L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

31e législature, 6e session
(5 novembre 1980 au 12 mars 1981)

Le mercredi 12 novembre 1980 - Vol. 23 N° 4

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures seize minutes)

Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement.

Veuillez vous asseoir.

M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, conformément à la motion adoptée hier soir, je propose que nous étudiions maintenant ce qui apparaît à l'article 1) du feuilleton.

Motion affirmant l'opposition de l'Assemblée

à la démarche unilatérale du gouvernement

fédéral en vue de faire modifier la

Constitution canadienne

Le Président: C'est la motion suivante: "L'Assemblée nationale du Québec s'oppose formellement à la démarche entreprise par le gouvernement fédéral, de façon unilatérale et malgré l'opposition de la majorité des provinces, en vue de faire modifier la constitution du Canada par le Parlement britannique au lieu d'en poursuivre ici le renouvellement par voie de négociations. Puisque cette constitution définit, depuis 1867, les droits du Québec en tant qu'Etat membre fondateur de la fédération canadienne, l'Assemblée nationale demande aux membres du Parlement du Canada et du Parlement du Royaume-Uni de ne pas donner suite à cette démarche unilatérale qui est contraire à la nature même du système fédéral et à la règle bien établie du nécessaire consentement des provinces."

M. Levesque (Bonaventure): Un instant, si on me le permet, M. le Président. Je ne sais pas si on ne pourrait pas songer à suspendre quelques minutes. On a dit, hier, que c'était une question très importante et très urgente et je vois qu'il n'y a que trois ministres en Chambre et qu'il y a très peu de députés. Je me demande si le discours supposément urgent et important, du premier ministre ne devrait pas être entendu au moins par le cabinet.

Des voix: Oui. Je comprends. Le Président: M. le leader.

M. Charron: M. le Président, l'information que j'ai, c'est que mes collègues sont en route vers la Chambre.

Des voix: Ah!

M. Charron: Je veux bien accepter une proposition de suspension de quelques minutes.

Une voix: Faut-il qu'ils passent par Ottawa?

Le Président: Alors, de consentement unanime, l'Assemblée est suspendue pour quelques minutes.

(suspension de la séance à 10 h 19)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Veuillez vous asseoir.

M. le premier ministre du Québec.

M. René Lévesque

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est, je crois que nous en sommes tous conscients, une rare occasion de dépassement qui se présente pour l'Assemblée nationale. Je vais tâcher de mon mieux d'en être digne en étant aussi bref, aussi concis que possible et en tâchant de ne pas gâter l'occasion en essayant de porter des coups qui seraient inutiles et qui seraient sûrement antiproductifs dans les circonstances. Par exemple, il y a beaucoup de choses que je pourrais reprendre dans le discours qu'a prononcé hier le chef de l'Opposition, en particulier sur cette heure tout entière qu'il a consacrée au sujet constitutionnel. II n'a pas trouvé le moyen, à ce moment-là, je suis sûr qu'il le trouvera cette semaine, de conclure d'une façon vraiment claire et précise, ni d'évoquer non plus les espoirs que les tenants du non avaient tous tâché à l'envie de susciter pendant la campagne référendaire. C'était même plus que cela en fait; on faisait miroiter, et avec bonne foi, j'en suis sûr, pour la plupart de ceux qui sont ici dans cette Chambre, des garanties solennelles de renouveau, d'un renouveau du régime qui serait favorable aux aspirations bien connues et si longtemps nourries du peuple québécois. Ce renouveau était censé découler de ce non dont on disait qu'il était québécois. (10 h 30)

Je dois dire que sur ces deux plans, l'intervention, hier, du député de Gaspé, quant à elle, aura été aussi claire que concise et, en quelques minutes seulement, elle a débouché sur la conclusion qui lui semblait en tout cas s'imposer.

Cependant, même si le chef de l'Opposition nous a bien dit qu'il se refuserait à toute croisade - je crois que c'est l'expression qu'il a employée - je veux croire qu'il est aussi conscient, qu'il demeure aussi conscient que nous tous de la gravité de l'heure et de l'urgence véritable qu'elle nous impose dans l'intérêt du Québec et dans l'intérêt de son avenir. Je crois, d'ailleurs, qu'en cours de route, hier, le chef de l'Opposition - sauf erreur, en tout cas - a laissé entendre que tel était le cas pour lui aussi.

Quoi qu'il en soit, à cause justement de la gravité exceptionnelle de la situation, je vais me refuser le douteux plaisir de décortiquer les discours qui ont été prononcés hier; on aura tout le temps qu'il faut pour en discuter et, quant à nous, pour y apporter des précisions ou des corrections qui nous paraîtraient indiquées.

Ce qui se passe aujourd'hui et dans les jours qui viennent, autant que possible, du moins je pense que nous l'espérons tous, dans un climat d'harmonie et de sérénité, c'est qu'il est pressant que l'Assemblée nationale se prononce au plus tôt, à cause de l'échéancier extrêmement serré, l'échéancier proprement affolant qu'on a fixé à Ottawa. Il faut qu'on se prononce sur ce coup de

force, cet assaut fédéral dont l'Assemblée nationale elle-même, je pense qu'on l'a tous noté, est l'une des cibles, puisqu'on prétend, entre autres choses, réduire unilatéralement, en fait faire réduire à l'étranger des pouvoirs non seulement essentiels, mais souverains qui appartiennent aux parlementaires québécois et, en dernière analyse, qui appartiennent à ceux qui les élisent depuis 113 ans. Il y a ça et il y a bien autre chose aussi, dans ce coup de force et, je le répète, il nous semble vital, si c'est humainement possible - quant à moi, je ne vois aucune raison valable pour que ce ne soit pas possible - que l'Assemblée nationale soit unanime à s'y opposer.

D'abord, rapidement, il faut redire les faits et redire aussi pourquoi ce geste unilatéral d'Ottawa ne doit pas passer ou, en tout cas, qu'on doit tout faire, si on se respecte comme Québécois, ce qui est humainement possible pour l'empêcher de passer.

Le premier ministre fédéral et ses porte-parole essaient souvent de faire croire que l'enjeu de toute cette manoeuvre, c'est simplement le rapatriement. Quand ils disent ça, ils ne disent pas la vérité, nous le savons tous. Le véritable enjeu qu'on essaie de camoufler, tant bien que mal, c'est le suivant: c'est de faire approuver par un Parlement étranger, sans l'accord explicite des citoyens, contre la volonté de la plupart des gouvernements des provinces et avec des conséquences qui seraient particulièrement graves pour le Québec, des changements fondamentaux à la constitution existante.

À entendre les auteurs de cette manoeuvre, cette intervention de Londres serait quelque chose comme une pure formalité. On voudrait en quelque sorte nous faire croire qu'il y a eu un pacte secret entre M. Trudeau et Mme Thatcher. On voudrait aussi du même coup nous faire croire que rien, pas même un avis contraire des tribunaux éventuellement, pas même l'opposition de la majorité des provinces, pas même une résistance de plus en plus claire qui s'organise au Québec en particulier, on voudrait nous faire croire que rien de tout cela, ni quoi que ce soit d'autre, pourrait être susceptible d'arrêter ce train d'enfer qu'on a lancé sur les rails a Ottawa. Cela va même jusqu'au point où, aussitôt qu'un Britannique, qu'il soit journaliste, qu'il soit lord ou qu'il soit député, aussitôt que quelqu'un là-bas ose évoquer le malaise qui règne déjà à Londres -je pense que tout le monde a des chances de le savoir - aussitôt, cette personne se fait rembarrer à partir d'Ottawa, il y a un ténor fédéral qui s'empresse alors de réaffirmer que les Anglais n'ont qu'à voter, même s'ils votent sans trop savoir ce qu'ils font.

Il arrive même, dans cette opération, que les mots changent de sens. On a employé récemment, à l'adresse des Britanniques, le mot "ingérence". Or, l'ingérence, si j'ai bien compris, cela consisterait pour les Britanniques non pas à décider des choses qui ne les concernent pas, mais cela consisterait plutôt à refuser de s'en mêler. Toute cette manoeuvre a quelque chose, à mon humble avis, de profondément humiliant, en démocratie surtout, sans compter toutes les autres manoeuvres qui ont précédé dont certaines avaient été tenues cachées, mais elles ont fini par être connues publiquement. Je dois, et à regret, répéter ce que j'ai déjà dit: Quand quelqu'un défend une bonne cause, une juste cause, il me semble qu'il n'agit pas comme cela.

Or, justement, la cause n'est pas bonne. Plus ce projet fédéral subit, comme cela se produit de plus en plus depuis quelques semaines, parce que c'est long à décortiquer, ce jargon juridique et législatif dans lequel on a enveloppé le projet fédéral, mais plus ce projet subit l'examen attentif des esprits éveillés et politisés, partout au Canada, plus il apparaît dangereux et lourd de conséquences.

Premièrement, il y a le point de départ -c'est le vice le plus évident - c'est-à-dire le caractère unilatéral de la démarche. Cela établit clairement la volonté farouche d'Ottawa ou, en tout cas, d'un homme et de son entourage de gérer le pays d'une façon de plus en plus centralisée, c'est-à-dire exactement le contraire de ce à quoi on était en droit de s'attendre depuis longtemps; En fait, de gérer le pays dans un esprit qui est foncièrement unitaire. Chaque fois qu'ils ont été consultés là-dessus, de quelque façon, l'ensemble des Canadiens et l'ensemble, très particulièrement, des Québécois se sont toujours refusés à une telle perspective. Il ne faut quand même pas oublier que le Québec n'était pas obligé, en 1867, d'entrer dans le régime qui était proposé, qui était discuté à l'époque. S'il a accepté, c'est particulièrement après son insistance à lui, au Québec, et après avoir obtenu des garanties de ce côté-là qu'il y aurait un régime à deux niveaux avec chacun sa zone de souveraineté, et que ce qu'on a appelé traditionnellement l'autonomie du Québec sur des sujets fondamentaux qui lui paraissaient d'une importance vitale serait respectée.

Nos ancêtres n'étaient pas obligés. Il ne faut pas oublier que deux des provinces, ou, enfin, des colonies, à l'époque, qui étaient consultées ont refusé d'entrer dans le régime, comme c'était leur droit. Cela a été le cas de l'Île-du-Prince-Édouard, qui a changé d'idée peu de temps après, quelques années, mais, enfin, qui, au début, a refusé, comme c'était son droit. Cela a été le cas de Terre-Neuve aussi, qui avait été approchée et a continué de refuser pendant un siècle à peu près, c'est-à-dire jusqu'au milieu très exactement du siècle présent.

Si les garanties qui étaient exigées par le Québec n'avaient pas été accordées, il est sûr que les représentants de notre peuple, il y a 113 ans, n'auraient jamais accepté de participer à ce nouveau régime. Ce qu'évoque, comme perspective, le projet fédéral d'aujourd'hui, si cela avait été ça qui était sur la table à l'époque, cela aurait été refusé. On n'aurait pas été partie prenante. Cela, je pense que tout le monde le sait. (10 h 40)

Ce n'est pas plus acceptable aujourd'hui que cela l'était autrefois. Au contraire, si on tient compte de l'évolution du Québec, de ce développement continu qu'a connu la société québécoise en particulier depuis une génération, il est évident que la perspective qu'évoque le coup de force qu'essaie de perpétrer à l'étranger le gouvernement fédéral actuel a quelque chose non seulement d'inacceptable, mais qui est contre nature. Cela, c'est le premier vice - c'est fondamental - et tout ce qu'il implique de la démarche fédérale.

Deuxièmement, il y a une formule d'amendement qu'on prétend, là encore, faire décréter à

Londres. C'est terriblement technique, les questions de formules d'amendement. Cela fait des années que cela traîne dans le paysage. Si on entre dans la plomberie de tout ce que cela peut signifier, on n'en sortira pas. Seulement, il y a une chose qui est quand même assez frappante. Vu que c'est technique et que c'est complexe, il aurait été particulièrement important que les auteurs de ce projet, qui sont à Ottawa, se donnent la peine de l'expliquer convenablement aux citoyens. Là aussi, cela implique beaucoup de choses pour l'avenir.

On ne l'a pas fait. On s'est refusé, systématiquement, à le faire. Et ici encore, derrière l'inévitable camouflage technique que cela comporte, ce qu'on remarque, au fond, ce sont ces mêmes visées centralisatrices et ce même esprit d'unitarisme déguisé, avec, pardessus le marché, deux poids et deux mesures. C'est au point, cette formule d'amendement, où Ottawa pourrait, à peu près à sa guise, passer par-dessus la tête des gouvernements provinciaux, y compris celui du Québec, pour aller chercher, selon ses seules formulations, toutes les modifications qu'il pourrait désirer.

Troisièmement, en même temps, on demande au Parlement anglais d'effectuer des modifications majeures à l'ensemble du contrat de 1867 sur lesquelles, là encore, il n'y a eu aucun consensus.

À partir de ce projet, par exemple, l'Angleterre déciderai que le Québec, la seule entité majoritairement francophone en Amérique du Nord, n'aurait plus juridiction exclusive sur son éducation, sur son système d'enseignement. C'est-à-dire qu'on briserait, d'un geste, les termes peut-être les plus essentiels, ou parmi les plus essentiels, de l'entente qui a présidé, il y a 113 ans, à la naissance du régime actuel.

Est-ce qu'on peut admettre, en 1980, qu'en régime démocratique, en Amérique du Nord, un chef de gouvernement fasse faire une chose aussi importante par un pays étranger situé là-bas, de l'autre côté de l'Atlantique? Je sais qu'on n'est pas nécessairement d'accord. Je sais qu'on n'est pas d'accord - le chef de l'Opposition l'a répété hier - sur la question en soi de ce fameux enchâssement, comme on dit, d'une charte des droits dans la constitution.

On aura l'occasion de revenir sur les raisons pour lesquelles on n'est pas d'accord, on n'a pas la même perception des choses, de ce côté-là. Seulement, dans les circonstances - et je voudrais le dire très simplement - il ne s'agit pas, d'abord et avant tout, de défendre une législation linguistique en particulier, quand on parle des droits en matière linguistique, tels qu'ils sont affectés ou qu'ils seraient affectés par le projet fédéral. Qu'on soit pour ou qu'on soit contre la loi 101 actuelle ou les autres lois qui l'ont précédée et, en quelque sorte, l'ont annoncée aussi, en grande partie, c'est relativement secondaire, dans les circonstances. Ce qu'il faut se demander, me semble-t-il, en tout cas, c'est dans quelle mesure on peut admettre que les problèmes linguistiques dont la complexité découle de la situation particulière du Québec sur ce continent, dans quelle mesure ces questions peuvent être débattues ailleurs qu'ici. Dans le cadre d'un débat démocratique et au vu et au su des citoyens concernés ici, au Québec, est-ce qu'on peut être d'accord pour qu'Ottawa demande à Londres de nous priver de ce droit fondamental et garanti depuis 113 ans?

Par ailleurs, un examen attentif de ce texte fédéral révèle que ce projet de charte, que ses auteurs essaient constamment de faire paraître tout à fait inoffensif, porte atteinte également à des compétences déjà fort restreintes du Québec, par exemple, en matière d'administration de la justice. Des experts qualifiés qui ont fouillé à travers le jargon du texte nous disent, par exemple, que très rapidement ça pourrait mener à rendre inopérante une loi que le gouvernement qui nous a précédés avait passée, qui, je crois, a été une loi de justice pour des milliers de Québécois qui ne sont pas riches, qui ont besoin de faire appel aux tribunaux et qui ne peuvent pas assumer, surtout quand il s'agit de petites sommes relativement mineures, mais importantes pour eux, tous les frais réguliers de la justice. C'est la Loi des petites créances.

Je vois un des députés d'en face qui dit, semble-t-il, que ce n'est pas le cas. Je lui dirai que toutes, en grande partie en tout cas, les implications de ce projet fédéral nous plongent dans l'incertitude. Il faudrait être très Jos connaissant pour s'imaginer qu'il n'y a pas toutes ces possibilités extrêmement précises dans ce projet fédéral. Cela pourrait, c'est très évident, porter atteinte à la charte actuelle des droits de la personne au Québec, qui est pourtant reconnue comme la plus avancée au Canada. Cela pourrait aussi porter atteinte aux pouvoirs québécois sur la propriété et les droits civils et cela, c'est évident.

Cela rend inopérantes, je pense, dès le départ, si cela passe, des dispositions importantes de la Loi sur l'acquisition des terres agricoles. Cela pourrait toucher également les règlements de placement dans la construction; cela ne pourrait pas, cela toucherait, très évidemment. On sait que ces règlements de placement - qui sont venus laborieusement et qui ont les défauts, en partie, en tout cas, qu'évoquait hier le chef de l'Opposition - dans leur application actuelle, ont quand même permis de sortir laborieusement de la jungle dans laquelle l'ensemble du secteur de la construction s'était enfoncé. Ce n'est pas pour rien qu'il y a eu la commission Cliche et que, tant bien que mal, on a réussi à essayer de rétablir non seulement de l'ordre, mais une chance de fonctionner convenablement pour les vrais travailleurs de la construction. Cela ne veut pas dire que ça n'a pas besoin d'être ajusté, corrigé en cours de route, mais une chose est certaine, c'est que cet encadrement essentiel pourrait être littéralement expédié par la fenêtre par suite du projet fédéral, de même que la réglementation qu'on a dû établir ici, à cause du caractère particulier du Québec, en ce qui concerne les activités professionnelles.

Autrement dit, beaucoup plus que certains ne l'imaginent, il y a du pain et du beurre qui peuvent être menacés pour beaucoup de Québécois dans l'avenir si ce projet était adopté tel quel.

J'ajoute enfin que la façon dont on a inscrit le principe de la péréquation, dont on l'a aussi défini dans ce projet fédéral, pourrait - c'est l'exemple le plus simple - donner le droit constitutionnel au fédéral de répéter à volonté le coup qu'il nous a fait au moment du conflit sur la taxe de vente, et ça, c'est quelque chose!

Bref, est-ce qu'on peut accepter sans dire un mot que toutes ces décisions se prennent en

notre absence et en Angleterre, par-dessus le marché? Il me semble qu'on peut tous être d'accord pour dire que ce serait insensé d'accepter une chose pareille. L'offensive à laquelle on assiste a des grosses chances de ne pas être la dernière, surtout si elle passait. On sait que dans ce domaine, comme dans beaucoup d'autres, l'appétit peut venir en mangeant. (10 h 50)

Hier, le chef de l'Opposition évoquait ce qu'on peut appeler le programme fédéral en matière d'énergie, qui, en fait, constituait le seul élément essentiel de ce qu'on a appelé le budget fédéral il y a quelque temps. Je l'avais évoqué très rapidement dans le discours inaugural. On peut avoir chacun son jugement là-dessus. Le chef de l'Opposition y voit du leadership. À l'occasion, il est vrai que, dans ce domaine-là ou dans d'autres domaines, quand des urgences semblent se présenter, il faut un certain leadership, c'est vrai. D'autre part, ce leadership constitue également - je répète un titre qui, je crois, résumait toute l'affaire - un geste par lequel on fait main basse sur le contrôle de la ressource clé d'une des provinces du Canada. C'est loin, évidemment, ça ne nous affecte pas directement, il s'agit de l'Alberta. Seulement, il avait déjà été possible de considérer - et ça ne fait pas un an -la possibilité ■ d'accords entre le fédéral et la province principalement productrice dans ce domaine. Cela a été envoyé par-dessus bord dans le projet, c'est-à-dire le programme énergétique d'Ottawa, il y a quelques jours, et, finalement, là encore, on découvre cette volonté non seulement centralisatrice, mais foncièrement unitaire qui est extrêmement dangereuse pour l'équilibre de tout le régime.

On nous annonce pour bientôt - ça reste à voir - une possible intervention majeure dans tout le domaine des affaires sociales. Quand je regarde l'ampleur, qui va se maintenir, du déficit fédéral dont l'équivalent aux Etats-Unis serait de l'ordre d'environ $140,000,000,000 au lieu des $60,000,000,000 qui font déjà terriblement discuter les Américains, je me dis que les mêmes méthodes pourront servir encore et que peut-être on reparlera avant longtemps, si on ne fait pas attention, d'une taxe sur l'exportation de notre électricité, ce qui, à toutes fins utiles, siphonnerait des ressources absolument essentielles au Québec.

Si le gouvernement fédéral ne consent donc pas à revenir sur ses positions, à se remettre à table de bonne foi avec les provinces, et à reprendre des négociations qui ont été sciemment bloquées par le premier ministre fédéral lui-même, d'une façon qui avait été planifiée à l'avance, il faut absolument qu'on résiste et il faut qu'on résiste victorieusement parce que jamais un gouvernement québécois, jamais un parti politique québécois n'a pu accepter dans le passé de voir ainsi écorcher nos droits et, parmi ces droits, certains des plus fondamentaux.

Ce n'est pas la première fois qu'au Québec on est appelé à se mobiliser quelque peu pour arrêter une offensive centralisatrice d'Ottawa. Pour chaque grande bataille que le gouvernement québécois a livrée, quel que fût le parti au pouvoir, l'appui de la population ne lui a pas fait défaut, pas plus que celui de l'ensemble des groupes et des corps représentatifs ni, sauf erreur, celui des partis reconnus ici à l'Assemblée nationale.

Dans les circonstances, il me semble qu'il est évident qu'il faut non seulement nous tenir là-dessus et parler d'une seule voix si on veut préserver nos chances sur l'avenir - ce que la motion que je vais présenter dans quelques instants devrait nous permettre - mais, sinon partir en croisade, du moins être d'accord pour que l'ensemble de nos concitoyens soient touchés sur ce point d'une façon qui s'élève au-dessus des partis.

Le chef intérimaire de l'Union Nationale a dit hier que sa formation appuierait la motion. Le Parti libéral et le chef de l'Opposition en particulier, me semble-t-il - en tout cas, j'espère ne pas me tromper - devraient pouvoir en faire autant. Sinon, je dois dire qu'il n'y aurait plus grand-chose à comprendre dans les attitudes de ceux qui nous font face. J'espère qu'on ne sera pas obligé de se poser de telles questions et, même, j'ai confiance qu'on ne sera pas obligé de se poser de telles questions car, depuis longtemps et jusqu'à tout récemment, les attitudes et les propos du chef de l'Opposition, du chef du Parti libéral et de certains de ses collègues ont été à ce sujet d'une clarté et d'une vigueur passablement remarquables. On ne retrouvait peut-être pas complètement tout cela hier dans le discours que le député d'Argenteuil a prononcé, mais j'ose espérer qu'aujourd'hui ou demain - peu importe le moment de sa prochaine intervention - on retrouvera cette même clarté et cette même vigueur. J'ai dit qu'elle était là depuis longtemps et jusqu'à tout récemment. Je n'en donnerai que trois brefs exemples parce que je ne suis quand même pas pour faire au chef de l'Opposition l'injure de laisser entendre qu'il a pu oublier, mais je crois qu'il est important que nos concitoyens aient l'occasion de se faire rappeler ses positions.

Je commence par tout récemment. Tout récemment, c'était à Acton Vale au cours de la campagne d'élections partielles. Il y a à peine quelques jours, cela a fait des manchettes, et des manchettes justifiées, et je cite ce qui a paru au texte, semble-t-il, dans plusieurs comptes rendus: "Moi - déclarait M. Ryan - j'imagine que les parlementaires londoniens, quand ils seront saisis du projet fédéral, s'il se rend jusque-là, vont être énormément surpris. Ils vont se demander en quoi cela les regarde, ça, une charte des droits pour le Canada, une charte des droits linguistiques pour les citoyens du Canada. S'ils ont le moindrement de bon sens, ils vont se dire: Cela ne nous regarde pas. Il faut retourner cet emballage-là au Canada. C'est là que ça doit être réglé."

Voilà d'ailleurs assez précisément ce que nous avons tâché et j'espère, tous ensemble, ce que nous tâcherons de dire par la motion que je présenterai officiellement dans quelques instants. Tout récemment aussi, mais il y a un peu plus longtemps - pas beaucoup, c'était à la fin de l'été, il y a quelques mois à peine, mais c'était juste avant la semaine fatidique du 8 au 12 septembre qui, publiquement a conduit à l'échec que nous savons. À ce moment-là, au mois d'août, le chef de l'Opposition faisait publiquement le rappel d'une importante position de son parti adoptée en congrès, sauf erreur, et il donnait de cette position une explication détaillée et particulièrement précise et qui rejoint, je crois, parfaitement ce que nous discutons.

À son congrès plénier de mars 1980, disait le chef de l'Opposition, un congrès consacré à la réforme constitutionnelle, le Parti libéral du Québec adoptait la résolution suivante au sujet du rapatriement de la Constitution canadienne: "La constitution sera rapatriée au moment et suivant les modalités arrêtées avec l'accord des gouvernements concernés." M. Ryan ajoutait ceci, ce qui était important parce que la résolution est très lapidaire: "II m'a été donné, au cours des mois qui ont suivi le congrès, de préciser l'essence de cette résolution et de fournir quelques éléments additionnels touchant la ligne de conduite du Parti libéral. Voici comment cette ligne de conduite peut se résumer. Premièrement, le rapatriement de la constitution doit faire suite à une décision commune des gouvernements concernés; il ne doit pas être fait sous l'autorité d'un seul ordre de gouvernement. Deuxièmement, le rapatriement de la constitution ne doit pas nécessairement intervenir à la fin de tout le processus de révision. À s'en tenir rigidement à des exigences trop strictes à cet égard, on risquerait de geler indéfiniment tout le processus." On s'est dit d'accord là-dessus d'ailleurs, au moment des commissions parlementaires en particulier. Le chef de l'Opposition ajoutait: "Mais en contrepartie, il faut souligner que toute décision relative au rapatriement ne devrait intervenir qu'à un moment et suivant des modalités acceptées par les gouvernements concernés et un facteur clef dans la décision que devront prendre les gouvernements sera le progrès véritable des négociations sur les questions de fond, en particulier celles qui touchent les grandes institutions du système fédéral et le partage des pouvoirs législatifs. Troisièmement, il serait irréaliste de vouloir rapatrier la constitution à moins que l'on ne s'entende au préalable sur une formule d'amendement devant présider aux modifications futures du document constitutionnel. Pas de rapatriement sans une formule d'amendement approuvée par tous les gouvernements concernés." Ensuite, le député d'Argenteuil expliquait une formule, celle, je crois, que préconise son parti, mais ce n'est pas l'essentiel de la question qui nous occupe. Ce sont les trois paragraphes que je viens de citer et je pense que c'était très clair. (11 heures)

Finalement, ce que souligne l'actuel chef de l'Opposition depuis longtemps, comme je l'ai dit tout à l'heure, et même au point où il ne s'est jamais, sauf erreur, démenti là-dessus...J'en trouve peut-être l'exemple le plus éloquent aussi loin qu'en 1971. C'était un moment stratégique au point de vue de ce même sujet constitutionnel, il s'agissait de la conférence de Victoria. Le chef de l'Opposition a évoqué d'ailleurs, hier, une partie des événements qui s'étaient déroulés, mais très rapidement; à ce moment-là, il était directeur du Devoir et il était éditorialiste. Un jour de 1971, en plein coeur des événements qui se déroulaient à l'époque, il résumait d'abord, dans l'article que j'ai ici, globalement la situation et, en particulier, assez exactement comme nous avons eu à le faire récemment, il évoquait les deux approches contradictoires en matière constitutionnelle et qui s'affrontaient à ce moment-là. La révision, écrivait M. Ryan, se poursuit depuis 1968 sur deux longueurs d'onde différentes. Conscient de ses problèmes et de ses aspirations propres, le Québec ne cesse d'insister sur le partage des compétences. Soucieux de renforcer la fédération actuelle, Ottawa, appuyé par l'opinion anglo-canadienne, à l'époque - en grande partie, en tout cas - s'obstine à centrer d'abord le débat sur les droits politiques et linguistiques des citoyens individuels et sur les mécanismes requis pour assurer la marche du système.

Comme il faut, la plupart du temps, parler le même langage tout en mettant souvent dans les mots des contenus différents, il y a des risques que l'une des deux problématiques soit dominée ou noyée par l'autre. Jamais ce risque n'a paru plus imminent et plus grave qu'à la veille de la conférence de Victoria. En fait, je dois dire - et on sera probablement d'accord pour dire - que jamais ce risque n'a paru plus grave ni plus imminent - bien plus encore qu'à Victoria -qu'en ce moment de 1980. Face à ce genre de danger, ce texte de 1971 se terminait à peu près par la phrase suivante, qui est peut-être plus pertinente en ce moment que tout le reste: "S'il est un domaine où la décision politique doit reposer sur un consensus débordant largement les frontières partisanes, c'est bien celui de la constitution".

Voilà pourquoi, je n'irai pas plus loin. Il m'est impossible de croire que nous ne pourrons pas trouver le moyen d'être unanimes dans cette Chambre. Nous, en tout cas, de ce côté-ci, si on y parvient, nous éviterons - et ça c'est un engagement qui vaut pour jusqu'à quelque échéance que ce soit - d'en tirer quelque avantage partisan que ce soit, dans le même esprit que cette phrase que je viens de citer et qui remonte à il y a neuf ans. Nous tâcherons simplement de faire entendre - et cela, par exemple, on va tâcher de le faire - cette unanimité partout où elle peut avoir un impact et de lui donner justement le maximum d'impact qu'elle peut obtenir parce qu'une telle unanimité je vais le dire au futur plutôt qu'au conditionnel - aura - je me refuse à dire aurait -une telle unanimité aura un impact qui sera très grand. C'est tellement rare l'unanimité parlementaire en démocratie que, par définition, cela prend un sens particulièrement fort et particulièrement solennel. Je crois que c'est de ça que le Québec a besoin en ce moment. Très sincèrement, je crois aussi que l'ensemble de nos concitoyens, soit explicitement, soit au fond d'eux-mêmes, et ils le sentent de plus en plus, s'attendent à quelque chose comme cela de notre part.

Ici, au Québec, cette unanimité aiderait tout le monde à y voir plus clair, à distinguer une bonne fois l'importance des enjeux. À Ottawa, je l'ai dit l'autre jour, je suis sûr, en particulier chez les élus québécois, que ça pourrait aider puissamment à faire réfléchir avant qu'il ne soit trop tard. Il y a un malaise de ce côté-là, je pense qu'il est apparent de plus en plus ces derniers temps. L'unanimité de l'Assemblée nationale pourrait là aussi avoir un effet très bénéfique. Enfin, je suis convaincu que cette unanimité provenant du Parlement du peuple majoritairement francophone, qui a été l'une des deux collectivités fondatrices du régime, un régime qu'une de ses lois a ensuite établi officiellement, dans les circonstances, je suis sûr que cette unanimité ne serait pas ignorée non

plus, c'est le moins qu'on puisse dire, du côté du Parlement britannique.

C'est donc avec confiance, une confiance que je crois justifiée, que je vais proposer cette motion que nous avons faite aussi sobre et aussi concise que possible, aussi indiscutable que nous avons pu l'imaginer. Comme je l'ai dit, on l'a faite sans détour et on n'a pas essayé de finasser. On l'a fait connaître à nos interlocuteurs des autres partis avant qu'elle ne soit déposée publiquement; on avait même offert à l'Opposition officielle de contribuer, si elle le voulait, à la rédaction du texte. Je comprends qu'on nous en ait laissé la responsabilité, mais enfin, c'est pour dire à quel point, sur ce sujet, on voulait, autant que possible, rejoindre tout le monde, dans l'intérêt du Québec et non pas dans l'intérêt d'un parti en particulier.

Telle qu'elle est, nous croyons que cette résolution, cette motion, si on préfère, pourrait et devrait être approuvée par tout le monde. Nous savons que l'Opposition officielle a songé et peut-être songe encore à proposer un ou des amendements. Je refuse de croire qu'on tâcherait ainsi de la rendre inacceptable ou de la dénaturer, si peu que ce soit, parce que le sujet, me semble-t-il, est trop important et trop vital pour qu'on s'essaie à des jeux comme ça. S'il s'agit d'amendements qui complètent ou qui nous permettent peut-être, de façon acceptable pour tout le monde, de nous mettre d'accord, Dieu sait qu'on ne s'y opposera pas. Il s'agit de voir, s'il y a un amendement, de quel genre, de quel type d'amendement il peut s'agir.

Donc, je le répète, en terminant, c'est avec confiance que j'ai l'honneur, mais surtout le devoir de proposer à la Chambre cette motion que le président nous a lue a l'ouverture de la séance et que je répète: "L'Assemblée Nationale du Québec s'oppose formellement à la démarche entreprise par le gouvernement fédéral, de façon unilatérale et malgré l'opposition de la majorité des provinces, en vue de faire modifier la constitution du Canada par le Parlement britannique au lieu d'en poursuivre ici le renouvellement par voie de négociations. "Puisque cette constitution définit, depuis 1867, les droits du Québec en tant qu'État membre fondateur de la fédération canadienne, l'Assemblée nationale demande aux membres du Parlement du Canada et du Parlement du Royaume-Uni de ne pas donner suite à cette démarche unilatérale qui est contraire à la nature même du système fédéral et à la règle bien établie du nécessaire consentement des provinces."

Merci, M. le Président.

Le Président: Le chef de l'Opposition. M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté avec intérêt l'intervention que vient de faire le chef du gouvernement. Je constate avec plaisir que l'intervention s'est faite à un niveau qui ne s'arrêtait pas aux querelles de personnes et qu'elle n'a pas dégénéré dans le genre de logomachie verbale à laquelle les comptes rendus que nous donnent les journaux des discours du premier ministre sur d'autres terrains ou à d'autres tribunes nous ont malheureusement trop habitués. Je vais essayer de m'en tenir, moi aussi, à une considération la plus impartiale possible du sujet qui nous est proposé pour discussion ce matin. Je vais le faire avec les caractéristiques que j'essaie de maintenir dans mes interventions en cette Chambre, c'est-à-dire un esprit d'impartialité, d'indépendance, de saine liberté et, surtout, de service de l'intérêt supérieur de nos concitoyens du Québec et de l'ensemble du Canada. (11 h 10)

Je voudrais diviser mon intervention en trois parties distinctes: tout d'abord, le projet fédéral, ce qu'il comporte et ce que nous en pensons de ce côté-ci de la Chambre; deuxièmement, la motion gouvernementale et, troisièmement, certains éléments d'ouverture pour ce qui concerne le travail des semaines et des mois à venir. Nous franchissons une étape aujourd'hui; je pense que nous devons regarder plus loin que cette étape-là; il faut voir un peu dans quel esprit nous essaierons d'évoluer au cours des mois à venir. Alors j'aurai quelques réflexions à soumettre à cette Chambre sur ce troisième aspect aussi.

Le projet dévoilé par le gouvernement fédéral, au début du mois d'octobre, comporte essentiellement un certain nombre d'éléments qui sont maintenant devenus familiers aux parlementaires de cette Chambre, mais qui ne sont pas encore compris facilement par une grande partie de nos concitoyens qui n'ont pas la chance de travailler ces questions à longueur de journée. Je vais essayer de les résumer brièvement en essayant d'être le plus fidèle possible au contenu de ce document qui s'intitule "Projet de résolution concernant la constitution du Canada" qui est présentement à l'étude à la Chambre des communes et au Sénat.

Le projet se présente sous la forme d'une motion ou d'une résolution que le Parlement canadien enverrait au Parlement de Londres. Dans cette résolution, on annexe toute une série de propositions qui viseraient à introduire des changements fondamentaux. Entre autres, en vertu de ce document, la constitution du Canada serait ramenée de Londres au Canada. On instituerait une procédure d'amendement provisoire qui durerait une couple d'années. Au terme de cette période, on instituerait une procédure d'amendement permanente, soit par consentement de tous les gouvernements concernés, soit par le recours à une consultation populaire.

Le projet fédéral comprend également l'incorporation dans la constitution d'une charte des droits fondamentaux, comportant des dispositions assez nombreuses et importantes pour ce qui touche les droits linguistiques. Enfin, on veut garantir le principe de la péréquation et de la mise en commun de la richesse pour la lutte contre les inégalités régionales.

Il y a, comme je l'ai souligné hier, un certain nombre d'aspects du projet fédéral qui suscitent de ce côté-ci de la Chambre une sympathie profonde. D'abord, quand le gouvernement fédéral veut ramener au Canada tout le processus constitutionnel, quand il veut nous libérer de ces recours à la protection tutélaire de la Grande-Bretagne, je pense qu'on le comprend et, nous autres, nous n'avons aucune espèce de réserve quant à cet objectif qui aurait dû être réalisé depuis longtemps.

Deuxièmement, le projet fédéral traduit une

impatience devant les lenteurs et les échecs accumulés depuis au-delà d'un demi-siècle en ces matières. On peut n'être pas d'accord quant à la conclusion que le gouvernement fédéral tire de l'expérience du dernier demi-siècle, mais je crois que, si on veut être le moindrement raisonnable, on doit comprendre l'impatience que traduit cette conclusion à laquelle en est arrivé le gouvernement fédéral.

Troisièmement, le gouvernement fédéral recherche une méthode d'amendement constitutionnel plus souple que la règle non écrite de l'unanimité qui existe actuellement. Je ne pense pas que personne mette en doute la nécessité d'en arriver à une méthode d'amendement constitutionnel plus souple au Canada et seuls ceux qui ne voudraient pas que ce pays marche prétendraient s'arcbouter dans une défense aveugle et étroite du système qui existe actuellement.

Quatrièmement, le gouvernement fédéral veut enchâsser dans la constitution les droits fondamentaux des citoyens et, en particulier, certains droits linguistiques. Encore ici, la position de fond de mon parti est plutôt favorable à cette approche. Nous l'avons dit; je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit hier. Je pense que c'est très clairement compris à la fois du gouvernement et de la grande majorité de nos concitoyens.

Enfin, le gouvernement fédéral nous dit: Devant une impasse invincible, devant une impasse dans laquelle les gouvernements seraient enlisés d'une manière absolument insurmontable, il faut bien restaurer, quelque part dans le processus constitutionnel canadien, le principe de la souveraineté du peuple. Il envisage, dans une situation invincible comme celle-là, le principe du recours au peuple pour trancher le litige. J'ai bien du mal à comprendre ceux qui s'opposent à ce principe fondamental. Il me semble que c'est le fondement sur lequel repose toute la démocratie. Je pense que c'est important que nous comprenions qu'il n'y a pas que des aspects négatifs dans la position de l'autre. Mon expérience dans le journalisme, à laquelle faisait allusion le premier ministre tantôt, m'a appris, pendant de longues années, à toujours regarder le côté positif, ensuite, le côté négatif. Je tirais toujours une conclusion franche. Le premier ministre m'a cité correctement ce matin. Je n'ai aucun reproche à lui adresser au sujet des citations qu'il a faites de mes interventions passées. Je le remercie d'avoir signalé qu'elles ont toujours été dans la même ligne, au niveau des principes.

M. Levesque (Bonaventure): Très bien!

M. Ryan: II y a certes, dans le projet fédéral, des aspects insatisfaisants qu'il y aurait lieu de discuter longuement si nous étions en situation normale. En matière de droits linguistiques, par exemple, les solutions que présente le projet fédéral ne sont pas acceptables, dans leur forme actuelle, à mon parti. Mais ce sont des choses qui pourraient, par la négociation ordinaire ou par des interventions spéciales, être probablement corrigées ou redressées. Mais il ne s'agit pas que de cela et je ne veux pas retenir le temps de la Chambre sur tous ces aspects secondaires ou contingents qui mériteraient une longue discussion si ce n'était des objections plus fondamentales que l'on doit retenir à ce stade-ci du débat et qui sont la raison d'être de la motion qui est devant la Chambre actuellement et sur laquelle nous sommes invités à nous prononcer.

Dans le projet fédéral, il y a malheureusement, par-delà les aspects contingents, mais discutables, des aspects qui sont proprement inacceptables, des aspects qui touchent à la substance même du régime fédéral canadien et les rapports qui se sont noués entre les deux ordres de pouvoir, qui sont une des caractéristiques essentielles de l'équilibre politique très difficile qu'on a cherché à réaliser en 1867.

Il faut certes se garder, M. le Président, des affirmations trop dogmatiques en ces choses. Très souvent, on recourra à des interventions qui invoquent des principes sacrés de la doctrine fédéraliste, par exemple. Il n'existe pas une telle chose que de la doctrine fédéraliste à l'état pur. Le principe fédéral s'est incarné dans divers pays suivant des formules variées. Nous avons notre formule, à nous, qui comporte un certain nombre de principes, lesquels rejoignent les principes qu'on a appliqués, souvent de manière différente, dans d'autres pays. Quoi qu'il en soit; nous avons au Canada un régime précis, nous avons une tradition très forte qui remonte maintenant à 113 ans. Je pense que, devant le projet fédéral, on doit, en toute conscience, surtout comme Québécois, formuler des objections fondamentales qui s'inscrivent dans la ligne d'une longue tradition politique québécoise.

En ce qui me touche, je voudrais énoncer brièvement les objections fondamentales que je nourris à l'endroit du projet fédéral. Premièrement, le projet fédéral rompt avec une longue tradition de recherche et de cheminement bilatéral en ce qui touche le rapatriement et la modification de la Constitution canadienne.

Je rappellerai brièvement, parce que je veux que cet élément fasse partie du dossier de la discussion autour de cette motion, les quatre principes qui ont régi jusqu'à maintenant les interventions des pouvoirs politiques en matière d'amendements constitutionnels et que la Cour suprême a pris à son compte dans l'opinion célèbre qu'elle émettait, en 1978, au sujet d'un projet fédéral comportant la réforme du Sénat canadien. (11 h 20)

Premier principe, une loi du Royaume-Uni affectant la Constitution canadienne, ne doit être promulguée que sur la demande officielle du Canada.

Deuxième principe, le Parlement du Canada doit autoriser toute demande faite au Parlement britannique de modifier l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Troisième principe, le Parlement britannique ne peut procéder à une modification de la constitution du Canada à la seule demande d'une province canadienne.

Et, quatrième principe, qui nous intéresse plus immédiatement, en l'occurrence, le Parlement du Canada ne procède pas à une modification de la constitution intéressant directement les rapports fédératifs sans avoir au préalable consulté les provinces et obtenu leur assentiment.

Je voudrais citer de nouveau le livre blanc fédéral de 1965 que j'évoquais hier et compléter la citation que je faisais hier à cet égard. "Dans cet ensemble de règles, dans ces quatre règles qui ont guidé le comportement des gouvernements depuis au moins deux générations au Canada, il faut voir la preuve du fait fondamental de l'histoire constitutionnelle canadienne. Aucune modification de la constitution ne peut déposséder des provinces de leurs pouvoirs législatifs sans qu'elles n'y consentent. La loi est muette à ce sujet. Mais les réalités de la vie nationale ont imposé la règle de l'unanimité et l'expérience, depuis la Confédération, l'a érigée en une règle qu'un gouvernement ou un Parlement ne saurait méconnaître qu'à ses risques et périls. Cette expérience s'est reflétée dans la formule élaborée en 1960-1961 et maintenant proposée." C'était en 1964-1965. "Néanmoins - et ceci est très intéressant -on pourra soutenir qu'il serait souhaitable, en théorie, d'avoir recours à une règle plus souple que celle de l'unanimité pour la modification des dispositions fondamentales. "Il faut bien se rendre à l'évidence, cependant, qu'une constitution ne fonctionne pas dans le domaine de la théorie. Elle est la loi fondamentale qui régit le peuple, les institutions et les gouvernements, et la protection que la présente formule accorde aux dispositions fondamentales est la seule base sur laquelle un accord général a pu être réalisé au cours de négociations qui se sont échelonnées sur une période de 30 ans." Evidemment, l'auteur faisait allusion à la formule Fulton-Favreau du temps et non pas à la formule présentement à l'étude au Parlement fédéral.

Et je termine la citation, parce que cela complète très bien ce qui a été dit antérieurement. "Quels que soient les mérites théoriques d'autres formules possibles, et quelles que soient les lacunes théoriques de la règle de l'unanimité qui s'appliquent aux dispositions fondamentales, des délibérations prolongées ont démontré qu'aucune autre solution n'est susceptible d'être acceptable à tous les gouvernements intéressés."

Première raison, par conséquent, de s'opposer au projet mis de l'avant par le gouvernement fédéral depuis le début du mois d'octobre, ce projet rompt avec une longue tradition de cheminement bilatéral en ce qui touche l'amendement de la constitution.

Deuxième motif d'objection, le projet fédéral propose des éléments qui modifient substantiellement l'équilibre des rapports fédératifs et ces modifications s'appliqueraient même pendant la période intérimaire de deux ans devant intervenir avant l'instauration d'une formule permanente de modification constitutionnelle. Le projet introduit une charte des droits. Il enchâsse des droits linguistiques assez nombreux et assez fondamentaux. Il propose d'enchâsser également le principe de l'égalité des chances entre les provinces et les régions, suivant des modalités que l'on pourrait discuter très longuement.

Enfin, il prévoit, à l'article 42, qui est éminemment contestable, la possibilité permanente de recours à l'institution référendaire, par le gouvernement fédéral, dans le cas d'impasse constitutionnelle avec les provinces . Ceci voudrait dire qu'une épée de Damoclès référendaire - nous en avons eu une pendant trois ans et demie au Québec, là, ce serait en permanence - serait suspendue sur la tête des provinces et des citoyens et on aurait toujours la possibilité qu'un référendum, conçu possiblement pour servir les intérêts politiques du parti qui serait au pouvoir à ce moment-là au niveau fédéral, viendrait intervenir pour jeter de la confusion dans le déroulement normal du processus politique.

Il me semble évident, Mme la Présidente, que ces modifications que je viens d'évoquer affectent substantiellement l'équilibre des rapports fédératifs au Canada. Ne discutons pas du bien-fondé d'une charte des droits linguistiques, mais convenons que, si le projet fédéral était adopté dans sa forme actuelle, il rendrait la Législature du Québec inapte à agir dans certains domaines qui auraient été réservés à la Constitution par ce projet.

On peut dire, en vertu d'une logique très simple, que le Québec, pour ne parler que de cette province-ci qui nous intéresse davantage, se verrait ainsi dépouillé d'un droit d'intervenir dans certaines matières qui lui a été reconnu de façon incontestée jusqu'à maintenant et qu'il a, d'ailleurs, exercé concrètement, suivant les formes qui pouvaient être discutables, comme le disait le premier ministre tantôt, et en vertu d'un pouvoir souverain que lui avait conféré la constitution de 1867. Alors, on propose d'introduire ces changements à l'initiative exclusive et unilatérale du Parlement fédéral. Je pense que nous ne pouvons pas accepter une manière de procéder comme celle-là.

Troisièmement, nous avons toujours soutenu, nous de l'Opposition - nous l'avons fait de manière encore plus explicite au cours de la période qui a marqué la préparation de notre livre beige, document qui me paraît fort incompris, autant du côté de ce gouvernement-ci que de l'autre - à maintes reprises que l'une des raisons de notre attachement au fédéralisme canadien, c'est notre conviction que le Québec, à l'intérieur du fédéralisme canadien, est et doit être traité comme un partenaire majeur et non pas comme un partenaire mineur. Ceci doit avoir des répercussions pratiques. Ce principe entraîne notamment l'obligation de reconnaître que le Québec doit être capable de diriger ses affaires dans les domaines de sa compétence. Il exige aussi que l'aval ou le consentement du Québec soit requis et donné avant que l'on procède à de grandes décisions communes susceptibles de modifier l'entente sur laquelle est fondé tout le régime constitutionnel sous lequel nous vivons.

Certains citoyens m'ont dit au cours de mes visites électorales, ces dernier temps: Mais, M. Ryan, est-ce que vous ne trouvez pas que le Québec est représenté à Ottawa par des députés élus au suffrage populaire également et qui s'acquittent de leurs responsabilités nationales actuellement? Je comprends très bien l'interrogation de ces citoyens qui se disent: Bien, voici, il s'agit d'aller à Londres. On n'est pas pour y aller 25 à Londres; ça doit incomber à quelqu'un en particulier. Suivant la sagesse commune et populaire, il est normal qu'il incombe au gouvernement fédéral de faire une telle démarche. C'est, d'ailleurs, une des quatre règles

constitutionnelles que j'ai évoquées tantôt.

Mais quand j'explique à ces citoyens que les députés qui siègent à Ottawa, pour lesquels j'ai tout le respect qu'il faut, sont responsables des affaires qui ont été conférées à la responsabilité du Parlement fédéral par la constitution, tout autant que les députés élus à l'Assemblée nationale sont responsables de manière souveraine des affaires qui ont été confiées aux provinces par la constitution, quand j'ajoute qu'une question comme celle que nous discutons aujourd'hui est de celles qui intéressent en commun les deux ordres de gouvernement, ils se rendent compte que la question n'est pas tout à fait aussi simple qu'on pouvait le penser au départ. Moi, je reviens à cette affirmation fondamentale qui est un élément essentiel de la position de mon parti. Même si nous sommes représentés à Ottawa par des citoyens que nous respectons, par des concitoyens qui ont autant le droit d'émettre librement des opinions politiques et d'agir dans leur domaine de compétence que nous pouvons l'avoir dans notre domaine de compétence, je pense que, dans une matière aussi essentielle que la constitution, le Québec ne peut pas être représenté uniquement et exclusivement par des députés élus à Ottawa. La vraie représentation du Québec doit comporter cette dimension, mais aussi l'Assemblée nationale du Québec et le gouvernement du Québec. C'est ça qui fait le Canada. C'est l'harmonisation des deux ordres de responsabilité. Et si jamais on voulait abolir cette dimension dualiste de notre régime politique, je pense qu'il y aurait eu un malentendu très profond quelque part. Moi-même, j'aurais l'impression d'avoir été la victime d'une grave méprise dont je me redresserais très rapidement, Mme la Présidente. (11 h 30)

Quatrième source de difficultés et d'objections. Le Parlement fédéral est invité par le gouvernement fédéral à entériner une démarche qui consisterait à recourir à un Parlement étranger, celui du Royaume-Uni, afin d'effectuer des modifications importantes - nous l'avons établi tantôt - à la constitution du Canada. Il y a la logique, d'abord, que j'évoquais à Acton Vale, l'autre jour; je suis très heureux qu'on ait rappelé cette déclaration que je faisais l'autre jour. Il me semble que nos collègues du Parlement britannique, avec le moindrement de logique, devraient se rendre compte très rapidement qu'il s'agit de choses qui ne les regardent pas.

S'il s'agit uniquement, pour la Grande-Bretagne, de se délester de ce fardeau tutélaire qui lui a été imposé par notre impuissance à nous entendre au Canada pendant des générations, elle est libre de le faire en tout temps; il s'agit pour elle d'adopter une loi très brève disant qu'elle ne veut plus rien avoir à faire dans les affaires canadiennes et qu'elle nous transfère tout le paquet de ce côté-ci de l'Atlantique. Personne ne blâmera le Parlement britannique de faire une chose comme celle-là.

Si les parlementaires britanniques allaient s'aviser d'adopter une charte des droits pour les Canadiens, je pense qu'ils commettraient un acte d'illogisme hautement ridicule. Vous savez comme moi que la Grande-Bretagne n'a même pas de charte des droits, elle n'en a jamais voulu. Il y a des ministres du cabinet de Mme Thatcher qui ont déjà soutenu à plusieurs reprises qu'ils voudraient que la Grande-Bretagne ait une charte des droits parce qu'ils se rendent compte que, même avec cette tradition très solide de droit pragmatique que possède la Grande-Bretagne, les citoyens n'ont plus, avec la monstrueuse croissance qu'a connue l'appareil gouvernemental, les protections fondamentales auxquelles on pensait qu'ils avaient droit et accès. Je mentionne Lord Hailsham, que connaît sûrement le vice-premier ministre, qui a été président de la Chambre autrefois, qui avait écrit un article célèbre il y a à peine quatre ou cinq ans dans lequel il disait qu'on était rendu à un stade, en Angleterre, où il faut absolument envisager l'adoption d'une charte fondamentale des droits. Il est très discret sur ce sujet depuis qu'il fait partie du cabinet de Mme Thatcher. C'est une autre question, c'est son problème.

Il y a une chose qu'on doit également rappeler: Quand la Grande-Bretagne a décidé d'adhérer au marché commun européen, il a fallu qu'elle donne son adhésion à la déclaration de droit qui est un élément constitutif de l'ensemble politique européen. Il s'ensuivit un long débat au Parlement britannique. Savez-vous ce qu'ils ont décidé, Mme la Présidente? Ils ont décidé d'adhérer pour une période limitée de trois ans. C'est le genre d'adhésion qu'on entrevoit parfois de l'autre côté de la Chambre. Ils avaient tellement peur des droits fondamentaux garantis par les documents européens qu'ils ont dit: On va essayer cela pour trois ans.

Là, ils sont pris avec un problème: Le renouvellement devient échu, je pense, au mois de juillet. Ce sera très intéressant de voir l'attitude qu'ils prendront. Je crois qu'ils en ont assez de ce problème-là, ils ne devraient pas mettre le nez dans le problème posé au Canada. Je pense que c'est clair pour tout le monde. J'ose souhaiter que le problème ne se rende jamais jusqu'à Londres. Je pense qu'il y a encore de grandes possibilités de régler la question au Canada. Si jamais cela devait se rendre jusque là-bas, je renouvelle l'objection fondamentale que j'ai formulée à maintes reprises et que j'ai répétée ce matin devant cette Chambre.

Finalement, dernière source d'objection. Je pense que le projet du gouvernement fédéral nous conduit par voie d'implications. Il n'est pas du tout question ici d'imputation de motifs, mais je me souviens, quand j'étais journaliste, que les meilleurs articles que je pense avoir écrits, c'étaient ceux où je n'avais aucune information interne.

Une voix: Un peu de modestie!

M. Ryan: Non, non, il arrive qu'on en fasse quelques bons quand on en a écrit 4000. Ce n'est pas donné à tout le monde d'en écrire 4000. Les articles qui m'attiraient le plus de réactions favorables, pour m'exprimer d'une façon plus précise et plus acceptable pour nos amis d'en face, c'étaient ceux que j'écrivais sans avoir aucune information interne sur ce qui se passait à l'intérieur du gouvernement ou dans les partis et les intrigues de corridors. J'étais complètement ignorant de cela et je me disais: je vais essayer de ne pas être au courant, je vais essayer de réagir avec ma logique et examiner les positions de chaque partenaire dans leurs implications objectives. C'est ce que je fais dans ce cas-ci et

je pense que si nous acceptions le cheminement proposé par le gouvernement fédéral, nous pourrions être conduits par étapes à des changements très profonds dans la nature même du régime fédéral qui nous gouverne. Le régime fédéral a été fondé jusqu'à maintenant sur le principe de l'égalité des deux ordres de gouvernement chacun à son niveau. Il n'était pas question qu'un ordre de gouvernement soit subordonné à l'autre ou qu'un ordre de gouvernement jouisse d'une prépondérance sur l'autre, sauf évidemment dans les matières qui relèvent de la compétence de chacun.

Avec la méthode qu'introduit le projet fédéral, on affirme la prépondérance du gouvernement fédéral sur les provinces. C'est un nouveau principe politique qui, à mon point de vue, ouvre une page entièrement nouvelle dans l'histoire du droit constitutionnel et de l'évolution politique du Canada et nous ne croyons pas que ce soit la bonne voie dans laquelle il convient d'engager le Canada à l'heure actuelle.

Nous soutenons que la constitution est la propriété et la responsabilité communes des deux ordres de gouvernement. Si l'on veut instituer des changements majeurs devant affecter la constitution, ces changements doivent être faits moyennant l'accord des deux ordres de gouvernement. Aucun des deux ne peut s'arroger le privilège ou le droit d'agir seul dans ces questions qui sont de nature à modifier les rapports fédératifs.

En conséquence de tout ceci et en conformité avec la position définie dans le document constitutionnel du Parti libéral du Québec et dans de nombreuses interventions qu'il m'a été donné de faire sur ces questions au cours des dernières semaines, j'affirme, Mme la Présidente, que dans le projet fédéral sous sa forme actuelle, il y a plusieurs aspects qui sont inacceptables à la lumière des intérêts bien compris, non seulement du Québec, mais de l'ensemble de la fédération canadienne.

Maintenant j'en arrive à la motion qui nous est présentée par le gouvernement et dont nous allons discuter avec beaucoup d'intérêt. Ce n'est pas la première fois que dans cette Chambre les députés sont invités à se prononcer sur une motion un peu spéciale traitant des questions constitutionnelles. À au moins une quinzaine de reprises, depuis 20 ans, il est arrivé que l'Assemblée nationale soit appelée à se prononcer sur des motions qui mettaient en cause des projets du gouvernement fédéral ou des décisions arrêtées par le pouvoir central. Il y a cependant une différence que je tiens à signaler dans ce cas-ci. Dans le passé, lorsque des motions de cette nature furent présentées, un certain nombre furent adoptées à l'unanimité. Je pense qu'il y en a eu peut-être dix ou douze qui furent adoptées à l'unanimité. Je rappellerai tantôt à nos vis-à-vis qu'il leur est arrivé de s'abstenir sur des motions qui mettaient en jeu des questions fondamentales parce qu'ils n'aimaient pas la présentation. On donnera des précisions là-dessus en temps utile. Ce que je veux rappeler, c'est que le contexte d'aujourd'hui est très différent de celui qui existait auparavant parce que, jusqu'alors, il existait dans cette Chambre un consensus profond et solide en ce qui touche l'adhésion du Québec au régime fédéral canadien et ce qu'on voulait défendre, en s'opposant à tel ou tel démarche, décision ou projet du gouvernement fédéral, c'était l'essence même d'un régime auquel tout le monde croyait et adhérait.

Là, nous sommes dans une situation différente parce que, comme je l'ai signalé hier, le gouvernement est dans une situation de contradiction invincible à mon point de vue, tant que nous n'aurons pas eu la lubrification que peut seul procurer un affrontement électoral à la grandeur de tout le Québec.

Nonobstant ce facteur, nous sommes disposés à voter en faveur de la motion parce que, comme je l'ai dit tantôt, nous pensons que sous plusieurs aspects, la démarche du gouvernement fédéral qui est présentement à l'étude est incorrecte et inacceptable. On nous dira qu'elle n'est pas encore acceptée par le Parlement fédéral, c'est vrai. C'est peut-être justement pourquoi il incombe que ces choses soient dites avant qu'un tort irréparable n'ait été fait. De ce côté-là pas de problème. (11 h 40)

II est cependant très important de situer cette motion dans le contexte politique et social vrai et précis où elle intervient. Je n'ai pas l'intention de m'étendre longtemps là-dessus parce que j'en ai parlé abondamment hier. Nous sommes d'abord dans un contexte postréférendaire faisant suite à un événement historique à l'occasion duquel le peuple québécois n'a pas simplement dit oui ou non, mais a fait le choix d'une direction quant à son avenir. Je me souviens que moi-même, j'ai été à l'origine de toute la thématique de la campagne référendaire du non. L'image que j'avais empruntée et qui a servi de base à toute notre campagne était l'image des deux voies qui se distancient de plus en plus l'une de l'autre à mesure que l'on avance. Nous partions du même point. L'Assemblée nationale et l'option de la souveraineté-association s'en allaient de cette façon; l'option du fédéralisme canadien de l'autre. J'avais dit: C'est pour cette raison que nous avons un référendum, parce qu'il y a deux voies qui vont s'éloigner de plus en plus l'une de l'autre à mesure que nous avancerons. Il me semble que c'est très important que nous indiquions clairement que c'est à l'intérieur de la voie qui a été choisie par le peuple souverain à l'occasion du référendum que s'inscrit la motion sur laquelle le gouvernement nous invite à nous prononcer maintenant.

Deuxièmement, nous sommes dans un contexte électoral et aussi préélectoral; électoral en ce sens que quatre élections complémentaires auront lieu lundi prochain. Je pense que le chef du gouvernement conviendra avec moi que ce n'est pas la question dont les électeurs de ces comtés nous parlent le plus quand nous allons les visiter. Ils aiment nous parler de beaucoup d'autres sujets. Celui-ci n'est pas le plus fréquemment soulevé par nos concitoyens. Je me suis même fait dire à plusieurs reprises: Vous devriez nous parler beaucoup moins de ces choses. Notez que ce n'est pas moi qui en parle; ce sont d'autres qui en parlent. Je suis obligé de réagir. De mon propre instinct, j'en parlerais assez peu souvent malgré toutes les légendes qui peuvent exister à ce sujet.

Mais revenons à notre sujet. Nous sommes dans un contexte électoral, dans un contexte qui va déboucher sur une élection générale à plus ou moins brève échéance. Il faut éviter la confusion.

II faut éviter la confusion dans les esprits. La nature même de notre régime repose sur une relation d'adversaires entre le gouvernement et l'Opposition. C'est pour cette raison que nous sommes situés des deux côtés opposés de la Chambre et qu'entre nous il y a toute une batterie de fonctionnaires qui nous empêchent de nous prendre aux cheveux. Vous avez le règlement quand il le faut pour nous rappeler à l'ordre et une présidence que nous respectons beaucoup également. Nos gens ont été habitués à ce système. Nos concitoyens - je pense que nous devons les comprendre - ont été habitués à ce système. Ils ne comprendraient pas que l'Opposition donne l'impression de s'allier avec le gouvernement sur une chose où, comme je le rappelais hier, les esprits sont peut-être beaucoup plus partagés qu'on ne le pense dès qu'ils sont saisis de toutes les implications d'un sujet. Par conséquent, nous devons faire montre de réalisme en cette matière et éviter de semer la confusion dans un domaine où il en existe déjà beaucoup.

J'ai noté aussi en travaillant au ras du sol une grande méfiance chez plusieurs de nos concitoyens à l'endroit d'une certaine propension à la manipulation qui s'est trop souvent manifestée du côté du gouvernement. On redoute énormément les tactiques, les calculs stratégiques, les sondages et autres formes de manipulation, hélas! trop familiers de votre côté de la Chambre.

Une voix: C'est cela!

M. Ryan: Enfin, je pense qu'il nous incombe, comme parlementaires chargés d'éclairer nos concitoyens sur ces questions, d'éviter de semer délibérément la confusion dans leurs esprits. Je pense que, finalement, celui qui a une approche simple à ces problèmes a raison sur nous tous qui sommes des grammairiens et des théologiens de la constitution. Celui qui voit les choses d'une manière simple est celui qui a raison, et quand vous parlez à l'homme de la rue, il vous ramène ces choses à des dimensions beaucoup plus claires, beaucoup plus nettes que celles que nous pouvons mettre au point ou chercher à définir ici. Nous ne devons pas verser dans des méthodes ou des modes d'intervention qui accroîtraient la confusion au lieu d'établir clairement les positions de chacun. Aussi, insisterons-nous pour que la motion gouvernementale soit amendée d'une manière raisonnable et d'une manière qui respecte la réalité des faits politiques d'aujourd'hui et des derniers mois.

En conséquence, je déposerai tantôt, à la fin de cette intervention, un projet d'amendement qui comportera notamment les éléments suivants. D'abord, une évocation du choix référendaire. Au référendum, comme je le disais hier, les citoyens ont rejeté l'option de la souveraineté-association et exprimé du même coup, de manière implicite, leur attachement au fédéralisme canadien. Il faut que ceci soit clairement inscrit dans la motion. Deuxièmement, si nous prétendons réformer le système fédéral canadien, il faut au moins que nous croyons aux avantages politiques, sociaux, culturels et économiques qu'il procure aux citoyens de ce pays. Si nous procédons à la réforme du système du bout des lèvres, comme des gens qui ont reçu l'obligation de s'acquitter d'un pensum et qui ne croient pas en ce qu'ils font, nous ne sommes pas sincères et nous ne faisons pas avancer la cause du fédéralisme, même en nous donnant l'impression de le défendre.

Troisièmement, il faut affirmer la nécessité de changement dans le régime constitutionnel actuel. On nous a dit que cela avait été un des thèmes mis de l'avant par les protagonistes du non pendant la campagne référendaire; c'est vrai. Moi-même, j'ai personnellement soutenu qu'il fallait des changements à notre système fédéral canadien bien avant d'entrer dans la politique. L'une des raisons pour lesquelles on m'a invité à entrer dans la politique active, c'était justement l'argument qu'on a fait valoir auprès de moi que je pourrais contribuer à faciliter l'instauration de changements raisonnables et acceptables.

Quatrièmement, il faut que ces changements soient recherchés en conformité avec les principes de base de notre fédéralisme canadien. J'ai remarqué la tactique du gouvernement; elle est bien facile à comprendre. J'ai bien observé le comportement du gouvernement à la commission parlementaire en août dernier; c'était très intéressant à suivre. Cela consiste à aller aussi loin qu'on peut sans compromettre l'objectif de la souveraineté-association en gardant toujours la porte ouverte pour celui-là. Jamais - je l'ai dit d'ailleurs à propos du message inaugural du premier ministre l'autre jour - on n'a cet engagement cordial, cet engagement de fond à l'endroit des valeurs qui doivent sous-tendre l'option fédérale et le régime fédéral. Je vous dis que tant qu'on recherchera la modification de ce régime du bout des lèvres, sans que le coeur et la conviction y soient, nous aboutirons à des résultats stériles.

Cinquièmement, cette recherche de changement en conformité avec les principes du fédéralisme canadien postule qu'aucun changement ne doit être institué sans le consentement conjugué du Parlement fédéral et des Législatures des provinces.

Le sixième élément qui était déjà dans la motion, mais que nous formulons d'une manière un petit peu différente pour le rendre plus distinct et plus vigoureux, c'est le principe de la non-ingérence dans les affaires du Canada que nous rappelons bien cordialement à nos amis du Parlement britannique, dans l'hypothèse où ils seraient éventuellement saisis du projet fédéral.

Voilà les points qui résument la position de mon parti sur la motion du gouvernement. Nous sommes disposés à voter pour cette motion à condition que l'on accepte des modifications qui la rendront vraisemblable et vraiment fidèle au contexte politique précis d'aujourd'hui, tel que créé...

Maintenant, il me reste un certain temps, Mme la Présidente. Je pense que l'étape d'aujourd'hui est une étape entre plusieurs. J'ai exprimé, à maintes reprises, ma conviction que le projet fédéral ne se rendrait pas à terme dans sa forme actuelle et je garde cette conviction. Je suis un perpétuel optimiste en ces matières. J'appuie ma conviction sur un fait qui est quand même clair. Le premier ministre du Canada n'est pas un homme qui change facilement d'opinion, mais il lui arrive de changer de position pratique, comme à tout le monde. Au cours des douze dernières années, je pense qu'il n'a jamais imposé unilatéralement aucun changement constitutionnel.

Si je me trompe, on me corrigera tout à l'heure; cela me fera bien plaisir de l'entendre. Il est arrivé souvent avec des propositions qui étaient éminemment discutables, mais je ne me souviens pas qu'il les ait incorporées d'autorité ou de force dans la constitution du pays. Je garde la conviction qu'avant que tout ce processus ne soit terminé... Et rendons hommage, au passage, à cette liberté que nous avons au Canada, avant d'être pris avec des décisions irrémédiables, d'exprimer nos opinions, de faire valoir des objections et de lutter pour obtenir des changements. (11 h 50)

Par-delà le moment d'aujourd'hui - où j'espère que nous pourrons nous entendre, pourvu que le gouvernement manifeste de la bonne volonté, du réalisme et, je dirais, un peu d'humilité, comme on nous a souvent conseillé d'en manifester - je crois qu'il faut regarder plus loin et qu'il faut se demander ce qu'il va arriver de notre régime fédéral canadien. Or, j'affirme dans cette perspective, Mme la Présidente, qu'il faut sortir de l'impasse où nous sommes plongés depuis plus d'un demi-siècle et j'affirme également que nous ne sortirons pas de l'impasse si chacun des partenaires maintient exactement et littéralement les mêmes attitudes rigides qu'il a défendues dans le passé et qui nous ont conduits à l'impasse où nous sommes tous plongés. Il faudra absolument que nous cherchions à sortir honorablement de l'impasse actuelle, c'est-à-dire dans un esprit de recherche de compromis qui n'a rien de commun avec l'appel à la guerre ou à la croisade. Quand j'ai parlé, hier, de ma méfiance instinctive à l'endroit des appels à la croisade, je voulais dire que la vraie manière fédérale de rechercher une solution à ce problème, c'est une tout autre manière sur laquelle je vais m'étendre un petit peu tantôt.

Il faut, pour que nous sortions honorablement de l'impasse, que les parties bougent. Quand un conflit de travail est parvenu à un stade de gel d'où aucune des parties ne semble capable de sortir, que de fois j'ai entendu l'ancien ministre du Travail nous dire en cette Chambre: II faut que ça bouge d'un côté ou de l'autre. Il faut que les parties bougent; autrement, le gouvernement sera peut-être obligé d'intervenir. On a entendu cela combien de fois. Alors, il me semble que, dans la situation où nous sommes, il ne serait pas mauvais de nous rappeler qu'il faut que les parties bougent quelque peu si nous voulons sortir d'une impasse qui risque de nous paralyser tous pour encore des générations à venir.

Alors, que pourrions-nous envisager dans cette perspective, autant du côté de Québec que du côté du gouvernement fédéral? Je voudrais proposer ici des éléments de réflexion. Ce ne sont pas des conclusions nettement arrêtées; je réfléchis tout haut comme un homme de bonne volonté. Tout le monde doit reconnaître au moins son impuissance devant la situation actuelle et essayer de mettre de l'avant certaines réflexions qui pourraient être de nature à rapprocher les principaux acteurs. Du côté de Québec, je dis d'abord - et là-dessus il n'y a aucun débat entre nous - qu'il faut soumettre à l'épreuve des tribunaux les aspects douteux ou contestables du projet fédéral. Je pense qu'il y a accord entre tous les partis sur cette démarche. Le premier ministre aura sans doute l'occasion de nous informer sur les progrès du travail qui s'accomplit en ce sens au cours des prochains jours, mais je pense que là-dessus il n'y a pas de problème et je réitère aujourd'hui que nous tenons à ce qu'une clarification judiciaire intervienne au sujet des aspects litigieux du projet fédéral.

Il y a des citoyens qui m'ont demandé, Mme la Présidente: Comment pouvez-vous traîner le premier ministre du Canada devant les tribunaux, procédure humiliante et honteuse au possible? Il n'est pas question de traîner le premier ministre du Canada personnellement devant les tribunaux. Au contraire, nous reconnaissons qu'il joue son rôle avec beaucoup de dignité; c'est un problème qui dépasse de beaucoup la personne du premier ministre du Canada et du premier ministre du Québec. C'est un problème de définition de compétences entre deux ordres de gouvernement, qui sont également dynamiques chacun de leur côté. Nous avons au Canada un mécanisme qui nous permet de trancher des problèmes qui peuvent surgir dans ce domaine, c'est le mécanisme du recours à l'arbitrage des tribunaux. Je pense que c'est très important que cette démarche soit poursuivie.

Deuxièmement, je pense qu'il faut être prêt à reconsidérer la stratégie conditionnelle qui nous a guidés jusqu'à maintenant en matière de rapatriement et d'amendement. Le premier ministre a cité tantôt des extraits de déclarations que j'ai moi-même faites dans un passé plus ou moins récent. J'ai adhéré moi-même à cette approche qui consistait à dire: Pas de rapatriement avant que tout le paquet soit bien nettoyé ou bien ficelé au Canada et on verra ensuite. Je pense que nous comprenons tous très bien cette position, je pense que nous l'avons à peu près tous défendue à un moment ou l'autre. Il n'est pas question de condamner ceux qui l'ont défendue dans le passé, même ceux qui peuvent la défendre aujourd'hui.

Je pense que, dans son contenu objectif, elle équivaut à nous appuyer sur la protection tutélaire de la Grande-Bretagne pour régler nos problèmes. Je ne pense pas que ce soit une position qui, en bonne logique, soit défendable beaucoup plus longtemps. Il faudra que nous acceptions que le Canada, de pays de 3,000,000 d'habitants qu'il était en 1867, est devenu un pays de 25,000,000 d'habitants, avec des institutions politiques, universitaires, journalistiques, syndicales, économiques, financières, etc., qui lui donnent tout l'équipement dont il a besoin pour régler ses problèmes ici.

Il n'est pas nécessaire, de manière aussi arithmétique qu'il pouvait sembler autrefois, que nous maintenions cette politique d'une manière figée. Elle équivaut à un veto opposé à toute évolution au Canada même, en ce qui touche cette question.

Aussi, dès le mois d'août dernier, à la commission parlementaire sur l'avenir de la constitution, qui a siégé les 14 et 15 août, j'avais fait valoir qu'il fallait mettre un peu d'élasticité, un peu de souplesse dans cette position et j'avais constaté avec plaisir que le ministre des Affaires intergouvernementales était prêt à faire un pas dans le même sens; il avait même laissé entrevoir, à un moment donné, la possibilité, je crois que ça vaut la peine de le citer au texte, parce que c'est peut-être une des choses les plus

importantes qu'il a dites cette fois-là, il n'a pas parlé beaucoup entre parenthèses, c'était très sybillin: "Sur l'idée du rapatriement même, il n'y a pas vraiment eu de discussion. Cela faisait partie, en quelque sorte, d'une sorte d'idée reçue, le rapatriement en soi était considéré par à peu près tout le monde et cela peut causer un problème, compte tenu de ce que vous avez dit ce matin, M. le chef de l'Opposition, le chef de l'Union Nationale et nous-même. Pour beaucoup de provinces, pour les autres provinces et pour le gouvernement fédéral, le rapatriement, cela semble être en soi une priorité. Il y a en a plusieurs, je dirais la majorité, qui disent: On peut faire le rapatriement, mais à condition qu'il y ait une formule d'amendement. Mais j'irais même jusqu'à dire - c'est le ministre des Affaires intergouvernementales qui parle, le 14 août dernier - que s'il n'y avait pas de formule d'amendement, ce serait peut-être possible qu'on en arrive à l'idée où il y aurait un rapatriement de la vieille constitution, point, sans formule d'amendement. Mais ce n'est pas résolu au moment où je vous parle."

Alors, il y avait une certaine ouverture dans ces propos, je ne sais pas si elle s'est refermée depuis ce temps, mais j'espère qu'elle est encore là. Je crois qu'il faut aller plus loin dans l'exploration de cette voie et je vous dirai que, personnellement, sans que la question ait encore été abordée par mon parti et que notre position fondamentale ait été le moindrement altérée là-dessus, je serais prêt à examiner les voies suivantes:

D'abord, disons un rapatriement accompagné de l'amendement à la règle de l'unanimité pour une période limitée. Au bout d'une période limitée, qui pourrait être de deux ou trois ans, en cas de désaccord invincible, sur une formule d'amendement, recours au peuple, moyennant des modalités qui devraient cependant être agréées du fédéral et des provinces pour le choix entre deux formules d'amendement qui pourraient être mises de l'avant par le Parlement fédéral, disons, et les provinces. Mais ce sur quoi j'insiste, c'est que tout au cours de l'opération, il faut maintenir le principe du cheminement bilatéral, il faut être prêt à ajouter à notre perception des choses des éléments nouveaux qui n'avaient pas été entrevus aussi clairement par le passé. Je pense que cet élément d'autorité souveraine du peuple, en fin de compte n'est pas un élément négligeable. Nous autres, nous avons dans notre programme une disposition voulant que, quand nous nous serons entendus sur toute une nouvelle constitution, nous la soumettions au peuple pour ratification. Ce serait un exercice symbolique très intéressant, mais qui n'aurait pas un grand contenu politique. Mais mettre le peuple dans le coup et lui dire: II y a deux formules qui s'affrontent, pourvu que les deux soient agréées comme élément à soumettre au peuple, à ce moment-là, ce serait très intéressant. Là, je préconiserais un bilatéralisme dont, malheureusement, nous n'avons pas eu l'exemple de la part du gouvernement quand il s'est agi de la question référendaire. Nous vous l'avions dit à l'occasion du référendum. C'était tellement important que nous voulions le bilatéralisme. Ici, là, je veux qu'il soit maintenu et, à aucun endroit dans les remarques que je fais, nous n'abandonnons ce principe fondamental.

Du côté d'Ottawa, je formulerais les voeux suivants, dans un esprit canadien et dans un souci de collaboration positive: D'abord, je crois que le gouvernement fédéral devrait revenir explicitement à la règle classique du bilatéralisme en matière de réforme constitutionnelle. On ne demande pas un acte de pénitence public à qui que ce soit - il y a bien des manières de faire ces choses - mais je crois qu'il est hautement désirable que le gouvernement fédéral revienne à cette règle, parce que si on n'y revient pas, je pense que toute l'atmosphère va s'en trouver empoisonnée et ce sera très difficile de poursuivre le travail de réforme dans l'esprit de confiance réciproque sans lequel il ne peut pas vraiment progresser.

Deuxièmement, je crois que le gouvernement fédéral devrait limiter la portée de son projet d'une manière qui pourrait ressembler à ceci: Par exemple - ceci est sujet à accords avec les provinces qui demanderaient qu'il y ait évidemment de nouvelles rencontres - le rapatriement plus l'amendement suivant la règle de l'unanimité jusqu'à ce que, d'ici deux ou trois ans, en l'absence d'un accord sur une formule permanente d'amendement, on envisage un recours au peuple. Je vous le dis, c'est une chose que nous aurions intérêt à regarder en toute impartialité.

Troisièmement, il faudrait absolument que le gouvernement fédéral abandonne le principe de ce référendum plus ou moins permanent qui est inscrit dans l'article 42 de son projet. Je pense que cela n'est pas acceptable, non seulement aux yeux du Québec, mais aux yeux d'un grand nombre de partenaires de la fédération.

Quatrièmement, je pense que le gouvernement fédéral aurait profit à ouvrir une dernière ronde de négociations avec les provinces sur la question des droits fondamentaux et des droits linguistiques.

En cas de désaccord avec celles-ci, je crois qu'il devrait se borner, s'il tient absolument à adopter une charte des droits, à proposer une charte des droits dont l'effet et l'application seraient limités jusqu'à nouvel ordre au Parlement et aux institutions fédérales.

Finalement, en tout état de cause, le gouvernement fédéral devrait être prêt à s'engager à ne rien faire de définitif avant que les tribunaux canadiens ne se soient prononcés, ce qui veut dire qu'il devrait, en bonne sagesse, surseoir à toute démarche à Londres avant que les tribunaux canadiens ne se soient prononcés sur ce qu'il restera en dernière analyse et au stade de l'approbation parlementaire du projet présentement à l'étude à Ottawa.

Il n'est pas question que le Parlement fédéral interrompe son travail pour le moment; le ministre de la Justice fédéral a dit souvent que, s'il fallait interrompre le processus parlementaire chaque fois que quelqu'un soulève une difficulté constitutionnelle, les Parlements deviendraient incapables de fonctionner. Je pense qu'il émettait une évidence. Mais là où ce ne serait plus une évidence, c'est si, après avoir adopté son projet, le Parlement fédéral, le gouvernement fédéral décidait de procéder tout de suite auprès du Parlement britannique. Il me semble qu'à ce stade-là il faudrait qu'il y ait une vérification auprès des tribunaux, avant qu'on ne fasse des choses irrémédiables au plan international.

En conclusion, Mme la Présidente, il faut aborder ce problème avec un esprit vraiment fédéral. L'esprit vraiment fédéral est un esprit imprégné de respect pour la position et la personne de l'autre. C'est un esprit imprégné de respect pour les données objectives, les problèmes très difficiles auxquels on est parfois appelé à faire face dans le domaine constitutionnel. C'est un esprit qui recherche honnêtement un consensus dans des questions difficiles autour desquelles les principes ne sont pas toujours faciles à définir, mais autour desquelles certains principes aussi peuvent être maintenus à tout prix. C'est un esprit imprégné d'une saine humilité devant sa propre position. C'est un esprit qui refuse toute précipitation mettant bien au-delà des résultats immédiats que l'on pourrait espérer obtenir l'intérêt supérieur de la société que l'on entend servir. C'est un esprit qui n'a rien de commun encore une fois avec l'esprit de guerre, avec l'esprit de croisade, avec l'esprit de dénonciation, avec les luttes personnelles entre chefs politiques. Les pays et les peuples sont infiniment plus grands que les hommes et les partis qui prétendent les diriger. C'est à la lumière de cet esprit que nous devrions chercher à nous entendre.

Motion d'amendement

Dans cet esprit, je voudrai, Mme la Présidente, en conclusion, proposer l'amendement suivant à la motion qui nous est présentée par le gouvernement.

Je propose que la motion principale soit amendée, premièrement, en retranchant du premier alinéa les mots "au lieu d'en poursuivre ici le renouvellement par voie de négociation". Vous comprendrez tout de suite que c'est un problème de concordance. Ce principe revient ailleurs dans l'amendement que nous proposons. Il n'est pas question, évidemment, de l'abandonner.

Deuxièmement, en insérant, entre le premier et le deuxième alinéa, l'alinéa suivant: "Fidèle à la volonté de la majorité des citoyens du Québec qui a exprimé son attachement au fédéralisme canadien en rejetant l'option de la souveraineté-association lors du référendum du 20 mai 1980 et consciente des avantages du fédéralisme canadien et de la nécessité de l'adapter aux réalités d'aujourd'hui, l'Assemblée nationale affirme que le renouvellement de la Constitution canadienne doit être réalisé au Canada en conformité avec les principes du fédéralisme et, en conséquence, par la voie de négociation entre les deux ordres de gouvernement et avec le consentement conjugué du Parlement fédéral et des Législatures des provinces."

Troisièmement, en retranchant du deuxième alinéa les mots "et du Parlement du Royaume-Uni", et en ajoutant, après le mot "fédéral", à la dixième ligne du deuxième alinéa, le mot "canadien".

Quatrièmement, en ajoutant à la fin l'alinéa suivant: "L'Assemblée nationale met le Parlement britannique en garde contre toute intervention dans les affaires canadiennes par l'adoption de quelque modification à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui n'aurait pas l'appui des provinces du Canada".

Ainsi amendée, Mme la Présidente - je terminerai par ceci - la motion se lirait comme suit: "L'Assemblée nationale du Québec s'oppose formellement à la démarche entreprise par le gouvernement fédéral, de façon unilatérale, et malgré l'opposition de la majorité des provinces, en vue de faire modifier la constitution du Canada par le Parlement britannique. "Fidèle à la volonté de la majorité des citoyens du Québec, qui a exprimé son attachement au fédéralisme canadien en rejetant l'option de la souveraineté-association lors du référendum du 20 mai 1980 et consciente des avantages du fédéralisme canadien et de la nécessité de l'adapter aux réalités d'aujourd'hui, l'Assemblée nationale affirme que le renouvellement de la Constitution canadienne doit être réalisé au Canada en conformité avec les principes du fédéralisme et, en conséquence, par la voie de négociation entre les deux ordres de gouvernement et avec le consentement conjugué du Parlement fédéral et des Législatures des provinces. "Puisque cette constitution définit depuis 1867 les droits du Québec en tant qu'Etat membre fondateur de la fédération canadienne, l'Assemblée nationale demande aux membres du Parlement du Canada de ne pas donner suite à cette démarche unilatérale qui est contraire à la nature même du système fédéral canadien et a la règle bien établie du nécessaire consentement des provinces. "L'Assemblée nationale met le Parlement britannique en garde contre toute intervention dans les affaires canadiennes par l'adoption de quelque modification à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui n'aurait pas l'appui des provinces du Canada."

Voilà ce que nous sommes prêts à adopter. Deuxième mise en garde.

Voilà ce que nous sommes prêts à adopter, Mme la Présidente, sur le fond. Nous avons fait notre devoir intégralement. Je demande au gouvernement de faire le sien sur la partie qui avait été omise de sa motion.

Une voix: Bien!

La Vice-Présidente: M. le chef de l'Opposition officielle, dès que j'aurai reçu la copie de cet amendement, j'aimerais pouvoir le regarder de près pour pouvoir statuer sur sa recevabilité quant à la motion principale. Alors, ou bien nous suspendons ou bien nous...

M. le leader de l'Union Nationale. (12 h 10)

M. Fontaine: Conformément à une espèce de tradition qui s'est établie depuis quelque temps en cette Chambre, j'aimerais demander le consentement du leader du Parti libéral et également le consentement du gouvernement à l'effet que le chef de l'Union Nationale puisse immédiatement prononcer son allocution pour ensuite revenir sur la motion d'amendement, sur sa recevabilité et sur sa discussion.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, vous connaissez toute l'estime que j'ai personnellement pour le chef de l'Union Nationale, d'autant plus que c'est un Gaspésien.

Mais, Mme la Présidente, vous comprendrez

- et j'en ai déjà fait part au leader parlementaire du gouvernement - que nous n'avons pas l'intention, au cours de ce débat, de laisser se multiplier les motions d'amendement sans que nous ne disposions de chacune, une à la fois.

C'est pour cela, Mme la Présidente, que nous devons insister pour que nous puissions d'abord connaître votre réaction quant à la recevabilité de la motion. Ensuite, nous allons insister pour que cette motion soit débattue avant que nous procédions à toute autre affaire.

Cependant, s'il était un peu plus tôt dans l'avant-midi, si j'avais eu l'engagement du chef intérimaire de l'Union Nationale à l'effet qu'il n'avait pas de motion d'amendement à présenter, à ce moment-là, nous aurions pu nous entendre.

Cependant, j'apprends que nous allons ajourner dans vingt minutes. Enfin, on a communiqué cette information au whip de notre parti, parce qu'il s'agit d'un mercredi. À ce moment-là, si on doit mettre de côté cette entente et qu'on doive passer de 12 h 30 à 13 heures, je pense qu'il serait important d'avoir immédiatement votre décision, même si nous devions suspendre quelques instants. Je pense bien qu'à sa face même, cette motion d'amendement est tout à fait recevable, et je pense que le gouvernement n'a aucun intérêt à commencer un débat de procédurite. S'il le fait, ce sera à ses risques et périls.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Union Nationale. M. le leader du gouvernement, je vous donne la parole immédiatement.

M. Charron: Cet immense piège que vient d'ouvrir le leader de l'Opposition, je pense qu'on peut le refermer tout de suite. Je veux dire d'abord que je n'ai pas du tout l'intention de contester la recevabilité. À mes yeux, elle m'apparaît parfaitement recevable, donc, enlevez toutes les monstruosités que vous appréhendiez.

D'autre part, je crois que s'il est un moment où la tradition d'entendre les trois chefs un à la suite de l'autre devait être respectée, c'est bien sur une motion qui vise à s'adresser à des assemblées à l'extérieur de la nôtre. En conséquence, je crois que, même si nous devions franchir le traditionnel arrêt à 12 h 30, nous devrions profiter de la largesse de notre règlement qui nous permet d'aller jusqu'à 13 heures et ainsi entendre le chef de l'Union Nationale sur la motion principale.

D'autre part, Mme la Présidente, je suis parfaitement d'accord avec ce que dit le leader de l'Opposition sur le fait qu'une fois cette intervention faite, le prochain intervenant qui sera du côté gouvernemental devra faire porter ses propos sur la motion d'amendement - et ce, jusqu'à ce que nous en ayons disposé - que vient de déposer le chef de l'Opposition officielle. De même, tout projet de sous-amendement qui viendra par la suite aura priorité sur le projet d'amendement du chef de l'Opposition.

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Mme la Présidente, dans un grand esprit de collaboration, je pourrais faire cette suggestion: c'est que nous puissions entendre le chef intérimaire de l'Union

Nationale, mais à deux conditions et on comprendra pourquoi.

Si nous avons l'assurance que le leader de l'Union Nationale n'a pas d'amendement - il faudra s'entendre là-dessus parce que, autrement, cela devient inintelligible, cette histoire premièrement, est-ce que le leader peut m'assurer de cela?

La Vice-Présidente: M. le leader de l'Union Nationale.

M. Fontaine: Je peux vous assurer, Mme la Présidente, que le chef de l'Union Nationale, dans son discours, ne proposera pas d'amendement, mais il n'est pas impossible qu'un autre député puisse en faire un par la suite.

M. Levesque (Bonaventure): Dans les circonstances, Mme la Présidente, je prends note que cette première condition est remplie. Il y en a une qui vous touche particulièrement, madame, c'est que nous aimerions avoir votre décision avant la suspension des travaux.

La Vice-Présidente: D'accord. Vous conviendrez avec moi que cet amendement est particulièrement long et que je me dois et dois à cette Assemblée de l'étudier de près, quant à sa recevabilité, évidemment. Personne ne contestera ce fait. Je prends note également qu'il s'agit maintenant d'un consentement unanime à ce que M. le chef de l'Union Nationale puisse intervenir et je m'engage à rendre ma décision quant à la recevabilité avant la suspension des travaux ou l'ajournement du débat.

M. le chef de l'Union Nationale.

M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: Mme la Présidente, au cours de mes remarques en cette Chambre, hier, en réponse au message inaugural, j'ai indiqué bien clairement que les députés de l'Union Nationale voteraient en faveur de la motion présentée par le premier ministre, en somme, une motion qui demande aux membres de cette Assemblée nationale essentiellement de faire deux choses.

Premièrement, faire connaître notre opposition à la démarche unilatérale de rapatriement de la constitution du Canada telle que proposée par le gouvernement fédéral qui fait modifier la constitution du Canada par le Parlement britannique malgré l'opposition d'une majorité de provinces dont le Québec.

Deuxièmement, en tant que membre d'une Assemblée législative, souveraine dans ses sphères de juridiction, de solliciter l'appui des parlementaires canadiens et britanniques, afin que ceux-ci ne donnent pas suite à cette démarche unilatérale. Nous croyons fermement, nous l'avons dit sans équivoque, dès le 2 octobre dernier, que les Québécois et les Québécoises doivent s'opposer avec force et vigueur à cette démarche unilatérale du gouvernement libéral à Ottawa. L'articulation, l'organisation de cette opposition nous paraît d'une telle importance à l'heure actuelle qu'elle justifie, en soi, le report d'élections générales à plus tard et la convocation d'urgence des membres de cette auguste Assemblée.

Je veux profiter du débat sur cette motion de protestation pour expliquer clairement et

calmement les raisons qui sous-tendent notre prise de position. Aujourd'hui, je m'adresse de manière spéciale à ceux et à celles qui se disent fatigués, écoeurés de ce débat interminable entre Ottawa et Québec, entre le fédéral et les provinces; à ceux et à celles que le temps a rendus à ce point indifférents qu'ils ne se posent même plus de questions. Que le plus fort l'emporte, en autant qu'on n'en entende plus parler! Si vous faites partie de ce groupe de citoyens, je vous invite à m'écouter attentivement. J'ai confiance que mes propos sauront vous inciter à la réflexion. Je vise, en somme, à vous faire prendre conscience de l'enjeu véritable des propositions fédérales, de leurs conséquences sur les relations fédérales-provinciales et sur l'avenir du fédéralisme canadien en particulier.

Plus que toute autre province canadienne, à notre avis, c'est le Québec qui risque le plus dans toute cette affaire, advenant le cas où le gouvernement fédéral gagne son point, car la conception du fédéralisme sur laquelle est fondée la démarche unilatérale du gouvernement d'Ottawa va carrément à l'encontre de la conception défendue jusqu'à ce jour par tous les gouvernements québécois, indépendamment du parti au pouvoir. (12 h 20)

Très brièvement, on peut dire que le projet de résolution poursuit quatre objectifs. Le premier objectif est de rapatrier unilatéralement l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, c'est-à-dire cette loi britannique qui nous sert de constitution depuis 1867. En pratique, cela signifie le transfert légal du Royaume-Uni au Canada de tout pouvoir sur la constitution en confirmant l'Acte de l'Amérique du Nord britannique comme loi canadienne. Ce transfert se fait en réalité par le biais d'une adresse commune du Sénat et de la Chambre des communes, demandant au Parlement britannique d'adopter une loi intitulée Loi sur le Canada. L'Acte de l'Amérique du Nord britannique change de nom pour devenir: Lois constitutionnelles de 1867 à 1975. Il s'agit d'un rapatriement unilatéral parce que le gouvernement fédéral agit seul, sans le concours ni le consentement des gouvernements provinciaux, tout au moins d'une majorité d'entre eux.

Le deuxième objectif comprend l'inclusion d'une formule d'amendement devant permettre la modification de la constitution du Canada. Le projet de résolution prévoit une période transitoire de deux ans, après le rapatriement, pendant laquelle s'applique la règle de l'unanimité qui prévaut à l'heure actuelle. Au cours de cette période, au moins deux conférences constitutionnelles sont prévues pour que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux s'entendent sur une formule d'amendement. S'il y a entente sur une formule au cours de cette période transitoire, celle-ci entre en vigueur immédiatement. S'il n'y a pas entente, à ce moment, deux scénarios sont donc possibles.

Dans le premier, si, au cours de la période transitoire de deux ans, huit provinces ou plus, représentant 80% de toute la population, conviennent d'une formule d'amendement, celle-ci, ainsi qu'une formule semblable à celle de Victoria en 1971, ou une autre formule que le gouvernement fédéral se laisse le loisir de définir à ce moment-là, seront soumises au peuple par référendum.

Dans le second cas, si les provinces ne présentent pas de formule de rechange, c'est une formule semblable à celle de Victoria qui entrera automatiquement en vigueur après la période transitoire de deux ans. Enfin, le projet de résolution prévoit également la possibilité de modifier la constitution à la suite d'un référendum national tenu à la seule initiative du gouvernement fédéral et dont les règles sont fixées par une loi du Parlement canadien.

Maintenant, regardons le troisième objectif qui consiste en l'adoption sous forme de loi constitutionnelle par le Parlement britannique, immédiatement et malgré l'opposition farouche d'une très grande majorité de gouvernements provinciaux, d'une charte canadienne des droits et libertés qui réglemente notamment la liberté de circulation des personnes et la langue d'enseignement en matière d'éducation.

Il y a aussi un quatrième objectif qui est l'inclusion immédiatement dans la constitution du principe de la péréquation, c'est-à-dire la redistribution aux provinces les moins riches d'une partie de la richesse du pays en vue de combattre les inégalités régionales.

Maintenant, regardons le rapatriement comme une forme de subterfuge. Parmi les quatre objectifs mentionnés, c'est sûrement le premier, celui du rapatriement, qui a le plus retenu l'attention de la population et pour cause. Le premier ministre du Canada a ouvert le bal lui-même, dès le 2 octobre, en faisant une équation très nette et très claire entre le rapatriement et l'indépendance du Canada et le rapatriement et la fin de la paralysie constitutionnelle qui dure depuis 53 ans. Ces deux équations ont été si habilement véhiculées par les ténors libéraux d'Ottawa que l'opinion populaire n'a retenu essentiellement du projet de résolution que ces deux caractéristiques pour oublier tout le reste.

Et je retiens comme exemple ces quelques extraits tirés du discours prononcé par le premier ministre Trudeau, le 2 octobre dernier, à la télévision de Radio-Canada:" Comme tant de nos prédécesseurs, nous, les onze premiers ministres, avons donc été incapables de nous entendre. Mais les citoyens du Canada doivent-ils renoncer à tout jamais, pour autant, à confirmer leur indépendance et à garantir leurs libertés? "De toute évidence, l'indépendance du pays, le droit incontestable des Canadiens à se gouverner eux-mêmes, devrait échapper aux querelles entre les gouvernements. L'indépendance est un bien qui appartient à tous les Canadiens. II est donc clair que les Canadiens doivent trouver un moyen de se sortir de 53 ans de paralysie constitutionnelle. Ce moyen existe. C'est un moyen légal, mais qui exige la manifestation d'une volonté collective. Grâce à la seule institution où ils sont tous représentés, le Parlement du Canada, les Canadiens peuvent briser l'impasse où se trouvent leurs onze premiers ministres."

M. le Président, il y a lieu d'analyser plus en profondeur ces rapprochements stratégiques. Est-il exact d'affirmer que le rapatriement constitue l'affirmation définitive de notre indépendance nationale, que c'est la rupture du dernier lien colonial nous retenant à la Grande-Bretagne, comme se plaisent à le répéter plusieurs députés libéraux fédéraux à travers le Québec? La réponse est très clairement non. Il y

a là, de la part du gouvernement fédéral, beaucoup d'exagération et du pathos qui frise le mélodrame.

Depuis le Statut de Westminster en 1931, le Canada est reconnu au niveau international comme un État souverain et aucun pays n'a jamais mis en doute notre indépendance nationale. Il faut se rappeler que c'est à la demande expresse du gouvernement canadien, et en particulier des provinces canadiennes, que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a été exclu des dispositions du Statut de Westminster.

Il faut également préciser que, depuis 1931, jamais le Parlement britannique n'a porté atteinte à l'indépendance du Canada en modifiant à sa guise l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Lorsqu'il a été appelé à le faire, ce fut toujours sur recommandation expresse du gouvernement fédéral seul, lorsqu'il s'agissait de modifier des matières de juridiction exclusivement fédérale, et du gouvernement fédéral et des provinces réunies, lorsqu'il s'agissait de modifications touchant la répartition des pouvoirs entre les deux ordres de gouvernement ou des matières de juridiction exclusivement provinciale. J'aurai, d'ailleurs, l'occasion de revenir sur ce point un peu plus loin.

Laisser entendre que le geste du rapatriement nous rendra plus indépendants que nous le sommes déjà à la face du monde, c'est nettement ridicule, c'est une affirmation qui s'attache beaucoup plus à la forme qu'au fond de la question. C'est un peu comme si on disait que l'existence du pouvoir de désaveu d'une loi provinciale par le gouvernement fédéral, tel que prévu actuellement dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, rendait les Parlements provinciaux moins souverains dans leurs sphères de juridiction. Tout le monde, y compris le gouvernement fédéral, en rirait tellement c'est exagérer la théorie par rapport à la réalité. (12 h 30)

De plus, prétendre que le rapatriement constitue la rupture du dernier lien colonial, c'est non seulement afficher un esprit de colonialisme, mais c'est également passer sous silence le maintien de ce lien colonial par excellence que constitue la présence de la reine du Royaume-Uni comme chef d'Etat du Canada. Il y a une incohérence dans l'argumentation fédérale qui sent la stratégie et l'opportunisme.

Ayons le courage de placer les choses dans leur juste perspective! Le lien entre le rapatriement de la constitution et l'indépendance nationale est exagéré de manière démesurée par Ottawa pour créer cette image convaincante dans l'imagination populaire qu'en acquiesçant au projet de résolution fédérale, on pose, par le fait même, un geste d'affirmation collective qui nous rendra plus indépendants au niveau international. Tout cela, M. le Président, c'est de la foutaise et, en ce moment, comme dirait notre poète de l'Assemblée nationale, j'ai mal à mon pays.

Il convient maintenant d'examiner de plus près l'équation voulant que le rapatriement soit le seul moyen de sortir de 53 ans de paralysie constitutionnelle.

D'abord, est-il exact de dire que nous avons vécu 53 ans de paralysie constitutionnelle? Si c'est vrai, c'est donc dire qu'il ne s'est rien fait depuis un demi-siècle? J'admets que c'est impressionnant et que ça constitue un argument facile pour justifier l'utilisation de toutes sortes de solutions, radicales ou non, pour autant que celles-ci sont perçues par l'opinion publique comme mettant fin à l'impasse.

Le sénateur Arthur Tremblay, un Québécois qui jouit d'une très grande renommée en matière constitutionnelle, dans son exposé au Sénat le 31 octobre dernier, a abordé cette question avec beaucoup de franchise. Je pense qu'il vaut la peine de citer quelques extraits de son discours: "On nous présente cette période d'un demi-siècle comme une sorte d'espace vide de solutions, où l'on ne trouverait que des échecs, où il ne se serait rien passé en matière de rapatriement et de modifications à la constitution. Qu'en est-il en fait?

Je pense qu'il ne faut pas sous-estimer, on ne saurait trop souligner la pertinence, l'importance de l'interprétation que nous a donnée le sénateur Flynn à la modification de la constitution qui est intervenue en 1949. Cette modification signifiait, en effet, que depuis 1949 la constitution a été rapatriée et qu'elle peut être amendée au Canada dans toutes les matières qui n'affectent pas les compétences exclusives des provinces.

Ce que je veux mettre en relief en ce moment, - c'est toujours le sénateur Tremblay qui parle - c'est que la protection des compétences, droits et privilèges des provinces constituait une partie essentielle du rapatriement partiel de la constitution effectué en 1949 et que cette protection représentait la seule justification pour que ce rapatriement se fasse, à l'époque, de façon unilatérale, sans l'accord préalable des provinces, ce qui a été le cas, et c'est ce que nous affirme un témoin privilégié des événements de 1949."

Et le sénateur Tremblay continue: "II n'y a donc pas de doute là-dessus. Si le premier ministre Saint-Laurent et le Parlement canadien se sont crus justifiés de procéder unilatéralement en 1949, c'est essentiellement parce que le rapatriement réalisé à l'époque n'affectait la constitution du Canada que dans les matières exclusivement fédérales et que, pour plus d'assurance, l'on a inscrit explicitement la protection des compétences droits et privilèges des provinces dans l'amendement réalisé. "Mais il s'est passé autre chose en matière de constitution. Il y a eu des amendements. Je pense qu'il y en a eu, depuis 1949, une quinzaine à peu près, mais ce que je veux souligner, c'est qu'il s'est fait des amendements qui affectaient le partage des pouvoirs: en 1940, l'amendement relatif à l'assurance-chômage; en 1951, l'amendement relatif aux pensions de vieillesse; et, en 1964, l'amendement qui ajoutait aux pensions de vieillesse ce que l'on appelle les prestations additionnelles, etc." Le sénateur Tremblay conclut; non, je regrette, il ne conclut pas tout de suite. "Il s'est produit des changements qui changeaient la répartition des compétences et attribuaient au fédéral l'assurance-chômage et ceux que j'ai évoqués. Il s'est produit cet autre type de changement, et lorsqu'il s'agissait de changements qui modifiaient la compétence des provinces, ce fut toujours avec leur accord préalable. "En somme, le demi-siècle qui va de 1927 à nos jours n'est pas un immense espace vide en

matière de rapatriement de la constitution, ni en matière d'amendement à nos lois constitutionnelles impliquant les compétences provinciales, un espace vide de substance et de contenu où l'on ne trouverait qu'une longue série d'échecs, une succession continue d'impasses. "Au surplus, il faut le souligner, aucun des amendements de substance qui ont été apportés à la constitution, sauf celui de 1949 parce qu'il n'affectait pas les compétences des provinces, n'a agrandi le champ des compétences provinciales. Au contraire, c'est toujours dans le sens d'un agrandissement du champ des compétences fédérales que de tels changements ont été apportés."

Ici, c'est la vraie conclusion: "Dans ce contexte, comment peut-on parler honnêtement d'une impasse d'un demi-siècle et surtout d'une impasse qui serait le fait d'un blocage systématique des provinces?"

M. Le Président, encore une fois, il est important dans ce genre de débat que nous soyons clairs. Il faut éviter de confondre les dossiers. Le conflit majeur depuis 53 ans porte essentiellement non sur le fait de rapatrier la constitution, mais, bien sûr, sur le moment et sur la manière de le faire. Toutefois, comme l'a démontré avec éloquence le sénateur Tremblay, malgré ce conflit, il a été possible de modifier l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, à plusieurs reprises, au cours de cette période, par voie de négociations entre gouvernements autonomes.

Il est donc faux de prétendre que nous avons souffert de paralysie constitutionnelle depuis un demi-siècle et que la seule manière de modifier la constitution, c'est de procéder au rapatriement et ce, de manière unilatérale par dessus le marché.

Il me paraît évident que l'argument facile de la paralysie constitutionnelle sert, d'abord et avant tout, à justifier dans l'opinion publique l'usage de la force par le Parlement du Canada à ce moment-ci de manière à convaincre la population qu'il faut en finir avec cette première grande étape de la réforme constitutionnelle, comme le disait le ministre de la Justice lui-même, M. Jean Chrétien, le 6 octobre dernier, à la Chambre des communes.

Si le rapatriement ne nous rend pas plus indépendants en réalité que nous le sommes déjà, à quoi sert-il donc? Autant le faux argument de paralysie constitutionnelle depuis 53 ans sert à justifier le recours à une action unilatérale de la part d'Ottawa, autant la question du rapatriement sert de subterfuge au gouvernement libéral fédéral pour faire modifier immédiatement la Constitution canadienne non par le Parlement canadien, mais bien par le Parlement britannique de manière à placer les provinces devant un fait accompli sur au moins deux points fondamentaux où il n'y a pas d'accord entre les deux ordres de gouvernement présentement. Il s'agit de la formule d'amendement et aussi de la charte des droits et libertés. (12 h 40)

Vous admettrez avec moi que, comme coup de force, c'est fort. J'ai dit précédemment, M. le Président, qu'en matière de rapatriement, ce n'est pas sur le fait de canadianiser l'Acte de l'Amérique du Nord britannique que porte le conflit majeur depuis 53 ans. Tout le monde veut une constitution canadienne qui pourrait être modifiée ici même au Canada; là où on ne s'entend pas, c'est sur le moment, sur la formule d'amendement qui doit nécessairement accompagner le rapatriement et sur la manière de procéder à cette canadianisation.

Le moment choisi pour procéder au rapatriement ainsi que la formule d'amendement son deux sujets importants et, pour une province comme le Québec, foyer principal de l'une des deux nations fondatrices de ce pays, j'ose même dire que ces deux sujets sont capitaux pour nous. L'Union Nationale a toujours considéré que le repatriement et le choix d'une formule d'amendement qui doit nécessairement l'accompagner devaient se faire à la fin d'une période de révision constitutionnelle, non au début comme veut nous l'imposer présentement le gouvernement fédéral.

La raison en est bien simple et elle est liée à notre conception de la révision constitutionnelle. Pour que celle-ci soit valable, pour qu'elle aille véritablement au fond des choses, comme l'ont souhaité, d'ailleurs, la commission Laurendeau-Dunton ainsi que la commission Pepin-Robarts, nous croyons qu'elle doit être abordée globalement. En effet, notre philosophie constitutionnelle est fondée sur la reconnaissance explicite que le Canada est formé de deux nations: l'une de langue anglaise et l'autre de langue française, celle-ci ayant son premier foyer et son centre de gravité au Québec, bien qu'elle s'étende sur l'ensemble du territoire canadien.

Le Québec, foyer principal de l'une des deux nations fondatrices du pays, constitue la seule province à majorité de langue française au Canada et ce caractère distinctif lui confère des responsabilités particulières. Il va de soi que la répartition des pouvoirs que nous souhaitons établir entre les deux ordres de gouvernement ainsi que nos propositions sur la composition et les attributions des institutions fédérales tels que, à titre d'exemple, la cour Suprême et le Sénat tirent leur raison d'être de ces grands principes directeurs. L'un existe par rapport à l'autre; il y a une unité d'ensemble.

L'Union Nationale est convaincue, et c'est ainsi qu'elle a agi, tant au pouvoir que dans l'Opposition, que la seule manière efficace et réaliste de faire accepter par nos partenaires canadiens ces principes de base qui font aujourd'hui l'unanimité de tous les partis politiques au Québec, comme l'a illustré la commission parlementaire du mois d'août dernier, c'est d'aborder la question de front, en présentant un projet global de révision constitutionnelle. C'est pourquoi nous avons toujours évité la négociation par pièces détachées, comme le souhaitait le gouvernement fédéral depuis l'échec de la conférence de Victoria. Procéder à la pièce, c'est s'exposer aux dangers réels que la nouvelle Constitution canadienne n'ait pas cette unité d'ensemble que nous souhaitons tous. Procéder à la pièce, c'est faire le jeu des gouvernements, tant fédéral que provinciaux, qui demeurent rébarbatifs à la reconnaissance du caractères distinctif du Québec et des conséquences de cette reconnaissance sur la répartition des pouvoirs et le façonnement de nos institutions fédérales. Or, si ces dangers existent déjà, à l'heure actuelle, sans rapatriement unilatéral, sans formule d'amendement, sachez qu'ils deviendront en quelque sorte institutionnalisés par suite de

l'adoption par Westminster, du projet de résolution du gouvernement libéral fédéral.

Il ne sera plus possible de revenir en arrière. Nous serons condamnés à la négociation pièce par pièce et nous ne pourrons plus compter sur la sauvegarde de la règle de l'unanimité qui nous a souvent protégés dans le passé et qui prévaut encore, pour le moment, relativement à toute modification dans la répartition des pouvoirs entre les deux ordres de gouvernement.

Le ministre de la Justice du Canada a été très clair dans son allocution du 6 octobre dernier: "Lorsque nous aurons réussi à rapatrier notre constitution avec une formule d'amendement, nous aurons à notre disposition un mécanisme qui permettra d'effectuer des changements constitutionnels au fur et à mesure qu'ils seront nécessaires." Quel est donc ce mécanisme? C'est la formule d'amendement, bien sûr. Une formule "made in Canada" qui nous est imposée, à toutes fins pratiques. Certes, dans sa forme actuelle, elle accorde au Québec un droit de veto, puisqu'elle exige l'assentiment de toute province ayant ou ayant eu une population au moins égale à 25% de la population du Canada.

Puisque le gouvernement du Québec exerce son droit de veto, n'y a-t-il pas là une garantie suffisante pour protéger nos droits? La réponse a peu d'importance, car, advenant un veto du Québec, le gouvernement fédéral se réserve le droit de décréter un référendum pour trancher la question. Le gouvernement fédéral agit alors sur sa seule initiative et selon des règles que le Parlement canadien aura fixées seul dans une loi statutaire.

Le référendum, comme mécanisme d'amendement constitutionnel, à l'article 42 de la résolution fédérale, constitue sûrement la disposition la plus dangereuse pour l'évolution du fédéralisme canadien, tel que nous le concevons, car elle ouvre la porte toute grande à la centralisation des pouvoirs entre les mains d'Ottawa.

Comme l'a si bien dit le sénateur Tremblay, le mois dernier, au Sénat canadien, "cette formule institue sur une base permanente l'action unilatérale du Parlement par-dessus la tête des Législatures provinciales". Et le sénateur ajoutait: "II s'agit bien d'une théorie générale du fédéralisme canadien, puisque l'emploi du "deadlock breaking mechanism" - c'est ainsi qu'il l'a baptisé - ne se limitera pas à l'opération du rapatriement, mais qu'il fera partie intégrante de la Constitution canadienne à titre permanent pour l'avenir. Et, sur cette formule de l'amendement de l'article 42, les provinces ne sont pas invitées à donner un avis quelconque ou à proposer une alternative."

Non seulement le gouvernement fédéral à Ottawa agit-il unilatéralement en choisissant seul le moment du rapatriement et en imposant à tous une formule d'amendement qu'il favorise, mais aussi pousse-t-il l'arrogance au point de se donner à son usage exclusif un mécanisme permanent d'action unilatérale.

Cette manière de procéder, qu'il s'agisse du rapatriement proprement dit ou de la formule d'amendement, est inacceptable et contraire aux règles du jeu qui ont été suivies depuis 1867 par tous les gouvernements fédéraux et provinciaux. C'est la première fois, à mon avis, qu'un ordre de gouvernement s'arroge à lui seul la propriété de la constitution. C'est nier et bafouer à sa face même le principe fondamental de l'égalité juridique de deux ordres de gouvernement, principe auquel souscrivent tous les partis politiques en cette Chambre. (12 h 50)

Le gouvernement d'Ottawa nous propose une nouvelle théorie du fédéralisme et il cherche à nous l'imposer par la force, puisqu'une majorité des provinces n'en veut pas. C'est l'un des coprésidents de la commission Pepin-Robarts sur l'unité canadienne, M. Jean-Luc Pepin, maintenant ministre des Transports dans le gouvernement Trudeau à Ottawa, qui, après avoir évoqué une première école de pensée fondée sur le principe d'égalité juridique de deux ordres de gouvernement, a le mieux décrit cette nouvelle théorie du fédéralisme qui se dégage des propositions fédérales: "Cette deuxième école, celle du fédéralisme de séniorité juridique - c'est comme cela que je l'appelle - proclame, à cause de ses responsabilités plus larges et plus ultimes, plus définitives, que le gouvernement central a des obligations envers l'ensemble du pays auquel lui seul peut faire face dans l'intérêt de la collectivité globale, surtout dans le cas de conflit d'apparence insoluble comme celui que nous connaissons présentement en matière constitutionnelle." M. Pepin concluait ses propos en disant: "Quoi qu'il en soit, pour ma part, je refuse de m'encarcaner dans l'une ou l'autre de ces deux écoles, bien que, psychologiquement je préfère la première."

Mme la Présidente, il faut croire que la psychologie n'a pas l'attrait de la politique, puisque M. Pepin a jugé bon, malgré cette dernière affirmation, de se rallier à la majorité ministérielle. Toutefois, cette défection ne doit pas nous faire oublier la recommandation suivante du rapport Pepin-Robarts: "Nous considérons que les gouvernements provinciaux sont de stature et de maturité égales à celles du gouvernement central, et nous recommandons, sans aucune hésitation, qu'une nouvelle constitution reconnaisse leur égalité de statut." C'est donc la commission Pepin-Robarts qui a prononcé ces belles paroles.

L'Union Nationale partage entièrement cette recommandation de la commission Pepin-Robarts. C'est d'ailleurs sur ce principe fondamental que nous nous appuyons pour affirmer qu'une nouvelle Constitution canadienne doit reconnaître l'autonomie de chaque ordre de gouvernement dans les sphères de compétence qui lui sont attribuées par la constitution.

En résumé, les conséquences du rapatriement unilatéral que nous propose le gouvernement d'Ottawa sur l'évolution des relations fédérales-provinciales me semblent très claires. En acceptant la résolution fédérale, nous acceptons par le fait même de subordonner les gouvernements provinciaux à la volonté du gouvernement fédéral, qui devient, sur une base permanente, un gouvernement de séniorité juridique.

Il n'est plus question de reconnaître l'égalité de statut constitutionnel des deux ordres de gouvernement. Le fédéralisme canadien se trouve alors vicié dans ses fondements mêmes. La voie est toute grande ouverte pour le début d'une ère de centralisation des pouvoirs entre les mains du gouvernement fédéral et ce sur une base permanente, grâce à un mécanisme d'amen-

dements constitutionnels qu'il est le seul à contrôler et dont il fixe les règles du fonctionnement.

L'Union Nationale ne peut accepter qu'une telle démarche soit entreprise sans le consentement exprès du gouvernement québécois. À mon avis, aucun gouvernement québécois, nonobstant le parti au pouvoir, ne peut accepter cette démarche unilatérale pour les raisons que j'ai citées précédemment.

Nous devons nous y opposer avec force et aussi avec la plus grande vigueur possible. Le caractère unilatéral du rapatriement de la constitution n'est pas le seul point de la démarche fédérale qui suscite la critique et la réprobation générale. Il faut constamment avoir à l'esprit que toute cette question de rapatriement n'est que subterfuge, en réalité, pour masquer une opération beaucoup plus odieuse qui vise à faire faire par un Parlement étranger ce que nous n'osons même pas faire ici nous-mêmes, tellement l'opposition des provinces y est forte. Comme exemple de lâcheté, j'ai rarement vu pire.

Est-ce juste, est-ce équitable, dans le système fédéral, qu'un ordre de gouvernement, en l'occurrence le gouvernement fédéral, sous le couvert du rapatriement qu'il fait adopter par un Parlement étranger, sans le consentement du Québec et, disons-le, également d'une majorité de provinces, impose immédiatement un changement constitutionnel majeur, à savoir l'adoption d'une charte des droits et libertés de la personne, alors que, pour tout changement ultérieur au rapatriement, il fait subir aux provinces la règle de l'unanimité pour les deux prochaines années et, par la suite, une formule d'amendement qui permette, en pratique, au gouvernement fédéral, de passer par-dessus la tête des gouvernements provinciaux chaque fois que cela lui plaira?

Poser la question c'est y répondre. C'est carrément injuste et arbitraire. Au sujet de cette charte des droits et des libertés, nous croyons que la précipitation du gouvernement libéral, à Ottawa, est prématurée.

Lorsque le premier ministre Trudeau nous crie, en détresse, que c'est notre dernière chance, il y a là une grave exagération. C'est sûrement la dernière chance de M. Trudeau de réaliser ce rêve qui lui est si cher, puisqu'il exerce présentement son dernier mandat comme premier ministre. Toutefois, comme l'histoire du Canada ne s'arrêtera pas au lendemain du départ du premier ministre, nous sommes convaincus qu'il sera possible de revenir sur cette question à un autre moment donné.

De façon générale, la position traditionnelle de l'Union Nationale sur cette question a été de considérer comme prioritaire, d'abord, la conclusion d'une entente entre les deux ordres de gouvernement sur le partage des pouvoirs avant d'aborder l'insertion dans la constitution d'une charte des droits. Nous croyons également, comme l'a déjà mentionné le premier ministre Daniel Johnson en 1968, qu'il y a un lien direct entre l'inclusion d'une charte dans la constitution et la réforme de la Cour suprême. En effet, dans un contexte fédératif, il est essentiel que l'autorité chargée de faire respecter une charte des droits soit clairement précisée. Dans la proposition qui nous est soumise aujourd'hui, cette mission est dévolue aux tribunaux et particulièrement à la Cour suprême du Canada.

Or, sur ce point, nous croyons qu'il est toujours pertinent de répéter l'avertissement qu'avait lancé Daniel Johnson en 1968: "Dans un pays unitaire dont la société est homogène, il est possible de concevoir les déclarations de droits comme résumant la philosophie morale acceptée par toute la population et d'en faire découler tous les droits des citoyens. Ceci a alors pour résultat de consacrer dans la constitution une tendance à l'homogénéité des conceptions ethniques dont l'application relève des tribunaux. (13 heures) "Nous estimons qu'en régime fédéral, et principalement dans le cas du Canada, ce serait commettre une erreur politique grave que de procéder de cette façon. Les traditions de droits civils du Québec et la manière dont les droits fondamentaux y sont reconnus et protégés diffèrent, en effet, considérablement de la manière de procéder des tribunaux de Common Law. Si donc, on envisage une déclaration des droits à ce point fondamentale que le plus haut tribunal constitutionnel canadien doive expliciter ces droits, nous sommes forcés de demander que l'on examine au préalable l'établissement d'un tribunal constitutionnel."

Mme la Présidente, en plus de ces réticences de fond qui sont suffisantes, à notre avis, pour demander au gouvernement fédéral de retirer cette charte de son projet de résolution, il y a une objection de forme à toute cette démarche qui nous paraît fondamentale: Appartient-il à un Parlement étranger d'adopter une charte canadienne des droits et libertés? Si le gouvernement libéral, à Ottawa, est si convaincu de son appui populaire sur cette question, pourquoi alors cherche-t-il à l'imposer par la force immédiatement? Pourquoi refuse-t-il de la soumettre au jeu de la négociation et, advenant toujours une impasse, de la soumettre au peuple sous forme de référendum, conformément à son projet de résolution?

Nous avons là un exemple frappant de deux poids, deux mesures. Les changements souhaités par les provinces, et particulièrement par le Québec, devront subir la règle de l'unanimité pour les prochaines deux années. Par la suite, elles seront soumises à une formule d'amendement prévue dans le projet de résolution fédéral. Le gouvernement fédéral, lui, n'a pas à subir la règle de l'unanimité sur la question de la charte des droits et libertés à laquelle il tient mordicus. C'est immédiatement qu'il l'impose aux provinces en passant sournoisement l'affaire sous le couvert du rapatriement.

Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots sur l'inclusion des droits linguistiques dans la charte des droits et libertés. Après mûre réflexion, nous sommes venus à la conclusion que l'attitude adoptée par le rapport Pepin-Robarts sur cette question nous paraissait la plus juste et la plus conforme à la réalité canadienne. Essentiellement, cette position se résume à inviter les provinces à assurer, par législation, la protection de leurs minorités en tenant compte de leur situation respective. La commission a écarté le recours aux garanties constitutionnelles et a préféré faire appel à l'intelligence et au sens de l'équité de la population.

Nous sommes convaincus que cette solution s'avérera sûrement la plus réaliste à long terme et la plus susceptible d'éviter des affrontements

inutiles et stériles. J'en profite donc pour inviter tous les Québécois et toutes les Québécoises qui nous écoutent peut-être en ce moment à souscrire à la motion qui nous est soumise aujourd'hui. J'espère que les motifs de notre opposition à nous, de l'Union Nationale, ont permis à certains d'entre vous de mieux comprendre la nature du problème, et surtout l'enjeu de toute cette affaire sur une évolution équilibrée du fédéralisme canadien au cours des prochaines années.

Les modifications proposées par le gouvernement d'Ottawa sont de nature fondamentale. Elles auront un effet permanent. Il serait dangereux que nous nous laissions berner plus longtemps par l'euphorie initiale du rapatriement de la Constitution canadienne.

J'ai déjà dit, lors de ma réponse au message inaugural, que, puisqu'il y avait accord sur le fond de tous les partis politiques représentés en cette Chambre, seuls des motifs partisans pouvaient empêcher la création d'un front commun qui nous permettrait de dire que c'est à l'unanimité que l'Assemblée nationale s'est prononcée en faveur de cette motion.

En tant que parlementaires, si nous voulons que cette motion ait vraiment toute la force qu'elle mérite, tant au niveau du Parlement canadien que du Parlement britannique, il faut absolument faire un effort pour que notre adresse, ici à Québec, soit au moins unanime. Si nous réussissons à franchir les murs de la partisanerie traditionnelle, il sera alors plus facile non seulement de convaincre nos concitoyens de l'urgence de la situation mais aussi de susciter une opposition vraiment panquébécoise qui prendra forcément une allure irréversible.

J'ai déjà suggéré, lors de ma rencontre avec le premier ministre en compagnie du leader parlementaire de l'Union Nationale, qu'à la suite de l'adoption de cette motion par l'Assemblée nationale nous mettions sur pied un genre de comité ad hoc de parlementaires québécois qui pourraient parcourir le Québec en vue d'expliquer aux citoyens les raisons de notre opposition à la démarche unilatérale du gouvernement fédéral. Ce serait une manière concrète de donner suite à ce voeu de l'Assemblée nationale, tel que le permet l'article 141 de notre règlement relativement à la création de commissions spéciales.

En terminant, Mme la Présidente, je voudrais revenir sur cette idée que j'exprimais tout à l'heure, que, nous de l'Union Nationale, nous ne pouvons accepter qu'une telle démarche de la part du gouvernement d'Ottawa soit entreprise sans le consentement exprès du gouvernement québécois. À mon avis, aucun gouvernement québécois, nonobstant le parti au pouvoir, ne peut accepter cette démarche unilatérale pour toutes les raisons que j'ai données et c'est la raison aussi pour laquelle nous nous opposons vivement et que nous allons appuyer en même temps la motion du premier ministre.

Décision de la vice-présidente

sur la motion d'amendement

du chef de l'Opposition

La Vice-Présidente: Grâce à la collaboration de l'Assemblée, la présidence avait obtenu deux consentements unanimes: le premier pour que le leader de l'Union Nationale puisse s'exprimer sur la motion principale et le second quant à per- mettre à la présidence de rendre sa décision à propos de la recevabilité de la motion de M. le chef de l'Opposition officielle.

J'ai étudié attentivement cette motion d'amendement de M. le chef de l'Opposition officielle. Je l'ai étudiée quant au fond et quant à la forme. L'article 70 de notre règlement dit qu'un amendement doit se rapporter directement au sujet de la motion proposée - ce qui est le cas -et ne peut avoir que les objets suivants: retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres - ce qui est aussi le cas - il est irrecevable si son effet est d'écarter la motion principale sur laquelle il a été proposé et il en est de même d'un sous-amendement par rapport à un amendement. Donc, la motion de M. le chef de l'Opposition officielle est recevable.

Nous prendrons maintenant les interventions sur la motion d'amendement en vertu de l'article 94.-2 de notre règlement quant au droit de parole.

Sur ce, cette Assemblée suspend...

M. Charron: Mme la Présidente...

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

Ajournement du débat

M. Charron: ...avant de suspendre, puis-je proposer, au nom de mon collègue, le ministre des Affaires intergouvernementales, l'ajournement du débat?

La Vice-Présidente: Alors, cette...

Une voix: La suspension.

La Vice-Présidente: L'ajournement du débat?

M. Charron: L'ajournement du débat et la suspension de la Chambre jusqu'à 15 heures. Ne me trompez donc pas!

La Vice-Présidente: Oui. La motion d'ajournement du débat est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté?

M. Charron: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. Suspension des travaux jusqu'à 15 heures.

Reprise de la séance à 15 h 16

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents.

Résolution de régie interne

J'aimerais, conformément aux dispositions de l'article 83 de la Loi sur la Législature, déposer la résolution de régie interne no 635-80 adoptée lors de la réunion de la Commission de régie interne du 12 août 1980.

Avis de la Commission de la fonction publique au Conseil du trésor

J'aimerais également, conformément aux dispositions de l'article 30 de la Loi sur la fonction publique, déposer les avis de la Commission de la fonction publique au Conseil du trésor concernant une série de règlements qui, si vous me dispensez de la lecture, seront énumérés dans le procès-verbal.

Documents déposés.

M. le ministre de l'Energie et des Ressources.

Rapport annuel du ministre de l'Energie et des Ressources

M. Bérubé: M. le Président, il me fait plaisir de déposer au moins trois documents: d'abord, le rapport annuel du ministère de l'Energie et des Ressources.

Décret relatif à une somme additionnelle de capital-actions de la SNA

En deuxième lieu, à l'intention de l'Assemblée nationale, un décret gouvernemental concernant l'approbation du gouvernement relativement au paiement, par le ministre des Finances, d'une somme additionnelle de capital-actions de la Société nationale de l'amiante et un autre concernant également un paiement, par le ministre des Finances, pour des actions de la Société nationale de l'amiante, l'un du 25 juin et l'autre du 29 octobre 1980.

Le Président: Rapport déposé.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Dépôt de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Questions orales des députés.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

Le mandat du Vérificateur général et le Conseil du trésor

M. Lalonde: Le rapport du Vérificateur général portant la date du 10 octobre 1980 confirme le fouillis administratif du ministère de l'Education. En effet, on trouve, dans le gouffre de $500,000,000 relativement au financement de l'enseignement primaire et secondaire, le mythe du bon gouvernement ainsi qu'un ancien ministre de l'Education. Mais il reste un grand nombre de questions que l'enquête du Vérificateur général laisse sans réponse. Ainsi, à deux reprises, dans son rapport, aux pages 3 et 6, le Vérificateur général signale que son mandat ne lui permettait pas d'enquêter sur le processus de l'établissement des crédits budgétaires du ministère de l'Education. On sait que le Conseil du trésor est au coeur même de ce processus. Alors, je voudrais poser la question suivante au ministre des Finances et président du Conseil du trésor: Pourquoi ce dernier, qui a lui-même déclenché l'enquête, s'est-il arrangé pour que l'enquête s'arrête juste à la porte de son jardin et n'aille pas plus loin?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Pour une raison assez simple, M. le Président, c'est que, quand on demande une enquête, c'est habituellement au sujet de choses qu'on ne connaît pas. Or, effectivement, on se posait un certain nombre de questions, par exemple, quant à la qualification et au nombre des enseignants, au nombre des élèves. Ce n'est pas au Conseil du trésor qu'on trouve des choses comme celles-là, c'est soit dans les commissions scolaires, soit au ministère de l'Education.

En somme, on a fait une enquête, non pas sur le connu, mais sur l'inconnu.

M. Lalonde: Alors, M. le Président, ma question additionnelle. Si le ministre faisait enquête sur ce qu'il ne connaissait pas, est-ce qu'il veut indiquer de cette façon qu'il connaissait, au Conseil du trésor, l'existence de ce fouillis administratif et, s'il le connaissait, pourquoi n'en a-t-il pas avisé, la Chambre, lors de l'étude des crédits, et n'a-t-il pas pris les dispositions nécessaires? C'était ma première question additionnelle. (15 h 20)

Deuxièmement, M. le Président, le ministre des Finances a un patron qui s'appelle la Loi sur l'administration financière et, dans cette loi, on crée la fonction de contrôleur des finances. On crée aussi, naturellement, la fonction de Vérificateur général, mais je voudrais en rester simplement au Contrôleur des finances. Le contrôleur a des pouvoirs qui sont décrits aux articles 13 et 14 de la loi et ailleurs, un peu plus loin. Comment se fait-il que le contrôleur des finances, qui est un fonctionnaire du ministre des Finances et qui a accès à tous les dossiers de tous les ministères, ne s'est pas rendu compte du trou qui se creusait pendant trois ans sous les pieds du ministre de l'Education et s'il y a négligence de la part d'un fonctionnaire du ministre des Finances, comment allons-nous savoir si on ne fait pas enquête dans son jardin?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je suis un peu étonné que le député de Marguerite-Bourgeoys vienne me demander, à moi, pourquoi je n'ai pas mis la Chambre au courant. En fait, la Chambre a été mise au courant dans le discours sur le budget, par moi, alors que personne n'avait soulevé cette question où que ce soit et les données dont discute le député de Marguerite-Bourgeoys découlent toutes, encore aujourd'hui, de ce que j'avais dit dans le discours du budget. Et les modifications qui ont été apportées au contrôle financier des commissions scolaires découlent toutes, en date d'aujourd'hui encore, toutes du discours sur le budget.

En somme, je n'ai pas attendu soit qu'un député de l'opposition, soit que des journalistes, soit que des commissaires d'école, soit que la Fédération des commissions scolaires m'alertent

là-dessus, c'est moi qui ai alerté tout le monde. Qu'on ne vienne pas me dire: Comment se fait-il que le ministre des Finances n'ait pas saisi la Chambre? Je ne pouvais pas le faire, M. le Président, d'une façon plus solennelle que par les paragraphes que j'ai écrits moi-même de ma main dans le discours sur le budget.

M. Goulet: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le député de Bellechasse, sur une question de privilège.

M. Goulet: Pour la deuxième fois, j'aimerais, M. le Président, soulever cette question de privilège à la suite des propos que vient de tenir le ministre des Finances, la même question de privilège qu'au mois de juin. Le député de Bellechasse, celui qui vous parle, un mois avant le discours sur le budget, avait formulé une question, ici à l'Assemblée nationale, sur...

Le Président: Je m'excuse. S'il vous plaît! J'aimerais que vous m'expliquiez en quoi vos privilèges de membre de cette Assemblée ont été brimés.

Une voix: ... induit la Chambre en erreur.

M. Goulet: M. le Président, le ministre a peut-être sans le vouloir induit la Chambre en erreur. Il a dit à trois ou quatre reprises: Aucun parlementaire, aucun député de l'Opposition n'avait soulevé cette question en Chambre. Et il a dit: C'est moi-même qui l'ai écrit dans le discours sur le budget. C'est faux, M. le Président, le député de Bellechasse s'est levé, dès le début du mois de mars, un mois avant le discours sur le budget, pour formuler une question sur ce sujet précis.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je ne nie pas le fait que le député de Bellechasse ait pu soulever une question à ce sujet. Ce que je dis simplement, c'est que la totalité des données dont cette Chambre est saisie à l'égard du financement des commissions scolaires, des budgets du ministère de l'Education et de ce qu'il est convenu d'appeler le trou de $500,000,000 a été fournie par moi.

Maintenant, revenons justement à cette question des appellations contrôlées. Le trou de $500,000,000 dont parle le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous rappelle, M. le Président, que ce n'est pas de l'argent soit lancé par les fenêtres, soit égaré sous les fauteuils; ce sont des postes d'enseignants de trop. Ces gens-là sont au travail. Alors, on peut fort bien, comment dire, sur le plan de l'image, parce que cela amuse, parler d'une sorte de trou où se seraient engouffrés des dollars qu'on ne pourrait pas retracer. Je rappelle simplement que ces montants sont dans la base de fonctionnement des commissions scolaires aujourd'hui. C'est donc du personnel administratif ou des enseignants qui sont en poste.

Troisièmement, la question du contrôleur des finances. Il est exact que, dans la formulation du travail du contrôleur des finances, lorsqu'il s'agit de transferts du gouvernement vers un réseau, le rôle traditionnel du contrôleur des finances consiste à constater s'il y a des crédits pour faire ces transferts. Si, effectivement, il y a des crédits pour faire ces transferts, le contrôleur des finances les autorise.

Il est clair, je pense, compte tenu de ce qui s'est passé depuis quelque temps - on le voit justement dans cette discussion que nous avons à l'égard des commissions scolaires - qu'il faut redéfinir le rôle du contrôleur des finances non pas tellement dans la loi, mais, comment dire? dans les pratiques administratives courantes, de façon à ce que le contrôleur des finances puisse aller plus loin qu'un simple constat que des crédits existent pour émettre des chèques. Là, il y a, comment dire? une sorte de partage des fonctions entre le Conseil du trésor, qui procède à un certain nombre d'analyses, et le contrôleur des finances qui, je pense, aussi, doit aller un peu plus loin dans l'examen de l'émission des chèques, de façon que ces deux organismes soient coordonnés. Les instructions que j'ai données en ce sens, je pense, devraient permettre d'établir une coordination bien meilleure que celle qu'on a connue dans le passé entre, d'une part, les analyses du Conseil du trésor et, d'autre part, la vérification des comptes au niveau du contrôleur des finances.

M. Lalonde: M. le Président, le ministre nous dit qu'il a informé la Chambre le 25 mars 1980. Ma question, c'est: Pourquoi ne l'a-t-il pas fait auparavant s'il connaissait l'existence de cette situation? S'il ne la connaissait pas, comment se fait-il qu'il ne la connaissait pas au Conseil du trésor? Je lui rappellerai que, dans la Loi de l'administration financière, à l'article 23, on donne au Conseil du trésor le devoir de préparer les prévisions budgétaires et on dit ceci: "À ces fins, il - le Conseil du trésor - analyse les implications financières des plans et programmes des ministères ( y compris le ministère de l'Éducation, en l'occurrence) et organismes du gouvernement, et recueille auprès d'eux les données requises pour la préparation de ces prévisions."

De toute évidence, les données que vous avez recueillies étaient fausses, puisque, quatre ans après être rendus au pouvoir, ou trois ans et demi, vous devez passer aux aveux et reconnaître qu'il y a $500,000,000 - je n'ai pas dit, de volés, de fraudés - de disparus, enfin, dont vous ne connaissiez pas l'existence, qui ont été dépensés en trop.

Alors, si le Conseil du trésor a été impuissant à se rendre compte de cette situation au ministère de l'Éducation - ça peut exister aussi dans d'autres ministères; j'espère que non -comment le ministre peut-il refuser qu'une enquête ait lieu dans son ministère?

Et, en dernière additionnelle, je vais l'ajouter à celle-ci, est-ce que le ministre, comme premier pas à cette enquête, serait prêt à suggérer au leader, ou au chef du gouvernement de convoquer la commission parlementaire des comptes publics, qui existe encore dans nos traditions et qu'elle soit présidée, comme cela se fait ailleurs, par un député de l'Opposition?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, le député de Marguerite-Bourgeoys, là, va beaucoup trop loin. Il me demande comment il se fait que je n'en ai parlé que dans le discours du budget. C'est pour une raison très simple. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire en cette Chambre, au moment de la vérification définitive des comptes des commissions scolaires de 1976-1977, c'est là vraiment que nous avons eu la confirmation qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas sur le plan de l'évaluation des budgets des commissions scolaires.

Or, ce n'est qu'en novembre qu'on a vu apparaître cette question et cela n'est qu'à partir du début janvier que l'ensemble des instructions nécessaires pour corriger la situation, en donnant aux commissions scolaires une enveloppe fermée, un budget fermé, a été servi, ce qui fait que, dorénavant, elles ne pourront plus dépenser des sommes dans l'espoir qu'un ajustement, un an plus tard, deux ans plus tard ou trois ans plus tard, viendra les compenser.

Nous avons donc travaillé, en janvier et février, sur ce nouveau cadre, et après avoir préparé ce nouveau cadre, l'avoir mis au point , je l'ai, en mars, annoncé dans le discours sur le budget. Je pense que, dans ce domaine, j'ai agi, avec toute la célérité nécessaire. (15 h 30)

D'autre part, on me dit: Mais pourquoi ne pas réunir la commission des comptes publics, faire une enquête? Je vais vous dire ceci, M. le Président. Le premier trou, à peu près du même montant - puisqu'on veut parler de trou - qui est apparu, est apparu sous mon prédécesseur. Il est presque du même montant. Quand nous avons, à la fin de 1976 et en 1977, eu une idée à peu près définitive, exactement du même phénomène qui s'était produit sous le précédent gouvernement, cela donnait $485,000,000 pour les mêmes causes, et de la même façon.

M. Lalonde: Vous avez laissé faire cela pendant trois ans?

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Merci, M. le Président. On savait donc qu'il y avait dans cette machine une possibilité d'accumulation d'arrérages dans les banques. Oui, parce que c'est comme ça que ça se produit, M. le Président. C'est effectivement la seule façon de financer des excédents par rapport aux budgets qui sont donnés aux institutions des réseaux, ce sont des emprunts bancaires. Nous avons pensé, par un suivi au Conseil du trésor, par une analyse beaucoup plus précise, qu'on pouvait empêcher le même phénomène de se reproduire; en dépit de cela, il s'est reproduit. Donc, on a décidé, pour la première fois, d'établir des budgets fermés pour les commissions scolaires si bien que ce type de phénomènes ne pourra plus se reproduire une troisième fois.

On me dira: Oui, cela s'est fait une première fois, cela s'est fait une deuxième fois. Ce qui a été mis en place nous permet maintenant d'être certain qu'il n'y a pas moyen que cela se reproduise une troisième fois. Dans ce sens...

Une voix: II est quasiment temps!

M. Parizeau: J'entends dire: II est quasiment temps! Oui, sauf que je préfère que ce soit nous qui ayons fermé cette porte plutôt que de traîner, comme cela s'est fait dans le passé, des arrérages en banque que tôt ou tard il fallait toujours payer.

Je vous signalerai, à cet égard, que ce n'est pas le seul réseau où des problèmes de ce genre sont apparus.

M. Lalonde: Non, c'est pire!

M. Parizeau: Par exemple, nous avons hérité... J'entends le député de Marguerite-Bourgeoys dire: C'est pire. Oui, c'est pire, mais pourquoi? Dans le cadre des hôpitaux, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, il commençait aussi à s'accumuler des déficits bancaires tout à fait inattendus compte tenu des directives budgétaires qui étaient données. C'est le gouvernement actuel qui a établi des plans de redressement budgétaire pour les hôpitaux de façon à faire en sorte qu'enfin les hôpitaux entrent dans leur budget.

Des voix: Ah! Ah!

M. Parizeau: Je ne m'imagine pas un instant que quand on essaie de remettre de l'ordre dans les finances publiques cela puisse se faire du jour au lendemain, mais ce gouvernement, que nous représentons, peut au moins rapporter progrès pour la première fois dans un certain nombre de dossiers majeurs où l'argent, manifestement jusqu'à maintenant, n'était pas correctement contrôlé.

Des voix: Bravo!

M. Forget: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: Question principale, M. le député de Beauce-Sud.

M. Forget: Question de privilège, M. le Président.

M. Bérubé: On a fait le ménage quand vous êtes partis.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, sur une question... À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bérubé: On a fait le ménage.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Garon: Les fonctionnaires n'étaient même pas capables d'envoyer les chèques.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Sur une question de privilège, très brièvement, M. le député de Saint-Laurent, pour permettre à votre confrère de Beauce-Sud de poser sa question principale.

M. Forget: Oui, M. le Président. Le ministre des Finances, semblant pris au dépourvu quant à ce qui est du déficit dans le budget du ministère

de l'Éducation, a cru bon de s'en remettre au gouvernement précédent - après quatre ans et demi de gouvernement, c'est assez paradoxal -pour prétendre que les problèmes qui ont été expérimentés dans le domaine de l'éducation se retrouvent...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais tout simplement rappeler aux membres de cette Assemblée que, s'il fallait qu'à chaque fois que quelqu'un n'est pas d'accord avec les paroles prononcées par un autre député, ce soit une question de privilège, nous aurions régulièrement des questions de privilège. Or, je prétends que ce n'est pas là l'esprit et la lettre de notre règlement et, dans ce sens-là, ce n'est pas une question de privilège, et je reconnais le député de Beauce-Sud.

Les producteurs de porc ont-ils demandé une aide financière?

M. Mathieu: M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Je salue sa présence en Chambre aujourd'hui. On s'ennuyait, on ne l'a pas vu de la semaine. J'espère qu'il se penchait sur le sort des producteurs de porc qui sont maintenant en détresse.

Pour étayer ma question, je dois faire lecture d'une motion que j'avais inscrite au feuilleton en date du 13 mars 1980 et qui se lit comme suit - elle est assez courte - "Que cette Assemblée demande au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation de mettre sur pied, dans les meilleurs délais, un programme de compensation financière afin de venir en aide aux producteurs de porc dont la situation, pour la plupart, est devenue intenable, suite à une baisse dramatique du prix du porc sur le prix du marché." Je crois que ce qui était valable en mars est encore valable aujourd'hui.

Nous savons tous que le gouvernement du Québec, par son ministère de l'Agriculture, veut développer une politique d'autosuffisance, ce qui, en soi, est une chose louable. Nous savons tous qu'à cette fin, on a relâché grandement l'ouverture du crédit agricole afin de permettre à des agriculteurs d'emprunter jusqu'à au-delà de $300,000 pour établir une porcherie. On sait que, lorsqu'un agriculteur accepte ce crédit... j'ai besoin, avant de poser la question...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Mathieu: ... de l'étayer légèrement, comme c'est la coutume. On sait que, lorsque le cultivateur voit que le gouvernement est prêt à lui prêter un montant aussi considérable, le producteur se fie aux études faites par le gouvernement et il se dit: Puisque le gouvernement est prêt à me prêter un montant aussi considérable, c'est sûr que c'est un bon placement que je fais là. Or, on sait la chute dramatique du prix du porc le printemps dernier, chute qui accule de nombreux producteurs à la faillite. Face à cela...

Des voix: Une question!

M. Mathieu: ...la question que je veux poser au ministre de l'Agriculture est la suivante, et j'espère que je vais avoir une réponse très courte, aussi.

Des voix: Ah, ah!

M. Mathieu: Devant la détresse des producteurs qui se sentent abandonnés, le ministre a-t-il reçu des producteurs de porc, après le programme spécial soi-disant d'aide qu'il a mis sur pied, une demande d'aide financière? C'est ma question précise.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: M. le Président, je dois dire, quant aux mesures d'aide, que nous voulions établir un plan conjoint, mais le principal adversaire du plan conjoint dans le porc était l'avocat Pierre Paradis, candidat libéral dans Brome-Missisquoi.

Des voix: Oh!

Une voix: Très bien! Vas-y, Jean!

M. Garon: Je constate que, d'un côté du fleuve, l'avocat Paradis parle contre les plans conjoint et que, de l'autre côté, le député de Maskinongé parle pour, ce qui prouve que le Parti libéral n'a pas de politique agricole.

Des voix: Ah!

M. Garon: Je dirai également au député de Beauce-Sud qu'il devrait se renseigner parce que le crédit agricole ne prête pas plus de $250,000 à un prêteur individuel. Alors, $300,000, ce n'est pas vrai! Je suis content de constater que lui, parce qu'il vient de la campagne, il croit à l'autosuffisance, mais son chef n'y croit pas, et il l'a dit hier. Je n'ai pas jugé opportun de quitter des rencontres que j'avais hier avec des agriculteurs pour entendre le député d'Argenteuil. J'aurai l'occasion de répondre la semaine prochaine à ce qu'il a mentionné dans son discours.

Aujourd'hui, je lui dirai ceci. Le député de Beauce-Sud devrait savoir que le prix du porc a commencé à baisser à l'automne 1979, qu'il était à son plus bas au printemps 1980, mais qu'il s'est rétabli depuis le mois d'août 1980. Actuellement, le prix du porc est rétabli. Evidemment, les gens ne font pas autant d'argent à ce prix-là qu'ils en faisaient quand les moulées étaient meilleur marché, mais vous savez que la responsabilité, la raison pour laquelle le prix des moulées est aussi élevé, c'est que le gouvernement fédéral l'a changé le 1er août.

Des voix: Ah!

M. Garon: Le député d'Argenteuil peut peut-être se moquer, mais il pourrait demander aux coopératives et aux syndicats agricoles pourquoi le prix des moulées est cher, eux qui ont fait une délégation avec toutes les instances agricoles du Québec à Ottawa pour demander d'abolir le règlement qui a été adopté le 1er août 1979, ce qui prouve, encore une fois, son ignorance. (15 h 40)

Des voix: Bravo!

M. Garon: Quant au programme de stabilisation, il y a, M. le Président, un programme de stabilisation qui a été établi par le gouvernement en 1978, mais encore une fois, sous les instances du candidat libéral, l'avocat Paradis, dans le comté de Brome-Missisquoi, plusieurs personnes ne se sont pas assurées pensant que le prix du porc ne baisserait plus jamais.

Une voix: C'est vrai.

M. Garon: Cette année, pour aider les producteurs, au lieu du renouvellement d'assurance qui aurait dû être fait le 1er septembre 1980, nous avons avancé la date au 1er juillet et, au lieu de 700 assurés, cette année, il y a 1,700 assurés dans le domaine de la production du porcelet parce qu'ils ont compris que celui qui s'était opposé à la loi no 116 n'était pas plus véridique quand il parlait du domaine de la production du porc.

Je veux dire aussi, M. le Président, qu'actuellement nous travaillons pour établir, éventuellement...

Des voix: Biron, Biron.

M. Garon: Et les calculs...

Des voix: Biron, qu'est-ce qu'il en pense?

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: Oh!

M. Garon: L'avocat Paradis va faire le même job au Parti libéral qu'il a fait à l'Union Nationale.

Des voix: Bravo!

M. Garon: Je vais vous dire une chose. Actuellement, nous travaillons pour établir un nouveau régime pour les producteurs de porc de finition, le porc d'engraissement, non pas parce que cela a été aussi dramatique que le député l'a dit, parce qu'on sait que dans la production du petit porc, le porcelet, il s'agit d'une production où 85% des producteurs sont indépendants et 15% sont intégrés. De sorte qu'il y avait plus de risques et c'est pour cela que nous avons assuré cette production en premier. Dans le domaine de la production du porc de finition, c'est le contraire: 85% des producteurs sont intégrés, de sorte que les pertes ont été assumées en grande partie par des multinationales.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: M. le Président, c'est bien évident que...

Des voix: Encore.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Mathieu: ...nous avons eu droit à un spectacle sur le dos des producteurs de porc.

Des voix: Ah!

M. Mathieu: M. le Président, j'avais posé au ministre une question précise. Est-ce qu'il a reçu une demande d'aide de la part des éleveurs de porc et des producteurs de porc? C'est ma question.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture.

M. Garon: M. le Président, j'ai établi, évidemment, que dans le domaine du porc il y a un plan: par exemple, l'assurance-stabilisation dans le domaine de la production des porcelets.

Des voix: Une réponse.

M. Garon: Je vous réponds.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: Cela fait quinze minutes que tu parles, le gros.

Le Président: À l'ordre! Je remarque que les réponses du ministre sont aussi longues que les préambules du député de Beauce-Sud. Très brièvement, M. le ministre.

M. Garon: Brièvement, voici. Dans le secteur du porcelet, M. le Président, c'est une production assurée et comme dans toute production assurée, il est rare que l'assureur paie aux personnes qui ne sont pas assurées en déduisant la prime du paiement. C'est ce qu'on m'avait demandé et c'est évident. Alors que pour un régime d'assurance, un gouvernement ne peut pas payer ceux qui n'ont pas voulu s'assurer, qui ont choisi de ne pas s'assurer. Dans le domaine de la production du porcelet, actuellement, il y a une assurance et c'était le secteur qui était le plus important à toucher. C'était l'assurance et les gens se sont assurés depuis le 1er juillet, comme ils m'avaient demandé d'avancer l'assurance.

Deuxièmement, dans le domaine du porc de finition, j'ai dit que c'était une production intégrée. La Régie des marchés agricoles vient de recommander actuellement un vote sur un plan conjoint... laissez-moi finir, je réponds à la question. Je parle de politique agricole, je ne parle pas de cataplasmes sur des jambes de bois.

La Régie des marchés agricoles vient de rendre une décision où il y a un plan conjoint dans le domaine du porc qui va aller au vote. En même temps, je peux vous dire que j'ai l'intention de recommander au gouvernement d'établir un régime d'assurance-stabilisation. À ce moment-là, dans le domaine du porc, il pourra y avoir un plan conjoint et un plan de stabilisation pour ceux qui veulent devenir des producteurs indépendants et alors, les problèmes des producteurs indépendants seront réglés. J'ai hâte de voir, pour la question du plan conjoint dans le porc, quelle sera la position des députés du Parti libéral.

Le Président: Très brièvement, pour permettre une question à l'Union Nationale.

M. Mathieu: Très brièvement, une courte question additionnelle, M. le Président. Est-ce que j'interprète bien le ministre en disant qu'il

reconnaît qu'il n'y a pas de problèmes dans le domaine du porc?

Le Président: Très brièvement, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Garon: M. le Président, il y a eu... Des voix: II ne comprend rien.

M. Garon: ...deux mesures qui ont été établies: un régime d'assurance-stabilisation pour les éleveurs de porcelets et, ensuite aussi - je ne l'ai pas mentionné parce que je pensais que tout le monde le savait dans cette Chambre - un crédit spécial pour ceux qui en avaient besoin. Il y en a eu moins de 1000 qui s'en sont prévalus sur environ 8000 producteurs. Je comprends que le Parti libéral préférerait qu'il y ait une crise à ce moment-ci, mais la crise est traversée. Actuellement, on s'en va vers deux, trois ou quatre prochaines années, en fonction des cycles habituels dans le porc, où les prix payés vont être plus élevés que les coûts de production.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

L'avenir de la CECO

M. Fontaine: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice. En 1972, le gouvernement libéral d'alors avait instauré une commission d'enquête, qui s'appelle la CECO, qui était issue de la Commission de police du Québec grâce à cette commission d'enquête, des centaines d'accusations ont été portées devant les tribunaux, des dizaines de condamnations également ont eu lieu. On sait que cette commission d'enquête doit terminer son mandat le 30 novembre prochain. Or, en date du 14 décembre 1979, le député libéral de Saint-Laurent, M. Forget, demandait au ministre de la Justice le démantèlement de cette commission d'enquête. Est-ce que le ministre de la Justice a l'intention de donner suite à cette demande du député?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, comme le député de Nicolet-Yamaska le sait, depuis 1976, la CECO a continué son travail et sa lutte contre le crime organisé. À la différence de ce qui existait auparavant, la CECO, depuis que nous sommes là, poursuit son travail à partir de dossiers spécifiques. À l'heure actuelle, comme vous le savez, elle faite une enquête sur un dossier spécifique et le mandat se terminera vers le 30 décembre. Je suis déjà informé que le coordonnateur de ces dossiers au niveau de la Commission de police, le juge Guy Tremblay, a demandé à me rencontrer au cours de la présente semaine aux fins de m'informer d'autres dossiers qui pourraient éventuellement faire l'objet d'enquêtes plus spéciales de la part de la CECO.

Le Président: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, le ministre ne répond pas exactement à ma question. Ce que je veux savoir et, je pense, ce que la population du Québec attend de lui, c'est qu'il nous dira si, oui ou non, la CECO va continuer à exister sous la forme qu'on connaît actuellement. Plusieurs articles de journaux, dernièrement, nous ont indiqué que c'en était fini de la CECO. Je voudrais que le ministre nous dise si, oui ou non, elle va continuer.

Deuxièmement, concernant un dossier spécifique, on sait qu'il y avait eu un dossier qu'on appelait le dossier VIC, "Very Important Criminals" qui devait être poursuivi ici à Québec et le président, le juge Marier, a dit à la presse qu'il avait l'intention de ne pas poursuivre ce dossier, pour cause de manque de preuves, selon lui, et qu'il avait remis le dossier au ministre de la Justice pour que le ministre lui dise de quelle façon il devait agir face à ce dossier.

M. le Président, quand on s'aperçoit qu'il s'agit de personnes importantes dans le domaine du crime, il semblerait qu'on abandonne les poursuites facilement, alors que, par exemple, quand il s'agit de poursuivre des assistés sociaux, le gouvernement est plus habile à le faire et plus agile également. Qu'est-ce que le ministre de la Justice a l'intention de faire avec ce dossier-là?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je ne pensais pas que le député de Nicolet-Yamaska, même s'il s'occupe des partielles, était prêt à y aller avec autant de démagogie, parce qu'il sait très bien qu'à l'heure actuelle, concernant l'enquête qui se poursuit à Québec sur le dossier spécifique auquel il se réfère, il appartient aux commissaires de la Commission d'enquête sur le crime organisé de décider s'il doit y avoir huis clos ou encore s'il doit y avoir enquête publique. Les commissaires, pour des raisons que le juge a expliquées, ont préféré, ont cru qu'il était important, en fonction de la protection de certaines réputations, tenant compte de certains éléments de preuves qui n'étaient peut-être pas suffisants, de ne pas faire d'audiences publiques. C'est sa décision et ce n'est pas la décision du ministre de la Justice. Tout ce que je peux vous dire, c'est, concernant cette décision de ne pas faire d'enquête publique, que nous pourrons peut-être porter un jugement de valeur, lorsque le rapport d'enquête nous sera remis d'ici le 30 novembre. C'est à ce moment-là que nous pourrons, je crois, évaluer - d'ailleurs, ce rapport-là sera rendu public - jusqu'à quel point les commissaires, les membres de la commission d'enquête étaient en droit de prendre la décision qu'ils ont prise, à savoir celle de ne pas tenir d'audiences publiques.

Concernant la première partie de la question du député de Nicolet-Yamaska, oui, la CECO va continuer son travail sur la base actuelle qui existe, à savoir à partir de dossiers spécifiques qui lui sont confiés pour enquête, parce que, de ce côté-ci de la Chambre, nous croyons que la CECO peut être un instrument important pour lutter contre le crime organisé, mais elle doit cependant fonctionner à partir de dossiers spécifiques où la preuve est très claire que l'enquête policière normale ne peut donner des résultats. C'est mon point de référence. Avant de confier un dossier pour enquête spéciale, un moyen exceptionnel à la CECO, j'exige qu'on me fasse la preuve que l'enquête normale policière

risque de ne donner aucun résultat, aucun développement. C'est seulement à ce moment-là que je permets qu'on utilise ce moyen exceptionnel que constitue la Commission d'enquête sur le crime organisé.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

L'aide au Moyen-Orient et l'OLP

M. Forget: Ma question s'adresse au ministre des Affaires intergouvernementales. Il y a un certain nombre de semaines, un porte-parole de l'Organisation de libération de la Palestine a indiqué - ceci a d'ailleurs été confirmé par des fonctionnaires ou un fonctionnaire du gouvernement du Québec - le gouvernement du Québec accordait, était sur le point d'accorder ou avait accordé une aide de caractère humanitaire directement à l'OLP et destinée, bien sûr, aux Palestiniens du Moyen-Orient.

Est-ce que le ministre serait disposé à confirmer qu'il s'agit bien là d'une orientation du gouvernement? Est-ce qu'il ne serait pas plus normal, dans les circonstances, ou, plutôt, est-ce qu'il est normal, dans les circonstances, que le gouvernement du Québec, par une aide officielle à cet organisme, donne une reconnaissance de fait à l'OLP, qui se livre encore aujourd'hui à des activités terroristes?

Le Président: M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, j'avais eu l'occasion, lorsque j'ai vu cette nouvelle - je pense que c'était dans la Gazette -de rétablir les faits. Peut-être que le député de Saint-Laurent n'a pas vu cet article qui répondait à la nouvelle dont il parle.

Il n'y a eu aucune espèce de reconnaissance officielle de quoi que ce soit. Il n'y a eu aucune rencontre de qui que ce soit de mon ministère avec des représentants de l'OLP. Il s'agit d'une demande de la Croix-Rouge locale, qui s'appelle le Croissant-Rouge, qui nous est venue au gouvernement du Québec par l'entremise du ministère des Affaires sociales. Je pense que le mieux, c'est de laisser à mon collègue des Affaires sociales le soin de répondre à cette question, dont nous nous sommes, à l'époque, entretenus.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: M. le Président, effectivement, comme mon collègue vient de le dire, nous avons reçu de la Croix-Rouge en question, qui s'appelle Croissant-Rouge, une demande pour fourniture, à la fois d'équipement médical et chirurgical et, à la fois, de médicaments.

Nous recevons de telles demandes régulièrement. Nous en recevons d'Afrique, d'Asie, des Antilles et, parfois, même d'Europe. Nous avons demandé à un certain nombre d'hôpitaux, s'ils avaient des surplus d'équipements non utilisés en entreposage, de nous le faire savoir. La demande en question en est toujours à ce stade-là. C'est une demande qui date de quelques mois. Si nous pouvons, avec la collaboration de certains hôpitaux qui ont des équipements qui ne sont plus utilisables et qui ne sont plus utilisés, à ce moment-là, nous pourrons transmettre à la Croix-Rouge, qui s'appelle Croissant-Rouge, sur une base humanitaire, cet équipement, comme nous le faisons à d'autres pays.

Une voix: Très bien!.

M. Lessard: Cela s'adresse aux individus, ça...

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Question supplémentaire, M. le Président. Les équipements en question seront confiés à un organisme. On nous parle du Croissant-Rouge, mais le ministre des Affaires sociales pourrait peut-être nous donner plus de précisions. Le Croissant-Rouge en question, qui existe dans les pays islamiques et qui est analogue à la Croix-Rouge, fonctionnera, dans ce cas-là, sous le contrôle d'autorités politiques ou d'une autorité de fait.

Est-ce que le ministre des Affaires sociales peut nous assurer que les autorités civiles sous la juridiction desquelles le Croissant-Rouge distribuera ce matériel médical ne sont pas effectivement l'OLP et que, en passant par ce canal-là, le gouvernement du Québec adopte une politique, relativement à l'OLP, différente de la politique suivie par le gouvernement canadien?

Le Président: M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, encore une fois, il ne s'agit pas d'aider sur une base humanitaire des organismes ou des pouvoirs politiques. Il s'agit d'aider des individus en détresse, où qu'ils habitent, ces individus. Quand nous donnons à un autre pays, qu'il s'agisse de la Thaïlande ou du Cambodge, des secours semblables, nous n'endossons pas nécessairement la couleur politique des gens qui dirigent les pays en question. Et puisqu'on parle de pays extérieurs, il me fait plaisir, M. le Président, de demander à mon collègue de l'Immigration d'ajouter quelques remarques qui pourraient être pertinentes à la question.

M. Godin: M. le Président, effectivement, le ministère de l'Immigration est saisi d'une demande en vertu du fonds d'aide aux réfugiés. Et je ne crois pas que quiconque dans cette Chambre voudrait que le soulagement de la misère humaine connaisse des frontières, quelles qu'elles soient, ni politiques, ni juridiques ou autres.

Par conséquent, nous étudions avec attention cette demande, comme les autres, et nous aviserons dans quelque semaines de la décision à prendre. Merci beaucoup.

M. Forget: Question supplémentaire, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, dernière question supplémentaire.

M. Forget: En dépit du fait que les ministres du gouvernement se lancent la balle l'un à l'autre, j'aimerais à nouveau demander au ministre des Affaires intergouvernementales, dans le souci de donner une aide de caractère

humanitaire avec laquelle, bien sûr, quant à son intention, tout le monde ici pourrait être d'accord, s'il n'est pas lui-même d'accord qu'il a le choix des moyens et qu'il pourrait utiliser des organisations internationales, comme la Croix-Rouge internationale, plutôt que de choisir de passer par des instruments déterminés. Et je remarque que le ministre des Affaires sociales n'a pas du tout nié le fait que ces approvisionnements médicaux seront acheminés par l'OLP, par un organisme sous le contrôle de l'OLP, sur un territoire sous le contrôle de l'OLP. Il y a là des États que le Canada reconnaît actuellement et l'OLP n'a pas encore ce statut. Et le ministre n'a donné aucune assurance à cette Chambre que la politique étrangère - puisqu'il faut bien parler de cela - suivie par le gouvernement du Québec est compatible avec la politique étrangère canadienne dans cette partie du monde.

Le Président: M. le ministre.

M. Lazure: M. le Président, à sa façon habituelle, le député de Saint-Laurent, non seulement impute des intentions, mais essaie de faire dire des choses à celui qui vous parle, choses que je n'ai pas dites. Je n'ai même pas prononcé le mot "OLP". Je n'ai pas confirmé que nous allions donner quoi que ce soit à l'OLP, puisque nous n'avons pas reçu de demande de l'OLP, M. le Président. Nous avons reçu une demande du Croissant-Rouge, qui est un organisme bona fide reconnu par la Croix-Rouge de Genève. Et je pourrai ces jours-ci apporter au député de Saint-Laurent une coupure de journal où le directeur général de la Croix-Rouge du Canada, dont le siège social est à Toronto, a dit il y a quelque temps, lorsque cette nouvelle a fait les manchettes: Oui, effectivement, le Croissant-Rouge est un organisme reconnu par Genève, par la Croix-Rouge.

Il nous paraît, M. le Président, que le député de Saint-Laurent est parti en chasse aux sorcières, mais qu'il ne fera pas beaucoup de millage sur celle-là.

M. Blank: Question additionnelle. Le ministre des Affaires sociales a parlé...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! II reste deux minutes. J'avais promis une question principale, sans additionnelle, au chef de l'Union Nationale. Je vous reconnaîtrai demain, M. le député de Saint-Louis.

M. le chef de l'Union Nationale.

M. Blank:...

M. Le Moignan: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Sans additionnelle, s'il vous plaît! (16 heures)

Québec a-t-il demandé d'être entendu à Londres?

M. Le Moignan: Sans additionnelle. Je veux poser ma question au ministre des Affaires intergouvernementales. Tout le monde sait qu'aujourd'hui, le comité des affaires étrangères du Parlement de Londres se réunit à huis clos, je crois, pour décider des règles qu'il suivra dans l'étude de la demande gouvernement fédéral concernant le rapatriement de la constitution. Il est fortement question aussi que plusieurs provinces demandent le droit de se faire entendre devant cette commission britannique. Je voudrais savoir du ministre si le Québec a fait une telle demande; dans l'affirmative, est-ce que le Québec entend agir seul ou conjointement avec d'autres provinces pour faire connaître le point de vue de cette Assemblée, tel qu'il a été énoncé ce matin par les chefs des différentes formations politiques?

Le Président: En deux minutes, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui. Nous sommes au courant, depuis la semaine dernière, que ce comité a été formé au Parlement britannique et il nous a semblé très important pour nous de suivre de près ses activités, de connaître son ordre du jour et de connaître surtout son mode de fonctionnement. Nous avons demandé à notre délégation générale du Québec à Londres de prendre contact avec ce comité et de nous fournir les renseignements qui nous seraient nécessaires. Nous avons eu, chaque jour, des messages dont deux viennent de m'arriver ici. Je peux répondre à la question du chef de l'Union Nationale pour le moment comme ceci.

Nous avons dit à notre délégué général de faire savoir au comité que le Québec serait intéressé à faire une présentation orale ou écrite, ou les deux, auprès de ce comité au moment où cela conviendra; cela peut venir à la fin de ce mois-ci ou au début du mois de décembre. Nous avons aussi su que d'autres provinces seraient intéressées à faire la même chose, dont deux que je ne peux pas nommer et une que je peux nommer parce que je viens à l'instant de voir, dans les nouvelles qui vont paraître demain, qu'il semblerait que la Saskatchewan soit intéressée elle-même, peut-être, à faire la même démarche que nous. Nous essayons d'être avec d'autres provinces, mais il est sûr que si nous avons une occasion de défendre les droits et les intérêts du Québec, même si c'est humiliant pour nous d'être obligés, à cause de la démarche fédérale, de le faire dans un pays étranger, nous le ferons parce que c'est ce que les circonstances exigent de nous.

Le Président: J'ai été informé que les ministres de l'Environnement et des Affaires sociales étaient disposés à donner un complément de réponse à une question posée hier par le député de Mont-Royal.

M. le ministre de l'Environnement.

Problèmes de génie sanitaire

dans les villages cris

de la baie James

M. Léger: Tel que promis, je voudrais ajouter à la réponse que j'ai donnée hier pour clarifier la situation. D'abord, dans les affirmations du député de Mont-Royal, il y a deux affirmations de bonne foi, mais qui sont fausses et que je veux rétablir.

Je dois dire, au départ, que quand il y a eu

des problèmes de santé dans le Grand- Nord en août 1980, mon ministère a décidé d'aller enquêter sur place, même si nous n'avions pas juridiction, considérant qu'on ne pouvait pas rester indifférent devant le problème. Cette visite des inspecteurs de mon ministère nous a valu un rapport qu'on appelle le rapport Gariépy. Le député de Mont-Royal a semblé, hier, mêler le rapport Jolicoeur et le rapport Gariépy, puisque le texte ou le paragraphe qu'il a lu à la page 2 qui, selon lui, était disparue du rapport, c'est justement la page 2 du rapport Gariépy. Je tiens à affirmer qu'il est faux que la page 2 n'était pas là puisque le rapport a été remis au Conseil des Cris, page 2 incluse; donc, les Cris étaient au courant du total, de l'ensemble du rapport Gariépy.

Deuxièmement, cette enquête a été faite conjointement avec le ministère des Affaires sociales, et mon collègue pourra ajouter là-dessus un peu plus tard. Le rapport de mon ministère démontrait la nécessité d'installer un réseau d'aqueduc et d'égouts dans ce territoire, mais -encore là, une deuxième fausseté mise de l'avant hier - c'est la responsabilité du gouvernement fédéral de s'en occuper puisque les territoires cris sont sous juridiction fédérale et ne deviendront de juridiction provinciale, c'est-à-dire que le transfert du fédéral au provincial ne se fera que le 31 mars 1981. Quant à la juridiction sur le territoire des Inuits, c'est seulement hier, le 11 novembre 1980, que la juridiction était transférée au gouvernement du Québec.

En ce qui concerne les territoires cris, même là, même si c'est transféré au gouvernement du Québec, la responsabilité des infrastructures relève du gouvernement fédéral, mais je peux assurer le député que le fédéral vient de prendre - cela a pris un bout de temps - des mesures pour remplir ses responsabilités concernant la nécessité d'installer un réseau d'aqueduc et d'égouts pour la qualité hygiénique de la région. Des appels d'offres ont été lancés dernièrement. Les réseaux seront construits au printemps par la Société de logement des Cris, conformément à l'entente Cris-fédéral. J'espère que cela répond à sa question.

Dans les deux cas, il est faux qu'il manquait la page 2 et il est faux de dire que c'était de la responsabilité du Québec.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales, très brièvement.

M. Lazure: Très brièvement, M. le Président, étant donné que le député de Mont-Royal, probablement de bonne foi, avec un petit peu de confusion dans les dossiers puisqu'il y a eu un certain nombre de rapports au cours de l'été, avait laissé entendre aussi et me mettait en cause, mettait mon ministère en cause, dans l'épisode de la soi-disant page déchirée, je veux affirmer de mon siège qu'il n'y a jamais eu de page déchirée dans le rapport que nous avons envoyé le 27 août à M. Andrew Moore, président du Conseil régional des services de santé et services sociaux chez les Cris. Non seulement il n'y a pas eu de page déchirée, mais le rapport a été rendu public le même jour et je le dépose dans cette Chambre pour la bonne connaissance du député de Mont-Royal.

Le Président: Je permets une question additionnelle au député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais soulever une question de privilège.

Le Président: Question de privilège.

M. Ciaccia: Question de privilège et je voudrais rétablir les faits. C'est une tactique bien connue que pour éviter la réponse sur le fond d'une question, on attaque la crédibilité ou le genre de question ou les déclarations qui ont été faites par un député de ce côté-ci de la Chambre. Mais les principes qui sont impliqués ici et les gens qui sont impliqués, cela est trop important pour que je laisse passer les affirmations qui viennent d'être faites par les deux ministres.

Premièrement, hier - et heureusement j'ai les documents devant moi - à la page r/40 des galées, dans la question que j'ai posée au ministre des Affaires sociales, je me suis référé au rapport des médecins et au rapport du ministère de l'Environnement sur la situation d'épidémie dans ces communautés.

J'ai devant moi le rapport que le ministre de l'Environnement appelle le rapport Gariépy. Je ne me suis pas trompé entre le rapport Jolicoeur et le rapport Gariépy. Le rapport Jolicoeur a été remis au Conseil des ministres au mois de janvier 1979. C'est vous qui ne connaissez pas vos dossiers. Le rapport Jolicoeur a recommandé un déboursé de $11,000,000 pour remplir les obligations du gouvernement dans l'entente de la Baie James et ce rapport a été remis au premier ministre. Rien n'est survenu suite à ce rapport. Il y a eu un déclenchement - je rétablis les faits, M. le Président, c'est très important - d'épidémie pendant les mois d'été 1980. Vous avez envoyé des enquêteurs. Le rapport Gariépy a été un des résultats, avec le rapport médical auquel le ministre des Affaires sociales s'est référé.

J'ai le rapport Gariépy qui a été envoyé aux Cris, je suis prêt à le déposer; la page 2 est manquante. Si vous y consentez, je suis prêt à déposer ce rapport qui a été reçu par les Cris sans la page 2. Je suis prêt à déposer la page 2 du rapport qui a été reçue par les Cris durant la semaine du 28 octobre, page 2 qui faisait partie du rapport Gariépy et qui faisait référence à une situation d'épidémie à Fort Rupert. Ils ont appris ça seulement le 28 octobre.

Finalement - ici j'en fais une autre question de privilège - le ministre des Affaires sociales a répondu hier...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: M. le Président, c'est important. Quand j'ai demandé au ministre des Affaires sociales pourquoi il avait...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Très brièvement.

M. Ciaccia: Très brièvement. Quand j'ai demandé au ministre des Affaires sociales pourquoi il avait camouflé les faits, pourquoi il n'avait pas admis qu'il y avait une épidémie, il m'a répondu - je lis sa réponse à la page r/40 des galées:" Je

vais citer des extraits du rapport qui démontrent clairement que des professionnels qui ont fait enquête avaient des opinions partagées."

J'ai le rapport médical que le ministre vient de déposer en Chambre ici. Ce rapport médical se réfère à l'épidémie et je vais citer le rapport."À ce stade de l'épidémie, il nous est impossible de préciser un possible agent causal infectieux unique de cette épidémie." Dans une autre page de ce rapport, il est dit: "II est de plus difficile de prédire l'évolution ultérieure de cette épidémie." En conclusion, M. le Président, ce rapport a été signé unanimement par les quatre médecins qui l'ont rédigé. Ce n'était pas partagé.

Le Président: En 30 secondes...

M. Ciaccia: En conclusion, M. le Président...

M. Charron: Question de règlement.

Le Président: M. le leader, sur une question de règlement. (16 h 10)

M. Charron: Je soulève une question de règlement. Le député, de la façon dont il est parti, abuse du droit qu'il a d'une question additionnelle. Je voudrais lui indiquer qu'il a parfaitement le droit - et notre règlement l'établit clairement -de susciter une question avec débat lors de la toute prochaine séance, c'est-à-dire demain, et de l'inscrire.

Une voix: Si vous pensez que...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

Une voix: Question avec débat.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît, en vous rappelant que je ne mets peut-être pas en pratique la directive que j'ai émise tout à l'heure dans ce cas-ci. Trente secondes, M, le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, j'ai été attaqué par deux ministres. Alors, je crois que j'avais le droit de formuler ma question de privilège. En concluant, je répète que le ministre a camouflé les faits et, en plus, a induit cette Chambre en erreur. Merci, M. le Président.

M. Lazure: M. le Président, question de privilège...

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Lazure: ...rapidement. Le député de Mont-Royal récidive. Je n'ai pas camouflé les faits. Dans le rapport médical que je viens de présenter...

Des voix: Non, non, ce n'est pas...

M. Lazure: Un instant! ...signé par quatre médecins, trois de Montréal et un de Québec, j'ai dit hier qu'il y avait des opinions divergentes et je le soutiens encore. Si le député de Mont-Royal veut faire un débat là-dessus, je le renverrai, par exemple, à la page 3: "Le peu d'informations recueillies ne nous permet pas de déclarer avec certitude s'il y a eu ou non une épidémie de diarrhée à Némiscau en 1980."

Il y a eu divergence, M. le Président, et j'aimerais qu'on s'en tienne à cela, mais, de là à prétendre que j'ai camouflé la vérité, c'est être...

Mme Lavoie-Roux: Dans quel rapport? À quel endroit?

M. Lazure: ...pour le moins malhonnête. C'est à la page 3.

M. Ciaccia: Question de privilège, M. le Président!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Une dernière intervention.

M. Ciaccia: Je me suis fait accuser d'être malhonnête, M. le Président. Je crois que je peux répondre à cette fausse accusation. Le ministre des Affaires sociales a cité un des deux rapports. L'accusation n'était pas qu'il y avait une épidémie à Némiscau. L'accusation était qu'il y avait épidémie à Fort-Rupert...

Mme Lavoie-Roux: Ah!

M. Ciaccia: ...et, sur ce rapport, c'est unanime, il y a épidémie à Fort-Rupert. J'ai le rapport ici. Je suis prêt, M. le Président, à le déposer. C'est unanime de la part des quatre médecins.

M. Léger: M. le Président...

Le Président: M. le ministre de l'Environnement, sur une question de privilège.

M. Ciaccia: II passe d'un rapport à l'autre!

M. Léger: Le député de Mont-Royal n'a jamais parlé hier du rapport Gariépy. Jamais il n'a parlé du rapport Gariépy et c'est dans le rapport Gariépy que vous soulevez la question de la page 2, premièrement. Deuxièmement, le rapport Gariépy a été remis le 2 septembre. Je viens de communiquer avec M. Gariépy lui-même, qui est directeur régional à Radisson, qui m'affirme que le rapport a été donné au complet aux Cris. Troisièmement, le rapport Jolicoeur, lui, ne précise pas du tout qui doit payer les $11,000,000 puisqu'on est encore en juridiction fédérale.

Des voix: Ah! Allo!

Le Président: À l'ordre!

M. Ciaccia: M. le Président, question de privilège! Question de privilège!

Le Président: Nous avions terminé la période des questions. Nous venons de commencer la période des privilèges.

M. Ciaccia: Très brièvement, M. le Président. Il continue de...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! J'aimerais vous rappeler la directive que j'ai émise tout à l'heure en disant que, lorsque deux députés ne sont pas tout à fait d'accord sur l'interprétation d'un texte, il ne s'agit pas et il ne s'est jamais agi dans mon esprit, même avant aujourd'hui, d'une question de privilège et je me rends compte que j'ai désobéi complètement à la directive que j'ai émise tout à l'heure. En conséquence, c'est la fin de la période des questions.

M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: En vertu de l'article 34, M. le Président...

Le Président: Oui.

M. Lalande: Hier...

Des voix: Motions non annoncées.

La Vice-Présidente: Motions non annoncées.

Une voix: Pas de motion.

La Vice-Présidente: Non, pas de motion.

Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Avis à la Chambre.

M. Charron: II n'y en a pas.

La Vice-Présidente: M. le député de Maisonneuve.

M. Lalande: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: Une question en vertu de l'article 34, sans doute.

Recours à l'article 34

M. Lalande: En vertu de l'article 34, oui, Mme la Présidente. Hier, en réponse à une de mes questions concernant les problèmes dans le monde du taxi à Montréal, le ministre des Transports nous a dit qu'à la suite des lettres de menace de mort que certains dirigeants de l'industrie du taxi avaient reçues, le ministre de la Justice allait nous répondre concernant, j'imagine, une enquête probable qui devrait être tenue bientôt à ce sujet. Vu que le ministre de la Justice était ici, il y a quelques minutes, je demanderais au ministre s'il a été saisi de cette affaire et si, effectivement, il va tenir une enquête sur cette question.

La Vice-Présidente: M. le député, vous auriez pu profiter de la période des questions. Je vous demanderais de le faire à la prochaine occasion, s'il vous plaît!

M. Forget: Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'aurais une question, Mme la Présidente, qui s'adresse directement à la présidence et c'est une demande de directive.

Nous avons pris connaissance, il y a quelque temps, que le prédécesseur du président actuel avait utilisé les locaux de l'Assemblée nationale pour une réunion à caractère partisan de l'exécutif de son association de comté. Nous avons effectué des recherches depuis qui indiquent que l'utilisation de certaines salles de l'Assemblée nationale a été faite de façon qui apparaît, au moins à première vue, comme irrégulière puisqu'elle n'impliquait pas des parlementaires eux-mêmes pour lesquels, nous semble-t-il, les locaux de l'Assemblée nationale devraient être réservés. Il y a eu plusieurs groupes privés qui se sont servis en particulier de la salle de conférence de presse qui est attenante aux locaux de l'Assemblée nationale.

La demande de directive que j'adresse à la présidence est la suivante. Maintenant que nous sommes sous un nouveau mandat ou une nouvelle présidence, est-ce que cela ne serait pas le moment approprié pour que des règles soient adoptées relativement à ceux qui devraient avoir l'usage exclusif des locaux de l'Assemblée nationale, qui pourraient comprendre, bien sûr, la possibilité que lorsque, par exemple, des travaux de commissions parlementaires permettent la présentation de mémoires par certains groupes, d'un commun accord des parties représentées à la commission parlementaire, l'on puisse autoriser ces groupes à utiliser, par exemple, la salle de conférence de presse pour des exposés au public.

À tout événement, ce n'est là qu'une suggestion, Mme la Présidente, mais la directive que je demande à la présidence, c'est de préciser les droits d'utilisation et les procédures d'utilisation des locaux de l'Assemblée nationale de manière à éviter en particulier les événements récents qui ont été soulignés dans la presse, à savoir qu'une réunion d'une association de comté péquiste se serait déroulée dans les locaux de l'Assemblée nationale, ce qui nous apparaît comme une utilisation inappropriée.

La Vice-Présidente: Je prends bonne note de votre demande de directive. Je vais d'abord vous parler au conditionnel, bien sûr, et je vais vérifier ce qui pourrait s'être passé. Je pense aussi que vous pourriez peut-être poser la question au moment d'une période des questions. Je vais m'occuper de voir à ce que nous puissions rendre une directive dans un cas comme celui-là. D'accord.

M. le leader...

M. Lalonde: En vertu de l'article 34.

La Vice-Présidente: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Mme la Présidente, j'aimerais demander au leader si c'est son intention de convoquer la commission parlementaire des comptes publics pour entendre le Vérificateur général sur son rapport relativement au trou de $500,000,000.

La Vice-Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Non, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente: M. le leader du

gouvernement, affaires du jour.

M. Charron: Comme la motion adoptée hier nous invite à le faire, j'appelle l'article 1 du feuilleton, s'il vous plaît!

Reprise du débat sur la motion du premier ministre

La Vice-Présidente: II s'agit de la reprise du débat sur la motion d'amendement de M. le chef de l'Opposition officielle, amendement à la motion principale de M. le premier ministre. Je vous lis donc la motion principale et, ensuite, la motion d'amendement. (16 h 20)

La motion de M. le premier ministre se lit comme suit: "L'Assemblée nationale du Québec s'oppose formellement à la démarche entreprise par le gouvernement fédéral, de façon unilatérale et malgré l'opposition de la majorité des provinces, en vue de faire modifier la constitution du Canada par le Parlement britannique au lieu d'en poursuivre ici le renouvellement par voie de négociations. "Puisque cette constitution définit depuis 1867 les droits du Québec en tant qu'Etat membre fondateur de la fédération canadienne, l'Assemblée nationale demande aux membres du Parlement du Canada et du Parlement du Royaume-Uni de ne pas donner suite à cette démarche unilatérale qui est contraire à la nature même du système fédéral et à la règle bien établie du nécessaire consentement des provinces."

La motion d'amendement sur laquelle nous prendrons les interventions est celle-ci et le parrain de cette motion est M. le chef de l'Opposition officielle: "Que la motion principale soit amendée: "1 En retranchant du premier alinéa les mots "au lieu d'en poursuivre ici le renouvellement par voie de négociations"; "2 En insérant, entre le premier et le deuxième alinéa, l'alinéa suivant: "Fidèle à la volonté de la majorité des citoyens du Québec qui a exprimé son attachement au fédéralisme canadien en rejetant l'option de la souveraineté-association lors du référendum du 20 mai 1980, et consciente de l'adapter aux réalités d'aujourd'hui, l'Assemblée nationale affirme que le renouvellement de la Constitution canadienne doit être réalisé au Canada en conformité avec les principes du fédéralisme et en conséquence par la voie de négociations entre les deux ordres de gouvernement et avec le consentement conjugué du gouvernement fédéral et des Législatures des provinces; 3 En retranchant du deuxième alinéa les mots "et du Parlement du Royaume-Uni" et en ajoutant après le mot "fédéral", à la dixième ligne, le mot "canadien"; 4° En ajoutant à la fin l'alinéa suivant: "L'Assemblée nationale met le Parlement britannique en garde contre toute intervention dans les affaires canadiennes par l'adoption de quelque modification à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui n'aurait pas l'appui des provinces du Canada".

Sur la motion d'amendement de M. le chef de l'Opposition officielle, M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

Motion d'amendement du

chef de l'Opposition M. Claude Morin

M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, comme le premier ministre a eu l'occasion de le rappeler ce matin lors de son intervention devant cette Chambre et comme plusieurs observateurs l'ont noté, nous avons pris beaucoup de soin à la rédaction de la motion proposée par le gouvernement pour demander à l'Assemblée nationale du Québec de s'opposer formellement au coup de force constitutionnel d'Ottawa.

Au cours de notre rédaction, nous avons voulu comme gouvernement respecter trois exigences que nous estimions majeures. D'abord, nous avons voulu que notre option soit la plus brève possible sans, cependant, l'empêcher de contenir l'essentiel d'une position que nous espérions et espérons encore commune à tous les partis représentés à l'Assemblée nationale. Il nous paraissait, et nous paraît encore aujourd'hui, capital, face à l'intérêt le plus fondamental du Québec lui-même, que nous exprimions ici, au-delà de nos allégeances politiques partisanes, notre conviction unanime que la démarche fédérale actuelle est inacceptable.

Déjà, tous les partis, au cours des dernières semaines, ont fait connaître leur réaction devant cette démarche. C'est à partir de ces réactions, qui, d'ailleurs, se recoupent, que nous avons construit la résolution proposée ce matin par le premier ministre. À cette exigence de concision en même temps que d'exactitude, nous avons tenu à en greffer une deuxième. Nous avons, en effet, évité d'entrer dans quelque analyse ou commentaire que ce soit de l'un ou de l'autre des aspects particuliers de la résolution présentée par le premier ministre du Canada au Parlement fédéral. C'est pourquoi notre motion ne dit rien, par exemple, concernant les effets de la résolution fédérale sur telle ou telle loi québécoise. Bien sûr, nous pouvons et nous allons parler de ces effets, vous comme nous d'ailleurs, à l'intérieur de nos discours ici ou devant d'autres auditoires. C'est normal, mais, dans notre motion, nous avons tenu à mettre l'accent sur ce qui nous unit malgré nos allégeances politiques divergentes plutôt que sur ce qui peut nous diviser justement à cause de ces allégeances. Il nous a semblé que les Québécois et les Québécoises, eux aussi divisés, comme c'est normal en démocratie, avaient besoin, face aux problèmes qui nous préoccupent tous, de se retrouver ensemble à travers nous, hommes et femmes politiques siégeant dans cette Assemblée.

Comme troisième exigence, nous avons systématiquement mis de côté tout ce qui pouvait avoir l'air, comme on dit chez nous, de tirer la couverte de notre côté. Cela nous semblait peu opportun dans les graves circonstances présentes. 5i on tient vraiment à tirer la couverte de quelque côté que ce soit, les politiciens ont bien d'autres occasions de le faire que de profiter d'une motion plutôt solennelle comme celle que nous avons à étudier ces jours-ci. C'est pourquoi notre résolution ne fait, par exemple, aucune allusion au comportement tout à fait loyal adopté par la délégation québécoise aux diverses conférences constitutionnelles cet été, comportement remarqué par toutes les autres délégations, y compris celle d'Ottawa.

Nous ne parlons pas non plus de l'attitude fédérale pendant ces mêmes conférences, attitude qui a choqué non seulement le Québec, mais également la plupart des autres provinces et qui -tout le monde le sait maintenant - est, pour une très large part, responsable de l'échec du dernier exercice constitutionnel. Autrement dit, nous n'avons pas voulu interpréter les événements des derniers mois dans un sens ou dans l'autre, nous nous en sommes tenus strictement à des faits concrets et connus et que n'importe qui est en mesure de vérifier.

Voilà donc, Mme la Présidente, dans quel esprit nous avons conçu la résolution qui est maintenant devant nous et sur laquelle nous aurons a nous prononcer. Nous avons aussi toujours dit que cette motion, comme n'importe quelle autre, pouvait subir des amendements. Nous nous attendions d'ailleurs qu'il y en ait et nous étions, au départ, réceptifs, pourvu, bien sûr, que les amendements éventuels ne s'éloignent pas sensiblement des exigences raisonnables qui ont présidé à la rédaction de la motion et dont je viens de parler.

On comprendra dès lors que nous attendions avec beaucoup d'intérêt et aussi d'espoir les amendements que les partis d'opposition pourraient juger utiles d'apporter à notre motion. Intérêt d'abord, parce que les circonstances demandent, ne serait-ce que pendant quelques jours, une coopération active entre nous, je dirais même une concertation, devant le coup de force fédéral.

À ce propos, comme le rappelait ce matin le premier ministre, nous étions tout disposés, avant même que ne débute la présente session, à ce que les partis travaillent avec nous le libellé de cette motion. Comme c'est leur droit le plus strict, les partis d'opposition ont préféré nous laisser la responsabilité entière de la première rédaction de notre texte, ce que nous avons fait et qui a résulté dans le projet qui nous est maintenant connu depuis tôt la semaine dernière.

Nous attendions aussi ces amendements avec espoir, espoir que rien ne viendrait distraire notre assemblée de la tâche immédiate qui s'impose à elle en l'entraînant dans des discussions nées d'amendements qui auraient changé le sens et la portée d'une motion que nous avons voulu la plus acceptable pour tous. Nous avons donc pris connaissance, il y a à peine 4 heures ou 5 heures maintenant, de l'amendement soumis par le Parti libéral. Je dois tout de suite dire, Mme la Présidente, au nom du gouvernement, que nous sommes passablement d'accord avec cet amendement, parce qu'il comporte plusieurs éléments positifs, par conséquent des additions intéressantes, que je tiens à souligner.

On rappelle d'abord l'événement important que fut le référendum de mai dernier. Nous pensons en effet qu'il y a lieu de retenir cette addition avec certaines réserves que je soulèverai tout à l'heure, parce que c'est à la suite de la participation du premier ministre du Canada à la campagne référendaire qu'il s'est ensuite cru autorisé à procéder d'une façon que de plus en plus de gens réprouvent. On mentionne aussi, dans l'amendement libéral, la nécessité, d'adapter le régime politique actuel du Canada aux réalités d'aujourd'hui. Cela aussi nous convient aisément car c'est effectivement la tâche à laquelle le gouvernement et moi personnellement, en compagnie de mes collègues des Affaires parlementaires et de la Justice, nous nous sommes loyalement consacrés pendant la ronde sans précédent de discussions de l'été dernier.

Nous l'avons fait en respectant le résultat du référendum, mais en tenant aussi compte du fait indéniable que le résultat référendaire ne signifiait absolument en rien, pour nous en tout cas, que les Québécois et les Québécoises avaient accepté de se dissoudre comme société distincte, comme peuple et qu'ils n'avaient pas, par conséquent, renoncé à leurs ambitions et a leurs aspirations. (16 h 30)

Les amendements proposés par le Parti libéral précisent aussi la nature de notre attitude par rapport à l'intervention du Parlement britannique dans les affaires canadiennes. Nous sommes bien d'accord avec cette modification à laquelle nous n'ajouterons qu'un petit élément qui a tout de même son importance. C'est donc dire que nous acceptons d'emblée la première, la troisième et la quatrième partie de l'amendement global proposé par le Parti libéral. Cependant, tel que présentement rédigé, le deuxième paragraphe de cet amendement pose une difficulté qui n'est toutefois pas insurmontable pour peu que nous fassions, de part et d'autre, preuve de bonne volonté. En tout cas, il nous paraît contrevenir à une des exigences que nous nous étions fixées, quant à nous, en ce sens qu'il introduit, peut-être involontairement, un élément d'interprétation sur lequel les avis peuvent largement diverger. On donne, en effet, au référendum du 20 mai une interprétation unique et exclusive. On sait pourtant que les interprétations des résultats référendaires sont nombreuses. Par exemple, il y a un instant, j'ai moi-même dit en substance que, pour nous, les résultats du référendum ne signifiaient pas que le Québec avait abdiqué devant la volonté fédérale. Je suis sûr que le Parti libéral du Québec partage aussi ce point de vue. Pourtant, nous n'avons pas voulu introduire une telle interprétation dans le libellé de notre motion.

Tout le monde sait par ailleurs que le premier ministre du Canada interprète le référendum à sa façon. Le chef de l'Opposition s'est lui-même dit en désaccord avec la façon dont M. Trudeau comprend les choses et, ironiquement, si nous sommes ici aujourd'hui et si tous les chefs de parti représentés ici ont dénoncé la façon fédérale d'agir en matière constitutionnelle, c'est justement parce qu'il existe, de la part d'Ottawa, une interprétation du référendum qu'eux ne partagent pas.

Je pourrais aussi invoquer, M. le Président, la compréhension qu'en a le Parti conservateur fédéral qui n'est pas celle, on le sait, des néodémocrates, etc. Pensons, par exemple, à toutes les autres provinces. L'Ontario n'a pas compris le référendum comme le Nouveau-Brunswick l'a vu de son côté; même chose pour l'Alberta par rapport, par exemple, à la Nouvelle-Écosse ou à Terre-Neuve. Je pourrais continuer longtemps dans cette veine, me servant de mes multiples conversations de l'été avec mes collègues d'autres provinces.

Il faut aussi compter qu'au moment du référendum des engagements ont été pris envers le Québec en cas d'une réponse négative. Le malheur est que ces engagements ont été

imprécis. L'expérience ultérieure a montré, au vu et au su de tout le monde, que non seulement l'interprétation des résultats référendaires diffère d'une Parlement à l'autre, selon les intérêts politiques du moment, mais que ces engagements formels n'avaient pas pour tous la même signification. Il y a plus. L'amendement parle d'attachement - je souligne le mot "attachement" - au fédéralisme canadien. Cette expression elle-même est ambiguë, puisque, par exemple, le premier ministre du Canada se dit pourtant attaché au fédéralisme, alors qu'il est précisément en train de poser des gestes qui en contredisent l'esprit, ce à quoi réfère justement et même très justement le troisième paragraphe de la motion, telle qu'amendée par le Parti libéral.

L'amendement dit en outre que cet attachement s'est manifesté par un rejet "de l'option de la souveraineté-association". C'est là certainement le cas pour plusieurs citoyens, mais il en existe bien d'autres qui ont voté non, moins pour rejeter la souveraineté-association que parce qu'on leur avait dit qu'un non signifierait un oui à un changement en profondeur, conformément aux aspirations courantes des Québécois et des Québécoises.

Une voix: Ecoutez donc!.... Vous n'avez pas été capable d'avoir de garanties...

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais répéter, M. le Président. Il en existe bien d'autres qui ont voté non moins pour rejeter la souveraineté-association que parce qu'on leur avait dit qu'un non signifierait un oui à un changement en profondeur, conformément aux aspirations courantes des Québécois et des Québécoises.

Je serais curieux de savoir combien de personnes, incidemment, ont cru, à l'époque, que le changement en question se traduirait, en fait, comme c'est devenu le cas, par un geste unilatéral axé sur le rapatriement, sur une formule d'amendement imposée et sur l'insertion forcée d'une charte des droits dont la rédaction, c'est le moins qu'on puisse dire, laisse à désirer. Autrement dit, c'est là où je veux en venir, il est plutôt présomptueux de présumer que le référendum n'a été au fond qu'un rejet d'une option politique donnée et que d'autres considérations ne sont pas intervenues. Dire cela, c'est oublier le contexte référendaire lui-même et simplifier à l'excès un tel moment de notre vie politique.

L'amendement parle enfin des avantages - je souligne le mot "avantages" - du fédéralisme. Là encore, l'interprétation peut varier. Pour certains, le fédéralisme est avantageux parce qu'il permet la centralisation des pouvoirs significatifs gouvernementaux à Ottawa. Sans crainte de me tromper, je crois que le premier ministre du Canada partage, en bonne partie, cette opinion. D'autres voient plutôt dans le fédéralisme la possibilité pour les provinces d'y conserver et d'y accroître leur autonomie. On peut également citer des avantages que d'aucuns, selon un point de vue légitime, considéreraient plutôt comme des inconvénients, qu'il s'agisse du plan personnel ou du plan collectif, soit au point de vue économique, social ou culturel. En somme, ce que je veux dire, c'est que pas plus le fédéralisme que tout autre régime politique ne comporte d'absolu en ce qui a trait aux avantages ou aux désavantages, d'ailleurs.

Pour toutes ces raisons, nous croyons que le mieux, dans la motion en cause, est de s'en tenir exclusivement aux faits, sans tenter de vouloir trop les interpréter. C'est ce que nous avions fait, d'ailleurs, dans notre proposition.

Ici, je voudrais citer, puisque j'arrive à ma conclusion, un passage de ce que le chef intérimaire de l'Union Nationale disait tout à l'heure, avant la reprise de nos débats, dans son discours. "J'ai déjà dit, lors de ma réponse au message inaugural - c'est le chef intérimaire de l'Union Nationale qui parle - que, puisqu'il y avait accord, sur le fond, de tous les partis politiques représentés en cette Chambre, seuls des motifs partisans pourraient empêcher la création d'un front commun qui nous permettrait de dire que c'est à l'unanimité que l'Assemblée nationale s'est prononcée en faveur de cette motion."

Je continue. "En tant que parlementaires -toujours en citant le chef intérimaire de l'Union Nationale - si nous voulons que cette motion ait vraiment toute la force qu'elle mérite, tant au niveau du Parlement canadien que du Parlement britannique, il faut absolument faire un effort pour que notre adresse ici, au Québec, soit unanime. Si nous réussissons à franchir les murs de la partisanerie traditionnelle, il sera alors plus facile de convaincre nos concitoyens non seulement de l'urgence de la situation, mais aussi de susciter une opposition vraiment panquébécoise qui prendra forcément une allure irréversible."

Pour toutes ces raisons, comme je le disais tantôt, nous croyons que le mieux, dans la motion en cause, est de s'en tenir exclusivement aux faits, sans tenter de vouloir trop les interpréter.

Dans un esprit constructif et en vue de concilier les contributions de tout le monde, nous croyons devoir apporter, dans le deuxième paragraphe de leur amendement - et en vue de le rendre moins lourd, d'ailleurs - un sous-amendement qui respecte l'esprit de l'amendement proposé et qui n'en change pas la portée, tout en évitant d'y insérer un élément subjectif et susceptible de conduire à des interprétations engendrant elles-mêmes des discussions, peut-être stimulantes, mais dont nous n'avons pas besoin maintenant, vu le but immédiat qu'il ne faut jamais perdre de vue de la motion soumise à l'approbation de cette Chambre.

Motion de sous-amendement

En conséquence, M. le Président, et au nom du gouvernement nous sommes heureux d'accepter l'amendement libéral à notre motion, en y greffant le sous-amendement suivant. Je vais lire le sous-amendement et je lirai ensuite la motion globalement, telle qu'amendée et sous-amendée. "Que la motion d'amendement du chef de l'Opposition soit amendée, premièrement, en remplaçant, au paragraphe 2, les mots "Fidèle à" par les mots "Respectueuse de", ainsi que les mots: "exprimé son attachement au fédéralisme canadien en rejetant l'option de la souveraineté-association lors du référendum du 20 mai 1980, et consciente des avantages du fédéralisme canadien et" par les mots: "voté, lors du référendum du 20 mai 1980, pour le maintien du fédéralisme canadien, et consciente". Cela, c'est le premier

changement.

Le deuxième, "en ajoutant, à la fin du paragraphe 4, après le mot "Canada", les mots "et, en particulier, du Québec".

Maintenant, je vais lire la motion principale, à la suite de l'amendement et du sous-amendement, qui se lirait comme suit, de façon que tout le monde puisse en saisir l'ensemble. "L'Assemblée nationale du Québec s'oppose formellement à la démarche entreprise par le gouvernement fédéral de façon unilatérale et malgré l'opposition de la majorité des provinces, en vue de faire modifier la constitution du Canada par le Parlement britannique. "Respectueuse de la volonté de la majorité des citoyens du Québec qui a voté, lors du référendum du 20 mai 1980, pour le maintien du fédéralisme canadien, et consciente de la nécessité de l'adapter aux réalités d'aujourd'hui, l'Assemblée nationale affirme que le renouvellement de la Constitution canadienne doit être réalisé au Canada en conformité avec les principes du fédéralisme et en conséquence par la voie de négociations entre les deux ordres de gouvernement et avec le consentement conjugué du Parlement fédéral et des Législatures des provinces. "Puisque cette constitution définit, depuis 1867, les droits du Québec en tant qu'État membre fondateur de la fédération canadienne, l'Assemblée nationale demande aux membres du Parlement du Canada de ne pas donner suite à cette démarche unilatérale qui est contraire à la nature même du système fédéral canadien et à la règle bien établie du nécessaire consentement des provinces. "L'Assemblée nationale met le Parlement britannique en garde contre toute intervention dans les affaires canadiennes par l'adoption de quelque modification à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui n'aurait pas l'appui des provinces du Canada et, en particulier, du Québec."

Mme la Présidente, voilà les modifications que je voulais apporter au nom du gouvernement à l'amendement du chef du Parti libéral, lui-même se référant à la motion soumise ce matin par le premier ministre. Merci. (16 h 40)

Le Vice-Président: Un instant, M. le leader de l'Opposition. D'abord, je voudrais rendre recevable cette motion de sous-amendement. Je remercie le ministre de m'avoir fait parvenir le texte pour m'y référer et voir s'il pouvait être conforme à l'article 70 de nos règlements.

Après en avoir fait la vérification, je déclare recevable, quant à la forme et au fond, le sous-amendement qui nous est présenté. La discussion doit donc porter maintenant sur le sous-amendement.

M. Tremblay: Question de règlement.

M. Goulet: Avant de commencer la discussion...

M. Tremblay: Question de règlement, M. le Président.

M. Levesque (Bonaventure): Un instant! Y aurait-il lieu de demander quelques minutes de suspension? On vient d'indiquer même que plusieurs députés n'ont pas reçu de copie de cet amendement qui vient d'être déposé, bien que quelques-uns d'entre nous en avaient peut-être déjà une copie. Je pense qu'il serait bon que nous puissions suspendre pour prendre connaissance ensemble de cette motion de sous-amendement.

Le Vice-Président: Un instant. M. le député de Gouin.

M. Tremblay: Question de règlement. Je voudrais bien m'assurer que, si ce sous-amendement est débattable, nous ne pourrons discuter que de ce sous-amendement avant de revenir à l'amendement principal et avant de proposer d'autres amendements.

Le Vice-Président: C'est ce qui est prévu par nos règlements. M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je suis parfaitement d'accord. J'avais offert, d'ailleurs, à l'heure du lunch, au leader de l'Opposition, qu'au moment de la présentation du sous-amendement nous puissions suspendre pour permettre aux différentes formations politiques d'en prendre connaissance. Je ne sais pas de combien de temps voudrait disposer le leader de l'Opposition, peut-être peut-il me le demander au nom de son groupe?

M. Levesque (Bonaventure): 17 h 30?

M. Charron: 17 h 30. Cela nous donne une demi-heure, à toutes fins pratiques, pour connaître votre réaction.

M. Levesque (Bonaventure): Pour avoir la réponse, enfin, la réaction.

M. Charron: Bien, M. le Président. Je propose que nous suspendions nos travaux jusqu'à 1.7 h 30.

Le Vice-Président: Suspension des travaux jusqu'à 17 h 30.

Suspension de la séance à 16 h 43

Reprise de la séance à 17 h 33

La Vice-Présidente: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

Il s'agit de la reprise du débat sur le sous-amendement de M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Claude Ryan

M. Ryan: J'ai écouté avec intérêt et respect le ministre des Affaires intergouvernementales présenter le projet de sous-amendement du gouvernement à l'amendement que nous avions présenté plus tôt aujourd'hui et je voudrais le commenter brièvement, à la lumière des éléments que nous avons fait valoir au cours du débat

jusqu'à maintenant.

Pour bien comprendre la portée de ce sous-amendement, qui est proposé à l'amendement de l'Opposition officielle, je pense qu'il convient de rappeler brièvement les éléments constitutifs de l'amendement que nous avons déposé ce matin. Ainsi que je l'ai dit ce matin, nous visions deux buts majeurs en proposant cet amendement à la motion gouvernementale. D'abord, nous tenions à situer le vote qui sera pris au cours des prochains jours dans le contexte politique et social précis où s'inscrit cette décision qui ne surgit pas comme une sorte de résolution émanant d'un atelier qui évoluerait dans l'abstrait quelque part sur la planète Mars, mais qui vient s'inscrire dans un contexte précis au Québec et au Canada en novembre 1980.

Deuxièmement, nous tenons absolument à éviter tout danger de confusion qui pourrait surgir dans les esprits quant aux intentions des principaux acteurs qui sont à l'oeuvre dans cette Chambre dans une matière où les divergences sont très marquées entre divers groupes de la société et où rien ne servirait de chercher à les enterrer sous des fleurs ou des ententes d'occasion.

Pour bien servir ces deux objectifs, j'avais proposé ce matin un amendement comportant six éléments majeurs. D'abord, nous tenons à ce que la motion contienne une évocation claire, nette et franche de l'événement référendaire du 20 mai. Cet événement référendaire - j'en parlerai tantôt en traitant du sous-amendement de manière plus précise - contenait, à notre point de vue, deux éléments essentiels. Ainsi que le disait notre amendement, nous considérons que la population au référendum a exprimé son attachement au fédéralisme canadien en rejetant l'option de la souveraineté-association mise de l'avant par le gouvernement. J'en reparlerai tantôt.

Deuxièmement, nous tenions à ce que cette Assemblée, en souscrivant au projet de réforme de la Constitution canadienne, indique par une formule minimale un minimum de foi et de confiance envers l'entreprise et qu'elle ne se comporte pas comme une institution qui aborderait une oeuvre aussi fondamentale et majeure dans un esprit de neutralité ou de non-engagement qui serait le plus sûr gage de l'échec de la démarche au bout de la ligne.

Troisièmement, nous avons parlé de la nécessité de changement dans l'ordre constitutionnel canadien.

Quatrièmement, nous avons dit que ces changements devront se faire en conformité avec les principes du fédéralisme.

Cinquièmement, que les changements devront se faire moyennant le consentement conjugué du Parlement fédéral et des Législatures des provinces. Finalement, nous avons tenu à réaffirmer le principe de la non-ingérence d'un État étranger, en l'occurrence la Grande-Bretagne et son Parlement, dans les affaires canadiennes.

Maintenant, le sous-amendement qu'on nous a proposé répond-il à ces exigences qui étaient contenues dans notre amendement? À certains points de vue, oui. Je pense que, sur la nécessité de changement, par exemple, dans l'ordre constitutionnel canadien, il n'y a rien de modifié dans ce que nous avons proposé. Je pense que le texte demeure ce qu'il était et, par conséquent, il n'y a pas de matière à litige sur ce point particulier.

En ce qui concerne la philosophie dont doivent s'inspirer les changements, c'est-à-dire une philosophie qui soit en conformité avec les principes du fédéralisme, je constate que, dans le sous-amendement déposé par le ministre - j'allais l'appeler le sous-ministre - des Affaires intergouvernementales, on a maintenu ce qui était proposé dans l'amendement, et, par conséquent, il n'y a pas de dispute là-dessus.

Au sujet de la nécessité d'un consentement conjugué du pouvoir fédéral et des provinces pour l'instauration de tout changement important et substantiel, je pense que les termes ont été maintenus également, les termes que nous avions inscrits dans l'amendement sont maintenus par les auteurs du sous-amendement. Il n'y a pas de problème de ce côté-là. La mise en garde au Parlement britannique est maintenue dans les termes que nous avions formulés, c'est autant de pris.

Des problèmes surgissent, si je comprends bien, au sujet des premier et deuxième éléments. Le premier élément c'est l'évocation du choix référendaire. Le gouvernement, par la voix de son ministre des Affaires intergouvernementales, nous propose un amendement qui comporterait les changements suivants par rapport à notre propre amendement: D'abord, au début, on remplace les mots "fidèle à la volonté de la majorité des citoyens, etc." par "respectueuse de". Vous me direz que c'est une pure question de sémantique, Mme la Présidente; j'ai de la peine à le croire. La fidélité est une vertu active...

Des voix: Ah, ah!

M. Ryan: ...tandis que le respect est souvent une vertu passive. Je vous donnerai un exemple emprunté au domaine de l'administration publique. Quand on engage un professeur aujourd'hui dans les écoles confessionnelles du Québec, on exige de lui, en vertu d'un règlement du Comité catholique - et, si je me trompe, le whip du gouvernement, qui a été dans l'enseignement longtemps, pourra me corriger - qu'il soit respectueux des valeurs que véhicule le système catholique d'enseignement. Il peut très bien arriver qu'il ne croie à cela en aucune manière et qu'il soit respectueux passivement, qu'il s'engage à ne point porter offense aux convictions des enfants et de leurs parents. C'est évident que sa contribution au développement moral et spirituel des enfants suivant les convictions de leurs parents sera extrêmement réduite. C'est une sorte de compromis qu'on a trouvé parce qu'il faut bien qu'on travaille tous ensemble, et je ne veux pas engager un débat sur cette question, mais cette sorte de respect que l'on est en droit d'exiger d'une personne qui veut faire carrière dans l'enseignement, étant donné certaines contraintes institutionnelles caractéristiques de notre milieu, ce n'est pas la vertu que l'on aime exiger de ceux qui prétendent exercer un leadership en matière politique.

Ce que le gouvernement revendique, c'est le leadership de la participation du Québec à la réforme du fédéralisme canadien. Cela prend beaucoup plus qu'une simple attitude de respect passif, incolore et neutre. Cela prend une attitude d'adhésion que le mot "fidèle", que nous avions choisi d'autant plus délibérément qu'une première

version de notre amendement employait le mot "respectueuse"...

Des voix: Ah, ah!

M. Ryan: Apprenant chaque jour à vous connaître davantage, messieurs du gouvernement, nous nous sommes rendu compte que cela ferait très bien votre jeu et nous avons décidé de renforcer l'expression par l'usage du mot "fidèle".

Un de mes collègues a fait des recherches rapides tout à l'heure. II m'a fait constater que le ministre des Affaires intergouvernementales, malgré les soupçons injustifiés que l'on nourrit à son endroit dans certains cercles du Parti québécois, est très fidèle à l'orthodoxie partisane du groupe qui forme le gouvernement actuellement. En effet, dans la résolution du conseil national du Parti québécois dont je parlais hier et qui fut adoptée en juin dernier, il était dit en toutes lettres ceci: "Le conseil exécutif national, tout en réaffirmant son respect envers le verdict populaire du 20 mai dernier et face, etc."

Des voix: Ah!

M. Ryan: Je pense que, sur ce point-ci, on nous demande d'accepter un recul qui peut être compatible avec l'orthodoxie péquiste, mais qui est incompatible avec la signification que l'on doit honnêtement tirer du verdict du 20 mai. Quand on ne veut pas exécuter activement et fidèlement la volonté exprimée par le peuple - et j'ai indiqué très clairement hier ce qu'on devait faire - on doit avoir le sens de la dignité voulue pour se désister et retourner devant le peuple afin d'au moins solliciter un nouveau mandat. Sur ce point-ci, le sous-amendement...

Deuxièmement, l'évocation de l'événement référendaire est singulièrement raccourcie par le sous-amendement que le gouvernement nous a soumis tantôt. Nous autres, nous avions dit, dans notre amendement "fidèle à la volonté de la majorité des citoyens du Québec qui a exprimé son attachement au fédéralisme canadien en rejetant l'option de la souveraineté-association lors du référendum du 20 mai 1980", et l'on change cette formulation par la suivante: "respectueuse de la volonté de la majorité des citoyens du Québec qui a voté lors du référendum du 20 mai, pour le maintien du fédéralisme canadien". Je pense que l'on tronque la vérité historique. J'ai entendu le ministre des Affaires intergouvernementales, avec toute la subtilité dont il est capable et qui, heureusement, trompe de moins en moins de citoyens, interpréter le verdict du référendum comme ne voulant pratiquement plus rien dire, comme signifiant, finalement, que bien des gens auraient voté non tout en étant peut-être favorables à la souveraineté-association, tout comme on pourrait dire de l'autre côté que bien des gens ont peut-être voté oui tout en étant favorables au fédéralisme. Mais vous savez comme moi, Mme la Présidente, qu'avec ces exercices de casuistique, on arrive à n'importe quoi et on n'arrive à rien. Une expérience pas encore très longue en politique m'a enseigné que devant un résultat électoral ou référendaire, il faut avoir l'honnêteté et la loyauté d'accepter les résultats pour ce qu'ils signifient de manière obvie, "at their face value", comme on dit en anglais, les accepter pour ce qu'ils sont vraiment.

Si, moi, j'ai perdu, je peux bien me faire 56 raisonnements. Au bout de la ligne, je dois accepter que j'ai perdu.

Donc, pour montrer comment on déforme après coups, je vais vous donner seulement une petite citation qui est assez intéressante en l'occurrence. Le 25 mars dernier, en cette Chambre, vous saviez combien nous avions eu de difficulté à dégager la signification claire de la question qui était présentée par le gouvernement. À force de talonner le premier ministre, j'avais fini par obtenir de lui l'aveu suivant. Je voulais savoir ce que signifierait un oui au référendum. Je lui avais demandé si, finalement, un oui au référendum serait aussi un oui à l'option fondamentale du gouvernement ou si ce serait seulement un oui à un mandat de négocier une chose que le peuple n'aurait même pas été appelé à approuver. Le premier ministre, après s'être fait tordre les méninges pendant plusieurs jours, a fini par laisser tomber les aveux suivants, qui avaient beaucoup frappé les gens à l'époque.

Finalement, cette réponse-ci À M. Gérard-D. Levesque. Vous vous souvenez que nous nous complétons très bien tous les deux. Lorsqu'à un moment donné un supplément d'information est nécessaire, mon voisin de Bonaventure est toujours prêt à me seconder très efficacement; cette fois-là, c'est exactement ce qui est arrivé. Je m'étais essayé moi-même à plusieurs reprises et, à la fin, M. Gérard-D. Levesque, le député de Bonaventure, s'est levé et il a demandé ceci: "M. le premier ministre pourrait-il dire à cette Chambre simplement, dans une réponse aussi brève qu'il peut le faire, si une réponse affirmative au référendum voudrait dire, dans l'esprit du premier ministre, que cette réponse est une réponse oui à la souveraineté politique du Québec?" Et le premier ministre de répondre: "C'est une réponse oui qu'il faut négocier dans la réalité l'orientation qui mènerait à la souveraineté et à l'interdépendance que signifie l'association." Le premier ministre avait été franc; cela lui a pris un petit peu de temps. Finalement, il avait laissé tomber cet aveu qu'un oui au référendum serait, comme je l'ai signalé hier, interprété par le gouvernement comme un oui à la souveraineté-association. Qu'on vienne nous dire maintenant qu'un non au référendum n'était pas un non à la souveraineté-association, franchement, je ne comprends plus rien. Il y a un vieux principe que je voudrais rappeler au ministre des Affaires intergouvernementales parce que la pratique de la diplomatie incline à l'oublier; c'est le vieux principe de contradiction que nous apprenions quand nous étions aux études et dont j'espère que le ministre de l'Agriculture se souvient lui aussi, principe de contradiction en vertu duquel on ne peut pas être pour et contre une chose en même temps et sous le même rapport.

Pour cette question-ci, il est évident qu'il y avait deux éléments dans le verdict référendaire. Le premier, l'élément obvie qui saute aux yeux, qui était voulu par le gouvernement lui-même, c'est le rejet de la souveraineté-association. Il faut que ce soit clair. Le deuxième, c'est qu'en rejetant la souveraineté-association, et Dieu sait que nous l'avons constaté par notre travail sur le terrain pendant la campagne référendaire, la majorité de nos concitoyens exprimaient leur attachement au fédéralisme canadien. Nous avons

tenu à joindre ces deux éléments dans notre formulation, justement parce que nous voulons éviter la confusion que cherche à engendrer le gouvernement en laissant croire à ses troupes qu'il peut donner l'impression de poursuivre le renouvellement du fédéralisme, tout en se gardant des avenues ouvertes pour continuer à rechercher la souveraineté-association, comme lui enjoignent de le faire les documents officiels les plus récents du Parti québécois.

Sur ce point, Mme la Présidente, il est très difficile pour nous d'accepter le genre de compromis, ou plus exactement impossible...

Une voix: Impossible, c'est clair! (17 h 50)

M. Ryan: ...pour nous d'accepter le genre de dilution que nous propose le gouvernement. On a assez joué depuis quatre ans avec les faits historiques, avec la vérité des faits, nous ne jouerons pas avec l'histoire dans ce débat-ci. Cette partie de notre histoire est trop récente et les documents à l'appui de notre interprétation sont trop abondants pour que le gouvernement ait la moindre chance cette fois-ci de chercher à la déformer.

Deuxième point. Nous demandions... Qu'est-ce que j'ai entendu? Est-ce que j'ai entendu "vendu"? C'est bon que vous vous révéliez sous votre vrai jour, M. le ministre de l'Agriculture. C'est bon que les gens que vous essayez de tromper dans les comtés qui sont en lice actuellement se rendent compte du genre de vocabulaire que vous employez dans cette Chambre. Très bien. Je pensais qu'on était sorti de cette époque-là. Je m'aperçois qu'elle revient. Je m'aperçois qu'on s'est caché, qu'on a réussi à se donner une patte de velours pendant quelque temps sous prétexte de rechercher une unanimité factice, mais opportuniste, et que le vieux fond, que nous avions tellement déploré pendant le débat sur la question référendaire, est toujours là. Ce vieux fond d'intolérance nous le rejetons, le récusons et le réprouvons vigoureusement et profondément.

Vous dites également, messieurs du gouvernement, dans l'interprétation que vous faites du référendum - ceci est extrait du document officiel adopté par votre conseil national élargi au mois d'octobre - Le résultat du référendum a fourni à 40% de la population l'occasion d'appuyer le gouvernement dans le sens du statut politique que propose le Parti québécois. Comment pouvez-vous dire que les 60% qui ont répondu non n'ont pas désapprouvé le projet de souveraineté-association du Parti québécois?

Dans le même alinéa que vous cherchez à modifier subrepticement, nous vous demandions de reconnaître que l'Assemblée nationale est consciente des avantages du fédéralisme canadien. Nous savons bien qu'il y a des inconvénients dans le fédéralisme canadien, que ce n'est pas un régime parfait. Nous l'avons dit à maintes reprises, nous traçons un bilan à un moment donné de l'histoire, nous disons que l'actif comporte telle somme, le passif comporte telle somme. Vous autres, vous aviez conclu que le passif était plus abondant que l'actif. Nous avions conclu que l'actif était plus abondant que le passif et les électeurs du Québec, à 60%, ont approuvé l'interprétation du bilan que leur proposaient les partisans du lien fédéral. Nous vous demandons de le reconnaître dans la résolution, d'être conscients des avantages; ça ne vous lie pas à dire qu'il n'y a que des avantages dans le fédéralisme canadien, ça ne vous oblige pas à adhérer activement et aveuglément à tous les éléments de philosophie qui inspirent le fédéralisme canadien. On vous dit de dire que vous êtes conscients des avantages, pas seulement économiques. Je ne pense pas d'abord à ceux-là quand je parle de ceux-ci, je parle surtout des avantages politiques, surtout des avantages sur le plan des grandes libertés fondamentales, la mise en commun d'une partie plus ou moins grande de la richesse commune qui est permise et facilitée par notre régime politique.

On vous demande de le reconnaître. Le mot avantage n'est peut-être pas l'expression définitive, ce n'est peut-être pas le nec plus ultra de la précision politique en ce domaine, peut-être y a-t-il autre chose à chercher. Je n'ai pas d'objection, je n'ai jamais dit ce mot-ci, c'est celui-là ou aucun autre. Quand on veut supprimer d'un trait de plume cet acte d'adhésion au verdict qui a été porté le 20 mai dernier par la population, là, je ne peux pas me laisser embarquer parce que je pense que je trahis un des éléments essentiels et je condamne le Québec à se présenter à la table de négociations, les mains ligotées derrière le dos, les mains ligotées par un acte d'indifférence, sinon d'hostilité envers ce qui est le fondement même de toute la démarche que l'on est en train d'accomplir.

I wish to say in English, Madam Chairman, that we cannot accept the sub-amendment presented by the Minister for Intergovernmental Affairs for obvious reasons. We had insisted in our amendment that there be a clear reminder in the motion which will be adopted by this House of the referendum of last May 20th and of the precise significance of the verdict rendered by the voters of Québec on that occasion. We insisted that this part of the motion should evoke, as clearly and explicitly and concisely as possible, both the rejection of sovereignty-association as propounded by the government at the time and the implicit expression of the attachment of our people for the federal system of government which we have in Canada. But the government, with their sub-amendment, is trying to dilute the meaning of that verdict rendered by the people and we cannot subscribe to this exercise in dilution which is being offered to us in exchange for the clear statement that we have propounded in our amendment.

In addition, we insisted that if the government want to continue to bargain on behalf of Québec towards the renewal of our federal system, they should at least be forthright enough to recognize, in spite of their profond convictions, that there are some true advantages in the federal system of government that we have. We had proposed something to that effect, we do not insist unilaterally upon the word "advantages" or the word "benefits" or any other word which you may have in mind. You may propose something better and we will consider it in a spirit of open-mindedness, but when you propose that we should dilute entirely this part of our amendment, we cannot subscribe to such an exercise because it is an exercise in futility and frustration...

Mme la Présidente, je reviens au fond de la

question. Comme je l'ai dit tantôt, sur tous les autres points, je pense que nous pouvons nous entendre. Ce que je voudrais dire au gouvernement, c'est ceci: Je comprends très bien le gouvernement, à ce stade encore relativement peu avancé du débat, d'avoir cherché à gagner des points. Je pense que nous cherchons à le faire de notre côté également et cela fait partie d'une discussion raisonnable dans un Parlement dont le génie repose sur des relations du type adversaires. J'indique clairement au gouvernement la ligne de démarcation qui est la nôtre dans cette discussion. Nous avons préparé très sérieusement l'intervention que j'ai faite ce matin; nous l'avons préparée dans un esprit constructif, mais vrai. Je demande au gouvernement de reconsidérer les propositions qu'il a faites ce matin, de se demander, a la lumière de ce que j'ai essayé de dire, si des rapprochements sont possibles de la part du gouvernement. S'il arrive à des conclusions qui puissent se rapprocher de ces exigences essentielles, fondamentales et minimales que nous avons définies avec le maximum d'honnêteté, peut-être la discussion pourra-t-elle s'acheminer vers un résultat constructif, celui voulu par le gouvernement, celui voulu aussi par les Québécois, qui souhaitent sincèrement qu'il ne soit pas donné suite au projet du gouvernement fédéral sous la forme que nous lui connaissons actuellement.

Le débat en est encore à un stade relativement peu avancé, mais j'insiste de nouveau. La fidélité active au verdict rendu par le peuple du Québec doit être maintenue dans l'amendement que nous avons proposé, sinon, nous ne pourrons pas l'accepter.

Deuxièmement, l'évocation de la double dimension de l'événement référendaire doit être conservée également, parce qu'autrement, on risque de verser encore une fois dans la déformation et la distorsion historiques qui ont été si souvent caractéristiques de l'approche de nos amis du gouvernement.

Troisièmement, il faut une évocation positive des avantages du fédéralisme canadien, sans quoi cet amendement que nous avons proposé perd une grande partie de son sens, et les deux objectifs que nous poursuivons, c'est-à-dire situer clairement la motion dans son contexte historique et politique précis et, deuxièmement, éviter d'engendrer de la confusion dans l'esprit de nos concitoyens, ne pourront pas se réaliser de manière satisfaisante, et l'unanimité que nous aurions atteinte sans avoir respecté ces exigences serait une unanimité factice, génératrice de tensions plus grandes, d'incompréhension dans beaucoup de secteurs de la société, là où nous cherchons l'unité, la collaboration et la concertation, en vue d'un résultat positif.

La Vice-Présidente: M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Mme la Présidente, je demande l'ajournement du débat.

La Vice-Présidente: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

La Vice-Présidente: Adopté. M. le leader parlementaire adjoint du gouvernement.

M. Bertrand: Mme la Présidente, je propose la suspension des débats jusqu'à demain, 14 heures.

La Vice-Présidente: L'ajournement, sans doute?

M. Bertrand: L'ajournement pour demain, 14 heures.

La Vice-Présidente: Motion d'ajournement des travaux de l'Assemblée.

Une voix: Demain à...?

La Vice-Présidente: 14 heures. Adopté. Cette Assemblée ajourne ses travaux à demain, 14 heures.

Fin de la séance à 18 heures

Document(s) associé(s) à la séance