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Version finale

32e législature, 1re session
(19 mai 1981 au 18 juin 1981)

Le mardi 9 juin 1981 - Vol. 24 N° 11

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures quinze minutes)

Le Président: À l'ordre, messieurs! Un moment de recueillement, s'il vous plaît.

Veuillez vous asseoir Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents.

Avis de la Commission de la fonction publique sur des règlements

Conformément aux dispositions de l'article 30 de la Loi sur la fonction publique, je dépose copie des avis de la Commission de la fonction publique au Conseil du trésor sur les règlements suivants: neuf règlements de classification concernant les emplois des agents de la paix, un règlement concernant les conditions de travail des commissaires du travail et un règlement modifiant le règlement concernant les emplois occasionnels et leurs titulaires.

M. le ministre de l'Agriculture.

Rapport annuel du ministère de l'Agriculture

M. Garon: M. le Président, j'ai le plaisir de déposer le rapport annuel 1978-1979 du ministère de l'Agriculture du Québec.

Le Président: Rapport déposé. Dépôt de rapports de commissions élues.

Mme la députée de Dorion.

Étude du projet de loi no 14

Mme Lachapelle: M. le Président, qu'il me soit permis, conformément aux dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution qui a siégé le mardi 9 juin 1981 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 14, Loi concernant le recensement des électeurs pour l'année 1981 et modifiant la Loi sur la consultation populaire, et l'a adopté avec amendements.

Le Président: Rapport déposé. M. le député de Shefford.

Étude du projet de loi no 2

M. Paré: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme qui a siégé le lundi 8 juin 1981 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 2, Loi sur la Société du Palais des congrès de Montréal, et l'a adopté avec des amendements.

Le Président: Rapport déposé. M. le député de Saint-Hyacinthe par le whip adjoint, le député de Matapédia.

Étude du projet de loi no 8

M. Marquis: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente de la protection de l'environnement qui a siégé le vendredi 5 juin aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 8, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et l'a adopté sans amendement.

Le Président: Rapport déposé. Mme la députée de Johnson.

Étude du projet de loi no 10

Mme Juneau: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente des affaires sociales, qui a siégé le jeudi 4 juin 1981 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 10, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse, et l'a adopté avec des amendements.

Le Président: Rapport déposé.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Période de questions orales des députés.

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Le rapport du Vérificateur général sur la SHQ

M. Lalonde: M. le Président, vendredi dernier, le rapport du Vérificateur général pour l'année 1979-1980 était déposé en cette Chambre.

Vous vous souvenez, il y a quelques mois, j'ai posé quelques questions au ministre délégué à l'Habitation et au premier ministre concernant la gestion de la Société d'habitation du Québec, en rapport avec la direction générale des réparations majeures, construite autour d'un personnage, ami du

premier ministre, M. Luc Cyr, imposé par le bureau du premier ministre, avec la complaisance du ministre délégué à l'Habitation, sans concours, sans appel d'offres pour effectuer des réparations d'environ 10 000 000 $.

J'ai porté à l'attention de l'Assemblée et du gouvernement des cas de népotismes, des cas de contrats donnés sans soumissions, des cas de mal administration, tous permis par l'ami du premier ministre, avec la complaisance du président de la SHQ et du ministre responsable devant cette Assemblée. (14 h 20)

En réponse à mes questions, le ministre m'a accusé du crime le plus odieux qui soit, celui de culpabilité par association, mais il n'a pas expliqué si je l'avais accusé d'être associé avec le bureau du premier ministre ou avec l'ami du premier ministre.

Le premier ministre, lui, approuvant tout ce qui s'était fait, m'accusait de gonfler une balloune. Cela permettait de menacer l'Opposition libérale de faire des enquêtes sur l'Opposition. Il se retranchait, en fin de compte, derrière une enquête que le ministre aurait confiée au Vérificateur général.

Or, dans un chapitre du rapport du Vérificateur général, déposé il y a quelques jours, ce dernier fait un rapport accablant sur l'administration de la direction générale des réparations majeures, dirigée par l'ami du premier ministre, M. Luc Cyr.

Je pourrais le citer, mais vous me rappellerez à l'ordre car il y en a environ 15 pages, M. le Président. Peut-être que le résumé, fait par l'éditorialiste Gilles Lesage dans le Soleil pourrait suffire. Il dit que les constatations de M. Larose sont proprement dévastatrices. Je cite: "M. Cyr et/ou Transit n'ont pas produit des pièces justificatives suffisamment détaillées et normalement exigées de la part d'un contractuel qui a touché des honoraires de 158 000 $. Le personnel contractuel engagé par M. Cyr aurait touché 97 000 $ de plus qu'autorisé. La réglementation gouvernementale n'a pas été respectée en ce qui concerne l'attribution des contrats aux architectes. Certains contrats ont été erronément complétés, etc."

En somme, tous les doutes que nous avions soulevés, malgré le tapage de l'autre côté, il y a quelques mois, ont été confirmés. Alors, je demande au premier ministre, responsable de l'intégrité de l'administration de son gouvernement, si, devant maintenant l'évidence qui n'est plus une "balloune libérale, il a l'intention de faire faire une enquête publique, indépendante et complète sur l'administration de la direction générale des réparations majeures.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je rappellerais simplement, M. le Président, que dans le préambule du député de Marguerite-Bourgeoys, il y a un adjectif qui n'est pas acceptable pour les raisons qui ont été données en Chambre. C'est quand il dit que le coordonnateur en question, M. Cyr, a été imposé. Il a été suggéré parmi d'autres qui pouvaient être considérés et c'est la Société d'habitation du Québec, après examen des candidatures, qui l'a choisi. Il n'a été imposé d'aucune façon.

Deuxièmement, le rapport accablant -je l'ai lu moi aussi - a quand même cette particularité qu'il est basé exclusivement, c'est vrai, de façon assez accablante, si on veut, sur les normes et procédures régulières qui doivent régir normalement les engagements publics. Seulement, je ferai remarquer au député de Marguerite-Bourgeoys que même le rapport du Vérificateur général dit bien qu'il s'agissait de faire quelque chose parce qu'on avait un héritage catastrophique de nos amis d'en face...

Des voix: Ah!

M. Lévesque (Taillon): Ce sont des toits qui coulent, qui menacent de s'effondrer, des entrepreneurs qui ont fabriqué des choses où, littéralement, cela devient invivable, et que personne n'a vérifié en cours de route. On a découvert cela en 1977 en arrivant. Il y avait un état d'urgence. Le rapport disait ceci et le Vérificateur général le souligne: Dans les meilleurs délais et aux moindres coûts il fallait faire quelque chose - qui était vraiment une urgence - qui était impossible à l'intérieur des directions générales de la société dans le cadre des opérations courantes. Donc, suivre les normes et procédures pour autant que faire se peut.

Cela étant dit, c'est évident qu'il y a des choses, au point de vue des normes et procédures, dans le rapport du Vérificateur général, qui ne sont pas exactement régulières, c'est le moins qu'on puisse dire. Seulement, cela implique aussi peut-être une chose que le ministre délégué à l'Habitation, si le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas d'objection, pourrait peut-être clarifier avant qu'on parle de grande enquête publique parce qu'il y a des vérifications à faire sur la vérification générale si on ne veut pas être inéquitable.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Lévesque (Taillon): II y a aussi, sur certains points, je crois, en toute équité, un homme qui, à mon humble avis, ne mérite pas d'être considéré d'une façon qui pourrait découler d'une interprétation hâtive de ce rapport, M. Couture, de la Société d'habitation du Québec, qui devrait quand même avoir le loisir de réagir. Peut-être que

le ministre délégué à l'Habitation et à la Protection du consommateur pourrait au moins tracer l'ABC d'un scénario pour les prochains jours en attendant qu'on ait à décider sur la question beaucoup plus globale d'une enquête générale, etc.

Le Président: M. le ministre délégué à l'Habitation.

M. Tardif: Sur réception du rapport du Vérificateur général, que j'ai lu avec beaucoup d'attention...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Tardif: ... je l'ai immédiatement transmis au président de la Société d'habitation du Québec en lui demandant ses commentaires, en lui demandant de faire diligence dans la préparation de ses commentaires de façon d'être en mesure de répondre à toutes les questions de l'Opposition et ce dès jeudi de cette semaine lors de l'étude des crédits. Pour l'instant, c'est tout ce que j'ai à dire sur cette question.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est un peu court, M. le Président. Est-ce que vous avez envoyé le rapport à M. Luc Cyr aussi?

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Lalonde: II arrive un moment où assez, c'est assez! On a mis en doute notre bonne foi pendant des semaines, alors qu'on tentait simplement de trouver la vérité. Maintenant, le Vérificateur général, qui est le surveillant indépendant des partis politiques, confirme tout ce que nous avons dit et tout ce que vous trouvez, c'est de demander l'opinion de celui qui est attaqué par le rapport.

Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire, tout d'abord, s'il n'écarte pas la possibilité d'une enquête publique? Deuxièmement, quand la décision sera-t-elle prise? Enfin, accepterait-il de transférer immédiatement au ministère de la Justice certains éléments soulevés par le rapport et qui pourraient amener le gouvernement à demander, devant les tribunaux, un remboursement ou des dommages en vertu des contrats? Car il semble que, d'après le rapport du Vérificateur général, M. Cyr ou sa compagnie aurait violé son contrat à divers égards.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): La réponse, premièrement, c'est non, on ne peut pas écarter une enquête publique, mais on ne peut pas la décider comme ça sur la foi d'un examen qui est encore préliminaire et qui porte essentiellement sur des normes et procédures comptables. Il n'y a rien qui apparaît comme illégalité ou comme criminalité là-dedans d'aucune façon. Il y a des irrégularités, ça on le savait. On l'avait dit, d'ailleurs. On ne peut pas commencer à dire qu'il va y avoir une enquête publique même sur la foi d'un éditorial dithyrambique dans le Soleil de ce matin, non. Première chose, c'est qu'il va y avoir les crédits. Si le député de Marguerite-Bourgeoys et d'autres, à ce moment, veulent aller le plus loin possible - je ne me fais pas d'illusions; je ne pense pas que, pendant les heures de crédits, on va pouvoir aller jusqu'au fond des choses - premièrement, je pense que ce serait normal, sauf si purement et simplement on veut faire de la partisanerie, de qratter avec le ministre délégué à l'Habitation ce qu'on aura des deux côtés comme faits.

Deuxièmement, le Vérificateur général lui-même - normalement, et je pense que c'est connu, on peut dire, depuis quelques années - M. Larose, veut quand même prendre sa retraite d'ici très bientôt. Il est probable qu'on aura à suggérer son remplacement. Non, ça, c'est un secret de polichinelle. Par ailleurs, comme il a signé son dernier rapport de vérification, il est sûr que, sous la forme d'une commission parlementaire ou autrement, il y aura un examen approfondi, si on veut le faire, de ce rapport du Vérificateur général, y compris des petits chapitres qui intéressent le plus l'Opposition, comme les citoyens, à l'occasion. Après, je pense que ce serait le moment - et cela peut venir vite - de décider s'il y a lieu de faire une enquête qui irait plus loin. Mais qu'on commence, me semble-t-il, par jouer à travers des procédures normales.

M. Lalonde: M. le Président, le premier ministre n'a pas répondu à la dernière partie de ma question, tout d'abord, de faire examiner par le ministère de la Justice certains éléments du rapport. Deuxièmement, est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte que l'Opposition a fait à peu près le maximum avec les éléments et les moyens que nous avons depuis quelques mois là-dedans et que c'est une enquête publique, un enquêteur nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête avec les pouvoirs d'assigner les témoins et les pièces, qui peut faire la lumière qui n'est pas faite complètement encore dans cette affaire dont les irrégularités sont confirmées?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je reste exactement sur les mêmes positions. C'est

vrai que, quant à la dernière partie, j'ai eu l'occasion de demander indirectement au ministère de la Justice - évidemment, c'était hier parce qu'on a eu le rapport du vérificateur hier - s'il voyait des choses -c'est à lui de le décider - qui méritaient des suppléments d'enquête - parce qu'il y a déjà eu des enquêtes à partir de rumeurs véhiculées par l'Opposition qui n'ont donné aucun résultat - qui puisse mener à des poursuites quelles qu'elles soient, si, dans le rapport du vérificateur, il semble y avoir des choses, ou entre les liqnes, peu importe, qui pourraient amener la nécessité pour le ministère de la Justice de décréter une forme d'enquête qui lui appartient; la demande a déjà été faite d'examiner cela. Je ne peux pas aller plus loin pour l'instant. (14 h 30)

Le Président: Question principale...

M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le Président, ce n'est pas terminé ni pour l'un ni pour l'autre.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Tel que l'a expliqué M. le premier ministre, - tout le monde s'en souvient - avant les élections, un dossier spécifique avait été déféré au ministère de la Justice. Effectivement, l'enquête a eu lieu et les procureurs de la couronne en sont venus a la conclusion qu'il n'y avait pas matière à poursuites criminelles dans ce dossier. J'avais également donné toute latitude à la Sûreté du Québec d'enquêter sur quoi que ce soit qui aurait pu lui paraître irrégulier ou inacceptable, et je puis dire aux membres de l'Opposition et à l'Assemblée nationale que le mandat n'était limité en aucune façon.

Le député de Marguerite-Bourgeoys, entre autres, a véhiculé à maintes et maintes reprises le fait que certains pots-de-vin auraient été offerts à une personne en particulier aux fins d'acheter son silence, auraient été offerts par des individus au niveau des instances gouvernementales. Je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys sera heureux d'apprendre qu'au cours de tous les interrogatoires qui ont été faits par la Sûreté du Québec dans ce dossier, en aucune façon quelque témoin que ce soit, et parmi les principaux, n'a fait état d'une supposée manoeuvre aux fins d'acheter un silence pour quelque somme que ce soit. Ce qui veut dire que la rumeur en ce sens que véhiculait le député de Marguerite-Bourgeoys n'a absolument aucun fondement en ce qui regarde le ministère de la Justice.

Pour ce qui est du rapport tel qu'il a été présenté, si d'autres cas sont portés à notre attention, nous les évaluerons.

M. Lalonde: M. le Président, question additionnelle au ministre de la Justice. Les enquêteurs ont interroqé tous les témoins, y compris un certain M. Latouche et un certain M. Perreault. L'enquête est-elle terminée actuellement?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Effectivement, M. le Président, je n'avais pas cru bon de nommer de noms, mais M. Latouche, auquel vous faites allusion, a effectivement été interroqé. C'était un de ceux qui étaient les plus concernés et qui auraient probablement été le plus en mesure de confirmer les rumeurs que véhiculait le député de Marguerite-Bourgeoys. Or, il n'a été aucunement question de sa part, aux officiers de la Sûreté du Québec, de quelque élément que ce soit qui ait pu confirmer les messages véhiculés par le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, une courte question additionnelle.

Le Président: Une courte et une dernière, M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): C'est simplement à la suite des propos tenus par le premier ministre qui a évoqué la possibilité de la tenue d'une commission parlementaire. Nous savons l'importance du rôle que joue le Vérificateur général, en l'occurrence M. Larose, qui est, autrement dit, le grand comptable qui surveille les gestes du gouvernement. Je voudrais simplement poser une question au premier ministre. Peut-être devrais-je la poser au leader parlementaire du gouvernement, puisqu'il s'agit plutôt de son domaine, mais le premier ministre a évoqué cette possibilité.

Cette commission des finances et des comptes publics a tenu cinq séances en 1974, cinq séances en 1975 et, depuis ce temps, silence, d'après les renseignements que j'ai. Un sous-comité avait même été formé pour planifier le déroulement des travaux; je ne pense pas que le sous-comité ait fait rapport à la commission. Je comprends qu'en 1976, il y a eu des élections, je comprends que depuis ce temps, le gouvernement actuel est au pouvoir. Est-ce qu'on peut s'attendre - ce serait peut-être la première fois depuis 1975 - d'avoir la convocation de la commission des finances et des comptes publics pour interroger le Vérificateur qénéral? Le premier ministre indique que M. Larose partirait peut-être dans un avenir assez rapproché. Est-ce que nous pouvons compter avoir une commission parlementaire à brève échéance sur le rapport du Vérificateur

général, particulièrement sur ces pages que l'éditorialiste appelle dévastatrices, éditorial qualifié un peu différemment par le premier ministre...

M. Lévesque (Taillon): Dithyrambique.

M. Levesque (Bonaventure):

Dithyrambique. Enfin, chacun a ses qualificatifs, chacun est dans une situation un peu différente vis-à-vis du même objet.

M. le Président, puis-je demander très brièvement - je sais que vous m'avez donné la permission d'avoir une question additionnelle assez brève - soit au premier ministre, soit au leader parlementaire du gouvernement, si nous aurons cette commission parlementaire sur le rapport du Vérificateur général, quand nous l'aurons et si M. Larose sera encore présent pour expliquer son rapport, pour répondre aux questions très pertinentes que nous aimerions lui poser sur l'administration gouvernementale. J'espère, M. le Président -vous présidez souvent des réunions pour savoir si oui ou non ça va être télévisé -que le leader parlementaire du gouvernement va nous annoncer immédiatement que cette commission parlementaire relativement aux comptes publics, relativement au rapport du Vérificateur général sera vue par le plus de citoyens possible dans la province de Québec.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, c'est vrai que le gouvernement Bourassa, vers la fin de son mandat, avait abandonné l'habitude de convoquer...

Des voix: Ah!

M. Charron: Je ne conteste aucunement les affirmations du député de Bonaventure, c'est vrai que cela avait été abandonné dans les derniers mois de son mandat et que depuis 1977, que je sache, l'Opposition libérale a laissé passer deux ou trois rapports du Vérificateur général sans demander la convocation de la commission parlementaire pour entendre et étudier avec le Vérificateur général. Il faut bien comprendre que, si cela n'a pas été fait, c'est que l'abandon avait été fait auparavant et que personne... Voilà que pour la première fois, cinq ou six ans plus tard, l'Opposition décide qu'elle doit demander à nouveau ce que le Parti québécois réclamait quand il était dans l'Opposition; je suis parfaitement d'accord. Nous aurons probablement cette réunion après les vacances du mois de juillet, dans les commissions parlementaires du mois d'août ou du mois de septembre.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'Opposition. Question principale.

Il n'avait pas le droit à une question additionnelle.

M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je souhaite aussi que M. Larose soit là, mais cela fait tellement longtemps que n'a pas eu lieu cette commission des comptes publics! Je rappellerai au député de Bonaventure, parce que moi je l'avais fait guand j'étais dans l'Opposition, qu'à cette occasion c'est non seulement le Vérificateur général gui répond, mais très souvent, selon les dossiers qu'a choisi d'appeler et d'isoler l'Opposition dans le rapport volumineux du Vérificateur général, c'est l'analyste en guestion qui répond aux guestions, plutôt que le Vérificateur qénéral lui-même. Mais j'imagine que M. le Vérificateur qénéral sera présent à cette réunion.

Le Président: M. le député de Viau, question principale.

Déficit de 625 000 000 $ au budget des commissions scolaires

M. Cusano: M. le Président, le rapport du Vérificateur général confirme que le fameux trou de 500 000 000 $ qui s'est creusé sous les pieds de l'ancien ministre de l'Éducation et de l'ancien président du Conseil du trésor dans le financement de l'enseignement primaire et secondaire des années 1977 à 1980 est maintenant passé de 500 000 000 $ à 625 000 000 $.

Le ministre de l'Éducation peut-il nous expliquer cette nouvelle hémorragie de fonds publics et nous dire quand il mettra fin à cette situation?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: M. le Président, étant donné que le député se réfère à une histoire déjà ancienne et qu'il s'agit d'une matière financière qui découle des lois déjà adoptées, je pense qu'il conviendrait que le ministre des Finances réponde à cette question.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, si plutôt que de vouloir faire de la finance-fiction, comme certains s'y sont livrés depuis guelques jours, on voulait simplement lire le rapport du Vérificateur général et les états financiers du gouvernement, on se rendrait compte que le chiffre mentionné par mon

ami d'en face a trait d'une part à des déficiences pour des années antérieures que nous avons fini par connaître, et d'autre part, à des comptes à payer à un certain nombre d'institutions d'enseignement au Québec, parce que leur année financière ne finit pas le même jour que la nôtre. Alors, j'imagine que les gouvernements ont chaque année des comptes à recevoir et des comptes à payer. Eh bien, le montant qu'on vient de mentionner inclut simplement des comptes à payer dans l'année financière de l'institution d'enseignement et qui restent à payer parce que l'année financière du gouvernement se termine quelques mois précédemment. C'est tout. (14 h 40)

Le Président: M. le député de Viau, question additionnelle.

M. Cusano: M. le Président, les explications qui sont données sont un peu vagues. Est-ce que le ministre peut nous garantir que nous sommes rendus à la fin de cette situation ridicule d'incompétence administrative?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: En effet, M. le Président, on en termine avec cette intervention, est-ce que je dois dire ridicule? Nous avons terminé l'année 1980-1981 au 31 mars avec des budgets fermés pour les commissions scolaires pour la première fois et des crédits périmés, c'est-à-dire que nos crédits étaient un peu plus élevés que ce qu'effectivement cela a coûté, de 12 000 000 $. On avouera que, par rapport aux années que nous avons connues avant, c'est un gros changement. Les budgets ont été fermés et, effectivement, les crédits utilisés sur ceux qui avaient été votés par l'Assemblée nationale ont été de 12 000 000 $ de moins que ce qui avait été voté. Dans ce sens, c'est une remarquable amélioration, M. le Président.

Le Président: Question principale, M. le député de Nelligan.

Le projet Stablex à Blainville

M. Lincoln: Je reviens à une question pour le ministre de l'Environnement sur le projet malheurs faveurs. Aujourd'hui, je vais laisser un peu les faveurs pour un autre jour; je vais plutôt parler des malheurs. Le ministre pourrait-il nous dire si le rapport que j'ai cité l'autre jour et dont je lui ai donné le numéro - je suis sûr qu'il l'a pris en bonne note - a été soumis au Conseil des ministres avant que le Conseil des ministres prenne une décision en faveur de Blainville?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Léger: M. le Président, en quelques mots, le rapport que le député mentionne, avec le numéro qu'il donne, porte le même numéro qu'un rapport préliminaire. Donc, il parle de deux rapports. Une chose est certaine, pour répondre précisément à sa question: ce n'est pas ce rapport, qui est un rapport partiel, que nous avons présenté au Conseil des ministres, parce que, dans toute l'étude du dossier - et le député le sait fort bien - il y a eu 42 soit rapports, soit énoncés de directives, soit lettres. Alors, on n'a pas l'habitude, au Conseil des ministres, d'apporter une brouette pleine de rapports; ce qu'on a l'habitude de faire, c'est d'amener le rapport final du ministère, c'est-à-dire le rapport du sous-ministre de l'Environnement, qui concilie l'ensemble des interventions à l'intérieur du ministère.

Je dois quand même ajouter, pour le bénéfice du député, que ce rapport qu'il mentionne a été fait et signé par quatre membres d'un secteur du ministère, celui de l'analyse des études d'impact, et qu'il n'est pas normal qu'on rende publics des rapports internes - surtout quand il y en a plusieurs -dans un ministère où il y a beaucoup de professionnels qui analysent chacun des aspects du dossier; on rendrait même le travail très difficile. Si différents professionnels divergent d'opinion avec d'autres professionnels, il faudrait sortir autant les rapports qui donnent un point de vue différent. C'est la raison pour laquelle il n'est pas normal de le faire.

Cependant, à la suite d'une question du leader de l'Opposition vendredi dernier, on m'a demandé pourquoi je voulais que le député dépose le rapport en question. C'était pour être bien certain qu'on comprenne de quoi il s'agit. La seule raison, c'est qu'il circule actuellement, dans la région de Blainville, un rapport qui a été falsifié et sur lequel est indiqué "top secret", ainsi que "ne pas diffuser en ondes", "pour citations vagues seulement", tous des termes pour essayer de créer un climat de panique dans la région. J'aimerais bien que le député ose déposer le rapport dont il parle et on pourra comparer le rapport réel avec le rapport qu'il mentionne.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Comme d'habitude, M. le ministre de l'Environnement a fait un beau discours pour éviter la question cruciale. Il y a justement...

Une voix: M. le Président.

M. Lincoln: Excusez-moi, M. le Président, c'est ma...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Léger: M. le Président, je pense que le député devrait avoir plus de rigueur dans ses explications.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Question additionnelle, M. le député de Nelligan.

M. Léger: M. le Président, question de privilège.

Des voix: À l'ordre!

M. Léger: J'ai été mal rapporté. Le député vient de...

Une voix: À l'ordre!

M. Léger: ...vient d'affirmer que je n'ai pas répondu...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le Président, je pense que l'attitude du ministre parle par elle-même.

Une voix: Question.

Le Président: Question, s'il vous plaît, M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Oui, j'ai une question. Une voix: II est nerveux, le patroneux.

M. Lincoln: Je sais que le ministre a joué entre deux rapports. L'un est un rapport préliminaire; c'est vrai, il porte le même numéro de dossier que le rapport final. Mais ce rapport final et le rapport principal d'études qui contient 34 pages et qui est signé par quatre...

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Lincoln: La guestion est celle-ci. Est-ce que je peux la poser au premier ministre? En l'absence de ce rapport principal qui n'a pas été déposé, est-ce que vous seriez prêt à rouvrir toute cette question de Blainville, compte tenu des conclusions du bureau des audiences publiques qui étaient négatives, compte tenu de la pétition de 6500 citoyens de Blainville, et compte tenu de ce rapport principal de 34 paqes qui est tout à fait négatif? Est-ce que vous seriez prêt à réétudier cette question?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Compte tenu, pour reprendre les termes du député de

Nelligan, du fait qu'en ce qui concerne Blainville, si on lui donne l'occasion, le député du comté a une communication du conseil municipal de Blainville qui, littéralement, permet de qualifier de pure et simple démagogie sans fondement l'espèce de spectacle que donne le député de Nelligan depuis quelgue temps, la réponse est non.

Des voix: Bravo!

M. Gratton: Question principale.

Le Président: M. le député de Gatineau.

M. Fallu: M. le Président.

Une voix: À l'ordre!

M. Gratton: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Éducation.

M. Fallu: Question additionnelle.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: De Groulx, s'il vous plaît, M. le Président.

Le Président: Excusez-moi!

M. Fallu: Sans un préambule trop long, M. le Président, qu'il me soit permis de dire néanmoins qu'on est en train, en cette Chambre, de faire d'une question technique un débat politique.

Une voix: Question.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Des deux côtés de cette Chambre, on sait qu'on doit poser, en deuxième lieu, une question additionnelle. Mais je vois que, des deux côtés de la Chambre, on semble enfreindre le règlement, on semble ignorer son existence quand bon nous semble, et je le dis à tous les députés de cette Chambre. Chacun accuse l'autre de façon très facile, mais je pense que tout le monde devrait mettre en pratique notre règlement, aussi bien à gauche qu'à droite de cette Assemblée.

M. le député de Groulx, question additionnelle, s'il vous plaît!

M. Fallu: J'aurai d'abord une directive à vous demander, M. le Président, si vous me le permettez. Est-ce qu'il me serait permis de déposer ou de faire lecture devant cette Chambre d'une missive que le maire de Blainville me prie de communiquer.

Une voix: II n'en est pas question.

Une voix: Consentement.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Oui, pour autant que tous les membres de cette Assemblée y consentent.

Des voix: II n'y a pas consentement.

Le Président: II n'y a pas consentement. Question principale, M. le député de Gatineau.

Des voix: Ah!

M. Gratton: Question principale, M. le Président.

M. Fallu: M. le Président.

M. Gratton: Merci, M. le Président.

M. Fallu: Question supplémentaire. (14 h 50)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! La présidence a entendu. Question principale, M. le député de Gatineau.

M. Fallu: M. le Président, s'il vous plaît! Question additionnelle.

M. Gratton: Mon collègue de Nelliqan a une question additionnelle, M. le Président.

M. Bertrand: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader adjoint sur une question de règlement.

M. Bertrand: On a bien entendu tantôt le député de Groulx, député du comté où ce problème se discute, paraît-il...

M. Lalonde: Ce n'est pas une question de règlement.

M. Bertrand: Ma question de règlement est la suivante, M. le Président. Le député de Groulx a demandé l'autorisation de cette Chambre pour déposer un document et cela lui a été refusé; il a tout de même le droit, je pense, de poser une guestion additionnelle.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de rèqlement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition sur une question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): En vertu de notre règlement, il y a une période, dans une journée normale, où il est possible pour un ministre de faire un dépôt de document. Il y a quelques minutes, le ministre de l'Environnement, si tel avait été sa volonté, aurait pu, au moment du dépôt des documents, déposer tout document d'intérêt public qu'il aurait jugé à propos de déposer. À ce moment-ci, il s'agit d'un faux-fuyant; nous n'aurions pas - et justement, notre règlement est fait comme ça - parce qu'un député voudrait déposer un document maintenant, réussi à faire la pleine lumière. Ce que le député de Nelligan demande, c'est que le gouvernement fasse la lumière sur une situation extrêmement troublante.

Des voix: Bravo!

Le Président: II est guand même permis à la présidence de rappeler aux membres de cette Assemblée l'existence de l'article 177 de notre règlement gui dit que lorsqu'un ministre cite ne serait-ce qu'en partie un document, il peut être reguis, sans autre formalité, de le déposer immédiatement, à moins qu'il ne déclare qu'il est contraire à l'intérêt public de le faire.

M. Fallu: Question de règlement, M. le Président.

M. Gratton: Question principale.

Le Président: Question principale, M. le député de Gatineau.

M. Charron: Question de règlement.

M. Fallu: Question de règlement, s'il vous plaît.

M. Gratton: Merci, M. le Président. Ce n'est pas possible, je n'en reviens pas!

M. Charron: ... sur la question du dépôt de document, mais je crois, M. le Président, que toute la tradition de cette Assemblée est de dire que lorsque nous évoquons un problème local - et il s'agit de cela - le membre de l'Assemblée nationale qui représente cette circonscription a le droit de poser une question à qui que ce soit.

Le Président: M. le leader du gouvernement, la présidence était convaincue que le député de Groulx voulait tout simplement solliciter un consentement et ne voulait pas, devant l'absence de consentement, poser une question additionnelle. C'est dans ce sens-là qu'elle a accordé la question principale au député de Gatineau. Étant donné que j'ai donné la parole au député de Gatineau, je vous assure que demain je reconnaîtrai le député de Terrebonne sur le même problème.

M. le député de Gatineau.

Nominations au cégep de l'Outaouais

M. Gratton: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Éducation et concerne des nominations au conseil

d'administration du cégep de l'Outaouais. On sait que depuis plusieurs mois, voire même depuis plusieurs années, les étudiants et parents de ces étudiants anglophones quelque 500 - qui fréquentent le campus Héritage du cégep de l'Outaouais réclament à hauts cris leur autonomie sinon complète, au moins partielle.

On sait également que le 21 janvier dernier, dans une assemblée générale des parents, trois représentants de la communauté anglophone ont été dûment élus pour siéger au sein du conseil d'administration de cette institution. Or, depuis maintenant quatre mois, le ministre de l'Éducation n'a pas daigné confirmer la nomination de ces trois représentants de la communauté anglophone, les trois seuls d'ailleurs et les premiers représentants de cette communauté au sein du conseil d'administration. J'aimerais donc demander au ministre, comme le lui ont demandé les parents dans un télégramme daté d'il y a quelques jours, à quel moment il entend confirmer la nomination de ces trois représentants. Je souhaite que ce soit fait avant la réunion du conseil d'administration qui se tiendra demain où, justement, selon les informations dont je dispose, le conseil d'administration doit décider, de façon plus ou moins finale, de l'autonomie du cégep anglophone du campus Héritage.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: Un incident de parcours a empêché que ce dossier parvienne à mon bureau jusqu'à il y a une semaine. J'ai reçu une lettre du député de Gatineau, il y a quelques jours et dès que je l'eus reçue j'ai fait en sorte que ce dossier parvienne à mon bureau; d'ailleurs, je profite de l'occasion pour remercier le député de sa vigilante collaboration. Je peux lui annoncer avec plaisir que j'ai signé immédiatement, c'est-à-dire il y a quelques jours, l'acte de nomination des trois parents anglophones qui fait l'objet de sa question.

M. Gratton: Question additionnelle.

Le Président: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je remercie le ministre d'avoir agi aussi diligemment. Je m'interroge cependant; si j'ai bien compris, le ministre vient de nous expliguer qu'il n'avait pas reçu le télégramme en question avant la semaine dernière, mais sûrement avait-il reçu l'ensemble du dossier; à la suite d'une assemblée dûment convoquée tenue en fonction des lois et règlements qui régissent les collèges du Québec, il connaissait le résultat de cette élection. Cela a d'ailleurs fait l'objet de nombreux reportages. Alors, quelles sont les explications que le ministre peut nous donner pour le retard de quatre mois qu'on a connu entre l'élection en bonne et due forme de ces trois représentants et leur nomination de la semaine dernière?

Le Président: M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, on pourrait sûrement invoquer des incidents que tout le monde connaît comme la conjoncture électorale, ainsi de suite, mais je pense que, d'une façon plus qénérale, seuls ceux qui n'ont jamais exercé de responsabilités ministérielles pourraient ne pas contester l'existence de problèmes internes qui parfois retardent la procession des documents.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je dirai tout simplement au ministre que, si je n'ai pas eu l'occasion d'exercer de fonctions ministérielles, ce n'est sûrement pas moi qu'il faut blâmer. M. le Président, très brièvement, j'aimerais demander au ministre de l'Éducation s'il y a un lien quelconque entre cette situation incongrue où des qens dûment élus n'ont pas été confirmés dans leurs fonctions par le ministre pendant une période de quatre mois et le fait que six représentants des groupes socio-économigues ont été nommés le 28 avril dans cette même conjoncture préélectorale, alors qu'il s'agissait de six personnes dont aucune ne représentait la communauté anglophone.

Le Président: M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, avec autant de candeur que de franchise, je dis non, il n'y a pas de lien.

Le Président: Question principale, M. le député de Richelieu.

L'avenir de Marine Industrie

M. Martel: Ma question à deux volets s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Le ministre pourrait-il informer cette Chambre sur les moyens qu'il entend prendre pour assurer la reprise de l'emploi aux 1500 travailleurs de Marine qui sont actuellement en chômage, notamment par des moyens de concertation et de participation avec la direction de la SGF et, évidemment, avec la direction de Marine? De plus, le ministre peut-il informer cette Assemblée sur les intentions maintes fois répétées depuis quelques semaines par les médias concernant la fermeture de la division navale à Marine Industrie, ce qui a pour effet de créer un climat d'incertitude

tant chez les travailleurs de Marine que chez les clients éventuels de ce chantier naval qui est tout de même considéré comme le sixième meilleur au monde selon la revue l'Economics, de Londres?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, j'ai étudié avec attention le problème de l'avenir de Marine et je dois vous dire qu'il faut comprendre que les industries Marine sont beaucoup plus qu'un chantier maritime aujourd'hui. Les industries Marine, pour nous, c'est devenu un vaste complexe industriel dans lequel nous produisons des wagons de chemin de fer, des turbines et d'autres pièces de machinerie ou d'équipement. Marine, à l'heure actuelle, est en néqociation avec le gouvernement d'Halifax pour la construction d'une cale sèche pour laquelle nous sommes le deuxième soumissionnaire et il y a des négociations à faire pour savoir la subvention que nous pourrons obtenir du gouvernement fédéral sur cette cale sèche à Halifax.

Je dois vous dire qu'il n'est pas du tout question de fermer, à l'heure actuelle, les industries Marine. Au contraire, nous cherchons tous les moyens possibles pour rentabiliser cette entreprise. Mais il ne faudra pas non plus se compter des histoires en disant que Marine va redevenir un chantier naval comme autrefois. Il semble que les équipements, à l'heure actuelle, ne le permettent pas, de même que le marché mondial des navires ne le permet pas non plus. (15 heures)

Depuis un an, nous avons donné environ une dizaine de soumissions. Nous n'avons obtenu aucun contrat à cause, bien sûr, du prix, le prix ne nous aidant pas, et, en particulier, il y a une subvention du gouvernement fédéral qui existait il y a trois ou quatre ans de 20% sur les navires. C'est maintenant 9%, ce qui pénalise les constructeurs canadiens et québécois, en particulier. M. le Président, nous entendons poursuivre la réparation des navires à Marine et nous entendons aussi accentuer autant que possible par de nouveaux investissements. C'était, d'ailleurs, compris dans le plan de redressement de Marine qui a été déposé et discuté l'automne dernier à cette Assemblée nationale et, la semaine dernière, nous annoncions un investissement de 15 000 000 $ pour de nouveaux équipements, en particulier un tour horizontal et une aléseuse pour nous aider à produire une meilleure qualité dans le domaine des turbines et des wagons, en particulier.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Richelieu.

M. Martel: Question additionnelle. Le ministre a bien dit qu'il n'était pas question de fermer Marine, mais ma question portait sur une des trois divisions de Marine, c'est-à-dire la division navale. J'aimerais également demander au ministre s'il est courant qu'on annonce à travers le monde une reprise dans la construction navale pour 1982-1983 et que, de plus, cette semaine, entre autres, une revue spécialisée dans le domaine maritime faisait part que la Chine populaire était sur le point de passer des commandes pour environ 70 navires de type "marindus" que l'on fait à Sorel et cela, pour les dix prochaines années. Le ministre a-t-il l'intention, à l'instar de ce qui se fait à Hydro internationale, d'envoyer une mission dans ce pays pour voir les possibilités de marché?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Biron: M. le Président, nous examinons tous les moyens possibles de pouvoir faire fonctionner les industries Marine au maximum. Il n'est pas du tout question que nous construisions des bateaux ou des navires à perte comme cela a été fait dans le passé. Nous envisageons aujourd'hui de soumissionner en tenant compte des coûts de production à Marine et en particulier, nous envisageons de continuer la réparation.

Dans la construction elle-même des navires, les dirigeants de Marine surveillent à l'heure actuelle ce qui se passe à travers le monde. Nous sommes conscients de l'avenir potentiel de la construction, mais nous sommes aussi conscients de nos coûts de production et c'est en fonction des coûts de production et du prix que nous pouvons recevoir pour les navires que nous prendrons les décisions appropriées.

Le Président: Dernière question, sans additionnelle, M. le député de Laurier.

Déduction applicable aux frais de garde d'enfants

M. Sirros: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à la ministre d'État à la Condition féminine et elle concerne surtout le dernier budget du ministre des Finances qui modifie le système de déduction applicable aux frais de garde d'enfants.

On sait qu'auparavant une femme qui travaillait à l'extérieur de la maison pouvait réclamer jusqu'à un maximum de 2000 $ par enfant pour les frais de garde. C'est aboli et on se trouve dans la situation où le travail de la femme à l'extérieur de la maison est dévalorisé financièrement, parce que maintenant ces mêmes femmes vont toucher beaucoup moins avec le nouveau système

qu'avec l'ancien système. La question est la suivante: Qu'entend faire la ministre par rapport à cela pour rendre au moins équitable la condition de la femme sur le marché du travail par rapport à celle qui choisit de rester au foyer et quel genre de représentations compte-t-elle faire pour changer cette situation?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je pense que c'est une façon de voir les choses. Si on prend la mesure qu'on retrouve actuellement au budget concernant ce qu'on appelle l'allocation de disponibilité, on sait qu'il y a un gain net pour l'ensemble des femmes et des couples du Québec de l'ordre de presque 160 000 000 $. On sait que la mesure coûte essentiellement près de 180 000 000 $ et le ministre des Finances pourrait confirmer ces chiffres. Elle nous coûtait autrefois, selon ce que vous soulignez, 19 000 000 $. Donc, il y a un gain net pour l'ensemble des familles de 160 000 000 $.

D'autre part, il faut le voir aussi dans une perspective où c'est quand même dans un système progressiste, c'est-à-dire où, effectivement, les gens qui ont des revenus supérieurs sont taxés davantage. Je pense que cela s'inscrit aussi dans l'ensemble du projet social qu'on véhicule comme gouvernement. Cela répond-il en partie à la question?

M. Sirros: Oui.

Mme Marois: D'autre part, ce qu'il faut ajouter aussi, c'est qu'effectivement cette mesure vient toucher des salaires quand même relativement élevés dans notre société, ce qui confirme un peu ce que j'expliquais tout à l'heure.

Le Président: Fin de la période des questions.

Des voix: Ah!

Le Président: Motions non annoncées. Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Avis à la Chambre.

M. le leader du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Charron: M. le Président, je voudrais indiquer brièvement, pendant que l'Assemblée est attentive, le menu de la journée d'aujourd'hui. Nous devrions entamer, d'une façon assez sérieuse, jusqu'à ce soir, à une heure raisonnable mais quand même avancée, le débat sur le projet de loi no 11 au nom du ministre des Finances. Si nous n'avons pas terminé ce soir, nous reprendrons ce débat demain soir. La journée de demain, c'est-à-dire demain matin, après la période des questions, et demain après-midi, sera consacrée à avancer à nouveau dans le débat sur le budget pour une période d'environ cinq heures, selon l'entente à laquelle nous sommes intervenus. Par la suite, au cours de la semaine, lorsque nous aurons disposé en deuxième lecture du projet de loi no 11, nous aborderons l'étude des deux projets de loi au nom du ministre des Transports, soit le projet de loi no 4 et le projet de loi no 5.

La semaine dernière, nous nous sommes quittés au moment où le député de Marguerite-Bourgeoys me posait la question, et j'avais promis une consultation, ce dont je vais faire état devant la Chambre maintenant, quant à la possibilité d'entendre un certain nombre de groupes, reliés de près ou de loin à l'enseignement privé, qui requéraient d'être entendus, à tout le moins, avant que l'Assemblée n'étudie les articles du projet de loi no 11 qui les concernent. La consultation a eu lieu, et je dois même dire que je l'ai étendue par la suite pour voir si cela devait obtenir le consentement de l'Opposition, ce qui m'a été accordé.

J'informe donc la Chambre que lors de l'étude article par article du projet de loi no 11, il est tout à fait vraisemblable que nous arrivions jeudi soir aux articles qui concernent ces citoyens et citoyennes en particulier et qu'en conséquence, jeudi soir prochain, outre les deux commissions déjà réservées pour l'étude des crédits, il y aura audition d'un certain nombre de groupes qui avaient demandé à être entendus par la commission parlementaire qui sera mandatée pour faire l'étude article par article du projet de loi no 11. Je ne mentionne pas les groupes inutilement, je dis simplement que la liste que nous avions a été complétée avec des gens que l'Opposition nous a demandé de recruter. À partir de cet après-midi même -parce qu'il faut les prévenir au moins 48 heures à l'avance - nous allons leur faire parvenir une invitation pour 20 heures, jeudi soir, dans une des salles de commissions de cette Assemblée.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): J'ai vu que le leader parlementaire du gouvernement semblait avoir terminé cette partie de son prône. Dans les circonstances, vous me permettrez de confirmer que nous avons été consultés, en effet, sur des auditions qui seraient incluses dans l'étude en commission du projet de loi no 11 relativement à la

politique budgétaire du gouvernement. Mais, M. le Président, je me demande s'il ne serait pas plus pratique, tout en respectant l'entente intervenue, de commencer dès 20 heures à entendre ces parties plutôt que de les faire attendre au moment, je ne sais quand, où on serait arrivé à tel article pour leur permettre de s'exprimer. Il me semble que ce serait beaucoup plus dans l'ordre et selon la bonne hospitalité québécoise de leur dire: Venez à 20 heures, on va vous entendre.

Deuxièmement, une heure trente, d'accord si c'est possible, mais est-ce que ça ne pourrait pas être facultatif jusqu'à un certain point ou, au moins, qu'on laisse une certaine latitude à la commission pour que, s'il y avait une ou deux autres personnes à entendre, on puisse les entendre. Je pense que c'est important. D'après le nombre d'interventions que nous avons reçues de part et d'autre de l'extérieur de cette Chambre, il y a là des questions extrêmement importantes et qui méritent qu'on les regarde avec autant d'attention que possible.

Troisièmement, le ministre voudrait-il nous dire quels sont les orqanismes qu'il a retenus pour que ces organismes ou associations puissent savoir, justement, que c'est à 20 heures, si le ministre retient ma suggestion, jeudi soir, que nous pourrions les entendre? (15 h 10)

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, le leader de l'Opposition m'oblige à donner le fond de ma pensée sur l'organisation des travaux de cette semaine. Ce pourquoi je préviens les députés que nous risquons de travailler tard en soirée sur l'étude en deuxième lecture, c'est que mon souhait serait de terminer la deuxième lecture de ce projet de loi ce soir, ou le plus tôt possible, oui ce soir, de sorte que, demain soir, les membres de la commission pourraient commencer l'étude article par article, jusqu'aux articles concernés, et suspendre leurs travaux. Jeudi soir, à 20 heures, lorsqu'ils reprendraient le travail, ils seraient déjà rendus aux articles qui concernent ces gens. Ces gens pourraient, dès ce moment, être entendus à 20 heures, parce que je conviens avec le député qu'il ne s'agit pas de les faire attendre inutilement.

Ce que je souhaite, c'est que nous nous arrangions pour être au rendez-vous avec eux à 20 heures à l'endroit prévu pour les rencontrer, c'est-à-dire aux articles qui les concernent.

Donc, je répète à nouveau: le plus possible, sinon totalement la deuxième lecture ce soir; demain soir, le début de la commission pour l'étude article par article de ce projet de loi et puis jeudi les articles qui concernent ces personnes.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Comme nous ne savons pas, ni le leader parlementaire du gouvernement ni celui qui vous parle, à quel moment nous allons terminer la deuxième lecture de ce projet de loi, si je comprends bien ce que vient de dire le leader parlementaire du gouvernement, quel que soit le proqrès ou le non-progrès réalisé, nous entendrons jeudi soir à 20 heures les personnes ou organismes qui voudraient se faire entendre. Puis-je demander encore au ministre de nous indiquer lesquels?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Charron J'indique tout de suite les groupes. Il s'agit du président de l'Association des institutions d'enseignement secondaire, l'AIES, l'Association des collèges du Québec, l'Association des institutions privées du Québec - c'est parce que je n'ai que les sigles ici - la CEQ, je la connais, c'est la Centrale de l'enseignement du Québec, la Fédération nationale de l'enseignement du Québec, l'Association des écoles juives et, à la demande de l'Opposition, l'Association des parents catholiques du Québec et un des collèges, le Collège Marie-Victorin qui a demandé à être entendu également. Cette demande nous parvient de l'Opposition.

Je vais ajouter que si nous sommes au rendez-vous à 20 heures, c'est-à-dire rendus à ces articles à 20 heures jeudi, il sera plus facile d'accorder plus de temps, comme le demande le député de Bonaventure, que si l'ensemble des travaux en dépendent. Je pense qu'à ce moment, s'il ne reste que ces articles, les députés choisiront de poser les questions qui leur conviennent et de réserver les dernières heures de la séance à l'adoption des articles proprement dits.

J'indique tout de suite que pour faire ce compromis d'une manière très honorable, je crois, parce que c'était aussi notre choix, cela nous obligera toutefois à modifier le calendrier de l'étude des crédits parce qu'à cette heure-là la commission de l'éducation doit siéger. Il est évident que j'imaqine que le ministre de l'Éducation et le critique de l'Éducation souhaiteront être là. Ensemble, on s'entendra pour reporter les heures de l'étude des crédits de l'Éducation qui devait avoir lieu à ce moment-là.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, strictement sur la question du choix des organismes, il est vrai que le leader nous a

soumis une liste et que nous avons fait quelques suggestions pour en ajouter pour tenter de la faire la plus complète possible, mais ce n'est pas exhaustif. Je ne veux pas non plus, parce que ce n'est pas notre responsabilité de le faire, prendre la responsabilité d'avoir refusé les autres.

C'est simplement pour essayer de la faire la plus complète possible avec une institution et l'Association des parents catholiques.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je l'assume, cette responsabilité, M. le Président, en m'excusant auprès de quiconque se trouverait mentionné par le fait même, parce que le caractère extraordinaire de cette consultation fait qu'on ne peut évidemment pas l'étendre comme si nous avions tout le temps du monde devant nous. En ce sens, il m'a semblé que les groupes qui sont là sont depuis longtemps reconnus dans la société québécoise comme étant les principaux porte-parole de ce secteur et que les députés auront une vue d'ensemble assez complète, même si elle n'est pas exhaustive.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cela va. M. le leader du gouvernement, les motions de la journée.

M. Charron: Oui, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant, en vertu de l'article 34, M. le député de Mont-Royal.

Recours à l'article 34

M. Ciaccia: M. le Président, hier soir, il y a eu une réunion à Outremont où il y avait une centaine de personnes très préoccupées par les avis d'expulsion qu'elles ont reçus à la suite de la conversion de leur propriété et de l'utilisation du concept de la propriété indivise qui est un contournement de la loi actuelle.

À la suite d'une question que j'avais posée au ministre délégué à l'Habitation, il s'était engagé à déposer, à l'Assemblée nationale, avant l'ajournement, un amendement à la loi pour effectivement arrêter cette pratigue et avoir un moratoire sur la conversion et sur l'utilisation du concept de la propriété indivise, afin que ces locataires soient protégés.

Est-ce que le leader peut nous dire quand le gouvernement va déposer en cette Chambre l'amendement nécessaire à la loi pour protéger les locataires?

M. Charron: M. le Président, le sujet est à l'ordre du jour du Conseil des ministres de demain et le député aura la réponse à sa question et probablement la réalisation de ce qu'il exprime comme souhait, dès la séance de jeudi matin.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de L'Acadie, en vertu de l'article 34.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais demander au leader du gouvernement s'il serait possible qu'on dépose dans cette Chambre les études que le gouvernement peut avoir entre les mains touchant le projet de loi no 15 sur la retraite flexible ou, si on veut, le projet de loi sur la retraite. On ne sait pas encore si ce sera appelé ou non, mais c'est quand même complexe. Si, par hasard, le gouvernement a des études - j'imagine qu'il n'aurait pas présenté un projet de loi sans des données pour l'appuyer - est-ce qu'il pourrait les mettre à la disposition des membres de cette Chambre?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Charron: Sur ce sujet particulier, madame, le ministre d'État au

Développement social et moi-même avons une suggestion à faire à nos collègues du Conseil des ministres, demain, sur le sujet de la loi dont vous parlez et qui concerne également les documents dont vous parlez. Si notre suggestion est acceptée au Conseil des ministres, demain, à la séance de jeudi matin aussi je lui donnerai une réponse qui probablement la satisfera.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Verdun, en vertu de l'article 34.

M. Caron: M. le Président, ma question s'adresse au leader du gouvernement. La semaine dernière, je demandais au ministre du Travail s'il y avait d'autres programmes dans le but de stimuler l'embauche pour les étudiants cet été, et je ne suis pas plus avancé. Nous en sommes déjà à mardi, je ne sais pas si le leader pourrait essayer de devancer, parce que déjà, en fin de semaine, beaucoup de jeunes étudiants sont venus me voir; ils déplorent ne pouvoir travailler, surtout quand il y a beaucoup de pertes comme dans la Grande Passe et beaucoup d'argent qui se dépense inutilement, alors qu'il pourrait être dépensé pour une bonne cause.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Charron: Je n'ai eu aucune communication de documents à déposer à cet égard, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont, en vertu de l'article 34.

M. Fortier: J'aimerais poser au leader une question touchant la Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec.

On nous a indiqué, à la fin de mai, que cette loi serait déposée avant la fin de juin et le leader, en réponse à une question du leader de l'Opposition, avait indiqué également qu'il y aurait une commission parlementaire appelée à ce sujet.

J'aimerais savoir quand le projet de loi sera déposé et quand la commission parlementaire de l'énerqie et des ressources sera appelée à siéger.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Charron: Je m'en tiens toujours à la même réponse, M. le Président, il semble tout à fait vraisemblable que le projet de loi en question sera déposé avant la prorogation de cette session. Si la consultation ouverte à Hydro-Québec doit avoir lieu, ce sera après la période de vacances de juillet, donc entre le 15 août et le mois de septembre.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, vendredi dernier, j'ai voulu poser une question au ministre de la Justice. Comme il était en mission à Ottawa, j'ai posé ma question au premier ministre. J'ai demandé au premier ministre de nous dire quelle est la position du gouvernement face à l'infiltration des policiers dans les milieux syndicaux et dans les milieux populaires. J'ai demandé au premier ministre: Est-ce que le gouvernement est pour ou contre cette infiltration policière? Mais le premier ministre...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, je suis prêt à vous entendre, mais pour autant que vous respectez le règlement. En vertu de l'article 34, posez votre question.

M. Marx: Le premier ministre a essayé de répondre à cette question, mais il a vraiment évité de répondre et il a dit: À son retour, le ministre de la Justice donnera une réponse à la Chambre. J'aimerais savoir si le ministre de la Justice va nous donner une réponse aujourd'hui, demain ou quand.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Charron: Je vérifierai, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Les motions, M. le leader. (15 h 20)

M. Charron: Je voudrais proposer, M. le Président, que la commission parlementaire des affaires sociales qui a déjà commencé l'étude des crédits de ce ministère puisse poursuivre son travail à la salle 81-A, à compter de maintenant jusqu'à 18 heures et de 20 heures à minuit, et que l'autre commission, celle du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu, qui reçoit actuellement des témoignages sur le projet de loi concernant le fonds minier puisse éqalement, aux mêmes heures, au salon rouqe, poursuivre son travail.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je vous prierais d'appeler le projet de loi au nom du ministre des Finances.

Le Vice-Président (M. Jolivet): L'article 6?

M. Charron: C'est l'article 6 du feuilleton.

Projet de loi no 11 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): Article 6, deuxième lecture du projet de loi no 11, Loi modifiant certaines dispositions législatives pour donner suite à la politique budgétaire du gouvernement pour l'exercice 1981-1982. M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, le projet de loi que nous avons devant nous comporte des modifications à plusieurs lois existantes et on a jugé préférable de procéder ainsi plutôt que de présenter à l'Assemblée nationale une douzaine de lois individuelles. Nous avons procédé de cette façon puisque, en somme, le projet de loi que nous avons devant nous est destiné à confirmer ou à consacrer les mesures qui avaient été annoncées à l'occasion du discours sur le budget. S'il y a une sorte de commun dénominateur entre ces lois, je le reconnais, assez disparates, c'est cela. C'est, en somme, la mise en application du discours sur le budget.

Je dois reconnaître, dès le départ, que cette loi n'est pas complète. Un certain

nombre de dispositions qui découlent du discours sur le budget donneront lieu à des lois spécifiques. C'est ainsi, par exemple, ainsi que le leader en parlait tout à l'heure, que la loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec de façon à autoriser le paiement d'une redevance ou d'un dividende sera présentée un peu plus tard à l'occasion de cette session. D'autre part, les dispositions juridiques autorisant le gouvernement à payer les allocations de disponibilité pour les femmes qui ont des enfants d'âge préscolaire, qui découlent aussi du discours sur le budget, donneront lieu à la présentation d'un projet de loi au début de l'automne, ce qui est, d'ailleurs, tout à fait compréhensible puisque cette mesure entre en vigueur au début de l'an prochain. Donc, toutes les mesures découlant du budget ne sont pas dans le projet de loi que nous avons devant nous, mais la plupart s'y retrouvent.

On me permettra de ne pas entrer dans le détail - ce n'est pas le rôle d'un discours en deuxième lecture - de chacune de ces dispositions, elles sont assez nombreuses, assez techniques, mais elles reflètent un certain nombre de principes importants, je pense, qui ont été présentés à l'occasion du discours sur le budqet et sur lesquels je me permets de revenir.

D'abord, une fois de plus, nous consacrons, à l'égard de l'impôt sur le revenu des particuliers, deux principes importants. Le premier, c'est celui de la déclaration annuelle d'un pourcentage d'indexation sur les exemptions personnelles. On se souviendra qu'en 1978 nous avions, dans le cadre de la réforme fiscale de l'impôt sur les particuliers, annoncé que chaque année le ministre des Finances décréterait un pourcentage d'indexation applicable aux exemptions personnelles. Ainsi que j'ai eu l'occasion de l'annoncer dans le discours sur le budget, cette année - enfin, l'année qui va commencer au 1er janvier 1982, l'année d'imposition - les exemptions personnelles seront à nouveau haussées de 7,5%.

Notre formule d'indexation à Québec est assez différente à cet égard de celle, par exemple, qui existe à Ottawa ou dans les autres provinces canadiennes. Mais je rappellerai que jusqu'en 1978, d'ailleurs décalée d'un an à cause de la fameuse querelle de la taxe de vente avec Ottawa, cette indexation des exemptions personnelles au Québec n'existait pas. Le Québec était la seule province qui avait refusé d'indexer les exemptions personnelles pendant plusieurs années et qui, donc, taxait l'inflation, littéralement. Ce qui se produisait depuis un bon nombre d'années, en fait, depuis le début des années soixante-dix, c'est qu'on taxait l'inflation au Québec parce qu'on n'indexait jamais les exemptions personnelles. Bien sûr, il est arrivé, sous le gouvernement qui nous a précédé, que des modifications à l'impôt soient apportées, que des réductions d'impôt, pendant un an, soient amenées, mais il n'y avait pas de formule. Le principe même de l'indexation n'avait jamais été reconnu.

Ce que nous avons fait, c'est d'introduire un coefficient d'indexation chaque année, qui n'est pas automatique, bien sûr, comme à Ottawa, qui dépend, dans une bonne mesure, des ressources dont nous disposons en même temps que du taux d'inflation lui-même, mais nous cherchons quand même à taxer l'inflation le moins possible. C'est un virage important, je pense, qui a été apporté par le présent gouvernement et qui a des conséquences, bien sûr, sur le fardeau fiscal des particuliers.

Le deuxième principe que nous consacrons à nouveau dans le dernier discours sur le budqet, et qui paraît dans le projet de loi que nous avons devant nous, c'est que de temps à autre le gouvernement annonce une réduction de l'impôt sur le revenu au-delà de l'indexation des exemptions personnelles. On se souviendra qu'en juillet dernier nous avions annoncé une réduction de la table des impôts de 3%. 3% pour tout le monde, quel que soit le revenu gaqné. Nous récidivons cette année en indiquant qu'à partir du 1er janvier 1982 il y aura une autre réduction de la table générale des impôts sur le revenu de 2%, ce gui fera 5% dans un an et demi.

Bien sûr, des réductions de la table d'impôt ainsi amenées n'ont pas de caractère automatigue particulier, cela dépend essentiellement des sommes dont le Trésor public dispose. Il ne faudrait pas s'imaginer que tous les six mois ou tous les ans on va, régulièrement et automatiquement, abaisser la table générale des impôts. Cela ne peut se faire que dans la mesure où, effectivement, on dispose des fonds nécessaires.

Je ferai remarquer cependant que 5% de réduction dans les tables dans un an et demi, c'est quelque chose d'assez appréciable, d'une part et d'autre part, que ça s'applique à tout le monde. Lorsque nous avons modifié l'impôt sur le revenu des particuliers au Québec, en 1978, on a, dans certains milieux, accusé le gouvernement de Québec d'avoir introduit une échelle des impôts trop progressive, taxant trop, en somme, les hauts revenus. À ce moment-là, on avait indiqué clairement que, bien sûr, la progressivité de la courbe des impôts au Québec correspond à une certaine idée que le gouvernement se fait de l'équité sociale mais que, néanmoins, quand on commencerait à abaisser cette table d'impôt, on l'abaisserait d'un pourcentage identique pour tout le monde, c'est-à-dire qu'en dollars, bien sûr, la réduction des impôts pour les revenus plus élevés serait plus importante

que pour les autres. C'est essentiellement ce principe que nous consacrons une deuxième fois dans le projet de loi que nous avons devant nous.

La combinaison de cette formule d'indexation que nous avons introduite plus la réduction des tables d'impôt donne des résultats qui sont assez étonnants. Je voudrais ici en montrer les exemples suivants. Imaqinons que quelqu'un qui avait gagné 15 000 $ en 1979, en gagne, en 1982, trois ans plus tard, 20 000 $. Qu'est-ce qu'il a payé et qu'est-ce qu'il va payer, en pourcentage de son revenu sous forme d'impôt au Québec? Je parle ici d'un contribuable taxé comme marié. En 1979, il aurait payé à peu près 9% de son revenu en impôt au Québec, et en 1982, sur un revenu augmenté - parce que l'inflation a les conséguences qu'on connaît - aussi à peu près 9%. Donc, le pourcentage n'a pas changé grâce aux mesures gui ont été introduites. (15 h 30)

Imaginons que cet individu ait vu augmenter son niveau de revenu de 15 000 $ à 20 000 $ et que l'ancien système de taxation, celui qui existait avant que nous ne le changions en 1978, ait été simplement poursuivi, qu'est-ce qui serait arrivé? Le même individu aurait payé, en 1979, non pas 9% de son revenu en impôts, mais 10,8%. Et en 1982, il ne paierait pas 9% de son revenu en impôts, il en paierait 13,3%, presque 50% de plus, M. le Président. On comprend que ces pourcentages n'ont pas l'air d'être très élevés, mais c'est 50% de plus ou presque. Passons à un autre registre, à des gens qui ont un revenu un peu plus élevé. Supposons que toujours le contribuable taxé comme marié ait gagné 20 000 $ en 1979, et qu'en 1982 son revenu, à cause d'augmentations de salaire correspondant à l'inflation, soit passé à 26 000 $. Avec les impôts actuellement payables au Québec en pourcentage, à 20 000 $ en 1979, il aurait payé à peu près 12% de son revenu en impôts et en 1982, sur un revenu de 26 000 $, a peu près le même pourcentage.

Sous l'ancien système d'impôt, celui que nous avons modifié, celui qui existait avant nous, il aurait payé non pas 12% en 1979, mais 13,3%. Non pas 12% en 1982, mais 15,3%. C'est dans ce sens, M. le Président, qu'en présentant ce projet de loi, j'ai parfaitement conscience des modifications très profondes que le gouvernement a apportées pour réduire le fardeau fiscal extraordinairement élevé dont les Québécois avaient hérité en vertu de l'ancien système fiscal qui s'appliguait à eux. Bien sûr, il y en a qui diront: La chute n'est pas assez rapide. Bien oui. On aimerait toujours avoir davantage. On aimerait toujours que cela puisse se faire plus vite. Je ne disconviens pas que le fardeau fiscal des Québécois reste très lourd, reste trop lourd, mais on ne peut pas pratiquer un virage aussi rapidement qu'en deux ans ou trois ans. Il faut le prendre graduellement. L'important, M. le Président, dans ce domaine, ce n'est pas, comment dire, le geste spectaculaire gui n'a pas de lendemain, mais la persistance qui fait que d'année en année on cherche à corriger une situation fiscale qui, jusqu'à maintenant, à l'égard du contribuable, avait été indiscutablement beaucoup trop lourde.

Il y a un impôt applicable aux particuliers que, malheureusement, j'ai dû augmenter et gui est consacré encore par cette loi que nous avons devant nous. Il s'aqit de l'impôt sur le tabac. On s'était entendu, il y a déjà plusieurs années, pour que le déficit olympique, le coût des installations olympiques, soit financé, d'une part, par les recettes venant de Loto-Canada et, d'autre part, par un impôt sur le tabac. Comme chacun le sait, les recettes de Loto-Canada applicables à ce déficit olympique sont venues à échéance à la date prévue par le gouvernement fédéral, donc, il n'y a plus de versements en vertu de ce poste. Mais là, il n'y a pas de surprise. C'était prévu au départ de cette façon. Bien sûr, les montants qui ont été payés par Loto-Canada ont été très inférieurs aussi bien aux chiffres qui avaient été présentés à la Chambre des communes d'Ottawa qu'à l'Assemblée nationale ici, il y a plusieurs années, il y a bien des années.

D'autre part, les rentrées de fonds venant de la taxe sur le tabac aussi ont été inférieures. Le résultat, c'est que le fonds olympique n'est pas équilibré. Donc on serait menacé, si on laissait la situation se développer comme elle se développe à l'heure actuelle, de ne jamais rembourser la dette olympique et de faire en sorte qu'on refinance les emprunts au fur et à mesure qu'ils viennent à échéance. La collectivité québécoise paierait indéfiniment, sous forme d'intérêts, et Dieu sait si à notre époque les intérêts sont élevés, un stade olympique dont la dette ne s'éteindrait jamais. Il est clair qu'une situation comme celle-là ne peut pas durer, n'est pas acceptable. C'est en vertu de cette constatation qu'aux fins de financer le déficit du stade olympique, de la construction olympique, plutôt, j'ai demandé l'autorisation de porter la taxe sur le tabac de 40% à 45%. Je l'avais établi dans le discours sur le budget et c'est consacré par le projet de loi que nous avons devant nous. Inutile de dire évidemment que les taxes sur le tabac gui correspondent aux changements impliqués dans la loi que nous avons devant nous ont été applicables dès le soir du budget et que je n'annonce pas aujourd'hui une autre hausse sur le tabac. Nous consacrons une hausse qui est applicable depuis minuit, le 10 mars dernier. Voilà, M. le Président, à peu près ce qu'on peut dire

des principales dispositions applicables dans ce projet de loi aux particuliers.

Je voudrais maintenant dire quelques mots sur la fiscalité des entreprises. Nous avons effectivement, à l'occasion du dernier budqet, amené une transformation très profonde dans le régime de fiscalité des entreprises au Québec. Je vous avouerai avoir été un peu étonné de constater que, dans les semaines qui ont suivi le discours sur le budqet le 10 mars et à travers toute la campaqne électorale, on ait aussi peu traité de cette transformation dans l'impôt sur les entreprises. Il faut croire qu'il y a certains sujets qui intéressent beaucoup les observateurs et que, dès qu'on touche à la fiscalité des entreprises, on entre, je ne sais pas, dans une espèce de sorcellerie qui fait que personne ne veut y toucher.

Je dois dire qu'après maintenant trois mois francs de dépôt de ces dispositions sur la fiscalité des entreprises je reste sidéré de voir à quel point il y a eu relativement très peu de commentaires. Sauf erreur, le premier commentaire que j'ai vu dans les journaux date d'il y a un mois et demi et le premier commentaire en cette Chambre que j'ai entendu était celui du député de Westmount hier, je pense, ou avant-hier en réponse au discours sur le budget. Il y a eu encore très peu de discussions là-dessus dans notre société. Je pense que c'est dommage, parce qu'à toutes fins utiles il y a des orientations majeures à prendre pour nous et pour les autres provinces canadiennes dans les années qui viennent à l'égard de la fiscalité des entreprises. J'ai donc l'intention d'en dire quelques mots, de revenir sur cette question et d'être un peu plus explicite.

Nous avons traditionnellement trois types de taxes sur les entreprises qui alimentent le trésor public du Québec. Je ne parle pas des taxes foncières municipales, évidemment; c'est autre chose. Il y a d'abord un impôt sur les profits dont, en gros, le fédéral récolte les trois quarts et les provinces, un quart, un peu plus, un peu moins. Chaque province, évidemment, peut établir son taux d'imposition comme elle l'entend. Donc, il y a des provinces qui prennent un peu moins que le tiers, si l'on veut, de ce que ramasse le fédéral et d'autres, un peu davantaqe, mais en gros les proportions sont de cet ordre.

D'autre part, une taxe sur le capital a un certain degré de généralité au Canada. L'Ontario et le Québec, en particulier, en ont depuis fort longtemps et nous avons eu l'occasion au Québec, il y a deux ans, de moderniser un peu cette taxe sur le capital qui était composée d'éléments fort disparates, hérités de l'histoire et qui n'avaient plus vraiment de justification autre qu'historique. On avait réorganisé cette taxe sur le capital, un peu comme l'Ontario l'avait fait un an auparavant. C'est une deuxième source de fonds qui vient des entreprises pour le trésor québécois.

Troisièmement, nous avons depuis fort longtemps au Québec une contribution des employeurs au régime de santé. Ce n'est pas une taxe dans le sens propre du mot. Lorsque cette contribution des employeurs a été établie, il y avait une contribution des employés du même ordre. La RAMQ, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, pendant fort longtemps, a été alimentée d'une contribution venant des employés et d'une contribution venant des employeurs, un peu selon le même principe que la Régie des rentes. À l'occasion de la réforme fiscale de 1978, nous avions aboli la contribution des employés à la Régie de l'assurance-maladie et fusionné cela avec l'impôt sur le revenu. Il est donc resté la contribution de l'employeur. Cette contribution de l'employeur avait déjà connu, en 1975, je pense - sauf erreur, M. le Président - ou peut-être au début de 1976, un premier doublement. Elle était de 0,7% des feuilles de paie et elle avait été portée à 1,5%.

(16 h 40)

Voilà, en somme, les trois canaux par lesquels, dans l'ensemble, les entreprises collaborent au financement du gouvernement du Québec. Il ne fait pas de doute qu'à bien des égards il est très difficile de justifier le niveau de l'une ou l'autre de ces contributions par rapport aux deux autres. D'autre part, on reconnaît volontiers que l'impôt sur les profits des corporations présente des problèmes majeurs d'administration dans un pays comme le Canada, essentiellement parce qu'il est trop facile pour des entreprises oeuvrant dans l'ensemble du Canada de déplacer leurs profits ou de déclarer leurs profits à peu près n'importe où.

Bien sûr, les gouvernements provinciaux, depuis fort longtemps, se sont entendus sur une formule en vertu de laquelle l'on partage les profits entre les provinces à des fins de taxation en prenant la moyenne arithmétique de la répartition des ventes entre les provinces et de la répartition de la feuille de paie entre les provinces pour la compagnie en question. C'est une sorte de règle empirigue, de "rule of thumb", comme on dit en anglais, qui n'a pas de signification particulière, mais qui, quand même, a évité des problèmes de double taxation entre les provinces.

Il n'en reste pas moins qu'il est loisible, il est possible pour une entreprise oeuvrant dans la province A de déclarer l'essentiel de ses profits dans une autre province. J'ai déjà eu l'occasion de donner à l'Assemblée nationale des exemples assez étonnants de compagnies de pétrole disposant de raffineries au Québec qui ne déclaraient plus aucun profit au Québec et qui en étaient parfaitement ravies. Elles n'avaient

pas du tout l'intention de fermer les raffineries à cause de cela, mais simplement, parce que des "resources companies" pouvaient être ouvertes en vertu d'une loi de l'Alberta, elles répartissaient leurs affaires de façon que, compte tenu des "resources companies" et compte tenu du prix d'approvisionnement du brut dans leurs raffineries de Montréal, elles ne déclaraient pas de profits et n'avaient pas à en déclarer au moment même où, comme compagnies, elles faisaient les plus hauts profits de leur histoire.

Il y a ainsi un certain nombre d'anomalies qui fait que l'impôt sur le profit des corporations n'est pas nécessairement considéré comme le plus facile à administrer. Dans ce sens, j'ai eu l'occasion de lire dans les journaux - je ne sais pas si ça correspond au fond de sa pensée - certaines remarques du député de Westmount; je dois dire que, si ce que j'ai lu est exact, je suis parfaitement d'accord avec lui: ce n'est pas un impôt facile à administrer.

D'autre part, je reconnais qu'il n'y a pas vraiment de logique à des taux aussi différents que ceux que nous avons toujours connus pour les trois contributions dont je parlais tout à l'heure. Il doit quand même y avoir moyen d'établir une taxation plus raisonnable, plus intelligible. C'est dans ce sens que les propositions qui ont été annoncées dans le discours sur le budget sont entérinées dans le projet de loi d'aujourd'hui. Tout se passe comme si nous cherchions à établir une taxe de 3% sur chacun des facteurs de production. Cela, ce serait relativement intelligible. Sur chacun des facteurs de production qui entrent dans une entreprise, son degré de contribution au trésor public serait fixé à 3%. Vous me direz: Pourquoi pas à 4%, pourquoi pas à 2%? À toutes fins utiles, il faut, bien sûr, s'entendre sur un niveau, mais on se dit que les facteurs de production qui entrent dans une entreprise auront le même genre de contribution au trésor public.

C'est ainsi que s'explique pourquoi les contributions d'employeurs ont été montées à 3%. On peut expliquer de la même façon que, par exemple, si on considère que la rentabilité des entreprises à un niveau moyen de 15%, pour celles qui font des profits, n'est pas absolument anormale, 3% de 15%, ça fait 0,45%, c'est-à-dire le taux de la taxe sur le capital que nous avons établi pour toutes les entreprises, sauf les institutions financières où c'est un peu plus élevé. D'autre part, l'impôt sur le profit des corporations se retrouve à quel niveau? Pour toutes les petites et moyennes entreprises, à 3%. Pour les très grandes entreprises, nous allons le réduire non pas de 13% à 3%, comme dans le cas des petites, mais, dans un premier temps, de 13% à 5,5%, parce que si on réduisait à 3%, cela ferait vraiment trop riche. Il faut bien comprendre que cette réorganisation de l'impôt sur les corporations au Québec et de leur contribution d'employeurs, que cette réorganisation ne leur est pas défavorable. Si, en fait, d'un seul coup, on avait réduit l'impôt sur les profits des grandes corporations de 13% à 3%, l'ensemble du paquet que je viens d'exposer serait très riche. Elles feraient bien plus d'argent qu'elles n'en ont fait jusqu'à maintenant.

Déjà, la formule que nous avons proposée est très avantaqeuse pour les entreprises au Québec. C'est peut-être pour cela d'ailleurs qu'en pleine campagne électorale on a vu si peu de protestations. Elle est loin d'être défavorable, au contraire. D'autre part, elle présente une caractéristique assez intéressante, assez amusante. Il est certain que des compagnies dont l'essentiel de leurs affaires se trouve au Québec avaient, depuis quelques années, pour des raisons diverses, parfois techniques, parfois peut-être moins techniques, ouvert par exemple en Ontario, dans d'autres provinces, des "Sales companies" auxquelles on vendait la production à un prix tel qu'on pouvait déclarer zéro profit au Québec et déclarer tous les profits ailleurs.

Ce genre de procédure va devenir rapidement désuet. Il est même possible qu'on voie des "Sales companies" apparaître au Québec. Pourtant, il ne faut pas oublier que le taux, une fois tous les ajustements que je viens d'indiquer finis, terminés, d'impôt sur les profits des corporations au Québec est le plus bas au Canada et un des plus bas en Amérique du Nord. Donc, ceux qui voudraient, pour des raisons un peu artificielles, techniques, annoncer ou déclarer leurs profits ailleurs vont avoir à s'expliquer devant leur assemblée d'actionnaires, parce que cela va être coûteux pour eux. J'ai comme vaguement l'impression, M. le Président, que l'on va voir des déclarations de profits au Québec tout à fait exceptionnelles. Si tant est que c'est le cas, je serai le dernier à m'en plaindre.

Donc, on change l'optique selon une formule qui, comme j'ai eu l'occasion de le dire, n'est pas très différente de celle qui vient de s'établir dans l'État de Michigan et gui donne déjà des résultats qui sont très intéressants, à défaut, bien sûr, de pouvoir établir une taxe à la valeur ajoutée.

Je ne cacherai pas, M. le Président, qu'en un certain sens, les propositions que nous faisons là sont une sorte d'amorce de taxe à la valeur ajoutée qui est bien plus juste, qui existe maintenant à peu près partout en Europe, mais qu'un gouvernement de province ne peut pas établir tant qu'il est un gouvernement de province. La constitution en effet nous empêche d'établir une taxe indirecte et il est indiscutable qu'une taxe à la valeur ajoutée est une taxe indirecte, en

vertu de la constitution. Je me contente donc de quelque chose d'un peu analogue qui est indiscutablement constitutionnel, qui permet au gouvernement du Québec de tirer davantage d'argent des corporations, mais qui, d'autre part, est avantageuse pour les corporations, bien sûr pour celles qui font des profits, dans la mesure où une partie des charges additionnelles qu'on leur impose sont déductibles de leur impôt fédéral.

Dans ce sens, il y a là une sorte de vase communiquant avec l'autre gouvernement qui s'avère être éminemment utile. Que le gouvernement de Québec puisse tirer plus d'argent, que le fardeau réel des entreprises, compte tenu de l'ajustement par l'impôt fédéral, soit un peu moindre, cela me semble être pas loin, M. le Président, de la quadrature du cercle. (15 h 50)

Ceci étant dit, il y a d'autres dispositions dans la loi que nous avons devant nous qui ne sont pas de nature aussi directement fiscale. C'est ainsi, par exemple, que c'est dans la loi 11 qu'apparaissent un certain nombre de modifications au régime de financement des institutions d'enseignement privé. Mon collègue, le ministre de l'Éducation, aura, dans le cours du débat en deuxième lecture, à faire une intervention à ce sujet. Je pense qu'il est plus normal que je lui laisse cette intervention plutôt que d'en faire une moi-même sur le sujet.

D'autre part, nous avons l'intention d'amender certaines dispositions de la loi, soit dans le domaine social, soit dans le domaine du revenu, qui vont permettre une bien meilleure administration de ce mouvement de fonds qui existe entre le gouvernement et ses citoyens.

Là-dessus, je m'explique. Il arrive très fréquemment que le gouvernement ait à réclamer, très justement d'ailleurs, des sommes à certains particuliers qui, d'autre part, reçoivent des remboursement d'impôt. Il n'y a pas de raison de monter deux administrations parallèles, l'une pour payer et l'autre pour collecter, quand on pourrait faire en sorte que les premiers montants soient défalqués des seconds automatiquement. Il s'agit là, je pense, simplement d'une question de saine gestion qui n'était pas possible dans le cadre existant de nos lois jusqu'à maintenant et qui maintenant, avec la loi 11, deviendrait faisable et possible.

Finalement, je tiens compte, dans les dispositions de la loi 11, d'une déclaration ministérielle que j'ai eu l'occasion de faire le 12 décembre dernier, relativement à un certain nombre de dispositions relatives à des lois concernant la vente au détail et qui m'amènent à conclure sur ces derniers changements apportés aux taxes de vente au Québec.

On sera peut-être un peu étonné de constater que dans le projet qu'on a devant soi on fait état du relèvement de 100 $ à 125 $, par exemple, de l'exemption de taxe de vente pour les bottes, c'est un ajustement que j'ai fait pour tenir compte de l'inflation. Mais on n'y trouve pas d'allusion au fait que, depuis le 10 mars dernier, les cuisinières et les frigidaires, par exemple, sont exemptés de taxe de vente, parce que ça se fait en fonction d'un règlement dont mention apparaît dans la loi; c'est donc le règlement qui sera changé plutôt que la loi.

Ces réductions de taxe de vente du dernier budget sont aussi dans le prolongement de ce que le gouvernement fait depuis déjà un bon nombre d'années. Ainsi, j'ai eu l'occasion de le dire dans le discours sur le budget, nous avons cherché depuis quelques années à éliminer les taxes de vente sur un certain nombre de produits qui nous paraissent essentiels pour l'ensemble de la population.

Bien sûr lorsque, certaines années, on a davantage d'argent, on réduit ou on enlève les taxes sur des éléments importants; lorsqu'on a moins d'argent, on les enlève sur des éléments moins coûteux. Cette politique très systématique, que nous avons poursuivie depuis quelques années, vient appuyer les réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers.

En conclusion, M. le Président, je pourrais dire ceci: Toutes ces taxes à l'égard des particuliers, que nous avons réduites, y compris les allocations de disponibilité, qui entreront en vigueur au début de l'année prochaine, ça veut dire quoi comme réduction du fardeau fiscal des particuliers? Si on tient compte de ce qu'aurait coûté aux particuliers du Québec la structure de l'impôt sur le revenu des particuliers dont nous avons hérité de l'ancien gouvernement, mais que nous avons changée en 1978, si on avait seulement prolongé cette structure, si on avait pris les taxes de vente telles que nous les avons eues, au moment où nous sommes arrivés au pouvoir, et qu'on avait prolongé cela jusqu'en 1982, combien les particuliers au Québec paieraient-ils de plus au titre de l'impôt des particuliers et au titre des taxes de vente? La réponse, pour 1982, M. le Président, c'est presque 2 000 000 000 $. L'effort que nous avons fait pour réduire l'impôt sur le revenu des particuliers, que nous allons faire pour les allocations de disponibilité, que nous avons fait pour exempter des produits de la taxe de vente, ça représente en 1982, dans l'année qui va commencer, à peu près 2 000 000 000 $. Ce n'est pas rien, M. le Président; c'est le résultat d'un effort systématique d'un gouvernement qui s'était rendu compte que, le fardeau fiscal des Québécois étant trop élevé, il fallait commencer à le réduire de façon aussi

systématique que possible. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, je me lève seulement sur une question de règlement. Le ministre des Finances a passé sous silence les dispositions du projet de loi no 11 concernant l'enseignement privé expliquant que ce serait le ministre de l'Éducation qui parlerait au nom du gouvernement à ce sujet. S'ils sont d'accord, l'autre côté, M. le Président, on suggérerait que le ministre de l'Éducation fasse son intervention maintenant pour que nous obtenions les explications nécessaires et que nous fassions nos interventions après coup.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Charron: II n'y a rien qu'on ne ferait pas pour vous faire plaisir.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de l'Éducation.

M. Camille Laurin

M. Laurin: M. le Président, les modifications que nous proposons d'apporter à la Loi sur l'enseignement privé dans le cadre du projet de loi no 11 s'expliquent et sont justifiées par l'analyse que nous pouvons tous faire d'une même situation. Au moment où nous devons effectuer, dans tous les secteurs de l'enseignement public, un ensemble de compressions budgétaires, il n'est que juste, selon nous, que le secteur de l'enseignement privé participe également à cet effort, à cet effort collectif de réaménagement de nos priorités et aussi en même temps de rationalisation de nos ressources disponibles.

Dès le mois de février dernier d'ailleurs, le sous-ministre de l'Éducation et le sous-ministre adjoint responsable de ce secteur d'enseignement informaient les représentants des quatre principales associations d'institutions privées des restrictions budgétaires qu'elles devraient supporter dès l'année 1981-1982. Ainsi donc, M. le Président, à partir du 1er juillet 1981, les compressions budgétaires auxquelles devront se soumettre toutes les institutions publiques et parapubliques s'appliqueront également aux institutions du secteur privé d'enseignement.

Afin de mieux ajuster le rythme d'évolution des deux secteurs d'enseignement, le mode de financement du secteur privé sera donc modifié. Il ne sera plus basé sur le coût moyen du secteur public de l'année qui précède. Les subventions aux institutions privées seront désormais versées à partir d'un montant per capita, fixé selon le niveau d'enseignement et selon le type de permis détenu par chaque institution. Ces montants per capita seront, par la suite, annuellement indexés, ajustés en tenant compte de l'évolution du secteur public.

Je crois, M. le Président, que, si ce nouveau mode de financement avait été effectué dans un contexte d'opulence, il aurait été reçu avec grande satisfaction par les milieux concernés gui, à maintes reprises et non sans raison, ont décrié le mode de financement basé sur le coût moyen du secteur public de l'année précédente. Car, il faut bien le dire, la notion même de coûts moyens est tellement complexe, imprécise, et elle a connu de si nombreuses variations depuis dix ans que personne ne sera réellement déçu de la voir disparaître. Nous la remplaçons maintenant par des montants fermes, des montants précis. Ces mécanismes d'allocation garantiront que, d'année en année, les fluctuations observées dans le secteur public se répercuteront très exactement et au même moment sur le secteur privé. C'est là, incidemment, un heureux résultat du nouveau mécanisme ou de la nouvelle formule de budget fermé qu'a instituée notre gouvernement pour le secteur public. (16 heures)

La plupart des institutions privées nous ont déjà signifié leurs points d'accord et de désaccord avec cette nouvelle formule. Elles auront l'occasion à nouveau, publiquement cette fois, d'exposer leurs inquiétudes lors de l'étude de ce projet de loi en commission parlementaire. J'expliquerai moi-même alors la réelle dimension de ces contraintes budgétaires. J'aurai aussi l'occasion d'expliquer probablement plus en détail notre position lors de la défense des crédits de mon ministère.

Les conséquences des modifications que nous soumettons porteront non seulement sur les montants de subventions qui seront versées aux institutions privées, mais également sur les frais de scolarité que celles-ci seront dorénavant autorisées à percevoir près de la clientèle. Dans le cas d'institutions déclarées d'intérêt public, ces frais pourront être portés jusqu'à la moitié du montant de la subvention per capita. Dans le cas d'institutions reconnues pour fins de subventions, ces frais pourront être égaux au montant de ces mêmes subventions. Il s'agit d'une mesure gui permettra aux institutions de compenser pour la diminution de la portion de leurs revenus gui leur venait antérieurement, jusqu'ici, de l'État.

La question est sans doute délicate, mais elle mérite qu'on s'y arrête. Nous sommes, en effet, conscients qu'il existe un point critique au-delà duquel une mesure, bénéfique en soi, cesse de l'être et particulièrement, en l'occurrence, du fait que

cette mesure pourrait entraîner une baisse éventuelle de clientèle et, par voie de conséquence, une perte de revenus pour l'institution. Mais nous sommes, en pareille matière, dans un domaine conjectural, aléatoire et fluctuant qui relève davantage de la motivation des intéressés que de facteurs économiques bien précis. Les perspectives qu'ouvrent ces modifications à la loi nous paraissent à cet égard aussi opportunes que réalistes; il reviendra aux institutions de s'en prévaloir à bon escient.

Indépendamment des montants précis en cause, un principe auquel tiennent beaucoup les institutions privées demeure: les citoyens désireux de se prévaloir d'un enseignement privé mis à leur disposition en parallèle avec le secteur public dans lequel ils pourraient, d'ailleurs, trouver place pourront continuer à le faire par une participation pécuniaire accrue. Dans le contexte économique global du Québec et face à la situation démographique actuelle, face à cette baisse de clientèle que nous connaissons depuis plusieurs années dans le secteur scolaire, il nous a paru juste d'associer le secteur privé d'enseignement aux mesures de ralentissement des dépenses publiques. Ces modifications ne remettent, par ailleurs, aucunement en cause le droit à l'éducation. Elles ne restreignent pas, non plus, l'accessibilité des enfants à l'école québécoise. Elles n'affectent en aucune façon notre patrimoine culturel. Cependant, et nous le concédons volontiers, ces modifications rendront pour les parents le choix du secteur privé d'enseiqnement un peu plus astreignant, mais sans doute mieux éclairé. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Je ne veux pas m'étendre longuement sur les mesures de caractère fiscal qui ont été évoquées tantôt par le ministre des Finances, sauf pour rappeler certains points inhérents à la critique fondamentale que l'Opposition a faite du dernier budget du ministre des Finances, en particulier les points suivants. En ce qui touche l'impôt sur le revenu des particuliers, j'ai noté les observations du ministre des Finances et je conviens qu'elles contiennent une part de vérité. Je tiens à rappeler, cependant, qu'avec l'indexation seulement partielle que nous avons toujours au Québec le gouvernement continue de s'enrichir plus vite que les particuliers parce que sa part de revenus à même la croissance générale de l'économie augmente plus vite que la part de revenus nets qui reste aux particuliers après qu'ils ont acquitté leurs charqes fiscales.

En ce qui touche la taxe de 3% sur les entreprises, nous avons formulé à maintes reprises, même avant le déclenchement de la campagne électorale, les réserves que nous inspirait l'augmentation de 1,5% à 3%. Les prélèvements qui sont faits à même le livre des salaires dans les entreprises pour les fins du financement du gouvernement - et je tiens à rappeler brièvement les critiques fondamentales que nous avons à formuler à ce sujet - sont une augmentation de taxe véritable. Qu'on l'appelle du nom qu'on voudra, c'est une auqmentation de taxe. On augmente la taxe sur le livre des salaires de 1,5% ce qui est considérable. C'est une taxe qui est auqmentée d'une manière cachée parce que l'individu, le particulier ne s'en aperçoit pas. Finalement, nous devons tous convenir que c'est une augmentation qui est refilée au contribuable, dans la très qrande majorité des cas, sous la forme d'un prix accru pour les services ou les biens qu'il veut se procurer.

C'est également une auqmentation de taxe qui risque d'être peu économique à bien des points de vue parce qu'elle incitera plusieurs entreprises à mettre l'accent sur les achats et les renouvellements d'équipement et de machinerie plutôt que sur le capital humain. On va s'apercevoir que ça coûte moins cher, dans certains cas, de mettre l'accent sur la multiplication des équipements plutôt que sur l'engagement de la main-d'oeuvre et il en résultera fort possiblement, au bout de la ligne, une réduction des chances d'emploi pour les Québécois qui sont déjà résidents de l'une des provinces où le taux de chômage est le plus élevé à travers tout le Canada. Nous avons vu, ces jours derniers, que notre taux de chômage est actuellement de 10%. C'est le taux de chômage avoué, connu. Je pense que tout le monde convient qu'il faut ajouter une marge de 2% ou 3% pour connaître le taux de chômage réel, tel qu'il existe dans la vie des citoyens.

C'est également une auqmentation de taxe qui frappe indistinctement les entreprises marginales, les entreprises très profitables. Je faisais des calculs moi-même pour une entreprise dont j'ai eu la charge autrefois, qui pouvait avoir un total de salaires, chaque année, de 3 000 000 $ à 4 000 000 $; cela a évolué depuis que je suis parti, évidemment. Si vous calculez des emplois à un salaire moyen de 20 000 $ pour une entreprise qui a un budget de salaires de 3 000 000 $, cela fait à peu près 150 emplois, et si vous multipliez par 1,5% les charqes qui sont ajoutées par le ministre, cela fait 45 000 $. Cela veut dire que c'est l'équivalent de deux emplois et une fraction qui sont atteints dans cette entreprise, qu'on le veuille ou non. Mes calculs peuvent peut-être comporter une part d'erreur. Je les fais à mesure que je parle. Mais vous voyez tout de suite la marge. Je

vous assure que quand on dirige une entreprise de taille moyenne ou petite, quand des charges supplémentaires viennent s'ajouter sous forme de redevances fiscales plus élevées, cela se traduit très souvent, au bout de la ligne, par une coupure d'un ou deux postes pour qu'on soit capable de continuer à équilibrer les livres à la fin de l'année. On ne peut pas générer des revenus aussi facilement que se l'imagine peut-être le ministre des Finances, quand on est dans une situation aussi serrée.

Ce mode de financement du gouvernement est évidemment beaucoup plus sûr pour le gouvernement parce qu'il va puiser à la source même des déboursés premiers d'une entreprise. C'est beaucoup plus intéressant que de dépendre principalement des profits des entreprises, surtout quand ces profits sont très aléatoires ou très variables d'une année à l'autre. Je pense que ça traduit, de la part du gouvernement, un refus, du moins partiel, de s'associer aux risques qui vont avec la conduite des entreprises. Il me semble que c'est un élément essentiel de notre système, ça. Cette augmentation de taxe cachée nous inspire de nombreuses réserves. J'ai écouté les explications du ministre des Finances avec intérêt tantôt, mais je dois lui dire qu'après l'avoir entendu, j'éprouve l'obligation de lui faire part quand même des réserves que nous nourrissons à ce sujet.

J'ajoute aussi que les mesures que décrit le projet de loi no 11 ne feront rien pour diminuer l'ampleur du problème budgétaire, en particulier du déficit qui nous est annoncé dans le budget. Ces mesures contribueront à procurer les rentrées de revenus que prévoit le ministre, mais elles ne nous donnent évidemment aucune garantie que le déficit non seulement ne sera pas inférieur à celui qui a été annoncé, mais ne sera pas de beaucoup supérieur, comme cela a été le cas sous les cinq années de gestion du ministre des Finances. Nous anticipons, de ce côté-ci de la Chambre que le déficit à la fin de l'exercice devrait être supérieur à 3 500 000 000 $ comparativement aux 3 000 000 000 $ qui ont été annoncés par le ministre. J'ai bien hâte de voir les résultats de l'exercice qui s'est terminé le 31 mars pour voir si on est déjà engagé dans cette voie. On les attendra avec beaucoup d'intérêt. (16 h 10)

Je voudrais, dans ces remarques qu'il m'est donné de faire sur le projet de loi, souligner d'une manière spéciale les lourdes conséquences des coupures budgétaires que le ministre des Finances a imposées d'une manière qui nous paraît, de ce côté-ci de la Chambre ainsi qu'à des milliers de responsables d'institutions sociales et éducatives à travers le Québec, éminemment arbitraires et déplorables dans leurs conséquences. Fn matière de services sociaux, je recevais ces jours derniers une pétition signée par des centaines et des centaines de citoyens associés à la gestion de services sociaux dans la région de l'Estrie. Ils sont unanimes, M. le Président, à déplorer les effets lamentables que ces coupures auront sur la qualité des services sociaux offerts aux catégories de citoyens qui en ont le plus besoin dans notre société. Je recevais ces jours-ci également des représentations d'un organisme gui m'intéresse d'une manière toute spéciale. C'est le Centre des services sociaux de la région Laurentides-Lanaudière dont font partie, je crois, le comté que représente le ministre des Finances et le comté d'Argenteuil. Les responsables de ce centre de services sociaux constatent que la région Laurentides-Lanaudière est l'une des plus mal pourvues de tout le Québec en matière de services sociaux et sanitaires. Si l'on compare la proportion de la population que contient cette région, environ 8%, et la proportion que la région reçoit sous forme de budgets affectés à des services sociaux et sanitaires, l'écart est considérable et particulièrement aigu dans le cas du comté d'Argenteuil en ce qui touche les services aux personnes âgées, les soins à domicile et les services de cliniques externes au Centre hospitalier de Lachute. Évidemment, les coupures que nous impose le ministre des Finances ne contribueront aucunement à réduire cet écart qui existe et qui est déploré par tous ceux qui sont engagés dans l'action sociale ou sanitaire dans la région. Au contraire, elles contribueront peut-être à l'accentuer. En tout cas, elles contribueront sûrement à priver les citoyens de cette région de services auxguels ils ont un droit rigoureux. C'est une égalité de traitement à laquelle leur droit est absolument incontestable.

Dans le domaine de l'enseignement, nous allons parler particulièrement, à l'occasion du débat sur le projet de loi no 11, des coupures qui sont infligées dans le secteur de l'enseignement privé, pour une raison assez évidente, c'est qu'il en est question de façon explicite dans le projet de loi 11 et qu'on ne traite pas dans ce projet des coupures qui sont imposées dans le reste du secteur de l'éducation. Je voudrais cependant souligner avec force que les secteurs que le ministre et son collègue, le ministre de l'Éducation, ont choisis comme centres d'intérêt pour les coupures qu'ils ont décrétées ne nous apparaissent pas spécialement judicieux. Les coupures que l'on fait dans le secteur de l'éducation des adultes, en particulier, provoquent à travers tout le Québec une protestation que je qualifierais de très générale, sinon d'unanime. Il me semble que nous avons fait un effort immense depuis une quinzaine d'années pour

donner à l'éducation des adultes et à l'éducation permanente la place qui leur revient dans un système d'éducation moderne. Aujourd'hui, c'est par douzaine et douzaine de milliers que les adultes participent non seulement aux cours de formation professionnelle, mais aux cours d'éducation populaire et de développement personnel et social mis à leur disposition par des commissions scolaires, des cégeps également et les universités. Avec les coupures très importantes qui sont faites de ce côté par le gouvernement, je pense que le Québec risque d'enregistrer des reculs lamentables qu'il aurait pu éviter facilement. Je suis d'accord avec le ministre sur la nécessité d'effectuer des coupures dans le secteur des affaires sociales. Mais il me semble que son souci d'économie était moins prononcé quand il signait des conventions collectives avec les syndicats avant le référendum. Il me semble qu'on a fait à ce moment-là des concessions très importantes et très coûteuses et qui ne semblaient pas arracher au ministre des Finances les mêmes cris de désespoir que ceux qu'on a entendus depuis un mois ou deux en particulier. Il me semble que, si on veut procéder de manière rationnelle et avec des résultats durables et justifiés, il faudra qu'on reprenne le problème à la source, c'est-à-dire là où les conséquences budgétaires sont énormes et très difficiles à justifier. Qu'on prenne le problème à la source, c'est-à-dire en réexaminant certaines dispositions de nos conventions collectives qui créent, sans que les intéressés l'aient voulu systématiquement ou délibérément, des coussins artificiels dans certains secteurs de l'appareil public au Québec qui sont les vraies sources de dépenses excessives.

Quand on va chercher des coupures sur le dos des élèves qui suivent des cours d'éducation des adultes, sur le dos de certaines communautés culturelles, les enfants de certaines communautés culturelles qui avaient accès aux classes d'accueil et qu'on prive de cet accès sous prétexte qu'ils n'appartiennent pas à telle ou telle catégorie très étroitement et même mesquinement définies par le ministre, quand on prive les enfants de certaines régions des soutiens pédagogiques ou de services sociaux dont ils ont besoin pour avoir une participation pleinement fructueuse à la vie scolaire, il me semble qu'on commet une action très grave, une action extrêmement déplorable, surtout quand elle vient d'un gouvernement qui se fait un point d'honneur de promouvoir la justice sociale et les objectifs d'égalité des chances pour tous. Il me semble que ces trois domaines dans lesquels on a effectué des coupures n'étaient pas ceux qu'on aurait dû choisir. Je crois que, si le gouvernement avait consulté beaucoup plus systématiquement et beaucoup plus loyalement les organismes intéressés, il aurait pu les amener à formuler des propositions qui auraient permis de trouver des secteurs plus indiqués pour ces coupures nécessaires.

Quand on a une situation où nos coûts d'enseignement - là-dessus, je souscris tout à fait à certaines choses qu'a déjà dites le ministre des Finances - sont beaucoup plus élevés que ceux de la province voisine, alors que la province voisine a un revenu per capita plus élevé que le nôtre par une marge sensible, c'est évident qu'il y a des ajustements à faire au bout de la ligne, qu'on ne peut pas continuer comme cela indéfiniment. Mais je trouve que les secteurs qu'on a choisis ont été très mal choisis et, avant qu'il soit trop tard, il faudrait procéder à des révisions importantes de ce côté-là. Je pense que ces révisions pourraient être envisagées dans un esprit de bonne foi. Nous, l'Opposition, serions prêts à collaborer à cette fin, et il me semble qu'avant de laisser tomber le couperet sur tous ces services qu'on menace actuellement de réductions, encore une fois, arbitraires et extrêmement regrettables on devrait procéder à un nouvel examen.

Je voudrais aujourd'hui, étant donné l'importance que le projet de loi no 11 consacre à cette question, m'arrêter de manière plus élaborée aux parties du projet de loi qui traitent des subventions à l'enseignement privé. Ainsi que nos concitoyens le savent, l'enseignement privé a toujours occupé, dans l'histoire éducative et culturelle du Québec, un place très importante. Autrefois, il occupait toute la place dans le secteur secondaire et dans le secteur universitaire. Avec la grande réforme effectuée par les gouvernements libéraux au début des années soixante, l'accent a été mis de plus en plus sur le développement d'institutions publigues. À tous les niveaux de l'enseignement, on constate aujourd'hui que les institutions du secteur public jouissent d'une très grande prépondérance par rapport à celles du secteur privé.

Lorsqu'on a créé le ministère de l'Éducation, vers 1962, si mes souvenirs sont exacts, le législateur avait beaucoup insisté à l'époque pour inscrire, dans le préambule même de la loi qui créait le ministère de l'Éducation, des dispositions précises garantissant le droit des parents à une certaine liberté de choix. On a beaucoup insisté pour inscrire dans ce préambule même le droit de tout enfant de bénéficier d'un système d'éducation qui favorise le plein épanouissement de sa personnalité, le droit des parents de choisir les institutions qui, selon leurs convictions, assurent le mieux le respect des droits de leurs enfants. (16 h 20)

On a aussi garanti, toujours dans le préambule de la loi créant le ministère de l'Éducation, le droit des personnes et des

groupes "de créer des institutions d'enseignement autonomes et, les exigences du bien commun étant sauves", le droit de ces personnes et de ces groupes "de bénéficier des moyens administratifs et financiers nécessaires à la poursuite de leurs fins."

J'entendais tantôt le ministre de l'Éducation nous dire que le droit d'accès à l'éducation demeure intégralement reconnu par le gouvernement. Nous savons tous que ce sont des protestations platoniques qui ne veulent rien dire tant qu'on ne descend pas au niveau des voies et moyens, tant qu'on ne vérifie pas concrètement la gualité et l'ampleur des moyens mis à la disposition des uns et des autres pour favoriser le développement des enfants suivant le choix qui a pu être fait par les parents.

Par rapport au projet de loi qui a été déposé, le ministre de l'Éducation disait tantôt sur le ton onctueux qu'on lui connaît: II y a des gens qui nous ont signifié leur accord sur certains points du projet de loi. Il y en a d'autres gui nous ont signifié leur désaccord sur d'autres points et, ensuite, on passe à autre chose, le problème est réglé. Le problème n'est pas réglé, M. le ministre. Je vais vous donner seulement communication d'un certain nombre de messages que nous avons reçus du côté de l'Opposition ces derniers jours pour vous montrer que c'est une situation beaucoup plus aiguë que vos propos de tantôt pouvaient le laisser entendre à la population. Je donne lecture d'un certain nombre de messaqes, parce que c'est bon que ces gens sachent qu'au moins leurs messages ont été reçus, lus et considérés avec attention et respect.

Copie d'un télégramme adressé à M. René Lévesque: "Contestons projet de loi 11. Demandons commission parlementaire pour discuter projet. Population québécoise n'a jamais demandé politique nuisible à l'école privée. 546 000 signatures ont déjà demandé maintien loi 56. Diminution des élèves de l'école privée égale augmentation des dépenses publiques, surplus de dépenses pour le ministère des Finances. Jeanne-D'Arc Desmarais, parent à l'École progressive Inc."

Un autre message ici au sujet du projet de loi no 11. "Nous refusons la loi qui par doubles coupures - nous en parlerons tantôt -veut écraser l'enseignement privé. Nous avons participé à une pétition contenant 546 000 signatures demandant le maintien de la loi 56 - j'en dirai un mot tantôt - nous refusons cette loi injuste pour les parents du Québec. L'Association des parents du Collège Notre-Dame de Montréal, par Maurice et Monique Blake."

Un autre message ici - cela va intéresser spécialement le ministre des Finances, il a dû le recevoir celui-là aussi. Il vient d'un M. Yvon Rivest, président de l'Association des parents des étudiants du

Collège de L'Assomption. Cela se lit comme suit: "Nous sommes extrêmement déçus, M. le ministre - c'est un message qui était adressé au ministre des Finances, d'ailleurs -des modifications à la Loi sur l'enseignement privé contenues dans le projet de loi no 11. Lors d'une rencontre récente, vous nous avez pourtant affirmé qu'il n'était pas guestion de coupures dans les subventions à l'enseignement privé." Cela devait être pendant la campagne électorale. "Ces modifications, qui signifieraient pour notre collège seulement une perte supérieure à 130 000 $, sont inacceptables pour plusieurs raisons. En voici quelques-unes." Je pense, d'ailleurs, que c'est le collège où le ministre de l'Éducation a fait ses études aussi. Il vient de ce côté, de même que mon collèque, le député de Jean-Talon. "L'enseignement privé coûte moins cher à l'État que l'enseiqnement public. Cela a été formellement reconnu par vous-même lors de notre rencontre. Deuxièmement, nous devons déjà payer en frais de scolarité une forte part des coûts de l'enseignement. Troisièmement, les dépenses sont déjà plus comprimées dans le secteur privé que dans le secteur public et cela pour une éducation qui est en général de meilleure qualité qrâce au dévouement de nos administrateurs et de nos professeurs. Nous espérons fortement que l'injustice de ces modifications ne sera pas léqalisée et que le gouvernement abandonnera définitivement toute velléité de diminuer les subventions à l'enseignement privé."

Un autre ici: "Nous devons faire connaître notre désaccord total face à votre politique concernant les maisons d'enseiqnement privées. Comité de parents du Collège Sainte-Anne de Lachine."

Un autre ici gui vient de la présidente de l'Association des parents du Collège Mont-Saint-Louis à Montréal. "M. le chef de l'Opposition, nous avons été informés d'un projet mis de l'avant par le gouvernement pour réduire le financement gouvernemental des institutions privées. Le montant équivalent au pourcentage des coûts réels non défrayés par la subvention gouvernementale est déjà très élevé et représente un fardeau financier important pour les parents. Au lieu de chercher à réduire les subventions à ces institutions, il faudrait plutôt les augmenter de façon à ne pas rendre l'enseignement privé prohibitif pour trop de parents et risquer de perdre cette voie complémentaire essentielle au secteur public. "L'Association des parents du Collège Mont-Saint-Louis vous exhorte à vous opposer à ce projet de réduction du financement des institutions privées et vous suggère de recommander une augmentation légère du pourcentage de financement actuel." C'est de Mme Lucille Albert.

Il y en a un autre de la même veine

ici, de M. Jean Leclerc, président de l'Association des parents du Collège Sainte-Marcelline, à Montréal. Je ne peux pas tous les lire, parce que ça prendrait toute la période qui m'est accordée, M. le Président, et je voudrais revenir sur les arguments fondamentaux que nous voulons porter à l'attention du ministre et du gouvernement.

Il y en a un qui me paraît important parce qu'il vient des membres du conseil d'administration d'un des collèges les plus importants et des plus respectés de la région de Montréal, le Collège des Eudistes: "Les membres du conseil d'administration vous demandent d'user de votre autorité - je pensais que c'était adressé au ministre et non à moi, ils auraient dû mettre "de votre peu d'influence auprès du gouvernement", mais en tout cas! - pour arrêter l'acheminement du projet de loi no 11 concernant l'enseignement privé et faire en sorte qu'une commission parlementaire soit établie - ce n'est pas seulement une petite audition de passage qu'ils demandaient, c'est beaucoup plus que ça - afin d'entendre les différents groupes de la population concernés par ce projet."

Le comité de parents de l'école secondaire Marie-Rose de Montréal. L'Association des parents de l'école Marie-Clarac. Les membres de la Fondation Jean-Eudes. Les parents du Collège des Eudistes.

Le président de l'Association des parents du Collège de Montréal: "Nous protestons vivement contre le projet de réduction des subventions aux écoles privées et exigeons le respect de la loi 56..." Et ça continue, il y en a encore un bon nombre d'autres. Je voudrais vous en lire seulement une couple pour finir, parce qu'ils m'apparaissent plus significatifs encore.

Je reçois une lettre du directeur général du Séminaire de Saint-Georges-de-Beauce: "M. le député, le projet de loi no 11, s'il est adopté, mettra en danger la survie de plusieurs institutions privées au Québec. C'est le sort qui attend le Séminaire de Saint-Georges si ce projet n'est pas retiré ou amendé considérablement. Il est donc primordial, dans les circonstances, qu'une commission parlementaire soit tenue et que toutes les parties impliquées puissent se faire entendre avant qu'on ne statue sur leur sort. Je vous demande donc, au nom du Séminaire de Saint-Georges, de faire toutes les démarches nécessaires pour que les partisans de l'enseignement privé obtiennent la convocation de la commission qu'ils réclament." Et c'est signé par M. Jean-Marie Derouin, prêtre, directeur général du Séminaire de Saint-Georges.

L'autre lettre me vient de tout le personnel de soutien, personnel enseignant et personnel cadre du Collège d'Arthabaska, situé évidemment à Arthabaska, lettre qui a été adressée au ministre de l'Éducation et dont copie m'a également été adressée: "Depuis la prise du pouvoir par le Parti québécois, en 1976, on nous promet une révision de la Loi sur l'enseignement privé et on nous renvoie de Caïphe à Pilate, et voilà que, sous le couvert de décisions administratives et budgétaires, la montagne accouche d'une souris ou ne serait-ce pas d'un caméléon? La présente veut vous souligner notre profond désaccord avec le projet de loi no 11, dans ses aspects touchant l'enseignement privé. Nous ne pouvons accepter que les droits fondamentaux des parents quant au libre choix de l'école de leur enfant, soient emportés dans le même coup de balai qui double la contribution d'employeurs à la Régie de l'assurance-maladie du Québec et qui augmente le prix du tabac. Nous ne pouvons accepter que l'arbitraire devienne le principe de base du financement de l'enseignement privé, en laissant un tel pouvoir discrétionnaire au gouvernement dans la détermination du montant de base."

On pourrait continuer indéfiniment. Je pense que d'autres messages vont continuer à nous parvenir ces jours prochains, mais l'énumération, comme on le dit, en bonne logique, est suffisante pour justifier et démontrer l'existence d'un problème très sérieux.

Ce qu'il y a de non moins grave dans ce qu'on nous annonce, c'est que les nouvelles normes dont on prétend se servir pour réduire les contributions gouvernementales à l'enseignement privé entraînent des conséquences extrêmement inégales d'une institution à l'autre et d'un type d'institution à l'autre.

J'ai sous les yeux des notes qui ont été préparées par l'Association des collèqes du Québec, ça comprend les institutions privées de niveau collégial. On nous dit, dans ces notes, que les collèges privés, qui dispensent l'enseignement professionnel, subissent des conséquences beaucoup plus lourdes que les collèges qui dispensent uniquement l'enseignement général. C'est tout de même assez paradoxal parce que, pendant longtemps, les adversaires de l'école privée lui ont reproché de ne pas s'intéresser à l'enseignement professionnel, de s'adonner à l'enseignement général qui était beaucoup plus facile. (16 h 30)

II y en a qui ont fait des efforts très importants de ce côté-là - nous aurons l'occasion de citer un certain nombre de ces institutions - et voici qu'elles se font dire: Ce n'est pas de ce côté-là que Sa Majesté le ministre de l'Éducation et son collègue, le ministre des Finances, voulaient que vous alliez. Ils veulent que vous restiez confinés dans l'enseignement général pour que peut-être l'on puisse vous dire dans dix ans: Vous êtes seulement dans l'enseignement général;

évacuez donc la place complètement.

Dans le secteur de l'enseignement professionnel, je pense que certains de mes collègues qui interviendront à d'autres stades du débat pourront faire la démonstration des coupures énormes qui vont être encourues dans le secteur de l'enseignement professionnel si le projet de loi s'applique dans sa conception actuelle.

J'ai sous les yeux l'exemple d'une institution et je pense que cela vaut la peine de le mentionner. Je ne nommerai pas l'institution à ce stade-ci parce qu'il est fort possible qu'elle soit appelée à comparaître plus tard ou qu'on en parle de manière plus détaillée. Je reqarde les chiffres de ses états financiers et ses prévisions budgétaires pour la dernière année et l'année qui s'en vient. Si elle avait dû financer l'année 1981-1982 sous l'empire de la loi no 56, Loi sur l'enseignement privé, comme elle existe, c'est-à-dire 80% du coût moyen par élève pour l'exercice précédent, elle aurait eu droit à des subventions de l'ordre d'environ 8 000 000 $. Sous le régime qu'annonce le projet de loi no 11, elle aura droit à des subventions de 7 000 000 $, c'est-à-dire une coupure de 1 000 000 $. Alors, 1 000 000 $ sur 8 000 000 $, si je compte bien, cela fait près de 14%. En tout cas, le calcul est facile à établir. Mais si vous estimez que le budget total de l'institution est de l'ordre d'environ 10 000 000 $, cela fait une perte sèche de 1 000 000 $ qui arrive de manière très imprévue. Il y a peut-être eu un avertissement général comme celui dont parlait le ministre de l'Éducation tantôt, mais cela arrive de manière très imprévue au moment où cette institution - et les autres sont également dans la même situation - est liée par des contraintes budgétaires découlant des conventions collectives qui ont été signées il y a un certain temps et par d'autres contraintes découlant du fait qu'elle a déjà procédé à l'inscription des élèves pour la prochaine année et du fait aussi qu'elle doit subir les augmentations de coûts qui interviennent dans les achats de services et de biens dont elle a absolument besoin pour fonctionner. Il faut qu'elle se procure des biens de toutes sortes dont le prix augmente au moins au taux annuel de l'inflation. Ce qu'on lui propose comme solution à son problème, c'est une réduction considérable. Les responsables de cette institution assurent que dans le contexte où on va les obliger à fonctionner, cela va entraîner des conséquences très graves pour le fonctionnement de l'institution. Il restera à voir ce que seront ces conséquences. Mais je pense qu'on doit se rendre compte qu'un bon nombre d'institutions privées sont dans une situation déjà très serrée. Il y a un seuil marginal dans ces choses-là qu'on ne peut pas dépasser impunément. On peut toujours dire qu'on va couper encore un peu, mais il arrive un moment où vous n'êtes plus capable de couper sans rogner les services essentiels et, à ce moment, c'est souvent la survie même d'une institution qui est mise en cause, comme le disait tantôt le directeur du Séminaire de Saint-Georqes-de-Beauce.

Je crois que le gouvernement n'a pas mesuré soigneusement les conséquences de sa politique. J'ai été très étonné, en écoutant le ministre de l'Éducation tantôt, de voir la pauvreté des explications qu'il a fournies sur les barèmes qui sont présentés dans le projet de loi. Le ministre nous considère peut-être comme des supergénies de ce côté-ci de la Chambre. Il pense peut-être que nous pouvons comprendre seulement quand il nous donne des assurances. Mais nous voulons savoir avec précision d'où sont venus ces montants qui sont inscrits dans le projet de loi et comment ils peuvent se justifier de manière rationnelle. Nous voulons d'autant plus le savoir qu'on nous dit que, pour l'avenir, ces montants seront sujets à révision par le gouvernement, à révision annuelle, sous l'empire de critères qui nous en promettent de belles s'ils devaient être appliqués intégralement. Le gouvernement se garde des portes de sortie qui lui permettront de faire à peu près n'importe quoi.

Je pense que c'est une politique tout à fait inacceptable et qui l'est d'autant plus, M. le Président, qu'elle survient dans un contexte où l'on s'attendait à tout autre chose de la part du gouvernement. Je tiens à dire que de ce côté-ci de la Chambre, nous ne voulons en aucune manière défendre une catégorie particulière de citoyens. Si l'école privée était, à nos yeux un type d'institution qui s'adresse de manière exclusive ou privilégiée aux enfants qui ont été favorisés par la fortune, par le milieu familial dans sa dimension matérielle, nous aurions de très sérieuses réserves. Quand nous étions au pouvoir, nous avons indiqué à maintes reprises que telle était notre conception des choses, mais des enquêtes abondantes ont démontré qu'au moins les 4/5 de la clientèle des institutions privées se recrutent aujourd'hui parmi les enfants des milieux de classe moyenne, de classe ouvrière, des milieux très ordinaires qui sont largement représentatifs de la société québécoise dans son ensemble.

Si nous tenons à l'enseignement privé, notre programme est clair de ce côté-là, il n'y a pas d'ambiguïté dedans, on n'est pas obligé de prendre les versions qui se succèdent une année après l'autre, suivant les intérêts du parti; nous avons une position nette. Si nous croyons à la nécessité de l'enseignement privé, c'est parce que nous croyons important d'avoir dans notre système d'enseignement un certain élément d'émulation. Je dirai tantôt, de manière plus

précise, quelle est la politique de notre parti dans ce secteur. Nous croyons à la nécessité d'un élément d'émulation. Nous gardons la priorité au secteur public; il n'est pas question, dans notre esprit, qu'on ouvre un régime de libre concurrence parfaite en vertu duquel un jour l'enseignement privé pourrait en venir, en principe du moins, à supplanter l'enseignement public; pas du tout, nous voulons que l'enseignement privé continue à prospérer à l'intérieur de certaines limites qui aident à préserver la priorité du secteur public.

Cela étant dit, nous voulons, par exemple, qu'il ait une chance véritable et, surtout, que les parents qui veulent pour leurs enfants un type d'éducation comme celui que peut procurer l'enseiqnement privé aient la chance d'y envoyer leurs enfants sans avoir l'impression d'être pénalisés doublement et triplement pour avoir commis l'erreur de ne pas penser comme M. Tout-le-Monde ou comme ces messieurs et dames du gouvernement. C'est parce que nous croyons à la nécessité d'une certaine liberté de choix, d'une certaine émulation dans notre système d'enseignement que nous croyons qu'il faut accepter un secteur privé dans notre système d'enseignement et nous le croyons d'autant plus facilement que déjà ce système d'enseignement privé a fait ses preuves dans notre histoire. C'est un des éléments qui ont contribué au développement du peuple québécois d'aujourd'hui et qui contribuent encore très précieusement à bâtir des hommes et des femmes d'ici qui joueront, plus tard, un râle très important dans notre société. Par conséquent, il n'est pas question de diminuer l'importance du secteur public, il n'est pas question de favoriser une classe particulière de citoyens, ce sont des valeurs plus profondes encore qui sont impliquées là-dedans. Nous croyons que nous avons tout intérêt, pour la qualité de notre démocratie, à avoir de ce côté-là une politique franche, juste et vraiment démocratique.

Ceci est un projet de loi déguisé; c'est cela. Les paragraphes consacrés à l'enseignement privé, dans le projet de loi no 11, sont un amendement déguisé à la loi 56. On a eu la loi 56 il y a déjà plusieurs années. Si mes souvenirs sont bons, c'était au temps de l'Union Nationale; il y avait eu beaucoup de discussions dans la population; l'enseignement privé avait été laissé, par la réforme de l'éducation du début des années soixante, dans une situation plutôt incertaine. En 1968, les députés de cette Chambre, à l'unanimité, adoptaient un projet de loi qui consacrait la place de l'enseignement privé dans notre système d'enseignement québécois. Cela s'appelait la loi 56 et on garantissait des subventions raisonnables aux institutions d'enseignement privées suivant trois catégories différentes sur lesquelles il n'y a pas lieu de s'attarder présentement.

Le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir en 1976, dans un climat d'ambiguïté profonde. D'un côté, il voulait plaire parce que, pour gagner des élections, il paraît qu'il faut chercher à plaire; d'un autre côté, il avait un programme. Dans ce programme, il était dit en toutes lettres qu'il fallait se débarrasser des institutions privées d'enseignement, que cela nuisait, que ce n'était pas bon; il fallait se débarrasser de cela le plus vite possible. Il a fallu essayer de trouver un compromis entre ces deux attitudes: plaire au public pour rester solidement accroché au pouvoir et, deuxièmement, essayer de réaliser ses convictions. On a fait avec l'enseignement privé un peu ce qu'on a fait avec la souveraineté-association, on a joué avec. On a essayé de mêler les esprits, on a confondu les choses, on a tergiversé, on a tourné autour du problème sans jamais faire face de front.

Je pense que certains de mes collègues pourront rappeler de manière plus détaillée toutes les valses-hésitations de l'ancien ministre de l'Éducation qui a passé son temps à promettre, mois après mois, semestre après semestre, année après année, qu'un livre blanc sur l'enseignement privé s'en venait. Il répétait cela partout à travers le Québec. Que de fois il l'a dit dans cette Chambre ici, en réponse à des questions qui lui étaient posées par les députés de l'Opposition: Cela s'en vient! À un moment donné, on était rendu presque au sommet. Imaginez que le livre était rendu à l'examen de l'ancien ministre du Développement culturel. C'est lui qui était le vrai ministre de l'Éducation dès ce temps, nous disait-on. Il est devenu le ministre de l'Éducation en titre depuis ce temps et il n'a pas davantage accouché. On n'est pas plus avancé quant à la politique de fond du gouvernement en ce qui touche l'enseignement privé. Mais là, le jupon vient de dépasser avec le projet de loi no 11. Ce qu'on nous annonce dans le projet de loi no 11, c'est bien plus important que toutes les belles phrases lénifiantes qu'on aurait pu mettre dans un beau livre blanc enrubanné de belle rhétorique comme est capable de nous en présenter le ministre de l'Éducation.

Là, on a les intentions véritables du gouvernement. Quand on veut connaître les intentions d'un gouvernement, on regarde de quel côté vont ses préférences en matière financière, en matière budgétaire, en matière de partage des ressources et des fonds publics. Avec ceci, on procède avant la lettre, avant même que le gouvernement ait annoncé sa politique sur l'enseignement privé, à des réductions budgétaires, à des coupures qui vont bien au-delà de ce qu'on avait annoncé et qui contribuent déjà à amorcer cette espèce de réduction de l'espace occupé par l'enseignement privé qu'on soupçonne le

gouvernement de vouloir instituer, au fond.

Vous savez, M. le Président, cela fait déjà cinq ans que ne peut pas se créer une institution d'enseignement privée au Québec. On a décrété un moratoire là-dessus. Il n'y a pas de pire manière d'étouffer petit à petit un secteur que de lui dire: Vous ne pourrez plus innover, vous ne pourrez plus créer d'institutions, vous ne pourrez plus bouger. Les anciens, on nous dit: Trésors historiques, trésors accumulés au cours des âges. On ne touchera pas au Collège de Montréal, les Sulpiciens, peut-être au petit séminaire de Québec. Il paraît que cela fait partie de notre histoire et des belles courbettes qu'on doit faire de temps à autre à l'autorité religieuse. Cela paraît bien, mais ce n'est pas cela, le respect de l'enseignement privé.

Ce n'est pas seulement d'aller faire des pèlerinages au petit séminaire. C'est de reconnaître la liberté de créer des institutions pourvu qu'on réponde à des normes, à des critères objectifs définis clairement et explicitement dans une loi. Cela fait cinq ans qu'on leur dit: Pas d'affaire, "no trespassing", comme on dit, pas droit de passage ici pour vous autres. Faites ce que vous voudrez, vous êtes libres, mais ne traversez pas la rue et ne venez pas nous créer d'institutions parce qu'au conseil général du Parti québécois cela ne fera pas l'affaire d'une bonne bande de gens qui veulent se débarrasser de ces institutions. Là, on les entretient actuellement en leur disant: Vous savez, on ne peut pas sortir cela tout de suite parce que c'est dangereux, c'est explosif. Mais au moins, consolez-vous, on ne leur permet pas de se développer trop. On les garde en laisse. Avec le temps, elles vont finir par se fatiguer de ça et on finira par avoir le dessus.

M. le Président, je demande au gouvernement de se rendre compte que ce n'était pas la place dans ce projet-ci pour nous présenter un projet comme celui qu'on nous soumet en matière de réduction, des subventions aux institutions privées. Il aurait au moins fallu avoir la décence, me semble-t-il, de présenter un projet de loi distinct qui aurait été l'objet d'une discussion en bonne et due forme qui aurait permis d'aborder tout le problème de la politique gouvernementale à l'endroit des institutions privées au lieu de la dissimuler là dans les trois ou quatre dernières pages d'un projet de loi extrêmement technique. Comment, en vertu de quelle logique, peut-on nous présenter ce problème dans ce projet-ci où on nous parle de la taxation des entreprises dans ses dimensions les plus hautement techniques, de la réduction de la taxe de vente sur certains produits comme les chaussures, par exemples, et ces choses-là?

Il me semble que les choses de l'éducation devraient être traitées dans un tout autre contexte que celui-là. Ou bien cela témoigne, de la part du ministre des Finances, d'une emprise beaucoup plus grande qu'on ne le pensait sur l'ensemble de l'appareil gouvernemental. C'est une vraie démission de la part du ministre de l'Éducation de venir se présenter en deuxième, avec un petit couplet d'à peu près dix minutes après le ministre des Finances. Ou cela témoigne, je ne sais pas, d'une inconscience du côté du gouvernement du niveau auquel il faut aborder ces questions extrêmement graves pour la qualité de notre vie collective.

M. le Président, je voudrais terminer cette intervention en vous disant, encore une fois, que, du côté de l'Opposition, nous tenons par-dessus tout à la qualité de l'enseignement pour tous les enfants, pour les citoyens de tous les milieux sociaux du Québec. S'il existe des régions et des milieux - et il y en a beaucoup - gui n'ont pas le même niveau de revenus, de prospérité ou de chances que les citoyens d'autres régions ou d'autres milieux, nous voulons qu'il y ait des programmes d'égalisation des chances - cela a toujours été la politique libérale - qui permettent à chacun d'avoir accès à des chances optimales de développement de sa personnalité.

Cela étant dit, nous croyons que notre système d'enseignement privé est un rouage dans cet ensemble de services que nous voulons mettre à la disposition de nos concitoyens, un rouage important, un rouage essentiel qui contribue à l'amélioration du secteur public. On en voit souvent, dans le secteur public, qui disent: Si cela n'existait donc pas, le secteur privé, on pourrait avoir tout ce monde dans l'enseignement public! Avec l'existence du secteur privé, cela oblige au moins les responsables du secteur public à s'interroger. Cela les oblige à se demander si, parfois, ils ne pourraient pas améliorer les normes de qualité de ce côté-là aussi et, éventuellement, la solution au problème logique qui se pose - en logique, j'admets qu'il y a un problème auquel on ne peut pas trouver de solution parfaite - viendra du relèvement des normes de l'enseignement public. Plus l'enseignement public atteindra à des normes exigeantes, plus la tendance des citoyens à se tourner vers les institutions privées pour la formation de leurs enfants sera contrebalancée par des avantages considérables qu'ils trouveront du côté du secteur public, ne serait-ce qu'au point de vue de leur portefeuille et de leur budqet familial. Aussi longtemps que nous n'en sommes pas rendus là et vu la très grande rapidité avec laguelle nous avons procédé au développement du secteur public au Québec, c'est très sain et même nécessaire qu'il continue d'exister un secteur privé et je voudrais, s'il continue d'exister, qu'on le traite avec équité, de manière raisonnable, de même avec une générosité comme celle

dont est capable le Québec et, en particulier, son gouvernement.

Je vous le dis encore une fois, si on avait dit: II faut une réduction, par exemple, de l'ordre des réductions qu'on effectue dans d'autres secteurs du gouvernement - on a parlé de 4%, par exemple - si on avait dit: II faut une réduction de cet ordre, si on avait rencontré des responsables du secteur pour discuter avec eux des points d'application possible d'une politique comme celle-là, je pense qu'il y aurait eu moyen de s'entendre. Je ne viens pas recommander ici qu'on continue de traiter le secteur privé exactement comme s'il n'y avait pas de crise budgétaire et financière dans le gouvernement du Québec - il faut tenir compte de ces contraintes - mais je dis que la manière dont on procède, comme celle avec laquelle on a procédé à l'endroit des secteurs vitaux du domaine public dont j'ai parlé tantôt, est inacceptable.

Dans le cas de l'enseignement privé -je termine par ceci, M. le Président - c'est une coupure à deux niveaux qu'on fait. Déjà, quand ils étaient autorisés, en vertu de la loi 56, à toucher 80% des dépenses moyennes encourues par étudiant l'année précédente dans le secteur public, tout de suite il y a 10% d'augmentation qui viennent de l'inflation, à tout le moins, des charges accrues qu'ils n'auraient pas imputées. Ce n'est pas 80% sur les frais de l'enseignement public cette année. C'est 80% sur les frais de l'enseignement public l'année précédente. Par conséquent, c'est peut-être quelque chose qui est de l'ordre de 75% à 76%, mais là, en venant ajouter une deuxième coupure à celle-là, on réduit les subventions réelles à l'enseignement privé de je ne sais pas quel pourcentage exact. On va avoir l'occasion de l'établir en commission parlementaire, le peu de commissions parlementaires qu'on aura. Certains de mes collègues en parleront avec plus de précision, mais c'est sûrement un pourcentage qui va être supérieur à 10%, dans l'ensemble.

Or, encore une fois, je le dis: Avec les obligations accrues qu'ils ont, ils ont des conventions collectives comme les autres. Allez demander à un syndicat d'enseignants ou d'employés de soutien s'il va accepter une coupure de 10% dans le budqet des salaires pour l'année prochaine, il va dire non. Le Québec est peut-être mal pris, mais nous ne pouvons accepter cela. Et ils auront raison, M. le Président. Cela veut dire qu'on les oblige à effectuer des coupures de personnel. Jusqu'où peut-on aller dans cette voie? Je pose la question, encore une fois, au ministre des Finances et à son collègue - j'allais presque dire son sous-ministre, en l'occurrence le ministre de l'Éducation, parce que le ministre de l'Éducation s'est comporté comme un véritable ministre subordonné, dans ce débat, jusqu'à maintenant, et dans la manière dont on a conçu toute l'opération -je leur demande à tous les deux d'examiner cette affaire à tête reposée. Je leur offre la collaboration loyale de l'Opposition pour les aider à découvrir certains aspects, certaines conséquences de ce programme auxguels, apparemment, ils sont demeurés étrangers, indifférents ou absents jusqu'à maintenant. Je vous remercie, M. le Président. (16 h 50)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: M. le Président, la présente année financière, qui a commencé le 1er avril 1981 pour se terminer le 31 mars 1982, sera sous le signe de l'efficacité. Je m'explique. Il faudra faire en sorte de donner les mêmes services essentiels, et même en améliorer un certain nombre, avec un budget qui augmente moins vite que le coût de la vie.

Le gouvernement avait plusieurs choix. Premièrement, il aurait pu décider d'augmenter les impôts et les taxes soit pour accroître les services et/ou diminuer le déficit, ce qui nous a paru impensable puisque les Québécois paient déjà trop d'impôt et que l'inflation vient déjà gruger une partie de leurs revenus.

Deuxièmement, il aurait été possible aussi d'augmenter le déficit pour investir davantage en diminuant les impôts et les taxes. C'est ce que nous avons fait au cours des dernières années afin de stimuler l'économie, encourager le développement et combattre le chômage. Les résultats témoignent de la justesse de notre décision. Mais cette année les choses se présentent différemment. En premier lieu, la relance économique semble démarrer. Que l'on pense à la construction commerciale à Montréal qui bat tous les records, aux investissements majeurs de la Reynolds au Lac-Saint-Jean, à Pétromont sur la rive sud, pour n'en nommer que quelques-uns, à nos exportations qui ont doublé depuis trois ans et à notre agriculture qui progresse sans cesse.

Donc, il nous apparaît évident que le secteur privé est maintenant en meilleure position et, dans bien des cas, grâce à l'intervention du gouvernement du Québec. Il nous apparaît aussi évident que les nôtres se sont pris en main, se développent rapidement et que nous savons comment utiliser au maximum nos avantages économiques, par exemple, l'électricité. De plus, l'augmentation constante et effarante du taux d'intérêt sur leguel, malheureusement, le Québec n'a aucun contrôle, a aussi fait que nous ne pouvions retenir ce second choix.

Troisièmement, on aurait pu maintenir les impôts et les taxes au niveau de mars

1981 et garder le déficit à 3 000 000 000 $, mais, comme je l'ai dit précédemment, cette solution aurait eu pour effet de diminuer le pouvoir d'achat des contribuables, principalement les plus démunis, et de ralentir l'économie.

Nous avons donc choisi la solution suivante qui consiste à plafonner le déficit à 2 900 000 000 $ et, en même temps, à baisser les impôts et les taxes pour permettre à la population d'en avoir un peu plus pour faire face à l'inflation, mais, en même temps, à imposer des restrictions budgétaires partout où c'est possible. Il ne faut surtout pas oublier que plus de la moitié du budget du Québec est utilisée en salaires et ne peut être diminuée, sans compter que ces salaires sont indexés. Il nous faut donc économiser là où c'est possible dans les secteurs compressibles seulement. Il faut surtout se rappeler que nous travaillerons en priorité au développement économique au cours des prochaines années. Il est donc indispensable de favoriser des dépenses à caractère économique, d'où la nécessité d'améliorer notre système.

Déjà, il est décidé de diminuer le nombre de fonctionnaires dans la fonction publique tout en respectant, bien entendu, les conventions collectives. Nous ne remplacerons pas ceux qui partent, quand c'est faisable, bien entendu.

Évidemment, tous les services essentiels seront maintenus et même améliorés où l'on peut le justifier. M. le Président, il ne faut pas oublier que le gouvernement du Québec a tout de même un budget de plus de 20 000 000 000 $ pour l'année financières 1981-1982. L'important consiste à les dépenser de la façon la plus efficace possible, en tenant compte de l'augmentation des coûts, des priorités gouvernementales et des besoins de la population, besoins qui changent constamment.

Si dans les années soixante-dix l'âge de la population et les retards exigeaient un effort constant dans l'éducation, il est à prévoir que les années quatre-vingt se caractériseront par l'économie, l'aide aux personnes âgées et l'encouragement à la natalité. C'est tout à fait normal, puisque la population vieillit, les besoins ont chanqé mais, par contre, il faut prévoir la relève et l'avenir.

À ceux qui nous reprochent de couper dans l'éducation et les affaires sociales, je réponds deux choses: premièrement, les restrictions budgétaires s'appliquent à tous les ministères; deuxièmement, si cela paraît plus et pire dans les secteurs de l'éducation et des affaires sociales, c'est que ces deux ministères à eux seuls comptent pour près de 60% du budget du Québec. Je suis certain qu'il est possible d'obtenir la même qualité dans les écoles malgré une progression des revenus moins élevé que prévu. Il s'agit pour les commissions scolaires de couper dans les dépenses qui n'affectent pas l'étudiant directement. Chez nous, des écoles seront fermées et je crois sincèrement que cela n'affectera pas la qualité de l'enseignement.

Ici, j'aimerais un peu faire l'historique de l'éducation des adultes ou des cours parascolaires qui sont présentement dispensés par les commissions scolaires. Alors que certains cours, au début, étaient donnés par des groupes sociaux ou des organismes privés, à cause du fait que les commissions scolaires pouvaient facilement réclamer des budgets pour différents programmes, ces dernières se sont approprié ces cours. Ainsi, elles se sont substituées à d'autres qui, souvent, le faisaient de façon bénévole ou à des coûts moins élevés. Il me semble aussi facilement acceptable que, pour réduire l'effet des restrictions budgétaires pour les cours aux adultes, l'on augmente le nombre d'élèves par classe. Si l'on accepte que dans les classes régulières le jour il y ait entre 25 et 30 élèves, il serait normal que l'on demande la même chose pour les adultes, le soir. Surtout quand on sait que ceux qui suivent des cours le soir le font librement et avec intérêt. Je peux parler par expérience parce que j'en ai suivi au moins pendant cinq ou six ans de suite.

De plus, en ce qui concerne les classes d'accueil de prématernelles anglophones, non seulement je trouve normal qu'elles soient arrêtées, mais j'estime qu'elles auraient dû l'être bien avant puisqu'elles vont à l'encontre de la loi 101, alors qu'on n'en a même pas du côté francophone. Je crois qu'il sera possible de passer à travers la période de décroissance dans le domaine de l'éducation, d'augmentation du nombre de personnes gui atteignent l'âge de la retraite, sans trop de difficulté majeure et sans pénaliser les plus démunis comme tentent de le faire croire les membres de l'Opposition, cela, grâce aux engagements électoraux du Parti québécois, qui prouvent que, pour le gouvernement actuel, c'est pour les plus démunis qu'on veut bien travailler. À preuve, la loi sur d'accessibilité à la propriété, qui sera en vigueur bientôt, et le choix pour le travailleur de décider du moment de prendre sa retraite et, bien entendu, de lui en donner les moyens; le bon de 3000 $ pour nos jeunes diplômés qui ont de la difficulté à se trouver un emploi; la poursuite, déjà commencée depuis quelques années, de la baisse des taxes et des impôts, pour les années à venir, pour les plus bas salariés; les prêts de 50 000 $ sans intérêt aux nouveaux agriculteurs et, ce, pour assurer une relève agricole québécoise. (17 heures)

Tout ceci sans compter tout le train de mesures qui seront appliquées par le gouvernement pour développer de plus en

plus nos industries, afin de combattre le chômage, comme le temps partiel permanent, et aussi, la mesure ouvrant le marché des actions à la petite et à la moyenne entreprise et, dans le même souffle, donnant la possibilité aux employés d'acheter des actions de leur employeur en profitant d'exemptions fiscales.

Il y a aussi toutes les politiques en relation avec l'environnement, qui nécessitent d'énormes déboursés et qui créeront de nouvelles entreprises. Ces politiques viendront aussi améliorer notre façon de vivre.

Pour réaliser ces objectifs, il faut prendre les moyens nécessaires. Le budqet actuel en est un; un budqet de compression dans les domaines jugés moins prioritaires, pour les consacrer à d'autres évalués plus importants. Ce budget, la population en a été informée et elle l'a approuvé le 13 avril dernier.

Nous allons donc l'appliquer et aussi tenir nos engagements. Ce n'est certainement pas en parlant de marasme, en rapportant les mêmes arguments tous les jours, en remettant la cassette que nous allons travailler plus efficacement au développement du Québec, mais c'est en continuant à développer de nouvelles activités prometteuses et ouvertes sur l'avenir. Pour ce faire, il faut mettre en valeur notre potentiel humain, utiliser nos richesses naturelles.

M. le Président, je me permets d'inviter tous mes concitoyens du Québec, principalement ceux qui ont un rôle important à jouer, tant au niveau gouvernemental, financier, industriel, syndical que social, à collaborer pour que les prévisions budgétaires actuelles soient respectées.

Il est certain que nous devrons être plus modérés dans nos demandes et, dans certains cas, plus patients dans la réalisation de nos objectifs. Nous en sortirons tous plus forts collectivement, si nous agissons de façon responsable.

En terminant, M. le Président, je voudrais vous rappeler que l'avenir se bâtit aujourd'hui. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, l'avenir se bâtit aujourd'hui? Il semble que le Parti québécois ne soit pas très fort en construction. Il se bâtit aujourd'hui en coupant dans l'éducation. C'est en effet à titre de critique en matière d'éducation pour l'Opposition officielle que j'aimerais dire quelques mots à propos du projet de loi no 11, non pas en ce qui concerne le train de mesures fiscales nécessitées par le budqet présenté il y a quelques mois à l'Assemblée nationale, mais relativement aux dispositions du projet de loi no 11 qui tendent à modifier la loi no 56, Loi sur l'enseignement Drivé. On pourrait parler des coupures. En fait, on peut même parler des coupures en matière d'éducation dans le secteur public puisque le nouvel article 14.1, tel que proposé par l'article 32 du projet de loi, nous y donne ouverture, mais je laisserai à mes collègues le soin de le faire. En ce qui me concerne, étant donné que le projet de loi veut modifier spécifiquement la Loi sur l'enseignement privé, j'aimerais expliquer quelles sont les conséquences des coupures proposées par le ministre des Finances.

Tout d'abord, ce qui a peut-être surpris un certain nombre de députés, c'est la réaction que nous avons eue des milieux intéressés immédiatement, directement par l'enseignement privé. On aura des raisons, des motifs, des explications à cette réaction absolument catégorigue contre le projet de loi no 11. Il y a deux raisons: les conséquences sur la qualité de l'enseignement au Québec, en particulier, de l'enseignement privé, et la méthode hypocrite utilisée par le gouvernement pour en arriver à ses fins.

Tout d'abord, pour ceux qui l'ignorent, il serait bon de rappeler quelques statistiques, quelques chiffres concernant l'enseignement privé. Ainsi, vous avez des institutions privées au niveau prématernel, quelques-unes seulement, au niveau de la classe régulière de la maternelle, à peine 1600 élèves; au primaire, nous montons à 8085 élèves - je parle des chiffres de 1979-1980, ils sont, évidemment, un peu dépassés dans la classe régulière, pour les institutions subventionnées, et 5700 pour celles gui ne sont pas subventionnées.

Au secondaire, il y a un saut important. Nous retrouvons 63 750 élèves dans les institutions subventionnées et seulement 2600 dans celles qui ne sont pas subventionnées. Donc, on a un total précollégial de 74 000 élèves dans les écoles subventionnées et de 10 000, environ 11 000, dans les écoles non subventionnées. C'est pour 1979-1980. Cela se compare à environ 85 000 en 1975-1976. C'est à peu près le même nombre, sauf que dans les écoles subventionnées il y en avait 70 000 en 1975-1976 et, maintenant, il y en a 74 000. En 1975-1976, il y en avait 15 000, maintenant on est rendu à 10 000.

Donc, nous avons affaire à un important groupe d'enfants, d'adolescents et, par voie de conséguence, de parents intéressés à l'enseignement privé. Il y a un important groupe d'enseignants aussi, de gens responsables, de directeurs, de directrices, de gens qui ont consacré leur vie à I'enseiqnement. Nous retrouvons aussi, dans ces institutions, des monuments historiques. Nous retrouvons ce qui a construit le Québec

d'avant 1960 et même d'après 1960 parce que l'enseignement privé, s'il s'est fait doubler par l'enseignement public depuis lors, a toujours continué à contribuer à éduquer nos jeunes.

On parle donc d'un groupe important de la population. Ce ne sont pas seulement des millionnaires, 74 000 enfants. Au niveau collégial, on parle de 14 747 enfants pour cette année-là. Donc, clientèle régulière, clientèle stable, contrairement à la clientèle publique qui diminue à cause de la dénatalité, et clientèle importante en nombre et en tradition qui mérite, comme tous les autres citoyens, d'être traitée justement et équitablement par le gouvernement. (17 h 101

Mais pourquoi cette levée de boucliers contre le projet de loi no 11 alors qu'il y a des coupures partout? Il y a des coupures dans l'éducation dans le secteur public; on sait jusqu'à quel point ça fait mal dans le secteur de l'éducation des adultes, par exemple. On y reviendra lors de l'étude des crédits du ministère de l'Éducation. Il y a même un débat public, apparemment, qui sera tenu bientôt à ce sujet. Alors, pourquoi ne pas couper aussi de la même façon dans le secteur privé? La première raison, je l'ai donnée: Oui, coupez. Comme le chef de l'Opposition le disait, on accepterait sûrement des coupures. S'il faut se serrer la ceinture à cause de l'incurie administrative de ce gouvernement depuis cinq ans, bien oui, tout le monde doit se la serrer. Mais il faut remarquer, tout d'abord, que la clientèle du secteur privé ne diminue pas. Donc, l'argument de réduction de la clientèle que le ministre de l'Éducation invoque pour le secteur public - le ministre des Finances aussi - n'existe pas dans le secteur privé.

Autre conséquence c'est ce que ça va créer dans chacune des institutions. Par exemple, il y a un communiqué de presse qui a été publié par l'Association des collèges du Québec très récemment, à la suite du dépôt du projet de loi no 11. Le titre est: "Le gouvernement du Québec met en péril l'enseignement colléqial privé." C'est assez sévère comme jugement. Ce n'est pas nous, de l'Opposition, qui le portons, ce jugement; c'est un organisme responsable, un organisme qui regroupe les collèges privés de tout le Québec. Il explique qu'au niveau professionnel, de l'enseignement collégial professionnel... C'est très important de souligner cet aspect parce que, comme le chef de l'Opposition le disait, les tenants de l'exclusivité pour le secteur public, c'est-à-dire ceux qui veulent voir disparaître le secteur privé, ont toujours accusé ce dernier de ne pas consacrer assez de ressources à l'enseignement professionnel. Or, c'est celui qui est le plus touché, le plus blessé par les coupures du ministre des Finances.

Ainsi, dans les matières biologiques, la subvention par étudiant en 1980-1981, montant de base et valeur locative moyenne, est de 4511 $; avec le projet de loi no 11, 3592 $, c'est-à-dire une diminution de 20%. 15% dans les matières physiques, 15% dans les sciences humaines. On parle de baisse chaque fois, de réduction nette, sans tenir compte de l'inflation, en dollars constants. 16% dans les matières administratives et 16,59% dans les arts et lettres. Donc, on enlève de l'argent à ces secteurs. On ne leur dit pas: Réduisez votre rythme de croissance. On ne leur dit pas: Ralentissez-vous. On leur dit: Enseignez moins, coupez les salaires des professeurs ou bien augmentez, jusqu'à les doubler, les frais de scolarité.

Vous avez la même chose pour les collèges reconnus pour fins de subvention. Ce que je viens de vous donner, c'était pour les collèges déclarés d'intérêt public.

L'Association des collèges du Québec explique dans son communiqué que les collèges privés sont doublement pénalisés. En effet, la subvention, d'après la loi 56, pour l'année courante est établie d'après le coût moyen de l'enseignement public du même niveau de l'année précédente. Déjà, il y a un décalage de 10% parce qu'ils reçoivent de l'argent seulement un an plus tard alors que l'inflation a augmenté les coûts.

Mais dans le cas du projet de loi no 11, pour l'année qui s'en vient, 1981-1982, qui commence en septembre pour l'enseiqnement, on prend encore comme année de base non pas 1980-1981 qu'on vient de terminer, mais 1979-1980. Il y aura donc deux années d'inflation gui ne sont pas reflétées dans les subventions, dans les chiffres de base proposés par le projet de loi no 11; donc, ils sont doublement pénalisés.

Le communiqué continue: En 1981-1982, les collèqes privés doivent faire face à une augmentation des traitements de leur personnel d'environ 18%, selon les échelles de salaires néqociées par le gouvernement, etc. Il conclut que le gouvernement du Québec brime effectivement le droit des personnes et des groupes, force les collèges privés à ne pas respecter les engagements déjà pris à l'endroit de leur personnel et de leurs étudiants pour 1981-1982.

Effectivement, pour l'année qui commence en septembre, les taux de frais de scolarité ont été établis. Maintenant, ils devront soit exiger des taux plus élevés, jusqu'à les doubler dans certains cas, ou à couper le salaire des professeurs ou les augmentations ou faire des déficits, mais ils n'ont pas les moyens de faire des déficits. Comment voulez-vous qu'ils les paient? Leur principale source de revenus, c'est encore la subvention.

M. le Président, l'inconséquence pour l'enseignement collégial privé, je prends celui-là, c'est la même chose ailleurs, prenons le Collège Marie-Victorin. Le Collège

Marie-Victorin est un collège très important, comme plusieurs autres, 2446 étudiants, dont 1135 à l'enseignement professionnel, et 1311 à peu près également divisé - à l'enseignement général. La réduction, la perte totale de subventions pour ce collège, en 1981-1982, comparativement à l'année gui se termine, est de 16% de moins. 16% parce que le Collège Marie-Victorin, répondant à l'appel, à l'invitation de certains, avait investi davantage de ses ressources dans le professionnel, et comme c'est le professionnel gui est pénalisé, le Collège Marie-Victorin est encore plus pénalisé. Il en va ainsi pour à peu près tous les collèges, à peu près dans les mêmes proportions.

Il y a un autre cas, une autre conséquence sur laguelle j'aimerais attirer l'attention des députés du Parti québécois en particulier. J'aimerais qu'ils lisent le communiqué de presse de l'Association des institutions de niveaux pré-scolaire et élémentaire du Québec qui dit ceci: "L'Association des institutions de niveaux pré-scolaire et élémentaire du Québec dénonce les coupures budgétaires décidées par le gouvernement du Québec dans le secteur de l'enfance inadaptée et qualifie d'inhumaines les conséguences de ces coupures pour fins de chacune des onze institutions privées spécialisées en enfance inadaptée. On gualifie même de triste farce les prétentions sociales-démocrates du gouvernement guébécois actuel. L'association tient en particulier à informer le premier ministre, M. René Lévesgue, que ses référeuses fréguentes aux plus démunis de nos concitoyens - j'entendais le député de Shefford tout à l'heure dire que c'est le plus démuni que le gouvernement veut favoriser, ceux gui ont acheté des maisons de 40 000 $ et plus - demeureront lettre morte ou pire, cynisme de politiciens aux yeux de milliers de citoyens si son gouvernement devait maintenir ces coupures dans le secteur de l'enfance inadaptée. "En effet, les onze institutions privées gui, au Québec, sont spécialisées en enfance inadaptée reçoivent au total environ 1500 enfants et adolescents gui, tous, présentent, à des degrés divers, des troubles d'apprentissage ou de comportement. Ces difficultés d'apprentissage ou de comportement vont de perturbations socio-affectives jusqu'à la déficience mentale grave." Il s'agit donc d'enfants parmi les plus démunis de tous les enfants du Québec, M. le député de Shefford. "Pourguoi sont-ils regroupés dans ces institutions privées? Pourguoi ces enfants ne sont-ils pas accueillis au secteur public? La réponse est tragiquement simple, poursuit le communigué. L'immense majorité de ces enfants est amenée à ces onze institutions par des organismes de toutes sortes, généralement des organismes publics. Les contribuables guébécois, les députés et ministres et la population doivent savoir, en effet, que ce sont des commissions scolaires incapables de dispenser les services spécialisés requis par l'état de ces enfants qui les réfèrent aux institutions privées d'enfance inadaptée. Ce sont aussi des hôpitaux qui réfèrent ces enfants à ces institutions. Ce sont des directions de la protection de la jeunesse gui réfèrent ces enfants à ces institutions privées. Ce sont des travailleurs sociaux, des centres de services sociaux qui réfèrent ces enfants, les plus démunis, dans ces institutions privées. On peut donc constater que l'existence même de ces onze institutions privées spécialisées en enfance inadaptée, loin d'être un luxe, constituent un service public absolument irremplaçable." Et le communiqué - j'espère que tous les députés gui l'ont reçu l'ont lu - poursuit en disant que les coupures vont donner un coup mortel aux services que ces institutions rendent à la population. (17 h 20)

M. le Président, l'enseignement privé fait partie de notre histoire. C'est le rapport Parent gui, après une situation où ce sont les institutions privées gui assuraient presque exclusivement l'accès aux universités, a changé, grâce à la révolution tranguille, cette situation, mais en décembre 1968, la loi 56 qu'on veut amender avait été adoptée unanimement, reconnaissant le secteur privé comme étant un élément, un actif précieux pour tous les Québécois.

En 1973, il y a eu des variations dans l'occupation, la fréguentation de ces institutions. En 1976, le Parti québécois arrive au pouvoir et il a dans son programme: "Un gouvernement du Parti québécois s'engage à consacrer aux seules institutions publigues les sommes actuellement dépensées pour l'enseignement élémentaire, secondaire et collégial." Est-ce assez clair? Cela a pris un peu temps, mais on a commencé à les étouffer. Là, c'est le premier geste, sauf qu'en 1977, ils ont changé un peu et là, ils parlent d'intégration progressive du secteur privé au secteur public dans le respect du choix libre garanti par la diversité des écoles. Qu'est-ce que cela veut dire? On intègre et ensuite on peut choisir entre les deux? C'est tellement obscur que personne ne peut dire si le Parti québécois, actuellement, est en train d'appliquer son programme ou simplement de poursuivre une idéologie imposée par certains de ses éléments les plus radicaux. Il y a eu un moratoire pendant cette période. On n'a pas accordé de nouveaux permis et il y a eu une pétition de 546 000 signatures de parents gui a été remise au premier ministre du Québec en 1977. Elle demandait à l'État de respecter la liberté des parents d'envoyer leurs enfants à l'école de leur choix.

En 1977, le gouvernement du Québec

annonçait son intention de revoir la loi et depuis ce temps, il y a eu une farce tragique: 19 mai 1977, décembre 1977, 18 mai 1978, 19 mai 1978, 15 décembre 1978, 14 février 1979, 25 avril 1979... Je n'ai pas le temps de vous donner toutes les citations. À toutes ces dates, c'est le ministre de l'Éducation qui nous annonce une politique, mais une vraie politique de l'enseignement privé. Je vais vous en lire une, celle du 14 février 1979. Le ministre de l'Éducation, M. Jacques-Yvan Morin, disait: "Nous aurons devant nous un document qui suivra le cheminement qu'ont connu, par exemple, le livre vert sur l'enseignement primaire et secondaire ainsi que l'énoncé politique sur les collèqes." C'est-à-dire que c'est un document qu'on rend public, dont on discute et pour lequel on fait des commissions parlementaires où on invite les gens à venir dire ce qu'ils en pensent. Or, le gouvernement a décidé de procéder autrement. Il l'a décidé en fin de session, quelques jours avant l'ajournement, à la fin d'un projet de loi qui parle de taxe sur le tabac et de toutes sortes de choses semblables, présenté non pas par le ministre de l'Éducation, - il n'est pas là, le ministre de l'Éducation; tout à l'heure, il nous a chanté une petite chanson de quelques minutes seulement, comme si ce n'était pas de ses affaires et il est parti - mais par le ministre des Finances qui coupe dans l'enseignement privé. Le ministre de l'Éducation n'est pas là. Fin de session, fin d'un projet de loi, aucune consultation. Il a fallu arracher une petite commission parlementaire d'une heure et demie, deux heures, jeudi prochain, pour faire quoi? Pour étudier toute la question de l'enseignement privé au Québec, toute la politique de ce gouvernement sur l'enseiqnement privé, promise depuis cinq ans sous forme d'un livre vert, avec consultation.

M. le Président, on pourra toujours, pour une raison ou pour une autre, être pour ou contre l'enseignement privé. En ce qui concerne le Parti libéral, nous croyons que c'est un acquis pour diverses raisons expliquées tout à l'heure par le chef de l'Opposition. Mais au moins, qu'on ait le courage d'en discuter franchement, de convoquer les gens et de ne pas les tromper. Cessons le mépris. J'invite le gouvernement à cesser le mépris dont il a fait preuve dans ce projet de loi pour tenter d'escamoter le débat qui mérite d'être fait et que chacun des Québécois mérite d'obtenir. J'invite donc le gouvernement à y songer à nouveau d'ici jeudi.

Nous allons, comme le chef de l'Opposition l'a dit - je termine là-dessus -offrir notre collaboration, mais rappelez-vous, messieurs les députés péquistes, que, si vous réussissez ce que vous vous proposez de faire, vous allez faire du secteur privé un secteur de privilégiés que seules les personnes fortunées auront le droit d'utiliser. C'est cela, quand on prend des décisions en fonction d'une idéoloqie, quand on essaie d'imposer à une société un système tout fait d'avance. Cessez de mépriser la population dans votre façon de procéder, faites preuve de franchise et remettez à plus tard, à l'automne, donnez à la population les quelques mois qui viennent, le temps de faire le débat sur l'enseignement privé et vous aurez, à ce moment-là, la collaboration de l'Opposition; autrement, vous ne l'aurez pas.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Rosemont.

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: M. le Président, j'ai trouvé assez étonnant de voir les interventions du chef de l'Opposition et du député de Marguerite-Bourgeoys porter presgue uniguement sur la question de l'enseignement privé. On a devant nous un projet de loi qui vise à accorder au gouvernement les crédits de tous les ministères pour l'année financière en cours, y compris le ministère de l'Éducation, et je pense qu'à l'intérieur du budget du ministère de l'Éducation il y a énormément de secteurs dont on aurait pu parler. Si, comme le dit le chef de l'Opposition, son principal objectif est l'égalité des chances, je pense qu'il y a d'autres sujets dont on aurait pu discuter.

Puisque le chef de l'Opposition a fait porter les trois quarts de son discours sur l'enseiqnement privé, je pense que cela mérite que nous précisions le plus clairement possible notre position face au financement de l'enseignement privé au cours de la prochaine année. Tout d'abord, sur le plan des principes, nous reconnaissons aux citoyens le droit à l'enseignement privé, le droit de mettre sur pied des écoles privées et de les faire fonctionner, le droit d'y envoyer leurs enfants. Ce n'est aucunement le principe du libre choix qui est en cause. D'ailleurs, dans la plupart des pays du monde, et dans huit provinces canadiennes sur dix, il n'y a aucune subvention aux écoles privées, ce qui n'empêche pas ces provinces et ces pays de reconnaître à leurs citoyens le droit à l'enseignement privé.

À ce point de vue, il n'est pas du tout scandaleux que par cette loi, dans un contexte de compressions budgétaires générales gui affectent tous les ministères du gouvernement et tous les secteurs dans le domaine de l'éducation, le financement, par exemple, des institutions d'enseignement déclarées d'intérêt public passe de 80% à 76%. Je pense qu'il n'y a rien de scandaleux quand on se rend compte qu'à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, la province voisine, au Manitoba et en

Colombie britannique ce n'est pas 76% des frais de l'enseignement privé qui sont subventionnés par le gouvernement, c'est 0%.

Ce qu'il y a dans ce projet de loi, ce n'est pas une question de principe, ce n'est pas une question de libre choix ou non à l'enseignement privé, c'est une question d'unité du système scolaire. (17 h 30)

En 1966, dès le début de la réforme de l'enseignement des années soixante, la commission Parent énonçait le principe suivant, et je vais vous citer un extrait du rapport de la commission Parent qui disait ceci: "La contribution de l'enseignement privé à tous les niveaux doit désormais se situer dans le cadre d'un système scolaire cohérent, structuré, organique, elle doit obéir aux règles de la planification du développement scolaire, aux exigences de la coordination de l'enseignement dont est responsable le ministre de l'Éducation pour le secteur public et le secteur privé. Le système d'enseignement ne peut plus se passer par pièces détachées, par secteurs plus ou moins étanches. Nous avons suffisamment plaidé en faveur de l'unité du système pour qu'il ne soit pas nécessaire d'y revenir, sinon pour souligner que c'est dans cette perspective d'ensemble que la place et le rôle de l'enseignement privé doivent être envisagés."

M. le Président, il serait paradoxal qu'au moment où, dans la foulée de l'école québécoise, nous réduisions les cloisonnements à l'intérieur des écoles publiques par l'élimination des voies au secondaire, par l'intégration des enfants handicapés dans les classes régulières, nous considérions qu'il y a au Québec deux systèmes scolaires, un système public et un système privé qui seraient soumis à des normes différentes de financement.

Il y a plusieurs études du ministère de l'Éducation, je pense, et nos amis de l'Opposition doivent être au courant, j'imagine, de ces études, qui démontrent très clairement que, jusqu'à maintenant, le secteur privé était avantagé, simplement par le mode de financement basé sur les coûts moyens du secteur public de l'année précédente. Bien sûr, cet avantage peut être différent d'une institution à l'autre. Mais si on regarde l'ensemble au niveau secondaire -et j'ai ici les chiffres pour quatre années, mais la tendance s'est continuée par la suite - là où se trouve concentrées la plupart des institutions d'enseignement privé, on retrouve que les subventions per capita, par étudiant, au secteur public, en 1970-1971, étaient de 517 $ et, dans le secteur privé, de 607 $. En 1971-1972, c'était 554 $ au public et 736 $ au privé. En 1972-1973, c'était 688 $ au public et 774 $ au privé. En 1973-1974, c'était 744 $ au public et 838 $ au privé.

La tendance se continue et s'est continuée depuis ce temps. Ce qui veut dire que non seulement il y a une liberté de choix de principe, ce que personne ne va mettre en cause, non seulement il y a un financement du secteur privé plus adéquat, plus grand, puisé à même les fonds publics au Québec, quand on sait qu'il y a huit provinces sur dix où il n'y a aucun financement à l'école privée, mais, en plus, nous subventionnons, par étudiant, davantaqe le secteur privé que le secteur public. Il y a une raison assez simple à cela; je pense que, dans les institutions privées, tout le monde sait que les options professionnelles, par exemple, sont nettement sous-représentées. Ce sont les enseignements les moins coûteux qui s'y donnent. Bien sûr, en basant le financement des institutions privées sur le coût moyen des institutions publiques, même si on tient compte de certains facteurs - ce n'est pas aussi simple que cela, la formule de financement - il est assez normal que, sur une telle base de financement, les institutions privées soient financées de façon plus élevée que les institutions publiques.

M. le Président, ce n'est donc pas une question de principe et, si on veut parler d'égalité des chances, je trouverais tout à fait injuste que l'on continue à subventionner des enfants au secteur public à un taux moins élevé que des enfants au secteur privé. Je trouverais scandaleux que le secteur privé soit le seul à ne pas être affecté par la dénatalité qui affecte tout le monde de l'enseignement. Je trouverais scandaleux que ce soit seulement dans le secteur public, où nous avons tous investi collectivement dans les équipements, par nos taxes, par l'intermédiaire de notre gouvernement, depuis le début des années soixante, que nous soyons obligés de fermer des écoles, de déplacer des élèves continuellement chaque année d'une école à l'autre. Je trouverais scandaleux que ce soit seulement le secteur public qui fasse les frais de la dénatalité; si on veut parler d'égalité des chances, il faut que l'égalité s'applique à tout le monde.

M. le Président, je pense qu'il est significatif que le chef de l'Opposition ait consacré les trois quarts de son discours sur la loi octroyant les crédits du gouvernement à l'enseignement privé, et que le député de Marguerite-Bourgeoys y ait accordé la totalité de son temps. Je pense que c'est une position idéologigue. Nos amis de l'Opposition ont toujours tendance à dire: Nous, on ne fait pas d'idéologie et c'est seulement vous qui en faites. C'est vrai qu'on a une certaine philosophie politique qui dit: Nous allons développer d'abord le secteur public; nous allons redonner de l'autonomie aux écoles; nous allons leur donner des moyens; nous allons décentraliser le système scolaire; nous allons en améliorer la qualité

et les possibilités d'accès et, après, nous verrons comment les écoles privées peuvent s'insérer dans ce système scolaire décentralisé où les écoles sont autonomes, où les parents contrôlent leurs institutions scolaires.

Je réponds tout de suite au député de Marguerite-Bourgeoys: La raison pour laguelle la politique de l'enseignement privé a été retardée - il a parfaitement raison là-dessus - à deux ou trois reprises dans le passé, c'est que plus nous approfondissions cette politique, plus nous nous rendions compte qu'avant de définir une politique de l'enseignement privé il fallait se pencher sur les problèmes de l'école publique. Il fallait se pencher non seulement sur les problèmes de philosophie d'aménagement de réqimes pédagogiques, comme nous l'avons fait avec l'école québécoise, mais également au niveau des structures scolaires et de la décentralisation qu'il faut appliquer à notre système scolaire.

Je vous assure, M. le Président, que si on peut en arriver à faire des écoles publiques autonomes, qui disposent de moyens financiers et de pouvoirs de décision, le problème de l'école privée va se poser dans une optique différente.

Pour ma part, ça m'est totalement indifférent que l'école soit gérée par une corporation publique, une corporation privée ou une coopérative; ce qui m'intéresse, c'est qu'elle fasse face à ses responsabilités sociales, qu'elle s'insère dans un seul système d'éducation où il y a une certaine coordination d'ensemble - les écoles ne fonctionnent pas en vase clos - où chaque école, quelle que soit son étiquette, quel que soit son statut juridique, a les moyens pour fournir aux enfants une qualité de l'enseignement leur permettant de s'épanouir.

Voilà pourquoi nous avons décidé de reporter la politique de l'enseignement privé. Les mesures contenues dans le budget n'ont rien à voir et ne préjugent aucunement de la politique sur l'enseignement privé qui sera adoptée, une fois que nous aurons terminé la consolidation et le développement de l'enseignement public gui touche 85% des élèves du Québec. Voilà la priorité! Pour le moment, ces mesures budgétaires visent simplement à appliquer le principe qui veut que toutes les écoles soient traitées sur le même pied et prennent leur part des compressions budgétaires. (17 h 40)

M. le Président, j'avais commencé à dire qu'il était significatif de voir le temps que l'Opposition a mis sur cette question; je disais qu'elle avait pris une position idéologique. Dès que ces messieurs et ces dames voient quelque part, dans un projet de loi, quelque chose qui met en cause une institution, un service, une entreprise privée, M. le Président, cela devient une espèce de fétiche, une espèce de tabou: la liberté de choix est en danqer et il faut combattre. Je pense qu'on ne peut pas avoir une telle attitude et dire en même temps que notre principale préoccupation est l'égalité des chances parce que l'éqalité des chances, c'est d'abord donner à tous les enfants, quels que soient les revenus des parents, des services publics de qualité, une école qui ait des moyens. Dans ce contexte, M. le Président, il est tout à fait normal que l'école privée prenne sa part rie la dénatalité, sa part de la situation financière difficile, serrée, dans laquelle se situe ce budget.

Je voudrais terminer, M. le Président, en parlant de l'ensemble du budget, très brièvement. J'aurai oeut-être l'occasion d'y revenir à d'autre moments. Je pense que, si on veut parler d'égalité des chances, c'est bien sûr que la situation économique difficile où on est placé met en cause le projet de société que nous défendons de ce côté-ci de la Chambre, c'est-à-dire une certaine idée de la social-démocratie. Ce que nous poursuivons, c'est la plus grande égalité possible dans les rapports humains, la plus grande démocratie possible, la plus grande égalité de moyens entre les citoyens, non pas parce que nous pensons que tous les citoyens sont identiques, au contraire, nous nous opposons à l'uniformité, mais parce que nous pensons que les citoyens doivent avoir, dès leur naissance, tout le long de leur vie, des chances égales de se définir comme ils le veulent, comme ils l'entendent et de réussir leur vie dans tous les domaines qui les intéressent. Ce n'est pas un défi qu'on peut atteindre en quelques années. C'est, bien sûr, un projet à long terme et tout ce que peut faire un gouvernement qui croit en l'évolution sociale, c'est définir des directions qui vont aller dans le sens d'une plus grande égalité, d'une plus grande justice sociale. C'est l'objectif que nous poursuivons, M. le Président.

Cependant, il y a des contraintes. Il y a une contrainte qui est celle que nous fonctionnons dans des institutions démocratiques. Donc, lorsque nous avons des politiques à proposer, il faut convaincre la majorité de la population, il faut avoir un support suffisant de nos concitoyens. Une deuxième contrainte, c'est le régime fédéral dans lequel nous vivons qui nous a soutiré, dans ce budget, entre 400 000 000 $ et 500 000 000 $ et qui risque de nous soutirer, dans le budget de l'année prochaine, encore plus parce que le fédéral, pendant quelques années, faisait croître ses paiements de transfert aux provinces à un rythme de 18% et, l'année dernière, c'était rendu à 5%. Autrement dit, les paiements de transfert que le gouvernement fédéral nous fait ont augmenté de 5% alors que l'inflation a augmenté de 12%. C'est bien clair qu'une

bonne partie des contraintes budgétaires viennent de là.

Finalement, il y a, bien sûr, la conjoncture économique dans le monde occidental qui nous pose des contraintes puisque, la croissance économique étant moins rapide, il est plus difficile pour l'État d'augmenter ses revenus.

Je ne vous cacherai pas que, dans ce budqet, il y a plusieurs éléments gui me paraissent remettre en guestion notre projet de société sociale-démocrate. Je ne les passerai pas en revue, j'aurai peut-être d'autres occasions de le faire. Beaucoup plus que les coupures dans l'enseignement privé -j'aurais aimé que nos amis d'en face parlent d'autres choses que de cela - les compressions budgétaires ou parfois les coupures dans des domaines comme l'éducation des adultes, les garderies et l'aide sociale peuvent peut-être paraître inévitables dans le contexte où nous sommes placés actuellement, mais ne peuvent se poursuivre indéfiniment sans remettre en péril cet idéal de justice sociale et d'égalité des chances qui nous anime.

Je pense que nous allons devoir, dans les semaines et dans les mois qui viennent, en préparation des prochains budgets, faire un effort de réflexion collectif. Je souhaite que tous nos concitoyens prennent d'abord connaissance des faits, se rendent compte des contraintes dans lesquelles le gouvernement est placé, et déterminent les lignes d'action gui nous permettront, je l'espère, de faire en sorte que la situation financière dans laguelle nous sommes soit temporaire et que nous puissions, le plus rapidement possible, nous remettre en marche vers cet idéal d'égalité des chances gui constitue l'essentiel de notre programme politigue.

M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: S'il était besoin d'illustrer d'une façon ou de l'autre les différents points de vue gui animent le parti ministériel, le discours du député de Rosemont vient de l'illustrer, lui-même gui reconnaît, contrairement à son collègue le député de Shefford, qu'à bien des égards les présentes coupures budgétaires contredisent l'affirmation et les convictions sociales-démocrates du gouvernement actuel. Au même titre, on me permettra, comme député de Jean-Talon et également comme député de la région de Québec, de souligner la très vive inquiétude que nous ressentons en ce gui a trait à l'enseignement privé. À cet égard, d'ailleurs, les commentaires du député de Rosemont illustrent - il l'a présentée, je pense, d'une façon franche - une des tendances, une des opinions gui ont cours dans le parti ministériel et gui, sans doute, prennent leurs racines dans la résolution adoptée par le congrès du Parti québécois qui proposait, comme on le sait, et qui propose encore la disparition progressive de l'enseiqnement privé, c'est-à-dire son intégration au secteur public.

Ce qui est bien dommage pour le député de Rosemont, c'est que même si les coupures budgétaires vont à l'encontre des préoccupations sociales-démocrates prétendues, à tout le moins, du Parti guébécois, son collègue le ministre des Finances coupe les budgets gui rejoignent, dans le domaine de l'éducation, les secteurs les plus défavorisés de notre société. De la même manière, en ce gui concerne l'enseignement privé, les réserves, que je sais sincères, de la part du député de Rosemont ne sont manifestement pas majoritaires puisgue cette fois ce n'est pas son collègue, le ministre des Finances, mais bien le premier ministre du Québec lui-même, chef du Parti québécois, gui déclarait en cette Assemblée, le 15 décembre 1978, en réponse au député de Gaspé, M. Le Moignan: "... c'est qu'il n'est pas question, ni de près ni de loin, d'empêcher l'enseignement privé de fonctionner et de fonctionner le plus efficacement possible. Quand viendront les énoncés de politique, s'il y a lieu, disait le premier ministre, ce sera pour améliorer la situation, mais certainement pas pour brimer des gens qui ont un droit fondamental au système d'éducation qu'ils préfèrent." Quand le député de Rosemont faisait reproche à mes collègues et au Parti libéral de s'inquiéter, dès lors que l'une des libertés, une des facultés de choisir entre le secteur public et le secteur privé... je pense qu'il aurait eu avantage à prendre connaissance de la déclaration même du chef du Parti québécois, du premier ministre du Québec qui, en 1978, l'appliquait spécifiquement au problème de l'enseignement privé, disait sa conviction personnelle du maintien de l'enseignement privé.

Le député de Rosemont est sans doute mal venu de reprocher au Parti libéral de transmettre au niveau de l'Assemblée nationale la préoccupation que nous avons à cet égard, depuis toujours, d'ailleurs, depuis le début des années soixante, depuis la réforme scolaire. Devons-nous rappeler que cette réforme a été l'oeuvre, une des grandes oeuvres, la grande réalisation du Parti libéral du Québec? Je pense qu'on n'a pas à recevoir de leçon de confiance du député de Rosemont dans le secteur public de l'éducation, dans la mesure où ce sont les libéraux du Québec qui ont bâti le secteur public de l'éducation en passant à travers bien des difficultés. (17 h 50)

M. le Président, notre préoccupation dans le présent débat est beaucoup plus une préoccupation d'affirmer, de nous assurer que les parents, parce que c'est à ce niveau que doit être posée la véritable question, conservent le libre choix dans le domaine de l'éducation. C'est ça qui est le droit fondamental. Droit fondamental, d'ailleurs -puisque dans ce domaine, on n'en est pas à une contradiction près du côté du Parti québécois - qui a été reconnu en 1974 dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, qui a été adoptée par l'Assemblée, à l'époque avec le concours sans réserve aucune du Parti québécois qui alors était dans l'Opposition. Ce droit, vous l'avez reconnu dans la charte, et les dispositions budgétaires actuelles du ministre des Finances le remettent en cause. Tous les porte-parole de l'enseignement privé nous l'indiquent et des milliers et des milliers de parents au Québec nous le font savoir à nous, chacun des députés.

Très souvent, M. le Président, je le signale immédiatement lorsque l'on parle de l'enseignement privé, on oublie de siqnifier que les élèves, quand on parle en termes d'égalité de chances, de classes, de milieu social ou de milieu socio-économique, que la très grande majorité des enfants qui actuellement fréquentent les institutions privées au Québec, loin d'être de la catégorie des citoyens les plus privilégiés de notre société, appartiennent aux classes moyennes. Je pense qu'il faut affirmer et reconnaître ici très sereinement l'effort financier considérable que font certains parents pour pouvoir effectivement exercer ce choix, des parents qui se privent sur d'autres dépenses, sur d'autres biens qu'ils pourraient se procurer pour permettre à leur enfant de fréquenter nos institutions privées d'enseignement. C'est un fait indéniable et indiscutable.

Comme le soulignait le député de Marguerite-Bourgeoys, ce que le gouvernement va effectivement faire avec sa mesure budgétaire, c'est de forcer - parce qu'il pénalise, il restreint les disponibilités financières des institutions privées d'enseignement - les institutions privées d'enseignement à diminuer la qualité des services offerts, ce qui, dans l'esprit des éducateurs qui oeuvrent dans ce milieu, est tout à fait inacceptable; ou bien ils vont devoir hausser les frais de scolarité et les hausser à un niveau tel qu'il sera vrai -c'est là qu'est le danger - qu'il sera peut-être vrai, avec les dispositions du ministre des Finances, que seuls les plus nantis de notre société pourront envoyer leurs enfants dans les institutions privées. Effectivement -et on s'engage sur cette voie et c'est dans ce sens que l'Opposition croit de son devoir d'insister sur cette question - avec les contraintes financières qui sont imposées actuellement aux institutions d'enseignement, on aura une éducation d'élite. Seuls les gens fortunés, dorénavant, pourront exercer ce droit fondamental de choisir l'école de leur choix, droit fondamental que tout le monde a reconnu, comme le rappelait le chef de l'Opposition, puisque, dans le préambule même de la Loi du ministère de l'Éducation dans les années soixante, on trouve cette disposition - c'est le droit fondamental des parents - comme je l'indiquais, qui a été confirmée par la Charte des droits et libertés de la personne. Et tout le monde sait dans cette Assemblée qu'il ne suffit pas et ce n'est pas notre responsabilité -d'affirmer un droit. Cela reste complètement aléatoire d'écrire cela dans nos statuts si, effectivement, on ne s'assure pas que la population dispose des moyens financiers, des moyens matériels d'exercer et de tirer avantage des droits que l'on accorde dans cette Assemblée et que l'on reconnaît, en l'occurrence les droits des parents.

M. le Président, j'interviens dans ce débat pour le souligner. Comme je le disais tantôt, comme député de Jean-Talon, j'ai de très nombreuses institutions privées dans mon comté et je suis le seul porte-parole de l'Opposition dans la région de Québec. Il y a des institutions privées d'enseignement dans la région de Québec dont tout le monde doit se soucier parce qu'elles appartiennent non seulement au patrimoine culturel et au patrimoine éducationnel du Québec, mais qu'elles ont rendu et continuent de rendre à l'ensemble de la collectivité québécoise des services éminents. Qu'on pense simplement, comme Québécois, puisque c'est de cela, au fond, qu'il s'agit, à une institution comme le Séminaire de Québec; qu'on pense simplement à une institution comme le collège Jésus-Marie ou le collège des Ursulines, le collège des Jésuites, toutes ces institutions qui sont actuellement dans la région de Québec et qui nous appartiennent. Le parti d'en face a souvent cette mentalité. On a, dans le passé, fait face à un problème complet, on a fait un peu tabula rasa de tout ce qu'on avait et on a eu à le regretter très souvent.

C'est simplement le message que je voulais livrer cet après-midi au ministre des Finances. Le député de Rosemont parlait tantôt de l'incapacité du gouvernement d'en arriver à s'entendre pour développer une politique concernant l'enseignement privé, quelle que soit cette politique. On connaît les tendances, les divisions et les tensions qui existent dans le parti ministériel, mais il ne faudrait pas que ce soient les institutions privées qui en paient la note. Ce que je trouve le plus condamnable, finalement, dans la démarche actuelle du ministre des Finances, c'est qu'on se sert d'une mesure fiscale pour régler ou orienter d'une façon irréversible la solution d'un problème sérieux celui de l'existence d'un secteur privé de

l'enseignement à côté d'un secteur public et celui de l'instauration d'une meilleure et d'une plus grande complémentarité entre l'un et l'autre des systèmes.

M. le Président, je m'oppose à la façon dont le gouvernement procède, parce que tout y est traité d'une façon uniforme. Or, tout le monde sait que, pour les institutions reconnues d'intérêt public, le problème de l'enseignement privé - et les mesures fiscales en témoignent - n'a pas la même portée pour une institution par rapport à l'autre, et il faut l'examiner au mérite de chacun. Quand on parle de la complémentarité entre le secteur public et le secteur privé de l'enseignement, il faut introduire une complémentarité au niveau du contenu, il faut s'interroger là-dessus. Est-ce que nous pouvons le faire à l'intérieur d'une simple mesure fiscale? Non, M. le Président, nous ne pourrons le faire qu'à l'intérieur d'une loi sur l'enseignement privé. Le contenu, cela veut dire quoi? On a parlé du problème des handicapés. Or, si les handicapés, actuellement, fréquentent des écoles privées, c'est parce que, très souvent, les commissions scolaires ne sont pas en mesure de fournir localement l'enseignement à ces enfants ou un traitement adéquat. On ne peut pas, à l'intérieur d'une mesure fiscale, examiner une telle question.

Deuxième élément: complémentarité territoriale. Dans certains coins, le service public peut fournir à l'ensemble de la population, peut répondre presque en totalité aux besoins. Mais je connais une région comme celle, par exemple, de L'Assomption, où on a évoqué le collège de l'Assomption pour lequel j'ai, évidemment, beaucoup de sympathie et d'affection dans la mesure où c'est mon alma mater. Il y a une population qui s'est développée, toute la région de Repentigny. Le collège de L'Assomption est une institution privée gui va fêter dans guelgues années son 150 anniversaire de fondation. Cela répond à un besoin de la population locale gui est coïncée entre l'est de Montréal, où il y a des institutions, et la région de Joliette où il y a un collège. Cette institution a sa raison d'être. Est-ce que l'on peut apprécier l'existence d'une telle institution, son développement et son ambition, par une mesure simplement fiscale? Non, M. le Président. On doit pouvoir l'apprécier à l'intérieur d'un débat et d'une loi générale sur l'enseignement privé. C'est la même chose pour l'apport pédagogigue relatif qui peut exister entre différentes institutions privées.

Après cela, on pourrait reqarder la Loi sur l'enseignement privé, si le gouvernement avait le courage de prendre toutes ses responsabilités à ce titre. Il y a des choses dans cette loi qui datent de 1968, la loi 56. Il y a eu un moratoire, le gouvernement a pris la peine... Il y a des choses à revoir dans le domaine de l'enseignement privé. Qu'il s'agisse simplement de la définition même des institutions, les catégories d'enseignement, la place de l'enseignement général par rapport à l'enseignement professionnel, toute cette question des cours, des institutions gui sont moins fondamentales et qui appartiennent moins au patrimoine éducatif et culturel. (18 heures)

II y a des solutions à prendre. Ces solutions - et c'est là le vice fondamental dans lequel le projet de loi du ministre des Finances nous place - cette réflexion qu'on doit avoir n'a pas qu'une seule dimension fiscale et elle ne peut être étudiée, à mon avis, raisonnablement au niveau de l'Assemblée nationale simplement à l'occasion et dans un contexte de coupures budgétaires. D'autant plus que ces coupures, d'après ce que les institutions nous disent, frappent plus lourdement l'enseignement privé.

M. le Président, le point fondamental -et c'est là le sens de mon intervention et de celles de mes collègues - que nous demandons au gouvernement, nous disons au gouvernement: Vous avez des difficultés entre vous, à savoir si l'enseignement privé a une place au Québec et, s'il en a une, guelle place il doit avoir par rapport au secteur public. Les problèmes du secteur public dans le domaine de l'éducation, on les connaît; tout le monde fait des efforts pour les examiner, les étudier au mérite et il faut faire porter l'effort sur le secteur public, c'est bien sûr. Mais nous disons au gouvernement: N'essayez pas, parce que ce sera au détriment même de l'éducation, de régler les questions de fond - que, malheureusement, vous êtes incapables de régler compte tenu des convictions divergentes que vous avez entre vous - ou de leur donner une direction, comme je le disais, irréversible à l'occasion d'un projet de loi financier. Je pense qu'à ce moment vous faites un tort considérable à l'enseignement privé, vous faites un tort également à l'enseignement public que vous dites vouloir défendre, parce qu'on n'est pas en mesure, à l'intérieur du débat, présentement, d'apprécier la complémentarité qui doit exister entre le secteur public et le secteur privé dans le domaine de l'éducation. On ne peut pas, à l'intérieur d'une simple mesure fiscale, en discuter d'une façon exhaustive. Surtout, M. le Président - et je termine là-dessus - on ne peut absolument pas, à l'intérieur d'une mesure fiscale comme celle-là, affirmer notre foi, notre croyance, se faire une idée précise et dire où nous allons sur le plan du droit fondamental des parents d'exercer un choix quand il s'agit de l'école que leurs enfants doivent fréquenter. On ne peut avoir ce type de discussion parce que, dans le contexte présent, la discussion est limitée à des mesures fiscales qui, à bien

des égards, autant pour les institutions, pour les éducateurs, pour les administrateurs que pour les étudiants et surtout pour les parents, sont tout à fait odieuses et vont mener, je le répète, effectivement à faire de l'enseignement privé ce qu'il n'est pas actuellement: une éducation qui ne sera accessible qu'aux bien nantis de notre société.

Là-dessus, M. le Président, je trouve que la façon dont le gouvernement procède, c'est un geste qui méprise, enfin qui iqnore certainement l'effort considérable que des milliers et des milliers de parents font actuellement pour envoyer leurs enfants dans les institutions privées. C'est pourquoi, comme député de Jean-Talon et comme député de la région de Québec où il y a tellement d'institutions privées qui ont rendu des services éminents à la collectivité, qui en rendent en ce moment et qui, j'espère, pourront continuer d'en rendre, j'ai voulu apporter mon témoignage. En effet, comme député et comme tous les autres, j'ai reçu beaucoup de représentations là-dessus et, s'il fallait un enjeu électoral, je dois rappeler à nos amis d'en face que, lors de l'élection partielle de Jean-Talon, j'ai défendu cette thèse. Ce fut un thème majeur de ma campagne et, en plein milieu de campagne, mon adversaire d'alors s'est ralliée pour dire qu'elle était favorable à l'enseignement privé et la population a jugé. Ce n'est pas simplement faire de la démaqogie ou essayer de faire de la démagogie. Elle s'est rendu compte, et je pense que le Parti québécois s'est rendu compte alors qu'il y avait un besoin à ce titre-là, et cela, c'est la lettre, et cette lettre-là, quant à l'enseignement privé... Je rappelle, en terminant, que le premier ministre du Québec, en 1978, chef du Parti québécois, disait: "II n'est pas question, de près ni de loin, d'empêcher l'enseignement privé de fonctionner et de fonctionner le plus efficacement possible." Quand nous interviendrons, disait le premier ministre, ce sera pour améliorer la situation. Je demande si le ministre des Finances et le nouveau ministre de l'Éducation améliorent la situation de l'enseignement privé. Ils l'amènent sur la voie de la disparition et ce, au détriment des droits des parents.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Groulx, je vous donnerai la parole à 20 heures. Comme il est 18 heures, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures et vous aurez le droit de parole.

M. Fallu: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous suspendons jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 05)

(Reprise de la séance à 20 h 08)

Le Président: M. le député de Groulx, à vous la parole.

M. Elie Fallu

M. Fallu: Merci, M. le Président, de m'avoir reconnu sous mon titre. Il est évident, d'après ce que nous avons entendu cet après-midi, que pour nos auditeurs, et même pour nous de l'Assemblée nationale, nous étions en train d'oublier un peu qu'il s'agit d'un débat sur le projet de loi no 11 modifiant certaines dispositions législatives faisant suite au budget, car l'intérêt a été placé sur l'un des éléments du programme budgétaire, à savoir certaines compressions budgétaires, voire même une qestion de décroissance, dans les écoles privées.

J'aimerais prendre le débat d'une façon plus large au départ avant d'arriver à certains éléments plus précis, à certains principes sous-tendus dans cette loi. J'aimerais rappeler à cette Chambre qu'en 1969 le budget voté à l'Assemblée nationale pour l'État du Québec n'était même pas de 2 000 000 000 $; il n'était même que de 1 900 000 000 $. Or, le dernier budget Garneau, en 1976, lui, était déjà de 11 000 000 000 $. Qu'est-ce à dire? En six ans, le budqet s'était multiplié par plus de cinq. Le rythme de croissance budgétaire au Québec était devenu exponentiel. Constatons que depuis 1977 jusqu'à ce jour, en cinq ans, il ne s'est même pas multiplié par deux. Or, au rythme de croissance, au rythme de croisière où les budqets étaient en train d'aliqner leur cap, nous aurions eu normalement, avec un gouvernement Bourassa d'épogue, s'il eut continué, un budget de quelque 45 000 000 000 $.

(20 h 10)

Qu'est-ce gui s'est passé entre-temps? Comment se fait-il que ce budget de l'État du Québec, qui s'était multiplié plus de cinq fois en six ans, ne s'est même pas multiplié par deux pendant les six années qui ont suivi? II est arrivé que, comme chacun, nous avions constaté le très lourd fardeau fiscal des Québécois, le plus lourd au Canada. Il était de quelque 20% supérieur à celui de l'Ontario en 1976; il est toujours, en 1981, de 12% supérieur à celui de l'Ontario, mais il n'est pas comme il était en train de le devenir de l'ordre de 30% ou 35% comme le mouvement était parti sous les budgets Garneau. Il est en fait, actuellement, quelque 2% à "5%, pas tout à fait, supérieur à la plus lourde charge fiscale d'une province autre que le Québec. C'est donc dire qu'il y a eu restriction de croissance. Cette restriction était faite, pourtant, à des moments où la finance allait relativement bien, où la croissance de l'économie se faisait à un

rythme quand même convenable de près même de 4%. Il y avait un enrichissement collectif. Le gâteau grandissait encore et nous avions choisi de restreindre.

Nous avions choisi des objectifs sociaux, notamment, en pensant à la famille. Voilà que cette année - c'était déjà un peu prévisible l'an dernier mais la croissance était encore là - voilà que cette année avec une croissance 0 qui est déjà énorme, c'est peut-être scandaleux de le dire, mais ce qui est déjà énorme dans les pays occidentaux puisque qui n'a pas zéro, n'a pas plus 1, mais a toutes les chances d'avoir moins 1 et moins 2 de croissance, cette année, il nous faut encore faire un effort de décroissance fiscale. Nous le faisons en indexant à nouveau. C'est d'ailleurs le résultat de cette indexation, c'est d'ailleurs le résultat de la baisse générale des tables d'impôt qui a permis d'empêcher le budget de l'État du Québec de passer de 11 000 000 000 $ à quelque 30 000 000 000 * ou 35 000 000 000 $ ou 40 000 000 000 $ ou 45 000 000 000 $. Au moment où nous sommes, au moment où nous continuons encore d'alléger le fardeau fiscal, au moment, par ailleurs, où l'économie roule moins fort, donc, il faut selon les bonnes vieilles théories s'endetter un peu plus pour accélérer la marche de l'économie, il nous faut en même temps, puisque la croissance de l'assiette fiscale est moindre ou n'a pas une augmentation substantielle, à ce moment, vraiment couper la croissance.

Vous vous souvenez, d'ailleurs, M. le Président, qu'au lendemain du discours sur le budget on disait un peu partout: Baisse d'impôt de 2%; indexation des tables d'impôt à 7,5%, c'est-à-dire moins que la compensation que les citoyens recevaient par le simple accroissement de l'inflation. Mais on indiquait également: Aucun nouveau programme de dépenses dans le budget. Il faut s'arrêter un court instant pour bien voir pourquoi les choses se passent actuellement telles qu'elles nous apparaissent et telles qu'on doit, d'ailleurs, les gérer. Il fallait faire des compressions budgétaires. On sait que, d'une part, l'augmentation du fardeau de la dette, avec, notamment, du refinancement ou du financement à un taux d'intérêt aussi élevé, nous amène à être prudents. Il fallait - je l'ai dit - faire un effort de réduction du fardeau fiscal. Il fallait un peu brimer la croissance de la masse salariale qui, elle, par l'indexation et le vieillissement, a tendance à s'élargir et de ce point de vue - le ministre des Finances ne s'en est pas caché, d'ailleurs, un jour en Chambre - le résultat net de l'opération des dernières négociations dans les secteurs public et parapublic été pour l'État du Québec une économie de 800 000 000 $.

Au moment où des décisions importantes doivent se prendre puisque les accords fiscaux arrivent à échéance, il fallait être prudent. On a bien dit que le renouvellement des accords fiscaux devait se faire, mais on n'a pas suffisamment insisté sur la place que ces accords fiscaux occupent dans les restrictions budqétaires qui contraignent cette Assemblée. M. le Président, je me suis amusé, comme historien, à relever ce qu'est la jungle fiscale entre les provinces et le fédéral depuis 1867. De mémoire, j'ai aligné cet après-midi sur un bout de papier époque par époque pour ceux qui connaissent l'histoire du Québec, uniquement par un mot bien frappé, le mot clé qui nous indique le débat du moment, comment, depuis 1867, ces accords fiscaux ont été une véritable jungle fiscale revenant maintenant à périodicité de cinq ans.

Souvenez-vous, au tout début de la Confédération, on l'appelait la querre des subsides, puis, les subsides conditionnels, puis, les programmes à frais partagés, puis, le secours direct - il ne s'agissait pas d'assistance sociale, notez bien - transfert sans condition, et puis on l'a appelé l'effort de querre et, par la suite, la conférence du Rétablissement qui, d'ailleurs, n'en fut pas une et, ensuite, les paiements de péréquation, les transferts de points d'impôt. Pour ceux qui connaissent un peu l'histoire fiscale du Québec, cela vous rappellera des dates très précises, c'est de 1867 à nos jours.

Qu'est-ce que cela a donné? Cela a donné que ces transferts ont tendance maintenant à ralentir. Pour l'année financière 1980-1981, 60 000 000 % de moins que prévu sont tombés dans les coffres du Québec, c'est-à-dire que l'augmentation du transfert fiscal d'Ottawa n'a été que de 3,8%, alors que la croissance du budget de l'État ou, très bêtement, la croissance du taux d'inflation était de 9,9%. Il y avait là un manque à gagner de 60 000 000 $. Vous savez, M. le Président, c'est important, ces transferts fiscaux, cela représente, bon an, mal an, selon les ententes, des pourcentages très appréciables du budget.

Il y a quelques mois, j'avais fait un relevé, en pourcentage, de 1907 à 1978, de l'importance de ces transferts fiscaux dans les budgets du Québec. C'est ainsi qu'en 1907 - 1908, ça donnait 30% du budget du Québec, et puis c'a baissé et baissé, en 1947-1948, ça ne donnait plus que 1%. Vous savez ce qui est arrivé en 1956, sous Duplessis, et les conséquences que cela a eu avec 10% de transfert de l'impôt direct, et croissance par la suite jusqu'à 24,9% pour le budget de 1977-1978. Cela donnait, je crois -je le dis de mémoire et sous toutes réserves - dans le budget de l'an dernier, assez près de 30%.

Voilà un manque à gagner. Nous n'avons pas ici, dans cette Assemblée, de capacité

juridique, n'ayant pas pleine souveraineté, pour aller arnaquer un budget à Ottawa et exiger la croissance normale. Nous n'avons pas ce pouvoir, nous sommes dépendants. Faut-il le rappeler, M. le Président? (20 h 20)

Que fait-on dans de telles situations, lorsque nos alliés, dit-on, ne paient même pas leurs dettes? Ce sont les Québécois qui doivent ramasser les pots cassés. Le résultat, ce sont les compressions budgétaires, et les compressions budgétaires estimées à environ 800 000 000 $ cette année, c'est-à-dire l'absence de croissance, le fédéral à lui seul en sera responsable pour une très large partie, sans doute plus de 100 000 000 $; de 15% à 20% à lui seul, comme mauvais citoyen corporatif.

Malgré tout, M. le Président, vous aurez observé comme nous tous, et très certainement tous les citoyens le soir du budget, que malgré les compressions, il y avait guand même un gouvernement gui tentait de voir au mieux-être des gens, notamment au mieux-être des familles, car cette indexation d'impôt, cette baisse générale des tables, évidemment, touche ceux gui sont les moins fortunés en priorité, parce que pour eux ce sont les biens essentiels, le boire, le manger, l'habitation, qui sont de première nécessité gui seraient touchés directement sans décroissance de l'impôt. Mais en plus, dans un sens de justice distributive, et cela, en toute honnêteté, je dois le rappeler, M. le Président, car cela fait partie de l'un des grands principes de ce projet de loi no 11, il y avait également, notamment pour la famille, dans ces derniers budgets où nous avions tenté de détaxer au maximum les objets de première utilité, il y avait encore, dis-je des éléments de décroissance budgétaire de l'État en faveur -donc des transferts - des plus démunis, par exemple, fournitures de classe, chaussures, sacs à main, bretelles, ceintures, cravates, fichus et lunettes de sécurité, non pas les montures un peu mondaines, mais ce dont les travailleurs ont besoin, des mesures gui touchent vraiment tout le monde. Évidemment, ça ne couvrait pas les carpettes, les moquettes et les tapis et ça ne couvrait pas les vêtements dont le prix unitaire de vente au détail est de plus de 500 $, ça ne couvrait pas les chaussures dont le prix de vente au détail est de plus de 125 $ la paire. On trouve guand même à se chausser, M. le Président, pour 65 $ ou 70 $ chez les petits marchands chez moi.

Cela touchait également certaines industries, notamment les industries artisanales, comme ces mesures qui sont prises dans cette loi que nous sommes appelés à voter, à l'égard des pêcheurs, la vente de filets, les agrès de pêche, les navires de moins de 500 tonnes brutes, tout navire servant au transport des personnes, au dragage, etc., mais de petit tonnage. C'est ça aussi le budget, c'est ça aussi la loi 11, M. le Président.

On aurait dit, cet après-midi, que la loi 11 c'était uniquement et essentiellement les 4 $ par mois que les parents auront à payer en sus cette année pour envoyer leur enfant à l'école privée au niveau secondaire. On aurait dit que c'était le drame universel en cette Chambre; 4 $ par mois en sus, M. le Président! C'est un effort fiscal que des parents auront à faire, je ne le nie pas, je ne veux pas nécessairement en minimiser la portée, mais je veux néanmoins en indiquer le coût réel pour le citoyen et, d'ailleurs, pour quelques citoyens.

M. le Président, nous aurons à parcourir dans quelques jours ce projet de loi article par article. Il est évident que l'Opposition va quand même passer très rapidement sur certains articles, notamment sur l'article 24, qui porte sur l'impôt sur la vente au détail; très certainement qu'elle aura peu de questions, parce que le bon peuple du Québec, ça n'a pas l'air de l'intéresser trop trop.

À l'article 25, sans doute n'aura-t-elle aucune question, c'est à l'avantage des pêcheurs.

À l'article 26, va-t-elle gloser, c'est l'article de la taxe sur les tabacs!

M. le Président, le libre choix des fumeurs de payer les impôts olympiques que nous ont laissés les incuries de six ans de gouvernement libéral de 1970 à 1976, est-ce qu'ils vont le reprocher? Ils n'oseront même pas soulever le débat. Je me souviens qu'en cette Chambre, en 1978, le ministre des Finances avait également fait un petit redressement de l'impôt sur les tabacs. L'Opposition libérale du temps avait été remarquablement coite. Ils craignaient trop que les somptuaires Olympiques puissent revenir à la surface.

M. le Président, j'arrête. Je cède, évidemment, la parole, en conséquence, à quelqu'un de l'Opposition. Qu'est-ce que ces qens vont nous dire? Est-ce qu'ils vont encore nous parler des écoles privées, M. le Président? Nous verrons. Est-ce qu'ils vont nous parler de l'impôt sur le tabac, M. le Président, pour nous dire que ces impôts, plus on les augmente, moins les gens fument? Ils ont même une vertu sociale. Je les incite plutôt à nous parler de l'article 24 et de l'article 25, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Westmount.

M. Richard French

M. French: M. le Président, la politigue budgétaire incorporée dans le projet de loi no 11 gui est devant l'Assemblée ce soir est manifestement le produit d'un gouvernement

qui n'a plus d'option ni de marge de manoeuvre dans la qestion de la chose publique. Bien sûr, on sait que c'est un gouvernement qui se voit social-démocrate, il nous le dit constamment, mais on se demande s'il n'insiste pas trop là-dessus, surtout quand on examine de près sa politique budgétaire.

Comment un gouvernement social-démocrate peut-il implanter une taxe sur l'emploi comme le prélèvement de 3% sur la feuille de paie? On sait que les économistes sont tous d'accord pour dire que l'effet d'une telle taxe frappe ultimement les salaires et le niveau d'emploi même si, techniquement, elle est imposable aux employeurs.

Le ministre des Finances n'a pas commenté l'impact sur le niveau d'emploi du prélèvement, dans ses commentaires, cet après-midi. Mais il me semble tout à fait évident que si on crée une taxe payable par l'employeur sur toute la masse salariale, bon an, mal an, il y a là une incitation à la mécanisation, une incitation au remplacement de la main-d'oeuvre par le capital. Il y a aussi une incitation, pour le nouvel investissement privé dans les industries à forte intensité de main-d'oeuvre, de se localiser ailleurs qu'au Québec. (20 h 30)

J'ai trouvé utile, cet après-midi, d'avoir été présent pour entendre parler le ministre des Finances qui nous a rappelé que ce prélèvement sur les chèques de paie, au titre de l'assurance-maladie, a connu une croissance exponentielle depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement. Le ministre des Finances a fait état de son étonnement que les sociétés québécoises, que les entrepreneurs québécois ne lui aient pas fait de représentations au sujet de cette taxe, cette véritable taxe à l'emploi. Il a dû oublier la présentation soumise à son intention par le Conseil du patronat du Québec, qui a estimé le coût de cette mesure à quelque 360 000 000 $ par année.

C'est aussi possible que si les entrepreneurs, les hommes d'affaires québécois ne viennent pas à Québec pour faire état de leurs soucis auprès du ministre, c'est parce qu'ils savent, d'après une longue expérience, que c'est un gouvernement si rigide, si borné que ça n'en vaut pas la peine. Tôt ou tard, ce sont les travailleurs québécois, déjà les plus lourdement taxés en Amérique du Nord, qui vont payer la note de la taxe sur l'emploi. C'est un drôle de cadeau pour les travailleurs québécois.

Un autre exemple: Comment un gouvernement social-démocrate peut-il planifier d'utiliser Hydro-Québec comme une autre main du ministère du Revenu, comme encore une autre façon cachée d'aller chercher les revenus publics dans les poches des Québécois? Comment peut-il envisager d'utiliser la consommation de l'électricité comme véhicule d'imposition? C'est une étrange et régressive mesure qui va sans aucun doute pénaliser les gagne-petit des comtés comme Rosemont ou Saint-Henri parce que c'est pour les gagne-petit que l'électricité représente une grande partie du budget personnel.

J'ai appris d'un de mes collègues d'en face qu'il était très satisfait que le ministre des Finances ait l'intention d'aller redistribuer la richesse - selon ses mots -par le biais d'Hydro-Québec. Quelle erreur! Hydro-Québec, ce n'est pas Christian Dior, ce n'est pas Mercedes-Benz, ce n'est pas une compagnie gui vend du luxe aux riches, c'est la seule source de courant électrique pour les Québécois. Les besoins du Trésor public québécois ne devraient jamais entrer en ligne de compte dans la tarification de son produit.

Comment un gouvernement social-démocrate peut-il songer au ticket modérateur, marque de commerce des gouvernements conservateurs? Encore une fois, un virage inattendu et peu expligué par le Conseil des ministres qui se montre de moins en moins enclin à suivre ses soi-disant principes économigues. Encore une fois, un silence remarguable de la part des députés d'arrière-ban du parti ministériel, ils ne sont plus obligés de participer à la mise en veilleuse de l'indépendantisme, mais ils n'ont apparemment pas eu le feu vert pour commenter une autre mise en veilleuse, celle de la social-démocratie. Comment un gouvernement social-démocrate peut-il couper les budgets des services sociaux et de l'éducation? Comment peut-il passer sur le dos des plus démunis, de ceux qui ont le plus besoin des services de l'État, les conséguences de sa politique budgétaire? Après avoir réduit de façon significative durant le premier mandat la proportion du budget alloué à la mission économigue, il semble maintenant que ce soit le tour des services sociaux et de l'éducation.

Alors quel est l'objectif principal de la politique budgétaire du gouvernement? Ce n'est certes pas la social-démocratie. Ce n'est certes pas non plus une orientation particulièrement positive de l'entreprise privée. De fait, le gouvernement ne peut se permettre le luxe ni de l'un ni de l'autre. Après cing ans de dépenses, après cinq ans pendant lesquels le gouvernement semblait croire pouvoir être dispensé des règles de prudence les plus élémentaires en matière de fiscalité, il se trouve coincé. Accablé par une dette sans précédent pour le Québec et sans parallèle ailleurs en Amérique du Nord, le gouvernement se trouve aujourd'hui sans marge de manoeuvre, sans aucune flexibilité. J'entends mes amis d'en face dire que la dette du gouvernement fédéral est proportionnellement aussi grande que la dette du Québec. Ils oublient évidemment, M. le

Président, que la dette du gouvernement du Canada est la dette de tous les Québécois comme celle de tous les Albertains et de tous les gens de la Colombie britannique...

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. French: Ayant ignoré les réalités économiques pendant cinq ans, le gouvernement ne peut que jouer au responsable et prêcher l'austérité. Mais si le gouvernement avait été le moindrement consciencieux pendant ces cinq années, l'ajustement serait plus facile, moins pénible qu'il ne l'est aujourd'hui. Le ministre des Finances se félicite d'avoir diminué cette année le taux de croissance des dépenses publiques du Québec à 12% ou 13%. Mais le gouvernement de l'Ontario fonctionne actuellement à un taux de croissance de 8%. Voilà le résultat d'une planification s'étalant sur plusieurs années. Voilà un résultat qu'un gouvernement vigilant aurait pu accomplir pour le Québec. Bien sûr, M. le Président, les problèmes du fisc québécois ont été compliqués par les décisions prises à Ottawa, à Washington, à Tokyo, à Genève. Mais ces problèmes ont été créés ici dans la ville de Québec par le Conseil du trésor et par le Conseil des ministres du gouvernement péquiste.

L'héritage de cinq années de ce gouvernement est un déséquilibre structurel croissant dans les finances publiques québécoises. L'héritage de cinq ans né de ce gouvernement est une politique budgétaire sans aucune philosophie cohérente, sauf, bien sûr, la protection et l'augmentation du revenu de l'État et, tout récemment, la réduction des dépenses d'une façon qui, étant donné la profondeur de l'incurie, est nécessairement arbitraire et injuste.

Prenons, à titre d'exemple, l'effet de la situation fiscale et de la politique budgétaire qui en découle sur les jeunes du Québec. Premièrement, il faut constater que la dette publique massive est d'abord et avant la dette de nos jeunes, une véritable taxe sur l'avenir, puisqu'ils seront appelés à la rembourser pendant leurs années productives. Notre dette publique ne sert plus à soutenir l'investissement public. Notre dette publique péquiste est un instrument pour transférer le fardeau de la consommation d'aujourd'hui sur le dos des travailleurs de demain. Deuxièmement, le chômage chez les jeunes est sérieusement aggravé par un salaire minimum trop élevé et par les politiques gouvernementales qui ont eu comme résultat un taux d'investissement privé relativement faible par rapport à celui que l'on retrouve ailleurs en Amérique du Nord.

Troisièmement, ce sont les jeunes du Québec qui sont uniquement visés par ce que le ministre de l'Éducation, frappé d'un soudain excès de franchise, a baptisé un ralentissement dans la progression des crédits de l'Éducation.

Considérons le secteur universitaire. Voilà un des secteurs clés pour l'avenir du Québec, un des instruments essentiels pour notre développement culturel et économique. Parmi les institutions qui protègent et transmettent ce qui est unique dans la société québécoise, les universités prennent une place majeure. De plus, les universités jouent un rôle de première importance dans la mobilité sociale. Les universités ne sont plus les institutions de l'élite de la société comme autrefois. Elles constituent une espèce d'ouverture par laquelle les étudiants de milieux sociaux économiques modestes peuvent réaliser leurs aspirations, pratiquer une profession ou gérer une entreprise. La politique budgétaire du gouvernement, que réserve-t-elle aux universités sur les plans recherche, culture, économie, mobilité sociale où ils sont si importants? (20 h 40)

M. le Président, le ralentissement dans la progression des crédits du secteur universitaire se traduit par une augmentation budgétaire de 6,7%, soit moins de la moitié du taux d'inflation gui affecte les universités cette année. Voilà un ralentissement qui a bien l'air d'un recul ou d'une retraite. L'annonce de ces mesures a réussi à créer l'unanimité parmi les divers intervenants du monde universitaire; les étudiants, les professeurs, les administrateurs sont tous d'accord pour dire qu'il s'agit de coupures qui ne peuvent que nuire à la qualité et à l'accessiblité à l'éducation universitaire. À titre d'exemple, je cite le recteur de l'Université Laval et président de la Conférence des recteurs, M. Jean-Guy Paquet, qui a dit, et je cite: "Si on peut demander aux réseaux universitaires de gérer l'austérité, on ne peut, en revanche, leur imposer de gérer l'absurdité."

Quels seraient les effets de cette politique de ralentissement, de recul, d'austérité, voire d'absurdité dans la politique de financement universitaire? Ce n'est pas très compliqué. On constaterait l'annulation et la remise de cours, y compris les cours obligatoires dans certains programmes d'études, l'élimination de postes de professeurs, l'élimination de programmes entiers, la mise à pied des employés qui n'ont pas la sécurité d'emploi, le prolongement des cours des étudiants déjà dans le système, avec tous les coûts financiers et sociaux que cela occasionnerait, la suspension des admissions, au mois de janvier, par l'Université du Québec à Montréal, la seule université qui le permettait au Québec, le financement des universités par des déficits de l'ordre de plusieurs millions de dollars et le contingentement des admissions.

II ne faut pas s'illusionner, M. le Président, il ne s'agit pas de phénomènes marginaux, il ne s'agit pas de petites privations que pourrait entraîner un ralentissement dans la progression des crédits. Il s'agit d'un changement dramatique dans la gestion et la vie des universités, d'un virage fondamental dans le développement du système universitaire. D'après M. Jean-Guy Paquet, recteur de l'Université Laval "si la situation financière n'était pas corrigée, elle conduirait les universités à prendre des mesures irresponsables comme l'adoption de budgets largement déficitaires ou encore l'abolition des quelque 2500 postes de toute catégorie dans l'ensemble des universités."

On peut apprécier davantaqe l'effet de la politique budgétaire sur les universités en examinant l'Université du Québec à Montréal et l'Université Concordia. Ce sont les deux universités vouées à la mobilité sociale et à l'égalité des chances. Ce sont les universités d'études à temps partiel, ce sont les universités à forte participation d'étudiants qui sont de la première génération de leur famille à bénéficier de la scolarité avancée. Ce sont les universités de la deuxième chance. Inévitablement, ces deux institutions, déjà les moins coûteuses par étudiant pour le contribuable québécois, sont les plus durement frappées par les restrictions du gouvernement face à l'éducation universitaire. L'Université du Québec à Montréal et l'Université Concordia prévoient chacune un déficit de l'ordre de 12 000 000 $ pour la fin de l'exercice actuel. L'UQAM serait forcée de contingenter les admissions dès le mois de septembre 1982.

Il ne reste que deux questions à poser aux ministres de l'Éducation et des Finances. Premièrement, combien de temps pensent-ils que le réseau universitaire peut se financer par des déficits? Deuxièmement, quelles mesures vont-ils entreprendre afin d'informer les étudiants des cégeps et des écoles secondaires que le diplôme d'études collégiales ne garantit plus l'accès à l'éducation universitaire? Je pense que les membres du Conseil des ministres doivent être les seuls dans cette Assemblée à avoir oublié la nécessité de réduire progressivement l'écart entre le taux de participation à l'éducation universitaire des Québécois francophones et celui plus élevé de nos concurrents a l'extérieur du Québec. Le retrait du gouvernement en ce qui a trait à l'éducation universitaire n'est guère la façon d'atteindre cet objectif fondamental pour notre avenir.

J'ai parlé, M. le Président, de la situation dans les universités. On pourrait parler aussi facilement des coupures qui frappent l'éducation des adultes, les gens du troisième âge, les classes d'accueil et ainsi de suite. Aujourd'hui, pour la jeunesse au

Québec, les résultats de la perte du contrôle des dépenses publiques depuis cinq ans sont honteux et désastreux. Je suis convaincu que les effets sur les enfants ou sur les gens de l'âge d'or sont aussi pénibles. C'est la social-démocratie du lendemain de la fête. On commence à payer une espèce de pénalité à retardement à cause de la perte de contrôle en matière de fiscalité qui a affligé le gouvernement à compter de 1977. Personne ne sait où cela nous conduira mais, chose certaine, ce n'est pas avec un Trésor public affaibli, une politique budgétaire improvisée, des budgets de services essentiels sabrés et sans plan de redressement systématique que nous allons retrouver et créer pour l'avenir un Québec fort.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Roberval.

M. Michel Gauthier

M. Gauthier: M. le Président, je pense que le moment est bien choisi, en marge du débat devant conduire à l'adoption du projet de loi no 11, pour rappeler à l'ensemble de la population du Québec et également à certains membres de cette Chambre que le rôle du gouvernement, face à la gestion des deniers publics, est un rôle, une responsabilité particulière de juste répartition en fonction des priorités qu'il s'est fixées.

En effet, M. le Président, il est permis de comprendre - et les gens de tout le Québec le comprendront très facilement -qu'en période de forte croissance économique - et tout à l'heure, mon collègue de Groulx le rappelait à cette Chambre - il est possible de penser, pour un gouvernement, à une extension des services qu'il donne à la population. On peut penser créer de nouveaux services. On peut penser développer. Mais si ce principe est vrai, le principe contraire est là également, à savoir que lorsqu'un gouvernement doit administrer dans un contexte particulièrement difficile - et c'est le cas présentement - il faut penser à certaines restrictions, il faut penser à faire des choix. Non seulement on ne pense pas développer de nombreux services, mais on pense à faire des choix parmi ceux qui nous semblent les plus essentiels, les plus prioritaires.

Et pour bien me faire comprendre sur ce point, tout le monde, dans le Québec, doit administrer un budget familial. On sait fort bien - et toutes les mères de famille, tous les chefs de famille savent - que lorsqu'on administre un budqet familial à partir des rentrées d'argent dont on bénéficie, on fait un certain nombre de choix. Lorsque les rentrées d'argent sont bonnes, on se permet du luxe, on se permet une maison d'été, on se permet de changer la voiture. Mais Dieu

sait si, en période d'inflation - et nous la vivons tous très durement actuellement - on doit faire des choix et mettre l'argent là où on pense que c'est prioritaire, que c'est préférable de le faire.

Quelle est la situation que vit le gouvernement du Québec actuel? Dans le contexte nord-américain comme dans l'ensemble du contexte mondial, le peu de croissance économique qu'il nous est permis d'observer, les difficultés d'approvisionnement en source d'énergie, enfin les problèmes de chômage qui sont a l'échelle mondiale très graves nous placent dans une situation où le gouvernement du Québec comme les gouvernements d'ailleurs font face à une rentrée d'argent qui est beaucoup moins importante dans les coffres de l'État qu'on aurait pu le prévoir, il y a quelques années.

Face à cela, le gouvernement du Québec adopte une attitude que je trouve responsable et que l'ensemble de la population du Québec a jugée responsable, le gouvernement du Québec fait des choix. En faisant des choix, ce même gouvernement accepte les implications pas toujours agréables de ses choix. (20 h 50)

II y a une chose qu'on comprend mal cependant, c'est l'attitude de l'Opposition libérale dans cette Chambre, qui est sûrement empreinte d'une très grande naïveté ou d'une malhonnêteté tragique. Je m'explique. Depuis le début de ce débat, on condamne les restrictions budgétaires gouvernementales. Toutes les raisons sont bonnes pour crier alerte a chaque fois que le gouvernement a réduit la croissance du budget d'un ministère. Dans la même veine, on condamne également le déficit du Québec, qu'on dit astronomique, qu'on dit épouvantable. L'intervenant précédent vient de nous donner un exemple de cette attitude.

Mais comment peut-on penser logiquement - et la population du Québec ne s'est pas laissée tromper, M. le Président -condamner un déficit, d'une part, et condamner toutes les coupures budgétaires, d'autre part, quand, durant la campagne électorale, ces mêmes personnes promettaient l'accroissement des services dans bien des domaines? La seule avenue possible qui s'offrirait à un gouvernement qui serait formé de ces gens serait une hausse absolument fantastique des impôts des Québécois. Or, on sait que les gens sont suffisamment accablés par les problèmes de l'inflation sans supporter de hausses d'impôts aussi extraordinaires que cela supposerait.

Mais comment le gouvernement du Québec veut-il vivre cette période difficile pour l'ensemble des gouvernements du monde occidental?

Enfin, le gouvernement a donné, depuis quelques années, des preuves, des preuves de saine gestion. On a commencé, dans les services gouvernementaux, à réduire graduellement l'accroissement du nombre des fonctionnaires. Également, le gouvernement a entrepris des restrictions budgétaires dans l'ensemble de ses services. Mais nous voilà rendus - c'est ce qui scandalise, semble-t-il, l'Opposition - à demander à tout le réseau du parapublic: les hôpitaux, les commissions scolaires, tout le domaine des affaires sociales, certaines restrictions dans leurs dépenses. Qu'y a-t-il de si scandaleux à ce que le gouvernement demande à son réseau parapublic de faire les mêmes efforts que lui-même fait depuis quelques années?

On assiste, M. le Président, à deux attitudes face à cette exigence gouvernementale. La première est une attitude responsable; il y a des gestionnaires dans le système parapublic qui acceptent difficilement, il faut le dire, mais qui acceptent cette situation temporaire de restrictions budgétaires. II y a éqalement, malheureusement, une seconde attitude - on en voit parfois qui font de la politique avec une situation aussi sérieuse que celle que l'on vit - une attitude de rejet total, une attitude que je qualifierais d'irresponsable face à la situation que l'on vit. Dans le réseau scolaire ces deux attitudes se traduisent par deux discours bien différents. Le premier discours, il est non voulu, c'est sûr, mais il est désiré fondamentalement par l'ensemble de la population qui vit durement cette période; ce premier discours, il est responsable. Le deuxième discours fait plaisir à tous ceux qui sont affectés quelque peu par des demandes de restrictions de la part du gouvernement, mais c'est fondamentalement le discours qui inquiète la population du Québec et c'est le discours que nous nous efforçons de condamner de ce côté-ci de cette Chambre.

Dans le réseau scolaire il m'a été donné, durant la période électorale, puisque ces restrictions budqétaires étaient annoncées à ce moment, de rencontrer - j'étais accompagné alors du ministre de la Justice - des directeurs généraux de commissions scolaires. Il y a un directeur général, entre autres, qui me disait: - il n'était pas particulièrement réputé être péquiste, croyez-moi - Les restrictions budqétaires vont me permettre de mettre de l'ordre dans mon administration; ça va me permettre de faire ce que j'aurais dû faire depuis quelques années, ce que j'aurais dû entreprendre. Avec la baisse sensible de ma clientèle, j'aurais dû réduire mon personnel administratif, mais je ne l'ai pas fait et le gouvernement, en me mettant certaines restrictions dans mon budget, m'oblige à prendre mes responsabilités. Je pense que le discours de cet administrateur scolaire était des plus responsables et il mérite d'être mentionné en cette Chambre.

Également, la semaine dernière, j'ai

rencontré un autre directeur général de commission scolaire avec qui j'ai discuté des problèmes budgétaires causés par nos restrictions. Il me disait qu'avec quelques réaménagements à l'interne il envisageait être capable de boucler son année financière avec un surplus de quelque 30 000 $. Il s'agit d'une commission scolaire dont le budget total s'élève à quelque 4 000 000 $. Je pense qu'il y a des gestionnaires dans le système parapublic gui, en ayant une attitude responsable, une attitude positive face à cette exigence qu'on a de freiner l'augmentation de nos coûts, réussiront. Ils ont réussi, à l'heure actuelle - on peut déjà le dire puisque les budqets des commissions scolaires sont des budgets fermés - à passer à travers cette première année de restrictions.

Il y a certaines conditions gui peuvent permettre à des gestionnaires d'organismes parapublics de passer à travers une période budgétaire difficile. Ces conditions, je me permets d'en donner quelques-unes. Il faut que nos gestionnaires soient capables d'une réflexion profonde. Il faut qu'ils soient capables d'un retour aux objectifs fondamentaux de l'organisation.

Deuxièmement, il faut qu'ils soient capables d'envisager positivement une réorganisation interne des ressources dans un contexte de restrictions budgétaires. La troisième condition, il faut être capable d'accepter dans le système parapublic d'être peut-être un peu moins perfectionniste et un peu plus efficace.

M. le Président, bref, il faut accepter, il faut être capable - je m'adresse aux gestionnaires du système parapublic - de s'inscrire dans cet effort collectif gui est exigé de nous pour les années quatre-vingt. Cet effort collectif, il nous appartient à tous. Il appartient à tous les travailleurs des systèmes public et parapublic. Il appartient également aux instances syndicales. Il appartient aussi aux gestionnaires, aux administrateurs responsables. Il appartient aux gens de cette Chambre qui doivent donner les grandes orientations budgétaires pour le Québec. Il appartient enfin aux usaqers qui doivent accepter certaines contraintes, gui doivent accepter certaines difficultés, mais comme ils le font si bien quand il s'agit de leur budget personnel où ils doivent couper sur des choses qui sont essentielles, d'accord, mais qu'on peut réussir à enlever en fonctionnant quand même.

Enfin, je pense que c'est tous ensemble que nous devons prendre le collier. C'est tous ensemble que nous devons assumer cette responsabilité collective. C'est tous ensemble que nous devons dégager cette marge de manoeuvre suffisante pour nous permettre de faire face à nos grands objectifs, à nos grandes priorités.

Enfin, M. le Président, je pense que l'ensemble des députés de cette Chambre accepteront, après mûre réflexion, comme les gestionnaires des systèmes public et parapublic, comme les clients visés, comme les travailleurs et les syndicats, tous ensemble, dans un geste responsable et digne de louange, de faire face à nos responsabilités et, de cette façon, les citoyens du Québec seront bien gérés. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Beauce-Sud.

M. Hermann Mathieu

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Nous avons à étudier ce soir le projet de loi no 11, un projet de loi qui nous semble, au premier abord, bien inoffensif. Le ministre des Finances disait d'ailleurs, cet après-midi, en le présentant que c'est une procédure nécessaire parce que le projet est destiné, disait-il, à consacrer les mesures annoncées dans le discours sur le budget. Au passage, vous me permettrez, avant d'arriver au fond du problème et du sujet que je veux traiter ce soir, de déplorer certaines coupures dont les plus démunis de la société devront payer le prix. (21 heures)

Je veux parler d'abord de l'agriculture. Il y a des coupures draconiennes dans le domaine du drainage, dans les travaux mécanisés et, principalement, dans le programme de soutien à l'emploi. C'est vraiment très déplorable au moment où ce programme était apprécié, rendait service aux cultivateurs et réussissait également à abaisser sensiblement, pour ne pas dire considérablement, le taux de chômage dans le secteur de l'agriculture.

Dans le domaine des transports, le projet de loi consacre également des coupures. Du côté du gouvernement, on n'appelle pas ça des coupures; on trouve des termes très élégants, on appelle cela des mesures de ralentissement des dépenses publiques. On semble vouloir dorer la pilule pour qu'elle s'avale mieux. On prend soin de bien l'enrober pour en cacher le véritable effet, mais l'effet est là, ce sont des coupures.

J'ai vu, dans le domaine de la construction et de l'entretien du secteur routier, des coupures qui sont pratiquement -si on ajoute l'inflation au taux de coupures -égales à un tiers de ce qu'on connaissait dans les années passées. Quand on connaît l'état pitoyable du réseau routier de nos régions rurales, je dis que c'est indécent, que c'est tout à fait inacceptable dans une société soi-disant évoluée de laisser le réseau comme il l'est dans le moment. Il arrive encore dans nos régions, dans vos régions, mesdames et messieurs aussi, j'en suis

persuadé, que des autobus d'écoliers ne peuvent circuler sur des routes secondaires, des camions de livraison de moulée, des camions qui doivent également faire la cueillette du lait, des choses absolument essentielles. Vous avez des récoltes qui se perdent et on essaie de nous faire accroire, par les discours des membres du parti au pouvoir, que c'est une chose bénéfique, que c'est une chose souhaitable. Je dis que c'est une chose qu'on doit dénoncer avec la dernière énerqie.

Je voudrais traiter brièvement, puisque le projet s'y prête bien, du domaine des affaires sociales. L'article 77 de cette loi soi-disant anodine qui ne fait qu'entériner les mesures annoncées lors du discours sur le budget, vient faire des chanqements assez profonds et assez radicaux au chapitre de l'aide sociale. Je voudrais d'abord dénoncer la politique tracassière, la politique de harassement qu'a développée le gouvernement à l'égard d'un secteur très démuni de notre population, nos assistés sociaux. On a appliqué une politique de coupure de 25$ par mois. Vous savez comme moi, M. le Président, que, sous les pressions, cette politique fut remise de mois en mois jusqu'après les élections. Là, on nous dit: On coupe seulement les cas où il y a eu fraude, mais qui décide qu'il y a eu fraude?

J'ai reçu à mon bureau des individus victimes de ces coupures, disons-le, de ces poursuites arbitraires. Il y a un fonctionnaire ou un groupe de travail quelque part qui décide que monsieur ou madame a retiré par fraude des prestations auxquelles il n'aurait pas eu droit. Et voilà qu'on fait payer par l'assisté social, par le plus démuni, souvent des erreurs administratives des aqents de l'État. Je veux m'élever avec la dernière énerqie contre cette pratique qui s'est développée depuis plusieurs mois, principalement au sein du ministère des Affaires sociales. Je demande au ministre des Affaires sociales de tâcher de donner des instructions pour que cette loi, la Loi sur l'aide sociale, s'applique avec le plus d'humanité possible, M. le Président. Qu'on cesse d'imposer des tracasseries souvent outrancières à nos assistés sociaux. Ils ont droit à leur dignité, ils ont droit au respect. La faible, la maigre pitance qu'on leur laisse, quand vous arrivez avec des coupures additionnelles, les met de beaucoup en dessous du seuil de la pauvreté, leur cause des anqoisses, leur cause toutes sortes de troubles, de tracasseries. C'est inacceptable. Les citoyens sont écrasés, M. le Président, par l'appareil gouvernemental.

Un autre secteur de coupures au sein du ministère des Affaires sociales: les compressions ou les mesures de ralentissement, comme diraient les gens du gouvernement, que l'on impose à nos hôpitaux. Je déplore que, dans un domaine aussi crucial, l'on applique des ralentissements, des coupures sans consultation. Il va de soi et j'accepte, M. le Président, qu'il peut être nécessaire, dans un secteur ou un autre, qu'il y ait un ralentissement, qu'il y ait une compression, mais cela devrait se faire après des consultations avec les principaux intéressés. Donc, nos hôpitaux, nos centres d'accueil subiront les conséquences, se ressentiront longtemps des politigues qu'on est en train d'appliquer.

Dans le domaine de l'éducation, notre société a le privilèqe d'avoir deux secteurs d'éducation, deux réseaux: un réseau public et un réseau privé. Je crois que tous reconnaîtront que notre réseau public est un réseau dont nous sommes fiers, et nous voulons tous qu'il demeure prioritaire dans nos intentions de développements futurs. Si l'on reqarde, M. le Président, sous quel gouvernement le réseau d'enseignement public a pris l'envergure considérable qu'on lui connaît maintenant et qui en fait l'orgueil de notre population, c'est sous un régime libéral, le régime du gouvernement Lesage. Cela demeure un fleuron de ce gouvernement. Maintenant, en ce qui concerne le réseau privé, nous sommes d'accord que le réseau privé doive compléter, doive offrir une émulation au secteur public, les parents doivent avoir la liberté d'envoyer leurs enfants au réseau privé, et les étudiants ont ce droit également. Je crois qu'aucune personne, à venir à ce jour, ne discutait de ce droit, de ce choix, M. le Président. Maintenant, sous des apparences bien anodines, je le disais tout à l'heure, on est en train de mettre en péril le secteur privé de l'enseignement.

M. le Président, je vous lirai guelques lignes d'un communiqué que j'ai reçu, que vous avez sans doute reçu également, qui provient de l'Association des institutions d'enseiqnement secondaire, daté du 8 juin 1981. On dit, notamment: "Ne nous méprenons pas sur le sens véritable de cette démarche - de la démarche du gouvernement. Elle met en péril l'existence de l'enseignement privé et elle pénalise les contribuables, les électeurs et amende, à toutes fins utiles, les données fondamentales du contrat social et scolaire du Québec." (21 h 10)

M. le Président, est-ce que l'on ne verrait pas la pointe de l'iceberg, de l'intention du Parti québécois? L'on sait que le Parti québécois n'est pas très favorable au réseau d'enseignement privé. Le programme du parti contenait, il y a quelques années, une mesure claire. Maintenant, on l'a un peu diluée, mais en écoutant le député de Rosemont cet après-midi, M. le Président, on ne doit pas se leurrer. On sait que le gouvernement du Parti québécois n'est pas du tout favorable au réseau d'enseignement

privé et désire même sa disparition. Mais, M. le Président, pourquoi alors ne pas avoir engagé un débat de fond en donnant les avis, les préavis, en écrivant des livres? Le Parti québécois a écrit des livres: des jaunes, des verts, des blancs, des arc-en-ciel, toute la gamme y a passé. Peut-être en a-t-il même écrit des rouges. Je ne suis pas sûr, par exemple, mais il faudrait vérifier. À tout événement, pourquoi ne pas engager un débat de fond au lieu d'y aller par le biais d'une mesure hypocrite au sein d'un petit projet de loi anodin, quelque chose de banal qu'on doit entériner sans de longues discussions?

M. le Président, qu'a à faire l'enseignement privé avec une loi qui relève du ministre des Finances? L'enseignement privé relève du ministre de l'Éducation, or, on vient y faire un changement de fond à l'occasion de l'étude anodine d'un projet de loi qui relève du ministre des Finances. On intègre le secteur privé, M. le Président. On fait un effort supplémentaire, on l'étouffe et on fait cela en fin de session. Quelle est la réaction? L'unanimité des agents du réseau de l'enseignement privé est à l'indignation et à l'inquiétude, M. le Président. Vous avez sûrement reçu comme moi des protestations, des lettres et des télégrammes. Je vous en épargnerai la lecture, parce que je sais que vous en avez sûrement pris connaissance et il en fut fait état cet après-midi par le chef de l'Opposition lui-même.

M. le Président, on doit laisser l'école privée accessible à tous. Il doit y avoir une émulation créée par l'existence des deux réseaux, le réseau public et le réseau privé. Cela constitue une richesse pour notre collectivité québécoise et nous sommes fiers, à juste titre, de cette richesse de notre patrimoine.

Maintenant, M. le Président, pourquoi le gouvernement s'acharne-t-il à démolir le réseau privé, alors qu'il lui coûte moins cher que le réseau public? Pourquoi l'étranqler, s'il nous coûte moins cher? J'ai ici quelques chiffres, M. le Président. Un étudiant du collégial public général coûte à l'État environ 4400 $. Un étudiant du colléqial privé coûte 2680 $, soit 1720 $ de moins s'il fréquente une institution privée. Un étudiant au secondaire public coûte à l'État environ 3600 $. Un étudiant au secondaire privé coûte environ 2100 $ à l'État, soit 1500 $ de moins. Un étudiant du primaire public coûte à l'État environ 2400 $ par année. Un étudiant du primaire privé coûte à l'État environ 1445 $ par année, soit 955 $ de moins. Le secteur privé coûte environ 60% à l'État de ce que lui coûte le secteur public. Va-t-on vouloir nous faire croire, M. le Président, que c'est pour épargner, que c'est pour économiser que l'on s'attaque ainsi subrepticement au secteur privé? Ce n'est pas une question d'économie, M. le Président. Il faudrait également vous faire mention de la double coupure que l'on impose au secteur privé.

En 1980-1981, les collèqes privés ont été financés en prenant comme base de calcul, comme le prévoyait la loi 56, le coût moyen par étudiant du seul budget de fonctionnement des collèges publics pour 1979-1980. En 1981-1982, les subventions proposées par le gouvernement sont encore basées sur le même coût moyen par étudiant des collèges publics pour 1979-1980 avec une légère hausse de 4,58% en enseignement qénéral et une très forte diminution de près de 17% en enseignement professionnel. Le barème est le suivant; quand on calcule le coût de l'aide que le gouvernement apporte au secteur privé, on dit: Le secteur public, l'an passé, coûtait tant, on vous accorde 80% de ce montant. Vu qu'une année est déjà écoulée, l'inflation est venue gruger et on peut équilibrer cela à environ 70%, et ainsi de suite.

La conclusion, en 1981-1982, les collèges privés doivent faire face à une auqmentation de traitement de leur personnel - je crois qu'on ne peut nier cela, c'est une chose normale - d'environ 18% selon les échelles de salaires négociés par le gouvernement et la hausse prévue de l'indice des prix à la consommation. De plus, ils sont obligés de doubler leur contribution à la Réqie de l'assurance-maladie du Québec, article 34 du projet de loi no 11 que nous étudions présentement.

En conséquence, les collèqes privés devront, ou bien assurer l'augmentation du traitement promis à leur personnel en doublant tout au moins les frais de scolarité de leurs étudiants, ou bien maintenir les frais de scolarité déjà fixés pour les étudiants inscrits et réduire presque à néant l'augmentation du traitement promis à leur personnel. Dans les deux cas, la situation serait inacceptable. C'est une décision inéquitable; le sort qu'on réserve actuellement au secteur privé est injuste.

Je voudrais vous faire lecture, puisque j'ai la chance d'avoir dans mon comté une institution privée dont je suis fier et qui s'appelle le Séminaire de Saint-Georges, d'une lettre que j'ai reçue du directeur général du séminaire datée du 8 juin 1981: "M. Hermann Mathieu, député de Beauce-Sud, Assemblée nationale, Québec. Monsieur. Le projet de loi no 11 déposé en Chambre le 27 mai 1981 créera de très grandes difficultés d'ordre financier aux institutions privées et mettra en danger la survie de plusieurs d'entre elles. Ce projet de loi frappe très durement le Séminaire de Saint-Georges-de-Beauce, il crée un nouveau mode de subvention gui défavorise grandement les institutions gui dispensent de l'enseignement professionnel. C'est le cas du Séminaire de Saint-Georges où 45% de sa clientèle, au niveau collégial, suit des cours

du secteur professionnel. Je vous prie donc, M. le député, de vous faire l'interprète auprès du gouvernement de tous ceux qui réclament la tenue d'une commission parlementaire sur le projet de loi no 11. Veuillez agréer mes meilleurs sentiments. Jean-Marie Drouin, directeur général."

M. le Président, il ne faudrait pas que l'on fasse miroiter la solution d'une commission parlementaire comme étant le remède à tous les maux, comme on le fait souvent. Les camionneurs artisans sont en grève à la porte du parlement, on leur promet la tenue d'une commission parlementaire dans deux ou trois mois. Ils ne savent pas trop ce que c'est, ils remontent dans leur camion et s'en retournent chez eux et, souvent, on n'en entend plus parler. Dans différents domaines, c'est déjà arrivé. Jeudi soir prochain, on tiendra une mini-commission parlementaire pendant à peu près une heure et demie pour recevoir tous les groupes intéressés de la province et pour tâcher de faire une étude valable. Mais ce n'est pas sérieux. C'est détourner l'attention, c'est agir sous de fausses représentations. (21 h 20)

Quelles sont les conséquences pour le Séminaire de Saint-Georges des coupures que l'on s'apprête à appliquer? Le Séminaire de Saint-Georges reçoit 485 étudiants au secondaire, 632 au collégial. Le manque à gagner à cause des restrictions budgétaires serait de l'ordre de 400 000 $. Alors, on vient modifier les règles du jeu en cours de route. Lorsque le Séminaire de Saint-Georges a fait ses prévisions budgétaires, il croyait que le gouvernement allait respecter non seulement sa parole, mais la loi 56. Et, en cours de route, le gouvernement fait fi de sa parole et de la loi 56. Quelle sera la conséquence pour les élèves? Il faudra augmenter de 400 $ les frais de scolarité. Dans le moment, le Séminaire de Saint-Georges-de-Beauce est accessible à tous les étudiants de condition modeste ou issus de parents de condition modeste. Augmenter de 400 $ cette année, l'année prochaine de combien et, cela va devenir la caste des privilégiés. Vu que la population n'est pas tellement considérable comme dans les grands centres, le séminaire sera obligé de fermer ou il devra diminuer les services ou abaisser le nombre de professeurs. M. le Président, où vont aller les étudiants du collégial pour le secteur professionnel?

Est-ce que vous me permettrez de conclure, M. le Président, en une minute, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Une minute, s'il vous plaît.

M. Mathieu: Je voudrais dire que cette institution est un joyau pour la Beauce, une fierté pour la population; elle a été établie et maintenue par la générosité du clergé. Je demande au gouvernement en conclusion d'assurer l'excellence du secteur public et son développement. Je lui demande de ne pas pénaliser, mais bien de favoriser de la même façon le secteur privé et, en troisième lieu, de se prononcer franchement sur l'avenir de l'enseignement privé dans un débat en bonne et due forme convoqué à cette fin.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Rousseau.

M. René Blouin

M. Blouin: Merci, M. le Président. D'abord, regardons un peu comment s'y est pris le gouvernement pour poser les gestes et prendre des décisions dont nous discutons aujourd'hui. Le gouvernement a fait finalement un peu comme les éducateurs -c'est ce que je faisais avant - font lorsqu'ils sont aux prises avec un problème et qu'ils veulent trouver la solution la plus juste et la plus efficace pour régler le problème d'un enfant. Ils se réunissent, ils font ce qu'on appelait une étude de cas et ils identifient, selon leurs connaissances et selon leur juqement, quels sont les moyens les plus efficaces qui leur permettront d'apporter les corrections les plus justes et plus efficaces aussi envers l'enfant dont ils ont à s'occuper.

Le gouvernement a suivi un peu la même procédure. Il a étudié les moyens qu'il devait utiliser pour faire en sorte que la situation financière du Québec soit la meilleure possible compte tenu des contigences dont il devait tenir compte. Il a d'abord décidé de réutiliser un moyen qu'il utilisait déjà depuis trois ans. Il a donc décidé de continuer à diminuer le fardeau fiscal, c'est-à-dire les impôts des citoyens à moyens et à faibles revenus. Cela a été la première décision que le gouvernement a prise et le premier moyen qu'il a décidé d'utiliser. Ce n'était pas pour rien. Si le gouvernement a décidé de continuer à diminuer le fardeau fiscal des citoyens à faibles et à moyens revenus, c'était essentiellement pour la raison suivante: c'était pour leur permettre d'avoir un pouvoir d'achat accru, ce qui leur permettait, par voie de conséquence, d'injecter davantage d'argent dans l'économie et de permettre, en cette période difficile que nous connaissons, à l'économie de continuer à tourner. Cela a été le premier moyen qu'a utilisé le gouvernement.

D'autre part, malgré la situation difficile que nous avions à vivre et les augmentations de dépenses dans certains secteurs qui sont incompressibles, le gouvernement a dû essayer de racler tout ce qu'il trouvait dans les coins de tiroirs et de faire le budqet le plus équilibré possible. Cela a donné, malgré tout, un déficit de

près de 3 000 000 000 $. Tout en décidant d'abaisser les impôts donc de réinjecter de l'argent dans l'économie; qu'a dû faire le gouvernement pour maintenir le déficit à ce niveau? Il a dû prendre une autre décision qui était logique, M. le Président, c'est celle de compresser ses dépenses également et c'est ce dont on parle beaucoup aujourd'hui.

Je trouve dans les propos du parti de l'Opposition un certain nombre d'incohérences, voire même de contradictions. Pendant la campaqne électorale, et même avant, lorsque le budget a été présenté, les députés de l'Opposition se sont plaints amèrement du déficit de 3 000 000 000 $ qu'il y avait à l'intérieur du budget, et ils s'en plaignaient, même s'ils savaient que ce déficit représentait la moitié du déficit du gouvernement fédéral, qu'ils ne cessent de louanger, M. le Président. Ils se plaignaient de ce déficit de 3 000 000 000 $, alors qu'auraient-ils fait pour l'éviter?

Ils ont déjà suggéré d'augmenter les impôts. Cela n'a pas été notre choix. Notre choix n'était pas d'appauvrir les plus démunis de la société, mais de diminuer encore leur fardeau fiscal et de leur donner un plus grand pouvoir d'achat. Ce n'était pas notre choix. Certains députés de l'Opposition, à l'époque, l'ont pourtant suggéré. Ils n'auraient certainement pas non plus, je présume, augmenté le déficit. À supposer, par exemple, que l'Opposition ait décidé de ne pas abaisser les impôts et de diminuer le déficit, il aurait donc fallu qu'ils s'astreignent à une politique de restrictions budgétaires eux aussi. Ou bien il fallait augmenter le déficit ou bien il fallait augmenter les impôts ou ne pas les diminuer. Alors qu'auraient-ils fait? Quelle aurait été leur solution, M. le Président? Les avenues ne sont pas très larges et, lorsqu'ils critiquent aujourd'hui les restrictions budgétaires du gouvernement, je voudrais leur demander de nous indiquer ce qu'ils auraient fait, eux, pour maintenir la situation financière du Québec dans des balises raisonnables et quels moyens ils auraient utilisés pour pouvoir contrôler la situation financière du Québec de façon décente.

Quant à nous, M. le Président, je le répète, nous avons choisi d'abaisser les impôts et de compresser les dépenses publiques. Et ces compressions dont on a fait grand état aujourd'hui ne touchent pas que l'enseignement privé, elles touchent tous les ministères du gouvernement et, notamment -puisgue je participais à la commission du ministère des transports, vendredi dernier -les compressions s'attaquent au ministère des Transports. Ce n'est pas toujours facile, parce qu'il y a des projets, dans nos propres comtés et dans nos propres régions, dont nous comptions la réalisation dès cette année et qui devront être reportés d'un an. Mais nous avons accepté ces contraintes parce que nous avons décidé qu'il était préférable de diminuer le fardeau fiscal des citoyens et de faire certains sacrifices sur les projets que nous avions prévus au cours de cette année. C'est vrai au ministère des Transports.

Si je suis la logique de l'Opposition, qui parle de l'enseignement privé comme si l'enseignement privé allait disparaître demain matin, je m'y retrouve assez difficilement. Tellement qu'en écoutant le député de Beauce-Sud, tout à l'heure, celui de Marguerite-Bourgeoys, cet après-midi, ainsi que celui de Jean-Talon, qui a été vibrant cet après-midi et qui, à un moment donné, m'a un peu bousculé et m'a presque fait trébucher, lorsqu'il a parlé de la disparition éventuelle et même à court terme de l'enseignement privé, on avait l'impression que, demain matin, les enfants n'entreraient plus dans les écoles privées. Il a brandi le spectre de la disparition imminente du secteur de l'enseignement privé. Cela m'a inquiété, M. le Président, alors je me suis levé, je vous ai salué respectueusement et je suis allé rencontrer le ministre de l'Éducation, pour qu'il me rassure d'abord, s'il pouvait le faire, et qu'il m'explique quelles étaient les conséquences pratiques des compressions budgétaires ou des coupures budgétaires auxquelles sont astreintes aussi les institutions privées. (21 h 30)

On peut prendre, comme certains députés l'ont fait, des cas isolés. Mais prenons un exemple global, c'est-à-dire un exemple qui fait la moyenne des incidences réelles sur l'enseignement privé des restrictions auxquelles seront soumises les institutions privées.

En général, M. le Président, les parents doivent débourser, chaque année, pour envoyer un de leurs enfants dans une institution privée, environ - plus ou moins, cela dépend des cas - 300 $. Or, pour maintenir la qualité actuelle du réseau privé d'enseignement, quelle devrait être la participation supplémentaire des parents? Ceux qui, par exemple, envoient un enfant dans une institution privée et qui déboursent 300 $, au moment où on se parle, combien devraient-ils débourser de plus l'an prochain pour que l'institution puisse être assurée d'avoir les mêmes services? Réponse: environ 75 $. C'est-à-dire plus ou moins 7,50 $ par mois sur les dix mois de classe que compte l'année scolaire. Partir avec cette donnée fondamentale qui est une donnée réelle et conclure que les institutions privées sont sur le bord du précipice, du marasme, pour employer une expression chère au député de Beauce-Sud, qu'elles sont sur le point de fermer et de mettre le cadenas sur la porte, c'est berner la population et c'est inquiéter délibérément les parents qui ont des enfants dans ces institutions privées. Ce n'est pas cela qui arrivera. Le jeu auquel se livre

l'Opposition aujourd'hui, qui est un jeu démagogique qui a pour but d'inquiéter ces parents, m'inspire le commentaire suivant.

Le chef de l'Opposition, M. le Président, avant le début des travaux parlementaires de cette session, a dit un peu candidement devant les journalistes et les caméras de télévision que, dans certaines circonstances, il était préférable, pour l'Opposition, d'exagérer dans ses propos que de ne pas tenir de débat du tout. Je crois qu'aujourd'hui ses membres ont nettement exagéré dans leurs propos et qu'ils suivent la consigne de leur chef.

Lorsqu'on regarde les conséquences réelles des mesures sur les institutions privées d'enseignement et qu'on suit la logique de l'Opposition, c'est un peu - pour reprendre l'exemple des transports que j'utilisais tout à l'heure - comme si on se disait que parce qu'il faut, dans un comté, sacrifier un projet routier et le reporter à l'an prochain on partait sur cette logique de catastrophe et qu'on disait: Étant donné qu'il faut commencer à restreindre les projets sur le plan des transports, dans quelques années, mesdames et messieurs, surveillez-vous, il n'y aura même plus de construction de routes au Québec et, dans quelques années, on fermera les routes et on abolira les automobiles. C'est un peu cette logique descendante que suivent aujourd'hui les députés de l'Opposition, qui dépasse nettement la réalité et qui induit la population en erreur.

Je rappelle, M. le Président, que l'intention du gouvernement a été de réduire - c'est ce qui a été fait effectivement - les impôts des citoyens à faible et à moyen revenu pour la quatrième année consécutive et également d'éviter que le déficit ne gonfle trop en compressant les dépenses publiques. Je crois qu'il faudrait, plutôt que de faire appel à des comportements qui gonflent la réalité, dégonfler les ballons, revenir à la réalité et faire appel au sens des responsabilités des administrateurs publics et de la population du Québec pour que les finances publiques demeurent saines. Plutôt que de les charrier d'un ballon à l'autre il faudrait parler des choses telles qu'elles existent afin que le débat que nous tenons aujourd'hui soit un débat qui devienne davantage éclairé et conforme au fait et à la réalité financière du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: M. le Président, je vais parler des écoles privées et du projet de loi no 11.

I am going to speak very briefly on the principle of the way in which the government is acting in reqard to the private schools. I want to tell you and I want the public to know that I deplore the underhanded and what I consider the totally irresponsible manner in which the government is acting in relation to private schools. I deplore the way in which decisions are beeinn taken, decisions which have a clear policy impact. Major policy decisions on the part of the government are beeing taken in a back door fashion through what are, in effect, that changes in the budgetary rules which appear in the bill 11.

We have been waiting a long time for a clear and direct clarification of policy on the private schools in this province. In 1977, a petition of 546 000 plus signatures of parents was submitted to the Prime Minister of Québec demanding the respect of the government for the liberty of choice of parents to send their children to the school of their choice.

Depuis 1977, le gouvernement du Québec retarde d'année en année l'annonce de sa politique à l'égard de l'enseiqnement privé. On attend encore. Quelques mois après la pétition des parents, le gouvernement du Québec annonçait son intention de revoir la Loi sur l'enseiqnement privé et les règlements s'y rapportant. Nous sommes maintenant en 1980, le gouvernement du Québec n'a toujours pas fait connaître sa nouvelle politique à l'égard de l'enseignement privé. Cependant, une analyse des propos tenus, des positions prises par le ministre de l'Éducation, M. Jacques-Yvan Morin, à cette époque, dans ce débat nous permet de dégager les orientations suivantes.

En 1979, Jacgues-Yvan Morin a dit: en commission parlementaire, le 11 mai, "Je pense qu'on peut dire clairement que la décision du gouvernement est de maintenir l'enseignement privé." Je crois que c'est clair. Trois semaines après, Jacques-Yvan Morin a dit à l'Assemblée nationale: "II y a une très grande variété d'institutions. Il y en a, par exemple, qui sont des écoles spéciales destinées à des clientèles spéciales. Il y en a qui sont des établissements qui font quasiment partie de notre patrimoine du Québec. Nous devons évidemment faire des distinctions entre tous les établissements dans l'énonciation d'une politique".

Un peu plus tard, encore le ministre de l'Éducation à cette époque, M. Morin, disait: "Les écoles privées seront subventionnées dans la mesure seulement où elles seront complémentaires du secteur public." Qu'est-ce que ça veut dire, complémentaire? On n'a jamais défini ce mot dans ce contexte. (21 h 40)

We have been waiting, Mr. Chairman, for a policy on private schools for a long time. Now, the government, instead of having the courage to face the issue, is introducing what is in fact a policy by the

back door of virtual destruction of the private schools, except, perhaps, for a handful of people who will be able to afford them in the future in our society. Instead of having the courage to face the guestion honestly and openly and tell the public whether or not the government believes in the public support of private schools, instead of having the courage to face the question as to whether the government believes or not that parents should have a choice of education between public and private, maybe the government does not really want to tell us what it believes and, in fact, what it is introducing is a choice for some and no choice for others. This was a principle that was endorsed by the government at the time of Bill 101.

Instead of facing the issue and telling the public what ists real philosophy is - indeed, perhaps it is obvious by its actions without telling us what its philosophy is -the government is introducing precipitously and without sufficient consultation what is, in effet, a major policy change. This afternoon, the Minister characterized the amendments as simply "un réaménagement de nos priorités", a realignment of our priorities. What I would like to know is what are the government's priorities. The Minister of Education did not tell us. What does the government believe regarding the right of parents to have a choice between public and private education? What obligation does the government believe it has or has not to facilitate the choice of schooling between private and public on the part of parents?

Another question which we have not had answered yet: As taxpayers, what rights do parents have to their share of public monies for education so that they can finance their choice? What alternatives has the government examined? Has the government ever examined the vaucher system for instance which is, in effect, in many other places in recognition that every child has the right to be financed with public monies to some sort of education publically financer? Is that something that the government has examined or perhaps should examine? I think we need an answer on that question. Has the government made up its mind on these things? Perhaps, and the government is just not telling us.

It looks as though the government is avoiding the whole issue by introducing Bill 11 in the hope that the private schools will gradually die off and perhaps the whole issue will go away. Is this change really motivated by the need to save money, as claimed by the government? If it is, why has the private sector been hit more than the public sector? I suggest that the whole thing has nothing to do with money, as claimed by the government, because after all, every time a child moves from the private sector to the public sector, which is going to be the natural result of Bill 11, then the government is actually going to spend more money. I do not think their argument about money holds any water and the public will see through that very quickly. I think that the introduction of the new rules of the game in relation to private schools in bill 11 is just another example of the kind of hypocrisy and irresponsibility of the government in this whole affair. This afternoon, the deputy for Rosemont underlined the fact that in the other provinces of Canada, private schools are not financed at all and that public monies go to public education and that is an accepted principle. Therefore, we should adopt the same rules of the game, because after all, in the other provinces, the private schools are schools for the rich and that is not something...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Rosemont.

Mme Dougherty: ...that we can accept.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Rosemont, s'il vous plaît.

M. Paquette: Question de privilège, M. le Président. Je pense que la députée de Jacques-Cartier - c'est bien cela? - me cite incorrectement. Je n'ai pas dit qu'il fallait imiter les sept autres provinces canadiennes et ne pas financer du tout l'enseignement privé. J'ai dit que sept des autres provinces canadiennes ne finançaient pas du tout l'enseignement privé et que, dans ce contexte, il n'était pas scandaleux que le Québec réduise ses subventions à l'enseignement privé de 80% à 76%.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Jacques-Cartier, s'il vous plaît.

Mme Dougherty: Thank you.

I think that in Québec, through the public financing of a large proportion of private education, we have in fact managed to do something quite special here. We have in fact managed to create a choice in which a broad sector of the public can take part and instead of making private schools exclusive domains of those who are more privileged economically, we have managed to create a healthy and competitive choice for a broad sector of parents and I think that is something that we should be proud of and it is not something at this point that we should be about to destroy for false egalitarian arguments.

If the government is worried - and if this is part of their motivation in moving to destroy the private sector gradually - about

more and more people choosing private schools which is in fact the case, then I think we should look honestly at the reasons for that and not use the private sector as a scapegoat for the problems in the public sector. You know, there are many problems in the public sector that are driving people to private schools. Parents are looking for a climate of discipline, a climate of tranquillity which is not continually broken by hassles with the government and hassles around negotiations, strikes and disputes with staff. Parents are looking for a climate where there is a solid and continual supervision. Parents are looking for a follow-up and homework. Parents are looking for personal care and caring for their children and they find this kind of a climate in many private schools. The fact that private schools seem to be able to offer this kind of climate and this kind of service, makes this the worst time perhaps to think about eliminating or putting pressure on the private schools. Let us, instead, turn our attention to the public system and see how we can reproduce some of those fine things that appear in the private sector that parents, legitimately, want very much for their children. (21 h 50)

My major concern in relation to Bill 11 is its effect on a number of special education schools. In the private sector, there are eleven special education schools that provide a very unique service to about 1500 children. I think that, again, I was alerted particularly to what may be a problem by the remarks of the député de Rosemont this afternoon, when he sugqested that, after all, the public policy of the government is integration of special education children.

This is a beautiful theory. I personally was part of the COPEX committee which prepared the COPEX report on special education, which advised the government on their integration policy. Integration is a theory, it is a goal that I deeply believe in, but integration for all children is not realistic, and I would invite the député de Rosemont and anybody else to visit some of these schools, that are involved in Rill 11, as private schools. Just see what kinds of children are there, and what chances do you think those children would have if they were integrated into regular schools or regular classes? I would invite anybody to visit the oral school for the deaf and see what is going on there. I would invite anybody to visit a Miriam home and see the disturbed children there and the kind of specialized care that they are getting.

Let us ask ourselves if there is a classroom in the public sector that can duplicate those special services. I think not. These are the schools that are going to get hit. The children in these schools, there may not be many, but education is a personal affair, and we cannot just deal in numbers. These children are referred by school boards who do not have the facilities and the personnel for look after these children. They are referred by social workers by people who are working with juvenile protection. They are referred by the hospitals. These are serious and grave cases that need special care to eliminate the possibility of these children being educated in the specialized institutions is unthinkable because these parents have no choice. They have only one choice, and it is these schools. Are we going to take that choice away from them? I hope not.

You know, for a government that has prided itself on being a good government and a humane government, I think that this single, I would call it, sneaky act of introducing budgetary changes which, in a fact, are a major policy philosophical change in relation to education in this province, for a government that has prided itself on caring so much about parents and what parents think... We heard enough in Bill 71, about parent participation and hour schools, must respond to parent needs, it is very important!

Yet, we have thousands of parents out there and many thousands of children who are going to be betrayed by this bill, because parents have made a choice that they believe is the best for the future of their children. And now the government is going to say: You cannot have that choice, it is not valid, only if you can find another thousand dollars for reach of these children, or whatever can you have that choice. There is a price on that choice now. I think that the government is showing its disregard and its total lack of respect for parents by the way it is introducing this bill. I would hope that the government recognizes...

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Consentement?

Mme Dougherty: I am going to finish, one more second. I would hope that the government recognizes the importance of this issue and that it is not good enough just to give a token hearing in an hour and a half this week for a few groups of parents who happened to have heard about this change in the bill. I think it is time that the government concern itself with the future of thousands of parents and of thousands of children and that the government face the music on this issue. Thank you.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Fabien Bélanger

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Il semblerait qu'on manque de combattants. Est-ce que le parti ministériel serait déjà épuisé? De toute façon, on va en profiter.

Une voix: Fabien, ne commence pas.

M. Bélanger: C'est avec beaucoup d'intérêt que j'exerce mon droit de parole en deuxième lecture sur le projet de loi no 11 qui en quelque sorte est très technique, mais qui comporte quand même certains passaqes beaucoup plus faciles que d'autres à interpréter. Je pense, entre autres," à la Loi sur l'aide sociale en vue de permettre certaines compressions résultant de la politique budgétaire du gouvernement." Toujours dans les notes explicatives, nous retrouvons "l'augmentation de la taxe sur le capital des corporations." On est tellement convaincu que les entreprises au Québec ne feront plus d'argent qu'on ne veut plus les taxer sur leurs profits; on veut les taxer sur leur capital-actions. C'est donc dire qu'une compaqnie peut fonctionner au Québec à perte et en même temps remplir les coffres du ministre des Finances. "Imposition de certaines sociétés d'État québécoises à la taxe sur le capital." Les sociétés d'État, on le sait il y en a deux ou trois qui sont rentables; les autres sont continuellement en déficit. Vous avez Hydro-Québec qui est la seule société d'État vraiment rentable à tous les ans. Donc, on veut augmenter les profits d'Hydro-Québec en lui permettant de hausser ses tarifs tout simplement, encore une fois, pour remplir les coffres du ministre des Finances qui semble très gourmand. "La Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec est modifiée concernant l'augmentation du taux de la contribution de l'employeur à la création d'un fonds des services de santé." Enfin, "la Loi sur l'aide sociale est modifiée afin de préciser le pouvoir réglementaire du gouvernement en cette matière, et de favoriser le remboursement des prestations d'aide sociale versées à titre d'avances ou perçues sans droit."

Si nous voulons résumer le projet de loi, je crois qu'on devrait l'appeler le projet de loi autorisant les coupures budgétaires à la suite du budget présenté par M. Parizeau le 10 mars dernier. Parfois, il m'arrive de penser que nous sommes privilégiés, nous, membres de cette Assemblée nationale, d'entendre ces ténors du Parti québécois nous énoncer qu'au Québec tout va bien, une explosion économique. J'ai même entendu le député de Lac-Saint-Jean nous dire qu'un directeur d'école était heureux de faire couper son budget; il pourrait, dit-il, apporter une meilleure administration. Je n'ai pas à vous dire qu'il était sûrement endoctriné et je laisse le soin à la population du Québec de savoir pour quel parti.

Nous pouvons, non seulement nous pouvons, mais nous devons nous demander pourquoi ce gouvernement en arrive à imposer à tous les Québécois des coupures aussi draconiennes. Je vais tenter d'apporter quelques éclaircissements ou si, vous préférez, quelques constatations à ce qui fait que le gouvernement est dans une situation aussi précaire. (22 heures)

Nous savons que toute l'administration d'un budget, que ce soit personnel, que ce soit un budget d'une petite corporation, que ce soit un budget d'une municipalité ou même d'une province, demande beaucoup d'attention et de surveillance. Et un budget de l'importance de celui de la province de Québec, cela demande également une certaine compétence, chose dont semble totalement dépourvu le gouvernement actuel. Pour administrer le budget d'une province comme le Québec, il faut d'abord de vrais administrateurs pour stimuler les entrées de fonds et surveiller, par la suite, les dépenses perçues à même les taxes et les impôts des contribuables québécois.

Alors, que fait le gouvernement à cet égard? D'abord, il ne favorise certainement pas l'entrée de fonds car il sème constamment l'incertitude au Québec par son idée d'indépendance ou, si vous préférez, de souveraineté-association, sauf, naturellement, durant les campagnes électorales. Nous nous souvenons de la compagne électorale du 13 avril dernier où cette option souverainiste était censément en veilleuse. Pourtant, nous retrouvons, en date du 5 juin dernier, dans la Presse de Montréal, en gros titre : Le Parti québécois tentera de relancer la lutte pour l'indépendance. Donc, encore une fois, il crée certaines incertitudes au Québec, empêche certaines réalisations de se concrétiser, empêche également la venue de capitaux étrangers, donc prive par le fait même le gouvernement d'une recette fiscale très importante. Plus que cela, M. le Président, dès que nous, de l'Opposition, nous tentons de mettre le gouvernement en garde contre de telles déclarations, on nous accuse, nous, de semer la panique au Québec, on nous empêche même de voir le vrai problème en face.

Si nous reprenons maintenant le contrôle des finances de l'État, nous nous apercevons que, si le gouvernement avait eu un suivi dans ses dépenses au cours de ces cinq dernières années, nous ne nous retrouverions pas aujourd'hui avec de telles mesures de compression budgétaire, qui font que le gouvernement se voit dans l'obligation de doubler la prime d'assurance-maladie du Québec, bien sûr la part de l'employeur seulement. Là encore, on avait un électorat à respecter. J'aimerais vous apporter un

exemple de cette augmentation de la prime d'assurance-maladie au Québec. Prenons l'exemple d'une entreprise ou d'une usine qui emploie 425 employés avec des salaires moyens de 18 000 $ par année. Ce n'est quand même pas énorme. La prime qui était de 1,5% auparavant nécessitait un déboursé annuel, de la part de l'employeur, d'environ 115 000 $. Avec ces coupures ou cette auqmentation - dans ce cas, il s'agit plutôt d'une augmentation que d'une coupure; j'aurais préféré une coupure remarquez bien, messieurs - le montant passe donc à 230 000 $. C'est donc dire que cette manufacture ou cette usine doit faire porter cette augmentation sur chaque Québécois tout simplement en augmentant les produits finis. Donc, encore une fois, indirectement, un impôt camouflé pour nos travailleurs du Québec.

Que penser, M. le Président, de la Loi sur l'aide sociale qui favorise le remboursement des prestations d'aide sociale versées à titre d'avance où le gouvernement prenait déjà des mesures harcelantes et très rigoureuses dans la perception de ses comptes envers les moins bien nantis du Québec. Cette loi, M. le Président, veut tout simplement donner davantage de pouvoirs réglementaires au gouvernement en cette matière. Il est évident que nous, de l'Opposition, nous nous devons de voter contre ce projet de loi et d'informer les Québécois, tel que je l'ai mentionné auparavant, que si un suivi avait été fait durant les cinq années du gouvernement PQ, nous ne serions certainement pas devant des coupures aussi scandaleuses. M. le Président, on nous dira: Est-ce qu'on devra augmenter le déficit? À ceci je réponds immédiatement: Non, messieurs. Nous devons, par contre, faire une saine administration des fonds publics. Nous avons vu avec le rapport du Vérificateur général du Québec, de quelle façon on dépensait les fonds publics.

Une voix: Du gaspillage!

M. Bélanger: On nous a démontré très clairement qu'on se souciait très peu de l'argent des contribuables. À titre d'exemple, prenons le cas de la Société d'habitation du Québec où nous avons engagé un très bon ami du premier ministre, M. Lévesque...

M. Marx: Du patronage!

M. Bélanger: ...sur sa recommandation personnelle d'ailleurs, M. Luc Cyr, pour la coordination des réparations de propriétés de la Société d'habitation du Québec.

M. Marx: Du patronage transparent!

M. Bélanger: Jusque là, rien d'irréprochable. C'est un ami du ministre, on l'accepte. Mais nous avons payé à ce M. Cyr, durant son mandat de coordonnateur, pour moins de deux ans de travail, des honoraires de 158 300 $.

M. Marx: Ah bon!

Une voix: C'est payant!

M. Marx: Caisse électorale du PQ!

M. Bélanger: M. le Président, mon expérience dans le domaine de l'habitation m'amène à vous affirmer que beaucoup de travailleurs compétents de la construction qui ont mené à bien divers projets auraient pu faire le même travail avec un salaire annuel variant entre 30 000 $ et 40 000 $. Nous aurions donc pu économiser là tout près de 100 000 $. Comme vous pouvez le constater, le patronage, ça coûte cher.

Une voix: Ils vont faire payer cela par Régis Trudeau!

M. Bélanger: Nous aurions pu croire, M. le Président, que, face à une situation aussi difficile, le gouvernement en place aurait changé son orientation, mais non. Pour la fête des Québécois, le 24 juin prochain, nous allons encore une fois investir plus de 3 000 000 $. Actuellement, ?5 personnes travaillent en permanence à l'organisation de cette fête nationale. Il ne faudrait pas croire que je suis contre cette fête populaire, mais, dans une période difficile comme celle que connaît actuellement le Québec, lorsque le gouvernement coupe dans des classes d'accueil, dans les prématernelles, dans l'enseignement aux adultes, dans les services sociaux, dans l'aide sociale, il doit tout au moins s'attendre qu'on lui demande des comptes sur ce genre de dépenses. Nous sommes là pour quelque chose, messieurs.

Comme je l'ai mentionné au tout début, M. le Président, l'administration du budqet d'une province diffère peu de l'administration d'un budqet personnel. Nous verrions mal un jeune couple célébrer son 10e anniversaire de mariage en s'endettant pour les cinq années à venir. Je crois que cette comparaison peut s'appliquer au gouvernement.

Nous de l'Opposition sommes prêts à collaborer avec le gouvernement en vue de restreindre les dépenses gouvernementales, mais pas avec de telles mesures envers les plus démunis de la société, les vieillards, les étudiants, les personnes handicapées, les assistés sociaux, l'enfance inadaptée.

M. Marx: Bon gouvernement!

M. Bélanger: Nous sommes prêts, messieurs, à couper dans le gras, mais nous ne sommes pas prêts à arracher des membres.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, à l'occasion de ce premier discours que j'ai l'honneur de prononcer à l'Assemblée nationale, à titre de député de la circonscription de Laporte, sans doute me permettrez-vous, dans un premier temps, de remercier les électeurs de mon comté qui m'ont confié le mandat de les représenter en cette Chambre. Je voudrais aussi exprimer ma profonde gratitude envers les centaines de bénévoles qui ont travaillé sans compter pendant les semaines qui ont précédé le scrutin du 13 avril dernier. Soyez assuré, M. le Président, que les citoyens du comté de Laporte s'attendent que leur député soulève toute question qui se rapporte de près ou de loin à leurs préoccupations et c'est bien ce que je compte faire. (22 h 10)

Mr. Speaker, I would like to take this opportunity to express my most sincere thanks to the population of the county of Laporte for their show of confidence on April 13th last. I wish to assure them as well as the hundreds of volunteers who worked so hard during the campaign that I am most grateful and that I will devote all my energies through the discharging of my responsibilities.

J'aimerais également, M. le Président, telle que le veut la tradition, vous féliciter de votre élection et vous assurer de mon entière collaboration comme, d'ailleurs, de celle de mes collègues au cours des mois et des années à venir.

Le projet de loi no 11, que nous avons devant nous pour étude en deuxième lecture aujourd'hui, traite, entre autres choses, de coupures dans le secteur des écoles privées. J'aimerais m'adresser pendant quelques instants aux parents qui ont des élèves dans les écoles privées et dans les écoles publiques afin de leur présenter certaines considérations personnelles sur le sujet. Je pense que l'école privée est une excellente façon de maintenir dans le système scolaire une saine concurrence. Il y aurait lieu de conserver l'école privée afin de permettre de maintenir la compétition entre les deux systèmes. Si on permettait à l'État d'abolir complètement les subventions au système privé, ce serait à court terme la mort du système privé et on mettrait en place un monopole, le monopole de l'école publique qui ferait en sorte que les parents n'auraient pas le choix, dans les années à venir, et devraient nécessairement envoyer leurs enfants à l'école publique.

Or, je pense que personne d'entre nous n'aimerait se retrouver devant un seul fournisseur quel qu'il soit et dans quelque domaine que ce soit. L'expérience, je pense, prouve que quand on est devant un seul fournisseur de services ou de biens, rapidement, on perd la qualité dans les services rendus ou les biens fournis. En définitive, c'est le consommateur qui paie. Je pense que la même chose se reflète ou se retrouve dans le système d'éducation. La meilleure façon de garantir l'excellence est de maintenir les deux systèmes, le système privé et le système public, de façon à obliger les professeurs et les élèves - surtout les professeurs - à se surpasser afin de maintenir l'excellence. Si on continue à diminuer les subventions aux écoles privées, comme on tente de le faire présentement, on causera inévitablement la mort du système privé puisque les parents ne pourront plus continuer à payer les frais de plus en plus élevés que nécessiteront les écoles privées. Je sais que mes prédécesseurs en ont parlé amplement, mais je pense qu'il faut se souvenir qu'à chaque fois qu'un élève passe du système public au système privé il n'y a pas de perte pour qui que ce soit, et surtout pas pour l'État.

En effet, le gouvernement paie 100% des frais de scolarité des élèves qui sont au système public alors qu'il ne paie qu'une proportion de 80% des frais de ceux qui sont au sytème privé. Encore là, les calculs sont faits sur la base des chiffres de l'année précédente, ce qui fait qu'en réalité un élève au système privé ne coûte que 70% du coût d'un élève au système public. Si on prend un exemple, celui d'un groupe de 3000 qui coûterait 10 000 $ par élève - je prends un chiffre tout à fait arbitraire - cela ferait 30 000 000 $ au système public. Si ces élèves étaient au système privé, étant donné qu'on ne paie que 70% - 80% de l'année précédente - le coût ne serait que 21 000 000 $ pour le même nombre d'élèves, donc une économie, dans ce cas, de 9 000 000 $ pour le même nombre d'élèves qui seraient à l'école privée.

Donc, on peut affirmer qu'en aucun cas il n'y a des coûts additionnels de créés lorsqu'on maintient le système privé. Je pense qu'au contraire il y a des avantages certains à maintenir la concurrence entre les deux systèmes de façon que les professeurs et tous ceux qui sont dans le milieu soient obliqés de se surpasser. Je pense qu'en définitive ce sont les élèves qui bénéficient de cette situation.

En résumé, on peut dire que ce qu'on doit rechercher dans ce milieu, c'est l'excellence par la concurrence de la même façon qu'on doit la rechercher également dans les autres sphères d'activité. Maintenant, pourquoi le gouvernement cherche-t-il à couper les subventions au système privé? On peut évoquer plusieurs possibilités, plusieurs raisons, mais je pense que la principale raison c'est que,

effectivement, le gouvernement doit nécessairement trouver des fonds quelque part parce que, pour employer l'expression courante, il est rendu au fond du baril. Le gouvernement n'a plus d'argent et doit en trouver quelque part.

À titre d'exemple, M. le Président, je voudrais vous dire que j'ai eu une expérience récente. En tant que nouveau député dans cette Chambre, j'ai eu l'occasion, la semaine dernière, de faire l'étude des crédits du ministère des Transports. Alors, j'ai procédé à une étude aussi sérieuse que possible du budget du ministère des Transports de façon à pouvoir me présenter en commission parlementaire et faire un travail honnête. Ma première constatation a été que le budget qu'on nous présentait - c'est un budget important, puisqu'il s'agit d'un budqet de 1 343 000 000 $, soit le troisième plus important budget des ministères du gouvernement - ce budget était une véritable farce et est encore aujourd'hui une véritable farce. On a augmenté la masse monétaire du ministère des Transports de 4%, alors qu'on sait que le coût de la vie augmente d'au moins 10%. Je ne blâme pas le gouvernement d'avoir voulu, évidemment, restreindre l'augmentation des dépenses. C'est une préoccupation dont on doit le féliciter. Mais, étant donné que les salaires, quant à eux, sont incompressibles et qu'il a fallu augmenter les salaires du ministère des Transports d'au moins 10%, il en est résulté que tous les autres postes du budget du ministère des Transports sont demeurés exactement, ou à peu près, au même montant qu'ils étaient l'année précédente.

Le budget du ministère des Transports, M. le Président, est une photocopie du budget de l'année précédente. On a repris, à presque tous les postes, les montants qui étaient au budget de l'année précédente et on les a recopiés dans le budget de l'année courante. Jamais un particulier ou une corporation dans le secteur privé n'aurait pu procéder de cette façon et s'en sortir sans critiques. Je vois mal des administrateurs dans le secteur privé se présenter devant le conseil d'administration et lui dire: Nous avons voulu couper les dépenses - c'est un objectif, comme je le disais tout à l'heure, tout à fait louable - nous avons fait une photocopie du budget de l'an dernier, et le budget est le même que celui de l'an dernier, donc nous n'avons pas augmenté le montant du budget. On aurait répondu: Écoutez, ça n'a pas de bon sens, le coût de la vie augmente, il faut quand même que vous justifiiez cette reproduction de chiffres qui sont les mêmes que l'an dernier. Il y a des postes qui sont incompressibles, tout le monde le sait. On ne fera pas croire à qui que ce soit, enfin à personne d'intelligent, que le coût de la vie n'augmente pas, que le coût des fournitures n'augmente pas, que le coût des loyers n'augmente pas.

Or, c'est ce qu'on fait, on reproduit les mêmes chiffres que l'an dernier. Je soumets respectueusement que n'importe quel élève de douzième année aurait pu faire le budqet du ministère des Transports en trente minutes, M. le Président. Ce n'était pas compliqué, c'est un budget de 1 343 000 000 $. On n'avait qu'à recopier le budget de l'an dernier, sauf au poste des salaires où on n'avait qu'à multiplier par environ 10% les montants de l'année précédente.

Je vais vous donner quelques exemples. J'aimerais simplement souligner quelques postes. Par exemple, au poste des communications. Au début du budget, dans les notes explicatives, on parle, à ce poste, des frais de déplacement des individus, des frais de poste et de messagerie, également des dépenses de communication, de publicité et d'information. Qui va me faire croire ici que les frais de poste ou de messagerie n'augmenteront pas au cours de l'année? Les messagers, que je sache, sont des individus payés par salaire indexé, les frais de déplacement, c'est la même chose, ça comprend des frais qui sont nécessairement sujets au coût de la vie.

Dans le budget du ministère des Transports, il y a neuf programmes. Ces programmes comportent des éléments. Or, sur les vingt-trois éléments du poste des communications, vingt éléments ont reproduit les même chiffres que l'an dernier et dans deux cas, on a diminué les coûts. Dans un seul cas on les a augmentés. (22 h 20)

Je parlerais d'un autre poste, par exemple, les loyers. On nous a dit lors de la commission parlementaire que dans le cas des loyers, il s'agit de la location de matériel ou d'équipement. On parle de photocopieuses, de dactylographes, d'entretien de dactylographes, d'entretien de photocopieuses, etc. Tout le monde sait que pour l'entretien de ces appareils, cela prend des hommes de service, cela prend des contrats de services. Ces gens ont également des salaires indexés. Or, dans le cas des loyers, sur les 23 postes qui sont répartis à travers les neuf programmes, il y a seize postes qui ne subissent aucune augmentation et dans les sept autres cas il y a des diminutions. Aucune augmentation! Donc, on tente de nous faire croire qu'on va réussir au cours de l'année à maintenir ces postes aux mêmes coûts que l'an dernier et que dans un tiers des cas on va même diminuer les dépenses en dépit de l'inflation qui a sévi au cours des douze derniers mois.

À un autre poste, celui des fournisseurs, on nous dit que cette catégorie regroupe les achats de biens de consommation courante. S'il y a quelque chose qui est sujet à l'inflation, c'est bien les biens de consommation courante. Or, dans

la catégorie fourniture, sur les 24 postes, il y en a quatorze qui ne subissent aucune augmentation, deux subissent des diminutions et huit, soit un tiers seulement, des augmentations. Donc, dans la très grande majorité des cas, encore, on tente de nous faire croire que les fournitures n'augmenteront pas et qu'elles vont même diminuer dans certains cas. En plus, on ne tient pas compte de l'inflation.

Finalement, il y a un autre poste qu'on appelle "autres dépenses". "Autres dépenses", c'est tout ce qui ne se trouve pas dans les autres, évidemment. C'est la réserve qu'on doit nécessairement avoir dans tout budget. Là, on a battu tous les records. Sur seize postes, il y en a quinze qui ne subissent aucune augmentation et dans le seizième cas il y a une diminution.

Je pense qu'il n'y a personne de sérieux qui connaît un peu les budgets qui pourra croire que ce budget est un budget réaliste. On a beau vouloir comprimer les dépenses, on n'a fait aucun effort sérieux pour tenter de trouver des endroits où on pourrait les justifier. Or, il y a des endroits où on pourrait les justifier. Il y a tout le secteur, par exemple, de la publicité gouvernementale où on pourrait sabrer énormément dans les dépenses. Il y a le secteur des contrats de services donnés à des professionnels amis du gouvernement où on pourrait également sabrer énormément dans les dépenses. Non, ce qu'on cherche à faire, c'est faire croire à l'Opposition et aux citoyens du Québec qu'on réussira, au cours de l'année qui vient, à faire en sorte que dans le budget du ministère des Transports et, je présume, dans tous les autres budgets des autres ministères, on va réussir à faire baisser le coût de la vie de 10%, on va réussir à comprimer les dépenses qui sont proprement incompressibles, ce qui est tout à fait impossible et que personne ne peut croire.

M. le Président, je crois que ce qu'on devrait faire dans ce budget, c'est un effort minimum pour que le budget soit réaliste. Vous savez que j'ai été, avant d'être ici, maire d'une municipalité, que j'ai contribué a préparer des budgets. J'affirme qu'aucune municipalité n'aurait pu se permettre de préparer un budget comme celui-là et de le faire parvenir au ministère des Affaires municipales sans se le faire retourner en se faisant dire de recommencer le budget, parce que cela n'a pas de sens. Je pense que tous les observateurs avertis qui feront la moindre étude de ce budget en concluront que cela n'a pas de sens. On ne peut pas agir de cette façon et quand on comprime, on doit comprimer à des endroits où c'est compressible.

Or, je dis, après avoir regardé ce premier budget que j'ai eu à étudier, que c'est un budget irréaliste, qui ne tient absolument pas compte de la réalité et que, dans quelques mois, le gouvernement n'aura pas d'autre choix que de revenir devant cette Chambre demander des crédits additionnels, ce que nous avions dit avant les élections et ce qu'on fera sûrement, M. le Président - je vous en donne ma parole -dans quelques mois, quand on aura réalisé qu'on a compressé ce qui était incompressible.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Fabre.

M. Michel Leduc

M. Leduc: M. le Président, le Québec, tout comme l'ensemble de l'économie occidentale, est dans un creux de la vague. Je veux mentionner quelques éléments tels que le rythme d'inflation de 12% que l'on connaît, la croissance lente, sinon nulle, de l'économie évaluée à 0,3%, les taux d'intérêt qui n'ont jamais été aussi élevés. Malgré tout, le Québec, avec une croissance de 0,3%, fait toutefois mieux que l'Ontario dont l'activité économique a dégringolé de 1% en termes réels. Malgré tout, les Québécois connaîtront cette année une baisse d'impôt de 2%, et mentionnons que, depuis 1976, 2 300 000 000 $ sont retournés dans les poches des contribuables grâce aux mesures fiscales du gouvernement actuel.

Bien sûr, on pousse un peu partout au Québec les hauts cris en s'indignant devant les coupures budgétaires. Mais comme le signalait Michel Nadeau, dans le Devoir de mars dernier - je pense que ses propos sont encore d'actualité - la plupart de ceux qui poussent les hauts cris proposent très rarement des solutions de rechance, chacun ne regarde que le côté du bilan qui fait son affaire. J'entendais le député de Laporte et bien d'autres qui se lamentent des coupures budgétaires, qui lancent des récriminations, pour ne pas dire qui versent des larmes de crocodile, en particulier sur le système privé d'éducation, à ce point qu'on peut se demander si le système public d'éducation a de l'importance à leurs yeux.

Mais ce qui me semble plus grave, c'est l'attitude de l'Opposition qui prétend que les contribuables n'ont pas les services qu'ils méritent, du moins du côté des ministères dont la vocation est de fournir les services aux citoyens. Je pense en particulier au député de Saint-Laurent qui se place dans la peau du simple citoyen qui regarde, impuissant, la grosse machine gouvernementale. Selon lui, selon aussi plusieurs autres membres de l'Opposition, le citoyen ordinaire a raison de juger que les services qui lui sont destinés ont été négligés par le gouvernement, et on énumère un certain nombre de ministères qui ont été négligés.

On peut reprendre l'argumentation de

l'Opposition et se poser la question suivante: Qu'est-ce qu'a rapporté au simple citoyen l'action gouvernementale dans les ministères qui, selon le député de Saint-Laurent, ont été négligés depuis quatre ou cinq ans? Je veux, profitant du temps qui m'est alloué, reprendre un certain nombre d'exemples dans les ministères qui ont été visés par l'Opposition.

Parmi les ministères en cause, il y a celui de l'Agriculture. S'il y a un ministère qui a rendu service aux citoyens, c'est bien celui-là, et je pense en particulier à la Loi sur la protection du territoire agricole qui a mis un terme à la spéculation foncière sur les sols. Cela faisait longtemps que les agriculteurs et la population attendaient ce service du gouvernement, et le gouvernement a eu le courage politique de faire de l'agriculture un secteur de développement économigue. Bien sûr, on n'a pas rendu service aux spéculateurs. C'est peut-être à eux qu'on pensait lorsqu'on prétendait que ce ministère ne rendait pas service aux citoyens. (22 h 30)

Je pense aux travaux mécanisés à la ferme. Le gouvernement a mis fin à l'ingérence politique dans ce secteur et, dorénavant, l'agriculteur choisit son entrepreneur. C'est sûr qu'avec une telle mesure, on ne rend pas service aux amis du régime, et c'est peut-être à eux que pensait le député de Saint-Laurent lorsqu'il attaquait ce ministère. Allez parler seulement de ces deux mesures à l'agriculteur pour voir si leur gouvernement les a négligés, comme le soutient l'Opposition.

Je veux mentionner un autre ministère, celui de l'Énergie et des Ressources qui, prétend-on, aurait négligé la population. L'Opposition n'est pas gênée de nous dire que le ministère de l'Énergie et des Ressources a négligé le simple citoyen, et de le dire avec l'assurance que confère à l'Opposition une ignorance feinte ou réelle. Qu'est-ce que le gouvernement libéral de l'époque a fait pour l'industrie des pâtes et papiers qui s'affaiblissait graduellement, qui laissait vieillir les usines, dont 175 000 emplois directs et indirects dépendent?

Le député de Saint-Laurent et les autres devraient se rappeler qu'en collaboration avec le milieu, c'est le gouvernement actuel qui s'est enfin décidé d'investir des centaines de millions dans un programme de modernisation grâce auquel 47 usines sur 52 seront modernisées sur tout le territoire du Québec. Que l'Opposition aille donc en parler aux 175 000 citoyens qui dépendent de ce secteur.

Les citoyens de la région de l'amiante ne comptent sans doute pas pour l'Opposition qui devrait se rappeler que c'est elle qui a fait le "filibuster" pour empêcher le gouvernement d'aller plus avant dans sa politique de l'amiante. Le gouvernement actuel fut le premier gouvernement à prendre ses responsabilités dans ce dossier. La population locale et les organismes du milieu demandaient au gouvernement depuis des années d'agir dans ce secteur. Le gouvernement du Parti québécois a su être à leur écoute et répondre à leur attente. Si on avait écouté l'Opposition, on n'aurait pas aujourd'hui, au moment où on parle, triplé le taux de transformation de l'amiante et créé des centaines d'emplois dans le secteur de la transformation.

Prenons un autre ministère qui fait l'objet d'accusations, celui de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. L'Opposition mentionnait que les ministères à vocation économique ont été néqliqés par le gouvernement. Faudrait-il lui rappeler la création record de 200 000 emplois au cours des années 1978, 1979, 1980? Qu'on ne vienne pas accuser ce gouvernement de négligence quand on pense que le gouvernement Bourassa, dont a fait partie le député de Saint-Laurent, en plein boom olympique, en 1974, 1975, 1976, n'a créé que 125 000 emplois. Le gouvernement actuel, malgré un contexte économigue canadien et international fort difficile, aura contribué à la création de plus de 200 000 emplois.

Mentionnons un autre service à la population, la vente du vin dans les épiceries. Offrir d'un seul coup aux citoyens consommateurs 9000 points de vente supplémentaires aux quelque "550 succursales de la SAQ, voilà un exemple concret d'amélioration du service au consommateur, en plus de consolider la position financière des petits épiciers.

Enfin, signalons l'installation du guichet unique pour les entreprises, ce qui fait en sorte qu'elles n'auront plus qu'une porte où s'adresser pour avoir accès aux programmes gouvernementaux. Si l'Opposition ne veut pas reconnaître que ces mesures rendent service aux citoyens, il faut se demander dans quel monde l'Opposition vit. Est-ce que ces gens ont les deux pieds sur terre? Je pense que la population, le 13 avril dernier, a reconnu que le gouvernement actuel savait bien répondre aux besoins de ses citoyens.

Je continue en mentionnant le ministère des Transports. N'est-ce pas ce ministère qui a mis en place la carte d'autobus-métro dont bénéficient les quelque 300 000 citoyens du territoire de la CTCUM et les milliers d'autres citoyens de Laval qui utilisent leur laisser-passer à coût réduit.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ... je m'excuse auprès du député. Je l'ai écouté avec beaucoup

d'intérêt, mais il me semble qu'il est en train de nous faire son discours sur le budget ou sur le débat sur le discours inaugural. Je lui demanderais, tout simplement, de nous parler du projet de loi no 11. Nous sommes très intéressés à savoir ce qu'il a à dire là-dessus.

M. Marcoux: Question de règlement, M. le Président. J'ai écouté attentivement le député de Fabre et je suis convaincu que, dans le cadre de ce projet de loi qui concerne la mise en oeuvre du budget, on peut aborder l'ensemble des réalisations et de la politique budgétaire. Je maintiens que le député est pertinent.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Fabre, vous pouvez continuer votre discours en fonction du projet de loi, s'il vous plaît.

M. Leduc: Merci, M. le Président. Je vais donc reprendre ce que j'ai commencé à dire au sujet du ministère des Transports, un des ministères qui ont le plus rendu service aux citoyens grâce à la carte autobus-métro dont bénéficient les quelque 300 000 citoyens du territoire de la CTCUM qui utilisent leur laisser-passer à coût réduit. Ces citoyens savent ce que cela veut dire un gouvernement qui encourage ceux qui prennent le transport en commun, car cette carte mensuelle de transport urbain permet aux citoyens d'économiser 40% du coût habituel. Sans doute que le député de Saint-Laurent et ses collègues ne prennent pas l'autobus ni le métro souvent, mais ils devraient quand même reconnaître l'initiative gouvernementale dans ce domaine.

Et je continue en mentionnant le ministère des Affaires sociales. Le député de Saint-Laurent nous a donné l'exemple du simple citoyen dont les vieux parents voudraient bien être placés dans un foyer, mais reçoivent la réponse qu'il n'y a pas de place. On comprend que le rôle de l'Opposition, c'est de critiquer, mais il ne faudrait quand même pas charrier et cela, de façon démagogique, car c'est bien le gouvernement du Parti québécois qui a construit, depuis 1976, 69 nouveaux centres d'accueil, entraînant l'ouverture de 6183 nouveaux lits, soit 26 fois plus que sous le gouvernement Bourassa. C'est le plus grand programme de services gouvernementaux jamais entrepris au Québec. Et pour ceux, entre autres, qui n'ont pu trouver une place en centre d'accueil, car pour répondre à la demande il aurait fallu en construire peut-être dix fois plus, le gouvernement a presque doublé l'importance des soins et services à domicile pour être en mesure de répondre plus efficacement aux gens qui sont chez eux et qui requièrent aussi des services. Je veux mentionner qu'en 1976-1977 le budget était de 22 000 000 $ et qu'en 1980-1981 il est passé à 55 000 000 $ pour les soins et services à domicile.

On pourrait allonger la liste des services mis en place par le gouvernement actuel. Mentionnons seulement la gratuité des médicaments et du transport ambulancier pour les personnes âgées, l'extension des soins dentaires jusqu'à quinze ans, l'augmentation fantastique des places en garderie qui, depuis 1976, sont passées de io 000 à 20 000 places.

Je continue en parlant du ministère de l'Éducation qui, lui aussi, est remis en cause. Mentionnons, quant à ce ministère, la mise sur pied de services de garde pour les enfants d'âge scolaire dans les écoles. À première vue, cela peut paraître anodin comme mesure, mais, pour les parents qui travaillent ou qui sont dans l'obligation de faire garder leurs enfants en dehors des heures de classe, cela veut dire quelque chose, ce service à l'école. (22 h 40)

Parlons du programme des prêts-bourses. Depuis 1976, les montants consacrés aux bourses sont passés de 38 000 000 $ à 71 000 000 $, soit une augmentation de 87%. Pour les prêts, M. le Président, c'est une augmentation de plus de 50% des montants alloués. En plus de l'assouplissement des modalités de remboursement, le gouvernement prend maintenant à sa charge le remboursement du prêt de l'étudiant sans emploi. L'Opposition veut nous faire croire que ces ministères ont négligé le citoyen.

Mentionnons le ministère de la Justice qui, quant à lui, a vu à l'amélioration de l'accessibilité à une justice efficace, humaine et personnalisée, ce qui a toujours été un objectif majeur du gouvernement.

Mentionnons également les services des tribunaux itinérants pour les populations autochtones, la création des districts judiciaires de Laval et de Longueuil afin de décongestionner le district de Montréal, la hausse automatique des centres d'admissibilité à l'aide juridique. M. le Président, on aurait pu aussi parler plus longtemps de l'action d'un ministère qui touche directement les citoyens: celui du Revenu. Ce ministère a mis sur pied un véritable service au public et aux entreprises en rendant les formules d'impôt de cette année plus simples et plus courtes. Des services publics plus humains, voilà un des objectifs premiers du gouvernement. C'est dans cette optique que le gouvernement s'est engagé, lors de la dernière campagne électorale, à faire en sorte que l'administration publique soit vraiment au service des citoyens. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement s'est engagé, premièrement, à appliquer aux salles d'urgences dans les hôpitaux une politique

d'admission qui donne priorité absolue aux malades hospitalisés d'urgence; deuxièmement, à établir un système de pilotage des dossiers afin que chaque citoyen qui s'adresse à l'administration traite avec un seul correspondant qui s'occupera de l'ensemble de son dossier; et, troisièmement, à simplifier les règlements gouvernementaux et à en réduire le nombre.

M. le Président, la population sait que le gouvernement actuel respecte ses engagements. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles l'équipe gouvernementale a été reportée au pouvoir. Cet engagement, comme les autres que nous avons énoncés durant la campagne, nous les respecterons. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: M. le Président, nous sommes ici aujourd'hui pour discuter, en deuxième lecture, du projet de loi no 11: Loi modifiant certaines dispositions législatives. Mais ce n'est pas une loi pour bouleverser tout le système! Cet après-midi, on a entendu le ministre des Finances, M. Parizeau, parler, évidemment en premier, de ce projet de loi. La semaine dernière, quand j'ai fait une intervention sur le discours sur le budget, j'ai dit que M. Parizeau était comme un magicien financier et aujourd'hui, il est devenu peintre parce qu'il nous a rassurés cet après-midi. Il nous a dit: Voici, vous ne comprenez rien, cela va très bien et tout est bien organisé. Je vais vous expliquer exactement ce que ce projet de loi no 11 veut dire pour que vous, la population, compreniez une fois pour toutes. En raison de la critique qu'il a eue, il y a une, deux ou trois semaines, il est obligé d'expliquer la situation encore une fois. Il a peint, il a dessiné un portrait rose, pas de doute. Mais, il a oublié de dire que cela se trouve dans un encadrement noir et très épais.

Une voix: C'est cela la différence.

M. Polak: Le ministre a dit, à l'Assemblée, cet après-midi: Voici, il y a tout de même dans ce projet de loi no 11 des principes importants. Principe no 1 - je cite le ministre car j'étais ici quand il a parlé, je prenais des notes: Le système d'indexation est différent à Québec parce que nous, à Québec, voulons taxer l'indexation le moins possible. Il a oublié de dire que, dans les autres provinces canadiennes, tout est enlevé au point de vue de l'indexation, à 100%.

M. Rivest: C'est cela.

M. Polak: Quand il a dit que le système est différent à Québec, je tiens à dire, M. le ministre, que le système est moins bon que dans les autres provinces.

Une voix: C'est la faute du PQ.

M. Polak: II ne faut pas oublier qu'à la fin de chaque année tout contribuable finit avec moins d'argent dans sa poche au point de vue de la valeur réelle de l'argent. Tout le monde est d'accord là-dessus, mais il a aussi oublié de le dire.

Ensuite, il a parlé de l'impôt sur le tabac. Là, je suis d'accord avec M. Parizeau, il fume beaucoup. Il fume, le premier ministre fume, le ministre de l'Éducation fume et même moi, je fume. Donc, là, je n'ai pas objection à dire: De 40% à 45%, bon. C'est possible, c'est une sorte de luxe et je suis d'accord là-dessus. Dans l'Opposition, on ne peut pas toujours critiquer, il faut aussi dire de temps en temps: Vous faites quelque chose de bon, on vous félicite.

Ensuite, le ministre des Finances a parlé des entreprises. Il a dit: Voici, personne n'a parlé des entreprises parce que c'est une affaire un peu compliquée. Il n'y en a pas beaucoup qui connaissent cela; donc, je vais vous expliquer une fois de plus de quoi il s'agit. Qu'est-ce qu'il a dit? Il a dit: Dans les entreprises, il y a tout de même une caractéristique intéressante, en ce qui a trait aux impôts. Je cite le ministre: "Le taux sur le profit des entreprises au Québec sera désormais le moins élevé de toutes les provinces du Canada." Bravo, M. le ministre, mais il a oublié de dire que les employés qui travaillent dans ces entreprises au Québec paieront plus d'impôts que ceux de toutes les autres provinces du Canada. Savez-vous - les statistiques sont là, M. Parizeau doit le savoir - que l'impôt sur le revenu des individus ici, dans notre belle province, au Québec, est de 30% à 35% de plus que la moyenne des autres provinces? Il n'a pas parlé de cela.

Une voix: C'est honteux!

M. Polak: Là, après que le ministre nous a annoncé la bonne nouvelle qu'il va réduire la taxe sur les profits - là, il y a un autre chiffre magique. Il y a toujours le chiffre magique, le chiffre 3-Il dit: Je prends encore mon chiffre magique de 3 et, pour réduire l'impôt sur les profits, il faut que je cherche l'argent ailleurs. Il est très honnête de le dire. Qu'est-ce qu'il fait? Il auqmente la taxe sur le "payroll" de 1,5% à 3%. C'est quand même une taxe d'auqmentation de 100%, il ne faut pas oublier cela. Il la double.

Il faut maintenant regarder les conséquences de ce doublement de la taxe

sur le "payroll", 1,5% à 3%. Qu'est-ce qui arrive? Le fardeau de la taxe va se déplacer et va tomber sur les moyennes entreprises. On a des moyennes entreprises au Québec qui ont beaucoup de main-d'oeuvre, qui travaillent avec 200 et 300 employés. Elles sont maintenant obligées de payer 3% au lieu de 1,5%; c'est beaucoup sur le salaire de quelqu'un qui gagne de 15 000 $ à 20 000 $ par année. Au lieu de payer 150 $ ou 200 $, ce sera le double; au lieu de payer 300 $, l'employeur va payer 600 $. Beaucoup de ces entreprises ne paieront jamais la taxe sur les profits parce qu'elles sont tout juste capables d'arriver et n'ont pas de gros profits. On a beaucoup de ces moyennes entreprises qui donnent beaucoup d'emplois aux Québécois et qui n'arrivent pas à faire de gros profits. Donc, on réduit la taxe sur les profits, mais qu'on augmente la taxe sur le "payroll", ça ne règle rien. Probablement que cela va, comme je l'ai dit, mettre le fardeau sur les épaules des moyennes entreprises.

Une voix: Et des travailleurs. (22 h 50)

M. Polak: Le ministre a mentionné le cas des "sales offices"; les bureaux des ventes sont allés en Ontario, par exemple, ceux de Montréal, de la province de Québec. Il a dit: Là, ils vont revenir dans la province de Québec, parce qu'il y a moins de taxes sur les profits à payer. Je ne suis pas tellement certain de cela. Savez-vous ce qui peut arriver avec les entreprises? Elles vont dire: On va fabriquer nos produits, par exemple l'Ontario, pour éviter cette augmentation de taxe de 1,5% à 3% - tout de même une augmentation de 100% - on va faire beaucoup de ventes au Québec et on va payer moins de taxes sur les profits. Donc, ces compagnies-là auront le meilleur des deux mondes.

Donc, quand le ministre a dessiné son portrait rose, il a oublié de dire des choses qui existent, des chiffres qui sont vrais. Il a toujours donné l'aspect positif, mais il n'a jamais renseigné la population sur l'aspect négatif, que j'indique maintenant et qui existe. II y en a même qui disent que cette taxe de 1% à 3% d'augmentation devient comme une taxe sur le chômage. Je ne l'espère pas, mais c'est possible.

Maintenant, j'ai continué à écouter le ministre des Finances; après tout, c'est son projet de loi. À un moment donné, il dit: J'arrive à un autre point et je suis mieux de laisser ça au ministre de l'Éducation. Je me disais: Je trouve ça drôle tout de même, ça s'appelle une loi modifiant certaines dispositions législatives sur le budget. Le ministre des Finances avait dit: Cette loi no 11, pour moi, c'est une loi de mise en application du budget. Soudainement, il se tait, il ne parle plus, il tranfère ca au ministre de l'Éducation.

S'il s'agissait seulement d'une mise en application du budget, pourquoi le ministre Parizeau n'aurait-il pas continué son discours? Il parlait de chiffres sur les impôts, sur les revenus, sur toutes sortes de choses; donc, continuer de parler de l'enseignement privé, c'est juste un ajustement budgétaire, ce n'est pas grave. Mais il ne l'a pas fait parce qu'il savait très bien qu'il s'agissait en vérité d'une refonte totale de la loi qui existe.

Des voix: D'accord, c'est ça.

M. Polak: La loi sur l'enseignement privé, il a tranféré ça à son confrère, le ministre de l'Éducation, parce que, évidemment, ça touche un sujet qui est vraiment du domaine du ministre de l'Éducation. Mais, M. Parizeau, vous n'auriez jamais dû insérer ça dans le projet de loi no 11. Dans ce cas-là, le ministre de l'Éducation aurait dû présenter un projet de loi spécial pour changer fondamentalement la loi sur l'enseignement privé.

Savez-vous, M. le Président, que j'ai entendu le député du gouvernement dire que nous, les libéraux, défendons toujours les intérêts des écoles privées. Ce n'est pas vrai du tout parce que, dans mon comté, par exemple, Sainte-Anne, les gens ne vont pas aux écoles privées. Dans Rosemont, il y a plus d'élèves aux écoles privées que dans mon comté; je puis vous en assurer. Donc, quant à savoir s'il y a priorité du système public ou du système privé, évidemment, il y a des arguments pour et contre. Quant à moi, personnellement, j'étais dans une commission scolaire publique et je crois beaucoup au système public. Mais tout de même, je voudrais parler sur le principe de prendre la loi no 11 et d'y insérer, par quelques paragraphes, un changement, une refonte totale d'une loi qui existe et c'est contre ça que je m'oppose.

Je ne veux tout de même pas être interprété comme étant en faveur du système privé parce que j'ai tout de même des opinions différentes là-dessus, mais le principe, la manière de le faire, ce n'est pas acceptable. Qu'est-ce qu'a dit M. Parizeau? Parce que, maintenant, c'est M. Laurin qui parle, le ministre de l'Éducation, toujours sur le même projet de loi. Il dit: C'est vrai, il y aura une baisse de clientèle et une perte de revenus pour ces institutions, mais qu'elles s'arrangent. Il n'a pas dit "qu'elles s'arrangent", mais c'est moi qui fais le sommaire de ce qu'il a dit. Il dit, et là je cite le ministre de l'Éducation: Les citoyens qui veulent que leurs enfants aient ce type d'enseignement privé pourront continuer à le faire par une contribution pécuniaire accrue. C'est bien beau, M. le ministre de l'Éducation. J'aimerais bien savoir combien de ministres envoient leurs enfants aux

écoles privées; ils peuvent payer ça. Mais, quant aux contribuables, je connais des personnes, des familles, où la femme et le mari travaillent tous les deux, justement pour que leurs enfants soient capables de recevoir l'enseiqnement d'une école privée. Ces gens-là se privent même de vacances. Mais le ministre n'a pas pensé à ça.

Donc, quant à moi, c'est bien beau de dire ça, M. le ministre de l'Éducation, mais, ce qui arrive, c'est que ce sont les riches qui pourront continuer à payer, non pas ceux qui ont besoin de recevoir cette méthode d'enseignement privé. On n'est plus capable de le faire. Le ministre de l'Éducation poursuit. Il dit, et je cite le ministre de l'Éducation qui parle encore sur le projet no 11 de M. Parizeau; c'est encore lui qui parle, je cite: "L'accessibilité n'est pas affectée." Donc, il dit: Le grand principe, nous le tolérons, nous acceptons le système des écoles privées. On n'a rien contre cela, nous sommes tous en faveur. Donc, l'accessibilité n'est pas affectée, le choix est un peu plus astreignant, mais mieux éclairé. Cela devient plus dur, un peu plus cher et un peu plus difficile. Il n'a pas dit: Si je veux tuer graduellement, c'est ce qui arrivera. Je fais la comparaison avec un citoyen à qui on dirait: Vous avez le droit de conduire, d'acheter et d'être propriétaire d'une automobile, mais désormais, moi, le ministre, je dis: Tu ne peux plus acheter une automobile japonaise ou même une petite Lada, on vend seulement des Cadillac. Si telle est l'intention du gouvernement, pourquoi ne pas avoir le courage de le dire carrément, directement et ouvertement à la population? Je cite un document de notre premier ministre, c'est vrai que c'est en 1977, mais tout de même, il l'a dit...

Une voix: En 1978.

M. Polak: Non, c'est en 1977. Lors de la remise d'une pétition de plus d'un demi-million de signataires au salon rouge du parlement, M. René Lévesque déclarait aux quelque 500 délégués de différents mouvements qui sont en faveur du secteur d'enseignement privé - je cite M. le premier ministre Lévesque - "Je peux vous assurer que ni de près ni de loin il n'est de l'intention du gouvernement de brimer de quelque façon que ce soit les droits des citoyens." C'est parfait. Il l'a dit.

Mais, M. Lévesque, le premier ministre, M. Parizeau, M. le ministre de l'Éducation, si c'est le cas, pourquoi ne le dites-vous pas honnêtement et directement? Pourquoi présenter un amendement caché dans la loi no 11 et ne pas dire directement: On veut faire une refonte, on veut couper le secteur privé, c'est moins important, on y croit beaucoup moins qu'avant? Donc, on vient avec un projet. S'il avait dit cela, j'aurais dit: Voilà du courage. Au moins, vous voulez en parler, on en parlera. Il y a des avantages et des désavantages. Je suis d'accord. Mais qu'ont-ils fait? Ces gens viennent avec cet amendement dans la loi, avec ce texte dans la loi no 11. Maintenant, vous savez que c'est arrivé.

On a décidé d'avoir une commission parlementaire qui durera peut-être une heure et demie ou, si on est chanceux, deux heures. On aura des intervenants et je peux voir déjà ce qui arrivera, si je peux prédire un peu l'avenir. Évidemment, vont venir les représentants syndicaux, des enseignants du secteur public qui vont dire: II faut les couper, ce n'est pas bon, parce qu'évidemment, leurs jobs, sont là. Je comprends très bien, mais pour moi, il faut aller plus loin. Il aurait fallu dire: II s'agit d'une refonte de la loi, voici ce qui doit arriver. Les enseignants du secteur public ont le droit d'être là, tout à fait d'accord, mais invitez ceux qui enseignent au secteur privé. Invitez aussi les institutions privées. Il y a tout de même toute une masse de noms très importante qui a été mentionnée cet après-midi. Ces institutions existent depuis une centaine d'années dans certains cas. Invitez les parents, les associations. Il y a beaucoup de gens qui ont quelque chose à dire sur le principe, mais dans une heure et demie au cours d'une commission parlementaire, on va faire cela très vite et tout sera réglé. Je ne suis pas d'accord avec cela.

En terminant, je note, M. le Président, que je m'améliore un peu, parce que je parle déjà depuis 23 heures et, l'autre jour, c'était 23 h 30. Tout ce que je voulais dire, c'est sur le principe, la manière de nous traiter, de traiter la population, comme on l'a déjà fait quand on a parlé de changement à la loi sur l'accessibilité à la propriété. C'est le même principe. On vient ici avec une déclaration ministérielle et, pour le reste, on verra le programme. Je ne crois pas à cela. Si vous avez quelque chose à dire, ne le cachez pas. Venez nous le dire directement, à nous, à la population, à tous, et là on va en discuter. Donnez-nous le temps de le faire, mais pas de cette manière, en cachette. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vachon. (23 heures)

M. David Payne

M. Payne: M. le Président, je n'avais pas l'intention de prendre la parole ce soir, mais lorsque j'écoute les propos au sujet de l'enseignement privé, un sujet qui semble obséder les membres de l'Opposition, je commence à comprendre pourquoi le parti de l'Opposition a perdu les dernières élections, je commence à comprendre davantage

pourquoi et comment il a perdu dans Vachon. Ce n'est pas seulement parce que nous n'avons pas d'écoles privées chez nous, ce qui est le cas, mais c'est peut-être aussi parce que les gens de Vachon ont un esprit, une habitude, une habileté à voir l'ensemble d'un problème. Dans Vachon, nous sommes vraiment habitués à faire le ménage dans notre maison, à faire des économies, à faire dans nos familles des compressions budgétaires. Nous sommes vraiment habitués à analyser ce qu'est une période de récession économique.

Nous avons entendu durant toute la soirée, à tour de rôle, le chef de l'Opposition, le député de Marguerite-Bourgeoys, le député de Jean-Talon, la députée de Jacques-Cartier, le député de Laporte et, finalement, le député de Sainte-Anne se plaindre au sujet de l'enseignement privé. Je pense, M. le Président, qu'il s'impose d'apporter certains éclaircissements à ce sujet. Il y a très peu d'électeurs québécois qui ne savent pas qu'ici, au Québec, nous avons un système d'enseignement privé qui dépasse de loin, en termes de générosité d'esprit, tout ce qui se fait dans la plupart des autres provinces du Canada.

Il serait très intéressant que les membres de l'Opposition prennent connaissance de quelque chose que la plupart des Québécois savent déjà: sept des neuf provinces du Canada n'accordent aucune subvention à l'enseignement privé. Nous ne voulons pas suggérer qu'il s'agit là d'un idéal de perfection ou d'un modèle à suivre; au contraire, nous avons un système dont nous sommes très fiers. Mais il serait peut-être important que je porte à l'attention des membres de cette Assemblée que nous avons décidé de couper de 4%, soit de 80% à 76%, nos subventions, ce qui n'est pas tout à fait un vol envers l'enseignement privé. S'agit-il là d'un vrai scandale, M. le Président? Pourquoi l'obsession de l'Opposition ce soir à ce sujet?

Nous savons aussi que la dénatalité ne frappe pas dans le même sens les institutions d'enseignement privées au Québec qu'elle frappe les institutions publiques. Nous avons vu dans toute la province de Québec la fermeture d'écoles dans des quartiers très pauvres. On n'a pas constaté tout à fait le même phénomène pour ce qui est des institutions privées. Nous avons aussi entendu parler de ce qu'on appelle en anglais "the special schools", les écoles spéciales pour les handicapés, pour ceux qui sont, d'une façon ou d'une autre, moins gâtés ou qui sont handicapés. C'est très important qu'on souligne le fait qu'elles sont subventionnées à 100% et c'est clair que le gouvernement va continuer dans le même sens.

Nous savons que c'est le gouvernement du Parti québécois qui a imposé le droit - il s'agissait là d'un droit fondamental - pour un étudiant, un jeune garçon ou une jeune fille, de fréquenter une école ordinaire, normale. Nous avons tous et chacun soit un frère, une soeur, un cousin handicapé ou monqolien. N'est-ce pas un droit fondamental inaliénable pour un enfant de fréquenter l'école de son choix? Le gouvernement du Parti québécois a-t-il jamais proposé d'abolir les écoles spéciales pour les enfants handicapés? C'est dommage que la députée de Jacques-Cartier soit prête à induire cette Chambre en erreur en disant que nous menaçons ces institutions privées. Jamais je ne participerai aux activités d'un gouvernement qui proposerait un tel geste. Ce n'est pas le cas.

Nous avons entendu parler aussi des classes d'accueil, cela nous a coûté une fortune, à peu près 24 000 000 $ par année, mais souvenons-nous de la période où une classe d'accueil devait faciliter, après adoption de nos lois linguistiques qui sont nécessaires, les lois qui s'imposaient pour le bien-être du français ici au Québec. Il s'agissait là d'un système pour avoir une classe d'accueil pour accélérer et faciliter l'intégration dans les écoles françaises de nos jeunes immigrants venant des autres provinces ou venant d'autres pays du monde. Ce qui est arrivé, c'est que nos écoles anglaises ont décidé, je dirais par un truc, d'ouvrir dans les écoles anglaises des classes françaises faisant en sorte que nous avons deux systèmes uniques et séparés dans la même institution scolaire. Avec les doublures et les chevauchements budgétaires que cela imposait, il y a eu aussi socialement l'impact et l'effet de diminuer le taux d'occupation de nos écoles françaises.

Lorsqu'on parle, par exemple, de l'Ouest de Montréal, on peut commencer à voir la nature du problème, parce que nos écoles françaises n'y sont pas énormes, ne sont pas remplies de Québécois francophones. Cela pose un drôle de problème d'intégration pour ceux qui viennent dans les écoles anglaises, mais dans les classes françaises. Un enfant qui veut justement apprendre le français peut prendre son "break" dans la langue anglaise. Quelle sorte d'intégration est-ce? C'est une façon de court-circuiter effectivement la loi, ce qui était la loi 22 de l'époque et maintenant la loi 101.

Nous avons proposé, par une formule qui est tout à fait accessible, tout à fait raisonnable, d'accorder 12 000 000 $, ce qui va avoir l'effet d'aider énormément l'enseignement de la langue française dans les écoles anglaises. C'est une préoccupation majeure de notre gouvernement de continuer dans ce sens. Mais je ne nierai pas que c'est une façon très habile et très judicieuse de faire en sorte que nous ayons le meilleur enseignement que possible à un coût raisonnable pour le gouvernement du Québec.

Je pourrais parler aussi durant quelques

minutes des entreprises et la réforme de la fiscalité. C'est vrai, à mon avis, que nous encourageons les compagnies les plus rentables. On a vu, par exemple, que les budgets pour l'aide aux entreprises et aux industries secondaires grimpent de 24%, que les entreprises forestières auront droit à des subventions en hausse de 21%. On a fait en sorte ici au Québec - et je répète ce qu'on a entendu dire à plusieurs reprises - que l'année passée, à titre d'illustration, on a dépassé l'Ontario en termes de croissance économique de pas plus que 50%. Si c'est bien cela la stagnation, je dirais: Vive la stagnation! Parce qu'ici au Québec, les Québécois sont fiers de leurs produits. Cela n'intéresse pas tellement l'Opposition, parce qu'ils sont ce soir intéressés et obsédés à discuter de l'enseignement, ce qui est tout à fait bon en soi, mais les institutions privées. (23 h 10)

Je reviens à Vachon, là où nous sommes très intéressés à développer nos petites ou moyennes entreprises par un système de fiscalité qui nous aide beaucoup, mais nous savons fort bien qu'on est prêt, que le gouvernement du Québec est prêt à voir l'ensemble du problème économique, de la récession économique qui frappe le monde entier. On peut ajouter aussi que, dans l'ensemble du Québec, les investissements dans les entreprises privées ont connu une hausse de 15% qui dépasse, on le sait fort bien, le taux d'inflation.

Dans le domaine des exportations, un domaine très important dans une période de récession économique, on a vu un taux de croissance de combien? 24,9%, pour les trois premiers trimestres, M. le Président, de 1980. C'est vrai aussi qu'il y a un déficit, c'est vrai aussi que le gouvernement du Québec a décidé de ne pas hausser les impôts, et c'est vrai aussi - et messieurs et mesdames de l'Opposition le savent fort bien - que, proportionnellement, c'est beaucoup moins élevé que l'augmentation proposée par le gouvernement fédéral.

On se souvient aussi des déclarations du minstre des Finances, M. MacEachen, qui a dit dernièrement qu'il faut réduire substantiellement nos dépenses. Nous commençons à faire quelque chose qu'Ottawa va suivre d'ici peu. Les mêmes propos, si ma mémoire est fidèle, étaient avancés par le ministre Fox à Ottawa qui a dit dernièrement qu'il fallait resserrer les contributions d'Ottawa. Nous attendons avec beaucoup d'intérêt le début des discussions fédérales-provinciales sur les accords fiscaux qui s'en viennent. On sait fort bien qu'il va y avoir quelques discussions ici et là pour informer la population des priorités économiques et budgétaires.

J'aimerais attirer aussi l'attention de cette Chambre sur quelque chose qui se passait hier à New-York. Il y avait là un espèce de séminaire, une discussion très importante entre des hommes d'affaires sur la situation des rapports entre Québec et les États-Unis. On y a parlé de l'"entrepreneurship", c'est-à-dire de l'entreprise locale du Québec, la représentant comme une situation de boom, d'augmentation extravagante ici au Québec. Je cite quelqu'un qui est bien connu aux États-Unis, qui s'appelle Steven Blank, je présume qu'il n'a pas de rapport avec le député d'en face. Il discute aussi de la question de l'augmentation et de l'amélioration du climat économique au Québec depuis cinq ans. C'est lui qui est le consultant responsable pour l'entreprise multinationale Stratégie. Il dit: Je ne crois pas que le gouvernement actuel au Québec ait fait en sorte que la situation des investissements étrangers se soit détériorée. Il dit: Au contraire, cela s'est amélioré. Il dit aussi, je m'excuse, je traduis, parce que c'est en anglais: "I see a trend in Quebec to encourage US investments." Je vois une orientation au Québec qui aura comme effet d'aider et d'encourager l'investissement. Il finit par applaudir le gouvernement du Québec d'encourager davantage, et maintenant plus que jamais, les rapports économiques avec les États-Unis. Il encourage aussi le fait qu'ici au Québec nous faisons en sorte d'augmenter la fabrication des produits de l'amiante, d'augmenter la production de quelque chose qui est fait chez nous.

Nous avons aussi discuté cette semaine des entreprises, des initiatives comme le Palais des congrès de Montréal. On a dit ici qu'une telle initiative aurait comme effet qu'à un moment donné on pourra avoir jusqu'à 10 000 congressistes qui viendront ici dépenser en moyenne par jour 100 $ avec leur femme, avec leurs enfants? Ils viendront ici et ils voyageront l'année suivante.

L'industrie du tourisme vient de commencer une nouvelle ère au Québec. On a discuté aussi, la semaine dernière, des stations de ski comme le Mont-Tremblant. On a dit aussi que les Québécois ont de plus en plus intérêt à connaître le beau pays du Québec. Nous avons vu comment le Québec devient comme une espèce de porte d'entrée en Amérique du Nord pour ceux qui viennent de tous les pays du monde.

Nous avons vu, durant les quatre ou cinq dernières années, les débuts d'un système de concertation entre nos entreprises, l'entreprise privée et le gouvernement, dont le Palais des congrès est un excellent exemple. Mais cela prend le gouvernement du Québec pour donner un coup de pouce, pour encourager, au tout début, une telle initiative avec un investissement de l'ordre de 80 000 000 $ pour que, plus tard, l'entreprise privée puisse s'associer avec le gouvernement pour aider à

relancer davantage le tourisme au Québec. Oui, M. le Président, l'entreprise privée.

J'aimerais terminer avec quelques propos sur le comté de Vachon parce que je pense que c'est un bel exemple de concertation économique. Nous allons sentir les effets du budget dans le comté de Vachon. On va comprendre aussi, dans le comté de Vachon, pourquoi les compressions budgétaires sont nécessaires. Nous sommes prêts à comprendre que c'est important de ne pas augmenter les impôts. Nous sommes aussi un peu habitués, dans le comté de Vachon, à comprendre ce qu'est un déficit. Cela n'est pas anormal dans une période d'inflation flagrante. Il y a eu la situation, dans le comté de Vachon, où on était zoné à environ 40%, il y a deux ans. Avant cela, on était assujetti à un système de spéculation. Nous avons maintenant, dans les champs qui ne sont pas exploités, qui ne sont pas développés, la possibilité d'utiliser ces meilleures terres au Québec pour des fins agricoles. Cela m'a fait grand plaisir d'être le premier député qui a pu vraiment aider, dans ce petit coin, le développement agricole en concertation avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Cela n'avait jamais été essayé dans le passé. Nous sommes actuellement dans une situation où il faut utiliser au maximum toutes nos terres, et spécialement les bonnes terres que nous trouvons à Saint-Hubert, dans le comté de Vachon.

C'est un petit exemple de la concertation et nous comprenons très bien pourquoi c'est nécessaire que le gouvernement dépense ou consacre ses énergies au renouvellement des programmes, mais dans un système où on est prêt à se serrer la ceinture. Nous comprenons cela dans notre comté, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Viau.

M. William Cusano

M. Cusano: M. le Président, les institutions privées d'enseignement ont, pendant longtemps, assuré seules la formation de la jeunesse québécoise. En ce sens, elles font partie de notre patrimoine culturel et social. Il me semble loqique qu'un gouvernement responsable aurait dû tenter, depuis les cinq dernières années, de les conserver. La population attend, depuis longtemps, la politique du gouvernement. Estelle prête cette politique? Sera-t-elle présentée prochainement ou est-elle cachée parmi les différents articles du projet de loi que nous étudions présentement? (23 h 20)

Certains articles du projet de loi devant nous semblent clairement indiquer que le gouvernement a l'intention d'étouffer et d'abolir complètement ce secteur qui comprend même onze institutions privées spécialisées dans l'enfance inadaptée.

Examinons un peu la logique du financement de l'école privée. Celle-ci a été traditionnellement déterminée à partir des coûts de l'année précédente établis dans le secteur public; mais à cause des coupures présentes dans ce secteur, on coupe leurs subventions non pas une fois, mais deux fois. Quel est l'effet à moyen terme? Ces institutions n'auront pas d'autre recours que d'accroître exagérément la contribution des parents ou de fermer purement et simplement leurs portes.

Faisons un tour dans le secteur public où on peut remarquer la même logique ou, devrais-je dire, le manque de logique. Si on voyait un petit groupe, ici et là, se plaindre des coupures, on pourrait peut-être dire que le gouvernement a agi avec raison, mais quand l'ensemble de la population réagit collectivement, elle ne peut pas se tromper, elle n'a pas tort. Pour la première fois depuis longtemps, les commissions scolaires, les syndicats, les parents et un bon nombre de corps intermédiaires intéressés à l'éducation se sont réunis en front commun pour dénoncer les coupures gouvernementales. Ces coupures ont un caractère particulièrement odieux en ce qu'elles dépouillent les écoles des services utiles à l'enfant, mais ne dérangent pas trop l'appareil bureaucratique éléphantesque du ministère de l'Éducation.

Le gaspillage de fonds publics, ce n'est pas dans les écoles qu'il se fait, c'est dans l'existence même d'un appareil bureaucratique énorme qui nuit bien plus souvent qu'il n'aide les écoles à fonctionner. Ni les parents, ni les enfants, ni les directeurs d'école n'ont besoin de concepteurs de documents, de directives ou de règlements qui décident des choses souvent inapplicables dans le milieu scolaire; mais ils ont besoin d'autonomie et de ressources pour décider eux-mêmes des actions et des dépenses qui seraient plus profitables au milieu. Ils ne seraient plus alors inondés de dépliants, de statistiques, de résultats d'enquêtes qui occupent peut-être beaucoup de gens ici, pas très loin, au complexe J, mais qui coûtent affreusement cher et ne servent pratiquement pas à aider l'enfant qui ne sait pas encore lire à l'âge de dix ans, ou qui n'a comme milieu affectif que sa classe.

On a dit dans cette Chambre que c'était dans le gras qu'on coupait. On acceptera de couper ce gras, mais jusqu'à présent, personne n'a pu l'identifier. Comment effectuer ces coupures? On ne peut pas toucher le salaire des professeurs, c'est compréhensible; il faut respecter les ententes collectives. On ne peut pas couper

le papier de toilette, le savon, l'eau de javel; on pourrait couper la cire, mais pour l'information de mes collègues d'en face, ça fait longtemps que la cire a été coupée dans les écoles.

Ces coupures ont un caractère arbitraire et illogique. Par exemple, on a indexé de 5% seulement le budget de l'huile à chauffage alors que l'inflation, dans ce secteur, a été l'année dernière de plus de 15%. Le ministère de l'Éducation dit aux commissions scolaires que les budgets sont transférables et que les commissions ont la liberté totale; c'est à peu près le seul droit de gérance qu'il reste aux commissions scolaires.

Celles-ci devront financer le coût réel du chauffage en réduisant certains services éducatifs comme les bibliothèques et le matériel éducatif. La plasticine, la gouache, les tambours, les tourne-disques, les magnétophones et les projecteurs peuvent être considérés comme du gras par le ministre des Finances. Mais pour l'enfant en difficultés d'apprentissage, l'enfant qui a des problèmes auditifs, qui a des problèmes de langage et des problèmes sociaux, ces outils sont aussi et même plus importants que le crayon, le cahier et le livre.

Il y a deux ou trois ans, cette Assemblée a adopté la loi 71. Je me demande si, en un sens, on n'a pas induit la population en erreur car la loi a créé des comités d'orientation, au niveau de l'école, pour orienter le programme de l'école vers son milieu. Est-ce qu'il y a quelqu'un ici, dans cette Chambre, qui pourrait me dire précisément ce qu'il restera à orienter dans une école?

Je me demande si ces enfants qui sont touchés seraient traités de la même façon s'ils étaient syndiqués? Permettez-moi, M. le Président, de faire un autre tour, pour un instant, dans le domaine de l'éducation des adultes. Là aussi, il y a eu des coupures logiques, je devrais peut-être dire illogiques. On nous a dit de belles phrases de l'autre côté de la Chambre. Je cite: Un système éducationnel doit permettre d'acquérir des connaissances et d'intégrer des attitudes et des habiletés en vue de se développer selon ses talents particuliers et ses ressources personnelles, de s'épanouir comme personne autonome, créatrice et responsable.

C'est beau! Mes chers amis d'en face, allez prononcer ces belles paroles aux 3000 usagers du programme des services à la collectivité du cégep de Rosemont. Pour ceux qui ne connaissent pas le programme du cégep de Rosemont, qu'est-ce qu'on a fait? On a pris les ressources matérielles et éducatives et on les a mises à profit par des programmes visant le troisième âge. On n'y enseigne pas, M. le Président, comment jouer au golf devant un miroir, mais on y enseignait la préparation à la retraite pour le troisième âge. On donnait des cours sur le logement, les médias communautaires, le théâtre, l'artisanat populaire, etc.

Le ministère a coupé le budget de ce programme, de 900 000 % à 200 000 $. Quel choix reste-t-il? Augmenter les frais d'inscription de 15 $ par couple à 95 $, M. le Président? C'est une augmentation d'au-delà de 600%. L'autre choix, c'est de l'abolir complètement. Pour mieux comprendre le dilemme auquel font face ces personnes du troisième âge, à Rosemont, permettez-moi de citer une des usagers de ce service, Mme Cécile Saint-Jean. Elle dit: En partant de notre cuisine pour suivre les cours, on ne pensait pas avoir autant de potentiel. L'argent qui sera économisé, avec les coupures, va maintenant se dépenser en médicaments.

M. le Président, où est la logique? Nos amis d'en face disent depuis longtemps que l'école privée est l'école des riches. Mais s'ils s'étaient donné la peine de faire un examen profond, ils se seraient aperçus qu'au-delà des trois quarts des élèves viennent de familles à revenu moyen. Si l'on applique les coupures mentionnées dans le projet de loi no 11, le peu d'écoles privées qui pourront survivre, M. le Président, seront vraiment les écoles pour les riches.

Merci.

Une voix: C'est beau.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Je demande l'ajournement du débat, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée, M. le leader?

M. Charron: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

M. Charron: M. le Président, je propose l'ajournement de la Chambre à demain 10 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion d'ajournement est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Ajournement jusqu'à demain 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 30)

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