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(Quatorze heures huit minutes)
Le Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes. Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents.
DÉPÔT DE DOCUMENTS
Avis de la Commission de la fonction publique au
Conseil du trésor
Conformément au paragraphe b) de l'article 30 de la Loi sur la
fonction publique, je dépose les avis de la Commission de la fonction
publique au Conseil du trésor, concernant les règlements suivants
qui sont énumérés ici à la liste que je
dépose.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
Rapport de l'Office franco-québécois
pour la jeunesse
M. Charron: M. le Président, à titre de
coprésident de l'Office franco-québécois pour la jeunesse,
je voudrais déposer le rapport annuel de cet organisme pour 1978.
Le Président: Document déposé. Merci. Mme la
ministre d'Etat à la Condition féminine.
Bilan gouvernemental en matière de condition
féminine
Mme Payette: M. le Président, je voudrais déposer
un bilan des actions gouvernementales en matière de condition
féminine pour 1979-1980.
Le Président: Merci. Document déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des députés.
Questions orales des députés.
M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que je
puis demander au leader parlementaire du gouvernement s'il attend les ministres
pour lesquels nous avons quelques questions, entre autres le ministre de la
Justice et le ministre des Affaires sociales?
M. Charron: Oui, M. le Président, je pense que nous sommes
affectés d'une manière moindre que l'Opposition, mais nous sommes
quand même affectés par un absentéisme passager; tous mes
collègues devraient être ici cet après-midi.
M. Levesque (Bonaventure): Nous allons peut-être
procéder d'une façon inverse.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Application de la Convention de la Baie James
M. Ciaccia: M. le Président, ma question s'adresse au
premier ministre. Après des années de soupçons et
même de confrontations entre le gouvernement du Québec et les
autochtones, nous avons pu réussir, finalement, à établir
de nouvelles relations harmonieuses par la conclusion de la Convention de la
Baie James et du Nord québécois. Ces relations semblent
s'être détériorées à un tel point que les
Cris ont pris des procédures devant les tribunaux contre le
gouvernement.
Le 4 mars, les autochtones ont envoyé un long
télégramme au premier ministre alléguant que le
gouvernement du Québec ne respecte pas plusieurs dispositions de la
convention, entre autres, la question de l'électrification des
communautés, la construction de routes d'accès, les programmes de
développement économique. Si ces plaintes sont fondées, M.
le Président, la situation est très grave. Même si, par
hypothèse, elles ne l'étaient pas, le fait qu'il y ait une telle
détérioration dans les relations entre le Québec et les
autochtones exige un redressement immédiat.
Ma première question au premier ministre est celle-ci: Qu'est-ce
que le premier ministre entend faire pour correspondre aux obligations du
Québec dans ces domaines et restaurer le climat de confiance avec les
autochtones?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, en effet,
M. Billy Diamond, le grand chef des Cris, et M. Watt, président de
l'association qui représente officiellement la majorité des
Inuit, ont envoyé un long télégramme quelque peu
surprenant. On va essayer d'examiner cela. J'ai seulement eu le temps de le
parcourir convenablement et d'avoir quelques premiers éléments de
mise au point, par exemple je prends seulement un ou deux points
l'électrification. C'est vrai qu'il y a un certain retard. Seulement,
c'est vrai aussi que ce retard est dû à des années et des
années, enfin, à des générations d'administration
fédérale ce n'est pas dans le débat
référendaire, mais c'est un fait et qu'une entente
si j'ai bonne mémoire
signée autour de 1974 ou 1975 prévoyait je pense
que le député de Mont-Royal doit s'en souvenir, il était
là à l'époque qu'Hydro-Québec se
substituerait et ferait le travail qui n'a pas été fait pendant
des générations de moderniser et de garder à jour
l'approvisionnement électrique, et impliquait aussi
qu'Hydro-Québec ait une certaine compensation pour assumer des charges
qui lui seront passées éventuellement par l'Etat
fédéral. On espère finalement en arriver je peux le
dire en ce moment, seulement, il y a eu les changements de gouvernement qu'on
connaît à définir une entente de compensation un peu
convenable, peut-être au cours des prochains jours peut-être
que cela va aider d'ailleurs de façon qu'on puisse mettre Hydro
en chantier et moderniser cet approvisionnement qui est évidemment
déficient.
D'autre part, je soulignerais je pense que tout le monde peut en
être conscient et, au besoin, cela pourrait même être plus
qu'éloquent, presque dramatique qu'on a à peu près
doublé, en dehors des chiffres prévus par l'entente, les budgets
qui étaient consacrés au Grand-Nord québécois par
l'administration fédérale depuis deux ou trois ans et c'est
déjà énorme comme progression.
Maintenant, je lui ai dit que c'est surprenant comme
télégramme. J'ai besoin d'étudier un peu les implications
et de voir si, bientôt, le temps permettra la rencontre avec les deux
messieurs, Watt et Diamond, qu'il propose. C'est surprenant pour la raison
suivante. Pas plus loin que le 28 novembre, à la fin de l'année
dernière, je lisais ceci qui venait directement de la source,
c'est-à-dire des Cris, en particulier de M. Diamond: Le président
du Grand conseil c'était le 28 novembre des Cris, le
même M. Billy Diamond, a affirmé au Soleil hier que les 10 000
membres de cette nation indienne qui habitent le Nord-Ouest
québécois sont très heureux de leur sort présent.
La signature de l'entente c'était sa déclaration de la fin
de novembre en 1975 a valu aux Cris un montant total de $150 millions en
échange de l'abandon de droits de propriété sur le
territoire couvert par le projet hydroélectrique de la Baie James. Joint
par téléphone à ses bureaux de Val-d'Or, M. Diamond a dit
toujours le 28 novembre, enfin le 27 que les clauses de l'entente
s'appliquaient normalement à sa pleine satisfaction.
C'était aussi clair et aussi catégorique que cela. Alors,
si on se demande ce qui s'est passé depuis le 28 novembre, la seule
chose qui est, pour l'instant, sub judice, comme on le sait, c'est qu'il n'y a
pas eu accord entre le gouvernement et la société qui
représente les Cris en ce qui concerne une forme de desserte
aérienne du Grand-Nord qui aurait passé le contrôle de
cette desserte aérienne essentiellement à une compagnie de
l'Ontario, Austin Airways. Là-dessus, c'est évident, il n'y a pas
eu d'accord et, de fil en aiguille, tout cela a amené à une
dénonciation virulente de M. Diamond et forcément je pense
que tout le monde le sait, en tout cas, sûrement, le député
de Mont-Royal à une action qui a été inscrite
devant un tribunal. Donc, ce sera au tribunal de décider du
bien-fondé de leur position.
Mais c'est le seul événement qu'on puisse voir et qui
explique peut-être beaucoup de mauvaise humeur temporaire, mais qui est
la seule façon dont je puisse expliquer, pour le moment tant
qu'il n'y aura pas eu de rencontre la contradiction entre le 28
novembre, où cela s'appliquait à leur pleine satisfaction, et
aujourd'hui, où on trouve en trois ou quatre pages de
télégramme le moyen quasiment de dire que rien ne va plus.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je crois que cela n'explique
pas la situation et ne donne pas les éclaircissements voulus quand on
dit seulement que les budgets ont été doublés dans le
Grand-Nord, parce que cela ne veut pas nécessairement dire qu'ils ont
été doublés pour les autochtones. Quand vous dites que les
Cris ont des griefs quant à la question du transport aérien, cela
n'explique pas non plus les télégrammes qui vous ont
été envoyés par les Inuit, qui n'ont rien à voir
avec cette compagnie de transport, mais qui se plaignent aussi d'autres aspects
de l'entente que le gouvernement ne respecte pas.
Je voudrais demander au premier ministre, M. le Président,
pourquoi son gouvernement n'a pas appuyé les Cris dans leur effort de
fournir un service aérien aux communautés cries et d'acheter avec
d'autres Québécois 70% de Québec Aviation Ltée. Ce
n'était pas une question de donner le contrôle à une
compagnie ontarienne. Le service se faisait au Québec et en Ontario.
C'était 70% qui devaient être retenus par des résidents du
Québec. Pouvez-vous expliquer pourquoi, dans votre arrêté
en conseil du 28 novembre 1979 qui a empêché les Cris de faire cet
achat, vous parlez de l'acquisition par des Québécois avec la
participation éventuelle des Cris, traitant encore une fois je
m'y oppose un autre groupe de notre société comme
n'étant pas québécois? Vous faites la distinction entre
les Québécois et d'autres groupes comme les Cris.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais
laisser de côté la sournoiserie habituelle du député
de Mont-Royal qui essaie toujours de trouver des moyens de donner des
leçons de démocratie aux autres, ce qui ne correspond pas tout
à fait à sa façon de déformer les choses
régulièrement. Quel que soit le libellé de
l'arrêté en conseil, ce qu'il signifiait, c'était qu'une
entreprise basée au Québec, ancrée au Québec
dans ce sens, c'est le mot québécois devrait être la
tête de pont de la desserte du Nord québécois. Ce Nord
québécois, il est au Québec et on ne voit pas de raison
qu'au point de vue aérien comme à d'autres points de vue il soit
peu à peu grugé et annexé par d'autres, dans ce domaine
comme dans les autres.
Pour ce qui est des tenants et des aboutissants, autant qu'on peut les
donner en respectant le sub judice c'est devant le tribunal je
vais passer la parole dans un instant, en ce qui
concerne cette question spécifique, si le député de
Mont-Royal le veut bien, à mon collègue, le ministre des
Transports de qui relève ce domaine dans son ensemble. Mais je
soulignerais de nouveau que la deuxième question du député
de Mont-Royal, à travers tout son développement, confirme ce que
j'ai dit: Entre le mois de novembre où tout le monde se disait, à
commencer par M. Diamond, pleinement satisfait et, avec les efforts
qu'on a faits, je crois qu'il était justifié de le dire et
maintenant, la seule chose qu'on puisse voir qui se soit passée et qui
puisse être sous-jacente à ce télégramme
diversifié, c'est ce cas spécifique de la desserte
aérienne. (14 h 20)
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. de Belleval: M. le Président, juste pour reprendre
aussi la remarque du député de Mont-Royal sur le libellé
de l'arrêté en conseil, je lui ferai remarquer, s'il ne l'a pas
remarqué lui-même, que dans un attendu précédent on
parle des Cris et d'autres Québécois; ce qui démontre bien
qu'on considère les Cris comme des Québécois.
Maintenant, pour en revenir au fond de la question, le
député de Mont-Royal sait très bien que, depuis plusieurs
mois, mon prédécesseur au ministère des Transports avait
commencé une opération avec plusieurs entreprises
québécoises régionales de transport aérien dans
l'Abitibi-Té-miscamingue, une opération qui visait à
unifier entre elles ces entreprises de façon à asseoir dans le
Nord-Ouest une présence d'une compagnie aérienne privée
forte. C'est-à-dire une entreprise avec un capital important et aussi
des moyens techniques importants plutôt qu'une multitude de petites
entreprises se faisant concurrence et n'étant pas en mesure, d'abord,
d'assurer leur propre survie et, ensuite, un service compétent, un
service correct, pour, d'abord, bien sûr, les communautés de la
Baie James, de l'Ungava, du Nouveau-Québec, mais aussi pour les
communautés de l'Abitibi-Témiscamingue, en particulier les
régions de Rouyn-Noranda et de Val-d'Or.
Ce regroupement d'entreprises devait s'effectuer avec la participation
très large des Cris. Or, qu'est-ce qu'on retrouve? Au moment où
le gouvernement québécois, avec ses entrepreneurs privés,
les corps intermédiaires de la région, effectue ce regroupement,
cette rationalisation, le gouvernement fédéral, 40 heures avant
le vote aux dernières élections fédérales, par son
ministre des Transports du temps, M. Mazankowski, décide
unilatéralement, au-dessus de la Commission canadienne des transports
dont il renverse une décision, d'enlever les permis à une
compagnie québécoise, Québec Aviation ou Air
Brazeau, si vous voulez et de les donner à une autre compagnie
qu'il crée, à toutes fins pratiques, de toutes pièces dans
son décret, de donner ces permis à une autre entreprise nouvelle,
cette fois composée des Cris, bien sûr comme d'ailleurs
devait l'être la nouvelle compagnie québécoise
réunissant les petits transporteurs dont je parlais tantôt
mais en plus, cette fois, à un transporteur ontarien qui est Austin
Airways, dont on sait très bien que depuis des dizaines d'années
il domine littéralement le trafic aérien dans le Nord-Ouest
québécois et qui, à partir de cette domination,
évidemment, monopolise un tas de retombées économiques
importantes en termes d'emplois, pilotes, personnel d'entretien, bases
d'entretien, etc., situés en Ontario.
Alors, je comprends mal qu'un ministre fédéral
c'est sans précédent à notre avis puisse prendre
une telle décision et il faut que cette décision soit
renversée. Mais notre position là-dedans n'est pas contre les
Cris, au contraire, nous sommes tout à fait disposés à
réunir ces entrepreneurs québécois, avec la participation
des Cris, mais à condition que ça se fasse au nom des
intérêts du Québec et avec des partenaires
québécois et non pas avec un partenaire ontarien qui, par suite
d'un lobby personnel ou autrement, réussit comme ça, à
peine deux jours avant les élections fédérales, à
prendre une telle décision qui est sans précédent.
Quand on sait combien le gouvernement fédéral s'est
traîné les pieds... Je termine là-dessus, M. le
Président. Je pense que c'est important qu'on voie...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît. M. le
ministre des Transports, puis-je vous demander de tirer les conclusions, s'il
vous plaît?
M. de Belleval: Je comprends nos amis d'en face de ne pas vouloir
me laisser terminer ma réponse, parce que ça leur fait mal dans
leur démonstration. Je termine là-dessus, M. le Président.
Cette décision, à peine 48 heures avant une élection
fédérale, sur ce dossier qui avantage une compagnie ontarienne,
contraste étrangement avec la lenteur que ce même gouvernement
fédéral, pendant des mois, a prise pour régler le dossier
de la fusion Québecair-Nordair.
M. Ciaccia: M. le Président, un instant. Le
Président: M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Est-ce que le ministre peut nous confirmer que la
décision du gouvernement fédéral a été
prise, suite à un appel par les Cris, après que
l'arrêté en conseil a empêché les Cris d'acheter Air
Brazeau? Parce que cet arrêté en conseil les a
empêchés de l'acheter et le permis à été
donné à Air Brazeau, les Cris ont fait appel au gouvernement
fédéral, conformément à la loi, et la
décision du ministre fédéral a été qu'il y
avait compatibilité avec la proposition des Cris d'acheter Air Brazeau
et de l'acheter avec d'autres Québécois.
Ne faussez pas le débat, il ne s'agit pas de l'acheter avec des
Non-Québécois, c'est une entreprise québécoise et
le ministre fédéral a dit qu'il y a une compatibilité
entre cette proposition des Cris et l'entente de la Baie James. Pour cette
raison, parce que vous avez empêché qu'ils achètent Air
Brazeau, il a renversé cette décision et il l'a redonné
aux Cris, conformément à l'entente.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. de Belleval: M. le Président, le député
de Mont-Royal, conformément à son habitude, ne présente
qu'une partie des faits, celle qui fait l'affaire de sa démonstration,
mais non pas l'ensemble des faits. Voici quel est l'ensemble des faits. M. le
député de Saint-Laurent, qui êtes expert en tout,
pourriez-vous me laisser terminer le dialogue avec le député de
Mont-Royal, qui en connaît malgré tout un peu plus que vous dans
ce domaine?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. de Belleval: Calmement, on va expliquer l'ensemble des faits
et non pas juste une partie des faits. Les Cris étaient disposés
à acheter Air Brazeau, mais pas simplement exploiter la nouvelle
entreprise avec Air Brazeau, puisque Air Brazeau ou Québec Aviation se
retire complètement de l'activité aérienne dans le
Nord-Ouest. Son partenaire était surtout encore une fois Austin Airways
et c'est ce contre quoi le gouvernement du Québec en a,
c'est-à-dire que les Cris s'associent non pas avec d'autres
transporteurs aériens québécois, mais d'abord et avant
tout avec Austin Airways, de façon à maintenir le monopole
ontarien sur le transport aérien québécois dans le
Nord-Ouest. C'est ça le fondement de notre décision et c'est
ça le fondement de notre opposition. Ce n'est pas contre les Cris. On
est d'accord à fournir aux Cris une large participation dans ce
regroupement de transporteurs québécois, mais nous disons aux
Cris: Vous dites que vous êtes des Québécois à part
entière, on vous considère nous aussi comme des
Québécois à part entière. Dans ce cas-là,
montrez votre bonne foi, associez-vous avec des compagnies
québécoises plutôt qu'avec des compagnies ontariennes.
C'est ça notre position, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
Les relations entre la Sûreté du
Québec et les bandes indiennes
M. Forget: Ma question s'adresse au ministre de la Justice. Elle
vise à déterminer la capacité du gouvernement actuel
à respecter les principes généralement reconnus dans les
pays civilisés relatifs à l'administration de la justice. Aussi
récemment que le 23 janvier dernier, le juge en chef de la Cour
supérieure du Québec, le juge Jules Deschênes,
traçait un parallèle très frappant et qui n'est pas du
tout à l'avantage du Québec et surtout du gouvernement actuel du
Québec quant à l'attitude que ce gouvernement a adoptée
lorsque des tribunaux sont intervenus pour déclarer simplement ce
qu'était le droit. Je pourrai donner des détails là-dessus
si le ministre de la Justice le demande.
Récemment le Barreau du Québec a cru nécessaire
d'intervenir auprès de ses membres à cause d'une pratique
répétée de l'administration gouvernementale du
Québec de passer par-dessus la tête des avocats qui
représentent des citoyens dans leurs relations avec l'administration
publique québécoise, afin de leur rappeler qu'ils ont le droit
d'être les interprètes et les porte-parole de leurs clients
auprès de cette administration publique lorsqu'ils interviennent dans un
dossier, ce que l'administration semble vouloir ignorer
systématiquement.
Enfin, et ce qui est plus caractéristique de l'attitude du
gouvernement actuel, on se souvient d'un incident qui a résulté
dans la mort d'un Amérindien l'automne dernier, dans la réserve
Caugh-nawaga, près de Montréal, et qui mettait en présence
cet Amérindien et deux agents de la Sûreté du
Québec, Robert Lessard et Gervais Ouellet. Cet incident a
résulté dans la mort de l'Amérindien, on s'en souvient. Le
ministre de la Justice s'était engagé, ici même à
l'Assemblée nationale, à ce que ces deux agents de la
Sûreté du Québec seraient désormais confinés,
en attendant le résultat de l'enquête du coroner, ainsi de suite,
à des activités de bureau, autrement dit qu'ils n'agiraient plus
comme agents de la paix auprès des citoyens. (14 h 30)
Or, le 14 décembre dernier, on apprenait qu'ils
procédaient à l'arrestation d'un autre citoyen, ce qui a aussi
donné lieu à des accusations et à des contre-accusations
de violence excessive utilisée, encore une fois, semble-t-il, par ces
policiers. Comment se fait-il que la parole du ministre de la Justice n'ait pas
été suivie d'effets à cette occasion?
Subséquemment, dans la même cause, le coroner, le 3 janvier
dernier, a trouvé que la conduite de l'agent Robert Lessard était
telle, dans ces circonstances datant du mois d'octobre, qu'il fallait le tenir
criminellement responsable et l'envoyer à son procès. Or,
quelques jours plus tard, le directeur de la Sûreté du
Québec...
M. Charron: M. le Président, je crois que le
député de Saint-Laurent a déjà posé sa
question. Il a demandé, je crois, comment il se fait. C'est à ce
moment-ci que le député de Chicoutimi doit répondre. S'il
a une question supplémentaire, il reviendra par la suite.
M. Forget: J'arrive à ma question, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Quelques jours plus tard, le directeur de la
Sûreté du Québec a jugé bon de faire une
conférence de presse pour dire que, tant que le jugement criminel final
n'était pas rendu dans cette cause, il considérait cet agent
comme innocent, ce qui, on le présume, veut dire qu'il continue à
exercer ses fonctions d'agent de la paix.
Est-ce que le ministre de la Justice pourrait éclaircir les
circonstances qui entourent ce cas et, en particulier, le fait que la parole
qu'il avait donnée à l'Assemblée nationale n'a pas
été suivie d'effets?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, l'agent Lessard auquel
se réfère le député de Saint-Laurent attend, comme
on le sait, son procès pour homicide involontaire. Au moment où
on se parle, il est affecté à du travail de bureau.
Je ne pense pas qu'on puisse faire reproche au directeur de la
Sûreté du Québec de le considérer puisque
c'est cela, notre droit et la présomption d'innocence innocent
jusqu'à ce qu'un tribunal en ait décidé autrement.
Effectivement, avant les Fêtes, j'avais évoqué que l'agent
Lessard devait immédiatement être confiné à du
travail de bureau. Cela rejoignait également l'opinion et la
décision du directeur de la Sûreté du Québec. Or,
tel que le député de Saint-Laurent l'a dit, on a pu constater que
l'agent Lessard avait exercé un travail de patrouille et que, à
cette occasion il avait eu un contact avec des citoyens.
Le député de Saint-Laurent est peut-être un peu trop
vite dans ses conclusions sur la manière avec laquelle ledit agent s'est
conduit à cette occasion. Je pense que, s'il y a, à un moment
donné, quelque chose de répréhensible, vous savez qu'il y
a toujours la possibilité pour n'importe quel citoyen de s'adresser
à la Commission de police, de porter une plainte en bonne et due forme
de manière que la conduite de l'agent en question soit traitée
concernant ce deuxième aspect auquel a référé le
député de Saint-Laurent.
J'ai été informé effectivement par le directeur de
la Sûreté du Québec qu'il m'avait induit en erreur, parce
que lui-même avait été induit en erreur par un de ceux qui
sont sous sa responsabilité qui, effectivement, n'avait pas donné
des ordres allant dans le sens des propos que j'avais exprimés ici
à l'Assemblée nationale; quoiqu'au moment où j'ai
exprimé ces propos à l'Assemblée nationale, effectivement,
l'agent Lessard était confiné à du travail de bureau et ce
n'est que plus tard qu'un subordonné a donné des ordres dans le
sens contraire.
Le directeur de la Sûreté du Québec doit prendre les
mesures disciplinaires qui s'imposent vis-à-vis de cet autre
supérieur qui n'a pas suivi les instructions qui avaient
été données, non seulement par l'énoncé que
j'avais fait à l'Assemblée nationale, mais également par
les ordres mêmes qui avaient été donnés par le
directeur de la Sûreté du Québec.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Bon! Alors, si je comprends bien, le ministre de la
Justice dit qu'il a été induit en erreur. Je remarque que nul n'a
cru bon d'informer l'Assemblée nationale et le ministre non plus qu'il y
avait eu contrordre et que l'information qu'il avait donnée à
l'Assemblée nationale n'était plus exacte.
M. Bédard: Question de privilège.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Je voudrais que le député de
Saint-Laurent tienne pour acquis que je ne peux quand même pas informer
l'Assemblée nationale lorsque moi-même je ne suis pas
informé d'un changement de situation. Je crois que je peux m'attendre au
moins à ce minimum de justice, ce minimum d'objectivité de la
part du député de Saint-Laurent. Ce que je vous dis aujourd'hui
en décembre, la Chambre a ajourné ses travaux j'en
ai été informé il y a seulement quelques jours. Puisque
vous me posez la question, je vous dis exactement ce qu'il en est.
Le Président: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, nous avions
déjà, au moment des incidents qui ont donné origine
à toute cette question, demandé au ministre de la Justice de
s'intéresser au problème de façon sérieuse parce
que ce n'est pas on le voit bien d'ailleurs l'enquête du
coroner qui va régler tous les problèmes sous-jacents. Les
relations entre la Sûreté du Québec et les réserves
indiennes, les bandes indiennes qui sont sur le territoire du Québec
posaient des problèmes. Le ministre, à moins qu'il ait
été informé de cela et qu'il ne nous l'ait pas dit, ne
nous a pas fait part d'une solution d'ensemble des problèmes
reliés à la collaboration avec les forces de l'ordre dans les
réserves qui agissent avec l'appui des bandes indiennes. Ne serait-il
pas nécessaire de faire une enquête plus large qu'une
enquête du coroner c'est déjà terminé de
toute façon et cela n'éclaire pas du tout le problème
de manière à s'assurer qu'une solution permanente est
trouvée? Il y a eu des incidents qui se sont déroulés dans
les semaines qui ont suivi, d'ailleurs, et qui ont conduit à d'autres
condamnations récemment. Est-ce que le ministre va donner enfin suite
aux problèmes soulevés à cette occasion ou s'il attend
qu'une autre crise éclate dans le même domaine?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: le Président, effectivement, non
seulement j'ai donné suite mais j'ai donné suite
immédiatement à cette préoccupation qu'énonce le
député de Saint-Laurent puisque, à l'heure actuelle et
déjà depuis que les incidents sont arrivés, des relations
continues se poursuivent entre, d'une part, la direction de la
Sûreté du Québec et les autorités de la
réserve, d'autre part. Ces rapports et ces échanges sont
très positifs. Je pense également que l'enquête du coroner
a quand même permis de mettre en relief certaines difficultés
auxquelles il fallait apporter des remèdes ou des solutions. Je crois
qu'à l'heure actuelle on est en mesure de dire que ces relations sont
assez positives, tenant compte de l'ensemble des circonstances. Le dossier est
suivi d'une façon très soutenue.
Je redis encore, concernant l'incident auquel référait le
député de Saint-Laurent en ce qui a trait à l'agent
Lessard, que je viens tout simplement d'être informé par la
direction de la Sûreté du
Québec qu'une telle chose s'était effectivement produite
contrairement aux ordres qui avaient été donnés.
Des Voix: Quand?
M. Bédard: II y a à peu près une semaine, M.
le Président. Alors, je pense bien que je peux dire récemment. Je
pense bien qu'on ne me fera pas le reproche de dire récemment lorsque je
viens d'en être informé. Il s'agit d'une faute je tiens
à le préciser qui s'est produite à un niveau
hiérarchique intermédiaire de la sûreté et des
mesures disciplinaires appropriées seront prises. Pour ce qui est des
relations entre la Sûreté du Québec et les autorités
de la réserve, je pense que le dialogue est quand même assez
positif au moment où on se parle et que les remèdes
appropriés seront mis de l'avant.
Le Président: Dernière question, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Pour ce qui est des relations entre la
Sûreté du Québec et les réserves, il sera
peut-être nécessaire un jour que le ministre fasse état
d'une entente précise qui fasse une démarcation claire des
responsabilités des forces policières des réserves et de
la Sûreté du Québec. C'est très rassurant d'entendre
que les gens sont gentils gentils, mais il faudrait peut-être savoir sur
quoi, précisément, on s'entend pour éviter les
malentendus. Mais, puisque nous y sommes, est-ce que le ministre de la Justice
pourrait nous indiquer d'autres déclarations qu'il a faites sur
lesquelles il aurait obtenu des informations supplémentaires qui lui
permettraient de nous faire des corrections à ce moment-ci?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Le député de Saint-Laurent est
très drôle. C'est la déclaration que j'ai à faire
présentement suite à des informations qui m'ont été
données par la Sûreté du Québec. Je n'attendrai pas
les suggestions du député de Saint-Laurent pour faire les
corrections lorsque ces corrections seront nécessaires.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
Les installations d'Hydro-Québec à
Terre-Neuve
M. Brochu: M. le Président, ma question s'adresse à
l'honorable ministre responsable de l'Energie et des Ressources et concerne le
contentieux qui existe entre Terre-Neuve et Québec au sujet du Labrador.
On sait que, depuis quelque temps, la province de Terre-Neuve a
manifesté son désir de rouvrir les clauses du contrat qui la lie
à la province de Québec en ce qui concerne les installations
d'Hydro-Québec, à tel point, nous infor-me-t-on, que Terre-Neuve
songerait même à procéder par expropriation
d'Hydro-Québec sur ce territoire si on n'arrive pas à une
entente. J'aimerais savoir de la part du ministre, tout d'abord, s'il est
prêt à rouvrir les clauses de ce contrat qui lie le Québec
à Terre-Neuve ou s'il a envisagé d'autres avenues possibles de
réaménagement de ces ententes pour en arriver à une
entente quelconque dans ce domaine sans passer par les tribunaux. (14 h 40)
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: Effectivement, M. le Président,
Terre-Neuve voudrait remettre en cause le contrat qui livre de
l'électricité de la Churchill Falls au Québec, parce que,
prétend-on, le prix de vente de cette électricité est trop
bas, compte tenu de l'accroissement des puits de pétrole. Non pas
qu'elle ne fasse pas de profits, mais elle ne fait pas assez de profits par
rapport à ce qu'elle pense qu'elle pourrait faire maintenant. Cela est
indéniable.
Cependant, je dois dire que le contrat, tel que rédigé, a
été rédigé de façon très
serrée. A titre d'exemple, si les livraisons d'électricité
ne sont pas faites au Québec, Hydro-Québec peut devenir
propriétaire du barrage. Présentement, il n'y a pas lieu
d'exproprier le barrage parce qu'il appartient à Terre-Neuve, mais si le
contrat n'est pas respecté, Hydro-Québec peut devenir
propriétaire du barrage. Alors là, c'est plutôt l'inverse
que ce dont vous avez parlé.
Concernant la réouverture du contrat, on a toujours dit, comme
gouvernement, qu'un contrat était un contrat et que ça se
respectait, mais, également, il y a des avantages. Par exemple, du
côté de Terre-Neuve, on aurait l'intention de développer
Lower Churchill Falls, Muskeg Rat; ce sont des rivières qui, si elles
étaient aménagées, pourraient produire plusieurs milliers
de kilowatts ou de mégawatts. A ce moment, pour livrer cette
électricité, il faut passer par le Québec; donc,
Terre-Neuve a besoin du Québec pour développer ses ressources
hydroélectriques.
De la même façon, en ce qui nous concerne, il y a des
rivières sur la Moyenne-Côte-Nord qui partagent des bassins qui,
comme vous le savez, sont en litige, à savoir est-ce que ça
relève de Terre-Neuve ou est-ce que ça relève du
Québec, à l'intérieur du Labrador. Il y a peut-être
moyen de s'entendre à l'avantage des deux parties, de manière que
là, même quitte à rouvrir le contrat dans le cadre
de ça une réouverture du contrat soit avantageuse aussi
bien pour nous que pour eux.
Dans ces conditions, oui, c'est possible d'examiner à nouveau une
ouverture de contrat, mais je pense que ça joue pour nous et que
ça joue pour eux. D'ailleurs, c'est ça la notion d'association
entre partenaires égaux.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Brochu: M. le Président, il semble que les positions,
de part et d'autre, soient quand même assez fermes; le ministre vient
d'indiquer, dans ce
sens, la position du gouvernement du Québec. On sait, par
ailleurs, que la position de Terre-Neuve a été manifestée
de nouveau dans le discours inaugural qui a été lu
récemment, discours où on indiquait clairement que, si on n'en
arrivait pas à une entente, on allait procéder par expropriation.
Est-ce que je dois comprendre que les deux positions sont très fermes
dans ce secteur et que les positions sont à ce point catégoriques
qu'il n'y a pas du tout moyen d'en arriver à une entente, sinon de
passer inévitablement par la voie des tribunaux?
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: Je n'ai pas dû être clair,
M. le Président, j'avais l'impression d'avoir dit exactement le
contraire. J'avais l'impression d'avoir identifié un certain nombre
d'éléments qui permettraient justement de rouvrir l'entente et,
à la satisfaction mutuelle des deux parties, en arriver à
régler ce contentieux. J'ai l'impression d'avoir dit exactement le
contraire, je m'excuse de ne pas avoir été clair.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Union
Nationale.
M. Brochu: Depuis que ces positions ont été rendues
publiques, est-ce qu'il y a eu discussion entre le gouvernement du
Québec et le gouvernement de Terre-Neuve concernant cette expropriation
possible ou concernant les modalités de réouverture de ce
dossier? Est-ce que, depuis le discours du trône, depuis que Terre-Neuve
a manifesté son désir d'en arriver le plus rapidement possible
à une entente, le gouvernement du Québec et le gouvernement de
Terre-Neuve se sont rencontrés et est-ce qu'on a commencé un
processus d'ouverture ou de discussion des contrats en question dans le
domaine?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président,
étant donné qu'il s'agit d'un sujet qui a été
discuté avant, juste avant, et après, juste après,
c'est-à-dire, à toutes fins utiles, deux jours après,
hier, au Conseil des ministres, je vais donner une réponse très
brève, mais qui peut situer les événements. Il y a
quelques semaines, peut-être trois semaines ou un mois au maximum,
à sa demande, j'ai rencontré le premier ministre Peckford qui
était, comme on le sait, ministre de l'Energie au temps de son
prédécesseur, le premier ministre Frank Moores.
Avec M. Moores on avait déjà entrepris des discussions et
je pense que c'est facile de se référer aux journaux d'il y a un
certain nombre de mois, de l'an dernier en tout cas, pour savoir qu'il y a eu
des rencontres et des échanges de vues à propos, justement, de ce
qu'on peut appeler, comme on dit en anglais, un "package deal",
c'est-à-dire d'essayer de trouver une solution globale qui soit rentable
et convenable pour les deux côtés et qui permette, entre autres,
de faire déboucher du Labrador il faut nécessairement que
ça vienne au Québec des ressources additionnelles qui
doivent être développées encore sur le fleuve
Churchill.
Tout ça forme un ensemble qu'on doit étudier avec beaucoup
de soin, que Terre-Neuve devra étudier avec beaucoup de soin aussi,
c'est normal, et à propos duquel au moins une première amorce
nouvelle devrait parvenir au premier ministre de Terre-Neuve d'ici la fin de
semaine ou au plus tard au début de la semaine prochaine, après
les discussions qu'on a eues au Conseil des ministres. Je ne peux pas en dire
davantage pour l'instant.
Le Président: M. le député de
Saint-Louis.
M. Lalonde: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: Additionnelle, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: C'est une question au ministre de l'Energie. Dans
l'éventualité où Terre-Neuve tiendrait un
référendum sur l'opportunité de rouvrir l'entente et de
faire une nouvelle entente et dans l'éventualité d'un oui massif,
est-ce que le ministre respecterait cette décision de Terre-Neuve?
Le Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Bérubé: Oui, M. le Président, parce que
le respect d'une majorité est fondamental en démocratie.
Le Président: M. le député de
Rouyn-Noranda.
Trop-perçus de Beneficial Finance
M. Samson: M. le Président, j'avais l'occasion lundi
dernier de poser une question au premier ministre concernant des
trop-perçus en intérêts par la compagnie Beneficial
Finance. Le premier ministre a alors répondu qu'il prendrait avis et que
j'aurais une réponse avant la fin de la semaine. Comme c'est aujourd'hui
le dernier jour de session, j'imagine que lui ou le ministre des Institutions
financières, qui est maintenant présent, pourrait me donner une
réponse à cette question que je posais lundi.
M. Joron: Oui, M. le Président...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Joron: ... effectivement, M. le député de
Rouyn-Noranda, je me préparais à répondre à votre
question hier, mais, vu votre absence, j'attendais votre retour aujourd'hui
pour le faire.
La question que vous avez soulevée il y a quelques jours concerne
des trop-perçus découlant d'une méthode de calcul disons
discutable
que pratiquait Beneficial Finance entre les années 1974 et 1977.
La situation que vous avez évoquée, il faut le dire, est quelque
chose qui est passé et qui a été réglé. En
fait, c'est en avril 1977 que l'Office de la protection du consommateur en est
arrivé avec la compagnie à une entente qui avait pour but de
rembourser les consommateurs qui auraient pu être victimes de cette
méthode de calcul discutable. Par voie de négociation, l'office
en est arrivé à persuader la compagnie de rembourser tous ceux
qui avaient pu en être victimes. Cela a été fait et
vérification a été faite par la suite par l'Office de la
protection du consommateur quelques mois après. Il y a
déjà deux ans, on avait déjà pu constater que tout
le monde avait été remboursé. La chose est classée
en fait depuis déjà deux ans.
Le Président: M. le député de
Rouyn-Noranda.
M. Samson: Je posais également la question au premier
ministre lundi aux fins de savoir, parce que cette entente n'a pas
été publiée, qu'on sache, à ce moment-là
pourquoi l'Office de la protection du consommateur ne s'est pas servi de son
pouvoir de mise en garde. J'aimerais savoir également, même si
cela a été réglé en avril 1977, si on peut assurer
cette Chambre que la même compagnie n'a pas continué à
faire la même chose depuis ce temps-là. Est-ce qu'on peut assurer
cette Chambre qu'il n'y a pas d'autres compagnies qui ont fait la même
chose et qui n'ont pas remboursé leurs consommateurs? C'est le genre de
question qu'on se pose, M. le Président.
Le Président: M. le ministre des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières.
M. Joron: Oui, M. le Président, on peut incontestablement
assurer cette Chambre que la pratique ne s'est pas continuée, parce que
vérification a été faite régulièrement
depuis. On peut assurer cette Chambre également que d'autres entreprises
du même genre ne pratiquent pas cette méthode de calcul. (14 h
50)
Troisièmement, on peut être assuré maintenant, de
façon définitive, avec l'entrée en vigueur le 30 avril
prochain de la nouvelle Loi sur la protection du consommateur, que cela ne
pourra plus se produire, parce que la nouvelle loi, contrairement à
l'ancienne, au moment où se passaient les événements dont
on parle, prévoit ce genre de cas et l'empêche.
La raison pour laquelle, à l'époque, il n'y avait pas eu
de poursuite mais négociation, c'est qu'il n'y a pas de fondement
juridique compte tenu de ce qu'était la Loi sur la protection du
consommateur de 1971 qui permettait à l'office d'être sûr de
sa poursuite. S'il n'y a pas eu de mise en garde, ce qui est à la
discrétion de l'office, c'est que les cas de tout le monde avaient
été réglés effectivement.
Le Président: M. le député de
Saint-Louis.
La grève des cols bleus de
Montréal
M. Blank: M. le Président, j'ai une question à
l'endroit du ministre du Travail. A Montréal, la météo et
la température n'attendent pas que le processus normal de
négociation ou de médiation soit fini. Ce matin, les rues de
Montréal étaient une grande patinoire; les autobus étaient
détournés et même, il y a des parcours qui n'étaient
pas desservis par les autobus. Le service de police rapporte qu'il est
débordé d'appels et même il ne peut pas répondre
à des appels pour des accidents impliquant des blessés. C'est
maintenant devenu un danger pour la sécurité publique.
Est-ce que le ministre a eu son rapport du médiateur qui devait
le lui présenter hier soir? Si oui, a-t-il l'intention de faire quelque
chose immédiatement? Parce que la ville de Montréal est un danger
pour tous les citoyens; particulièrement, les vieillards, à ce
moment-ci, ne peuvent sortir de leur maison. C'est impossible de marcher sur
les trottoirs de la ville de Montréal.
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: M. le Président, effectivement, il semble que
le gel a apporté des inconvénients de plus en plus importants
pour les citoyens de Montréal, hier, et qu'ils ne devraient pas faire
l'objet de risée de la part de qui que ce soit. Ce n'est pas ce que le
député de Saint-Louis a fait, si je comprends bien.
Cela dit, cependant, j'ai eu l'occasion, ce matin, de communiquer avec
les autorités de la ville de Montréal pour m'enquérir de
la situation de façon générale, strictement en termes de
confort pour les citoyens. On m'avise qu'il est vrai qu'il y a plus
d'inconvénients qu'il y a trois jours, mais on ne m'a pas décrit
la chose comme un débordement des appels chez les policiers, ainsi de
suite.
J'ai bien vérifié, ce matin, auprès des
autorités de la ville et on ne semblait pas dire cela. Cependant, je
pense qu'il faudra c'est un devoir de la part des travailleurs cols
bleus de la ville de Montréal faire en sorte qu'un minimum de
services essentiels soient assurés dans les circonstances.
Je pense qu'ils doivent le faire et je suis assuré qu'ils le
feront dans la mesure où, du côté des tables de
négociations, le médiateur a réussi hier à mettre
en présence les parties, ce qui n'avait pas été fait
depuis 20 jours. Or, elles ont réussi à parcourir
différents chapitres de la convention collective touchant les heures de
travail, le travail supplémentaire, les modes de règlement de
griefs, les congés de maladie. Mon médiateur a également
demandé aux parties de faire connaître à partir de demain,
en présence l'une de l'autre, leur position et leurs analyses sur toute
la fameuse question d'ancienneté qui constitue le coeur de ce litige.
J'ai donc espoir, dans les circonstances, que la médiation quant au
progrès du dossier évoluera très rapidement. M. Desilets a
demandé
aux parties d'être disponibles d'ici la fin de la semaine, 24
heures par jour s'il le faut. Nous devons faire faire des études en
même temps. Nous devons analyser différents documents au
ministère qui nous proviennent des parties, mais la médiation se
poursuivra sans arrêts autres que les arrêts normaux pour des
êtres humains qui doivent quand même fonctionner et être
capables de fonctionner pendant une certaine période de temps.
Le Président: Une brève question, M. le
député de Saint-Louis.
M. Blank: Mr minister, in other strikes that we had just a while
ago, which were serious, the minister took it upon himself to give a deadline,
either you settle or we have drastic action by way of legislation; in two cases
you went by special legislation. In other cases, your threats bore fruit and
the strikes were settled. Is it the intention of the minister to give both
sides of this conflict a deadline because the people in Montréal are in
a serious situation? If the weather turns warm and the snow melts, we are going
to have a problem of rats and vermin with the garbage that is all over the
streets. So, either way, we cannot win.
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Johnson: Evidemment, M. le Président, on ne peut pas
mettre en doute que cette grève, cet arrêt de travail des cols
bleus cause des ennuis aux citoyens. C'est évident. C'est pour cette
raison, d'ailleurs, que mon ministère est intervenu, parce que les
parties étaient incapables de s'entendre, elles ne s'étaient pas
parlé pendant 20 jours. Cela dit, je m'attends que, d'ici la fin de
semaine, les parties aient suffisamment parcouru de terrain en compagnie de M.
Désilets pour qu'on puisse espérer le règlement au tout
début de la semaine.
Le Président: Fin de la période des questions.
J'appelle maintenant le débat sur...
Mme Lavoie-Roux: J'avais une question, M. le
Président.
Une Voix: ...
Le Président: Nous en sommes plutôt aux motions non
annoncées. Mme le député de...
M. Charron: ... complément de réponse.
Le Président: Ah! On m'informe que Mme la ministre...
Une Voix: Un instant! Vous...
Le Président: C'est un complément de réponse
que Mme la ministre des Travaux publics voudrait apporter à une question
qui a été posée antérieurement. Je suppose que
c'est la question de M. le député de Gatineau. Mme la
ministre.
Préposées à l'entretien
ménager de l'édifice A
Mme Ouellette: M. le Président, à la suite de la
question posée par le député de Gatineau concernant les
préposées à l'entretien ménager de l'édifice
A, je voudrais apporter les précisions suivantes. La situation
exposée par le député de Gatineau m'a conduite à
consulter, immédiatement après la période des questions,
le lundi 3 mars, les fonctionnaires responsables de ce dossier. Donc, à
la suite de ces consultations, j'ai demandé que soient
arrêtées immédiatement toutes les procédures en
cours afin que le problème soit examiné en profondeur. Les
résultats de l'étude des fonctionnaires responsables du dossier
sont les suivants. Premièrement, le fond du problème consiste en
un surplus de contremaîtresses au service de l'entretien ménager
du ministère des Travaux publics, de 10 et non pas de 50, comme le
stipulait le député de Gatineau. De dix actuellement en poste, on
doit réduire le nombre à trois. Les employées
concernées, m'informe-t-on également, sont toutes des femmes
âgées entre 56 et 62 ans et elles ont de 20 à 38 ans de
service au gouvernement du Québec.
Je pense que ces considérations suffisent à indiquer
à quel point l'Etat doit être conscient de ses
responsabilités face à ses employés. En
conséquence, j'ai donc demandé au service du personnel de garder
toutes les employées concernées au titre de
contremaîtresses au ministère des Travaux publics jusqu'à
ce qu'une responsabilité équivalente et, à tout le moins,
au même salaire leur soit trouvée dans un autre service
gouvernemental.
Le Président: M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président.
Une Voix: Avec ce gouvernement, c'est l'Opposition qui
crée les emplois.
Le Président: M. le député de Gatineau, je
vous ai reconnu.
Une Voix: De 52 à 60 ans, c'est trop vieux pour travailler
ici.
M. Gratton: M. le Président, je voudrais d'abord demander
au ministre de relire le journal des Débats. J'ai effectivement
mentionné que, du total de 55 employées, il y en avait sept sur
dix qui ont le poste de contremaîtresses et qui pourraient possiblement
être affectées. En deuxième lieu, je remercie le ministre
d'avoir agi comme elle l'a fait et de nous avoir donné raison, à
savoir qu'il fallait intervenir avant que les fonctionnaires de son
ministère ne soient allés trop loin dans cette affaire.
Le Président: Motions non annoncées. Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, compte tenu de notre
absence à l'Assemblée nationale le samedi 8 mars, Journée
internationale de la femme, j'aimerais solliciter le consentement des membres
de cette Chambre afin de souligner, par anticipation, cette Journée
internationale de la femme.
A cette fin, j'aimerais faire la motion suivante: "Que tous les membres
de cette Assemblée s'associent, dans un esprit de solidarité, aux
femmes du Québec, du Canada et du monde entier pour souligner la
Journée internationale de la femme et les assurer de leur
détermination de travailler à la reconnaissance véritable
de tous leurs droits."
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement unanime
à la présentation de la motion?
Il n'y a pas consentement, Mme la députée de L'Acadie.
M. Pagé: Que fait-elle, elle?
M. Charron: M. le Président...
M. Lamontagne: Ah! Il n'y a plus de Canada.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, ce n'est pas une
surprise...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le leader parlementaire du gouvernement, j'ai déjà
rendu plusieurs décisions sur le fait qu'on n'avait pas à
justifier un refus de consentement ou un consentement, sauf au moment d'un
débat. (15 heures)
A l'ordre, s'il vous plaît!
Nous en sommes à l'enregistrement des noms sur les votes en
suspens; il n'y a pas de votes en suspens.
Maintenant, conformément... A moins qu'il n'y ait des questions
en vertu de l'article 34.
M. le député de Saint-Laurent.
Avis à la Chambre
M. Forget: Vous m'y faites penser, M. le Président.
J'aimerais demander au leader du gouvernement s'il envisage qu'une commission
parlementaire soit appelée à examiner le projet de loi no 83. On
sait que le Conseil du statut de la femme, de même que d'autres
groupements féminins ont demandé de s'exprimer relativement
à ce projet de perception des pensions alimentaires.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: M. le Président, j'accepte volontiers de
répondre à cette question. J'avais bien dit que je n'acceptais
aucune motion non annoncée pendant le débat sur la question, mais
les questions en vertu de l'article 34 sont toujours bienvenues, parce
qu'elles, elles ne peuvent pas retarder le débat. En conséquence,
j'informe le député qu'il a mieux fait d'utiliser l'article 34
d'abord, plutôt qu'une motion non annoncée, premièrement,
ce qui lui donne droit à la réponse suivante, M. le
Président. Le Conseil des ministres a pris en considération,
hier, à la fois les demandes qui nous étaient venues de
l'extérieur et, la proposition faite par le député de
Saint-Laurent.
Sans dire que nous n'en sommes pas venus à une décision,
je ne pourrais pas la qualifier de finale puisqu'elle va nécessiter,
avant d'être finale, une consultation précisément avec
l'Opposition officielle et l'Union Nationale. En conséquence, M. le
Président, je veux m'engager à avoir ce genre de consultation
auprès de l'Opposition au cours des prochaines semaines. Je donne
l'assurance tout de suite au député de Saint-Laurent que ce
projet de loi ne pourra pas, mathématiquement ni politiquement,
être appelé, à mon avis, avant qu'un certain nombre de
réactions ait été entendues et avant que la Chambre ait
disposé du débat sur la question et du budget. Donc, le plus
tôt où cette question pourra être appelée, M. le
Président, c'est au printemps, à la mi-avril. De même, la
demande qui a été formulée sur le projet de loi concernant
les pensions alimentaires et qui demandera une commission parlementaire, je
crois que nous pourrons lui donner réponse à ce moment. Je
m'engage donc à tenir les consultations avec l'Opposition.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
Question de privilège
Les Cris et le transport aérien
M. Ciaccia: M. le Président, question de privilège.
A la suite d'une affirmation, le ministre des Transports je viens de
prendre connaissance du document, alors, je n'ai pas pu intervenir au moment
où il a donné sa réponse a laissé entendre
que la demande de devenir propriétaires du service aérien dans le
Nord québécois a été faite par les Cris. Quant
à Austin Airways, il a indiqué que c'était une compagnie
ontarienne. Il a suggéré que, si les Cris étaient vraiment
Québécois, ils s'associent avec une compagnie
québécoise. Ce que le ministre a omis de dire, c'est que dans
l'achat d'Air Brazeau c'étaient les Cris, c'était la compagnie
Héli Voyageur, une compagnie québécoise, et que la
compagnie Austin Airways était seulement en position minoritaire. Une
des raisons pour lesquelles elle était dans cette position est qu'on
devait donner aussi un service en Ontario en plus du Québec. Ils se sont
associés à une compagnie québécoise pour prendre la
majorité d'Air Brazeau et le gouvernement a refusé leur demande
par arrêté en conseil.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. de Belleval: M. le Président, le député
de Mont-Royal vient exactement de confirmer...
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle.
M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement, M. le
Président. Si je comprends bien, le député de Mont-Royal a
soulevé une question de privilège pour rétablir les faits
et notre règlement prévoit qu'il n'y a pas de débat sur
une question de privilège. En vertu de quel règlement le ministre
des Transports se lève-t-il présentement, M. le Président?
Je voudrais simplement savoir cela.
M. de Belleval: M. le Président...
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. de Belleval: M. le Président, ce que j'ai
indiqué tantôt, c'est que les Cris étaient disposés
à s'associer d'abord et avant tout avec une compagnie ontarienne, Austin
Airways, plutôt qu'avec des transporteurs québécois. Ce que
le député de Mont-Royal vient de confirmer, c'est que,
effectivement, le projet des Cris était de s'associer avec Austin
Airways; c'est ce que vous venez de dire. Dans cette association, quel est le
partenaire important? Ce ne sont pas les...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. de Belleval: Je termine là-dessus, M. le
Président, si on veut me laisser terminer une phrase.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. de Belleval: II me semble que la vérité ne
devrait pas vous faire peur, ou bien c'est la vérité qui vous
fait peur. Laissez-moi donc terminer ma phrase.
La réalité, c'est que ni les Cris, ni Air Brazeau qui se
retirait du service aérien ne sont en mesure de faire fonctionner cette
entreprise et que les vrais promoteurs de cette entreprise sont Austin Airways.
Le député de Mont-Royal vient justement de confirmer que Austin
Airways était le partenaire des Cris dans cette entreprise.
Le Président: J'appelle maintenant...
M. Ciaccia: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: Remarquez que la question de
privilège soulevée par le député de Mont-Royal,
tout à l'heure, s'apparentait aussi, en quelque sorte, à une
nouvelle question additionnelle. C'est pour cela que je ne voudrais pas que le
débat se prolonge indéfiniment sur cette question. Je vous
autorise à prendre la parole sur votre question de privilège, M.
le député de Mont-Royal, en vous demandant votre collaboration
pour le faire conformément aux règlements.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Très
brièvement, encore une fois, le ministre a omis de faire
référence à Héli Voyageur. C'est pour cette raison
que je me suis levé, afin de porter à l'attention de la Chambre
que le ministre avait induit la Chambre en erreur, qu'il n'y avait pas
seulement la compagnie Austin Airways qui devait faire affaires avec les Cris.
Austin Airways avait une partie minoritaire des actions et l'autre compagnie
qui devait faire affaires avec les Cris était Héli Voyageur. Ce
sont des compagnies québécoises qui devaient détenir 70%
des actions. Je dépose, si le ministre le veut, l'arrêté en
conseil qui fait référence à Héli Voyageur;
même l'arrêté en conseil du gouvernement mentionne
Héli Voyageur et une dépense de $700 000 des fonds
québécois pour empêcher les Cris d'acheter Air Brazeau.
Vous devriez avoir honte!
M. de Belleval: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: M. le ministre des Transports, à
moins que vous ne vouliez intervenir sur une autre question de
privilège, puis-je vous suggérer d'apporter un complément
de réponse demain, si vous le souhaitez?
M. de Belleval: M. le Président, je regrette, question de
privilège. Je comprends la remarque que vous venez de faire parce que,
de toute évidence, ce que cherche le député de Mont-Royal,
ce n'est pas à rectifier des faits, mais tout simplement à
prolonger le débat pour en arriver avec d'autres éléments
nouveaux ou à poser de façon détournée une nouvelle
question.
Dans les circonstances, compte tenu que les questions ont
été posées cet après-midi et que les remarques du
député de Mont-Royal viennent d'être faites, pour les
parlementaires comme pour la population qui regarde ces débats, il est
important que j'apporte les compléments de réponse
immédiatement, M. le Président, et je pense que les
privilèges auxquels j'ai droit en cette Chambre seraient violés
si vous ne me permettiez pas de répondre immédiatement aux faits
que soulève le député de Mont-Royal.
Le Président: M. le ministre des Transports, comme vous
avez eu l'occasion d'affirmer que vous souhaitiez apporter un complément
de réponse, j'imagine que tout le monde sera en mesure d'attendre
jusqu'à demain pour que vous apportiez le complément. Autrement,
M. le ministre des Transports, on créerait un dangereux
précédent ou on reprend un débat. Bon.
M. Lavoie: Demain.
M. Levesque (Bonaventure): Demain.
Une Voix: Mardi.
M. de Belleval: M. le Président...
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. de Belleval: ... j'aimerais apporter immédiatement ce
complément de réponse et je pense que ça réglerait
la question.
Le Président: M. le ministre des Transports, tout le monde
sachant que vous voulez apporter un complément de réponse, on
attendra votre complément de réponse demain.
Conformément...
M. de Belleval: M. le Président, je poserai une question
de privilège...
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. de Belleval:... plutôt qu'un complément de
réponse. Le député de Mont-Royal vient d'indiquer que
j'induisais cette Chambre en erreur. Je pense que mon privilège est
brimé et que j'ai le droit de répondre au député de
Mont-Royal. Dans ce cas-là, je poserai la question de privilège
carrément et je répondrai à l'accusation de mensonge que
vient de faire... C'est ce que vous venez de dire, à toutes fins
pratiques, que j'induis cette Chambre en erreur.
M. le Président, les faits sont les suivants. Il est vrai que les
Cris avaient proposé de constituer une nouvelle entreprise de transport
aérien dans le Nord-Ouest; j'ai admis ces faits tout à l'heure.
J'ai admis aussi que, pour ce faire, les Cris étaient disposés
à acheter des entreprises québécoises; cependant, j'ai
ajouté et le député de Mont-Royal l'a
confirmé qu'à toutes fins pratiques le partenaire
réel, au niveau de l'exploitation de cette entreprise, était
Austin Airways, et vous venez de confirmer qu'effectivement Austin Airways
était membre de cette nouvelle entreprise. Pourquoi Austin Airways? Pour
permettre effectivement à Austin Airways de continuer à garder
son monopole sur le Nord-Ouest québécois à partir de
l'Ontario. (15 h 10)
Avis à la Chambre (suite)
Le Président: Est-ce que je pourrais maintenant demander
à M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle quelle sera la
nature ou le sujet de la question avec débat du vendredi 14 mars?
M. Levesque (Bonaventure): Oui, M. le Président. On
retrouve cette question en appendice au feuilleton d'aujourd'hui: Question avec
débat en vertu de l'article 174A du règlement, commission
permamente des affaires sociales. Question avec débat du
député de L'Acadie au ministre des Affaires sociales sur le sujet
suivant: La politique gouvernementale au sujet des centres d'accueil, des
centres hospitaliers pour soins prolongés et des soins à
domicile.
Le Président: Alors, je donne avis en conséquence
à M. le ministre des Affaires sociales pour le vendredi 14 mars.
J'appelle maintenant, conformément à la loi et au
règlement, le débat sur la question référendai- re.
Avant de vous céder la parole, M. le ministre des Finances, puisque
c'est vous qui avez sollicité et obtenu hier l'ajournement du
débat, je voudrais encore une fois rappeler aux membres de cette
Assemblée que ce qui est en discussion, ce qui devrait être
discuté, ce qui devrait faire l'objet principal du débat, ce sont
les trois motions qui ont été jusqu'à maintenant soumises
à la discussion: la motion principale de M. le premier ministre, la
motion d'amendement du chef de l'Opposition officielle et la motion
également d'amendement du chef de l'Union Nationale.
Je compte donc sur la collaboration de tous pour que la pertinence du
débat soit respectée et qu'on discute de la motion principale et
des motions d'amendement qui ont été apportées jusqu'ici.
Il me semble que c'est là le sens que devrait avoir ce débat.
Bien sûr, je tiens compte aussi de la difficulté
d'interprétation qu'il y a lieu... Et je me rallie d'emblée
à l'opinion émise hier par le leader parlementaire de l'Union
Nationale, de même qu'à l'opinion émise par M. le
député de Pointe-Claire, selon lesquelles il serait
périlleux de tracer un corridor trop étroit: il me semble que
cela non plus ne peut pas se faire. Je me réfère encore une fois
à Beauchesne que je cite cette fois je l'avais de mémoire
dans le texte.
Il dit, à la page 98 de la cinquième édition de la
jurisprudence parlementaire, que "L'interdiction des disgressions abusives
suppose l'application de ce qu'on appelle la "règle de la pertinence".
Cette règle est malaisée à définir et, dans les cas
difficiles, est interprétée au bénéfice du
député." Mais nonobstant cette jurisprudence, nonobstant le fait
que j'admets, M. le leader parlementaire de l'Union Nationale, qu'il n'est pas
toujours facile de tracer un corridor très étroit et de ne pas en
sortir, je fais quand même appel à votre collaboration pour que le
sujet en discussion soit les motions dont est saisie l'Assemblée
nationale.
M. le ministre des Finances, en faisant ce rappel, je vous cède
la parole.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président: Excusez-moi.
M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Ryan: M. le Président, au nom de l'Opposition
officielle, je voudrais vous dire que j'apprécie particulièrement
les remarques que vous venez de faire. La distinction que vous avez
rappelée paraissait parfaitement claire quand vous avez rendu votre
décision mardi au sujet de la répartition du temps entre les
différents partis et les députés présents en cette
Chambre.
Mais depuis que vous avez rendu votre décision, nous avons
été témoins, de la part du gouvernement, d'un exercice
systématique de propagande. On a oublié complètement la
distinction que vous avez faite. On essaie de profiter du fait qu'on dispose de
deux fois plus de temps que l'Opposition pour faire de la propagande. On n'a
jamais discuté de la question jusqu'à maintenant.
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Moi, M. le Président, je vais vous poser
régulièrement une question de règlement. Quel article de
notre règlement permet et donne le droit au chef de l'Opposition de
sanctifier vos décisions?
Des Voix: Ah!
M. Charron: A quel endroit celui-ci peut-il avoir le droit de
commenter vos décisions par la suite? A quel endroit dans le
règlement? En quoi était régulière son
intervention? Je vais le faire de la même façon que lui, M. le
Président.
Une Voix: Vous n'êtes pas le président.
M. Charron: La décision que vous avez rendue au
début de ce débat, la décision que vous venez de rappeler,
que je respecte et que je ne commente pas, a été non seulement
respectée, mais dans l'ouverture que vous avez faite... Je le dis et je
prends à témoin non seulement mes propres collègues...
Une Voix: II y a des gens qui entendent!
M. Charron: ... ceux qui sont restés hier de l'autre
côté pendant le débat parce qu'on s'est souvent
adressé à des banquettes vides ceux qui nous ont
écoutés et ceux qui ont profité de la largeur normale que
vous avez offerte au débat, lors de votre décision, ne sont pas
de ce seul côté, M. le Président, mais bien aussi de toute
l'Assemblée, et il est bon qu'il en soit ainsi.
La largeur de vues que vous manifestez, depuis que vous êtes en
place, depuis trois ans, lors des débats de principe en deuxième
lecture, le moins que l'on puisse en dire, lorsqu'il s'agit d'une motion de
cette importance, c'est qu'elle doit avoir son équivalent.
Le Président: M. le ministre des Finances. Une Voix:
D'égal à égal.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, si le chef de
l'Opposition officielle s'est levé à ce moment-ci, c'est
justement à la suite du rappel que vous avez jugé à propos
de faire, que vous-même avez jugé à propos de faire
auprès de chacun des collègues. Le chef de l'Opposition
officielle a lui-même donné l'exemple en s'en tenant à la
question, à la motion à l'étude. C'est lui qui a
donné le ton, mais de l'autre côté, à partir du
premier ministre et des membres du cabinet, on s'est fouté royalement de
la question et on a fait des catalogues de fédéralisme rentable
ou pas rentable. C'est cela qu'on a fait.
M. le Président, je termine en disant ceci: Ou bien on fait le
débat, d'un côté, les tenants du oui, de l'autre
côté, les tenants du non, et, à ce moment, c'est l'esprit
qui préside à la loi no 92 qui doit nous inspirer,
c'est-à-dire l'égalité... Egal à égal. C'est
le temps de le faire d'égal à égal, non pas deux contre un
de cette façon.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition
officielle, je me permets, à la suite de votre intervention, de faire
une remarque. La décision que j'ai rendue au début du
débat a finalement pour conséquence de réduire le temps
accordé à la majorité ministérielle de 200 minutes,
c'est-à-dire l'équivalent du temps qui serait normalement
attribué à dix députés. C'est donc une
réduction de dix députés.
D'autre part, je signale que dans aucun Parlement à travers le
monde, malgré toutes les recherches que nous avons faites, nous n'avons
pu trouver un exemple, un seul exemple, de répartition du temps sans
tenir compte de la représentation proportionnelle des
Assemblées.
Sur ce, M. le ministre des Finances, je vous cède la parole.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, un instant! Il
y a deux points, je pense, qu'il est important, à ce moment-ci...
M. Charron: M. le Président, c'est un appel constant de
votre décision que fait le député.
M. Levesque (Bonaventure): ... de soumettre respectueusement
à la présidence. Deux points, très brièvement.
M. Charron: A l'ordre! Non, M. le Président. Une Voix:
Question de règlement. Des Voix: A l'ordre!
Le Président: Un moment.
M. le leader parlementaire de l'Opposition officielle. (15 h 20)
M. Levesque (Bonaventure): Quant au temps réparti entre le
gouvernement et l'Opposition officielle, même s'il y a 200 minutes, je
tiens à rappeler qu'il y a plus de 20 heures consacrées aux
ministériels et environ dix heures et quelques minutes à
l'Opposition, soit deux à un, premièrement. C'est pour ça
que j'ai dit, M. le Président: D'égal à égal. Il me
semble que j'ai le droit de dire ça.
M. Charron: Menteur!
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je demanderais
au leader parlementaire du gouvernement de retirer ses paroles. Si ce n'est pas
vrai, ce que je viens de dire, qu'il me rappelle à l'ordre.
M. Charron: Ce qui n'est pas vrai, M. le Président, c'est
que ce que vous avez offert, c'est
20 h 30 et 14 h 30 à l'Opposition. Ce n'est pas du deux à
un.
M. Levesque (Bonaventure): A l'Opposition officielle, ai-je dit,
M. le Président. Si on prend toutes les oppositions réunies,
à ce moment c'est 20 heures et quelques minutes au gouvernement et
environ 15 heures à toutes les oppositions réunies, dont
quelques-unes peuvent avoir des nuances quant à l'expression de leurs
sentiments.
M. Charron: Est-ce que, pour être dans le non, il faut
être un inconditionnel libéral?
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): Oui, je suis libéral; oui, je
suis inconditionnellement canadien; ça fait toute une différence
avec vous!
M. Charron: Votre non est beaucoup plus libéral que
québécois, à ce moment-ci !
Une Voix: Mon non est canadien.
Le Président: M. le ministre des Finances.
Motion privilégiée relative à la
question
devant faire l'objet d'une consultation
populaire sur une nouvelle entente
avec le Canada
Reprise du débat M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, la question qui a
été soumise à cette Assemblée par le gouvernement
me semble être le résultat normal d'un débat engagé
entre nous depuis fort longtemps et dont je souhaite esquisser les
étapes.
Si la démonstration que je vais tenter apparaîtra
peut-être un peu longue, la conclusion quant à la validité
de la question n'en sera, je l'espère, que mieux motivée.
Nous ne sommes pas la première génération de
Québécois à s'interroger sur l'avenir du Québec.
Nous ne sommes pas, non plus, la première à hésiter devant
la possibilité de réconcilier le goût profond de
l'autonomie de notre patrie et les conséquences économiques des
gestes qui la traduiraient. Pendant longtemps, on s'est consolé de la
difficulté de vivre dans le Canada en constatant qu'après tout on
y trouvait le deuxième niveau de vie du monde. Ce que l'on perdait sur
le plan des aspirations profondes, on le gagnait sur le plan de l'aisance
relative. Puis, le monde a changé. On est devenu de plus en plus
conscient que les revenus au Québec étaient assez nettement
inférieurs à la moyenne canadienne. La commission
Laurendeau-Dunton créa tout un émoi en révélant
qu'au Québec même, de tous les groupes ethniques, les francophones
étaient parmi ceux dont les revenus étaient les plus bas; cela,
c'était au début des années soixante.
Puis, le Canada se mit à décrocher par rapport au reste du
monde. En peu de temps, le produit intérieur brut par habitant glissa du
deuxième au troisième rang et au douzième rang et la chute
se poursuit. Quels sont ces pays les plus riches que nous maintenant? De grands
pays comme l'Allemagne de l'Ouest, mais aussi plusieurs petits pays dont la
plupart ne produisent pas plus de pétrole que le Québec. La
Suisse, la Suède, le Danemark, l'Islande, par exemple, ont des
populations à peine supérieures ou nettement inférieures a
celle du Québec et, la plupart du temps, des ressources naturelles
limitées ou même dérisoires. Devant la montée des
aspirations souverainistes, on cherche à affirmer les avantages de vivre
au Canada, mais la conviction n'est plus ce qu'elle était. Comment
expliquer un tel glissement?
Il serait, bien sûr, trop facile de l'attribuer à une seule
cause. Les choses ne sont jamais aussi simples. Sans doute l'économie
américaine qui nous a si longtemps portés à bout de bras
n'a-t-elle plus la vigueur et le dynamisme d'autrefois. D'autre part, nous
avons réussi au Canada à flanquer un désordre
étonnant dans nos propres affaires. Le Canada est devenu de plus en plus
difficile à administrer. Les gouvernements sont faits pour gouverner et
non pas pour se battre entre eux et annuler leurs actions respectives. De cet
état de choses, le Québec est largement responsable. Depuis un
quart de siècle, les gouvernements qui se sont succédé ici
ont à peu près tout fait pour empêcher le
fédéralisme canadien de fonctionner correctement. Se retirer de
la plupart des programmes conjoints fédéraux, par exemple, comme
le Québec l'a fait en 1964, était, sur le plan de la
cohérence canadienne, une absurdité. Provoquer la crise politique
de 1967 pour tenter de récupérer d'Ottawa la totalité des
grands impôts directs sur le revenu et les profits, c'était
prendre le risque de flanquer par terre le gouvernement fédéral.
Refuser de ratifier la Charte de Victoria en 1971, cela n'avait peut-être
pas de conséquences majeures sur le plan de l'économie, mais cela
marquait une fois de plus qu'avec le Québec il n'y avait jamais moyen de
s'entendre.
Les fédéralistes du Québec ont passé un
quart de siècle à dire non, à refuser, à
réclamer, à menacer et, forcément, ils ont
créé un climat irrespirable. A force de vouloir avoir un
gouvernement provincial plus fort, plus puissant, plus musclé, ils ont
amené chez d'autres provinces les mêmes appétits et c'est
ainsi que s'est développée cette atmosphère qu'au Canada
rien n'est jamais réglable. Les bagarres actuelles entre Toronto, Ottawa
et Edmonton autour du prix du pétrole n'en sont que le plus
récent et un des plus tristes exemples. Ceux qui sèment le vent
récoltent la tempête. Le Québécois est trop
viscéralement autonomiste et nationaliste pour qu'on puisse
impunément lui dire tous les jours qu'Ottawa est l'adversaire, sinon
l'ennemi. Il arrive tôt ou tard que se lève l'idée que, si
Ottawa ne peut pas être un vrai gouvernement, il doit y avoir moyen d'en
construire un à Québec.
On finit par se dire que, si le fédéralisme, c'est
l'affrontement, le désordre et la confusion, il doit y avoir moyen de
vivre autrement. On se dit aussi qu'il n'est peut-être pas
inévitable que le Québec soit forcé d'avoir, bon an mal
an, un des plus hauts taux de chômage du monde industriel. De la patrie,
on veut passer au pays. Nos impôts, nous voulons d'abord qu'ils nous
servent; nos instruments, nos leviers économiques et sociaux, nous
finissons par nous dire qu'il serait sans doute possible de s'en servir
mieux.
La souveraineté apparaît alors non pas seulement comme
l'affirmation d'un épanouissement collectif, mais aussi comme la
condition du relèvement économique et de la
prospérité. Pour une fois, les deux objectifs coïncident. On
a fini par nous convaincre qu'on pourrait à la fois être
indépendants et mieux vivre. Ne nous étonnons pas alors de la
victoire du Parti québécois aux élections de 1976; ne nous
étonnons pas non plus de l'affirmation graduelle du désir de
souveraineté qui s'accompagne d'une ouverture sereine vers le Canada sur
le plan des échanges. Nous ne pouvons tout de même pas en vouloir
aux Canadiens si nous avons, depuis un quart de siècle,
"complexifié" leur pays, tordu son orientation et si nous les avons
dégoûtés eux-mêmes du dialogue. Nous savons fort bien
que de maintenir l'espace écono-que canadien présente, sur le
plan industriel, commercial et financier, des avantages pour les deux
parties.
L'association économique que nous proposons et que la question
souligne, elle doit être, bien sûr, négociée avec le
Canada, mais elle n'a pas, contrairement à ce que suggéraient
certains de nos amis d'en face, à être négociée
entre Québécois. Sur les avantages d'une telle association, tout
le monde s'entend, pour des motifs différents, bien sûr: pour les
uns, c'est commode; pour les autres, c'est une façon de maintenir des
liens économiques efficaces; pour tous, ici au Québec, la cause
est entendue, c'est sur la souveraineté que non pas un consensus, mais
au moins une majorité doit se dégager.
Voilà que ceux-là mêmes qui nous ont amenés
où nous sommes, ceux-là mêmes qui sont historiquement
responsables du désordre, constatant qu'ils ont joué aux
apprentis sorciers, sentant "sourcer" de toute part les aspirations des
Québécois, renversent la vapeur et cherchent à convaincre
que si l'état actuel des choses est mauvais, et de plus en plus mauvais,
le changement serait pire. Nous avons été de médiocres
Canadiens, disent-ils, nous ferions d'affreux Québécois. Les
arguments pleuvent à peu près, d'ailleurs, toujours les
mêmes.
Un premier argument voudrait que le Québec perde, en
acquérant sa souveraineté, toute espèce d'avantage
financier. La péréquation, perdue; les pensions de vieillesse,
perdues. On connaît le refrain. Pourtant, en dépit de ce que
d'aucuns appellent la bataille des chiffres, le vrai visage de cet argument
commence à se dégager. Il faut comparer, en somme, les
impôts que nous envoyons à Ottawa et les sommes qu'Ottawa
dépense au Québec sous toutes leurs formes: paiements du
gouvernement du Québec aux particuliers, paiements du gouvernement, au
Québec, aux particuliers, subventions aux entreprises, commandes et
contrats, salaires des fonctionnaires et la part des frais de l'appareil
central qu'il nous faut assumer. (15 h 30)
De 1961, année où les premiers calculs ont
été réalisés, jusqu'en 1973 inclusivement, l'image,
comme j'ai eu l'occasion de le souligner en Chambre, est très claire: Le
Québec paie plus à Ottawa qu'il ne reçoit de lui. A partir
de 1974, deux phénomènes se produisent qui modifient l'image.
D'abord, Ottawa décide de maintenir temporairement le prix du
pétrole au Canada à un niveau inférieur au prix mondial;
pour la première fois, on peut dire que les Québécois
tirent un profit net de l'appartenance au système fédéral,
mais c'est un profit bien passager.
Déjà, en 1975, le gouvernement fédéral
impose une première taxe d'accise sur l'essence pour financer une partie
des subventions qu'il trouve lourdes à porter. Et puis le budget Crosbie
a bien failli abolir d'un seul coup toutes les subventions que nous tirions
d'Ottawa pour financer la différence entre le prix mondial et le prix
intérieur. En tout état de cause, les deux partis
fédéraux qui ont alterné au pouvoir nous assurent de leur
intention de ramener le prix du pétrole au niveau mondial ou tout
près. Avantage, donc? Oui, actuellement; non, demain. Profitons-en pour
le moment sans nous faire d'illusions pour l'avenir.
En second lieu, le gouvernement fédéral a monté
depuis trois ans un énorme déficit qui atteint maintenant $12
milliards; cela veut dire forcément qu'il dépense plus dans
toutes les provinces qu'il n'y ramasse d'impôts. Un Québec
souverain, en rapatriant tous les impôts qu'il paie aujourd'hui à
Ottawa, ramasserait aussi sa part du déficit budgétaire
fédéral, pas de bon coeur, bien sûr, mais
inévitablement. Il n'y a rien là qui doive surprendre. Quand on
double ses recettes, on peut sans risque accroître son déficit. On
le réduira, évidemment, en se débarrassant graduellement
des dépenses faites en double, des chevauchements et d'une partie du mou
qu'Ottawa a laissé paraître à l'occasion de cette explosion
de son déficit, mais, encore une fois, on assumera notre part du
déficit inévitablement.
Alors, dans ce contexte, la disparition de la péréquation
mettra-t-elle en péril l'équilibre du trésor
québécois? Les pensions de vieillesse pourront-elles être
payées? On comprend à quel point de telles inquiétudes
sont sans fondement. La récupération de nos impôts assurera
ce qui doit être assuré. L'argent pour les pensions est
disponible, tout le reste de l'argumentation n'est là que pour faire
peur. Un argument un peu plus subtil impliquerait que jamais une monnaie
commune avec le Québec ne serait acceptable au Canada parce que le
Québec ne pourrait jamais avoir autre chose que d'énormes
déficits dans sa balance des paiements et que les Canadiens ne voudront
jamais payer tout cela.
Notons d'abord que, de 1961 à 1973 inclusivement, le
Québec, aussi surprenant que cela puisse paraître, a à peu
près toujours eu un
surplus à sa balance des exportations et des Importations de
produits et de services. A partir de 1974 et surtout en 1975, comme les pays
européens ou le Japon qui ne produisent pas de pétrole, un
déficit considérable est apparu à la suite des
décisions de l'OPEP.
M. Scowen: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, sur une question de règlement.
Des Voix: Cela fait mal!
M. Scowen: Est-ce que je pourrais rappeler le ministre des
Finances à la pertinence du débat?
Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.
Des Voix: N'y a-t-il pas une réponse?
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! La
réponse est la suivante: Je pense que la présidence de
l'Assemblée nationale a dit, depuis au-delà de deux jours, qu'il
est extrêmement difficile de mesurer ce qui était pertinent et non
pertinent et qu'en cas de doute la chance devait être donnée
à l'orateur.
M. le ministre des Finances.
M. Charron: M. le Président, sur la même question de
règlement...
Le Vice-Président: M. le leader du gouvernement.
M. Charron: ... pour rassurer le député de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il prend la peine de lire la motion, au nom du
premier ministre, que nous discutons, on y prévoit l'utilisation de la
même monnaie. C'est ce dont parle le ministre des Finances
actuellement.
Le Vice-Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Je regrette, M. le Président, que l'on ne me
donne pas la possibilité de continuer sans interruption; on se rendra
compte que, quant à la pertinence du débat, j'amène
graduellement le député de Notre-Dame-de-Grâce dans
l'entonnoir. Il y sera d'ici peu de temps.
Petit à petit, M. le Président, le déficit s'est
résorbé. Le retour à l'équilibre de la balance des
paiements n'est pas loin. Revenons à des arguments moins techniques. La
souveraineté va faire fuir les entreprises et les capitaux. Regardons,
disent nos opposants, ce qui s'est produit depuis trois ans. On a beau
regarder, on est de moins en moins convaincu. Bien sûr, beaucoup de ceux
qui ont toujours eu le haut du pavé dans les milieux d'affaires n'ont
pas été ravis de l'arrivée au pouvoir du Parti
québécois. Bien sûr aussi, le déplacement de
certaines sociétés vers Toronto, commencé depuis 25 ans,
se poursuit. Bien sûr enfin, un certain nombre d'anglophones ont
préféré poursuivre leur vie en Ontario. Mais, face
à ces mouvements, déferle la vague d'hommes d'affaires nouveaux,
francophones pour la plupart, ambitieux comme il faut l'être dans ce
milieu, voulant toutes les places tout de suite, et qui sont largement
responsables de la remarquable performance de l'économie du
Québec depuis deux ans.
Que reste-t-il alors comme arguments? Il en reste un qui est au coeur de
la question que cette Assemblée doit débattre: Le Canada va dire
non. C'est fondamentalement tout ce qui reste aux opposants de la
souveraineté-association. On comprend alors pourquoi la question a
été posée comme elle l'a été et on comprend
pourquoi le député de Notre-Dame-de-Grâce est intervenu une
minute trop tôt. Nous devons dire à ces opposants, et
néanmoins amis: Vous pensez que le Canada dira non? Venez voir avec
nous. Donnons-nous tous ensemble le mandat d'aller proposer la formule. Nous
nous engageons à ne pas modifier le statut politique du Québec
sans revenir devant la population à l'occasion d'un autre
référendum. Mais, d'ici là, cherchons à nous
entendre pour aller voir comment, devant l'affirmation majoritaire du
Québec quant à son projet collectif, quant à
l'établissement d'une nouvelle entente avec le Canada, le Canada, lui,
va réagir. (15 h 40)
Quant à moi, M. le Président, cette question est une
marche de plus sur cet escalier qui nous rapproche petit à petit de
l'objectif. J'ai été associé de près aux
opérations qui ont rendu le Canada si peu gouvernable et que je
décrivais tout à l'heure. C'est en me rendant compte de ce
à quoi j'ai été associé que je suis devenu
souverainiste. Le cheminement que je retraçais tout à l'heure,
les conclusions politiques de cet état de choses, l'émergence
d'un pays du Québec, j'ai eu l'occasion de décrire tout cela
à la fin de 1967 dans une conférence à Banff qui
précéda de peu mon adhésion au Parti
québécois. A l'invitation de la commission constitutionnelle
conjointe de la Chambre des communes et du Sénat, j'ai eu l'occasion, en
1971, de reposer le même diagnostic et d'exprimer les mêmes
conclusions. Cette sorte de persistance que je partage avec tant de gens au
Québec me laisse profondément convaincu que notre vieille patrie
n'est plus bien loin d'être notre nouveau pays. Merci, M. le
Président.
Des Voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Gouin.
Des Voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Gouin, vous
avez maintenant la parole.
M. Rodrigue Tremblay
M. Tremblay: M. le Président, mes propos
s'enchaînent bien avec ceux du député de
L'Assomption, mais vous me permettrez tout d'abord de souligner que
personne dans cette Assemblée ne défend le statu quo
constitutionnel. Tous, nous voulons améliorer nos institutions
politiques et nous souhaitons tous, davantage de démocratie, de justice,
d'égalité et de décentralisation politique. Personne n'a
le monopole de la vertu sous ce rapport. Il convient de le rappeler.
La vraie question, dans le fond, consiste donc à choisir, pour
autant qu'on nous le permette, une amélioration de nos institutions
politiques soit dans le cadre d'une nouvelle constitution canadienne soit,
plutôt, dans le cadre d'un pays souverain limité aux
frontières du Québec avec un seul gouvernement à
Québec, celui du Québec. C'est pourquoi j'ai demandé au
premier ministre, le 7 novembre et le 5 décembre dernier, de laisser la
population elle-même choisir la direction constitutionnelle et politique
qu'elle souhaitait voir le Québec adopter, en lui permettant de choisir
parmi les principales options constitutionnelles celle qui respecterait le
mieux ses intérêts et ses préférences plutôt
que de ne lui offrir qu'une seule option, à prendre ou à
laisser.
Le premier ministre on le sait a donné sa
réponse le 20 décembre dernier en annonçant que, fort de
sa majorité en Chambre, il ferait en sorte qu'il n'y ait qu'une seule
option sur le bulletin de vote, la sienne. C'est cette intransigeance,
difficile à qualifier, qui rend mal à l'aise bien des gens au
Québec. En vertu de quel principe, en effet, un parti au pouvoir a-t-il
tous les droits d'abuser d'un processus référendaire et de se
l'approprier pour évincer les idées et les options concurrentes?
Pourquoi ne le ferait-il pas pour des élections, s'il le fait à
l'occasion d'un référendum? Pourquoi ne changerait-il pas
à son avantage le système électoral, par exemple, en se
servant de sa majorité parlementaire si la majorité peut tout
faire?
M. le Président, ce coup de force d'une option unique sur le
bulletin de vote, on peut nous l'imposer, mais nous ne l'acceptons pas. Mais il
y a plus! Non content d'évincer les autres options constitutionnelles et
de les placer hors d'atteinte du choix des électeurs, le parti
gouvernemental s'est inspiré des vieux manuels de stratégie et de
propagande en limitant encore davantage le choix des électeurs, en les
forçant à voter non pas sur le fond de son option, mais sur un
astucieux mandat de négocier. Chose curieuse, M. le Président,
dans le débat actuel, personne du côté gouvernemental n'a
osé ouvertement défendre cette stratégie. Tout le monde
sait, par contre, à quoi cette "stratégie du petit doigt" conduit
habituellement: L'adhésion arrachée sur un mandat dilué,
c'est-à-dire le petit doigt, permet ensuite de mettre la dynamique en
marche et de faire passer et le bras, et ensuite, tout le corps dans le
tordeur!
La population est ainsi amenée petit à petit, par ce
conditionnement stratégique, à finalement accepter ce qu'elle
n'aurait jamais accepté si on le lui avait demandé ouvertement et
directement.
Mme la Présidente, le parti gouvernemental avait la
responsabilité de rechercher un consensus de cette Assemblée sur
le libellé de la question et sur sa signification. Une question
référendaire appartient à l'Assemblée nationale et
non pas au parti au pouvoir. Mais cela, il ne l'a pas fait. Il a plutôt
choisi de "bulldozer" le Parlement. Il n'a, par conséquent, à
s'en prendre qu'à lui-même si le référendum est
contesté dans sa légitimité et si personne ne se sent
lié d'avance par ses résultats. C'est justement à cause de
cette stratégie qui se veut trop astucieuse que tout le monde va de plus
en plus se rendre compte au Québec que la question
référendaire est essentiellement un "trompe-l'oeil", car toute
personne qui voterait "oui" à la question sans être au
préalable d'accord avec l'idée d'ériger des
frontières légales autour du Québec et sans souhaiter la
sécession du Québec s'en trouverait, par le fait même,
leurrée. On aurait alors obtenu son vote, en quelque sorte, sous de
fausses représentations. Ceci est sérieux, Mme la
Présidente, car en démocratie, s'il y a un droit fondamental que
possèdent les citoyens, c'est bien de pouvoir compter ne pas être
trompés ou leurrés par un gouvernement. C'est peut-être ce
qu'il y a de plus grave dans ce plébiscite perdu dans la confusion des
mots que l'on s'apprête à vivre.
En effet, si la question peut s'interpréter de deux ou de trois
ou même de cinq façons, comme l'a dit le chef de l'Opposition
officielle, il va de soi que les adhésions et les résultats
pourront aussi s'interpréter de deux, de trois ou de cinq façons.
1° Considérez que tantôt, l'adhésion à la
question est présentée comme une façon de "faire
débloquer" la réforme constitutionnelle. C'est le vague "mandat
de négocier" prétendument réversible ou le chèque
en blanc inoffensif sur lequel portera, semble-t-il, le gros de la
stratégie gouvernementale. Première interprétation. 2°
Tantôt l'adhésion à la question est présentée
comme un appui au principe même de l'indépendance politique et de
la sécession du Québec du reste du Canada. Deuxième
interprétation. 3° Tantôt l'adhésion à la
question est plutôt présentée comme une acceptation du
dollar canadien et de l'espace économique canadien et du désir de
ne pas "briser le Canada". Troisième interprétation. On pourrait
continuer! C'est un peu comme l'auberge espagnole; on y trouve tout ce qu'on a
bien voulu y apporter. Il y a à boire et à manger pour tous!
Mais, si on y regarde bien de près, on demande de négocier
quoi au juste? La souveraineté politique du Québec? Ceci n'a pas
tellement de sens, on en conviendra, à moins que la population n'ait
déjà décidé explicitement, en faveur de
l'indépendance politique, ce qui est loin d'être le cas. Ceci n'a
pas tellement de sens non plus pour une autre raison, dans le contexte actuel,
car il est absurde de demander de négocier la souveraineté
politique, c'est-à-dire, entre autres choses, la disparition des
députés québécois au parlement d'Ottawa, quand le
premier ministre du Canada est lui-même un député du
Québec et vient tout récemment de recueillir 68% des suffrages au
Québec. Demande-t-on plutôt de négocier l'association
économique? Ceci n'a pas tellement de
sens non plus car le Québec est déjà associé
économiquement et le dollar canadien est déjà notre
monnaie. Cette question ne se poserait évidemment que si le
Québec était déjà indépendant, mais
l'autorisation de faire l'indépendance, le parti gouvernemental ne la
demande pas explicitement par peur de perdre "son"
référendum.
La conclusion devait donc être claire pour tous: Le fameux "mandat
de négocier" ne conduit nulle part: Ce n'est et ce ne peut être
qu'un truc de marketing politique et électoral, et on doit le traiter
comme tel. Que faire alors, se demandent, à juste titre, les citoyens
québécois? Se résigner à subir la stratégie
cousue de fil blanc du parti gouvernemental ou bien, comme il convient dans une
démocratie, protester en votant "non"? A mon avis, nous n'avons pas
d'autre choix que de défaire ce référendum, que l'on doit
qualifier de faux référendum, qui n'est, en fait, qu'un
plébiscite tronqué et qui n'a qu'un seul but, soit de permettre
au parti gouvernemental de gagner du temps, et de continuer à faire
avancer le Québec dans une direction ultime que la très grande
majorité de la population rejette. Ou bien on consulte directement et
ouvertement la population et on respecte alors ses préférences et
ses volontés; ou bien on déclenche des élections
générales et on sollicite carrément un nouveau mandat de
confiance pour gouverner et pour négocier tous les "package deals" que
l'on veut! (15 h 50)
En fait, parce que ce référendum pose la question de
confiance dans le gouvernement actuel, il s'agit bien plus d'une
élection déguisée que d'un vrai référendum,
que d'un véritable référendum. Une élection sur le
thème constitutionnel aurait donné les mêmes
résultats, mais on aurait par contre épargné de $25
millions à $30 millions et tout le monde aurait été
placé sur le même pied, les partisans d'une option donnée,
comme les partisans de l'option du parti gouvernemental.
C'est la raison pour laquelle, Mme la Présidente, il faut
conclure à un gaspillage. Mais il y a plus, c'est aussi et surtout une
occasion historique ratée pour le Québec de jouer un rôle
positif de leadership dans l'élaboration d'une nouvelle constitution
canadienne, à partir d'un consensus québécois sur ce que
nous voulons comme institutions politiques.
A mon avis, le gouvernement actuel est le seul responsable de ce
gaspillage et il sera sévèrement blâmé pour cela
dans les mois et dans les années à venir.
M. le Président, j'ai entendu le premier ministre dire, en jouant
habilement sur les mots, qu'il ne veut pas "abolir le Canada". M. le
Président, c'est drôle comme la langue française, la langue
des diplomates est si peu claire quand c'est le parti gouvernemental qui
l'utilise!
Cette balkanisation politique du Canada, cependant parce que
c'est de cela que nous parlons soulève quelques questions de fond
qui devraient amener tout citoyen éclairé à faire
certaines réflexions.
Demandons-nous donc lucidement, s'il est vraiment de notre
intérêt, à nous du Québec, de provoquer la
balkanisation et l'émiettement prévisible de la
Confédération canadienne. Il est facile de détruire, il
est plus difficile de construire! Je suis persuadé, par exemple, que les
Etats-Unis accepteraient à bras ouverts l'Ouest canadien avec son
pétrole, son gaz naturel et sa jonction géographique avec
l'Alaska. Est-ce que cette éventualité est à notre
avantage, oui ou non? Et alors, cet espace économique que l'on veut
préserver, que lui arriverait-il? Quel serait alors l'espace
économique canadien?
Autre question, Mme la Présidente: Quelles seraient les
conséquences de la balkanisation du Canada sur la monnaie? Parmi les
autres monnaies le dollar canadien est stable et fort, en grande partie
à cause des compensations entre les richesses et les productions d'une
région à l'autre, que ce soit la production manufacturière
ou agricole ou les richesses comme les mines, le pétrole, le gaz, etc.
Tout le monde sait, par exemple, que le Québec ne produit pas une goutte
de pétrole et que nous devrions débourser au-delà de $5
milliards par année, au prix international, pour nos importations de
pétrole et de gaz. Avec une note à payer de cette importance et
qui grandit d'année en année, il n'est pas nécessaire
d'être économiste pour comprendre que de telles charges
pèsent lourd sur une monnaie. Et les dangers d'inflation sont, bien
sûr, à la mesure de la faiblesse de la monnaie.
On peut, en contrepartie, se demander si une monnaie commune, sans un
Parlement commun, mais avec nécessairement un fonds des échanges
commun, serait acceptable au reste du Canada, une fois que le Québec
aurait quitté politiquement la Confédération?
Mme la Présidente, vous me permettrez d'en douter fortement, pour
la même raison qu'il est difficile de garder le même compte en
banque après un divorce! La générosité,
habituellement, ça ne se fait qu'en famille et, dans ce domaine, il est
difficile "d'avoir son gâteau et de le manger en même temps". La
logique veut plutôt que la balkanisation politique se transforme
rapidement en balkanisation économique. C'est le gros bon sens et c'est
ce que l'Histoire nous apprend partout où la balkanisation politique
s'est produite. La vérité, c'est qu'il ne peut y avoir de
monnaie, commune et de fonds des changes commun sans un Parlement commun,
c'est-à-dire sans une solidarité et une communauté
politiques. Et la monnaie, Mme la Présidente, c'est la clef de
voûte de la stabilité d'une société et d'une
économie.
Que cela plaise ou non à certains collègues du parti
gouvernemental, pour qui la nécessité d'une monnaie canadienne
stable et forte n'est rien d'autre qu'une concession tactique car on n'y
croit pas vraiment à la monnaie commune, sans quoi on proposerait un
Parlement commun la population du Québec, elle, à juste
titre, tient à la stabilité économique; elle y tient
à l'association économique; elle y tient à la
stabilité monétaire. Et il n'y a rien de déshonorant
dans
cela, c'est plutôt un grand signe de l'intelligence et de la
maturité de notre population.
Mais tout cela monnaie stable et disponibilité de
ressources énergétiques nous l'avons déjà,
et on serait mal avisé de les abandonner au profit de quelques symboles
politiques de plus et d'une casquette de douanier! Des douaniers, dans le
monde, nous en avons trop! La majorité au Québec se rend bien
compte que, dans cette conjoncture économique de la fin du XXe
siècle, une population qui se couperait politiquement de cette
stabilité, de ces richesses et d'une telle source diversifiée et
assurée en pétrole et en gaz, à moins d'être
opprimée de façon intolérable, serait la risée du
reste du monde! La vérité, c'est que le reste du monde envie
notre sort, et combien! La preuve en est qu'il faut ralentir le flot
d'immigration. Ici, Mme la Présidente, est-il besoin de rappeler que les
appels à la solidarité tribale ne reflètent pas notre
vraie situation. Nous ne sommes pas un peuple opprimé et nous ne sommes
pas une colonie.
Mme la Présidente, le seul fait que nous contrôlions ce
Parlement de qui relève un budget de plus de $15 milliards, en est la
preuve vivante et éloquente. A l'étranger, surtout depuis qu'on a
un Québécois premier ministre à Ottawa, on ne comprend
tout simplement pas ce qui se passe au Québec, à commencer,
d'ailleurs, par les ministres français qui nous ont visités l'an
dernier! On serait, par conséquent, malvenu au Québec de sombrer
dans une psychose sécessionniste et de briser la
Confédération. Posons donc la vraie question. Est-ce que la
hantise d'ériger une frontière et de créer une
bureaucratie encore plus grosse et encore plus monopolisée en un seul
endroit, dans un seul gouvernement, vaut vraiment la peine de détruire
la Confédération canadienne? Ma réponse et celle de la
majorité, c'est NON.
Et si le parti gouvernemental doute de ce que je dis, et s'il croit
plutôt que la sécession politique est la meilleure, et la seule
solution pour les Québécois, je le mets alors au défi
d'amender sa motion et sa question et d'y placer côte à
côte, l'option de la sécession et l'option du renouveau
constitutionnel, on verra bien alors, dans quelle direction la population du
Québec veut fondamentalement aller.
Evidemment, il est plus intéressant d'être tout seul sur le
bulletin de vote. On part ainsi avec une longueur d'avance, puisque la
population ne peut pas appuyer les autres opinions constitutionnelles pour la
bonne raison qu'elles ne sont pas sur le bulletin de vote. Mme la
Présidente, avec la question telle que présentée, il est
clair que tous ceux et toutes celles qui désirent appuyer l'option du
renouveau constitutionnel, c'est-à-dire cette troisième option
moderne et logique que tant de Québécois recherchent entre les
deux pôles extrêmes de la sécession politique et du statu
quo, ne pourront pas le faire, sinon en votant NON.
Motion de sous-amendement
C'est pourquoi, afin d'éviter un gaspillage complet du
référendum; afin d'offrir un véritable choix à la
population; afin d'aider le parti gouvernemental, lui-même, à
souscrire au principe de la clarté même brutale et, finalement;
afin que tous les membres de cette Assemblée puissent se sentir
liés par la décision de l'électorat, je désire
proposer une motion de sous-amendement à la motion d'amendement du chef
de l'Opposition officielle. Vous avez reçu, Mme la Présidente,
copie de cette motion qui se lit comme suit: "Que la motion d'amendement du
chef de l'Opposition officielle soit amendée en ajoutant ce qui suit:
3° Dans la négative, pensez-vous que le gouvernement du
Québec devrait prendre l'initiative de proposer au gouvernement
fédéral et aux gouvernements des autres provinces un projet
cohérent de réforme en profondeur du fédéralisme
canadien, afin de doter le Canada d'une nouvelle constitution selon le principe
de l'égalité des deux communautés linguistiques et selon
le principe d'une répartition claire ef fonctionnelle des
compétences entre les deux ordres souverains de gouvernement? OUI ou
NON? Mme la Présidente, j'en recommande l'adoption à cette
Assemblée. Merci.
La Vice-Présidente: Je remercie le député de
Gouin de m'avoir fait parvenir sa motion d'amendement avant de prononcer son
discours. Cette motion est recevable. Elle peut donc être discutée
en même temps que la motion du premier ministre, que la motion
d'amendement du chef de l'Opposition officielle et de la motion d'amendement du
chef de l'Union Nationale.
M. le ministre des Affaires intergouvernementales. (16 heures)
M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, je vais
intervenir seulement quelques minutes pour dire que je suis peiné de ce
que je viens d'entendre, et surtout surpris, parce que j'ai ici un document du
13 août 1979 qui m'a été transmis par celui qui vient de
parler, alors qu'il était ministre de l'Industrie et du Commerce, alors
qu'il participait avec nous aux premiers préparatifs du livre blanc
gouvernemental et dans lequel je pense que je vais citer un court
passage il nous suggérait avec beaucoup de vigueur d'introduire
les éléments suivants. Ce document, évidemment, est
beaucoup plus complet, mais je pense que c'est assez important.
M. Tremblay: Mme la Présidente, question de
privilège!
La Vice-Présidente: M. le ministre, un moment, s'il vous
plaît, question de privilège. A l'ordre!
M. le député de Gouin.
M. Tremblay: Le ministre des Affaires intergouvernementales
s'apprête à sortir un document que j'aurais écrit lorsque
j'étais ministre dans le gouvernement. Lorsque nous sommes ministre dans
un gouvernement, nous écrivons des textes et des lois en très
grand nombre. Je voudrais simplement dire ceci: Si on commence à sortir
des textes confidentiels qui circulent à l'intérieur du
Conseil des ministres, aujourd'hui, je sortirai d'autres textes moi
aussi.
Je voudrais mettre en garde le ministre des Affaires
intergouvernementales. Je crois qu'il joue avec le feu s'il commence à
sortir des textes qui sont internes à un gouvernement alors qu'un de ses
membres est parti. En sortant du gouvernement, j'ai dit en cette
Assemblée que, pendant au moins trois mois, je ne ferais même pas
allusion à des documents ou à des dossiers dont j'avais une
connaissance privilégiée. J'ai tenu ma parole, je ne me suis pas
servi de ces textes et de ces documents à des fins personnelles et
j'aimerais qu'on ait la décence et la courtoisie, de l'autre
côté, d'en faire autant.
La Vice-Présidente: M. le député de Gouin,
je vous ai laissé vous lever sur une question de privilège. Je
n'étais même pas encore sûre qu'il y ait lieu à une
question de privilège.
A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rivest: Question de privilège, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: On n'a pas parlé de vous, M. le
député.
M. le ministre des Affaires intergouvernementales.
M. Rivest: Question de privilège.
La Vice-Présidente: Sur une question de privilège,
M. le député de Jean-Talon.
M. Rivest: Mme la Présidente, c'est une question de
privilège de la Chambre parce que...
La Vice-Présidente: De la Chambre.
M. Rivest: Oui, parce qu'il n'a jamais rté établi,
en raison de la procédure que le ministre des Affaires
intergouvernementales est en train d'entreprendre à l'endroit de son
ancien collègue... Il faut bien se rendre compte de l'importance pour la
Chambre de ce qui est en train de se produire. Si le ministre des Affaires
intergouvernementales est autorisé à sortir un document interne
du gouvernement en cette Chambre, alors que son collègue a quitté
le cabinet, je pense que nous pourrions... Avec le ministre des Affaires
intergouvernementales, j'ai participé à la conférence de
Victoria et on pourra donner des mémos du ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Samson: Mme la Présidente, question de
règlement, s'il vous plaît.
La Vice-Présidente: Sur la question de règlement,
M. le député de Rouyn-Noranda.
M. Samson: Mme la Présidente, c'est une question qui me
semble très sérieuse et peut-être grave de
conséquences, suivant la décision que vous aurez à prendre
dans quelques instants. Si la solidarité ministérielle est
brisée aujourd'hui et si des textes privés sortent du Conseil des
ministres pour être cités en cette Chambre, je voudrais que vous
me disiez de quelle façon, en tant que parlementaire, pour
préserver tous mes droits, je pourrais exiger du gouvernement qu'il
fasse part à cette Chambre de tous les textes privés qui ont
circulé dans ce gouvernement depuis son arrivée au pouvoir.
La Vice-Présidente: Sur ces questions de règlement,
je pense que la mise en garde doit être suffisante.
M. le ministre des Affaires intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, je ne
vois pas pourquoi on s'oppose tellement à ce que je fasse une lecture
brève de ce que j'ai ici parce que, d'une part, il ne s'agit pas du tout
d'un document secret et, d'autre part, son titre est absolument excellent,
à mon avis. Cela s'appelle: Le Québec, notre seule vraie
patrie.
Juste une parenthèse à propos des documents de la
conférence de Victoria. M. le député de Jean-Talon, si
jamais vous voulez en parler, j'ai justement celui auquel je tiens le plus avec
moi, ici, et éventuellement on pourra peut-être s'amuser beaucoup
plus que vous ne pensez.
M. Tremblay: Question de privilège, encore.
M. Morin (Louis-Hébert): Je le conserve toujours avec
moi.
M. Tremblay: Mme la Présidente, question de
privilège.
M. Rivest: A ce moment-là, on peut sortir aussi...
La Vice-Présidente: A l'ordre! M. le député
de Jean-Talon, s'il vous plaît! S'il vous plaît!
M. Tremblay: Question de privilège, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Gouin.
M. Tremblay: Je dois vous demander de statuer quand même
sur mes privilèges de parlementaire. En tant que ministre d'un cabinet,
j'ai dû prêter un serment d'office me défendant de
dévoiler les discussions, les décisions, et les divergences
d'opinions à l'intérieur du Conseil des ministres. Avec ce
serment d'office, je ne pouvais par conséquent publier des documents qui
reflétaient peut-être des opinions divergentes que j'aurais pu
avoir quand j'étais au Conseil des ministres. Je suis donc lié
par un serment d'office et mes anciens collègues le sont aussi. Mes
droits et privilèges seront violés si on commence, de
façon sélective, à sortir des morceaux de textes qui
avaient été rédigés pour être portés
à la connaissance du Conseil des ministres ou d'un ministre en
particulier et non pas à celle de la population en
général.
A mon avis, Mme la Présidente, vous devez statuer sur cette
question avant qu'on s'apprête à violer un serment d'office non
pas de mon côté, mais du côté du ministre des
Affaires intergouvernementales qui non seulement manque à son serment
d'office, mais manque à sa parole et à la
crédibilité qu'il peut avoir lorsqu'on lui communique des textes
et qu'il les rend publics lorsque c'est à son avantage politique
personnel à court terme.
La Vice-Présidente: J'ai bien entendu votre question de
privilège et je considère que je n'ai pas à trancher. Il
ne s'agit pas maintenant d'une question parlementaire comme telle, mais bien
d'une question de responsabilité ministérielle. Cette
responsabilité appartient à ceux qui doivent l'assumer.
M. le ministre des Affaires intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, je vais
mettre un terme assez rapide à tout cela.
M. Tremblay: Question de privilège, à nouveau.
M. Charron: A l'ordre, à l'ordre!
La Vice-Présidente: M. le député de Gouin,
je pense avoir fait état de la décision qui est rendue quant
à la question que vous avez posée. Je crois que vous avez
suffisamment étayé votre intervention pour que chacun soit
très au courant de ce qui se passe maintenant.
M. Tremblay: Je me lève maintenant sur un fait nouveau de
question de privilège. En tant que parlementaire, je ne permets à
personne de divulguer des textes confidentiels et privés. Cette mise en
demeure doit être acceptée par tous mes collègues de
l'Assemblée nationale. Je pense qu'il s'agit, pour un Parlement, d'une
règle fondamentale; c'est non seulement une règle de
fonctionnement interne d'un Conseil des ministres, mais une règle de
droit parlementaire élémentaire. Il s'agit d'un privilge
élémentaire pour un parlementaire. Si on veut faire appel
à des textes publics ou à des discours publics, qu'on fasse appel
à ces publications. J'ai publié un texte, il y a deux ou trois
mois, qui s'appelle la Troisième option, un livre qui exprime mes
idées personnelles sur la réforme constitutionnelle. Qu'on fasse
référence à des textes publics de ma part, mais qu'on ne
fasse pas appel à des documents ou à des notes de service qui ont
été rédigés pour régie interne ou pour
discussion interne à l'intérieur d'un Conseil des ministres.
Il s'agit, à mon avis, Mme la Présidente et c'est
là où mon privilège est directement concerné
... Je comprends que le ministre des Affaires intergouvernementales voudrait
discréditer celui qui vous parle, c'est la seule motivation qui
l'amène à briser son serment d'office lui-même pour des
avantages personnels.
M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, je
pense qu'on est en train de compliquer les choses. D'abord, j'affirme
clairement qu'il ne s'agit pas d'un document du Conseil des ministres.
Deuxièmement, je ne le lirai pas. Je n'ai lu que le titre: Le
Québec, notre seule vraie patrie. Mais je demande...
Des Voix: Oh!
M. Morin (Louis-Hébert): ... au député
devant tout le monde s'il me donne la permission de déposer ou de rendre
public éventuellement ou peut-être qu'il voudra le faire
lui-même le document qu'il m'envoyait le 13 août 1979 et qui
est ici avec la lettre qu'il me transmettait. C'est tout simplement ce que je
veux dire pour le moment, Mme la Présidente.
M. Tremblay: Je ne donne l'autorisation de distribuer aucun
document privé et des échanges entre collègues à
l'intérieur du Conseil des ministres...
Une Voix: Parlez de la question.
M. Tremblay: ... d'autant plus, Mme la Présidente, que la
plupart de mes recommandations ont été rejetées par la
majorité du Conseil des ministres quand j'y étais!
La Vice-Présidente: M. le ministre.
M. Charron: Question de privilège, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Le député de Gouin vient d'affirmer que
la plupart de ses recommandations, la majorité de ses recommandations,
a-t-il dit, ont été refusées par le Conseil des
ministres.
Une Voix: Non, non. C'est faux.
M. Charron: Le document qu'il demande au député de
Gouin de nous permettre de déposer à ce moment-ci prouve que le
gouvernement a exactement suivi les recommandations du député de
Gouin.
Une Voix: Voilà!
M. Tremblay: Mme la Présidente, je n'ai pas dit qu'on
avait refusé toutes mes idées...
Des Voix: Ah!
M. Tremblay:... parce qu'il y a bien des idées qui ont
été annoncées par d'autres ministres, mais qui venaient de
celui qui vous parle et je n'en ai pas fait mention publiquement...
Des Voix: Ah!
M. Tremblay: ... entre autres, l'année de
l'économie. C'est le premier anniversaire du discours inaugural, il y a
un an. Cette année de l'économie n'a pas eu lieu parce que mes
projets de loi n'ont pas été mis de l'avant...
La Vice-Présidente: M. le député de Gouin,
s'il vous plaît! S'il vous plaît! Revenons à la pertinence
du débat.
M. Gratton: Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: M. le député de
Gatineau, sur une question de règlement?
M. Gratton: Non, sur la motion, Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: Vous aviez terminé, M. le
ministre. M. le député de Gatineau. A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Mercier! A l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député de Laval. M. le député de
Maskinongé, puis-je vous rappeler à l'ordre, s'il vous
plaît?
Bon! Nous pourrons continuer la discussion sur la motion et les
amendements qui sont proposés.
M. le député de Gatineau.
M. Michel Gratton
M. Gratton: Mme la Présidente, on voit bien
jusqu'où ces gens sont prêts à aller pour avoir raison,
pour donner l'impression d'avoir raison, lorsque le père de
l'étapisme lui-même, le brillant ministre des Affaires
intergouvernementales, est prêt à descendre au niveau le plus bas,
que ce soit à l'endroit d'un ancien collègue ou à
l'endroit d'un collègue actuel.
Une Voix: C'est écoeurant! Chien sale!
M. Gratton: D'ailleurs, Mme la Présidente, je ne suis pas
surpris que pas un seul des députés de l'autre côté
n'ait osé digresser le moindrement de la cassette qu'on nous sert de ce
côté-là. Autrement, ils pourraient subir les foudres de ce
vaillant ministre des Affaires intergouvernementales.
Une Voix: On le voit visière levée!
M. Gratton: M. le Président, quant à l'amendement
ou au sous-amendement que vient de nous proposer le député de
Gouin, quant à moi et je parle en mon nom personnel il me
semble qu'il serait tout à fait acceptable à titre d'amendement
à l'amendement déjà proposé par le
député d'Argenteuil. Je suis convaincu qu'après
étude... En fait, notre formation en fera une étude
sérieuse et un intervenant, un peu plus tard, pourra exprimer la
position officielle de notre formation à ce sujet. (16 h 20)
M. le Président, je suppose qu'il ne fallait pas s'attendre que
le ministre des Finances, d'habitude beaucoup plus transparent, dénonce
la ques- tion de son gouvernement. On aurait pu quand même espérer
qu'il ne dise rien s'il n'était pas prêt à se dire en
désaccord. Lui qui a toujours dit que l'indépendance
nécessitait une monnaie québécoise et non une monnaie
commune avec le reste du Canada, lui qui, après avoir, par
solidarité, accepté l'idée d'un premier
référendum, frappait presque le ministre des Affaires
intergouvernementales, au moment où on a déposé la
question et qu'on y prévoyait un deuxième
référendum oui, on a tout vu cela voici que cet
après-midi ce vaillant ministre des Finances a trouvé le moyen
d'intervenir dans le débat en parlant tellement peu de la motion, de la
question qui fait l'objet de cette motion, que la seule conclusion qu'on peut
en tirer, c'est qu'il n'est pas d'accord avec le libellé, mais qu'il
n'ose pas le dire, par solidarité, j'imagine, comme plusieurs des
collègues du premier ministre.
M. le Président, quant à moi, j'appuierai la motion
d'amendement du chef de l'Opposition officielle car, à mon avis, le
débat historique dont nous parlent les gens d'en face ne sera pas
possible à moins, justement, qu'on débatte d'une question
franche, d'une question plus transparente, comme celle qui est
suggérée par le chef de l'Opposition officielle dans sa motion
d'amendement.
Pourquoi le premier ministre et le gouvernement ont-ils
préféré nous offrir une question bidon, une question
où on retrouve un peu un petit quelque chose pour chacun? C'est tout
simplement, M. le Président, parce qu'on veut s'attirer le plus grand
nombre de oui possible. C'est tellement vrai que moi qui ne suis pas un
souverainiste ai-je besoin de le dire? je pourrais facilement
voter oui à quatre des cinq éléments principaux que
contient la question du gouvernement. Comme l'a expliqué le chef de
l'Opposition, qui peut ne pas être d'accord avec l'égalité
des peuples? C'est un des principes de base de la proposition constitutionnelle
du Parti libéral. Qui peut s'opposer à une association
économique du Québec avec le reste du Canada? Le système
fédéral comporte déjà une association qui est plus
complète, plus durable, donc plus profitable que ne pourrait
l'être une association entre deux pays souverains. Négocier une
nouvelle entente, M. le Président, les libéraux ne s'y opposent
pas. Au contraire. On a même détaillé notre proposition
pour une nouvelle fédération canadienne à être
négociée. Un deuxième référendum pour
ratifier le résultat de la négociation. Notre livre beige
n'exclut pas de recourir au référendum pour obtenir l'approbation
de la population à une nouvelle constitution canadienne.
Reste la souveraineté politique. C'est à cela et seulement
à cela qu'on dit non, de ce côté-ci. Assez curieusement,
c'est également la seule chose à laquelle les gens d'en face
tiennent, mais ils n'ont malheureusement pas le courage de l'admettre
franchement, M. le Président. C'est pourquoi l'amendement du chef de
l'Opposition est si pertinent. Il vise à remplacer la question bidon du
Parti québécois par une question beau-
coup plus simple, beaucoup plus claire, beaucoup plus directe, beaucoup
plus pertinente et qui se lit comme suit: "Le gouvernement du Québec a
fait connaître dans son livre blanc son projet d'un nouveau régime
politique pour le Québec. En conséquence, 1) pensez-vous que le
Québec devrait devenir un Etat souverain? Pas un Etat
indépendant, pas la séparation, un Etat souverain. Oui. Non. 2)
Dans l'affirmative, pensez-vous qu'un Québec souverain devrait
rechercher par voie de négociation une association économique
avec le reste du Canada? Oui. Non.
Vous voyez, M. le Président, que dans cette question que propose
le député d'Argenteuil, on retrouve les trois
éléments clés de la question du PQ. Elle permet d'abord de
se prononcer sur l'accession à la souveraineté qui constitue le
fond du débat. Elle permet également de se prononcer sur le
mandat de négocier. Mais contrairement à la question bidon, la
négociation porterait sur l'association économique
d'ailleurs, c'est le troisième élément qu'on retrouve dans
la question du chef de l'Opposition et non sur la souveraineté.
Cela est juste et bon, comme le dirait le nouveau chef de l'Union Nationale,
car même les péquistes admettent que la souveraineté, cela
ne se négocie pas, cela se proclame. (16 h 20)
La question du chef de l'Opposition laisse tomber le deuxième
référendum parce qu'il n'est plus nécessaire. Pourquoi les
péquistes s'y opposeraient-ils? Cela risquerait de ne pas humilier leur
chef, lui qui a la fierté si fragile.
M. le Président, voilà la question qu'on devrait poser au
référendum. Elle n'empêcherait pas les péquistes de
faire exactement les mêmes discours qu'ils font présentement. Au
contraire, elle les rendrait plus pertinents car présentement, les uns
après les autres, le ministre des Finances inclus, ils nous passent la
cassette pour vendre la souveraineté-association. Ils ont honte de
parler du libellé de la question qui fait l'objet de ce
débat.
Je dis que tant et aussi longtemps qu'ils auront peur de parler de la
vraie question, de poser la vraie question, le référendum, loin
d'être perçu comme un événement historique,
demeurera plutôt un sondage de haut niveau, insignifiant, un exercice
futile. Ce n'est pas moi qui dis cela, M. le Président, c'est un
chevalier sans peur ni reproche de l'indépendance, Pierre Bourgault,
qui, dans le Montreal Gazette, disait, en décembre: "Six millions de
mendiants, c'est ce que les Québécois sont appelés
à devenir s'ils disent oui; s'ils disent non, ils sont toujours des
mendiants." Quel choix! Et quel moment historique!
M. le Président, vous me direz: Oui, mais il va voter oui,
Bourgault; il fait campagne pour le oui. La raison est fort simple. C'est
sûr, parce qu'il sait que le véritable objectif, le seul objectif
que le Parti québécois a jamais eu a toujours été
de réaliser coûte que coûte l'indépendance du
Québec. D'ailleurs, les péquistes eux-mêmes ne niaient pas
cela durant les campagnes électorales de 1970 et de 1973. Ils disaient
clairement qu'un vote pour le PQ, c'était un vote pour l'indépen-
dance. Ils ont même produit le budget de l'an 1 d'un Québec
indépendant, en 1973. On connaît le résultat de
l'élection. Forcément, les gens ne voulaient pas, à ce
moment-là, de l'indépendance, pas plus qu'aujourd'hui. Ils ont
dit non une première fois en avril 1970, une seconde fois de
façon encore plus retentissante en octobre 1973. Ils l'ont dit encore
sept fois aux sept élections partielles tenues en 1978 et en 1979. Non
à l'indépendance.
Après l'élection de 1973, c'est là qu'on a vu le
vaillant ministre des Affaires intergouvernementales avec son bon ami, Doris
Lussier, entrer en scène comme les deux bons comédiens qu'ils
sont. On a inventé l'étapisme. On a promis un
référendum sur l'indépendance, ce qui leur a permis de
gagner le pouvoir. Depuis ce temps, on manie les leviers du pouvoir pour tenter
de convaincre les Québécois de préférer
l'indépendance. A ceux qu'on ne peut pas convaincre, Doris Lussier a
suggéré des façons de leur faire croire qu'on ne veut plus
faire l'indépendance. C'est la stratégie, c'est exactement la
technique que les péquistes ont suivie depuis trois ans. Des millions de
dollars en fonds publics ont servi à faire des campagnes de
publicité à saveur nettement nationaliste. On a multiplié
les études sur le fédéralisme canadien. On a publié
celles qui venaient appuyer l'option péquiste et on a caché
délibérément celles qui allaient en sens contraire. C'est
le finasseur ministre des Affaires intergouvemementales. Tout ce qui va mal,
c'est la faute au fédéral, c'est la faute aux Anglais ou c'est la
faute aux deux.
Pendant ce temps, on faisait des sondages pour tenter de savoir si les
Québécois n'accepteraient pas peut-être un peu mieux
l'indépendance, toujours à nos frais, bien entendu. Peine perdue,
M. le Président. La majorité des Québécois ne
veulent pas encore de l'indépendance. Les sondages auront servi à
quelque chose, cependant. On aura pu décortiquer quel genre de question
serait susceptible d'obtenir le plus de oui possible et c'est celle-là
qu'ils poseront au référendum. La question bidon.
C'est ainsi que ce référendum historique dont ils nous
parlent ne devient, en réalité, qu'un simple test
électoral qu'eux, du Parti québécois, doivent absolument
gagner pour tenter de se maintenir au pouvoir. Au fond, que nous dit le premier
ministre? Aux indépendantistes, aux membres de son parti, il dit: Ne
faites pas attention à la question; elle est faite seulement pour
rassurer le plus de gens possible. Mais si vous voulez faire
l'indépendance un jour, vous devez voter oui au
référendum. Aux autres, qu'est-ce qu'il dit? Pas de
problème, c'est un grand moment historique. Laissez votre partisanerie
de côté. En réalité", tout ce qu'on vous demande,
c'est un petit "bargaining power" pour le gouvernement des
Québécois. Vous pouvez voter oui; cela n'engage absolument rien
d'irréversible.
Malhonnête, me direz-vous? Je laisse la population en juger, M. le
Président. Mais, pour un parti désespéré, j'imagine
que tous les moyens sont bons, y compris celui d'essayer de soutirer un oui
à ceux qui ne veulent pas de l'indépendance, et on leur
dit qu'ils pourront toujours voter contre le Parti québécois
à l'élection ou voter non au deuxième
référendum. A ceux-là, M. le Président, je
rappellerai ce que disait le premier ministre lui-même en cette Chambre,
le 21 décembre dernier, au lendemain du dépôt de la
question, page 4896 du journal des Débats: "Quand on aura dit oui au
référendum, on aura, oui, très clairement indiqué
qu'on veut être maître chez nous, qu'on veut
l'indépendance... qu'on veut la souveraineté je m'excuse,
je ne veux pas me faire accuser de mal citer, mais c'est la même
chose...
C'est clair, M. le Président, si nous disons oui au printemps, le
chef du gouvernement nous dit d'avance que nous aurons dit: Oui, on veut la
souveraineté. Eh bien, imaginez-vous, M. le Président, que moi,
je n'en veux pas de la souveraineté, je n'en veux pas de
l'indépendance et je n'en veux pas de la séparation; je n'en veux
pas, avec ou sans association, et je n'en veux ni maintenant ni plus tard.
M. le Président, que dois-je faire, sinon voter non?
Mr Speaker... Oui, ça les fait rire, on parle anglais, imaginez,
quel traître!
Mr Speaker, for the first time in seven years that I have been a member
of this House, I will address myself in English and nobody on that side of the
House is going to prevent me from doing so!
Mr Speaker, I cannot say yes to this question or any other question that
the PQ might ask me. How could I possibly say yes to those who would deprive me
of what I hold dearest? I want to remain what I have been since birth,
Québécois and Canadian. Not just big true sentiment, but because
it gives me advantages. I cannot express that by voting yes in a referendum. I
shall therefore vote no.
What i want also, Mr Speaker, is to do like thousands of immigrants to
Québec, that is choose freely Québec and Canada, and I cannot
express that choice by voting yes in a referendum. I shall therefore have to
say no and I shall say no to independence, no matter what the gentlemen in
front call it. No, no, thank you!
M. le Président, quant à nous, nous sommes prêts
à débattre le fond de la question, nous sommes prêts
à nous prononcer contre la souve-rainté-association, nous sommes
prêts à participer franchement à ce débat qui pourra
être historique si le PQ accepte de laisser tomber son masque. Et nous le
ferons ouvertement, à titre de fédéralistes convaincus,
qui n'ont pas peur de l'admettre; nous le ferons avec d'autant plus
d'empressement que nous sommes foncièrement convaincus que le
fédéralisme canadien a grandement avantagé les
Québécois jusqu'à maintenant et qu'il continuera à
nous avantager encore plus lorsque nous aurons modernisé et
renouvelé la constitution du pays.
En matière de transport, M. le Président, par exemple, je
suis sûr que si le ministre intervient, il fera comme ses
collègues qui l'ont précédé, fidèle aux
directives de Doris Lussier, il tentera de faire le procès de
l'expérience fédérale passée; il nous parlera
sûrement des gens de l'air et là, il aura raison, M. le
Président. Mais je lui rappellerai simplement que, malgré les
difficultés et le temps qu'on y a mis, cette situation a
été réglée sans qu'il soit nécessaire de
faire l'indépendance du Québec.
Je rappellerai également, M. le Président, ce que le
ministre oubliera sûrement de mentionner, que, sous le régime
fédéral, les trois plus grandes sociétés de
transport au Canada, soit Air Canada, Canadien National et Canadien Pacifique,
ont installé leur siège social et leur principal centre de
décision à Montréal, au Québec. Il en est de
même de la Société canadienne de
télécommunication et du service de
télécommunication de Bell Canada. Ces sièges sociaux
demeureraient-ils à Montréal si le Québec devenait
indépendant? Il est permis au moins de poser la question, M. le
Président.
Nous défendrons donc le fédéralisme canadien et
nous le ferons en respectant ceux qui auront le courage d'admettre et de
défendre franchement leurs convictions souverainistes, mais nous ne
pouvons respecter ceux qui, par opportunisme, ont peur d'afficher leurs vraies
couleurs. Nous ne respecterons surtout pas, M. le Président, ceux qui
pousseront l'indécence jusqu'à se dire non-partisans. (16 h
30)
Je répète que nous sommes prêts à un
débat sur le fond de la question, mais, si le PQ veut un débat
historique, il devra d'abord admettre franchement que ce qu'il vise dans le oui
qu'il courtise, c'est d'atteindre tôt ou tard le moment où seule
sa propre stratégie étapiste recule toujours plus loin dans le
temps, c'est-à-dire le moment où il pourra enclencher le
processus d'accession à la souveraineté du Québec. Il
devra donc laisser tomber sa stratégie étapiste et faire face
à la musique. Le gouvernement peut en arriver là, M. le
Président, tout simplement en acceptant l'amendement du chef de
l'Opposition officielle. A ce moment, nous souscrirons au libellé de la
question à laquelle nous inviterons les Québécois à
répondre non, parce que nous sommes profondément et
sincèrement convaincus que les vrais intérêts des
Québécois seront mieux servis dans un Canada renouvelé que
dans un Québec souverain, associé ou non avec le reste du pays.
Ce non sera donc, M. le Président, non seulement plus positif que le oui
de certains, mais il sera même plus québécois.
Le Vice-Président: M. le ministre de l'Energie et des
Ressources.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: M. le Président, je n'arrive
vraiment pas à comprendre comment entreprendre une discussion avec son
voisin dans le respect l'un de l'autre, comment essayer de s'entendre sur la
façon de vivre ensemble, de s'échanger des avantages, sans que
l'un n'écrase l'autre et puisque, de toute façon, quelle que soit
l'entente, il y aura un contrat avec le voisin que l'on aura ample-
ment le temps de relire et de ratifier, je n'arrive pas à
comprendre comment on peut qualifier cette démarche de démarche
vers la séparation, et c'est ce qu'on vient d'entendre. Parce que
qu'est-ce qui reste à celui qui se voit privé de son droit le
plus strict de s'exprimer sur un pied d'égalité avec ses voisins?
Celui qui doit toujours passer par d'autres pour défendre ses
volontés, ses aspirations, ses rêves, eh bien! il se renfrogne, il
s'isole. On pourrait dire qu'il se sépare et c'est là que
mène l'inégalité. C'est là la contradiction qui
force un fédéraliste, finalement, à se replier sur
lui-même et un souverainiste à s'ouvrir sur le monde. C'est cette
contradiction que l'Opposition ne réalise pas et c'est d'ailleurs cette
crainte que les fédéralistes exploitent, cette crainte du
lendemain, cette peur du changement qui est véhiculée dans un
slogan qui est tellement révélateur: J'y suis, j'y reste pour ma
sécurité.
Il y a une de ces craintes que les partisans de la peur ont
exploitée chez les Québécois et c'est celle de geler,
l'hiver, avec la souveraineté-association. Qu'est-ce qui en est vraiment
de cette pénurie de pétrole? En fait, M. le Président,
cette pénurie de pétrole a commencé en 1970 quand on a
découvert, en pratique, que chaque année, l'exploration nous
faisait découvrir moins de pétrole qu'on en brûlait au
cours de l'année et c'est parce que les pays arabes ont pris conscience
de ce fait qu'on a commencé à parler de pénurie et qu'ils
ont voulu faire durer leur pétrole le plus longtemps possible et en
avoir le meilleur prix possible. Qu'est-ce que nous avons fait, nous au Canada,
pendant ce temps pour tenir compte de cette préoccupation des pays
producteurs vis-à-vis du pétrole qui s'écoulait? On a
organisé une grande vente. Vente de fermeture, vente de liquidation du
pétrole, tout doit partir, deux barils pour le prix d'un, sauter dessus
pendant qu'il en reste. C'est cela qu'on a fait. On a fait cela pendant cinq
ans et on a trouvé le fond du baril, M. le Président.
Déjà, parce qu'on est au bout du pipe-line, il a fallu au
Québec et quand j'ai préparé mon discours,
c'était le chiffre, c'était le tiers parce qu'on n'avait pas les
chiffres le tiers de notre consommation, on l'a importé des pays
étrangers. Cependant, au cours d'une semaine, les chiffres sont sortis
et ce n'est pas pour 1979; le tiers, c'était devenu, à partir de
1978, 46,7%.
En d'autres termes, du pétrole albertain, il n'y en aura plus
pour le Québec d'ici cinq ans, de toute façon. La pénurie,
c'est pour nous, ce n'est pas pour l'Ontario; il faut s'en rendre compte tout
de suite. A quel prix, le pétrole? Bien sûr, quand le gouvernement
fédéral, il y a cinq ans, pouvait exporter du pétrole, les
profits qu'on faisait ont servi à payer les subventions et, de cette
façon, le gouvernement fédéral, avec son programme de
subventions, a fait, en plus, $600 millions de profits. Mais, on n'en exporte
plus de pétrole. L'an dernier, on a importé 323 000 barils par
jour, ce qui veut dire que si on n'a pas de pétrole pour exporter,
comment va-t-on financer les importations? La seule façon, c'est en
empruntant. Le gouvernement fédéral a emprunté. Si vous
doutez de ma parole, on vient d'élire un nouveau gouvernement et,
déjà, M. Lalonde ne garantit plus rien sur le prix de l'essence.
Le président de Panartic Oil, une filiale d'une compagnie
fédérale, nous disait, cette semaine, que, sans s'en rendre
compte, les Canadiens payaient $1.50 le gallon pour leur pétrole.
En fait, il n'y aura plus de subvention, il n'y aura plus de
pétrole canadien conventionnel bon marché pour nous. L'Alberta
nous a avertis. Sa production a baissé. Ce qu'on a toujours
reproché au gouvernement fédéral, c'est finalement de nous
faire miroiter de telles subventions pour essayer de nous accrocher alors que,
sur l'essentiel, on perdait. Par exemple, qu'est-ce qu'on a eu, dans le domaine
de l'énergie, sur le plan investissements du gouvernement
fédéral? On a eu Gentilly 1, une centrale nucléaire qui
n'a jamais fonctionné; on a eu Gentilly 2. Le gouvernement
fédéral, pour toutes les autres centrales, les premières
centrales au Canada, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, payait la moitié
des coûts. Quant à nous, il nous a payés 15% des
coûts. Bécancour, LaPrade, avec ses grandes tours
inutilisées et inutilisables; tout ce qu'on a eu, c'est $150 millions
sur $2 500 000 000 d'investissement fédéral en cinq ans. Non, on
n'a pas eu notre part. Il est temps de renégocier une entente.
Il ne faut pas essayer de négocier une entente en
dévalisant les autres pour se refaire. Parce que, en vertu de quel
principe va-t-on accepter de dépouiller l'Alberta de ses richesses
naturelles, de lui payer son pétrole à demi-prix et, après
cela, dire, avec notre électricité: Ah non! nous, on ne partage
pas? Savez-vous, si on avait voulu avoir une politique des prix uniques au
Canada pour l'électricité, combien nous aurait-on demandé
sur notre facture d'électricité? On nous aurait demandé
$600 millions de plus par année si on avait appliqué le
même principe. Ce qui veut dire que les subventions au pétrole, on
les aurait toutes payées à nouveau.
Or, on sait qu'on est extraordinairement riche dans le domaine de
l'électricité. Le ministre d'Etat au Développement
économique le soulignait, les Albertains nous le disent: Quand il n'y
aura plus une goutte de pétrole dans le sous-sol albertain, il coulera
encore de l'eau dans vos rivières. Savez-vous ce que ça
représente? Si on voulait mettre toute l'électricité qu'on
va produire au Québec quand on aura fini, en 1995, de harnacher
nos rivières, comme le fait l'Ontario, comme le font les Maritimes et
les Etats-Unis dans des centrales thermiques, il faudrait trois fois
plus d'énergie, il faudrait 1 500 000 barils de pétrole par jour;
c'est plus que l'Alberta en produit présentement. C'est une richesse
extraordinaire.
Comment peut-on croire les libéraux qui vont nous dire: Le vrai
fédéralisme, comme on le comprend, est basé sur le respect
de la propriété provinciale des richesses naturelles; c'est ce
qu'ils ont dit lors de leur dernier congrès. En même temps, on
nous présente, à cette Assemblée, comme un avantage du
fédéralisme, le fait pour Ottawa d'avoir fixé le prix du
pétrole et d'avoir, en
pratique, spolié l'Alberta, de lui avoir retiré ses
richesses. On joue sur les deux tableaux. A vouloir jouer ainsi sur les deux
tableaux, en faisant croire, d'un côté, qu'on va être
propriétaire de nos richesses et, en même temps, qu'on va
être obligés de céder nos richesses, je ne vois pas comment
le citoyen comprendra quelle est la solution proposée.
De deux choses l'une: Ou bien on défend la juridiction des
provinces sur leurs richesses naturelles, ou bien on favorise les politiques de
partage, comme pour le pétrole, mais, alors, on propose de céder
ses propres richesses naturelles au reste du Canada. C'est ce qu'il faudrait
dire, c'est ce que le Parti libéral devrait dire, que le
fédéralisme beige, c'est l'abandon entre les mains de la
majorité canadienne de tout ce qu'il y a d'instruments
nécessaires à notre développement économique. Le
seul instrument qui nous restait, c'était le contrôle de nos
richesses naturelles, dites donc que c'est ce que ça veut dire, le
céder complètement. (16 h 40)
Si, à l'intérieur d'un vrai fédéralisme, il
faut respecter la propriété provinciale des richesses, je vois
mal comment ils peuvent être propriétaires et que nous, en
même temps, on puisse se servir dans leurs richesses naturelles. C'est ce
qu'on entend depuis le début du débat de l'autre
côté: On ne veut pas se priver des richesses naturelles du reste
du Canada. Si c'est à eux, ce n'est pas à nous. Si cela a
toujours été à eux, ce n'est pas à nous et quand on
en veut, il faut les acheter. Si on veut les acheter, il va falloir les
échanger.
Qu'est-ce que les Québécois attendent de nous, finalement?
On n'a pas manqué de pétrole, par exemple, cet hiver, parce que
la température a été clémente; pourtant, au cours
de l'année dernière, les pays producteurs de pétrole ont
décidé de couper l'approvisionnement des multinationales dans le
monde de 35%. Nous, on s'approvisionne uniquement à partir des
multinationales et les pays arabes ont décidé que
désormais ils négocieraient d'Etat à Etat pour vendre leur
pétrole. Cela veut dire que nos compagnies de pétrole vont avoir
de moins en moins de pétrole à acheter elles-mêmes et que
c'est l'Etat qui va l'acheter à leur place.
Quand l'Opposition, l'Union Nationale et même les libéraux
nous demandent: II y a une pénurie de pétrole qui s'en vient,
qu'est-ce que le gouvernement entend faire? Moi, je pose la question: Est-ce
qu'on va être absent quand on va s'interroger face à ces
problèmes? Est-ce Bernard Cloutier, le président de SOQUIP, notre
société nationale, qui engage des Québécois,
peut-être de vos parents, peut-être de vos amis, peut-être
des gens avec qui vous avez fait vos études? Est-ce que ce sera notre
société d'Etat qui va défendre nos intérêts
ou bien Pétro-Canada avec M. Hopper qui, lui, n'a jamais
été capable d'attirer de Québécois chez lui parce
qu'il vit à Calgary? C'est la question qu'il faut se poser. La
souveraineté-association va nous permettre de relever
véritablement ce défi. C'est-à-dire que quand on va se
tourner vers le gouvernement du Québec, il dira: Oui, c'est ma
responsabi- lité, je suis capable de l'assumer, plutôt que de
passer son temps à se blâmer de ne pas avoir réglé
les problèmes alors que les pouvoirs ne sont pas ici, mais à
Ottawa.
En pratique, le plus bel exemple de ces politiques d'un Québec
souverain associé au reste du Canada, c'est dans le secteur
énergétique qu'on le trouve. On dispose d'un extraordinaire
potentiel en énergie électrique, on est entouré de voisins
qui doivent gaspiller des combustibles pour produire de
l'électricité alors que nous pouvons disposer d'excédents.
Pendant ce temps-là, il y a d'autres régions environnantes au
Canada qui, elles, vont disposer de surplus de gaz naturel: l'Alberta,
l'Arctique, le Labrador, la Nouvelle-Ecosse et possiblement notre propre golfe,
sans parler des pays arabes qui brûlent leur gaz naturel et qui
commencent à être de plus en plus intéressés
à le vendre. Voilà des conditions idéales pour rechercher,
à une échelle continentale, l'utilisation la plus rationnelle de
nos richesses, c'est-à-dire échanger nos surplus contre leurs
surplus. Terre-Neuve a besoin du Québec pour développer ses
ressources hydrauliques et les écouler. La voie maritime est
nécessaire pour l'importation de pétrole en Ontario. A ce
moment-là, dans le cadre d'une véritable association, au sein
d'une communauté économique canadienne, avec une libre
circulation des biens et des personnes, on pourra reconnaître comme
partenaires privilégiés nos compatriotes du Canada, on pourra
leur assurer la priorité d'accès à nos ressources, oui,
mais sur une base d'égalité, en respectant l'autonomie des deux
peuples.
En fait, par la souveraineté-association on pourra enfin
s'occuper de nos affaires, cesser de gaspiller une énergie folle dans
des querelles fédérales-provinciales inutiles. Les défis
sont fascinants. Combien de Québécois vivent d'impatience
à l'idée de mettre leur dévouement, leur intelligence,
leurs connaissances, leurs convictions au service de leur nation? Ouvrons-leur
donc l'univers, disons oui à la négociation d'une nouvelle
entente entre le Québec et le Canada, basée sur l'ouverture sur
le monde et le sens des responsabilités.
Le Vice-Président: J'aimerais demander aux leaders
respectifs s'il y avait une entente sur l'alternance des
députés.
Une Voix: C'est deux à un! M. Lamontagne: Deux à
un! Une Voix: D'égal à égal!
M. Lamontagne: Je comprends que vous ne considérez pas
comme une intervention celle de votre ministre fabricant de la question!
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Champlain et par la suite Mme la
députée.
M. le député de Champlain.
M. Marcel Gagnon
M. Gagnon: M. le Président, merci infiniment. Je n'ai pas
à vous dire, comme député du comté de Champlain,
l'émotion que je ressens actuellement de participer à ce
débat extrêmement important pour l'avenir du Québec.
En fait, ce débat est pour discuter de la question qui sera
posée par le gouvernement au moment du référendum et qui
parle d'une nouvelle entente basée sur l'égalité.
M. le Président, dans le comté de Champlain comme dans la
Mauricie, je pense que les gens que je représente sont bien connus pour
leur nationalisme. Je n'ai pas à vous rappeler les débats qu'on a
vécus longtemps alors que, par exemple, le premier ministre du
Québec était député de Trois-Rivières, M.
Duplessis, alors que son collègue a été longtemps
député dans le comté de Champlain. Je peux vous dire que
les gens ont le nationalisme éveillé. Lorsque j'entends des gens
de l'Union Nationale, par exemple, dire que l'Union Nationale a toujours
été un parti fédéraliste, cela me fait rire un peu
et les gens de mon comté aussi.
Je voudrais vous parler des industries des pâtes et papiers. Comme
vous le savez, l'industrie des pâtes et papiers, pour la Mauricie, a
été tellement importante qu'on a même donné le titre
de capitale mondiale du papier à Trois-Rivières. Pour vous donner
une idée de cette importance, en 1977, l'industrie des pâtes et
papiers et les industries forestières en général
produisaient 70 000 emplois au Québec, $700 millions de salaires et une
valeur de $3 100 000 000.
Malgré cette importance, l'industrie des pâtes et papiers
déclinait rapidement. Pourtant, pour une industrie aussi importante et
avec un fédéralisme qu'on nous dit aussi rentable, je me demande
pourquoi le laisser-aller du gouvernement fédéral face à
ces industries des pâtes et papiers, fit ce n'est pas d'aujourd'hui,
puisque les 25 dernières années ont permis à l'industrie
des pâtes et papiers du Québec de perdre 1% par année
environ de leurs marchés mondiaux. En plus, malgré les offres
qu'on leur faisait l'aide n'est jamais venue parce que je pense que
là-dedans comme dans d'autres domaines dont on a eu l'occasion de parler
depuis deux jours, pour le gouvernement fédéral, ce
n'était pas tellement grave de perdre notre industrie des pâtes et
papiers parce qu'il est normal qu'au Québec ce soit le chômage; le
travail, c'est ailleurs.
Le résultat, c'est que, lorsqu'on a pris le pouvoir en 1976, on
s'est vite aperçu que notre industrie extrêmement importante pour
le Québec était en déclin et rapidement. Les usines
étaient désuètes; leur perte de position concurrentielle
était extrêmement grave. On parlait de menace de fermeture
d'usines. Je peux vous dire que, pour moi, au Cap-de-la-Madeleine, et pour les
travailleurs de la Wayagamack cela n'a pas été une menace de
fermeture d'usine, mais effectivement une fermeture d'usine.
C'est là que je me suis rendu compte de l'importance de la
solidarité des gens parce que, lorsqu'on a vu que l'usine de la
Wayagamack du Cap-de-la-Madeleine fermait ses portes, dans un geste
spontané, on a obtenu un oui massif de la population du
Cap-de-la-Madeleine et de la région pour demander qu'on s'occupe non
seulement de sauver la Wayagamack du Cap-de-la-Madeleine, mais l'industrie des
pâtes et papiers dans l'ensemble du Québec. Le résultat a
été une commission parlementaire sur-le-champ, le recyclage de la
vieille usine du Cap-de-la-Madeleine et, aujourd'hui on y voit opérer
deux industries, LUPEL-Amiante et les Forges HPC. Mais ce qui est encore plus
important de cette prise de conscience, de ce oui massif de la région,
c'est que les 947 employés de l'usine Wayagamack à l'île
sont maintenant sauvés.
La consolidation des emplois a été assurée puisque
actuellement, il se fait un investissement de $81 millions pour moderniser
l'usine de la Wayagamack à l'île. Cela ne s'est pas fait trop trop
facilement. On s'est vite aperçu que le gouvernement
fédéral ne voulait pas trop participer au développement.
On parlait bien des intérêts qu'on pouvait avoir, par exemple,
à essayer d'améliorer les conditions de l'environnement; on
parlait de diminuer la consommation d'énergie, mais jamais on ne voulait
s'attaquer aux racines du mal. (16 h 50)
En janvier 1978, après avoir bâti une table de concertation
avec tous les gens du milieu, on a décidé de s'attaquer à
la modernisation. On a obtenu la collaboration de tous les gens du milieu, mais
Ottawa ne semblait pas intéressé. On n'était pas
intéressé, surtout, à créer des emplois. La
négociation a duré huit mois. De multiples rencontres entre
Ottawa et Québec, Québec et Ottawa, tant au niveau des mrnistres
qu'au niveau des fonctionnaires. On est habitué à ce genre de
pèlerinage, dans le système dans lequel on vit. Mais les
travailleurs étaient toujours dans l'attente. Les travailleurs
étaient toujours sur l'assurance-chômage. Les travailleurs, chez
nous, vivaient nerveusement, à savoir si on pourrait réellement
sauver les usines de pâtes et papiers au Québec.
Au bout des huit mois, attention! On a peut-être des chances que
le gouvernement fédéral embarque. On a décidé
d'embarquer, mais avec une nouvelle philosophie. Les Québécois,
on n'est pas trop, trop capables, alors on a recommencé à dire
qu'on est prêt à aider pour la dépollution, pour
l'économie d'énergie, mais le plan global qui avait
été présenté et préparé avec les
travailleurs, avec les compagnies et avec le gouvernement du Québec,
ça, c'était douteux. Le gouvernement fédéral avait
décidé de refaire une étude parce qu'on était plus
ou moins crédible, et, surtout, on avait peur de prendre de l'expansion
et, si on prenait de l'expansion, on créait des emplois au
Québec. Ce n'est pas trop, trop bon pour les provinces qui sont
habituées à avoir les jobs et nous, le chômage.
Mais, après huit mois et quatre autres mois de supplication de la
part du ministre et à la chance qu'on a eue d'avoir une élection
il y a un gouvernement opportuniste qui a profité de
l'élection on est venu à bout de débloquer le 15
mai. Mais, les négociations ne sont pas finies. D'ailleurs, avec le
gouvernement fédéral, ce n'est jamais fini. C'est toujours
à reprendre.
Le succès est tel de notre plan de relance des pâtes et
papiers, le oui est si massif des compagnies et des travailleurs et de tout le
monde que même ça dépasse nos aspirations. Les compagnies
papetières ont . décidé d'investir $2 500 000 000 au cours
des cinq prochaines années. Si on enlève de ça les $700
000 000 qui vont pour l'entretien des usines, c'est une augmentation de plus de
$600 000 000 d'investissement qu'on espérait voir dans ce domaine. Ce
qui fait que le gouvernement du Québec a décidé lui aussi
de faire sa part pour récupérer le maximum des retombées
économiques et d'augmenter, de $150 000 000 à $250 000 000, sa
part. Mais voilà, le pélerinage doit recommencer parce qu'on
n'est pas sûr du tout, et on est moins que sûr que le gouvernement
fédéral accepte, lui aussi, de faire sa part. On va recommencer
le même pélerinage qu'on a toujours fait.
Vous savez, M. le Président, pour certains hommes politiques
qu'on retrouve ici, à l'Assemblée nationale, entre autres le chef
du non, le chef négatif, être obligé d'attendre un an pour
obtenir une participation fédérale constitue un prix minime pour
notre participation dans le régime fédéral. Mais pour les
travailleurs qui doivent attendre douze mois sur l'assurance-chômage, en
vivant dans l'espoir d'une éventuelle entente
fédérale-provinciale, c'est 365 jours de trop.
Cela me fait penser à une petite histoire que mon père me
contait et qu'il a vécue en 1933, alors qu'il était
employé de la Canadian Vickers, à Montréal. Comme
plusieurs Québécois du temps, parce qu'on n'a pas inventé
le nationalisme, ça fait longtemps qu'il existe, qu'il est à
l'état latent, après avoir exigé d'être
traité d'égal à égal par son "boss" et je
présume qu'il avait dû lui servir des arguments assez frappants
son "boss" lui a dit: Donne-moi la main, Jos, si tous les
Québécois exigeaient la même chose que toi, on vous
traiterait d'égal à égal. Je suis persuadé
mon père est malheureusement décédé; il ne verra
pas le jour qu'il souhaitait voir que, comme plusieurs personnes
âgées, s'il vivait actuellement, il dirait: Bien oui, mon vieux,
je vais dire oui au référendum.
A la suite de tant d'efforts dans la région pour sauver les
industries de pâtes et papiers et dans le domaine forestier... Comme les
travailleurs dans ces domaines, comme les pêcheurs de la
députée des Iles-de-la-Madeleine, comme les cultivateurs dans mon
comté, comme l'ensemble des Québécois, comme l'ensemble
des travailleurs québécois dans tous les domaines, je peux vous
dire que c'est avec une très grande fierté que je dirai oui,
comme les gens de mon comté et l'ensemble du Québec, à la
question qui nous sera posée.
Des Voix: Bravo!
Le Vice-Président: Mme la députée de
Prévost.
Mme Solange Chaput-Rolland
Mme Chaput-Rolland: M. le Président, nous sommes plusieurs
à être entrés en politique pour prendre part au
débat référendaire et c'est donc avec gravité et
beaucoup de sérieux que je me lève à mon tour pour
participer à ce que l'on nous a dit être la plus importante
décision de notre histoire politique et nationale.
M. le Président, je vais essayer de me conformer à ce que
vous appelez la pertinence, mais vraiment, par moments, je me demande où
je suis entre la pertinence, la désobéissance,
l'obéissance et l'éloquence.
De toute évidence, cette question a été
rédigée pour contenter tout le monde et ne faire peur à
personne, mais elle me semble avoir mécontenté beaucoup de monde
et fait peur à plusieurs citoyens qui, comme moi, aussi
honnêtement que moi, désiraient participer à la course
référendaire dans la clarté du jour politique.
Prétendre, comme le suggère la question dans son actuel
libellé, qu'il s'agit de négocier de nouvelles ententes pour
continuer dans des institutions partagées à faire bon
ménage avec le Canada, c'est, à mon avis je m'excuse de le
dire tout de go leurrer dangereusement ceux qui, bientôt, se
rendront aux isoloirs pour tracer leur oui ou leur non. D'autant plus que la
plupart des premiers ministres du Canada ont déjà refusé
de négocier une association économique sans une union politique
de type fédéral, et cela a été dit clairement
à travers le pays.
La question jaillit donc de la philosophie fondamentale d'un parti qui a
toujours eu le courage de ses opinions et qui ne songeait pas, avant la
formulation de la question, à maquiller son option. Je ne serai pas
traumatisée, ni terrorisée, ni scandalisée par ceux qui
diront oui. Il ne me viendrait pas à l'idée de dire et
d'affirmer, comme on le fait de nous, qu'ils trichent ou mentent ou faussent le
jeu référendaire parce que, comme nous, ils choisiront de
répondre à la question selon leur vérité et selon
leurs allégeances constitutionnelles, comme nous allons le faire avec
autant de courage.
Mais, M. le Président, ce qui entame ma confiance dans ladite
question, c'est son recul devant l'expression claire de la volonté du
gouvernement de former, à même le Canada, comme il l'a dit et
comme il l'a dit cet après-midi, deux Etats souverains associés
par un traité et, qui plus est, deux Etats dont les ressortissants
à l'intérieur de leurs frontières seront munis d'un
passeport différent, comme l'indique clairement le livre blanc. Si la
thèse qu'on nous propose n'est pas la brisure canadiene, alors pourquoi
aurais-je besoin d'un autre passeport de celui que j'ai et qui m'ouvre depuis
très longtemps les portes du monde?
S'il est vrai que notre peuple est debout, et c'est vrai, pourquoi la
question qui le pousse à choisir son destin n'est-elle pas claire, forte
et aussi courageuse que ce peuple? (17 heures)
Je refuse de penser que sous le couvert des mots
"souveraineté-association", il m'est demandé de faire semblant de
croire qu'il ne s'agit pas de couper un pont entre le Québec et le pays
d'alentour, mais tout simplement de maintenir le Québec dans un Canada
d'égal à égal, selon l'esprit des documents politiques du
Parti québécois.
La notion d'égal à égal, pour séduisante
qu'elle soit au plan philosophique et moral, ne correspond pas à la
dimension démographique et réelle de ce pays formé de deux
sociétés inégales par le nombre et la force
économique.
Je n'ai pas ri de vous, messieurs, quand vous avez parlé, je vous
demanderais de m'écouter!
M. le Président, le destin d'un peuple, dans une
société mûrie par la difficulté d'être, ne se
réduit pas à une transcription plus ou moins fidèle de
l'humeur du moment, exprimée par de multiples sondages, lesquels ont
quantifié nos émotions, nos attentes et ont transformé nos
espérances en statistiques.
Le gouvernement a, de toute évidence, choisi une question de
stratégie à une question de substance. C'était son droit,
je le reconnais; mais c'est le mien, à titre de députée de
Prévost et de Québécoise, tout autant que vous et
peut-être depuis plus longtemps que certains de vous, de dire que je vais
scruter la tonalité de la question. Elle fut choisie sans aucune
consultation avec les membres de cette Chambre et sans égard à la
simple courtoisie qui devrait exister entre nous. Pourquoi ne pas tous nous
associer, justement, à ce qui relève d'une des plus hautes formes
de la dignité humaine, soit le droit de choisir, en toute connaissance
des faits, notre destin collectif et politique?
La question évoque la tenue de deux référendums; le
premier devient alors un sondage, mais le second, M. le Président,
sera-t-il plus déterminant?
M. le Président, comment notre économie pourra-t-elle
résister à ces tensions internes et externes? Les
impératifs du développement nous imposent de
réfléchir à notre réalité; notre standard de
vie à l'américaine, notre faim de vivre enfin comme tout le
monde, enfin avec autant de confort que tous les autres citoyens de ce pays,
nous demendont, je crois, de refuser un divorce à la canadienne.
Je ne possède pas une très grande expertise en
économie, et je le sais, mais dans l'optique d'une nouvelle entente dont
la question affirme qu'elle doit reposer sur une union monétaire, le
Québec se retrouvera plus coincé dans sa marge de manoeuvre et il
deviendra dépendant des décisions canadiennes et
américaines encore plus qu'il ne l'est déjà.
La question, on le sait, propose de retenir le dollar canadien, ce qui
démontre que le gouvernement pense Québec, mais vit Canada,
puisqu'il a assorti la souveraineté derrère le projet d'associa-
tion économique avec le partenaire plus riche, donc plus susceptible de
rassurer ceux dont la ceinture est déjà usée à
force de se la serrer.
Mais comment regarder au bout de l'actualité sans regarder au
matin même de notre histoire? Et cette histoire n'est pas simplement le
récit d'injustices sur lesquelles on s'appesentit dans cette Chambre,
pour oublier ce que le Canada nous a aussi donné, elle est aussi, cette
histoire, celle des libertés politiques et individuelles et, sans cela,
nous n'aurions pas le courage, dans cette Chambre, de nous affronter aussi
ouvertement et aussi librement.
J'ai appris, au cours des dernières années et ce ne
me fut pas facile que la liberté consiste tout autant à
protéger ce qu'on a qu'à obtenir ce qu'on n'a pas. J'ai un pays,
le Canada, j'ai une patrie, le Québec; il s'agit, au-delà de la
question, pour moi, d'un pays à défendre par un non à
faire entendre.
J'aurais moi aussi, croyez-moi, M. le Président,
préféré respecter la question et ne pas perdre tant de
temps à en parler; j'aurais voulu la bien comprendre, pour être
capable, de l'interpréter honnêtement à mes commettants,
mais, comme c'est là, je sais fort bien pourquoi je dirai non, mais je
ne sais pas très bien avec qui ceux qui diront oui vont négocier.
Avec un ou avec neuf?
Si la réponse était uniquement politique, M. le
Président, le gouvernement seul en ferait les frais. C'est comme cela
dans tous les pays du monde. Mais puisqu'elle est nationale et
constitutionnelle et, partant, morale, alors le peuple tout entier en assumera
le poids, les conséquences et les lourdes obligations.
M. le Président, j'épouse l'amendement proposé par
le chef de l'Opposition officielle. Je ne suis pas assez familière avec
cette Chambre pour savoir si je peux soutenir la proposition du
député de Gouin, mais je pense que oui. Cet amendement me rassure
et clarifie ma notion de ce que devrait être le référendum
sur notre avenir. Cet amendement exprime clairement le choix que devront faire
les Québécois et j'ai mal à comprendre pourquoi il
apparaît tout à coup ridicule de vouloir plus de clarté
entre nous tous. Au-delà de la question, de son libellé, de ses
interprétations des uns et des autres, sûrement que nos
concitoyens ne se décideront pas à dire oui ou non à leur
avenir simplement parce que j'ai écrit des éditoriaux, il y a
quelques années, qu'on s'amuse à me retourner, ou d'autres, ou
pour admettre les qualités de certains membres du gouvernement, ou pour
approuver certaines législations péquistes quand c'était
le temps.
Les Québécois savent, M. le Président, qu'ils
doivent vivre dans leur difficile quotidien avec des matins de grandes
espérances et des brunantes de grandes difficultés. Ils doivent
conjuguer les deux dans une journée pleine de labeur, pour enfin donner
à ceux qui sont exaspérés de tous ces débats
référendaires la paix sociale, la sécurité et la
fraternité dont nous avons besoin pour être sûrs de notre
lendemain. M. le Président, je dirai non à la question. Pas parce
que j'ai peur du lendemain
souverainiste. Pas parce que je crois que nous mourrons tous d'inanition
dans un Québec souverain. Pas parce que je suis une affreuse
Québécoise. Pas parce que j'ai peur du lendemain. Mais pour une
raison pour moi fondamentale, M. le Président, et très claire.
J'aime ce pays, malgré ses petitesses et ses injustices, et bon Dieu!
qu'il en a commis au cours des âges! Je n'en connais point d'autre
à l'intérieur duquel je me sentirais plus libre de dire
clairement et ouvertement, et avec beaucoup de respect, aux plus hautes
instances et aux plus hautes autorités du Québec et dans cette
Chambre que je suis incapable de dire oui à la brisure du pays et que
donc, pour le garder intact, je dirai non, sans bravade, sans hargne, avec
peut-être un peu de tristesse, mais avec beaucoup de foi. A la question
que le gouvernement pose à tous les Québécois, je dis
non.
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Denis de Belleval
M. de Belleval: M. le Président, je voudrais, le plus
directement et le plus sobrement possible, expliquer pourquoi et comment la
question que nous pose le gouvernement, en ce qui concerne l'obtention par le
Québec de ses pouvoirs législatifs, de ses pouvoirs fiscaux au
sein d'une nouvelle association économique avec le reste du Canada,
pourquoi cette question s'applique particulièrement bien en
matière de développement de nos moyens de transports. Ceci est
particulièrement opportun puisque, vous le savez, M. le
Président, le régime politique dans lequel on vit actuellement,
la Confédération de 1867, a été largement
fondée, a été constituée sur l'extension des
systèmes de transport ferroviaire à travers l'ensemble du
continent nord-américain et en particulier, évidemment, cette
partie nordique de ce continent que constitue le Canada. (17 h 10)
Une des causes fondamentales de la Confédération, c'est ce
besoin qu'éprouvaient les colon-nies britanniques de mettre ensemble
leurs moyens financiers et, en particulier, leurs pouvoirs d'emprunt pour
obtenir les fonds de façon à étendre le réseau
ferroviaire canadien à travers l'Ouest jusqu'au Pacifique. Cette
façon de concevoir l'organisation politique au Canada pour des raisons
de transport n'était pas nouvelle, d'ailleurs, puisque l'Acte d'Union de
1840 poursuivait lui aussi, en partie, les mêmes fins. En particulier,
entre 1840 et 1867, les impôts des Québécois d'alors
ceux qui étaient unis au sein d'une même colonie, avec le
Haut-Canada, c'est-à-dire l'Ontario avaient surtout servi,
pendant cette trentaine d'années, à construire, dans ce qui est
devenu l'Ontario d'aujourd'hui, un immense réseau de canaux et de
chemins de fer tandis qu'au Québec on se retrouvait avec des
infrastructures presque inexistantes.
Déjà, entre 1840 et 1867, les impôts des
Québécois avaient servi à développer les moyens de
transport en Ontario. En 1867, les mêmes buts étaient poursuivis
et, effectivement, pendant les années qui suivirent, les impôts
des Québécois servirent à développer les moyens de
transport à travers tout le Canada, et presque surtout en Ontario, dans
les provinces maritimes et dans l'Ouest du Canada.
Je voudrais seulement souligner à cette Assemblée certains
effets politiques et culturels de cette politique d'expansion de nos moyens de
transport. Au moment où le chemin de fer reliait Montréal
à Winnipeg, le gouvernement du Canada avait entrepris une politique de
colonisation des nouveaux territoires ainsi accessibles par chemin de fer. A
cette époque, au début de ce siècle, il en coûtait
moins cher, grâce à cette politique d'immigration du gouvernement
canadien, pour peupler les Territoires du Nord-Ouest, pour peupJer la
Saskatchewan, pour peupler le Manitoba, en vertu de leurs politiques de
transport du temps, pour faire venir des immigrants d'Ukraine à travers
un port de Pologne ou d'Allemagne, par bateau et, ensuite, par chemin de fer de
Montréal à Winnipeg, il en coûtait moins cher à ces
familles d'immigrants d'Ukraine, dis-je, pour coloniser l'Ouest du Canada, que
pour des Québécois qui partaient de Montréal, prenaient le
chemin de fer et allaient à Winnipeg pour les mêmes fins.
Pendant toutes ces années, les politiques tarifaires du
gouvernement fédéral faisaient en sorte que les
Québécois étaient des sous-immigrants dans leur propre
pays et qu'on favorisait davantage l'accès de ces nouvelles terres aux
immigrants d'Ukraine et d'Europe centrale qu'aux propres habitants du
Québec qui, à ce moment-là, étaient à
l'étroit dans leurs terres dans la vallée du Saint-Laurent. On
sait quelles ont été les conséquences de cette politique
de transport, en particulier. De la moitié qu'était la population
française du Manitoba, vers 1880 ou 1890, on se retrouvait, quelques
années plus tard, avec une diminution constante de la population
francophone noyée dans ces nouveaux immigrants d'Ukraine, de Pologne, ou
d'Europe du Nord. Aujourd'hui, la deuxième langue, dans l'Ouest du
Canada, c'est l'ukrainien, ce n'est plus le français, et seulement 4% de
la population du Manitoba est maintenant francophone.
Pendant ce temps, qu'est-ce qu'on faisait avec le surplus de population
que nous avions au Québec? Essentiellement, on encourageait
l'émigration de cette population vers les Etats de la
Nouvelle-Angleterre, vers Lowell, au Massachusetts, vers toutes ces petites
villes que l'on connaît dans ces Etats voisins. Nous étions non
seulement considérés comme des sous-immigrants dans notre propre
pays, mais nous étions tout simplement forcés, à toutes
fins pratiques, et encouragés à émigrer aux
Etats-Unis.
Les politiques de transport ont donc non seulement des effets sur le
plan économique, mais elles ont aussi des effets culturels importants et
ce sont les Québécois, les francophones du Canada qui, ni plus ni
moins, se sont vus "ostracisés" dans leur propre pays, par ces
politiques au bénéfice d'immigrants d'Europe centrale, au
siècle dernier.
Vous me direz que tout ça, c'est de la vieille politique, que
tout ça, c'est de la vieille histoire, qu'aujourd'hui les choses ont
changé. Je voudrais, par quelques chiffres, essayer de démontrer
que cette situation n'a pas changé au fil des années et qu'encore
aujourd'hui les Québécois et le Québec se trouvent
défavorisés par les politiques de transport du gouvernement
fédéral. Quelle est actuellement la situation sur le plan
économique, quelle est l'importance, sur le plan économique, du
système de transport? Tous savent qu'effectivement les moyens de
transport jouent un rôle de tout premier plan dans l'économie du
Québec, à la foi comme activité de service et comme
secteur économique. En fait, le secteur des transports au Québec,
dans notre économie, représente 6% de notre produit
intérieur brut. Il s'agit d'un chiffre d'affaires d'environ $1 600 000
000, 4% des immobilisations annuelles et près de 100 000 emplois, sans
compter les effets d'entraînement qui sont évidemment très
appréciables et très importants.
Les modes de transport effectivement contrôlés par le
gouvernement fédéral dans cette économie le
transport ferroviaire, maritime et aérien totalisent 51% des
recettes, 42% des emplois et 46% des salaires directement reliés aux
activités des transporteurs au Québec. Cette situation donne au
gouvernement fédéral un rôle déterminant non
seulement dans l'organisation des systèmes de transport, mais
également dans le développement économique du
Québec. Or, ce rôle déterminant, comment a-t-il
été utilisé par le gouvernement fédéral dans
les différents systèmes de transport dont il est question?
Je commencerai d'abord par le système routier. En vertu de la
constitution actuelle, les systèmes routiers au Canada sont de
compétence provinciale et, pourtant, cela n'a pas empêché
le gouvernement fédéral, au fil des années, d'investir de
façon très importante à travers le Canada dans le
développement routier en vertu de ce fameux pouvoir de dépenser
que s'arroge le gouvernement fédéral, y compris dans les secteurs
de juridiction provinciale.
Entre 1952 et 1973 j'attire là-dessus l'attention du
député de Gatineau; il ne s'agit pas dans ce cas-là
d'études du gouvernement du Québec, mais d'études du
gouvernement fédéral lui-même; ce sont des statistiques
fédérales que je vais citer $2 375 000 000 ont
été investis au Canada dans les systèmes de transport
routier de compétence provinciale. $420 millions de ces $2 375 000 000
auront été investis au Québec, soit 17% et un peu plus,
17,7% des dépenses alors que pour les voies routières au Canada
la part du Québec est de 24%. Notre population, comme vous le savez,
durant ces années, était d'environ 28% de la population
canadienne. 28% de la population canadienne, 24% du parc routier, 17,7% des
dépenses. Cela dans le domaine routier. Ce sont donc plusieurs centaines
de millions de dollars que nous avons financés avec nos impôts
dans les provinces du reste du Canada.
Dans le domaine des chemins de fer, maintenant. 12% du réseau des
chemins de fer sont situés au Québec. J'entends l'Opposition
dire: Oui, mais c'est pour des raisons géographiques. Comment se
fait-il, dans ce cas-là, que 9% du réseau des chemins de fer au
Canada sont dans les provinces atlantiques? Comment se fait-il que 23% du
réseau des chemins de fer au Canada sont dans la province de l'Ontario?
Est-ce pour des raisons géographiques quand on compare l'étendue
de ces provinces à l'étendue du territoire habité
québécois? Comment se fait-il que nous ayons si peu notre part
dans les chemins de fer alors que des millions de dollars des impôts des
Québécois ont servi à financer ces investissements dans
les autres provinces? (17 h 20)
Quand on regarde maintenant les taux de transport qui sont payés
pour l'utilisation des chemins de fer au Québec, ces taux de transport
sont de 41%, ce qui fait que, quand il s'agit de concurrencer non seulement les
Etats américains dans le domaine du transport des pâtes et
papiers, mais, par exemple, des entreprises qui fabriquent du papier en
Ontario, nous devons payer en moyenne $20 de plus la tonne/mille pour
transporter notre papier du Québec sur des distances semblables entre le
Québec et les Etats-Unis, comparé à une même tonne
de papier transportée sur la même distance entre l'Ontario et les
Etats-Unis. Ce sont tous des désavantages, bien sûr, qui nous
coûtent non seulement très cher en termes de profits pour nos
entreprises, mais aussi en termes de développement en
général de ce secteur économique.
Dans le domaine économique, me direz-vous, cependant, grâce
au fleuve Saint-Laurent, nous devons être bénéficiaires
dans le système fédéral actuel. Or, M. le
Président, il n'en est rien, non plus. Même avant la canalisation
du Saint-Laurent, dans les entreprises maritimes, c'est-à-dire dans les
installations, dans les infrastructures maritimes, essentiellement les ports et
les canaux, le Québec avait moins d'investissements en capital que
l'Ontario en cette matière. Le coût du capital des investissements
qui avaient été faits par le gouvernement fédéral
au fil des années, en 1955, était d'environ $78 millions pour le
Québec et de $91 millions pour l'Ontario, ce qui reflète bien la
différence entre l'importance des installations maritimes en Ontario par
rapport aux installations maritimes au Québec.
Entre 1955 et 1969, la valeur de ce capital a augmenté de 8% au
Québec; en Ontario, durant la même période, de 56%, M. le
Président. Dans les Maritimes, durant la même période, de
60%. Ces quelques chiffres, je pense, illustrent bien et je pourrais
continuer dans le domaine aérien toujours, ce même fait,
c'est-à-dire le sous-investissement systématique du gouvernement
fédéral dans les infrastructures de transport au Québec
par rapport aux autres provinces du Canada. Effectivement, nos impôts en
général dans le domaine du transport ont servi à enrichir
d'infrastructures le reste du Canada.
C'est pour cette raison, M. le Président, qu'il nous faut
rapatrier au Québec ces impôts, ces pouvoirs législatifs
afin de rétablir ce déséquilibre,
de faire en sorte qu'à l'avenir ces impôts, ces lois, ces
règlements servent aux intérêts des
Québécois.
M. Scowen: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, vous avez maintenant la parole.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Merci, M. le Président. Je regrette que je
n'aie pas l'habileté de parler d'une façon émotive comme
mon collègue, le député de Prévost. Je suis
obligé, à cause de ma formation et peut-être de mon sang,
de parler sur un ton un peu plus rationnel. Mais je suis persuadé, quand
même, qu'il existe aujourd'hui beaucoup de jeunes Québécois
et beaucoup de personnes qui prennent au sérieux la question qui est
devant nous et qui ont l'intention de suivre le débat et de le suivre
d'une façon...
M. Landry: M. le Président, je m'excuse sincèrement
auprès du député.
Le Président: M. le ministre d'Etat au
Développement économique.
M. Landry: Je veux soulever une question de privilège qui
n'en sera peut-être pas une parce que peut-être que j'ai mal saisi.
J'ai cru comprendre que le député, notre collègue, avait
parlé de son sang. Il a dit: Peut-être qu'à cause de mon
sang je vais parler de façon plus rationnelle. Est-ce qu'il pourrait
m'expliquer avant que je me sente insulté par des questions de sang ce
qu'il voulait dire par cette phrase: que son sang le ferait parler d'une
façon plus rationnelle? Je suis un défenseur des libertés
civiles et les arguments basés sur le sang, je ne les ai jamais
employés et je serais étonné que...
Le Président: M. le ministre d'Etat au
Développement économique, bon.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
Une Voix: Ne réponds pas à cela. M. Scowen:
Je...
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez la parole.
M. Scowen: J'espère, M. le Président, que vous avez
compris au moins le sens de mes paroles, mon collègue de Prévost
aussi et la population également. Je vais continuer.
Une Voix: En anglais.
M. Scowen: Non. Je vais parler en anglais plus tard. Je vais
parler pour le moment en français.
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A l'ordre,
s'il vous plaît! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce,
vous avez la parole. Je demande votre collaboration, comme elle nous a
été accordée jusqu'à maintenant pour
permettre au député de Notre-Dame-de-Grâce de s'exprimer
sans interruption.
M. Marchand: Ne t'occupe pas d'eux.
M. Scowen: Merci, M. le Président. Je vais continuer. Je
voulais dire que je vais parler ici sur la base de la réalité, de
la raison et surtout aux personnes qui s'interrogent sérieusement quant
à la portée des questions qui sont devant nous.
D'après moi, avant de faire un changement fondamental dans la vie
politique d'un pays comme dans n'importe quel autre aspect de notre vie, il me
semble essentiel qu'on soit convaincu de deux choses: premièrement, que
les conditions actuelles ne sont pas vraiment acceptables, et
deuxièmement, que l'alternative qui nous est proposée est quelque
chose qui nous donne de bonnes chances d'améliorer notre situation.
C'est sur ces deux questions que je veux parler. Je veux de plus, parler
surtout de l'actualité d'aujourd'hui. Je vous dis franchement, au
début, que je ne m'intéresse pas beaucoup à tout ce qui
est arrivé ici au Québec il y a 100 ou 150 ans ou même il y
a 25 ans. Mes prédécesseurs sont morts. Ils sont responsables,
j'imagine, devant le bon Dieu, de leurs actes. Je veux seulement parler aux
gens qui habitent ici, qui ont des problèmes aujourd'hui et qui veulent
penser un peu à l'avenir.
La première question que je veux poser est la suivante: Sur le
plan économique et je veux surtout parler de l'économie
est-ce que cela va mal aujourd'hui au Québec dans le Canada ou
est-ce que cela va pas mal bien? Dans le livre blanc, on a consacré au
moins la moitié 50 pages à essayer de nous
persuader que cela va mal, que nous sommes des exploités, des
déprimés, incapables de prendre nos choses en main pour notre
propre avenir. Le ministre de l'Industrie et du Commerce lui-même disait
à peu près la même chose hier dans son discours. Il disait
que nous sommes défavorisés dans notre proportion du
marché de l'industrie de l'automobile et du nucléaire, par
exemple. Cependant, il n'a pas dit que dans beaucoup d'industries
québécoises, nous avons une part du marché qui
dépasse énormément notre part de la population. Nous avons
25% ou 27% de la population du Canada ici au Québec. Nous avons 52% de
l'industrie de l'avionnerie, une industrie très avancée sur le
plan technologique. Ce sont les autres provinces qui sont
défavorisées là-dedans. Nous avons 35% de l'industrie
canadienne des pâtes et papiers, 34% de l'industrie chimique, 50% de
l'industrie du textile, 60% de l'industrie du tabac, 38% de l'industrie
laitière et 33% de l'industrie du porc. Dans tous ces domaines et dans
beaucoup d'autres, ce sont les autres provinces du Canada qui sont
défavorisées par rapport au Québec. Je ne pense pas que
le
ministre de l'Industrie et du Commerce veuille que nous reculions
à 27% de notre part de la population dans toutes ces industries
simplement pour faire plaisir aux autres provinces.
La raison pour laquelle nous sommes favorisés dans quelques
industries et défavorisés dans d'autres, c'est tout simplement
à cause de la spécialisation qui est normale et même
souhaitable dans un marché commun. C'est l'essence même d'un
marché commun. C'est l'avantage du Canada, du marché commun que
nous vivons. Je comprends mal comment le ministre pourrait être compris
ou cru par la population quand il parle seulement des industries dans
lesquelles nous avons moins que 27% du total canadien. De plus, je veux
simplement souligner à la population et à vous, Mme la
Présidente, que, même si le ministre a dit hier que cela va
très mal au Québec sur le plan économique dans un
système fédéral, il y a seulement quelques semaines, le 15
décembre 1979, il a convoqué une conférence de presse avec
M. Landry pour dire, et je cite les manchettes: "1979 a été une
bonne année pour l'économie québécoise". M. Duhaime
disait qu'il a été très satisfait de la performance de
l'économie québécoise en 1979, à l'intérieur
de notre Canada fédéral: baisse du chômage, hausse des
exportations, augmentation de 15% des immobilisations. Le secteur primaire a
aussi connu de bonnes performances, etc. (17 h 30)
II s'est vanté, pendant toute une conférence de presse, de
la bonne performance de l'économie du Québec à
l'intérieur du gouvernement fédéral canadien. A moins que
vous puissiez accepter que tout ce qui est bon dans cette province, c'est
à cause du gouvernement péquiste, et que tout ce qui est mauvais,
c'est à cause du gouvernement fédéral, à moins que
vous puissiez vraiment croire une telle chose, il faut que vous admettiez que
le ministre est tombé un peu dans l'incohérence.
La deuxième question que je veux vous poser est la suivante:
Même si vous croyez que cela ne va pas bien, ici au Québec, dans
le Canada, pensez-vous que la souveraineté-association est la meilleure
façon de régler ou d'améliorer le problème? Dans ce
livre blanc, mesdames et messieurs, le gouvernement, comme je l'ai dit, a
consacré la moitié ou les deux tiers de ses pages à une
liste des faiblesses du Canada. Il a consacré dix pages seulement
à une description très mince de son propre programme
d'association. Cela vaut la peine de la lire. Par exemple, vous verrez que ce
n'est pas d'égal à égal. En ce qui concerne l'union
monétaire, l'élément clef, il avance que le Québec
sera minoritaire à 25% contre 75% pour le reste du Canada. C'est loin
d'être d'égal à égal.
Mais ce n'est pas le point que je veux soulever maintenant. Je veux
prendre, à titre d'exemple, le taux de chômage. Le gouvernement
nous dit souvent que nous devons quitter le Canada parce que le taux de
chômage est plus élevé au Québec qu'en Ontario et
c'est vrai. Mais est-ce que l'on nous permet de croire que, dans un
Québec indépendant, associé peut-être avec le
Canada, le taux de chômage ne sera pas encore pire? Est-ce que nous avons
des indications dans ce document, dans ces dix pages, qu'il a un programme pour
régler le problème de chômage et que l'association va le
régler? Je vous propose de le lire attentivement et vous verrez que ce
n'est pas du tout le cas.
Le ministre des Transports disait, il y a quelques minutes, que nous
avons seulement 12% des chemins de fer du Canada au Québec. Est-ce que
c'est une promesse, à savoir que, advenant un Québec
indépendant, il nous donnera 27% des chemins de fer du Canada? Est-ce
que nous avons vraiment besoin de 27% des chemins de fer du Canada? Je veux lui
signaler, de plus, que nous avons exactement 12% de toutes les routes du Canada
aussi. Je suis certain que nous n'avons pas un besoin pressant de plus de
chemins ou de plus de routes. Nous sommes très bien servis ici au
Québec avec les chemins de fer, sauf quelques exceptions
peut-être, et également avec les routes. Le nombre de lignes de
chemin de fer dans une province n'est pas du tout en relation avec la
proportion de la population. C'est relié aux besoins
géographiques.
Je veux ajouter deux ou trois autres éléments. Dans le
projet de souveraineté-association, est-ce qu'on vous donne une
indication que l'inflation sera moins élevée, que des
grèves se produiront moins souvent...
Une Voix: Seront moins nombreuses.
M. Scowen: Seront moins nombreuses, que les organismes centraux
vont nous donner plus que la part que nous avons maintenant? Je ne pense pas.
Il n'y a presque rien qui indique que ce sera mieux avec la
souveraineté-association.
Je veux ajouter un autre point. Ces aventures politiques conçues
par les intellectuels, par les politicologues, par les sociologues sont souvent
faites sur le dos des personnes qui sont les moins capables de subir les
conséquences d'une telle aventure si cela ne marche pas. Parmi mes
électeurs, ceux de la ville de Saint-Pierre, je connais bien les
électeurs du comté de Maisonneuve, de Mégantic-Compton et
de partout au Québec, il y en a qui ne sont pas du tout favorables aux
aventures politiques créées par des personnes qui n'ont rien
à perdre, mais qui peuvent vraiment toucher fondamentalement ceux qui
sont les plus démunis de notre pays.
Il y a un dernier point que je veux soulever, un autre exemple de la
faiblesse de pensée du Parti québécois. Dans la question,
il dit vouloir percevoir tous les impôts des Québécois,
ici, au Québec; que le fédéral ne recevrait jamais plus
d'impôts de nous; c'est bel et bien et beau. Ce qu'il ne dit pas, c'est
qu'au lendemain d'une déclaration d'indépendance avec le
résultat que les taxes ne seraient plus payées au
fédéral il faudra accepter que nous ne recevrons jamais
plus de bénéfices du fédéral. Il faut accepter
qu'au lendemain d'une déclaration d'indépendance nous ne
recevrons plus, du fédéral, les allocations familiales,
les pensions de sécurité de la vieillesse,
l'assurance-chômage, les péréquations $1 600 000 000
l'an passé les subventions de l'industrie par le ministre de
l'Expansion économique, M. Pierre de Bané, les subventions pour
le pétrole on peut s'attendre immédiatement à une
augmentation du prix du pétrole jusqu'à $0.50 le litre, sans
question plus d'hypothèques à prix réduit de la
Société centrale d'hypothèques et de logement et plus
d'autres dépenses du fédéral. Très bien, plus
d'impôts, plus de bénéfices du fédéral.
Est-ce que nous sortons les gagnants ou les perdants?
M. Parizeau et les autres vont vous donner des chiffres basés sur
les années 1961 à 1975, 1977, le passé. Je vais vous dire,
sans possibilité d'être contredit, que cette année nous
allons recevoir en paiements, du gouvernement fédéral, $3 300 000
000 de plus que ce que nous payons en impôts au fédéral. En
effet, c'est le fédéral qui doit être très content
de nous laisser reprendre tous nos impôts et tous nos
bénéfices, parce que, en effet, pour chaque famille
québécoise, ça va comprendre une perte de $2500;
aujourd'hui, nous recevons $2500 de plus du fédéral par famille
que nous n'en payons en impôts.
C'est quelque chose auquel on doit penser, je pense!
The economic arguments of the Parti québécois in favour of
their option make no more sense than the political arguments. They argue that
federalism has enabled the English provinces to exploit Québec and yet
they argue that they do not wish to disturb this association in any way. They
argue that Québec has reached a remarkable level of economic maturity
and prosperity and yet they fail to explain that it has all taken place within
a federal system. They say that we have less than our share of Canada's auto
industry and nuclear industry, and they fail to note that we have more than our
share of the aviation industry and the chemical industry. They claim that we
have to import beef, yet they fail to mention that we export pork and milk.
They say that we should reclaim all our taxes from Ottawa, yet they do not
mention that Ottawa is going to spend $3 300 000 000 more here than they take
in taxes. They say that the unemployment rate is higher in Québec than
in Ontario, yet they fail to show how sovereignty-association could solve this
problem.
They have read too many novels, like Madame Bovary, and their project is
an incredible salad of nostalgia, blackmail, romance, ethnocentricity,
vengeance and self-pity combined with an incredible passion for rewriting
history.
Some Quebeckers will undoubtedly support their cause for other reasons
than reason itself. But, for the vast majority of Quebeckers, an examination of
this incoherent question will be enough to convince them that those who drafted
it should not be turned loose to write a constitution.
La Vice-Présidente: M. le député de
Laprairie.
M. Gilles Michaud
M. Michaud: Mme la Présidente, je vous remercie. Vous
comprenez, vous, Mme la Présidente, le privilège que j'ai de
participer à ce débat historique sur la question au
référendum. Historique parce que, pour la première fois,
les Québécoises et les Québécois donneront à
leurs élus le mandat de négocier une nouvelle entente
basée sur l'égalité des peuples, comme le dit si bien la
question. (17 h 40)
Depuis la déportation de nos frères les Acadiens, en 1755,
et la prise de Québec, en 1760, par l'armée anglaise, les
Québécois c'est-à-dire les Canadiens français, se
sont fait imposer, ont subi quatre régimes politiques différents
sans être consultés nullement. En 1774, l'Acte de Québec,
et ceci pour satisfaire les marchands anglais qui, naturellement, suivaient
l'armée anglaise. 1791, l'Acte constitutionnel pour donner la
moitié de notre territoire aux Loyalistes américains. 1840,
l'Acte d'union qui confirmait la mise en infériorité
numérique et politique des Canadiens français de l'époque;
nous étions plus de 60% et on nous a cédé à peine
50% des sièges ou des postes de députés. Enfin, 1867,
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique voté à Londres;
la constitution canadienne est une loi du Parlement britannique. Donc, la
population d'ici ne fut consultée ni par élections, ni par
référendum. Le peuple du Québec n'a jamais
été consulté sur son régime politique et pourtant
nous vivons en démocratie.
Ce qui devait être une confédération,
c'est-à-dire une association d'Etats souverains, est devenue une
fédération qui a causé les injustices, les
inégalités économiques que nous connaissons. Pour le
prouver, vous me permettrez de me référer au livre.de Paul
Phillipps. Paul Phillipps, ce n'est pas un Québécois. Ce n'est
pas un membre du Parti québécois. C'est un professeur à
l'Université de Winnipeg au Manitoba et c'est un économiste qui a
écrit plusieurs livres sur la situation économique et sur la
crise économique que nous connaissons. Son livre est intitulé:
Regional disparities, ou les inégalités régionales, avec
sous-titre: Pourquoi l'Ontario a autant et les autres provinces ne peuvent la
rattraper. Vous me permettrez aussi de traduire l'endos de son livre: Pourquoi
les travailleurs de l'Ontario gagnent presque deux fois plus que les
travailleurs de Terre-Neuve. Pourquoi plus de la moitié de l'industrie
canadienne est située en Ontario. Celle-là, il faut que je la
dise dans la langue officielle du Canada: Why have Canada's national policies
only divided the country more. Pourquoi les politiques nationales du Canada
n'ont fait que diviser le pays de plus en plus. C'est de M. Philipps, un
économiste de l'Université de Winnipeg au Manitoba. Je continue
son texte et je le traduis: Le problème a été avec nous
depuis la Confédération, c'est-à-dire depuis que l'Ontario
a commencé à s'enrichir aux dépens des autres et les
efforts écoutez bien ceci du gouvernement central pour
arrêter cette tendance
ont été désastreux et les multinationales,
naturellement, ont fait de leur mieux pour maintenir ce statu quo.
Maintenir ce statu quo pour perpétuer souvent les
inégalités dans le manque de respect des francophones, non
seulement en 1930 et 1940, mais même aujourd'hui en 1980; interdiction de
parler français entre eux par politesse pour leurs collègues
anglophones. Maintenir les inégalités par le financement de
Pro-Canada.
Pro-Canada est financé et contrôlé par des
entreprises multinationales, des banques et les autres, qui sont contre
l'épanouissement de la nation québécoise, qui profitent du
système fédéral actuel, qui protègent leurs
intérêts.
M. Phillips, l'auteur de ce livre, nous dit que ces multinationales
veulent protéger leurs intérêts, perpétuer les
inégalités et maintenir le statu quo. Ces compagnies ont de
l'argent, au-delà de $3 millions. Quand tu as $3 millions, ça te
prend des porte-parole, et les porte-parole que nous avons, à ce jour,
ce sont nos amis d'en face qui veulent faire dire non à la population,
non pas pour le bien-être des Québécoises et des
Québécois, mais pour le bien-être de ces compagnies qui
veulent perpétuer, ici, au Canada, non seulement au Québec, mais
dans d'autres régions, les inégalités et les injustices
économiques.
Lorsque l'on lit ce livre, on conclut très vite qu'une nouvelle
entente est nécessaire pour corriger ces inégalités, ces
injustices économiques. Il est grand temps que nous devenions
maîtres chez nous et que nous prenions notre économie en main.
Nous ne pouvons donc pas être d'accord avec le livre beige de M. Ryan qui
concentre l'économie à Ottawa et une partie seulement de la
culture à Québec. On a vu ce que ça a donné. En
recherche scientifique, pour une année bien précise les
chiffres sont du ministre d'Etat chargé des sciences et de la
technologie d'Ottawa l'Ontario, $378 millions; le Québec, $36,3
millions quand le chiffre est petit, il faut mettre la virgule
c'est-à-dire 64% en Ontario et 6% au Québec, dix fois plus en
Ontario qu'au Québec. C'est rentable, le fédéralisme.
On a vu ce que ça a donné, aussi, dans l'industrie de
l'automobile. Tout le monde le sait, 90% de l'industrie sont concentrés
en Ontario. En sidérurgie, 80% sont concentrés en Ontario. Les
chemins de fer sont deux fois moins nombreux au Québec; le
député de Notre-Dame-de-Grâce l'a confirmé, et il
trouve normal qu'on paie quasiment deux fois plus cher. C'est, encore une fois,
son fédéralisme rentable, c'est-à-dire que c'est la
justice: quand c'est bon pour les autres, on ne dit pas un mot. Il ne faut pas
se plaindre mais il faut réaliser les situations d'injustice
économique. Ce n'est pas normal, ce n'est pas ce qui va enrichir le
Québec et ce n'est pas ce qui va faire travailler les
Québécoises et les Québécois.
Si on accepte, par contre, le livre beige, encore une fois, de M. Ryan,
on accepte ce qui précède et on se satisfait que tout le
développement de la pétrochimie, au cours des quinze
dernières années, se soit fait à Sarnia, en Ontario.
Si on accepte le statu quo, les négatifs, ceux qui vont dire non
à un changement, trouvent normal écoutez bien que
la voie maritime, qui a vidé les ports du Saint-Laurent, qui a
créé des chômeurs, soit administrée par nos voisins
d'Ottawa et de Washington qui nous font pourtant payer une partie du
déficit. Sans compter ce que M. Le-clerc, de Brassard, me disait il y a
quinze jours, lors d'une réunion de cuisine M. Leclerc demeure
juste à côté du fleuve les inondations, sans compter
la vue qu'on nous a bouchée de ce beau fleuve.
Mme la Présidente, si la situation économique ou si le
potentiel économique du Québec, pour nos amis d'en face, c'est
d'aller aux barrages, aux écluses de Saint-Lambert, durant les beaux
dimanches après-midi, pour voir passer des bateaux, c'est merveilleux
pour eux, mais les Québécois méritent plus.
Il ne faut surtout pas croire les adversaires du Québec qui
disent que le Québec est trop petit et qu'il a une population trop
faible. Le Québec est trop petit? Bien, voyons! Dans le grand journal
allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung du 14 octobre 1975, on disait que le
Québec était si grand et si riche, si grand que la Suisse entre
dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, si grand que la Belgique entre
dans la région de Montréal et les Cantons de l'Est, si grand que
la France, l'Espagne, les deux Allemagnes et le Portugal entrent dans le
territoire du Québec, sans compter le Labrador que le gouvernement
britannique nous a enlevé en 1926 pour donner à qui? A sa colonie
de Terre-Neuve. Et on dit que le Québec est trop petit! (17 h 50)
Une population trop faible? Notre population est l'égale de celle
des pays les plus riches au monde. Et dire qu'on veut empêcher les
Québécois de devenir un des pays les plus riches au monde. Le
potentiel économique du Québec exige une nouvelle entente pour
notre prospérité économique. Cette nouvelle entente que
nous proposons dans la question s'enligne dans la continuité des
demandes traditionnelles du Québec, se fera dans l'égalité
politique et se réalisera dans le respect des peuples fondateurs. Depuis
20 ans, nous vivons au Québec le fait fleurdelisé,
c'est-à-dire le fait fleurdelisé qui a créé la
garde montante des Québécois et des Québécoises de
plus en plus compétents qui veulent non seulement prendre leur place au
soleil, mais prendre la place de voisins qui sont devenus trop ambitieux. Ce
sont des Québécois et des Québécoises qui veulent
réaliser un pays à leur image. L'avenir des
Québécoises et des Québécois demande que le centre
de décision soit à Québec, non seulement pour le culturel,
mais aussi et surtout pour l'économique. Aucun pays ne s'est
développé et enrichi par les étrangers ou ses voisins. Les
Québécois et les Québécoises sont capables et
fiers; assez fiers pour relever le défi et dire oui aux revendications
des 40 dernières années. Nous pourrons alors, et enfin, ouvrir
une fenêtre sur le monde et, solidairement, affirmer notre existence
comme peuple.
Un oui au référendum sera la fin des
inégalités économiques, la fin des injustices
économiques. Un oui au référendum, c'est un oui à
la prospérité économique du Québec, des
Québécoises et des Québécois. Merci, Mme la
Présidente.
La Vice-Présidente: M. le député de
Terrebonne.
M. Elie Fallu
M. Fallu: Mme la Présidente, la question
déposée au feuilleton de l'Assemblée nationale
reflète avec fidélité ce que nous avons toujours
proposé avec constance. J'y trouve les termes mêmes d'Option
Québec, ce livre que René Lévesque éditait en 1967
et qui nous servit d'ailleurs de point de départ lorsque nous nous
appelions à l'époque Mouvement
souveraineté-association.
Il faudrait relire, en page 39, un Québec souverain les
termes sont importants une association économique, en page 49,
faite d'une union monétaire, page 58, et d'un marché commun, page
62. Le programme rédigé au congrès de fondation du Parti
québécois, en 1968, reprenait les mêmes expressions:
souveraineté, page 22; union douanière, page 28; union
monétaire, page 29. Je peux donc affirmer, Mme la Présidente,
que, depuis treize ans déjà, les Québécois
connaissent la question.
Certains de nos amis d'en face ne semblent pas ou ne veulent pas saisir
encore, après tant d'années, le sens de la démarche
politique qui aboutira dans quelques mois. Je voudrais leur rappeler les
circonstances historiques dans lesquelles nous avons opéré cette
réflexion. 1967. C'était l'époque souvenez-vous-en
où les MM. Pelletier, Marchand et Trudeau arrivaient à
Ottawa pour donner une dernière chance au fédéralisme. Ils
allaient, disaient-ils, jouer pleinement le jeu du fédéralisme et
faire la preuve que notre vieille constitution pouvait encore marcher. Au
même moment, les partis républicain, riniste, Rassemblement
national, Ralliement national se portaient à la conquête des
électeurs.
Par les uns et par les autres, la question constitutionnelle
était posée: fédéralisme ou séparatisme.
Elle était posée en termes de dissociation. Après si
longtemps d'ailleurs, le chef de l'Opposition voudrait nous ramener à
une vision aussi simpliste du problème par l'amendement qu'il a
déposé ici en cette Chambre.
Nous étions, quant à nous, de ceux qui regardaient se
transformer l'univers politique contemporain à travers la
planète. Nous avions vu les 51 pays souverains s'unir en 1945 dans les
Nations Unies. Depuis lors, nous avions vu les empires coloniaux
éclater. De 1945 à 1967, 72 pays nouveaux s'étaient
inscrits à l'Organisation des Nations Unies. Nous constations que
c'était l'ère non pas des fédéralismes, mais de la
souveraineté des peuples. En même temps, la souveraineté
des peuples allait dans le sens de l'association économique. Deux grands
courants mondiaux se dessinaient, celui de la souveraineté, celui de
l'association.
Chaque Québécois et chaque Québécoise doit
savoir que la question référendaire sur la
souveraineté-association inscrira le Québec dans le courant
universel des dernières décennies, car, depuis lors, 29 nouveaux
pays ont vu le jour.
Quant à l'association économique entre les pays, il en
existe partout à travers le monde, en Europe, en Amérique
centrale et du Sud, en Asie et en Afrique; quinze associations qui regroupent
quelque 96 pays. Quand une question référendaire, M. le
Président, propose la souveraineté et, en même temps, de
déterminer avec le Canada une association économique, il n'y a
là rien de singulier et surtout rien de neuf. Le
fédéralisme était en vogue au 19e siècle. Il a
cédé le pas à l'association entre pays souverains.
Quand, en 1967, nous proposions comme aujourd'hui encore la
souveraineté-association, nous avions en tête l'Union
économique belgo-luxembourgeoise qui, dès le 1er mai 1922,
s'était donné une association douanière, un traité
de libre circulation des personnes et une association monétaire; qui, de
plus, s'était donné des institutions pour gérer cette
entente: un comité de ministres, une commission administrative et un
conseil des douanes.
Nous pouvions également en 1967 regarder fonctionner le Benelux,
cette union économique entre la Belgique, la Hollande et le Luxembourg
depuis 1932. Ces pays venaient de réviser leur traité en 1966
pour en faire un traité de libre circulation des personnes, des
marchandises, des capitaux et des services.
La Communauté européenne du charbon et de l'acier
regroupait depuis 1952 six pays d'Europe: l'Allemagne, la France, l'Italie et
les trois pays du Benelux. Vainqueurs et vaincus abordaient le problème
de la souveraineté à la suite de la guerre sans esprit de
revanche, ni de domination et tombaient d'accord pour l'exercer en commun sur
une part de leurs richesses conjointes. Nous avions également ce
modèle sous les yeux en 1967.
La Communauté économique européenne avait vu le
jour en 1957 par le traité de Rome. Le Marché commun, comme on
l'appelle généralement, rapprochait les politiques
économiques des Etats membres, douanes et libre circulation des
personnes, six pays à l'origine, douze maintenant.
En 1957, l'Europe avait donné le jour à la
Communauté européenne de l'énergie atomique. En 1960,
naissait, comme contrepoids au Marché commun, l'Association
européenne de libre échange. Sept Etats en étaient
membres.
En 1967, quand le Mouvement souveraineté-association est
né, le Conseil nordique réunissait cinq pays Scandinaves dans le
même pavillon à l'Exposition internationale de Montréal.
Ces pays mettaient en pratique le traité d'association qui les
réunissait depuis longtemps, à la suite d'ailleurs de leur
souveraineté acquise par le démantèlement des
fédéralismes.
Ce que nous pouvions constater en 1967, c'est que les pays les plus
près de nous, les pays européens, ne se fédéraient
pas; ils s'associaient. Ce que nous pouvions constater aussi en 1967,
c'était que les Lesage du "Maîtres chez nous" et les
Johnson de "Egalité ou indépendance" avaient échoué
dans leur tentative de replâtrer la Confédération
canadienne. Nous avons donc proposé alors aux Québécois de
se dire souverains et, en même temps, associés au reste du Canada.
La question est toujours posée et toujours posée dans les
mêmes termes. La forme de souveraineté-association nous
apparaissait, comme elle nous apparaît toujours, la meilleure solution
après l'échec des treize dernières années.
L'année, M. le Président, où s'écrivait
Option Québec en 1967, cinq pays d'Asie formaient l'Association des
Nations de l'Asie du Sud-Est: Indonésie, Philippines, Malaisie,
Singapour et Thaïlande. La Malaisie et Singapour se trouvaient, en
conséquence, des pays souverains et associés à la fois non
seulement entre eux, mais avec trois autres pays après s'être
défédérés.
L'Amérique du Sud nous fournit un certain nombre d'exemples. Le
groupe Andin...
Le Président: M. le député de Terrebonne, je
m'excuse de devoir vous interrompre. Il est maintenant 18 heures. S'il y a un
consentement...
Des Voix: Consentement.
Le Président: Si vous avez besoin d'une ou deux minutes...
Est-ce qu'il y a consentement pour permettre à M. le
député de Terrebonne de poursuivre durant deux minutes
après 18 heures?
Des Voix: Consentement.
Le Président: II y a consentement, M. le
député de Terrebonne.
M. Fallu: J'évoquerai brièvement la
communauté et le Marché commun des Caraïbes. En
Amérique centrale et en Amérique du Sud, deux associations en
1960 avaient déjà été créées: le
Marché commun centre-américain et l'Association
latino-américaine de libre échange.
M. le Président, ce mouvement d'association économique de
pays s'est constitué depuis que nous avons fait connaître notre
option: création de la Communauté économique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest, l'Union monétaire ouest-africaine, etc. 40 ans
d'histoire, 152 nations souveraines, tant d'associations économiques de
pays souverains. En face de nous, des gens qui ne s'inscrivent pas dans
l'histoire. Ils vivent toujours au 19e siècle. (18 h)
La souveraineté, M. le Président, ça n'existe que
dans la mesure où elle permet à un peuple de négocier son
interindépendance. Mais il n'est certes pas besoin d'un cadre politique
de type fédératif pour encadrer l'espace économique que
nous voulons maintenir. Un traité d'association entre un Québec
souverain et le reste du Canada ne nécessiterait pour ce maintien que
les outils habituels d'une association de peuples souverains, quelque chose
comme un conseil commu- nautaire, une cour de justice, une autorité
monétaire.
Que l'association s'appelle traité, pacte, conseil,
communauté, peu importe l'appellation, il nous faut choisir notre
interdépendance librement acceptée. Nous voulons être unis
dans la liberté et non dans la dépendance.
Dans tout système politique, le Québec doit
échanger spécialement avec ses voisins; toutefois, le
fédéralisme renouvelé ou supposément renouvelable
ne nous donne pas les pouvoirs dont nous avons besoin pour régulariser
selon nos intérêts, les mouvements économiques à
l'intérieur de la fédération.
M. le Président, pour résoudre la crise constitutionnelle
que nous vivons, c'est de la souveraineté que nous avons besoin, pour
définir en même temps notre interdépendance librement
choisie par une association économique et monétaire
négociée avec le Canada: Québec, Canada, deux
souverainetés associées. M. le Président, je dis oui.
Des Voix: Bravo! Bravol
Le Président: L'Assemblée suspend ses travaux
jusqu'à 20 heures.
Suspension de la séance à 18 h 4
Reprise de la séance à 20 h 5
Le Vice-Président: A l'ordre, mesdames et messieurs!
Nous poursuivons le débat sur la motion du premier ministre.
Est-ce qu'il y a un orateur qui doit prendre la parole?
À ce stade-ci, j'aimerais rappeler qu'il y avait une entente
entre les différentes formations politiques.
M. le député de Laurier.
M. André Marchand
M. Marchand: M. le Président, c'est avec
énormément d'émotion et, dans un sens, avec obligation que
je me lève ce soir pour parler et donner mon opinion sur la question
posée à l'occasion du référendum, et, surtout,
j'aurais le désir de dire pourquoi nous sommes obligés de faire
face à une telle situation. En effet, pourquoi en sommes-nous
arrivés à une telle situation? Je le comprendrais facilement si
j'habitais dans un autre pays. Mais comment peut-on concevoir de diviser un
pays où vous-mêmes, les adeptes de la séparation, avez
vécu, étudié, travaillé, avez vécu
facilement dans ce beau pays? Combien parmi vous ont eu un travail des plus
lucratifs, et dans quel pays l'avez-vous eu? Dans le pays des libertés
les plus grandes au monde, et je pourrais dire peut-être le seul
actuellement. Dans le pays où il fait bon vivre. Dans le pays où
toute personne,
avec le potentiel qu'elle a, avec de la bonne volonté, peut
réussir et aspirer aux plus hautes sphères de la
société.
Combien de nos compatriotes depuis au moins une trentaine
d'années je n'irai pas plus loin ont atteint les
sphères les plus hautes de la société, que ce soit dans le
domaine des affaires, que ce soit dans le domaine politique? Nous pourrions
facilement souligner quelques noms. Pourquoi ne soulignerions-nous pas le nom
des De Grandpré, des Turmel, des Rodrigue Bilodeau, des Alfred Hamel,
des frères Prévost, les Rolland, dont l'ancêtre
était Damien, le patron de mon grand-père maternel, Jean-Marie
Poitras, Pierre Nadeau, Jean-Louis Lévesque, Paul Desmarais, Camille
Dagenais, les frères Vachon cela vous fait rire les Miron,
Dalpé et Frères, de Verchères, des petits gars qui sont
partis de rien, Gérard Plourde, les Murdock, de Chicoutimi, que vous
connaissez bien, M. le Président, les Lacroix, les Dutil, les Boisvert,
de Boucherville, qui viennent de Verchères, les Marchand, même en
électricité, en imprimerie, dans tous les domaines, en fiducie et
les autres que j'oublie? Je pourrais faire une liste extraordinaire de gens qui
ont réussi dans notre pays. (20 h 10)
En politique, est-ce qu'on peut oublier ceux qui nous ont faits et ceux
qui, actuellement, sont là? Les Trudeau, les Marchand, encore, les
Ouellet, les Chrétien, les Pépin et tous les autres de notre
origine qui ont réussi en politique canadienne? Aussi, je ne comprends
rien dans cette idée de faire du Québec un petit pays, un ghetto,
de vouloir briser ce beau pays que j'aime pour satisfaire certaines aspirations
personnelles. En effet, comment la population du Québec pourra-t-elie
souscrire à une telle demande, à une telle proposition?
Je me pose une question, M. le Président. On peut se poser cette
question... devant cette question qui nous est posée... Comme le disait
mon collègue de Gatineau, c'est une question bidon. Comment ne peut-on
pas se poser une telle question? C'est une question que je qualifierais de
vicieuse, hypocrite et mensongère qui est posée par ce
gouvernement. Comment peut-on se fier à la parole de ce gouvernement
si nous avions le malheur de lui faire confiance quand on sait
qu'en 1973 ce parti faisait une élection sur l'indépendance du
Québec et qu'en 1975 ce parti, à son congrès, aspirait
à la souveraineté, un mot un peu plus subtil naturellement que la
séparation du Québec? En 1976, c'était une élection
pour un bon gouvernement, en oubliant la séparation du Québec
pour la population du Québec, en la laissant croire qu'on
l'oublierait.
Devant toutes ces contradictions, ces fourberies, l'on ne peut faire
confiance à ce gouvernement, M. le Président, car on sait
très bien qu'un oui est un vote pour la séparation du
Québec. Aux futurs ex-députés de l'Assemblée
nationale PQ, aux futurs ex-ministres je demande tout simplement de retourner
en caucus, d'aller voir leur chef et de lui dire: Posez donc une question
honnête, une question que toute la population comprendra.
A ce moment-là, même si vous êtes battus, vous
pourrez sincèrement retourner chez vous la tête haute et fiers de
vous. Je demande aussi à tous ceux qui sont pour la séparation du
Québec de voter oui, mais je demande à tous les Canadiens de
voter non!
Le Vice-Président: M. le ministre du Revenu. M. Michel
Clair
M. Clair: M. le Président, l'Assemblée nationale du
Québec, notre Assemblée nationale à nous tous les
Québécois, vit ces jours-ci les heures les plus intenses de son
histoire. Depuis l'ouverture de la première session de
l'Assemblée législative du Bas-Canada, qui s'est réunie
pour la première fois le 17 décembre 1792, jamais ceux qui ont
siégé dans ce Parlement n'ont eu l'occasion, je dirais la chance
de discuter d'une question qui force aussi directement, aussi clairement tous
les élus du peuple à dire, à répondre de ce qu'ils
conçoivent être le passé, l'avenir et le présent du
Québec.
C'est avec fierté, M. le Président, que je vous livre ma
conception du Québec qui, d'ailleurs, se retrouve dans la question qui
est débattue. Depuis la venue des premiers arrivants il y a 400 ans, un
peuple est né en Amérique; je parle du peuple
québécois. Toute la question s'appuie sur cette affirmation. Le
peuple québécois existe, différent de ses voisins actuels,
tout autant que de ceux dont il est issu ou qui l'ont influencé. C'est
l'existence même du peuple québécois qui l'amène
à réclamer de plus en plus clairement depuis des décennies
le droit fondamental et inaliénable qui découle de sa simple
existence, le droit à l'égalité. A quoi avons-nous le
droit d'aspirer si nous existons comme peuple, si ce n'est à
l'égalité? Qu'est-ce que les générations d'hommes
et de femmes qui nous ont précédés préparaient par
leurs sacrifices et leur ténacité à faire survivre ce
peuple et à bâtir ce Québec, si ce n'était le chemin
de l'égalité?
Mais de quelle égalité parlons-nous? La question propose
une égalité concrète, réelle. L'Egalité
avec un grand E qui permettrait au Québec d'avoir comme
institutions ce qu'il est normal pour un peuple d'avoir pour assurer son
développement, soit un gouvernement et un Parlement pour nous les
Québécois, un gouvernement et un Parlement que nous serions les
seuls à contrôler, un Parlement et un gouvernement par lesquels le
Québec voterait toutes les lois qui le concernent, administrerait tous
les impôts qu'il paie et établirait lui-même ses relations
extérieures.
Toute forme d'égalité alambiquée, encarcanée
par un régime fédéral conduit inévitablement notre
peuple vers une égalité où les autres seront toujours plus
égaux que nous parce que majoritaires dans un gouvernement central
chargé de décider de la moitié de nos lois et de la
moitié de nos impôts.
De plus, cette égalité nous permettrait en même
temps de connaître un aboutissement heureux à ce drôle de
concubinage forcé qu'est la fédération actuelle. Dans une
égalité réelle, nous aurions, d'un côté, le
Québec maître de ses lois et de ses impôts et, de l'autre,
le Canada maître des siens. Nous pourrions enfin, par une association
économique négociée sur une base d'égal à
égal, nous atteler ensemble au développement de nos
économies respectives plutôt que de s'arc-bouter l'un contre
l'autre dans le ridicule jeu de souque-à-la-corde qu'est devenu et que
nous condamne à faire le régime fédéral actuel.
Mettons un terme à ce gaspillage de nos impôts. Finissons-en avec
ces querelles de lois, de programmes et de règlements
fédéraux et québécois qui se contredisent. Allons
négocier une nouvelle entente que notre passé aussi bien que
notre présent nous appellent à mettre en vigueur entre le
Québec et le Canada.
Une des dimensions les plus fondamentales de cette nouvelle entente que
nous proposons concerne sûrement le pouvoir pour le Québec
d'administrer tous ses impôts. La lutte du peuple québécois
pour contrôler les taxes qu'il paie n'est pas nouvelle. Elle plonge, en
fait, ses racines jusqu'aux temps de la colonie. Je dirais même qu'en
fait cette revendication du Québec existe depuis qu'il y a ici des gens
qui ont compris que celui qui contrôle les cordons de la bourse, c'est
celui qui décide. Après la perte de l'exclusivité de
l'impôt sur le revenu par le Québec en 1917, l'envahissement par
le fédéral d'importants pouvoirs fiscaux du Québec en 1942
sous le gouvernement Godbout, jamais le gouvernement du Québec,
unioniste, libéral ou péquiste, n'a cessé de
réclamer pour les Québécois plus de contrôle sur nos
impôts.
Il y a deux ou trois raisons bien simples pour demander le
contrôle de nos impôts. Premièrement, c'est le seul
gouvernement que nous, les Québécois, contrôlons d'une
façon incontestable. Deuxièmement, c'est celui qui connaît
le mieux les besoins des Québécois et, enfin, nous savons tous
que le pouvoir de faire des lois ne signifie rien si on ne contrôle pas
ses impôts. M. Duplessis avait compris cela, M. le Président.
Intervenant ici dans cette Chambre, en 1942, contre les ententes fiscales
proposées par le gouvernement Godbout, le chef de l'Opposition, Maurice
Duplessis, s'indignait, et je cite: "On est en train de sacrifier l'autonomie
de la province. L'autonomie, c'est le privilège de s'administrer
soi-même par des lois que nous faisons nous-mêmes. Mais, pour
administrer, il faut des revenus L'argent, c'est le sang des Etats
Si nous abandonnons de nouvelles sources de revenus, nous mettons en
danger le pouvoir de nous administrer nous-mêmes." (20 h 20)
A la conférence d'Ottawa, en 1955, M. Duplessis affirmait ceci:
"Quel avantage y aurait-il à ce que le dollar d'impôt perçu
pour des fins provinciales fasse un grand détour par Ottawa avant de
nous revenir?" Plus loin, il disait encore: "La perception de ces impôts
est profondément liée au fonctionnement même du
gouvernement et deux axiomes bien connus sont incontestables: celui qui
contrôle les cordons de la bourse exerce toujours l'autorité
suprême et "the right to tax is the right to govern", le droit de taxer,
c'est le droit de gouverner".
Le 5 avril 1963, dans son discours sur le budget, le premier ministre de
l'époque, Jean Lesage, évoque le spectre de la double taxation en
lançant l'ultimatum suivant au gouvernement fédéral, et je
cite: "Douze mois se passeront avant le prochain discours sur le budget. Ou
bien le gouvernement fédéral, quel que soit le parti élu,
aura profité des douze mois à venir pour tenir compte des
exigences du Québec en matière fiscale, ou bien nous, du
Québec, nous aurons vu de notre côté, au cours de la
même période, à prendre, en matière fiscale, les
décisions qui s'imposent. Et ces décisions seront celles que nous
dicte l'objectif d'affirmation économique, sociale et culturelle que
nous nous sommes fixé à la demande même du peuple du
Québec".
Je pourrais citer d'autres discours de Paul Sauvé, d'Antonio
Barrette, de Daniel Johnson, Jean-Jacques Bertrand, Robert Bourassa. Tous ont
cherché à assurer plus d'emprise au gouvernement de Québec
sur les impôts payés par les Québécois. Tous ont eu,
à de nombreuses reprises, des priorités différentes de
celles du gouvernement central pour l'utilisation de nos impôts et le
développement du Québec. Tous se sont battus pour défendre
les intérêts du Québec dans la manière de
dépenser nos impôts par le gouvernement d'Ottawa. Tous avaient
dans le fond compris quelque chose de bien simple: c'est que le gouvernement du
Québec est le plus apte à répondre aux besoins des
Québécois, mais qu'on ne peut le faire sans contrôler de
plus en plus cette immense richesse, ce formidable levier que constituent les
taxes et les impôts que nous payons.
Seul le chef actuel de l'Opposition n'a pas hésité
à rompre avec cette revendication traditionnelle du Québec. Il
n'a pas hésité à renoncer pour le Québec à
des revenus fiscaux supplémentaires. Au contraire, le chef du Parti
libéral veut, et je cite son livre beige: "Eviter de restreindre
indûment les pouvoirs fiscaux du gouvernement central "au nom de
programmes fédéraux de péréquation et de
développement régional dont l'inefficacité et, dans bien
des cas, la nuisance ont été abondamment prouvées sur le
territoire québécois. Le chef du non veut, et je rappelle sa
citation: "Eviter de restreindre indûment les pouvoirs fiscaux du
gouvernement central". Un chef de parti politique qui défend, au
Québec, les pouvoirs de taxation du fédéral, ça ne
s'est jamais vu en 113 ans, M. le Président.
Mais, est-ce que cet homme, ce chef du non, serait un naïf ou un
vertueux défenseur de la veuve fédérale ne se rendant pas
trop compte des conséquences de ce qu'il propose? Non, M. le
Président. Le chef du non sait très bien ce qu'il propose. En
voici la triste preuve extraite encore une fois du livre beige. Je cite:
"Finalement, nous sommes d'avis qu'il est impossible de garantir par voie
constitutionnelle que les ressources fiscales
des deux ordres du gouvernement correspondront toujours à leurs
responsabilités." Fin de la citation. Comprenez-vous bien que ce chef du
non accepte d'avance, dans son livre beige, que les ressources fiscales du
Québec ne correspondront pas toujours aux responsabilités du
Québec, selon sa propre hypothèse? Si le Québec
répond non à la question comme le chef du non invite les
Québécois à le faire, le voyez-vous arrivant à
Ottawa pour négocier son fédéralisme renouvelé en
disant: On veut négocier un fédéralisme renouvelé
mais on vous dit d'avance que ce n'est pas nécessaire pour le
Québec d'avoir des ressources fiscales correspondant à ses
responsabilités? C'est un scandale, M. le Président. Jamais on
n'a vu cela à Québec.
Avez-vous pensé à la puissance de cet instrument que le
chef de l'Opposition propose de laisser entre les mains du gouvernement
d'Ottawa, où le Québec n'envoie que 75 députés sur
207? Savez-vous ce que représente la somme de près de $9
milliards d'impôts payés à même notre travail
à nous les Québécois entre les mains d'un gouvernement
où nous sommes minoritaires? Près de $9 milliards; c'est l'argent
que nous avons payé l'an dernier, nous, les Québécois,
à ce gouvernement tuteur qu'est le gouvernement fédéral
dans le régime actuel. Ces $9 milliards représentent près
de 50% des sommes payées par les Québécois l'an
passé aux deux niveaux de gouvernement. Plus de $18 milliards
d'impôts pour six millions d'habitants. Comprenez-vous l'importance pour
les Québécois de contrôler nous-mêmes cette immense
richesse afin de l'utiliser en fonction de nos intérêts
plutôt que de laisser les autres décider ce qui est bon pour
nous?
Le chef de l'Opposition officielle peut-il me donner une seule raison
pour laquelle, s'il se trouvait aujourd'hui chef du gouvernement, il
préférerait que son gouvernement contrôle la moitié
de nos impôts plutôt que la totalité?
A-t-on jamais vu, dans l'histoire de l'humanité, un seul chef
proposer à son peuple d'abandonner à ses voisins la moitié
de ses ressources fiscales, la moitié de ses taxes, M. le
Président? A chaque jour ouvrable qui passe, c'est $30 millions qui
partent du Québec pour aller se faire administrer à Ottawa.
Pourquoi ces $30 millions seraient-ils mieux administrés par les autres
que par nous-mêmes?
D'où vient cette gêne du chef de l'Opposition à
réclamer avec nous la juridiction sur 100% de nos impôts?
Serait-il vrai, M. le Président, si on suit la logique du chef de
l'Opposition, que ce que le Québec a bâti depuis 30 ans, avec
seulement la moitié de nos impôts, c'est un échec?
Serait-il vrai que les députés qui siègent ici, et dont il
fait lui-même partie, seraient des demi-compétents qui ne peuvent
administrer que la moitié de nos impôts? Serait-il vrai qu'on
aurait toujours besoin d'un gouvernement tuteur pour administrer l'autre
moitié?
Non, M. le Président. Tous les Québécois refusent
de croire cela, et c'est pourquoi nous réclamons le contrôle de la
totalité de nos impôts.
D'ailleurs, ce serait tellement plus simple, M. le Président,
pour les particuliers comme pour les corporations, un seul rapport
d'impôts, une seule déduction à la source, un seul
ministère avec qui transiger. Combien de paperasse inutile et
coûteuse serait éliminée! Combien pensez-vous, M. le
Président, que nous gaspillons chaque année pour envoyer nos $9
milliards d'impôts se faire administrer à Ottawa? Nous gaspillons
environ $10 millions par année seulement en papier, en imprimerie, en
timbres et en enveloppes pour envoyer notre argent se faire administrer par
Ottawa.
Savez-vous qu'en plus, le coût de perception pour chaque $100 de
revenu est de $0.99 au ministère du Revenu du Québec alors qu'il
est de $1.24 au Revenu national à Ottawa? En plus de faire administrer
nos taxes par les autres, cela nous coûte plus cher, M. le
Président. Mais que retenir de tout cela? J'aurais aimé vous
parler d'un sujet qui me tenait fort à coeur pour ma région,
l'industrie du textile, avec laquelle on a joué comme un yo-yo depuis
des décennies, mais, malheureusement, le temps me presse, je me
contenterai de vous poser la question suivante: Que retenir de tout cela?
Il me semble qu'une simple constatation s'impose à nous tous, les
Québécois. Par-delà nos options libérales,
péquistes ou unionistes, ce sont les gouvernements qui se sont
succédé ici, à Québec, qui ont toujours le mieux
compris nos besoins et défendu nos intérêts. C'est pour
cela qu'ils ont toujours réclamé plus de contrôle sur nos
taxes, à l'exception du chef du non. Pour une fois dans notre histoire,
oublions nos préjugés partisans et nos luttes électorales.
Dans un grand geste de solidarité, faisons confiance au Québec.
Disons oui à un Québec en marche vers sa destinée,
associé avec ses voisins, maître de ses lois et de ses
impôts. Si nous disons oui, M. le Président, nous serons tous plus
fiers de nous. Nous aurons tous une garantie, la garantie que notre
gouvernement de Québec, qu'il soit libéral, qu'il soit unioniste,
qu'il soit péquiste, n'aura plus à se contenter d'administrer
seulement la moitié des impôts que nous payons, n'aura plus
à quémander à Ottawa le retour de l'autre moitié en
se faisant parfois traiter, comme cela a déjà été,
malheureusement, le cas, de mangeur de hot dogs. Notre gouvernement pourra
alors, en fonction de nos intérêts à nous, les
Québécois, et pour notre développement à nous,
utiliser ce formidable levier que sont les quelque $20 milliards de taxes et
d'impôts que nous payons à la sueur de nos fronts. (20 h 30)
Nous avons notre Parlement, nous avons nos lois, nos institutions, nos
ministères, il nous reste maintenant à conquérir le
contrôle de la totalité de nos lois, de la totalité de nos
taxes et de nos impôts en négociant une nouvelle entente, une
nouvelle association. Un oui massif à la question
référendaire, c'est non seulement le meilleur moyen, mais c'est
le seul moyen de nous assurer que nous, les Québécois,
contrôlerons les taxes et les impôts que nous payons à
même nos salaires et les biens que nous achetons.
Le Vice-Président: M. le chef de l'Opposition officielle.
A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ryan: Question de privilège, M. le Président. Le
député de Drummond vient de citer un document dont il m'attribue
la paternité.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ryan: II me donne, en conséquence, le droit de
rectifier les mensonges qu'il essaie de véhiculer à la
télévision. Je vais donner un extrait du document qu'il a
cité, le livre beige du Parti libéral du Québec, qui vous
dit la vérité en ce qui touche la position constitutionnelle de
mon parti et la mienne dans les questions fiscales. Je lis: "Nous avons
insisté à plusieurs reprises sur le principe de non-subordination
entre les deux ordres de gouvernement comme élément essentiel
d'un fédéralisme authentique. La répartition des
ressources fiscales entre le gouvernement central et les provinces est un des
domaines où ce principe prend une signification particulière. En
effet, l'autonomie des provinces dans leur sphère de juridiction serait
illusoire si elles ne disposaient pas de ressources financières
adéquates pour faire face à leurs responsabilités... Ce
principe que les experts appellent "la responsabilité fiscale" est, non
seulement conforme aux traditions canadiennes en matière de partage des
ressources fiscales, mais également une garantie d'une plus grande
responsabilité..."
Voilà, M. le Président, la position véritable du
Parti libéral en matière de fiscalité. Ce n'est pas du
tout la version contournée et tronquée qu'a
présentée le député de Drummond.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Drummond, sur une question de privilège,
très rapidement et sans débat.
M. Clair: M. le Président, très rapidement,
premièrement, le député d'Argenteuil cite des textes qui,
j'imagine, sont exacts. Je veux simplement relire le passage du livre beige et
demander au chef de l'Opposition s'il renie ce texte...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. le ministre du Revenu, vous avez déjà lu le texte et je
pense que ce serait abuser du temps de la Chambre de le lire une
deuxième fois.
A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Clair: M. le Président, ma question de privilège
vise l'objet suivant. Le député d'Argenteuil laisse entendre que
je n'aurais pas cité le texte du livre beige. Je veux simplement le
relire, j'en ai un extrait devant moi. Voici le dernier paragraphe du chapitre
14 de son document que je cite, c'est très bref: "Finalement, nous
sommes d'avis qu'il est impossible de garantir par voie constitutionnelle que
les ressources fiscales des deux ordres de gouvernement correspondront toujours
à leurs responsabilités."
C'est ce que j'ai cité, M. le Président.
Des Voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
J'aimerais vous rappeler qu'il nous reste au-delà de 25 heures de
débat et que tous les députés de cette Assemblée
auront l'occasion de se faire entendre s'ils le veulent bien.
M. le député de Beauharnois.
M. Laurent Lavigne
M. Lavigne: M. le Président, il me fait
énormément plaisir d'avoir l'occasion d'adresser la parole au
peuple du Québec dans de telles circonstances historiques. Je regrette,
par contre, qu'énormément de Québécois risquent
d'être mêlés au moment où je vous dis cela, et je
vais vous dire pourquoi. Vous avez, bien sûr, les tenants du oui et vous
avez la contrepartie, les tenants du non. Les gens qui sont habitués de
vivre en politique, pour qui c'est leur travail quotidien, peuvent arriver,
évidemment, à décortiquer tout cela assez facilement et se
faire, bien sûr, une opinion claire et précise des faits et des
situations. Mais le commun des mortels, le père de famille ou la
mère de famille qui doit aller travailler chaque matin ou
préparer les repas et tenir la maison, évidemment, ces gens ne
sont pas habilités ou habitués à entendre parler de
politique comme ils auront à en entendre parler pendant les 35 heures
qui viennent. C'est pourquoi plusieurs citoyens du comté de Beauharnois
m'ont dit, depuis la période des Fêtes: M. Lavigne, on va vous
organiser des assemblées de cuisine pour que vous puissiez venir nous
expliquer ce qui se passe au Québec avec le fameux
référendum. J'ai accepté et ça m'a fait grandement
plaisir.
Depuis le Jour de l'an, j'ai fait une quarantaine de réunions,
d'assemblées de cuisine comptant environ de 25 à 30 personnes
chaque fois... M. le Président, je regrette infiniment que M. le
député de Laurier me dérange au moment où
j'interviens.
Le Vice-Président: Vous avez la parole, M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: N'y aurait-il pas moyen, M. le Président, de
tenir compte du temps qu'il me fait perdre? Donc, lors de ces fameuses
assemblées de cuisine où j'ai accepté de donner de
l'information, je me suis efforcé de donner l'information la plus
objective possible. Pour ce faire, j'ai demandé à tous les gens
que je rencontrais lors des assemblées de cuisine d'y venir avec un
esprit dégagé, en laissant chez eux leur couleur politique. Il
n'était pas question, lors de ces assemblées, de parler soit du
Parti québécois, soit du Parti libéral, du parti de
l'Union Nationale, des créditistes ou que sais-je encore, mais bel et
bien de la question référendaire. C'est effectivement de cela que
les gens avaient soif; ils avaient soif d'information sur la question
référendaire. A partir du moment où on fait cet exercice,
je pense qu'on peut arriver facilement à comprendre la situation.
J'invite donc tous les gens du comté de Beauharnois que je n'ai
pas eu l'occasion de
rencontrer dans les assemblées de cuisine, parce que j'ai 39 000
électeurs vous me comprendrez, c'est excessivement difficile pour
moi de rencontrer ces 39 000 électeurs en assemblées de cuisine,
par groupes de 15 ou 20, pour leur parler du référendum qui
viendra le printemps prochain je profite de l'occasion qui m'est offerte
ce soir pour inviter tous les Québécois devant leur
télévision, dans leur salon, et particulièrement les gens
du comté de Beauharnois, pour me sauver du temps. De plus, je vous le
dis, chers amis du comté de Beauharnois, vous allez faire
l'économie de la gardienne! Bien des femmes m'ont dit: M. Lavigne,
j'aurais aimé aller à votre assemblée de cuisine, mais je
n'ai pas de gardienne. Je vous évite ce problème. Je permets
aussi à toutes les personnes âgées, qui n'avaient pas de
moyen de transport pour venir à mes assemblées, de
m'écouter ce soir, et aussi aux handicapés.
Donc, à tous les Québécois je dis que c'est
relativement simple. J'oserais même dire que, quand on veut mettre de
côté la partisanerie, c'est très simple, la question sur
laquelle vous allez avoir à voter le jour du référendum.
Je vais vous dire pourquoi et sans partisanerie. Parce que, d'abord, la
constitution canadienne, moi, je vois ça comme une vieille bagnole de
113 ans. Même si vous changiez les gouvernements pour la conduire,
ça ne rajeunirait pas la bagnole. Ce n'est pas le chauffeur qu'il faut
changer, c'est la constitution. Je pense que c'est primordial. Quand on fait
cet exercice, on s'aperçoit que toute notre réflexion est
à savoir si on doit changer le gouvernement qui représente, en
l'occurrence, le chauffeur ou bien l'automobile, la vieille bagnole, qui est en
fait la constitution canadienne vieille, comme je vous le disais, de 113
ans.
Pourquoi faut-il la changer? On n'a pas inventé les boutons
à quatre trous, nous, du Parti québécois, mais il y a tous
nos prédécesseurs québécois, que ce soit, par
exemple, M. Duplessis, à travers l'Union Nationale, qui s'est battu, qui
est allé à Ottawa mille et une fois pour revendiquer des droits
qu'il savait ne pas avoir pour être capable d'administrer le
Québec convenablement. (20 h 40)
M. Duplessis a été là pendant 20 ans et il n'est
jamais venu à bout d'aller chercher la moitié du coffre d'outils
dont il avait besoin pour administrer le Québec convenablement. On n'a
que la moitié d'un coffre d'outils pour administrer notre Québec.
Quand il est parti de la scène provinciale, c'est M. Jean Lesage qui l'a
remplacé. M. Duplessis, lui, disait qu'il fallait aller chercher notre
butin. Il avait pris conscience qu'il lui manquait quelque chose pour
administrer le Québec. M. Lesage, la même chose. Et vous allez
voir qu'il y a une espèce de crescendo dans les slogans. M. Duplessis,
c'était: On va aller chercher notre butin à Ottawa. M. Jean
Lesage, un homme déterminé de l'équipe du tonnerre des
années soixante, a dit: On va être maîtres chez nous. On
voit là un cran. Ils ont monté d'un échelon vers la
détermination à aller chercher à Ottawa ce qu'ils ont
senti qu'il nous manquait ici pour administrer convenable- ment notre
Québec. M. Lesage, un gars fier, un gars déterminé, un
gars qui parlait bien, un gars qui a été respecté à
Ottawa, il a passé, comme Duplessis, sans pour autant aller chercher la
moitié du coffre d'outils qu'il nous manque pour administrer le
Québec convenablement.
Il fut suivi par M. Johnson et M. Johnson, aigri par la situation des
échanges fédéraux-provinciaux, à travers lesquels
M. Duplessis et M. Lesage avaient échoué, a dit: Cela va
être l'égalité ou l'indépendance. On voit encore
dans le slogan un crescendo et c'est cela, la continuité au
Québec vers la souveraineté. M. Johnson, en dépit du fait
qu'il est parti à Ottawa avec la détermination qu'il avait, qu'on
lui connaissait, a échoué aussi dans son projet d'aller rapatrier
à Ottawa ce qui nous revenait ici au Québec.
Suivi par M. Bourassa. M. Bourassa, un peu fin filou, a dit: Aller
essayer de négocier à Ottawa la souveraineté du
Québec, cela ne passera pas. Ils ne le prendront pas et je vais
sûrement échouer. Il a dit: Je vais prendre cela en deux morceaux;
je vais m'essayer sur la souveraineté culturelle. M. Bourassa est
allé essayer la souveraineté culturelle, peut-être avec
l'intention d'aller essayer, ensuite de cela, la souveraineté
économique. On ne le sait pas, il ne nous l'a pas dit; c'étaient
peut-être ses intentions, on ne le sait pas. Mais M. Bourassa aussi,
comme tous les autres, a constaté que, dans la fédération
canadienne actuelle, il pouvait difficilement administrer le Québec. Il
n'a même pas eu sa souveraineté culturelle et, quand il est
allé à Ottawa, ils ne l'ont même pas respecté comme
chef élu démocratiquement au Québec. Ils l'ont
retourné au Québec en le traitant de "mangeur de hot dogs". C'est
tout le respect qu'Ottawa a eu pour le Québec depuis la
Confédération.
Nous, on suit M. Bourassa. On est élu le 15 novembre 1976. Si on
revient dans l'histoire politique du Québec et qu'on constate tout cela,
on se dit: Pourquoi ne sortirait-on pas des ornières dans lesquelles les
autres ont échoué? Même si le Parti québécois
est un nouveau parti, rajeuni, fringant, si on demeure dans les mêmes
ornières, la moitié du coffre d'outils qu'il y a à Ottawa
pour administrer convenablement le Québec, on ne sera pas plus fins que
les autres, on ne sera pas capables d'aller la chercher. C'est ce pourquoi, M.
le Président, on arrive aujourd'hui avec une question. D'ailleurs, on
l'avait promis à tous les Québécois, qu'à
l'intérieur de notre mandat on irait consulter le peuple du
Québec par un référendum pour savoir si on doit demeurer
dans la Confédération canadienne ou pas, ou si on ne doit pas
changer les règles du jeu.
On arrive, finalement, au terme de toute notre évolution qu'est
révolution du Parti québécois depuis un certain nombre
d'années, évolution qui fait qu'aujourd'hui les
Québécois ont devant eux une question sur laquelle ils auront
à se prononcer. Mesdames et messieurs du comté de Beauharnois,
qui êtes en assemblée de cuisine avec votre député
du comté de Beauharnois et tous les Québécois qui veulent
en profiter, la question,
même si les tenants du non la disent fumeuse, farfelue,
compliquée, trop longue, je dis que c'est faux. En effet, si on avait
mis la question aussi courte que: Etes-vous pour ou contre la
souveraineté du Québec, les premiers qui seraient intervenus
là-dessus auraient été les tenants du non qui nous
auraient dit: Qu'est-ce que vous entendez par souveraineté et qu'est-ce
que vous entendez par association économique? Eclaircissez vos
positions! Si on la met trop longue, ce n'est pas mieux, non plus. Je pense
qu'il y avait moyen, à travers la question, de mettre l'essentiel.
L'essentiel, M. le Président je vois qu'on me fait signe que le
temps passe ce sont les trois premières lignes.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît.
M. Lavigne: On va la disséquer. Les trois premières
lignes, M. le Président, visent à demander...
Le Vice-Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît! Si vous voulez parler
à la présidence, allez prendre votre siège, s'il vous
plaît. M. le député de Beauharnois. A l'ordre, s'il vous
plaît! A l'ordre!
M. Lavigne: M. le Président, les trois premières
lignes de la question ne sont pas compliquées à comprendre. Je
pense qu'il n'y a aucun Québécois qui serait contre l'idée
de voter oui aux trois premières lignes de la question qui consistent
à aller à Ottawa chercher notre demi-coffre d'outils qu'il nous
manque ici sur un plan d'égalité. On n'ira pas en culottes
courtes. On n'ira pas à genoux. On n'ira pas à plat ventre. On
veut y aller debout. Et, pour pouvoir y aller debout, il faut qu'Ottawa
reconnaisse le peuple du Québec comme étant une entité,
comme étant un peuple qui doit discuter avec l'autre d'égal
à égal. Donc, ce sont les trois premières lignes de la
question et je pense qu'il n'y a aucun Québécois qui souhaiterait
que le gouvernement du Québec aille à Ottawa sur un plan
d'inégalité. Je pense qu'on peut dire oui à cela.
Quand on continue à lire la question, on voit dans le coeur de la
question trois choses essentielles pour lesquelles on va aller à Ottawa
négocier sur un plan d'égalité. La première chose,
M. le Président, c'est le rapatriement de notre pouvoir
législatif et je pense que c'est très important parce que la
constitution canadienne a été faite non pas pour les
Québécois de langue française, mais elle a
été faite par les Anglais. Elle a été faite pour
les Anglais...
M. Scowen: ... peuple conquis.
M. Lavigne: Non, non. On a été un peuple conquis en
1760. Ce sont les Anglais qui ont gagné. L'Angleterre a envoyé
ici des biens et c'est pour cette raison que l'économie a
été aux Anglais. Je ne leur en veux pas pour autant. Si
c'était nous qui avions gagné sur les plaines d'Abraham,
probablement qu'on se serait écrit une constitution qui aurait
été à notre image, pour nous. Mais que voulez-vous, les
choses étant ce qu'elles sont, on a été obligé de
tenir compte de cela. On s'aperçoit qu'on a beau vouloir adopter des
lois ici pour nous, la constitution canadienne nous empêche de les
adopter comme bon nous semble. Le plus bel exemple qu'on a vu là-dessus,
M. le Président, c'est l'automne passé, un peu avant Noël,
quand la Cour suprême a décrété que la loi 101, qui
faisait du français la langue officielle au Québec, selon la
constitution canadienne, était jugée ultra vires, une certaine
partie de la loi 101.
Donc, je pense qu'il est grand temps, M. le Président, que le
Québec puisse, avec le rapatriement de son pouvoir législatif,
adopter ses lois pour lui, comme il l'entend, pour les Québécois
et non pas pour les voisins.
Il y a une deuxième chose qu'on veut aller négocier
à Ottawa. C'est le rapatriement de nos taxes et de nos impôts. Je
pense qu'il y a eu maints et maints exemples qui ont été
donnés par mes collègues sur le plan économique. Pourquoi
voudrait-on rapatrier nos taxes et nos impôts d'Ottawa? C'est parce qu'on
a toujours été "discriminé" par rapport aux autres et
c'est facile. J'ai ici des chiffres qui sont assez éloquents. Depuis 30
ans, vous voyez une constante. Au Québec, on maintient un taux de
chômage de 6%, quand on sait que, dans l'ensemble canadien, le taux de
chômage est de 4,6% et qu'en Ontario il est de 3,7%. Pourquoi y a-t-il
une différence, presque le double, entre le Québec et l'Ontario?
C'est parce que, M. le Président, ce qui devrait nous revenir de nos
impôts dans les différents programmes ici au Québec ne nous
revient pas, et particulièrement au niveau du chômage et au niveau
des programmes pour combattre le chômage. Vous avez ici les
dépenses créatrices d'emplois. Le comté de Beauharnois a
été, M. le Président, énormément
frustré, il y a un an et demi à peu près, parce que
longtemps on a attendu que soit GM ou Ford viennent dans le comté de
Beauharnois investir ce qu'ils avaient à investir, même si on
avait fait un effort, nous du comté de Beauharnois, pour être
reconnus comme zone désignée dans le grand Montréal
métropolitain, chose finalement que le MEER a accepté de
reconnaître. On a été reconnu comme zone
désignée et en dépit de tout cela, quand est venu le temps
d'investir...
Une Voix: Attendez!
M. Lavigne:... ce qui est arrivé, c'est qu'ils ont pris
$40 millions à Ottawa et ils sont allés donner cela à
l'Ontario pour que Ford aille s'installer là-bas plutôt que dans
le comté de Beauharnois. Pourtant, dans les $40 millions, il y avait $10
millions qui appartenaient aux Québécois. On a pris $10 millions
de notre argent pour aller combattre le chômage en Ontario quand, en
fait, le chômage depuis 30 ans se maintient deux fois plus
élevé au Québec. C'est pour cette raison, M. le
Président, qu'on veut rapatrier nos taxes et nos impôts ici.
J'aurais une foule d'autres exemples à donner, mais je vois qu'on
me fait signe. Le temps presse. Je ne voudrais pas empiéter sur le temps
de mes collègues. Il y a une autre chose qu'on voudrait aussi
négocier à Ottawa, c'est le pouvoir d'aller négocier des
ententes économiques avec l'étranger. (20 h 50)
Le plus bel exemple que je peux donner encore là, le comté
de Beauharnois a été témoin de cela parce qu'on a
installé des lignes hydroélectriques chez nous pour aller
desservir ou vendre de l'électricité à l'Etat de New York.
Pour pouvoir aller vendre de l'électricité du Québec
à l'Etat de New York, on a été obligé de demander
à la société de...
Une Voix: ...
M. Lavigne: Soyez donc un peu sérieux! On a
été obligé de demander à Ottawa la permission de
pouvoir vendre notre électricité à l'étranger.
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lavigne: Donc, on voudrait, avec le rapatriement de notre
pouvoir...
Une Voix: ...
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lavigne: M. le Président, s'il vous plaît!
Le Vice-Président: A l'ordre, s'il vous plaît! A
l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Beauharnois. A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lavigne: Merci, M. le Président. Je termine en disant
qu'au niveau de nos dépenses et de nos impôts qui sont à
Ottawa on se paie le luxe de deux gouvernements, un à Ottawa et un ici,
des doubles ministères à peu près dans chaque
sphère d'activité. Sur 192 programmes canadiens, il y a 143
programmes qui sont doubles, ce qui fait qu'on paie double partout.
M. le Président, je suis obligé de terminer ici. Je suis
malheureux de voir mon assemblée de cuisine un peu
écourtée, mais je peux vous dire que, le jour du
référendum, je pense que les Québécois sauront ce
qu'il faut faire. En mettant de côté toute la question partisane,
ils réaliseront une fois pour toutes qu'ils ont une chance dans leur
histoire de se tenir debout et de faire en sorte que leur gouvernement
éventuel ait tous les leviers de commande et l'autre moitié du
coffre d'outils qu'il lui manque pour administrer au Québec pour les
Québécois et dans leur intérêt. Je vous remercie, M.
le Président.
Des Voix: Bravo!
Le Vice-Président: M. le député de
Maisonneuve.
M. Georges Lalande
M. Lalande: M. le Président, si je me lève ce soir
comme membre de cette Assemblée, c'est tout d'abord pour parler aux gens
du comté de Maisonneuve évidemment. C'est également pour
m'adresser directement à tous mes frères québécois,
surtout ceux qui, comme moi, croient fermement que la lutte de près de
quatre siècles que les Canadiens français entreprirent jadis pour
s'imposer en Amérique a encore aujourd'hui toute sa signification et
toute sa raison d'être.
La question que l'actuel gouvernement pé-quiste essaie
d'esquisser en vue il faut bien le dire de tromper la vigilance
du peuple du Québec trouve, de toute évidence, sa source dans son
livre blanc de novembre dernier, mais également et surtout dans le
programme politique du Parti québécois. Ce n'est donc pas une
question qui se situe au-delà des partis politiques du Québec,
mais qui émane plutôt directement de la pensée
péquiste. D'ailleurs, cette filiation qui s'établit à sa
face même a été exposée amplement et avec
autorité par le chef de notre formation politique. Cette question
reflète également la forme floue et le caractère intrigant
qui devient de plus en plus la marque de commerce de ce gouvernement
péquiste.
M. le Président, cette question, outre le fait qu'elle est, dans
sa forme, visqueuse et huileuse, comporte tout l'odieux d'essayer de diluer et
de masquer l'option véritablement séparatiste du PQ. C'est cette
manière répréhensible d'essayer de faire indirectement ce
qu'il n'a pas le courage de faire directement qui est profondément
vexatoire de la part de ce parti politique.
Cette option séparatiste d'ailleurs, qui est un projet humiliant
oui, humiliant de démission pour les véritables
nationalistes, pour ceux qui ont foi au génie propre des Canadiens
français et à leur force d'entraînement à la
grandeur du Canada, n'aura servi à la fin qu'à diviser
inutilement et malheureusement les forces vives de la nation qui ont pourtant
besoin, à ce moment-ci de notre histoire nationale comme en tout autre
temps d'ailleurs, de la plus grande unité.
M. le Président, il eut été si simple et si clair,
et il est encore possible de clarifier leur option et leur question et adopter
la motion d'amendement du chef de l'Opposition officielle. D'ailleurs, il est
bon de se la rappeler, elle se lit comme suit: "Le gouvernement du
Québec a fait connaître dans son livre blanc son projet d'un
nouveau régime politique pour le Québec. En conséquence:
"1. pensez-vous que le Québec devrait devenir un Etat souverain? Oui ou
non. "2. Dans l'affirmative, pensez-vous qu'un Québec souverain devrait
rechercher, par voie de négociation, une association économique
avec le reste du Canada? Oui ou non". Il me semble que ceci est tout à
fait clair, il me semble que ceci correspond davantage et de façon
beaucoup plus éclairée à ce que l'on peut retrouver dans
le livre blanc du Parti québécois.
Mais les gens d'en face il faut le constater aussi
s'accrochent à leur question pourtant perfide, hélas! M. le
Président, quel affront et quelle mesquinerie que ceux d'un gouvernement
qui demande à son peuple de renoncer à concourir à la plus
grande gloire du pays? Quel genre de gouvernement est donc ce gouvernement
péquiste qui demande à ses soldats, qui demande à ses
troupes de choc, qui demande à ses conquérants de rester à
la maison et de se barricader à l'intérieur des murs? Le PQ ne
sait-il pas encore que les Québécois sont des gens d'espace et de
grandes étendues, des gens qui ont besoin pour vivre de l'air du
Pacifique et de l'air de l'Atlantique?
Cela vous énerve? Je reviens, soyez sans crainte, M. le ministre,
je reviens.
Le premier ministre vous vous le rappelez dans une
allocution qu'il prononçait dernièrement, se demandait comment un
véritable Québécois pouvait dire non à la question
du PQ et à son projet de séparation du Québec. Plusieurs
d'entre nous de ce côté-ci de la Chambre et un nombre
déjà impressionnant de Québécois ont
déjà répondu fort éloquemment qu'ils voulaient
conserver ce pays pour la prospérité qui s'y rattachait, à
cause de l'immense richesse collective que recèle le territoire canadien
et à cause de la sécurité économique que le
Québec seul ne saurait jamais procurer en si grande abondance aux
citoyens du Québec.
Sans me dissocier d'aucune façon de cet aspect fort important de
l'attachement à la richesse économique du pays, je voudrais
toutefois répondre que, quant à moi, c'est spontanément et
d'abord à cause d'un sentiment de fierté et de
fidélité inébranlables à l'endroit de mes
ancêtres et de mes descendants que je veux conserver notre pays. Le
premier ministre aurait-il si peu le sens de l'histoire pour ne pas comprendre
que le grand nationaliste qu'était Henri Bourassa n'a jamais
prôné la séparation du Québec mais a plutôt
prêché avec vigueur l'accroissement de l'influence du
Québec au sein du Canada, ne vous en déplaise, messieurs?
Le premier ministre aurait-il déjà oublié que les
Duplessis, Lesage, Johnson, qui, sûrement, à vos yeux, messieurs,
n'ont pas à faire la preuve d'être de véritables
Québécois, n'ont jamais été des
séparatistes? J'en viens à me dire quelle insulte je lancerais
à la figure de mon père, de mon grand-père, de mes
ancêtres venus de France et d'Ecosse qui, depuis près de 400 ans,
ont poussé des racines profondes en terre canadienne et en terre
québécoise, oui, quelle insulte si, aujourd'hui je les
abandonnais! Quelle manque de loyauté de ma part si, maintenant, je ne
continuais pas le combat! Le combat se situe j'en ai la ferme conviction
dans le sens de l'égalité des peuples fondateurs du
Canada, dans la reconnaissance du principe dualiste de deux nations et dans
l'affirmation de la spécificité du Québec à
l'intérieur de la fédération canadienne. (21 heures)
Bref, M. le Président, dans le sens des principes premiers du
livre beige du Parti libéral du Québec, qui fait si mal à
nos gens d'en face. Mme la Présidente, il y a quelque temps, le
gouvernement péquiste faisait circuler une brochure intitulée
"Bâtir le Québec", comme si le Québec était
né avec l'avènement d'un gouvernement péquiste qui veut
justement l'affaiblir ou, à tout le moins, l'émasculer, de
manière à lui enlever toute influence en sol canadien.
Mme la Présidente, laissez-moi vous dire que, lorsque mon
grand-père décida avec le curé Labelle de remonter la
rivière Rouge en canot pour aller fonder les pays d'En Haut, il n'a pas
attendu l'arrivée des séparatistes pour commencer à
bâtir le Québec. Les milliers de Québécois, de
Canadiens français qui, suivant son exemple, se sont embarqués
à la gare Moreau, justement située dans le bassin de mon
comté de Maisonneuve, pour aller conquérir les territoires du
Nord et de l'Abitibi n'ont pas, eux non plus, attendu le PQ pour commencer
à bâtir le Québec.
Plus près de moi encore, tous ces autres membres de ma famille,
tous ceux-là qui sont allés s'installer au Manitoba, en Ontario,
n'ont pas attendu l'arrivée des séparatistes pour bâtir le
pays dans lequel nous vivons aujourd'hui. Faut-il le rappeler, Mme la
Présidente, depuis 100 ans, 113 ans pour être plus exact, les
Québécois n'auront jamais été aussi influents et
importants qu'aujourd'hui dans les politiques générales du pays
et au niveau de la scène fédérale. A l'heure actuelle, sur
146 députés libéraux au pouvoir à Ottawa, 73
d'entre eux sont québécois. 73 à 73, d'égal
à égal, Mme la Présidente. 74 bientôt, me
dit-on.
Tout cela, cette longue marche, cette longue lutte des Canadiens
français pour bâtir le Québec et le Canada, tout cela,
dites-moi, aura-t-il été vain? Des gens repliés sur
eux-mêmes, qui redoutent la saine émulation et qui veulent
rapetisser nos horizons à celui du tour de l'île, diraient
certains artistes, auront-ils raison du combat qu'ont livré sans
relâche nos ancêtres et nos parents? Ces dirigeants
séparatistes, et j'insiste sur le mot "dirigeants", ces faux
arpenteurs-géomètres qui n'en finissent plus de tirer des lignes
en tous sens, qui n'en finissent plus de mesurer et de chaîner les
sondages pour éviter le combat, ces gens auront-ils raison des forces
vives de la nation? Réussiront-ils à brouiller et à
frapper la vigilance des Québécois? Réussiront-ils, par
leurs questions limoneuses, glissantes, impossibles à saisir,
réussiront-ils, par leurs tartuferies oui, par leurs tartuferies
à piéger les Québécois?
Mme la Présidente, au nom de la grandeur de notre nation, je
demande aux Québécois, je demande aux ardents nationalistes qui
ne sont pas des séparatistes, je fais appel à tous les miens,
spécialement aux gens de Maisonneuve qui ont la renommée bien
méritée d'ailleurs, d'être des gens qui se tiennent debout,
vous en savez quelque chose, des gens qui ont le mérite d'avoir, les
premiers, entrepris le grand ménage, le 14 novembre dernier, je demande
à tous ceux-là de ne cas plier
l'échine devant les manoeuvres de certains organisateurs
péquistes. Mme la Présidente, le premier ministre aura-t-il
compris enfin que, tout comme les francs-nationalistes si nombreux dans notre
histoire nationale, comme eux, je m'inscris en faux contre son projet de
séparation et de cassure du pays? Aura-t-il aussi compris que c'est
justement à cause de ma fierté et de ma dignité nationale
que je dois répondre, en mon âme et conscience, que "mon non est
québécois."
La Vice-Présidente: M. le ministre de la Fonction publique
et député d'Abitibi-Ouest.
M. François Gendron
M. Gendron: Mme la Présidente, la question qui est devant
nous et qui fait l'objet du présent débat doit être
discutée par les parlementaires de cette Chambre, afin que nous
l'adoptions avec ou sans modification, et ce, en vertu de la Loi sur la
consultation populaire. L'enjeu de ce débat est très important.
J'aimerais y apporter ma modeste contribution pour expliquer pourquoi le
gouvernement souhaite obtenir le mandat de négocier une entente qui lui
permettrait, entre autres, de percevoir la totalité de ses impôts
et d'établir, avec le reste du Canada, une association
économique.
Rassurez-vous, citoyens et citoyennes du Québec, je n'ai pas
l'intention de reprendre ici tout le débat comptable pour savoir si,
effectivement, nous recevons...
M. Chevrette: Mme la Présidente, je m'excuse auprès
de mon collègue. Pourriez-vous demander à ces respectueux
personnages d'aller faire les caucus à l'extérieur de la
Chambre?
La Vice-Présidente: M. le ministre de la Fonction
publique.
M. Lamontagne: On les comprend, Mme la Présidente...
La Vice-Présidente: M. le député de
Roberval, s'il vous plaît!
M. Ryan: ...
La Vice-Présidente: M. le chef de l'Opposition officielle,
s'il vous plaît! Messieurs, s'il vous plaît, à l'ordre!
M. Lamontagne: ...
La Vice-Présidente: M. le député de
Roberval, s'il vous plaît! Puis-je vous rappeler à l'ordre, s'il
vous plaît!
Une Voix: ... le député de Roberval qui a fait
bâiller son chef toute la soirée...
La Vice-Présidente: A l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre.
M. le ministre de la Fonction publique.
M. Gendron: Mme la Présidente, j'allais dire que je
n'avais pas l'intention de reprendre le débat comptable...
Une Voix: Je n'ai pas peur de vous!
M. Bédard: ... toute la soirée, hier soir,
écoutez ceux qui nous gardent éveillés.
La Vice-Présidente: S'il vous plaît! A l'ordre, s'il
vous plaît! M. le ministre.
Une Voix: Je n'ai pas peur de mes origines.
La Vice-Présidente: M. le ministre de la Justice! M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, je vous rappelle à
l'ordre.
M. le ministre de la Fonction publique, c'est vous qui avez la
parole.
M. Gendron: Je suis convaincu, Mme la Présidente... De
toute façon, tout ce qui m'intéresse, c'est d'avoir l'occasion de
m'adresser aux citoyens et citoyennes du Québec, calmement, parce que je
suis convaincu que c'est un débat qui a une très haute
importance. Tout en étant très modeste, je pense que je suis en
mesure d'apporter ma contribution. C'est ce que je veux faire, et c'est ce que
je vais continuer de faire.
Je n'ai pas l'intention de reprendre toute la question du débat
comptable, on va laisser cela à d'autres, parce que je sais que, de
toute façon, ce qui intéresse la population, c'est de savoir
quelle est la question que nous posons. Je m'attarderai plutôt à
vous démontrer, Mme la Présidente, ainsi qu'à tous les
auditeurs du Québec, l'importance capitale pour un peuple adulte ayant
atteint sa maturité de prendre en main son propre développement
économique pour l'orienter à ses priorités les plus
fondamentales. Une des constantes difficilement contestables de l'histoire
mondiale tend à démontrer qu'au niveau économique, les
décisions ont toujours été prises en fonction des
intérêts propres et immédiats de ceux qui les prenaient.
Notre histoire nationale regorge d'exemples bien précis pouvant
illustrer adéquatement cette vérité. (21 h 10)
Au mercantilisme métropolitain du régime français,
où il était formellement interdit à la Nouvelle-France de
transformer sa matière première, succéda la férule
britannique du roi Georges. Le contrôle économique de cet empire
anglais était tel que 13 colonies semblables à la nôtre se
révoltèrent et fondèrent les Etats-Unis d'Amérique.
Et puis ce fut le régime confédéral de 1867 qui
créa de toutes pièces un nouveau centre décisionnel pour
notre économie, Ottawa.
C'est justement cette organisation insouciante comme
l'étaient ses prédécesseurs de nos besoins
économiques fondamentaux qui perdure depuis 113 ans. En d'autres termes,
notre histoire nationale démontre sans équivoque que nous
fûmes traditionnellement écartés, aussi bien par
Versailles, Londres ou Ottawa, des pouvoirs déci-
sionnels de notre économie. Bref, les décisions
économiques qui furent prises ici ou ailleurs en notre nom, par
d'autres, le furent toujours en fonction d'intérêts
régulièrement différents, voire même divergents des
nôtres; et pour d'autres.
Le bilan de cette interdiction colonialiste est facilement
vérifiable en 1980. Foncièrement, force nous est d'admettre que
le fait d'être maintenant en situation d'éloignement par rapport
au pouvoir décisionnel a entraîné sur notre économie
des effets pour le moins indésirables et contraires à nos
priorités. Si vous me le permettez, Mme la Présidente, j'aimerais
tout simplement vous illustrer, à partir de quelques exemples de
l'Abitibi-Témiscamingue, une des conséquences de ce type
anachronique de développement, phénomène injuste et
illogique que s'évertue à vouloir préserver et
défendre le livre beige du chef du non, et dire pourquoi,
également, la motion du premier ministre réclame la
négociation d'une nouvelle entente.
Dans notre région, le développement économique,
particulièrement pour ce qui est du secteur secondaire, a dû
souffrir de nombreuses carences. J'aimerais l'illustrer par quelques exemples.
Le dernier intervenant, le député de Maisonneuve, a dit entre
autres qu'on avait publié un document, "Bâtir le Québec",
comme si on avait la prétention d'avoir tout inventé. Non, on n'a
pas tout inventé et on le sait, nous, qu'on a eu des
prédécesseurs, parce qu'on s'inscrit dans une continuité
historique; nous en sommes conscients, nous l'admettons. Nous savons
également qu'énormément de gens ont fait beaucoup de
choses pour le Québec avant nous, mais on n'a pas cette conviction et on
va vous prouver par quelques chiffres qu'on a eu cette volonté de
bâtir le Québec à sa mesure, à son rythme et
à ses besoins; ça, on ne l'a jamais accepté. Si on parle
de la région de l'Abitibi-Témiscamingue, on a trois vocations
fondamentales. On peut parler de quatre, mais on en a trois fondamentales:
agriculture, forêts, mines. Je voudrais juste vous faire deux
illustrations.
En 1976, dans mon coin, je me suis promené et pendant toute la
campagne électorale je me suis fait dire par des cultivateurs que
ça n'avait pas de bon sens, qu'ils étaient obligés de
jeter leur lait et de tuer leurs veaux. Qui contrôle l'attribution des
quotas de lait? La Commission canadienne du lait. Je n'essaie même pas de
vous dire que nous aurions notre propre commission québécoise du
lait, je ne vous dis même pas que ce serait parfait et qu'il n'y aurait
pas de problèmes, mais, au moins, ce serait fait par un
Québécois comme nous, qui comprend le Québec, qui comprend
les besoins du Québec, et peut-être celui-ci croirait-il un peu
à l'agriculture au Québec, ce à quoi le
fédéral n'a jamais cru, au moins pour la région de
l'Abitibi-Témiscamingue.
On a toujours voulu nous confiner dans un seul secteur, le lait, et
même pas avec les quotas requis pour notre région. On a
déjà dit à ces gens-là qu'il serait possible de
faire de l'élevage chez nous. Il n'est pas question de faire de
l'élevage chez nous parce que l'élevage c'est pour l'Ouest, selon
le fédéral. Je ne fais que vous dire qu'en agriculture il y aura
encore des problèmes, mais, au moins, si on avait l'entière
responsabilité de nos juridictions, je suis en mesure de dire ce soir
aux cultivateurs de la région de l'Abitibi-Témiscamingue qu'on
n'aurait pas permis qu'ils déversent leur lait dans les lacs et dans les
rivières en 1976. C'est une situation absolument intolérable.
Nos amis d'en face applaudissent, ils aiment ça. Ils disent
qu'ils sont pour l'égalité, mais l'égalité d'un
régime qui n'a jamais servi les vrais intérêts des
Québécois. Je pourrais donner juste un autre exemple. On a une
route chez nous, dont on a parlé pendant vingt ans et qui s'appelle la
117. Ce n'est pas une route pour aller au village, à Dupuis; c'est une
route qui relie l'Abitibi-Témiscamingue à toute la région
métropolitaine. Si ce n'est pas un axe routier prioritaire, moi, je n'y
comprends plus rien! Cette route-là, on s'est battu pendant des
années pour qu'on accepte de la reconnaître comme un axe routier
prioritaire. Après des efforts comme ce n'est pas possible, on est venu
à bout, imaginez, de trouver la magnifique somme de $36 millions pour
des coûts estimés à $150 millions. On nous a dit: Une
entente auxiliaire, on va en signer une de $36 millions: 21-14. Le
fédéral paie $21 millions et nous, avec nos deniers, mais
toujours en l'absence de 50% de nos impôts, on est obligé
d'assumer entièrement la responsabilité du développement
d'une route prioritaire capitale et on est obligé de le faire seul!
Si on avait l'entière responsabilité de nos impôts,
je ne dis pas que le lendemain tout serait changé et que là on
aurait un Québec où il n'y a plus de taux de chômage, il
n'y a plus de ceci, il n'y a plus de cela. On n'a jamais dit cela ici, Mme la
Présidente. Tout ce qu'on a dit, tout le monde, je pense, même nos
amis d'en face, a fait l'illustration que, dans le régime actuel, la
situation du Québec est quand même assez bonne et que c'est avec
la moitié de nos moyens. Nous demandons: Donnez-nous l'autre
moitié. Le pire qui peut nous arriver, c'est de s'améliorer, Mme
la Présidente.
Je pourrais également parler du dossier des transporteurs
aériens, avoir le temps. On a vu encore, pas plus tard que cet
après-midi, le député de Mont-Royal avoir une position
contre les intérêts des Québécois dans ce dossier.
J'en sais quelque chose, je connais le dossier, je suis de la région de
l'Abitibi-Témiscamingue. Cela n'intéresse pas nos amis d'en face
de permettre que les transporteurs régionaux assument leurs
responsabilités; ils aiment mieux que ce soit Austin Airways, c'est
l'Ontario, fédéral. Ils favorisent l'Ontario, ce n'est pas grave.
Cela, ça les intéresse. Je pourrais multiplier ces exemples.
Si j'ai voulu les donner, c'est tout simplement que je voulais illustrer
la spoliation de notre droit fondamental à décider de notre
avenir économique et la grande nécessité pour nous de
répondre oui à la nouvelle entente proposée. Pourtant,
c'est au mépris de son passé remarqué
d'éditorialiste de premier plan que le chef des disciplines du "no,
thanks" veut, envers et contre tous, perpétuer cette situation
intolérable.
Comme autre illustration de ce contrôle économique qui nous
échappe en bonne partie, on peut mentionner les investissements
fédéraux en Abitibi-Témiscamingue depuis 1974; vous allez
voir que ce n'est pas beau. Cette péréquation
piégée d'Ottawa, authentique poudre aux yeux, que l'on doit
honnêtement dénoncer, fait en sorte qu'en six ans
écoutez bien cela seulement 8,6% des investissements publics
faits dans ma région peuvent être attribués au gouvernement
d'Ottawa. Je reprends le chiffre: 8,6%. Rappelez-vous toujours qu'il nous
manque 50% de notre argent, et, même à cela, dans la même
période, le gouvernement du Québec, lui, a dû assumer
à 63% les investissements publics.
En admettant que de tels investissements publics constituent
habituellement de bons générateurs d'emplois, j'affirme que, dans
notre région, ce sont des fonds québécois qui ont servi et
qui servent au redressement économique et plus particulièrement
depuis 1977.
Pourtant, en dehors de ces quelques fonds de tiroir, force nous est
d'admettre qu'Ottawa injecte une masse considérable de "Canadian
dollars". Je ne dis pas qu'Ottawa n'investit pas chez nous des "Canadian
dollars", mais voici où il les investit, Mme la Présidente. Ces
entrées monétaires prennent massivement la forme de prestations
d'assurance-chômage. Au lieu d'épauler les énergies dans
une mission économique, laquelle incidemment doit porter seule le
très dispendieux fardeau de la création d'emplois, du financement
d'entreprises, de la recherche industrielle et j'en passe, Ottawa, avec 50% de
nos impôts qu'on lui envoie, finance le chômage régional.
Vous allez me dire: Ce n'est pas grave parce que, selon M. Raynauld, qui est un
spécialiste, le député d'Outremont, de toute façon,
$100 d'assurance-chômage ou $100 d'emploi, c'est exactement la même
affaire, c'est $100. Mais ne venez pas dire cela aux gens de
l'Abitibi-Témiscamingue parce que vous allez avoir des problèmes,
un peu comme un autre que je ne nommerai pas, mais la région le
connaît très bien, qui était venu dire que le programme OSE
dans la région était un programme bidon, un programme pète
bretelles, une farce. Pour un gouvernement d'emballage, je peux vous dire que,
dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue, on ne peut pas
ridiculiser les programmes OSE parce qu'ils ont donné des
résultats concrets. On a prs nos responsabilités pour renforcer
le secteur secondaire.
Au même moment, toujours avec les miracles de la
péréquation piégée, il finance surtout les
infrastructures industrielles ontariennes; en d'autres termes, le Canada
expédie les dollars nécessaires aux chômeurs du Nord-Ouest
afin de leur permettre de devenir des consommateurs de la production
ontarienne. Il s'agit là d'une manoeuvre carrément scandaleuse
qui doit être dénoncée et condamnée. Pourtant,
encore une fois, c'est ce que nous propose de perpétuer le chef du non
et du tendancieux slogan "Mon non est québécois".
Voilà donc quelques exemples du vécu de ma région
avec lesquels j'ai voulu illustrer ce qui se produit généralement
lorsque nous laissons à d'autres le soin d'administrer notre
portefeuille. Même si c'est avec la meilleure volonté du monde,
aucune société normale ayant, comme le Québec, atteint sa
maturité ne peut accepter une telle situation. Le simple bon sens n'en
exige pas moins.
Un oui massif à la question du premier ministre de la part des
citoyens et citoyennes du Québec permettrait de régulariser cette
situation et peut-être, une fois pour toutes, de répondre...
historique qu'on a toujours posée au Québec: "What does Quebec
want?" (21 h 20)
Qu'est-ce que tu veux, fatigant? Qu'est-ce qu'il y a de travers tout le
temps? Mais remarquez bien, par exemple! Même ces gens, en face, qui nous
accusent de tous les péchés du monde, ils essaient de nous faire
croire que le Québec est comme les autres provinces et n'a pas de
revendication spécifique. Il faut être malhonnête. Seul le
Québec a un dossier historique de 40 ans, quels qu'aient
été les premiers ministres qui se sont succédé au
Québec.
De quoi avons-nous besoin pour développer rationnellement notre
économie nationale? Il nous faut, bien sûr, connaître notre
territoire, ses particularités, les volontés de ses habitants,
son "en-trepreneurship", ses disparités et sa
complémentarité. Tout cela, c'est fait. Il faut également
des ressources. Nous les avons, les ressources, au Québec. On en a
parlé et on les a surtout dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue parce que c'est une région ressource. Il
nous faut avoir, pour planifier, dresser des priorités et établir
des échéanciers, tout notre budget pour budgétiser
convenablement. C'est ce qu'il nous manque. Il nous manque la moitié de
nos outils et on les réclame. Si l'on veut parler de bon sens, il faut
donc pouvoir coordonner les énergies dans le secteur clé de notre
réalité collective. Il faut donc pouvoir contrôler
l'ensemble des décisions gouvernementales qui touchent à notre
économie nationale. Il faut donc bénéficier de la
totalité de nos impôts fournis sous forme de taxes par les
Québécois pour la destinée de notre économie. Un
oui à la question soumise par le premier ministre nous permettrait de
réaliser nos objectifs.
Malheureusement, en matière économique, le livre beige
n'est, encore une fois, que la reconduction des illusions qui ont bloqué
notre développement. Si on peut comprendre que les anglophones du Canada
ne saisissent pas toujours nos intérêts en cette matière
comme en d'autres, on comprend moins bien et on pardonne beaucoup plus mal que
des francophones se comportent comme des agents délégués
des intérêts des autres et s'en tiennent encore, en 1980, à
des politiques et à un régime qui nous exclut de la prise en
charge de nos responsabilités et de nos décisions en
matière de développement économique.
Parce que nous croyons en l'avenir de cette nation, parce que notre
projet articulé à partir du gros bon sens et de la
réalité historique du Québec en est un surtout de
liberté, de dignité, de pouvoir national et
d'égalité des partenaires, parce
que c'est également, quoi qu'en disent les obscurantistes du
fédéralisme renouvelé, la seule issue au
développement harmonieux de notre économie nationale, nous
répondrons positivement, collectivement et massivement à cet
appel historique. Je suis certain également que les citoyens et les
citoyennes du Québec, que ceux de la région de
l'Abitibi-Témiscamingue voudront répondre par un oui au chef du
non et, ainsi, indiquer que l'on peut bien avoir un non
québécois, mais l'on ne peut dire non aux Québécois
et aux Québécoises qui veulent un régime politique qui les
respecte et qui tienne compte de notre histoire.
C'est pourquoi, M. le Président, nous dirons oui au oui et non au
non. Merci.
Des Voix: Bravo! Bravo!
Le Président: M. le député de
Saint-François, vous avez maintenant la parole.
M. Réal Rancourt
M. Rancourt: M. le Président, aujourd'hui, en me levant,
je sens le poids des générations de Louis-Ernest à Jean,
à Augustin, à Pierre, le premier à s'établir
à Québec sur cette nouvelle terre. Je sens en moi vibrer cette
question qui amorcera le choix de vivre en plénitude de nos moyens en
société avec tous nos concitoyens québécois de
toute origine. Vos ancêtres, les miens, M. le Président, ont
travaillé et ont peiné, mais ils ont aussi réussi à
apprivoiser le milieu avec leur génie propre. Ils ont toujours eu une
conscience collective, une volonté de continuité et un
désir d'ouverture au monde. Cette idée d'ouverture au monde,
quant à moi, passe par le processus d'accession à
l'égalité. Toujours en réponse à la question,
j'aimerais, comme représentant d'une région du Québec
où mes concitoyens anglo-québécois sont nombreux, vous
dire que pour eux aussi le fédéralisme a été
néfaste. A preuve, les jeunes anglo-québécois qui ont
dû aller vers l'Ontario, l'Ouest canadien, sinon vers les Etats-Unis. Ils
n'ont pu trouver une place au Québec car l'argent manquait dans notre
région pour une expansion économique.
Comme agriculteur, j'aimerais vous faire connaître un point de vue
qui me préoccupe. Dans la soi-disant confédération
canadienne, nos impôts, bien sûr expédiés à
moitié à Ottawa, ils les ont distribués comme le veut le
principe démocratique normal qui est celui de la majorité. M. le
Président, l'avenir du Québec dans le monde d'aujourd'hui est de
rejoindre l'excellence dans ce en quoi nous sommes les meilleurs.
Ces créneaux en agriculture, nous le savons tous, c'est chez nous
la production laitière dans toutes ses spécialisations, la
production porcine, avicole, les cultures maraîchères et
fruitières dans la mesure possible de notre climat qui a un potentiel
beaucoup plus étendu que la majorité des gens le croit.
M. le Président, nous avons été vraiment
lésés par ce système fédéral dans le domaine
de la recherche en agriculture. Pour en arriver à une nouvelle entente,
il faut comprendre que l'agriculture au Québec est sans contredit un
secteur primordial et dynamique de l'économie. Avec 40 000 fermes
employant plus de 90 000 travailleurs, avec 1400 usines alimentaires et ses 65
000 employés, ses 9000 entreprises de distribution et ses 50 000
emplois, l'industrie agro-alimentaire au Québec est devenue le secteur
qui engendre le plus de retombées économiques en termes de
revenus et d'emplois.
Du producteur au consommateur, des liens mutuellement avantageux tissent
la toile de l'auto-aprovisionnement et garantissent à l'ensemble de la
population une alimentation essentielle à son bien-être. Un des
éléments essentiels à l'essor du dynamisme et de
l'excellence de la production agricole est sans contredit le soutien d'une
recherche efficace, tant au niveau de la production qu'aux diverses
étapes de la commercialisation des produits alimentaires.
A titre d'exemple, la production céréalière des
Prairies de l'Ouest canadien est directement tributaire des efforts de
recherche considérables consacrés par le gouvernement
fédéral depuis la Confédération dans ce sens. La
recherche a permis la rentabilisation des sols relativement difficiles des
Prairies. Assurés par le développement d'espèces de
blé résistantes aux conditions de la région ce que
vient de dire le député d'Abitibi-Témiscamingue on
aurait pu peut-être faire les mêmes recherches pour rentabiliser
certaines céréales en Abitibi.
Pour pouvoir répondre à la question, il ne faut pas
oublier que les Québécois ont justement financé largement
cette opération au détriment d'un accroissement de leur propre
production céréalière qui connaissait, à cette
époque, une position enviable au Canada. Le gouvernement
fédéral est intervenu massivement par le passé pour
assurer une recherche agricole essentielle. Par exemple, le service de
recherche du ministère fédéral de l'Agriculture employait
1035 personnes et détenait un budget de $107 millions. Ces chiffres
d'abord impressionnent, mais en y regardant d'un peu plus près, on
découvre que l'agriculture québécoise y a
été largement négligée. Selon le Conseil canadien
de la recherche agricole, il se faisait au Québec 8,5% de toute la
recherche canadienne que les Québécois pourtant paient dans une
proportion de 25%.
Une Voix: Incroyable.
M. Rancourt: II ne faut pas oublier de mentionner
également que le Québec n'abrite que 10% du personnel de
recherche agricole employé par le gouvernement
fédéral.
Une Voix: C'est incroyable. Une Voix:Scandaleux.
M. Rancourt: Certains diront que les agriculteurs
québécois ont sûrement, d'une façon ou d'une autre,
bénéficié des retombées de recher-
ches effectuées par l'ensemble du pays. Voyons-y de plus
près. Comme on le sait, l'agriculture québécoise est
fortement spécialisée autour de trois productions
particulières: laitière, porcine et avicole. Or, toujours selon
le Centre canadien de la recherche agricole, on a consacré seulement
huit années de recherche aux bovins laitiers au Québec sur les 74
années-hommes pour l'ensemble du Canada.
Une Voix: C'est effrayant.
M. Rancourt: II ne faut pas perdre de vue ici que la production
laitière québécoise compte pour plus de 40% de la
production canadienne. La recherche consacrée à la production
porcine au Québec se limite à une année-homme sur les 58
années-hommes au Canada.
Une Voix: C'est incroyable.
M. Rancourt: L'apport du Québec représente donc un
fabuleux 1,7% de l'ensemble canadien. Pourtant, la production porcine
québécoise couvre plus de 30% de toute la production
canadienne.
Enfin, concernant la recherche consacrée à la production
avicole au Québec, tout en gardant bien à l'esprit que le
Québec est le premier producteur de poulets au Canada, depuis 1965, elle
n'obtient que deux années-hommes des 72 années-hommes de
recherche consacrée à ce secteur. Tout cela sans compter que la
recherche est inexistante dans d'autres secteurs de l'agriculture
québécoise.
Une Voix: C'est effrayant.
M. Rancourt: II y a bien quelques stations régionales
fédérales de recherche au Québec. Il y en a même une
dans mon comté, à Lennoxville, qui a des disponibilités,
hommes et équipements, mais pas d'argent depuis quelques années
pour fonctionner d'une façon normale. (21 h 30)
Pour fermer le cercle de ce tour d'horizon des interventions
fédérales en matière de recherche agricole, je me dois de
soulever deux derniers secteurs dans lesquels on ne peut que douter encore une
fois que le Québec et les agriculteurs n'obtiennent pas les
considérations qui leur sont dévolues en tant que participants
à part entière à la Confédération
canadienne. Ce sont les secteurs de la recherche fondamentale et de
l'économie agricole. L'activité de ces secteurs est presque
exclusivement concentrée à Ottawa.
Compte tenu que, dans le système politique fédéral
actuel, les empiétements de juridiction sont nombreux et que
l'agriculture n'échappe pas à cette maladie du
fédéralisme, le secteur agricole québécois pourrait
bénéficier d'un essor particulièrement intéressant
si les sommes investies par les Québécois dans le gouvernement
fédéral en matière de recherche agricole étaient
retournées sous la responsabilité du Québec.
Ainsi, en récupérant les sommes de notre part de la
recherche fédérale agricole, ce serait plus de $25 millions qui
profiteraient aux productions les plus prometteuses pour l'avenir
économique du Québec. Par voie de conséquence, c'est le
rayonnement des produits agricoles québécois sur les
marchés internationaux que nous assurerions ainsi. Il apparaît ici
que le fédéralisme actuel, par ses structures, n'a pas
répondu adéquatement aux attentes révélées
par le dynamisme de nos agriculteurs.
La nouvelle entente que nous proposons à tous les
Québécois et en particulier aux agriculteurs dans ce cas-ci nous
permettrait de remédier à cette situation pour le moins aberrante
pour l'agriculture. Il nous apparaît souhaitable que le Québec
devienne le seul gestionnaire de l'argent des Québécois pour
garantir à notre agriculture l'essor auquel elle est appelée
contrairement à la recommandation no 22, page 104, du livre beige.
Mais là ne doivent pas s'arrêter nos préoccupations.
Il devient même indispensable aujourd'hui que tous les outils essentiels
de notre progrès se retrouvent aux mains de ceux qui croient fermement
que cette terre est celle de leur avenir. Pour terminer, M. le
Président, à la motion du premier ministre, je dirai oui pour
vivre en fraternité et en association avec notre partenaire "Canadian".
Je dirai oui pour notre épanouissement collectif. Je dirai oui pour
notre prospérité. Je dirai oui pour notre sécurité.
Je dirai oui pour notre liberté. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de Laviolette,
vous avez maintenant la parole.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Comme beaucoup de
citoyens de mon comté que j'ai eu l'occasion de rencontrer dans la
tournée du printemps, du début de janvier jusqu'à
maintenant, et comme beaucoup de citoyens du Québec, je suis d'accord
avec la motion présentée par le premier ministre en cette
Chambre. Si je dis oui à cette motion et, par le fait même,
à la question qui sera posée lors du référendum du
printemps prochain, c'est que je me souviens de l'histoire du Québec,
surtout dans ma région, en ce qui concerne le dossier de
l'hydroélectricité.
Si je posais la question suivante: Où a été
construit le premier barrage hydroélectrique au Canada et même au
Commonwealth et par quels maîtres d'oeuvre a-t-il été
construit? je suis assuré que bien des gens seraient incapables
d'apporter une réponse à ma question. Eh bien, c'est à
Saint-Narcisse, dans le comté de mon ami Marcel Gagnon, le comté
de Champlain. Ce barrage permettait la fabrication d'électricité
qui était transportée sur une distance de 25 milles vers
Trois-Rivières; on me dit, dans le comté de mon ami le
député Vaugeois. Les maîtres d'oeuvre de ce barrage
étaient aussi des Canadiens français de l'époque. Je dis
bien Canadiens français, parce que c'était ainsi qu'on appelait
les Québécois d'alors.
Quand ces mêmes Canadiens français voulurent construire un
barrage hydroélectrique sur la rivière Saint-Maurice, à
Shawinigan, les intérêts financiers anglophones, s'étant
aperçus qu'ils étaient capables de faire quelque chose
d'important, refusèrent de prêter les sommes nécessaires
à ces travaux d'envergure.
Souvenons-nous qu'à cette époque, il n'y avait aucune
caisse populaire, aucune caisse de dépôt, seulement des banques
qui étaient contrôlées par d'autres. Ce n'est qu'en 1962
que le Québec a enfin décidé de reprendre en main la
fabrication de son électricité. Or, depuis ce temps,
HydroQuébec n'a fait que prospérer. A ceux qui veulent nous faire
croire que nous sommes des incapables, j'aimerais leur rappeler ceci: En 1962,
le président de la Shawinigan Water and Power se faisait poser la
question suivante: Pourquoi n'y a-t-il que 12% de francophones aux postes
clés de la Shawinigan Water et pourquoi n'y a-t-il que 30% de
francophones aux postes clés dans l'ensemble des compagnies
privées d'électricité au Québec? Il répondit
alors qu'il n'y avait pas assez de francophones qualifiés,
compétents, diplômés et qu'ils n'avaient pas, de plus,
l'expertise nécessaire en hydroélectricité.
Or, 18 ans après la nationalisation de ces compagnies
privées d'électricité, voici que près de 90% des
postes clés sont entre les mains de francophones et cette compagnie,
Hydro-Québec, est reconnue de façon mondiale. Est-ce que la prise
du pouvoir économique donnerait tout d'un coup la compétence, la
qualification, les diplômes et l'expertise?
Comme la question implique l'association économique dans la
question présentée par la motion du premier ministre, j'aimerais
maintenant vous parler de cette association économique avec le Canada,
mais avec un exemple concret. Alors que les chevaliers de la peur voudraient
nous faire croire que les compagnies quittent le Québec pour aller en
Ontario, imaginez-vous qu'une compagnie ontarienne de Timmins, Mallette
Waferboard, a décidé de venir s'implanter à
Saint-Georges-de-Champlain, dans mon comté. Tout en conservant son usine
à Timmins, cette compagnie a concrétisé son expansion en
construisant chez nous une usine de $27 à $28 millions qui créera
près de 300 emplois directs, sans compter tous les autres emplois
indirects de sous-traitance. Lors de la levée de la première
pelletée de terre, M. Lavigne, directeur de la compagnie, disait, devant
plusieurs hommes d'affaires de la région de Grand-Mère et de
Shawinigan, qu'il n'était pas venu s'implanter à
Saint-Georges-de-Champlain pour leurs beaux yeux, mais parce qu'il y avait de
l'argent à faire, parce que le gouvernement lui donnait l'aide
nécessaire et parce qu'il lui garantissait en même temps son
approvisionnement en bois.
M. Lavigne ajoutait en même temps qu'ils étaient, les
membres de cette compagnie, des survenants surprenants. Survenants parce qu'ils
revenaient au Québec après avoir vécu plusieurs
années en Ontario. Surprenants parce que, contrairement à ceux
qui veulent nous faire peur, à nous les Québécois, en
quittant le Québec, ils venaient s'installer au Québec. Quant
à lui, il soulignait qu'il ne craignait pas la décision que les
Québécois prendront au référendum prochain parce
qu'il avait confiance dans l'avenir économique du Québec.
En effet, alors que le produit est presque totalement exporté aux
Etats-Unis actuellement, il venait s'installer à
Saint-Georges-de-Champlain afin de pénétrer désormais le
marché québécois. Située près de l'autoroute
55 et du chemin de fer, son industrie se trouve à égale distance
entre Montréal et Québec par la future autoroute 40. De plus,
elle est en ligne directe avec les Etats-Unis par l'autoroute 55. Donc, s'il
est venu chez nous, c'est qu'il avait confiance au Québec et que, comme
tout industriel, il est assuré qu'il y avait de l'argent à faire
chez nous.
Je voudrais maintenant, M. le Président, vous entretenir de la
fameuse théorie keynésienne du député d'Outremont.
En effet, il prétend qu'une somme de $100 versée en
assurance-chômage a le même effet économique que la somme de
$100 versée pour créer des emplois. Je ne suis ni actuaire, ni
professeur d'économie. Je ne suis, comme la plupart des citoyens du
Québec, qu'un simple citoyen qui raisonne avec son bon sens. (21 h
40)
Si j'ai $100 à donner à quelqu'un, je peux les lui donner
de deux façons. Dans un premier cas, je décide de donner à
un de mes amis une part de $100 de la compagnie Ford Motor. Après un an,
mon ami possède toujours sa part de $100 qu'il peut garder ou revendre,
mais il en recevra de plus les dividendes. Dans trois ans, il aura toujours sa
part, s'il ne l'a pas vendue, et les dividendes lui auront probablement permis
de s'acheter une autre part.
Dans le deuxième cas, je décide d'inviter un couple de mes
amis à souper dans un chic restaurant. Après avoir pris un bon
repas, avec un apéritif avant le souper, un vin en soupant, un digestif
après le souper, je constate que j'ai dépensé $100 pour ce
souper. Mes amis sont contents, heureux d'avoir pris un bon repas. Mais, que me
reste-t-il ensuite? Rien. Au bout de trois ans, si j'ai invité mes amis
à souper à chaque année, j'aurai dépensé
$300, mais il ne me restera rien d'autre que le souvenir d'avoir pris un bon
repas et d'avoir passé une belle soirée.
Par cet exemple, je ne veux pas décrier autre chose que le
système qui fait que l'on donne $100 de nos impôts à
l'Ontario pour y installer une compagnie Ford et y créer par le fait
même près de 4000 emplois, alors qu'on envoie au Québec
$100 en assurance-chômage ou en péréquation.
Peu m'importe de savoir si le fédéral donne plus au
Québec, moins au Québec ou autant que les impôts qu'il
paie. Ce que je veux critiquer, c'est la qualité des sommes que le
fédéral retourne au Québec. Demandez à M.
Chrétien pourquoi La Mauricie a perdu $200 millions avec LaPrade
jusqu'à maintenant. Faut-il lui rappeler que LaPrade était quand
même un des plus grands chantiers publics après la Baie James au
Québec? Pour-
quoi, alors, l'Ontario a-t-il reçu $40 millions pour créer
4000 emplois? N'est-ce pas parce que l'Ontario devait décider de
l'élection du 22 mai 1979? Point, c'est tout.
Si l'Ontario a profité du pacte de l'automobile
Canada-Etats-Unis, c'est parce que, disait-on à l'époque, il
avait les aciéries pour fournir l'acier entrant dans la fabrication des
automobiles et des camions. Maintenant que la matière entrant dans la
fabrication des moteurs d'automobile est l'aluminium, comment pouvons-nous
expliquer que Ford se soit installée à Windsor, en Ontario, au
lieu de Shawinigan, Beauharnois ou Arvida? Le Québec n'est-il pourtant
pas l'un des plus grands producteurs d'aluminium au monde? Cet état de
choses n'est rien d'autre que le fait du système fédéral
qui fait que les élections se décident en Ontario et non pas au
Québec, où les libéraux considèrent ce territoire
comme, irrémédiablement, leur chasse gardée.
J'écoutais, cet après-midi, le député de
Notre-Dame-de-Grâce, lors de son discours, parler de la différence
entre le pourcentage d'industries ici et là à l'intérieur
du Québec et du Canada. Il donnait la raison pour laquelle nous sommes
favorisés dans quelques industries et défavorisés dans
d'autres; c'est tout simplement à cause de la spécialisation qui
est normale, et même souhaitable dans un marché commun.
Allez expliquer aux gens de mon comté, qui ont du textile et du
cuir, que les emplois les moins rémunérateurs se trouvent au
Québec et que les emplois les plus rémunérateurs, comme
dans le secteur de l'automobile, se trouvent en Ontario. Ce n'est pas la
différence du pourcentage qui est importante.
Je demanderais au député de Notre-Dame-de-Grâce s'il
accepterait que sur les 90% des automobiles fabriquées par l'Ontario il
y en ait une part qui vienne au Québec. On verrait la différence
entre le textile en Ontario et l'automobile au Québec. Malgré le
fait que près de 50% des députés libéraux formant
la députation libérale actuelle à Ottawa viennent du
Québec, je suis assuré que le Québec sera encore une fois
délaissé au profit de l'Ontario.
Ce que nous proposons par la question posée lors du
référendum, c'est que les Québécois décident
par eux-mêmes ce qu'ils feront avec leurs impôts. Fini le temps
où nos impôts servent à créer des emplois en Ontario
et du chômage au Québec.
En terminant, permettez-moi de vous rappeler ce qu'une personne
âgée me déclarait l'autre jour: Si j'ai
décidé de voter oui à la question présentée
par le premier ministre du Québec, et par le fait même oui au
référendum du Québec au printemps prochain, c'est que j'ai
compris qu'il fallait arrêter de penser seulement à mes
ancêtres, qu'au contraire je devais désormais travailler pour mes
descendants. Quant à moi, lorsque mes enfants me demanderont plus tard:
Où étais-tu, papa, lorsque le Québec a voté oui au
référendum? je veux être capable de leur répondre
que j'étais du côté du oui. Merci.
Le Président: M. le député de
Matapédia, vous avez la parole.
M. Marquis: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Matapédia...
M. Charron: M. le Président, je m'excuse...
Le Président: ... le leader parlementaire du gouvernement
demande la parole.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Charron: Je m'excuse auprès de mon collègue. Je
crois que jusqu'ici non seulement l'aternance 2-1 a été maintenue
mais dans ce cas-ci nous en serions à notre troisième opinant
d'affilée. Je crois que vous devez reconnaître un
député de l'Opposition, à ce moment-ci.
Le Président: M. le député de
Matapédia. Des Voix: Vous n'avez rien à dire? Le
Président:M. le député de Matapédia. M.
Léopold Marquis
M. Marquis: Merci, M. le Président. Je pense que c'est un
devoir, pour tout député de cette Assemblée, de prendre la
parole afin de faire connaître à la population qu'il
représente les implications d'un oui ou d'un non à la question
qui fait l'objet du présent débat. Ce moment historique, que nous
vivrons dans quelques mois, il faut que nos concitoyens en soient conscients
afin que non seulement ils puissent se prononcer en leur âme et
conscience, mais également qu'ils puissent le faire en toute
connaissance de cause, après avoir évalué le pour et le
contre afin qu'ils n'aient pas à regretter le reste qu'ils auront
posé.
Cette tâche de bien informer la population revient d'abord aux
députés ici présents, en utilisant les moyens
démocratiques qui sont à notre disposition et, en particulier, ce
débat qui se déroule sous le feu des caméras de
télévision, débat qui est largement couvert par les autres
media d'information.
Si j'ai choisi, M. le Président, un exemple pris dans le domaine
économique pour illustrer ce à quoi nous engage la question
posée, c'est qu'un comté comme celui de Matapédia a
souffert et souffre encore cruellement d'un mal qu'on appelle le
sous-développement de son potentiel économique.
Comme le Québec dans son ensemble, nous possédons des
richesses naturelles dont l'exploitation, dans le passé, s'est faite
trop souvent au détriment de notre population et à l'avantage de
nos voisins, en l'occurrence, dans notre cas, à l'avantage de nos
voisins du Nouveau-Brunswick. Vous devinez sans doute que je veux illustrer mes
propos en prenant comme exemple cette richesse naturelle renouvelable qu'est la
forêt. Certains de mes collègues ont fait allusion à cette
richesse
pour l'ensemble du Québec. Je voudrais, en ce qui me concerne,
vous entretenir brièvement de l'importance de la forêt du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie.
Savez-vous, M. le Président, que l'industrie forestière a
rapporté $185 millions dans notre région en 1978 et que ce seront
probablement plus de $200 millions en 1979, lorsque les chiffres officiels
seront connus? Savez-vous que 174 usines de toutes sortes font de la
transformation de bois non ouvré sur le même territoire?
Savez-vous que cette industrie, grâce surtout au plan de relance de
l'industrie du sciage du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, crée environ
10 000 emplois directs et fait vivre ainsi plus de 50 000 personnes,
d'après les relevés statistiques les plus récents?
Savez-vous que, pour chaque dollar que nous dépensons comme
Québécois, plus de $0.20 sont constitués par nos
exportations de produits forestiers? Savez-vous que cette industrie
représente le principal gagne-pain d'une forte proportion des gens que
je représente ici, à l'Assemblée nationale? C'est donc
dire que, pour moi, la forêt constitue un sujet de préoccupations
constantes à titre de député du comté de
Matapédia. (21 h 50)
Qui se souvient de la lutte menée par certaines provinces dont le
Québec depuis 1976 pour empêcher le gouvernement
fédéral de mettre à exécution une autre de ses
idées lumineuses, c'est-à-dire une politique nationale des
forêts? Permettez-moi simplement de vous rappeler que
l'arrêté en conseil 2120-76 du 9 juin 1976 définissait en
termes non équivoques le mandat de la délégation
québécoise à la conférence
fédérale-provinciale des ministres responsables des forêts
qui avait lieu ce même mois. Je cite: "Que le ministre des Terres et
Forêts, M. Normand Toupin, ait pour mandat spécifique de faire
savoir au gouvernement fédéral et aux autres provinces que le
Québec ne voit pas la nécessité d'une politique nationale
sur les forêts."
En dépit de cette prise de position du Québec, il a fallu
attendre à la fin de janvier 1980 pour que le gouvernement
fédéral abandonne toute idée d'une politique nationale des
forêts et adopte plutôt une approche de collaboration dans le
respect des priorités des provinces. La différence est de taille
puisqu'une politique nationale aurait été contraignante pour les
provinces alors que la nouvelle approche proposée régit l'action
du gouvernement central sans contraindre les provinces, mais en amenant
plutôt les actions fédérales à une
comptabilité intégrale avec les politiques provinciales. Il
s'agit donc d'une importante victoire pour le Québec et pour les
provinces en général.
De plus, cette importante victoire du Québec signifie une
défaite pour le chef du Parti libéral actuel, M. Claude Ryan. En
effet, le document constitutionnel du Parti libéral du Québec
le document Ryan également appelé le document Langlois
selon les circonstances fait, à la recommandation 21.5,
l'obligation au gouvernement fédéral d'élaborer des
politiques nationales dans le domaine des richesses naturelles, alors que la
récente décision relativement aux forêts démontre
bien l'impraticabilité d'une telle voie. Selon M. Bérubé,
ministre des Terres et Forêts, la situation présente du secteur
des forêts démontre hors de tout doute que le document
constitutionnel du Parti libéral du Québec est le fruit de gens
coupés totalement de la froide réalité des rapports
fédéraux-provinciaux.
Voilà, M. le Président, un tout petit exemple qui prouve
que quand on est à la remorque du système fédéral,
on a des positions comme celles que défend M. Ryan. C'est une
règle que l'on retrouve dans toutes les fédérations. C'est
ce que veut le Canada anglais, à commencer par l'Ontario qui
n'accepterait jamais que le gouvernement fédéral perde l'un ou
l'autre de ses principaux pouvoirs économiques. Voilà pourquoi le
Québec ne peut espérer récupérer la maîtrise
des leviers économiques les plus nécessaires à son propre
développement en demeurant dans un régime fédéral
tel que celui que nous connaissons depuis 113 ans.
Mais heureusement pour nous, le fédéralisme n'est pas la
seule formule qui permette de maintenir une union économique. Depuis une
trentaine d'années d'ailleurs, il ne se forme plus de nouvelles
fédérations dans le monde. Le fédéralisme, en
effet, est une formule rigide qui exige une intégration absolue, une
intégration poussée dans le domaine politique, social et culturel
où les gouvernements régionaux sont nécessairement
subordonnés au gouvernement central et qui s'accommodent mal d'une
dualité ou d'une multiplicité culturelle. Au contraire. Il s'est
formé, durant la même période, une dizaine d'associations
d'Etats souverains. Cette formule, en effet, est beaucoup plus flexible et
s'adapte mieux à la diversité sociale des nations qui veulent
s'associer sur le plan économique. Elle a, de plus, l'immense avantage,
pour des gens qui ont un peu de dignité, de remplacer la subordination
inhérente au régime fédéral par
l'égalité de droits des différents partenaires.
Voilà comment est née la souveraineté-association
qui concilie mieux que toute formule de fédéralisme
renouvelé, la double exigence qui serait de permettre au Québec
de se donner les outils pour assurer son propre développement tout en
n'empêchant pas Ottawa de continuer à jouer ce rôle pour ce
qui est du Canada anglais.
En entrant d'égal à égal dans une nouvelle
communauté économique canadienne, le Québec ne
s'appauvrira pas, non plus qu'il n'appauvrira le reste du Canada qui
possède lui-même de grandes richesses puisque l'espace
économique canadien actuel sera maintenu. Le Québec pourra, au
contraire, contribuer plus activement au progrès de l'ensemble de la
communauté économique en prenant en main sa propre orientation
économique. Cette tâche commune ne doit pas être l'affaire
d'un seul parti, mais d'abord de tous les Québécois qui nous
écoutent de ce temps-ci en essayant de mieux comprendre le sens de la
démarche que nous leur demandons de faire avec nous.
Je comprends que cela demande beaucoup de réflexion d'abord et un
certain courage ensuite pour s'affirmer pour le oui. Ce serait beaucoup plus
facile de maintenir le statu quo ou encore de reculer comme le propose le livre
beige de Ryan.
M. le Président, je voterai oui à la question, telle que
proposée. Voter oui, c'est prouver au reste du Canada comme au reste du
monde que les Québécoises et les Québécois de
toutes les origines ethniques constituent un peuple qui se tient debout,
prêt à assumer son propre développement économique.
Voter oui, c'est retrouver notre dignité d'hommes et de femmes du
Québec tannés d'être traités comme des citoyens de
seconde zone par une certaine minorité dominante. Voter oui, c'est nous
débarrasser de nos complexes qui nous ont trop longtemps
"encar-cannés" comme si nous étions un peuple inférieur.
Voter oui, c'est prendre conscience que nous sommes capables de réaliser
des choses, telles que la Manic, la Baie James, etc. Voter oui, c'est ne pas
avoir peur que la manne fédérale disparaisse puisque nous sommes
assez intelligents pour comprendre que cet argent provient de nos impôts.
Voter oui pour les gens de mon comté, c'est vouloir
accélérer le développement économique de notre
région et nous assurer que le MEER s'impliquera dans des projets, tels
que la papeterie de la Matapédia, que l'argent du fédéral,
c'est notre argent. Il s'agit tout simplement de récupérer
puisque, à ce jour, nous n'avons pas eu notre part dans ce domaine.
Voter oui, c'est avancer lentement, mais sûrement. Voter oui enfin, c'est
faire confiance à l'avenir.
Pour enfin terminer sur une note un peu plus gaie et empêcher,
à cette heure-ci, que nos députés ne deviennent trop
fatigués, empruntons à notre Vigneault national l'une de ses
idées les plus originales en l'adaptant tant bien que mal à une
période qui n'est pas banale: Gens de l'Outaouais, gens de la
Gaspésie, gens du Nord-Ouest, gens de la Mauricie, gens du
Lac-Saint-Jean, gens de Laval, gens des Bois-Francs, gens de Montréal,
c'est à notre tour de jouer un vilain tour à ceux qui ne croient
pas qu'un jour, nous aurons enfin notre tour. Merci, chers amis. Le jour
choisi, donnons-nous un pays en votant pour le oui. Merci.
M. Morin (Sauvé): Mme la Présidente.
La Vice-Présidente: M. le ministre de l'Education.
M. Morin (Sauvé): Je demande l'ajournement du
débat, s'il vous plaît.
La Vice-Présidente: Cette motion est-elle
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Un instant, Mme la Présidente.
Parlant sur la motion du ministre de l'Education et vice-premier ministre, je
suis bien d'accord pour qu'on accepte la motion d'ajournement du débat.
Cependant, je pense que le règlement me permet de faire certaines
considérations à ce moment-ci.
La Vice-Présidente: Malheureusement, M. le leader, je me
dois...
M. Levesque (Bonaventure): Je pense bien que j'aurai le
consentement pour une minute.
La Vice-Présidente: Est-ce qu'il y a consentement?
Des Voix: Consentement.
M. Levesque (Bonaventure): Merci. Le leader parlementaire du
gouvernement disait tout à l'heure qu'il était surpris qu'il n'y
ait pas alternance et que le Parti libéral du Québec ou d'autres
membres de l'Opposition ne puissent pas s'exprimer. C'est simplement je
le rappelle avec beaucoup d'objectivité, mais avec le même sens du
devoir que s'il n'y a pas eu d'autres députés qui ont pu
intervenir du côté de l'Opposition, c'est justement à cause
du fait qu'entre le gouvernement, le parti ministériel, et le parti de
l'Opposition officielle, la relation est de deux à un et nous ne pouvons
pas utiliser toutes les minutes que nous aimerions utiliser dans ce
débat. Je vous remercie, Mme la Présidente.
M. Charron: Madame.
La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.
M. Charron: Je suis convaincu que, jusqu'à la fin, chaque
fois qu'il le pourra, le député de Bonaventure
répétera cette fausseté. Il vient encore de dire qu'entre
le gouvernement et l'Opposition officielle le rapport est de deux à un.
C'est inexact. J'ai offert tout à l'heure de respecter le rapport de
deux à un et c'est ce qui a été refusé. Je ne vois
pas pourquoi maintenant puisque l'Opposition a refusé d'y
souscrire je reviendrais sur ma décision. (22 heures)
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège, Mme la
Présidente.
Si nous acceptions cela, ça veut dire qu'à la
troisième semaine des discussions, il n'y aurait que des PQ qui
parleraient.
La Vice-Présidente: Alors, cette assemblée... M.
Charron: Madame.
La Vice-Présidente: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Charron: Ou bien la mathématique veut dire quelque
chose ou elle ne veut rien dire. Si, comme il le soutient depuis le
début, la décision du Président est de deux à un
comme rapport entre le gouvernement et l'Opposition officielle, il fait bien
abstraction des services que lui donne l'Union Nationale dans ce cas-là
également. Mais, passons outre.
Si, par définition, et je prends son chiffre, le rapport est de
deux à un, si nous continuions à deux intervenants contre un
jusqu'à la fin, par définition, nous nous rendrions
jusqu'à la fin de la troisième semaine. Ou son chiffre est exact
ou il ne l'est pas. Quand on dit qu'il y a deux fois le temps chez le
gouvernement pour une fois chez l'Opposition officielle, cela veut dire que si,
jusqu'à la fin, il y avait deux députés du gouvernement et
un de l'Opposition officielle, on serait capable de faire le débat dans
ces circonstances. On l'a refusé tout à l'heure, ce qui fait que
c'est le ministre de l'Education qui a demandé l'ajournement.
La Vice-Présidente: Cette Assemblée ajourne ses
travaux à mardi, 14 heures.
Fin de la séance à 22 h 2