et d'autre, être assurés à ce moment-ci que l'on peut, d'ici quelques heures ou d'ici la fin de semaine, d'après les conseillers juridiques — non pas ceux qui ont conseillé le ministre d'Etat au Développement culturel — je parle d'autres juristes sur lesquels on peut réellement se fonder. Est-ce qu'on peut être sûr, le gouvernement est-il sûr, le premier ministre est-il sûr que l'on peut prendre des mesures présentement qui évitent, justement, cette situation qui pourrait être absolument anar-chique?

Le Président: M. le premier ministre. (11 h 30)

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, très brièvement, je ferais remarquer au député de Bonaventure que les juristes et les autres conseillers qui ont accompagné la démarche du ministre d'Etat au Développement culturel se fondaient sur l'évolution de la réalité. Je pense que, comme avocat, le député de Bonaventure sait très bien que la loi et en particulier les vieilles lois constitutionnelles souvent désuètes sont bien en retard sur la réalité. On aura l'occasion d'en parler dans les heures ou les jours qui viennent, sûrement avant la fin de semaine. Je remercie d'avance l'Opposition officielle de cette coopération et de cette collaboration que nous offre, à l'avance, son leader parlementaire.

M. Levesque (Bonaventure): Avec les réserves qui s'imposent nécessairement.

M. Lévesque (Taillon): Je n'avais pas entendu de réserves quand le député de Bonaventure en parlait.

M. Levesque (Bonaventure): Selon les circonstances du moment.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): De toute façon, la réponse en ce qui concerne l'état de préparation vis-à-vis de ce jugement appréhendé — pour employer un adjectif qu'on a déjà entendu — nous paraît assez complet sauf qu'il faut tout de même — je pense que c'est le moindre bon sens— lire le jugement, qu'il soit lu par le jurisconsulte et son équipe avant qu'on puisse arriver devant l'Assemblée nationale avec quelque chose qui attache tous les fils, s'il y a des fils à attacher.

Le Président: Motions non annoncées.

M. Godin: M. le Président, question additionnelle.

Le Président: M. le député de Mercier, je regrette, mais la période de questions est expirée. Est-ce qu'il y a consentement?

Des Voix: Oui.

Le Président: II y a consentement, M. le député de Mercier.

Des Voix: Non. Non. Le Président: II n'y a pas consentement. Grève à Hydro-Québec (suite)

M. Garon: M. le Président, j'aimerais donner un complément de réponse, puisque j'ai fait appeler les cinq cultivateurs mentionnés tout à l'heure, pour vous dire ceci. L'électricité est rétablie à Saint-Ephrem. On m'a dit que cela fait déjà un bout de temps, une demi-heure. J'aimerais dire aussi que les trois cultivateurs en question, M. René Plante, de Saint-Ephrem, qui élève 2000 porcs, M. François Hamel, entre 1500 et 1600, et M. Marcel Bolduc 2000, ont tous trois des dynamos pour prendre la place de l'électricité quand il manque de courant. Je peux vous dire que, d'une façon habituelle, les cultivateurs qui ont des élevages de 2000 porcs, cela veut dire qu'ils ont un inventaire au-dessus de $100 000, prennent cette précaution. Dans le cas des deux autres, ils n'ont pas encore été rejoints par téléphone.

M. Mathieu: M. le Président, vous me permettez un complément de question.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Je comprends, mais je pense qu'aujourd'hui, cela serait inéquitable, M. le député de Beauce-Sud. Vous pourrez revenir demain, je vous reconnaîtrai demain.

Aux motions non annoncées.

M. Mathieu: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Je me sens vraiment lésé dans mes droits puisque le ministre est intervenu en réplique à ce que j'avais dit. Il me semble que...

Le Président: M. le député de Beauce-Sud, êtes-vous en train de nous dire que vous êtes lésé dans vos droits quand vous posez une question et qu'on lui apporte une réponse?

M. Mathieu: C'est que le...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de règlement.

M. Charron: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le Président. Il a été de jurisprudence constante ici dans cette Chambre — je n'ai pas à vous le rappeler, parce que vous savez tellement bien interpréter le règlement, que vous connaissez d'ailleurs très bien — alors qu'il y a un complément d'information apporté par un ministre, de permettre normalement une question additionnelle, surtout lorsque la réponse s'adresse, dans ce cas-ci, au député de Beauce-Sud. Lorsqu'il a soulevé la question de privilège, il a invoqué tout simplement ce droit. Je ne demande pas le consentement de la Chambre, parce que ce n'est pas nécessaire. Je pense que la jurisprudence est tellement bien établie dans ce cas-ci que je pense qu'on devrait permettre au député de Beauce-Sud de poser une petite, une très petite question additionnelle.

M. Charron: Sur la question de règlement.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je pense que vous venez de prendre une décision que doit accepter le député de Beauce-Sud et, même si le député de Bonaventure se transforme en dynamo pour dépanner son collègue de Beauce-Sud, je crois que votre décision doit prévaloir.

Le Président: Je voudrais tout simplement signaler qu'il est vrai que normalement — c'est arrivé même très souvent — je permets une question additionnelle quand un complément de réponse est apporté. Cela est tout à fait exact. De même, il est arrivé très souvent que je puisse permettre à un député d'ajouter une question additionnelle, comme cela a été le cas pour le député de Mercier tout à l'heure. Malheureusement, la période des questions s'est terminée à 11 h 28 et nous serons bientôt à 11 h 38. Je pense que demain je vous reconnaîtrai M. le député de Beauce-Sud.

M. le député de Johnson.

M. Bellemare: M. le Président, je ne voudrais pas que le député de Beauce-Sud soit lésé en étant accusé d'avoir faussé la vérité parce qu'il y a trois quarts d'heure que la question a été posée et il y a seulement une demi-heure que l'électricité est rendue. Le député de Beauce-Sud avait raison. Il n'a pas trompé la Chambre.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! Motions non annoncées.

A l'ordre, s'il vous plaît! Nous en sommes à l'enregistrement des noms sur les votes en suspens et il y a justement un vote en suspens. Cela va faire du bien à tout le monde. Qu'on appelle les députés.

Suspension à 11 h 37

Reprise à 11 h 45

Mise aux voix de la deuxième lecture du projet de loi no 17

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix de la motion présentée par le ministre d'Etat au Développement social, proposant que le projet de loi no 17, réimprimé, Loi sur la santé et la sécurité du travail, soit maintenant lu pour la deuxième fois.

Que ceux et celles qui sont pour cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Charron, Mme Cuerrier, MM. Bédard, Laurin, Morin (Sauvé), Parizeau, Marois, Landry, Léonard, Couture, Vaugeois, Bérubé, Mme Ouellette, MM. Clair, Vaillancourt (Jonquière), Gendron, Joron, de Belleval, Johnson, Chevrette, Duhaime, Lessard, Lazure, Léger, Tardif, Garon, O'Neill, Martel, Paquette, Gagnon, Marcoux, Rancourt, Bertrand, Fallu, Michaud, Proulx, Laberge, Guay, Laplante, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Bisaillon, de Bellefeuille, Dussault, Alfred, Marquis, Ouellette, Perron, Gosselin, Jolivet, Brassard, Godin, Lavigne, Mercier, Boucher, Beauséjour, Desbiens, Baril, Bordeleau, Charbonneau, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Lacoste, Bellemare.

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure), Caron, Vaillancourt (Orford), Forget, Lavoie, Mailloux, Blank, O'Gallagher, Picotte, Ciaccia, Raynauld, Lamontagne, Giasson, Rivest, Mme Chaput-Rolland, MM. Lalande, Mathieu, Dubois, Scowen, Marchand, Gratton, Pagé, Verreault, Springate, Biron, Brochu, Grenier, Goulet, Fontaine, Russell, Cordeau, Le Moignan.

Le Président: Que ceux et celles qui désirent s'abstenir, veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Tremblay.

Le Secrétaire: Pour: 63 — Contre: 33 — Abs-tions: 1

Le Président: La motion est adoptée. M. Fontaine: M. le Président.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. En vertu de l'article 34, j'aimerais demander au leader du gouvernement s'il a, comme moi, reçu ce matin un télégramme du Barreau du Québec et un autre du Conseil interprofessionnel qui demandent le retrait de l'article 274 du projet de loi no 17 et qui aimeraient être entendus en commission parlementaire. Est-ce que le ministre a l'intention de donner suite à ces demandes?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

Renvoi à la commission du travail et de la main-d'oeuvre

M. Charron: M. le Président, si vous me le permettez, je voudrais d'abord proposer de déférer le projet de loi no 17 à la commission du travail et de la main-d'oeuvre, et je fournirai ma réponse au député par la suite. (11 h 50)

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Avis à la Chambre

M. Charron: C'est donc au moment où se réunira cette commission, comme la Chambre vient d'en décider, et où elle abordera l'article 274 du projet de loi, que le député pourra, à ce moment-là, s'il choisit de le faire, se faire l'interprète de ceux qu'il vient de nommer ou alors de poser des questions au ministre quant à l'application de l'article 274.

M. Fontaine: Vous ne voulez pas qu'on les entende!

Le Président: Aux avis à la Chambre, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Je voudrais d'abord rappeler le menu de la journée qui peut peut-être être modifié. Comme l'a dit le premier ministre tout à l'heure, dès que le Conseil des ministres, cet après-midi, après avoir pris connaissance en détail du jugement de la Cour suprême, aura pris une décision, je remplirai l'engagement qu'a pris au nom du gouvernement le premier ministre et je communiquerai les détails de cette décision aux partis d'Opposition. Pour le moment, M. le Président, comme dirait la Cour suprême: The show must go on!" On va continuer avec le calendrier régulier des travaux de cette Assemblée.

J'indique donc pour aujourd'hui et dans l'ordre la deuxième lecture du projet de loi no 69, deuxième lecture du projet de loi no 72, du projet de loi no 78, du projet de loi no 48 et du projet de loi no 52. Dans l'ordre, les projets de loi appelés aujourd'hui seront les projets de loi nos 69, 72, 78, 48 et 52.

Je voudrais proposer, M. le Président, que la commission du travail et de la main-d'oeuvre, qui vient d'être saisie du projet de loi no 17, à la salle 81-A, et celle des affaires municipales, au salon rouge, sur le projet de loi no 57, puissent aux

heures prévues par le règlement de décembre, poursuivre leur travail et l'ordre qu'elles ont reçu de la Chambre.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

M. Grenier: M. le Président...

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: ... est-ce que le leader parlementaire pourrait informer cette Chambre à quel moment il entend appeler le projet de loi no 71 ? Cette semaine ou la semaine prochaine? Quand y a-t-il un trou?

M. Charron: Je n'en sais rien pour le moment. M. le Président, je regrette.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Je vous prierais d'appeler l'article 15 du feuilleton, s'il vous plaît.

Le Président: J'appelle maintenant la deuxième lecture du...

M. le leader parlementaire du gouvernement.

Questions inscrites au feuilleton

M. Charron: Excusez-moi, je pense que j'aurais eu le consentement au dépôt de certaines questions que j'ai oubliées au feuilleton; elles sont sur mon pupitre cela va prendre trois secondes. La question no 5 de M. Vaillancourt, la réponse provenant de certains ministères. Je fais motion pour que cette réponse soit considérée comme un dépôt de document, M. le Président.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Charron: Et je dépose le document. Le Président: Adopté.

M. Charron: La question no 6 de M. Gosselin, la réponse venant de M. Morin (Sauvé) et M. Lazure. Je réponds en leur nom, M. le Président.

Motion no 32 de M. Springate; je dépose le document au nom de M. Morin (Sauvé).

Veuillez appeler l'article 15 du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi no 69 Deuxième lecture

Le Président: Alors, j'appelle donc maintenant la deuxième lecture du projet de loi no 69,

Loi modifiant la Loi sur les parcs. La parole appartient à M. le ministre des Loisirs, de laChasse et de la Pêche.

M. le ministre.

Quelques secondes, M. le ministre, pour permettre aux députés de partir vers les commissions parlementaires.

M. le ministre, vous avez maintenant la parole.

M. Lucien Lessard

M. Lessard: Merci, M. le Président. Bien simplement et bien brièvement, le projet de loi no 69, Loi modifiant la Loi sur les parcs, 1977, a pour objet de prolonger de deux ans le délai prévu pour procéder à la classification des parcs de la Gaspésie, du mont Orford, des Laurentides et du mont Tremblant. Il s'agit d'un projet de loi technique qui n'apporte donc aucune modification significative à la loi adoptée en 1977 par l'Assemblée nationale. La Loi sur les parcs de 1977 avait, vous vous en rappelez, pour objet de constituer pour la première un véritable réseau de parcs nationaux au Québec.

Pourquoi un véritable réseau de parcs nationaux au Québec? Pourquoi un véritable réseau de parcs nationaux? Eh bien, M. le Président, à cause de la désuétude et de l'absence de rigueur de l'ancienne Loi des parcs provinciaux qui permettait sur les quatre territoires dont il est question à peu près toute espèce d'activités bien souvent incompatibles avec la notion internationalement reconnue d'un parc. La situation, lorsque nous l'avons prise en main, était qu'aucun des quatre territoires identifiés alors comme parcs du Québec ne rencontrait les caractères internationaux de parc.

La Loi sur les parcs de 1977 venait donc corriger cette situation déplorable en lançant un processus qui visait à déterminer des limites d'espaces verts de récréation dont on précisait avec toute la rigueur possible la ou les vocations, selon le cas. L'originalité du processus de classification de nos parcs nationaux réside dans le choix que nous avons fait d'inscrire formellement la participation des citoyens du Québec au choix de l'affectation de tel ou tel territoire à telle ou telle vocation. La participation à la consultation populaire a été tellement riche et dense que le gouvernement du Québec a besoin de temps pour faire honneur à l'ensemble du matériel recueilli.

Naturellement, M. le Président, il faut aussi préciser que, lorsque nous avions annoncé cette participation populaire, nous n'avions pas l'intention de faire en sorte que ceci soit une participation de frime, mais une véritable participation. Nous avions l'intention aussi de prendre en considération les mémoires qui ont été présentés par les différents groupes impliqués. Il y va donc de l'intérêt des gens qui ont exprimé des avis et de l'intétêt du Québec dans son ensemble. Les générations futures auront à porter la justesse de nos décisions en matière de parcs. En plus d'être de nature tout à fait novatrice, l'obligation que s'est imposée le gouvernement de consulter la population avant de créer des parcs a généré un mouvement d'intérêt fort positif et fort éclairant sur la

politique gouvernementale en matière de parcs et sur le réseau de parcs dont désire se doter le Québec.

Il est important que les décisions qui seront prises tiennent compte de tous les éléments des avis reçus à l'occasion des audiences publiques qui ont été tenues. C'est la raison pour laquelle le projet de loi modifiant la Loi sur les parcs reporte au 30 novembre 1981 la classification des parcs créés en vertu de la Loi des parcs provinciaux, soit le parc des Laurentides, le parc du mont Tremblant, de la Gaspésie et du mont Orford. Quant au deuxième alinéa de l'article premier et de l'article 2 du projet de loi 69 que je soumets à l'attention de notre Assemblée, ils sont, eux aussi, d'ordre purement technique. Ces deux éléments du projet de loi visent, en effet, à assurer un lien légal de passage de l'ancienne Loi sur les parcs provinciaux à la Loi sur les parcs de 1977, ce qui explique l'effet rétroactif au 29 novembre 1977 lorsque cette Assemblée approuva le principe et la forme du projet que nous soumettions alors. En effet, M. le Président, il n'était pas prévu que la consultation populaire puisse être faite en ce qui concerne les quatre parcs provinciaux que j'ai mentionnés précédemment.

De ce fait, je présume donc de l'unanimité de l'Assemblée nationale autour du principe de l'accessibilité à la nature qui représente pour l'ensemble de la population une composante essentielle de la qualité de la vie, au même titre que la santé et l'éducation. La reconnaissance de ce principe implique l'élimination des obstacles physiques et sociaux compromettant l'accès universel à la nature. Elle suppose que soient aménagés des espaces et équipements appropriés et en nombre suffisant pour favoriser un contact simple et spontané de l'homme avec la nature. Elle suppose aussi, M. le Président, particulièrement, que les limites de ces différents parcs ne puissent être modifiées constamment selon les désirs soit du ministère des Ressources et de l'Energie, soit d'autres ministères qui pourraient être intéressés à prendre une partie du territoire de ces parcs. (12 heures)

La mise en valeur de ces espaces récréatifs fournit le calme et la détente recherchés par une population de plus en plus concentrée, dans un nombre restreint des grandes agglomérations. Ces territoires vastes et libres procurent à chaque citoyen le dépaysement saisonnier qu'il recherche à l'occasion de ses périodes de vacances. Ils offrent des moyens simples de satisfaire des besoins d'expansion et d'animation souvent brimés par les conditions de la vie urbaine. Surtout, M. le Président, je pense qu'il va falloir avoir une politique de développement des parcs, particulièrement dans le secteur de la région de Montréal où près de 50% de la population se retrouve et où nous avons malheureusement — si on excepte les parcs Oka et du mont-Tremblant — peu de territoires de plein air qui puissent être véritablement accessibles à l'ensemble de cette population.

M. le Président, comme je l'indiquais, il s'agit essentiellement de deux modifications techniques qui viennent corriger la Loi sur les parcs du 29 novembre 1977. Si ces modifications n'avaient pas lieu, M. le Président, ou n'étaient pas acceptées par l'Assemblée nationale, j'aurais été dans l'obligation de classer ces parcs comme parcs de récréation ou comme parcs de conservation, avant le 29 novembre 1977, date qui est déjà dépassée, et en même temps, il m'aurait été impossible de prendre en considération l'ensemble des mémoires qui m'ont été présentés en ce qui me concerne particulièrement, lorsque j'ai fait les audiences sur le parc du mont Tremblant, et en ce qui concerne mon prédécesseur lorsqu'il a fait les audiences sur les trois autres parcs, dont le parc du mont Orford, qui lui, est déjà classé. Donc, il n'y a pas de problème de ce côté-là, mais il reste les parcs de la Gaspésie et des Laurentides.

M. le Président, je vous remercie de votre collaboration et j'espère que ce projet de loi sera adopté à l'Assemblée nationale, afin de pouvoir corriger certains problèmes techniques qui ont pu se soulever, à la suite de la Loi sur les parcs adoptée le 29 novembre 1977. Merci, M. le ministre.

Le Président: Merci.

M. le député de Charlevoix.

M. Raymond Mailloux

M. Mailloux: La loi que vient de présenter le ministre, M. le Président, vise deux objectifs: premièrement, en modifiant l'article 13, le gouvernement prolonge de deux ans le délai lui permettant de classifier un parc provincial à titre de parc de conservation ou de parc de récréation. Il s'agit des parcs provinciaux des Laurentides, du mont Tremblant, de la Gaspésie et du mont Orford. M. le Président, l'amendement à l'article 14 autorise le gouvernement à modifier les limites de ces quatre parcs. On doit noter également que ces modifications auront un effet depuis le 29 novembre 1977.

Sur le fond du projet, je dis au ministre que nous n'avons aucune objection. Cependant, on me permettra de faire les remarques suivantes et de rappeler au gouvernement la clairvoyance d'un de mes collègues, le député de Portneuf, qui, lors de l'étude en commission parlementaire, en novembre 1977, avait averti le titulaire du ministère du temps, le député de Saint-Maurice, aujourd'hui ministre de l'Industrie et du Commerce, que la date limite du 29 novembre 1979 qu'il se fixait par le projet de loi 19 qui est aujourd'hui amendé, était forcément beaucoup trop rapprochée pour lui permettre de répondre aux exigences de la loi, soit les avis, les audiences et les prises de décision dont vient de nous parler le ministre et qu'on a eus depuis ce temps. Dans ce temps-là, le ministre, le député de Saint-Maurice, n'avait pas daigné tenir compte de cet avertissement. C'est pourquoi aujourd'hui le gouvernement nous demande un délai additionnel de deux ans.

M. le Président, faudrait-il rappeler également au gouvernement ce qu'on pourrait peut-être appeler une orgie de dépenses faites par le titulaire du temps, lors du lancement du projet de classifi-

cation du parc de la Gaspésie, alors qu'on avait nolisé trois avions, deux hélicoptères, deux autobus réservés, un dîner pour deux au gîte du mont Albert, vin inclus et valide pour trois semaines, qui n'était rien d'autre que l'annonce de la diminution de la superficie actuelle de ce parc.

M. le Président, avant de terminer, je voudrais dire au ministre qu'il est vrai qu'il a besoin de délais supplémentaires. Malgré les consultations qui se sont poursuivies depuis, quand on songe à l'ensemble des intervenants de toute nature qui ont eu accès à ces parcs dans le passé, quand on songe également que, davantage aujourd'hui avec les heures qui sont disponibles, le public a le droit de réclamer avec raison que certains espaces verts à proximité des centres les plus populeux lui soient réservés pour des fins récréatives, et que le gouvernement a également le droit de lui conserver la faune qu'on rencontre dans ces parcs et de protéger les espèces.

Je voudrais dire un mot du parc des Laurentides. Je sais que vous, comme président de cette Assemblée, il vous tient plus à coeur parce que, comme moi, vivant à proximité de ces lieux, nous le connaissons davantage. C'est un parc dont on dit qu'il est celui qui a fourni, dans tout le Québec, des variétés de truites mouchetées qui sont l'excellence dans l'ensemble de ce qu'on peut pêcher sur l'ensemble du territoire québécois. Actuellement, les intentions gouvernementales qui ont été annoncées étaient de soustraire une partie de cette entité qui avait été vouée à des fins industrielles, soit certaines coupes de bois pour la compagnie Donohue, et en réserver une partie pour la réalisation d'une tentative qu'a faite le gouvernement précédent de réimplanter — si je puis m'exprimer ainsi — le caribou qui en était disparu depuis une centaine d'années. A cette fin, le gouvernement voudrait distraire l'ensemble des grands jardins où l'on rencontre la nourriture qu'a besoin cette espèce, soit le lichen qu'on retrouve dans les grands jardins. Forcément, je pense que le gouvernement a le droit de continuer cette expérience.

Ce que je voulais dire au ministre, c'est qu'au même moment où on demande des délais supplémentaires, je constate également que, s'il y a des raisons pour que certaines parties de ces parcs soient protégées pour des fins de loisirs, chasse, conservation, récréation, il y a quand même aussi des raisons économiques qui font que des coupes de bois qui ont servi dans le passé à satisfaire des industries qui font vivre des collectivités du milieu... Dans mon esprit, c'est l'industrie Donohue Brothers qui a déjà perdu, dans les années qui viennent de s'écouler, les réserves forestières de Sainte-Marguerite dans le comté de Dubuc aujourd'hui, afin que les gens du milieu puissent organiser le moulin de bois de sciage de Samoco dont on a déjà beaucoup entendu parler. Je pense que c'était normal que les gens du milieu aient voulu conserver leurs boisés. Dans ce temps-là, c'était le titulaire actuel du ministère des Loisirs qui était député de cette circonscription. On a également enlevé à cette compagnie les réserves venant des comtés de la rive sud, les comtés de Kamouraska,

Témiscouata où elle pouvait avoir la possibilité d'un approvisionnement et on sait que la forêt de Charlevoix, dans le parc des Laurentides, au séminaire de Québec ou dans les boisés privés est devenu également une forêt qui est davantage épuisée. La compagnie n'a plus les garanties d'approvisionnement qui pourraient permettre que les 1000 employés, qui ont toujours vécu depuis une cinquantaine d'années dans cette industrie, conservent leur emploi si, ce qui est enlevé à des coupes leur permettant de continuer à fonctionner, si ces coupes étaient davantage restreintes. (12 h 10)

Je voudrais dire au ministre du Loisir que l'Opposition officielle accepte le délai qu'il nous demande afin qu'on réévalue encore avec plus d'attention l'ensemble des facteurs à considérer, si ce délai supplémentaire permet que moins d'erreurs ne se commettent dans les définitions qui seront données à ces quatre parcs. Je pense qu'il est préférable de repousser encore la promulgation de telles modifications pour permettre au gouvernement d'entendre une fois de plus l'ensemble des intervenants qui veulent se manifester. Quand on regarde ce qu'en disent ceux qui sont journalistes en la matière et qui ont écouté les intervenants dans ce débat depuis une couple d'années, on constate que pour deux et même trois de ces parcs l'unanimité est loin d'être faite. L'ensemble des intervenants ne se sont pas encore entendus avec le gouvernement pour clarifier valablement la situation. M. le Président, je ne voudrais pas prolonger davantage. Nous appuyons la mesure que sollicite le ministre. Je pense qu'elle permettra que des erreurs soient évitées.

Le Vice-Président: M. le député de Gaspé.

M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: M. le Président, en regardant le projet de loi no 69, Loi modifiant la Loi sur les parcs, je n'ai pas à assurer le ministre que je suis entièrement d'accord avec lui, mais je voudrais faire quelques brèves remarques parce que j'ai eu l'occasion d'assister à l'étude du projet de loi no 19 qui fut déposé au cours de l'automne 1977. A ce moment, on avait prévu un délai de deux ans, donc, jusqu'au 29 novembre 1979. Je comprends très bien les arguments fournis par le ministre tout à l'heure, le temps de réflexion nécessaire que le gouvernement doit s'imposer. Quand nous avons voté cette loi no 19, elle concernait les quatre grands parcs reconnus dans la province de Québec. On sait que le premier de ces parcs, c'est celui de la Gaspésie qui fut reconnu par une loi spéciale en 1937, il y a donc au-delà de 40 ans. Ce parc avait un but de conservation, mais on sait qu'au cours des années les gouvernements successifs ont dévié un peu de la loi qui fut adoptée à ce moment parce qu'à quatre ou cinq reprises certains arrêtés en conseil ont permis l'exploitation forestière et l'exploitation minière, à tel point qu'en 1977, quand le projet de loi fut adopté, le ministre a annoncé une série de consultations, d'audiences publiques à travers la province.

C'est le 15 août 1978 que le ministre du temps, dans une somptueuse conférence à Sainte-Anne-des-Monts, rendait publiques les grandes lignes de sa politique concernant l'évolution des parcs provinciaux. Les 20 et 21 octobre 1978, à l'occasion de deux journées d'étude à Sainte-Anne-des-Monts, de nombreux intervenants avaient à l'occasion présenté des mémoires. Le gouvernement avait réduit, rétréci un peu les limites du parc, qui étaient de 1290 kilomètres carrés, à 686 kilomètres, soit 265 milles carrés environ.

On a parlé de la vocation du parc de la Gaspésie, celle du mont Orford, du mont Tremblant ou des Laurentides. Il y a selon la vocation des parcs un aspect tout à fait particulier. Le parc de la Gaspésie était d'abord un parc de conservation et on a eu l'excellente initiative d'y ajouter un aspect récréatif et un aspect culturel. On sait qu'au moment où le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche de l'époque, au mois d'août, annonçait sa future politique des parcs, le jour même le ministre des Terres et Forêts et des Richesses naturelles annonçait également une prospection minière intensive à l'intérieur même du parc de la Gaspésie.

Regardons un article publié dans le Soleil, en date du 17 août, et dont le titre se lit comme suit: "Que Duhaime et Bérubé protègent les Chic-Chocs". On dit, à ce moment: "A quel jeu jouent les ministres des Richesses naturelles, Yves Bérubé, et du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, Yves Duhaime? Nourrissent-ils la même volonté politique de créer bientôt un véritable parc de conservation dans les Chic-Chocs, en Gaspésie ou s'apprêtent-ils à livrer à l'exploitation minière et forestière l'ensemble de 600 milles carrés environ, qu'on désignait depuis 1937, comme étant le parc de la Gaspésie?" Et on dit un peu plus loin dans le même article de Raymond Gagné: "De son côté et au même moment, alors que le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche donnait une conférence à Sainte-Anne-des-Monts, M. Yves Bérubé annonçait un programme de prospection minière intensive, à l'intérieur même des limites du parc tel que proposé".

On sait que, quelques mois plus tard, un conflit s'est engagé entre le ministre des Terres et Forêts et le ministre du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, parce que la société REXFOR, sans autorisation préalable du ministère des Terres et Forêts, avait déjà commencé à effectuer des opérations forestières à l'intérieur du parc de la Gaspésie même, à la suite des déclarations et des mémoires qui furent présentés à Sainte-Anne-des-Monts.

Maintenant, en 1979, on nous annonce aujourd'hui, et le ministre demande un délai de deux ans. Je voudrais que le ministre, tout à l'heure, dans sa réplique, concilie une déclaration qu'il faisait dernièrement, d'après une nouvelle émanant du bureau du Soleil à Matane. Il semblait faire une exception pour le parc de la Gaspésie puisqu'on donne comme titre: "Les limites seront connues au cours de l'été prochain". Je vais simplement rappeler quelques traits de cet article au ministre, et je ne serais pas surpris, dans le cas du parc de la Gaspésie, qu'il y ait peut-être une accélération parce que les audiences publiques eurent lieu un an avant celles qui concernent les autres parcs. Le ministre nous dit que ce sera au cours de l'été 1980. Je n'ai aucune objection, bien au contraire. Le ministre dit qu'en même temps, il y a cette société d'exploration québécoise, la SOQUEM, qui est en train de mener à terme un rapport qu'elle a peut-être soumis maintenant ou je ne sais pas encore si ce rapport va être déposé très bientôt. "Si les limites du parc, déclarait le ministre M. Lessard, devaient en être sensiblement modifiées, le ministre Lessard a toutefois indiqué que de nouvelles audiences publiques pourraient être tenues". Maintenant, je ne sais pas, à ce moment, si les explorations minières s'étant révélées peut-être positives, parce que cela concerne différents minéraux, peut-être une richesse, une mine d'or ou d'argent pour la Gaspésie, alors je crois que cela sera peut-être aussi à considérer. Puisqu'on nous dit ici qu'on croit confirmer la présence en quantité exploitable, soit de cuivre, soit de plomb, de molybdène, de magnésium, de nickel, de chromite, d'uranium et d'olivine. Si on trouve une dizaine de mines tout à fait valables, des mines qui se prêtent à l'exploitation minière, je comprends très bien que le nouveau ministre est en face d'un dilemme, d'une situation qu'il devra trancher dans les mois à venir.

J'aimerais que le ministre nous entretienne de ce propos tout à l'heure. D'ailleurs, les limites du parc de la Gaspésie sont déjà tellement réduites, mais d'un autre côté, si on trouve des mines qui vont employer des centaines ou des milliers de travaillants, à ce moment, on peut se demander s'il va falloir déplacer un peu à droite ou à gauche les 250 caribous qui, heureusement, ont fini par subsister, à traverser les épreuves même des siècles, puisque c'est une espèce rare qu'on retrouve exclusivement autour des monts de la Table en Gaspésie même.

Je demande simplement au ministre, tout en étant d'accord sur le projet de loi, de nous concilier cette exploration forestière, l'exploitation minière et la vocation du parc de la Gaspésie. Je ne veux pas aborder, ce matin, certaines demandes qui ont déjà été faites pour certaines réserves par certains citoyens de Mont-Louis et de Mont-Saint-Pierre qui aimeraient avoir en dehors des limites du parc une certaine réserve où ils pourraient aussi s'organiser des facilités récréatives, culturelles, de délassement, tout en aidant aussi à la conservation dans cet endroit du parc. Je vous remercie, M. le Président. (12 h 20)

Le Vice-Président: Merci. M. le ministre des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche.

M. Lucien Lessard

M. Lessard: M. le Président, quelques mots en réponse aux questions qui ont été posées par les

représentants de l'Opposition. Disons d'abord que si j'ai demandé un délai de deux ans, ceci ne veut pas dire pour autant que j'attendrai deux ans avant de décider de la classification d'un parc ou de l'autre. Dans le cas, par exemple, du parc du mont Tremblant, je faisais des audiences les 23 et 24 novembre derniers et je recevais, à ce moment-là, les mémoires de 53 groupes qui avaient travaillé, qui avaient préparé des mémoires et qui nous les ont soumis. Vous comprendrez que dans les circonstances, puisque l'ex-loi m'obligeait à classifier le parc comme parc de récréation ou parc de conservation le 29 novembre, il m'était impossible de tenir compte véritablement des mémoires qui m'avaient été présentés si je me soumettais à la loi antérieure, à savoir l'obligation de classifier le 29 novembre. Je n'avais donc qu'une période de cinq jours pour classifier le parc et tenir compte de l'ensemble des mémoires qui m'avaient été présentés.

C'est donc une des raisons qui font que je demande un délai de deux ans. Ceci ne veut pas dire pour autant que je prendrai nécessairement deux ans pour classer chacun des quatre parcs dont on parle actuellement. Dans le cas du parc de la Gaspésie, par exemple, les audiences ont eu lieu depuis déjà un certain temps; nous avons déjà commencé à analyser les mémoires qui nous ont été présentés et je devrais recevoir, d'ici quelques semaines, d'ici le printemps, l'analyse de ces mémoires et un certain nombre de recommandations. Donc, il est possible que — je l'ai bien indiqué — au cours de l'été prochain je puisse prendre une décision en ce qui concerne le parc de la Gaspésie. Je n'ai pas voulu fixer de date précise parce qu'on sait qu'il peut y avoir des pépins avant une telle classification. Cependant, j'espère que nous pourrons prendre une décision finale d'ici l'été prochain.

Il faut aussi souligner que, dans le cas de la classification des parcs, il y a une conciliation nécessaire entre, d'une part, les besoins ou les facteurs économiques et, d'autre part, les facteurs sociaux. Lorsque j'ai assisté, par exemple, aux audiences du mont Tremblant les 23 et 24 novembre, j'avais un groupe de Montréalais qui font des études dans différentes universités et qui, eux, exigeaient le maintien du parc existant du mont Tremblant. Puisque ce parc était classifié comme parc de récréation, il aurait fallu définitivement abolir, selon les exigences qui m'étaient faites, toute exploitation forestière ou toute exploitation minière à l'intérieur du parc. Ceci se trouvait à toucher six petites entreprises qui étaient des scieries locales et qui engageaient environ 300 personnes du milieu.

C'est certain que la disparition de 300 emplois à Montréal fait beaucoup moins mal que la disparition de 15 ou 20 emplois dans de petites municipalités de 1500 ou 2000 habitants. Je pense que ces petites scieries locales avaient d'abord besoin de continuer d'exister et, en même temps, les gens qui y travaillaient avaient le droit de continuer aussi de gagner leur pain, de travailler, de gagner leur vie. C'est dans ce sens qu'il s'est établi une conciliation entre, d'une part, le ministère des Ter- res et Forêts et, d'autre part, le ministre actuel des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche de telle façon qu'on puisse maintenir l'exploitation de cinq ou six petites compagnies quitte à prévoir, cependant, que d'ici une dizaine d'années nous puissions alimenter ces petites scieries locales à même d'autres réserves forestières où il pourrait se faire actuellement de la sylviculture, d'ici une période de de dix ans, pour être capable définitivement d'en arriver à déterminer exclusivement un parc comme parc de récréation ou de conservation.

Il va falloir, un jour ou l'autre, se dire que la richesse d'un certain nombre de territoires québécois doit être conservée pour les générations futures. Il va falloir qu'on se dise, comme dans certains Etats américains, comme en ce qui concerne, par exemple, les parcs nationaux, qu'une fois que ces parcs seront classifiés comme parcs de récréation ou parcs de conservation, ils puissent conserver leurs limites de façon définitive à moins, comme le disait tout à l'heure le député de Gaspé, qu'il puisse être indiqué qu'une mine pourrait être exploitée et, dans les circonstances, nous devrons revenir en consultation auprès de la population si ces limites devaient être modifiées.

Cependant, ce sera en cas de situations extrêmes, parce qu'il va falloir, comme Québécois — et nous sommes déjà en retard à ce sujet — qu'on se dise, et surtout avec l'immense territoire que nous avons, que nous devons assurer aux générations futures comme aux générations existantes un certain nombre de territoires de plein air qui soient accessibles en vue, justement, de répondre à ces besoins de plus en plus évidents et qui sont de plus en plus importants et exigés, c'est-à-dire l'accessibilité au plein air, pouvoir délaisser le béton de temps en temps pour aller dans ces territoires de plein air qui sont caractéristiques du milieu québécois.

Donc, on aura toujours cette conciliation; d'une part, le facteur économique et, d'autre part, le facteur social. Mais il va falloir que, tôt ou tard, on fasse un choix sur un certain nombre de territoires québécois et que ce choix soit presque définitif. C'est dans ce sens qu'est arrivée la Loi des parcs, comme l'expliquait le député de Gaspé, et comme l'expliquait le député de Charlevoix. Les parcs que nous avions auparavant, qu'on appelait parcs provinciaux, n'étaient pas véritablement des parcs dans le sens des caractères internationaux reconnaissant les parcs. La reconnaissance des parcs devient une reconnaissance officielle et définitive alors que, dans le passé, par arrêté en conseil, on pouvait permettre la coupe de bois. Par exemple, on n'a qu'à se promener sur la route de Chicoutimi pour constater que le long du grand lac Jacques-Cartier, par exemple, a été littéralement, je dirais, plumé par des compagnies forestières sans même tenir compte de la loi des trois chaînes.

On ne peut pas accepter, comme gouvernement, qu'on puisse à un moment donné, littéralement exploiter, dans des secteurs qui sont reconnus comme parcs, la forêt sans tenir compte des conséquences négatives que peut créer l'érosion

le long d'un parc, en coupant, en faisant des coupes à blanc le long des berges de lacs ou le long des rivières. C'est dans ce sens que nous voulons en arriver à une politique des parcs qui corresponde aux aspects, aux critères internationaux, d'abord en ce qui concerne les quatre parcs provinciaux existants et, d'autre part — aussi, parce que nous sommes en retard — il va falloir développer, comme je l'indiquais tout à l'heure, d'autres parcs québécois particulièrement autour de la région de Montréal, comme je l'indiquais, puisque cette population a actuellement très peu accès à des territoires de plein air. Il faut se promener un petit peu, par exemple, faire un peu de camping les fins de semaine, pour constater qu'au parc des Voltigeurs, le vendredi soir, il est impossible de rentrer; au parc d'Oka, c'est exactement la même chose, de telle façon que les Montréalais sont obligés de se diriger, par exemple, au lac Champlain, au sud des Etats-Unis, pour avoir des territoires accessibles. (12 h 30)

Donc, la conservation de territoires de parcs, d'abord comme parcs de récréation ou comme parcs de conservation, ne peut pas être considérée comme un élément négatif, mais comme un élément positif pour l'ensemble des citoyens. C'est aussi un élément économique dans le sens que, si nous voulons véritablement conserver nos Québécois — pensons, par exemple, à des quartiers de Montréal comme Saint-Henri, Maisonneuve, etc. — à l'intérieur du Québec, il va falloir leur donner des territoires de plein air qui soient accessibles et en même temps, si nous voulons attirer du tourisme de l'extérieur, il va falloir que ces territoires soient bien organisés et qu'ils soient aussi accessibles.

Voilà, M. le Président. Je dois vous souligner que j'ai pas l'intention d'attendre les deux années avant de faire la classification des parcs. Je le ferai dans le cas du parc de la Gaspésie probablement avant l'extension du délai qui m'a été fournie aujourd'hui. Quant au parc du mont Tremblant et des autres, nous prendrons en considération tous les mémoires et, une fois que nous aurons décidé des limites, nous espérons que l'ensemble des citoyens québécois, y compris les compagnies forestières, y compris les ministères du gouvernement, respecteront ces limites pour les générations actuelles et pour les générations futures. Merci.

Le Vice-Président: La motion de deuxième lecture du projet de loi no 69, Loi modifiant la Loi sur les parcs, sera-t-elle adoptée?

Des Voix: Adopté.

M. Mailloux: M. le Président...

Le Vice-Président: M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: ... je serais prêt à faire une suggestion au leader parlementaire. S'il veut appe- ler la commission plénière, nous n'avons pas de questions, semble-t-il, à poser. J'en ai discuté avec mon collègue de Gaspé. Alors, nous pourrions accepter immédiatement.

M. Charron: Volontiers. J'accepte cette offre, M. le Président.

Une Voix: Les écritures.

M. Charron: Ce sont plutôt les écritures, comme on dit dans le jargon.

Le Vice-Président: La motion d'envoi du projet de loi no 69 à la commission plénière sera-t-elle adoptée?

M. Mailloux: Adopté.

Commission plénière

Le Vice-Président: Le rapport de ladite commission sera-t-il adopté?

M. Mailloux: Adopté.

Le Vice-Président: Y a-t-il consentement pour la troisième lecture?

M. Mailloux: Consentement.

Troisième lecture

Le Vice-Président: Consentement. Le projet de loi sera-t-il adopté?

M. Mailloux: Oui. Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Oui, oui. Sur cette lancée, M. le Président, puis-je proposer la même chose pour le projet de loi no 72 qui apparaît à l'article 18 du feuilleton, s'il vous plaît?

Projet de loi no 72 Deuxième lecture

Le Vice-Président: J'appelle donc la deuxième lecture du projet de loi no 72, Loi sur le ministère de l'Energie et des Ressources.

M. le ministre.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je vois le sourire, non pas arrogant, mais au moins narquois, très amical, du député qui me fait face, le député de Marguerite-Bourgeoys. Si je dois prétendre qu'il s'agit là d'un projet très important, ce n'est pas simplement parce que je suis ministre de l'Energie et des Ressources, mais parce que l'énergie et les ressources sont la base de toute

l'économie québécoise, et c'est ce que je vais essayer d'expliquer aux Québécois et aux membres de cette Assemblée en quelques minutes pour tenter de placer la création du ministère de l'Energie et des Ressources dans son contexte.

Soulignons d'abord que les richesses naturelles sont peut-être l'atout le plus important que détient le Québec pour assurer son développement. Quand on regarde l'énergie, les mines, la forêt, cela représente entre 13% et 15% de toute la richesse collective des Québécois, à peu près 3% pour les mines, entre 3% et 5%, cela dépend de la vitesse avec laquelle on introduit le complexe de la Baie James dans les calculs, entre 3% et 5% pour l'électricité, 6% pour le bois. Donc, on est entre 13% et 15% du produit national brut. Mais ce n'est pas tout. Chaque travailleur qui vend un produit minier ou forestier à l'étranger, il faut faire vivre ce travailleur. Cela veut dire qu'il y a un commerçant qui lui vend sa nourriture. Il y a quelqu'un qui va favoriser sa récréation. Il va aller au théâtre. Il va aller au cinéma. Il va pratiquer des sports. Il va acheter des produits. Si on regarde tous ceux qui vont vivre autour de ce travail, c'est facilement deux et même trois travailleurs — mettons deux travailleurs — pour chaque travailleur qui travaille dans l'industrie des ressources. Cela veut dire qu'entre 25%, et peut-être 33%, de toute la richesse des Québécois viennent de ces richesses naturelles,... C'est donc capital.

Ce qui se passe dans notre secteur des richesses naturelles a un impact considérable. De chaque dollar que vous prenez, il y a au moins $0,25 que vous avez dans ce dollar parce que vous avez des richesses naturelles, sinon votre dollar vaudrait $0,75. Alors, immédiatement, on se rend compte de l'importance de l'énergie, des mines, des forêts, de nos terres, pour assurer la richesse, pour maintenir notre niveau de vie actuel. Il y a également non pas seulement le fait que c'est important pour nous, mais c'est important à l'échelle mondiale. Dans le domaine minier, le Québec est le neuvième producteur au monde. Donc, nous sommes parmi les grands producteurs du monde, avec un leadership absolument évident dans le cas de l'amiante, mais également un très gros producteur de fer, de cuivre, de zinc, de niobium. On me dit même qu'il y a du granite qui quitte le Québec pour l'Italie pour être poli et qui est racheté au Canada et aux Etats-Unis sous forme de panneaux de décoration pour les édifices. C'est un très gros producteur minéral.

Non seulement cela, mais si on regarde les pâtes et papiers, on sait bien que c'est une industrie extrêmement importante pour le Québec. L'industrie du sciage est également une industrie capitale au Québec. Le tiers du papier journal en Amérique du Nord est produit ici, au Québec. Cela veut dire qu'il y a un journal sur trois en Amérique du Nord qui est publié sur du papier québécois. On pourrait parler aussi de l'hydroélectricité qui est une richesse absolument extraordinaire pour le Québec. Présentement, nous répondons, à peu près à 27% ou 28% de nos besoins en énergie, à partir de l'hydroélectricité. D'ici 1990, ce pourcen- tage aura monté. Il aura atteint 40% et pour l'an 2000, à peu près la moitié. Cela veut dire que la moitié de notre énergie viendra des rivières. Les Québécois ne se rendent pas compte à quel point ils sont chanceux, parce qu'une fois que vous avez construit un barrage et que vous le mettez en marche, vous avez réalisé la dépense au moment de la construction. Les frais d'exploitation sont négligeables dans le coût final de l'électricité. Or, une fois que vous l'avez payé, il est payé, votre barrage. Votre électricité n'a donc plus aucun coût pour vous, ce qui veut dire, en pratique, que le coût d'un kilowatt d'électricité qu'on produit au Québec, à tous les dix ans, il nous coûte la moitié moins cher. C'est capital, parce que cela veut dire que toute cette énergie hydroélectrique va diminuer de prix, alors que toutes les sources énergétiques du monde vont monter. Vous imaginez rapidement l'avantage économique que le Québec est en train de se dégager pour l'avenir.

Donc, quand on additionne les mines, l'énergie, les forêts, on constate que le Québec est extraordinairement riche et puissant. Je m'arrête, M. le Président, pour m'interroger sur les facteurs qui font qu'un pays est riche ou qu'un pays est pauvre. Le principal atout d'un pays, c'est d'abord sa population. Vous avez des pays dénués de toute richesse naturelle, qui n'ont aucun avantage comparatif, qui sont placés... prenons la Suisse en plein milieu de montagnes avec des moyens de communication difficiles, avec des géants tout autour et la Suisse est néanmoins un des pays les plus riches. Ce qui fait la force d'un pays, c'est d'abord sa population. Là-dessus, le Québec a énormément de chances, parce que notre population est très jeune et dynamique. Quand je regarde notre population, je m'aperçois que 27% se situent entre 15 et 24 ans. Une population jeune, c'est une population nouvelle, une population qui n'a pas d'idées préconçues, une population capable de faire face aux changements, d'initier les changements, de pousser sur le changement, finalement, d'amener une amélioration à nos conditions de vie, alors qu'une population vieillie a apporté sa contribution. Evidemment, elle cherche à bénéficier de l'effort qu'elle a fourni dans les années passées. Ce n'est pas elle qui amène la société à modifier, changer, prendre de l'expansion. C'est normal, c'est la jeunesse qui nous pousse dans le dos. (12 h 40)

Mais ce n'est pas tout. Non seulement notre population est jeune, 27% ont entre 15 et 24 ans mais, comparez-la avec celle des Etats-Unis où il y a 16% des jeunes dans cette gamme d'âge; en France, c'est 20%. En d'autres termes, le Québec a une population plus jeune qu'à peu près tous les pays industrialisés. C'est cela que nous allons récolter bientôt. Ces jeunes vont développer notre économie. Ces jeunes vont développer notre société. C'est également une population jeune et éduquée. Je ne sais pas si les Québécois réalisent qu'au Canada, ce sont les Québécois qui dépensent le plus pour l'éducation de leurs enfants, $737 par habitant, pour éduquer nos enfants, alors

que la moyenne canadienne est de $611, de l'Ontario $635. C'est au Québec qu'on dépense le plus pour éduquer nos enfants.

Par conséquent, non seulement le Québec dépense plus que l'ensemble des autres provinces canadiennes, mais en plus, ce qui est capital, c'est de constater que le Canada est le pays qui dépense le plus au monde pour éduquer ses enfants, 7,7% du produit national brut, de plus que tous les autres pays du monde. Ceci veut dire que si le Canada dépense plus que tous les autres pays du monde et que le Québec dépense plus que toutes les autres provinces canadiennes, c'est qu'au Québec on dépense le plus pour l'éducation de nos enfants au monde. Cela est capital. Nous avons une population jeune, une population édu-quée. Nous avons des atouts extraordinaires.

Comme deuxième avantage, on peut parler de la localisation. Est-ce que le Québec est bien situé? M. le Président, si les Français de France se sont établis sur les rives du Saint-Laurent, c'est parce que c'est un endroit extraordinaire, parce que le fleuve nous ouvrait l'Amérique, parce que c'était l'ouverture sur les Grands Lacs, c'était l'ouverture sur tout le commerce de la traite des fourrures, c'était, et ce l'est encore aujourd'hui, par la vallée du Richelieu, l'ouverture sur New York. C'est probablement le pays, avec la Hollande, qui a la plus extraordinaire ouverture sur un continent intérieur, parce que les navires passent par le Québec, le réseau routier naturel, même aérien, passe par le Québec. Donc, à nouveau, des atouts précieux.

Depuis quelques jours, nous voyons dans la presse que l'épargne des Québécois atteint $100 milliards, que la moitié de cette épargne est maintenant contrôlée par des Québécois. D'ailleurs, dans un de ces articles, on soulignait qu'en général, les hommes d'affaires... La raison pour laquelle nous contrôlons aujourd'hui notre épargne n'était même pas soulignée. C'est parce qu'il y a eu un gouvernement libéral en 1960 qui a décidé de dire que nous serions maîtres chez nous, que nous devrions nous donner les instruments de développement économique et la Caisse de dépôt est l'instrument le plus extraordinaire qui a permis aux Québécois de reprendre le contrôle sur $7 à $8 milliards de leur économie. C'est parce que des Québécois ont décidé de cesser d'être de simples travailleurs pour les autres et de reprendre le contrôle de leur économie et de leur épargne dans les années soixante qu'on a aujourd'hui le Québec que l'on connaît et non pour d'autres raisons.

Les hommes d'affaires n'aiment pas insister sur l'impact qu'ont eu les politiques gouvernementales à l'époque, mais le Parti québécois aujourd'hui est resté dans cette tradition qui consiste à dire: Ce ne sont pas les autres qui vont faire notre développement; il ne faut pas attendre les multinationales étrangères comme ITT ou d'autres. Il faut que ce soit nous-mêmes. Nous avons l'argent. Quand une multinationale vient s'installer chez nous, elle emprunte dans nos banques, notre argent.

Nous avons tout ce qu'il faut. Nous avons trois des dix plus grandes firmes d'ingénieurs-conseils au monde. Nous avons la population la plus édu-quée, nous avons la population la plus jeune, la plus dynamique. C'est capital, c'est cela la force du Québec. Elle est là. Elle est en nous. Elle n'est pas dans les étrangers. Elle n'est pas dans le Canada-anglais. Elle est en nous. On a une force extraordinaire. Il ne faut pas que nous, comme membres de l'Assemblée nationale, essayions d'écraser ce désir des Québécois de se prendre en main. Il faut faire l'inverse. Il faut les encourager. Il faut leur montrer le chemin. C'est cela notre but, notre rôle. Finalement, c'est son dynamisme aussi.

Je sais que les Québécois ont vécu 200 ans sur leurs terres, dans leurs villages, que les "jobs" payantes, ce n'était pas pour eux autres. Le dernier recensement, par exemple, en 1970, a montré que les Canadiens français étaient ceux qui étaient les moins bien payés au Québec. On le sait. On s'est habitué à jouer le rôle de porteur d'eau. Les "jobs" payantes, les postes de direction, le contrôle de nos compagnies, le contrôle de nos banques, le contrôle de nos institutions politiques, on était habitué à les laisser entre les mains d'étrangers, et c'est difficile pour nous de modifier notre attitude tranquillement, petit à petit et à un moment donné dire: Non, il n'y a pas de raison pour laquelle les autres ne mènent pas leurs affaires, pourquoi est-ce que moi je ne mènerais pas les miennes? Je dirais que l'existence du Parti québécois aujourd'hui, c'est le symptôme de l'évolution de la pensée québécoise. C'est que de plus en plus de Québécois pensent qu'ils sont capables, que c'est faisable, qu'ils ne sont pas plus niaiseux que les autres. Il y en a de plus en plus. Parfois, quand je regarde le Parti libéral, je me dis: II y en a encore des vieux dans une société et je les regarde et je me dis: Des gens qui sont encore un peu sclérosés, qui sont restés poignés par les complexes antérieurs dont ils n'arrivent pas à se défaire. Ils ne comprennent pas que la force du Québec, c'est dans le dynamisme. Eux autres, tout ce qu'ils voudraient faire, c'est mettre le couvert et l'écraser.

Le dernier élément, ce sont les richesses naturelles. C'est ce que j'ai souligné tantôt, notre richesse. On a tout ce qu'il faut. Qu'est-ce qu'on a essayé de faire comme gouvernement? C'est très simple... M. le Président, il me reste combien de temps à peu près?

Le Vice-Président: Vous avez droit à une heure, M. le ministre.

M. Bérubé: Je ne parlerai pas une heure.

Qu'est-ce que nous avons cherché à faire comme gouvernement? D'abord, je dois dire que, lorsque nous sommes arrivés, il fallait reconnaître que notre industrie était mal en point. Vous savez que 70% de l'industrie de la transformation du cuivre est située au Québec, l'industrie canadienne est au Québec. Donc, nous avons une industrie de transformation très poussée, mais nous

n'avons même pas 6% des réserves canadiennes, ce qui veut dire qu'on n'a pas la quantité de minerai pour supporter notre activité industrielle. On peut donc perdre cette industrie très rapidement.

Donc, première situation, pas assez d'exploration au Québec, pas assez de réserves minières au Québec pour notre industrie. Première observation. Deuxième observation. Est-ce que je devrais parler, M. le Président, du dossier de la Wayagamack, de la fermeture de l'usine de la Consolidated Bathurst lorsque nous sommes arrivés au pouvoir? Est-ce que je devrais parler de East Angus, menace de fermeture? Est-ce que je devrais parler de l'opinion générajisée qui prévalait à l'époque que l'industrie du Québec ait une industrie vieillotte, non modernisée, avec des coûts de bois les plus élevés?

M. le Président, on lisait la semaine dernière que l'industrie forestière, grâce aux programmes gouvernementaux, va investir $2 500 000 000 au Québec, cinq fois plus par année qu'elle ne le faisait dans le passé. L'Association de l'industrie forestière canadienne nous dit: C'est au Québec en ce moment qu'il y a le plus d'expansion, le plus de dynamisme. Ce sont les conséquences des politiques.

Dans le domaine de l'énergie, quand est-ce qu'on avait entendu parler d'une politique de l'énergie? Quand est-ce qu'un gouvernement nous avait dit: Dans le secteur énergétique, voilà où nous nous en allons, voilà l'équilibre que nous allons essayer de faire entre le pétrole, le gaz, l'électricité, voilà la stratégie de développement que nous allons faire, que nous allons instaurer au Québec. C'est à M. Joron qu'on doit cette approche, cette réflexion en profondeur sur l'importance des économies d'énergie, sur l'importance d'avoir une politique énergétique pour le Québec. Je peux vous garantir que d'ici quelques mois, nous aurons des nouvelles absolument extraordinaires à annoncer aux Québécois dans le secteur énergétique. C'est la conséquence d'une politique.

En fait, les Québécois ont élu un gouvernement — certains vont dire trop intellectuel — de technocrates. Oui, mais c'est compliqué ces problèmes; quand vous élisez une bande d'insignifiants, vous vous étonnez après qu'il n'y ait pas de réponse. C'est sûr que certains de ces dossiers sont techniques. C'est sûr que certains de ces dossiers sont difficiles, mais lorsqu'on arrive à les comprendre, lorsqu'on arrive à les maîtriser, on peut changer des choses. (12 h 50)

Quand je suis arrivé en Gaspésie, j'avais, à Cap-Chat, une scierie qui était en faillite, fermée, j'avais Anse-Pleureuse, j'avais Grande-Vallée où c'était fermé, il y avait des usines à Pointe-à-la-Croix, dans le comté de Bonaventure, il y avait une usine de fermée à New Richmond, il y avait une scierie qui a fermé, cela fermait partout. Allez voir aujourd'hui en Gaspésie, vous allez voir que toutes les usines ont deux fois plus de bois. Vous allez dire: Bérubé n'a pas fait pousser les arbres plus vite. Non, Bérubé n'a pas fait pousser les ar- bres un peu plus vite, mais ce que Bérubé a fait avec les députés du Parti québécois, le caucus des députés de l'Est, c'est qu'on s'est assis et on a essayé de comprendre pourquoi cela ne marchait pas. Quand on a compris pourquoi cela ne marchait pas, on a demandé: Pourquoi ne faites-vous pas cela comme cela? Ils ont dit: II faudrait une volonté politique, on va l'avoir la volonté politique. Aujourd'hui, vous irez voir les usines en Gaspésie. Vous allez voir, on a doublé l'approvisionnement de toutes nos scieries. Cela est le résultat d'une politique de gens qui sont peut-être technocrates, mais qui comprennent en maudit comment cela se passe. C'est cela qu'il faut dans un gouvernement.

Alors, quand on essaie de comprendre notre attitude face aux richesses naturelles, je peux l'expliquer assez simplement. On s'est posé deux questions: Qui contrôle nos compagnies? Qui bénéficie de ces compagnies? Si on a la réponse à ces questions, on est capable de décider quoi faire. Quand une industrie est contrôlée par des Québécois, à ce moment, on dit: On n'a pas besoin d'essayer de rentrer l'Etat là-dedans, cela marche bien, on n'a pas besoin de chercher à rentrer l'Etat plus avant dans l'industrie du sciage, sauf quand il y a des dossiers où l'industrie privée ne veut pas les prendre. On joue un peu le rôle de frappeurs de relève dans le cas du sciage, où il y a une entreprise privée en faillite, qui a de la misère, on ne trouve pas d'entreprise privée pour prendre la relève, à ce moment, on y va. Et si on manque notre coup, on la repasse à l'entreprise privée, comme cela s'est fait dans le cas de Samoco, on joue le jeu de l'entreprise privée, mais sans essayer d'enlever les autres de là. Cela, c'est quand on a des Québécois qui sont en place, qui sont bons, et ils montrent en général qu'ils sont bons. On n'a pas de raison.

A ce moment, que fait-on? Il faut les encourager. On peut peut-être les inciter à faire des choses inédites, donc leur donner des subventions. On peut peut-être leur donner des réductions d'impôt pour les inciter à faire certaines choses. On peut peut-être mettre sur pied des programmes qui vont réduire leurs coûts; par exemple, le coût du bois pour l'industrie forestière. Si le coût du bois baisse, nos compagnies vont faire plus de profits. Si nos compagnies font plus de profits, elles vont réinvestir au Québec parce que c'est rentable. Il faut donc s'attaquer là où est le problème, aux coûts. C'est pour cela qu'on a enlevé les taxes sur les carburants pour les véhicules dans les mines et dans les forêts; c'était pour réduire les coûts. C'est pour cela que le gouvernement Clark augmente les taxes sur le carburant; c'est pour augmenter les coûts. C'est la différence de raisonnement entre deux gouvernements.

Dans ces conditions, cela finit par avoir un impact et l'industrie se développe. C'est ce qu'on a observé au Québec. Vous lirer la Presse d'hier, en page B-2. Pas la première page, M. le Président, la page B-2. C'est le deuxième feuillet de la Presse, pas à la première page, ça serait trop visible, mais à la deuxième page. En onze mois, 104 000 emplois créés au Québec. Les libéraux, eux, promet-

taient 100 000 emplois; nous autres, on les livre! On ne s'est pas fait péter les bretelles; on s'est assis, on a regardé comment fonctionnait l'économie et on a essayé de faire ce qu'on pouvait. 104 000 emplois en onze mois! En 1976, il y en a eu 14 000. Je n'ai pas vu cela dans la première page des journaux. Je n'ai pas vu les journalistes dire: Performance économique extraordinaire du gouvernement. Je n'ai pas vu cela. Quand on fait la comparaison avec les autres provinces, on s'aperçoit que c'est un désastre dans les autres provinces. Il n'y a aucune expansion industrielle comme celle qu'on a connue au Québec.

Le ministre responsable du Développement économique devait citer des chiffres où la moitié de l'investissement au Québec s'est faite dans le secteur manufacturier, alors que cela ne dépassait jamais 30% au Québec. Il n'y a pas que cela; 90% des emplois sont créés par la petite et la moyenne entreprise au Québec. Des petits Québécois comme nous ont décidé de se prendre en main et de cesser d'attendre après ces maudites multinationales. Quand va-t-on se dire que ce ne sont pas les étrangers qui vont nous développer, c'est nous autres? Ce ne sont pas les Canadiens anglais qui vont nous développer, c'est nous autres. L'Alberta va développer son Alberta en fonction de ses intérêts. Qui pense que l'Alberta va avoir comme objectif de nous faire des cadeaux? On n'a pas comme objectif de leur faire des cadeaux et eux, non plus. Comme ils sont plus gros que nous, ils vont toujours nous syphonner à leur intérêt. C'est ce qu'il faut se dire, comme Québécois, pas autre chose et, après, prendre les décisions qui s'imposent.

Alors, on s'est posé la question: Qui contrôle et qui en bénéficie? Dans le cas d'une industrie comme celle du cuivre de Noranda, c'est vrai qu'on ne la contrôle pas. Par contre, ils ne se sont pas contentés d'exploiter le minerai et de s'en aller; ils ont fait des concentrateurs, ils ont fait des "smelters ", ils ont fait des usines d'affinage, la Canadian Electrolytic Zinc, la Canadian Copper Refiners. Vous admettrez avec moi qu'ils ne se sont pas forcés pour trouver des noms français, mais, enfin, au moins, on avait les "jobs".

Là, avec la loi 101, je ne le sais pas parce que la Cour suprême n'aime pas qu'on vive en français au Québec, il paraît que c'est inconstitutionnel. Parce que, évidemment, au Manitoba, quand on a changé la loi en 1890, il y a 80 ans, il y avait des francophones là, on était quasiment la moitié; aujourd'hui, il n'y en a plus parce que, évidemment, on s'est organisé pour les écraser un à un. Quand il y avait un francophone, bang! on l'écrasait; il y en avait un autre là, bang! on l'écrasait. C'était ce qu'on faisait. Mais évidemment quand il n'y en a plus, la Cour suprême dit: C'est inconstitutionnel, vous n'auriez pas dû faire cela. Là, tous les petits Lévesque et les petits Tremblay, maintenant ils parlent comme cela parce qu'ils ne savent plus. D'ailleurs, les enfants ne parlent plus français, le tiers de chaque génération de francophones maintenant, les enfants ne veulent plus parler français, ils ont honte de parler français. Ils ont raison d'avoir honte de parler français parce que quand on a des pères qui se laissent assimiler comme cela, ils ont raison d'avoir honte de parler français.

Ce n'est pas étonnant qu'après avoir été écrasés un à un, ils n'ont plus bien grande fierté d'être francophones. Mais nous autres, au Québec, on ne se laissera pas écraser.

Alors, quand on a une société comme Noranda, qu'est-ce qu'on fait avec? On dit: Vous avez montré que vous étiez prêts à travailler avec des Québécois pour développer notre industrie, on applique les mêmes mesures. Mais quand on en frappe une comme l'amiante, qui n'a pas d'autre objectif que de nous siphonner, nous enlever notre minerai et de le sortir le plus vite possible du Québec pour pouvoir le transformer ailleurs, on dit: Wo! les moteurs, cela ne se fera plus. Vous allez cesser de nous exploiter. Les libéraux sont contre cela parce que les libéraux aiment quand on se fait exploiter.

Vous n'avez qu'à regarder qui finance ProCanada, vous allez le voir. On a la liste de ceux qui financent Pro-Canada, M. le Président, je dois certainement l'avoir sous les yeux; ce sont toutes des multinationales. Normalement, je devrais l'avoir, c'est dommage. Ce sont toutes des multinationales anglophones de l'extérieur du Québec. Ce sont elles qui financent, ce sont elles qui sont bien au Québec: J'y suis, j'y reste! Parce qu'elles sont bien à nous exploiter. Il faut se le dire, une fois dans notre vie.

Ceux qui défendent ces multinationales sont de l'autre bord, du côté libéral. Ils ne sont peut-être pas du côté... On est en train de me donner la liste, M. le Président, des noms: Aluminum Company of Canada, $75 000; Northern Telecom, $75 000; Royal Bank of Canada, Canadian Imperial Bank of Commerce, Canadian Pacific, Canadian National, the Molson Company, Imperial Oil, Bell Canada, Bank of Montreal, Gulf Canada, Trans-Canada Pipelines, Steinberg, Bank of Nova Scotia... Je pourrais vous en donner, ce sont eux qui sont bien et qui veulent le rester à nous exploiter. C'est toujours ce qu'on a connu dans le passé.

M. le Président, quand on voit les richesses du Québec, quand on voit le dynamisme extraordinaire des Québécois et leur fierté, on se regarde et on se dit: On n'a pas le droit de les laisser tomber. Il faut regarder un peu l'administration gouvernementale et essayer de la rendre encore plus efficace. On s'est bien rendu compte, qu'on parle d'énergie, qu'on parle de mines, qu'on parle de forêts, c'est la même affaire. C'est comment bâtir une industrie, une économie à partir d'un avantage que nous donne notre pays, notre ressource. C'est une mentalité. C'est une façon de penser. Si on a un tout petit ministère des Richesses naturelles comme les libéraux l'ont gardé, il n'est pas assez gros pour avoir une direction de développement économique. On n'est pas pour embaucher trop de fonctionnaires. Cela coûte cher en taxes.

Le Vice-Président: M. le ministre, excusez-moi. Il est 13 heures.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, le discours du ministre est tellement nourrissant qu'on peut peut-être passer par-dessus notre dîner aujourd'hui avec le consentement unanime de la Chambre?

Le Vice-Président: Sauf qu'on ne peut pas passer par-dessus le règlement, M. le leader adjoint du gouvernement. En conséquence, les travaux de l'Assemblée sont suspendus jusqu'à 15 heures cet après-midi.

Suspension de la séance à 12 h 59

Reprise de la séance à 15 h 6

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît. Veuillez vous asseoir.

M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, tout d'abord, je remarque l'absence massive, pour dire le moins...

M. Bertrand: Question de règlement, s'il vous plaît, M. le Président.

M. Levesque (Bonaventure): Qu'on me permette au moins de dire de quelle absence il s'agit.

M. Bertrand: M. le Président...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que je peux terminer ma phrase?

Le Président: M. le leader!

M. Bertrand: Oui, question de règlement, question de privilège.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que j'ai dit quelque chose, M. le Président, qui...

M. Bertrand: Oui, je voudrais rétablir les faits.

M. Levesque (Bonaventure): J'ai dit: Je note l'absence massive.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement, je vous céderai la parole immédiatement après.

M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Je remarque, M. le Président, l'absence massive de renseignements, renseignements qui devaient nous être fournis par le gouvernement et qui nous ont été définitivement promis ce matin en cette Chambre. Si j'invoque le règlement à ce moment-ci — j'attire l'attention de la présidence, d'une part, de cette Assemblée, d'autre part, et du gouvernement, en particulier — c'est que nous savons, M. le Président, qu'un jugement très important a été rendu ce matin, un jugement unanime de dernière instance de la Cour suprême...

M. Chevrette: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: A moins qu'il n'y ait une question de privilège dans la question du député de Bonaventure, on en est à la deuxième lecture d'un projet de loi bien spécifique. Il y a eu une demande de renseignements ce matin et le leader parlementaire du gouvernement a dit qu'au cours de la journée il donnerait des renseignements. Donc, il n'y a pas question de le laisser aller dans son paraph rasage, parce qu'on sait où il veut en venir.

Le Président: M. le député de Joliette-Montcalm, le leader parlementaire de l'Opposition a invoqué le règlement. Je pense que je vais l'entendre.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je sollicite l'attention des membres de cette Assemblée, qui devraient être particulièrement intéressés à la situation que nous vivons présentement et qui devraient avoir une attitude respectueuse, en tenant compte particulièrement, M. le Président, de la collaboration...

M. Bertrand: M. le Président, question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): ... qu'on aura à demander à l'Opposition.

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle, je sollicite votre collaboration pour vous en tenir à la question de règlement que vous avez invoquée.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, simplement pour rassurer le leader parlementaire de l'Opposition, je peux lui dire immédiatement qu'il aurait fait grand plaisir au leader parlementaire du gouvernement d'être présent ici à 15 heures s'il avait été en mesure, à ce moment-là, de livrer à l'Opposition les fruits du travail du Conseil des ministres qui est en réunion depuis 14 heures cet après-midi. S'il n'est pas ici à ce moment-ci, c'est certainement parce qu'il est retenu au Conseil des ministres pour discussions plus élaborées autour des décisions que le gouvernement doit prendre. (15 h 10)

Je voudrais simplement rassurer le chef de l'Opposition que dès que le leader parlementaire sera en mesure de donner les informations à la Chambre relativement aux actions que le gouvernement entend poser, il reviendra ici à l'Assemblée nationale et je pense que, du consentement unanime, il pourra livrer la marchandise devant nos collègues de l'Assemblée nationale. Je pense qu'il ne

s'agit pas de faire un plat avec des événements que tout le monde comprend très bien dans les circonstances.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je continue d'invoquer le règlement. Est-ce qu'il y a une obstruction systématique ou me donnez-vous la parole, M. le Président?

Le Président: Vous avez la parole, M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le Président. Le ministre de l'Energie et des Ressources a eu l'occasion de se montrer exactement ce qu'il est et à l'altitude où il vole...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader parlementaire de l'Opposition, je vous en supplie, tenez-vous en au... C'est justement ce que je déplore. Je souhaiterais que vous commenciez, M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'invoque le règlement et je veux simplement rappeler à la Présidence que nous avons été témoins aujourd'hui en cette Chambre d'un jugement unanime de dernière instance de la Cour suprême qui confirme les jugements également unanimes de la Cour d'appel du Québec et du juge en chef de la Cour supérieure du Québec et qui déclare inconstitutionnelles...

M. Ryan: Ecoute, tu vas le savoir.

M. Levesque (Bonaventure): ... certaines parties de la loi 101 sur la Charte de la langue française et qui touche en particulier les activités de l'Assemblée nationale du Québec et cela, depuis le 27 août 1977 et déclare, du même coup, invalide toute la législation...

M. Marchand: M. le Président, question de règlement.

M. Bertrand: M. le Président, question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'on peut me laisser terminer ma phrase?

M. Bertrand: Question de règlement.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement, je vous reconnaîtrai pour votre question de règlement tout de suite après M. le leader parlementaire de l'Opposition. Je voudrais vous signaler que le leader parlementaire de l'Opposition s'est levé sur une question de règlement et qu'on n'invoque pas une autre question de règlement pour interrompre une première question de règlement. Je vais d'abord entendre le leader parlementaire de l'Opposition et, après quoi, M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement, je vous céderai la parole.

M. Levesque (Bonaventure): Je vous remercie, M. le Président. Je tiens à préciser que, si l'Opposition est de trop en cette Assemblée, nous agirons en conséquence. M. le Président, je vous rappelais et je rappelais aux membres sérieux de cette Assemblée que non seulement cette loi a été déclarée inconstitutionnelle dans plusieurs de ses parties importantes, mais que, du même coup, ce jugement rendait invalide toute la législation et possiblement, sans doute, la réglementation qui lui est subordonnée et cela depuis cette date, le 27 août 1977. Cela crée une situation extrêmement grave pour nous aujourd'hui, en particulier, au moment où je vous parle, une situation à laquelle il faut remédier.

Je comprends, comme on l'a indiqué, que le cabinet des ministres se penche actuellement sur cette situation et nous attendons les réactions du Conseil des ministres, réactions qui nous ont été promises au cours de la journée. Mais au cours de l'heure du déjeûner, M. le Président, et c'est là le but précis du fait que j'invoque le règlement, à la lecture de ce jugement et à l'appréciation de ses conséquences normales, des doutes se sont élevés sur la valeur, la légitimité et même la légalité, surtout la légalité des travaux qui sont présentement poursuivis par cette Assemblée et par ses commissions.

Si on pouvait, M. le Président, jusqu'à ce matin, à 11 heures, ignorer que l'on procédait illégalement, ce n'est plus le cas actuellement. Les projets de loi qui nous ont été soumis et qui sont présentement étudiés autant à l'Assemblée qu'en commission doivent normalement comporter les mêmes vices que ceux que l'on reproche à la législation que nous avons adoptée en cette Chambre depuis le 27 août 1977.

Le but de mon intervention, à ce moment-ci, M. le Président — on semble comprendre maintenant qu'il y a un certain fondement à cette question de règlement — est de vous demander, d'une part, une directive; deuxièmement, de vous demander, de demander à cette Assemblée s'il n'y aurait pas lieu de suspendre nos travaux ou encore, ce qui serait préférable, d'avoir une motion du gouvernement pour que vous quittiez votre fauteuil, non pas parce que vous ne seriez pas l'homme le mieux désigné pour présider nos travaux, mais simplement pour que nous puissions nous former en commission plénière et avoir l'occasion de recevoir des avis juridiques, et les meilleurs possible, évidemment. Si on veut réellement, en plus, recevoir la collaboration, à mon sens essentielle de l'Opposition officielle, des autres oppositions et de tous les membres de cette Assemblée, je pense que cette collaboration serait mieux assurée si on pouvait éclairer les membres de cette Chambre sur les conséquences du jugement rendu, autant sur les travaux qui se poursuivent aujourd'hui que sur la législation et la réglementation qui lui est subordonnée, qui ont été adoptées par cette Assemblée depuis le 27 août 1977.

C'est dans un esprit non pas seulement de collaboration, mais avec un sens profond des res-

ponsabilités, que nous vous demandons, d'une part, une directive quant à cette légalité de nos travaux. Je comprends peut-être que je vous demande un avis juridique, à ce moment-ci, mais je vous demande également une directive dans le sens qu'il faut que nous sachions que ce que nous faisons aujourd'hui n'est pas en pure perte et n'est pas en quelque sorte une attitude irrespectueuse à l'égard de tous les tribunaux et du Québec et du Canada.

Ce que je vous demande, c'est bien simple. Est-ce que nous procédons à l'Assemblée, aujour-d'hui, et en commission, d'une façon légaie, d'une façon légitime, ou est-ce que nous ne devrions pas nous poser la question collectivement à l'intérieur d'une commission plénière, ou selon toute autre mesure que la présidence pourrait nous suggérer ou encore qu'un autre membre de cette Assemblée pourrait lui-même ou elle-même suggérer. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Sur la même question de règlement, M. le Président, je m'excuse. Le député de Bonaventure le premier sait bien, d'ailleurs, que nous sommes depuis 14 heures en réunion du Conseil des ministres. Je l'avais prévenu qu'il y aurait une réunion cet après-midi. Nous sommes en train de prendre connaissance, à la lettre du jugement, comme je lui avais demandé de nous donner le temps de le faire. Le député de Bonaventure et les phénix qui l'entourent ont eu besoin de quelques minutes à peine, eux, pour comprendre toute la portée du jugement que la Cour suprême a mis des mois à rédiger. Ils arrivent donc au début de la reprise de la séance cet après-midi, leur interprétation, aussi catégorique que celle de leurs collègues d'Ottawa — je ne pense pas avoir mal compris — suscitant en leur âme le doute qu'ils vous transmettent, à savoir si cette Assemblée, littéralement, a encore le droit de se réunir en français actuellement.

M. Bérubé: C'est incroyable.

M. Charron: Je ne pense pas exagérer. La question que le député...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: La question que le député de Bonaventure pose vise à savoir si, le fait que cette Assemblée, depuis ce matin et encore cet après-midi, sur le projet de loi au nom du ministre de l'Energie et des Ressources, travaille sur un texte en français ne rend pas de toute façon caduc son travail et s'il ne serait pas plutôt opportun que le texte anglais de la même loi qui existe, qui a été déposé, soit rendu officiel pour nous soumettre au jugement de la Cour suprême et, là, nos amis se trouveraient à l'aise de travailler. Actuellement, ils vous transmettent des doutes de conscience; ils ont l'impression que c'est non valide, le travail qu'on fait... (15 h 20)

Une Voix: C'est incroyable!

M. Charron: ... puisque le seul texte valide, selon nous actuellement, est le texte français. Je pense bien interpréter la question que pose le député de Bonaventure. C'est la question. Ils demandent au président: Est-ce qu'on ne devrait pas interrompre nos travaux parce que le seul texte sur lequel nous travaillons actuellement qui soit officiel est le texte français. Ils ne disent pas...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de privilège. Je suis bien prêt à écouter, de la façon la plus objective possible, le leader parlementaire...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre! Je demande votre collaboration, s'il vous plaît!

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Levesque (Bonaventure): Je n'ai pas terminé, je m'excuse. J'avais juste commencé à le dire. M. le Président, je disais que j'étais bien prêt à écouter le leader parlementaire du gouvernement et à solliciter même sa collaboration pour qu'on en arrive à une situation qui serait à l'avantage et dans le meilleur intérêt des citoyens du Québec. Mais je n'ai jamais prononcé les mots qu'on me prête présentement et je veux justement en faire une question de privilège.

Je n'ai voulu que m'attacher à une décision des cours, des tribunaux, et je n'ai pas voulu discuter du fond de la question; j'ai voulu simplement rappeler qu'il y avait une décision de dernière instance de la Cour suprême qui confirmait les décisions prises par tous les tribunaux, le juge en chef de la Cour supérieure du Québec et, à l'unanimité, tous les juges de la Cour d'appel du Québec. Devant ces décisions des tribunaux, je vous pose la question tout simplement, M. le Président, c'est ce que j'ai dit: Est-ce que nous poursuivons des travaux qui sont en conformité avec les décisions rendues par les tribunaux?

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvenement.

M. Charron: M. le Président, si le règlement me le permettait, je vous poserais une question qui vous tirerait d'embarras, parce que j'ai l'impression que c'est vous qu'on met plus dans l'embarras que le député de Bonaventure, cet après-midi.

Le député sait très bien, malgré l'innocence qu'il affiche actuellement, qu'en vertu de la même décision qui l'amène à poser la question de règlement, effectivement, d'ici quelques heures — le premier ministre l'a dit ce matin — ce soir ou demain, le gouvernement devra soumettre une loi à l'Assemblée qui nous amène à nous soumettre, bon gré, mal gré — on le verra au cours du débat — de gaité de coeur ou pas, à une décision de la Cour suprême du pays. D'accord.

Autrement dit, le député l'a évoqué lui-même, peut se trouver en péril toute législation adoptée

depuis 1977. Le député, s'il a lu le jugement comme nous sommes en train de le faire au Conseil des ministres aussi, découvrira que non seulement peut se trouver en péril toute législation depuis 1977 mais depuis un bon nombre d'années préalables à 1977. La page 11 du jugement, pour donner une référence précise, évoque la réglementation à partir des pouvoirs délégués. Par exemple, le conseil municipal de Saint-Ephrem-de-Beauce qui n'aurait pas adopté, dans les deux langues, un règlement municipal, cedit règlement serait caduc, pas depuis 1977, depuis 1867.

N'ayant pas tout l'esprit juridique et la science infuse de l'Opposition, je préfère retourner travailler avec mes collègues et examiner la portée réelle de ce jugement, M. le Président, avant de le faire. Ce que je proposerais actuellement, plutôt que de vous mettre dans l'embarras d'interpréter une décision de la Cur suprême — c'est un peu le sens de la question de directive que fait le député de Bonaventure, M. le Président, à votre égard... Il n'a pas dit qu'il croyait qu'en son âme et conscience la Chambre devrait suspendre ses travaux, comme il ne vous a pas dit qu'il pensait que la Chambre ne devrait pas suspendre ses travaux. Il vous demande d'interpréter le jugement de la Cour suprême actuellement. Ne tombez pas dans ce piège, M. le Président. Ne tombez pas dans ce piège.

Je vais plutôt proposer quelque chose au député de Bonaventure. Comme la loi qui suivra inévitablement la réunion actuelle du Conseil des ministres aura pour effet d'englober un certain nombre de lois, au moins jusqu'à 1977, peut-être même plus loin, comme je viens de le laisser entendre, est-ce qu'on ne pourrait pas convenir que sera incluse également la loi en discussion actuellement? En ce sens, sachant que cette loi sera comprise parmi toutes les autres, l'Assemblée pourrait normalement continuer son travail actuellement. Sachant que peut-être — disons que je donne bonne voix au député de Bonaventure — le travail actuel se fait dans un cadre qui, depuis 10 h 30 ce matin, est irrégulier et non reconnu, mais tous, hommes et femmes alentour de cette Assemblée, sachant que d'ici quelques heures cette situation sera régularisée, est-ce qu'on ne peut pas procéder, comme nous l'avons fait tout bonnement ce matin, même après le jugement, sur la loi au nom du ministre des Loisirs, de la Chasse et de la Pêche et poursuivre le travail sur la loi présentée par le ministre de l'Energie et des Ressources?

Comme contre-partie de la proposition que je fais à l'Opposition, continuons notre travail, respectant en cela l'engagement que j'ai pris ce matin. Dès qu'on me permettra de retourner en réunion avec mes collègues et dès qu'une décision finale sera prise, et cela ne devrait pas tarder, j'en ferai part à la Chambre et elle sera saisie prochainement de toute la réponse que le Conseil des ministres est prêt à lui donner.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'aurais trois ou quatre remarques brèves avant de répondre à la question posée par le leader parlementaire du gouvernement.

Premièrement, notre formation politique est intéressée à poursuivre comme toujours les travaux de l'Assemblée nationale. Cela a été constant chez nous et nous avons toujours manifesté, particulièrement durant cette fin de session, le plus grand esprit de collaboration que l'on puisse demander. Le leader parlementaire du gouvernement peut en témoigner. S'il n'est pas d'accord, qu'il se lève.

Deuxièmement, M. le Président — il s'est assis vite — dans le cas présent, ce n'est pas parce que nous avons voulu interrompre le cours normal des choses; nous ne voulons pas et nous n'avons pas voulu retarder les travaux de cette Assemblée. Ce n'est pas là notre but.

Nous n'avons pas voulu non plus — c'est troisièmement — toucher le fond de la question comme l'a fait le député de Saint-Jacques, le leader parlementaire du gouvernement. Autrement, nous aurions parlé du geste absolument irresponsable et déraisonnable posé par le gouvernement, lorsque, malgré les meilleurs avis, il a décidé de plonger en 1977, comme il l'a fait, et qu'il plonge, présentement, l'Assemblée nationale dans la situation où nous nous trouvons. Les responsables sont là, M. le Président, mais je n'en parlerai pas aujourd'hui.

M. le Président, la seule chose qui m'amène sinon à vous présenter cette demande de directive; du moins à invoquer le règlement, c'est qu'à l'étude de ce jugement qui nous arrive... Je comprends que le Conseil des ministres ait besoin d'un peu plus de temps. D'accord, vous avez une responsabilité gouvernementale. Il faut boucher tous les trous, prévoir tout ce qu'il y a moyen de prévoir. Tout ce que j'ai fait, c'est de vous offrir notre collaboration. J'ai même suggéré une commission plénière où, nous aussi, nous pourrions recevoir des avis juridiques, soit de ceux qui conseillent la présidence ou de ceux qui conseillent le gouvernement.

Ici, il ne s'agit pas de décider, M. le Président, si le gouvernement siège une minute, une heure ou deux heures. Il s'agit d'une question qui touche directement l'Assemblée nationale. C'est la raison pour laquelle je pose la question beaucoup plus à la présidence que je la pose au leader du gouvernement. Le leader du gouvernement a une responsabilité; c'est de venir nous faire rapport à un moment donné, dans une ou deux heures, des intentions du gouvernement en ce qui a trait à la procédure qu'il entend suivre et la soumettre à cette Chambre pour régler ou remédier à la situation.

Quant à la présidence, lorsque je me tourne vers vous, M. le Président, c'est que cette Assemblée est présentement saisie d'un jugement des tribunaux et des plus hauts tribunaux du pays qui nous disent que ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, jusqu'à ce matin, était entaché d'illégalité et rendait un peu caducs et sans effet les

travaux que nous avons faits et rendaient dans l'illégalité... M. le Président, j'ai droit de le dire; le tribunal l'a dit. Je répète simplement ce que les tribunaux disent: que c'est inconstitutionnel. (15 h 30)

M. Ryan: Des fanatiques, des fanatiques...

M. Levesque (Bonaventure): Je comprends qu'il y ait des gens qui ne comprennent absolument rien, M. le Président, du droit pur. Ce n'est pas une question de fond. Je n'ai pas voulu commencer à interpréter quoi que ce soit des faits. Mais je demande à la présidence, cependant — je le demande d'une façon plus formelle et beaucoup plus sereine, malgré les interruptions que je reçois de l'autre côté continuellement — premièrement, si nous pouvons continuer nos travaux, à l'Assemblée et en commission, et cela, d'une façon valable, légitime et légale. Je pose la question à la présidence. Je lui demande une directive.

Le leader parlementaire du gouvernement dit que nous pouvons couvrir tout cela, comme nous le ferions ou comme nous avons l'intention de le faire pour la législation antécédente. Je dis que nous ne sommes pas dans la même situation qu'hier et avant-hier. Aujourd'hui, alors que nous siégeons, nous savons collectivement la décision rendue par le tribunal de dernière instance. Normalement, j'invoque le règlement et je pose cette question en toute sérénité et en assurant non seulement la présidence, mais également tous les membres de cette Chambre et même le gouvernement qui semble pris de panique de la plus grande collaboration de l'Opposition officielle, tenant compte du sens des responsabilités qui doit nous guider collectivement à ce moment-ci, de l'intérêt public qui doit nous guider et non pas cette parti-sanerie aveugle qui semble motiver les agissements du gouvernement.

Le Président: Très bien. M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle, c'est une question intéressante et, comme vous l'avez qualifiée vous-même, une question de droit pur. Alors, je vais me permettre de vous donner une réponse de droit pur. La présidence n'a aucune connaissance juridique de la décision qui a été rendue ce matin par la Cour suprême. Non seulement la présidence n'a jamais été avisée officiellement de ce jugement, mais elle n'a pas pu, jusqu'à maintenant, en prendre connaissance. Je suis en train de faire des démarches pour essayer de me procurer ce jugement dont on dit qu'il contient 127 pages.

M. Levesque (Bonaventure): Quinze pages.

Le Président: Quinze pages. Vous voyez comment je n'ai aucune connaissance de la décision. Le jugement n'a jamais été signifié à la présidence et il m'apparaîtrait extrêmement imprudent d'interrompre les travaux de l'Assemblée nationale sur la base d'un jugement qui n'a jamais été signifié à la présidence et dont elle n'a non seulement aucune connaissance de fait, mais encore aucune con- naissance juridique au sens strict du terme. C'est pourquoi il n'appartient pas, dans de pareilles circonstances, à la présidence de prendre la décision d'interrompre les travaux de l'Assemblée nationale.

Sans connaître, encore une fois, le jugement, il m'étonnerait que la Cour suprême ait interdit aux membres de l'Assemblée nationale de prononcer des interventions ou des discours sur des projets de loi en discussion. Il appartiendra à l'Assemblée nationale d'apporter, s'il y a lieu, une loi correctrice. La présidence n'a pas à intervenir là-dedans et il est certain que je ne permettrai jamais de suspendre les travaux de l'Assemblée nationale sur la base d'un jugement dont la présidence n'a pas pris connaissance et qui ne lui a jamais été signifié. M. le ministre...

M. le député de Laval.

M. Lavoie: Je pense que vous avez parfaitement raison. Même si vous aviez une connaissance juridique du jugement, je pense que vous n'avez pas — et vous avez parfaitement raison — à interpréter un jugement et à donner une opinion juridique.

M. Bérubé: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le ministre, je vous reconnaîtrai immédiatement après le député de Laval.

M. Lavoie: En l'occurence, M. le Président, je crois que vous devez attendre, comme vous l'avez indiqué vous-même, en tant que serviteur de l'Assemblée, une directive de l'Assemblée à cet effet. C'est la raison pour laquelle le leader parlementaire de l'Opposition suggérait la formation possible de la commission plénière pour que l'Assemblée elle-même décide de la procédure, du déroulement des travaux de l'Assemblée. Ce n'est pas une chose, à mon avis, qui doit se décider au Conseil des ministres. Le Conseil des ministres doit prendre une décision gouvernementale, une décision de cabinet. Quels moyens législatifs prendre pour replacer la situation? C'est une décision ministérielle. Mais pour le déroulement des travaux de cette Assemblée, autant pour les projets de loi que nous étudions actuellement, qui sont soit en commission ou à l'Assemblée ici, c'est à l'Assemblée à décider. Ce n'est pas au président. C'est à nous de donner des instructions au président. C'est la raison pour laquelle je crois qu'il pourrait y avoir une consultation avec les leaders avec le président, parce que c'est une situation qui est quand même grave. C'est à l'Assemblée elle-même, soit par une commission plénière, de donner une décision, de donner même des directives au président pour le déroulement de nos travaux.

M. le Président, je fais cette proposition que vous convoquiez les leaders pour organiser la formation d'une commission de l'Assemblée nationale pour savoir où on va dans l'ordonnance de nos travaux.

M. Charron: Votre décision est rendue.

Le Président: M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Bérubé: M. le Président, j'avais donc entrepris de débattre...

M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le Président. J'invoque le règlement.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Bérubé: C'est un véritable bâillon, M. le Président. Je ne crois pas que vous lui ayez donné la parole. Par conséquent, je demanderais au leader, tant et aussi longtemps que vous ne lui aurez pas donné la parole, de bien vouloir se rasseoir et d'attendre. M. le Président, étant donné que nous sommes en train de débattre le projet de loi no 72, créant le ministère de l'Energie et des Ressources...

Le Président: Sur votre question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président... Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, on dirait que nos amis d'en face pensent qu'il ne s'agit là que d'une Assemblée contradictoire partisane, alors que ce que nous voulons simplement...

Une Voix: Le conseil national du PQ.

M. Levesque (Bonaventure): Oui, le conseil national du PQ, à peu près cela, M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition, s'il vous plaît.

M. Levesque (Bonaventure): Avec tout le respect que je vous dois, M. le Président, je puis vous assurer que nous voulons que ceci se déroule dans le plus grand respect de nos règlements, mais surtout qu'on ait ce respect mutuel qu'évoquait le chef de l'Opposition hier. Qu'on essaie de regarder les questions assez... Si le cabinet est présentement réuni, cela doit être parce que c'est une question importante. Il ne s'agit pas de se rappeler ou non du fond de la question en anglais ou en français, il s'agit pour nous simplement de savoir si la présidence retient la suggestion du député de Laval qui demande simplement que l'Assemblée vous donne la directive que vous vous dites incapable de rendre ou de donner parce que vous n'êtes pas saisi du jugement en question.

Cependant, comme disait quelqu'un: Nul n'est censé ignorer la loi. Est-ce qu'on peut ainsi ignorer un jugement de dernière instance du plus haut tribunal du pays? Je pense bien que nous serions absolument inconscients quant à nous, M. le Pré- sident, d'agir comme si de rien n'était. Si le cabinet est réuni présentement, c'est parce qu'il est saisi de la gravité de la situation. Nous ici, à l'Assemblée nationale, nous ne pouvons pas ignorer cette situation, et cette situation, qu'on le veuille ou non, touche directement la légalité, la légitimité de nos travaux depuis 1977. Il est normal que nous posions des questions, non pas de la façon qu'on nous interpelle de l'autre côté, présentement, mais sachant que nous avons un devoir important à accomplir et cela dans l'intérêt des citoyens. (15 h 40)

Est-ce que nous allons, à ce moment-ci, nous réunir comme n'importe quelle Assemblée, comme le cabinet le fait de son côté, l'Exécutif le fait? Est-ce que le législateur ne devrait pas à ce moment-ci être saisi de cette situation et se poser la même question que se pose l'Exécutif? Est-ce que nous allons continuer de travailler parce que nous sommes rendus à tel "debater" ou tel article?

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition, j'ai déjà rendu la décision tout à l'heure en ce qui concerne ce point. Maintenant, avant d'ajouter à ce que j'ai dit, je voudrais d'abord, et je pense que vous allez trouver cela normal, essayer de prendre connaissance de ce jugement. Je ne sais même pas...

M. Levesque (Bonaventure): J'ai le jugement.

Le Président: Je comprends. Alors, vous me ferez le plaisir de me prêter ce jugement. Dans les circonstances, c'est la responsabilité première du leader parlementaire du gouvernement, dans le cadre de notre règlement sessionnel, de tracer le programme de la journée; c'est sa responsabilité de demander que les travaux de l'Assemblée nationale se poursuivent. Je prends bonne note toutefois de la suggestion qui m'est faite de convoquer une conférence des leaders, je suis sûr que cela sera relativement facile à réaliser; nous pourrons avoir une conférence des leaders et cela me fera plaisir de présider une telle conférence. En attendant, je suis le voeu exprimé par celui qui est le maître de la procédure et qui a le droit et le pouvoir, conformément à notre règlement, de tracer le programme de nos travaux pour la journée, puisque nous sommes dans le cadre de notre règlement sessionnel. Il en assume la responsabilité. Alors je cède la parole à M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

M. Levesque (Bonaventure): Puis-je ajouter un mot, s'il vous plaît?

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Cette suggestion, peut-être que cela ne répond pas entièrement à nos préoccupations, qui sont très sérieuses. Mais puis-je suggérer, et cela dans un but très constructif, au moins pour reconnaître le principe

de la chose, que nous suspendions cinq minutes — cela ne retardera pas les travaux — et que nous ayons une réunion des leaders avec le président? Je pense que ce serait suffisant, ces cinq minutes, pour au moins établir certaines positions et peut-être essayer de trouver un modus Vivendi.

Le Président: Je voudrais connaître le sentiments des deux autres leaders là-dessus.

M. Charron: Moi, M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Je ne dirais pas non à cette proposition si je savais une chose préalablement, sinon je me conformerais à votre directive et je dirais que la Chambre devrait poursuivre ses travaux normalement.

Le député de Bonaventure peut-il nous dire, plutôt que de vous donner le fardeau de cette décision, avant qu'on se réunisse, et le dire devant tout le monde ici, si dans son interprétation à lui nous devrions cesser de siéger? Avec la garantie que j'ai donnée tout à l'heure que ce projet de loi en discussion, comme toutes les autres, sera dans quelques heures régularisé, avec toute la collaboration qu'il a manifestée et qu'il a mentionnée, pouvons-nous continuer notre travail? Je voudrais savoir avant ce qu'il va vous dire là-bas.

M. Levesque (Bonaventure): Nous n'avons rien à cacher, M. le Président, à ce sujet; nous avons l'intention de rechercher quelque chose qui nous permettrait de continuer le plus tôt possible.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Brochu: M. le Président, je n'ai aucune objection, en ce qui nous concerne, à ce que nous tenions cette réunion des leaders actuellement, le plus tôt possible, si cela peut aider la bonne marche de nos travaux.

M. le Président, est-ce qu'on me permettrait, de ce côté-ci, l'Opposition officielle, d'exprimer notre opinion également?

M. Levesque (Bonaventure): Sûrement.

M. Brochu: Merci, M. le Président, Je n'ai pas d'objection à tenir cette réunion si cela peut assurer la bonne marche des travaux, quoique je suis un peu surpris, à ce moment-ci, qu'on fasse un plat au moment où la Cour suprême vient à peine de rendre le jugement. Je pense qu'il y a certains actes législatifs du gouvernement qui viennent d'être jugés non constitutionnels; le gouvernement de son côté vient de nous annoncer, je pense que c'est là le contenu de la réunion des ministres actuellement, son intention de corriger par un autre acte législatif qui vient à peine d'être reconnu comme non constitutionnel. Je pense qu'il faut être réaliste dans les faits et accepter, à ce moment, la discussion que le gouvernement ouvrira sur cette question, et là discuter, si on veut, de la question de fond. Je pense qu'il faut être réaliste sur le temps et les délais, mais, en ce qui me concerne, je suis prêt à tenir cete réunion des leaders. Ce qu'on vise, c'est que l'Assemblée nationale puisse continuer ses travaux. Elle a siégé avant que le jugement de la Cour soit rendu, et pourtant c'était devant les tribunaux. Maintenant que c'est une question d'heures, je pense qu'on pourrait arriver à un consensus pour continuer nos travaux et par la suite corriger cette situation.

Le Président: Bon. Puisqu'il semble y avoir un consentement des trois leaders...

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Est-ce que je peux vous proposer qu'on ait cette réunion dans quelques minutes, mais qu'entre-temps le député de Matane puisse continuer son intervention?

M. Levesque (Bonaventure): Ce n'est pas une question de retarder les travaux, c'est simplement une question de principe.

Le Président: Alors, comme il semble y avoir consentement, nous allons suspendre les travaux pour cinq minutes.

Suspension à 15 h 46

Reprise à 15 h 55

Le Président: A l'ordre!

La conférence de cinq minutes des leaders a eu lieu et s'est déroulée dans un climat plus serein que celui qui prévalait ici avant la conférence. J'espère que la sérénité de la conférence des leaders se répercutera à l'Assemblée.

Je vous cède la parole, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Cette question qu'a soulevée l'Opposition, dont le bien-fondé, s'il est discutable, est quand même respectable, nous amène à poser la question ici même, au sein de l'Assemblée, sur un sujet qui devrait faire l'unanimité de tous et de toutes, c'est-à-dire le respect de la décision d'un tribunal.

J'affirme tout de suite que si nous sommes en réunion actuellement — j'espère y retourner dans quelques instants — c'est précisément parce que notre volonté première est de respecter la décision d'un tribunal. Je laisse, encore une fois, aux débats à venir le soin de qualifier de quelle manière nous entendons le faire, mais si c'est l'intention qu'on veut me voir affirmer, je le dis sans ambages, nous allons la respecter.

Je fais donc part de l'intention formelle du gouvernement de présenter, d'ici quelques heures, une loi — si j'étais de l'autre bord, je pourrais probablement vous le dire mieux, mais je suis ici depuis quelques minutes déjà — qui régularisera,

je l'espère, aux yeux de tous la situation telle que la décision du tribunal suprême vient de nous obliger à le faire actuellement. J'invite donc, avec cette assurance, nos collègues qui étaient au travail aux commissions parlementaires et ceux qui s'apprêtaient à intervenir sur un projet de loi en discussion à l'Assemblée à poursuivre ce travail de discussion. Les articles des projets de loi en discussion à la commission des affaires municipales et à la commission du travail et de la main-d'oeuvre peuvent être adoptés par la commission.

Quand nous aurons régularisé la situation, c'est-à-dire bien simplement quand la troisième lecture et la sanction de la loi dont je viens de faire mention auront été faites, à chacune des tables de travail on pourra, par une motion, rendre officiels les articles qui auront été, en collaboration, discutés, acceptés et pesés à leur mérite, y compris les amendements qu'auront voulu y inscrire les députés. L'objectif de mon intervention est simple. C'est que s'il y a une partie de bien-fondé dans l'intervention de l'Opposition, indéniablement, dans le cadre actuel, cela ne doit pas paralyser les travaux de l'Assemblée nationale pour quiconque veut y mettre de la bonne volonté et de la collaboration. Je viens d'inscrire le moyen par lequel cela pourrait se faire. Nous poumons continuer à travailler tout en nous assurant que ce travail sera régularisé par la suite.

C'est la proposition que j'ai faite et qui devrait nous permettre de reprendre les travaux aux deux commissions et à l'Assemblée, immédiatement, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Je veux remercier le leader parlementaire du gouvernement, premièrement, pour le ton serein avec lequel il vient de s'exprimer au nom du gouvernement. Je veux le remercier d'avoir reconnu le sérieux des préoccupations que nous avons fait connaître à cette Assemblée relativement aux travaux de cette Chambre et aux travaux en commission. Nous sommes également solidaires du gouvernement dans le respect des décisions des tribunaux. (16 heures)

Finalement — et je pense que c'est cela qui fera que nous allons manifester notre meilleure collaboration, comme nous l'avions d'ailleurs indiqué — devant la déclaration solennelle faite par le leader parlementaire du gouvernement qu'il avait l'intention — j'imagine aujourd'hui; il dit dans quelques heures — dans les prochaines heures, de faire connaître à cette Chambre les mesures qui seront immédiatement prises afin de remédier d'une façon adéquate à la situation dans laquelle nous nous trouvons présentement, au nom de notre formation politique et avec tout ce qu'il faudra, évidemment, de collaboration de part et d'autre pour que les travaux que nous allons poursuivre, autant en cette Chambre qu'en commission, ne soient pas complètement futiles ou ne comportent pas d'irrespect vis-à-vis des tribunaux, avec toutes ces conditions, nous serons heureux d'accorder notre collaboration et de poursuivre les travaux et cela, dans le meilleur esprit et dans le meilleur intérêt des citoyens du Québec.

M. Brochu: M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Brochu: ... étant donné qu'on nous donne l'assurance qu'en fait il y aura une loi pour régulariser la situation, je pense qu'il ne demeure aucune espèce d'objection possible à ce que nous puissions continuer nos travaux. D'ailleurs, dès que le jugement de la cour a été rendu — et cela avait même été signifié avant — le gouvernement avait souligné son intention de corriger, le cas échéant, la situation, si le jugement de la Cour suprême devait être défavorable. C'est ce qui me faisait dire, tout à l'heure, qu'à toutes fins utiles nous n'avions pas besoin de tenir ce débat puisque l'intention était manifeste de la part du gouvernement, dès que le jugement de la cour a été rendu, de corriger ce qui était maintenant devenu des actes jugés non constitutionnels.

Donc, il s'agit simplement, à ce moment-ci, d'une question de bonne volonté de part et d'autre pour pouvoir continuer nos travaux quand on sait très bien que, dans les prochaines heures, l'Assemblée nationale aura à se prononcer, dans un nouveau cadre législatif, pour corriger cette situation reconnue non constitutionnelle par le plus haut tribunal du pays.

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Energie et des Ressources, vous pouvez maintenant reprendre votre intervention.

M. Bérubé: Mr Speaker, we do not really know now if we have the right to speak our own language. I do not know, probably this language will be more adaptable to the Opposition, presumably.

Ceci pour dire, M. le Président, que ce matin j'avais commencé ma présentation du projet de loi en abordant tout le problème des richesses naturelles. Suite — vous me permettrez de le souligner — à ce long débat un peu procédurier que nous venons de tenir, débat qui est un peu humiliant, vous le reconnaîtrez, parce que...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'invoque le règlement. Nous avons, il me semble, non seulement manifesté une grande collaboration, mais nous avons fait preuve — et je pense que je l'ai dit de la part du gouvernement, au moins du leader du gouvernement — d'une certaine maturité dans toute cette affaire. Nous venons de reprendre à peine, il y a quelques instants, un débat en deuxième lecture et nous avons droit à ce cabotinage. Il n'y a pas de pertinence du débat, on parle de n'importe quoi et on veut remettre en question des choses qui viennent à peine d'être réglées.

M. Charron: A l'ordre!

M. Levesque (Bonaventure): Alors, M. le Président, si on veut réellement avoir la collaboration de l'Opposition officielle, il va falloir qu'on revienne aux travaux. C'est ce qu'on voulait avoir, des travaux dans cette Chambre. On disait que c'était important de retourner aux travaux de cette Chambre, de ne rien retarder. Eh bien, qu'on agisse en conséquence.

Le Président: A l'ordre! M. le ministre de l'Energie et des Ressources, puis-je vous demander de revenir immédiatement au projet de loi no 72 qui vous concerne?

Une Voix: Cela fait mal aux oreilles, le français.

M. Bérubé: Oui, M. le Président, c'est bel et bien de ce projet de loi que je parle. J'allais simplement souligner que vous avez, derrière vous, un tableau — j'inviterais les caméras à le regarder — qui montre ce premier débat à l'Assemblée nationale en 1792 pour qu'on ait le droit d'utiliser notre langue chez nous au Québec, M. le Président.

Pour cette raison, M. le Président, j'utiliserai la langue que m'ont enseignée mes parents, la langue que leur avait enseignée leurs parents, la langue que mes ancêtres se sont transmise de génération en génération et dont je suis fier.

M. le Président, je suis même, en un sens, un peu inquiet parce que nous discutons d'un projet de loi, le projet de loi 72, où nous avons déjà une traduction anglaise. Il est bien évident qu'il est très difficile, sinon impossible, de traduire exactement ses sentiments dans les deux langues. Par conséquent, nous avons dans ce projet de loi un texte français et un texte anglais. Malheureusement, M. le Président, s'il y avait un iota, s'il y avait une petite différence d'interprétation dans les deux textes et que ceci devait être contesté, et si la version française n'est pas la version officielle, il faudra trancher laquelle des deux versions sera officielle. Qui tranchera? La Cour suprême, M. le Président, la Cour suprême qui se basera sur le "common law", c'est-à-dire l'interprétation anglaise de nos lois.

Le Président: S'il vous plaît!

M. Bérubé: Vous vous rendez compte, M. le Président, qu'il est difficile de défendre un projet de loi, alors qu'on ne sait jamais comment il sera interprété. Néanmoins, M. le Président, je m'attaquerai au dernier point de mon exposé qui porte sur les raisons de la mise sur pied de ce ministère de l'Energie et des Ressources. D'abord, il faut se dire — et c'est ce que j'ai souligné dans la première partie de mon intervention, que le gouvernement s'est préoccupé d'utiliser les richesses naturelles du Québec de manière...

Une Voix: ...

M. Bérubé: II y a un poulet qui se fait aller de l'autre côté.

Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Je soulignais l'importance que le gouvernement a mise dans les richesses naturelles pour le développement de notre économie. J'ai expliqué un certain nombre de politiques qui ont obtenu un succès certainement inespéré puisque je pouvais citer les derniers chiffres de création d'emploi, les derniers chiffres concernant l'investissement dans le secteur des pâtes et papiers. Je pouvais souligner que notre industrie minière a maintenant le championnat au niveau de l'exploration. C'est le plus haut niveau de forage de toutes les provinces canadiennes. En d'autres termes, M. le Président, je pouvais souligner le succès d'un certain nombre de politiques.

Cependant, il fallait compléter ces politiques. Lorsqu'on examine soigneusement les mines, l'énergie, les forêts, les terres, on découvre un ensemble d'objectifs communs à ces secteurs qu'il faut tenter d'harmoniser pour faire en sorte que le gouvernement puisse éventuellement avoir une politique des ressources, une politique qui nous permette de savoir comment nous allons utiliser nos richesses naturelles dans une direction donnée. M. le Président, c'est bien évident qu'au niveau des mines le ministère n'est pas assez gros pour justifier un service d'informatique, pour justifier une gestion du personnel trop considérable, pour justifier également un service aux sociétés d'Etat. Une des conséquences, qui a d'ailleurs été soulignée, dès notre arrivée au pouvoir, par tous les présidents des sociétés d'Etat lors d'une rencontre, c'est qu'il n'y a pratiquement pas moyen pour le gouvernement d'émettre des directives à nos sociétés d'Etat parce que les agences gouvernementales susceptibles d'émettre ces directives sont tellement morcellées qu'il n'y en a aucune qui a véritablement le personnel, les compétences pour réfléchir aux orientations, aux mandats de nos sociétés d'Etat.

Il faut donc tenter de regrouper ces organismes à vocation économique et faire en sorte que l'on puisse disposer d'un peu plus de personnel. Comment peut-on y arriver? Il va de soi que nous avons cherché à maintenir à l'intérieur de ce ministère quatre vocations, c'est-à-dire distinguer soigneusement entre les terres, les mines, l'énergie, les forêts. Il doit donc y avoir un sous-ministre associé à chacune de ces directions, de ces secteurs, de manière à ce que l'industrie qui s'adresse au ministère des Ressources sache qu'elle s'adresse à un fonctionnaire qui se voit déléguer son autorité directement du sous-ministre et qui sait que l'autorité finale qui prendra la décision sera une autorité qui partage ses intérêts. (16 h 10)

En effet, M. le Président, on a assité à certains regroupements de ministères, par exemple en Ontario, où on a mis ensemble des secteurs, des

directions aussi disparates que les parcs, les mines et les forêts. Particulièrement dans le cas des parcs, il faut constater qu'un ministre chargé du loisir, de la chasse et de la pêche, est un ministre qui se préoccupe de récréation, de qualité de vie, de milieu. Par conséquent, il a des objectifs différents de ceux du ministre des Forêts, qui lui veut utiliser les forêts de manière à assurer le développement économique. Il va de soi qu'il y a des arbitrages. Ce n'est pas facile. Si on veut faire un parc, il va falloir sortir les exploitations forestières. C'est un peu anormal que le même ministre prenne les deux décisions en même temps, parce que, s'il est orienté vers les parcs, il y a des chances qu'il sacrifie l'économie. Si, au contraire, il est orienté vers l'économie, il y a des chances qu'il sacrifie le loisir, la récréation et la qualité du milieu.

C'est au Conseil des ministres de faire ces arbitrages. D'ailleurs, le gouvernement actuel a inauguré cette nouvelle façon de gérer en créant ces postes de ministres d'Etat au Développement économique, à l'Aménagement du territoire, dont le rôle est justement l'arbitrage de telles orientations ou de tels objectifs qui peuvent être en contradiction, de manière qu'on puisse prendre une décision essentiellement politique. Il est donc important que, dans un ministère des Ressources, on ne confonde pas le loisir avec l'activité économique. C'est ce que nous avons fait. Nous n'avons regroupé ensemble que des activités économiques qui auront comme objectif d'assurer le mieux-être des Québécois en leur permettant de travailler dans une industrie qui bâtit sa richesse, son développement sur un avantage comparatif que sont nos ressources.

Donc, il est dangereux de mêler; c'est exactement ce qu nous n'avons pas fait. Nous avons pris les moyens pour que nous n'ayons que des vocations économiques. Il y aura donc un sous-ministre aux mines associé, un sous-ministre aux forêts, un sous-ministre à l'énergie et lorsque l'industrie, les coopératives forestières discuteront avec un fonctionnaire, avec le sous-ministre aux forêts, elles sauront qu'elles parlent à l'autorité suprême à l'intérieur du ministère, l'autorité administrative, il va sans dire.

Il y a des avantages au regroupement. Par exemple, nous avions deux directeurs généraux à l'administration. Nous n'en aurons plus qu'un. Nous avions deux directeurs du budget. Nous n'en aurons plus qu'un. Nous avions cinq cadres à la gestion financière. Nous n'en aurons que trois. Deux directeurs à la gestion du personnel; nous n'en aurons plus qu'un. En d'autres termes, le regroupement de ces unités administratives va nous permettre de réduire le nombre de fonctionnaires chargés de certaines tâches communes et faire en sorte qu'on puisse alléger l'administration publique. C'est d'autant plus nécessaire, M. le Président, que tous ces nouveaux programmes que nous avons introduits depuis un an et demi ou deux ans se sont autofinancés, si on peut dire, à partir d'une banque de postes de fonctionnaires que nous avons dégagée grâce à des économies.

C'est-à-dire que le gouvernement s'est organisé pour améliorer les services aux citoyens, mais sans augmenter le nombre de fonctionnaires, donc en procédant à de tels regroupements, à de telles rationalisations. C'est cela une pensée économique claire, qui comprend ce que sont les économies.

Le ministre des Finances du gouvernement fédéral nous parle d'essayer de mettre un terme à ces déficits budgétaires astronomiques que les libéraux lui ont causés. D'ailleurs, M. le Président, les libéraux nous avait légué exactement la même chose, parce que les libéraux sont connus pour laisser à tous les gouvernements qui leur succèdent des finances dans un état catastrophique. Dois-je souligner, M. le Président, que tous ces programmes que nous avons offerts aux Québécois, nous les avons offerts sans augmenter la fontion publique? Mais, si le gouvernement fédéral veut réduire les dépenses, il pourrait comprimer la fonction publique. Ce n'est pas ce qu'il choisit. Il choisit l'augmentation des taxes. C'est une façon d'équilibrer un budget. On augmente les taxes. Evidemment, le petit contribuable qui est "poigné" pour payer cela, c'est un peu plus difficile. Mais ce n'est pas tellement un problème.

D'ailleurs, c'est comme cela que cela fonctionnait avec l'ancien gouvernement libéral. On augmentait les taxes; on équilibrait les budgets. Ce n'est pas de cette façon que nous l'avons fait. Nous l'avons fait en réduisant les impôts, en réduisant le nombre de fonctionnaires, en s'orga-nisant pour donner de meilleurs services, en défendant des projets de loi comme ceux que nous avons vus à l'Assemblée nationale, sur la santé-sécurité, que nous faisons, à l'intérieur, avec nos banques de postes.

Donc, nous réduisons les postes. Qu'est-ce que cela permet de faire en réduisant le nombre de fonctionnaires? D'offrir des services que je ne pouvais pas donner avant. Par exemple, nous pourrons avoir un service de l'informatique beaucoup plus important, beaucoup plus complet. Par exemple, nous pourrons avoir maintenant pour les Québécois, pour le ministère des Richesses naturelles qui, auparavant, n'avait pas de service en région, des services en région. Pourquoi? Parce que le ministère des Terres et Forêts avait neuf bureaux régionaux, 44 unités de gestion, des bureaux locaux.

Par conséquent, il est possible, à l'intérieur d'un seul ministère, sans multiplier l'administration, d'offrir les services de l'énergie, des mines, des forêts directement aux citoyens. Une des difficultés que nous avons rencontrées dans notre programme d'isolation de maisons — ne nous le cachons pas, le gouvernement fédéral l'a connue aussi — c'est que le citoyen qui voulait des renseignements sur la façon de remplir les formules ne savait pas où s'adresser. Il n'y a pas de bureaux des Richesses naturelles ou de l'Energie à Sainte-Anne-des-Monts. Il n'y en a pas non plus à Matane mais il y a des bureaux du ministère des Terres et Forêts. En regroupant nos services, il est possible, pour un agent de bureau, de venir faire un

stage à Québec, d'apprendre comment fonctionne le programme d'isolation de maisons et de retourner ensuite en région pour aider les citoyens à remplir les formulaires en question. Cela est le genre d'économie de moyens qu'on peut réaliser par le regroupement du ministère.

Cela veut dire, M. le Président, que l'accès à la clientèle sera beaucoup amélioré; cela veut dire que nous aurons des bureaux implantés sur tout le territoire sans avoir augmenté le nombre d'effectif, sans avoir augmenté le personnel. Egalement, les postes de fonctionnaires que nous dégageons par cette opération, nous pouvons nous en servir ailleurs. Par exemple, le ministre de l'Energie et des Ressources, maintenant, devient titulaire de sept sociétés d'Etat et de deux régies, REXFOR, Hydro-Québec, SOQUIP, SOQUEM, SNA, SDBJ, Société de cartographie. Il est pratiquement impossible de suivre ces sociétés sans avoir, au niveau du ministère, une équipe dont le rôle est d'essayer de définir ce que les Québécois veulent de leur société, quels sont les objectifs, les orientations de cette société. L'Opposition aura remarqué qu'au cours des dernières années, nous avons amendé plusieurs lois des sociétés d'Etat pour donner le pouvoir à l'Assemblée nationale, au gouvernement, d'émettre des directives quant aux objectifs, quant aux orientations.

Mais, pour préparer ces orientations, il faut des gens qui pensent, il faut des gens qui puissent s'occuper de ces sociétés d'Etat, qui puissent s'occuper des mandats que pourraient réaliser nos sociétés d'Etat. Dans nos ministères, nous n'avons pas ce personnel. Mon intention est donc de constituer une équipe des sociétés d'Etat dont le rôle sera spécifiquement de définir ces mandats, d'essayer de voir ce que la collectivité attend d'un organisme comme une société d'Etat, ce que l'on attend d'Hydro-Québec, ce que l'on attend de SOQUIP, de SOQUEM, de la SNA. Donc, cela permettra un suivi gouvernemental beaucoup plus serré de l'activité de nos sociétés d'Etat, non pas pour s'immiscer dans le fonctionnement quotidien des sociétés d'Etat, mais pour jouer le rôle qu'un gouvernement doit jouer, soit celui de définir les orientations. Où est-ce qu'on va? Pourquoi va-t-on là? Qu'est-ce qu'on veut faire? C'est à l'Etat à définir cela. C'est aux citoyens du Québec à décider qu'est-ce qu'ils veulent faire avec SIDBEC.

Une fois que l'on a décidé ce que l'on veut faire avec une société d'Etat, il appartient au conseil d'administration, nommé par la loi, que le gouvernement a choisi, de réaliser évidemment le mandat et de faire rapport au gouvernement. Lorsqu'il fait rapport, il faut qu'il y ait quelqu'un au gouvernement qui le lise. Il ne s'agit pas d'envoyer un rapport au gouvernement, qu'on le mette sur une tablette et qu'on le laisse dormir sous la poussière. Il faut que le gouvernement s'inquiète, se préoccupe du fonctionnement de ses sociétés d'Etat.

Avec le regroupement, avec les économies au niveau de l'administration, il est possible d'améliorer ce contrôle de l'homme politique sur les orientations de nos sociétés d'Etat. D'autres économies sont possibles, sans nécessairement réduire le nombre de postes, mais en augmentant l'ampleur de ces services. Nous avons un service de voirie minière, un service de voirie forestière. Il est donc tout à fait possible, un jour — ce n'est pas mon intention — peut-être d'harmoniser le fonctionnement de ces deux services de manière qu'on ait un plus gros service, mieux équipé, avec un meilleur choix d'ingénieurs, regroupant les deux, mais avec certaines spécialisations possibles. C'est le genre d'amélioration que le regroupement des ministères veut rendre possible. (16 h 20)

M. le Président, il faut le souligner, ce regroupement de la Direction générale de l'énergie, de la Direction générale des mines, de la Direction générale des forêts et de la Direction générale des terres va nous permettre de réaliser un ensemble de politiques qui n'étaient pas possibles au gouvernement du Québec antérieurement. Certains diront: N'est-il pas trop lourd pour un homme de devoir supporter le poids d'autant de directions? Je dois dire que, depuis maintenant trois ans, étant à la tête de ce ministère, ayant les deux ministères essentiellement, j'ai pu apprécier la quantité de travail qui était nécessaire. Je dois dire que la tâche du ministre est d'autant plus réduite que nous avons une haute fonction publique compétente, suffisamment nombreuse pour faire toutes les tâches qu'on attend d'elle.

Je dois souligner aussi que nous n'avons plus la Direction générale des eaux qui a été regroupée avec le ministère de l'Environnement pour créer un véritable ministère de l'Environnement. Nous avions antérieurement deux gestionnaires de l'eau: la Direction générale des eaux et les Services de protection de l'environnement. Vous aviez un Québécois qui choisissait de se construire un quai sur le bord de l'eau; il demandait la permission à la Direction générale des eaux, on lui donnait la permission. Mais, le lendemain, un inspecteur de l'Environnement survenait et on lui disait: Non, on vous l'interdit pour des raisons d'environnement. Il disait au gouvernement: Faites-vous une idée. C'était le problème d'avoir deux gestionnaires. On a réglé le problème. Les deux gestionnaires, cela va être le même ministre. Il va falloir qu'il y ait un sous-ministre, à un moment donné, qui fasse les arbitrages. Le citoyen, quand il aura l'autorisation, il aura l'autorisation. Il n'aura pas besoin de se demander si, le lendemain, il n'y a pas un autre ministère qui va le contredire.

Ayant abandonné cette Direction générale des eaux il y a déjà quelques mois, nou avons également démantelé, si on veut, la Direction générale du Nouveau-Québec créée par M. Lévesque. Cette Direction générale du Nouveau-Québec visait à remplir un vide que malheureusement, je dois dire, M. Duplessis avait laissé. En effet, lorsque les terres du Nord ont été concédées, en 1912, au Québec, les gouvernements québécois successifs trouvaient un peu pesant d'avoir à s'occuper des Indiens, du développement et on préférait laisser ce rôle à Ottawa. C'est en 1962, si je ne m'abuse, que M. Lévesque, alors ministre des Richesses naturelles, devait créer la Direction générale du Nou-veau-Québec pour forcer le gouvernement du

Québec à assumer ses responsabilités. Cette oeuvre de pionnier a porté fruit. Graduellement, l'ensemble des ministères s'est préoccupé du développement du Nord et, d'ailleurs, c'est au député de Mont-Royal que l'on doit la négociation de l'entente de la Baie James en vertu de laquelle chaque ministère devait assumer ses responsabilités.

Personnellement, j'estimais que la Direction générale du Nouveau-Québec devenait essentiellement un "colonial office". Evidemment, le député de Mont-Royal va dire: Qu'est-ce qu'il y a de mal à avoir un "colonial office"? Enfin, nous, Québécois, n'aimons pas tellement les "colonial offices" et, par conséquent, on a gardé des mauvais souvenirs. Vous savez, ces "colonial offices" sont ces ministères horizontaux qui s'occupent des coopératives, des hôpitaux, des écoles et qui, eux, savent ce qui est bon pour les autochtones, ce qui est bon pour les Cris, ce qui est bon pour les Inuit. Or, il m'apparaît qu'il faut effectivement que chaque ministère assume ses responsabilités. Les Inuit sont des citoyens québécois qui doivent pouvoir s'adresser au ministère de l'Education ou au ministère des Affaires sociales. En d'autres termes, Mme la Présidente, la tâche du ministre des Richesses naturelles s'était considérablement allégée du fait qu'il n'avait plus la Direction générale des eaux et du fait qu'il n'avait plus la Direction générale du Nouveau-Québec. Par conséquent, ce regroupement permet de créer un ministère assez costaud, assez important pour se doter de tous les instruments administratifs nécessaires à une bonne gestion et je pense que cela ne peut qu'aider le développement de nos richesses naturelles.

M. le Président, je dois dire que cet objectif de regrouper ces ministères est ancien. M. Lévesque avait proposé cela à l'époque où il était à l'intérieur du gouvernement libéral; il avait proposé le regroupement des Terres et Forêts et des Richesses naturelles. Les conflits de personnalité entre ministres avaient rendu difficile cette rationalisation, même si elle était désirable.

Les gouvernements qui ont succédé au gouvernement libéral, qu'ils soient de l'Union Nationale ou du Parti libéral, ont préféré à nouveau ne pas s'immiscer dans cette question et, finalement, c'est l'élection du Parti québécois, avec la nomination d'un seul et même ministre à la tête de ces deux ministères, qui a rendu beaucoup plus facile cette rationalisation administrative. C'est donc la conséquence d'une longue réflexion, d'une orientation mûrement réfléchie qui nous amène, M. le Président, avec fierté, à présenter ce projet de loi qui crée le ministère de l'Energie et des Ressources.

La Vice-Présidente: M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, Mme la Présidente. Je vois que dans les dernières minutes de son intervention, le ministre a finalement parlé du projet de loi. Je ne peux pas laisser sans commentaire les pro- pos qu'il nous a donnés ce matin. Nous avons été témoins, ce matin, d'un spectacle peu édifiant par le ministre, au sujet du projet de loi. C'était assez édifiant, par exemple, quant à l'attitude du ministre.

Le ministre a parlé d'une série de sujets: de la loi 101, des années 1960, il a parlé de nos institutions politiques, il a parlé des Anglais. Je ne ferai pas la litanie de tous les sujets qui n'étaient pas pertinents au débat de ce matin. Ce qui est le plus regrettable, c'est que le ministre a parlé de la façon la plus dérogatoire des investisseurs du Québec, qui sont au Québec, dans des termes que je n'oserais même pas répéter dans cette Chambre. Il a traité d'exploiteuses des sociétés québécoises qui ont été fondées par des Québécois. Ceci pour vous dire que je ne m'abaisserai pas à ce genre de débat. Je vais parler de la substance du projet de loi, je vais me limiter à critiquer ce qui est dans le projet de loi, ce qui n'y est pas, mais qui aurait dû être dans le projet de loi. Je voudrais seulement dire que si la performance du ministre, ce matin, est un avant-goût des débats référendaires, je sympathise avec la population du Québec.

Le ministre a mentionné l'importance des richesses naturelles. Parce qu'il y a une importance vitale aux richesses naturelles, aux ressources énergétiques, j'aurais pensé que le projet de loi aurait reflété l'importance que le ministre attache aux richesses du Québec; j'aurais pensé qu'on aurait eu un projet de loi qui aurait été concis, qui aurait été précis, qui aurait défini le mandat du ministre, les fonctions du ministre, pour répondre aux besoins des Québécois. Cela aurait été vraiment une occasion pour le ministre de remplir les engagements de son gouvernement, les engagements de son prédécesseur au ministère, les engagements qu'il avait pris quant à la formation d'un quasi superministère, les fonctions qu'il lui donnait dans le livre blanc. On en parlait page après page toutes les fonctions de ce ministère. Malheureusement, j'ai essayé de trouver, dans le projet de loi, les intentions du livre blanc quant à la formation du ministère et elles ne sont pas incluses. (16 h 30)

On a plutôt un projet de loi qui tend, dans la tradition actuelle du gouvernement, à élargir les pouvoir discrétionnaires du nouveau ministre en rendant plus vague le libellé des obligations et des pouvoirs. J'en donnerai quelques exemples. Avant d'aller plus loin sur le projet de loi lui-même, je voudrais répondre à quelques propos que le ministre a évoqués quant aux politiques du ministère.

Par exemple, il a mentionné que dans le domaine des pâtes et papiers, grâce à la politique du gouvernement, il y aurait des investissements en excès de 12 milliards. Ce que le ministre a oublié de mentionner, c'est que, de ces sommes qui seront données, transférées ou investies par les compagnies de pâtes et papiers, 60% des sommes que le ministre a mentionnées proviendront du gouvernement fédéral...

M. Bérubé: De nos taxes!

M. Ciaccia: 60%, on oublie de le dire, ça!

M. Bérubé: De nos taxes!

M. Ciaccia: Et 40% seulement — ce n'est même pas 50-50 — proviennent du gouvernement du Québec. Je crois que, si on veut vraiment dire la vérité, on ne doit pas omettre des faits saillants aussi importants; qu'on donne au moins tous les faits à la population. Si le ministre croit que ce sont des sommes qui sont payées par certaines taxes, la population en jugera. Au moins, le ministre devrait avoir l'honnêteté de ne pas dire seulement une demi-vérité en essayant de prendre tout le crédit, toute la gloire pour son ministère et son programme dans un cas semblable.

L'autre aspect mentionné par le ministre est le domaine minier. Il nous a démontré l'importance des richesses naturelles au Québec. Je ne veux pas sous-estimer cette richesse ou son importance pour les Québécois, mais le ministre essaie toujours de traiter le Québec comme une entité complètement à part du Canada, comme quoi nous, Québécois, n'avons pas à partager les richesses canadiennes. Par exemple, il mentionne la production minérale au Québec. En termes de pourcentage, de valeur de dollars, si on prend la production totale minérale au Canada, on en a, d'après les chiffres de 1978, pour $19 milliards. C'est la valeur globale canadienne. La valeur au Québec est de $1 800 000 000, ce qui représente 9,3% de la valeur totale canadienne.

La raison pour laquelle je porte ces chiffres à votre attention, c'est pour essayer de situer dans le contexte le débat de ce projet de loi. Si on veut, pour donner encore plus de précisions sur ces chiffres, enlever des $19 milliards de la production minérale du Canada la production des combustibles, on constate que le Québec produit approximativement 21% de la production minérale, excluant la production des combustibles. Tout ceci pour dire que nous devons avoir des lois au Québec pour promouvoir, aider et encourager l'investissement dans ce domaine, mais il ne faut pas exagérer et voir aussi les richesses que nous partageons, à titre de Québécois et de Canadiens, avec le Canada.

Venons au projet de loi. Dans le livre blanc, le gouvernement s'était engagé à avoir un ministère de l'Energie qui devait s'occuper de la conservation, qui devait transiger avec tous les autres ministères du gouvernement. On en faisait une grande liste on parlait du Code du bâtiment qui devait être refait, on pariait des relations entre le ministère de l'Energie, le ministère des Travaux publics et le ministère des Transports pour démontrer l'importance qu'on voulait accorder à ce ministère.

Nous voyons que ces intentions n'ont pas été traduites dans le projet de loi. L'article clé du projet de loi qui donne les pouvoirs au ministre, c'est l'article 12. Je vais, pour commencer, faire certaines critiques de ce qui est contenu dans cet article et je reviendrai pour faire certaines suggestions sur ce qui aurait dû être inclus et qui a été omis.

Premièrement, je veux croire que peut-être le ministre n'a pas vraiment réalisé ce que l'alinéa 10 de cet article 12 dit. Je vais le citer. Cet article donne des pouvoirs au ministre — pour démontrer un peu le genre de projet de loi qu'on nous propose — pour "la définition, le maintien et le respect de l'intégrité territoriale du Québec". Pouvez-vous croire, Mme la Présidente, que c'est le ministre qui va avoir ce pouvoir, que c'est lui qui va définir l'intégrité territoriale? Je crois bien que le ministre ne s'y est pas référé dans son discours. On ne devrait donc pas avoir trop de difficulté à apporter certains amendements à cet article parce que, premièrement, ce n'est pas le rôle d'un ministre ou d'un individu dans un gouvernement de donner une définition d'un territoire; ça revient au gouvernement entier. On peut se questionner sur ce que veulent dire "le maintien et le respect" de cette intégrité territoriale. C'est une fonction d'un gouvernement et non pas d'un ministre.

Venons-en à certains articles encore plus importants. Non seulement ce projet de loi donne-t-il des pouvoirs au ministre, mais il abroge certaines autres stipulations dans d'autres projets de loi. Premièrement, c'est une technique législative qui n'est pas tout à fait acceptable. Si on veut amender la loi d'Hydro-Québec, qu'on présente donc à la Chambre un projet de loi pour amender la loi d'Hydro-Québec; qu'on n'essaie pas de le faire par le truchement d'un projet de loi qui va créer un autre ministère parce qu'à ce moment-là on ne peut pas, adéquatement, aller sur le fond du projet de loi d'Hydro-Québec, en voir exactement toutes les implications.

Dans l'alinéa 12, on nous dit que, les pouvoirs du ministre comprennent "l'accélération de l'expansion d'Hydro-Québec en lui assurant notamment l'exploitation des forces hydrauliques disponibles". Ceci remplace et modifie l'article qui se lisait comme suit: D'accélérer l'expansion d'Hydro-Québec et lui assurer l'exploitation de toutes forces hydrauliques non concédées — ceci est important — partout où il est économiquement possible de les aménager. Nous avions dans la loi une obligation pour le ministre de se préoccuper des projets qui étaient économiquement possibles. Aujourd'hui, le ministre nous enlève cela; il vient nous dire qu'il veut avoir, lui, le droit d'accélérer l'expansion d'Hydro-Québec, sans restriction, sans s'occuper si c'est économiquement valable ou non. Il n'y aura pas de restriction, il n'y aura pas de contrôle sur le ministre.

On peut se demander pourquoi le ministre voudrait se donner ce genre de pouvoirs. Je vais parler d'un projet très spécifique. C'est peut-être le projet auquel le ministre songe et où il a besoin du pouvoir qu'il veut ici, un pouvoir abusif, pouvoir qui peut seulement coûter plus cher aux contribuables, puisqu'il ne doit pas s'occuper si c'est économiquement rentable ou non. C'est le projet des rapides de Lachine, le Projet Archipel. Il y a eu des études par Hydro-Québec durant les

années 1970, 1971, qui ont démontré que ce projet n'était pas rentable, qu'il y avait des problèmes techniques, des difficultés. (16 h 40)

On nous annonce maintenant que le gouvernement procède à une autre étape dans ce projet. Est-ce que cela veut dire que le ministre va avoir le droit de donner des instructions à Hydro d'accélérer, de produire, de construire des projets alors même qu'Hydro sait qu'ils ne sont pas économiquement rentables? Je crois, Mme la Présidente, que c'est totalement abusif. Quand on parle de l'économie du Québec, quand on dit qu'on veut développer nos ressources, qu'on le fasse au moins d'après les règles de l'économie pour les rendre rentables. J'espère que, dans sa réplique, le ministre va nous expliquer pourquoi il a amendé la loi pour enlever les mots "où il est économiquement possible de les aménager". Cela ne s'appliquerait peut-être pas seulement là. Cela peut s'appliquer à une série de projets de loi.

Si on laisse le projet tel qu'il est écrit maintenant, qui va payer pour? Cela va être le contribuable. Il n'y aura pas de restrictions imposées au ministre pour protéger le contribuable du Quéec. On pourrait se demander ici ce que veut dire accélérer. Le ministre ne voudrait-il pas plutôt dire qu'il veut orienter, qu'il veut faire certains programmes, certaines planifications à son ministère? Sans des restrictions économiques, je crois qu'on desservirait la population si on acceptait cet alinéa, tel qu'il a été écrit par le ministre où on parle d'accélérer.

On pourrait mettre en doute d'autres aspects de ce projet de loi quand on dit que le ministre a comme pouvoir "le maintien des approvisionnements en énergie." Cet alinéa nous mentionne qu'il est du devoir du ministre d'assurer "le maintien des approvisionnements en énergie". Ici encore, on a le même problème qui se pose. Dans quelles circonstances et jusqu'à quel point le ministre peut-il intervenir à ce niveau pour maintenir les approvisionnements en énergie, quand on sait que les approvisionnements en énergie pour 70% et plus viennent d'en dehors du Québec? On pourvoit à 26% environ de nos besoins énergétiques par des sources hydroélectriques, des sources autochtones. On pourrait peut-être demander au ministre d'expliquer ce que cet article veut dire. On nous dit aussi... C'est un aspect un peu redondant du projet de loi, parce qu'il y a certains aspects du projet de loi qui sont déjà inclus dans d'autres lois. On aurait eu l'occasion vraiment d'arriver avec une orientation, avec des pouvoirs qui auraient démontré le mandat que le ministre veut se donner plutôt que d'amender certaines lois, d'inclure des termes qui sont déjà inclus dans un autre projet de loi. Je vais vous donner un exemple: "la surveillance de la qualité des produits énergétiques et de la sécurité de leur distribution." Ce pouvoir existe déjà dans le chapitre 31 des Statuts refondus du Québec. Quelle est la différence? Quel pouvoir additionnel le ministre se donne-t-il? Ou il veut abroger l'autre projet de loi ou bien il veut se donner d'autres pouvoirs additionnels qui ne sont pas mentionnés ici.

Mme la Présidente, je cite les articles 21 et 22 du projet de loi qui amendent la Loi sur l'Hydro-Québec. L'article 21 est discutable sur le principe même de la modification demandée. En effet, cet article demande la modification d'un article de la Loi sur l'Hydro-Québec. Il est étonnant de voir une modification à la Loi sur l'Hydro-Québec dans le cadre de la création du ministère de l'Energie et des Ressources. Si on avait voulu changer un article de la Loi sur l'Hydro-Québec, on aurait dû le présenter comme un amendement au projet de loi ou à la Loi sur l'Hydro.

Mme la Présidente, il faudrait peut-être faire un peu le bilan du ministère de l'Energie. Que nous a donné ce ministère dans les trois dernières années? Il nous avait annoncé des programmes de conservation.

Mme la Présidente, je ne vois aucunement dans le projet de loi une seule référence à la conservation, à un mandat que le ministre pourrait avoir pour implanter des programmes de conservation dans d'autres ministères, pour faire des recommandations au gouvernement. On n'en mentionne même pas. Pourtant, dans le livre blanc sur l'énergie, on en parlait. On attachait de l'importance au programme de conservation. On disait qu'on effectuerait 23% des épargnes dans ce domaine. Alors, il me semble que si vraiment le ministre était sincère et voulait vraiment implanter ces programmes, il aurait dû, au moins, se confier ce mandat-là. On ne voit aucun mandat d'inclus dans le projet de loi.

Quel autre fait pouvons-nous porter à l'attention du ministre et de la population au cours des trois dernières années? On pourrait parler des pannes d'électricité. On pourrait en parler. Tous les jours, le ministre nous fait un récit de toutes les pannes d'électricité qui existent au Québec. Il ne nous dit pas ce qu'il va faire. Il appelle les gens: les abonnés. Ce ne sont pas des personnes, des êtres humains, des pères de famille avec des enfants. Ce sont des abonnés. Il en fait la liste tous les jours. Quelles sont ses responsabilités? Est-ce qu'il a assumé certaines responsabilités envers cela? Quand on le questionne sur ces services essentiels, on fait répondre le ministre du Travail. Mais le mandat du ministre du Travail, c'est d'administrer le Code du travail avec la médiation, avec toutes les différentes étapes. Mais pour les personnes, Mme la Présidente, au milieu de l'hiver, au temps que nous connaissons, qui souffrent de ces pannes d'électricité, qu'est-ce que le ministre fait? On dirait qu'il est heureux. Il est vite à se lever à la Chambre pour nous compter le nombre de personnes qui sont affectées, le nombre d'abonnés; il en fait état quotidiennement.

Une Voix: II traite les propriétaires d'abonnés.

M. Ciaccia: Mme la Présidente, je crois que ce n'est pas de cette façon qu'on va prendre nos responsabilités. On parle aussi du prix du pétrole. Je voudrais signaler à l'attention de cette Chambre — je note que l'ex-ministre de l'Energie est présent, peut-être qu'il va se souvenir des propos qui étaient inclus dans son livre blanc sur l'éner-

gie — qu'on parlait du prix de l'énergie, à la page 74. On disait: "La protection du consommateur d'énergie implique qu'en premier lieu le consommateur obtienne son approvisionnement en énergie à un prix équitable". C'étaient de belles paroles. C'était vraiment une chose sur laquelle toute la population pouvait être d'accord. Plus tard, on disait: "Pour empêcher d'éventuels abus, le gouvernement dispose déjà d'un pouvoir d'intervention qui semble suffisant. Un amendement apporté à la Loi sur le commerce des produits pétroliers permet, en effet, au gouvernement, sur la recommandation du ministre délégué à l'Energie, de contrôler la répercussion au niveau du consommateur d'une augmentation du prix du pétrole brut et, enfin, de fixer le prix des produits pétroliers sur tout ou une partie du territoire québécois".

Une Voix: C'était trop bon; ils l'ont changé.

M. Ciaccia: C'étaient les propos du livre blanc sur l'énergie. On est entièrement d'accord sur ce paragraphe, mais on voudrait voir comment cela se traduit dans les actions du ministre ou dans le projet de loi. Mme la Présidente, depuis quelques mois, en réponse aux questions en Chambre, avant que le gouvernement fédéral nous donne les augmentations, ces prochaines années, du prix du pétrole, la position du ministre de l'Energie était: II faut payer le prix mondial. Quelles représentations faisait-il auprès du gouvernement fédéral? Il nous disait que c'était le prix mondial et qu'il fallait transiger avec l'Alberta, avec d'autres sur les matières énergétiques, comme si c'était une matière commerciale ordinaire. (16 h 50)

Où étaient les propos du livre blanc à ce moment-là? Pourquoi ne représentaient-ils pas les consommateurs du Québec? Heureusement que le gouvernement fédéral n'a pas monté au prix mondial. Cela n'est pas grâce aux représentations du gouvernement du Québec. Quand on attire son attention sur cela, le ministre veut nous le faire oublier. Il essaie de détourner le sujet. Quand on attire l'attention du ministre sur le fait que le prix du pétrole, dans des pays indépendants qui n'ont pas de pétrole, est trois ou quatre fois le prix qu'on paie au Québec, le ministre tourne cela en dérision. Il fait de l'humour avec cela.

Je voudrais citer, Mme la Présidente, le document budgétaire du gouvernement fédéral. On pourrait citer une série d'autres documents mais je cite seulement ceci: Au Royaume Uni, les prix de détail sont de deux fois et demie ceux du Canada. Dans des pays tels l'Allemagne de l'Ouest, la France et l'Italie, les prix sont de trois à quatre fois plus élevés qu'ici. Cela est exact. Ce n'est pas $0.30 de plus le gallon ou de $0.25 de plus; c'est trois à quatre fois plus; c'est $3 à $4 le gallon équivalent. C'est clair. La population doit le savoir. C'est parce que ces pays qui sont indépendants n'ont pas de pétrole sur leur territoire. Forcément, ils doivent l'acheter sur le marché international et il faut qu'ils paient pour cela. Il y a des balances de paiements internationaux, alors cela crée des paiements de taxes et cela force les pays à charger ces prix pour un produit qu'ils n'ont pas. C'est sur cela qu'on essayait d'attirer l'attention du ministre. Ici, au Canada, nous avons ces approvisionnements. Non seulement 60% des approvisionnements pétroliers au Québec viennent de l'Alberta mais l'objectif du gouvernement fédéral est l'autosuffisance pour 1990.

Je comprends bien que le ministre est pris avec son option politique. Il prône l'indépendance. Alors, c'est difficile pour lui de dire: Je veux être indépendant, je veux la séparation du Québec mais je veux me fier sur les sources pétrolières canadiennes. Il y aurait là, clairement, une contradiction totale. Alors, il ne peut pas le dire. Il est forcé de dire qu'il va traiter l'Alberta comme les autres pays étrangers, qu'il va traiter le Canada comme il traiterait le Moyen-Orient. De cette façon, il ne peut pas insister auprès du gouvernement fédéral pour les bénéfices qui, vraiment, devraient être les nôtres. Heureusement, même si le gouvernement du Québec n'a pas fait de représentations, d'autres en ont fait. Je crois que les prix que nous payons maintenant, même avec l'augmentation de la taxe d'accise, même avec l'augmentation de l'année 1980 de $4 le baril... Seulement pour donner un exemple: A la fin de 1980, le prix que nous allons payer le pétrole ici sera encore moins que le prix, par exemple, qu'on paie dans l'Etat de New York. Cela, après la taxe d'accise et l'augmentation stipulée dans le budget fédéral.

Ceci pour dire que le projet de loi ne reflète pas la réalité du Québec, ne reflète pas les obligations que le ministre de l'Energie a envers le Québec, ne reflète pas la coopération que le ministre de l'Energie devrait avoir avec les autres provinces, avec le gouvernement fédéral. On ne voit rien dans le projet de loi qui donne ce mandat au ministre, sur lequel mandat on pourrait juger le ministre à la fin de l'année quand il fait son rapport. Non, le projet de loi 72 est totalement silencieux sur des aspects très importants.

Je ferais certaines suggestions, par exemple, sur ce que devrait contenir le projet de loi sur le mandat du ministre, sur les fonctions du ministre. Je ne parle pas ici de la section des terres et forêts, de la section des richesses naturelles parce que cela existe déjà. On prend trois ministères et on les regroupe. On regroupe ces trois ministères pour en faire un.

L'aspect nouveau du projet de loi c'est l'aspect qui concerne le ministère de l'Energie. Par exemple, quand je vois que le ministre... Je cite le ministre dans ses propos de ce matin: Si on a un tout petit ministère des Richesses naturelles, comme les libéraux l'ont gardé... Mme la Présidente, je voudrais rappeler au ministre des Richesses naturelles que le premier ministre actuel était le ministre des Richesses naturelles dans le gouvernement libéral. Je crois que ce genre de propos n'ajoute rien à la discussion et à l'essai d'explication du projet de loi et de ce qu'il devrait inclure. Je vais faire certaines suggestions au

ministre concernant ce qu'un projet de loi devrait inclure pour vraiment s'assurer que le ministre pourrait remplir son mandat pour le bénéfice de tous les citoyens. Un projet de loi, ici, c'est comme dire au ministre: Voici ce que vous allez faire. Voici ce qui est votre rôle. Quand le ministre, par exemple, nous fait toute une explication, comme il l'a fait cet après-midi, sur le mécanisme et dit: II y avait quatre vocations, terres et forêts, mines, énergie et richesses naturelles, il nous explique la mécanique des sous-ministres et le regroupement.

C'est seulement la mécanique, Mme la Présidente, cela n'explique pas les orientations. Cela ne nous donne pas une idée de la direction où le ministère va aller. Cela donne l'administration du ministère comme dans tous les autres ministères. Chaque ministère a un sous-ministre et des sous-ministres adjoints. Cela ne nous aide pas à comprendre la direction vers laquelle le ministère doit s'en aller dans ses politiques, la vocation du ministre ou ses fonctions. Ce qu'un projet de loi, par exemple, devrait dire, c'est que le ministre doit revoir la question énergétique en rapport avec les objectifs de court et de long termes se rapportant aux besoins énergétiques du Québec. Ce serait une fonction du ministre. On pourrait vraiment dire: Voici ce que le ministre devrait répondre, devrait faire pour le bénéfice des contribuables du Québec. Revoir toute la question énergétique à court terme et à long terme parce qu'il y a des problèmes peut-être, à court terme, des problèmes, par exemple, ici, durant l'hiver. Il y a les questions d'approvisionnement, Mme la Présidente. Comment le ministre va-t-il remplir cette obligation de nous dire qu'il y a des approvisionnements suffisants et de se fier à lui quand il dit: C'est le gouvernement qui va s'en occuper? Est-ce que cela répond aux besoins des Québécois? Cela devrait être un des rôles, une des fonctions du ministre.

Deuxièmement, le ministre devrait avoir un rôle de conseiller et assister le gouvernement dans ses transactions avec d'autres gouvernements concernant les questions énergétiques, parce que si on avait l'autosuffisance, on pourrait dire, qu'on ne s'en occupe pas, que c'est moins important, nos transactions avec d'autres gouvernements. Mais c'est absolument vital qu'on ait, premièrement des relations, des transactions avec d'autres gouvernements, qu'on le reconnaisse et que ce soit une coordination, une collaboration avec le gouvernement fédéral et les autres gouvernements provinciaux des provinces productrices. Ici, on verrait l'orientation, le rôle du ministre dans le domaine énergétique.

Troisièmement, le ministre devrait faire des recommandations pour la bonne coordination de toutes les questions énergétiques du gouvernement, tout en visant à s'assurer de l'application logique de la politique. Plus spécifiquement, ici, on peut donner une liste des points importants du rôle du ministre dans certains secteurs spécifiques. Premièrement, la suffisance des approvisionnements. Deuxièmement, les prix. Troisième- ment, le développement des ressources énergétiques du Québec. (17 heures)

Ce serait un rôle sur lequel on pourrait juger le ministre, ce serait un rôle qui décrirait en réalité ce que le ministre devrait faire dans ce domaine. De plus, il devrait faire des recommandations en ce qui a trait aux priorités et au développement de la recherche. Je vois qu'il y a déjà une disposition dans le projet de loi qui traite de la recherche; j'y reviendrai tantôt.

Sur tous les aspects de l'énergie qui sont importants, comprenant la conservation, le nouveau ministre de l'Énergie est-il moins préoccupé que l'ancien ministre de l'Energie. L'ex-ministre de l'Energie en avait des préoccupations; il l'a écrit dans son livre blanc. Cela aurait dû être un engagement du gouvernement, parce que la question de conservation, cela devient de plus en plus important. On a un projet de loi qui est vraiment quelque chose d'incroyable. On crée un ministère de l'Energie et un des aspects les plus importants de toute la question énergétique, la conservation, n'est même pas mentionné dans le document.

Si vous lisez ce document-ci, la question de la conservation de l'énergie, ce n'est pas la responsabilité du ministre de l'Energie. A qui appartient cette responsabilité? Est-ce qu'on le retrouve dans un autre document? Evidemment non. Ce n'était pas une de ses priorités. Je crois que la priorité du ministre, c'est de vraiment charrier contre le fédéralisme. Cela est sa priorité, mais vraiment s'occuper des intérêts du Québécois, ce n'est pas prioritaire.

Une Voix: Ce n'est pas un ministre, c'est un minus.

M. Ciaccia: On devrait référer à la conservation, on devrait référer à l'utilisation et au développement des nouvelles sources d'énergie. Dans le livre blanc, on faisait grand état des nouvelles sources d'énergie. Cela peut devenir de plus en plus important, parce qu'il va falloir trouver des alternatives au pétrole, il va falloir trouver d'autres sources, parce qu'on nous avertit dans tous les pays producteurs que cela se peut qu'il y ait de moins en moins de production, que les pays eux-mêmes vont utiliser ces produits et qu'éventuellement ils vont être épuisés. Alors, cela devrait être une des préoccupations principales du ministre de trouver des nouvelles sources d'énergie et cela devrait faire partie, il me semble, du projet de loi.

Les sujets que je viens de mentionner auraient dû être au début du projet de loi; cela aurait dû être les clauses les plus importantes. Ce n'est pas important pour le Québécois de lire que le ministre va accélérer le développement à Hydro-Québec, que cela soit économiquement rentable ou non. Cela laisse des inquiétudes dans la population. Mais la question d'utiliser et de développer de nouvelles sources d'énergie, la question de conservation, c'est important. Cela aurait démontré vraiment que le ministre s'occupe des vraies priorités. On les oublie complètement.

Les suggestions que j'ai faites quant aux différentes inclusions dans le projet de loi, je ne m'en cache pas, je les ai trouvées dans la loi créant un ministère de l'Energie dans la province de l'Ontario. Je me suis dit: Je vais faire une comparaison. On nous présente un projet de loi et je me suis dit: Voyons ce que les autres juridictions, ce que les autres provinces font. L'Ontario, cela doit être comparable, parce que l'Ontario, non plus, n'a pas de sources de pétrole. L'Ontario se fie sur la production hydroélectrique, sur le gaz naturel, de la même façon que nous allons nous y fier de plus en plus.

Or, j'ai vu que ce ministère de l'Energie avait été créé durant la crise énergétique en 1973 et on voit ses priorités. Cela aurait été une des choses les plus faciles, comme je l'ai fait, d'aller voir ce qu'une autre province faisait et si les mandats confiés au ministre répondaient aux besoins de la population. Le ministre aurait pu faire la même chose et s'assurer que les mandats qu'il confiait à son ministère de l'Energie incluaient les priorités des citoyens.

C'est malheureux qu'il ne l'ait pas fait. Je puis vous assurer que nous allons lui suggérer certains amendements, en commission parlementaire, pour bonifier ce projet de loi parce qu'il est totalement inadéquat. Il amende d'autres lois, il omet ce qu'il devrait avoir, il est redondant sur certains aspects.

Un autre aspect où on constate l'inexactitude est le domaine de la recherche. Un article dit que le ministre sera responsable de l'établissement de laboratoires de recherche minéralogique, métallurgique, hydraulique, forestière et énergétique. Ceci remplace, dans la Loi sur le ministère des richesses naturelles, un article qui parlait de la question des recherches et qui faisait un genre d'obligation au ministère de s'assurer qu'il y aurait de la recherche dans le domaine privé, de s'assurer qu'il y aurait une stimulation à la recherche. On voyait le mandat que le ministère aurait et on voyait l'obligation du ministère de s'assurer non seulement que le gouvernement pouvait entreprendre certains projets de recherche, certaines études lui-même, mais ce qui est encore plus important, stimuler la recherche dans le secteur privé.

Je me demande pourquoi tous ces aspects, qui étaient déjà dans le projet de loi, ont été enlevés. On essaie de faire des réformes, on essaie d'améliorer la loi en n'incluant pas ce qu'il y a de bon. Je peux vous donner quelques exemples qui étaient contenus dans le projet de loi et qui sont maintenant abrogés. On disait: Aider les entreprises minières et métallurgiques à perfectionner les procédés, etc. Il y avait une obligation, pour le gouvernement de fournir de l'aide à l'entreprise privée, mais je sais que le ministre n'est pas trop favorable à l'entreprise privée, spécialement si ce sont des multinationales; je ne répéterai pas tous les propos du ministre ce matin.

Une autre obligation était de fournir à la petite industrie les services de laboratoire que ses ressources financières ne lui permettent pas d'établir. C'est une obligation qui existe actuellement et le ministre l'enlève, dans son projet de loi. Est-ce que cela veut dire qu'il ne veut plus aider les petites entreprises, qu'il ne veut plus fournir ce genre d'aide? On pourrait dire que c'est inclus dans l'établissement de laboratoires de recherche, mais ça ne l'est pas. Il faut préciser, il faut spécifier ce qu'on veut faire et ne pas tout laisser à la discrétion du ministre. Que ce soit ce ministre-ci ou un autre, lui laisser la discrétion, cela veut dire qu'il y aura des oublis, que certains droits seront enlevés à des contribuables. J'ai donné cet exemple pour démontrer une autre faille, une autre défectuosité dans ce projet de loi.

On a parlé des politiques du gouvernement dans le domaine énergétique. Je n'en ai pas vu. Le ministre n'a pas parlé de la question des prix. Mais maintenant que le gouvernement fédéral a donné des indications sur les prix, tout à coup, le ministre dit: C'est moi qui ai défendu les Québécois! Après le fait, il les défend. Je ne sais si la population va vraiment le croire. Le projet de la Baie James, on en a déjà parlé; c'est une réalisation de l'ancien gouvernement. On n'en a pas trop parlé aujourd'hui, le ministre n'y a pas trop référé. Il a dit que la Direction générale du Nouveau-Québec sera maintenant remplacée par d'autres organismes. C'est remplacé, mais à la suite de la création de certains organismes dans le Grand-Nord, de gouvernements régionaux, des corporations municipales, et cela a encore été fait sous l'administration du gouvernement précédent, du gouvernement libéral. Au fur et à mesure que tous les organismes sont mis en place, des projets de loi ont été adoptés durant les deux dernières années pour donner effet à l'entente de la Baie James, mais naturellement, il n'y avait plus de nécessité pour la Direction générale du Nouveau-Québec qui — disons-le, donnons le crédit — avait été instituée pour des raisons très spécifiques et qui a accompli son mandat pour établir une présence dans le Grand-Nord et essayer d'établir certains services aux résidents de ces endroits. (17 h 10)

Mais l'approche que nous avons prise — l'ancien gouvernement — c'était que tous les ministères devaient être impliqués dans le Grand-Nord et c'est pour ces raisons qu'on a institué certains organismes pour remplacer la Direction générale du Nouveau-Québec.

Il y a un autre aspect dans le projet de loi qui devrait être inclus et qui a été omis. On dit que le ministre est responsable pour les sociétés d'Etat, pour Hydro-Québec. On ne voit rien dans le projet de loi, par exemple, à l'obligation de donner certaines informations pour la tarification. On avait fait des suggestions quant à la tarification, que celle-ci ne devrait pas être exclusivement déterminée par le Conseil des ministres. On fait cette tarification, ces augmentations sans donner l'information au public. On avait suggéré une régie pour avoir des auditions publiques; on admet que le pouvoir final, décisionnel, appartient au gouvernement, au Conseil des ministres.

Mais, dans le projet de loi, le ministre aurait dû s'assurer — et c'était l'endroit idéal; je ne parle

pas de la régie, je ne parle pas de la question de tarification; c'est un autre sujet qui devrait faire partie d'un autre projet de loi — que les informations nécessaires soient fournies, soit au ministre, soit au public, par les sociétés d'Etat, que ce soit Hydro-Québec pour la question de tarification, que ce soit les autres sociétés d'Etat qu'il a mentionnées dans d'autres domaines. C'aurait été l'occasion idéale pour démontrer que, vraiment, il comprenait le problème, que le public devrait avoir toutes les informations, non seulement le public mais le ministre lui-même, avant de faire une recommandation, avant que le Conseil des ministres soit saisi de la demande de tarification. Une certaine obligation de la part d'Hydro-Québec de fournir des informations. On aurait pu inclure dans le projet de loi le genre d'informations qu'on voulait.

Une Voix: C'est dans la Loi sur Hydro-Québec.

M. Ciaccia: Ce n'est pas suffisant, je le sais. Le ministre des Institutions financières me dit que c'est dans la Loi sur Hydro-Québec. Mais, justement, ce n'est pas suffisant. On aurait pu préciser. Même avec la Loi sur Hydro-Québec, pour les dernières tarifications que le gouvernement a acceptées, trois années de suite, sans auditions publiques, ainsi de suite, on n'avait pas les informations. Et si les députés n'avaient pas ces informations, que pensez-vous du public? Je comprends, Hydro-Québec a dit: On a besoin de l'augmentation parce qu'on va faire tant de déboursés, tant d'emprunts; on va appliquer un taux 1,25, des formules financières. Mais cela n'aide pas le contribuable, cela n'aide pas à comprendre les différentes classes de tarification et tous les détails, toutes les informations. Je pense que c'est important que les députés aient au moins cela pour qu'ils l'expliquent à leurs électeurs. Cela aurait été l'occasion parfaite de l'inclure.

Le ministre des Institutions financières réfère à la Loi sur Hydro-Québec; vous l'amendez déjà la Loi sur Hydro-Québec; vous enlevez la redevance de $20 millions suite au budget du ministre des Finances. Vous avez fait cet amendement; je ne suis pas d'accord qu'on amende la Loi sur HydroQuébec dans une loi qui crée un ministère. Mais, une fois que vous avez fait cela, vous auriez pu ajouter un autre amendement, un amendement qui aurait été vraiment important pour nous, pour nous donner ce genre d'information, et certains délais aussi; au mois d'août, ou septembre, quand on demandait l'augmentation de tarification, on ne nous donnait les mémoires — si on était chanceux — qu'une semaine avant, des fois que trois ou quatre jours avant.

On aurait pu imposer certains contrôles, certains délais minimaux pour nous permettre d'avoir ces renseignements, pour nous permettre de poser les questions nécessaires et pour nous permettre d'informer le public. Je crois que cela n'aurait pas été contre les intérêts du gouvernement. Cela aurait aidé le gouvernement parce que je ne serais pas ici aujourd'hui pour vous accuser de ne pas nous donner d'information.

Mme la Présidente, ce sont les commentaires que j'ai à faire sur ce projet de loi. Je trouve que le ministre a vraiment manqué une occasion idéale de nous donner un projet de loi sur la création d'un ministère de l'Energie qui aurait vraiment répondu aux fonctions que le ministre doit avoir et a, qui aurait répondu aux besoins de la population. Malheureusement, on nous donne un projet de loi qui, à mon avis, est un recul. D'après la direction dans laquelle l'ancien ministre de l'Energie s'en allait et les propos du livre blanc sur la politique énergétique, où on parlait de la création d'un ministère de l'Energie, on avait vraiment l'impression que c'était un des superministères.

Il n'y a aucune raison pour que ce ne le soit pas à cause de l'importance de l'énergie pour notre économie, l'importance des approvisionnements, l'importance des prix, l'importance de la conservation, l'importance pour le ministère d'être capable de dire au ministre des Travaux publics: II faut que les lumières s'éteignent à 17 heures. Il aurait dû avoir l'obligation et le pouvoir de le faire, de dire au ministère de l'Education: Vous allez fermer les lumières dans les écoles à telle heure pour faire vraiment de la conservation d'énergie. Cela aurait été l'occasion idéale et on aurait appuyé ces mesures, ces pouvoirs que le ministère de l'Énergie devrait avoir.

Non seulement n'a-t-il pas ces pouvoirs, mais il ne mentionne même pas la question de la conservation. C'est une lacune. Je me demande comment le ministre a pu omettre même de mentionner le mot "conservation" dans son projet de loi. On parlait des différentes vocations, non pas d'un ministère de l'Energie et des Ressources, pas des terres et forêts ou des richesses naturelles, mais de la vocation d'un ministère de l'Energie. Je cite un extrait du livre blanc: "Le ministère de l'Energie aura un rôle de conseil auprès du gouvernement pour ce qui concerne les sociétés d'Etat intervenant dans le secteur de l'énergie. Enfin, le ministère de l'Energie, en collaboration avec les autres ministères, conseillera le gouvernement pour toutes les interventions, etc." On ne le voit pas dans le projet de loi. On ne lui accorde pas ce rôle. Je dirais même que les articles dans le projet de loi touchant strictement le ministère de l'Energie sont très restreints. Ils sont réduits. Il n'y en a pas beaucoup. Il y en a quelque-uns. C'est totalement inadéquat pour nos besoins et cela ne correspond pas du tout à la réalité.

Je ne saisis pas l'occasion, comme l'a fait le ministre ce matin, pour commencer à parler du fédéralisme, quoique je pourrais bien le faire pour justifier certaines mesures qui devraient être incluses.

En somme, Mme la Présidente, on est déçu. Je suis déçu de voir le projet de loi rédigé de cette façon. Je peux assurer le ministre que nous allons faire l'effort d'apporter des amendements pour nous assurer qu'on puisse définir clairement le mandat et les responsabilités du ministre. Merci.

La Vice-Présidente: M. le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais également à mon tour apporter quelques commentaires sur la deuxième lecture de ce projet de loi no 72 qui est devant l'Assemblée nationale et qui vise à créer, en fait, et à organiser le ministère de l'Energie et des Ressources, à fusionner ces domaines sous le chapeau et la responsabilité d'un seul ministère et sous la juridiction d'un seul ministre, soit l'actuel ministre qu'on reconnaît comme étant celui qui est responsable de l'énergie et des ressources.

(17 h 20)

Mme la Présidente ce projet de loi survient à un moment passablement important, à un moment qu'on pourrait dire stratégique surtout sur le plan de l'énergie, avec les situations difficiles que l'on connaît actuellement au pays et sur le continent américain, plus particulièrement en ce qui concerne les approvisionnements, les stocks actuels et les conditions de travail en ce qui concerne, par exemple, la distribution actuellement au niveau des compagnies qui sont en grève, comme Pétro-fina, Shell, Texaco, etc. Je pense qu'on n'a pas besoin de faire un portrait tellement détaillé de la situation pour que tous comprennent qu'à ce moment-ci, Mme la Présidente, la situation sur le plan énergétique est passablement sérieuse. L'adoption de ce projet de loi, qui vise à regrouper sous un même chapeau, sous une même responsabilité l'ensemble des secteurs impliqués, revêt donc une importance beaucoup plus grande à ce moment-ci qu'à un autre moment dans le passé, disons, surtout par le fait que cette situation, dans le contexte énergétique, est survenue d'une façon passablement soudaine et imprévisible, il y a de cela pas des décennies et pas trop d'années non plus.

Donc, on ajoute essentiellement aux responsabilités du ministre des Terres et Forêts les responsabilités liées à l'énergie. Le ministre lui-même — je commencerai mon intervention là-dessus, Mme la Présidente — a démontré son esprit de travail et sa capacité de s'atteler à des dossiers, de posséder ses dossiers et d'être capable de les défendre avec hardiesse et connaissance. Je pense qu'il est capable d'ajouter, même si cela peut être pesant au point de vue du travail, cette surcharge aux responsabilités déjà pesantes qu'il avait. Mais, comme il l'a indiqué lui-même, lorsque avec le temps un ministre responsable en arrive a s'entourer d'une équipe de plus en plus compétente et à laquelle il peut déléguer certaines responsabilités, je pense qu'à ce moment-là il peut faire face à des responsabilités de plus en plus larges avec efficacité.

La même chose — je pense que c'est l'expérience de tous les parlementaires dans cette Chambre — s'applique à tous les parlementaires qui, au début d'un mandat sont peut-être aux prises avec certaines difficultés et trouvent le travail d'un député débordant, parce que leur méthode de travail n'est peut-être pas ajustée. On sait que c'est toujours passablement exigeant, mais, avec le temps, on arrive à développer des méthodes qui permettent de rendre service davantage à nos concitoyens en moins de temps et d'abattre plus de besogne, parce que, justement, on améliore les méthodes. Je pense que c'est la même chose au niveau des ministères et des responsabilités qu'on confie à un ministre en titre. C'est l'expérience que le ministre, en somme, nous a livrée en quelques mots tout à l'heure, lorsqu'il a indiqué que maintenant il se sentait également lui-même davantage en mesure d'exercer une responsabilité plus grande à cause de la compétence des gens qui pouvaient l'entourer et de l'expertise que lui et son entourage ont maintenant dans ce domaine. D'ailleurs, que l'on partage ou non, M. le Président, les idées du ministre ou ses approches politiques je pense qu'il faut reconnaître — certains journaux l'ont souligné et lui ont rendu hommage — l'acharnement de ce ministre, son esprit de travail et le sérieux qu'il met dans ses dossiers. Comme je vous le dis, qu'on soit d'accord ou non avec le contenu de son approche ou du travail qu'il fait en Chambre, des propositions qu'il fait à l'Assemblée nationale, c'est un ministre qui travaille avec beaucoup de sérieux et qui démontre une capacité de travail peu ordinaire.

Une Voix: Qui cela?

M. Brochu: M. le Président, j'aimerais continuer mes remarques sur ce projet de loi. Evidemment, la création d'un ministère, comme le propose le projet de loi 72 qui est devant nous, peut donner lieu à une discussion fort large. On peut tout remettre en question, rediscuter et réanalyser tout ce que touche directement ou indirectement le ou les ministères concernés, à partir des budgets jusqu'à la politique d'ensemble, en passant par toutes les questions d'ordre technique qui peuvent se poser dans un domaine ou dans un autre des activités qui sont couvertes par le ministère. Ce n'est pas mon intention à ce stade-ci, au niveau de la deuxième lecture, d'entreprendre un large débat sur l'ensemble théorique des actions du ministère ou de faire une analyse en profondeur du cheminement du ministère depuis son existence et ainsi de suite. J'aimerais de façon plus particulière — c'était là le sens de mes premiers propos, M. le Président — m'attarder quelque peu sur la situation pétrolière. C'est donc la nouvelle responsabilité qu'on confie au ministre Bérubé et ce n'est pas la moindre dans le contexte que nous vivons actuellement.

C'est peut-être plus dans ce sentier que j'ai l'intention d'orienter mon intervention pour étaler certaines situations, pour poser également certaines questions auxquelles le ministre aura l'occasion de répondre dans son discours de réplique ou au cours de l'étude, article par article, du projet de loi. Ce sont des préoccupations que j'ai actuellement, au nom de ma formation politique, et des questions que les citoyens du Québec également peuvent se poser dans le contexte de la crise pétrolière que l'on vit dans le moment. Le ministre aura peut-être la gentillesse de répondre à ces questions, lors de sa réplique en deuxième lectu-

re. Je pense que cela pourrait être de nature à avancer nos travaux.

J'aurais aimé poser ces questions lors de la question avec débat, vendredi dernier. Je profite donc de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour les ramener puisque, vendredi dernier, j'étais retenu, comme vous le savez, M. le Président, à une réunion de leaders parlementaires, ce qui m'a empêché de participer à cette question avec débat qui avait été demandée par le député de Mont-Royal.

Tout d'abord, M. le Président, j'aimerais parler de la question du rationnement d'essence qui peut, éventuellement, être imposé par le gouvernement fédéral, advenant des baisses dans les approvisionnements. Le Québec — cela a été souligné par le ministre à l'Assemblée nationale — s'en remet, pour le moment, aux mécanismes fédéraux devant jouer, le cas échéant, dans une situation comme celle--là. On dit que selon le nouveau programme fédéral, si par hasard, les exportations d'huile brute baissent de 11%, à 7%, on mettra en branle ce fameux programme de restrictions fédérales actuel auprès des grandes sociétés pétrolières. On dit également — c'est le Globe & Mail qui rapportait cela à Toronto récemment, je crois — que si la baisse des exportations atteint plus de 20%, le rationnement entrera en vigueur immédiatement. Il n'y aura pas d'autres discussions là-dessus, ce sera applicable de façon automatique.

Le Québec, comme je l'ai indiqué, de son côté, sur cette question, advenant une pénurie des produits pétroliers cet hiver ou, le cas échéant, un hiver subséquent — je pense qu'on doit vivre de plus en plus à court terme dans ce secteur — s'en remet au gouvernement fédéral. Le ministre, dans une réponse qu'il a donnée à une de mes questions la semaine dernière, a indiqué que le plan provincial ou le plan du Québec, en matière de réaction à une pénurie, prendrait environ un an et demi à être appliqué de façon raisonnable pour donner les résultats escomptés. C'est donc dire qu'au moment où on se parle, au moment où le gouvernement fédéral a clairement indiqué son intention de démanteler la société Pétro-Canada, au moment où le gouvernement fédéral a en main les outils pour passer à l'action advenant une pénurie, le gouvernement du Québec, de son côté, a quand même un plan d'action qui serait très lent à mettre en marche. On s'en remet donc uniquement au plan d'action fédéral. S'il devait arriver une situation soudaine — c'est cela surtout qui est à craindre dans ce secteur, on sait que cela est déjà arrivé, qu'il y a eu des menaces que cela puisse arriver maintenant et ce n'est pas impossible que cela se produise — on serait peut-être dans...

M. Bérubé: M. le Président, je peux apporter une précision au député de Richmond.

Le Vice-Président: Avec son consentement. M. Brochu: Oui.

M. Bérubé: II va pouvoir l'introduire en même temps dans son intervention. M. le député de Richmond vient de mentionner qu'on s'en remettait au plan fédéral concernant le rationnement et que le plan québécois ne pourrait pas être en oeuvre d'ici un an, un an et demi. Je ne sais pas si le député de Richmond sait qu'en vertu de la loi C-42, le gouvernement fédéral s'est approprié, sur le plan constitutionnel, le pouvoir de légiférer dans ce domaine et qu'il ne serait pas possible pour nous de légiférer sans qu'il y ait une volonté fédérale de nous le permettre. Cela explique pourquoi il y a une différence entre les deux, pourquoi le Québec ne peut pas être prêt au moment où Ottawa est prêt.

M. Brochu: Merci. Je suis content que le ministre souligne cet aspect à ce moment-ci. Cela me permettra d'enchaîner directement sur ses propos. C'est une question qui est quand même importante puisque je l'associe directement à la question de l'approvisionnement par le Québec en matière pétrolière. On sait qu'actuellement les approvisionnements sont régis par le gouvernement fédéral. C'est d'ailleurs le ministre Hnatyshyn lui-même qui a pris en main — je l'ai indiqué récemment dans une question — les négociations avec le Mexique pour un approvisionnement supérieur en pétrole pour le Canada.

Cependant, j'avais indiqué au ministre à ce moment-là, dans des questions que j'ai posées ici à l'Assemblée nationale, qu'on sait qu'il existe une société d'Etat — le ministre y a fait allusion tout à l'heure — qui s'appelle SOQUIP dont le président, M. Cloutier, s'est rendu dernièrement au Mexique pour explorer le terrain pétrolier justement. M. Cloutier est revenu en disant que la société PEMEX, qui est la société des pétroles mexicains, était prête à négocier des approvisionnements en pétrole avec le gouvernement du Québec à condition d'avoir, évidemment — c'est là le sens de la remarque du ministre également — et c'est là le sens de l'indication du ministre — un mandat pour le faire du gouvernement fédéral. (17 h 30)

Je pense que c'est exactement la situation. Ce sont les propos, ou à peu près, que le ministre m'avait transmis dans sa réponse aux questions. Le président de SOQUIP avait indiqué, à ce moment, qu'il serait intéressant pour le Québec d'explorer cette avenue et de se préparer, le cas échéant, au cas de pénurie. Ce que j'avais souligné au ministre, c'est qu'on ne devait peut-être pas attendre pour faire ces démarches, qu'on soit devant un fait accompli, qu'on soit devant une coupure d'approvisionnement ou devant un problème international politique grave qui pourrait nous mettre devant une situation où le Québec n'aurait à peu près pas de marge de manoeuvre, peut-être pas le Canada non plus. On sait combien actuellement, sur le plan international, il y a des fluctuations dans les situations et, en un clin-d'oeil, ce qu'on croyait assuré peut devenir fort inquiétant. On a vu l'embargo en 1973. La crise

iranienne a mis les Etats-Unis presque à genoux, le secrétaire d'Etat est obligé de faire des courbettes en pays européens actuellement pour demander à tout le monde de bien vouloir l'aider auprès de l'Iran et ainsi de suite.

C'est donc dire, M. le Président, que la moindre situation, dans des pays qui n'ont pourtant pas d'importance majeure, peut remettre en cause toute notre situation et toute la sécurité de nos pays et en particulier du Québec en matière d'approvisionnement de produits pétroliers. J'avais insisté, à ce moment, et j'enchaîne encore sur la question du ministre, pour demander au ministre responsable du Québec, qui est devant moi actuellement, s'il avait demandé le mandat, pour sa société d'Etat SOQUIP, de pouvoir négocier les approvisionnements de pétrole mexicains elle-même. Le ministre ne m'avait pas répondu à ce moment. Il m'avait répondu d'une façon générale, il m'avait dit que le mandat n'avait pas été demandé, mais ne m'avait pas dit qu'il avait l'intention de le demander. On avait indiqué simplement que la loi québécoise prendrait beaucoup de temps à être appliquée, qu'il s'agissait de mettre plusieurs mécanismes en branle, au niveau de SOQUIP également.

Tout ceci pour dire finalement, c'est ce que j'ai compris de ses propos, qu'il n'était pas de l'intention du gouvernement du Québec de demander ledit mandat du gouvernement fédéral pour permettre à SOQUIP d'avoir au moins en main l'outil nécessaire, le cas échéant, pour être capable d'agir indépendamment de toutes les questions techniques qui pouvaient se poser entre eux. J'aimerais que le ministre, là-dessus, dans sa réplique, puisse faire le point et nous dire exactement quelles sont les intentions du gouvernement du Québec sur cette question. Je sais que le mandat n'a pas été demandé pour SOQUIP au niveau fédéral, mais est-ce que ce ne serait pas sage de le demander immédiatement, même si vous n'en avez pas besoin dans les prochaines semaines, mais au moins d'avoir ce mandat pour être capable, le cas échéant, une crise intervenant, d'intervenir dans les plus brefs délais?

Cette réaction n'est pas nouvelle, M. le Président, ce besoin de réagir a été reconnu dans le passé par l'ancien ministre responsable de l'énergie, qui est avec nous aujourd'hui. Il avait fait certaines déclarations dans ce sens, et j'ai ici une coupure de presse de la Presse du jeudi 22 novembre 1979, où on dit ceci: Le ministre québécois de l'Energie, M. Guy Joron, avait fortement dénoncé en février l'ingérence du fédéral dans la distribution des produits raffinés et annoncé du même coup la présentation, au cours des semaines qui suivaient, d'un projet de loi québécois sur la répartition advenant une situation d'urgence.

Donc, je pense qu'à ce moment le ministre qui était responsable de ce dossier reconnaissait au Québec la responsabilité de prévoir en cette matière et de se doter de tous les outils possibles pour être capables de faire face aux situations. On sait que, depuis ce temps, ladite loi a été, je pense, mise sur les tablettes, de sorte qu'actuellement, comme le ministre l'a indiqué à juste titre, on est devant la situation que, si le Québec avait à se débattre dans une situation d'urgence, il devrait compter un an ou un an et demi d'action ou de mise en branle de procédés quelconques pour faire face à une situation. Je pense que c'est la responsabilité de ce gouvernement essentiellement de se donner tous les outils par sagesse, si vous voulez, au point de départ, pour être capable de faire face aux situations qui pourraient avoir à se produire. Je demande au ministre, dans sa réplique, de faire le point sur cette question et de nous dire clairement si c'est son intention de demander un mandat pour sa société. Je pense que le président a indiqué clairement qu'en ce qui le concerne il serait prêt à agir dans les plus brefs délais, si le mandat lui était fourni évidemment.

Maintenant, sur cette même question énergétique, lors de l'étude des crédits du ministère en avril 1977, j'avais posé un certain nombre de questions sur la situation dans l'approvisionnement et le stockage en matière pétrolière. Le ministre responsable m'avait donné certaines réponses dont j'aimerais livrer le contenu rapidement à l'actuel ministre pour bien se resituer dans le cadre des préoccupations qui sont les miennes au moment où je fais ce discours de deuxième lecture.

Je cite le journal des Débats. C'est le ministre Joron qui parle à ce moment: "Je voudrais brièvement répondre à quelques points qu'a soulevés le député de Richmond. En ce qui concerne l'entreposage, le député de Richmond semblait en faire un cas très urgent et très important, relié à la possibilité d'interruption des approvisionnements provenant du Moyen-Orient, si jamais la situation politique là-bas se développait d'une façon fâcheuse et nous en privait. Il faut d'abord rappeler qu'il n'y a peut-être pas une capacité de stockage dit stratégique considérable au Québec, mais que l'inventaire normal dans le cours des affaires de distribution de produits pétroliers représente en moyenne environ 45 jours de consommation, un mois et demi. Cela peut aller jusqu'à deux mois dans certains cas. "Donc, on ne serait pas dans l'optique d'une interruption, pris les culottes baissées, si vous me passez l'expression, du jour au lendemain; il y a presque deux mois de jeu."

C'est ce qu'on avait comme réponse, à ce moment, en 1977, lors de l'étude des crédits. Maintenant, on a eu des développements de situations. Je rappelle que dans le cadre de cette discussion, j'avais indiqué au ministre que, de plus en plus, on s'orientait vers une situation incertaine du côté des approvisionnements pétroliers et que le moindre changement de politique — c'était surtout relié au Moyen-Orient — pouvait nous amener dans des conditions beaucoup plus difficiles au niveau de l'approvisionnement et qu'il y aurait peut-être lieu, à cause de cela, qu'au Québec on puisse avoir la préoccupation d'analyser tout au moins la possibilité de stocker davantage de produits raffinés pour faire face à ces périodes.

A ce moment, il y avait 45 jours. Le ministre me disait qu'il y avait 45 jours de réserve possible, et si une crise intervenait — c'est encore le cas

aujourd'hui — si une crise soudaine — c'est de plus en plus le cas dans ces situations — arrivait au début de l'hiver, au mois d'octobre ou au mois de novembre, avec 45 jours, on se retrouve au milieu ou à la fin de janvier dans une situation très très dangereuse, pour ne pas dire critique au plus haut point. Donc, cette marge de manoeuvre de 45 jours n'est réellement pas suffisante dans le contexte politique mondial actuel. On a su, par la suite — c'était la préoccupation que j'avais exprimée au ministre en 1977 — récemment — par les propos qui ont été tenus par le premier ministre Clark — qu'en moyenne, au niveau du Canada, actuellement, tant au niveau de l'huile à chauffage qu'au niveau du pétrole, de l'essence comme telle, on avait pour deux jours de réserve seulement, ce qui serait donc une réduction considérable de cette marge de manoeuvre qu'on nous disait avoir en 1977. Je comprends que c'est une moyenne au niveau du pays. Ces chiffres ont pu être modifiés quelque peu par la suite. Le ministre — il faut que je sois clair, précis et juste là-dedans — à une autre de mes questions, avait indiqué qu'au Québec la situation pouvait être un peu différente. Mais je pense que notre marge de manoeuvre, en ce qui concerne le stockage et les réserves, est beaucoup moins grande au moment où on se parle que les 45 jours. On nous donnait 45 jours de réserve en 1977. Or, le premier ministre du Canada nous dit que c'est une moyenne de deux jours au Canada pour l'huile à chauffage et pour l'essence. Il y a peut-être des chiffres qui sont plus réalistes entre les deux ou plus exacts, au moment où on se parle, mais il y a quand même une situation importante et dangereuse à laquelle il faut faire place actuellement dans la question du stockage.

Ce que je souligne et demande au ministre là-dedans — je n'ai pas vu, du moins j'ai regardé rapidement les différentes dispositions du projet de loi, cette préoccupation soulignée de façon majeure au niveau du projet de loi — c'est s'il y aurait lieu pour le Québec d'envisager cette possibilité. Je comprends que cela peut impliquer des investissements et ainsi de suite, mais gouverner c'est prévoir. Dans ce sens, n'y aurait-il pas lieu d'analyser une possibilité plus grande de stockage de produits pétroliers au Québec pour assurer justement une marge de manoeuvre beaucoup plus grande que celle qu'on a actuellement?

Maintenant, je continue la citation que le ministre me faisait en réponse aux préoccupations que je lui indiquais à ce moment. Il disait ceci: "Alors, la marge de manoeuvre est quand même assez grande — en parlant des 45 jours en question — c'est sous cette lumière qu'il faut évaluer le coût additionnel de créer un stockage stratégique. Je ne suis pas sûr vraiment que ce serait le meilleur investissement qu'on peut faire, parce que le danger d'interruption — on pense évidemment à l'hiver — n'est finalement pas aussi grand que cela, parce qu'il y a des possibilités de repli de toutes sortes de côtés. Ceci dit, vous avez quand même raison à plus long terme de nous inviter à diversifier nos sources d'approvisionnement". Et il continue en disant... Parce qu'au Québec, l'approvisionnement en énergie dépend à 70% du pétrole. On sait qu'en ce qui concerne les approvisionnements de pétrole, cela ne vient pas uniquement de l'Iran. Je pense que ce qui vient de l'Iran est d'environ 5%; cela ne vient pas uniquement non plus du Moyen-Orient. Il en vient du Vénézuéla, il en viendra du Mexique également. Cependant le problème demeure le même, parce qu'on sait qu'au niveau de la politique internationale, il se fait des alliances, il se défait des alliances de plus en plus rapidement, de sorte que ce qu'on peut voir comme une sécurité au niveau de certaines alliances actuellement, demain ou dans une semaine, peut s'effondrer de façon qu'on se retrouve dans une autre situation. (17 h 40)

J'avais cité, à ce moment-là, un volume intéressant qui s'appelle "Oil Power Play in the Middle East', où on établissait la stratégie suivante. S'il arrivait, par exemple, qu'on veuille se servir de l'arme du pétrole comme d'un moyen politique par rapport aux guerres qui existent ou par rapport à la situation d'Israël, par exemple, ou par rapport au monde islamique, cela pourrait avoir certaines influences. Ce sont des réalités; ce n'est pas de la science-fiction. Ce sont des choses qu'on vit actuellement, au moment où on se parle. Cela indique que, dans peu de temps — l'expérience qu'on a vécue, dans les derniers mois nous l'indique clairement— une situation qu'on croit très sécuritaire peut devenir tout à fait dangereuse. Je ne dis pas cela pour faire peur à qui que ce soit, mais je pense qu'il faut être réaliste dans la situation. Il y a des choses sur lesquelles on peut intervenir et il y en a sur lesquelles on ne peut à peu près rien faire.

Ce qu'on peut faire dans le domaine qui nous reste maintenant, c'est peut-être de prévoir au niveau des stockages. Je comprends qu'en 1977, lorsque le ministre responsable m'a fait cette réponse, dans le contexte de l'époque, il y avait beaucoup moins de risques et de dangers qu'actuellement. Mais, au moment où on se parle, les événements nous ont largement prouvé qu'il y aurait peut-être lieu que le gouvernement du Québec ait une préoccupation majeure dans ce domaine et se donne la peine de faire l'analyse du besoin d'avoir un stockage stratégique plus grand que celui qu'on a pour être capable de faire face à des dangers éventuels.

Il y a un autre aspect de cette question que j'aimerais brièvement toucher, qui a une certaine importance; cela concerne les pénuries de pétrole. En cela, je pense être le porte-parole de plusieurs Québécois qui disent souvent: Est-ce réel, la crise de l'énergie? On en a discuté lors de l'étude du livre blanc sur la politique énergétique. Je pense que cette question se pose toujours, tant et si bien que plusieurs, à un moment donné, abandonnent en cours de route pour dire: II n'y en a pas, finalement, de crise de l'énergie; c'est peut-être plutôt un moyen pour les grandes entreprises d'augmenter leur prix parce que du pétrole, il n'en manque pas. Tout ce qu'on fait, c'est qu'on demande aux

gens de payer plus cher. Donc, il n'en manque pas; on nous demande simplement de payer plus cher et si on peut payer plus cher, on en a!

Il y a quand même un danger là-dedans et c'est un peu là-dessus que mon intervention veut porter à ce moment-ci. Je conviens qu'il y a des réserves de pétrole peut-être beaucoup plus grandes que ce qu'on a bien voulu nous laisser croire jusqu'à tout dernièrement. On sait que les sables bitumineux de l'Athabaska sont des réserves fantastiques et phénoménales. On sait qu'au Venezuela on vient de découvrir des sources beaucoup plus importantes en matière de mazout lourd que ce qu'on estimait avoir au point de départ. Il y a donc des développements de ce côté. Par contre, il faut aussi être conscient que ce pétrole n'est pas rendu ici. Dans la perspective de ce que je vous indique, le plus risqué, c'est toujours le cas d'une crise soudaine, parce que, même s'il y a beaucoup de pétrole dans les sables bitumineux de l'Athabaska, il est dans les sables bitumineux de l'Athabaska. De même, les réserves supplémentaires qu'on vient de découvrir au Venezuela existent, mais elles sont toujours dans le sol du Venezuela, elles ne sont pas dans les foyers québécois ni dans les "tanks" d'huile à chauffage, ni dans les stations d'essence. C'est la situation comme telle.

Devant cela, le citoyen se pose des questions; il se demande si c'est réel ou si ça ne l'est pas. Il y a des choses qui font qu'on peut se poser des questions. Il y a peut-être un peu des deux. Il y a peut-être des entreprises qui ont profité des situations pour augmenter leurs prix et pour essayer de tirer des profits beaucoup plus élevés de cela, laissant croire justement aux citoyens qu'ils avaient plus ou moins lieu de s'inquiéter pour autant qu'ils étaient capables de payer. C'est pour cela que je dis qu'il y a des nuances à apporter. C'est peut-être plus ou moins vrai; il y a peut-être des entreprises qui ont exagéré dans ce sens.

J'aimerais me référer à un article du Devoir du mercredi 29 août où on dit cela, à propos des approvisionnements en pétrole de la ville de Montréal, où il n'y avait pas eu d'autre soumissionnaire. Je pense que la compagnie Shell a indiqué à ce moment-là, d'après son président, qu'elle éprouvait des difficultés à satisfaire les demandes qui lui étaient faites. On dit que la situation est peu prometteuse et qu'elle pourrait même s'aggraver au cours des mois d'hiver, d'après les gens de Shell. Les choses seraient rendues au poin où la compagnie refuse de nombreuses demandes de mazout léger. Si la ville de Montréal ne peut obtenir un meilleur prix, conclut M. Paterson, c'est que le pétrole brut ne sera peut-être pas disponible comme on le voudrait et qu'il faudra même se préparer à absorber des coûts imprévus.

Je continue: "Bref, le système des appels d'offres ne tient plus et même les clients ordinaires devront faire face à des hausses de prix d'huile à chauffage s'ils ne veulent pas geler cet hiver." Voilà qui détonne par rapport à la tranquille assurance qu'affichait il y a quelque temps le ministre de l'Energie — en parlant du ministre responsable à ce moment-là. On continue en disant: "Deux simples questions se posent en effet: Pourquoi le système d'appel public d'offres n'a-t-il pas fonctionné dans le cas de la ville? Est-il vrai que nous devons prévoir une situation peu prometteuse qui pourrait s'aggraver avec les mois d'hiver? Si les appels d'offres ne permettent plus aux institutions publiques de s'assurer qu'elles vont obtenir l'huile à chauffage au meilleur coût possible, il faut dès lors s'attendre à une élimination de la concurrence auprès de la clientèle des particuliers. Voilà qui va demander non seulement un contrôle public de ce bien essentiel tombé sous une coupe pratiquement monopolistique mais l'entrée en jeu du gouvernement lui-même comme source d'approvisionnement."

Je continue la citation: "II ne faut pas en effet que les règles qui régissent les approvisionnements publics et privés soient mises de côté simplement sur la foi des évaluations de certaines compagnies et que les fournisseurs empochent la différence des prix incontrôlés. Il était facile, au cours de la dernière pénurie d'essence chez nos voisins du sud — en parlant des Etats-Unis — de faire reporter la colère des consommateurs sur les pays exportateurs de pétrole, voire les pays arabes. En fait, le relevé des profits pétroliers, tel que le New York Times a pu l'établir récemment, montre que si l'or noir a enrichi ses producteurs, les compagnies américaines ont su rapidement et largement faire grimper leurs profits."

On dit, en terminant, que le moment est venu pour les autorités publiques de vérifier pourquoi les appels d'offres de Montréal n'ont pas fonctionné, ainsi de suite.

Je pense que c'est là une indication aussi que c'est peut-être la responsabilité du gouvernement de faire l'analyse de ce qui se passe de ce côté pour éviter, si c'est le cas, que certaines grandes entreprises, peut-être sur le dos d'une crise qui est en partie réelle par rapport aux produits pétroliers, en profitent pour monter indûment les prix, jouant ainsi constamment et encore une fois sur le dos de l'ensemble des citoyens qui n'ont d'autre choix, s'ils veulent se chauffer et conduire leur voiture, que de payer le prix qu'on leur demande. Je pense que cela devient une responsabilité de la collectivité et de nos gouvernements de vérifier les règles de jeu dans ce sens et de voir exactement ce qui se passe afin d'apporter des correctifs s'il y a lieu.

Maintenant, pour toucher un autre point avant de terminer, on vit actuellement, au Québec, dans le cas des produits pétroliers, une situation qui devient un petit peu plus difficile de jour en jour en ce qui concerne les raffineries. J'ai eu l'occasion de poser plusieurs questions au ministre responsable de l'Energie et des Ressources, sur cette question, depuis le déput de cette affaire. On sait que, depuis quelques semaines, il y a eu menace de grève, il y a eu mandat de grève qui a été donné par les employés de différentes raffineries, par Texaco, Petrofina et Shell, je pense, trois des grandes raffineries en tout cas, et le dossier a

suivi son cours; le ministre m'avait référé au ministre du Travail et on disait: On va laisser aller les mécanismes normaux; on espère que tout va rentrer dans l'ordre et qu'on n'aura pas à faire face à des situations difficiles de ce côté.

Maintenant, on apprend — et je pense que le ministre est au courant; c'est le journal d'hier, la Presse du mercredi 12 décembre — que dans les raffineries, la situation s'est envenimée et le Syndicat des travailleurs unis du pétrole déclenchera une grève générale de ses 1300 membres montréalais le 22 décembre prochain si les négociations entreprises avec les raffineries Shell, Petrof ina et Texaco en vue de la signature d'une convention collective n'ont pas permis d'en arriver à une entente d'ici là. Cette déclaration — comme on l'indique plus loin — a quand même fait baisser d'un cran l'optimisme manifesté jusqu'ici en ce qui a trait aux approvisionnements de mazout pour les prochains mois. On insiste de façon particulière pour dire que, si la situation devait continuer à s'envenimer dans le même sens, on pourrait mettre en péril les approvisionnements en mazout, surtout des Montréalais.

Devant cela, j'insiste auprès du ministre pour qu'il prenne les dispositions nécessaires pour prévenir — surtout dans le contexte qu'on vit, à cause de l'ensemble de la situation que je viens de décrire — les retombées extrêmement graves que pourrait avoir une telle grève générale dans ce secteur d'approvisionnement. Le ministre avait pris la peine de répondre à mes questions, et de façon fort précise, lorsque je lui ai soumis cette situation qu'il y avait risque de grève générale dans les raffineries de Montréal. Le ministre m'avait indiqué à ce moment-là, et je cite ses propos ici: Essentiellement, M. le Président, il y a deux points tout à fait distincts. D'une part, les relations de travail. Mon collègue pourra y répondre.

Soulignons en passant que nos réserves de pétrole brut en septembre étaient effectivement d'à peu près 20% inférieures aux normes normales satisfaisantes. Cependant, le rythme de raffinage au Québec est à ce point élevé qu'on prévoit, si le rythme continue à se matérialiser — et c'est ce que nous observons présentement — et c'était réel au moment où le ministre le disait — des surplus raffinés vers les mois de janvier et février qui seront d'environ 40% par rapport aux réserves habituelles, ce qui donnerait normalement et amplement de pétrole pour faire face à la moindre situation, par exemple, une situation comme celle qu'on a pu connaître l'année dernière lorsque, à un moment donné, lié à un ensemble de phénomènes, la crise en Iran, le froid de l'hiver et ainsi de suite, on s'est retrouvé dans une situation analogue. (17 h 50)

Le ministre m'indiquait donc à ce moment-là que vers les mois de janvier ou février, au rythme de raffinage où on allait la semaine dernière, on pouvait se retrouver avec une situation améliorée d'à peu près 40%, mais, depuis ce temps, la situation a changé. Donc, on ne peut pas escompter qu'en janvier ou en février, si cela doit conti- nuer pendant plusieurs semaines, on puisse atteindre ce niveau de 40% de réserves normales souhaitables qui nous aurait donné la marge de manoeuvre que le ministre indiquait comme satisfaisante à ce moment-là. Donc, on fait face à une nouvelle situation dangereuse dans ce domaine. J'aimerais demander au ministre qu'il nous fournisse les garanties le plus tôt possible qu'on mettra tout en oeuvre pour s'assurer que ce problème local n'augmente pas le fardeau des citoyens du Québec et ne vienne pas aggraver la situation dans le domaine pétrolier qu'on a à vivre sur le plan national.

C'étaient là, M. le Président, des remarques d'ordre général et quelques questions précises que j'avais l'intention de poser au ministre, en profitant de la deuxième lecture de ce projet de loi 72 qui lui confie maintenant toutes ces responsabilités. En terminant, j'aimerais souhaiter qu'on aille le plus rapidement possible — évidemment, je pense que cela doit être notre souci le plus constant — vers des investissements au niveau de la recherche, au niveau de sources nouvelles d'approvisionnement, qu'on ait cette préoccupation davantage marquée, le plus rapidement possible, étant donné tout le contexte de la situation que je viens de décrire.

Qu'on se donne la main également et qu'on sensibilise davantage nos Québécois au besoin, de conserver l'énergie pour que cette attitude que je mentionnais tout à l'heure où on peut être tenté de croire qu'on a de l'énergie en masse ne perdure pas et joue contre l'ensemble des Québécois eux-mêmes, en faisant la politique de l'autruche, si vous voulez, disant: II n'y a pas de problème; on peut continuer à consommer de l'énergie de façon inconsidérée et il n'y aura jamais de facture à payer pour cela. Même si on est hydroquébécois, comme on s'est plu à le dire dans les annonces, même si dans les années passées, dans la publicité, on — parce que c'était le contexte de ce moment — a dit aux Québécois: Vous pouvez y aller au niveau de l'électricité, c'est une richesse illimitée, c'est une richesse renouvelable... C'est vrai que c'est une richesse renouvelable. Cependant, c'est faux de prétendre que c'est une richesse illimitée. C'est une richesse limitée, même si elle est renouvelable. Actuellement l'hydroélectricité, dans notre bilan énergétique, vaut à peu près quoi? 27% ou 28%, comme l'a indiqué le ministre. On n'est donc pas complètement indépendant sur le plan de l'énergie parce qu'on a l'hydroélectricité. C'est une ressource qui est sûrement formidable pour nous. C'est un atout majeur pour le Québec. Cependant, cela ne doit pas nous laisser penser ou nous laisser croire faussement qu'on peut gaspiller impunément cette énergie. On sait qu'à certains moments on peut en vendre aux Etats-Unis; cela permet d'avoir certains revenus, mais on doit avoir cette préoccupation de conserver cette énergie au maximum.

Je rappelle au ministre, avant de terminer, la question du stockage sur laquelle j'insiste de façon particulière pour que le gouvernement fasse une analyse le plus tôt possible de la nécessité

d'avoir un stockage ou des réserves beaucoup plus grandes que celles qu'on a actuellement pour faire face à des situations soudaines. Le ministre a indiqué qu'il est maintenant responsable de plusieurs sociétés d'Etat. Il a indiqué également qu'il y avait beaucoup d'améliorations au niveau de la gestion de ces sociétés d'Etat et qu'avec l'amélioration de son personnel, il y avait beaucoup plus d'expertise, il arrivait à contrôler davantage — c'était sa préoccupation — le fonctionnement et les performances des sociétés d'Etat qui sont sur sa juridiction.

J'aimerais simplement lui rappeler, à ce chapitre, que l'Assemblée nationale, à la demande du chef de l'Union Nationale, a accepté unanimement une motion visant à permettre, dans ce sens, à l'Assemblée nationale, non pas au Conseil des ministres, mais à un ministre — ce qui ne lui enlève pas sa responsabilité — à permettre à l'Assemblée nationale, dis-je, d'avoir un droit de regard direct sur les performances, le comportement des sociétés d'Etat, étant donné que ces sociétés d'Etat vivent avec les deniers des citoyens et que les élus de l'Assemblée nationale, étant directement mandatés par ces citoyens du Québec qui paient la facture, on puisse moderniser l'Assemblée nationale et lui fournir les équipements, les outils nécessaires.

En l'occurrence, ce serait une commission permanente pour les membres de l'Assemblée nationale visant à surveiller et à améliorer le comportement de nos sociétés d'Etat. Ce phénomène n'est pas nouveau; il existe en Colombie-Britannique. Il est connu, je pense, sous l'appellation "Crown corporation act" qui forme justement cette commission où il n'y a pas de ministres qui siègent, où ce sont seulement des députés de l'ensemble de la Chambre. On leur donne ainsi un rôle beaucoup plus valorisant puisque, à ce moment-là ils ont un mot à dire dans la surveillance des deniers publics qui sont utilisés au niveau des sociétés d'Etat.

En terminant, M. le Président, j'aimerais souhaiter bonne chance au ministre dans ses nouvelles responsabilités. Comme je l'ai dit au point de départ, lorsque le ministre n'était pas ici, on peut résumer en disant que le ministre est capable d'en prendre. Je pense qu'il a prouvé, dans le passé, avec le sérieux, l'acharnement et l'esprit de travail qu'il a manifesté dans ses dossiers, qu'il est capable de prendre ses responsabilités et de les mener à bonne fin. Je pense que c'est notre devoir, de ce côté-ci, de lui souhaiter bonne chance dans ses lourdes responsabilités. Surtout dans le contexte énergétique dans lequel on se trouve actuellement, sa responsabilité va devenir de plus en plus grande, de plus en plus importante et il aura besoin de toute la sagesse et de toute la prévision nécessaires pour être capable de faire face aux situations. Nous allons donc, voter en faveur de ce projet de loi, en deuxième lecture pour, en fait, officialiser ce qui existe dans les faits actuellement, donnant ainsi la responsabilité, sous un même toit, des ressources et de l'énergie au ministre actuellement responsable de ces dos- siers, en lui souhaitant bonne chance dans l'accomplissement de ses responsabilités. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement obtenir le consentement de mes collègues de l'Opposition officielle et de l'Union Nationale. Le ministre n'en aura pas tellement plus que pour cinq à dix minutes, mais, il sera forcément amené à dépasser 18 heures. Je voudrais obtenir le consentement pour que cela puisse se faire sans qu'on arrête à 18 heures et, deuxièmement, annoncer immédiatement, tel que l'ont demandé les gens de l'Opposition officielle cet après-midi, que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre va donner certaines informations relatives au rapport déposé par les médiateurs concernant le dossier d'Hydro-Québec. Cela se fera immédiatement après, M. le Président, et, par la suite, nous pourrons suspendre nos travaux jusqu'à ce soir.

Le Vice-Président: Est-ce qu'il y a consentement?

Des Voix: Oui.

Le Vice-Président: Consentement. M. le ministre.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Merci aussi aux membres de cette Assemblée. Ceci nous permettra peut-être de régler ce projet de loi avant de nous engager sans doute dans un certain nombre de lois correctrices pour tenter de régler des problèmes reliés à la loi 101, et à la constitutionnalité de nos lois.

Je voudrais simplement répondre immédiatement à certaines demandes de l'Opposition concernant ce projet de loi. D'abord, le député de Mont-Royal, critique pour le Parti libéral, s'est demandé comment il se faisait que, dans le projet de loi, on n'avait pas défini le mandat du ministre de façon plus précise et si on n'avait pas permis à cette Assemblée de contrôler le bon comportement du ministre ou du ministère à partir d'un mandat qui serait défini dans la loi.

Ceci, M. le Président, pour la raison bien simple que les objectifs du ministère sont évidemment le développement en général de l'économie forestière, de l'économie minière, de l'énergie au Québec, de l'aménagement de nos terres. Mais surtout, cet objectif se précise chaque année lors de la défense du budget. C'est lors de la défense du budget que nous avons l'occasion, dans cette Assemblée, de discuter plus précisément des intentions du ministère pour l'année. C'est toujours en cette fin d'année de budget qu'on peut également juger de la performance du ministère et décider si elle a été satisfaisante ou non. C'est pour cette raison, M. le Président, que dans une loi comme

celle-là on n'a pas cherché à définir des mandats. C'est une loi qui, simplement, regroupe des unités administratives. C'est au moment de la défense du budget que nous pourrons le faire.

Cependant, la question du député de Mont-Royal concernant le mandat que l'on aurait dû définir dans la loi est intéressante parce qu'elle nous permet de rejoindre une préoccupation du député de Richmond, préoccupation que, moi, je trouve extrêmement saine. Ce qui m'a frappé dans l'intervention du député de Richmond, finalement, c'est qu'il a rapidement quitté la simple bureaucratie de la loi, savoir comment elle était structurée, pour s'attaquer finalement aux vrais problèmes qui préoccupent les Québécois cet hiver. Est-ce qu'ils vont avoir du pétrole pour se chauffer au cours de l'hiver? Est-ce que notre approvisionnement est sécuritaire à long terme? Quel prix on va payer? Donc, une quantité de questions auxquelles le député aimerait avoir des réponses parce que ses concitoyens attendent de lui des réponses. (18 heures)

C'est en même temps un peu en porte-à-faux parce que nous avons essentiellement deux nouvelles en même temps. Ce matin, nous avions la nouvelle que la constitutionnalité de notre loi 101 était contestée. Cet après-midi, nous avons une autre nouvelle, à savoir que la Cour d'appel du Québec émet une injonction contre le gouvernement l'empêchant d'exproprier la société Asbestos Corporation. Cela vient tout juste de sortir. Voilà deux décisions de la Cour, décisions extrêmement importantes qu'il faut comprendre. Les motifs invoqués, soit pour condamner la loi 101, soit pour empêcher le gouvernement d'exproprier, sont toujours reliés à la constitutionnalité des lois. C'est est-ce que le gouvernement du Québec a le pouvoir de faire en sorte que quand il y a une loi préparée dans cette Assemblée nationale, la version officielle soit la version française, que s'il y a désaccord entre le français et l'anglais, ce soit la version française qui prédomine, que les membres de cette Assemblée nationale puissent, lorsqu'ils votent une loi, savoir dans quelle langue ils l'ont votée, que lorsqu'ils lisent le texte de loi, ils sachent que c'est la loi française qui est la vraie loi, et que ce qui est écrit en français c'est vraiment cela qui a force de loi et non pas la traduction anglaise. Il faut donc trouver quelque chose pour s'accrocher.

De la même façon, lorsqu'on s'attaque à la loi permettant l'expropriation de la société Asbestos, des citoyens se demandent: Pourquoi la Cour d'appel nous interdit-elle d'exproprier? C'est à nouveau pour la même raison; la Cour d'appel dit: On ne sait pas si c'est constitutionnel ou si ce n'est pas constitutionnel. En attendant de le savoir, ne le faites donc pas et attendez donc. En d'autres termes, on se heurte toujours à des limites qui sont appliquées à notre pouvoir, à nous, de représentants des Québécois qui font que nous ne pouvons pas prendre les décisions que les Québécois attendent de nous.

Le député de Richmond me dit: Voyez-vous, M. le ministre, les Québécois se préoccupent s'ils vont pouvoir se chauffer cet hiver et ils trouvent inadmissible — enfin vous n'avez pas dit inadmissible, mais vous avez quand même exprimé une inquiétude à voir que le gouvernement du Québec n'a pas la loi, n'utilise pas SOQUIP pour s'assurer que les Québécois ont de l'huile à chauffage. J'ai déjà répondu à cette Assemblée que, si les Québécois voulaient que je m'en occupe, je le ferais. Mais il faudrait que les Québécois me disent: Je le veux. La seule façon pour les Québécois de dire: Je veux que mon gouvernement s'en occupe, c'est par le biais d'un référendum qui mandate clairement un gouvernement pour qu'il puisse s'en occuper.

Or, le gouvernement fédéral a choisi, par le biais d'une loi C-42, il y a un peu plus de deux ans, de s'approprier le pouvoir, c'est-à-dire que tout ce qui s'appelle l'allocation de pétrole à différents usagers a été récupéré par le gouvernement fédéral. Il suffit au gouvernement fédéral de dire: Le pétrole est d'intérêt national, pour que, automatiquement, l'Assemblée nationale du Québec n'ait plus rien à dire vis-à-vis du pétrole. C'est cela que le gouvernement fédéral a fait. Il a tout simplement dit: Vous, du Québec — vous des provinces — vous n'aurez plus à dire quoi que ce soit à cette Assemblée nationale pour garantir à vos citoyens qu'ils puissent se chauffer l'hiver. C'est cela que le Parlement fédéral a dit.

Dans ces conditions, il ne faut pas attendre du ministre de l'Energie du Québec qu'il s'engage dans des mesures qui, là, sont évidemment anticonstitutionnelles. Quand j'ai dit: Nous ne pouvons pas imposer des taxes pour forcer la transformation de l'amiante au Québec, c'est parce que je savais que c'était inconstitutionnel. Il y avait six jugements de la Cour suprême. Donc, je n'avais pas à écouter les suggestions du député de Lotbinière ou les suggestions du député de Mont-Royal, je le savais que c'était inconstitutionnel. Cependant, évidemment, l'expropriation d'une entreprise ne nous a jamais paru inconstitutionnelle.

Cela veut donc dire qu'en fait tous les pouvoirs de cette Assemblée seront continuellement remis en cause par une constitution qui n'a pas fait des deux peuples canadiens deux peuples égaux, qui n'a pas fait du peuple français du Québec, du peuple québécois, qui n'a pas fait du peuple canadien deux peuples égaux qui auraient les mêmes pouvoirs législatifs, les mêmes pouvoirs d'imposer des taxes, les mêmes pouvoirs de préparer des lois et qui seraient en mesure, chacun, de défendre leurs concitoyens. Pour cette raison, nous sommes obligés de nous tourner vers une majorité qui n'est pas la nôtre pour lui demander de se préoccuper à notre place de notre bien-être et de notre développement.

Donc, dans la question que soulève le député de Richmond, il y a fondamentalement ce que j'appellerais une méprise, c'est-à-dire qu'on demande au gouvernement de prendre en charge des responsabilités alors que s'il prend en charge ces responsabilités, à ce moment-là, on l'accusera d'être anticonstitutionnel. Par exemple, nous avons pris, dans le cas de l'amiante, le soin de prendre le contrôle d'une entreprise et d'assurer le

développement de la transformation. Or, la Cour d'appel nous dit: Attention, cela pourrait être inconstitutionnel. A nouveau. C'est toujours le même problème.

Le citoyen qui est assis dans son salon, lui, dit: Donnez-moi de l'huile à chauffage. Organisez-vous pour transformer l'amiante. Réduisez le taux de chômage. Ce qui l'intéresse, ce sont les résultats. Quand on lui explique que pour avoir ce résultat il faut que j'en aie le pouvoir, là, il trouve ça trop compliqué. Il dit: Ce sont des problèmes constitutionnels, je ne comprends pas ça, la souveraineté-association, je ne comprends pas ça. Arrangez-vous donc et ne me mêlez pas à ça! Tout ce que je veux, c'est la réponse. Mais on ne peut pas lui donner la réponse si on n'a pas le pouvoir de le faire. J'espère que les deux décisions, une de la Cour suprême et l'autre de la Cour d'appel, vont être assez "illustratives".

Le député de Richmond dit: Est-ce qu'on ne pourrait pas demander à Ottawa le mandat pour acheter du pétrole? Je n'ai pas besoin de le demander à Ottawa. Non, SOQUIP peut aller n'importe quand acheter du pétrole. En cas de pénurie, SOQUIP n'aura plus le pouvoir de le faire. Présentement, la compagnie Esso peut acheter du pétrole, la compagnie Shell peut acheter du pétrole, c'est le pétrole qu'on consomme. Ce qui préoccupe le député de Richmond, ce n'est pas d'envoyer SOQUIP acheter du pétrole, c'est, advenant une pénurie, de savoir si cette Assemblée nationale pourra prendre les moyens, si ce gouvernement pourra prendre les moyens pour que les Québécois ne soient pas pénalisés. C'est ce qu'il veut savoir. La réponse, je dois la lui dire: Non, je ne peux pas. Je ne peux pas parce qu'un gouvernement fédéral a décidé qu'il m'enlevait cela et que c'était lui qui le prenait. C'est continuellement le problème et c'est ce qui fait que les Québécois n'arrivent pas à comprendre. Ils ont l'impression qu'on a les pouvoirs. Puisqu'on a les pouvoirs, ils disent: Réglez cela. Quand on leur répond qu'on n'a pas les pouvoirs, à ce moment-là, ils sont tout mêlés.

Presque toutes les questions qu'a soulevées le député de Richmond, finalement, sont reliées à la sécurité des approvisionnements, au commerce extérieur, aux ententes internationales, à du stockage stratégique. Toutes ces stratégies doivent être des stratégies d'un Etat souverain, d'un Etat qui a les pouvoirs d'adopter ces stratégies. Parce qu'il y a deux niveaux de gouvernement, il y a un gouvernement qui a ce pouvoir et il y a un autre gouvernement qui, lui, n'a pas ce pouvoir. Il ne faut pas chercher à faire des choses dont on n'a pas le pouvoir; il faut demander aux Québécois: Voulez-vous que je le fasse? Si les Québécois me disent: C'est vous, M. Bérubé, qui devez vous occuper de notre approvisionnement de pétrole...

Le Vice-Président: M. le ministre, en concluant, s'il vous plaît!

M. Bérubé: ... alors, M. le Président, je dirai: Oui, je m'en occuperai. Mais il faudra que les

Québécois l'aient clairement dit et il faudra qu'il y ait une entente entre les deux peuples fondateurs du Canada, le peuple anglophone et le peuple francophone, pour qu'on ait des pouvoirs égaux, M. le Président.

Le Vice-Président: Est-ce que la motion de deuxième lecture du projet de loi no 72 sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission des richesses naturelles

M. Charron: M. le Président, je veux proposer de déférer ce projet de loi à la commission des richesses naturelles.

Le Vice-Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Une Voix: Adopté.

Le Vice-Président: Adopté.

M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, à la suite d'un engagement pris ce matin.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS (suite)

Médiation à Hydro-Québec

M. Johnson: M. le Président, à la suite d'une demande de l'Opposition, je voudrais simplement faire état de la médiation à Hydro-Québec: à 14 h 30 cet après-midi, les médiateurs ont rencontré les représentants patronaux et syndicaux et ont remis un rapport de médiation qui contient ceci dans ses grandes lignes, en matière de santé et sécurité: 500 jours/personne pour les fins de dégagement pour les problèmes de santé et de sécurité qui sont accordés aux syndicats, la protection du travailleur en cas de refus de travailler pour des raisons de santé et de sécurité, le statu quo dans la convention en matière d'ancienneté et en matière de rémunération des techniciens, une réduction des heures de 40 à 38 heures et trois quarts en décembre 1981. Les congés parentaux qui sont identiques à ceux qui ont été accordés dans le cas du front commun, c'est-à-dire 20 semaines avec solde, soit 20 semaines payées pour la femme enceinte, la retraite à 60 ans, sans pénalité optionnelle et, du côté salarial, ce qui était le coeur du débat, 8.5% d'augmentation en 1979, avec rétroactivité complète et un forfaitaire pour compenser l'inflation en 1979, de l'ordre de $400, 8%, 8% et 8% pour les années 1980, 1981 et 1982, avec intégration au salaire de l'indexation en fonction du coût de la vie, et finalement, l'enrichissement en dernière année de convention à 1%. (18 h 10)

Je pense que ce sont là des dispositions qui font de ce rapport un rapport juste, équitable, qui devraient normalement être la base d'un règlement à Hydro-Québec et je souhaite que les travailleurs d'Hydro-Québec retournent immédiatement à leur poste pour enfin cesser de priver cette partie de nos citoyens qui souffrent de l'absence de services dans certains coins. Même si cela n'a pas été généralisé, cela demeure extrêmement pénible pour les citoyens qui doivent subir cela. Je suis assuré qu'au scrutin secret ils pourront calmement, j'en suis convaincu, adopter un rapport qui, à mon avis, est d'une grande justice. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, pourrais-je demander au ministre de nous informer du moment où les employés d'Hydro-Québec seront appelés à voter sur ce rapport?

M. Johnson: A la réunion qui a eu lieu cet après-midi, qui s'est terminée il y a quelques minutes, les représentants d'Hydro-Québec nous ont annoncé qu'ils s'en allaient au conseil d'administration ce soir ou demain matin pour prendre leur décision finale. Du côté syndical, on nous a laissé entendre qu'il y aurait sans doute une réaction, ce soit tard, ou demain, de la part du syndicat proprement dit.

Maintenant, quoi que décide le syndicat, d'accepter, de refuser ou de rester neutre devant ce rapport de médiation, je pense qu'il appartiendra ultimement aux travailleurs d'en décider par scrutin secret et je pense que la meilleure façon de le faire, c'est de le faire dans un contexte où tout le monde est retourné au travail.

Le Vice-Président: Très brièvement, M. le député de Richmond.

M. Brochu: Une très brève question. Le ministre a-t-il eu l'assurance que les offres contenues dans ce rapport vont être éventuellement soumises aux syndiqués en question?

M. Johnson: Je n'ai pas eu et mes médiateurs n'ont pas eu cette assurance formelle. Cependant, il est de coutume, il est normal, et, à ma connaissance, il n'est pas arrivé, depuis que je suis au ministère que, quand les médiateurs demandent qu'un rapport soit soumis, on ne respecte pas cette demande. En général, effectivement, c'est soumis au scrutin secret.

Le Vice-Président: Merci beaucoup. M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Avant de suspendre les travaux, M. le Président, je voudrais confirmer devant la Chambre que notre menu annoncé ce matin est modifié. Lorsque la Chambre reprendra ses travaux à 20 heures, elle sera saisie d'un projet de loi à caractère urgent.

Le Vice-Président: Sur ce, les travaux de l'Assemblée sont suspendus jusqu'à 20 heures.

Suspension de la séance à 18 h 12

Reprise de la séance à 20 h 26

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

Motion de suspension

de certaines règles

de procédure

M. Claude Charron

M. Charron: M. le Président, je me vois dans l'obligation de bouleverser le calendrier de travail que je vous avais annoncé ce matin. Effectivement, nous devrons abandonner l'étude des projets de loi en cours pour quelques heures afin de faire face à une urgence. Je me prévaudrai donc de l'article 84 du règlement et m'appliquerai, pendant quelques minutes, puisque le règlement m'en fait obligation, à vous expliquer pourquoi je crois qu'il serait opportun que cette assemblée consente à abandonner pendant quelques heures quelques règles de pratique qui prévalent habituellement pour l'étude de projets de loi, afin que celui que nous allons déposer dans quelques instants soit étudié complètement, mais dans un délai plus court qu'à l'accoutumée.

C'est à la fois pour une raison difficile à admettre, mais facile à expliquer que je vais évoquer l'urgence ce soir. Selon une nouvelle qui nous a été transmise dans la matinée, un texte de jugement qui nous est arrivé quelques heures après, à peu près à l'heure du lunch ce midi, il semble qu'une vieille loi, dont, je pense, la seule version officielle est en anglais et qui date de 114 ans, aurait été violée par cette Assemblée.

Des Voix: Oh!

(20 h 30)

M. Charron: La décision du tribunal qui a prononcé ce jugement n'est pas une décision anodine, car, M. le Président, je pense que chacun d'entre nous, dans la vie, a sans doute manqué à des lois à certaines occasions. Qu'elles soient jeunes ou vieilles, il me semble que cela n'a aucune importance, surtout quand le manquement vient d'une Assemblée nationale elle-même. L'Assemblée nationale des Québécois a manqué à cette loi, M. le Président, à une loi qui s'est faite à des milles et des milles d'ici, il y a un siècle de distance dans le temps, mais qui, aux yeux du jugement qui nous concerne — j'en arrive à l'urgence immédiatement — a ce terrible effet d'annuler ou de risquer d'annuler — je ne veux pas m'enfoncer dans des interprétations juridiques — le travail législatif de cette Assemblée

depuis le 26 août 1977, les heures et les heures, d'efforts que de part et d'autre de la Chambre nous avons mises à faire de bonnes lois; de rendre caduques des dispositions qu'en toute bonne foi, en toute honnêteté et en toute sincérité, à l'égard de ceux qui nous ont élus, nous avons votées, appliquées et dans le cadre desquelles, désormais, l'ensemble des Québécois, cerains de bon gré, certains de mauvais gré, acceptent de vivre, puisqu'il s'agit de lois qui viennent de leur Assemblée nationale.

Je suis convaincu qu'au moment où nous les avons faites, M. le Président, tous, de chaque côté, de la Chambre, étaient de bonne foi, ce qui fait que s'il y a un sentiment qui est loin de moi ce soir, c'est de me sentir fautif, encore moins criminel.

Le Président: Je m'excuse, M. le leader parlementaire du gouvernement. Je voudrais signaler aux gens qui se trouvent dans les galeries qu'il est rigoureusement et strictement interdit de manifester, comme vous venez de le faire. Toute marque d'improbation ou d'approbation est interdite.

M. le leader parlementaire.

M. Charron: Je veux continuer sur l'urgence d'agir à ce moment-ci, parce que, non seulement plusieurs lois et plusieurs des deniers publics qui sont consentis en vertu de ces lois l'ont été, au dire de la Cour suprême, d'une manière illégale, continueraient à l'être maintenant si nous devions continuer à procéder dans cette manière, mais, qui plus est, M. le Président, si cet argument de la production de toute notre Assemblée ne suffisait pas à convaincre de l'urgence d'agir, j'ajoute ceci: On lira aux pages 11 et 12 du jugement de la Cour suprême, qui sera distribué dans quelques instants à l'ensemble des députés, une affirmation qui, à mes yeux, constitue l'interprétation maximale et la plus outrancière qu'on pouvait donner à l'article de la vieille loi de 1867 que nous avons violée.

En effet, tous ceux qui, dans l'ensemble du Québec à partir de pouvoirs qui leur avaient été délégués par cette Assemblée et qui auraient le tort, comme nous, de le faire dans notre langue, étaient criminels, étaient fautifs, violaient la loi, commettaient une faute à l'égard de la loi, cela, non seulement à partir de 1977, mais depuis toujours, car, d'après l'entendement que nous devons donner au jugement, quand jusqu'en 1977 cette Assemblée appliquait rigoureusement l'arti-cle133, c'est-à-dire que toutes nos lois, que tous nos règlements qui émanaient d'ici devaient être adoptés et transmis en langue française et anglaise, il semble que la même obligation pesait alors sur l'ensemble des pouvoirs délégués.

Ceci veut dire que quand, à Saint-Pamphile, en 1951, un conseil municipal, en vertu de pouvoirs que cette Assemblée lui avait donnés, édic-tait des règlements en français uniquement pour les citoyens de Saint-Pamphile, ils violaient la loi. Ceci veut dire, M. le Président, que quand à Sainte-Anne-des-Monts, en 1910, la commission scolaire en vertu des lois de l'instruction publique qui venait d'ici édictait des règlements en français, elle violait la constitution. Ceci veut dire, je l'ajoute comme argument d'urgence, que ce n'est pas que cette Assemblée qui est prise en faute, c'est le peuple québécois en entier où qu'il soit, quelque fonction publique qu'il ait occupée, si ces fonctions publiques émanaient de pouvoirs qui avaient été délégués à partir d'ici. Ce n'est pas à cause de la loi 101, M. le Président, qu'ils étaient en faute. C'est depuis 1867.

Je me permets cette seule explication. Si ceux qui étaient à notre place il y a 113 ans, qui ont voté dans cette Assemblée par une faible majorité j'en conviens, mais qui ont voté dans cette Assemblée que le Québec allait être membre de la Confédération, adhérer à la Confédération, se soumettre à la loi anglaise de 1866, je suis convaincu que s'ils avaient eu à l'idée qu'en incluant dans notre constitution l'article 133, ils se trouvaient à obliger tout corps public détenant un pouvoir délégué de cette Assemblée d'adopter, pour que le caractère officiel de sa décision soit reconnu, le bilinguisme dans son adoption et dans sa proclamation, je suis convaincu que s'ils avaient été au courant de cette décision qu'en 1867 ils se trouvaient à appliquer ce que nous dit la Cour suprême, sur l'ensemble du Québec à ce moment, le vote que cette Assemblée législative a pris aurait pu être grandement différent et le Québec n'aurait jamais été dans la Confédération canadienne.

Le Président: Je m'excuse de devoir vous interrompre, M. le leader parlementaire, mais je dois le faire pour prévenir une dernière fois ceux qui manifestent dans les galeries, qu'il est strictement interdit de le faire.

M. Levesque (Bonaventure): Je m'excuse auprès du leader du gouvernement, mais, vu qu'il y a interruption, puis-je lui demander de nous faire parvenir copie de la motion qu'il a l'intention de présenter à cette Chambre? Nous pourrions concourir assez rapidement avec la motion d'urgence et, pendant qu'il continue de parler pour prouver l'urgence, nous poumons jeter un coup d'oeil sur le libellé de la motion. Le règlement prévoit également qu'au moment du dépôt de la motion les députés devraient recevoir une copie du projet de loi. Si le leader du gouvernement n'a pas d'objection, il pourrait également permettre la distribution du projet de loi, tout en continuant son discours — ceci, peut-être, permettrait, à l'Opposition officielle du moins, d'accepter s'il y a lieu cette motion d'urgence. S'il y a vraiment urgence, et j'en conviens, nous pourrions apporter une collaboration efficace dans ce sens.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, comme le règlement me le dit, j'en arriverai à la motion proprement dite, et cela ne devrait tarder. Je veux simplement ajouter un troisième argument pour con-

vaincre mes collègues. Et, comme le règlement m'y invite, non seulement je remettrai la motion à ce moment, mais le projet de loi lui-même. C'est la motion classique, comme on dit. (20 h 40)

J'ajoute comme troisième argument que nous sommes membres de la Confédération canadienne. J'ai pu penser qu'en toute connaissance de cause l'attitude aurait pu être différente, mais elle n'a pas été différente. Etant membres de la Confédération canadienne, nous sommes soumis au plus haut tribunal de ce pays. Il n'a pas toujours été celui qui est là actuellement et qui nous fait cette injure suprême, mais il est d'obligation, en vertu même des pouvoirs de cette Assemblée, de se soumettre. Le Québec l'a toujours fait, et ce gouvernement n'y manquera pas. Le Québec a toujours pensé toutefois que, de ce côté de la justice, il y avait des choses à faire et des choses qui laissaient à désirer. Ce gouvernement aussi le pense.

D'où, à un autre moment, en une autre circonstance, nous envisagerons de rétablir pour nous une justice qui mette fin à ces années de désillusions et de frustrations. Le peuple seul le décidera. Ce soir, nous devons, à regret, mais en vue de protéger le travail d'hommes et de femmes de cette Assemblée, d'hommes et de femmes qui ont accepté de travailler pour l'ensemble de leurs concitoyens dans des corps publics qui existent à partir de lois votées dans cette Assemblée, et, pourquoi ne pas le dire, en vue de l'orde social lui-même, être les premiers à manifester que nous voulons respecter une décision du tribunal.

Avec ces trois arguments que je résume à notre travail et à l'importance qui, toute provinciale qu'on veuille qu'elle demeure, est quand même au coeur de ceux qui ont cherché à sy faire élire, au moins, j'estime que cette Assemblée doit, de toute urgence, protéger le travail et les décisions prises dans les différents corps délégués du Québec depuis 1867, pour ne pas anéantir toutes ces années de construction à travers des lois et dans un respect rigoureux des règlements que les citoyens du Québec se sont donnés, et, finalement, parce qu'il nous faut être les premiers à donner l'exemple du respect sans tarder d'une décision de tribunal, je propose qu'en vue de l'adoption du projet de loi no 82, Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979, portant sur la langue et la législation de la justice au Québec, conformément à l'article 84, paragraphe 2, que j'invoquais tout à l'heure, je propose que nous suspendions les articles suivants de notre règlements: l'article 30... J'en fais parvenir immédiatement une copie au chef de l'Opposition officielle et au chef de l'Union Nationale. Excusez-moi, je vous ai donné la mienne. D'accord, ça va. Il y a des carreaux blancs que je vais vous inviter à remplir.

Je propose que nous suspendions l'article 30, modifié par l'article 2 du règlement sessionnel, 31, modifié par l'article 3 du règlement sessionnel, 77, 87, 88, 115, 116, 134, 157. Que, nonobstant les dispositions de l'article 47, paragraphe 1 du règle- ment, toutes les séances de cette Assemblée soient ouvertes au public; que, nonobstant les dispositions de l'article 121 du règlement, il ne puisse y avoir d'amendement en deuxième lecture; que, de plus, la commission plénière fasse rapport au plus tard trois heures après le début de ses travaux; que, quinze minutes avant l'expiration de ce délai, le président de la commission mette immédiatement aux voix, sans débat, les articles du projet de loi et les amendements dont la commission n'a pas disposé; que le débat portant sur la troisième lecture qui suivra immédiatement soit limité à une intervention d'une heure par parti reconnu; que l'application des règles ci-dessus énumérées soit suspendue et que l'Assemblée puisse siéger sans interruption de ce moment jusqu'à l'adoption du projet de loi no 82.

Je propose à l'Assemblée, M. le Président, de concourir à cette motion d'urgence.

Le Président: Est-ce que la motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que le leader parlementaire du gouvernement veut nous dire combien de temps pour la commission plénière?

M. Charron: Trois heures.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Gérard D. Levesque

M. Levesque (Bonaventure): Alors, M. le Président, j'ai écouté avec grande attention les propos tenus par le leader parlementaire du gouvernement à l'appui de sa motion d'urgence. Nous n'avions aucun doute quant à la nécessité de procéder d'urgence; d'ailleurs, nous avons, dès cet après-midi, indiqué à cette Chambre notre préoccupation quant à la validité et à la légitimité de nos travaux à la suite d'une étude même sommaire de la décision rendue par la Cour suprême du Canada, décision qui confirmait des décisions antérieures rendues par la Cour d'appel du Québec et par la Cour supérieure du Québec.

M. le Président, nous étions tellement d'accord qu'il s'agissait d'une situation urgente que, quant à nous, nous ne voyions même pas l'utilité ou là-propos de procéder par cette motion d'urgence. Je comprends que c'est une procédure de précaution de la part du leader du gouvernement. Je ne lui en fais pas reproche, mais, quant à nous, il s'agit là d'une étape qui n'a pas réellement son utilité.

Nous aurions préféré, M. le Président, que cette urgence soit soulignée davantage par une ponctualité à commencer nos travaux à 20 heures ce soir que par le délai apparemment inexplicable, mais que l'on comprend très bien, délai qui nous a amenés à entreprendre ces travaux près d'une demi-heure en retard.

M. le Président, si on veut des explications, on pourra en demander au premier ministre dans quelques instants, s'il nous fait l'honneur de laisser sa conférence de presse qu'il a commencée à 20 heures, au moment même où cette Assemblée était convoquée.

M. le Président, je voudrais éviter de tomber dans la situation que s'est permis d'explorer le leader parlementaire du gouvernement en parlant du fond de la question, plutôt qu'en soulignant l'urgence de procéder à l'étude du projet de loi. En effet, le leader parlementaire du gouvernement a pris la majorité de son temps pour interpréter une partie du jugement et je mets personnellement en doute l'exactitude de cette interprétation.

Je pense qu'il est dangereux, à ce moment-ci de nos travaux, alors que l'on doit s'en tenir à la raison de l'urgence, de s'attaquer à certains passages du jugement et surtout de les interpréter comme a osé le faire le leader parlementaire du gouvernement, particulièrement en ce qui concerne les décisions qui ont pu être prises par des municipalités ou des commissions scolaires. (20 h 50)

Nous aurons l'occasion d'en discuter au cours du débat de fond et nous espérons que nous serons amplement éclairés afin que nous puissions faire en sorte que le projet de loi soit étudié, non pas dans une atmosphère de partisanerie politique, mais plutôt avec le souci de disposer d'une loi qui a pour but de rendre valide la législation qui a été adoptée par cette Chambre depuis le 26 août 1977 et qu'une décision du gouvernement actuel a rendue problématique, pour dire le moins, à cause d'un entêtement du ministre d'Etat au Développement culturel, alors que nous avions prévenu ce dernier des dangers que constituait sa prise de position.

M. le Président, voici ce que nous voulons suggérer, cependant, au leader parlementaire du gouvernement, s'il désire notre collaboration, et nous voulons l'assurer de cela dans l'intérêt public: Nous sommes prêts à suspendre la discussion de cette motion si on peut profiter du temps prévu par le règlement, c'est-à-dire les deux heures pour le débat, pour prendre connaissance du projet de loi. Nous pourrions nous retirer durant une période raisonnable de suspension plutôt que de passer ces deux heures à faire un débat de procédure.

En effet, M. le Président, à l'étape présente de cette motion d'urgence, on pourrait s'attendre que, comme cela s'est déjà fait maintes et maintes fois dans cette Assemblée, l'on utilise pleinement ces deux heures pour s'entendre ou non sur l'urgence de passer à l'étape suivante. Or, il nous apparaît, M. le Président, qu'il est urgent que nous devions nous attaquer à ce projet de loi. Bien conscients de nos responsabilités, conscients de l'importance qu'il y a pour toutes les forces vives de cette Assemblée de se pencher sur ce projet de loi, nous suggérons la suspension de ces travaux à l'Assemblée nationale pour reprendre, le mieux éclairé possible, l'étude en deuxième lecture du projet de loi lui-même. C'est une suggestion que je fais; si elle n'est pas reçue, M. le Président, nous verrons ensuite quelle mesure ou stratégie nous devrions adopter.

M. Charron: M. le Président, si le député de Richmond me permet, peut-être que cela influencera... Je suis tout à fait disposé, dès que cette Chambre aura adopté la motion que je viens de lui présenter, à proposer une suspension des travaux pour deux heures, afin que l'Opposition ait le temps de prendre connaissance du projet de loi, à moins que moins de deux heures fassent l'affaire, bien sûr.

Des Voix: ... une heure.

M. Levesque (Bonaventure): Si c'était immédiatement, on pourrait se retrouver à 22 heures.

M. Charron: Ah bon! d'accord. Une Voix: Moins d'une heure.

M. Levesque (Bonaventure): Excepté si on en parle jusqu'à 22 heures.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, M. le Président. Je pense que la nécessité du contenu d'une telle motion est évidente et sa discussion à l'Assemblée nationale ne doit pas tarder. Je souscris entièrement à la proposition. C'était, d'ailleurs, mon intention de rappeler certains propos au leader du gouvernement dans ce sens-là, afin qu'on puisse procéder davantage à une discussion sur le fond plutôt qu'à un débat de procédure qui n'en finit pas et, finalement, on ne discute pas réellement de la question qui intéresse l'Assemblée nationale. Même, nous aurions préféré, en ce qui concerne l'Union Nationale, qu'on procède par un consentement unanime. En ce qui nous concerne, les propos que j'ai tenus cet après-midi devant l'Assemblée nationale indiquaient clairement notre intention de ne pas nous attarder aux détails de la procédure, mais d'aller plutôt directement sur la question de fond.

Indépendamment de nos options politiques, je pense qu'il nous faut comprendre que, devant le vide juridique dans lequel on est placé actuellement, on n'a pas le choix et qu'il nous faut procéder rapidement pour apporter les correctifs nécessaires et rétablir la situation. C'est dans ce sens qu'on aurait été prêt à collaborer même au niveau d'un consentement unanime.

Lors des discussions sur la loi 101 — ce n'est pas mon intention d'intervenir sur le fond — le gouvernement avait été mis au fait des dangers et des risques évidents qu'il encourait à vouloir à tout prix adopter cette pièce de législation telle

qu'il a voulu qu'elle soit adoptée. On se retrouve donc aujourd'hui, par suite de cette décision de ne vouloir tenir compte d'aucun de ces avis, devant les résultats qu'on connaît. On se retrouve devant cette décision qui a été rendue par la Cour suprême et nous devons maintenant, en tant qu'Assemblée nationale responsable, poser les gestes législatifs de correction nécessaires dans les circonstances.

Quel que soit, M. le Président, l'âge ou l'espace qui puisse nous séparer de la loi sur laquelle, dans le fond, la Cour suprême s'est appuyée pour faire son jugement, cela reste, à ce que je sache, une loi en vigueur, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, jusqu'à ce qu'elle soit changée. Je pense qu'en tant que gouvernement responsable, si on veut donner l'exemple, d'abord, aux citoyens du Québec, on doit avoir le courage et la responsabilité de respecter ce qui existe comme législation, quitte à le changer si cela ne fait pas notre affaire.

Donc, M. le Président, qu'il soit urgent de rétablir un état de fait qui depuis le départ suscite beaucoup de doutes dans les milieux juridiques et politiques, comme je l'ai indiqué, cela ne nous surprend pas du tout, car la voie d'une telle éventualité était déjà dressée irrémédiablement depuis le jugement historique du juge Deschênes de la Cour supérieure de Québec en janvier 1978. Le débat de ce soir risque donc d'être assez fort, je pense. J'espère une chose, c'est qu'on en reste quand même, des deux côtés de la Chambre, au niveau le plus objectif possible pour corriger cette situation; qu'on ne laisse pas enflammer nos débats par l'émotivité, mais par un esprit de bonne volonté, en ayant cette préoccupation de servir en premier lieu les gens qui nous ont élus, les citoyens de la province de Québec. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Gouin. M. Rodrigue Tremblay

M. Tremblay: M. le Président, j'ai en main copie de la motion d'urgence du leader parlementaire du gouvernement. Il s'agit véritablement de la suspension du livre des règlements et des procédures normales...

M. de Bellefeuille: M. le Président, question de privilège.

Le Président: M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Serait-il possible à un modeste député ministériel d'avoir lui aussi, le texte de cette motion?

Le Président: Je suppose que le leader parle- mentaire du gouvernement vous le fera acheminer, M. le député de Deux-Montagnes. M. le député de Gouin.

M. Tremblay: M. le Président, il s'agit véritablement de la suspension du livre des procédures. Je suis bien prêt à accorder mon appui à la motion et à la suggestion du leader du parti de l'Opposition officielle de ne pas prendre les deux heures prévues au règlement à l'article 84. Par contre, avant de le faire, je voudrais souligner, évidemment, qu'il n'y aura que trois heures de discussion après que la commission plénière aura produit son rapport et qu'il n'y aura qu'une heure de discussion au cours du débat sur la troisième lecture du projet de loi 82. Il est écrit au manuscrit qu'il y aura une heure pour les partis reconnus. J'aimerais avoir l'assurance du leader parlementaire du gouvernement que j'aurai cinq ou six minutes pour pouvoir parler en troisième lecture.

Seulement un autre commentaire avant de donner mon assentiment. C'est simplement une mise en garde, je pense, face à la dramatisation qu'on serait porté à faire de ce jugement. J'ai entendu les mots "injure", "criminalité", "viol", etc. Je pense que c'est plutôt un amendement technique qu'il faut apporter. Je pense que le bien-être des Québécois n'est pas en cause ce soir. Le fait que les lois en langue anglaise soient rendues légales par un amendement technique ne fera pas geler les gens dans leur maison parce qu'ils n'ont pas de pétrole, pas d'électricité ou pas autre chose. A mon avis, c'est une question technique et nous devrions la traiter de cette façon. Merci.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition. (21 heures)

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je suis d'accord avec mes collègues et je les remercie d'avoir concouru dans le sens de la suggestion que j'avais faite. Puis-je cependant, maintenant qu'il dépasse 21 heures, parler plutôt de 22 h 30, s'il n'y a pas d'objection.

Le Président: Est-ce que la motion dont je souhaite bien que vous allez me dispenser de la lecture, présentée par le leader parlementaire du gouvernement, sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Si je comprends bien, il y a consentement pour suspendre les travaux de la Chambre jusqu'à 22 h 30. La Chambre suspend ses travaux.

Suspension à 21 h 1

Reprise de la séance à 22 h 49

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît. Veuillez vous asseoir.

Projet de loi no 82 Première lecture

J'appelle maintenant la motion de première lecture de la Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la législation et de la justice au Québec.

Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Des Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

M. Charron: Je vous demande d'appeler maintenant la deuxième lecture.

Deuxième lecture

Le Président: J'appelle maintenant la motion de deuxième lecture du projet de loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la législation et de la justice au Québec. (21 h 50)

Je vous cède la parole, M. le ministre d'Etat au Développement culturel.

M. Camille Laurin

M. Laurin: M. le Président, le jeudi 13 décembre 1979 restera marqué d'une pierre noire dans l'histoire du Québec. Le jugement de la Cour suprême qui interdit aujourd'hui au Québec de faire du français la langue de la législation et de la justice n'est certes pas inattendu. Il aurait été étonnant que la Cour suprême donne au BNA Act une interprétation qui reconnaisse les droits et la réalité d'un Québec essentiellement français depuis sa naissance et qui l'est demeuré. Mais le jugement étonne par sa sévérité, sa dureté et son absolutisme, conférant ainsi toute sa vérité à l'action lapidaire de Cicéron, summum jus, summa injuria, et qu'on pourrait traduire en français par une formule tout aussi lapidaire, stricte légalité égale suprême injustice.

Ce jugement va en effet plus loin dans ce sens que toutes les appréhensions ou craintes que d'aucuns avaient exprimées. Par ce jugement, le régime fédéral resserre davantage encore son étreinte sur le Québec. Le régime fédéral est confirmé dans son statut d'héritier des conquérants de 1763, de maître absolu de nos institutions dans ce qu'elles ont d'essentiel.

En plus de maintenir le Québec dans son assujettissement antérieur, il nous confirme à un statut de locataires et de chambreurs dans notre propre maison, nous interdisant d'en altérer notablement les dispositions sans son consentement explicite. Comme pour les Gens de l'air qui n'ont pas encore obtenu dans les faits la permission de parler leur langue dans le ciel québécois, il est désormais interdit, pour tout le temps que le Québec demeurera dans le régime fédéral, à la majorité francophone du Québec de se donner des lois et institutions qui lui ressemblent et qui correspondent à ses besoins et aspirations.

Désabusée, triste, humiliée, encore une fois, après tant d'autres, plus que jamais découragée devant la rigidité et l'absolutisme du pouvoir central, moins portée que jamais au faux espoir d'un renouvellement impossible d'une vieille constitution oppressive, l'immense majorité des Québécois aura bien raison de considérer comme un jour sombre, un jour de deuil, un moment tragique de son histoire collective ce jeudi 13 décembre 1979 où elle aura dû accepter cette humiliation suprême, courber la tête sous un diktat qui lui rappelle sa situation de conquise et boire jusqu'à la lie cette potion amère au goût de cendre.

On se serait du moins attendu que tous les partis partagent la tristesse et l'amertume des Québécois, sinon leur révolte; une peine qu'on partage en famille est, en effet, moins lourde à supporter. Mais il semble que, par masochisme ou opportunisme politique, l'Opposition se cache la tête dans le sable comme l'autruche et se réjouisse même, à preuve les rires que je viens d'entendre, par une sorte de dénégation ou de compensation magique, des malheurs qui frappent notre communauté québécoise. S'il ne fallait pas mettre cette aberration ou cet aveuglement au compte d'une sorte de dérèglement psychoaffectif, il y aurait certes lieu pour nous d'en avoir honte et de tout tenter pour cacher ou minimiser cette infirmité. Il est à espérer, en tout cas, que la réflexion et l'auto-analyse ramèneront l'Opposition à une vue plus juste des choses et tueront dans l'oeuf cette exubérance tout à fait inappropriée et ce débordement insolite.

Autrement, le peuple québécois serait obligé de conclure que l'Opposition accepte, qu'elle appelle même de tous ses voeux notre démission collective et notre amenuisement, qu'elle se réjouit de voir mis sur le même pied au Québec l'anglais et le français comme langues officielles, qu'elle se satisfait du régime fédéral actuel qui signifie pour nous oppression et humiliation.

Le présent gouvernement, pour sa part, ne regrette aucunement et en rien les gestes qu'il a posés. Dans les circonstances adverses qu'il doit vivre aujourd'hui, il n'en éprouve même que plus de fierté. S'appuyant sur l'histoire, la culture et l'identité du peuple québécois installé ici depuis près de quatre siècles, la loi 101 faisait du français la seule langue officielle du Québec. Par le jugement qu'elle vient de rendre, la Cour suprême renverse et rejette cette loi fondamentale, expres-

sion démocratique de la volonté du peuple québécois incarnée par son instance politique légitime et suprême, l'Assemblée nationale du Québec.

Déjà, en 1867, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique avait imposé l'anglais à la province de Québec et uniquement à la province de Québec, comme l'une des langues officielles de la Législature et des tribunaux. Les autres provinces, l'Ontario, la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brunswick, pouvaient donc se déclarer unilingues anglaises, ce qu'elles n'ont pas manqué de faire d'ailleurs, même si le Nouveau-Brunswick comptait alors une importante minorité française.

Lorsque le Manitoba s'est joint à la Confédération en 1870, sa population francophone égalait à peu près en nombre sa population anglophone. Le Manitoba Act lui imposa en conséquence un statut linguistique identique à celui du Québec. Mais 20 ans à peine après, la population anglophone devenue majoritaire abolissait successivement les écoles françaises et l'usage du français au Parlement et devant les tribunaux. Les protestations des francophones n'eurent à l'époque aucun effet, ni à Winnipeg, ni à Ottawa, ni devant les cours canadiennes, ni au Conseil privé de Londres. Le gouvernement canadien n'opposa lui non plus aucun geste officiel et abandonna la minorité franco-manitobaine à son triste sort.

Sous le poids de l'injustice et des persécutions, celle-ci succomba graduellement à l'assimilation, au point qu'il n'y a plus aujourd'hui que 4% de parlant français au Manitoba. Ce n'est pas le jugement d'aujourd'hui de la Cour suprême qui y changera quoi que ce soit, d'autant plus que les quelques milliers de francophones qui restent vivent dans un milieu totalement et exclusivement anglais.

Dans le cas du Québec, le gouvernement fédéral a été infiniment plus rapide. Dès l'adoption de la loi 101, il s'est rangé dans le camp de ceux qui la dénonçaient. Il a fourni généreusement son assistance financière, juridique et morale aux individus et groupes qui ont contesté l'un ou l'autre des articles de la loi devant les tribunaux. Il a certes fourni la même assistance aux Franco-Manitobains qui contestaient la législation inique de 1890, mais avec 80 ans de retard. Ce qu'il visait à obtenir, au fond, en volant au secours d'une francophonie manitobaine réduite à presque rien, c'est la condamnation d'une législation québécoise qui ne faisait pas l'affaire de ses amis anglophones au Québec, habitués depuis longtemps à une situation de domination et à un statut privilégié devenu pour eux un droit sacré et inviolable. Cela même si la loi 101 conservait à cette minorité anglophone son système scolaire complet, de la maternelle à l'université, ses institutions culturelles et sociales, son droit de s'exprimer dans sa langue à l'Assemblée nationale et devant les tribunaux, son droit de prendre connaissance dans sa langue des lois et règlements de la Législature, son droit de s'adresser dans sa langue à l'administration gouvernementale, sans parler des multiples avantages qui lui sont consentis au niveau de l'étiquetage, des inscriptions, des catalogues, brochures, dépliants, contrats, et le reste.

(23 heures)

Jamais, M. le Président, les minorités francophones des autres provinces n'ont été traitées avec autant de respect, de justice et de générosité, même au Nouveau-Brunswick où les francophones forment pourtant près de 40% de la population et où le français est devenu, en théorie, l'une des deux langues officielles. Même si les minorités francophones de toutes les provinces souhaitent pour elles-mêmes le sort enviable que le gouvernement du Québec accorde à sa minorité anglophone, le pouvoir fédéral exigeait encore davantage pour celle-ci.

Ce que le pouvoir canadien majoritairement anglophone réclame, au fond, pour ceux des siens qui doivent malheureusement continuer à vivre dans un Québec français, c'est le retour au statu quo ante, le maintien intégral des privilèges antérieurs, sans égard aux droits et besoins d'une majorité francophone trop longtemps bafouée, humiliée et injustement traitée par une minorité qui abusait de son pouvoir économique et politique. Par le jugement de la Cour suprême, le pouvoir fédéral obtient ce qu'il recherchait. Il réimpose au Québec le joug, le carcan centenaire dont le Québec s'était débarrassé en affirmant par voie législative sa propre identité linguistique et culturelle. Le pouvoir fédéral réaffirme ainsi, de sa seule et souveraine autorité, que le Québec demeure une colonie de l'intérieur, qu'il n'a pu échapper à la subordination politique de l'Etat central, qu'il ne peut reconnaître et inscrire dans les lois sa réalité fondamentale. Pour le pouvoir fédéral, il ne peut y avoir de Québec français au même titre qu'il y a une Ontario anglaise. La Cour suprême aurait pu certes accorder au Québec le droit d'amender, en matière de langue, sa propre constitution interne, comme le Québec, d'ailleurs, l'a déjà fait dans le cas de l'abolition du Conseil législatif et des comtés protégés.

Il ne manque pas, en effet, de juristes émi-nents pour prétendre que la langue ressortit aux mêmes catégories essentielles que la propriété et les droits civils. Comme ces matières relèvent de la juridiction des provinces en vertu de l'article 92 du BNA Act, le Québec pouvait donc amender l'article 133 qui traite du statut des langues au Canada et au Québec pour la partie de cet article qui relève de la constitution interne du Québec. Mais la Cour suprême, conformément à une pente maintenant acquise, a préféré perpétuer le rapport de force qui prévalait en 1867, consacrer l'injustice et la domination dont le Québec fut alors l'objet, refuser, aujourd'hui comme hier, de reconnaître que le Québec forme un peuple distinct, nier son évolution du dernier siècle et sa quête légitime de fierté et de liberté.

C'est ainsi que le BNA Act peut constamment mettre en échec la volonté démocratique du peuple québécois. Et c'est ainsi que le Québec se retrouve, malgré lui, à l'encontre du bon sens, avec deux langues officielles, car c'est bien de cela qu'il s'agit.

Quand un projet de loi doit être déposé et adopté en anglais et en français, quand une loi ne peut prendre effet qu'une fois sanctionnée à la fois en français et en anglais par le lieutenant-gouverneur, c'est que l'anglais constitue, à ce niveau suprême et fondamental du pouvoir législatif, une langue officielle au même titre que le français. Quand la version anglaise d'un jugement rendu au Québec par un tribunal québécois est tout aussi officielle que la version française du même jugement, il faut en conclure que ces deux langues jouissent d'un statut égal sur le plan du pouvoir judiciaire tout aussi important et fondateur que le pouvoir législatif.

Il n'y a donc plus que le pouvoir exécutif, troisième pilier de notre régime politique, que ne touche pas directement et substantiellement le jugement de la Cour suprême. Il n'en demeure pas moins que le jugement redonne à l'anglais au Québec son statut privilégié de 1867 avec les humiliations, les glissements, les dangers dont la volonté démocratique du peuple québécois n'aura réussi à nous débarrasser que pour deux brèves années.

C'est pour toutes ces raisons, d'ailleurs, que le législateur n'avait pas erré en 1977. La loi 101 ne faisait pas, en effet, que reconnaître l'identité linguistique et culturelle d'un pays majoritairement et essentiellement français, ne faisait pas que consacrer l'évolution d'un Québec devenu plus fier, adulte et fort, désormais capable de se prendre en main et d'orienter son destin, mais cette loi 101 entendait également apporter des solutions pratiques et définitives à des problèmes devenus urgents dans toutes les sphères de notre vie collective.

Dans le domaine de la législation et de la justice, en particulier, le caractère officiel concurrent des textes français et anglais pose des problèmes sérieux. Outre le fait que cette situation complique l'interprétation des textes de loi, elle oblige à utiliser l'anglais tous ceux qui ont à travailler avec des textes de loi et, en particulier, ceux qui doivent les rédiger, les interpréter, les critiquer, les utiliser pour justifier ou critiquer d'autres textes qui en découlent, pour rédiger et interpréter les règlements et le reste. Pour commencer par la Fonction publique, notons qu'une bonne partie du ministère de la Justice se doit et se devra d'être bilingue ainsi que le personnel du contentieux des divers ministères. Un peu partout, les secrétaires juridiques se devront également d'être bilingues. Ce qui est plus grave, c'est que le peuple qui lit son texte de loi en français et pense le comprendre n'est jamais certain qu'une quelconque subtilité du texte anglais ne viendra pas compliquer l'interprétation de la loi qu'il croit avoir comprise.

Ceci touch'e le citoyen ordinaire en tant qu'individu, mais aussi le syndicaliste dont le Code du travail n'est plus l'instrument clair dont il croit disposer, le coopérateur, le militant d'un parti politique, d'un groupe de citoyens, etc.

Idéalement une loi devrait être suffisamment claire pour que le citoyen moyen puisse l'interpré- ter facilement dans la majorité des situations. Le bilinguisme législatif nuit à la clarté et contribue pour sa part à mettre davantage le citoyen ordinaire à la merci des juristes.

Sur le plan des principes, il serait étrange, d'autre part, que nous affirmions le droit des personnes à des textes français seuls officiels dans divers domaines, comme conventions collectives, contrats, avis publics etc, si ces textes peuvent continuellement être jugés et interprétés par rapport à un texte plus fondamental qui serait, lui, officiellement bilingue. Il est important, à mon avis, que le peuple comprenne que les lois lui appartiennent tout autant que les textes qui en découlent. (23 h 10)

Ce que la loi 101 cherchait, en somme, à corriger ou à éviter, c'est précisément l'aberration où doit logiquement nous précipiter l'interprétation que la Cour suprême vient de donner à l'article 133, dans un Québec aussi français que l'Ontario est anglais, l'administration devra déposer, adopter, imprimer, publier toutes ces lois et tous ces règlements en anglais en en français. Il pourra donc se trouver, comme mon collègue de Saint-Jacques le faisait remarquer tout à l'heure, qu'une municipalité, qu'une commission scolaire, qu'une institution de santé, bien qu'exclusivement francophone, doive se plier à cette obligation statutaire, en payer le prix et en porter le poids, alors que leurs homologues de l'Ontario pourront continuer à n'utiliser que l'anglais. Dans les statuts, comme possiblement dans les faits, c'est la bilinguisation intégrale, absolue et méthodique du Québec. C'est là un statut particulier dont on aurait particulièrement pu se passer, car cette bilinguisation s'attaque à la fibre même du Québec, l'effiloche et risque de la disloquer, ce qui prépare d'autant mieux une autre phase qui a nom aliénation et assimilation.

La possibilité que toute procédure écrite ou verbale devant les tribunaux puisse se faire en anglais et que tout jugement puisse se faire en anglais comporte également des conséquences importantes. On accentue ainsi la pression pour bilinguiser le travail des secrétaires juridiques, les personnels de contentieux du ministère de la Justice et ainsi de suite. C'est la raison pour laquelle la loi 101 avait édicté que les pièces de procédure émanant des tribunaux et organismes judiciaires ou quasi judiciaires soient rédigés en français. Non seulement évite-t-on ainsi les dangers déjà mentionnés, mais cette pratique constitue de plus un des meilleurs moyens qui soient de forcer les entreprises à se franciser, à engager des directeurs du personnel, conseillers juridiques, personnel de bureau, et le reste, qui maîtrisent le français, ainsi qu'à traiter en français avec leurs employés et leurs clientèles.

Il y avait donc des raisons pratiques très importantes pour le législateur de faire du français la langue de la législation et de la justice. Mais l'argument fondamental pour lequel il fallait le faire demeure une question de cohérence interne. Une loi sur la langue officielle qui prétend faire du

français la seule langue officielle, mais qui ne change rien au fait que le texte anglais de toutes les lois à venir continuera d'être officiel est un non-sens juridique.

L'article 2 de la loi 22 illustre très bien ce non-sens. Cet article disait que les deux textes continueront à s'interpréter l'un par l'autre, le texte français n'ayant priorité qu'en dernière extrémité, une fois épuisées toutes les ressources d'interprétation, selon les règles ordinaires. Le ridicule de cet article nous a incités, à l'époque, à le retirer et à le remplacer. Or, le jugement de la Cour suprême nous oblige aujourd'hui à faire machine arrière et à retomber dans cette même ornière ridicule. Drôle de façon, en effet, d'affirmer le caractère officiel unique du français que de mettre à nouveau sur le même pied l'anglais et le français pour l'interprétation des textes.

La cohérence interne dé la loi suppose aussi que ce qui est prescrit par le niveau législatif, dans les divers domaines et secteurs de l'activité humaine, ne soit pas contredit de façon flagrante par les modes d'aide et d'agir du niveau législatif lui-même. Comment, par exemple, l'Assemblée nationale peut-elle décemment adopter des articles qui prescrivent la francisation des entreprises, du monde du commerce et des affaires, des relations de travail, et le reste, si elle maintient du même souffle que les textes français et anglais des lois qu'elle vote sont tous deux aussi officiels l'un que l'autre? Autant reconnaître tout de suite que le Québec est condamné, et lui seul, sous le régime fédéral actuel, à mettre sa langue et son identité au vestiaire, pour arborer le masque du bilinguisme généralisé qu'on lui impose.

Le jugement de la Cour suprême ramène ainsi le Québec à un statut de marginalité et d'inégalité qui a toujours été le sien dans la confédération. Deux poids, deux mesures. Dans toutes les autres provinces canadiennes, sauf une, l'unilinguisme anglais constitue dans les faits un droit. Au Québec, l'unilinguisme français des structures politiques et juridiques qui, jusqu'à hier, était un fait ne portant préjudice à personne, n'est plus un droit pour le peuple qui l'avait décrété. Ce qui prouve en tout cas que le Canada est bien constitué de deux peuples et de deux nations, mais l'un de ces peuples domine, alors que l'autre est asservi. La minorité anglophone du Québec, aujourd'hui comme en 1867, peut obtenir du pouvoir central qu'il impose d'autorité l'anglais comme langue officielle au Québec parce qu'elle appartient au groupe des conquérants. Après plus de cent ans, cette logique de la conquête poursuit son cours.

La minorité anglophone du Québec, la mieux protégée et la moins en danger de toutes les minorités "coast to coast", doit avoir des privilèges, tandis que les descendants des découvreurs et des bâtisseurs francophones des provinces aujourd'hui unilingues anglophones n'ont qu'à se laisser assimiler. Bien que très largement minoritaire au Québec, l'anglais doit être mis sur le même pied que le français parce qu'il demeure, aujourd'hui comme hier, la langue du maître. Quoi qu'il en soit, le gouvernement du Québec, comme gouvernement responsable, n'a d'autre choix que de s'ajuster techniquement, administrativement et juridiquement à la situation créée par ce jugement. Obligés de nous soumettre pour un temps encore à la loi du plus fort, nous prendrons immédiatement les mesures qui nous semblent appropriées.

Dans les heures qui viennent, l'Assemblée nationale sera appelée à adopter, en français et en anglais, une loi unique qui donnera force de loi au texte français et à la version anglaise des lois et règlements qui n'auraient été adoptés ou approuvés qu'en français. Cette loi unique prévoira une exception à l'article 37 de la Charte des droits et libertés de la personne afin qu'une personne puisse être condamnée pour une des infractions à une des lois visées, même si cette infraction a été commise avant la réadoption de cette loi. Cette loi palliative ne touchera pas les articles 7 à 13 de la Charte de la langue française qui traitent de la langue de la législation et de la justice, laissant ainsi jouer en fait l'article 133 du BNA Act. Cette dernière décision, qui respecte le jugement de la Cour suprême, se veut en même temps une indication au peuple québécois que le gouvernement du Québec ne désespère pas de pouvoir offrir bientôt une vraie partie à ses concitoyens. Cette dernière décision est également une invitation pressante à tous les Québécois de se donner, une bonne fois pour toutes, les pouvoirs essentiels à la maîtrise de leur propre avenir.

Il nous faut tous ensemble répondre sereinement à ce jugement qui constitue pourtant une insulte à la patience, au courage et à la fierté des Québécois. En attendant que les Québécois se prononcent sur leur avenir, le gouvernement respectera les présentes règles du jeu, règles cependant dont il faudra sortir malgré ceux qui disent: J'y suis, j'y reste! Prendre conscience de cet état de soumission coloniale auquel on nous oblige, c'est commencer à saisir la nécessité du projet de souveraineté-association proposé à tous les Québécois par le gouvernement. Seule, en effet, la maîtrise exclusive et totale de son pouvoir législatif assurera pour toujours au Québec le maintien et l'épanouissement de son identité linguistique et culturelle. (23 h 10)

Le jugement de la Cour suprême nous montre qu'il n'y a pas de solution juridique à la situation actuelle. La solution ne peut venir que de la volonté du peuple québécois lui-même, à laquelle aucun jugement de cour ne saurait faire obstacle. Cette solution est politique et elle ne peut être que la mise en oeuvre d'une nouvelle entente, d'égal à égal, entre le peuple québécois et le reste du Canada. Cette entente permettra à chaque peuple d'être maître chez lui, de s'y développer selon son génie propre et d'assurer à ses minorités, comme le fait déjà le Québec, les conditions nécessaires à leur mieux-être collectif. Il ne peut y avoir d'avenir pour nos deux pays associés que dans ce climat de justice et de liberté. Merci.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, je n'ai pas l'intention de verser dans le mélodrame à propos des événements d'aujourd'hui. Je voudrais, comme à l'ordinaire, m'en tenir à des propos aussi rigoureusement anylitiques que possible. Je commencerai, par conséquent, par résumer les principales dispositions de l'arrêt de la Cour suprême qui a été rendu aujourd'hui et, ensuite, j'en dégagerai la signification suivant les indications d'une analyse objective et aussi complète que possible de la réalité.

D'abord, qu'est-ce que dit le jugement de la Cour suprême au sujet duquel on nous a tenu des propos aussi larmoyants depuis quelques heures? Il nous dit que le chapitre III de la Charte de la langue française, adoptée en août 1977, est incompatible avec l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui constitue le principal document constitutionnel sur lequel se fonde le fonctionnement de nos institutions politiques. Le jugement nous dit que les articles 7 à 13 de la Charte de la langue française entraînent une diminution des droits de la minorité anglophone du Québec par rapport à ceux que définit l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Deuxième point, le jugement de la Cour suprême établit que le Québec n'a pas le droit de modifier l'article 133 de la constitution de manière unilatérale. Certains juristes qui avaient conseillé le gouvernement, de bonne foi sans doute, avaient estimé qu'en vertu de l'article 92, sous-article 1, qui donne au Québec le droit d'amender sa propre constitution, le Québec pouvait amender unilatéralement l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique considéré, par certains juristes respectables, comme une partie de la constitution du Québec, dans ses dispositions qui visent la Législature et les tribunaux québécois.

Cette question, nous l'avions clairement indiqué dans le temps lors du débat sur le projet de loi no 101, je l'avais indiqué moi-même de la tribune d'où je fonctionnais à l'époque, était une question qui devait être tranchée tôt ou tard par les tribunaux. Cela a été fait; la Cour suprême établit que l'article 133 est une disposition fondamentale de la constitution canadienne qui est une partie indivisible de la constitution du Canada et du Québec et que, par conséquent, les droits qu'il confère au français et à l'anglais, le statut officiel qu'il confère à ces deux langues devant le Parlement fédéral, l'Assemblée nationale du Québec, les tribunaux du Canada, les tribunaux du Québec, doivent être respectés.

L'arrêt Jones, auquel se réfèrent les magistrats de la Cour suprême dans leur jugement rendu aujourd'hui, établit que si le Parlement fédéral peut élargir les droits définis à l'article 133 en ce qui le concerne, il n'a pas le droit de les diminuer et on peut facilement inférer que la même règle s'applique au Québec.

Le Québec est entièrement libre, si sa Législature le veut, d'élargir les droits définis à l'article 113, ce qui laisse une marge considérable pour l'établissement d'une priorité du français, entre parenthèses, mais il n'est pas libre de les diminuer unilatéralement. C'est la deuxième conclusion factuelle qui se dégage de l'arrêt rendu par la Cour suprême aujourd'hui.

Troisièmement, le jugement rétablit le droit de toute personne physique ou morale à employer le français ou l'anglais devant les tribunaux et à l'Assemblée nationale.

Quatrième conclusion qui se dégage du jugement: les magistrats établissent une définition des lois et actes de l'Assemblée nationale du Québec qui embrasse non seulement le texte des lois, mais également ce qu'on appelle la législation déléguée, c'est-à-dire les règlements pouvant découler de l'adoption d'une loi, mais ici on a proposé tantôt des interprétations de cette partie du jugement de la Cour suprême qui vont bien au-delà de ce que nous lisons nous-mêmes dans le jugement. Jusqu'à plus ample informé et après des consultations sérieuses, nous soutenons que l'interprétation très large qui a été proposée tantôt par le ministre d'Etat au Développement est abusive et ne correspond pas du tout à ce qu'on peut trouver dans le texte.

Cinquième constatation: on donne une définition élargie des tribunaux de manière à comprendre également les organismes quasi judiciaires ou parajudiciaires. A moins de refuser toute évolution de la réalité, M. le Président, je pense que c'est très difficile de concevoir qu'une obligation constitutionnelle comme celle-là s'appliquerait aux tribunaux qui existaient à l'époque et interprétée d'une manière très littérale, et ne devrait comporter aucune application à des organismes qui ont une fonction quasi judiciaire. Ceci est une autre constatation qui se dégage du jugement. Il restera à établir une définition précise de ce qui est entendu par organismes quasi judiciaires, mais c'est un fait.

Finalement, des personnes, des citoyens du Québec avaient interjeté appel de cette législation devant les tribunaux. Ils ont été confirmés dans leur prétention par les tribunaux de trois niveaux différents. J'en reparlerai tantôt. Ceci est la signification véritable du jugement qui a été rendu aujourd'hui. Tout le reste qu'on a entendu jusqu'à maintenant du côté gouvernemental, c'est de la littérature nationaliste à laquelle on a été beaucoup habitué de la part de ce gouvernement depuis quelques années.

Maintenant, je vais essayer de dégager la signification comme nous la percevons de notre côté, en toute sincérité et en toute indépendance d'esprit aussi.

Premier point. J'ai entendu tantôt des expressions très dures et pas seulement tantôt, depuis le début de la journée, à l'endroit de ceux qui sont les auteurs de ce jugement. On a parlé d'une insulte au courage, à l'intelligence des Québécois. On a parlé de la suprême injure. On a parlé de cette aberration. Il a été question de dérèglement psychoaffectif, je crois. Je serais heureux d'être considéré parmi ceux qui souffrent de cela. Cela

ne me ferait absolument rien, M. le Président, surtout quand je regarde d'où cela vient. Je tiens à souligner que la décision rendue aujourd'hui est l'aboutissement d'un long processus judiciaire au cours duquel pas moins de 17 magistrats ont été impliqués dans la décision qui a connue son aboutissement suprême aujourd'hui. Or, de ces magistrats, neuf étaient francophones et originaires de la province de Québec, donc, citoyens du Québec au même titre que ceux qui dénoncent la décision rendue aujourd'hui.

Je reconnais le droit d'un citoyen et d'un gouvernement de diverger d'opinion avec un tribunal. Je l'ai fait moi-même pendant toute ma carrière. Cela a toujours été un de mes plaisirs préférés, mais j'ai toujours respecté les auteurs des décisions judiciaires et je ne leur ai jamais appliqué le genre d'épithètes et de jugements qu'on a entendus tantôt. Je signale, M. le Président, que ce n'est pas une manière de traiter le pouvoir judiciaire dans une société où il constitue l'une des assises du caractère démocratique des institutions. On voudra peut-être dire également en ce qui touche la Cour suprême — on l'a entendu dire souvent de l'autre côté — que c'est un tribunal qui ressemble à la tour de Pise en ce sens qu'il penche toujours du même côté, c'est-à-dire d'un côté défavorable au Québec et aux provinces et favorable aux prétentions du gouvernement fédéral. (23 h 30)

Je recevais ces jours derniers, par un pur concours de circonstances, le résultat d'une étude qui a été faite par un juriste respectable que j'ai entendu citer de l'autre côté de la Chambre à quelques reprises, Me Gérald Beaudoin, doyen de la faculté de droit civil de l'Université d'Ottawa. M. Beaudoin a fait un examen d'une cinquantaine d'arrêts constitutionnels rendus par la Cour suprême depuis qu'en 1949, des appels au Conseil privé ont été abolis par une loi du parlement fédéral. Or, sur ces arrêts qu'a recensés M. Beaudoin dont tout le monde connaît la patience et la minutie comme chercheur, 24 comportaient des décisions favorables aux provinces et 23 comportaient des décisions favorables au pouvoir central.

Parler dans ces conditions d'un pouvoir qui penche toujours du même côté, je pense que c'est abusif. Je voudrais relever dans les propos du ministre d'Etat au développement culturel une aberration dont je tiens à me dissocier totalement de propos sans doute délibéré. Il associe carrément la Cour suprême au pouvoir fédéral. "C'est le jeu de l'équivoque. Par le jugement de la Cour suprême, le pouvoir fédéral obtient ce qu'il recherchait." On laisse entendre, à mesure que le texte se déroule, qu'il y aurait une association étroite entre les deux. Je pense que c'est déformer complètement la nature et la portée de nos institutions que de parler ainsi. C'est mon premier point. Je pense qu'il faut d'abord rétablir l'intégrité, l'indépendance d'esprit, l'honnêteté de ceux qui ont eu à se prononcer.

J'admets que les tribunaux ne font pas la loi, mais la disent et que, par conséquent, on ne peut pas attendre davantage d'un tribunal honnête que ce que la loi elle-même dit ou implique. Ces genres d'associations qu'on a entendues tout au long du discours qui vient d'être prononcé, je tiens à m'en dissocier complètement. Ce n'est pas du tout la conception que je me fais du pouvoir judiciaire dans notre société.

Deuxième point. La constitution du Canada, M. le Président, n'est pas parfaite. Elle comporte des imperfections nombreuses, mais elle existe. Elle a procuré et procure encore aux citoyens de ce pays des avantages politiques et économiques considérables. Elle divise, certes, la souveraineté entre deux ordres de pouvoir, mais elle fournit, pourvu qu'on veuille la considérer objectivement et impartialement, un champ d'intervention très étendu à l'autorité de cette province. Depuis que le présent gouvernement est au pouvoir, il a adopté pas moins de 250 lois différentes. Combien ont été invalidées par les tribunaux et combien l'ont été pour des raisons futiles? Je pense que l'ordre de compétence que définit la constitution, comporte un champ d'intervention très large pour cette Assemblée nationale et pour le gouvernement qui en dépend.

L'indépendance du Québec existe déjà dans une large mesure. Faire croire que nous ne pouvons plus rien faire sans ramper devant le pouvoir fédéral, je pense que c'est se livrer à des considérations psychodramatiques qui n'ont rien à voir avec un examen loyal de la situation. La constitution actuelle est imparfaite, mais il est tout à fait possible de la modifier ou même d'en chercher l'abrogation en ce qui touche le Québec par des voies démocratiques. La preuve en est que bien des événements se sont produits encore ces dernières années qui témoignent de la haute mesure de liberté dont nous jouissons dans ce pays. L'élection, en novembre 1976, d'un gouvernement formé par un parti d'orientation carrément souverainiste est le plus bel exemple qu'on puisse trouver du genre de liberté politique qui existe dans ce pays. Nommez les pays au monde où par le processus strictement démocratique, on aurait pu non seulement assister à l'élection d'un gouvernement d'inspiration souverainiste, dont l'orientation même met en question l'unité et l'intégrité d'un pays. Nommez-moi un autre pays où on aurait pu voir ce gouvernement fonctionner pendant trois ans.

Je reconnais que le gouvernement a respecté la constitution du pays. Là, il y avait un cas où elle n'avait pas été respectée et il a respecté le processus judiciaire. Je dirai tantôt que j'ai apprécié la célérité avec laquelle le gouvernement a agi et le gouvernement va se rendre compte que nous ne lui ferons pas de difficulté dans l'adoption du projet de loi qui est présenté ce soir parce que je considère que, dans l'ensemble, même si je ne souscris pas aux propos du ministre d'Etat au développement culturel, le projet vise loyalement et honnêtement à donner suite à l'arrêt de la Cour suprême.

Mais, ceci étant dit, je dis que nous avons dans ce pays, en vertu de la constitution actuelle, des libertés considérables. On nous annonce la tenue du référendum. Je ne sais pas s'il aura lieu avec toute cette cascade d'événements qui sont en train de se produire. Il y en a qui seront peut-être obligés de rajuster leur échéancier. Mais, je vous dis pour qu'un gouvernement puisse préparer démocratiquement un référendum dont l'effet pourrait être dévastateur pour l'unité du pays, comme nous le connaissons actuellement, il n'y a pas beaucoup de pays au monde qui permettraient que cela se fasse, sans que cet appareil répressif dont on a parlé tantôt, et oppressif, soit déjà intervenu depuis longtemps. C'est bien beau de se gargariser de mots, mais il y a une limite.

Je pense que je n'ai pas besoin de faire d'autres commentaires là-dessus, c'est l'évidence même. Les choses les plus difficiles à démontrer sont souvent les évidences, ce sont les plus difficiles à percevoir par certains esprits. N'importe quel professeur de logique vous dirait cela.

Si rien n'a progressé depuis 1976 au plan constitutionnel, il est difficile d'en blâmer quand même les autres gouvernements, et même le gouvernement fédéral. Le gouvernement actuel nous a dit lui-même qu'il était assis sur son choix, qui nous a été résumé à la fin du discours du ministre tantôt. Nous attendons son fameux référendum depuis plus de trois ans. Il nous avait dit qu'il tiendrait le référendum au bout d'une année, ensuite au bout de deux ans. Là trois ans sont écoulés. Cela fera au-delà de trois ans et demi que ce gouvernement sera au pouvoir lorsqu'il tiendra son référendum. A-t-il subi des contraintes quelconques? A-t-il été victime de persécution ou d'obstruction ou d'oppression devant les tribunaux ou à quelque niveau que ce soit? Est-ce pour cela qu'il n'a pas tenu son référendum? Parce qu'il avait peur de sa propre option, il ne savait pas comment la présenter au public de cette province. Venir nous parler d'oppression et de répression dans ces conditions, c'est d'un ridicule consommé.

Tant que la constitution n'a pas été modifiée ou abrogée démocratiquement, elle doit être observée et respectée, surtout par ceux qui ont la charge de la faire observer par les autres. On a eu des exemples, ces derniers temps dans cette Chambre, de situations où le gouvernement était tenu par les faits d'appeler des citoyens au respect de la loi. Il l'a fait, nous l'avons d'ailleurs secondé dans cet effort. Elle s'applique également au gouvernement, de toute évidence, cette obligation. Je tiens à souligner à cet égard que les tribunaux sont les gardiens de la constitution dans une société démocratique. Ils ne sont pas — et je le souligne à l'intention du ministre d'Etat au développement culturel — le bras séculier du pouvoir fédéral, comme il aime l'appeler. Ils sont une institution dont l'indépendance est reconnue et dont il serait très facile de démontrer, à l'aide de nombreux exemples, qu'ils ont fait la preuve au Canada, et au Québec en particulier, ces dernières années, de leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.

Je pense que ceux qui disent que, d'un côté, ils se soumettent à la loi des tribunaux et qui, de l'autre côté, tiennent des propos qui font tout pour déprécier les tribunaux dans l'estime de leurs concitoyens, font preuve d'un illogisme, d'une incohérence — pour employer une expression chère au ministre — qu'ils feraient bien de corriger avant de prétendre imposer leur propre cohérence à tout le monde, cohérence très artificielle d'ailleurs.

Troisième point. Où ai-je mis mes autres feuilles? Non, je n'en ai pas besoin elles sont déjà dites, d'ailleurs. Je peux continuer, j'ai un souci de cohérence.

Troisième point, la responsabilité du gouvernement dans les événements qui se produisent aujourd'hui est très importante. Ou le gouvernement a agi de manière incompétente, et alors il faut l'en blâmer sérieusement. Il avait été prévenu à l'époque. Je me souviens que beaucoup d'observateurs et de juristes ont prévenu le gouvernement du caractère très téméraire de cette partie de la Charte de la langue française qu'il a imposée avec sa majorité parlementaire à la majorité des citoyens du Québec. Le gouvernement n'en a pas tenu compte. Ou il a agi de manière incompétente, ou il a agi en sachant ce qu'il faisait, et alors il a cherché délibérément à provoquer un affrontement politique dont il paie aujourd'hui les frais, parce qu'il s'était imaginé, selon toute apparence, que la situation politique évoluerait d'une façon très différente de ce que nous avons connu, au cours des deux dernières années.

Le premier ministre, dont je déplore l'absence de cette Chambre en ce moment, a reconnu en conférence de presse que le gouvernement avait des doutes très sérieux sur la validité de la loi 101, au moment où il en imposait l'adoption dans cette Chambre. Mais il a dit qu'il fallait prendre des risques, vu la gravité de la situation. Ces risques, dont on nous a parlé tellement souvent, n'ont jamais été établis ou démontrés de façon claire et rationnelle. (23 h 40)

Les chiffres indiquent que le pourcentage de la population francophone au Québec en 1976 était à peu près exactement le même qu'en 1867 au moment où la Confédération prit naissance au Canada, c'est-à-dire à peu près 80% de la population et que le pourcentage de la minorité anglophone ou d'autres langues était, par conséquent, à peu près de la même importance. L'observation la plus élémentaire, la connaissance historique la plus simple établissent hors de tout doute que le Québec, depuis un siècle, s'est développé d'une manière formidable, s'est doté de réseaux d'institutions dans tous les domaines qui assurent aujourd'hui plus que jamais la pérennité de son caractère français, la solidité de son caractère français également. Moi-même, j'ai eu l'honneur, pendant plusieurs années, de diriger un journal de langue française qui était parmi les meilleurs du continent, de l'avis de tous les observateurs impartiaux. Nous n'avons pas fait ce journal à coups de drapeaux, nous ne l'avons pas fait à coups de refrains patriotiques; nous l'avons

fait à coups de travail, à coups de précision, à coups de rigueur. Nous ne passions pas notre temps à regarder dans le jardin du voisin. Nous en avons fait un journal qui a été beaucoup amélioré an cours des années où je l'ai dirigé; d'autres le continuent aujourd'hui et ils n'ont pas besoin de la loi 101, ils n'ont pas besoin de toutes ces mesures vexatoires, que le gouvernement actuel a multipliées pour développer leur propre affaire. C'est une affaire de travail, c'est une affaire d'esprit de concurrence, de compétition, d'initiative. C'est ce qu'on a trop souvent oublié. On pouvait très bien établir la priorité du français dans cette province sans qu'il soit nécessaire de provoquer ce conflit articifiel et coûteux avec l'article 133 de la constitution du Canada.

Quatrième observation: la décision de la Cour suprême n'enlève rien au français dans cette province. Elle n'entraîne aucunement le Québec sur la voie du bilinguisme généralisé dont a parlé le ministre d'Etat au Développement culturel. Elle embrasse deux secteurs très nettement délimités: la langue de l'Assemblée nationale, des lois et des règlements et, deuxièmement, la langue des tribunaux et des procédures judiciaires. Même dans ces secteurs, elle crée certaines obligations, elle rappelle certaines obligations avec lesquelles nous avons vécu depuis 1867, qui ne nous ont aucunement empêchés de nous doter d'un système parlementaire légal très différent de ceux des autres provinces, très caractéristique de notre culture. Je ne pense pas que, si, aujourd'hui, nous siégeons en français dans cette Assemblée nationale, la loi 101 ait eu quoi que ce soit à faire avec cela. Cela existait bien longtemps avant la loi 101 et cela existera bien longtemps après que nous serons débarrassés du gouvernement actuel.

La décision de la Cour suprême n'interdit aucunement au Québec de promouvoir une raisonnable priorité du français dans cette province. Je réaffirme, au nom de mon parti, que le Québec peut et doit être français, mais qu'il peut et doit être français dans le plein respect des droits constitutionnels de sa minorité anglophone et des droits de ses autres minorités. C'est ça, le véritable réalisme en matière linguistique.

Cinquième point: la décision de la Cour suprême et les conséquences qui en découlent démontrent combien il est important d'enchâsser dans un texte constitutionnel certains droits linguistiques auxquels une société tient par-dessus tout. Les lois statutaires sont capricieuses et périssables. La loi 23, adoptée par le Manitoba en 1890, paraissait éternelle; elle vient d'être annulée par un arrêt du plus haut tribunal du pays.

Des Voix: Ah! Ah! Ah!

M. Ryan: Riez si vous voulez, je vais vous donner d'autres exemples. La loi 63, adoptée par cette Législature vers 1969, est disparue quelque temps après. La loi 22, adoptée sous le gouvernement d'un parti auquel je suis honoré d'être associé, est disparue. Le gouvernement nouveau, du jour, a décidé qu'il n'y avait rien de bon là- dedans et l'a refaite au complet avec l'esprit jacobin qui le caractérise souvent. La loi 101 commence déjà à subir des entailles importantes. Vous savez qu'il y a d'autres dispositions de la loi 101 qui sont présentement contestées devant les tribunaux, et qu'il y en a d'autres qui ne sont pas appliquées à Montréal, pendant qu'on vient nous dire, dans des rapports soi-disant savants, que personne n'est mécontent, que tout le monde est maintenant satisfait.

On a le front de venir nous dire qu'aucune entreprise n'a même quitté le Québec à cause de cette loi. Ceux qui tiennent ce langage sont coupés d'avec la réalité concrète, M. le Président. De toute manière, l'expérience enseigne à l'abondance que les lois statutaires sont caduques et périssables. Une loi constitutionnelle est, par définition, beaucoup plus stable, beaucoup plus durable.

L'enchâssement de certains droits linguistiques fondamentaux est un objectif que poursuit le Parti libéral du Québec mais auquel a refusé de souscrire le gouvernement actuel depuis qu'il est au pouvoir. Le gouvernement actuel a préféré mettre de l'avant une formule d'accords de réciprocité entre gouvernements. Ce genre d'accord, M. le Président, est encore plus caduc et périssable que les lois statutaires parce qu'il ne dépend même plus, dans bien des cas, de la volonté d'un Parlement mais de celle d'un gouvernement. On sait que les volontés des gouvernements sont encore plus mobiles et changeantes que celles des législatures, lesquelles le sont encore beaucoup plus que celles d'une constitution, un document fondamental.

Sixième observation: Parce que nous respectons la loi, pas seulement quand on est obligé de s'y soumettre, après avoir essayé d'en comprendre l'esprit, nous avons demandé, dès 1977, lors du débat qui a précédé l'adoption de la loi 101, que le gouvernement évite d'imposer un texte qui menaçait de donner naissance à un conflit constitutionnel et politique grave autour des articles 92 et 133 de la Constitution. Notre disposition est la même aujourd'hui qu'en 1977. Jusqu'à modification ou abrogation de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, nous voulons que l'article 133, comme d'ailleurs tous les autres articles de la Constitution canadienne, soient loyalement et rigoureusement observés.

D'ailleurs, contrairement aux prétentions qu'on a fait valoir de l'autre côté de la Chambre, nous considérons que cet article n'a rien de tyrannique; nous considérons qu'il reconnaît les droits fondamentaux des citoyens dans deux domaines très intimement reliés aux libertés inaliénables des citoyens. Si certains estiment que c'est pour eux une injure que de se faire rappeler ces obligations définies par l'article 133, libre à eux; mais je tiens à souligner avec toute la force dont j'en suis capable que nous ne partageons aucunement cette opinion. S'il fallait souscrire à cette opinion, ce serait dire que tous les Québécois qui se sont succédé à la direction de familles, à la direction d'institutions, à la direction des affaires

gouvernementales, jusqu'à l'avènement du présent gouvernement, étaient des aveugles, des imbéciles, des gens qui n'avaient pas le sens de la réalité. Pendant plus d'un siècle, on a fait fonctionner le Québec avec cette disposition; il a fallu que ce gouvernement-ci arrive au pouvoir pour essayer de nous faire croire que c'est une disposition qui était en train d'étouffer notre existence collective. Quelle prétention coupée de la réalité!

D'autre part, M. le Président, je considère que l'article 133, dans sa forme actuelle, est discriminatoire à l'endroit du Québec parce que le Québec est la seule province pour laquelle il crée des obligations spéciales en matière de langues devant être employées dans sa Législature et devant ces tribunaux. Lors des travaux de la révision constitutionnelle, notre parti travaillera à ce que cet article, ou une disposition semblable, s'applique aussi à tous les autres gouvernements provinciaux et, à tout le moins, pour commencer, aux gouvernements des provinces qui étaient visées dans la Charte de Victoria et aux gouvernements des provinces qui étaient visées dans la version retouchée de la Charte de Victoria que le gouvernement fédéral a soumise à l'approbation des provinces en 1975 et 1976.

Dans la Charte de Victoria — je sais qu'il y en a beaucoup qui ne la connaissent pas — il était prévu que dans au moins quatre autres provinces des dispositions semblables à celles de l'article 133 devraient désormais s'appliquer d'une manière prescrite par la Constitution. Vous savez que la Charte de Victoria n'a pas connu de lendemain parce qu'elle a été refusée par le Québec. Ce ne sont pas les autres provinces, ce ne sont pas les quatres autres provinces mentionnées dans la Charte de Victoria qui ont refusé cette disposition particulière de la Charte de Victoria. C'est parce que le Québec l'a refusée, pour des raisons qui étaient valables d'ailleurs. (23 h 50)

Quand on veut nous faire croire, quand on sourit narquoisement, de l'autre côté, et qu'on veut nous dire: Asseyez-vous, il n'y a rien à faire, je dis qu'on ment, je dis qu'on déforme la réalité. Il y a des faits historiques qui sont là pour vérification facile pourvu qu'on veuille aborder le dossier d'une manière sérieuse et objective.

En tout cas, je signale la position de notre parti sur cette question. Je tiens à ce que le public sache clairement que si nous sommes prêts à accepter d'une manière générale les dispositions que définit l'article 133 de la constitution, nous tenons également à ce que semblables dispositions s'imposent dans les autres provinces et surtout dans celles qui ont une minorité française au moins atteignant un certain seuil et par là, je vise...

J'en viens, M. le Président, au cas du Manitoba. Un deuxième arrêt a été rendu aujourd'hui par la Cour suprême, qui est d'une grande signification politique, surtout pour l'avenir. Je déplore comme tout le monde — et là-dessus, je me rallie facilement à l'esprit général des propos qu'a tenus le ministre d'Etat au Développement culturel — le retard lamentable et les pertes irréparables qui sont survenues au Manitoba à cause de l'extrême lenteur qu'on a mise à contester devant les tribunaux la loi adoptée par la Législature du Manitoba en 1890.

Mais, aujourd'hui, en ce jour où le plus haut tribunal du pays a reconnu le caractère inique et injuste de la loi manitobaine de 1890, je tiens à féliciter chaleureusement M. Jacques Forest, citoyen de Saint-Boniface, et les francophones du Manitoba du courage qu'ils ont manifesté et de la grande victoire qu'ils ont remportée aujourd'hui auprès du plus haut tribunal du pays. Je les félicite de leur persévérance.

J'ai eu l'occasion, dans mon travail passé, de visiter très souvent nos communautés francophones d'un bout à l'autre du Canada. Je sais les luttes qu'elles ont faites. Je veux les assurer ce soir de notre entière solidarité avec elles dans les luttes qu'elles continueront de mener pour la reconaissance de leurs droits linguistiques fondamentaux. Je souligne que, dans le cas du Manitoba, le texte constitutionnel, c'est-à-dire la loi constitutive de 1870, a fini par prévaloir sur le texte statutaire de 1890, ce qui prouve, encore une fois, la validité de l'opinion que j'émettais tantôt, à savoir la supériorité d'un texte constitutionnel sur un texte statutaire.

Je souligne, M. le Président, toujours à propos de l'affaire manitobaine, que M. Jacques Forest est venu travailler avec ceux qui, au Québec, en appelaient auprès des tribunaux de la loi 101, et je souligne que le gouvernement conservateur du Manitoba, qui voulait maintenir le statu quo créé par la loi de 1890 s'est associé au gouvernement du Québec dans la défense de la loi 101 et c'est peut-être pour cette raison que, quand nous avons parlé de Jacques Forest tantôt et de la victoire formidable qu'il a remportée aujourd'hui, il n'y a personne qui a applaudi de l'autre côté de la Chambre, M. le Président.

Je comprends leurs alliés. C'est un spectacle qui m'a attristé. J'emploie une expression un peu plus émotive en ce moment, mais j'ai été attristé de cette indifférence qui a été manifestée de l'autre côté envers ce qui s'est passé du côté du Manitoba aujourd'hui.

J'espère, M. le Président, que le gouvernement du Manitoba voudra se plier avant autant de loyauté que le gouvernement du Québec à l'arrêt qui a été rendu par la Cour suprême. C'est cela, une société démocratique. C'est une société qui, en fin de compte, malgré tous les désaccords et toutes les virulences verbales dont on peut s'offrir le luxe, est capable lorsqu'une décision a été rendue de se lever et de dire: Nous allons respecter la décision rendue par l'autorité légitime jusqu'à ce que nous ayons obtenu par des voies démocratiques les changements que nous espérons. Je souhaite, par conséquent, que le gouvernement du Manitoba soit aussi prompt que celui du Québec à donner suite à la décision rendue aujourd'hui par la Cour suprême.

Je signale, M. le Président, que d'autres parties de la loi 101 sont présentement contestées

devant les tribunaux et encore davantage dans certains secteurs très importants de l'opinion québécoise. Je souligne que le gouvernement aurait intérêt à réexaminer ces parties de la loi 101 au lieu d'aboutir à d'autres désaveux cruels comme celui qui est survenu aujourd'hui.

L'expérience enseigne, M. le Président, l'efficacité douteuse, les effets déchirants et divisifs des lois linguistiques à caractère trop universel et contraignant. Les lois linguistiques, pour être efficaces et démocratiques, doivent procéder sur une base de consensus, c'est-à-dire reposer sur le consentement de tous les secteurs importants de la population auxquels elles sont destinées. Parmi ces secteurs de la population qui doivent être partie intégrante du consensus dont je parle, il y a, évidemment, les groupes minoritaires. C'est bien facile de définir une démocratie par le respect et l'exécution de la volonté de la majorité, mais la qualité d'une démocratie se mesure au sort qu'elle fait à ses minorités. L'autre est beaucoup trop facile, il s'agit de compter les têtes, de mettre un fusil ou n'importe quoi dans les mains de chacun. Si vous êtes 25, c'est facile d'avoir raison de 5 ou 10. C'est tellement évident qu'encore une fois, cela se passe de démonstration. Mais, encore une fois, la véritable qualité d'une démocratie se mesure à la qualité du sort qu'elle fait à ses minorités. Si l'on veut mesurer la qualité du sort fait aux minorités, on n'a qu'à écouter les minorités. N'écoutons pas la majorité dans ce temps. Avez-vous déjà vu une majorité être un juge impartial du traitement qu'elle accorde à ses minorités? Laissons parler les minorités si nous voulons savoir dans quelles conditions elles sont placées exactement par les actes et les décisions de la majorité.

Nous avons eu récemment une indication très claire. J'ai entendu le premier ministre dire dans cette Chambre qu'il n'en tirait aucune leçon. Dans le comté de D'Arcy McGee, une trentaine de mille électeurs se sont présentés aux urnes le 26 novembre dernier; 791 ont voté pour le gouvernement. C'est le pire désaveu qu'un gouvernement ait jamais subi. Nous, de notre côté, nous avons présenté notre programme en matière linguistique, le même dans D'Arcy McGee, le même dans Notre-Dame-de-Grâce, le même dans Argenteuil, le même dans Maisonneuve, le même dans Jean-Talon, le même dans Beauce-Sud et mes collègues qui ont été élus ces dernières semaines le savent très bien. Nos concitoyens ont très bien compris ce message. Ils ne veulent pas de ces mesures linguistiques tâtillonnes, étouffantes. Ils veulent un régime dont je vous dirai les grandes lignes dans quelques minutes, M. le Président.

Je répète que les lois linguistiques, pour être durables et efficaces, pour être des facteurs de concorde parmi les citoyens, de collaboration, d'intégration véritable doivent être des lois à caractère beaucoup plus consensuel que certaines lois qu'on nous a imposées dans un climat de précipitation et d'imposition des volontés majoritaires depuis quelques années. Depuis quand la volonté majoritaire est-elle le critère ultime pour décider des droits des minorités? C'est la doctrine la plus barbare que j'ai entendue depuis que je suis dans la vie publique.

Des conceptions profondes, des divergences de perception de la réalité très profondes séparent l'autre côté de la Chambre de celui-ci. C'est peut-être bon pour la vitalité du processus démocratique. A l'occasion d'une expérience comme celle que nous faisons aujourd'hui, c'est peut-être opportun de rappeler sur quels points des divergences profondes nous séparent malheureusement de nos amis de l'autre côté de la Chambre. Je voudrais leur dire à ce sujet que si nous pouvons chercher certains rapprochements et ramener le débat politique autour d'autres enjeux économiques, sociaux, etc., cela fera beaucoup de bien à l'unité et à la vitalité de cette société. C'est surtout à son pouvoir assimilateur, c'est-à-dire à sa capacité d'intégrer heureusement dans son sein des éléments nouveaux dont elle a tellement besoin.

Nous sommes séparés par des perceptions différentes de la réalité québécoise. Nos amis de l'autre côté de la Chambre continuent de parler du Québec comme d'une société qui serait, à toutes fins utiles, entièrement française. Nous percevons le Québec comme une société beaucoup plus diversifiée que nos amis d'en face ne veulent l'admettre, surtout dans la région de Montréal. Je n'y puis rien, M. le Président. C'est une réalité que vous pouvez constater comme moi. Nous avons, dans l'agglomération de Montréal, une population d'environ 2 500 000. (Minuit)

Là-dessus, vous avez 800 000 personnes qui n'ont pas le français comme langue principale et vous en avez les deux tiers qui ont le français comme langue principale. Ce n'est pas de votre faute, ce n'est pas de la mienne. Quand on nous dit: On va faire de Montréal une ville exactement à l'image de Toronto, on est complètement en dehors de la réalité. C'est facile de se gargariser de slogans comme cela. Faisons donc un peu plus d'analyse, examinons le contenu de la réalité, essayons donc d'adapter les mesures gouvernementales aux réalités sociales, humaines et culturelles. Cessons de vivre dans des synthèses coupées du réel, dans des synthèses inventées dans des chapelles doctrinaires et dogmatiques. Cela est un premier point qui nous sépare profondément de nos amis d'en face et je le regrette, mais je les assure que nous n'abandonnerons pas notre perception de la réalité. Je le professe moi-même depuis des années, c'est une des raisons pour lesquelles on m'a invité à militer dans le parti que j'ai l'honneur de diriger aujourd'hui. Je peux vous assurer que nous allons continuer de dire à la population du Québec que nous l'acceptons comme l'histoire nous l'a donnée comme elle est, et non pas comme nous voudrions qu'elle fût selon nos schèmes préconçus.

Perception très différente du rôle de l'Etat, en particulier, des rapports entre majorité et minorité, entre droits individuels, libertés personnelles et droits collectifs. Je n'ai pas le temps de m'étendre sur cette question ce soir, j'en ai parlé abondam-

ment depuis un an et demi, je vais continuer d'en parler évidemment, parce que c'est la pierre d'assise d'une société démocratique. J'ai constaté à maintes reprises, surtout entre le ministre d'Etat au développement culturel et ce côté-ci de la Chambre l'existence de fossés profonds. Je le regrette d'autant plus que le ministre d'Etat est un ami personnel depuis au-delà d'une trentaine d'années et que sur le plan strictement personnel, je n'ai jamais eu aucun sujet de différend avec lui; c'est un homme courtois dont je reconnais l'amabilité, mais dès qu'il revêt sa redingote de ministre, il m'inquiète. Perception très différente de toute cette question des rapports entre droits collectifs et libertés individuelles.

Troisièmement, perception très différente du rôle de l'Etat dans le domaine de la langue et de la culture, conception beaucoup plus dirigiste de ce côté-là de la Chambre, conception beaucoup plus respectueuse de la libre détermination des individus et des groupes de notre côté de la Chambre.

Quatrièmement, perception très différente du degré de développement historique de notre population et des perspectives d'avenir qui s'ouvrent devant elle. De l'autre côté de la Chambre, j'ai observé très souvent, surtout dans les documents officiels, comme ce fameux article intitulé — comment s'appelle-t-il l'article dans l'Almanach du peuple — l'heure du choix, "Le Québec à l'heure du choix", vision extrêmement pessimiste et noire. Le document d'Egal à égal qui a précédé le dernier congrès du Parti québécois, un présumé de notre histoire qui a été écrit avec du vinaigre de toute évidence, peu conforme à une expérience que nous avons quand même vécue nous-mêmes. Nous en sommes de cette histoire, nous en sommes sortis nous-mêmes. Nous l'avons faite depuis — dans mon cas — au moins 35 ans. Je n'ai pas passé mon temps à broyer du noir quand je dirigeais un journal, quand je dirigeais des mouvements et des organismes de toutes sortes. Nous en avons été et nous en sommes de cette société.

Je vous dis encore une fois que je n'accepte pas cette version pessimiste de notre passé et cette vision pessimiste de notre avenir. On voudrait nous faire croire que pour le Québec, de demeurer dans un régime fédéral, ce sera le tombeau de sa culture, un facteur d'ensevelissement. Je n'en crois rien, je ne souscris aucunement à cette vision pessimiste de notre histoire. Je respecte la vision qu'on nous présente de l'autre côté et je voudrais, quand on s'inscrit en désaccord avec nous, qu'on cesse de nous abreuver de cette litanie de qualificatifs péjoratifs qui n'ont rien à voir avec un véritable dialogue démocratique. J'inscris mon désaccord en toute simplicité, en toute franchise. Je pense que cela est bon que ce le soit. Je dis que si nous ne nous entendons point sur l'interprétation à donner à un arrêt comme celui de la Cour suprême aujourd'hui, c'est parce que ces différences profondes nous séparent dans la perception de la réalité, dans l'interprétation de l'histoire, dans la vision des perspectives d'avenir. Je voudrais...

M. Lavoie: II reste quinze minutes.

M. Ryan: Je voudrais indiquer brièvement, avant de conclure, les perspectives d'avenir linguistique au Canada et au Québec, selon la vision que nous en avons, selon la direction dans laquelle nous travaillons d'ores et déjà et dans laquelle nous entendons continuer à travailler au cours des années à venir.

D'abord, inutile de vous dire que nous entendons continuer de travailler afin que le Québec décide de continuer à se développer à l'intérieur d'un régime fédéral canadien renouvelé. C'est une proposition de base qui nous distingue du parti gouvernemental et inutile de vous dire que nous entendons continuer à la promouvoir avec toute la fermeté nécessaire. Nous ferons connaître au cours des prochaines semaines... Il arrive un accident de parcours aujourd'hui, le renversement du gouvernement fédéral, à Ottawa, nous examinerons si c'est une bonne chose de publier nos propositions pendant une campagne électorale.

Une Voix: ... Bof!

M. Ryan: Nous verrons. Ils nous le demanderont. J'espère que le gouvernement n'adoptera pas de loi sur ces questions. Nous prendrons nos décisions et nos concitoyens nous jugeront. Le document est prêt et par un concours de circonstances qui témoigne de l'unité dont nous jouissons au sein de notre parti, il n'y a eu aucun coulage jusqu'à maintenant.

Ceci étant dit, dans notre plan d'action pour l'avenir, nous entendons travailler à l'insertion dans la future constitution canadienne de certains droits fondamentaux, incluant évidemment certains droits linguistiques. Il n'est pas question d'inclure dans une constitution toute la gamme des droits linguistiques. Vous verrez pourquoi tantôt. Il y a certains droits fondamentaux comme, par exemple, le droit d'un enfant de langue maternelle française ou de langue maternelle anglaise à l'instruction dans sa langue maternelle partout à travers le Canada. C'est un droit que nous voudrions voir enchâsser dans une constitution et non pas être soumis au diktat du ministre d'Etat au Développement culturel ou aux décisions capricieuses et changeantes de l'Assemblée nationale, même du Québec. C'était un premier point.

D'autres droits fondamentaux seront aussi inscrits dans la future constitution du pays, si cela dépend de nous. Il faut faire un choix de ce côté, il faut accepter à un moment donné ou refuser, selon la philosophie dont on s'inspire, que dans une société démocratique, les tribunaux soient l'organisme suprême d'interprétation des lois. Nous sommes prêts à accepter ce pari même si d'autres gouvernements le refusent totalement pour des raisons qui nous paraissent plus futiles, et fort discutables à tout le moins, qu'on ne semble le penser.

Deuxièmement, nous continuerons de militer pour que l'égalité des deux langues soit reconnue

dans les services et les institutions du gouvernement fédéral de ce pays. Nous avons déjà le principe très bien inscrit dans les lois du pays, grâce à la loi des langues officielles adoptée en 1969, je tiens à le dire devant cette Chambre, est un modèle d'équilibre, de clarté et de générosité bien compris. Un modèle d'audace également. On n'a pas eu peur, parce qu'on reconnaissait les deux langues officiellement au plan fédéral, qu'il en résulte un genre de mélange, de confusion intellectuelle dont on a entendu parler tantôt. Le monde actuel ne pourrait pas fonctionner si la moitié des postulats que j'ai entendu énoncer était fondée. Nous évoluons vers un ordre de choses où les multiples seront de plus en plus nombreux et tous ceux qui atteignent un certain stade de responsabilité, pas tellement élevé, auront à fonctionner dans plus d'une langue. Cessons de nous faire des peurs de Bonhomme Sept Heures avec ces questions, acceptons donc une fois pour toutes le véritable défi de l'Amérique du Nord et de la réalité contemporaine.

Nous continuerons de militer pour que l'égalité des deux langues soit reconnue au niveau du gouvernement fédéral et de toutes ses institutions. Inutile de vous dire que nous insisterons pour que cet objectif soit inscrit à l'état de norme fondamentale dans la future constitution du Canada.

Troisièmement, nous insisterons sur la liberté, pour chaque province, d'établir sa politique linguistique dans les domaines de sa compétence, étant saufs, évidemment, les droits fondamentaux qu'aura définis la constitution. Sur la base de ce plancher nécessaire pour tous — nécessaire pour tous, je le proclame avec beaucoup de fermeté — nous reconnaîtrons la liberté des provinces de définir elles-mêmes, dans leur domaine, leur politique linguistique. (0 h 10)

En ce qui touche le Québec, notre politique consistera à promouvoir d'abord la priorité du français dans tous les secteurs de l'activité collective mais, en même temps, la reconnaissance raisonnable et explicite des droits de la minorité anglophone et des autres groupes minoritaires dans toute la mesure où ils ne viendront pas contredire l'objectif énoncé juste avant celui-ci, c'est-à-dire la priorité raisonnable de la langue française. Inutile de vous dire que nous aurons à apporter des améliorations au texte législatif que nous avons actuellement.

L'autre jour, le premier ministre me demandait de préciser le type de changements que nous voudrions apporter à la loi 101. Je l'ai fait depuis deux ans, continuellement, sur toutes les tribunes à travers le Québec. On m'a demandé parfois, quand je m'adressais à des auditoires anglophones: Dites-vous ces choses quand vous allez dans Beauce-Sud? Les dites-vous quand vous allez dans Rimouski, dans Hauterive, dans à peu près tous les comtés représentés de l'autre côté de la Chambre depuis quelques mois? M. le Président, je tiens exactement le même langage partout; je le tiens en anglais devant des auditoires anglophones; en français devant des auditoires francopho- nes; en italien devant des auditoires italiens et si je ne le fais pas en grec, c'est parce que je n'ai pas eu le temps d'apprendre le grec jusqu'à maintenant. La tâche de l'homme public n'est pas d'arriver avec sa redingote de ministre et de dire; Je m'en viens vous parler dans la langue officielle. C'est de parler la langue des citoyens, M. le Président; c'est cela la responsabilité d'un homme politique.

Nous travaillerons à restaurer le libre accès des enfants de langue maternelle anglaise à l'école anglaise, sans égard à l'école fréquentée par leurs parents ou au lieu de leur naissance. Ce sont des facteurs secondaires. Les enfants de langue maternelle anglaise auront accès à l'école anglaise. Notre régime est le suivant: L'école française commune pour tous, avec exception pour les enfants de la communauté anglophone. On n'est pas pour commencer à faire de nouvelles distinctions: Toi, tu es né à Oxbury, toi tu es né à Grandville, toi tu vas aller à l'école... Voyons donc! Pas d'affaires comme cela!

Deuxièmement, droit de s'adresser à l'administration publique dans sa langue pour l'anglophone. Oui, M. le Président! Et droit d'être servi dans sa langue par l'administration publique. Dans notre loi actuelle, je crois que nous reconnaissons le droit de s'adresser à l'administration publique en anglais. Il n'y a aucune obligation correspondante pour l'administration publique, tout est laissé vague, tout est laissé à la discrétion du ministre et de ses collaborateurs. Il faudrait préciser ces choses-là. Le droit à des services sociaux et sanitaires dans leur langue; le droit à l'affichage commercial public dans leur langue. Nous maintiendrons l'affichage français obligatoire. C'est important! Il y en a qui n'avaient pas compris, c'était déjà dans la loi 22. Nous n'entendons aucunement abroger l'obligation défaire l'affichage public en français, mais quand on est rendu à interdire l'usage d'une autre langue dans l'affichage public, une fois que les droits de la majorité ont été respectés, là je dis que le souci d'esthétisme dépasse les bornes du raisonnable. Laissez donc l'intelligence des gens se charger du reste, M. le Président. En tout cas, nous autres, nous y verrons humblement.

En conclusion, nous voterons pour le projet de loi no 82 qui corrige, en bonne partie, la situation qui est venue réprouver l'arrêt de la Cour suprême rendu aujourd'hui. Ce projet nous inspire des doutes quant à la méthode dont il s'inspire. Nous avions recueilli, au cours de la journée, des opinions juridiques. On nous disait que d'autres méthodes s'imposaient peut-être pour une application rigoureusement étanche, à l'abri de toute nouvelle contestation éventuelle de la décision de la Cour suprême. Nous espérons que le gouvernement a fait son travail comme il faut cette fois-ci et qu'il n'a pas consulté un cercle limité de juristes mais a cherché à élargir l'éventail afin d'éviter que nous nous retrouvions dans la même situation.

Je serai très heureux, d'ailleurs, si on veut nous fournir non seulement des précisions au sujet des juristes qu'on a consultés, mais surtout

les textes d'opinions qu'on a reçues, cela nous rassurerait de notre côté. Malgré ces doutes, je tiens à énoncer, en laissant la responsabilité des conséquences aux auteurs du projet de loi, je crois devoir répéter ce que j'ai dit tantôt: Ce projet de loi nous paraît avoir été inspiré par un esprit de bonne foi, par un souci loyal du gouvernement de se conformer à une décision qu'il n'accepte pas intellectuellement, et c'est son droit. Je pense que le geste que fait aujourd'hui le gouvernement, s'inscrit dans la ligne de celui qu'il invitait les citoyens à faire récemment et, encore une fois, nous serons très heureux de l'appuyer de nouveau dans cette voie.

M. le Président, ce geste que nous posons ce soir est un premier pas vers le rétablissement, dans notre société, d'une situation d'équité linguistique; l'objectif premier en matière linguistique, est, à mon sens, l'équité avant celui de l'affirmation catégorique et aveugle de telle ou telle collectivité.

Je pense que l'objectif premier d'un gouvernement, en ces matières comme dans les autres, c'est l'équité. Quand un gouvernement a été vraiment équitable, même s'il n'a pas répondu à toutes les normes des sociétés patriotiques, il a peut-être fait un travail plus durable, plus efficace et plus véritablement démocratique.

La population du Québec a toujours été fière de sa langue et de sa culture et de ses institutions et de ses façons caractéristiques de percevoir la vie, de s'exprimer. Elle le demeure et j'ose espérer qu'elle le demeurera encore longtemps par-delà les volontés changeantes des gouvernements et des textes capricieux et mobiles des lois qu'ils font adopter par le Parlement. Cette population a toujours été aussi respectueuse, profondément respectueuse, de sa minorité linguistique et aujourd'hui, de ses minorités linguistiques. Elle eut longtemps parmi ses titres de gloire celui d'être la province du Canada où sa minorité linguistique était le plus généreusement traitée.

Encore aujourd'hui, il arrive que sur plusieurs points et ce n'est pas nécessairement la faute du gouvernement actuel — c'est peut-être parce qu'il n'a pas pu tout effacer d'un trait ce qui s'était fait de bon auparavant — il arrive que sur plusieurs points, nous sommes en avance sur les autres provinces et j'en suis très fier, mais sur d'autres points, nous avons reculé ces dernières années. Il faut être absolument aveugle pour ne pas entendre la plainte qui monte de plusieurs milieux à ce sujet.

Je vous dis, M. le Président, que nous n'aurons de justice, de stabilité, d'harmonie et de concorde dans cette société tant que nous ne voudrons pas refaire nos conceptions dans ces matières très délicates sur une base beaucoup plus axée vers la recherche humble, loyale, large, d'un consensus aussi diversifié que possible et aussi enraciné que possible dans les divers secteurs qui forment cette population extrêmement riche, aimable, intéressante de la province de Québec. Je peux vous assurer, M. le Président, que nous accueillons ce jugement de la Cour suprême avec ouverture et humilité. Et humilité. Je n'ai pas peur de le dire. Je sais qu'on fera des gorges chaudes avec cela. Cela ne me fait rien. On ira retrouver nos amis sur les tribunes publiques. De ce côté-là, on n'a aucune inquiétude et j'espère que cet esprit nous animera dans les travaux que nous serons appelés à faire éventuellement autour de la question linguistique.

Je veux vous assurer — et je termine là-dessus — que je n'ai pas d'autres pensées en ces matières que des pensées de paix et de respect.

Le Président: M. le chef de l'Union Nationale, vous avez maintenant la parole.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, je voudrais, en quelques mots, aborder le problème qu'on nous présente aujourd'hui de façon modérée, de façon raisonnable, avec le gros bon sens des gens de chez nous. J'ai cherché un peu ce que j'avais dit à l'occasion de l'étude de la loi 101. Je veux au début regarder ma première citation que j'ai dite à l'époque. J'avais dit sur la question de la langue: "Plus jamais la question de la langue ne devra chez nous, au Québec, diviser et opposer les citoyens les uns les autres." Je souhaitais au début de mon discours de deuxième lecture qu'on puisse en venir à un consensus entre des Québécois de bonne volonté pour régler des problèmes et les régler d'une façon définitive afin que nous n'ayons plus à revenir sur cette question de la langue et à en faire encore une fois une bataille pour diviser des Québécois de chez nous.

Je disais aussi, M. le Président: "Plus jamais, que ce soit au niveau de la législation et' de la justice, de l'administration publique ou parapubli-que, du marché du travail, du commerce et des affaires ou au niveau de l'enseignement, plus jamais le Québec ne devra offrir un visage autre qu'essentiellement français. (0 h 20)

Je disais aussi que plus jamais, pour autant, dans la mission d'assurer le salut du fait français en cette terre d'Amérique, le législateur n'attaquera les droits acquis historiquement par les membres de la communauté anglophone vivant au Québec qui, à l'instar de tous ceux qui vivent au Québec et du Québec, sont des Québécois à part entière et cela, il ne faut pas craindre de l'affirmer bien haut.

Il est intéressant de voir un peu ce que les gens ont dit à cette époque. Je dois vous dire que la question de la langue, c'est un domaine qui ne peut laisser aucun d'entre nous indifférent. Voilà un secteur de notre vie nationale qui traite des valeurs fondamentales de l'homme d'ici. Cette question, M. le Président, dépasse l'individu en tant que tel. Cette question rejoint une conscience nationale qui s'affirme de plus en plus chez nous. Si c'est un fait normal que cette question soit traitée, elle doit l'être en toute lucidité, avec un souci de réalisme et d'équité, dans un climat de sérénité.

La question de la langue avait été oubliée un petit peu au cours des deux dernières années, parce qu'on avait réussi à s'occuper d'autre chose, à trouver une façon de vivre avec une loi que des gens n'aimaient pas, bien sûr, que des gens avaient le droit de contester et qui, aujourd'hui, revient devant nous. J'espère, M. le Président, que nous pourrons trouver une réponse définitive à ce problème, régler, au cours des quelques semaines qui vont suivre, certains autres problèmes qui pourraient survenir et faire en sorte, ensuite, que nos Québécois puissent vivre ensemble, au Québec, sans se chicaner, sans se diviser, sans se batailler avec les questions de la langue.

L'émotion qui étreint chaque Québécois lorsqu'il traite de la politique de la langue ne doit pas prendre le dessus sur la volonté de légiférer avec responsabilité et bon sens. M. le Président, cette volonté normale et légitime d'affirmation de la langue française doit se faire, à mon avis, dans le respect et la reconnaissance de la communauté anglophone du Québec. Je redis aujourd'hui ce que je disais il y a deux ou trois ans: Cette communauté anglophone, qui est ici depuis deux siècles, a ses institutions propres, ses traditions et sa culture. Notre souci de reconnaître la communauté anglophone au Québec n'a jamais été et n'en est pas un de générosité, mais c'est un souci de justice et d'équité.

Je me souviens, lorsque nous avions discuté cette question de la langue, lorsque nous avons déposé, en commission parlementaire, ce que nous appelions notre contreprojet de loi à la loi 101, notre livre bleu, il y avait beaucoup d'amendements que nous avions suggérés au ministre. Je me souviens d'avoir discuté avec le ministre d'Etat au Développement culturel, qui me disait à l'époque que, dans le fond, il avait un choix à faire vis-à-vis de la langue de la législation et de la justice, justement celle qui est touchée par le jugement de ce matin de la Cour suprême. Il disait: II y a une décision juridique que nous devons prendre ou une décision politique. Je me souviens de ses mots. Je l'entends encore aujourd'hui nous dire que le Parti québécois, comme gouvernement du Québec, avait décidé de prendre une décision politique et de prendre le risque que cette partie de la loi soit contestée devant les tribunaux.

Ce qui devait arriver est arrivé. Au-delà des querelles idéologiques et des batailles de mots, on devait finalement assister à une confrontation judiciaire d'interprétation de la constitution. Les cons-titutionnalistes se retrouvent dans deux camps bien démarqués quant à l'interprétation à donner des pouvoirs exclusifs des Législatures provinciales contenus à l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, particulièrement au premier alinéa qui reconnaît le pouvoir exclusif aux provinces de modifier leur constitution avec la seule réserve des dispositions relatives à la charge de lieutenant-gouverneur.

Pour les uns, cet article est total et dominant. Pour les autres, l'article 92,1 ne prime pas sur l'article 133, lequel traite de l'usage du français et de l'anglais dans les Chambres du Parlement et devant les tribunaux du Canada, ainsi qu'à l'Assemblée nationale et devant les tribunaux du Québec. Les constitutionnalistes-conseils du gouvernement du Québec ont opté pour le premier camp, alors que, dans son jugement, la Cour suprême vient de donner gain de cause aux tenants constitutionnalistes de l'autre camp.

Lors de la publication de notre livre bleu sur la langue, contre-proposition de l'Union Nationale à la loi 101, au chapitre de la langue, de la législation et de la justice, l'Union Nationale insistait sur la nécessité de concilier trois principes.

Le premier, d'ordre linguistique, afin d'assurer la prééminence de la langue française et respecter l'état de fait historique de l'usage de la langue anglaise à l'Assemblée nationale du Québec et devant les tribunaux et autres organismes judiciaires et quasi judiciaires. Deuxième principe, d'ordre constitutionnel, celui-là même qui confronte les tenants des deux camps et fait l'objet de la contestation ou du jugement que nous avons maintenant de la Cour suprême. Le troisième, d'ordre juridique, puisque tant au niveau de la langue de la législation qu'au niveau de la langue de la justice les jugements et les textes de loi intimement reliés l'un à l'autre, toute option linguistique doit tenir compte du fait que les droits des parties aux prises avec un litige peuvent être affectés.

D'autre part, tout au long du débat sur la question linguistique l'Union Nationale a montré un souci de la communauté anglophone du Québec quant au recours, dans leur langue, à des outils aussi universels que la législation et la justice. De fait, nous vivons dans un système de droit mixte qui tient ses origines à la fois du droit français et de la "common law". La compréhension des textes de loi, de la doctrine et de la jurisprudence au Québec exigera toujours des avocats, qu'ils représentent une personne physique ou morale, une connaissance du français et de l'anglais suffisamment élevée pour qu'aucune des parties ne soit pénalisée par le fait que l'une plaide en langue anglaise pendant que l'autre plaide en langue française et vice versa.

L'Union Nationale adoptait également la thèse défendue par le Barreau du Québec à l'époque dans son mémoire à la commission parlementaire sur le projet de loi no 101 relativement aux cas de divergence toujours possibles entre le texte français et le texte anglais d'un jugement. Aujourd'hui, par le jugement de la Cour suprême, nous avons une réponse. J'ai écouté le ministre responsable. Bien sûr, c'était peut-être politiquement rentable de faire un charriage contre le gouvernement fédéral ou contre le pouvoir fédéral, mais il y a lieu de diviser — pour les Québécois en tout honnêteté et surtout avec modération lorsqu'on discute de cette question de la langue — la Cour suprême du pouvoir législatif fédéral.

Lorsque j'ai entendu le ministre nous dire que par le jugement de la Cour suprême — je le cite — "le pouvoir fédéral obtient ce qu'il recherchait, il réimpose au Québec le joug, le carcan centenaire dont le Québec s'était débarrassé en affirmant par

voie législative sa propre identité linguistique et culturelle", je pense que c'est drôlement charrier dans la mauvaise direction. Ce jugement de la Cour suprême ne fait qu'entériner un jugement de la Cour d'appel et de la Cour supérieure du Québec, de juges québécois, du Québec, qui ont tout simplement jugé sur les textes de loi. Ce ne sont pas ces gens qui ont voulu mettre un carcan sur les Québécois, ils n'ont fait qu'interpréter un texte de loi. Tant et aussi longtemps que nous vivrons dans un pays démocratique gouverné de la façon qu'il est gouverné, les juges n'auront qu'à interpréter les textes de loi.

Je crois que c'est malhonnête de la part du ministre de dire que c'est le pouvoir fédéral qui nous impose un autre carcan, un autre joug. Si nous ne sommes pas contents de certaines lois, il y a des façons de les changer. Il y a des gens qui sont en face de moi et qui, avant le 15 novembre 1976, n'étaient pas contents de certaines lois au Québec. Ils se sont présentés, ils ont été élus pour changer des lois au Québec. Si on n'est pas content d'autres lois fédérales, il faut se présenter, être élu — on en aura l'occasion au cours des deux prochains mois, je pense bien — et on pourra changer certaines lois qu'on n'aime pas. S'il y a une constitution que nous n'aimons pas, il y a aussi une possibilité de négocier avec d'autres provinces et le gouvernement fédéral pour changer lentement bien sûr, lentement mais sûrement, des choses que nous n'aimons pas. (0 h 30)

Aujourd'hui, je voudrais demander aux ministériels, de méditer un peu sur une phrase extraite du manifeste publié dans Option Québec de M. René Lévesque, premier ministre actuel, qui disait: "II n'en tiendra plus qu'à nous d'établir, sans récrimination ni discrimination, cette priorité qu'en ce moment nous cherchons, avec fièvre mais à tâtons, pour notre langue et notre culture." Le premier ministre a dit "sans récrimination ni discrimination". Je crois que lorsqu'on a adopté la loi 101, on est allé au-delà de ce que le premier ministre avait demandé de faire. J'aurais aimé que les ministériels s'en tiennent à ce que leur chef leur a demandé. On n'aurait pas, aujourd'hui, les problèmes que nous avons avec le jugement de la Cour suprême et on pourrait, ce soir, passer à d'autres lois.

Bien au-delà de la définition d'une politique linguistique, ce que nous faisons depuis quelques années, au Québec, c'est bien la définition politique d'une société québécoise. C'est ce dont il est question maintenant. Ne devrait-il pas plutôt y être question d'une redéfinition de cette société dans le sens d'un projet collectif des Québécois?

J'aimerais — parce qu'on discute de ce problème de la langue, qui est relié bien sûr à l'avenir collectif des Québécois, à ce qui nous arrivera si nous devenons indépendants, si nous avons une nouvelle constitution canadienne, si nous continuons dans le statu quo, si ce sera la souveraineté-association — à la toute veille de cette grande discussion que nous aurons, que nous puissions nous élever un peu dans la discussion et avoir un débat véritablement entre Québécois de bonne volonté, sans discrimination ni récrimination, comme disait le premier ministre. Je pense que ce serait peut-être le temps de profiter de ce débat pour élever le ton et élaborer tranquillement, entre nous, un projet purement québécois, au-dessus des lignes de parti. Qu'on arrête de charrier contre le gouvernement fédéral ou contre d'autres hommes politiques et qu'ensemble on se mette à la table pour établir entre Québécois de bonne volonté le minimum vital essentiel que nous désirons pour le Québec, pour les Québécois, pour les Québécoises.

Je pense qu'il y a lieu, il y a moyen d'en arriver à un tel consensus sur le minimum vital essentiel que nous voulons pour notre société québécoise. Nous pouvons affirmer qu'il existe une société québécoise et que si elle naquit un jour et grandit au fil des ans, elle se trouve aujourd'hui en situation de se redéfinir, en situation de faire le point pour mieux repartir et pour poursuivre sa trajectoire. Quant à nous, l'Union Nationale, cette trajectoire, elle la poursuivra régénérée en elle-même, à l'intérieur d'un Canada redéfini, et pour vivre la suite de son histoire. Cette redéfinition, comment se fera-t-elle? Ce projet collectif que je voudrais, pour le Québec, pour les Québécois et les Québécoises, dans quel climat sera-t-il défini? Il nous faut y réfléchir en tenant bien sûr compte d'hier, mais aussi et surtout, quand l'on se réfère aux études des démographes, dans la pleine connaissance d'aujourd'hui pour projeter le demain le plus souhaitable. Ce projet collectif se fera dans un climat serein si nous, premièrement, les hommes politiques responsables, nous sommes véritablement des hommes politiques responsables et des femmes politiques responsables en même temps. Si nous voulons nous élever au-dessus de la petite partisanerie et essayer, en commun, de trouver ce consensus sur le minimum vital essentiel que nous voulons comme Québécois et comme Québécoises.

Cette société à redéfinir, nous ne la voulons pas fermée et méfiante, toute à la dévotion d'une ethnie vouée à un culte passionné. Nous la voulons ouverte, hospitalière et progressiste, où il fera bon vivre, où, sans exclusion, tous les Québécois sentiront que c'est là qu'il leur faut vivre et qu'ensemble, fièrement, ils y vivront. Pour y arriver, il nous faut sortir de nos fibres tout sentiment violent susceptible de diviser.

Pour arriver à redéfinir cette société, il nous faut apaiser nos haines, atténuer nos rancoeurs et calmer nos appréhensions. Il nous faut envisager le Québec dans la totalité de sa réalité et prolonger la portée du concept du nationalisme à tous les Québécois, à tous ceux et celles qui vivent et qui contribuent à son maintien, à son évolution et à son développement, peu importe la langue qu'ils parlent au Québec. Il faut, au-delà des origines ethniques, culturelles et linguistiques, qu'on en vienne à établir un consensus sur l'appartenance véritable à la société québécoise. C'est ainsi que nous pourrons formuler notre projet collectif qui est d'établir ici une authentique société québé-

coise qui, en fonction du respect mutuel et de la ferme détermination qui nous animera tous, saura atteindre les objectifs qu'ensemble tous les citoyens du Québec lui auront fixés. Cette société devra faire la synthèse de tous les apports ethniques, culturels et linguistiques du Québec tels qu'ils se trouvent en ce troisième quart du vingtième siècle et au seuil du vingt-et-unième siècle.

M. le Président, si je parle de ce projet collectif en parlant de la question de la langue, c'est que je crois que c'est très relié ensemble. Ce sont des sentiments qui existent à l'intérieur du coeur et de l'âme de chaque Québécois et de chaque Québécoise. Nous, du Québec, situés au confluent des grandes cultures européennes dans la réalité contemporaine d'une situation géographique nord-américaine, notre société devra constituer le point de rencontre, à la fois des idées et des systèmes tant sociaux, politiques que culturels en une formule originale et authentiquement québécoise. Cette société québécoise, dans le respect de ce qui est, sera riche d'un souffle nouveau et, selon une formule qui aura provoqué l'adhésion générale, elle saura dorénavant rendre possible et accessible ce qu'hier encore pouvait nous sembler relever de l'utopie conférer la dignité d'être à quiconque qui, de par sa volonté d'être un citoyen à part entière de cette province, peu importent sa langue et sa culture, aura droit d'être appelé Québécois. C'est dans cet esprit que l'Union Nationale a abordé les grands projets qui lui ont été soumis et c'est dans cet esprit que l'Union Nationale continue de traiter les projets qui lui sont soumis. Je puis vous assurer, M. le Président, que nous voulons continuer à maintenir notre ouverture d'esprit au cours des prochaines semaines, des prochains mois et des prochaines années. Nous voulons faire en sorte qu'avec modération, calme et raison nous abordions ces projets d'avenir collectif pour les citoyens du Québec.

M. le Président, les questions de langue sont tellement reliées à nos projets d'avenir collectif que je voudrais vous citer ce que je disais à l'époque lors de l'étude de la loi 101 parce que je crois que c'est encore de mise aujourd'hui. Je disais: "Encore aujourd'hui, la loi 101 mérite des amendements et, même plus, une approche qui soit plus saine — disons-le carrément — moins mesquine, à l'endroit de nos concitoyens québécois à part entière que sont les anglophones, les membres de la communauté anglophone, dont le premier ministre, à l'époque, se targuait de reconnaître l'existence, et avec lesquels, songeons-y bien, nous aurons à vivre l'après-charte. "

Je disais cela, il y a trois ans. Je pourrais redire la même aujourd'hui ou je pourrais redire la même chose aussi lorsque nous aurons le débat sur la question référendaire. Je disais en particulier: "Ici, je veux être bien clair et bien compris. L'Union Nationale ressent le besoin de préserver le fait français chez nous, d'en favoriser l'épanouissement et, donc, de privilégier le français dans cette terre d'Amérique, besoin d'autant plus ressenti que le Québec constitue le foyer principal des Canadiens d'expression française et qu'à ce titre lui incombe la mission de faire rayonner le fait français partout au Canada et même en Amérique." (0 h 40)

Je disais: "L'Union Nationale, consciente de la situation socio-culturelle actuelle du Québec, soucieuse de témoigner de son parti pris pour la prééminence du français au Québec, comprend le besoin de dispositions législatives particulières qui peuvent permettre parfois l'utilisation exclusive de la langue française ou, et de façon généralisée, sa prééminence sur la langue anglaise ou toute autre au Québec. L'Union Nationale ne comprend ni n'accepte que l'on hésite, que l'on refuse même de reconnaître formellement cela. Aujourd'hui, je pense que c'est plus de mise que jamais que l'on refuse même de reconnaître formellement les droits de la minorité anglophone pourtant consacrés par 200 ans d'histoire. Les anglophones, comme l'a clamé courageusement le député ministériel de Mercier, forment une communauté articulée et, à ce titre, ils ont des droits que l'on doit identifier tout aussi explicitement, du moins dans certains champs d'action, que l'on a cru nécessaire de le faire et c'était nécessaire dans le cas des Inuit et des Amérindiens. Toute vouée à la prééminence du français qu'elle l'est, l'Union Nationale ne comprend pas, n'accepte pas ce que l'universitaire montréalais Charles Taylor appelle la conception nativiste de la minorité anglophone partagée par le Parti québécois.

Si je dis cela aujourd'hui, c'est aussi pour inviter nos collègues d'en face à changer un peu d'approche au cours des prochains mois et faire participer pleinement à la vie de leur parti, à la vie de notre parti aussi, à la vie de la communauté québécoise ces anglophones qu'on a peut-être mis un peu trop de côté depuis que ce gouvernement est en place à Québec. A tel point que ces gens ne se reconnaissent peut-être pas comme des Québécois à part entière. Il faudrait faire en sorte que nous leur fassions comprendre, nous les Québécois francophones, que, pour nous, les Québécois anglophones sont des Québécois à part entière. C'est peut-être l'histoire qui veut que nous rediscutions aujourd'hui de la Charte de la langue française et que nous puissions faire appel à plus d'ouverture, plus de générosité, plus de réalisme et de bon sens de la part du Parti québécois afin d'inviter nos compatriotes québécois anglophones à participer à la vie de leurs partis politiques eux aussi.

Bien sûr, le chef de l'Opposition officielle notait, dans son discours, les récents résultats d'élections, et en particulier D'Arcy McGee, le dernier comté. C'est quand même surprenant, mais il faut constater que les anglophones en bloc se refusent à participer à la vie démocratique d'un parti politique. C'est peut-être beau de dire qu'ils ne veulent rien comprendre, mais je me demande si, lorsque toute une communauté, une collectivité ne veut rien comprendre, d'après ce que nous dit le Parti québécois, il n'y a pas quelque chose à réajuster dans la philosophie politique ou cette

approche que le Parti québécois a présentement ou sa vue qu'il a sur le Québec et sur les citoyens du Québec.

Bien sûr, les partis politiques ont à faire des approches différentes. Des partis qui ont peut-être reconnu leurs erreurs, j'espère en tout cas, qui en cours de route peuvent les corriger, mais il reste quand même qu'un parti politique qui est le gouvernement d'une province ne peut se permettre de mettre de côté 20% de la population en leur disant: On ne veut pas vous comprendre. Il y a peut-être une approche, il y a peut-être un signe dans cette décision de la Cour suprême qui fera réfléchir d'une façon sérieuse ce présent gouvernement du Québec pour qu'il puisse faire en sorte que nos compatriotes québécois anglophones puissent davantage participer à la vie du Québec.

Charles Taylor, il y a deux ans, disait ceci: "Beaucoup de nationalistes soutiennent depuis longtemps que l'existence même d'une communauté florissante d'anglophones représente un dangereux foyer d'assimilation au sein du Québec. C'est une vue des choses qui me semble très néfaste et cela à deux niveaux: d'abord, elle trahit un terrible manque de confiance en la vitalité de la société et de la culture québécoise et, ensuite, cette peur engendre fatalement une politique fermée, chauvine où la survivance de l'un passe par la suppression de l'autre." Taylor continuait: "Le gouvernement doit absolument réfléchir à cette question s'il veut amener de façon spécifique les anglophones du Québec et d'ailleurs à partager une vision commune d'un Québec renouvelé où le français aura la place qui lui revient de fait et de droit.

Je pense que cela s'écrivait il y a un peu plus de deux ans, deux ans et demi. Cela mériterait qu'on s'y arrête quelques instants. Je ferai tenir copie de la citation à mon excellent collègue, le ministre d'Etat au Développement économique; il pourra en profiter pour y réfléchir davantage.

Que le gouvernement du Québec s'emploie donc à développer un climat où l'on se parle franchement entre Québécois de différentes langues. Dès lors, son action, au lieu de nourrir l'inquiétude des minorités ethniques en général ou des anglophones en particulier, sera mieux perçue. Pourquoi donc prendre le risque "immature" d'un règlement de compte historique ou le risque inutile d'une brimade gratuite dont le prix serait d'exclure de toute réforme sérieuse au Québec un cinquième de sa population qui aurait le sentiment de ne pas être de la partie?

M. le Président, je vous cite encore ce que nous disions à l'époque sur la loi no 101, parce que ce chapitre de la langue de la Législature et de la justice est remis en cause. Nous faisions des suggestions qui sont à peu près dans la ligne de pensée de ce que la Cour suprême aujourd'hui nous dit de faire ou reconnaît ultra vires. A l'époque, je disais: II faut, au chapitre de la langue de la législation et de la justice, tenter de concilier trois principes: le premier, d'ordre linguistique. Il faut assurer la prééminence de la langue française et respecter l'état de fait historique de l'usage de la langue anglaise à l'Assemblée nationale, devant les tribunaux et les autres organisations judiciaires et quasi judiciaires.

Deuxièmement, de principes d'ordre constitutionnel, il existe deux thèses, l'une permettant au Québec de modifier à sa guise l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique en vertu de sa constitution interne — voir l'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique — et l'autre interdisant au Québec de modifier unilatéralement cet article. Le troisième principe d'ordre juridique, tant au niveau de la langue de la législation qu'au niveau de la langue de la justice, puisque les jugements et les textes de loi sont intimement liés les uns aux autres, toute option linguistique doit tenir compte du fait que les droits des parties aux prises avec un litige peuvent être affectés.

L'Union Nationale, en plus de vouloir ici comme partout ailleurs, consacrer, il va de soi, le statut officiel de la langue française, reconnaît, par souci d'équité, les besoins et le droit des membres de la communauté anglophone du Québec de recourir dans leur langue à des outils aussi universels que la législation et la justice. L'Union Nationale reconnaît le français et l'anglais comme langues de la législation pour toutes les étapes de l'adoption d'un projet de loi. Je disais cela il y a deux ans et demi. Aujourd'hui, la Cour suprême nous dit que nous avions raison. Ce n'est pas que cela nous fait seulement plaisir d'avoir raison, mais je pense que c'était à l'époque la voix de la modération, la voix du calme, la voix de la raison. Encore aujourd'hui je pense qu'on devrait trouver, non pas en insultant les autres, mais en commun un modus Vivendi pour faire participer, faire partager à nos compatriotes anglophones ce que nous faisons au gouvernement du Québec.

Si nous reconnaissons deux versions officielles des textes de loi adoptés par l'Assemblée nationale, il faut prévoir ce qui arrivera en cas de divergence sur l'interprétation à donner à un ou plusieurs articles d'un texte de loi donné. Là-dessus, j'ai l'impression que ce projet de loi qui nous est présenté, encore une fois, pourra être présenté devant la Cour suprême pour interprétation dans un de ses articles. Il me fait penser à peu près mot pour mot à un texte de loi qui a été adopté par Duplessis en 1937. Il disait qu'en cas de divergence entre les textes français et anglais le texte français prévalait. Cela n'a pas été jugé anticonstitutionnel, parce que le gouvernement de l'époque l'avait retiré deux ou trois ans après, mais, quand même, on était en passe d'aller jusqu'à la Cour suprême pour avoir une décision sur cet article. Il y aurait peut-être lieu d'y remédier en changeant un peu cet article du projet de loi qui fera en sorte que, en cas de divergence, le texte français pourra, en dernier lieu, servir, prévaloir. Mais, quand même, il faut auparavant que toutes les autres règles ordinaires d'interprétation puissent être acceptées ou puissent permettre de résoudre convenablement le problème. Nous ferons des suggestions lorsque nous arriverons à cet article de ce projet de loi. (0 h 50)

M. le Président, cette prise de position que nous avons toujours eue concernant la langue concilie notre souci de ne pas porter préjudice aux droits des parties aux prises avec un litige qui met en cause l'interprétation d'un ou de plusieurs articles d'un texte de loi et notre engagement en faveur de la prééminence du français.

Vu que nous vivons dans un système de droit mixte qui tient ses origines à la fois du droit français et de la "Common law", la compréhension des textes de loi, de la doctrine et de la jurisprudence au Québec exigera toujours des avocats, qu'ils représentent une personne physique ou morale, une connaissance du français et de l'anglais suffisamment élevée pour qu'aucune des parties ne soit pénalisée par le fait que l'une plaide en langue anglaise pendant que l'autre plaide en langue française, et vice versa.

M. le Président, l'Union Nationale précise que dans les champs d'action où la communauté anglophone qu'on se targue de vouloir reconnaître existe, c'est bien au niveau des municipalités, des commissions scolaires, des services communautaires qu'il faut la reconnaître. L'Union Nationale a toujours opté pour une position plus réaliste qui tienne compte du besoin normal et légitime de donner à nos institutions publiques un visage essentiellement français, sans pour autant nier à la communauté anglophone la possibilité de vivre comme telle là où elle est en majorité au niveau local ou régional.

Il y a quelque chose qui nous viendra plus tard vis-à-vis de la langue d'enseignement. Il y a deux ans et demi, lorsque nous avons adopté la langue de l'enseignement — on se souvient qu'il y a eu beaucoup de discussions — nous avions demandé au ministre de l'Education de l'époque de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que la fréquence et la qualité des cours de français dispensés aux élèves qui reçoivent l'enseignement en langue anglaise soient de nature à donner à ceux-ci une connaissance suffisante de la langue française pour permettre à tous les anglophones de devenir, après dix ans ou douze ans d'étude, suffisamment bilingues pour ne pas avoir de difficulté nulle part.

Nous voulions aussi, d'autre part, que le ministre de l'Education prenne les mesures nécessaires pour que tous nos francophones puissent apprendre l'anglais, parce que c'est une formation, à mon point de vue, aussi essentielle que d'apprendre la géographie, l'histoire ou même les mathématiques. En Amérique du Nord, qu'on le veuille ou non, aussitôt que nous sortons du Québec, nous devons parler anglais, nous devons communiquer en anglais et tous, à peu près sans exception, nous voyageons à l'extérieur du Québec, tous sans exception, nous avons besoin de connaissances techniques, de connaissances culturelles ou autres. Je pense que c'est une partie de la formation de nos jeunes Québécois francophones de pouvoir apprendre au moins à s'exprimer convenablement en anglais. Nous demandions ça à l'époque. Nous avons constaté que depuis ce temps il ne s'est pas fait grand-chose, peut-être à cause des budgets ou d'autre chose, mais d'une façon ou d'une autre il faudra s'orienter au gouvernement du Québec, au ministère de l'Education pour faire en sorte de donner cette formation nécessaire aux jeunes de chez nous.

Il y a aussi un autre point qu'on avait demandé à l'époque, qui devra être révisé un jour ou l'autre si nous voulons cette ouverture d'esprit dont je parlais tout à l'heure vis-à-vis de la communauté anglophone. C'est justement de permettre à nos compatriotes canadiens anglophones qui nous viennent de Toronto, d'Ottawa, de Vancouver ou d'ailleurs de venir au Québec et de pouvoir faire éduquer leurs enfants en anglais, puisque c'est déjà la langue normale qu'ils parlent à la maison.

Je ne vois pas pourquoi nous continuerions à les forcer, ces gens-là en particulier... Je ne veux pas dire que les Grecs, les Polonais ou les autres qui viennent au Québec devraient aller à l'école anglaise. Nous sommes tous d'accord que ce ne sont pas des anglophones élevés dans une famille anglophone, ils doivent aller à l'école française. Mais les anglophones de l'Ontario ou d'ailleurs à travers le Canada, je pense que ce serait normal qu'on leur permette d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. On pourrait solutionner tous les problèmes de langue qui nous sont présentés maintenant.

M. le Président, je voudrais avant de terminer citer une conclusion du jugement du juge Deschênes de la Cour supérieure. Ce n'est certainement pas un anglophone, le juge Deschênes. Lorsqu'il a rendu son jugement sur la loi no 101 le 27 janvier 1978, il disait ceci: "II ne faut pas oublier que l'article 133 a été le fruit d'une décision politique conjointe. Si l'une des parties veut le modifier, c'est par le truchement d'une autre décision de même nature qu'elle doit y parvenir — donc une décision politique. Au moyen de sa contestation, le Procureur général du Québec cherche à obtenir une véritable modification constitutionnelle par le biais de l'interprétation judiciaire, mais la cour ne saurait se rendre à cette invitation. Rien ne justifierait la cour de forcer les textes afin d'en extraire une signification que leurs rédacteurs n'ont jamais voulu leur donner, mais la cour est tenue d'écarter une loi qui abroge unilatéralement une garantie constitutionnelle réciproque que personne n'avait mise en doute durant un siècle."

Le juge Deschênes donne sa conclusion en disant ceci: "S'il est vrai que les circonstances ont changé, que les esprits ont évolué et que d'aucuns n'acceptent plus d'être régis par des textes qui ont présidé à la naissance de ce pays, il leur appartient de faire passer leurs convictions dans la réalité politique canadienne, mais, en attendant ce jour-là, c'est la constitution actuelle que le tribunal doit lire, interpréter et appliquer." C'est un Québécois comme nous qui disait cela, le juge Deschênes. Il a tout simplement vu ce qu'il y avait dans la loi et interprété la loi.

Tout cela plaide en faveur d'une nouvelle constitution canadienne, constitution qui pourrait répondre à nos besoins. C'est peut-être le temps, après 113 ans d'histoire, de dépoussiérer un peu

cette constitution. Et c'est avec ouverture d'esprit que le gouvernement du Québec devrait se présenter, avec les autres premiers ministres des provinces canadiennes et le premier ministre fédéral, et faire en sorte de changer cette constitution canadienne et de l'adapter aux besoins des citoyens qui habitent le Canada en 1980 ou qui habitent le Québec en 1980.

M. le Président, avant de conclure, je ne peux pas ne pas dire un mot au sujet de ce qui s'est passé au Manitoba. C'est choquant pour des francophones. Moi aussi, comme les gens du Parti québécois, je réalise qu'il y a 80 ans il y avait 50% ou à peu près de francophones au Manitoba et que, grâce à une loi qui a été passée à l'époque, aujourd'hui, on s'aperçoit qu'il ne reste que 4% de francophones. Et, même si le jugement de la Cour suprême donne raison aux francophones de l'époque, je ne crois pas que jamais plus le français ne revienne au Manitoba.

Pour des francophones, bien sûr, c'est difficile à accepter, mais c'est un fait de l'histoire et il faut bien l'accepter maintenant. On n'a pas d'autre choix. Il faut faire en sorte, par exemple, de changer des choses qui sont arrivées et qui n'étaient pas correctes dans le passé. Il faut les changer pour l'avenir. Il faut regarder l'avenir et faire en sorte que cette constitution que nous voulons pour notre pays puisse répondre davantage à nos besoins et à nos préoccupations.

M. le Président, durant ce débat, comme durant d'autres débats, linguistiques qui ont accaparé notre temps de même que nos énergies, l'Union Nationale se fait un devoir d'adopter une attitude constructive et ce, dans l'intérêt de tous les Québécois. Il est certain que cette façon d'agir ne cadre pas avec l'idée qu'on s'est toujours faite dans le passé au Québec des partis d'Opposition. Mais est-ce là une raison pour refuser de voir clair, pour refuser d'évoluer à ce moment de notre histoire où les événements exigent de nous une nouvelle approche, beaucoup plus réaliste, à mon avis, et qui fait la juste part des choses?

Et en terminant, je veux vous redire ce que je vous citais au début: Plus jamais, M. le Président, la question de la langue ne devra chez nous, au Québec, diviser nos gens et opposer les citoyens les uns aux autres.

M. Tremblay: M. le Président, je ne sais pas si le premier ministre voulait...

Le Vice-Président: M. le député de Chauveau.

M. Tremblay: M. le Président, je pensais avoir demandé la parole.

M. O'Neill: Je l'ai bien demandée, M. le Président.

Le Vice-Président: M. le député de Gouin, à l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Gouin, il est de coutume, en cette Chambre, lorsqu'un projet de loi est déposé, que nous fassions un premier tour des chefs des différentes formations politiques. Suite à un jugement récent du président de l'Assemblée nationale, qui a été confirmé par Mme la vice-présidente, après ce premier tour fait en deuxième lecture, je me dois à ce stade-ci, pour respecter ce jugement et l'esprit du règlement, de reconnaître le député de Chauveau. Par la suite, il est bien entendu que, respectant ce même jugement, je m'en irai du côté de l'Opposition.

M. Tremblay: M. le Président, question de règlement. L'article 92 dit: "Pour parler, un député doit se lever et demander la parole au président en le désignant par son titre." Je croyais avoir le premier demandé la parole, d'une part. D'autre part, il n'y a pas eu un tour encore. Je pense que le ministre d'Etat au Développement culturel a fait un discours assez long. Je pense que le côté de l'Opposition officielle a fait son intervention, de même que le côté de l'Union Nationale. Il n'y a pas d'autres députés indépendants ce soir ici. Je crois qu'il serait dans l'ordre... (1 heure)

Le Vice-Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Gouin, il y a également un article de notre règlement qui dit qu'un député ne peut contester une décision de la présidence. Je sais que tous les députés savent que, depuis trois ans, une coutume parlementaire qui existe, en deuxième lecture du moins, c'est qu'une fois que le proposeur du projet de loi a parlé, que le chef de l'Opposition officielle ou son représentant a parlé, que le chef de l'Union Nationale ou son représentant a parlé, consiste à ce qu'un député ministériel parle et, par la suite, je reconnaîtrai un député de l'Opposition.

M. Tremblay: M. le Président, loin de moi l'idée de vouloir contester votre décision. Je m'y rends fort volontiers, mais, comme j'avais demandé la parole le premier, est-ce que je pourrais compter sur votre collaboration pour qu'après le député de Chauveau, vous me donniez la parole?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Chauveau.

M. Louis O'Neill

M. O'Neill: M. le Président, il y a un sentiment de tristesse que beaucoup parmi nous partagent ce soir, qui est d'ailleurs partagé par beaucoup de ceux qui sont venus nous rejoindre. Ils auraient d'ailleurs souhaité venir nous rejoindre encore en plus grand nombre. Comme me le disaient un certain nombre de gens ce soir, si le temps nous le permettait, c'est massivement que les Québécois viendraient ici devant le Parlement exprimer leur indignation. Mais la tristesse, M. le Président, de cette journée qui a été décrite par notre collègue, le ministre d'Etat au Développement culturel, ce n'est pas simplement celle qui vient de ce jugement qui a été rendu et de ce qu'il révèle, c'est aussi la tristesse de certains comportements.

Ce soir, je dois vous dire une chose qui m'a rendu triste, c'est de voir se répéter ce comportement, par exemple, de l'Opposition officielle, semblant d'ailleurs se réjouir d'une défaite du Québec. Cette image de gens d'ailleurs, cette image qu'ils nous donnent depuis que nous sommes ici, de gens qui ont beaucoup de difficulté et parfois une sorte d'impossibilité de se comporter en Québécois, de gens d'ailleurs à qui, à cause de cela, il ne faut pas confier l'avenir de ce pays, parce qu'il faut confier l'avenir de ce pays à des gens qui se sentent bien d'abord d'ici. Je crois que, quand des gens se réjouissent de voir le Québec humilié, ils ne sont sûrement pas dignes de conduire ce pays.

M. le Président, il ne s'agit pas ici de tout relever ce qui a été dit, n'est-ce pas? Je voudrais simplement relever, entre autres, un sophisme qui a été répété une fois ce soir et aussi parler, je dirais, d'une indécence qui a été répétée une fois de plus. Le sophisme, c'est celui, entre autres, qui consiste à vouloir opposer dans ce débat, une fois de plus, des droits individuels et des droits collectifs, comme si la promotion de droits collectifs n'était pas, dans certaines circonstances historiques, la meilleure manière de protéger des droits individuels. Vous connaissez, M. le Président, cette axiome qui dit qu'en situation d'inégalité, c'est la loi qui libère et la liberté qui opprime. Quand les gens sont inégaux, en situation d'inégalité, quand des gens sont en situation de groupes dominés, c'est la loi qui les libère. C'est un sophisme que de toujours ici opposer les droits individuels et les droits collectifs alors que, justement, cette défense de droits collectifs d'un peuple qui essaie de se libérer, qui lutte depuis des générations pour accéder à un statut d'égalité, cette défense, cette promotion par des droits collectifs, c'est quelque chose qui est absolument dans la ligne de droits individuels concrets et réels, ce n'est pas simplement de droits formellement affirmés. Ce sophisme, nous l'avons encore entendu ce soir.

J'ai aussi entendu une indécence. Cette indécence, ce propos indécent, il est venu du chef de l'Union Nationale venant donner le conseil de bien respecter les droits des minorités ici au Québec. Dans l'histoire de ce pays, mais où donc les droits des minorités ont-ils été respectés? Au Manitoba, en Ontario, règlement 17, en Colombie-Britannique ou bien au Québec? C'est toujours au Québec. Personne n'a de leçon à nous donner là-dessus, mais c'est de voir que quelqu'un d'ici vient humilier les Québécois en essayant de nous faire croire qu'ici les droits de minorités ne sont pas respectés. Comparons la situation; comparons les conditions de vie des minorités ici au Québec avec celles des minorités ailleurs et vous trouvez tout de suite la réponse. C'est une évidence et c'est une injure que l'on fait aux Québécois quand on vient de cette façon leur donner ce conseil alors que le problème s'est toujours posé ailleurs qu'au Québec.

Vous vous rappelez, au moment de la promulgation de la loi 101, que les francophones en dehors du Québec déclaraient: Si nous avions la moitié chez nous des avantages dont jouissent les anglophones au Québec, nous nous croirions au paradis. Jamais ils n'ont eu la moitié, le tiers, le dixième de cela et il y a des gens qui viennent nous parler ici du respect du droit des minorités au Québec. Je sais qu'on a souvent utilisé cette formule selon laquelle on disait que les jugements de la Cour suprême rappelaient la tour de Pise qui penchait toujours du même côté. Je pense qu'il serait beaucoup plus exact de dire que ce n'est pas la Cour suprême qui penche du même côté, c'est le régime.

A ce point de vue, ce que je retiens de ce jugement de la Cour suprême, c'est un message très clair, un message que certains ne veulent peut-être pas comprendre, un message qui met fin aux illusions. Qu'est-ce que la Cour suprême vient nous dire? Elle vient nous dire: Ce régime fédéral que nous interprétons, nous, de notre mieux, il est pire que ce que vous pensiez. C'est cela qu'elle nous dit, quand on voit toutes les conséquences éventuelles de ce jugement de la Cour suprême, qui dit: La constitution va jusqu'au point où vous serez obligés de modifier un grand nombre de pratiques administratives. C'est vraiment la fin des illusions. Ce que nous dit la Cour suprême, c'est que ce régime instaure ou affirme dans un texte notre condition d'infériorité, notre condition de peuple dominé. C'est cela, finalement, que nous dit la Cour suprême. Elle nous dit: Lisant la constitution, je vois ici un régime d'inégalité, et elle nous fait tout simplement l'exégèse de ce texte. Elle nous dit que nous sommes, au fond, juridiquement colonisés. Remarquez qu'il y a des gens qui sont, eux, psychologiquement colonisés. C'est un autre problème. On le connaît bien ce problème.

Cet exemple de gens colonisés psychologiquement, nous l'avons devant nous depuis trois ans, mais ce que nous dit la Cour suprême, c'est que nous sommes aussi juridiquement colonisés. Encore une fois, ce sont des vérités brutales, des vérités désagréable que beaucoup n'aimaient pas voir. Je pense que beaucoup, à partir d'aujourd'hui, beaucoup de ceux même qui croient à la souveraineté du Québec vont y croire encore beaucoup plus, parce qu'ils vont s'apercevoir qu'il n'y a aucune illusion à avoir quant à ce vieux texte de loi qui a été fait par des gens qui se sont servis les premiers, étant les maîtres, les conquérants. Ils ont fait, évidemment, des textes qui correspondaient à leur façon de penser. Ils avaient un pouvoir à sauvegarder, ils avaient un groupe minoritaire à garder à l'intérieur de certaines barrières et ils ont fait une constitution en conséquence.

M. le Président, la perte d'une bataille ne fait pas la perte de la guerre. Comme disait notre collègue, le ministre d'Etat au Développement culturel, les jugements de cour ne règlent pas tout. Il y a aussi les jugements populaires. Il y en aura un bientôt, un jugement populaire. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, c'est le débat référendaire qui est bien amorcé. Il y a une réponse qui viendra bientôt. Ce sera la réponse du peuple québécois. C'est le peuple québécois qui va se

mêler au débat. Ce n'est pas simplement un débat entre représentants ici, à l'Assemblée nationale, dont nous serons les témoins, ce sera un débat du peuple québécois. Le peuple québécois n'a pas le temps de s'organiser dans une grande manifestation populaire pour venir nous dire jusqu'à quel point il rejette ce régime fédéral qui, encore une fois, apparaît aujourd'hui sous un jour encore plus odieux qu'avant. Cependant, il y aura une grande rencontre, il y aura une grande manifestation populaire au printemps où le peuple québécois, par un oui, viendra vraiment dire ce qu'il veut, viendra finalement exprimer son désir de se libérer de ce carcan. C'est là qu'on voit encore plus aujourd'hui qu'avant, à la suite de ce jugement de la Cour suprême et ce que révèle ce jugement sur le régime fédéral, on voit encore mieux ce que le oui voudra dire. Ce sera le oui de la dignité, le oui de la liberté; le non sera tout simplement le non de la résignation et le non de la démission.

C'est une étape que nous vivons aujourd'hui, c'est une page triste d'histoire. Nous en sommes conscients. Nous la vivons et nous l'acceptons, mais nous ne nous y résignons pas. Nous sommes profondément convaincus que le peuple québécois ne l'accepte pas non plus. Le peuple québécois, à partir d'aujourd'hui, connait beaucoup mieux encore le sens exact de cette réponse qu'il donnera au printemps, parce qu'on vient, en somme, de lui révéler que ce régime carcan, dans lequel nous sommes emprisonnés, est encore bien pire et bien plus menaçant que beaucoup d'entre nous, que beaucoup de Québécois le croyaient. A ce point de vue, on peut dire que maintenant, à la suite de cet événement malheureux, la campagne du référendum a bien démarré. (1 h 10)

Nous savons plus que jamais maintenant que le oui du printemps qui s'en vient, ce oui collectif du peuple québécois, ce sera un oui de la dignité, un oui de la liberté et un oui de la fierté.

Merci, M. le Président!

Le Vice-Président: M. le député de Gouin. M. Rodrigue Tremblay

M. Tremblay: M. le Président, avec le projet de loi no 82, on nous demande de rendre légale et officielle la version anglaise des lois et des règlements adoptés par cette Assemblée nationale depuis deux ans, en conformité avec l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, et de maintenir bilingue la justice au Québec.

A mon avis, il n'y a pas là matière à fouetter un chat, même si le jugement de la Cour suprême démontre on ne peut plus clairement que le Canada n'a pas de véritable constitution et même si je peux comprendre que certains croient les obligations contenues dans l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique difficiles à accepter à cause du déséquilibre de cet article et souhaiteraient surdramatiser un événement juridique et constitutionnel.

En fait, la population du Québec, à mon avis, peut dormir en paix cette nuit, même s'il faudra bien un jour se donner une constitution équilibrée dans une véritable Confédération au Canada. Le fait de rendre légales les versions anglaises de nos lois avec l'adoption ce soir du projet de loi no 82 ne diminuera pas notre bien-être, à moins que nous soyons déjà tellement fanatisés par la langue anglaise ou américaine nous cause une répulsion viscérale et nous perturbe, selon les mots mêmes du ministre d'Etat au Développement culturel, jusqu'au dérèglement psycho-affectif.

Je ne crois pas cependant que c'est le cas pour la très grande majorité de nos concitoyens et de nos concitoyennes québécois et québécoises francophones qui tiennent à leur langue, bien sûr, mais qui sont aussi nord-américains, en plus d'être francophones et certainement pas, bien sûr, pour nos concitoyens québécois anglophones qui sont, jusqu'à nouvel ordre, des citoyens à part entière, même si nos concitoyens francophones des autres provinces, eux, ne le sont pas encore, du moins tant qu'il n'y aura pas une nouvelle constitution.

Par conséquent, je n'ai aucune objection à appuyer le projet de loi no 82, afin de régulariser la situation légale de nos textes de loi. Mais puisque le ministre d'Etat au Développement culturel et le leader du gouvernement ont élargi le débat sur la question de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, je suis bien heureux de les suivre sur ce terrain.

En effet, l'incident constitutionnel d'aujourd'hui illustre on ne peut mieux le problème fondamental du Québec et du Canada. Nous n'avons pas de constitution. Nous sommes un des rares pays au monde à ne pas avoir de constitution. Nous avons une vieille loi qui date de la reine Victoria et qui appartient à un Parlement étranger, le Parlement de Londres, et cette loi nous régit et établit nos droits ou notre absence de droits.

C'est la constitution qui libère et qui protège les faibles, pour paraphraser ce que disait le député de Chauveau il y a quelques minutes. Dans cette loi britannique cependant, conçue avant tout en 1867 et dont j'ai déjà reproduit dans un livre déposé la semaine dernière les principaux articles, loi d'ailleurs conçue principalement pour contenir l'expansion des Etats-Unis, les francophones sont très peu protégés, eu égard à leurs droits sacrés de survivance et d'épanouissement en Amérique du Nord et au Canada.

Nous ne formons que 2 1/2% de la population de l'Amérique du Nord, nous, les francophones, et 27% de la population canadienne, avec nos six millions d'habitants. Cinq millions de francophones au Québec et un million au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Ecosse, avec les Acadiens qui forment 240 000 citoyens, et en Ontario et au Manitoba et dans quelques autres provinces.

Or, dans cette loi britannique, il n'y a vraiment que trois articles qui nous accordent une certaine protection. L'article 133 dont nous discutons la valeur aujourd'hui, l'article 93 et l'article 92. L'article 133 dit finalement que les cours de justice sont ouvertes aux deux langues et que les parlementai-

res à Québec et à Ottawa peuvent avoir accès à des textes en langues française et anglaise et peuvent s'exprimer dans la langue de leur choix.

Donc, les 200 parlementaires du Québec, à Québec et à Ottawa, peuvent parler les deux langues, tandis que les tribunaux fédéraux et québécois sont ouverts aux citoyens canadiens des deux communautés linguistiques.

L'article 93 garantit le droit à des écoles confessionnelles, mais sans référence à des écoles dans la langue des citoyens. De sorte qu'en Ontario, à Windsor, à Pénétang et dans d'autres villes aujourd'hui, il faut revendiquer et même quêter des écoles françaises parce que ce n'est pas un droit d'en avoir, c'est un privilège d'en avoir.

Evidemment, l'article 92, qui est le prolongement de l'article 71, établit les prérogatives du gouvernement du Québec, lequel constitue la seule autonomie politique véritable et globale pour les Québécois francophones dans les domaines qui y sont énumérés.

M. le Président, la loi 92 nous permet de nous demander si ce qui nous sert aujourd'hui de constitution, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, dans son article 133, car c'est sur cet article que porte le jugement de la Cour suprême, devrait être répudié comme la loi 101 le faisait, ou si, plutôt, nous ne devrions pas conclure de cet incident constitutionnel qu'une véritable constitution civilisée, pour un pays bi-national et étendu sur un demi-continent, devrait contenir dans son sein une protection fondamentale pour tous les citoyens de l'une ou l'autre des deux communautés linguistiques du Canada, d'être servis par l'Etat et les tribunaux dans leur propre langue, quelle que soit la province où ils habitent.

Le drame de l'article 133, c'est qu'il ne s'applique qu'au Québec et qu'à Ottawa et à ce titre, c'est un article déséquilibré, car il ne s'applique pas aux francophones des autres provinces, tandis qu'il couvre les anglophones du Québec.

Là est le déséquilibre, là est l'anomalie et le député de Chauveau a parfaitement raison de dire que le vrai problème de l'article 133 est à l'extérieur du Québec et non pas à l'intérieur du Québec. Les 240 000 Acadiens qui n'ont pas de gouvernement propre au plan régional depuis 1755 et les 600 000 Ontariens francophones n'ont pas de droits quant à leur existence et à leur épanouissement en tant que francophones. Ils ont des privilèges qu'ils doivent souvent arracher de chaude lutte, mais ils n'ont pas de droits en tant que francophones. Là est le problème, là est la difficulté et non pas le fait d'avoir deux textes ici dans notre Assemblée nationale, écrits en français et en anglais. C'est un faux problème parce qu'il n'y a pas injustice; l'injustice est à l'extérieur du Québec.

Ce n'est donc pas là un système civilisé et équilibré que nous avons au plan constitutionnel au Canada. C'est même l'absence de système et c'est ce qu'il faut corriger.

On n'a pas de constitution véritable au Canada et il est grand temps que l'on s'en donne une au plus tôt. Ceci ne signifie nullement, à mon avis, qu'il faille mettre un X sur les 240 000 Acadiens et les 600 000 Ontariens francophones. Au contraire, quand je compare notre situation de seulement deux communautés linguistiques et deux des principales langues internationales parlées à travers le monde sur une demi-continent, avec celle des autres pays, je ne peux que conclure, primo, que notre problème est bien mineur, même si sérieux, et, secundo, que nous n'avons pas beaucoup d'imagination et de leadership pour le résoudre.

En Suisse, par exemple, ils sont quatre communautés linguistiques différentes dans un pays grand comme un mouchoir de poche et ils vivent en harmonie depuis sept siècles, tout en étant Suisses allemands, Suisses français, Suisses italiens et Suisses romanches, mais ils ont une constitution. Nous n'en avons pas. (1 h 20)

Je cite l'article 116, par exemple, de la constitution suisse, qui dit ceci: L'allemand, le français, l'italien et le romanche, sont les langues nationales de la Suisse; sont déclarées langues officielles de la confédération l'allemand, le français et l'italien. C'est ce que j'appelle un système. Non pas la lutte des langues, mais un système qui permet de vivre et de laisser vivre. C'est un système, à mon avis, civilisé, un système moderne.

La solution au Québec et au Canada, ce n'est pas tantôt de proscrire l'anglais, tantôt de proscrire le français; c'est plutôt d'accorder à tous les citoyens, quelle que soit la province où ils vivent en nombre suffisant, c'est-à-dire lorsqu'ils représentent une minorité de 5% et plus, leur accorder des droits politiques quant à leur existence et leur épanouissement dans leur langue. Ce serait une approche logique et civilisée au lieu d'instaurer la dictature de la majorité qui écrase de son poids la minorité. Au Canada, les francophones en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Ecosse et au Manitoba devraient être protégés dans ce sens par la nouvelle constitution. Il est trop facile d'abdiquer et croire qu'on aura contribué à la solution en se retirant sous notre tente provinciale. Par contre, au Québec, les Québécois anglophones ont aussi droit d'être des citoyens à part entière et non pas une minorité dans un ghetto unilingue.

M. le Président, je crois que c'est là le sens commun et le bon sens, c'est ce que la vaste majorité des Québécois et des Québécoises en toute logique appuie et soutient. Ce n'est pas en dramatisant un problème constitutionnel, de nature technique, et en fouettant le fanatisme ou l'intolérance, parce que l'article 133 de cette loi anglaise est mis en force par la Cour suprême, que nous ferons de notre coin de terre une terre de prospérité où nous serons fiers d'être nous-mêmes et où il fera bon vivre.

A l'aube de la campagne référendaire, M. le Président, les tentations seront grandes d'accentuer les divisions entre les bons et les méchants, les autres et nous, les francophones et les anglophones, les Québécois francophones et les Canadiens, etc., etc. Les hommes politiques qui allègrement feraient sortir le génie de la bouteille parce qu'à court terme ils en tireraient des bénéfices politiques ou référendaires ne pourront pas

facilement le remettre dans la bouteille. Par conséquent, M. le Président, avant de sonner les clairons et les trompettes pour l'appel à la guerre et avant de conscrire tous nos ayatollahs, adoptons donc ce projet de loi 82 pour corriger le problème technique qui est devant nous et attelons-nous dès maintenant et dans les prochains mois à la tâche de nous doter d'une véritable constitution, une constitution qui protège les faibles et les minorités et qui ne donne pas le droit à la majorité d'opprimer les faibles et les minorités.

Là, M. le Président, est la maturité et la responsabilité. Le reste, nous pouvons nous en passer. Pour ma part, je ne souscris pas au fanatisme linguistique et je n'ai pas l'intention de commencer ce soir. Merci.

M. Godin: M. le Président, au nom de l'alternance...

Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît. Vous ne rendez pas la situation facile à la présidence. A l'ordre, s'il vous plaît. Mme la députée de Prévost m'avait fait signe, avant que le député de Gouin n'ait terminé, qu'elle désirait intervenir. Laissez-moi terminer s'il vous plaît!

Le député de Vanier a été le premier qui a dit: M. le Président. M. le député de Mercier, vous êtes intervenu après votre collègue de Vanier. Or, sans vouloir faire de discrimination et tout en voulant être conforme et logique avec la décision que j'ai rendue tout à l'heure, je vais reconnaître le député de Vanier et, par la suite, Mme la députée de Prévost, vous serez celle qui serez reconnue.

M. le député de Vanier.

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: Merci, M. le Président. Le débat que nous avons, ce soir, porte sur un article d'une constitution écrite il y a plus de 112 ans, sur un article dont, je pense, la lecture s'impose pour des gens qui, encore à ce moment-ci, peuvent avoir encore la patience de nous écouter.

M. le Président, l'article 133 se lit comme suit: "Dans les Chambres du Parlement du Canada et les Chambres de la Législature de Québec, l'usage de la langue française ou de la langue anglaise dans les débats sera facultatif, mais dans la rédaction des registres, procès-verbaux, journaux respectifs de ces Chambres, l'usage de ces deux langues sera obligatoire. En outre, dans toute plaidoirie ou pièce de procédure devant les tribunaux du Canada, établies sous l'autorité du présent acte ou émanant de ces tribunaux et devant les tribunaux de Québec, ou émanant de ces derniers, il pourra être aussi fait usage de l'une ou l'autre de ces langues. Les lois du Parlement du Canada et de la Législature de Québec devront être imprimées et publiées dans ces deux langues."

C'est sur la bse de cet article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, M. le Président, que tout le débat d'aujourd'hui se déroule

Le gouvernement du Québec, prenant en cela ses responsabilités comme gouvernement, de la même façon que le gouvernement libéral de 1970 à 1976, et celui de l'Union Nationale, de 1966 à 1970 l'avaient fait, a décidé de présenter devant cette Chambre un projet de loi consacrant de façon définitive le caractère officiel de la langue française au Québec.

Bien sûr, M. le Président, nous nous rappelons tous le débat qui avait entouré l'adoption du chapitre III de la Charte de la langue française, et particulièrement les articles référant à la langue à l'Assemblée nationale et à la langue devant les tribunaux. A ce moment, c'est avec beaucoup de sens de la logique et beaucoup de courage que, comme gouvernement, nous avons proposé de faire en sorte que la langue de la Législature et des tribunaux soit la langue française.

M. le Président, tout le monde se rappellera, à ce moment, que même si la loi, la Charte de la langue française reconnaissait le français comme seule langue officielle devant l'Assemblée nationale et devant les tribunaux, il était évident — c'est un droit que nous avons maintenu — que les débats pouvaient se dérouler aussi dans la langue anglaise, que les documents pouvaient être obtenus dans la langue anglaise — ils l'ont été — et que, devant les tribunaux, les citoyens pouvaient se faire entendre dans leur langue et être entourés de tout le personnel nécessaire dans leur langue.

Cela, M. le Président, n'a jamais été empêché par l'adoption de la loi 101 et jamais la communauté anglophone du Québec n'a pu prétendre que l'adoption de la Charte de la langue française la brimait d'utiliser sa langue, d'avoir des services dans sa langue, de parler sa langue, que ce soit devant l'Assemblée nationale ou devant les tribunaux du Québec. Cela, M. le Président, il faut le dire, parce qu'il y a quelque chose d'important qu'on doit constater dans la décision de la Cour suprême, d'aujourd'hui. Ce que la Cour suprême reconnaît pour le citoyen Forest de la province du Manitoba, c'est un droit qui est déjà reconnu à l'intérieur même de la loi 101 au Québec.

Je cite, un résumé qui en a été fait par la Presse Canadienne, aujourd'hui, et qui interprète la décision rendue par la Cour suprême: "Ainsi, le plus haut tribunal du pays, soit la Cour suprême, a trouvé que M. Georges Forest, qui est à l'origine de cette cause, était en droit d'avoir des copies des textes législatifs en français et en anglais et que le français peut être utilisé devant les tribunaux." (1 h 30)

Cela, M. le Président, que la Cour suprême du Canada vient de reconnaître, aujourd'hui, pour cet individu de la province du Manitoba et pour tous les autres qui utilisent la langue française est un droit qui était déjà reconnu, même avec la loi 101, ici au Québec, pour ce qui était d'obtenir des textes législatifs en anglais et pour ce qui était de se faire servir en anglais dans les tribunaux du Québec. Donc, la Cour suprême n'a rien donné de plus aux francophones de la province du Manitoba que ce qui était déjà reconnu aux citoyens anglophones du Québec, même avec la loi 101. Cela, je pense qu'il était important qu'on le dise.

Le communiqué de la Presse canadienne, ajoute ceci: "Le plus haut tribunal du pays a reconnu que M. Forest était en droit d'avoir des copies des textes législatifs en français et en anglais et que le français peut être utilisé devant les tribunaux. Toutefois, le jugement est tout à fait silencieux en ce qui a trait à la langue officielle du Manitoba." Donc, il est bien évident qu'à ce point de vue, la Cour suprême, dans le jugement qu'elle rend, va beaucoup moins loins, avec beaucoup moins d'insistance et en entrant beaucoup moins dans les détails dans le cas du Manitoba que dans le cas du Québec. Encore une fois, même la Cour suprême, en tentant de faire valoir des droits égaux qui pourraient s'appliquer de la même façon dans les provinces du Manitoba et du Québec, consacre une fois de plus le grand principe qui est à la base même du système fédéral actuel, c'est qu'il y a deux poids, deux mesures. Et la Cour suprême vient aujourd'hui de le reconnaître en rendant un jugement qui est différent dans son contenu et dans ses principes pour ce qui est du Manitoba et pour ce qui est du Québec.

Mme la Présidente, déjà, au moment de la discussion de la loi 101, à l'Assemblée nationale, nous n'étions évidemment pas dupes. Nous savions bien que, même si en adoptant le chapitre III de la Charte de la langue française nous faisions ce que nous considérions être tout à fait normal dans le contexte québécois, il était évident que c'était jusqu'à un certain point ouvrir la porte à des contestations devant les tribunaux. Ces contestations n'ont pas tardé à venir. Rapidement, les cours du Québec ont rendu leurs décisions. Rapidement, les gens sont allés en appel devant la Cour suprême et rapidement la Cour suprême a tranché dans le sens que nous savons.

Déjà, Marc Laurendeau écrivait, le 29 novembre 1978, au moment où la Cour d'appel du Québec avait rendu sa décision, qu'à ce moment-là peut-être bien avions-nous fait la preuve par l'absurde, en adoptant la loi 101, que la constitution actuelle oblige les Québécois francophones à faire une place à l'anglais dans leurs institutions judiciaires et parlementaires, tandis que les autres provinces ne sont pas astreintes à l'obligation réciproque. Parce que le résultat final de tout ce débat qui est bien plus un débat politique qu'un débat juridique, c'est que, s'il n'y avait pas eu contestation de la loi 101 devant la plus haute instance judiciaire du Canada, à savoir la Cour suprême, s'il n'y avait pas eu débat juridique, on n'aurait pas parlé du problème politique sous-jacent de la même façon qu'on en parle aujourd'hui.

La loi 101 a été acceptée par l'Assemblée nationale, elle a été acceptée par l'opinion publique québécoise. C'est une des mesures les plus populaires du gouvernement du Québec. Les gens avaient appris à vivre avec cette mesure et les gens en étaient satisfaits. Même la minorité anglophone, après avoir laissé tomber la poussière qu'avait fait monter l'adoption de cette loi dans sa communauté, avait appris à vivre avec cette loi et avait surtout pris en considération, comme les minorités francophones des autres provinces l'avaient amenée à le faire, la très grande inégalité qui existe en ce moment entre le traitement qui est accordé aux minorités francophones hors Québec et le traitement qui est accordé à la minorité anglophone au Québec.

Mme la Présidente, je pense que, finalement, la décision de la Cour suprême est peut-être un mal dans un sens, mais c'est un bien dans un autre. Cela vient de transposer sur le plan politique à l'échelle canadienne, mais surtout ici à l'intérieur du Québec, pour toute la population du Québec, un problème d'inégalité et d'injustice. C'est de cela que nous allons maintenant traiter, c'est cela qui va faire l'objet des discussions des Québécois pendant les prochains jours, les prochaines semaines, pendant les vacances de Noël et du Nouvel An. C'est de cela que les gens vont parler. Ils vont en parler parce que, maintenant, à travers cette décision de la Cour suprême, c'est tout le débat des inégalités et des injustices qui se trouve posé, ici au Québec, par rapport à ce qui est fait à nos minorités francophones à l'extérieur du Québec.

Mme la Présidente, il y a des choses qui doivent être dites et qui sont importantes; que par exemple, le Québec, avec cette décision de la Cour suprême, est la seule province dans tout le Canada où il est fait obligation par la constitution canadienne, constitution, qui en 1867, par l'article 133, voulait protéger surtout la minorité anglophone du Québec... Elle ne se préoccupait pas des minorités francophones des autres provinces, tellement, que même à ce moment-là, la préoccupation qui était celle du colonisateur, était de se dire: II y a un coin de ce pays où les nôtres sont dans une situation de minorité et c'est pour eux qu'il faut, à l'intérieur de la constitution canadienne, donner un droit quelconque, les protéger, face à l'Assemblée nationale et aux tribunaux, mais pas pour les minorités francophones du reste du Canada, pas pour une province comme le Manitoba, M. le Président, où il y avait une majorité de francophones qui vivaient dans cette province. Non, cela, il n'en était pas question. Je pense que les minorités francophones hors Québec nous l'ont mis sous les yeux au cours des dernières années.

J'entendais le chef de l'Opposition tantôt qui disait: On juge la qualité d'une société au traitement qu'elle fait à ses minorités. Bien, je sais qu'à ce moment, nous avons certainement neuf provinces anglophones qui sont antidémocratiques, qui le sont depuis des dizaines d'années, si elles doivent être jugées à partir du traitement qu'elles donnent aux minorités francophones, parce que si on doit juger de la qualité de la société canadienne anglaise dans les autres provinces à partir du traitement accordé aux minorités francophones, je dis que ce sont des sociétés foncièrement antidémocratiques. Mais si on doit juger la société québécoise à la qualité du traitement accordé à la minorité anglophone même avec la loi 101, qui, toute française soit-elle, reconnaît des droits et consacre une situation de fait de cette minorité anglophone, je dis que, si on doit juger la qualité de notre société et de la démocratie vécue dans

notre société québécoise, nous sommes, nous, du Québec, une société foncièrement démocratique, foncièrement respectueuse des droits de la minorité et que nous allons continuer de l'être même si, dans les autres provinces, ce sont des sociétés nettement antidémocratiques, pour reprendre l'exemple utilisé par le chef de l'Opposition.

Il faut qu'on sache, M. le Président, qu'il n'y a aucun statut du français devant les tribunaux et les Assemblées législatives en Colombie-Britannique, aucun statut du français reconnu devant les Assemblées législatives et les tribunaux en Ontario, à Terre-Neuve, dans l'Ile-du-Prince-Edouard, la Nouvelle-Ecosse et le Manitoba, malgré la décision que vient de rendre la Cour suprême aujourd'hui. Tantôt, j'était très amusé d'écouter le bulletin de nouvelles à la télévision, où il y avait des questions qui étaient posées au représentant du Manitoba et on lui demandait: Est-ce que vous allez appliquer la décision de la Cour suprême? Il répondait en ces termes: Ecoutez, il faudra être pratique et raisonnable. Il faudra, en d'autres mots, bien considérer — là, je ne le cite pas, mais j'interprète — que, dans le fond, cette décision qui est rendue aujourd'hui, qui fait référence à une époque où les francophones étaient égaux en nombre dans la province du Manitoba, cette décision qui est prise aujourd'hui, mais qui réfère à un contexte d'une autre époque, est une décision qui, aujourd'hui, vaut pour 4% de la population du Manitoba et cela, c'est significatif, M. le Président.

Il faut être conscient d'une chose, c'est que les décisions rendues par la Cour suprême d'aujourd'hui sont des décisions qui ne réfèrent pas à la situation réelle de 1979, qui ne réfèrent pas à un taux d'assimilation qui a été extrêmement grand au cours des dernières années: plus de 35%, entre 1961 et 1971, dans le reste du Canada. Cela ne fait pas référence à la situation réelle des minorités francophones hors Québec. Cette décision de la Cour suprême s'applique à une époque, où, bien sûr, si elle avait été rendue à une telle époque, elle aurait été utile pour la survivance de la minorité francophone, que dis-je, de l'égalité francophone au sein du Manitoba, mais pas aujourd'hui, au moment où le dommage est fait, au moment où la situation a comme quelque chose d'irréparable pour ce qui est d'un traitement normal qui pourrait être accordé à la minorité francophone au Manitoba.

M. le Président, puisqu'il s'agit toujours de l'article 133, je voudrais à ce moment de nos débats, prendre un extrait d'un document. Je me rappelle avoir fait des discours au Québec où j'ai abondamment utilisé ce document pour essayer non seulement de bien comprendre la situation vécue dans tout le Canada, mais essayer de voir s'il n'y avait pas, sur le plan de l'imagination créatrice des Canadiens, quelque chose de nouveau qui pouvait être apporté pour solutionner ces graves problèmes qui nous confrontent, deux peuples, deux sociétés et deux nations différentes. Ce document, M. le Président, est le document de la Commission de l'unité canadienne, qu'on a appelé communément la Commission Pépin-Ro- barts.

(1 h 40)

Quand j'ouvre le rapport du comité de cette commission qui s'appelait "Se retrouver, observations et recommandations," je lis que cette commission avait comme coprésident, MM. Jean-Luc Pépin et John Robarts et comme membres, M. Beaudoin, M. Cashin, M. Kovitz — si je lis bien leurs écritures — M. Marks, M. Watts et il y avait la députée de Prévost d'aujourd'hui Mme Solange Chaput-Rolland.

M. le Président, je ne vais pas sortir un extrait de son contexte, je vais le lire en entier. Aux pages 55 et 56 de ce document et je lis, M. le Président; ce n'est pas de moi. Cela a davantage été écrit par Mme la députée de Prévost et par ses collègues. Je pense que si elle a signé le document, c'est qu'elle s'y associe. Je lis, M. le Président. "Quant au Québec, il s'était engagé dans la voie du bilinguisme bien au-delà des obligations que lui imposait l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Récemment, quelques articles de la loi 101 ont été frappés d'inconstitutionnalité aux motifs qu'ils violaient cet article 133. Là, encore il y a appel de cette décision". C'était au moment où tout cela était en discussion devant les tribunaux du Québec. "Nous sommes donc au niveau provincial en présence d'une situation confuse qui ne peut engendrer que frustrations et antagonisme. Il existe — et c'est la commission qui parle — à notre avis deux façons d'assurer, au niveau provincial, la protection des droits linguistiques des minorités. La première serait d'étendre la portée de l'article 133 à quelques-unes ou à toutes les autres provinces." M. le Président, c'est exactement la suggestion que le chef de l'Opposition officielle a faite tout à l'heure. "Etendre la portée de l'article 133 à quelques-unes ou à toutes les autres provinces." Je continue. Mme la députée de Prévost n'applaudit pas et je la comprends. "La seconde serait d'écarter les garanties constitutionnelles et d'inviter les provinces à assurer, par législation, la protection de leur minorité en tenant compte de leur situation respective et avec l'espoir que se développe entre les provinces un consensus ou un dénominateur commun qui serait éventuellement inscrit dans la constitution du pays. Après mûre réflexion, nous en sommes venus à la conclusion que cette deuxième façon s'avérera la plus sage à long terme et la plus susceptible de réussir". Vous savez, ils sont très drôles les gens de l'Opposition officielle. Le chef de l'Opposition, avec un beau grand sourire qu'on lui voit trop peu souvent, est en train d'applaudir pratiquement le contraire de ce qu'il a dit. Parce que lui, il devra tenter de réconcilier ce qu'il a dit tout à l'heure lorsque c'était la première hypothèse qu'il retenait à savoir d'étendre la portée de l'article 133 à quelques-unes ou à toutes les autres provinces, alors que ce que disait la Commission sur l'unité canadienne, c'était qu'il fallait écarter cette approche et plutôt inviter les provinces à assurer par législation, la protection de leur minorité. C'est bien différent comme approche. Il faudra que le

chef de l'Opposition nous explique comment il est capable de concilier la position qu'il a prise tantôt et les applaudissements qu'il est en train de faire à l'approche qui a été prise par la députée de Prévost.

Je continue le texte, M. le Président. Plus on avance, plus cela devient clair. "Cette solution suscitera, nous le prévoyons, des protestations. Au départ, en effet, elle privera la minorité anglophone du Québec et la minorité du Manitoba de l'expression constitutionnelle de certains droits. N'oublions pas, cependant, dans le cas du Manitoba, que ces garanties constitutionnelles ont été ignorées depuis plus de 75 ans. En ce qui a trait à la minorité anglophone du Québec, notre but n'est certes pas de suggérer que soit commise quelque injustice" et je suis bien d'accord. "Nous voulons plutôt témoigner du mouvement irréversible qui veut rendre le Québec de plus en plus français. "Nous croyons que nul obstacle constitutionnel qui ne s'appliquerait pas aux autres provinces ne devrait pouvoir entraver la marche du Québec vers sa francisation et qu'en conséquence, les dispositions de l'article 133 devraient être abrogées dans la mesure où elles entreraient en conflit avec les aspirations québécoises." Commission de l'unité canadienne.

J'ajoute une autre citation, M. le Président: "Nous avons cependant confiance, plus, nous sommes convaincus que le retrait des obligations constitutionnelles imposées par l'article 133 n'empêchera pas les Québécois francophones, non plus que le gouvernement du Québec, de continuer en toute liberté et par le biais de lois provinciales, à traiter sa communauté anglophone avec générosité" et c'est ce que nous faisons.

Et je termine par ce dernier paragraphe, M. le Président, suivi d'une courte citation de deux lignes et demie, du ministre d'Etat au Développement culturel: "Nous nous attendons à ce que les droits de la minorité anglophone continuent à être respectés dans les domaines de l'éducation et des services sociaux. Ces droits, il importe de le souligner, ne sont pas garantis par la constitution canadienne et, pourtant, ils sont déjà reconnus dans la loi 101 et la Charte de la langue française, qui émanent d'un gouvernement péquiste. "Ainsi avons-nous la preuve au Québec que les droits de la minorité anglophone peuvent être protégés, sans pour autant qu'il y ait contrainte constitutionnelle, et que les gouvernements de cette province sont tout à fait capables de concilier l'intérêt de la majorité et les préoccupations de la minorité".

M. le Président, je conclus, 30 secondes, pour dire que je suis profondément d'accord avec l'esprit qui présidait aux travaux de la Commission de l'unité canadienne, à ce chapitre. Mais je sais, M. le Président, que derrière le débat juridique que nous avons eu aujourd'hui, il y a une dimension politique éminemment plus importante et je suis d'accord avec une chose qu'a dite le chef de l'Opposition: Un fossé énorme nous sépare dans l'appréciation de la réalité canadienne, un fossé énorme, des divergences profondes nous séparent quant à l'analyse que nous faisons de la réalité canadienne. Cela, je pense que c'est le droit de chacun de l'apprécier à sa façon, mais je dis ceci, comme le disait le ministre d'Etat au Développement culturel, et c'est là-dessus que je termine, c'est qu'au-delà des considérations juridiques, il y a une dimension politique et c'est là-dessus que va se porter la communauté québécoise au cours des prochains mois. "La volonté d'une politique du Québec", c'est le ministre d'Etat qui le disait, "La volonté politique du Québec ne passera pas par des avis de cour, aussi suprême soit-elle, mais par la volonté majoritaire des Québécois, qui s'exprimera lors du référendum."

Le Président: Mme la députée... A l'ordre, s'il vous plaît!

Mme la député de Prévost.

Mme Solange Chaput-Rolland

Mme Chaput-Rolland: M. le Président, certains diront: Cent ans d'injustice pour les uns et d'autres: Un jour de justice difficile pour les autres. Et, ce soir, dans cette Chambre, le gouvernement, dont l'axe principal repose sur le redressement des injustices commises contre des francophones hors du Québec et dans le Québec, ne semble pas vouloir oser un seul élan de fraternité vers ceux-là du Manitoba qui sont enfin debout, enfin "vindiqués" des sévices commis par...

Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Chaput-Rolland: ... des sévices commis contre notre langue, notre culture et notre fierté collective par une loi de la plus haute cour de justice qui, enfin, ce soir, leur rend justice.

M. le Président, nous sommes maintenant cinq millions dotés d'un gouvernement dûment élu en français par des Français, dans une province française. Devons-nous jeter les hauts cris parce que, ce soir, nous savons que les cours de justice du Québec, et même dans cette Chambre, nos textes de loi doivent être adoptés dans les deux langues du pays?

Le gouvernement, dont on a dit qu'il est formé d'hommes et de femmes parmi les plus intelligents et les plus bilingues de notre famille québécoise, a lui-même, je crois, tracé l'ornière qui, ce soir, nous force à discuter passionnément de notre langue si souvent massacrée par nous tous sous le drôle de prétexte de la protéger. '1 h 50)

Ce soir, ce débat est, à mon avis, bien peu réaliste dans la décision de la Cour suprême qui nous reporte à la réalité d'avant la loi 101. Mais que nous enlève-t-elle vraiment dans les faits? M. le Président, sans doute une satisfaction de pouvoir refuser d'accepter que, tant et ausi longtemps que nous sommes de la Fédération, nous sommes, M. le Président, assujettis à des règles édictées il y a longtemps, qui ont, certes, comporté leur part d'injustices, d'absurde même, et M. le leader parlementaire a justement, je le reconnais, rappelé

que le texte français de la constitution n'a pas de valeur légale, et nous avons été nombreux, des deux côtés de cette Chambre, à nous élever contre cet accroc à la plus élémentaire justice linguistique dans notre pays.

Mais faut-il nous déchirer ce soir et demain, tout simplement parce que nous sommes légalement forcés de respecter l'article 133 et forcés surtout d'accepter de revenir avant certaines prescriptions de la loi 101, prescriptions que sûrement ce gouvernement devait prévoir être susceptible d'être contestées comme elles viennent de l'être?

Que ce jugement soit difficile dans notre contexte actuel, j'en suis, M. le Président, que ce jugement puisse nous heurter, j'en suis également, mais qu'il nous surprenne, qu'il nous plonge dans un marasme linguistique dont nous sortirons encore plus divisés que nous le sommes, alors, je n'en suis pas, car je ne crois pas que la loi 101 soit tout entière mise en accusation. Et la commission dont j'ai fait partie en a reconnu la validité et le bien-fondé mais, il me semble qu'elle n'avait pas, comme trop souvent ce gouvernement me permet de le croire, une sorte d'infaillibilité. Elle s'est refusé d'en faire une critique exhaustive, M. le Président, article par article, car cela n'était pas là notre mandat.

M. le Président, j'aurais moi aussi souhaité comme citoyenne du Québec, ce soir, ne pas me retrouver dans une telle situation. Mais quand je pense à ceux-là, M. le Président, qui ont, à des lieues d'ici, réussi seuls à garder vivant ce fait français au Canada, alors, il me semble que j'ai le droit de regarder au-delà de cette Chambre pour penser à certains de mes amis et de nos frères qui, ce soir, célébreront une victoire alors que, de ce côté de la Chambre, un gouvernement qui veut, par une loi également honnête, sauver le fait français dans nos frontières, ne dit pas un mot de réconfort à ceux qui, avec de si frêles moyens et sans notre aide, et je les connais fort bien, ont résisté seuls pour garder vivante cette langue. La réalité de 1890 ne peut pas et ne pourra jamais se répéter en 1980, car notre population, son poids, son gouvernement présent et de demain, son histoire, sa démographie et sa politique ne le permettront plus jamais. Je peux, moi aussi, comprendre une part de déception dans la réaction du gouvernement mais non une déformation presque systématique du jugement tellement prévisible de la Cour suprême.

Je ne crois pas que, demain matin, nous allons renier la primauté du français dans nos écoles, nos hôpitaux, nos usines, nos universités, nos maisons et nos villes. Elle oblige, il me semble que nos tribunaux rendent justice dans les deux langues pour ceux qui parlent deux langues dans cette province.

Nous sommes assez forts, assez riches, assez nombreux, assez français aussi pour traiter aujourd'hui dans la dignité, devant la loi, devant nos tribunaux, les Québécois de langue anglaise au Québec et dans le reste du pays. Je ne me sens pas ce soir dégradée dans ma langue et dans ma fierté de citoyenne du Québec, mais décidée plus que jamais à la garder intacte cette langue et, soucieuse aussi de garder tout notre respect et le respect de cette Chambre tout entière pour nos cours de justice et pour ceux qui, en français comme en anglais, y auront recours librement et démocratiquement. Je vous remercie.

M. Godin: M. le Président...

Le Président: M. le député de Mercier.

M. Gérald Godin

M. Godin: Merci, M. le Président.

M. le Président, je voudrais nommer, pour commencer mon intervention, quelques personnes, Martin Jérôme, député de Carillon, Manitoba; A.F. Martin, député de Maurice, Manitoba; Hoover Marion, député de Saint-Boniface, Manitoba; William Lagimodière, député de La Vérendrye, Manitoba; George-Etienne Fortin, secrétaire de la convention canadienne-française du Manitoba et Mgr Alexandre Taché, évêque du Manitoba. Ce sont des morts — j'entends les larmes de crocodile de l'autre côté — pour une victoire qui vient 89 ans après le fait. Ce qui distingue les Français dans ce pays, par rapport à la justice, c'est qu'ils obtiennent justice quand ils sont morts, tandis que les Anglais obtiennent justice deux ans après que notre loi soit adoptée. Justice pour les vivants s'ils sont anglais, justice pour les morts s'ils sont français. Nous pleurons sur les morts. Mme la députée de Prévost se lève et dit qu'il va y avoir des fêtes ce soir au Manitoba; je dis, oui, mais peut-être dans les cimetières. Le jugement de la Cour suprême permettra aux morts d'avoir des écoles françaises, permettra aux morts d'obtenir des documents en français, permettra aux morts de parler français au Parlement.

Je voudrais vous lire ce qui s'est passé au Manitoba. Pendant six ans, les gens que j'ai nommés se sont battus comme de vrais Canadiens français, pour leurs.droits, ils se sont battus, en deux instances judiciaires locales, deux fois au Conseil privé de Londres, deux fois à la Cour suprême du Canada. Ils ont obtenu du gouvernement fédéral, quelques mois avant une élection, une loi réparatrice. Malheureusement, la fameuse élection a tout empêché, ils n'ont jamais rien eu, ils ont dû se rabattre sur les arrangements Laurier-Greenway qui ne donnaient rien du tout à personne, avec le résultat que dès 1896, plutôt que de se soumettre à l'oppression, écrit Lionel Groulx, 51 écoles avaient fermé leurs portes, six ans après l'abolition du français au Manitoba. Toute une génération de 1000 à 2000 enfants grandissaient dans l'ignorance du français dans ces écoles.

Par conséquent, je dis qu'il y a deux justices en ce pays. Je voudrais citer le vieux principe, "don't blame the judge for the law", n'imputez pas au juge les faiblesses ou les imperfections d'une loi. C'est bien sûr, mais nous pouvons quand même comparer des situations politiques de cette époque avec celles qui se passent maintenant. (2 heures)

II y a une loi qui s'appelle The Manitoba Act, de 1870, un acte voté par le gouvernement impérial de Londres et qui est la constitution officielle du Manitoba, qui a autant de valeur que le fameux article 133 cité abondamment par nos amis d'en face. Cette loi no 3 votée en 1870, par laquelle le Manitoba devenait une province canadienne, disait que les Français avaient droit à leurs écoles. Vingt ans après, un gouvernement abolit totalement ce droit. Les Français se battent pendant...

M. le Président, est-ce que vous pourriez demander au caucus libéral de se réunir dans la salle prévue à cette fin? Nous sommes dans un Parlement ici.

Donc, M. le Président, cette loi qui est aussi valide, aussi importante, aussi valable que l'article 133 du BNA Act a été violée par la province du Manitoba. Les Français se sont battus et se sont cassé le nez, ils se sont brisé le coeur et ils sont disparus. Il ne reste plus que 4% de bilingues au Manitoba.

Et aujoud'hui on dit: Victoire! La justice existe en ce pays. Je dis que oui, la justice existe. Pour les morts. Ils ont subi, les Français du Manitoba, sur lesquels on entend pleurer aujourd'hui les crocodiles libéraux, ils ont subi le potinage, le "ber-landage", le "poutinage", le "grenouillage". Mais jamais de résultats concrets sauf, 89 ans après, comme le disait le journaliste Philippe de Saint-Robert: "Les Anglais ont l'art de reconnaître leur propre violence quand ils en ont empoché les effets."

Il n'y a plus de Français là-bas. Le rêve fédéraliste est mort au Manitoba et les Français se sont rendu compte que la seule partie de ce pays, où ils étaient chez eux, c'était au Québec. Et les migrations vers le Manitoba ont cessé parce que les gens se sont dit: II n'y a qu'au Québec que nos droits sont respectés, chez nous. Ailleurs, ils sont violés partout. Les Maritimes, l'Ontario, le Manitoba, le Québec, c'est où? C'est chez nous.

Le chef de l'Opposition a dit plus tôt qu'il faut juger de la qualité d'une démocratie à la mesure du respect qu'elle fait à ses minorités. Utilisons cette aune pour mesurer le sort fait par la démocratie canadienne aux minorités et on comprendra peut-être pourquoi nous voulons changer ce système, nous, du Parti québécois. Et combien de moyens existe-t-il de changer le système de lois impériales, coloniales, qui nous gouvernent encore? Y a-t-il cent moyens? Y a-t-il vingt moyens? Dix? Il y en a deux, M. le Président.

Il y a les conférences fédérales-provinciales ou il y a la volonté du peuple clairement exprimée dans un référendum sur le modèle de Terre-Neuve, en 1949. Il y en a deux moyens de changer une constitution. Il y a deux moyens pour que les Québécois se donnent le régime de loi qu'ils veulent se donner. Il faut rappeler que si nous ne blâmons pas le juge, il faut se pencher sur la loi. Et ladite loi, c'est le BNA Act, British North America Act, par lequel le Québec a obtenu, en 1867, certains pouvoirs, certaines obligations.

Il s'agit donc de la loi fondamentale de ce pays où l'on voudra nous faire croire que nous sommes chez nous. Le vrai visage du BNA Act est apparu aujourd'hui, c'est un visage qui n'est pas beau à voir. C'est un visage qui interdit au gouvernement démocratiquement élu du Québec d'adopter des lois pour ce qui concerne un aspect vital de sa personnalité, c'est-à-dire le français dans les cours de justice.

Ceux qui se demandent pourquoi nous voulons changer ce système, cette loi fondamentale, vont peut-être comprendre, ce soir, la raison pour laquelle nous voulons la changer. Ceux qui se demandent pourquoi on veut une nouvelle entente le comprendront peut-être ce soir. Ceux qui se demandent pourquoi les Québécois veulent être maîtres chez eux le comprendront peut-être ce soir.

Combien de moyens y a-t-il donc? Il y en a deux.

Le premier moyen, les conférences fédérales-provinciales, a-t-il été testé, oui ou non? La réponse est oui. Regardons le déroulement des conférences fédérales-provinciales qui est le seul moyen de changer cette loi fondamentale avec laquelle on nous assène aujourd'hui une décision qui viole et brime notre pouvoir d'adopter ici des lois. Regardons les conférences fédérales-provinciales. Nous les voyons comme un carrousel, un "merry-go-round", puisque le Parlement redevient bilingue, un "merry-go-round" où les chevaux de plâtre tournent et tournent au son d'une musique d'orgue "à steam", comme on disait, et les chevaux de couleur montent et descendent. M. le Président, ils montent et descendent depuis un siècle, les chevaux, et tout ce qui change ce sont les cavaliers qui sont assis sur ces bêtes de plastique. Nous avons eu le cavalier Honoré Mercier qui, dès 1887, a proposé des changements à la Confédération. Il recommandait, par exemple, que les sénateurs soient nommés par les provinces.

Une Voix: La belle trouvaille!

M. Godin: Presque un siècle plus tard, au moment d'agir, M. Trudeau, à son tour sur le cheval, propose encore que les sénateurs soient nommés par les provinces. Il n'y a pas eu de changement. Depuis un siècle, le cheval tourne toujours, M. le Président, et il n'y a pas de changement.

Nous avons vu passer les cavaliers John Robarts, Lester B. Pearson, d'autres qui sont morts, d'autres qui sont disparus, d'autres qui ont été battus, d'autres qui reviendront peut-être et des nouveaux. Le plus jeune, en l'occurence, c'est le chef de l'Opposition, le plus jeune à monter sur ces chevaux de plâtre. Des journalistes, dans une conférence de presse du 1er novembre 1979, lui ont demandé: Qu'est-ce qui vous fait croire, M. Ryan, M. le chef de l'Opposition, que vous, vous réussirez dans les "circonférences" fédérales-provinciales à obtenir des résultats? Réponse du chef de l'Opposition: "They know very well — en parlant du Canada anglais — that the present leader of the Liberal Party of Québec is not the easiest man to deal with. They know." Je pense que vous le savez aussi, M. le Président! Il

ajoute: "He — en parlant de lui — has convictions. He has principles. He has the support of his people in his party." Quand viendra le temps, dit-il, de faire des changements, il y aura des conversations sérieuses.

M. le Président, est-ce que cela signifie que tous ceux qui sont montés sur les chevaux avant lui n'avaient pas de principes, n'avaient pas de convictions, n'étaient pas "the easiest men in the world to deal with"? Est-ce que M. Duplessis était un homme avec lequel il était facile de négocier? Il n'avait pas de convictions, M. Duplessis, pas de principes? Est-ce que M. Lesage manquait de principes et de convictions? Est-ce que M. Lesage n'était pas un homme avec lequel il était difficile de négocier? Est-ce que M. Daniel Johnson manquait de convictions et de principes? Est-ce que M. Bertrand, est-ce que M. Bourassa, est-ce que M. Lévesque manquent de convictions et de principes et que le premier qui en aurait ici serait le chef du Parti libéral? (2 h 10)

M. le Président, pour changer la loi fondamentale avec laquelle on nous matraque comme nation ce soir, il faut... Oui, Mme la députée. Oui, oui, oui. Vous, cela ne vous fait pas mal, vous avez la tête dure! Je dis que le seul moyen de changer cette loi de base avec laquelle nous sommes poignés, collés, c'est par un changement fondamental qui ne viendra pas du "merry-go-round" et qui ne viendra pas du fait qu'un chef de parti prétend tout d'un coup qu'il a plus de principes et de convictions que les autres. Le seul moyen, c'est que le Parlement se tourne vers le peuple et lui demande un mandat de changer cette loi, et c'est tout. Si le peuple est d'accord pour changer cette loi, elle sera changée. C'est le seul moyen. Par conséquent, nous devons passer... On parle des partielles, mon Dieu, Seigneur, on s'énerve sur des épiphénomènes... des accidents de l'histoire.

M. le Président, excusez-moi si je vous dérange, mais je terminerai en disant que pour changer cette loi fondamentale contre laquelle malheureusement j'ai peu entendu la critique ce soir de ce côté, il n'y a qu'un moyen, c'est de sortir de la logique politicienne et d'entrer dans la logique du droit du peuple de décider lui-même quelles institutions il veut se donner. Nous appelons cela le droit du peuple à se déterminer lui-même, et il ne peut le faire que par un référendum, et non pas en se fiant à d'autres.

Par conséquent, je terminerai là-dessus...

Le Président: M. le député de Mercier.

M. Godin: Je terminerai en m'adressant au-delà de cette Assemblée, à toutes les Québécoises et à tous les Québécois qui nous écoutent peut-être encore aujourd'hui ou demain ou plus tard, pour leur dire que le seul moyen de changer la loi dont se sert le régime colonial, dont le dernier avatar était à Ottawa, le seul moyen de changer ce régime colonial, impérial, imposé à nous par la majorité canadienne-anglaise de 1867, le seul moyen par lequel nous pouvons décider de nous-mêmes ce qui nous convient, c'est de se donner notre propre constitution par la décision populaire démocratiquement exprimée dans un référendum. C'est le seul moyen. Il ne faut pas leurrer le monde, il ne faut pas patiner, il ne faut pas tuer le temps. Il ne faut pas gagner du temps pour le système fédéral. Il faut dire aux Québécois: Vous voulez que cela change, cette loi, qui nous écrase aujourd'hui. Dites oui au référendum, parce que le seul mot qui veut dire oui, c'est oui. Merci beaucoup.

Le Président: M. le député de Mégantic-Compton.

M. Fernand Grenier

M. Grenier: Merci, M. le Président. Au cours de l'été 1977, alors que nous adoptions la loi 101, la Charte de la langue française, nous nous étions penchés, nous, de l'Union Natinale, et nous avions produit un document, à ce moment-là, qui a été fort important pour le parti, et je pense qu'il aurait davantage dû rendre service au gouvernement actuel puisqu'à ce moment-là, nous avions prévu un peu ce qui se produit aujourd'hui. Daniel Latouche, du journal Montréal-Matin disait, à ce moment-là — j'en passe un bout, celui des louanges — "quant au contenu, il constitue également un fleuron pour l'Union Nationale qui a su compléter et rectifier le tir gouvernemental, là où le projet de loi no 101 en avait le plus besoin. Au plan des détails pratiques, les amendements soumis par l'UN sont toujours très pertinents".

M. le Président, je vous rappellerai tout à l'heure certains amendements que nous avions proposés et qui sont encore aujourd'hui des carences dans ce projet de loi, des difficultés qui sont contestées dans différentes régions du Québec, et je pense bien qu'on revivra ici certains événements qui sont encore assez frais dans ma mémoire ce soir. Je tâcherai d'en rappeler certains au gouvernement qui auraient peut-être dû faire l'objet d'amendements acceptés par ce gouvernement.

Le gouvernement d'Ottawa a décidé ce matin d'appliquer l'article 133 et de rendre inconstitutionnelle cette Charte de la langue française dans quelques-uns de ses chapitres. Ce jugement nous semble sévère, semble sévère à certains. Pourtant, on s'y attendait. Il était attendu depuis l'adoption de cette loi. Il avait été contesté devant certains tribunaux — on l'a mentionné tout à l'heure — que ce n'est pas dans des moments comme ce soir où on doit servir à l'assistance ici les discours les plus enflammés. Je pense qu'il faut être calme, fournir des expressions aux gens qui permettront de faire avancer le débat et se préparer pour un débat qui sera encore plus important, je pense, dans quelques semaines, dans quelques mois, et où il faudra être davantage plus calme encore, soit au moment du référendum. Il est possible qu'au lendemain du référendum nous revivions ensemble un jugement comme aujourd'hui, un jugement que certaines personnes au-

ront de la difficulté à accepter et on l'acceptera d'autant mieux qu'on s'y sera préparé, et ce n'est pas dans le tumulte comme on l'a vu, dans des discours enflammés et pleins de passion qu'on réussira à accepter un référendum de la population. Je pense qu'il faudra y aller dans le calme.

J'ai un passé, je pense, qui m'a aidé à accepter pas mal de situations. J'ai été, à peu près toute ma vie, mêlé à des minorités. Je suis comme l'ensemble des autres. Je ne suis pas un être extraordinaire. J'ai vécu dans le Québec, dans une province minoritaire par rapport aux autres dans notre fait français. Là-dessus, je ressemble aux autres. J'ai été élevé, j'ai grandi dans un tout petit village où les Canadiens français étaient en minorité par rapport aux Ecossais dans les Cantons de l'Est. Je me suis habitué très jeune à vivre dans un milieu minoritaire. Je suis allé un peu plus tard étudier à Ottawa, alors que nous étions dans une ville où nous étions minoritaires et, par mon poste que je détenais à l'Université d'Ottawa, j'ai dû avoir des rencontres avec une personne qui n'était pas toujours facile, qui s'appelait Charlotte Whit-ton, qui ne comprenait pas tellement l'utilité des deux langues dans la ville d'Ottawa, et, ensuite, j'ai terminé — comme on se doit de le faire en obtenant un diplôme — en Louisiane, où j'ai connu la communauté acadienne pendant quelques années et vu lutter ces gens. Je suis revenu vivre dans les Cantons de l'Est, où on vit avec une minorité qui a à lutter constamment, et, un peu plus tard, j'ai épousé une personne qui vit dans une communauté minoritaire dans les Cantons de l'Est, une Ecossaise. Aujourd'hui, je souffre, dans ma famille, de l'adoption de la loi 101 avec mes deux enfants.

Je suis en mesure de vous parler de la loi 101. Je suis en mesure de comprendre ce qui nous arrive aujourd'hui. Je suis, de par ma famille, un nationaliste, et si vous en doutez, vous le demanderez au député de Vanier. Il en sait quelque chose, lors de l'adoption de la loi 63. Le député de Vanier s'en souvient, je pense.

M. Brochu: Très bien! (2 h 20)

M. Grenier: M. le Président, le premier ministre, M. Johnson, me déléguait aux assises qui se tenaient au Manitoba. J'ai eu l'occasion de discuter avec l'ancien délégué du Canada à Paris M. Pelletier qui était là, à ce moment-là, délégué avec Mgr Boudou. J'ai passé près d'une semaine à discuter avec les communautés francophones et quand j'entendais, tout à l'heure, la députée de Prévost, qui a eu l'occasion de circuler à travers notre Canada, je n'ai pas eu le plaisir de discuter avec chacune des minorités dans les différentes provinces, mais d'une façon particulière avec celle du Manitoba et encore là, dans des moments comme ceux-là, j'ai cette habitude d'y aller modérément parce que j'ai appris, depuis ma naissance, que ce n'est pas en faisant des discours enflammés et en mettant les nerfs des gens à fleur de peau qu'on règle des problèmes. Je pense que cela aide énormément des hommes à se préparer dans des milieux comme ceux-là.

La loi 101, je l'ai vécue intensément ici il y a deux ans et j'avais vécu la loi qui a avorté la loi 85 alors que nous étions le gouvernement, qui préparait le chemin à la loi 63, qu'on a dû rejeter un matin vers 5 heures en caucus parce qu'on ne l'endurait pas, on ne l'acceptait pas et cela a donné naissance à la loi 63 quelques semaines plus tard. Certains de ceux qui sont ici, qui sont revenus dans la Chambre, se rappellent de ma position face à la loi 63, des difficultés que j'ai eues de vivre dans mon parti à ce moment-là. J'ai assisté, du haut des galeries ici, à l'adoption de la loi 22 et j'ai vu son cheminement et j'ai largement participé en y faisant de nombreux amendements à la loi 101 qui a été votée ici l'an dernier.

Vous dire, M. le Président, que la décision de la Cour suprême qui nous arrive aujourd'hui ne me fait pas mal, ce serait mentir. Il y a des choses qui me font mal, j'ai des tripes comme tous les Québécois qui sont ici, les parlant français qui sont ici. Cela me fait quelque chose moi aussi, ça me touche moi aussi, mais je tâche d'être plus raisonnable que ça et je me dis que à ce moment-là, on devait l'attendre cette sentence qui nous arrive aujourd'hui. On l'avait préparée au cours de l'été 1977. Il ne faut pas être surpris que cela nous arrive aujourd'hui. On a joué un jeu, on a tenté de jouer le jeu politique, mais il faut quand même être raisonnable quand on est des législateurs. Que le peuple, que des gens ordinaires jouent ce jeu-là, ça va, mais que des législateurs se mêlent de jouer le jeu qu'on a fait sur la loi 101, c'est difficile à accepter et aujourd'hui je n'en suis certainement pas scandalisé, c'est une réponse qu'on attendait.

Encore une fois, il n'y a rien qui m'énerve et il n'y a rien qui m'inquiète.

Dans la loi 101 on avait dénoncé des faiblesses. Il y a des choses difficiles à accepter pour la population dans la loi 101. On le saura. Par exemple, la clause qui oblige d'annoncer en français partout, ça fait mal dans des milieux, ça fait mal dans plusieurs milieux. Ce n'est pas sûr que ce soit bon pour notre collectivité, ce n'est pas sûr que ce soit bon pour notre économie. Il faudra qu'on se penche sur ce problème. La clause Canada a fait mal à pas mal de gens quand on l'a votée ici et elle mériterait d'être touchée et de fond. La clause que nous avons proposée à ce moment-là, et c'est celle-là qui me fait souffrir dans ma famille, c'est la clause du secondaire, alors qu'on a proposé la clause du primaire pour les petits villages qui ne peuvent pas avoir d'écoles primaires. Elle a été refusée et pas besoin de se demander pourquoi les anglophones qui vivent dans les Cantons de l'Est, en particulier, que je connais mieux, ou dans la Gatineau, qui sont privés d'écoles primaires, sont vraiment insatisfaits de la loi 101 et ils veulent des changemets et si le ministre se promène, le ministre, le parrain de la loi veut savoir ce qui se passe dans ces communautés, il n'a qu'à s'y rendre, qu'à aller les voir et on lui donnera les raisons véritables pour lesquelles on n'accepte pas ces certaines clauses.

Il y a eu des améliorations dans la loi 22, dans la loi 101 sur la loi 22 et le test qui a été aboli pour revenir à la langue maternelle, est, à mon

sens, une amélioration. I! a également empêché aussi, c'est une amélioration qu'il faut lui donner, que la minorité anglophone s'alimente à même la communauté francophone. Il a empêché ça. Dans le temps on a appuyé cet amendement. Je pense qu'il a été appuyé par l'Opposition officielle parce qu'on nous promettait, à ce moment-là, que pour compenser cet amendement où on empêchait — et on disait que c'était la langue maternelle qui déciderait — on nous a promis qu'il y aurait une amélioration sensible dans l'enseignement de la langue seconde. Depuis ce temps-là, encore cette semaine on s'est fait répéter par le ministre de l'Education que non seulement on ne l'a pas amélioré mais on l'a diminué au niveau du secondaire et à peu près pas transformé au niveau du primaire, à part que quelques projets pilotes pour les quatrièmes années. Ce sont là des difficultés que l'on éprouve avec la loi 101 et il me semble que le gouvernement ne devrait pas être surpris que des gens soient insatisfaits et voir que dans certains milieux la popularité du gouvernement peut fléchir. Ce sont des raisons comme celles-là qui le font.

On me dit: C'est accepté, tout le monde est très satisfait et il n'y a pas beaucoup de gens qui peuvent contester les gestes posés par le gouvernement. Je pense que c'est analyser trop rapidement l'état de la situation au Québec. Je pense qu'il faut reculer de quelques années pour se rendre compte que, si la contestation a diminué à des niveaux comme ceux-là, ce n'est pas nécessairement parce que les gens sont plus satisfaits, mais il y a maintenant un lieu de contestation qui n'était pas celui qu'on a connu avant 1976. C'était la rue à ce moment-là, alors que maintenant la contestation se fait au Parlement. Les forces sont mieux réparties maintenant dans le Parlement. Il y a une véritable opposition. Dans le temps, il n'y avait probablement pas suffisamment de députés en Chambre pour satisfaire les gens qui pouvaient être insatisfaits. On sentait que l'opposition se faisait dans la rue. Mais retournons maintenant cela de l'autre côté. J'ai la forte impression que si l'Opposition de ce côté-ci ne faisait pas son travail comme elle le fait, la contestation dans la rue serait pas mal plus forte que celle qu'on a connue entre les années 1970 et 1976.

Mme la Présidente, je voudrais vous dire une chose, et je termine là. J'ai la certitude que dans le développement d'une nouvelle constitution qui devra nous arriver, on devra y mettre le poids pour que non seulement le Québec et le Manitoba, mais qu'également l'Ontario et le Nouveau-Brunswick appliquent la règle de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Je pense qu'à partir de là il y a pas mal de choses qui peuvent être ajustées autour de cet article qui pourraient rendre service à nos communautés francophones et anglophones dans nos provinces. Nos minorités pourraient trouver là satisfaction. Je pense, M. le Président, qu'une loi, peu importe la la loi que nous voterons ici en Chambre, qui voudra briser des traditions, des coutumes en voulant y aller brusquement n'arrivera jamais à être acceptée. Le gouvernement l'a appris, d'autres gouvernements l'ont appris aussi, que la nature ne fait pas de bonds, il faut y aller lentement. On joue mal avec les traditions des Québécois. On a l'esprit latin, il faut s'en rendre compte à voir les discours qui se font ici en cette Chambre. On ne changera certainement pas l'esprit, c'est peut-être heureux que ce soit ainsi. Je pense que le jour où on voudra apporter une loi qui pourrait transformer ou bien notre langue ou bien nos coutumes, il faudra y aller modérément et avec l'assentiment de l'ensemble de la population. Je vous remercie.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent. M. Claude Forget

M. Forget: Ce soir, M. le Président, le gouvernement agit sagement. Il pose un geste nécessaire à cause de ce jugement de la Cour suprême. Il pose un geste inévitable et prévisible. Cependant, tout en agissant sagement, il parle, surtout lorsqu'il parle par la bouche du ministre d'Etat au Développement culturel, le langage de la rébellion, le langage de la contestation. Certes, ce gouvernement, étant donné ce qu'il représente, a le droit le plus strict d'exprimer sa déception, d'exprimer son désaccord, d'exprimer sa volonté de changer le régime politique qui a produit ce résultat, mais l'expression qu'il a donnée à sa dissidence dépasse de loin ce qu'il est permis et normal d'envisager dans un régime politique tant que celui-ci dure. Cette rébellion qu'il exprime par la voie de son ministre et par le parrain du projet de loi, s'appuie sur un certain nombre d'éléments qui sont exploités à plaisir. En premier lieu, le gouvernement exagère grandement la portée de ce projet de loi. Il nous a amenés à croire que ce projet de loi rendait illégaux ou invalides tous les règlements des commissions scolaires et des corporations municipales. (2 h 30)

Mais cette affirmation qu'il claironne dans le discours du ministre n'est pas suivie, dans le texte de la loi, d'aucune espèce de conséquence. Il y a là une contradiction qui démontre clairement l'excès de langage du ministre. Certes, cette loi respecte la constitution actuelle du pays, mais toutes les références à cette constitution sont faites dans le mépris et le ressentiment. Bien sûr, il accepte le verdict des tribunaux, mais il vocifère en même temps contre leurs diktats — un mot sans aucun doute chargé de significations très lourdes — il déplore leur dureté comme s'ils avaient fait autrement que de dire le droit qui existe. Il s'étonne qu'ils ne modifient pas la loi plutôt que de l'interpréter, alors que c'est bien là leur rôle. Il les accuse de partialité et il condamne l'intention qu'il leur prête sans aucune justification d'insulter les Québécois.

M. le Président, tout le discours du gouvernement nous pousse à croire que la révolte est son vrai langage, et que sa sagesse actuelle, la sagesse de son acte actuel n'est pour lui qu'une occasion de regret. Il y a, d'une part, cette action

normale, raisonnable, ordinaire d'un gouvernement, et il y a, d'autre part, cette parole d'un ministre, cette parole rebelle et contestataire. Pourquoi ce divorce entre l'action et la parole du gouvernement? Ce que le gouvernement fait ce soir donne à toute son action et à sa présence même sur les banquettes d'en face l'allure de l'action propre à une opposition, plutôt que de l'action propre à un gouvernement.

Ces gens parlent comme une opposition, et ils ne se consolent pas d'avoir à assumer le fardeau de gouverner normalement. Ce dilemme, M. le Président, je pense que le Seigneur l'entendra et les en délivrera en temps et lieu, mais cette contradiction a des conséquences qui dureront au-delà de ce soir. Cette contradiction a d'abord des conséquences pour eux, et pour le ministre en particulier. Le langage de révolte qu'il tient, selon son habitude — parce que c'est un langage familier qu'il utilise chaque fois que nous l'entendons, même si ces fois se font de plus en plus rares — devrait être suivi d'une vraie révolte. Si le ministre d'Etat ressent de l'humiliation ce soir, c'est qu'après avoir employé le langage de la révolte, après avoir employé le langage de la guerre, il ne part pas en guerre. Mais cela, c'est son problème.

Il y a aussi des conséquences pour ceux qui écoutent le gouvernement, qui observent son action et qui essaient de comprendre le divorce qui existe entre les deux. Nous devenons perplexes sur les intentions véritables d'un gouvernement qui se livre à cette opération aussi contusionnante pour le spectateur. Lorsqu'il a l'air d'être sage, ce gouvernement, et que, d'un autre côté, il est si visiblement déçu de l'être, est-ce que j'impute des intentions à ce gouvernement?

Ce chapitre III de la loi 101, qui vient d'être condamné par la Cour suprême du pays, après que la Cour supérieure du Québec et la Cour d'appel eussent fait la même chose, si on le considère isolément, ce n'était pas une vraie loi par un vrai gouvernement. C'était le prolongement législatif d'un discours contestataire et c'était une provocation. On a légiféré pour voir ce que cela donnerait. On l'a fait les yeux ouverts et très consciemment. Pendant plus d'une semaine, lors des débats sur la loi 101, l'Opposition officielle a attiré ad nauseam l'attention du gouvernement sur les problèmes constitutionnels qui étaient soulevés par l'approche suivie par le gouvernement. Le gouvernement, les yeux ouverts, a décidé de faire ce défi à la constitution pour voir ce que cela donnerait et surtout pour voir ce que l'on pourrait en dire quand on saurait ce que cela donnerait. On a vu ce soir ce que l'on peut en dire. La démonstration est faite.

M. le Président, nous ne demandons même pas au gouvernement d'avoir l'élégance du bon perdant dans ce débat. Nous lui demandons le respect des règles du jeu. Ce soir, les règles du jeu sont celles de l'interprétation judiciaire d'un texte. Demain, ce sera le verdict du peuple exprimé par un référendum. La démocratie dont on se réclame pour faire ce référendum, elle n'est pas un jeu auquel on se prête juste pour voir, pas plus, d'ailleurs, que la législation n'est un jeu auquel on se livre juste pour voir ce que cela va donner.

Est-ce que demain nous entendrons cette amertume grondante de la part des membres du gouvernement, si jamais — il faut même penser l'impossible — le nombre des "non" l'emporte sur le nombre des "oui"? Autant le savoir tout de suite, M. le Président. Nous avons ici un exercice intéressant de l'attitude de ce gouvernement. Saura-t-il ajuster à ce moment-là sa parole avec son action? C'est là la conséquence de ce que nous vivons ce soir. C'est une conséquence pour l'ensemble du Québec et qui dépasse, de loin, l'enjeu du chapitre III de la loi 101. Ce divorce entre la parole et l'action dont on a été témoin ce soir, par une loi raisonnable et des paroles qui ne le sont pas, est-ce que nous le vivrons à nouveau, est-ce que nous le subirons et le ferons subir à nouveau à nos concitoyens? M. le Président, le Parti québécois a déjà réalisé la souveraineté-association. Il nous en a donné le spectacle ce soir. La souveraineté du langage outrancier et une association fragile avec le bon sens.

Le Président: M. le député de Rosemont. M. Gilbert Paquette

M. Paquette: M. le Président, nous sommes, à 2 heures 40 du matin, en train, encore une fois, de discuter de langue et de constitution. Certains de nos amis d'en face ont soulevé cette question tout à l'heure et nous ont dit: Si on pouvait donc arrêter de parler de langues et de constitution pour parler des vrais problèmes du Québec, pour parler d'économie. Je vous assure, M. le Président, que nous avons tous près hâte d'être rendus à ce jour béni où, comme tous les peuples normaux de la terre, nous pourrons nous occuper de notre propre développement au lieu de faire des batailles de survivance pour une chose tout à fait normale: parler notre langue chez nous. (2 h 40)

Ce qui arrive ce soir est extrêmement humiliant, je pense, pour tous les Québécois. Ce n'est pas une humiliation pour le gouvernement. Le gouvernement a adopté une loi qui est légitime, je pense, aux yeux de la grande majorité des Québécois, et, sur certains avis juridiques, il a adopté un chapitre qu'on juge maintenant inconstitutionnel, par rapport à cette vieille loi de 112 ans qu'on appelle la constitution canadienne et qui est encore à Londres.

C'est une discussion humiliante, parce que ce peuple québécois, par ses représentants à l'Assemblée nationale, avait décidé que la seule langue officielle du Québec serait le français. Cette loi nous réintroduit le bilinguisme dans ce qu'il y a peut-être de plus vital pour un peuple, ses institutions politiques et ses institutions judiciaires.

Cette loi aura plusieurs conséquences concrètes pour les citoyens. Je ne vais qu'en citer une. Désormais, devant les tribunaux, la Cour suprême interprétant — enfin, il faut supposer — correcte-

ment... Je ne pense pas qu'il soit de l'intention de qui que ce soit ici de blâmer la Cour suprême, c'est la constitution qui est à blâmer. La Cour suprême nous dit que les articles 11 et 12 de la charte du français forceraient les personnes morales à n'employer que le français. Au scandale! les personnes morales, les entreprises, les compagnies seraient obligées d'employer le français par la charte du français. Cette charte ferait du français la seule langue officielle des pièces de procédures de nature judiciaire ou quasi judiciaire. La Cour suprême nous dit: Ces articles 11 et 12 de la charte du français sont inconstitutionnels, sont contradictoires à l'article 133.

Ceci signifie que, dorénavant, devant un tribunal quelconque, Jean Martin, citoyen du Québec, qui a un différend avec Household Finance Corporation va se présenter devant les tribunaux et que cela va pouvoir se passer en anglais. Remarquez que ce jugement de la Cour suprême rétablit, autrement dit, entre autres, les droits de Household Finance Corporation ou ITT ou n'importe quelle espèce de compagnie, même pas canadienne, même pas anglo-québécoise. Cela n'a rien à voir avec les droits de la minorité, cela n'a rien à voir avec ce désir bien légitime qu'ont la majorité des Québécois de posséder une langue seconde, il n'y a personne qui va contester cela. On permet à des compagnies qui n'ont rien à voir avec ni le Québec, ni le reste du Canada, ni la minorité anglophone d'utiliser une autre langue que la nôtre devant nos tribunaux.

C'est ce que Félix Leclerc appelle des gros droits d'étrangers dans nos papiers de famille. C'est exactement de cela dont il s'agit. Ces gros droits, on les introduit par une vieille constitution de 112 ans qui, sur ce plan en tout cas, comme sur les autres, mais il serait trop long de le démontrer, a fait plus que son temps. Mais, il y a plus grave que cela, en réintroduisant, dans tous ces secteurs vitaux pour notre vie collective et le Parlement et les tribunaux du Québec, le bilinguisme, ce jugement aura un impact sur ce que les Québécois, par leur prise de conscience, avaient réussi à faire.

Je pense que ce qu'il y a de plus important dans nos lois linguistiques, d'abord la loi 63 et ensuite la loi 22 et la loi 101, ce n'est pas tellement les articles de ces lois, mais le changement d'attitude et de mentalité au Québec. Les entreprises en particulier commençaient à travailler en français, nos diplômés des écoles commerciales commençaient à se placer plus facilement dans les entreprises, les immigrants et les groupes minoritaires, au Québec, commençaient plus volontiers qu'avant à inscrire leurs enfants à l'école française.

Ce jugement vient changer ce climat de normalité, de normalité dans ce sens que le Québec était en train d'apprendre la langue de la majorité sans brimer aucunement les droits de quelque minorité que ce soit.

C'est pour ça que c'est humiliant, M. le Président, d'être obligés de refaire ce travail et de se réunir cette nuit, alors qu'il y a énormément de lois qui attendent devant le Parlement et dont les Québécois ont besoin. Je pense, entre autres, à cette Loi sur la santé et la sécurité au travail, cette réforme de la fiscalité municipale qu'on attend depuis 30 ans. On est obligés d'être encore ici à faire des batailles pour survivre, mais quand on fait des batailles pour survivre, on prend du retard à vivre. Pendant que nous, on fait ça, les autres développent, partout dans le monde, leur société, à leur goût.

M. le Président, cette loi, en plus, est profondément injuste, et là, on va tomber d'accord avec le chef de l'Opposition officielle, qui nous a dit tantôt que l'acte de 1867, à l'article 133, est très certainement discriminatoire, parce qu'il ne s'applique qu'au Québec. Effectivement, il est discriminatoire, mais là où il est difficile de suivre le chef de l'Opposition officielle, c'est lorsqu'il attaque cet énoncé que faisait le ministre d'Etat au Développement culturel, où il disait ceci: "Par le jugement de la Cour suprême, le pouvoir fédéral obtient ce qu'il recherchait, il réimpose au Québec, le joug, le carcan centenaire dont le Québec s'était débarrassé en affirmant, par voie législative sa propre identité linguistique et culturelle." On a voulu interpréter, du côté du chef de l'Opposition officielle, en jouant, ce que j'appelle jouer sur les mots et en passant totalement à côté de la question, comme si cette phrase voulait dire qu'il y avait des liens quelconques entre le gouvernement fédéral et la Cour suprême; mais pas du tout, ce n'est pas ce que ça veut dire, ce que ça veut dire, c'est que la Cour suprême n'a fait que son devoir, elle a interprété la constitution, et c'est la constitution qui fonde le pouvoir fédéral. C'est cette constitution qui a imposé au Québec, et aux francophones hors Québec aussi, un joug plus que centenaire.

C'est cet article discriminatoire dans la constitution canadienne, cet article 133, qui a encouragé toutes les entreprises assimilatrices dans les autres provinces: 1864, fermeture, sur ordre gouvernemental, des écoles françaises des Acadiens de la Nouvelle-Ecosse. 1871, abrogation des droits scolaires coutumiers des Acadiens catholiques du Nouveau-Brunswick et prohibition de l'enseignement du français dans cette province. 1877, bannissement du français et de la religion catholique à l'Ile-du-Prince-Edouard. Toutes les provinces y passent, ce serait peut-être un peu long, je vais en sauter quelques-unes. 1892, retrait de l'appui financier de l'Etat aux écoles séparées francophones des Territoires du Nord-Ouest, qui regroupaient, à ce moment, l'Alberta et la Saskatchewan — quand on sait qu'au Québec, la minorité anglophone a des écoles payées à mêmes les fonds publics, de la maternelle à l'université. C'est très bien et c'est même reconnu dans la loi 101. 1915, imposition de l'anglais comme seule langue de l'enseignement en Ontario. 1916, interdiction de l'enseignement du français à tous les niveaux, au Manitoba justement. (2 h 50)

Je peux vous dire que l'an dernier, j'y étais au Manitoba. On a parlé de Saint-Boniface tantôt. Saint-Boniface n'est plus une ville francophone du Manitoba, c'est un quartier de Winnipeg maintenant. Les francophones n'ont même plus de conseil municipal. Ils n'ont même plus d'outil politique pour les représenter. J'y étais et le président, qui est peut-être maintenant un des dirigeants de la société franco-manitobaine, m'expliquait que quand il était petit, dans la classe, ils étaient obligés, quand l'inspecteur arrivait, de serrer les manuels français parce qu'ils n'avaient pas le droit d'apprendre le français à l'école. 1930, prohibition de l'enseignement du français même en dehors des heures de classe en Saskatchewan. Cela a été comme cela, M. le Président, dans toutes les provinces et, aujourd'hui, on se demande pourquoi on n'applaudit pas aux efforts qu'ont faits les Franco-Manitobains qui ont été, finalement, couronnés de succès 89 ans après. On ne peut pas applaudir à une démarche qui passe à côté de la véritable question. On ne peut pas applaudir à une démarche qui arrive beaucoup trop tard pour réparer toutes ces injustices.

Pour ceux qui penseraient que c'est fini, il suffit de rappeler les huées quand O Canada était chanté en français, les gens de l'air qui ne peuvent pas piloter en français même au Québec, même dans l'espace aérien du Québec, ces écoles en langue française qu'on nous refuse un peu partout et quand on les a, les francophones sont tellement habitués à l'anglais que ce sont très souvent des anglophones qui les occupent pour apprendre le français. Au niveau de la fonction publique fédérale, le dernier rapport du Commissaire aux langues officielles, Max Yalden, disait: C'est la langue des catacombes. Ceux qui pensent que cela a véritablement changé, ce sont eux qui sont dans les nuages. Ce sont eux qui font de l'idéologie. Ce sont eux qui manquent de réalisme, qui ne sont pas collés sur les réalités. On vient bénir ce genre de dynamisme qui s'est installé.

M. le Président, il faut le dire clairement et nettement, ce n'est pas la loi 101 qui est injuste, c'est la constitution canadienne. C'est cette constitution qui a créé ces injustices au Canada. On a entendu, de la part de l'Opposition, ce que j'appellerais une attitude d'inconscience, de cachette derrière des écrans juridiques, un ensemble d'étalage de bonne conscience et de "tournage" autour du pot. On a essayé de minimiser les effets de la loi. J'ai entendu le député de Gouin et le député de Lotbinière nous parler de cela tantôt et un peu plus, ils faisaient comme d'autres que j'ai entendus privément qui disaient: Ceux qui sont le plus mal pris là-dedans, c'est bien effrayant, c'est le Manitoba parce que le Québec n'aura pas besoin de payer pour traduire des lois. Pauvre gouvernement du Manitoba qui va être obligé de traduire toutes ses lois et tous ses règlements, c'est donc triste! Qu'est-ce que cela a à voir avec ce dont on parle? Cela va coûter quelques sous. Cela ne changera strictement rien au Manitoba. Cela va changer quelque chose au Québec et dans l'ensemble canadien cette loi.

Ensuite, on nous a parlé de la langue individuelle. Le député de Mégantic-Compton a dit: C'est bien effrayant la langue seconde. On n'embarquera pas là-dedans, mais on est à peu près le seul peuple au monde qui apprend une langue seconde à partir de la quatrième année et avant, c'était la cinquième année. Partout en Europe, ils commencent au secondaire pour votre information.

On nous a parlé de démocratie. On nous a dit: Le Canada, c'est une société démocratique. C'est le chef de l'Opposition qui disait cela: Nommez-moi un seul régime où un parti pourrait défendre la sécession, l'indépendance, la souveraineté, comme vous le faites. Je lui conseille de lire l'ouvrage de Jacques Brassard, Accession du Québec à la souveraineté, et il verra que la majorité des Etats membres des Nations-Unies ont acquis leur souveraineté depuis 1945. A peu près de 80% à 85% de ces pays l'ont fait pacifiquement et je pourrais lui donner des exemples très concrets.

Il y en a un bien simple qui me vient tout de suite à l'esprit. C'est la Norvège en 1905. Ils ont eu un bout de temps un gouvernement souverainiste. Il s'est fait battre. Il est revenu et là, à un moment donné, il a décidé de déposer le souverain de Suède qui servait de... à véhiculer la mainmise du pays voisin et finalement, il a tenu un référendum. Tout cela s'est passé dans... C'était un régime tout aussi démocratique.

Je vais lui poser une autre question. Nommez-moi une démocratie au monde, autre que le Canada, "démocratie" entre guillemets, où 60% du groupe minoritaire est complètement assimilé par la langue de l'autre? Nommez-m'en une. Il y a le Canada. Il y a peut-être d'autres pays qu'il ne serait peut-être pas bon de nommer. Le chef de l'Opposition, finalement, lui qui est très réaliste, qui ne fait pas de dogmatisme, à part qu'il veut absolument que le nouveau régime politique soit fédéral — il faudrait que tout le monde s'y insère, que cela marche ou non, que cela colle ou non — il ne fait pas de dogmatisme. Il n'est pas coupé du réel. Il va prendre l'article 133. Il va l'étendre à toutes les provinces. Tout le monde va avoir accès à l'enseignement dans sa langue maternelle, francophone et anglophone, et il va mettre cela dans la constitution canadienne de façon à ce que plus jamais le Québec ne puisse devenir français. Evidemment, je ne sais pas comment la députée de Prévost va s'adapter à cela, elle qui n'a pas fait de rapport minoritaire quand, dans la commission Pépin-Robarts on dit: II faudrait abolir l'article 133 et laisser les provinces régler cette question.

M. le Président, je trouve, dans cette proposition du chef de l'Opposition d'étranges ressemblances — et je pense que la députée de Prévost va être obligée de me dire qu'elle est d'accord là-dessus — à ce qu'il nous en a dit ce soir, en tout cas, d'étranges ressemblances avec "Le temps d'agir" que le gouvernement Trudeau a déposé peu avant sa défaite aux élections fédérales... Justement, M. Trudeau nous disait qu'on allait régler les problèmes linguistiques. Il avait la même

vision que le chef de l'Opposition, qu'il y a des groupes linguistiques, qu'il faut leur parler dans leur langue. Il y a deux groupes qui sont plus importants que les autres; il y a des anglophones et les francophones. Cela vaut la peine de mettre leurs droits dans la constitution, de donner l'accès à l'école en français ou en anglais du moment que c'est la langue maternelle et donc, de soustraire cela à ces méchantes provinces qui pourraient se mettre dans la tête de défendre les droits à leur façon, compte tenu des réalités de leur société propre.

A ce moment-là, on veut traiter, somme toute, le Québec comme une province comme les autres. Le Québec va être une province comme les autres. On essaie encore là — on n'est pas dogmatique — de trouver un schème universel. Le Québec n'est pas une province comme les autres, mais on va la traiter comme les autres. M. le Président, je regrette de voir cela et j'ai hâte que le député d'Argenteuil et chef de l'Opposition officielle nous mette son document sur la table.

On va en parler, de son document. Y a-t-il quelque chose de plus irréaliste que cette proposition, alors que tout le processus, toute la constitution a fait son oeuvre? Quand on arrive à la fin et que tous les francophones, à toutes fins utiles, sont disparus dans les autres provinces, on va enlever la possibilité au Québec de se développer en français. Y a-t-il quelque chose de plus irréaliste que cela, de plus inconscient?

M. le Président, il y a une chose qui devrait attrister les Québécois et je termine là-dessus. Chaque fois que le gouvernement fédéral a envahi un champ provincial en violant la constitution, il a eu un appui universel à la Chambre des communes. On n'a pas assisté à ces divisions qu'on voit maintenant et ici, ce qu'on voit, on voit des gens se réjouir dans le genre: Je vous l'avais bien dit que c'était inconstitutionnel. Je vous l'avais bien dit qu'il fallait mettre beaucoup plus d'anglais dans cette loi-là. (3 heures)

M. le Président, ce spectacle de division entre Québécois est triste. Pendant qu'on peut avoir, j'en suis sûr, dans certains coins, au Canada anglais, ici, on n'est pas capable de s'entendre sur une chose tout à fait normale, le droit du Québec de se donner des lois linguistiques qu'il désire conformément à sa société. Cette question devrait normalement dépasser les partis. On va nous dire: Vous venez de faire un discours partisan. Je regrette, M. le Président, mais ce parti est formé de gens qui viennent de différents horizons politiques. Il n'est pas là pour se perpétuer dans le paysage; il est là pour donner au Québec français, aux Québécois, un pays. Je vous remercie.

Le Vice-Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Ce n'est pas facile, ce soir, M. le Président, d'être un anglophone dans cette Cham- bre. Il faut que j'admette que j'ai passé des moments pendant lesquels j'ai été un peu mal à l'aise. Tout de même, j'ai essayé, durant les débats, de sortir quelque chose de positif pour peut-être apprendre quelques leçons pour moi-même et pour les personnes de mon comté. Qu'est-ce qui est arrivé aujourd'hui? Quant à moi, un droit de notre société anglophone qui existe depuis 100 ans et qui est enchâssé dans la constitution et un droit qui est loin d'être le plus important de nos droits, une chose qui n'est pas du tout importante, quant à moi, a été enlevé il y a deux ans par un gouvernement qui savait parfaitement, si je comprends bien, que c'était dans la constitution et que ce qu'il faisait était anticonstitutionnel. Aujourd'hui ce droit des anglophones est retourné.

Je n'ai pas l'impression que, quant aux francophones, c'était un événementl d'une grande importance. C'est mon impression. Mais j'ai écouté le député de Bourget et je veux citer ce qu'il a dit quand il a décrit cet événement que moi je viens de décrire. Je me demande si les Québécois francophones, l'ensemble, la collectivité, ont vraiment réagi de la façon qui est décrite dans ce paragraphe par le député de Bourget. Je cite: "Désabusée, triste, humiliée encore une fois, après tant d'autres, plus que jamais découragée devant la rigidité et l'absolution du pouvoir central, moins portée que jamais aux faux espoirs d'un impossible renouvellement d'une vieille constitution oppressive, l'immense majorité des Québécois aura bien raison de considérer comme un jour sombre, un jour de deuil, un moment tragique de son histoire collective, ce jeudi 13 décembre 1979, où ils auront dû accepter cette humiliation suprême, courber la tête sous un diktat qui leur rappelle leur situation de conquis, boire jusqu'à la lie cette potion amère au goût de cendre."

M. le Président, la question que je me pose — et je me la pose d'une façon très sérieuse — est-ce que c'est vrai que, ce soir, la majorité des francophones au Québec a réagi vraiment de cette façon à l'événement qui est arrivé ce matin. J'ai écouté les descriptions qui ont été données dans ce discours et également dans le communiqué de presse du premier ministre qui s'appelle "Injure suprême". Je veux citer quelques descriptions des anglophones du Québec et des francophones du Québec que j'ai sorties de ces deux documents. Les anglophones du Québec d'aujourd'hui sont le peuple qui domine, le groupe des conquérants, les maîtres, ils ont un statut privilégié, une minorité avec des privilèges exorbitants, une minorité dominante et dangeureusement assimilatrice.

Ce sont les anglophones d'aujourd'hui. Ce sont toutes des citations des deux documents: une de M. Laurin et l'autre du premier ministre. Les francophones du Québec, aujourd'hui, sont les victimes des injustices, de la persécution, de l'assimilation, de l'humiliation, de l'aliénation, d'une soumission coloniale, locataires dans leur propre pays, une colonie à l'intérieur, désabusés, tristes, humiliés encore une fois.

C'est une description de la situation actuelle au Québec d'après le premier ministre et le ministre

Laurin. Est-ce que c'est vraiment la façon par laquelle la majorité des francophones québécois voient la situation aujourd'hui? Je ne sais pas, mais je veux vous dire franchement, M. le Président, que ce n'est pas ma façon de voir la situation. J'ai une vision un peu différente du Québec aujourd'hui. Premièrement, le Québec est français. Personnellement, parce que c'est français et parce que c'est l'Assemblée nationale du Québec, je parle français. Je ne parle pas parfaitement le français, mais c'est beaucoup mieux qu'il y a un an. Je suis persuadé que, d'ici un an, je vais parler un peu comme le Dr Goldbloorn, si je continue à faire des efforts.

Il y a ici, au Québec, une société anglophone, minoritaire bien sûr, qui existe depuis 200 ans, qui n'est pas très riche, le revenu par personne est bien en dessous de $10 000 par année. Ces gens ont été comme mes parents et mes grands-parents, les premiers à habiter la terre où ils sont aujourd'hui et, de plus en plus, ils sont prêts à jouer — d'après moi — un rôle entier dans la société québécoise. Ils sont dans une situation en pleine évolution. Vous n'avez qu'à aller à Montréal, dans les villes et villages du Québec où il existe des groupes anglophones, pour voir comment ils évoluent au moment actuel. Si vous avez eu l'occasion, hier soir, de regarder le programme à Radio-Canada, réseau anglais, sur les anglophones du Québec, vous l'avez constaté vous-même. Je suis persuadé que ces anglophones sont tous prêts à respecter la langue française et il y en a beaucoup qui sont prêts à la vivre avec une passion positive. J'en suis persuadé.

La vision des francophones et des anglophones que j'ai décrite tantôt n'est pas du tout celle que je vois quand je parle avec des francophones que je connais, mes collègues de notre formation à l'Assemblée nationale, mes amis, mon amour, les personnes qui habitent dans mon comté et que je rencontre au cours de voyages à travers le Québec. Ce sont les francophones qui, pour moi, sont contents de vivre avec les anglophones et qui n'ont aucunement la vision du Québec des anglophones et des francophones que je viens de décrire.

Je pense que ce débat a permis, pour la première fois — quant à moi c'est un avantage de ce débat — aux Québécois de voir le vrai visage du Parti québécois. Je comprends et je pense que tout le monde comprend maintenant pourquoi il n'y a pas d'Anglais de l'autre côté et pourquoi il n'y a presque aucun électeur de langue anglaise, de n'importe quel groupe ethnique, qui peut supporter cette formation politique. Je pense que c'est clair aussi que c'est inutile et impossible pour vous autres d'espérer créer une association avec un groupe que vous détestez si manifestement dans toutes vos paroles. Désabusés que vous êtes de la possibilité de faire une association avec les Anglais; ce ne sont pas des fous, ils n'accepteront jamais de faire une association avec les personnes qui leur ont manifesté ce soir de la haine, de l'amertume. C'est impossible. (3 h 10)

J'ai essayé ce soir de réfléchir un peu sur ce qui ce passe. Quant à moi, je crois que la vision que vous avez du Québec est fausse, alors que la mienne est bonne. Bien sûr, je peux me tromper. Si la mienne est bonne, il y a beaucoup de possibilités du côté de la collaboratin afin que les anglophones du Québec puissent vivre ici en plein respect, et, je le répète, avec passion, dans plusieurs cas, pour la vie francophone. Si votre vision de la situation actuelle est bonne et si vous pouvez le prouver avec les résultats d'un référendum et par une élection générale, c'est clair qu'il ne reste pas de place pour moi ou pour ies anglophones ici, au Québec. Je le répète clairement: Après tout ce que j'ai entendu ce soir, il ne restera pas de place pour les anglophones au Québec.

Je suis persuadé que ces deux événements n'arriveront pas. Je l'espère certainement et j'ai l'intention de faire tout ce que je pourrai pour qu'ils ne se réalisent pas. D'après ce que je connais des autres francophones du Québec, je suis persuadé que j'ai raison. C'est une loi qui touche un peu la langue anglaise et parce qu'il y a beaucoup d'anglophones dans mon comté, j'ai l'intention de terminer ce bref discours en anglais.

The decision of the Supreme Court today, to declare unconstitutional, chapter III of bill 101, and the corresponding sections of the Manitoba Act which went against bill 133 or its equivalent in that province, is an important moment for both the English and the French in Québec. I hope that the English-speaking people of Québec will not see it as a victory because it is an opportunity and an invitation for the English-speaking people of this province to take a fuller and more complete role in the government of Québec, a government which many of them have for a long time considered as their second government. In a true federal system, both are equal and if the federal system of Canada is going to work and if Québec is going to work as a place where English and French people can work together and live together, the English people of Quebec are certainly going to have as much respect for and involved in the government of Québec as they have in the government of Canada.

The second message that I just like to leave is that what happen in Manitoba is very important too, and the English-speaking people of Québec and the rest of this country are going to have to pay some attention to that, because if any constitutional reform in the coming months and in the coming years is going to be successful, every province in Canada is going to have to come to the grips with the future of the French-speaking people in their province.

The third message is that tonight in the speech of the minister of Cultural Développement and in the press release of the Prime minister we have seen the real face of the Parti Québécois, if anybody up to now was wondering what is was like. I strongly hope that every English-speaking person in Québec will take the time to read those two documents and if they are wondering what to do with their spare time in the next six months, they have their answer right there. Thank you.

La Vice-Présidente: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Serge Fontaine

M. Fontaine: Merci, Mme la Présidente.

Mme la Présidente, vous qui, avant d'être ici à l'Assemblée nationale, étiez professeur dans nos écoles québécoises, et comme d'autres, qui sont également ici, nos collègues, vous vous rappelez sans doute que, dans notre tendre enfance, il y avait souvent, dans nos municipalités du Québec, dans nos petites campagnes, des pièces théâtrales qui étaient montées par les citoyens de la municipalité. On appelait cela des "pièces actées". Je ne sais pas si vous vous en rappelez, mais nous assistons, ce soir, à une pièce actée du Parti québécois. Depuis deux ans, le Parti québécois a monté sa pièce actée et, ce soir, il est en train de nous en livrer le dernier acte. Il semble nous montrer, ce soir, un mélodrame, et tout cela fait partie de leur stratégie référendaire. Le scénario péquiste, Mme la Présidente, est pensé, réfléchi, prévu, voulu et désiré. Chaque orateur qui prend la parole tente de prendre un air malheureux, déconfit, déconcerté mais, dans le fond de son oeil, on voit qu'il y a un éclair de joie, parce qu'il pense que le jugement qui a été rendu par la Cour suprême, aujourd'hui, va aider la cause du Parti québécois afin d'obtenir un résultat favorable à son référendum. Dans le fond, Mme la Présidente, ceux qui entourent les orateurs ont, eux, à côté, la mine réjouie, sont presque joyeux et ils ont presque le sourire en coin. Sauf le ministre d'Etat au Développement culturel qui, lui, acte sa pièce en feignant hypocritement le désarroi en tentant d'alerter la population en lui racontant un paquet de sornettes à partir d'un texte rédigé il y a deux semaines, avant même que le jugement soit sorti.

La Vice-Présidente: S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Fontaine: Mme la Présidente, le ministre d'Etat au Développement culturel et tout le gouvernement du Québec savait, dès le dépôt de la loi 101, ce qui arriverait aujourd'hui. Le ministre l'a même confirmé ce soir, peut-être sans le vouloir, dans son discours, alors qu'il disait, à un moment donné: "II aurait été surprenant que la Cour suprême en décide autrement." Il a dit cela dans son discours, ce soir. Alors le ministre savait d'ores et déjà, lorsque la loi 101 a été adoptée, qu'il y avait de fortes possibilités que la Cour suprême rende un jugement tel que nous avons devant nous aujourd'hui.

Le ministre savait, et des avis juridiques qu'il a toujours refusé de rendre publics le lui avaient confirmé. Il savait que certaines parties de sa loi 101 ne respectaient pas l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Son but, se servir de cette cause en vue d'obtenir un appui lors du référendum.

Donc, le ministre d'Etat au Développement culturel s'amène ce soir en tentant de soulever un certain mécontentement dans la population, je dirais même, en tentant d'épouvanter la population et ce, en racontant aux citoyens qui nous écoutent, qui sont peut-être de moins en moins nombreux à l'heure actuelle, une série de faussetés comme celles que je vais vous énumérer. (3 h 20)

Une Voix: II en restait quelques-uns, mais...

M. Fontaine: Le ministre disait: Le pouvoir fédéral obtient ce qu'il désirait. Comme si c'était le gouvernement fédéral qui avait rendu la décision que nous avons ce soir. Le jugement que nous avons, c'est le jugement du plus haut tribunal du Canada, après avoir passé par toutes les étapes normales de notre système judiciaire, dont deux sont purement québécoises, des étapes québécoises pure laine.

Le jugement de la Cour suprême survient et, à ce que je sache, à moins que le ministre n'ait des preuves du contraire, le gouvernement fédéral n'intervient pas dans les décisions de la Cour suprême. Le ministre disait également un peu plus loin: Le jugement redonne à l'anglais son statut privilégié. Y a-t-il quelque chose de plus faux que ce que le ministre a dit dans son discours? Le jugement redonne à l'anglais son statut privilégié. Il ne lui redonne pas son statut privilégié, il remet tout simplement les choses dans l'état où elles doivent l'être en vertu de l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Le ministre disait aussi: Le jugement oblige les Québécois à utiliser les textes anglais. Comme si les Québécois, demain matin, vont être obligés de lire les lois québécoises en anglais. Les Québécois de langue française ne seront pas obligés de faire cela. Les textes vont être écrits comme c'est le cas actuellement, mais adoptés dans les deux langues. Le Canadien français va pouvoir les lire dans sa langue, comme l'anglophone va également pouvoir les lire dans sa langue. Il n'y a rien de changé. Le seul fait qui est changé c'est que les lois vont être adoptées dans les deux langues, alors que depuis l'adoption de la loi 101, elles n'étaient adoptées que dans leur version française.

Même le leader du gouvernement est allé jusqu'à dire que tous les règlements municipaux adoptés depuis la loi 101 sont devenus illégaux, sont devenus inconstitutionnels, sont devenus non valides. Si ce n'est pas là essayer de faire peur à la population et essayer de les induire en erreur, je me demande qu'est-ce que c'est. Le jugement est bien clair là-dessus, cela ne touche certainement pas les règlements municipaux. Le leader du gouvernement a sûrement été en mesure de prendre des avis juridiques là-dessus.

L'article 133, deuxième paragraphe, dit: Les actes du Parlement du Canada et de la Législature du Québec devront être imprimés et publiés dans ces deux langues. Les actes de la Législature du Québec, ce ne sont pas les règlements municipaux. On dit, un peu plus loin, également à la page 11 du jugement: Pour ce qui est de la question de savoir si les règlements établis sous le régime des lois de la Législature du Québec sont des actes au sens de l'article 133, il est évident que ce serait

tronquer l'obligation imposée par ce texte que de ne pas tenir compte de l'essor de la législation déléguée. Il s'agit d'un cas où le plus englobe le moins.

Mme la Présidente, si vous savez lire comme moi, et comme les péquistes également le savent, les règlements établis sous le régime des lois de la Législature du Québec, ce ne sont pas les règlements municipaux. Alors, cessons donc de faire peur à la population du Québec.

Quelle est la vraie nature du jugement de la Cour suprême? Il y a trois points importants, à mon avis, dans la décision de la Cour suprême. Le premier, c'est que les lois et les règlements du Canada, du Québec et du Manitoba doivent être imprimés, publiés et adoptés en français et en anglais. C'est le premier point.

Imprimer et publier les projets de loi du Québec... Ils étaient déjà imprimés et publiés dans les deux langues. Il n'y a rien de changé là-dedans. Tout ce qu'il y a de changé, c'est qu'ils doivent être adoptés, c'est-à-dire qu'ils doivent recevoir la sanction du lieutenant-gouverneur en conseil dans les deux langues. C'est ça que la Cour suprême nous dit aujourd'hui. Il n'y a rien de bien étonnant là-dedans.

Deuxièmement, que le Québec ne peut, unilatéralement, modifier l'article 133 de l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord. Cela tombe également sous le sens que le Québec ne peut, unilatéralement, modifier la constitution du Canada, c'est bien sûr.

Troisième point, le jugement permet que le français et l'anglais puissent être utilisés devant les tribunaux judiciaires et quasi judiciaires. C'était dans notre livre bleu lorsqu'on a étudié le projet de loi 101. On avait d'ailleurs averti le gouvernement de la possibilité de l'inconstitution-nalité de ces articles. La Cour suprême confirme aujourd'hui ce que nous avions dit alors au gouvernement.

Il n'y a pas grand-chose de nouveau non plus là-dedans. Ce n'est pas un changement draconien qui ferait en sorte que, demain matin, les Québécois ne seraient plus capables d'utiliser leur langue française au Québec. Ce n'est pas ça du tout, Mme la Présidente.

Le ministre a semblé faire croire à la population, dans son discours, ce soir, que toute la loi 101 était devenue inconstitutionnelle Mme la Présidente, il faudrait quand même essayer de revoir les grands chapitres de la loi 101, voir ce qu'il y a de changé.

Le titre premier de la loi, Le statut de la langue française, il n'y a rien de changé là-dedans. Chapitre premier, La langue officielle du Québec, article premier: "Le français est la langue officielle du Québec." La Cour suprême n'a pas déclaré ça inconstitutionnel, Mme la Présidente.

Chapitre II, Les droits linguistiques fondamentaux, il n'y a rien de changé là-dessus non plus. Au chapitre III, La langue de la législation et de la justice, il y a eu une modification dont je viens de vous faire part. La langue de l'administration, ce n'est pas inconstitutionnel. Tout est adopté conformément à nos lois et les tribunaux ne sont pas intervenus dans ce domaine.

La langue des organismes parapublics, il n'y a rien de changé là-dedans, la loi 101 est toujours valide. La langue du travail. Le ministre, dans son discours, a dit: les travailleurs ne pourront plus utiliser leur langue ou quelque chose comme ça. Il n'y a rien de changé là-dedans, la langue du travail, dans la loi 101. Il n'y a rien de changé.

M. Grenier: Ecoutez donc quelqu'un qui connaît ça, ça va vous faire du bien.

M. Fontaine: La langue du commerce et des affaires. Les articles de la loi 101 qui concernent la langue du commerce et des affaires ne sont pas déclarés inconstitutionnels. La langue de l'enseignement. Il n'y a rien de changé. L'Office de la langue française qui est créé n'est pas aboli. On crée autre chose... La Commission de toponymie, Mme la Présidente, il n'y a rien de changé là. La francisation de l'administration, la Cour suprême n'a pas touché à ça. La francisation des entreprises non plus. La Commission de surveillance et les enquêtes, elle n'a pas touché à ça.

M. Grenier: Elle n'a pas changé grand-chose.

M. Fontaine: Le Conseil de la langue française, Mme la Présidente, c'est encore constitutionnel aujourd'hui.

Qu'est-ce qu'il y a de changé? Il y a deux points de changés, Mme la Présidente: la langue devant les tribunaux judiciaires qui peut être utilisée de façon inconditionnelle, soit le français ou l'anglais, et la langue d'adoption de nos lois qui peut être le français ou l'anglais. On fait tout un plat, des gorges chaudes pour quelques petites modifications que la Cour suprême nous oblige à adopter aujourd'hui. On se sert de ça pour alerter la population, on se sert de ça pour essayer de gagner quelques votes au référendum. C'est pas mal mesquin de la part du gouvernement.

Mme la Présidente, à entendre le Parti québécois, on dirait que le Québec est devenu francophone lorsqu'il a pris le pouvoir en 1976 et avec l'adoption de la loi 101. Avant ça, on parlait tous anglais. Quand ils sont arrivés, on s'est tous mis à parler français. Et on dirait qu'avec le jugement de la Cour suprême on va se remettre à parler anglais demain matin. (3 h 30)

Mme la Présidente, ce qu'on a à faire au Québec, si on a des modifications à demander aux autres provinces et au fédéral, c'est d'essayer de trouver des accommodements au niveau constitutionnel. D'ailleurs, le ministre Laurin lui-même l'a déclaré le 26 janvier 1978, Mme la Présidente. C'est ce qu'il a dit. A ce moment-là, il a parlé avec sa tête, il n'a pas parlé suivant une tactique référendaire.

Il disait, Mme la Présidente: Si la Cour suprême déclare inconstitutionnelles certaines parties de la loi no 101, c'est une nouvelle preuve que c'est la constitution qui est mal faite. Bien oui, la

constitution est mal faite. Mais il faut la changer, la constitution. Il faut la changer. Tout le monde est d'accord là-dessus qu'il faut la changer. Il faut prendre les moyens pour la changer, des moyens légaux, des moyens de discussion. Ce n'est pas en faisant des discours et en disant que la Cour suprême pactise avec le gouvernement, que les juges de la Cour suprême ont un penchant du côté anglophone, ce n'est pas comme cela qu'on va réussir à changer la constitution.

Si on veut être sérieux, Mme la Présidente, qu'on présente donc aux Québécois un projet de changement constitutionnel et les Québécois vont se prononcer sur ce projet. A ce moment-là, on pourra avoir des modifications à la constitution canadienne qui vont permettre à tous les Québécois, à tous les Canadiens, de s'épanouir en harmonie.

Mme la Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. le ministre d'Etat au Développement culturel.

M. Camille Laurin

M. Laurin: Mme la Présidente, à 3 h 35, ma réplique sera brève parce que les interventions vigoureuses de mes collègues ont déjà complètement démoli les représentations éminemment fragiles des deux Oppositions conjuguées.

Je voudrais tout de suite dire...

M. Chevrette: La paix, la paix, la paix, Mme la députée de L'Acadie!

Mme la Vice-Présidente: M. le député, s'il vous plaît!

Une Voix: Notre-Dame-de-la-Paix.

M. Laurin: Je voudrais tout de suite dire au député de Nicolet qu'il ne s'agit pas d'un coup monté à l'avance par le gouvernement de connivence avec la Cour suprême. Peut-être a-t-il eu l'impression que mon discours de deuxième lecture était composé depuis deux ans, mais je dois lui dire que le jugement de la Cour suprême ne nous a pas plus étonnés que de voir tomber une pomme sur le sol, selon la loi de Newton.

Cela était évidemment très attendu. Je peux aussi lui dire que mon pouvoir de rédaction rapide est aussi parfait que celui de l'ancien directeur du Devoir, et que dans certaines circonstances ce qui se conçoit s'énonce clairement et vite, lorsqu'il s'agit de thèses que nous avons, bien sûr, méditées durant de longues années.

Non, mon propos serait plutôt de m'adresser à quelques-unes des objections qui nous ont été faites.

Une Voix: A l'ordre! A l'ordre!

M. Laurin: On semble minimiser de l'autre côté de la Chambre l'effet du jugement de la Cour suprême. On dit, par exemple, qu'il ne s'agit de rien de moins que de rétablir un article qui existait déjà. On dit aussi qu'avant que n'intervienne la loi 101, le Québec vivait déjà en français. Or, précisément, M. le Président, je pense que tel n'est pas le cas. Avant que ce gouvernement ne se décide à intervenir vigoureusement dans le champ linguistique, nous savons que la majorité des nouveaux immigrants allaient s'intégrer à la minorité anglophone. Nous savons que le plus grand nombre des travailleurs, au Québec, ne pouvaient pas travailler en français, ne pouvaient pas communiquer en français avec leurs supérieurs. Nous savons qu'un très grand nombre de francophones, durant de longues années, n'avaient pas la faculté de se faire servir en français dans un très grand nombre d'établissements commerciaux. Nous savons qu'un très grand nombre également de francophones ne pouvaient pas recevoir en français l'information à laquelle ils avaient droit, etc., etc. Si des progrès manifestes, notables, se sont manifestés au cours des dernières années, c'est précisément en raison de la volonté politique vigoureuse et manifeste de ce gouvernement, mais si cette volonté politique se trouve maintenant controu-vée, niée, deux ans à peine après l'adoption de cette loi par le gouvernement central, il est malheureusement facile de prédire ou d'envisager que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous nous retrouverons bientôt devant une dégradation, une détérioration nouvelle de notre situation et d'un retour aux anciennes injustices.

On veut minimiser, M. le Président, l'effet de ce jugement de la Cour suprême, mais pourtant, elle introduit un non-sens dans la politique linguistique qui est voulue par l'immense majorité des Québécois. Si, d'une part, on continue de prétendre, comme dans la loi 22 et comme dans la loi 101, que le français est la langue officielle du Québec et que, tout de suite après, on réintroduit deux langues officielles au niveau de nos institutions législatives, suprêmes, au niveau du pouvoir judiciaire, je pense qu'on introduit un non-sens en ce sens qu'on se trouve à nier implicitement ou explicitement, par ces autres articles, l'affirmation contenue, le principe premier contenu dans l'article premier de cette loi, sans parler, M. le Président, de tous les effets pratiques qu'a eus et qu'aura encore la réinstauration du bilinguisme au niveau de la rédaction, au niveau de l'interprétation des lois, d'une part, et au niveau de la pratique judiciaire, de l'autre.

J'ai dit dans mon discours de deuxième lecture à quel point des milliers et des milliers de secrétaires travaillant dans le domaine des lois ou de l'interprétation des lois ou des jugements portés sur des lois ont été obligés dans un passé très récent non seulement de travailler en anglais autant qu'en français, mais aussi de parler la langue anglaise aussi souvent, sinon plus souvent que le français. Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour prédire qu'à la suite de ce jugement que l'on vient de donner, on risque de voir reparaître très bientôt cette situation qui ne commençait qu'à se corriger. Le chef de l'Opposition a

d'ailleurs reconnu lui-même cette injustice, puisqu'il dit qu'en 1867, déjà, le Québec avait été l'objet d'une discrimination, puisqu'il était la seule province à qui on imposait une pareille situation. (3 h 40)

Mais il passe de Charybde en Scylla, évidemment, quand il prétend, dans ses futurs efforts vers un fédéralisme renouvelé, imposer à des provinces unilingues anglaises qui n'en veulent pas et qui n'en voudront pas, l'extension à toutes les provinces d'un article que déjà le Québec ne saurait accepter, parce qu'il constitue la négation de son identité, parce qu'il constitue la négation de ses aspirations fondamentales.

Le député de Saint-Laurent a dit qu'il y avait un divorce entre notre discours qu'il trouve révolutionnaire ou contestataire et notre action qu'il trouve sage et raisonnable. Il dit que nous nous comportons comme si nous étions encore dans l'Opposition. Je donne absolument raison au député de Saint-Laurent. Il a parfaitement raison sur le plan constitutionnel, sur le plan du régime. Il est évident que même si nous sommes au gouvernement, qui est un gouvernement provincial, nous sommes encore en contestation de ce régime qui nous a été imposé et qui ne nous convient pas — même si les efforts du chef de l'Opposition arrivent à le renouveler — car il essaie de faire cohabiter, d'une façon beaucoup trop étroite deux peuples, deux nations qui ont chacune leurs aspirations et leurs besoins distincts.

Nous sommes, en effet, en contestation contre ce régime. C'est lui véritablement, et non pas la Cour suprême, qui en a donné une interprétation. C'est lui véritablement qui est à l'origine de ces injustices, de ces discriminations dont nous avons souffert depuis tant d'années, et qui en sera encore la cause au cours des prochaines années, non seulement en raison de ce jugement de la Cour suprême, mais encore plus, si le chef de l'Opposition en arrivait à le renouveler, puisque désormais, une fois que toutes les minorités francophones auront été assimilées, ou presque, dans les autres provinces, il enchâssera dans une constitution l'interdiction désormais éternelle faite au Québec d'évoluer dans le sens de ses besoins, de ses aspiratons, de son identité. Le député de Saint-Laurent a donc parfaitement raison de prétendre que, sur ce point, même si nous sommes au gouvernement, nous continuons, plus que jamais, à contester ce régime, cette constitution. Ce que nous voulons, c'est non pas une modification de cette constitution, mais son remplacement par un nouveau régime qui permettra à nos deux peuples, à nos deux nations, d'être chacun maîtres chez eux, de se développer selon leur génie propre et de maintenir entre eux des liens d'amitié, de collaboration que nous avons quand même cités au cours des années.

Oui, je sais que l'Opposition s'esclaffe. J'ai en effet entendu le discours du député de Notre-Dame-de-Grâce qui nous accusait d'entretenir des sentiments de haine à l'égard de la minorité anglophone. Nous détestons tellement la minorité anglophone que nous lui avons accordé un statut privilégié au Québec en maintenant son système scolaire, de la maternelle à l'université, à même les fonds publics. Nous détestons tellement la minorité anglophone qu'elle peut garder ici toutes ses institutions sociales et culturelles, qu'elle peut continuer à se développer selon son génie propre, avec tous les instruments, les outils qu'elle possède à sa disposition au Québec même, dans les autres provinces et dans notre puissant voisin du Sud. Nous la détestons tellement que nous l'invitons à entretenir justement avec nous de nouvelles relations qui ne seront plus celles que je rappelais tout à l'heure où, à l'aide d'un pouvoir économique qui en fait une sorte de pivot de notre vie collective, où, à l'aide d'un pouvoir politique fédéral qui ne cessait d'empiéter dans les juridictions du Québec, elle pouvait continuer à en profiter.

Mais, nous l'invitons à entretenir avec nous de nouvelles relations, cette fois, d'égal à égal, où nous pourrons enfin se respecter comme deux individus devenus adultes et qui sont capables de comprendre, au nom de la raison, leurs véritables besoins. Si c'est là de la haine, M. le Président, je pense que le député de Notre-Dame-de-Grâce ne sait pas comprendre encore, malgré ses efforts, les aspirations, les besoins, les souffrances aussi d'un peuple qui, depuis des siècles, essaie de se libérer de l'étreinte d'une conquête qui, quoiqu'il en est, l'a sérieusement marqué. Je voudrais revenir ici au chef de l'Opposition qui nous a dit qu'avec l'article 133 le Québec n'a quand même pas été entravé dans son développement. Cela est faux, M. le Président, car cet article 133 aussi bien que le régime fédéral ont sérieusement entravé le développement du Québec.

Bien sûr, il a réussi, malgré tout, à se développer, en raison de la force de ses convictions, en raison du souci qu'il avait de conserver son identité, en raison de ses richesses naturelles, en raison de son esprit de travail, en raison de sa fidélité à lui-même mais, s'il n'y avait pas eu ces entraves juridiques, politiques, économiques qui lui sont venues, d'une part, du régime fédéral et, d'autre part, de son exclusion économique quasi complète au début de la vie industrielle, ce développement aurait été beaucoup plus rapide. Ce développement aurait été beaucoup plus complet et nous n'aurions pas encore actuellement à essayer de rattraper, avec autant de vigueur, le terrain que nous avons autrefois perdu.

Non, M. le Président, l'article 133 aussi bien que le régime fédéral lui-même ont constitué une sérieuse entrave au développement du Québec, au point que le carcan fédéral, dans lequel nous sommes encore obligés de vivre, ne fait qu'ajouter à cette entrave, à ces impedimenta, à ces obstacles qui se dressent encore devant un peuple de plus en plus fort, de plus en plus adulte, de plus en plus conscient de ses capacités et de plus en plus capable d'assumer son destin. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous ne nous contenterons pas d'une modification à la constitution, mais que nous demanderons l'accès à une pleine liberté qui nous permettra justement d'actualiser tout notre potentiel, de mettre à profit toutes les analyses que nous

avons faites de notre situation et d'utiliser tous les talents ainsi que toutes les ressources que nous avons pour nous développer dans le sens de nos besoins, de nos aspirations et aussi de nos possibilités.

Oui, M. le Président, le régime actuel, y compris l'article 133, a constitué une entrave à notre développement.

Je veux bien croire, avec le chef de l'Opposition, qu'une société doit être jugée selon le respect qu'elle accorde à ses minorités. A ce titre, d'ailleurs, il faudrait porter un jugement éminemment négatif sur les autres provinces du Canada qui, comme le député de Rosemont vient de le rappeler, ont fait subir toutes, l'une après l'autre, depuis 1864, un sort inique aux minorités francophones "from coast to coast", alors que le Québec, lui, a toujours été respectueux, généreux à l'endroit de ces minorités, malgré les sarcasmes que vient d'énoncer le député de Notre-Dame-de-Grâce. D'ailleurs, le chef de l'Opposition lui-même a reconnu le traitement respectueux, généreux que le Québec avait toujours porté à ses minorités, qu'il continue à porter à ses minorités, selon le jugement même d'une des commissaires de la commission Pépin-Robarts, dont un dés passages a été cité ce soir par le premier ministre. (3 h 50)

Je pense que nous n'avons pas de leçon à recevoir à cet égard du député de Notre-Dame-de-Grâce, ni d'aucun autre député de cette Chambre, surtout quand nous comparons le sort justement que nous avons fait et continuons de faire à notre minorité anglophone avec celui qu'ont connu nos minorités francophones d'ailleurs.

M. le Président, ce traitement généreux et respectueux ne fait pas que s'étendre à la minorité anglophone, mais il porte également sur toutes les autres minorités. Je sais que nos amis d'en face se promènent actuellement à Montréal pour dire que si jamais la souveraineté du Québec était proclamée, on risquerait de voir s'instaurer au Québec un climat de dictature, de fascisme, de racisme, semblable à ce qui existe dans certaines tribus africaines. Je le sais, mais, cependant je dois à la vérité de dire que jamais, dans l'histoire du Québec, un gouvernement ne s'est montré aussi attentif aux besoins des minorités ethniques du Québec. Jamais le gouvernement antérieur, jamais les gouvernements libéraux antérieurs ne se sont concrètement vraiment penchés sur les besoins de nos minorités.

Il a fallu attendre ce gouvernement tellement décrié par nos amis d'en face pour que nous institutions des bureaux de Communication-Québec où des minorités ethniques étaient enfin représentées, pour que Radio-Québec commence enfin toute une série d'émissions à l'adresse des minorités, pour qu'elles se connaissent mieux entre elles, qu'elles s'intègrent l'une à l'autre ainsi qu'à la communauté québécoise.

Il a fallu attendre ce gouvernement pour instaurer un programme d'enseignement dans les langues d'origine pour les étudiants italiens, pour les étudiants grecs, pour les étudiants portugais. Il a fallu attendre ce gouvernement pour que le ministère de l'Immigration se dote d'un conseil consultatif des ethnies. Il a fallu attendre ce gouvernement pour que des représentants des diverses minorités soient présents au Conseil de la langue française.

Il a fallu également attendre ce gouvernement pour qu'une enquête véritable, la première qui soit faite, s'accomplisse au niveau du ministère de la Fonction publique et pour que nous soyons bientôt, très bientôt, en mesure d'annoncer des mesures correctrices que le député de Notre-Dame-de-Grâce et le député de Mont-Royal demandent eux-mêmes, qu'ils n'ont jamais pu obtenir de leur gouvernement antérieurement, mais que nous, nous pourrons faire.

Au lieu de parler, de semer la haine et la propagande dans les minorités ethniques de Montréal, nous agissons sobrement et nous agirons vigoureusement pour que toutes les minorités au Québec sentent qu'elles sont des communautés québécoises à part entière et qu'elles peuvent profiter des équipements collectifs que le peuple québécois est prêt à mettre à leur disposition pour qu'elles se développent selon leur génie propre elles aussi, mais en participant véritablement aux efforts du Québec vers son progrès.

Je pense que s'il faut juger une société d'après le traitement qu'elle donne à ses minorités, le Québec, le gouvernement du Québec d'aujourd'hui, recevra une très haute cote.

Le chef de l'Opposition nous dit qu'il y a des différences profondes de perception entre le gouvernement et le Parti libéral. Il a raison, il a raison, mais il y a beaucoup plus que cela. Il y a aussi des différences d'attitudes et il y a des différences de structures. Différences d'attitudes, parce qu'alors que nous acceptons nous, ici, de ce côté, le jugement de la Cour suprême avec tristesse, parce qu'il rétablit des privilèges exorbitants, l'Opposition de son côté, l'accepte avec joie, l'accepte avec exubérance même.

Une Voix: C'est faux.

Une Voix: C'est vrai.

M. Laurin: Non, ceci ressort de plusieurs des discours que nous avons entendus ce soir de l'autre côté de la Chambre.

Une Voix: Cela commence à vous faire mal.

M. Laurin: Quand, durant des années, des personnes se sont habituées à marcher de champ, de guingois, en rasant les murs pour se fondre avec eux, elles finissent par adopter dans leur comportement cette même démarche. Lorsque des gens sont habitués depuis plusieurs années à recevoir des coups de pied là où l'on sait, ils finissent par adopter une attitude courbée dans leur démarche habituelle. C'est cela la différence profonde entre ce côté-ci et l'autre côté.

Le Président: M. le ministre, comme il ne semble pas y avoir consentement, je dois vous

demander de mettre un terme à votre intervention puisque le temps est écoulé.

M. Laurin: Nous avons pris l'habitude de marcher droit parce que depuis plusieurs années nous nous sommes redressé la colonne vertébrale et que nous regardons maintenant vers l'avenir, un avenir que toute l'histoire de notre peuple dessine devant nous et que nous nous presserons d'assumer dès que le peuple du Québec nous en aura donné le mandat, je l'espère, bientôt.

Le Président: Je demande maintenant si la motion de deuxième lecture présentée par M. le ministre d'Etat au Développement culturel, relativement au projet de loi no 82, c'est-à-dire la Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la législation et de la justice au Québec, sera maintenant adoptée?

M. Brochu: Adopté. Le Président: Adopté.

M. Charron: M. le Président, conformément à l'ordre de la Chambre, adopté en début de séance ce soir, je propose que vous quittiez maintenant le fauteuil et que, pour une période maximum de trois heures, nous procédions en commission plénière à l'étude article par article du projet de loi.

Le Président: Est-ce que cette motion serait adoptée?

M. Brochu: Adopté. Le Président: Adopté. Suspension de la séance à 3 h 58

Reprise de la séance à 4 h 2

Commission plénière

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre!

M. le député de Sainte-Marie! M. le député de Saint-Laurent! A l'ordre, s'il vous plaît!

Cette Assemblée s'est constituée en commission plénière pour étudier le projet de loi no 82, Loi concernant un jugement rendu par la Cour suprême du Canada le 13 décembre 1979 sur la langue de la législation et de la justice au Québec.

M. le député de Richmond.

M. Brochu: Mme la Présidente, juste avant d'entreprendre les travaux article par article, étant donné qu'il s'agit d'une démarche spéciale, est-ce que, pour accélérer la marche de nos travaux — je sais que ce n'est pas habituel, mais on pourrait demander un consentement, je vous de- mande une directive dans ce sens — nos conseillers techniques pourraient également assister au déroulement de nos travaux et y participer? Cela ne se fait pas habituellement, mais, avec un consentement, je pense qu'on pourrait y arriver.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Richmond, ce serait une dérogation aux règles habituelles de la commission plénière. Les personnes qu'il est convenu d'appeler les étrangers en cette Assemblée ne sont pas, habituellement, assis du côté des oppositions. A moins que je n'aie le consentement unanime de la commission plénière, je me verrai dans l'obligation de refuser cette demande, M. le député.

M. Charron: On n'aura pas de misère à avoir le consentement de l'Opposition, si je remarque bien.

Des Voix: Consentement!

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Sans en faire un précédent, à cause du caractère très particulier et très important de cette loi, pour qu'elle atteigne son objectif, il faut que toutes les lumières y soient, bien sûr.

La Présidente (Mme Cuerrier): II y a consentement à cette dérogation, sans créer de précédent. Les étrangers, pour cette commission, pourront s'asseoir du côté des oppositions aussi.

Article 1 du projet de loi no 82.

M. Bédard: A l'article 1, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: L'article 1, tel que rédigé, a pour effet de remplacer la Charte...

M. Lalonde: Mme la Présidente, si le ministre est pour attaquer le texte même de l'article tout de suite, j'aimerais poser une question de portée plus générale, si c'est possible, comme cela se fait, d'ailleurs, en commission parlementaire. J'aimerais simplement que le ministre nous explique très brièvement le choix de cette forme de législation — on sait qu'il n'y a pas beaucoup de précédents — et comment il s'est assuré, sans reproduire les lois entièrement, que cette façon de procéder atteindra le but visé, à savoir de corriger la situation sans ouvrir la porte à des contestations, ce que personne ne souhaite.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: D'une façon générale, la technique de référence à laquelle nous avons eu recours est une technique qui se retrouve ailleurs. Le législateur québécois peut légiférer en se référant

à des textes identifiables. Nous avons préféré y aller par référence générale, sans qu'il y ait en annexe un ensemble de lois, l'énumération de toutes lois ou de tous les règlements, parce que nous évitons, par ce moyen, le danger d'oublier des lois. Ce danger est moins existant, mais, au niveau des règlements, il est bien clair que s'il avait fallu procéder avec une annexe qui identifie tous les règlements, les dangers auraient été assez grands d'oublier certains règlements et de ce fait, d'avoir une loi qui puisse comporter des trous ou des carences de ce côté.

Pour ce qui est de la technique de référence, en termes de législation, c'est une pratique qui a déjà été adoptée par d'autres Législatures. Cette pratique a pour effet de référer à des textes législatifs adoptés par un autre Parlement. On peut peut-être donner quelques exemples. Dans un arrêt du Procureur général de l'Ontario versus Scott, une loi ontarienne renvoyait à une loi anglaise en matière de pension alimentaire. Mais on peut aussi se référer à des textes qui ne sont pas de nature législative, comme cela va être le cas dans la présente loi, pour une juridiction, les textes des autres juridictions n'ont, en fait, pas plus de valeur qu'un autre texte imprimé. Un exemple de ce genre de référence se trouve à l'article 10, paragraphe 2, de la Loi sur les aliments et drogues qui renvoie nommément à différentes pharmacopées pour déterminer à quel produit la disposition législative s'applique. On n'a même pas à identifier les textes nommément. Il suffit que les dispositions puissent être retracées pour l'usager, sans qu'il y ait risque de confusion. Bien plus, on peut également renvoyer à un texte, tel qu'il se lira dans l'avenir. C'est le cas de l'article 554, paragraphe 1, du Code criminel, qui renvoie aux lois alors en vigueur dans une province. De même, on a accepté dans l'arrêt Caughlin qu'une loi fédérale renvoie indirectement aux droits de chaque province — je prends l'expression — "en vigueur de temps à autre". Cela peut aller aussi loin que cela. Je pense que pour ce qui est de la technique de référence générale, c'est une technique avec laquelle nous n'innovons pas, c'est une technique qui a été reconnue.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: La conclusion du ministre est donc — on aimerait l'entendre — que le jurisconsulte du gouvernement, appuyé par les experts de son ministère, conclut que cette façon de procéder nous donne l'assurance la plus complète du succès ou du résultat qui est recherché. (4 h 10)

M. Bédard: C'est notre conviction, Mme la Présidente.

M. Lalonde: Merci.

La Présidente (Mme Cuerrier): D'autres interventions?

M. Ryan: Mme la Présidente, juste une question si vous me le permettez.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Ryan: Est-ce qu'on peut vous demander si, en plus de l'avis des juristes à temps complet du gouvernement, vous avez sollicité des opinions professionnelles à l'extérieur du milieu gouvernemental?

M. Bédard: Pas nommément, peut-être des personnes ayant été consultées au cours de la journée, mais il est évident que tous les juristes du ministère de la Justice se sont grandement référés à tous les auteurs existants et qui peuvent être de nature à amener l'éclairage que nous proposons.

M. Ryan: M. le ministre, si vous aviez consulté des bons experts à l'extérieur, comme ils sont presque tous libéraux, ça aurait facilité notre besogne.

M. Johnson: Je pourrais vous en nommer une couple qui ne le sont pas!

M. Bédard: Je pourrais vous nommer plusieurs experts qui ne sont pas libéraux. Enfin, je n'ai jamais fait l'échantillonnage des convictions politiques de ceux qui m'entourent comme conseillers.

La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que cette commission est maintenant d'avis que nous passions à l'article 1 de ce projet de loi?

M. Lalonde: Nous sommes prêts, oui. M. Bédard: D'accord.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 1 ? Adopté?

M. Lalonde: Non, j'aimerais que le ministre explique un peu l'article 1.

La Présidente (Mme Cuerrier): D'accord, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Bédard: L'article 1 a pour effet de remplacer la Charte de la langue française et les lois adoptées depuis sa sanction par le texte français et la version anglaise de ces mêmes lois, en donnant un caractère officiel à la version anglaise. Le texte auquel on se réfère est celui publié dans la Gazette officielle ou, dans le cas des lois qui ne sont pas encore publiées, le texte des projets de loi tels qu'ils ont été adoptés et déposés comme documents sessionnels sur le bureau du secrétaire de l'Assemblée nationale. Dans ce dernier cas, ces textes seront aussi publiés dans la Gazette officielle; ceux qui ne l'ont pas été. Chacune de ces lois ainsi réadoptée prend effet à la même date et aux mêmes dates que la loi qu'elle remplace. Par

exemple, les dispositions d'une telle loi peuvent avoir pris effet à des dates différentes, au moyen de diverses proclamations; c'est pour ça qu'il faut le prévoir.

Le dernier alinéa de l'article 1 indique simplement que l'on n'est pas obligé de recommencer les technicités et les procédures qui ont déjà été suivies dans le cas d'une loi qui a été remplacée. Par exemple, une loi qui a été publiée dans le Recueil annuel des lois de 1977 — je donne un exemple — n'aura pas à être republiée dans le Recueil annuel des lois de 1979.

M. Lalonde: Mme la Présidente, est-ce que le ministre peut nous expliquer les termes suivants: — on parle de chacune des lois — "tels qu'ils ont été publiés — on parle des textes naturellement — à la Gazette officielle du Québec ou tels qu'ils ont été déposés sur le bureau du secrétaire de l'Assemblée nationale, le 13 décembre 1979." Est-ce que ce sont ceux que l'on vient de déposer?

M. Bédard: C'est exactement ça.

M. Lalonde: Nous sommes rendus au 14 décembre.

M. Johnson: II y a un amendement à l'article.

M. Bédard: II va y avoir un amendement à l'article qui se lirait comme suit...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Justice, je vous interromps. Est-ce que nous pourrions suggérer — comme le dépôt ne peut pas se faire en commission plénière — de procéder de la façon officielle pour faire le dépôt des documents?

M. Johnson: Si vous permettez, madame?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre du Travail.

M. Johnson: Le texte dit "tels que déposés", non pas en commission plénière, etc, mais tels que déposés très physiquement à un endroit. Alors, je pense qu'il ne s'agit pas ici d'un dépôt au sens du règlement, il s'agit d'un dépôt au sens physique, c'est sur la table qui est ici, par opposition à celle qui est à l'extérieur. Sans ça, je pense qu'on n'aurait pas besoin d'avoir...

M. Bédard: Pour qu'on puisse constater effectivement que ce débat a eu lieu. Maintenant, pour répondre à l'interrogation du député de Marguerite-Bourgeoys...

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous parlez d'un dépôt officiel qui portera un numéro au niveau des documents comme tels, les documents officiels de l'Assemblée nationale. Est-ce que je pourrais vous suggérer de faire ce dépôt et peut-être faire les écritures pour faire un rapport intérimaire de la commission plénière?

M. Bédard: Mme la Présidente, est-ce que vous auriez une suggestion?

La Présidente (Mme Cuerrier): Si vous nous suggériez de faire un rapport intérimaire de la commission plénière et que ce rapport soit adopté, nous ferions les écritures simplement.

M. Bédard: D'accord.

La Vice-Présidente: D'accord. Le rapport intérimaire est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

La Vice-Présidente: La motion de retour en commission plénière est adoptée... Les documents avant cette motion. Voulez-vous faire la motion de dépôt de documents?

M. Bédard: Je fais la motion de dépôt de documents.

La Vice-Présidente: Cette motion pour le dépôt de documents est-elle...

M. Lalonde: Mme la Présidente, cela m'amène à la question que je devais poser. On voit toute une pile de documents. Il y a une motion de dépôt de documents et on a l'idée que ce sont des textes de loi: Y en a-t-il une liste quelque part? On n'est pas appelé à en vérifier naturellement l'exactitude, mais c'est une des interrogations que j'avais. Comment allons-nous nous assurer que les textes qui ont été déposés devant nous, qui sont actuellement déposés, pour lesquels il y a une motion de dépôt, sont bien ceux qui n'ont pas été publiés dans la Gazette officielle, si je comprends bien.

M. Blank: On n'a jamais publié les lois en anglais dans la Gazette officielle. Depuis la loi 101, il n'y avait aucune publication de la version anglaise dans la Gazette officielle. Seulement en français.

M. Bédard: Elles ont été publiées en anglais dans la Gazette officielle.

M. Blank: Oui? Je n'ai jamais vu cela.

M. Bédard: Toutes les lois. Il peut y avoir un retard à un moment donné, mais toutes les lois...

M. Blank: On m'envoie seulement la version française de la Gazette officielle. La copie de la Gazette officielle...

M. Bédard: Elles ne sont pas toujours publiées en même temps, mais, effectivement elles ont toujours été publiées en anglais.

M. Johnson: Dans deux volumes différents de la Gazette officielle.

M. Blank: ... en français.

M. Johnson: C'est seulement celui des arrêtés en conseil.

M. Blank: J'ai les deux versions qui viennent au bureau.

La Vice-Présidente: M. le ministre de la Justice dépose les documents 420 et 431. Les documents sont déposés.

M. Lalonde: J'avais posé une question. Je ne veux pas interrompre le député de Nicolet-Yamaska...

La Vice-Présidente: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je voulais demander au ministre une liste des documents qu'il déposait.

M. Bédard: La liste serait la suivante. Il y a la Loi électorale, la loi 9; la loi 10, Loi sur la représentation électorale; la loi 64, Loi de subsides no 3, la loi 69, Loi modifiant la Loi sur les parcs; la loi 76, Loi modifiant la Loi sur les allocations familiales concernant les enfants handicapés; la loi 125, Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, plus la refonte anglaise de 1977.

M. Lalonde: C'est cela qui fait le volumineux... M. Bédard: Dépôt.

M. Lalonde: C'est cela. Le texte anglais des lois de 1977.

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalonde: Des lois de la refonte de 1977.

M. Bédard: De la refonte.

M. Lalonde: Comment se fait-il qu'on parle de texte français et de version anglaise à la troisième ligne de votre premier paragraphe? Est-ce que ce ne sont pas des textes tous les deux?

M. Bédard: Non. En vertu de la charte, c'étaient des textes et des versions.

M. Lalonde: La charte n'est plus là. (4 h 20)

M. Bédard: Formellement, ce sont des versions anglaises. Maintenant, avec l'article 1, nous donnons un caractère officiel à la version anglaise.

La Vice-Présidente: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Mme la Présidente, la question du député de Marguerite-Bourgeoys est si ces deux textes, français et anglais, sont deux textes qui ont la même valeur, qui sont d'égal à égal, pour employer une expression favorite du gouvernement.

M. Bédard: Les deux mis ensemble forment une nouvelle loi qui est celle que nous évoquons par l'article 1, ce qui était auparavant la version officielle française et la version anglaise. Le texte officiel français et la version anglaise deviennent une nouvelle loi qui a pour effet de donner un caractère officiel à la version anglaise, caractère officiel qui n'existait pas auparavant.

M. Fontaine: Pourquoi parle-t-on en français de "texte français" et, en anglais, de "version anglaise"? Si ce sont deux textes officiels, pourquoi ne dit-on pas "le texte français et le texte anglais"?

M. Johnson: Je peux peut-être reprendre dans des mots différents. Ce qu'on fait, c'est qu'en vertu du pouvoir souverain du Parlement qui peut faire à peu près n'importe quoi, y compris décréter que c'est rouge par terre même si c'est bleu, on prend le texte français des lois adoptées, on prend la version anglaise, on fait dans l'abstrait, à travers cet article, une fusion de ces textes et on dit: Voici les nouvelles lois. On authentifie, par le fait même, le texte anglais puisqu'on dit: Voici les nouvelles lois, par cette simple phrase. On a donc les nouveaux textes.

M. Lalonde: De là l'utilité du mot "version"... M. Johnson: Voilà!

M. Lalonde: ... pour indiquer que c'est bien la traduction du texte français.

M. Johnson: C'est cela, exactement.

M. Lalonde: D'accord.

M. Bédard: La version devient texte officiel.

La Vice-Présidente: M. le ministre...

M. Lalonde: Alors, je comprends pourquoi.

M. Bédard: Pour répondre au député de Marguerite-Bourgeoys qui s'interrogeait sur l'à-propos de garder la date du 13, parce qu'on parle de dépôt le 13 décembre et que nous sommes le 14, effectivement, nous voudrions faire un amendement. Je ne sais pas si c'est le temps de le faire.

La Vice-Présidente: Quand nous retournerons en commission plénière.

M. Bédard: Quand nous retournerons... D'accord.

La Vice-Présidente: Alors, les documents... M. Lalonde: On n'est pas encore retourné...

La Vice-Présidente: Non, non. Les documents sont déposés...

M. Lalonde: Naturellement, avant de voter — on va voter pour — on veut quand même cons-

tater qu'on ne nous demande pas de faire la vérification de ces textes ni de l'exactitude de la liste, ni même... On constate simplement qu'il y a eu un dépôt.

La Vice-Présidente: C'est cela. Alors, il y a maintenant dépôt des documents. Vous pourrez revenir quand nous serons en commission pléniè-re, M. le député.

M. Lalonde: Alors, la motion est adoptée, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Les documents sont déposés. Retour en commission plénière, selon ce que nous avions décidé.

M. Bédard: La motion est adoptée? M. Lalonde: Oui, elle est adoptée.

La Vice-Présidente: Ce n'est pas une motion...

M. Lalonde: On est même revenu.

La Vice-Présidente: ... c'est un dépôt de documents.

M. Bédard: Le dépôt est adopté.

La Vice-Présidente: Oui, c'est cela, M. le ministre.

Une Voix: II faut retourner en commission.

La Présidente (Mme Cuerrier): II y avait une intervention, je pense, à propos des documents. Nous sommes de retour en commission plénière.

M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je voulais demander au ministre de la Justice si les lois qu'il a énumérées tout à l'heure — je pense qu'il y en a six — sont les lois qui ne sont pas sanctionnées mais qui ont été adoptées en troisième lecture?

M. Bédard: Non, non, elles sont toutes sanctionnées.

M. Fontaine: Elles sont sanctionnées. M. Bédard: C'est cela.

Une Voix: Elles n'ont pas été publiées dans la Gazette officielle?

M. Bédard: Non, pas encore.

M. Lalonde: C'est pour cela qu'elles sont déposées.

M. Bédard: Elles ont toutes été sanctionnées très récemment; elles n'ont pas été publiées dans la Gazette officielle. Maintenant, Mme la Présidente, je voudrais faire un amendement à cet article...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Justice, je pense qu'il y avait une question à propos des documents de la part du député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Non...

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est à propos de... Alors, M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Suite à l'interrogation du...

M. Scowen: Excusez-moi, j'ai en effet une petite question sur les documents, les lois qui ont été abrogées ou qui sont devenues caduques. Est-ce que c'est certain que toutes les lois, mêmes celles qui ne sont pas en vigueur, sont dans la liste?

M. Bédard: ... il n'y a pas les lois abrogées ou devenues caduques.

M. Scowen: Je veux simplement vérifier qu'il n'existe pas de lois qui pourraient être affectées par cette décision, qui ne sont pas dans la liste, qui ne sont pas là.

M. Bédard: Qu'elles ne sont pas dans le dépôt qu'on...

M. Scowen: Dans la liste. M. Bédard: Non.

M. Scowen: Les lois qui sont devenues caduques ou abrogées, quelque chose...

M. Bédard: Exactement.

M. Lalonde: La loi 62, par exemple, est-elle ressuscitée?

M. Johnson: Non, non.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre du Travail...

M. Bédard: La négociation non plus.

M. Lalonde: Mais, vous la faites ressusciter.

M. Johnson: Non. Elle est caduque du fait de ses propres dispositions.

La loi 62 devenait caduque 17 jours, si je me souviens bien, après son dépôt.

M. Lalonde: Oui, mais le jugement l'a fait disparaître. Si vous voulez quand même avoir une assise juridique pour continuer les poursuites que vous avez en cour il faut la faire revivre.

M. Johnson: C'est inclus dans toutes celles qui sont appelées à être publiées. On va voir plus tard dans le texte de loi qu'il y a toutes sortes de mécanismes qui permettent de régler cela.

M. Lalonde: J'ai posé la question. Je ne sais pas s'il y a d'autres lois de cette nature. En tout

cas, je vois les sous-ministres qui se parlent. J'aurais une question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: On voit que l'article 1 commence de la façon suivante: "La Charte de la langue française et chacune des lois, etc., sont remplacées". Or, le chapitre III de la Charte de la langue française a été déclaré inconstitutionnel; donc, il devrait normalement, logiquement être enlevé de la charte. Si je m'en rapporte au discours de deuxième lecture du ministre d'Etat, à la page 16, on voit cette phrase: "Cette loi palliative ne touchera pas les articles 7 à 13 de la Charte de la langue française qui traitent de la langue de la législation et de la justice, laissant ainsi jouer, en fait, l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique." Je me demande ce que cela veut dire au juste. Est-ce intentionnellement qu'on nous demande ce soir de voter encore en faveur de ce chapitre?

M. Bédard: Non.

M. Lalonde: Je proposerais un amendement. Je ne le fais pas formellement, mais je le suggère. C'est qu'on dise: "La Charte de la langue française, sauf le chapitre III de la charte.

M. Bédard: Non. Nous n'avons pas fait mention spécifiquement dans le projet de loi de ce qui arrive à ces articles pour la bonne et simple raison qu'à la suite du jugement de la Cour suprême ils sont devenus inopérants. Il appartient, après cela, à la Commission de refonte des lois, lorsqu'elle procède à la refonte, de décider si elle les reproduit avec un astérisque indiquant aux citoyens que ces articles sont inopérants ou, encore, la Commission de refonte des lois peut décider de ne pas les reproduire. Mais cette décision appartient à la Commission de refonte des lois.

M. Lalonde: Je vois le président de la Commission de refonte des lois ou, enfin, un éminent membre assis derrière vous. Pourrait-il nous indiquer, dans le métier très spécialisé que peu comprennent — enfin, moi, je trouve que c'est assez difficile — s'il va reproduire le chapitre III, même si on ne fait pas l'amendement que je suggère?

Une Voix: En pratique, dans les cas identiques à ceux-là...

La Présidente (Mme Cuerrier): Je dois, selon les règles de cette Assemblée, vous demander de ne pas intervenir ou, s'il y avait consentement, que vous interveniez en lieu et place du ministre, comme si c'était lui qui intervenait.

Des Voix: Consentement.

M. Lalonde: Consentement. Cela va être au nom du ministre. On pourra admirer le langage du ministre.

M. Johnson: Mme la Présidente, me permettez-vous de soulever une question de règlement? Je pense que M. Jacoby, à qui on pose la question, n'est pas considéré ici nécessairement comme conseiller du ministre. On lui pose la question, en l'occurrence, en tant que président de la Commission de refonte des lois. Je pense qu'il n'est pas question d'introduire ici à l'Assemblée la présence du président de la Commission de refonte des lois. Ceci dit, le ministre peut peut-être répondre ou je pourrai répondre ou n'importe quel autre des fonctionnaires pourrait répondre.

M. Lalonde: Je suggérais Me Jacoby parce que je sais qu'il connaît probablement la réponse, mais, si le ministre la connaît, qu'il nous la donne.

M. Bédard: Je vous ai donné la réponse tout à l'heure.

M. Lalonde: Ce n'était pas concluant.

M. Bédard: Ils sont inopérants. Le jugement de la Cour suprême rend ces articles inopérants. Ensuite, il appartient à la Commission de refonte des lois de prendre la décision soit de les reproduire avec un astérisque qui indique que ces textes sont inopérants ou, encore, de ne pas les reproduire. C'est exactement la situation.

M. Fontaine: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Nicolet-Yamaska. (4 h 30)

M. Fontaine: Peut-être pourrais-je aider le ministre, en tenant compte des considérants qui sont avant l'article 1.

Considérant que le chapitre III de cette loi édicte que le français est la langue de la législation et de la justice au Québec; "Considérant que la Cour suprême du Canada dans un jugement rendu le 13 décembre 1979 dans la cause... a déclaré ce chapitre insconstitu-tionnel.

Si on s'en reporte à l'article 40 de la Loi d'interprétation, qui dit que le préambule d'une loi en fait partie et sert à en expliquer l'objet et la portée, on pourrait, à ce moment-là, dire que, effectivement, le problème est réglé en fin de compte.

M. Johnson: Cela dit que les articles sont là mais qu'ils sont inopérants à cause du jugement de la Cour suprême dans la cause de Blaikie versus le Procureur général du Québec.

M. Bédard: Est-ce qu'il y a d'autres questions là-dessus?

M. Lalonde: Le ministre nous assure que les textes français et la version anglaise tels qu'ils ont

été publiés dans la Gazette officielle du Québec et ceux qui ont été déposés comprennent toutes les lois adoptées par cette Assemblée depuis l'adoption ou l'entrée en vigueur de la loi 101.

M. Bédard: Naturellement, la charte.

M. Lalonde: Y compris celles qui seraient devenues caduques comme la loi 62, par exemple.

M. Bédard: Une seconde. Elles ont toutes été publiées dans la Gazette officielle.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Justice, vous aviez fait état d'un amendement que vous aviez l'intention de proposer.

M. Bédard: Je voudrais faire un amendement pour remplacer dans la sixième ligne de l'article 1 le chiffre 13 par 14, simplement pour concordance. Au moment où on l'a rédigé, on était au 13, maintenant nous sommes au 14.

M. Rivest: Vous ne l'aviez pas prévu.

La Présidente (Mme Cuerrier): Cet amendement est-il adopté?

M. Lalonde: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Bédard: On fera un autre amendement, si nécessaire.

M. Scowen: Je veux simplement revenir à cette question de distinction entre le mot "texte" et le mot "version". Si je saute à l'article 2, je vois que les deux mêmes expressions sont utilisées dans un contexte un peu différent. Je me demande si l'explication que vous avez donnée en ce qui concerne l'article 1 sera la même ici; sinon, est-ce que vous êtes encore satisfait que dans l'article 1 votre explication est justifiée?

M. Johnson: C'est la même chose, on applique le même...

M. Bédard: C'est le même raisonnement que tout à l'heure.

La Présidente (Mme Cuerrier): Puisque les...

M. Bédard: Vous savez, la situation qui existe à l'heure actuelle, c'est que le texte français est le texte officiel, et il y avait une version anglaise. Suite au jugement de la Cour suprême, cet article a pour effet d'exprimer que le texte français et le texte anglais sont officiels.

M. Lalonde: Deviennent un texte, au fond. M. Bédard: Deviennent un texte, une loi.

M. Lalonde: Une loi, c'est cela. Ce qui était très évident à la fin du premier alinéa de l'article 1.

M. Bédard: II me semble.

La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, l'amendement dont nous faisions état, l'amendement pour changer le chiffre 13 pour le chiffre 14, est-il adopté?

M. Lalonde: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté.

M. Fontaine: Mme la Présidente.

M. Johnson: L'article 1 est-il adopté?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je voudrais savoir du ministre ou de ses conseillers s'ils ont pris connaissance de certaines remarques ou théories d'un constitution-naliste de l'Université McGill, M. Scott, et d'un autre, M. Litvack, qui disent qu'une clause omnibus comme l'article 1 n'est pas suffisante pour couvrir toute la question.

M. Bédard: C'est leur droit d'avoir cette opinion. L'un, entre autres, annonce déjà des contestations; mais le Parlement est souverain et la technique de référence que nous employons est une technique qui a déjà été employée validement par d'autres Législatures.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 1 est-il adopté? M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Quant au premier alinéa, cela va, en ce qui me concerne. Relativement au deuxième, j'aurais seulement une question. A la deuxième ligne, on dit: "A compter de la date où la loi ou la disposition qu'elle remplace..." Etant donné l'heure tardive et le peu de temps qu'on a eu pour étudier ce projet de loi, je demanderais au ministre de nous aider un peu à comprendre cela.

M. Johnson: C'est parce qu'en fait, dans différentes lois, il y a des dispositions qui peuvent être, par exemple, proclamées. Il y a des textes de loi qui disent: La loi entre en vigueur le jour de sa sanction. Il y a des textes de loi qui disent: Les articles, la présente loi ou ses dispositions prennent effet le jour de la proclamation par le lieutenant-gouverneur en conseil. Ce qu'on veut couvrir, c'est cela effectivement.

M. Lalonde: Ou la disposition qu'elle remplace. On parle d'une disposition qui remplacerait une loi.

M. Bédard: Non, une telle loi... M. Johnson: Une telle loi...

M. Bédard: Une telle loi ou chacune de ces dispositions...

M. Johnson:... a effet à compter de la date où la loi ou la disposition dont il est question, qu'elle remplace est réputée avoir pris effet.

M. Bédard: C'est cela. M. Lalonde: Cela va.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 1 est-il adopté?

M. Lalonde: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté? L'article 2. Adopté?

M. Bédard: L'article 2, Mme la Présidente, a pour effet de permettre au gouvernement de réadopter, au moyen de règlement, tous les règlements qui ont été publiés en français et en anglais dans la Gazette officielle. Tous ces règlements ainsi réadoptés ont effet à compter de la date prévue pour les règlements qui sont ainsi remplacés. Même chose que pour les lois. Ces règlements, même s'ils sont tous réadoptés par le gouvernement, demeurent les règlements du gouvernement, ou, selon le cas, les règlements des personnes ou organismes qui étaient habilités à les adopter originairement.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: II a été suggéré, ce soir, dans un ou deux de vos discours, que ce n'était non seulement les règlements du gouvernement, mais les règlements de toutes les municipalités. Est-ce que vous avez une opinion précise sur la portée?

M. Bédard: Oui, nous avons une opinion assez précise sur ce point. Maintenant, je crois que le départ pourrait peut-être venir plus loin, soit à l'article 3.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Ryan: Je voudrais demander au ministre si les règlements auxquels il fait allusion à l'article 2 ont presque tous déjà été publiés dans une version anglaise. Aussi, il y a un gros travail de traduction à faire d'ici à ce que ceci soit complété.

M. Bédard: II y en a environ pour 1500 pages de retard; à peu près 200 règlements.

M. Ryan: Mais est-ce que c'était la politique du gouvernement de publier une version anglaise? Est-ce que c'était seulement un retard qui aurait dû être...

M. Bédard: C'est vraiment un retard parce que la politique...

M. Ryan: ... comblé de toute manière? Je vais vous dire le sens de ma question, M. le ministre. Je veux savoir une chose. On a entendu plutôt, dans la discussion, des arguments voulant que cela impose des changements radicaux. Ce n'est qu'un changement de statut pour la version anglaise qui intervient ici.

M. Bédard: Pour ce qui est des changements radicaux auxquels on a fait allusion, cela se situe sur d'autres plans, lorsqu'on parle des municipalités et des commissions scolaires. Pour répondre à votre question, ce sont vraiment des retards, parce que, tant pour les lois que pour les règlements, selon la politique du gouvernement, on devait les publier en français et en anglais.

M. Ryan: Tous les règlements qui émanaient du lieutenant-gouverneur en conseil.

M. Bédard: C'est cela.

M. Ryan: C'est un changement de statut d'une version anglaise qui, de toute manière, existait ou eut existé.

M. Bédard: Sous cet angle, cela va. (4 h 40)

M. Ryan: Très bien, c'est ce que je voulais savoir.

M. Bédard: Les véritables changements radicaux, qui sont occasionnés par le jugement de la Cour suprême, nous allons les retrouver aux articles suivants.

M. Ryan: Bien.

M. Bédard: Ce qui complique la situation pour vrai.

M. Lalonde: En ce qui concerne l'article 2, on parle de la situation des règlements qui ont déjà été publiés dans les deux langues.

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalonde: Je suis prêt à adopter l'article 2 dans ses trois alinéas.

M. Johnson: Je m'excuse, ce ne sont pas ceux qui ont déjà été adoptés dans les deux langues.

M. Lalonde: J'ai parlé de ceux qui ont été publiés dans les deux langues.

M. Johnson: Non, c'est... Oui, effectivement. M. Bédard: Oui, oui.

M. Lalonde: Ceux qui ont été publiés dans les deux langues.

M. Bédard: Ceux qui ont été publiés.

M. Johnson: II y a une différence entre les deux.

M. Lalonde: Alors que le cas différent paraît à l'article 3.

M. Bédard: Tandis qu'à l'article 3 on parle de règlements qui n'ont pas été publiés.

M. Lalonde: C'est cela, qui ne l'ont pas été dans les deux langues.

M. Bédard: Et ceux qui n'ont pas été publiés du tout, aussi.

M. Lalonde: De la façon dont c'est libellé, cela peut aussi couvrir le cas où cela aurait été publié seulement dans une langue.

M. Bédard: Oui, c'est cela. C'est exact.

M. Lalonde: Je suis prêt à adopter l'article 2, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 2 est adopté. Article 3.

M. Johnson: Mme la Présidente, si vous me le permettez...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Johnson: ... je vais immédiatement, pour situer le débat et se partager le travail, déposer un papillon pour l'article 3 afin que son premier paragraphe se lise maintenant comme suit. On peut peut-être distribuer l'amendement immédiatement.

M. Lalonde: Vous pourriez l'expliquer pendant ce temps.

M. Johnson: C'est ça. L'article 3, au premier paragraphe, se lirait comme suit: "Dans le cas d'un règlement adopté et, le cas échéant, approuvé avant ou après la sanction de la présente loi et dont le texte n'est pas publié en français et en anglais, le gouvernement, les personnes ou l'organisme habilités à adopter un tel règlement peuvent adopter un règlement pour remplacer ce premier règlement et lui donner effet depuis la date qui était prévue pour le règlement qu'il remplace si ce nouveau règlement reproduit sans modification le règlement qu'il remplace. C'est d'une clarté...

M. Lalonde: C'est limpide!

M. Bédard: Quelqu'un qui ne comprend pas ça, là...

M. Johnson: En d'autres termes, pour faire une longue histoire courte...

M. Lalonde: En fait, la seule chose que vous ne dites pas là-dedans, c'est que ce doit être publié dans les deux langues.

M. Johnson: En pratique, c'est ce que ça dit.

M. Lalonde: Justement, le but de l'exercice est de le faire dans les deux langues et vous oubliez...

M. Johnson: C'est cela, mais les juristes du ministère de la Justice, du comité de législation et d'un peu partout ont travaillé très fort depuis la publication de ce jugement ce matin, même s'ils avaient déjà des hypothèses, ce matin, ce n'était plus une hypothèse, c'était une réalité.

M. Bédard: Cela allait plus loin qu'on pensait.

M. Johnson: Justement, la décision de la Cour suprême est allée un peu plus loin que ce qui était prévu, c'est-à-dire qu'en pratique cela pourrait avoir comme effet — je pense que personne ne le met en doute, indépendamment de la question des municipalités et des commissions scolaires — à toutes fins utiles, de dire: Sont entachés d'une nullité relative, c'est-à-dire susceptibles d'être contestés, tous les règlements de l'Etat québécois antérieurs même à l'adoption de la loi 101. Les dispositions de l'article 3 tel que je viens de le lire ont comme effet essentiellement de permettre au gouvernement ou à un organisme, par exemple à la Commission du salaire minimum, qui adopte des règlements, etc., d'adopter, de la même façon qu'on va le faire au niveau du gouvernement, pour ceux qu'on a vus tout à l'heure dans l'article 2, un règlement qui, rétroactivement, va valider tous ces règlements antérieurs, à condition, cependant, qu'il ne change pas le contenu de ces règlements. De même, de permettre à ceux qui, demain ou dans les jours qui viennent, seraient appelés à adopter des règlements dans une seule des langues, à faire en sorte qu'ils défassent cette nullité relative dont ils ont entaché le règlement du fait qu'il a été adopté seulement dans une langue.

M. Lalonde: En fait, ce que je disais, c'est que vous n'exprimez pas l'obligation de les adopter dans les deux langues, mais je comprends que si vous ne le faites pas, c'est parce que cela va sans dire.

M. Johnson: C'est parce que là, c'est l'article 133...

M. Lalonde: C'est l'article 133 qui s'applique.

M. Johnson: ... qui, d'après un banc de plusieurs juges, s'applique, oui.

M. Lalonde: Un banc de 17 juges.

M. Johnson: Non, pas 17. Cela comprenait la Cour supérieure et...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Si vous me le permettez, j'aimerais qu'on revienne sur la question des règlements

municipaux. Je pense que ce serait peut-être important que le ministre nous donne son point de vue là-dessus. Il nous dit avoir demandé des avis juridiques à ce sujet dont il pourrait peut-être nous faire part.

M. Bédard: Disons qu'il y a unanimité au niveau des légistes du ministère de la Justice, soit que le jugement de la Cour suprême couvre les règlements municipaux et les règlements des commissions scolaires. Je pense que le jugement, si vous vous référez aux pages 11 et 5 concernant l'adoption, cela ne peut pas être plus clair. Le jugement, entre autres à la page 11, au dernier paragraphe, stipule ceci, et je cite: "Pour ce qui est de la question de savoir si les règlements établis sous le régime de lois de la Législature du Québec sont des actes au sens de l'article 133, il est évident que ce serait tronquer l'obligation imposée par ce texte que de ne pas tenir compte de l'essor de la législation déléguée. Il s'agit d'un cas où le plus englobe le moins."

Alors, il n'y a aucune indication dans le jugement selon laquelle on pourrait interpréter restrictivement le sens qui est très clair de cette disposition.

M. Lalonde: II est permis d'avoir des doutes sur la conclusion du ministre. Sans naturellement faire injure aux légistes ou aux juristes qui l'ont conseillé, seulement une question: L'appellation normale, le sens normal de législation déléguée, est-ce que cela comprend les règlements et les résolutions des municipalités? Je ne vous demande pas de répondre mais je n'en suis pas sûr.

M. Bédard: Sans aucun doute. Oui, c'est notre opinion. Cela comprend les règlements.

M. Scowen: D'après vous, M. le ministre...

La Vice-Présidente: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: ... l'expression "règlements établis sous le régime de lois de la Législature" englobe...

M. Bédard: Cela englobe les règlements municipaux et les règlements des commissions scolaires.

M. Scowen: Quant à vous, il n'y a aucun doute là-dessus?

M. Bédard: Aucun doute là-dessus.

M. Johnson: Dans la mesure où, en droit, il n'y a jamais aucun doute.

M. Bédard: C'est-à-dire qu'il y a une conviction.

M. Johnson: S'il n'y avait jamais vraiment de doute, il n'y aurait pas de tribunaux.

M. Lalonde: Et il n'y aurait pas d'avocat.

M. Johnson: Et il n'y aurait pas d'avocat, M. Lalonde.

M. Bédard: Et il n'y aurait pas de jugement comme cela.

La Vice-Présidente: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Bédard: Nous ne sommes pas au discours de deuxième lecture, mais il est évident que l'effet du jugement vu sous cet angle — je ne pense pas qu'il soit question d'en faire l'énumération ici — va au-delà de ce que nous attendions, même le pire, et va occasionner nécessairement des difficultés énormes et des dépenses énormes aussi pour les municipalités, les commissions scolaires et le gouvernement.

M. Johnson: Mme la Présidente, si vous permettez, pour ajouter à cela, je rappelle simplement à l'Opposition qu'à la page 5 du jugement et à la page 11... Je pense que c'est un peu là-dessus que nos juristes se sont basés, sur ce raisonnement qui, en tout les cas, jusqu'à preuve assez claire du contraire, devrait nous amener à conclure, comme vient de le dire le ministre de la Justice... A la page 5 du jugement, on dit bien que les articles 8 et 9 de la Charte de la langue française reproduits plus haut ne sont guère conciliables avec l'article 133 qui ne prévoit pas seulement mais exige qu'un statut officiel soit reconnu à l'anglais et au français dans l'impression et la publication des lois de la Législature du Québec. On a soutenu devant la cour — continue le jugement de la Cour suprême — que cette exigence ne vise pas l'adoption des lois dans les deux langues mais seulement leur impression et leur publication. Cependant, si on donne à chaque mot de l'article 133 toute sa portée, il devient évident que cette exigence est implicite — nous dit la Cour suprême. Ce qui doit être imprimé et publié dans les deux langues, ce sont les lois et un texte ne devient loi que s'il est adopté. (4 h 50)

Les textes législatifs ne peuvent être connus du public que s'ils sont imprimés et publiés lors de leur adoption qui transforme les projets de loi en lois. De plus, il serait singulier que l'article 133 prescrive que dans la rédaction des archives, procès-verbaux et journaux des Chambres de la Législature du Québec — il y en avait alors deux — l'usage de l'anglais et du français sera obligatoire et que cette exigence ne s'applique pas, également, à l'adoption des lois."

Or, si on va à la page 11, puisque le député de Marguerite-Bourgeoys a soulevé la question, on dit: "Par ailleurs, pour ce qui est de la question de savoir si les règlements établis sous le régime des Lois de la Législature du Québec sont des actes au sens de l'article 113, il est évident..." En pratique, cela veut dire quoi? Si on part de la notion qu'une municipalité est un corps constitué

à partir d'un acte de la Législature du Québec ou par sa charte — ce qui est le cas, par exemple, de la ville de Montréal et de quelques autres villes, la ville de Québec, si je ne m'abuse, et la ville de Laval... Non?

Une Voix: Montréal et Québec.

M. Johnson: Montréal et Québec. Les autres sont constituées en vertu d'une autre Loi de la Législature, qui sont la Loi des cités et villes ou le Code municipal. Ces corps publics québécois adoptent des règlements. Est-ce que ces règlements ne sont pas ceux qui sont visés par la page 11 du jugement de la Cour suprême? Si on fait l'addition de ce qui est à la page 5 et à la page 11, je pense que la prudence élémentaire doit amener le législateur à considérer que la Cour suprême affirme, en fait, que les municipalités, comme les commissions scolaires, comme toutes les commissions ou régies gouvernementales, doivent dorénavant non seulement publier ou rendre leurs décisions publiques en français et en anglais, mais adopter leurs résolutions en français et en anglais. Je pense qu'il est d'une prudence élémentaire d'y pourvoir et de partir de ce principe d'interprétation, si odieux puisse-t-il paraître a priori.

M. Lalonde: Remarquez, Mme la Présidente, que je ne mets pas en doute la bonne foi du gouvernement de vouloir boucher tous les coins. Si l'article 3 répond à ce doute, ce qui est presque une conviction de la part des ministres qui sont devant nous, j'en suis, mais si on en est au niveau de la discussion théorique, juridique, je ne suis ps d'accord avec le ministre.

M. Bédard: Le libellé du jugement établit assez clairement une prépondérance dans le sens que les règlements municipaux, les règlements des commissions scolaires pourraient être touchés. La prudence élémentaire, en tant que législateurs, c'est de faire en sorte d'avoir la disposition la plus large possible, qui puisse corriger toutes les situations possibles.

M. Fontaine: Ce que le ministre nous dit, c'est que trop fort ne casse pas.

M. Bédard: Non, ce n'est pas trop fort ne casse pas, cela va dans le sens de l'esprit du libellé du jugement de la Cour suprême où on dit que le plus englobe le moins. Donc, nous nous inspirons de la même philosophie que le jugement de la Cour suprême, en termes de législation.

M. Fontaine: Lorsque le... Une Voix: Je l'ai, le jugement.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Etant donné que nous sommes dans le domaine de l'interprétation, il me semble qu'au niveau où nous en sommes, une interprétation, dans le sens du ministre, dit que ces règlements englobent les règlements municipaux et des commissions scolaires ce qui, nous sommes d'accord, causerait un préjudice considérable. Par ailleurs, on peut également soutenir, dans une autre interprétation qui pourrait être valable, que ces règlements ne comprennent pas les règlements municipaux et de commissions scolaires.

Etant donné que nous sommes dans un domaine où l'interprétation a libre cours, est-ce que le ministre aurait l'intention de demander un avis à la Cour suprême en ce sens avant de soumettre le cas à toutes les municipalités, créer de la panique et des déboursés?

M. Bédard: Mon cher ami légiste d'en face devrait se rappeler qu'il y a seulement le gouvernement fédéral qui peut demander un avis à la Cour suprême.

M. Lalonde: On peut au moins demander un avis juridique de personnes indépendantes qui ne sont pas sous le coup de la surprise et de la déception et qui n'ont pas intérêt à faire empirer les choses.

M. Johnson: Le jugement...

M. Bédard: J'imagine que lorsque vous parlez de gens qui sont sous le coup de la surprise et de la déception, vous vous incluez également j'espère et vous incluez tous les Québécois qui, sûrement, ne sont pas heureux, à moins d'être Québécois d'une certaine façon que je ne m'explique pas...

M. Lalonde: Si vous voulez...

M. Bédard: Qu'ils ne sont sûrement pas heureux ce soir de voir certains de leurs droits...

M. Lalonde: Si vous voulez faire la discussion sur l'interprétation de Québécois, on peut la faire.

M. Bédard: ... restreints par ce jugement. Je ne veux pas...

M. Lalonde: On va vous la faire.

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre!

M. Bédard: Mme la Présidente, je n'ai pas voulu faire un débat politique...

M. Lalonde: C'est ce que vous faites depuis quinze minutes, vous charriez dans votre interprétation.

M. Bédard: Mais si vous voulez embarquer là-dessus, on va en...

Au contraire, il n'y a pas de charriage. S'il y a quelqu'un qui a charrié, j'ai l'impression que c'est plutôt de l'autre côté.

M. Lalonde: N'oubliez pas que vous êtes ministre de la Justice.

M. Bédard: Vous charriez dans les assurances, quand ce n'est pas le moment approprié.

La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît, j'ai deux demandes d'intervention maintenant, celle de l'Opposition...

M. Bédard: Quelqu'un qui est heureux de ce jugement, je ne critique pas, quelqu'un qui est heureux des effets de ce jugement, comme Québécois, j'ai du mal à comprendre.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef de l'Opposition officielle et M. le député de Jean-Talon.

M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Ryan: Mme la Présidente, nous avons pris soin, nous, de solliciter des avis juridiques aujourd'hui sur la portée exacte de ces passages du jugement qui ont été cités par le ministre du Travail tantôt. Les avis que nous avons obtenus sont en sens contraire de ceux qui nous sont donnés par le ministre ce soir.

M. Bédard: Je puis dire au chef de l'Opposition que nous aussi nous avons pris soin de prendre toutes les consultations nécessaires, de faire tous les échanges nécessaires au niveau de tous les légistes de tous les contentieux possibles, au niveau des contentieux du ministère de la Justice et je vous ai explicité tout à l'heure que l'unanimité était dans le sens de ce que j'ai exprimé tout à l'heure, concernant les effets de ce jugement de la Cour suprême en ce qui a trait aux municipalités et aux commissions scolaires.

M. Ryan: Je m'excuse, Mme la Présidente, il ne m'a pas laissé terminer mon intervention.

M. Bédard: Je m'excuse, je croyais que vous aviez terminé.

M. Lalonde: II aime bien cela interrompre.

M. Ryan: Franchement, j'ai le droit de terminer mon intervention.

M. Bédard: Oui, oui, je croyais que vous aviez terminé. Allez-y.

M. Lalonde: Non, non, vous l'avez interrompu.

M. Ryan: Vous m'avez interrompu.

M. Bédard: Cela doit vous arriver aussi.

M. Ryan: Les avis que nous avons obtenus nous indiquaient que la portée de ce jugement vise évidemment les lois qui n'ont pas été présentées et adoptées dans les deux langues. Deuxièmement, les règlements relevant directement du lieutenant-gouverneur en conseil et découlant de ces lois. Je tiens à le dire, pour que cela entre au dossier, pour que ce soit clair qu'il y avait une autre interprétation qui existait de ce jugement.

Je recommanderais au gouvernement, avant d'émettre des directives à l'intention de toutes les municipalités et corporations scolaires, de faire montre de plus de prudence qu'il n'en a manifesté quand cette loi a été adoptée.

M. Rivest: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Si je comprends bien le jugement, tel qu'il est écrit, il porte sur la partie III de la Charte de la langue française. Or, la partie III, c'est la langue de l'administration et de la justice. Or, les corporations municipales...

Une Voix: De la législation.

M. Rivest: De la législation et de la justice, chapitre III, excusez-moi.

Les corporations municipales et scolaires, dans la Charte de la langue française sont au chapitre IV, n'est-ce pas, qui s'intitule "La langue de l'administration", définie à l'article 14. En annexe, on pose l'article 14, "Le gouvernement... etc. et les organismes municipaux et scolaires." Je crois que le dispositif du jugement de la Cour suprême porte sur le chapitre III et le ministre nous dit que l'interprétation — je conçois que le ministre ait cette prudence certainement d'évoquer cette possibilité, mais de l'affirmer comme certitude... — le jugement de la Cour suprême porte sur le chapitre III, et cela aurait des conséquences directes sur la langue de l'administration définie au chapitre IV comme étant les actes des organismes municipaux et scolaires?

M. Johnson: La loi 101 dit...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. Bédard: La loi 101...

M. Rivest: Juste avant que vous répondiez, je ne l'ai pas vérifié, j'aimerais aussi qu'on regarde le jugement du juge Deschênes, quel sens on peut dégager de la notion de règlements ainsi que du jugement de la Cour d'appel.

M. Bédard: Le jugement du juge Deschênes est encore plus explicite. Je n'ai pas voulu tout à l'heure le mentionner, mais justement le jugement explicite ceci: La Cour est d'opinion que l'obligation prévue à l'article 133 doit s'entendre de la législation déléguée, aussi bien que de la législation parlementaire, et que de ce fait, les articles 9 et 10 de la charte contredisent encore l'article 133...

M. Rivest: Le chapitre III, mais le chapitre IV. (5 heures)

M. Bédard: ... c'est encore plus explicite que le jugement de la Cour suprême.

M. Rivest: Ce que je veux dire au ministre, c'est de bien regarder également et d'examiner

cette question. Je ne dis pas que j'ai absolument raison. J'évoque cette possibilité. On parle toujours des articles 9 et 10 qui sont au chapitre III. C'est le jugement de la Cour suprême et on l'a là-dessus. Or, les municipalités, c'est le chapitre 4, l'article 14 et aux annexes, c'est marqué spécifiquement: "Les organismes municipaux et scolaires, communautés urbaines, municipalités, organismes scolaires, etc." Or, il n'est question nulle part du chapitre IV dans le jugement de la Cour suprême. Comment la Cour suprême pourrait-elle s'être prononcée sur les actes des municipalités qui sont posés en termes de règlements et de résolutions? Il faudrait y regarder deux fois.

M. Bédard: On va regarder...

M. Johnson: Encore une fois, M. le Président, je pense que le ministre de la Justice a été bien explicite tout à l'heure, quand il a dit que c'est une question de prépondérance d'opinions. Dans les cas des juristes du gouvernement, c'est une question d'unanimité. C'est une question de prépondérance et aussi de prudence que doit avoir le ministre de la Justice du Québec...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Rivest: Si le ministre me permet... Le ministre dit: Prudence...

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez, j'étais en train de répondre. Je n'ai pas interrompu le député de Jean-Talon. Je n'ai pas d'objection à répondre, par la suite, à une autre question. Or, d'une part, il y a une question de prépondérance. Deuxièmement, il y a une question, à partir du moment où une interprétation — ne serait-ce que par prépondérance — est à savoir que c'est susceptible de toucher les municipalités, il y a une question de prudence élémentaire, de responsabilité de ce gouvernement et de ce Parlement de faire en sorte qu'on protège les municipalités et les commissions scolaires. Cela vient du fait, entre autres, que s'il est exact que c'est le chapitre III qui a été touché par la Cour suprême, c'est à ce chapitre III, l'article 10, qu'on y parle de l'administration et de certaines obligations qu'elle a et qu'à l'annexe de la loi, on décrit parmi l'administration, les municipalités, les communautés urbaines...

M. Rivest: Recouverts de quel article?

Le Président (M. Vaillancourt, Orford): A l'ordre s'il vous plaît!

M. Rivest: M. le Président, juste un point...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Rivest: ... juste une remarque...

M. Bédard: Les articles 9 et 10, M. le député de...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous reviendrez après, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: ... quand on parle de l'annexe, au titre, c'est marqué: Article 14, au-dessus de l'annexe. Relisez votre loi. Vous allez voir; c'est marqué: Article 14. L'annexe réfère à l'article 14 qui est au chapitre IV. La prudence dont le ministre a parlé, j'en conviens. Mais ce que le chef de l'Opposition a indiqué tantôt, c'est que les dramatisations artificielles qui ont été faites, au titre des municipalités... Ce n'est pas de la prudence, c'est de la politique.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre s'il vous plaît! M. le ministre.

Une Voix: ... son seul argument, c'est...

M. Bédard: Ceux qui demandent au gouvernement d'exercer une certaine prudence font preuve, avec des propos comme ceux du député de Jean-Talon d'une imprudence carrément inacceptable, parce que...

Une Voix: Voyons donc!

M. Rivest: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre s'il vous plaît!

M. Bédard: ... vous êtes de ceux, qui, dans un premier temps, dites qu'il peut y avoir des opinions partagées en termes d'appréciation juridique de certaines dispositions du jugement et du même trait, vous accusez le gouvernement de vouloir dramatiser certaines conséquences, parce que vous partez d'une conviction qui n'est soutenue par absolument rien. Vous partez d'une conviction à savoir que cela ne touche pas les municipalités et les commission scolaires. Je vous ai explicité tout à l'heure — je ne veux pas en faire un débat politique et j'essaie de me restreindre à la portée juridique du jugement, selon les conseillers du ministère de la Justice — la prépondérance unanime à savoir que cela touche les municipalités et les commissions scolaires, et de plus, la prudence élémentaire de légiférer dans le sens que nous proposons.

M. Rivest: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Tout ce que mes propos, pour corriger l'interprétation...

M. Bédard: II ne faudrait pas que vous fassiez le contraire.

Une Voix: C'est lui qui avait la parole.

M. Rivest: J'ai soulevé une question de règlement. Question de règlement. Tout ce que mes propos ont voulu indiquer...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, messieurs! M. le député de Jean-Talon, s'il vous plaît! Avant, j'aimerais dire ceci: Nous sommes en commission plénière et je remarque que les députés ont pris l'habitude de s'interrompre. Là, je fais appel à tous les côtés de la Chambre.

Une Voix: "It is altogether a free for all".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): C'est plus difficile qu'à l'Assemblée nationale de tenir le contrôle ou l'ordre en commission plénière, et en conséquence, je vous demanderais de demander le droit de parole, avant de l'exercer, puisque... Exactement, M. le député de Nicolet-Yamaska, j'allais dire que j'essaie de vous donner la parole depuis au moins cinq minutes. Alors, M. le député de Jean-Talon, sur une question de règlement.

M. Rivest: Ma question de règlement est très simple. A la suite de l'appréciation que le ministre de la Justice a fait de mes propos, je veux simplement dire que l'arguement que j'ai voulu apporter, c'est simplement qu'il m'apparaissait à première vue, sans avoir fait une analyse absolument fouillée de la question, en tout cas, prima facie, il m'apparaît que les municipalités et les commissions scolaires ressortent du chapitre IV de la Chartre de la langue française dont la Cour suprême ne s'est nullement préoccupée et que l'annexe dont il a été question est coiffée dans la codification que j'ai vue de la mention de l'article 14. Le jugement de la Cour suprême réfère spécifiquement aux articles 9 et 10. Donc — est que les certitudes des conseillers légistes du ministre que je respecte hautement ne répondent pas complètement aux inquiétudes sérieuses — et je pense qu'il y a une inquiétude absolument sérieuse que j'ai soulignée en la marquant bien... C'est le texte même de la Charte de la langue française qui dit que les municipalités et les commissions scolaires ressortent du chapitre IV et non du chapitre 3 qui a fait l'objet du jugement de la Cour suprême. Tout ce que je veux dire, simplement pour étayer l'argumentation du chef de l'Opposition, c'est que les arguments qui ont été fournis au cours du débat en deuxième lecture ou les quasi-certitudes qui ont été données dans les discours étaient nettement abusives sur les implications qu'avait ce jugement sur les commissions scolaires et les municipalités.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, sur ce point, je ne vois pas comment le député de Jean-Talon qui sourit au moment où je parle peut dire que c'est à partir d'une étude prima facie qu'il en arrive à exprimer certains commentaires, entre autres, le commentaire ou l'accusation de vouloir dramatiser — c'est certain — le résultat du jugement de la Cour suprême. Je pense qu'il devrait user d'une certaine prudence, après avoir fait une étude prima facie, comme il l'a mentionné tout à l'heure, avant...

M. Rivest: Répondez-y!

M. Bédard: ... de dramatiser, d'accuser qui que ce soit...

M. Rivest: Répondez donc à l'argument que je vous ai donné!

M. Bédard: ... de dramatiser. Je pense que nous assistons peut-être à une opération systématique pour minimiser les effets du jugement de la Cour suprême. Prenez garde à ce genre d'opération. Beaucoup plus politique que juridique, votre opération!

M. Rivest: Et vice versa.

Une Voix: Votre spectacle s'écroule.

M. Rivest: Répondez à l'argument. M. Johnson: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît! Dans l'ordre, et dans les deux sens du terme, le ministre du Travail, le député de Nicolet-Yamaska, le député de Maisonneuve et le député de Notre-Dame-de-Grâce, dans l'ordre!

M. Fontaine: M. le Président, il y a cinq minutes que j'essaie d'avoir la parole...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui, mais...

M. Fontaine: ... si ce n'est pas dix et là, vous donnez la parole de nouveau au ministre du Travail.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Bon! Mais si le député de Jean-Talon n'avait pas soulevé une question de règlement qui n'en était pas une, vous auriez parlé. M. le ministre du Travail et par la suite le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Ce n'est pas ma faute! Quelle sorte de justice est-ce?

M. Johnson: M. le Président, deux remarques brèves. La première, c'est sur l'annexe. La loi telle que sanctionnée n'indique aucune référence à quelque article que ce soit au niveau de l'annexe. Je pense que le député de Jean-Talon, avant d'affirmer ce qu'il a affirmé tout à l'heure, aurait

dû vérifier la loi telle que sanctionnée. Il a peut-être vu une codification administrative et, de bonne foi, il dit: On référait à l'article 14, mais la loi telle que sanctionnée à son annexe, à l'administration définit les municipalités, les communautés urbaines comme en faisant partie ainsi que les organismes scolaires. Deuxièmement, je pense, M. le Président-Une Voix: Cela va faire!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Johnson: M. le Président, si vous le permettez, est-ce qu'il serait possible de terminer et de demander au député de Jean-Talon de se calmer?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Johnson: Est-ce que je peux seulement terminer, M. le Président? M. le Président...

M. Rivest: Question de règlement, M. le Président. J'ai le droit.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Rivest: M. le Président, je cite les statuts refondus du Québec. Est-ce que les lois sont sanctionnées dans les statuts refondus du Québec?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre du Travail.

M. Johnson: M. le Président, je vous dis et je répète que la loi telle que sanctionnée par Son Honneur le lieutenant-gouverneur du Québec le 26 août 1977 prévoyait à l'annexe, sans mention d'article, que l'administration inclut les communautés urbaines, les municipalités et les organismes scolaires. C'est là la prudence dont parle le ministre de la Justice, je pense, en pensant au fait que tout à coup ce serait vrai, tout à coup l'Opposition se tromperait, comme cela arrive. (5 h 10)

Deuxièmement, je voudrais simplement mentionner que même dans l'hypothèse où il n'y aurait pas cette prépondérance, même dans l'hypothèse où les municipalités ne seraient pas touchées, en vertu de la loi, même dans l'hypothèse où les organismes scolaires ne le seraient pas non plus, tous les actes réglementaires — cela, je ne pense pas que l'Opposition le nie — du gouvernement ou de ses organismes, tels la Commission des accidents du travail, la Régie des rentes, la Commission du crédit agricole, l'ensemble, la pléthore d'organismes qu'on a, on pourrait, à partir du jugement de la Cour suprême, affirmer que sans la présence de la législation que nous allons adopter — on l'espère cette nuit ou ce matin — ces organismes, depuis 1867, auraient opéré dans l'illégalité parce qu'ils n'ont pas adopté les règlements en anglais en même temps qu'ils le faisaient en français.

Je pense que l'Opposition va admettre d'abord que cela n'a pas de sens.

Est-ce que l'article est adopté, M. le Président?

M. Fontaine: M. le Président, on est parti d'une certitude presque immuable de la part du ministre de la Justice et du ministre du Travail et là, on arrive à une probabilité, on dit: si c'était ça. J'ai entendu le ministre des Affaires municipales dire: Et si ça touchait les municipalités. D'accord. C'est possible. On agit avec prudence, d'accord. Mais de là à en faire une certitude, à dire, comme ce l'était au début et dans les discours de deuxième lecture, il y a une marge. Nous aussi, on a demandé des renseignements d'ordre juridique à des professionnels en la matière, et ces gens nous ont donné une opinion différente de celle que vous nous avez donnée.

Ils ont interprété l'article 133, deuxième paragraphe.

M. Grenier: Ce n'étaient pas des pee-wee.

M. Fontaine: Ils ont dit: Les actes du Parlement du Canada et de la Législature de Québec, ce ne sont pas les municipalités, ça. Ils ont dit aussi à la page 11, les règlements établis sous le régime des lois de la Législature du Québec, ce ne sont pas les municipalités.

M. Bédard: Allez plus loin, il a été...

M. Fontaine: D'accord?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Fontaine: Ces experts nous ont donné une opinion qui peut être aussi valable que celle de vos experts à vous autres.

M. Johnson: ... certitude en droit pour un avocat.

M. Fontaine: De là à en faire une certitude, je pense qu'il y a une marge. D'ailleurs le ministre du Travail vient justement d'admettre que d'une certitude que c'était, au départ, c'est devenu une possibilité.

M. Johnson: Non, je n'ai jamais utilisé le mot possibilité.

M. Fontaine: D'accord, si c'est une possibilité...

M. Johnson: M. le Président, c'est faux.

M. Fontaine:... on essaie de la couvrir, on est d'accord là-dessus, on est prêt à l'adopter, mais pas en disant que c'est une certitude.

M. Bédard: Là, vous êtes... non, je voudrais que ce soit...

M. Fontaine: M. le Président, est-ce qu'il y a possibilité d'avoir la parole dans cette Chambre, sans toujours se faire interrompre par les deux ministres qui sont de l'autre côté?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! On dirait que plus l'heure avance, plus l'ordre est difficile à obtenir d'ailleurs. Je pense que c'est normal. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, que les ministres nous disent que c'est une prudence élémentaire qu'il faut prendre, nous sommes d'accord là-dessus, mais ne pas en faire une affirmation catégorique, je pense qu'il y a là également une prudence.

M. Bédard: Le député de Nicolet-Yamaska peut être d'accord avec lui-même, mais je crois qu'il a sûrement mal interprété nos propos quand il semble vouloir dire que nous sommes d'accord avec ses propos. Loin de là, parce que le député de Nicolet-Yamaska, quand il cite le jugement, il ne va pas jusqu'au bout des citations. A la page 11, c'est le texte par lequel j'ai commencé, dès les premières explications, pour exprimer la certitude qu'il y a, au niveau des officiers légistes du ministère de la Justice et des Affaires municipales à savoir que ça s'applique aux municipalités et aux commissions scolaires. C'est le texte du jugement qui dit — il faut le lire au long — pour ce qui est de la question de savoir si les règlements établis sous le régime de Loi de la Législature du Québec sont des actes, au sens de l'article 133, il aurait fallu que le député de Nicolet-Yamaska continue de lire.

Le jugement dit: II est évident que ce serait tronquer l'obligation — on n'y va pas de main morte — imposée par ce texte que de ne pas tenir compte de l'essor de la législation déléguée. Or, la législation déléguée...

M. Fontaine: La législation déléguée de la Législature.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: ... c'est très clairement défini en termes juridiques, cela comprend les règlements municipaux et les règlements des commissions scolaires.

M. Fontaine: II faudrait peut-être, M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Nicolet-Yamaska. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: M. le Président, je ne veux pas porter un jugement ici. La Cour suprême en a donné un. Je ne suis pas juge...

M. Fontaine: M. le Président, est-ce que vous m'avez donné la parole?

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! Je n'ai donné la parole à personne, mais tout le monde la prend.

M. Bédard: Vous aviez terminé tout à l'heure.

M. Fontaine: Je vous ai entendu dire M. le député de Nicolet-Yamaska.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Tout le monde la prend, par exemple. A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: M. le Président, je n'avais pas terminé.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre!

M. Bédard: Je ne sais pas à qui était la parole, mais je sais que cela fait deux ou trois minutes que je parlais, avant que le député de Nicolet-Yamaska pense que c'était à lui la parole.

M. Fontaine: Vous aviez fini et le président m'a donné la parole. Vous avez continué quand même.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Je vous trouve agressif. Cela n'a pas de bon sens. Pourquoi êtes-vous si agressif que cela? On parle de textes juridiques. Il n'y a pas de quoi être agressif.

M. Fontaine: Parce que vous êtes en train de tromper la population. C'est pour cela qu'on est agressif.

M. Bédard: Le résultat, par exemple, l'effet... Mais vous, vous êtes dans une opération pour essayer de minimiser les effets de ce jugement de la Cour suprême. Je ne suis pas d'accord avec vous, c'est tout.

M. Fontaine: Vous autres, vous essayez de faire peur au monde. Vous êtes une gang de bonhommes sept heures.

M. Bédard: Vous avez une argumentation politique et je développe une argumentation juridique. Ce sont deux choses différentes.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Je pense que cela ne peut-plus continuer de la façon dont s'est parti. Je fais appel à votre collaboration. Je vous incite à relire l'article 26 de notre règlement. Ce n'est pas facile pour les députés et ce n'est pas

facile non plus pour la présidence, à cette heure, de présider ce genre de débat. Depuis le début, de tous les côtés de la Chambre, on s'interrompt de façon régulière. Je ne sais pas qui avait la parole au moment où le brouhaha a commencé. Quoi qu'il en soit, M. le député de Nicolet-Yamaska, je vous la cède, la parole.

M. Fontaine: M. le Président, il aurait peut-être fallu que les deux ministres fassent un petit caucus avant de venir à la commission parlementaire. Au début, ils ont commencé avec une certitude, après cela, il y en a un qui a dit au cas où et là, ils reviennent encore avec une certitude.

M. Johnson: Question de règlement.

M. Fontaine: Qu'ils aillent donc se consulter et après cela on aura une opinion qui sera valable.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre du Travail, sur une question de règlement.

M. Bédard: Dites donc ce que vous avez à dire et cessez d'interpréter ce qu'on a à dire. C'est clair que nous ne sommes pas d'accord. C'est tout.

M. Johnson: M. le Président, question de règlement.

M. Fontaine: C'est cela que j'ai dit, vous n'êtes pas d'accord.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: C'est clair qu'on n'est pas d'accord avec votre interprétation, mais n'essayez pas de valoriser votre interprétation en voyant des désaccords dans les propos que je peux avoir et ceux de mon collègue du Travail. Ce sont essentiellement les mêmes que j'ai tenus.

M. Fontaine: Vous êtes sorti cinq minutes. Vous en avez perdu un bout.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, sur une question de règlement.

M. Johnson: M. le Président, sur une question de règlement, puisqu'il n'y a pas de question de privilège en commission plénière. Je souligne simplement que l'affirmation que vient de faire le député de Nicolet-Yamaska — je vais lui demander de nuancer ses propos ou de les retirer — est absolument fausse. Je n'ai jamais affirmé que c'était une vague probabilité qu'une municipalité soit affectée, au contraire. L'arrêt Hodge versus the Queen, conseil privé, le plus haut tribunal qui affectait le droit canadien jusqu'en 1949, a décidé et a défini qu'un règlement municipal, c'était de la législation déléguée. Et dans le jugement de la Cour suprême, on dit que la législation déléguée est couverte par l'obligation de le faire de façon bilingue, d'où le fait que l'interprétation qu'à l'unanimité les juristes de ce gouvernement et les juristes des comités de législation du ministère des Affaires municipales et du ministère de la Justice donnent, c'est qu'effectivement cela affecte les municipalités.

A partir de cela, si c'est l'opinion contraire des gens d'en face, pour des raisons que je n'espérerais même pas soupçonner, je pense qu'ils ont le droit et ils la feront valoir dans un autre contexte. C'est cela la prudence du gouvernement. (5 h 20)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Maisonneuve. Enfin!

M. Lalande: Oui, enfin! C'est une question de précision dans le fond. Je voudrais savoir quand est-ce qu'on va couvrir le fait des avis publics, des ordonnances en exécution de jugements et tout ce qui a été publié seulement en français et qui aurait dû l'être en anglais également? Comment va-t-on remédier à cela? Je suis allé un peu en avant et je ne vois pas comment on va le faire, comment on va couvrir cela, ces ventes par shérifs, toutes ces histoires-là qui ont paru dans les journaux, dans les significations spéciales ou quoi que ce soit qui étaient seulement en français alors qu'elles auraient dû être en français et en anglais. Comment va-t-on couvrir cela?

M. Bédard: Tout simplement on n'a pas à les couvrir, ce ne sont pas des règlements, ce sont des décisions. Je pense que, normalement, vous devriez être au courant de...

M. Lalande: Je ne sais pas exactement si c'est tout à fait cela. Il pourrait y avoir des genres de jugements interlocutoires qui ont eu lieu là-dedans. C'est justement cela le problème, c'est que je suis au courant.

M. Bédard: C'est très élémentaire, n'est-ce pas? Ce ne sont pas des règlements, ce sont des décisions, ce à quoi vous référez.

Une Voix: Qui a la parole?

M. Lalande: Oui, mais quand on est en exécution de jugement...

Une Voix: Ce sont des décisions.

M. Bédard: Là, on parle des jugements et on parle des règlements.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalande: C'est seulement une précision, je voudrais savoir comment on va pouvoir couvrir cela.

M. Johnson: On n'a pas à le couvrir.

M. Bédard: On n'a pas à le couvrir. On parle de règlements et de lois. Vous parlez de décisions.

M. Lalande: Oui, on ne l'a pas couvert à l'article 1 au niveau des jugements et on ne le couvre pas au niveau des règlements. Où est-ce qu'on va le couvrir? Je ne le sais pas. Ce n'est peut-être pas aussi clair que cela. C'est peut-être un jugement interlocutoire, je veux dire en exécution, en tout cas.

M. Bédard: On n'est pas obligé de le couvrir, ce n'est pas affecté par le jugement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de...

Une Voix: ...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Non, vous ne pouvez pas à ce stade-ci. Là, c'est le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Une Voix: Je veux simplement clarifier...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal, sur une question de règlement.

M. Ciaccia: M. le Président, c'est une question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Oui.

M. Ciaccia: Une des raisons pour lesquells nous sommes ici ce soir, que nous avons le jugement, c'est parce que le gouvernement a refusé...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Dites-moi en quoi c'est une question de règlement.

M. Ciaccia: L'article 40 du chapitre VI. Entendez ma question de règlement, après cela, vous pourrez décider si cela en est une ou non. Une des raisons pour lesquelles nous sommes ici et que le jugement a été rendu par la Cour suprême, c'est parce que nous avions demandé au gouvernement de déposer l'avis juridique...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Excusez-moi, je vous arrête. Ce n'est pas une question de règlement. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Ciaccia: M. le Président, on avait demandé le dépôt de l'avis juridique.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal, ce n'est pas une question de règlement. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: J'ai simplement l'intention d'essayer d'apporter une définition, un peu différente à ce mot "prudence". Quand la loi a été adoptée, il y a deux ans, je suis certain que le gouvernement n'a pas agi avec prudence, parce que je suis certain qu'il a reçu des avertissements sérieux quant à la constitutionnalité de cette loi. Ce soir, vous agissez avec ce que vous définissez comme une grande prudence, mais, parce que, comme vous autres, je suis certain que vous autres et nous autres voulons limiter autant que possible les conséquences et la portée de cette décision, puis-je suggérer que ce soit une bonne idée de commencer par la base pour ce soir et pour l'avenir immédiat au moins avec le principe que tout ce qui est visé par la loi est le minimum, en d'autres mots les règlements qui découlent directement du lieutenant-gouverneur en conseil, du cabinet point, et de ne pas s'imaginer ou prétendre que la Cour suprême voulait aller même en arrière, avant 1977, parce que ce n'est pas du tout clair que ce soit le cas — il y a des interprétations différentes — si vous voulez...

M. Bédard: Mais est-ce que c'est clair que ce n'est pas le cas?

M. Scowen: ... vraiment minimiser, comme nous autres, la portée et les complications de cette affaire-là en présumant que la décision est limitée aux cas qui datent d'après 1977.

M. Johnson: ... consultants libéraux vous ont dit cela.

M. Bédard: Nous sommes prêts à vouloir minimiser les effets, mais pas au point de devenir irréaliste, ce vers quoi, des fois, on peut être tenté de s'orienter. Nous avons à légiférer dans l'intérêt des Québécois en tenant compte...

M. Scowen: Trouvez-vous qu'une telle décision ce soir sera plus réaliste que la décision que vous avez prise il y a deux ans?

Le Vice-Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je veux simplement répéter: On peut bien essayer de le minimiser, mais je pense qu'il faut demeurer réaliste. On a beau vouloir minimiser l'effet du jugement de la Cour suprême, mais il reste une chose, c'est que le jugement de la Cour suprême est là et il a des effets qui semblent très clairs, selon l'opinion unanime des légistes du ministère de la Justice, des légistes du comité de législation, également des légistes des Affaires municipales. Nous légiférons simplement dans le sens des représentations de ces légistes et dans l'intérêt des Québécois qui est que la législation corrige l'ensemble des effets du jugement de la Cour suprême.

M. Scowen: Est-ce que vous n'exagérez pas à ce moment? Vous en êtes certain?

M. Bédard: Ce n'est pas mon habitude d'exagérer. Quand je vous dis que c'est l'interprétation, je vous ai dit, dès le commencement de l'étude de cet article, à quoi je référais, à savoir le libellé même du jugement de la Cour suprême qui, à notre opinion, va beaucoup plus loin que tout ce qui avait été pensé, même dans une hypothèse pessimiste.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Verchères. Non? M. le député de Mégantic-Compton et, après, le député de Mont-Royal.

M. Grenier: Merci. Je ne remercierai jamais assez longtemps la Providence de ne pas avoir fait un avocat. Je voudrais vous dire...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député, vous insultez la présidence.

M. Grenier: Je croyais que vous étiez notaire. Vous êtes avocat, je m'excuse.

M. Lalonde: Nous autres aussi, on la remercie.

M. Grenier: M. le Président, j'aurais aimé que...

Une Voix: On est bien content!

M. Grenier: ... le gouvernement ait eu cette prudence quand on a adopté la loi 101 qu'on a ce soir. Vraiment, elle est minutieuse, celle-là, beaucoup plus que l'autre. Le gouvernement est probablement sérieux et sincère quand il nous dit que cela inclut les municipalités et les commissions scolaires. Si cela devait être le cas, j'imagine qu'on va prévenir les autorités municipales et scolaires de faire cela. Il me semble que, si le gouvernement veut être aussi "précautionneux" qu'il l'est ce soir, il va investiguer un petit peu plus que cela avant pour savoir s'il a raison d'inquiéter les commissions scolaires et les conseils municipaux. Avant de répondre, j'aimerais savoir du ministre s'il a l'intention d'avoir des certitudes avant juillet et août, et de ne pas laisser traîner cela dans le décor jusqu'après le référendum. Il ne faudrait pas que cela prenne l'air du coup des faux certificats en 1962, non plus.

M. Bédard: M. le Président, nous ne sommes pas à l'étude du projet de loi en deuxième lecture. En tant que ministre de la Justice...

M. Grenier: Je l'aurais cru tout à l'heure, à vous entendre!

M. Bédard: Je vous ai laissé parler. Il faut quand même que je réponde. J'ai essayé de répondre, au tout début, d'une façon purement technique, à partir de l'évaluation et de l'étude du jugement de la Cour suprême. Ce n'est qu'après que certains membres de l'Opposition eurent laissé en- tendre qu'on essayait de maximiser l'interprétation du jugement de la Cour suprême que je me suis senti le besoin d'indiquer à l'Opposition d'être prudente dans certaines tentatives peut-être de vouloir minimiser la portée du jugement de la Cour suprême qui est quand même là. C'est un débat juridique, je le redis encore une fois, sous l'angle juridique et non pas l'angle partisan.

M. Grenier: Une question très courte. Est-ce que vous avez l'intention de rendre cela clair?

M. Bédard: Quand on a parlé de prudence, on n'a pas dit, de ce côté, qu'on faisait preuve d'excès de prudence. On a dit, au contraire, que l'élémentaire prudence était de légiférer dans le sens que nous légiférons; l'élémentaire prudence, par un excès de prudence. Je voudrais que mes propos soient bien interprétés.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, quand nous avions discuté en commission parlementaire de ces articles, les membres de l'Opposition officielle ont porté à l'attention du gouvernement à ce moment le fait que ces articles allaient contre l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Le gouvernement, à ce moment, disait: Non, nous avons des opinions juridiques disant que c'est légal. Moi-même, j'avais demandé... M. le Président, s'il vous plaît... (5 h 30)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): S'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: ... pas le débat de la loi 101.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Ecoutez, je n'ai pas abusé de mon droit de parole ce soir.

Une Voix: ... article par article, ça, voyons donc!

M. Bédard: M. le Président... indépendant...

M. Ciaccia: J'avais demandé...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: M. le Président, j'avais demandé moi-même la présence du ministre de la Justice, parce qu'on discutait quelque chose de législatif et ce n'est pas avec le ministre... Je crois que le ministre d'Etat au Développement culturel va s'en souvenir. J'ai dit: Ce n'est pas le ministre d'Etat au Développement culturel qui va pouvoir discuter de la légalité de ces articles. J'avais demandé, j'avais

insisté pour que le ministre de la Justice soit présent. On avait refusé.

Une Voix: II n'y avait pas de...

M. Ciaccia: Le ministre d'Etat au Développement culturel nous avait dit, à ce moment-là: Nous avons des opinions juridiques. Alors, on a demandé...

Une Voix: ...

M. Ciaccia:... pouvez-vous, s'il vous plaît, déposer les avis juridiques à l'effet que le chapitre III est légal? Parce que le ministre de l'Education — j'avais porté ça à l'attention de la commission parlementaire — à la suite de certaines questions, avait dit que si la Cour suprême devait déclarer illégal ce chapitre du projet de loi, cela aurait fait l'affaire du gouvernement, parce que le gouvernement l'aurait utilisé ou l'utiliserait pour des fins politiques. Alors, où était la prudence du gouvernement à ce moment-là? Vous aviez refusé de déposer les avis juridiques.

Je vous demande, ce soir, M. le Président, je demande au ministre de la Justice, ce soir... Il nous dit qu'il a des avis juridiques à l'effet que le jugement de la Cour suprême s'applique non seulement à la législation de l'Assemblée nationale et aux règlements découlant du lieutenant-gouverneur en conseil, mais s'applique, en plus, aux municipalités et aux commissions scolaires. Est-ce que je pourrais demander au ministre de la Justice de déposer l'avis juridique qu'il a — qu'il dit qu'il a — à l'effet... Un instant! laissez-moi terminer...

M. Bédard: Question de règlement! Question de règlement!

M. Ciaccia: Laissez-moi terminer, s'il vous plaît, M. le Président!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Non, mais question de règlement!

M. Ciaccia: Est-ce qu'il pourrait déposer...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II y a une question de règlement, M. le député de Mont-Royal.

M. Bédard: Juste une question de règlement...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Sur une question de règlement.

M. Bédard: ... parce que peut-être que le député a mal interprété mes propos. Je n'ai jamais parlé d'avis juridiques écrits.

Des Voix: Ah!

M. Bédard: Je vous ai dit: Les avis juridiques — c'est encore plus que des avis écrits — ...

Une Voix: Ah!

M. Bédard: ... des légistes du ministère de la Justice, du comité de législation et du contentieux des Affaires municipales. Maintenant, M. le Président, nous avons eu le jugement de la Cour suprême dans les délais que vous savez. Il est évident que les légistes n'ont pas commencé à s'écrire des avis. Ils se sont réunis. Ils ont discuté ensemble aux fins de conseiller le ministre de la Justice le plus équitablement possible sur la portée du jugement. Voyons donc!

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce que je peux continuer, M. le Président? Merci.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Vous pouvez.

M. Ciaccia: M. le Président, c'est trop...

Des Voix: ...

M. Ciaccia: M. le Président, c'est... En anglais, il y a une expression, vous m'excuserez: "Once bitten, twice shy". C'est le même raisonnement que nous avons eu lors de la discussion du chapitre III. C'était des opinions juridiques. On refusait toujours de nous donner les informations et les opinions juridiques qu'on demandait. C'est bien facile ce soir, pour le ministre de la Justice de dire: Ce sont des avis verbals que nous avons. Si ce sont des avis verbals seulement, alors, je suggère...

Des Voix: Verbaux.

M. Ciaccia: Verbaux, excusez-moi. Je vais améliorer mon français, moi aussi. Peut-être que j'éviterai ce genre d'erreur, mais...

Des Voix: ...

M. Ciaccia: C'est trop facile, vous savez. Il faut juger ça dans le contexte. Je peux aller chercher le journal des Débats où le ministre de l'Education a dit: Nous allons utiliser le jugement pour des fins politiques, premièrement. C'est trop facile, ce soir, de dire: Nous avons un avis verbal-Une Voix: ...

M. Ciaccia: Si c'est seulement un avis verbal, dans le contexte des déclarations qui ont été faites, dans le contexte des demandes que nous avons faites, dans le contexte de l'argumentation du député de Jean-Talon que le jugement s'applique seulement au chapitre III, je vous soumets, M. le Président, et je soumets au ministre de la Justice que vous avez le devoir, en termes de prudence, de donner non seulement justice, mais aussi l'apparence que justice soit faite.

M. Bédard: Soyez réaliste un peu.

M. Ciaccia: Ecoutez! Ne m'interrompez pas, il est tard, il est 5 h 35 du matin.

M. Bédard: Oui, mais ne vous énervez pas, soyez réaliste seulement.

M. Ciaccia: II y a une obligation pour le ministre de démontrer que vraiment il ne veut pas utiliser ça pour des fins politiques, qu'il veut être prudent. La prudence, dans ce cas-ci, ce n'est pas d'aller au-delà de ce que le jugement dit, ce n'est pas de créer une atmosphère, un climat suite aux propos et aux déclarations du premier ministre et à la déclaration du ministre des Affaires culturelles.

Voici ce que la prudence exige. Le gouvernement peut-il déposer un avis juridique à l'effet que le jugement de la Cour suprême ne s'applique pas seulement à la législation de l'Assemblée nationale et aux règlements du lieutenant-gouverneur en conseil? S'il ne peut pas déposer cet avis juridique, le jugement de la Cour suprême s'applique seulement au chapitre III. Le ministre ne peut pas nous dire ce soir que ça va s'appliquer aux municipalités et aux commissions scolaires. S'il fait ça, alors là, les déclarations antérieures des différents ministre on peut en tirer les conclusions qui s'imposent au sujet des buts politiques et des utilisations politiques d'une décision éventuelle de la Cour suprême.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Je pense que c'est le député qui essaie vraiment de créer un climat parce que à ce que je me rappelle, dès le début...

Une Voix: ... n'est pas fini.

M. Ciaccia: J'essaie d'être prudent. La prudence...

M. Bédard: Non, mais vous avez parlé, voulez-vous laisser parler les autres? Est-ce que vous laissez parler les autres?

Le député en est la meilleure illustration à l'effet qu'il essaie de créer un climat. En ce qui nous regarde, si nous en étions restés là, il y a longtemps que l'article serait fini en termes d'étude. Dès mes premiers propos, je me suis référé uniquement à des arguments juridiques et un des premiers arguments c'est le libellé même du jugement de la Cour suprême, entre autres à la page 11. Je ne sais pas si c'est nécessaire que je le recite au député, mais il est très clair, il dit ceci:...

M. Ciaccia: Nous l'avons lu.

M. Bédard: Oui, mais vous ne voulez pas comprendre. Quand on vous donne des arguments juridiques...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: ... vous nous dites: On les a déjà. Et vous semblez vraiment avoir une attitude de gens qui veulent minimiser ce jugement. Ne me demandez pas...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'odre, s'il vous plaît!

M. Bédard: ... de faire de la politique dans mes explications.

M. Ciaccia: On veut le minimiser pour des fins politiques; on veut le maximaliser pour des fins juridiques.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre s'il vous plaît!

M. Bédard: Le jugement a des effets juridiques énormes et ce jugement va plus loin que toutes les hypothèses pessimistes que nous avions faites au ministère de la Justice. Bon! Au niveau des citoyens québécois, au niveau des municipalités, des commissions scolaires, ce jugement va avoir des effets très négatifs. Je vous l'ai dit, à partir d'une argumentation juridique qui est le libellé du jugement lui-même, qui dit ceci: "Pour ce qui est de savoir... Relisez-le parce que vous lisez sans vouloir comprendre...

M. Lalonde: Cela fait quatre fois qu'on le lit.

M. Bédard: ... Pour ce qui est de la question de savoir...

M. Lalonde: Réellement, c'est de l'abus, quand même. On a trois heures seulement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre s'il vous plaît!

M. Bédard: M. le Président, je pense que j'ai la parole.

M. Lalonde: Je comprends que le ministre sourit. Il a un petit air triomphateur dans son "show".

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: On a seulement trois heures, n'abusez pas.

M. Bédard: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît, vous allez me donner le goût de changer de profession, si ça continue.

M. Ciaccia: Une directive, M. le Président.

Une Voix: Vous aussi?

M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais demander si la commission peut suspendre ses travaux jusqu'à ce que le ministre produise un avis juridique à l'effet que le jugement s'applique aux municipalités et commissions scolaires.

Une Voix: Non, il n'y a pas de dépôt en commission. (5 h 40)

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Nous avons l'ordre de l'Assemblée nationale... Nous avons adopté une motion de suspension des règles. Nous sommes liés par un cadre très précis. Je pense que, si ma mémoire est fidèle, c'est dans les quinze minutes avant l'expiration des trois heures que la présidence doit appeler les votes, et ainsi de suite. Nous sommes dans un cadre précis. En temps normal, cela pourrait peut-être se faire, mais pas dans le cadre actuel.

M. Ciaccia: M. le Président, si les avis juridiques sont tellement clairs, cela ne lui prendra pas de temps à les produire. Il peut les écrire. On va attendre quelques minutes.

M. Bédard: Vous jouez aux irréalistes. M. le Président, en plus de vouloir créer un climat, le député...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Oui, il peut faire des clins d'oeil et sourire. Le député en plus de cela est irréaliste.

M. Ciaccia: Je n'ai pas fait de clin d'oeil. M. le Président, une question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Cela fait 24 heures que je suis debout. Les yeux me ferment, M. le Président. Ce ne sont pas des clins d'oeil. Je suis fatigué.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Pas plus que les autres. Allez dormir. Peut-être que votre raisonnement va être meilleur. Le député, je le dis, non seulement crée un climat mais il est irréaliste. J'ai bien mentionné que le jugement de la Cour suprême est arrivé dans les délais qu'il sait et qu'à ce moment-là...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A l'ordre! M. le ministre de la Justice, s'il vous plaît, à l'ordre.

M. Fontaine: M. le Président, est-ce que le ministre de la Justice a le droit d'imputer des motifs aux autres membres de l'Assemblée nationale?

M. Johnson: M. le Président.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre, à l'ordre s'il vous plaît!

M. Johnson: M. le Président, si vous permettez une seconde, je vais vous montrer les avis juridiques. Ils sont assis ici les avis juridiques. Ils sont là.

Une Voix: Déposez-les.

M. Bédard: On ne peut pas les produire, par exemple.

M. Johnson: M. le Président...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le ministre du Travail, je tiens à dire au député de Marguerite-Bourgeoys qu'il n'y a pas de dépôt en commission plénière. M. le ministre du Travail.

M. Lalonde: Sauvé par le règlement!

M. Johnson: M. le Président, si les membres de la commission me le permettent, je vous promets que mon intervention ne durera pas plus de trois minutes. D'abord, je pense qu'on nous a fait beaucoup de procès d'intention ce soir et ce n'est probablement pas anormal qu'à 5 h 45 du matin les gens se fassent des procès d'intention sur une affaire comme celle-là. Deuxièmement, quand le jugement de la Cour suprême a été rendu, hier, avant midi, jeudi, le ministre de la Justice, d'autres membres du comité de législation, incluant celui qui vous parle, et le Conseil des ministres se sont réunis. On a passé des heures là-dedans avec les meilleurs experts du gouvernement du Québec, sur le plan juridique; c'est de ceux-là dont je parlais qui sont assis derrière nous, et d'autres qui ne sont pas ici.

On a travaillé très fort et on a travaillé très dur parce que dans le jugement de la Cour suprême, il y avait une chose absolument inattendue. Cette chose inattendue — oublions pour le moment la question des municipalités et des commissions scolaires — c'est que la Cour suprême du Canada a déclaré — et je sais que les gens d'en face ne le contestent pas — que tous les règlements adoptés par le gouvernement du Québec ou approuvés par le gouvernement du Québec, émanant des lois antérieures à la Charte de la langue française, c'est-à-dire depuis 1867, s'ils n'ont pas été adoptés par le Conseil des ministres, que ce soit sous Taschereau, sous Godbout, sous Honoré Mercier avant cela, sous Duplessis, sous Lesage, même sous Robert Bourassa, que tous ces règlements, que ce soit ceux de la Commission du salaire minimum, de la Commission des accidents du travail ou les autres, seraient invalides et contestables sur le plan juridique du seul fait qu'ils ont été adoptés au Québec depuis 1867 en français. Je pense que les gens en face de nous ne contestent pas que c'est ce que dit clairement le jugement.

Cependant, ce dont les gens en face de nous semblent douter, c'est que cela s'applique aux municipalités et aux organismes scolaires, les commissions scolaires en pratique. L'interprétation que nous en faisons, c'est celle, encore une fois, d'une journée considérable de travail dans ce secteur, encore une fois avec les meilleures ressources.

Ce que je sais, c'est que le chef de l'Opposition nous a dit, tout à l'heure, qu'il y avait un paquet de consultants et de conseillers juridiques libéraux — il l'a dit lui-même, ils sont chez nous, ils sont de notre parti, les gens de l'extérieur qu'on a consultés. Je lui demanderais peut-être de nous produire son avis, ou au moins de nous donner ses arguments, clairement, pour nous dire que les commissions scolaires ne sont pas touchées et les municipalités ne sont pas touchées. On aimerait entendre l'argumentation de l'Opposition, M. le Président. On vous écoute!

M. Bédard: Vous nous accusez de dramatiser...

M. Lalonde: Voulez-vous, s'il vous plaît, laisser la parole, quand vous posez une question?

M. Bédard: On vous la laisse la parole, mais au moins prouvez-nous ce que vous avancez.

M. Lalonde: Soyez donc au moins poli, est-ce que vous vous souvenez que vous êtes ministre de la Justice?

M. Bédard: Prouvez au moins ce que vous avanvez par des arguments juridiques.

M. Lalonde: Vous ne vous en souvenez pas? Vous avez l'air d'un comédien.

La Présidente (Mme Cuerrier): Un moment, s'il vous plaît!

M. Johnson: Est-ce qu'on peut entendre l'argumentation de l'Opposition, Mme la Présidente?

M. Ryan: Mme la Présidente, il y en a qui ont demandé la parole avant moi, ce n'est pas à lui de décider que c'est moi qui vais parler maintenant, c'est à vous. Il y en a qui ont demandé la parole, si vous voulez leur donner; je vais y répondre en temps et lieu.

M. Charbonneau: Vous n'en avez pas d'avis juridique. Dites-le donc!

La Présidente (Mme Cuerrier): J'allais demander... M. le député de Verchères, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Qui a la parole? Je l'ai demandée tantôt.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Cela fait quinze minutes que j'essaie d'avoir la parole, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): J'espère qu'on va vous laisser parler, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: On n'a pas fait d'objection à l'article 3, en fait, on a déclaré notre intention de l'adopter il y a une demi-heure, Mme la Présidente, mais les deux ministres devant nous, le ministre du Travail et le ministre de la Justice, ont fait une démonstration de la situation qui m'apparaît pessimiste.

M. Johnson: Ah! là c'est pessimiste, ce n'est pas tronqué et dramatique, c'est juste pessimiste!

M. Lalonde: C'est une démonstration organisée de dramatisation volontaire, simplement pour faire partie justement du spectacle. On en a entendu, Mme la Présidente, en deuxième lecture — je ne sais pas si le ministre de la Justice y était — ce soir, un spectacle de dramatisation où, réellement, ce jugement venait nous enlever littéralement notre langue au Québec. Je n'étais pas tellement surpris des acteurs de ce drame, mais lorsque j'ai vu le ministre de la Justice, je m'attendais à autre chose. Mais je me suis souvenu qu'il préfère être indépendantiste qu'être ministre de la Justice probablement.

M. Johnson: C'est un bel argument juridique, ça!

M. Bédard: Je ne soulèverai même pas de question de règlement, Mme la Présidente, ça ne vaut pas la peine!

M. Lalonde: Le spectacle, le comportement du ministre de la Justice, depuis une demi-heure, est indigne à mon sens.

M. Bédard: Ce sont des gros arguments juridiques, ça!

M. Johnson: Vos consultants libéraux ne sont pas bien forts, si c'est ça qu'ils vous ont dit; ce n'est pas fort, vous devriez les changer!

M. Lalonde: II devrait plutôt faire attention avant d'exprimer des opinions aussi peu...

M. Johnson: C'est ça, vos avis juridiques?

M. Lalonde:... appuyées sur des textes, parce qu'il vient d'avouer qu'il n'a aucun texte, aucune opinion écrite; il me semble qu'il devrait faire preuve de prudence avant.

M. Bédard: Question de règlement. Mme la Présidente, c'est complètement faux ce que dit le député de Marguerite-Bourgeoys, quand il dit que l'opinion que nous avons exprimée ne s'appuyait sur aucun texte. Au contraire...

M. Lalonde: Opinion écrite, j'ai dit. M. Bédard: Au contraire...

M. Lalonde: Non, j'ai dit que vous n'aviez pas d'opinion écrite.

M. Bédard: Sur aucun texte et il s'applique sur...

M. Lalonde: Non, j'ai dit que vous n'aviez pas d'opinion écrite.

M. Bédard: Non, mais est-ce qu'il y a seulement le député de Marguerite-Bourgeoys qui a le droit d'accuser, Mme la Présidente?

M. Lalonde: Non, votre question de règlement est caduque, vous avez mal compris, j'ai dit qu'elle ne s'appuie pas sur une opinion écrite.

M. Bédard: Ce que je remarque...

M. Lalonde: On vient d'apprendre ça, Mme la Présidente, il n'y a pas d'opinion écrite.

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: J'avais le droit de parole.

M. Bédard: Mme la Présidente, ce que je remarque c'est que...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: ... à l'invitation qu'on a faite à l'Opposition de nous donner ses arguments juridiques qui seraient de nature à lui faire croire que ça ne s'applique pas aux municipalités et aux commissions scolaires, je remarque qu'elle n'a aucune opinion juridique, aucun argument juridique, alors que nous avons basé notre argumentation sur le jugement même de la Cour suprême.

M. Lalonde: Question de règlement. Le ministre vient de soulever une question de règlement qui n'en était pas une, vous l'aurez remarqué. Je ne me laisserai pas prendre à ce jeu de diversion simplement; c'est le ministre lui-même qui a ouvert le débat en disant qu'il avait des opinions, ça a commencé par une prépondérance unanime, c'est devenu une certitude et, ensuite, quand on a demandé des opinions écrites, on n'en avait pas. (5 h 50)

C'est le ministre lui-même qui a ouvert le débat là-dessus. Nous, on a consulté, pour avoir une idée où on s'en allait, mais c'est le gouvernement qui offre sa loi, qui propose la loi actuellement. C'est à lui, au ministre, d'étayer un petit peu le drame, l'espèce de spectacle qu'il nous donne depuis une demi-heure.

M. Bédard: Non, mais donnez-nous vos argu- ments. Vous êtes là et vous engueulez le pouvoir, vous l'accusez de dramatiser et vous n'avez aucun argument.

M. Lalonde: J'ai le droit de parole.

La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît.

M. Lalonde: Vous souvenez-vous que vous êtes ministre de la Justice.

M. Bédard: C'est un argument juridique.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef de l'Opposition officielle m'a demandé la parole.

M. Ryan: Merci, Mme la Présidente. J'apprécierais que le ministre de la Justice cesse de décider qui va parler, qu'il vous laisse le droit de décider cela, vous semblez plus capable de le faire que lui. Mme la Présidente, on m'a posé une question. Je voudrais y répondre. Tantôt, ce n'est pas parce que je ne voulais pas répondre. C'est simplement parce que je voulais respecter le tour des autres qui demandent de parler depuis tantôt. C'est la seule raison. Je veux dire une chose au ministre. Je pense que nous avons intérêt de part et d'autre, indépendamment des opinions qui ont pu être reçues, à ce que ce jugement n'ait pas l'application extensive qui est redoutée par le gouvernement. Il peut arriver que le gouvernement ait raison. Que les opinions juridiques auxquelles il se fie soient les meilleures. En réponse à la question que le ministre m'a posée, je vais lui dire ceci: S'il veut prendre l'engagement de ne pas se lancer dans une application précipitée et littérale de cela — il n'est pas obligé d'envoyer une directive demain matin à toutes les commissions scolaires et municipalités — on va lui faire parvenir les opinions que nous avons eues.

Il va comprendre. Lui a des juristes à son service payés à temps complet. Nous autres, ce sont des consultations que nous avons faites auprès de personnes bénévoles. Je vais m'arranger pour obtenir ces opinions de manière plus élaborée. Je serai très heureux de les faire tenir au ministre au cours des prochains jours.

M. Bédard: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): Cet amendement...

M. Bédard: Nous adoptons une loi. Il est évident que nous prendrons les dispositions qui sont nécessaires à la suite de l'adoption de la loi telle qu'elle sera libellée et adoptée.

M. Johnson: Mme la Présidente, l'article 3 est-il adopté?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je voudrais demander au ministre de la Justice ou au ministre du Travail s'il

accepterait aussitôt qu'il décidera d'émettre des directives aux municipalités ou aux commissions scolaires, de les déposer ces directives à l'Assemblée nationale pour qu'on puisse en prendre connaissance.

M. Bédard: C'est le ministre des Affaires municipales.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre...

M. Fontaine: Ce n'est pas pour prendre un avis. Je veux savoir s'il va le faire oui ou non.

M. Bédard: J'ai le droit de prendre avis.

M. Tardif: Vous nous conseillez de prendre avis. C'est ce que je vais faire.

M. Fontaine: Mme la Présidente, je demande au ministre s'il va les déposer à l'Assemblée nationale ou s'il ne les déposera pas? S'il ne veut pas les déposer, qu'il dise non. S'il veut les déposer, qu'il dise oui.

M. Tardif: Mme la Présidente...

M. Fontaine: Je ne sais pas ce qu'ils veulent avoir le Parti québécois. Un oui ou un non, qu'ils le disent.

M. Tardif: Si jamais on me conseillait d'envoyer...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires municipales.

M. Tardif: ... quelque directive que ce soit aux municipalités, évidemment, j'en envoie 1600 copies aux 1600 municipalités. J'en enverrai 110 copies aux députés de la Chambre.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Mme la Présidente, admettons pour un moment qu'il y a un doute, nous, nous ne croyons pas qu'il y ait de doute dans l'interprétation du jugement de la Cour suprême. Supposons qu'on admet qu'il y a un certain doute à la page 11, Mme la Présidente, je fais une hypothèse dans l'intérêt d'essayer de trouver une solution. Supposons qu'on dit: Oui, il y a un doute, est-ce que cela ne serait pas dans l'intérêt des municipalités, dans l'intérêt de l'intention du gouvernement, telle qu'exprimée par le ministre des Affaires culturelles, d'appliquer la loi de façon à causer le moins de problèmes possibles, et à enlever tout doute...

M. Bédard: Je suis parfaitement d'accord avec vous.

M. Ciaccia: ... que peut-être vous...

M. Bédard: Non, mais là...

M. Ciaccia: Laissez-moi finir. Enlever tout doute que peut-être vous allez l'utiliser pour des fins politiques. S'il y a un doute que cela s'applique ou que cela ne s'applique pas, pourquoi ne l'interprétez-vous pas de façon que cela ne s'applique pas aux municipalités et que cela ne s'applique pas aux commissions scolaires, sous réserve d'obtenir des avis juridiques. Pour le moment, il y a un doute. On veut être consistant, je parle pour nous, avec notre propre...

M. Bédard: C'est ce que vous dites.

M. Ciaccia: Oui, mais je donne une hypothèse pour essayer de trouver une solution, pour être consistant, cohérent avec vos propres intentions et la propre manière dont vous aviez interprété la loi 101 en disant: Très bien, nous allons l'interpréter de telle façon que cela va causer le moins de problèmes possible aux municipalités et aux commissions scolaires, et on va dire que cela s'applique strictement au chapitre III sous réserve d'une opinion juridique qui pourrait être obtenue et, à ce moment-là, nous prendrons les mesures qui s'imposent.

M. Bédard: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: C'est évident qu'en tant que gouvernement, on essaie de légiférer dans le sens de créer le moins d'ennuis possible aux citoyens, de légiférer dans le sens de l'intérêt des citoyens. D'autre part, il faut quand même être réaliste. Nous avons devant nous un jugement, — je vous le dis très simplement, c'est l'opinion des juristes tant du ministère de la Justice que du comité de législation que des juristes des Affaires municipales — nous avons devant nous un jugement dont le libellé est tel que nous devons légiférer dans le sens que nous vous proposons de le faire, dans le sens du projet de loi que nous étudions. Il est évident que si notre conviction était que nous devons légiférer en moins par rapport à ce que nous proposons dans le projet de loi, nous le ferions. D'un autre côté, on n'a pas le droit, à partir du désir — c'est humain — de vouloir minimiser la portée, d'accepter de devenir irréaliste et d'oublier les mots mêmes, le libellé même du jugement qui dit — je vais le répéter, mais très rapidement: "Pour ce qui est de la question de savoir si les règlements établis sous le régime de lois de la Législature du Québec sont des actes au sens de l'article 133 — c'est la Cour suprême qui le dit — il est évident que ce serait tronquer l'obligation imposée par ce texte que de ne pas tenir compte de l'essor de la législation déléguée. Il s'agit d'un cas où le plus — elle en ajoute encore — englobe le moins, pour être sûr de ne rien oublier." A cela, nous avons évoqué tout à l'heure un jugement, à savoir le jugement Hodge versus la Reine, qui a spécifié, qui a

tranché dans le sens que des règlements municipaux étaient une législation déléguée. C'est l'argumentation juridique que j'ai employée dès le départ de la discussion sur cet article. Je crois que l'argumentation que j'ai apportée n'a rien de politique. Je pense bien qu'elle se situe seulement sur le plan juridique. L'Opposition nous dit qu'elle a fait des consultations. Le chef de l'Opposition nous a dit qu'il avait fait des consultations — je n'ai pas raison d'en douter, loin de là — qui étaient dans ce sens. En tout cas, les représentations qu'on lui a faites seraient dans le sens que cela n'affectait pas ou ne touphait pas les municipalités ou les commissions scolaires. Je ne suis pas là pour mettre en doute ce que dit le chef de l'Opposition. Je dis simplement ce sur quoi je me base, sauf que j'aimerais bien que l'Opposition — si cela nous aide, tant mieux — nous donne des arguments juridiques qui soient de nature à nous convaincre qu'on légifère en trop. (6 heures)

Je vous le dit très honnêtement, je crois que l'Opposition n'a amené aucune argumentation juridique qui serait de nature à nous faire légiférer autrement que ce qui est contenu dans le projet de loi. C'est pour cela que nous légiférons dans ce sens, non pas en étant heureux d'être obligés de légiférer comme ça, mais parce qu'on essaie d'être le plus logique possible du point de vue juridique par rapport au libellé du jugement de la Cour suprême.

M. Lalonde: Merci.

La Présidente (Mme Cuerrier): J'ai deux demandes d'intervention. M. le ministre du Travail me fait signe depuis tantôt qu'il veut ajouter quelque chose.

M. Lalonde: Est-ce que j'avais demandé la parole avant?

La Présidente (Mme Cuerrier): Non. M. le ministre du Travail me faisait signe...

M. Lalonde: Allez-y.

La Présidente (Mme Cuerrier): ... qu'il voulait ajouter quelque chose.

M. Lalonde: Si cela peut aider à accélérer les travaux.

La Présidente (Mme Cuerrier): Je vous donnerai la parole immédiatement après, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Johnson: Je ne voudrais pas répéter ce que mon collègue vient de dire, mais simplement compléter de la façon suivante pour essayer de résumer cela en essayant de ne pas utiliser la terminologie juridique. La Cour suprême nous dit essentiellement une chose. Elle nous dit que ce qui, dans le passé — à partir de l'analyse de la loi 101 — au Québec n'a pas été adopté en anglais par l'administration publique, à toutes fins utiles, parce qu'elle parle de la législation déléguée — on parle a priori et on va juste s'occuper de l'administration publique; je ne parle pas de l'autre théorie qui voudrait que cela affecte également la Loi des compagnies, je parle juste des administrations publiques; j'inclus les corps municipaux et scolaires — non seulement doit publier, non seulement doit être rendu public en anglais et en français, mais doit avoir été adopté en anglais et en français. C'est la premier affirmation qui est contenue à la page 5.

A la page 11 du jugement, on dit: II est bien évident qu'au sens de l'article 133 du BNA Act, il faut également considérer que toute la législation déléguée — le plus inclut le moindre — est considérée comme sujette à cette même règle que les lois, c'est-à-dire que ce doit être non seulement publié et rendu public en anglais et en français, mais que cela doit avoir été adopté en français et en anglais. L'interprétation que nous donnons et que tous les légistes donnent à cela, c'est qu'un règlement municipal, c'est de la législation déléguée. Maintenant, je pense que le raisonnement est en trois points, comme on l'apprend en première année à la Faculté de droit. Le député de Marguerite-Bourgeoys a connu cela, il a même enseigné si je ne me trompe pas.

J'aimerais maintenant entendre la démonstration contraire de la part de l'Opposition, à savoir que les municipalités ne sont pas couvertes; qu'on en fasse la démonstration contraire en commission sur un plan juridique. Qu'on arrête de parler d'histoires abracadabrantes et de mêler les séparatistes à cela. On est ici, en commission, pour régler un problème juridique. J'aimerais entendre, en trois points, la démonstration du député de Marguerite-Bourgeoys.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous aviez demandé la parole.

M. Lalonde: Si le gouvernement croit qu'on doive faire preuve de prudence à cause de ces hypothèses qu'il décrit comme des certitudes, cela fait à peu près cinq fois que je vous dis qu'on est prêt à adopter l'article 3.

M. Bédard: Bon, adoptons-le.

M. Lalonde: Cela fait une heure que je l'ai dit.

M. Bédard: Voyons!

M. Johnson: Mais on n'a pas votre réponse!

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Je l'ai répété il y a à peu près dix minutes.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement à l'article 3 est-il...

M. Lalonde: Sauf que je dois dire au ministre que cette prudence dont il fait preuve actuellement, on aurait souhaité qu'il en fasse preuve lors de l'adoption de la loi 101.

M. Johnson: Adopté, Mme la Présidente.

M. Lalonde: Je suis sûr que c'est la même prudence dont il fera preuve dans ce cas-ci que celle dont il fait preuve dans les poursuites qu'on lui a demandées, que la Commission de surveillance de la langue française lui a demandées dans quelques dossiers depuis plusieurs mois, poursuites qui n'ont pas été prises encore. On ne fait pas de vagues avant le référendum, Mme la Présidente! Je suis sûr qu'il va faire preuve de prudence aussi dans ce cas-ci exactement comme dans les autres.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal.

M. Bédard: Je serai sûrement beaucoup plus prudent dans mes gestes que le député de Marguerite-Bourgeoys l'est dans ses paroles.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Mme la Présidente, si vous me le permettez et si le ministre me le permet, je vais lire... je vais référer...

M. Bédard: Mme la Présidente, avant de passer, l'Opposition a dit qu'elle était prête, le député de Marguerite-Bourgeoys a adopté l'article 3. Est-ce qu'on est prêt ou si on n'est pas prêt?

M. Lalonde: On est prêt mais il y a beaucoup de membres ici, il y a beaucoup de membres qui ont droit de parole.

M. Bédard: Vous voyez un peu, je ne dirai pas l'hypocrisie, Mme la Présidente, mais...

M. Lalonde: Un instant! Question de règlement.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre... A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Mme la Présidente, question de règlement.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal...

M. Bédard: Non, non, j'ai dit: Je ne dirai pas l'hypocrisie...

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: ... ce n'est pas cela que j'ai dit?

La Présidente (Mme Cuerrier): C'est M. le député de Mont-Royal...

M. Lalonde: Mme la Présidente, je pensais que le député de Chicoutimi était ministre de la Justice.

La Présidente (Mme Cuerrier):... qui a la parole actuellement.

M. Ciaccia: Mme la Présidente, merci.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal.

M. Lalonde: J'ai une question de règlement, Mme la Présidente, j'ai dit que j'étais prêt...

M. Bédard: Cela ne m'empêche pas d'avoir les yeux ouverts quand même je serais ministre de la Justice.

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre de la Justice, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Cuerrier): Sur une question de règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: J'ai peut-être frappé un point sensible quand j'ai parlé des...

La Présidente (Mme Cuerrier): Sur une question de règlement, m'avez-vous dit, M. le député...

M. Lalonde: Je ne sais pas pourquoi le ministre perd le contrôle de ses gestes...

M. Bédard: Au contraire.

M. Lalonde:... en me traitant d'hypocrite alors que tout ce que j'ai dit, c'est que j'étais prêt et je suis prêt maintenant à l'adopter. Mais le ministre...

M. Bédard: Nous sommes prêts aussi.

M. Lalonde: ... ici, dans l'Opposition officielle...

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre!

M. Lalonde: ... ce n'est pas comme dans le Parti québécois, chaque membre a le droit de parler...

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre! M. Lalonde: suivant les règlements. M. Bédard: Non, non, mais alors...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal.

M. Bédard: ... arrêtez de...

La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre!

M. Bédard: ... tout ce que je vous demande, arrêtez de laissez croire que l'Opposition est prête à adopter cela tout de suite...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le...

M. Bédard: ... parce que vous êtes contredit tout de suite par vos collègues qui veulent parler. Je n'ai pas d'objection.

La Présidente (Mme Cuerrier): J'ai déjà donné la parole au député de Mont-Royal.

M. Ryan: II n'y a pas moyen de les contrôler.

M. Bédard: Vous n'êtes pas capable de les contrôler?

M. Ciaccia: Mme la Présidente...

M. Bédard: Le chef de l'Opposition n'est pas capable de les contrôler.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal.

M. Ryan: Problème de leadership.

M. Ciaccia: Mme la Présidente...

M. Bédard: Pourtant, il me semblait que...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Justice!

M. Ciaccia: Le ministre a demandé un argument juridique.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je vais tenter de lui en fournir un, mais je vais me référer au jugement en anglais, si vous me permettez, parce que c'est un peu plus facile pour moi de...

Une Voix: Malgré vous autres.

Une Voix: Vous n'avez pas d'argument juridique.

M. Ciaccia: Oui, j'en ai un, un argument juridique. Le jugement dit: "Dealing now with the question whether regulations issued under the authority of the acts of the Legislature of Québec, a regulation issued under a municipality is not a regulation issued under the authority of the Legislature. It is a regulation issued under the authority of the municipality. Only very indirectly — seulement indirectement — a new interpret, a regulation or a law of a municipality has been a regulation issued directly under the act of that municipality. When the judgment of the Supreme Court speaks of regulations issued under the authority of the acts of the Legislature, it means directly under the authority of the acts of the Legislature and directly would mean regulations of the Lieutenant Governor in Council. Otherwise, it would say directly or indirectly, or it would say under the authority of a municipality."

If the judgment of the Supreme Court of Canada had wanted to, had wished or had encompass municipalities, it would have stipulated not only under the authority of acts of the Legislature of Québec but it would have stipulated under authority of acts of a municipality and of a school commission. It specifically did not refer to municipalities, it did not refer to school commissions. It restricted its application — cela restreint son application — to the authority of acts of the Legislature.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement...

M. Ciaccia: At no time you cannot impute an intention. One of the rules of interpretation, even if you take the rules of interpretation of the Civil Code, if the Supreme Court had intented that this judgment would work to apply to a municipality or to a school commission, the Supreme Court would have specifically included in its judgment a reference to a municipality or a school commission.

I think that the judges of the Supreme Court — and it is the only way to interpret it — are sufficiently specific in the intention in which they expressed themselves and it is not up to the minister of Justice or to anyone else to impute an intention to a judgment.

(6 h 10)

La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement à l'article 3 est-il adopté?

M. Ciaccia: Bien oui, Mme la Présidente, mais je voudrais avoir la réponse du ministre de la Justice, lui demandant une opinion juridique. Le moins que je pourrais m'attendre c'est...

M. Lalonde: Le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre en a demandé une.

M. Bédard: J'ai pris note de l'argumentation du député. Je lui ai donné l'argumentation sur laquelle je m'appuyais, pas seulement moi comme ministre de la Justice, mais tous les légistes, tant du ministère des Affaires municipales, du ministère de la Justice et du comité de législation, pour donner l'interprétation, la véritable interprétation, que nous croyons être la véritable interprétation, sinon, nous ne légiférerions pas dans le sens que nous légiférons.

On ne légifère quand même pas pour le plaisir, on légifère, parce qu'il y a eu un jugement de la Cour suprême qui a les effets que nous croyons,

qui nous oblige à légiférer comme nous légiférons.

Je reconnais que le député a droit à ses opinions, je les respecte, mais l'argumentation qu'il nous a présentée — je le dis humblement — n'est pas de nature à ébranler l'opinion que j'ai émise tout à l'heure, à partir du jugement lui-même.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Etant donné que le gouvernement fédéral peut demander une opinion à la Cour suprême — oui, le gouvernement existe toujours, ne soyez pas inquiets, cela ne sera pas long qu'il va revivre à part cela- est-ce que le ministre de la Justice ou le gouvernement serait d'accord pour communiquer avec le ministre de la Justice fédéral afin de lui demander qu'il fasse une intervention auprès de la Cour suprême pour donner l'interprétation de cette partie du jugement.

M. Bédard: Je répondrai dans le sens d'une interrogation. Je me demande jusqu'à quel point on peut demander à la Cour suprême d'interpréter son propre jugement.

M. Fontaine: C'est possible.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement à l'article 3 est-il adopté?

M. Bédard: Vous dites que c'est possible, je me pose l'interrogation.

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Normalement, on est censé être capable de lire...

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Justice, est-ce que vous êtes prêt à adopter l'article 3?

M. Bédard: Sûrement. Le chef de l'Opposition est d'accord.

La Présidente (Mme Cuerrier): Article 3, adopté? Adopté.

M. Bédard: Enfin.

La Présidente (Mme Cuerrier): Article 3 tel qu'amendé, adopté.

M. Johnson: Tel qu'amendé?

La Présidente (Mme Cuerrier): Oui. Adopté.

Une Voix: Article 4.

La Présidente (Mme Cuerrier): Article 4.

M. Johnson: A l'article 4, deux amendements.

Ce sont des amendements de forme encore une fois. Le 13 décembre, à la troisième ligne du premier alinéa est remplacé par 14 décembre 1979.

La Présidente (Mme Cuerrier): Amendement adopté.

Des Voix: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté.

M. Johnson: Deuxièmement, à la ligne suivante, le numéro 442 est remplacé par le numéro 432.

La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté? Une Voix: ...

M. Johnson: Parce que c'est une erreur de copie.

M. Lalonde: Je voulais vérifier. Mme la Présidente, je voulais justement vérifier...

M. Johnson: Je n'ai pas d'opinion juridique au soutien de mon amendement, c'est une erreur de copie.

Une Voix: Ils sont fatigants.

M. Lalonde: Je voulais vérifier si c'était dans les chiffres qui sont mentionnés dans l'autre paragraphe. Or, c'est le chiffre suivant et de là ma question à savoir où est le dépôt. Est-ce qu'il a été fait en même temps que le premier dépôt auquel on a assisté solennellement tantôt?

M. Charron: Je crois pouvoir fournir l'information, parce que j'ai voulu respecter, je crois que cela a été fait, sous toutes réserves, au bureau du greffier, pendant que l'Assemblée était saisie du projet de loi ce soir. Je ne mettrais pas mon siège en jeu là-dessus.

M. Lalonde: Vous n'êtes pas au vôtre de toute façon!

M. Charron: Surtout que je ne suis pas au mien!

M. Lalonde: C'est parce que l'article parle d'un dépôt sur le bureau du secrétaire, comme celui...

M. Charron: Là, je mets mon siège en jeu!

La Présidente (Mme Cuerrier): Vous courez des risques, M. le leader!

M. Charron: On dit que tout a été déposé en bonne et due forme. C'est l'information que j'ai. Donc, ce qu'on m'avait dit entre les branches est confirmé et tout a été fait.

M. Lalonde: Sur le bureau du secrétaire.

M. Charron: C'est cela.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'amendement est-il adopté?

M. Lalonde: L'amendement est adopté sûrement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 4, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Lalonde: J'aimerais que nous ayons quelques explications. De quels documents s'agit-il?

La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Le texte anglais des Lois refondues de 1977 a été dactylographié directement à partir de l'ordinateur du service de jurimétrie chez l'Editeur officiel. C'est aride comme explication. Ce texte brut a été déposé en divers volumes comme document sessionnel 4432. Par cet article, on donne force de loi à ce texte à compter du 1er septembre 1979, date à laquelle on a proclamé en vigueur le texte français des Lois refondues. Comme ce texte ne sera pas disponible pour le public en général, on conserve toutefois en vigueur le texte anglais des lois remplacées par les Lois refondues jusqu'à ce que l'Editeur officiel ait publié une édition reliée et une édition sur feuilles mobiles de ce texte. Lorsque ces éditions seront disponibles, une proclamation abrogera le texte anglais des lois remplacées, comme on l'a déjà fait pour le texte français.

M. Lalonde: Adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 4 adopté tel qu'amendé.

M. Bédard: C'est l'explication limpide d'un texte compliqué.

M. Lalonde: C'est ainsi que je l'avais compris à la lecture. La seule chose, c'est que je n'avais pas eu connaissance de l'arrêté en conseil 2046-79, mais j'ai présumé que c'était celui qui avait abrogé les lois et fait entrer en vigueur le 1er septembre 1979 la nouvelle refonte.

M. Bédard: C'est exact.

La Présidente (Mme Cuerrier): Article 5 adopté?

M. Lalonde: Mme la Présidente, j'aurais une question à l'article 5. L'article 40 reste tel quel dans la Loi d'interprétation. Cet article 40 avait été justement amendé par la loi 101, je pense, dans son deuxième alinéa qui se lit comme suit: "Les lois doivent s'interpréter, en cas de doute, de manière à ne pas restreindre le statut du français." On n'a jamais trop compris ce que cela voulait dire.

M. Bédard: Essentiellement, je pense bien que ce n'est pas l'idée des membres de l'Opposition de faire en sorte de retourner à une situation qui serait même un recul par rapport à la loi 22. C'est pour cela qu'on a inséré cette disposition et je pense que cela va de soi.

M. Lalonde: Je n'ai pas eu le temps de continuer mon explication quand le ministre m'a interrompu. Si vous le permettez, je vais la terminer.

M. Bédard: D'accord.

M. Lalonde: Donc, on conserve l'article 40 tel quel et on propose ceci comme article 40.1 : "En cas de divergence entre les textes français et anglais, le texte français prévaut." Le ministre vient de référer à la loi 22, sauf qu'à la loi 22 on avait eu une certaine prudence et on avait dit ceci à l'article 2: "En cas de divergence que les règles ordinaires d'interprétation ne permettent pas de résoudre convenablement, le texte français des lois du Québec prévaut sur le texte anglais." La raison était bien naturelle, à savoir que la délibération se fait très majoritairement en français et, donc, que le texte français a plus de chances de refléter l'intention du législateur, au cas de doute.

M. Bédard: C'est exact.

M. Lalonde: Maintenant, pourquoi pas cette précaution de référence aux règles ordinaires?

M. Johnson: Parce que, en pratique, les règles ordinaires prévoient qu'on ne peut pas faire affaire avec un texte législatif sans, à un moment donné, être capable de l'interpréter. Les principes mêmes d'interprétation nous disent qu'on peut toujours interpréter un texte de loi, c'est-à-dire qu'on présume que le législateur en général est cohérent et non seulement en général, mais qu'il est toujours cohérent, ce qu'on ne peut pas nécessairement présumer de tout le monde ou de toutes les institutions, mais on présume cela. (6 h 20)

Or, en disant dans la loi 22, comme c'était le cas, qu'à partir du moment où les règles d'interprétation normales ne nous permettent pas de trouver une solution, là, le texte français va prédominer. Mais en pratique, "le texte français va prédominer" devient totalement inopérant comme notion, parce que la première notion réfère à cette notion générale du droit d'interprétation qui dit qu'il faut toujours trouver une interprétation à un texte de loi.

Or, ce qu'on vient dire, ici, clairement, c'est que s'il y a une contradiction entre le texte français et le texte anglais, c'est le texte français qui prévaut au niveau de l'interprétation, ce qui a l'avantage d'être plus clair, ce qui a l'avantage d'être le gros bon sens au Québec et qui est probablement ce que va, sans doute, adopter le Manitoba. Enfin, je ne sais pas si ces gens vont le faire, mais cela ne m'étonnerait pas que le Manitoba l'adopte, mais en sens inverse.

M. Lalonde: Le texte français ou le texte anglais.

M. Johnson: Sûrement pas le texte français.

M. Bédard: C'est-à-dire, comme les débats sont en français, on légifère en français.

M. Lalonde: Je remercie le ministre de ses explications.

M. Bédard: C'est sûrement dans cette langue qu'on a le plus de chance d'être conforme à l'intention du législateur. J'imagine que le Manitoba, s'il a à légiférer, dans le cas de divergences, prévoira que ce sera naturellement le texte anglais qui prévaudra.

M. Lalonde: On va leur laisser régler leurs propres problèmes.

M. Bédard: Oui, on a assez des nôtres.

La Présidente (M. Cuerrier): L'article 5 sera-t-il adopté?

M. Lalonde: Je remercie le ministre du Travail de ses explications, je pense bien qu'on n'a pas besoin de se soumettre à une délibération plus avancée, je les accepte telles quelles. Nous pouvons adopter l'article 5, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 5 est adopté.

M. Johnson: L'article 6, Mme la Présidente? La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté. M. Lalonde: ...

M. Bédard: L'article 6 vise un problème pratique. En effet, puisque la présente loi vise à remplacer des lois ou des règlements existants, en vertu desquels des poursuites pénales ont pu être prises et des condamnations prononcées, il convient, à cause de la Charte des droits et libertés de la personne, de consolider ces situations malgré l'effet rétroactif possible des lois et des règlements qui ont pour effet d'effectuer un remplacement. Autrement dit, il y a eu...

M. Lalonde: Avouez que c'est un caractère rétroactif très artificiel. Au fond, l'intention du législateur, c'était qu'il y ait une loi.

M. Bédard: C'est qu'en fonction des lois qui ont été passées ou des règlements, il y a eu, naturellement, des condamnations qui ont pu être faites à l'endroit de certaines personnes, des peines ont pu être subies par certaines personnes; pour éviter que ces mêmes personnes puissent revenir avec des réclamations contre le gouvernement, sous prétexte que les lois étaient illégales, il faut naturellement prévoir insérer cette disposition pour qu'un tel recours ne soit pas possible, puisque, effectivement, ces condamnations ont été faites en vertu de lois légales, à partir du moment où on adopte le présent projet de loi.

M. Lalonde: Alors, l'article 6 est adopté.

La Présidente (Mme Cuerrier): Article 6 adopté. Article 7, adopté.

M. Lalonde: Adopté.

M. Bédard: Le projet de loi est adopté.

M. Johnson: Le projet de loi est adopté, tel qu'amendé?

La Présidente (Mme Cuerrier): Le projet de loi est adopté, tel qu'amendé. M. le Président, j'ai l'honneur de vous faire rapport que la commission plénière a étudié le projet de loi no 82 et qu'elle l'a adopté avec les amendements.

Le Président: Comme il me serait difficile d'appeler à ce moment-ci les affaires courantes et de parler d'affaires courantes, je vais demander si le rapport est adopté avec ses amendements.

M. Lalonde: Adopté.

Le Président: Adopté? Et je vais maintenant demander si la motion de troisième lecture sera adoptée.

M. le chef de l'Opposition officielle.

Troisième lecture M. Claude Ryan

M. Ryan: Je n'ai pas l'intention d'intervenir, pour être franc avec vous. Je veux seulement faire deux remarques très brèves pour que ce soit bien clair qu'on s'est compris là-dessus et que ce que nous avons voulu dire a été bien entendu de l'autre côté.

D'abord, nous approuvons, par ce projet de loi — je ne sais pas combien — peut-être 250 versions anglaises que nous n'avons pas eu le temps de lire, évidemment. Il y a une grande imprudence là-dedans. Nous sommes forcés par les circonstances, mais je tiens à enregistrer un certain malaise que je vais éprouver avant de voter pour en troisième lecture. Je tiens à le dire bien clairement. J'espère que ces lois pourront faire l'objet, dans leur version anglaise, de vérifications de la par des experts du gouvernement, de manière que si des amendements tout à fait majeurs s'imposaient, pour éviter des difficultés devant les tribunaux, ils nous soient présentés et qu'on puisse les adopter dans le même esprit de collaboration que nous avons manifesté aujourd'hui.

Ma deuxième remarque est aussi brève, M. le Président. Je voudrais que le gouvernement tienne compte des opinions que nous lui avons données au stade de l'étude article par article et qu'au moins, au cours des jours qui suivront l'adoption

de cette loi, il fasse montre d'une certaine retenue, de manière que si nous avons des opinions à lui communiquer, elles puissent peut-être avoir la moindre chance de l'aider dans son travail.

Le Président: M. le ministre d'Etat au Développement culturel.

M. Camille Laurin

M. Laurin: M. le Président, le chef de l'Opposition est d'un naturel très méfiant — je viens de découvrir cela ce soir — mais je pense que le gouvernement peut le rassurer que toutes les précautions seront prises pour que les dangers éventuels qu'il nous signale seront évités. Quant aux avis qu'il pourrait nous faire parvenir, à l'appui des positions qu'il a failli poser sous forme de motion autour de l'article 3, évidemment, nous serons toujours heureux de les accueillir.

Le Président: Merci. Je demande maintenant si cette motion de troisième lecture sera adoptée.

Des Voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Motion de premières lectures

M. Charron: M. le Président, puisque nous devrons revenir à la normale un jour, et conformément à l'engagement que j'ai pris au milieu de l'après-midi, ici, à l'Assemblée, afin d'obtenir que chacun consente à poursuivre les travaux "comme si de rien n'était", tout en sachant l'importance de ce que nous avions à discuter ce soir, je voudrais présenter très brièvement trois motions rapides.

Que le texte français et le texte anglais de chacun des projets de loi suivants soit lu la première fois: Les projets de loi numéros 3, 47, 52, 59, 65, 66, 68, 70, 73, 75, 78, et là, on passe aux projets de loi privés qui sont au feuilleton, numéros 189, 190, 191, 192, 193, 195, 198, 199, 200, 204, 209, 213, 216, 217, 218, 219, 230, 233, 236, 238, 241, 244, 267, 279, et 280.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le Président. Il y a des questions qui se posent. Si je comprends bien, il s'agit simplement des motions de première lecture.

M. Charron: Quf sont au feuilleton.

M. Levesque (Bonaventure): Qui sont au feuilleton.

M. Charron: Mais qui ont été faites en français seulement.

M. Levesque (Bonaventure): Cela inclut même le projet de loi no 3.

M. Charron: Oui. Je l'ai nommé.

M. Levesque (Bonaventure): Je comprends. (6 h 30)

Motion de premières et deuxièmes lectures

M. Charron: II y en a même qui ont déjà deux lectures de faites. Ma deuxième motion, c'est que le texte français et le texte anglais de chacun des projets de loi que je vais maintenant énumérer soient lus une première et une deuxième fois, autrement dit, pour les remettre à l'étape où ils étaient: Les projets de loi 17, 28, 41, 43, 51, 54, 55, 57, 60, 61, 71, 72 — c'était celui de cet après-midi — 74 et 77.

M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le Président. Il ne faudrait pas que le leader parlementaire du gouvernement pense qu'on va changer notre vote en deuxième lecture sur certains de ces projets de loi. On nous demande de voter en faveur de l'adoption de ces projets de loi alors que je suis sûr que, dans certains cas, nous avons enregistré un vote négatif.

M. Charron: D'accord.

M. Levesque (Bonaventure): II faudrait tenir compte de cela, M. le secrétaire général, M. le Président.

Le Président: Adopté suivant les mêmes votes pour chacune des lois qui ont été enregistrés.

M. Charron: Cela aurait peut-être été une bonne occasion de corriger un vote, mais je n'insisterai pas davantage. Nos amis sont contre la santé et la sécurité, sont contre les garderies, sont contre la fiscalité municipale.

M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, M. le Président.

M. Charron: OK. Troisième motion...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je pense que le leader parlementaire du gouvernement fait preuve d'une certaine imprudence, surtout à ce moment-ci de la nuit. Je le prierais de se restreindre et de laisser à la population le soin d'interpréter d'une façon plus objective les prises de position sérieuses et responsables de l'Opposition officielle.

M. Charron: Une dernière motion, M. le Président, qui nous permettra de poursuivre les travaux que j'annoncerai à l'instant, pour la journée. Que les ordres de cette Assemblée, relativement à chacun des projets de loi dont elle ou l'une de ses commissions est présentement saisie, soient confirmés et leur exécution, le cas échéant, poursuivie. Autrement dit, c'est la motion pour replacer toutes les lois là où elles étaient en commission, ici ou ailleurs.

M. Levesque (Bonaventure): Pensez-vous, M. le Président, que nos droits sont bien protégés? A

ce moment-ci de la journée, je me fie beaucoup à la présidence.

Le Président: Adopté.

M. Charron: M. le Président, dans un instant je vais vous proposer de nous envoyer tous chacun chez nous, mais avec un rendez vous, toutefois, que nous reprenions nos travaux à 15 heures, cet après-midi. La période des questions sera suivie par la discussion des projets de loi suivants: le projet de loi au nom de mon collègue, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, sur la Régie sur la sécurité dans les sports, je ne me souviens plus du numéro, 78, je crois. En deuxième lieu, le projet de loi au nom du ministre de la Justice, Loi de la police, et, en troisième lieu, le projet de loi au nom du ministre de la Justice, aussi, sur les constituts et les tenures. J'apprendrai probablement demain, M. le Président, ce que ça veut dire.

Pendant ce temps, demain, aussi, après la période des questions, deux commissions se réuniront jusqu'à minuit, celle déjà mandatée sur le projet de loi no 17 et celle déjà mandatée sur le projet de loi no 57. Je propose l'ajournement...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Puis-je faire une requête double à l'honorable leader parlementaire du gouvernement? Y aurait-il moyen, premièrement, d'intervertir l'ordre des projets de loi et commencer par les projets de loi au nom du ministre de la Justice? Cela accommoderait, je pense bien, le ministre de la Justice, qui pourrait se libérer plus rapidement. Quant à nous, nous avons un collègue qui doit quitter demain après-midi, et ce serait peut-être plus court, à ce moment-là. J'offre notre meilleure collaboration au ministre de la Justice. Ce serait plus court de cette façon pour le ministre de la Justice.

M. Charron: M. le Président, j'ai déjà pris un engagement à cet égard, je m'en tiens au programme tel qu'il était aujourd'hui, avant que n'arrive cette urgence. Je les appelle dans le même ordre où j'ai toujours avisé l'Opposition que c'était l'ordre dans lequel ils viendraient.

D'autre part, j'ai été le premier ce soir, à donner congé au ministre du Loisir de la Chasse et de la Pêche en lui disant qu'il serait le premier au bâton et le ministre de la Justice à qui je voudrais bien accorder le temps à la fois de se reposer et de vaquer à son ministère, je lui ai donné congé jusqu'à la fin de l'après-midi, demain, ou au début de la soirée. Donc, je m'en tiens à ce menu, M. le Président, tel que je l'avais annoncé à l'Opposition.

M. Brochu: M. le Président.

M. Levesque (Bonaventure): Alors, M. le Président, comme deuxième volet, est-ce qu'il est possible, vu que le leader parlementaire du gouvernement veut s'en tenir à ce qu'il nous avait annoncé, puis-je lui rappeler qu'il avait parlé de quatorze heures et non de quinze heures? Alors, s'il veut s'en tenir à ce qu'il nous avait proposé, puis-je lui suggérer que nous nous retrouvions ici à quatorze heures au lieu de quinze heures?

M. Charron: Cela ne vous tente pas de dormir une heure de plus, franchement? Non?

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union Nationale.

M. Brochu: Une dernière question double, pour l'organisation de nos travaux. Est-ce que le leader peut nous dire si c'est son intention d'appeler les commissions parlementaires à siéger samedi? Deuxièmement, est-ce que lundi, il a l'intention de convoquer ou les commissions parlementaires ou l'Assemblée nationale? Est-ce qu'il peut nous l'indiquer maintenant?

M. Charron: M. le Président, je confirmerai demain seulement le menu de lundi sauf que, je pense, je peux déjà assurer tout le monde, si c'est une façon d'assurer le monde, que la Chambre va se réunir lundi. J'aurais bien voulu réaliser le tour de force de finir une session sans même revendiquer un seul lundi mais je crois que la dernière semaine, cela fait partie, c'est le moins qu'on puisse dire, du normal des choses. Quant à des convocations de commissions parlementaires pour lundi matin, j'essaierai de faire mon possible pour l'éviter, dans un grand esprit de collaboration.

M. Brochu: A quatorze heures ou quinze heures?

M. Charron: Quinze heures.

Le Président: Est-ce que la motion d'ajournement...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, avant de ce faire, je voudrais faire remarquer à l'honorable leader parlementaire du gouvernement qu'il n'a pas jugé à propos de tenir compte de la deuxième suggestion que je lui faisais. Ceci, simplement, pour bien inscrire cette partie de la collaboration du gouvernement.

M. Charron: Quatorze heures trente, M. le Président.

M. Levesque (Bonaventure): Très bien.

Le Président: Est-ce que la motion sera adoptée?

Des Voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Maintenant, je dois vous rappeler qu'il y a sanction du projet de loi numéro 82 immédiatement chez le lieutenant-gouverneur.

Fin de la séance à 6 h 38

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