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Version finale

32e législature, 1re session
(19 mai 1981 au 18 juin 1981)

Le jeudi 11 juin 1981 - Vol. 24 N° 13

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement, s'il vous plaît.

Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents.

M. le premier ministre.

Rapport de la commission

d'étude sur l'accès à l'information gouvernementale

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et, parallèlement, sur la protection des renseignements personnels. Je dois aussi informer la Chambre que, dans une heure, vers onze heures, le président de cette commission, M. Jean Paré, rendra le rapport public également pour les médias d'information.

Le Président: Rapport déposé. M. le ministre de la Justice.

Rapport d'activité de la Sûreté du Québec 1980

M. Bédard: M. le Président, je dépose le rapport d'activité de la Sûreté du Québec pour l'année 1980.

Le Président: Rapport déposé.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je voudrais, à ce moment-ci, solliciter le consentement de l'Assemblée pour avoir l'autorisation de déposer un projet de loi qui n'apparaît qu'en appendice actuellement au feuilleton et qui concerne certaines dispositions législatives en matière de logement.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement unanime?

M. Lévesque (Bonaventure): Oui, M. le Président.

Le Président: Consentement pour le projet de loi no 20.

M. Charron: Je vous prierais d'appeler ce projet de loi maintenant, M. le Président.

Projet de loi no 20 Première lecture

Le Président: Le ministre délégué à l'Habitation et à la Protection du consommateur propose la première lecture du projet de loi no 20, Loi modifiant le Code civil et certaines dispositions législatives en matière de logement.

M. le ministre.

M. Guy Tardif

M. Tardif: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le projet de loi no 20 modifiant le Code civil et certaines dispositions législatives en matière de logement.

Ce projet de loi a pour objet de modifier le Code civil afin de permettre à la Régie du logement d'examiner avec plus de souplesse les avis que se donnent mutuellement les locateurs et les locataires en vertu du Code civil.

Il modifie également la Loi instituant la Régie du logement et modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives afin de limiter le droit de certains propriétaires d'une partie indivise d'un immeuble de reprendre possession d'un logement situé dans cet immeuble.

Une voix: Très bien.

M. Ciaccia: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne sais pas si c'est une question de règlement ou une question de privilège, mais je suis fort étonné d'avoir lu ce matin, dans le journal, le contenu de ce projet de loi. Je ne blâme pas le ministre nécessairement, mais peut-être que le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration a outrepassé ses responsabilités. Je proteste contre cette façon de procéder, d'annoncer le contenu des projets de loi avant qu'ils soient déposés en cette Chambre.

M. Godin: Question de privilège.

Le Président: M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

M. Godin: Je sais que, contre les journalistes, on ne gagne jamais. Aussi, je serai bref pour dire uniquement que le contenu de cet article est faux à 50%, en ce sens que je n'ai révélé aucun contenu d'aucun projet de loi à quelque journaliste que ce soit.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Adopté. Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Période des questions orales des députés. M. le député de Charlevoix.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Les caisses d'entraide économique

M. Maillouxi M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Institutions financières et Coopératives. Je pense, M. le Président, que vous comprendrez que je préférerais m'abstenir de poser des questions, mais il y a quelques jours, en réponse à des questions du chef de l'Opposition, le ministre des Finances a fait un tour d'horizon des problèmes que connaissent les caisses d'entraide économique et il a parlé des avenues possibles par lesquelles on pourrait sortir de la crise qu'on a connue et qui s'est résorbée en partie depuis. Il a fait mention de différentes options possibles, d'abord de la Société d'assurance-dépôts fédérale qui pourrait fournir certaines liquidités vu son entente avec la Régie de l'assurance-dépôts du Québec. Il a parlé de faire appel à certaines autres sociétés prêteuses, de l'aide possible qui pourrait être apportée par des caisses mieux nanties, aidant celles qui sont en difficulté.

Est-ce que le ministre des Finances voudrait - comme je l'ai pressenti déjà depuis le tout début de la semaine - à ce moment-ci faire d'abord un tour d'horizon de l'ensemble des discussions qu'il a pu avoir et avec le mouvement et avec l'ensemble des intervenants dans les avenues dont il a parlé récemment et essayer d'informer valablement la Chambre sur l'état de la situation au moment où on se parle et les espoirs que peuvent laisser entrevoir les discussions qui sont en cours actuellement?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: Très volontiers, M. le Président. Depuis dix jours à peu près, on sait que les caisses d'entraide ont été soumises à une très forte pression sur leurs liquidités dans la mesure où des membres, ou bien encore des détenteurs de dépôts à terme, ont demandé de pouvoir retirer leurs fonds. Cette pression, qui a été très forte au cours des premiers jours, ainsi qu'on a pu le constater par les articles qui, périodiquement, étaient publiés à ce sujet, a été considérablement accrue par un débat public, par le truchement des journaux, en particulier, après une série d'émissions à la télévision, par des articles de journaux très durs, c'est le moins qu'on puisse dire. (10 h 20)

Je ne vous cacherai pas que dans des circonstances aussi pénibles que celles-là, il me semble qu'une certaine modération est de mise. Je déplore que dans certains quartiers on n'ait pas toujours, pendant ces jours-là, pratiqué la modération qui s'impose. Mais c'est un fait, ça s'est produit comme ça et certains médias ont cru bon littéralement de jeter de l'huile sur le feu à l'égard, encore une fois - je répète ici ce que je disais précédemment - d'un mouvement qui est rentable, qui a connu des problèmes de liquidité sérieux, mais dont la rentabilité est clairement établie.

Depuis quelques jours, la pression est un peu moins forte. Même, je pense qu'on peut dire qu'elle est nettement moins forte. Le problème, cependant, reste le même. On sent très bien une grande nervosité, en particulier, assez curieusement, dans les caisses urbaines, et ça c'est un peu une surprise, où, comment dire, les contacts entre les membres sont moins fréquents que dans les régions éloignées. Je pense qu'une des caractéristiques qu'on aura observées depuis une dizaine de jours, c'est que dans de petites villes où les gens se connaissent mieux et se parlent davantage, le mouvement a très bien fonctionné, mais que surtout dans les banlieues de grandes villes, on a assisté là à des mouvements de nervosité tout à fait indiscutables. Encore une fois, ça s'atténue, mais ça reste très nerveux.

La Régie de l'assurance-dépôts du Québec a, dans le sens de ce que j'avais indiqué la dernière fois que nous sommes intervenus en Chambre à ce sujet, commencé à appuyer financièrement la Fédération des caisses et des caisses individuellement de façon à leur fournir les liquidités additionnelles. C'est commencé depuis le début de cette semaine. Il reste maintenant à examiner les correctifs. Une voie de

redressement qui avait été assez longuement discutée, a été finalement laissée de côté par la Fédération des caisses d'entraide. Et elles explorent, bien sûr, en contact avec nous, en contact avec d'autres, deux autres voies, à l'heure actuelle. L'une de ces voies les maintiendrait dans une autonomie complète. L'autre impliquerait des rapports assez étroits, que je ne peux pas qualifier pour le moment, avec d'autres institutions financières.

On me permettra, M. le Président, de ne pas être trop précis quant à l'exploration de ces deux voies parce qu'elles sont très activement discutées. Nous avons passé une bonne partie de la journée d'hier à en discuter ensemble: les discussions ou certaines propositions sont en train d'être élaborées ce matin. Je n'aurai pas avant la fin de la journée, je pense, les éclaircissements nécessaires pour être plus concret que je le suis ce matin. Mais je pense que, normalement, en très peu de jours, - quand je dis "en très peu de jours", je veux dire au maximum en cinq ou six jours probablement - au tout début de la semaine prochaine, on sera fixé sur la voie à adopter pour le redressement d'un mouvement qui, encore une fois, n'eût été de cette pression extraordinaire dans l'opinion publique au cours de la semaine dernière, aurait réussi plus facilement et plus rapidement le redressement qui s'impose, le redressement qui est nécessaire.

Il ne s'agit pas ici de chercher à nier que, sans doute, il y a eu certaines imprudences de ce côté-là, mais il ne faut pas nier non plus que c'était un mouvement et que c'est encore un mouvement rentable et qu'il est important ici que les pouvoirs publics, avec des institutions comme celle-là, collaborent, d'une part, à une aide financière aussi active qu'il est possible pendant qu'une crise éclate et, d'autre part, à la recherche de moyens de redressement nécessaires. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, vous m'excuserez si au tout début de ma question supplémentaire, je ne vais pas tout de suite à la forme interrogative. C'est que devant toute la prudence, que je comprends, du ministre je sais que je dois en avoir également.

M. le Président, dans les avenues dont on parle, afin d'aider une possibilité de règlement, le ministre vient de dire que c'est un mouvement qui doit demeurer. C'est un mouvement nationaliste québécois qui, je pense, a aidé un peu partout dans les régions et dans les régions marginales du Québec. De ce fait, il était déjà placé dans des positions peut-être un peu plus délicates que certaines sociétés prêteuses. Peut-être également que le capital de risque qu'il a été appelé à placer subissait également des dangers plus grands. Ce que je voudrais dire au ministre, c'est que dans la responsabilité gouvernementale, je constate actuellement, si mes renseignements sont bons, que de la part du gouvernement fédéral, la Banque fédérale de développement, en discussion actuellement avec certaines caisses qui sont les plus touchées, a tenté, semble-t-il - je donne cela sous réserve - d'offrir immédiatement de remplacer comme créancier hypothécaire dans certains risques industriels, dégageant d'autant les liquidités... Je comprends que la Banque fédérale de développement va prêter à un tarif correspondant à l'inflation qu'on connaît ces jours-ci. Est-ce que le gouvernement provincial, vu la responsabilité gouvernementale, ne devrait pas, dans un premier, temps, en plus des fonds qui ont été fournis par la Régie de l'assurance-dépôts du Québec et celle du fédéral, examiner l'issue dont je parlais tantôt privément avec le ministre? C'est la suivante.

Le Parlement a voté, il y a au-delà d'un an, un fonds de 250 000 000 $ au ministre de l'Industrie et du Commerce de l'époque pour des prêts dans le domaine touristique. La Banque fédérale de développement agit principalement dans le secteur industriel et commercial. Tous ces prêts ont été consentis dans le domaine touristique et je pense que le gouvernement du Québec devrait regarder du côté de la SDI et à l'intérieur de ce qui reste du fonds de 250 000 000 $. Devant la responsabilité du gouvernement, est-ce que le ministre des Finances et ministre des Institutions financières ne croit pas qu'il serait sage d'étudier à fond la tentative qui devrait être faite par la SDI pour agir en remplacement des caisses d'entraide sur quantité de prêts touristiques consentis par les caisses d'entraide et qui pourraient dégager des liquidités aux caisses d'entraide économique? Je pense que ça pourrait aider le ministre dans les discussions qu'il a actuellement avec d'autres sociétés.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je remercie le député de Charlevoix de sa suggestion. Je pense que, effectivement, il peut y avoir là un ajout, une aide additionnelle, si tant est que la chose est possible, par la SDI. Je pense que ça vaut la peine, effectivement, d'explorer cela. Cependant, il ne faut pas trop se faire d'illusions sur l'ampleur des montants possibles; on le voit bien d'ailleurs par certaines des tractations que tente actuellement la Banque fédérale de développement.

(10 h 30)

II reste qu'il y a certains transferts de créances de cet ordre qui peuvent se faire à l'heure actuelle par le truchement de la banque fédérale, mais, évidemment, à des taux d'intérêt très élevés. D'autre part, je pense qu'il vaut la peine d'explorer ce que la Société de développement industriel peut faire aussi, mais mon impression c'est que cela restera des ajouts relativement limités par rapport à l'ensemble des besoins. Il n'y a pas de doute qu'à l'heure actuelle, le moyen d'intervention le plus fort dont on dispose, c'est la Régie de l'assurance-dépôts du Québec - appuyée d'autre part, comme l'indiquait le député de Charlevoix - qui va tirer les liquidités nécessaires, en vertu d'une entente qui a été négociée par le gouvernement du Québec il y a une douzaine d'années, à la Société d'assurance-dépôts du Canada. C'est cela le canal principal. Maintenant, qu'il y en ait d'autres qui s'ajoutent de part et d'autre de cela, je pense qu'effectivement il faut explorer toutes les voies et ajouter toutes les voies les unes aux autres. Cela me paraît être une suggestion intéressante. Encore une fois, je pense qu'elle est plus limitée peut-être qu'on ne l'imagine, mais enfin, il n'y a pas de raison de ne pas l'explorer.

M. Brassard: M. le Président, une question additionnelle.

Le Président: M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président, on peut lire dans la Presse d'aujourd'hui qu'on présumait qu'il était possible que les caisses d'entraide refusent l'aide de Jacques Parizeau via les crédits débloqués par le fédéral, la Société d'assurance-dépôts, s'il se montre trop exigeant - je cite - "sur le taux d'intérêt ou sur les conditions du prêt."

Ce que je voudrais savoir c'est si le ministre des Finances en est arrivé à une entente ou à un accord hier avec le mouvement des caisses d'entraide relativement aux modalités de cette aide.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, je ne sais pas si je dois vraiment commenter l'article du journal en question. Je l'ai lu, bien sûr, sauf qu'hier on discutait d'à peu près tout, sauf de cela. Manifestement il y a quelqu'un qui... Une des caractéristiques les plus difficiles de ce dossier depuis une dizaine de jours, c'est Dieu! qu'il y en a qui aiment parler!

Manifestement dans ce dossier il y a des gens - comment dire? - qui ont de la difficulté à modérer une sorte d'incontinence verbale. Ce n'est justement pas le genre de dossier, justement pas le genre de situation où il faut comme cela grimper à tous les rideaux qui se présentent.

Dans ce sens, je dirai simplement que je crois que les discussions qui ont lieu à l'heure actuelle sont susceptibles d'apporter, je le pense, la solution que nous cherchons. Je n'irai pas plus loin, sauf noter, M. le Président, que j'aimerais que les discussions soient aussi sereines et aussi sérieuses qu'elles le sont dans cette Assemblée. Si seulement, à l'extérieur de l'Assemblée nationale, on pouvait simplement modérer les transports et améliorer les communications, ce serait beaucoup mieux.

Le Président: M. le député de Charlevoix.

M. Mailloux: M. le Président, en raison du fait que le ministre des Finances n'a pas complété l'ensemble des avenues qui ont été explorées, est-ce qu'il ne serait pas sage qu'actuellement, en province, on ne prenne pas de décisions finales radicales, alors que, comme hier soir, ce soir se tiennent des assemblées presque partout et qu'on ne semble pas donner de réponses adéquates? Est-ce qu'il ne serait pas sage qu'on attende au moins les trois ou quatre prochains jours pour savoir si le gouvernement, avec toutes les discussions sur les caisses d'entraide, aura de meilleures réponses à donner pour éclairer l'ensemble des gens du Québec? Est-ce qu'il ne serait pas sage que ces assemblées soient retardées de deux ou trois jours ou est-ce dangereux de les retarder?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, il m'est un peu difficile de me substituer ici à la Fédération des caisses d'entraide pour lui dire comment procéder. Je sais qu'il se tient beaucoup d'assemblées à l'heure actuelle un peu partout à travers le Québec. Dans certains cas, il s'agit d'assemblées d'information. Soit les caisses locales, soit la fédération jugent bon d'en tenir pour donner des renseignements. Je ne peux pas leur dire qu'elles ont raison ou qu'elles ont tort, mais je pense que le député de Charlevoix a parfaitement raison lorsqu'il suggère qu'au moment où justement tout est en discussion, en principe au moins, quitte à réexaminer la situation sur le terrain, il vaut peut-être mieux effectivement attendre quelques jours que les solutions aient été élaborées, plutôt que de se lancer tout de suite dans des multiplications d'assemblées, à moins, bien sûr, qu'elles ne servent qu'à discuter de la situation locale de la caisse.

C'est pour ça que, tout en reconnaissant le bien-fondé de ce que dit le

député de Charlevoix, il faut quand même avoir une confiance élémentaire dans la Fédération des caisses d'entraide économiques et dans la direction de chacune des caisses quant à savoir, sur le terrain, avec leurs membres, de quoi elles doivent discuter.

Le Président: Question principale, M. le député de Nelligan.

Le projet Stablex à Blainville

M. Lincoln: M. le Président, je veux poser une question à mon ministre favori, le ministre de l'Environnement. C'est au sujet du projet Stablex dont il a déjà entendu parler, dans la vallée des conflits d'intérêts, Blainville.

Pour situer un peu le problème très brièvement, le ministre a confirmé hier que justement il y avait eu deux gros contrats pour M. Vallée, un de 99 909,37 $ un autre d'un peu plus de 57 000 $.

Une voix: Et le reste et le reste.

Des voix: Cela fait mal!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lincoln: II a aussi confirmé qu'il aurait eu des discussions avec M. Vallée, le ou vers le 8 septembre 1980 ou avant, mais il ne se rappellait pas la date.

Ces deux éléments sont établis. Il y en a un qui reste très flou, celui du rapport de révision auquel j'ai fait allusion à plusieurs occasions depuis plusieurs jours. J'ai demandé au ministre s'il l'avait présenté au Conseil des ministres; il m'a dit: Non, ça n'a pas été présenté, c'est un parmi quelque chose comme 42 rapports, c'est un rapport interne, c'est un des nombreux rapports. Hier, il a déposé celui-ci, le rapport de dix pages du sous-ministre, qui a été présenté au Conseil des ministres. Comme il y a des différences, beaucoup de choses qui apparaissent ici et beaucoup de choses qui n'apparaissent pas là, il est très important de situer ce rapport de révision.

Ma question au ministre est celle-ci. N'est-il pas vrai que ce rapport de révision dont j'ai mentionné le numéro de dossier situe, comme tous ces genres de rapports, les éléments suivants? Je cite: "Ce rapport constitue le commentaire du ministre de l'Environnement sur le projet visé. Le rapport de révision débouche sur une recommandation au ministre et constitue un des deux documents - pas des 42 - le deuxième étant le rapport sur les audiences publiques - donc, ce sont les deux documents principaux - que le ministre étudiera avant de présenter l'étude d'impact et la demande de certificat d'autorisation au Conseil des ministres pour décision." Voici ma question:

Est-ce que ce rapport n'est pas vraiment le rapport principal, autre que le rapport du Bureau des audiences publiques?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Léger: M. le Président, étant donné que le député a fait un certain préambule, je me permettrai de situer les faits dans leur juste réalité.

J'aimerais d'abord, à la suite du premier préambule où on a dit que j'avais confirmé les contrats avec M. Vallée, dire au député que c'est depuis le début que je lui dis que Claude Vallée travaille au ministère de l'Environnement, et ce depuis 1978.

Pour que le député puisse analyser correctement les relations, il y a des dates charnières importantes dans le développement de ce dossier Stablex. D'abord, M. le Président, le 19 septembre 1979, il y a eu une étude, par le ministère, de treize sites au Québec pour implanter une usine de traitement des déchets industriels, et le camp Bouchard, de Blainville, était retenu comme un site acceptable à l'époque. C'est donc dire que, le 19 septembre 1979, c'était un des treize sites.

En mai 1980, il y a eu une rencontre avec le ministre fédéral des Pêches et de l'Environnement qui s'est dit prêt à céder des terres fédérales aux provinces pour des fins d'usine de traitement des déchets industriels.

Le 18 août 1980, nous avons annoncé publiquement que nous retenions le procédé de Stablex, sans déterminer des sites. (10 h 40)

Le 21 août 1980, il y a eu des fuites dans la presse disant que c'était pour être situé à Laval. À ce moment-là, M. le Président, il y a eu, dans la semaine qui a suivi, une rencontre des représentants de Stablex et des autorités de Laval pour parler de la possibilité d'aller à Laval. C'est à ce moment-là qu'on a publié dans les journaux que le maire refusait que Stablex aille à Laval.

Le 7 novembre 1980, j'ai annoncé que Stablex n'irait pas à Laval, à cause, entre autres, de la décision de la ville qui ne le voulait pas et aussi à cause des problèmes de spéculation de terrains.

Le 8 septembre 1980, il y a eu la résolution, à Blainville. Donc, rappelons-nous la date du 8 septembre 1980. C'est donc dans la période où le site de Laval semblait ne plus être considéré.

Le 18 novembre, la compagnie Stablex demandait un certificat soit pour Blainville, soit pour Mascouche. C'est donc à ce moment-là, le 19 novembre, le lendemain, que nous avons mandaté le Bureau des audiences publiques sur l'environnement pour aller se renseigner auprès de la population de

Blainville et de Mascouche parce que c'étaient les deux municipalités où les conseils municipaux avaient fait une demande pour l'installation de cette usine.

Avant le 15 décembre et à partir du 19 novembre, a commencé à circuler la fameuse pétition sous de fausses représentations, comme je le démontrais hier. L'audience publique a eu lieu les 15 et 16 décembre, en première partie; il y a eu une deuxième partie des audiences publiques, pour la présentation des mémoires, qui s'est terminée le 2 février. C'est le 8 mai que le rapport du BAPE a été remis pour conclusions. C'est dans cette période, à la fin de mai, que j'ai eu le rapport du sous-ministre sur les résultats des audiences publiques et la recommandation du sous-ministre à son ministre concernant l'ensemble des rapports qui ont circulé à l'intérieur de mon ministère, qui sont des rapports, comme je l'expliquais hier - ce que ne semble pas comprendre le député - internes, des rapports de différents spécialistes qui analysent les études d'impact, qui analysent les différents aspects environnementaux; ils se contredisent souvent entre eux parce que ce sont des professionnels qui ont souvent des visions différentes des choses. Je n'ai pas à rendre publics des conflits de perception de professionnels à l'intérieur d'un ministère alors que la structure d'un ministère veut que plus on approche du sous-ministre, plus on fait le lien avec l'ensemble des recommandations des professionnels qui sont là. C'est donc le 13 mai qu'il y a eu un décret pour Blainville.

Maintenant, concernant le lien que le député essaie de voir - ce n'est que dans sa tête - entre le fait qu'il y ait un M. Claude Vallée qui travaille chez nous... M. Vallée travaille chez nous depuis octobre 1978, c'est bien avant cela. Contrairement à ce que le député a mentionné - il y a toujours des irrégularités, des inexactitudes dans les affirmations du député pour faire son affaire, mais ce n'est pas ça - hier, qu'il y a eu deux contrats en dedans de sept mois, c'est faux. Le premier contrat a été accordé en octobre 1978, pour six mois, pour quatre contractuels, d'octobre 1978 au 31 mars 1979; la deuxième année, il y a eu un deuxième contrat comme c'est le cas avec les 20 contractuels qu'on a chez nous dans le programme d'assainissement des eaux. Il a été signé le 18 avril 1979 et se terminait le 31 mars 1980, pour un montant de 59 325 $, ce qui est un tarif moyen dans l'ensemble des autres contrats que nous avons avec les contractuels, chose bien normale.

Le troisième contrat a été accordé en avril 1980, donc un an après, pour la période d'avril 1980 au 30 septembre 1981, un contrat d'un an et demi. Les chiffres que le député essaie d'amplifier, c'est pour pratiquement trois ans; je pense que le député charrie un peu.

Le Président: S'il vous plaît, en terminant.

M. Légère Je voudrais simplement résumer en disant que les trois questions que le député s'acharne à poser tous les jours, je n'ai pas d'objection à ce qu'il pose des questions sur l'environnement, on n'en avait pas avant, mais qu'il respecte au moins la vérité et l'intégrité des gens concernés.

La première question. Il a toujours parlé d'un rapport secret qui aurait dû aller au Conseil des ministres. Je regrette, des rapports internes, il y en a beaucoup. Ceux qu'il mentionne, cela s'est résumé dans le rapport que le sous-ministre me fait, comme dans n'importe quel ministère, et c'est là-dessus qu'on a pris une décision. J'ai démontré jusqu'à quel point il y avait toutes sortes de tractations dans la région de Blainville, peut-être des gens de l'extérieur de Blainville qui ont intérêt à empêcher le développement économique de la région de Blainville. II faudrait peut-être voir pourquoi.

Des voix: Oh! Oh! Oh!

M. Léger: J'ai démontré que son rapport avait été falsifié; donc, première balloune dégonflée. Deuxième balloune dégonflée, c'est quand j'ai démontré que la pétition est non pas de 6500 noms, mais de 5000 noms de gens qui ont signé contre un dépotoir. Même le maire de Blainville a signé contre le dépotoir puis a approuvé le site pour avoir l'industrie chez lui. J'ai encore dégonflé la deuxième balloune et aujourd'hui on voit qu'il n'y a aucun lien, aucune irrégularité entre quelqu'un qui travaille chez nous dans un domaine, qui est complètement différent de celui de l'assainissement des eaux, et celui auquel le député se réfère. C'est dans son imagination.

Le Président: M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: II y a beaucoup d'applaudissements pour une longue réponse. Ma question n'était pas du tout cela. Ma question n'était pas la répétition des choses qu'il a dites hier. Ma question était bien simple. Est-ce que ce rapport, dont j'ai cité des clauses, était un des deux documents principaux qui formaient justement la grosse étude pour Blainville? C'est ça que j'ai demandé et il ne m'a pas répondu. En tout cas, une chose très importante est sortie de cela. Le ministre dit que l'emplacement de Blainville avait été étudié depuis 1978.

Des voix: 1979

M. Lincoln: 1979, excusez-moi. Alors, je voudrais justement, puisque le ministre a fait

cette déclaration, lui demander: Est-ce que ce rapport de révision, qui est un des deux documents, il ne sait pas que c'est fait par quatre des experts du ministère appuyés de huit des conseillers experts du ministère? Le rapport principal dit que la recherche de l'emplacement procède d'un cheminement logique appuyé sur des critères précis permettant de réduire les territoires à l'étude en procédant par éliminations successives et débouchant sur l'emplacement qui a le moins d'impact sur l'environnement. Cette démarche n'a pas été suivie par Stablex et c'est là le point le plus critiquable de son projet. La compagnie retient pour étude en premier emplacement offert par la municipalité de Blainville, mais qui n'avait pas été étudié par le MEQ. Alors, le ministre est en conflit, non pas avec moi, il est en conflit avec ses propres experts.

D'autre part, l'emplacement de Blainville n'est pas justifié et il n'est pas démontré...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: À ce stade-ci, s'il vous plaît, j'aimerais rappeler et au ministre de l'Environnement et au député de Nelligan - j'ai laissé faire également le deuxième préambule du député - que je n'ai rien contre les débats entre le ministre de l'Environnement et le député de Nelligan, au contraire, c'est très intéressant. J'aimerais rappeler à ces deux députés qu'un article de notre ancien règlement disait qu'on ne pouvait poser plus d'une question principale sur le même sujet dans la même semaine. Or, vous remarquez que la présidence, depuis le début, accepte que le député de Nelligan et le ministre de l'Environnement aient un débat... Lorsque le nouveau règlement est silencieux, la présidence regarde l'esprit de l'ancien règlement.

Je demanderais aux deux, et au ministre de l'Environnement, qui a été très long et trop long dans sa réponse, et au député de Nelligan, de faire preuve de collaboration.

M. Lincoln: Je m'excuse.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue, le député de Nelligan, mais je pense bien que si la présidence trouve que le règlement actuel est silencieux à ce sujet, nous avons, un usage constant, une tradition constante depuis l'arrivée de ce nouveau règlement; je n'ai qu'à penser à certains moments où nous étions de l'autre côté de cette Assemblée et que chaque jour on se levait ici sur les mêmes questions. Je pense que la tradition est assez longue et je pense que le sujet est assez important pour qu'on ne laisse pas passer un jour sans revenir sur le sujet.

Le Président: Oui, mais il y a un endroit où le règlement n'est pas silencieux, c'est que les réponses des ministres doivent être brèves. D'autre part, que les questions additionnelles ne doivent pas comporter de préambule. M. le député de Nelligan.

M. Charron: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement. (10 h 50)

M. Charron: M. le Président, pour éviter le débat, puisque c'est toujours, depuis cinq ou six jours, toujours la même question et toujours la même réponse, je pourrais peut-être leur proposer un voyage de pêche ensemble.

Le Président: M. le député de Nelligan. Une voix: Pas cette "vallée": Une voix: II n'est pas à vendre!

M. Lincoln: Avant le voyage de pêche, mais sûrement pas dans les eaux toxiques de Blainville, je veux poser deux petites questions additionnelles au ministre et je vais passer pour demain pour vous donner du répit. Je reviendrai mardi.

Première petite question additionnelle. Compte tenu de ce qu'on a dit et de ce qui est dans ce rapport, le ministre abandonnerait-il Blainville qui semble justement être un site très défavorisé dans le rapport? Deuxièmement, le ministre fait état de 42 rapports; ne parle-t-il pas plutôt de 42 références, de 42 documents de référence de ce rapport de révision? Je lis les références du rapport de révision qui sont au nombre de 42 et qui incluent de nombreuses lettres et notes de service. Est-ce que c'est cela, les 42 rapports dont il parle?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Léger: M. le Président, cela aurait été beaucoup plus bref si le député avait osé parler de ce sujet pendant les crédits où nous avons eu cinq heures. On aurait pu en parler dans tous les détails. Le député a préféré venir ici; c'est son privilège.

M. le Président, premièrement, nous n'abandonnons pas, absolument pas, le site de Blainville comme un des meilleurs choix puisque, les onze conditions que nous avons obtenues lors du décret du Conseil des ministres pour l'implantation à Blainville stipulent précisément des réponses à des attentes des citoyens de Blainville. C'est ce qu'on demande à Blainville: une autre étude hydrogéologique, une bretelle permettant l'accès à l'autoroute et, en même temps,

l'accès aux camions pour s'y rendre, ainsi qu'un bon de 1 000 000 $ de la compagnie, un investissement de 18 000 000 $ pour la municipalité de Blainville, ainsi qu'une série d'autres mesures que nous avons mises de l'avant. Donc, nous n'abandonnons pas parce que, premièrement, il est absolument important qu'il y ait une usine de traitement des déchets. Le député de Nelligan est-il contre le fait qu'on ait une usine de traitement des déchets au Québec? Première question.

Des voix: Oh!

M. Léger: Deuxièmement, si le député est contre le site de Blainville, qu'il le dise et pourquoi. Pour nous, M. le Président, c'est une demande qui provient des élus municipaux. Nous répondons aux besoins des citoyens. C'est un avantage pour la région et c'est une réponse aux problèmes de l'environnement de tout le Québec.

Des voix: Bravo!

M. Lincoln: M. le Président...

Le Président: Puisque vous nous avez annoncé que vous reviendrez demain, à demain, M. le député.

M. Lincoln: ...question de règlement.

Le Président: Question de règlement? Question de règlement.

M. Dauphin: M. le Président...

M. Lincoln: J'ai envie de recevoir une réponse, M. le ministre.

M. Fallu: M. le Président...

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Groulx.

Des voix: Oh!

M. Fallu: M. le Président, je ne demanderai évidemment pas au ministre ce que le député de Nelligan cache sous l'ensemble de ses questions ou semble cacher comme intérêts. Veut-il absolument participer à la bataille entre "sealosafe" et d'autres compagnies qui veulent s'installer au Québec? Mais j'ai une question à poser au ministre.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, voici que notre règlement prévoit qu'on ne peut pas poser des questions dans la forme que vient d'utiliser le député. Si le député a quoi que soit à reprocher au député de Nelligan, qu'il ait le courage de le faire et de le faire en vertu des dispositions de notre règlement.

Le Président: Question additionnelle.

M. Fallu: J'aimerais demander au ministre si le député de Nelligan s'est rendu, hier ou ce matin, à l'offre qui lui avait été faite d'aller consulter en privé les quelque 42 rapports pour avoir un éclairage qui soit le moindrement objectif.

Le Président: Brièvement, s'il vous plaît.

M. Léger: M. le Président, je dois répondre brièvement que le député de Nelligan ne semble pas vouloir connaître la vérité. Je lui ai offert de venir voir. Il n'est pas venu. Je lui ouvrirai tous les livres, parce que je pense qu'il y a des choses confidentielles, mais un député même de l'Opposition qui a un intérêt à l'environnement verrait dans les dossiers que je lui montrerais que c'était la meilleure décision. Le député n'est pas venu, mais l'offre est encore là.

Le Président: Question principale.

M. Lincoln: M. le Président, question de privilège.

Le Président: Question de privilège, M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Je propose que ces questions étant des questions d'ordre public, elles n'ont rien à voir avec la confidentialité. Comme question de règlement, je voudrais demander au ministre de répondre à la seconde partie de ma question qu'il a évitée, sur les 42 références de son document.

Une voix: M. le Président, question principale.

Le Président: Question principale, M. le député de Marquette.

Prêts et bourses pour étudiants

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Éducation. On a remarqué, dans la presse de ce matin, que ça commence à gronder de l'autre côté de cette Chambre - heureusement, il est grand temps - concernant le budget du ministre des Finances. Durant la campagne électorale, le premier ministre, ainsi que certains autres ministres du gouvernement,

avait pris certains engagements à l'endroit de la jeunesse étudiante du Québec, notamment concernant l'indexation des prêts et bourses pour la prochaine année. On se rend compte, à la lecture du budget, que non seulement on n'indexe pas les prêts et bourses, mais qu'en plus, on coupe de 10 000 000 $ le budget alloué à cette fin.

Considérant que la jeunesse étudiante est des plus démunies financièrement, considérant également que ces coupures peuvent entraîner encore plus de chômage chez nos jeunes du Québec, j'aimerais demander au ministre de l'Éducation s'il entend faire pression auprès de son collègue des Finances et du premier ministre afin que la situation puisse être changée et qu'on ne berne plus les étudiants comme on l'a fait durant la campagne électorale.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: M. le Président, je vois que le député prend de l'avance sur l'étude des crédits qui doit commencer aujourd'hui. J'aurai amplement l'occasion de répondre à toutes les questions, et en détail, sur ce sujet, mais puisqu'il veut aborder ce point à l'Assemblée nationale, je lui dirai que les engagements que nous avons pris depuis le 13 mars a ce sujet - il y en a eu un certain nombre - seront respectés. Il reste cependant que lorsqu'une décision est prise, que ce soit une décision politique ou une décision budgétaire, il faut ensuite l'incarner dans des règles budgétaires. À ce moment-là, il importe d'en étudier la portée, la signification et, deuxièmement, il importe d'en saisir l'ampleur au point de vue budgétaire. C'est toute la différence qui existe entre un engagement général et son application dans la pratique.

Afin que nous soyons en mesure de présenter et d'adopter bientôt les règles budgétaires soumises aux intéressés, il importe donc de procéder à cet examen pratique quant à la portée et à l'ampleur des décisions politiques et budgétaires que nous avons prises. C'est ce à quoi nous nous employons actuellement, et c'est la raison pour laquelle nous en discutons au caucus et au Conseil des ministres, et les décisions quant aux règles budgétaires seront adoptées incessamment dans le prolongement et dans le respect intégral des engagements que nous avons pris.

M. Laonde: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est étonnant d'entendre le ministre dire qu'il est en train d'étudier les implications des décisions qui ont été prises. On aurait souhaité que ces études eussent été faites avant de prendre les décisions annoncées par le ministre des Finances. Est-ce que le ministre de l'Éducation peut nous expliquer les raisons qui ont motivé le gouvernement à couper au niveau des bourses et augmenter le budget au niveau des prêts, encourageant ainsi l'endettement des étudiants?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: M. le Président, je rappelle au député de Marguerite-Bourgeoys les engagements électoraux que nous avons pris, et même préélectoraux puisque c'est dès le 13 mars que, dans une mise au point que j'ai envoyée à la presse, je disais que les chiffres qui apparaissaient au livre des crédits ne constituaient probablement pas le chiffre final puisque nous disions que cette somme inscrite aux crédits constituait une prévision basée sur le nombre estimatif de demandes que nous pouvions avoir et sur le montant qui serait accordé en bourses ou en prêts, selon que les étudiants réussissent à se trouver un travail d'été convenable, rémunéré selon un nombre de semaines, qui reste, au moment où on se parle, aléatoire et conjectural. Donc, il n'y a aucune contradiction entre l'engagement que nous avons pris le 13 mars et les chiffres qui apparaissent au livre des crédits. (11 heures)

M. Lalonde: Une courte question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Donc, on vient d'apprendre - et c'est important, parce que le ministre a dit qu'on commençait l'étude des crédits dans quelques minutes pour tout son ministère... Combien d'autres chiffres dans les crédits de son ministère ne sont pas finals?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Laurin: Tous les programmes subventionnaires où la réponse est aléatoire et fluctuante et dépendant de la conjoncture appartiennent à cette catégorie.

M. Picotte: M. le Président.

Le Président: M. le député de Chambly, tout en vous indiquant qu'il reste une minute à la période des questions.

Modifications aux normes d'aide à l'amélioration du rendement des fermes

M. Tremblay: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Avant la loi du zonage agricole la presque totalité des terrains agricoles du comté de Chambly n'étaient plus cultivés ayant soit été achetés par des spéculateurs étrangers ou laissés à l'abandon par les propriétaires. Depuis la loi sur le zonage agricole, plusieurs cultivateurs sont maintenant intéressés à remettre en état ces terres du comté de Chambly qui sont, comme vous le savez, considérées comme étant parmi les meilleures au Québec.

Malheureusement, le ministère de l'Agriculture a modifié les normes du programme de subventions visant à aider les producteurs agricoles à améliorer le rendement de leur propriété par l'installation du système de drainage souterrain. Je voudrais donc savoir du ministre pourquoi ces normes ont été modifiées, considérant que le programme est éminemment utile et contribue à augmenter la productivité des terres du Québec.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, je remercie le député de Chambly de poser des questions en matière agricole, parce que, je m'aperçois que depuis quelques jours le député de Beauce-Sud a abandonné.

Concernant le drainage, c'est que nous avons mis une limite de 25 000 $ de subvention par agriculteur pour le drainage souterrain de façon à répartir un peu mieux les fonds parce que dans la dernière année écoulée, il y a eu des subventions qui ont même dépassé 100 000 $ pour une seule ferme dans le drainage souterrain. Pour faire une meilleure répartition, il y a un maximum de 25 000 $ par cultivateur cette année. En plus, nous avons décidé qu'au-delà de 700 pieds de drain à l'acre - je ne me souviens plus en mètres, je ne suis pas encore familier avec les mètres - le ministère ne paie pas.

Maintenant, il y a eu des représentations parce que dans certains cas il y a un besoin de plus de 700 pieds à l'acre et nous avons voulu mettre une contrainte comme celle-là pour qu'il y ait une plus grande négociation entre l'agriculteur et l'ingénieur qui, souvent, travaille pour des compagnies et il pourrait avoir intérêt à mettre un peu plus de pieds à l'acre. Pour faciliter et inciter à une discussion plus forte entre l'agriculteur et l'ingénieur, lorsqu'il y a confection du plan de drainage, nous avons dit: Au-delà de 700 pieds à l'acre, il n'y aura pas de subvention.

Nous analysons actuellement avec les gens concernés, dans certains cas où ce sera absolument nécessaire, s'il n'y aurait pas moyen de subventionner. Mais on me dit parfois que, dans des productions maraîchères, cela peut rapporter 2000 $, 3000 $ ou 4000 $ l'acre; cela dépend des types de production. S'il y a un excédent de drain à mettre par acre, il y a bien des chances que l'entreprise puisse le payer.

Le Président: Fin de la période de questions.

Motions non annoncées.

Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Avis à la Chambre. M. le leader du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Charron: M. le Président, je voudrais indiquer tout de suite que l'Assemblée ne sera pas convoquée lundi prochain, mais qu'il y aura toutefois trois commissions parlementaires qui seront annoncées au plus tard demain matin. C'est-à-dire les deux régulières déjà prévues pour l'étude des crédits et s'ajoutera à celles-ci la commission de l'éducation, qui n'aura pas fini l'étude de ses crédits cette semaine et qui les poursuivra également lundi après-midi et lundi soir. Donc, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, lundi, il y aura trois commissions parlementaires. Quand, demain après-midi, vers 13 heures, l'Assemblée s'ajournera, ce sera jusqu'à mardi, 14 heures.

Aujourd'hui l'Assemblée sera au travail, ici même dans le salon bleu, jusqu'à 18 heures. Ce soir il y aura, comme hier soir, trois commissions parlementaires; j'en donne avis tout de suite. Au salon rouge ce sera la commission des finances et des comptes publics qui recevra les représentations d'un certain nombre de citoyens convoqués et poursuivra l'étude article par article du projet de loi no 11, jusqu'à 24 heures. À 81-A, c'est le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui procédera à l'étude de ses crédits et, à 91-A, c'est la commission de l'habitation qui étudiera article par article les projets de loi no 1 et no 7, qui lui ont été déférés depuis la semaine dernière.

Ici à l'Assemblée, aujourd'hui, jusqu'à 18 heures, nous poursuivons le débat sur le discours sur le budget.

M. le Président, je fais motion pour que, pendant que la Chambre étudiera ce budget, deux commissions puissent se réunir tout de suite jusqu'à 13 heures et cet après-midi, de 15 heures à 18 heures; la commission de l'éducation, qui commencera l'étude de ses crédits, et la commission de

l'habitation qui procédera également à l'étude de ses crédits.

Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, à deux reprises j'ai demandé au leader du gouvernement quelles étaient les intentions du gouvernement au sujet de la loi 15 sur l'âge de la retraite. Je lui avais également parlé de la possibilité que soient remises les études sur le sujet que, fort probablement, le gouvernement a déjà entre les mains. Il m'avait dit que jeudi on me donnerait une réponse.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Madame est fidèle au rendez-vous, M. le Président. J'informe madame qu'elle recevra dans la journée d'aujourd'hui vraisemblablement ou au plus tard demain, mais je crois que c'est aujourd'hui, la grande majorité sinon la totalité - c'est au ministre d'État au Développement social à remplir cet engagement - des études qui nous ont aidés à prendre cette décision qui est contenue dans le projet de loi.

Quant au projet de loi qui concerne l'abolition de la discrimination quant à l'âge de la retraite, j'ai l'intention de soumettre la deuxième lecture de ce projet de loi à l'Assemblée avant la prorogation de la session et de la déférer à la commission parlementaire pour son étude article par article, au cours de l'été, et au besoin pour des représentations qui nous seraient faites d'ici ce temps.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

Recours à l'article 34

M. Marx: M. le Président, en vertu de l'article 34. Le premier ministre nous a dit, la semaine dernière, que le ministre de la Justice nous dirait si, oui ou non le gouvernement est en faveur de l'infiltration policière des milieux syndicaux et populaires. Je demande au leader si on va avoir cette réponse du ministre de la Justice. Comme il est ici aujourd'hui, il peut donner la réponse; ce serait facile et vite fait.

M. Charron: M. le Président, vous voyez bien qu'il s'agit d'une question tout à fait régulière qui aurait pu venir à peu près cinq fois à la place de questions qui sont inutilement répétées de la part de l'Opposition. Dans la période de questions de 45 minutes chaque jour, il s'agit de ce genre de questions. Le ministre de la Justice est présent depuis la semaine dernière et cette semaine, c'est-à-dire que depuis que le député a posé sa question, il aurait pu la reposer 20 fois.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Le leader parlementaire du gouvernement sait fort bien qu'il s'agit d'un complément de réponse, complément de réponse promis par le ministre de la Justice. On voit régulièrement et vous-même, M. le Président, vous indiquez presque chaque jour, une fois la période...

Le Président: À la fin de la période de questions.

M. Levesque (Bonaventure): À la fin de la période de questions vous dites souvent: Maintenant, tel ou tel ministre va profiter des quelques instants qui suivent pour un complément de réponse. Jamais sans doute avez-vous eu d'indication de la part du ministre de la Justice qu'il avait à formuler un complément de réponse. Il est ici et je ne pense pas que vous ayez reçu cette demande de la part du ministre de la Justice.

Par contre, M. le Président, je suggère respectueusement que c'est à ce moment-ci que le député de D'Arcy McGee doit poser la question sur les travaux de la Chambre en vertu de l'article 34. Autrement, si le ministre ne vous fait jamais signe qu'il a un complément de réponse à faire, à quel moment le député de D'Arcy McGee va-t-il pouvoir s'informer sur la bonne marche des travaux? (11 h 10)

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, s'il n'y a pas eu de complément de réponse, comme le dit le député de Bonaventure, depuis le début, c'est qu'à chaque jour il y a un complément de question qui s'ajoute de la part du député de D'Arcy McGee.

Des voix: Ah!

M. Charron: Ce que je propose...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charron: ...au député de D'Arcy

McGee, c'est d'utiliser le temps régulier de la période de questions pour avoir cet entretien qu'il veut avoir avec le ministre de la Justice.

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Marx: M. le Président, un mot, s'il vous plaît: J'ai l'impression que le leader ne veut pas que le ministre réponde devant...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! En vertu de l'article 34, sur les travaux de l'Assemblée nationale.

M. Marx: L'autre jour, quand j'ai demandé la même information, le leader m'a donné une autre réponse. Il n'a pas dit, l'autre jour, qu'il ne fournirait pas cette information. II a dit qu'il allait vérifier et j'ai compris qu'on aurait cette réponse aujourd'hui.

M. Charron: Je vais vous répondre comme on répond, à ce moment-ci, en vertu de l'article 34, en ce qui concerne les travaux de la Chambre. II n'y aura pas de complément de réponse du ministre de la Justice tant que la question ne sera pas reposée à la période des questions.

Des voix: Ah!

Le Président: M. le député de Verdun.

M. Marx: J'ai une directive à vous demander, M. le Président.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Quand le premier ministre nous dit en Chambre qu'on va avoir un complément de réponse du ministre de la Justice, est-ce que cela fait partie des travaux de la Chambre, oui ou non?

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Verdun.

M. Caron: M. le Président, ma question s'adresse au leader du gouvernement.

Mme Bacon: II ne répondra pas, il ne veut pas.

M. Caron: La majorité des maires de l'île de Montréal veut...

Mme Bacon: Les Expos ont perdu?

M. Caron: ...que la loi de la Communauté urbaine soit restructurée. L'ex-ministre des Affaires municipales a déjà reçu des mémoires. À la commission parlementaire, nous avons posé des questions parce que vous m'avez dit que c'était l'endroit pour le faire. Le ministre n'est pas sûr si, durant l'été, on pourra se réunir. Il reste encore une semaine. Vous m'aviez dit, quand on a ajourné les travaux de la Chambre l'automne dernier, que je vous avais posé la question trop tard. Je vous donne encore une semaine. Vous allez avoir d'autres réunions du Conseil des ministres. Est-ce qu'il sera possible - vous allez avoir la collaboration des membres de notre côté -de siéger pour entendre les mémoires et en finir? Cela fait longtemps qu'on attend après ce projet de loi. Nous, de notre côté, nous sommes prêts. Si vous attendez la rencontre du premier ministre et du maire de Montréal, j'espère que cela va se faire au plus vite pour que les villes de banlieue aient justice.

Le Président: M. le leader.

M. Charron: M. le Président, le député de Verdun recevra une réponse à sa question avant la prorogation de la session, puisque, à ce moment-là, quel que soit le temps où cette prorogation surviendra la semaine prochaine, j'indiquerai - j'annonce tout de suite qu'on sera surpris du menu - un certain nombre de commissions parlementaires qui, à compter du 15 ou 20 août, reprendront le collier ici à l'Assemblée. Le député constatera, à ce moment-là, si celle qu'il réclame est dans le lot annoncé. Si elle ne l'est pas, je lui expliquerai, à ce moment-là, pourquoi elle ne l'est pas.

Le Président: M. le député de Jeanne-Mance, en vertu de l'article 34.

M. Bissonnet: M. le Président, en vertu de l'article 34. Le premier ministre a déposé ce matin les conclusions du rapport Paré sur l'accès à l'information gouvernementale. Est-ce que c'est l'intention du gouvernement de convoquer une commission parlementaire pour étudier les conclusions de la commission Paré et quand?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, ce n'est pas à moi de faire connaître la réaction gouvernementale à ce document. Le Conseil des ministres a décidé hier que le ministre des Communications, responsable de ce secteur dans la machine gouvernementale, communiquerait aux médias d'information, au cours de la journée, une réaction gouvernementale. Cette réaction une fois connue, j'inviterais le député à reposer la question demain.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le

député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, j'aimerais poser une question au leader parlementaire qui m'a indiqué, au début de la semaine, que le projet de loi modifiant la Loi sur HydroQuébec serait déposé incessamment. Je crois que cela a été confirmé par le ministre des Finances aux journaux, hier. La question que j'aimerais poser est celle-ci. Compte tenu de la démission du vice-président aux finances d'Hydro-Québec, compte tenu de la dissension qui règne au sein du conseil d'administration d'Hydro-Québec et du fait que, justement, il y a eu mauvaise préparation et que ce projet de loi pourrait être très nuisible pour la réputation d'Hydro-Québec et pour le plan de financement d'Hydro-Québec, est-ce que le leader pourrait nous indiquer s'il pourrait retarder le dépôt de ce projet de loi pour le reconsidérer, compte tenu de l'Opposition, de la même façon qu'il l'a fait pour le projet de loi no 3 sur le fonds minier?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Le projet de loi sera déposé demain, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Plus d'autres questions en vertu de l'article 34? Affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Charron: M. le Président, je vous prierais d'abord d'appeler l'article 10 du feuilleton.

Prise en considération du rapport sur l'étude du projet de loi no 10

Le Vice-Président (M. Jolivet): Prise en considération du rapport de la commission permanente des affaires sociales qui a étudié le projet de loi no 10, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse.

Il y a un amendement qui se lit comme suit. Motion d'amendement à l'article 18: Que le premier alinéa du paragraphe 74.1 de l'article 18 soit modifié en remplaçant, dans la deuxième ligne, les mots "s'ils" par les mots "et par toute autre personne intéressée ou à sa demande s'ils".

S'il vous plaît! Qu'on sache bien sur quoi on va avoir à voter.

L'alinéa amendé se lirait comme suit: 74.1. Le tribunal peut aussi être saisi du cas d'un enfant par celui-ci ou à sa demande, par ses parents ou à leur demande et par toute personne intéressée ou à sa demande, s'ils ne sont pas d'accord avec.

C'est l'amendement que nous avons à débattre pour le moment.

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je ne savais pas que cette question viendrait ce matin, je n'ai malheureusement pas mon projet de loi avec moi. Je vous remercie de m'avoir donné au moins la copie de l'amendement.

Au moment de l'étude article par article du projet de loi no 10, qui vient modifier la loi 24, nous avons proposé un amendement à l'effet que non seulement le parent ou celui qu'on désigne comme le parent ait un droit d'appel auprès du tribunal pour contester certaines décisions touchant un enfant, mais que cette permission que celui qu'on appelle le parent peut avoir soit étendue à d'autres personnes. Il y a plusieurs raisons pour que ce soit ainsi.

Je sais que, d'une part, les modifications au projet de loi no 24 ont voulu apporter certaines restrictions, par exemple, au nombre des personnes qui peuvent entrer en communication avec un enfant. Elles étaient justifiées à certains égards, par exemple, des enfants qui ont eu des contacts avec peut-être des trafiquants de drogue ou autres et qui, eux, pouvaient, sans qu'il y ait aucune possibilité de restreindre ce type de contact, causer du tort a l'enfant. C'est dans ce sens-là - et on était d'accord avec cela - que la loi 10 apporte certaines restrictions dans ce type de communication qui ne pouvait subir aucune restriction. Je suis d'accord avec le gouvernement, c'est dans l'intérêt de l'enfant.

Par contre, en le restreignant à toute autre personne que celle qu'on définit comme parent dans la loi 24, je pense qu'on vient aussi empiéter un peu sur ce qui pourraient être des droits très légitimes des enfants. Je vais donner deux exemples. Le parent n'inclut pas les frères et soeurs; alors, un frère ou une soeur ne pourrait pas contester une décision. Je parle d'un frère ou d'une soeur majeur qui pourrait, à ses yeux, être défavorable à un enfant. Il faut simplement vivre dans une famille pour comprendre que souvent, surtout dans le cas d'un enfant qui est en difficulté, il n'aura peut-être établi un lien positif qu'avec un frère aîné ou une soeur aînée alors qu'il aura coupé les ponts avec tous les autres membres de sa famille. Souvent, dans des cas comme celui-là, il serait opportun que ces personnes puissent, elles aussi, dans le cas de trois ou quatre décisions prévues à l'intérieur de la loi, aller devant le tribunal. Quand on parle d'une personne intéressée, il ne s'agit évidemment pas de toute personne dont, tout à coup, l'esprit serait traversé par l'idée qu'elle va faire une intervention. Je pense que c'est un terme juridique qui a une signification bien précise. (11 h 20)

Je pense que c'est une façon d'élargir cette mesure et de permettre que ces personnes puissent avoir un recours au tribunal. Dans le fond, l'objet de cet amendement reflète, je pense, l'esprit de la loi qui est toujours d'assurer que dans toute la mesure du possible les droits de l'enfant soient respectés le mieux possible. Je dois vous dire que c'est également une recommandation qui a été faite par la Commission des services juridiques. Je pense que le gouvernement, qui a refusé notre amendement, est tombé un peu dans le piège de la querelle des intervenants psychosociaux et de ceux qu'on appelle les intervenants juridiques. Mai? il faut bien se rappeler que cette loi, et c'est là peut-être le point crucial, essaie d'établir cet équilibre le plus parfait possible, et toujours dans l'intérêt de l'enfant, entre le juridique et le social. Nous croyons, M. le Président, que cet amendement veut simplement assurer à l'enfant que vraiment, dans la plus grande mesure, l'intégrité de ses droits sera respectée et qu'on ne lui enlèvera aucune chance qui, vraiment, pourrait le servir davantage. M. le Président, c'est le sens de cet amendement. Même si nous n'avons pas réussi à convaincre le gouvernement au cours de l'étude article par article en commission parlementaire, peut-être que depuis ce temps il a eu le temps de réfléchir.

Je rappelle qu'à ce moment, et c'est peut-être ce qui est le plus frappant, on enlève aux frères, aux soeurs et même à d'autres personnes qui ont vraiment à coeur l'intérêt de l'enfant, on leur enlève tout droit d'appel et c'est dans ce sens que nous proposons cet amendement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre d'État au Développement social.

M. Denis Lazure

M. Lazure: M. le Président, il faut d'abord rappeler à Mme la députée de L'Acadie que dans les cas hypothétiques, les situations qu'elle propose comme exemple, il existe un recours. Il serait faux de laisser entendre à la population ou à cette Chambre que l'enfant n'a pas de recours. Le principal recours qui a été accordé à la population par la loi 24, la Loi sur la protection de la jeunesse, c'est le Comité de la protection de la jeunesse. Ce Comité de la protection de la jeunesse, M. le Président, agit, en somme, un peu comme un "ombudsman", un protecteur des droits du jeune. Il n'est pas exact de dire qu'en refusant l'amendement proposé par Mme la députée de L'Acadie nous privons le jeune d'un droit de recours. Le jeune a plusieurs mécanismes de recours prévus par la loi 24, M. le Président.

Par exemple, la définition du terme "parents" est très large. Elle englobe non seulement les parents naturels, non seulement les parents adoptifs, mais aussi toute personne qui de fait, même si ça n'est pas légal, tout adulte qui de fait agit comme un parent, comme un tuteur. Cette personne, étant donné qu'elle est comprise dans la définition du terme "parents", peut saisir le tribunal d'une situation où elle n'est pas satisfaite, au nom de l'enfant.

M. le Président, la raison principale pour laquelle nous nous opposons à cet amendement est la suivante: Quand cette Assemblée, de façon unanime, a adopté la loi 24, la Loi sur la protection de la jeunesse, elle a adopté en même temps un choix, à savoir que cette Assemblée nationale disait: Nous préférons dorénavant que le jeune qui a des problèmes de comportement ou qui est dans une situation où son développement est en danger, un jeune qui a besoin de protection ou un jeune délinquant... Nous avons dit à ce moment, M. le Président: Nous préférons que la première approche auprès de ce jeune soit une approche psychosociale, si vous voulez. Autrement dit, cette Assemblée a décidé de traiter le jeune dans une relation, non pas judiciaire ou policière, mais dans une relation de personne qui veut aider le jeune, que ce soit un travailleur social, une travailleuse sociale, un psychologue ou une psychologue, peu importe. Nous pensons, M. le Président, qu'en acceptant un tel amendement, en permettant à toute personne - et c'est extrêmement large - de saisir le Tribunal de la jeunesse directement, nous ouvrons une porte à un retour en arrière, à savoir que beaucoup de problèmes concernant les jeunes seraient dorénavant traités directement au tribunal, ce que la loi 24 a voulu changer, de manière que seulement la minorité des jeunes - c'est le cas actuellement depuis la ioi 24 - ait à se présenter devant le tribunal puisque dans la plupart des autres cas les infractions commises par les jeunes ou les problèmes qui empêchent un développement harmonieux chez les jeunes sont des problèmes qui relèvent soit de la pédagogie, de la psychologie ou d'une intervention sociale.

M. le Président, en conclusion, nous refusons cet amendement non pas parce que nous voulons priver le jeune d'un recours. Au contairel Nous disons que la loi actuelle permet plusieurs mécanismes de recours en faveur du jeune, beaucoup plus qu'auparavant, mais nous voulons éviter que toute personne - parce que cela pourrait verser dans la délation, la dénonciation - puisse avoir un accès direct au tribunal. Tout adulte, en conclusion, qui aurait de bonnes raisons de croire qu'un enfant est pénalisé par la décision d'un directeur de la protection de la jeunesse, n'a qu'à se présenter au Comité de la protection de la jeunesse, qui a des antennes, des bureaux, des représentants dans

chacune des régions du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laurier.

M. Christos Sirros

M. Sïrros: Merci, M. le Président. Par rapport à l'amendement qu'on propose, j'aimerais souligner d'abord que l'objectif premier de la loi est indiqué dans son titre. C'est la protection de la jeunesse et non pas la déjudiciarisation comme telle. On fait beaucoup état du fait que peut-être ce genre d'amendement ferait en sorte que les enfants seraient représentés devant les tribunaux, etc. Il n'en est pas question et ce n'est même pas nécessaire que l'enfant soit reporté devant le tribunal pour que le tribunal puisse être saisi d'un cas particulier, parce qu'il ne faut pas oublier non plus qu'il s'agit de quatre points très spécifiques où on veut avoir cette intervention possible de la part d'une personne intéressée par rapport à l'enfant. Il s'agit de l'article 74.1 où on parle de quatre cas précis. Dans cet article, le frère et la soeur mêmes de l'enfant n'ont pas le droit de saisir le tribunal. Ils peuvent, bien sûr, aller saisir du cas le directeur de la protection de la jeunesse, mais on a vu souvent dans le passé des cas qui ont fait les manchettes dans les journaux où rien n'avait été fait. Le processus a été pris dans une problématique administrative avec des délais incroyables et il a fallu les manchettes dans les journaux pour faire bouger le DPJ. Je vous souligne, M. le Président, qu'une des raisons pour cela, c'est parce que la population comme telle comprend beaucoup mieux et beaucoup plus facilement la notion judiciaire d'une cour qu'une notion administrative d'un comité nouvellement créé il y a environ deux ans, où les gens ne savent pas encore clairement quel est son rôle, etc. Ce serait beaucoup plus efficace pour la protection de l'enfant, qui est encore le but premier de la loi, d'élargir la possibilité à quelqu'un qui est intéressé au bien-être de l'enfant. On a plusieurs cas où on peut voir très clairement qu'une personne qui n'est peut-être même pas apparentée par le sang a un intérêt réel dans le bien-être de l'enfant. Or ces personnes ne peuvent, à l'heure actuelle, faire quoi que ce soit d'autre que d'aller soumettre le cas au directeur de la protection de la jeunesse qui peut prendre beaucoup de temps et l'enfant, entre-temps, est lésé dans ses droits dans ce sens.

Je crois que ce n'est pas du tout normal qu'un frère et une soeur ne puissent pas saisir le tribunal pour avoir une action efficace, et rapide par rapport à la protection de l'enfant. On comprend mal l'opposition du gouvernement sur ce point.

Rappelons encore que le but principal, c'est la protection de l'enfant et non pas la déjudiciarisation. La déjudiciarisation est un moyen par lequel on veut protéger l'enfant. Encore une fois, je voudrais répéter simplement que le jeune lui-même n'est pas obligé de retourner devant le tribunal par rapport à cela. Le tribunal peut être saisi d'une demande. Il peut évaluer la situation et rendre une décision. (11 h 30)

Par exemple, par rapport au pouvoir qu'on vient de donner, au directeur d'un centre d'accueil de couper la communication avec l'enfant, c'est une des quatre situations où quelqu'un peut intervenir pour saisir la cour de cette situation. C'est, encore une fois, un amendement qui est présenté dans l'esprit de protéger l'enfant, d'éviter les cas d'abus qu'on a souvent vus dans les journaux. On se rappelle peut-être le cas d'Éric Forest. Il y a d'autres cas qui traînent encore à l'heure actuelle dans ce processus parfois très long du Comité de la protection de la jeunesse. Encore une fois, je soumets simplement que le citoyen ordinaire, comprend beaucoup mieux qu'il peut aller saisir un juge d'un cas particulier qu'aller convoquer un comité qui va siéger pour évaluer si, oui ou non, il a vraiment un intérêt par rapport à l'enfant. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre d'État au Développement social.

M. Lazure: M. le Président, je ne mets pas en doute l'intention louable de l'Opposition en présentant cet amendement. Je présume que l'Opposition veut agrandir le champ de protection du jeune ou de la jeune, d'accord. Cependant, je répète, encore une fois, que ce n'est pas la bonne façon d'y arriver, parce qu'en ouvrant cette porte immense qui dirait: Toute personne peut aller directement à un juge du Tribunal de la jeunesse, vous ouvrez en même temps la porte aux deux possibilités, soit de protéger davantage l'enfant, mais aussi d'exposer un jeune à des dénonciations, à des délations indues parce qu'à ce moment-là tout adulte, dans le voisinage, qui n'aime pas le comportement d'un jeune de 12, 13 ou 14 ans pourrait se rendre au Tribunal de la jeunesse et dénoncer l'enfant.

M. le Président, en conclusion, nous refusons cet amendement parce qu'il est dangereux, parce que la loi 24 contient déjà tous les mécanismes prévus, en particulier son Comité de la protection de la jeunesse qui fonctionne avec rapidité dans toutes les régions du Québec. Nous avons la conviction que le jeune a toute la protection voulue par la loi tel qu'elle est rédigée actuellement. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Peut-être puis-je ajouter quelques phrases sur cette question. Comme le ministre l'a bien dit, c'est dans un souci de protection de la jeunesse qu'on a présenté cet amendement. Vous savez bien, M. le Président, qu'il ne suffit pas que justice soit faite, il faut qu'il y ait apparence de justice aussi. Ce qui est très dangereux dans nos tribunaux administratifs, c'est qu'on leur donne un trop grand pouvoir discrétionnaire et il pourrait même arriver qu'il y ait des décisions arbitraires.

Je conviens que le ministre a soulevé un bon point: on ne veut pas que, dans chaque cas, on aille en appel. Ce serait vraiment aller à l'encontre d'un des buts de la loi. Mais ne peut-on pas permettre des appels dans certains cas ou modérer le nombre d'appels par d'autres moyens? Par exemple, si on doit payer une certaine somme pour aller en appel, il y a moins de gens qui iront en appel. J'aimerais demander au ministre s'il n'y a pas d'autres façons de permettre des appels aux tribunaux sans aller à l'encontre d'un des objectifs de la loi, c'est-à-dire d'éliminer les abus.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre d'État au Développement social.

M. Lazure: M. le Président, encore une fois, nous avons surveillé de très près l'application de cette loi depuis deux ans et demi. Nous avons eu des rencontres multiples, des colloques avec tous les groupes concernés. Je dois vous avouer qu'on ne nous a pas fait la preuve qu'il y avait actuellement un empêchement pour certains adultes intéressés au bien-être de l'enfant à ce que la contestation puisse se faire, puisqu'elle peut se faire au Comité de la protection de la jeunesse. L'amendement proposé par l'Opposition ce matin est en grande partie inspiré par une question de principe qu'on retrouve chez nos amis avocats ou nos amis du monde juridique qui voudraient, jusqu'à un certain point, toujours dans de bonnes intentions, redonner une place plus importante au processus judiciaire. En ouvrant cette porte où tout adulte pourrait appeler directement au tribunal, c'est une des conséquences très négatives à laquelle on pourrait assister.

M. le Président, je conclus en disant que nous ne pouvons pas accepter cet amendement qui pourrait créer des situations au détriment de l'enfant. Je répète que la loi 24 telle qu'elle est actuellement offre toutes les garanties d'appel par le biais en particulier du Comité sur la protection de la jeunesse. Merci.

M. Sirros: M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laurier, une question de privilège. Il faut que ce soit bien une question de privilège.

M. Sirros: Je pense que c'en est une. C'est pour rétablir des faits finalement. J'aimerais simplement souligner que l'amendement qui est proposé par rapport à l'article 74.1 ne parle pas de n'importe quel adulte qui peut saisir le tribunal d'un cas, il s'agit des enfants qui sont déjà impliqués dans le processus. Il ne s'agit pas d'ouvrir une grande porte, il s'agit de préciser...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député a raison en vertu de l'article 96 de pouvoir parler. M. le député.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Finalement, il s'agit d'élargir dans un champ particulier et des cas où l'enfant est déjà impliqué dans le processus social. C'est-à-dire qu'il est déjà porté devant le Tribunal de la jeunesse, possiblement, le directeur de la protection de la jeunesse est déjà impliqué et c'est uniquement dans ces cas qu'on voudrait que ce pouvoir de saisir le tribunal soit accordé à une personne qui a un intérêt particulier par rapport à l'enfant. Il ne s'agit pas de parler de grande ouverture.

M. Lazure: M. le Président, je me vois...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Lazure: ...obligé de rétablir les faits très rapidement. Le député de Laurier vient de dire qu'il s'agit d'enfants qui peuvent être déjà devant le tribunal. Pas nécessairement. Au contraire. Parce que si on acceptait l'amendement proposé par l'Opposition, toute personne pourrait porter à un tribunal la décision conjointe du directeur de la protection de la jeunesse et d'une personne désignée par le ministre de la Justice. Quand le directeur de la protection de la jeunesse et la personne désignée par la Justice s'entendent pour décider conjointement d'une mesure à prendre en faveur du jeune, cela ne va pas devant le tribunal. Ce n'est pas rendu devant le tribunal, contrairement à ce que dit le député de Laurier. C'est justement pour cela que nous disons qu'en acceptant un tel amendement, nous ouvrons la porte à une multiplication des cas qui seraient obligatoirement rendus au tribunal.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Cet amendement est-il adopté?

Une voix: Rejeté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Rejeté?

Une Voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Sur division.

Le rapport de cette commission permanente est-il adopté?

Une voix: Bien sûr.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

Troisième lecture

Excusez. Troisième lecture, même séance ou séance subséquente?

M. Charron: Même séance.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Troisième lecture sur consentement, adopté.

M. Charron: Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je vous prierais d'appeler l'article 9 du feuilleton, M. le Président.

Prise en considération du rapport sur l'étude du projet de loi no 12

Le Vice-Président (M. Jolivet): Prise en considération du rapport de la commission permanente de la fonction publique qui a étudié le projet de loi no 12, Loi modifiant la Loi sur la fonction publique.

M. Charron: M. le Président, avant que vous ne donniez la parole à Mme la ministre, je voudrais solliciter le consentement pour que celle-ci soit autorisée à présenter un amendement qui n'a pas été présenté, selon les règles de notre règlement, dans les 24 heures qui ont suivi le dépôt du rapport, mais qui, par ailleurs - c'est pourquoi j'espère obtenir le consentement - a été communiqué à l'Opposition, il y a déjà quelque temps. Nous espérons, d'après ce que nous en savons, qu'il serait sur le point d'être agréé.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition. (11 h 40)

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je suis heureux que le leader parlementaire du gouvernement nous annonce un amendement qu'a l'intention de présenter à cette Chambre Mme la ministre de la Fonction publique. On comprendra pourquoi, hier, nous n'avons pas voulu consentir à ce que la Chambre dispose de la prise en considération de ce projet de loi, parce que justement nous avions été mis au courant de certaines difficultés, peut-être pas majeures, qui avaient l'heur d'inquiéter certains membres de la fonction publique, et c'est pourquoi nous avons demandé que soit retardée la prise en considération de ce projet de loi. Nous espérons évidemment que l'amendement que doit suggérer Mme la ministre répondra à cette inquiétude apparemment fondée des syndicats de la fonction publique.

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est sur la question du consentement ou sur le projet de loi lui-même?

M. Assad: Sur l'amendement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je vais d'abord demander qu'il y ait consentement à ce qu'on procède à l'étude du rapport et en même temps de l'amendement.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, tenant compte que cet amendement est déjà sur la table, comme s'il avait été déposé avant-hier, dans les délais.

Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a consentement et, en conséquence, je demanderais à Mme la ministre de la Fonction publique de procéder à la fois à la prise en considération et à l'amendement lui-même de ce projet de loi. Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Je serai très brève, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier l'Opposition de sa collaboration. Je ne vais parler que de l'objectif de l'article que nous voulons amender et de l'amendement, évidemment, sur lequel l'Opposition a déjà été consultée et sur lequel elle était d'accord.

M. le Président, si vous me le permettez, je rappellerai que l'objectif de l'article no 5 que nous voulons amender est de confier le placement et le reclassement des fonctionnaires mis en disponibilité à l'Office du recrutement du personnel qui, à notre avis, est plus en mesure d'assumer cette responsabilité, compte tenu de son expertise dans le recrutement et sa connaissance des postes vacants à l'intérieur du gouvernement.

De plus, nous pensons que l'Office de recrutement, mise à part la Commission de la fonction publique, est l'organisme qui saura s'acquitter de cette tâche avec le plus de neutralité.

D'ailleurs, après la commission parlementaire et à la suite - comme l'a mentionné le député de Bonaventure et

leader de l'Opposition - d'inquiétudes qui ont été manifestées par des groupes syndicaux, il nous est apparu que, pour rassurer tout ce monde, il serait peut-être plus pertinent d'apporter un amendement qui va exactement dans le même sens qu'un autre amendement apporté en commission parlementaire à l'article 3 et qui dit tout simplement que l'office doit procéder au placement et au reclassement des fonctionnaires mis en disponibilité, conformément à un règlement du ministre de la Fonction publique ou à une convention collective de travail.

Voilà, j'avais promis d'être très brève; il s'agit tout simplement de rassurer tout le monde par cet amendement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Papineau.

M. Assad: M. le Président, Mme la ministre m'a remis une copie de l'amendement tout a l'heure et, si on s'est bien compris, c'est tout simplement une touche finale qui va assurer une sorte de continuité ou, comme vous l'avez mentionné, une sorte de mesure de sécurité, comme celle que vous avez apportée à l'article 3. C'est bien ça?

Mme LeBlanc-Bantey: C'est bien ça.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Mme la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: J'ajouterais tout simplement qu'effectivement le député de Papineau a très bien compris et qu'il s'agit tout simplement d'apporter une mesure de sécurité supplémentaire pour que les syndiqués qui pourraient se sentir concernés par cet article soient, je l'espère bien, plus en sécurité demain qu'aujourd'hui. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Ce rapport est-il adopté tel que présenté avec amendement?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Troisième lecture, même séance ou séance subséquente?

M. Levesque (Bonaventure): Séance subséquente.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Séance subséquente. M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je vous prierais d'appeler l'article 2 du feuilleton, M. le Président.

Reprise du débat sur le discours sur le budget

Le Vice-Président (M. Jolivet): Reprise du débat sur la motion de M. Parizeau proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement. La parole, au moment de l'ajournement de ce débat, était au député de Charlesbourg.

M. Denis de Belleval

M. de Belleval: M. le Président, comme je prends la parole pour la première fois au cours de cette Législature, vous me permettrez, comme c'est la coutume, de saluer mes électeurs du comté de Charlesbourg et de les remercier aussi pour le mandat qu'ils m'ont confié de nouveau lors des dernières élections. J'entends servir l'ensemble de mes électeurs, sans distinction, comme je l'ai fait durant le premier mandat.

Vous me permettrez aussi, M. le Président, de saluer tout spécialement les militants et les militantes du Parti québécois de mon comté qui ont travaillé d'une façon exemplaire pour faire en sorte que le résultat que nous avons obtenu dans le comté de Charlesbourg soit au moins à l'image de celui que nous avons eu dans l'ensemble du Québec et en particulier dans l'ensemble de la région de Québec.

M. le Président, la présente occasion qui m'est offerte de prendre la parole en cette Chambre m'apparaît particulièrement appropriée dans le contexte actuel et aussi compte tenu des fonctions et des responsabilités que j'ai assumées tant au sein du gouvernement qu'au sein de la fonction publique. D'autant plus que - tous le sentent, j'ai l'impression - nous entrons dans une nouvelle phase en ce qui concerne l'élaboration des budgets de l'État québécois. Je pense qu'il n'est pas trop fort, M. le Président, dans le présent contexte, de parler d'une certaine crise dans l'évolution des finances de l'État québécois.

Je peux particulièrement témoigner que, depuis 1967, j'ai été mêlé d'assez près, dans différentes fonctions, à l'élaboration des budgets de l'État. Cette fréquentation a commencé au ministère de l'Éducation où j'ai commencé, comme agent de recherche et de planification - c'est le terme qui était utilisé à l'époque et qui l'est toujours pour les économistes et les autres spécialistes des sciences humaines qui s'occupent de ces questions au sein de la fonction publique - à travailler au service du budget du ministère de l'Éducation. À cette époque, notre vis-à-vis était le présent ministre des Finances et député de L'Assomption, M. Jacques Parizeau, qui agissait comme conseiller économique du gouvernement de 1967 à 1970. Je peux témoigner que dès cette époque, il était tout aussi sévère et parcimonieux pour modérer les appétits plus ou moins

insatiables que développaient les bureaucrates et les ministres de l'époque.

De 1970 à 1973, c'est à l'Office de planification et de développement du Québec que je présentais, en collaboration avec d'autres collègues, des avis sur les priorités budgétaires du gouvernement de l'époque. C'est à M. Michel Bélanger, qui est maintenant le président de la Banque nationale, que nous présentions ces avis pour discussion. Je peux témoigner aussi qu'à l'égal de son prédécesseur, il était tout aussi sévère et tout aussi parcimonieux.

Après une interruption de trois ans, j'ai repris contact avec le processus budgétaire en siégeant, jusqu'à récemment, au Conseil du trésor. Je peux dire que tout au cours de cette période de presque quinze ans, il m'a semblé que, malgré une gestion de plus en plus experte et de plus en plus rigoureuse des finances publiques, la marge de manoeuvre relative des différents gouvernements dans leurs choix budgétaires n'a cessé de se rétrécir.

J'ai aussi observé, M. le Président, des cycles récurrents de crise budgétaire, si l'on peut dire, dont l'acuité coïncide - cela n'apparaîtra pas étonnant - avec les échéances électorales. On se souviendra, par exemple, qu'en 1970, M. Bertrand déclenchait des élections au printemps sans que son ministre des Finances de l'époque, M. Beaulieu, ne présente son budget, et l'on sait pourquoi, d'ailleurs.

Afin d'éviter à M. Garneau un sort semblable en 1977, au printemps de 1977, M. Bourassa décidait de déclencher des élections hâtives à l'automne de 1976; là aussi, on sait pour quelles raisons. On l'a vu dans les semaines qui ont suivi cette élection du mois de novembre 1976. (11 h 50)

Au printemps de 1981, le présent gouvernement faisant de la nécessité une vertu, diront les uns, ou conformément à ses principes de transparence, diront les autres, présentait un budget avant de déclencher les élections. Contrairement à ses prédécesseurs, dans les mêmes circonstances, les électeurs reconnaissants, si je puis dire, l'ont reporté au pouvoir, prouvant par là que les porteurs de mauvaises nouvelles ne sont pas nécessairement assassinés.

Mais au-delà de ces coïncidences électorales, trois facteurs, me semble-t-il, expliquent plus fondamentalement ce malaise chronique des finances publiques. En premier lieu, on assiste depuis vingt ans à une création inexorable et, jusqu'ici, irrépressible de programmes et de services publics, des plus essentiels aux plus accessoires, dont les coûts réels, d'ailleurs, sont généralement sous-estimés et qui, de ce fait, semblent ajouter un fardeau additionnel modeste aux obligations déjà assumées par l'État. C'est le phénomène bien connu de la queue de dragon qui ne laisse voir l'ensemble de la bête qu'une fois que celle-ci est bien installée dans la maison communale.

En deuxième lieu, ces programmes nouveaux, dont plusieurs, jusque-là, subsistaient souvent de façon embryonnaire, largement parfois grâce à du travail plus ou moins bénévole, ont fait l'objet, bien sûr, d'une syndicalisation massive, ce qui a simultanément amené une diminution des charges de travail, une multiplication, donc, des postes de travail et aussi une augmentation considérable des rémunérations moyennes. Certains diront qu'on ne peut blâmer le monde syndical d'avoir fait son travail et qu'au contraire on peut prétendre que les gouvernements successifs ont été ou bien trop généreux ou bien trop faibles. Certains avanceront que ce sont nos voisins qui sont trop mesquins ou que leur syndicalisme n'est pas assez revendicateur.

Un fait demeure, cependant: dans l'ensemble, parfois en chiffres absolus et presque toujours en termes relatifs, les avantages consentis aux employés de l'État au Québec sont supérieurs à ceux qu'on retrouve dans le reste de l'Amérique du Nord. En comparaison du secteur privé québécois, ce dépassement est significatif et va, pour l'essentiel des effectifs, de 10% à 25%.

En troisième lieu, il faut mentionner la diminution relative graduelle, mais constante des transferts fiscaux fédéraux qui constituent une part importante, 30% en fait, des revenus budgétaires du gouvernement du Québec. En effet, bien qu'en chiffres absolus les paiements de transferts fédéraux paraissent déjà considérables et même semblent en augmentation, même si la part des dépenses fédérales, dans l'ensemble des dépenses publigues au Canada assumées par les États provinciaux et les municipalités, semble en diminution, en fait, compte tenu de l'augmentation inévitable des coûts des programmes publics, dont plusieurs, d'ailleurs, ont été institués à l'instigation et parfois même à l'instigation très pressante du gouvernement fédéral, ce dernier a effectivement limité unilatéralement le taux d'augmentation des transferts ou de ses paiements aux provinces. Maintenant, non seulement ceux-ci n'augmentent-ils pas au rythme des dépenses réelles, mais ils sont aussi en déficit important par rapport au taux d'inflation. En fait, par les années qui courent, ces paiements augmentent au rythme de 3% à 4% par année alors que, comme on le sait, le taux d'inflation est maintenant entre 10% et 12% et que l'augmentation réelle de ces programmes à frais partagés, ces programmes autrefois conjoints, est au-delà de 10% ou 12% par année. C'est ce qu'on appelle, M. le Président, pelleter sa neige dans la cour du voisin.

Le malaise fondamental des finances publiques au Québec a mis du temps à paraître parce que les facteurs dont je viens de parler ont mis eux-mêmes du temps à produire leurs effets. De plus, sous le gouvernement précédent, on avait réussi à éviter le pire en nourrissant, ni plus ni moins, les finances publiques à même l'inflation et aussi en refusant de comptabiliser des engagements en regard des déficits actuariels des fonds de retraite. Mais cette ronde de situations a été abandonnée largement par le présent gouvernement au profit des contribuables, au profit des municipalités et aussi en fonction d'une plus grande rigueur dans nos processus comptables.

Pourtant, malgré une gestion plus rigoureuse des dépenses publiques qu'illustre le fait que, par exemple, pour la première fois, les effectifs de la fonction publique ont cessé d'augmenter, que le coût aussi des conventions collectives a relativement diminué lors de la dernière ronde des négociations par rapport aux deux rondes précédentes, il a fallu se rendre compte que le coup de barre que l'on connaît était devenu inévitable, d'autant plus que les taux d'intérêt ont atteint des niveaux prohibitifs et commandent, de ce fait, la plus grande prudence du côté des déficits budgétaires. Pour reprendre ces expressions qu'a utilisées en d'autres occasions le ministre des Finances, la récréation a vraiment été sifflée et la vache a cessé de regarder le train défiler. Ce train est entré en gare dans un grand bruit de freins et de verre brisé, M. le Président. Les passagers - vous me passerez l'expression - étaient mal arrimés sur leur siège - ont été précipités sur le devant de leur compartiment et, bien entendu, comme ça arrive dans pareil cas, les plus maigres ont reçu plus de coups et plus d'ecchymoses que les plus gras.

En quinze ans, c'est la première fois que je vois décréter, M. le Président, de vraies compressions budgétaires. Ces compressions affectent tous les ministères et, bien que le ministère de l'Éducation et celui des Affaires sociales sont les plus souvent cités comme étant particulièrement touchés, les autres le sont davantage proportionnellement puisque environ 50% de ces compressions affectent ces deux ministères qui comptent pourtant un peu plus de 60% des dépenses totales. Entre autres, pour ne donner qu'un exemple, le ministère des Transports est encore plus touché, relativement parlant.

Or, M. le Président, quant au choix précis des activités qui reçoivent de plein fouet l'effet de ces compressions, les possibilités à la disposition du gouvernement étaient extrêmement limitées, pour ne pas dire nulles, surtout compte tenu de l'ampleur de la ponction qu'il fallait effectuer. En effet, les dépenses dites incompressibles, c'est-à-dire celles qui sont intouchables, du moins à court terme, sont considérables dans le budget québécois et représentent en fait probablement au-delà de 90% des dépenses du gouvernement.

C'est ainsi que près de 50% de nos dépenses sont des salaires ou sont des traitements ou sont constituées d'avantages reliés aux traitements et que tous ces avantages et salaires sont indexés au coût de la vie. Dans le secteur de l'Éducation et des Affaires sociales, plus de 85% des dépenses sont reliées aux traitements, aux salaires. Quant au reste, comme les fonds de retraite, par exemple, ou l'achat de matériel ou d'équipement, l'indexation au coût de la vie aussi doit être entièrement honorée. Dans certains cas, comme les fournitures d'énergie, l'inflation spécifique atteint 20%. (12 heures)

Dans ces conditions, resteindre le taux d'augmentation des dépenses publiques au taux d'augmentation du coût de la vie ou au taux d'augmentation du produit intérieur brut, de la richesse que nous produisons dans une année au Québec, opérer une pareille restriction relève d'une mission quasi impossible, M. le Président. Il faut admettre que les perspectives ne sont guère meilleures pour les prochaines années. Durant le présent exercice, il n'est pas invraisemblable de penser que les dépassements inévitables de crédit à certains postes ne pourront pas être compensés par les sous-budgétisations, si on veut, ou les surplus que l'on retrouve parfois à d'autres postes, d'où pourraient découler d'autres mesures restrictives, par exemple, durant les prochains mois à l'automne ou plus tard à l'hiver prochain. De plus, l'inflation court maintenant au rythme annuel de 12% et les taux d'intérêt ne seront probablement pas meilleurs durant les prochains mois, ce qui, là aussi, exercera une pression à la hausse sur les déboursés de l'État.

Finalement, l'État devra aussi faire face dans les 24 prochains mois à deux échéances extrêmement cruciales, celle du renouvellement général des conventions collectives des employés de l'État et celle du renouvellement des accords fiscaux avec le gouvernement fédéral qui, comme je l'ai dit, comptent pour 30% de notre budget au niveau des revenus. Dans le premier cas, celui du renouvellement des conventions collectives, on peut se demander si l'État est vraiment en mesure de négocier. D'une part, il est admis à peu près communément qu'on ne peut décemment élargir l'écart qui existe déjà entre les rémunérations des employés de l'État et celles de leurs collègues du secteur privé. D'autre part, l'on sait aussi que toute velléité de la part du gouvernement de restreindre ou d'appliquer des mesures d'austérité par le biais de ses conventions

collectives entraîne des mouvements de contestation tels de la part du monde syndical concerné que ce sont les assises mêmes du pouvoir public qui sont ébranlées à chaque occasion. Je ne connais pas de société, pour ma part, qui doit vivre périodiquement et systématiquement de telles tensions et ce n'est pas sur la voie d'une délimitation du droit de grève ou des services essentiels qu'on trouvera une solution qui relève d'abord de l'éthique sociale et de l'autorité morale, finalement, de l'État et de son gouvernement.

Dans le second cas, celui des accords fiscaux, on ne peut même pas parler de véritable négociation, mais plutôt de consultation puisque l'issue des pourparlers est décidée unilatéralement par une loi fédérale, d'où l'on peut conclure, M. le Président, que l'État québécois se verra infliger par son partenaire fédéral le traitement qu'il doit parfois se résoudre à imposer à son partenaire syndical, mais dans les deux cas, M. le Président, il risque fort d'y laisser sa substance, son prestige et ses ressources. Il ne faut pas se faire d'illusions, en tout cas, en ce qui a trait au renouvellement des accords fiscaux. Après le coup d'État constitutionnel qui vise essentiellement à briser la nature fédérale de ce pays, on assistera à une tentative en règle de mise en tutelle, financière, cette fois-là, que nous annonçait déjà, il y a quelques jours, quelques semaines, le coloré personnage qui nous tient lieu de ministre fédéral des Finances et la boucle sera alors bouclée sur le plan constitutionnel et politique comme sur le plan budgétaire et financier.

Qu'on ne se méprenne pas, malgré les difficultés, l'État québécois n'est pas menacé de faillite. D'ailleurs, les États ne font pas faillite. Ils sont comme les vieux soldats qui s'estompent lentement dans le lointain. Qu'on pense à l'exemple de la Grande-Bretagne qui était la première puissance mondiale au XIXe siècle et dont le revenu moyen des habitants est aujourd'hui le plus bas de tous les pays industrialisés. Ce qui nous menace, c'est plutôt l'impuissance; l'impuissance constitutionnelle et politique d'abord et, ensuite, l'impuissance financière et budgétaire. Dans les deux cas, seule la force de l'opinion publique québécoise peut, à la fin, permettre à notre société d'éviter cette double paralysie et nous faire retrouver notre liberté. Mais auparavant, il faudra d'abord retrouver le sens des vraies priorités et distinguer, de ce qui essentiel et intouchable, ce qui est hautement désirable ou simplement utile.

À cet égard, la création d'emplois devrait devenir notre première obsession, et tout le reste devrait y être sacrifié. Quand le quart de notre jeunesse ne trouve pas à s'employer, ou qu'au moins une part aussi importante trouve des emplois médiocres qui ne les satisfont pas, quand des dizaines de milliers de personnes qui désirent travailler et qui sont aptes à travailler bénéficient de l'aide sociale, il me semble que la social-démocratie, pour ne pas être un vain mot, requiert que toutes les énergies, toutes les politiques, tous les programmes, toute la marge financière possible soient utilisés, soient mis en oeuvre pour donner à ces personnes la dignité première d'un être humain qui est celle de travailler.

Que dirions-nous d'un père de famille qui, devant la pénurie, déciderait de laisser mourir de faim quelques-uns de ses enfants pour nourrir plus grassement les autres au lieu de mieux répartir la pénurie entre tous en répartissant les ressources dont il dispose? C'est pourtant ce que nous faisons inconsciemment quand nous consentons des privilèges ou des avantages trop considérables à certains, si légitimes soient-ils, tandis qu'il nous manque les ressources pour faire travailler les autres. En second lieu et sur un même plan, il nous faudra aussi faire en sorte que les plus pauvres et ceux qui n'ont pas de groupes de pression puissants pour les protéger soient les véritables bénéficiaires de la puissance publique, au lieu que celle-ci serve indistinctement, au nom de principes pseudo-égalitaires, mais, en fait, simplificateurs, réducteurs et souvent démagogiques, à l'ensemble de la société.

Tout cela ne peut être décidé et appliqué par des mécanismes technocratiques, si nobles soient-ils, fussent-ils ceux du Conseil du trésor, fussent-ils ceux des ministères. Il ne suffira pas non plus de dialoguer trop exclusivement avec un groupe ou avec l'autre en tâchant de parer à gauche ou à droite les coups et les arguments des égoïsmes institutionnalisés. C'est un véritable forum, un débat public qu'il nous faudra ouvrir, d'une ampleur encore plus grande et plus diversifiée que, par exemple, les sommets économiques - pour ne donner qu'une voie possible - qui ont été instaurés durant les dernières années. Les comptes de l'État devront être mis sans contrainte à la portée de tous et les choix qui en découleront devront faire l'objet d'un arbitrage, pour ainsi dire, largement social et populaire.

C'est, à mon avis, une tâche emballante et motivante entre toutes, l'amorce d'un véritable changement de société, pour laquelle cette Assemblée est faite et, singulièrement, le parti auquel j'appartiens. C'est une tâche, aussi, qui prendra du temps, certainement deux ou trois ans de rigueur continue, pour que le virage soit pris véritablement et qu'il s'effectue aussi de la façon la plus rationnelle et la plus humaine possible. Pourtant, seul ce choc salutaire peut sortir notre société de la complaisance et de la médiocrité qui la

guettent et nous faire abandonner cette mentalité de quêteux monté à cheval qui, trop souvent, nous caractérise. (12 h 10)

En relevant ce défi, en mettant en jeu tout le talent et toute l'autorité dont disposent le chef du gouvernement et l'équipe qui l'entoure, non seulement éviterons-nous l'impuissance au-dedans, mais nous nous assurerons de la force nécessaire pour desserrer l'étau qui nous menace au dehors aussi. Si l'épreuve paraît trop formidable à envisager et trop incertaine à réussir, je rappellerai qu'il ne s'agit que de convaincre les Québécois que leur véritable progrès est à ce prix. Ceci ne devrait pas nous effrayer puisque, comme nous le rappelle Machiavel: "Quant au jugement que porte le peuple sur les affaires, il est rare, lorsqu'il entend deux orateurs dont le talent est égal, mais qui soutiennent des opinions opposées, qu'il n'embrasse pas soudain la meilleure et ne prouve point ainsi qu'il est capable de discerner la vérité lorsqu'il l'entend."

Or, M. le Président, ce gouvernement ne manque pas de talent; il ne manque pas, non plus, de courage ni de conviction. Sa victoire récente, si décisive, ne sera pas vide de sens s'il engage toute notre société sur la voie de la raison comme celle du coeur, sur la voie d'un nouveau contrat social, sinon d'une nouvelle société, sur la voie d'un Québec fort dans son ensemble comme dans chacun de ses individus, objectif que, j'en suis sûr, nous partageons tous, nous recherchons tous dans cette Assemblée nationale. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Maskinongé.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: M. le Président, n'ayant pas pris la parole lors du discours inaugural, je prendrai au moins quelques minutes au début de cette intervention sur le discours sur le budget pour remercier, moi aussi, comme plusieurs l'ont fait en cette Chambre, les électeurs du comté de Maskinongé d'avoir bien voulu accepter de renouveler pour un troisième mandat d'affilée les fonctions que j'occupe à l'Assemblée nationale, tout en leur disant et répétant l'honneur que j'ai à les représenter, en les assurant toujours de mon entier dévouement et en leur renouvelant ce que je leur ai offert il y a déjà tout près de dix ans, soit d'être celui qui vient prendre la défense des intérêts non seulement de la collectivité du comté de Maskinongé et de la collectivité québécoise, mais d'être celui aussi qui défend les intérêts personnels et individuels de chacun des électeurs lorsqu'ils sont aux prises avec la machine gouvernementale.

Avec les nombreuses lois sociales que les gouvernements, autant antérieurs que celui qui dirige présentement le Québec, ont adoptées depuis vingt ans, depuis la révolution tranquille, je pense que bien malvenu serait celui qui tenterait de faire croire à la population que le seul gouvernement qui a fait avancer les choses au Québec est celui qui règne présentement sur cette province, c'est-à-dire le gouvernement du Parti québécois, quand tout le monde sait très bien que les nombreuses lois sociales, telles l'assurance-hospitalisation, l'assurance-maladie, la loi concernant les petites créances, l'aide juridique ont été faites par le gouvernement d'un parti auquel j'appartiens et auquel je suis fier d'appartenir. C'est cet ensemble de personnes et de gens bien pensants, qui depuis vingt ans, ont oeuvré à l'intérieur de plusieurs formations politiques, le Parti libéral, l'Union Nationale pour une période de quatre ans et le Parti québécois, qui ont fait en sorte que les gens sont quand même, au point de vue social, bien protégés.

Mais, M. le Président, comme plusieurs lois sociales faites pour aider le citoyen, surtout celui qui est le plus démuni, qui a des torts, c'est justement là que ressort l'importance d'un défenseur, d'un protecteur du citoyen à Québec, qui est en l'occurrence un député.

C'est la raison pour laquelle je pense qu'après trois élections, après ce que les commentateurs appelaient "le balayage de 1976" par le parti qui gouverne, et le "raz de marée de 1981", dans un comté comme Maskinongé, où je puis dire que 99,999% des gens sont des francophones, c'est le parti que je représente, c'est-à-dire le Parti libéral du Québec, qui a remporté la pluralité des voix. C'est cette raison qui fait que j'offre encore à cette population les mêmes services, le même dévouement et je les assure de mon entière collaboration.

M. le Président, je les félicite aussi d'avoir su résister à cette vague. Je passerai sur cela rapidement, mais je pense que c'est important que ce soit dit. Je félicite les gens de Maskinongé d'avoir voté selon leur conscience. Ils ont eu de multiples occasions, durant la campagne électorale, de faire acheter leur vote. Quand je dis faire acheter leur vote, ce n'est peut-être pas de la façon qu'on connaissait dans les années quarante-cinq et cinquante. Mais, quand un ministre d'un gouvernement se promène dans un comté voisin en distribuant à des associations des chèques que celles-ci n'ont même pas demandés; quand on les fait distribuer non pas par le député du comté, parce qu'on sait qu'à ce moment j'étais député du comté, mais par un candidat d'une formation politique qui s'appelait, en l'occurrence, le candidat du Parti québécois, qui n'avait reçu aucun mandat de la population, qui n'était

investi d'aucune autorité quand les gens décident, malgré cette pluie de subventions de 500 $, 800 $ et 1000 $, de réélire quand même un député, moi, je les félicite d'avoir au moins voté selon leur conscience. C'est exactement ce que les gens doivent faire au Québec. Je pense que la vieille époque d'achat des votes est passée, même si certains membres du cabinet ont essayé de la ressusciter chez nous, et je laisse aux gens le soin de juger. Je ne jugerai même pas le ministre qui a fait ça, mais je dois vous dire que son histoire d'achat des consciences n'a pas fonctionné et que ça ne fonctionnera jamais, avec l'intelligence que les gens de Maskinongé possèdent.

M. le Président, je pense que ce discours sur le budget, qui rallie quand même à l'intérieur de cette Chambre beaucoup de sympathie de la part des membres de cette Assemblée doit être, en partie du moins dénoncé, et pour toutes sortes de raisons.

Cela me permettra de vous parler quelque peu de l'année des handicapés; je pense que c'est important qu'on en parle. Je sais qu'il y a eu un montant d'au moins 800 000 $ voté par le gouvernement du Québec, montant mis entre les mains d'une association reconnue, pour promouvoir l'année des handicapés. (12 h 20)

M. le Président, j'aimerais attirer votre attention pour vous montrer comment nous, les gouvernements finançons les deniers publics. Quand je dis "nous, les gouvernements", je ne voudrais pas qu'on pense que c'est uniquement ce gouvernement. J'imagine qu'un autre gouvernement aurait probablement agi de la même façon. Mais je pense qu'il est temps qu'on se pose des questions, nous les gens qui administrons les deniers publics. On donne 800 000 $ ou 1 000 000 $ - possiblement 1 000 000 $, avec ce que ça pourra coûter en plus - pour promouvoir et travailler à l'année des handicapés pour démontrer à la population qu'un handicapé, c'est une personne normale dans notre société, c'est une personne qui doit vivre à part entière, c'est quelqu'un qu'on doit côtoyer et c'est quelqu'un qui a de nombreuses possibilités. C'est normal qu'on investisse 800 000 $ ou 1 000 000 $ pour promouvoir et aider cette cause. Ce qui n'est pas normal, M. le Président, c'est que quand nous ferons le bilan de cette année des handicapés, quand nous regarderons à quoi ont servi ces deniers publics que nous avons consacrés pour l'année des handicapés, ces 800 000 $, on va se rendre compte que ce montant a été dépensé en études, en conseillers spéciaux, en griffonnage de programmes et que, finalement, au bout du compte, cela n'a absolument rien donné aux handicapés. On aura investi 1 000 000 $ avec beaucoup de bonne volonté de part et d'autre, mais que va-t-il rester aux handicapés?

C'est beau de promouvoir l'année des handicapés. Les handicapés ne demandent pas qu'à leur place on fasse des actions positives. Les handicapés demandent qu'on leur fournisse tout simplement les moyens de démontrer à la population du Québec, à la population entière, qu'ils sont eux-mêmes capables de s'organiser. Ils veulent tout simplement avoir des moyens. Ils sont comme le gars qui vient de sortir de l'école avec un diplôme de menuisier et qui n'a pas besoin qu'on aille lui bâtir une mason, pour démontrer qu'on est capable d'en bâtir une, mais qu'on soit capable de lui fournir les outils nécessaires pour qu'il nous montre qu'il est capable de bâtir une maison. Les handicapés sont comme cela, M. le Président. Ils ne veulent pas qu'on prenne de décisions à leur place. Ils ne veulent pas qu'on agisse à leur place. Ils ne veulent pas qu'on ait de la pitié pour eux. Ce n'est pas cela qu'ils demandent. Ils veulent qu'on leur fournisse les outils nécessaires pour être capables de s'identifier positivement, de s'affirmer dans la collectivité québécoise, de prendre la part qu'ils sont capables de prendre et qu'ils sont capables de fournir dans l'économie du Québec. Est-ce qu'on pourrait bien se poser la question, une fois pour toutes? Est-ce que les 800 000 $ qu'on va mettre à la disposition des handicapés à l'occasion de l'année des handicapés vont faire en sorte qu'ils leur fournissent les moyens de créer quelque chose de nouveau, de s'identifier positivement à la collectivité québécoise? Je vous dis immédiatement que je doute fort que ce montant de 1 000 000 $ dépensé ait produit des fruits parce qu'il aurait été consacré à payer des dizaines de fonctionnaires assis dans un bureau qui passent uniquement leur temps à répondre: On n'a pas de job pour vous autres, on n'a pas ceci pour vous autres, on n'a pas cela. Ce n'était pas cela, à mon avis, l'année des handicapés.

De toute façon, je pense qu'il est encore temps qu'on se pose la question et il serait encore temps que, comme gouvernement, puisqu'on investit de l'argent, on puisse jeter un coup d'oeil là-dessus et dire: Rajustons donc notre tir! Je le dis simplement pour considération parce que, si c'est 1 000 000 $ qui ne produit rien, c'est 1 000 000 $ qui aurait dû être inscrit dans les coupures budgétaires, si au bout de la ligne il n'apporte rien, sauf que d'avoir sensibilisé la population au fait qu'il y avait une année des handicapés, comme on fait quand il y a une journée des non-fumeurs. Si c'est superficiel comme cela, on aurait pu garder ce 1 000 000 $ et éviter de faire des compressions budgétaires ailleurs. Si vraiment cela répondait aux objectifs des handicapés eux-mêmes, 1 000 000 $ n'aurait pas été suffisant; il aurait fallu investir

1 500 000 $ et cela aurait été de l'argent bien placé, à mon avis.

En tout cas, je porte cela à la considération des membres de cette Chambre. Je pense que tout le monde va regretter que ces 800 000 $ aient servi en paperasse et en discussions, en téléphonistes et en conseillers. Sans juger les gens qui sont là, ils y sont parce qu'ils ont un travail à faire, et je suis certain que si on leur demandait leur opinion, ils pourraient peut-être nous suggérer une autre façon de procéder. Là, on donne 800 000 $ pour payer des salaires à ceux qui répondent au téléphone et on crée des appétits. Quand on a donné 1 000 000 $, plusieurs handicapés de nos régions ont prétendu qu'avec cela les portes leur seraient ouvertes un peu partout et que les employeurs pourraient les engager. Il y avait d'autres mesures, à mon avis, qui étaient plus importantes.

Cela m'amène à dire ceci. Je voyais cela justement dans l'Argus de ce matin - le journal des gens de l'Assemblée nationale, pas le journal, mais les coupures de journaux reliées pour nous permettre de prendre connaissance des différents éditoriaux et des différentes informations politiques au Québec - un article tiré du Soleil du 11 juin 1981, cela ne date pas de bien longtemps, qui disait: "Promesses à certains handicapés non tenues." C'est malheureux, quand on a fait une foule de promesses pendant la campagne électorale - l'accession à la propriété, à ceci, à cela - que la première chose qu'on voit, pas longtemps après l'accession de ce gouvernement au pouvoir, une couple de mois après, que ces promesses ne sont pas respectées au détriment non pas des gens qui sont capables de l'absorber, mais des autres. Qu'on dise aux députés de cette Chambre, par exemple, qu'on va réviser certaines modalités de leur bureau de comté, qu'on va réviser leur régime de retraite, qu'on va peut-être réviser leur salaire - cela s'est déjà dit - et, finalement, qu'on leur dise qu'on ne fera pas cela cette année, que cela ira à l'année prochaine, chacun de nous pouvons l'endurer parce qu'il n'y a rien qui urge. Nous sommes considérés comme des gens bien traités au point de vue salarial et au point de vue des conditions de travail, même si on travaille de nombreuses heures. C'est incontestable et tout le monde le dit, il n'y a que les gars qui n'ont jamais fait de politique qui, en campagne électorale, disent qu'un député ne travaille pas. S'ils ont eu le malheur, dans certains cas - je regarde certains individus et cela a dû être un malheur dans leur cas - d'avoir passé au travers et d'avoir été élus dans leur comté, ils sont les premiers à nous dire, un mois après: Je ne pensais pas qu'un député travaillait 85 et 90 heures par semaine, je ne pensais pas qu'un député passait ses fins de semaine en sorties sociales, à rencontrer des gens. Je pensais que le gars, quand il allait dans des réceptions, des soirées dansantes, allait s'amuser, mais je me rends compte que quand il y va, il a son petit calepin dans ses poches et, à la fin de la soirée, il a noté 25 ou 30 cas sur lesquels il doit travailler le lundi matin à son bureau. Des fois, il se dit: Je me demande si je dois continuer à aller aux soirées sociales. Un gars qui fait comme moi, qui assiste à toutes, se fait réélire trois fois, même si c'est une époque difficile. Le gars qui ne le fait pas, il ne fera qu'un passage dans cette Chambre. En fait, c'est ça. Ce n'est pas uniquement ça, non plus, mais il y a ça, entre autres.

Tous sont unanimes à venir nous dire, quand ils ont vécu l'expérience, qu'ils n'y croyaient pas. Des adversaires sont venus dire dans mon comté, durant la campagne électorale: Ne vous fiez pas au député de Maskinongé; quand il dit qu'il travaille 90 heures par semaine, il en met trop. Ce sont des gars qui sont venus, mais qui ne connaissaient pas la vie politique; ils se présentaient pour un parti, ils venaient aider un adversaire. J'ai discuté avec ces gars-là, je pourrais les nommer, mais je ne le ferai pas; j'ai discuté avec un de ces bonhommes derrière le trône, M. le Président, à l'endroit où, des fois, on va bien amicalement discuter de certains problèmes communs parce qu'on est voisins de comté, et il m'a dit: C'est vrai, que ça travaille 90 heures, un député. Là, je lui ai répondu: Qu'est-ce que vous êtes venu dire dans mon comté? Il m'a dit: Ouais, je ne connaissais pas ça. Bien, c'est ça, la réalité. (12 h 30)

Malgré tout ça, malgré toutes ces contraintes, malgré toutes ces exigences, même si on retarde l'augmentation de 0,15 $ à 0,18 $ le kilomètre pour les voyages intérieurs, on est encore capable d'absorber ça car on a un niveau de vie, quand même, qui est bien acceptable quand on le compare à bien d'autres personnes de notre comté. Mais quand on comprime et qu'on touche à des handicapés, comme c'est le cas avec des promesses non tenues, c'est un petit peu plus grave. Par exemple, on demande à des assistés sociaux de mon comté de signer une formule, veut veut pas, pour leur couper 25 $ par mois sous prétexte qu'un fonctionnaire a fait une erreur administrative, il y a trois ans, dans leur dossier. Je vous donne des exemples précis; j'en ai des dizaines dans mon comté et vous en avez, vous autres aussi, si vous faites du bureau de comté, si vous prenez le temps d'écouter attentivement vos électeurs. Un gars se présente à l'aide sociale, demande l'aide sociale parce qu'il est dans une situation alarmante; il est en chômage, il n'a pas le droit à son chômage ou son chômage est épuisé. Il se présente donc à l'aide

sociale. Ce n'est pas de gaieté de coeur, mais on lui dit: C'est la seule solution qui te reste pour manger, pour faire manger ton épouse et tes enfants. Il s'en va là.

Pour les fins de la discussion, on lui pose des questions et, quand son dossier est prêt, on lui dit: Tu retireras, désormais, mon ami, $432,60 $ par mois. Le gars n'en a pas assez, c'est sûr. Les gens qui ont vécu cette expérience savent très bien que n'importe quel assisté social n'en a pas assez pour vivre et joindre les deux bouts. Il mange deux fois et demie par jour, des fois, seulement deux. Il sait tout ça. On se rend compte, huit mois, dix mois après, qu'on lui a donné 25 $ de trop parce qu'on avait pensé qu'il avait un certificat, par exemple, médical lui permettant d'avoir une aide additionnelle de 25 $ par mois pour cause de diabète et on s'était trompé de dossier. Là, on lui a fait un surpaiement de 800 $, 900 $ ou 1000 $ au bout d'un an, deux ans, trois ans et, par surcroît, on lui dit: Dans tes prochains chèques, on va t'enlever 25 $ par chèque. Cela, ça fait dur en maudit. Excusez l'expression, M. le Président, je sais que ce n'est pas parlementaire, je la mets entre guillemets et entre parenthèses. Cela, ça fait dur quand on va couper chez des gens qui sont démunis, pour des erreurs administratives.

J'en ai, des cas comme ça. Cela a beau faire rire les back-benchers en arrière, cela n'a pas d'importance. Ils vont juste "backer" davantage. S'ils continuent à rire comme ça des citoyens, ils vont juste "backer" plus loin aux prochaines élections. Ils vont assez "backer" qu'ils vont se retrouver sur le pavé. Mais c'est ça, la réalité. Mme la députée de Johnson, faites du bureau de comté, c'est ça, la réalité. Quand je suis allé faire des élections partielles chez vous déjà, j'ai eu des cas comme ça pour lesquels j'ai fait des démarches et j'ai appelé. Oui, et il y en a, je le sais. C'est ça, la réalité. Cela, c'est malheureux. C'est ça que je dénonce, M. le Président. C'est ça que je veux dénoncer.

Le Soleil dit, ce matin, en toutes lettres: On avait promis que la graduité des aides visuels s'appliquant déjà aux handicapés de moins de 35 ans s'appliquerait aussi à ceux atteignant l'âge de 36 ans. On leur avait dit: Oui, on tient cette promesse. Ce sont des handicapés visuels. On dit: Non, cela ne pourra pas se faire à cause des compressions budgétaires, alors qu'on se prépare, M. le Président, dans ce gouvernement - c'est déjà prêt, c'est déjà fait, c'est écrit, j'en suis certain - si jamais la Cour suprême était favorable au rapatriement unilatéral des gens d'Ottawa, à lancer une campagne publicitaire où il y aura 3 000 000 $, 4 000 000 $ ou 5 000 000 $ de dépensés alors que chacun de ces députés pourrait, en tribun du peuple, se promener et faire des blitz, comme ils l'ont déjà fait, avoir de la couverture de la part des médias d'information et faire le même travail, c'est sûr. Ce serait plus onéreux, mais vous êtes payés pour ça, messieurs. Vous êtes payés pour ça. Non, vous allez, au lieu de faire ça, faire des blitz. Vous allez garder vos blitz pour faire de la propagande électorale au lieu de renseigner la population, chose avec laquelle je serais d'accord. Là, vous allez prendre 3 000 000 $ ou 4 000 000 $ des deniers publics pour tâcher de sensibiliser la population à pleine télévision en favorisant, évidemment, certains individus qui vont faire ces déclarations, c'est bien sûr. De toute façon, vous avez le droit de choisir qui vous voulez. On n'est quand même pas pour faire passer des concours pour savoir qui doit faire ces annonces publicitaires.

De toute façon, c'est votre droit, alors que cette mesure qui prive les handicapés, cette mesure va coûter bien moins que 3 000 000 $ ou 4 000 000 $ à l'État. Vous dites aux handicapés visuels: On ne peut pas le faire, compressions budgétaires, mais je dis aux handicapés visuels: Écoutez la télévision, vous allez pouvoir entendre la propagande éhontée à coups de millions qui vont avoir été "compressés" sur votre dos. C'est cela, oui.

Une voix: De la démagogie.

M. Picotte: Non, ce n'est pas de la démagogie, c'est la vérité. Vous avez dépensé 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ pour dire aux gens: II ne faudrait pas se faire avoir, pour aboutir peut-être aux mêmes résultats, et vous comprimez. C'est cela, la réalité, qu'on le veuille ou non. Les coupures budgétaires, c'est la même chose, M. le Président. Je vous dirai ceci: II y a eu des promesses de faites. Je vais parler... Il me reste encore une bonne dizaine de minutes, M. le Président, n'en déplaise à mon ami, le député de Joliette. Il m'en reste encore pour une bonne dizaine de minutes.

M. le Président, en plus, il y a eu des promesses de faites à des gens, des promesses qui ne coûteraient pas cher. Je tiens à souligner cela. J'ai déjà demandé au ministre de la Fonction publique, à deux ministres de la Fonction publique, dont un a été déchu depuis ce temps, M. de Belleval en premier, le député de Charlesbourg, concernant le fonds de retraite des religieux, des ex-religieux, des mesures qu'on n'avait pas incluses dans la loi 60 du temps ce qu'on trouvait regrettable, pour apporter un amendement. En 1978, j'ai posé une question au ministre de la Fonction publique. Le ministre de l'Éducation du temps, vu que cela touchait l'éducation, m'avait aussi répondu. C'est inscrit au journal des Débats. Vous pouvez lire cela. On disait que c'était une question de temps pour rajuster les fonds

de retraite des religieux et des ex-religieux, pour donner justice à ces gens-là qui ont travaillé, qui ont façonné, qui ont probablement été ceux qui vous ont donné votre propre éducation et votre propre instruction et qui mériteraient d'avoir au moins l'égalité de fonds de retraite avec les autres. On m'a dit, M. le Président: C'est au Conseil des ministres et c'est une question de temps.

On a changé de ministre. C'est le député d'Abitibi-Ouest, je pense, qui est devenu ministre de la Fonction publique. Je lui ai posé une question en Chambre. Pour lui aussi, c'était une question de temps et cela prenait encore moins de temps que l'autre. On a parlé en arrière du trône tous les deux et il m'a dit: II y a certaines contraintes. Il m'a donné les genres de contraintes qu'il y avait. Il a dit: Cela devrait, en principe, se régler. Il m'a dit cela en arrière. On a changé de gouvernement et, depuis ce temps, on a un autre ministre de la Fonction publique. C'est un projet de loi qui aurait dû être déposé au mois de décembre. J'avais posé la question ici, en vertu de l'article 34. C'est tout vérifiable. On va être rendu bientôt au mois de décembre de l'autre année. On a changé de ministre de la Fonction publique et on ne parle même pas du fonds de retraite des exreligieux et des religieux, chose qui leur est tout simplement due, qui serait normale.

M. le Président, comme gouvernement, quand on était là, en 1976, on avait commencé à travailler, et on n'avait pas été rapide nous autres non plus, du cas... Oui, je le dis. On avait commencé à travailler là-dessus et cela aurait dû être beaucoup plus rapide que ça l'a été. Là-dessus, on n'a pas été vigilant. Le cas des employés de... Oui, nous autres, on a le courage de le dire. On ne pense pas que le Québec est venu au monde autour de notre nombril, comme c'est le cas pour certains d'entre vous. M. le Président, on avait commencé à travailler sur ce qu'on appelle les employés des compagnies nationalisées, Hydro-Québec, Shawinigan Water and Power et tout cela, des gens qui avaient une maigre pitance qui n'avait pas été ajustée, rien de cela, qui demandait à être ajustée. On avait commencé à travailler. Le député de Trois-Rivières, par la suite, celui qui revalorise le rôle des députés, M. Vaugeois, a travaillé à cela lui aussi. Il s'est prononcé là-dessus. On a fait des promesses depuis ce temps. Cela fait cinq ans que ce gouvernement est au pouvoir et il n'y a rien eu de réajusté. Ce sont encore des choses importantes à réajuster, M. le Président, et cela touche très peu de gens, si on veut être juste. Cela touche très peu de gens. C'est un gouvernement - M. le Président, vous le connaissez bien mieux que moi - comme je l'ai déjà dit, d'emballage. Il faut que cela rapporte quand cela fait quelque chose. Comme cela touche très peu de gens, les exreligieux et les religieux, comme cela touche très peu de gens, les compagnies nationalisées d'Hydro-Québec, cela ne vaut pas la peine qu'on s'occupe de cette... Je ne le dirai pas, je voulais mettre un adjectif avant, M. le député de Joliette... (12 h 401

Une voix: Faites attention à vos paroles!

M. Picotte: ... cette catégorie de citoyens, parce que c'est une quantité négligeable. Cela ne peut pas changer le vote dans un comté, et ça ne peut défaire un gouvernement, donc c'est une quantité négligeable. Essayons donc de ne pas se faire avoir en faisant de la propagande, comme vous l'avez fait souvent, et laissez les qens que vous dirigez se faire avoir à même leur fonds de retraite et laissez les handicapés visuels pour compte. C'est ainsi et il faut le dire.

M. le Président, j'avais tout cela à dire et j'en aurais encore à dire. Des promesses électorales ont été faites dans mon comté...

Une voix: Vous n'aurez pas le consentement.

M. Picotte: Non, je sais que vous ne consentirez pas parce que j'étais en train de vous convaincre, M. le député de Joliette. Vous serez un de ceux qui viendront griller une cigarette en arrière tantôt et vous allez me dire quelques petits mots qui feront notre affaire et on va se rejoindre sur bien des points de vue. Mais ça restera en arrière du fauteuil du président, n'ayez crainte.

M. le Président, je termine en disant que si les promesses électorales qui ont été faites dans mon comté au sujet de foyers pour personnes âgées à Saint-Alexis-des-Monts... On a même proposé, à Saint-Alexis-des-Monts, de faire un jardin zoologique à même la nature. On diminue le nombre d'employés dans la réserve de Mastigouche, on donne moins de service et on leur a dit: On va essayer de faire un zoo dans la municipalité. Ce sont des promesses qui ne se réaliseront pas et ce sont des promesses quelque peu imbéciles. Les promesses pour des foyers de personnes âgées, pour des HLM, j'espère qu'elles seront réalisées d'ici deux ans parce que je crois qu'elles ont dû être faites par des gens responsables. Je vous remercie, je remercie cette Chambre de m'avoir accordé sa tolérance et j'ose espérer que ce gouvernement coupera aux endroits où il doit couper et qu'il évitera les compressions budgétaires pour les démunis afin de leur permettre de continuer à vivre.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bellechasse.

M. Claude Lachance

M. Lachance: Merci, M. le Président. Daniel Johnson disait: Quand je me regarde, je me désole, mais, quand je me compare, je me console. C'est exactement la réaction que j'ai après avoir entendu le député de Maskinongé. Et dire que le député de Maskinongé est un ex-directeur d'école, pardessus le marché!

M. le Président, je voudrais d'abord offrir mes félicitations à la population de l'une des municipalités de Bellechasse qui fête cette année ses 75 ans de fondation. Il s'agit de Sainte-Sabine, dont le maire est M. Rémi Lantagne. C'est avec joie, mais aussi avec une certaine émotion que je prends la parole aujourd'hui, pour la première fois dans cette Assemblée, comme député de ce beau comté de Bellechasse-Dorchester. Avoir été choisi pour représenter cette fière population de Bellechasse constitue pour moi un grand honneur, mais surtout un privilège dont j'entends bien me montrer digne. Je tiens à profiter de l'occasion pour remercier chaleureusement tous ceux et celles qui m'ont accordé leur confiance. Ils étaient précisément 9194. D'une façon toute particulière, je désire remercier tous les militants du Parti québécois de Bellechasse qui ont travaillé avec ardeur et enthousiasme, souvent depuis plusieurs années, pour rendre cette victoire possible.

D'une façon bien spéciale, aussi, je désire rendre hommage à mes ex-collègues les maires qui m'ont accordé leur appui le 13 avril. Avec eux, j'ai oeuvré pendant sept ans et demi sur la scène municipale comme maire de ma paroisse natale, Saint-Nazaire, et aussi comme préfet du comté de Dorchester pour une durée d'un an et demi jusqu'au moment de devenir député de Bellechasse. Inutile de vous dire que pendant ce mandat qui débute, j'ai l'intention de ne ménager aucun effort pour me montrer digne de la confiance qui m'a été accordée. Cette responsabilité de député, j'entends bien l'assumer dans l'intérêt de l'ensemble de la population du comté, et cela indépendamment de toute partisanerie politique.

M. le Président, le changement qui est survenu au niveau de la représentation politique du comté de Bellechasse n'est pas l'effet du hasard. Ce résultat dénote un besoin, une volonté d'action positive dans une large partie de la population du comté. Bellechasse est un comté où il y a des problèmes, beaucoup de problèmes. Des problèmes qui se sont accumulés au fil des ans. Et même si le centre du comté est situé à seulement une heure de route de la ville de Québec, Bellechasse s'est développé et comporté comme un comté économiquement défavorisé, au même titre d'ailleurs que certains autres comtés de l'arrière-pays.

M. le Président, je me fais souvent demander où est situé le comté de Bellechasse. Le comté que je représente est pourtant bien facile à localiser. Sans trop le savoir les gens qui empruntent la route 20 et qui désirent se rendre dans le Bas-du-Fleuve ou encore en Gaspésie traversent le comté de Bellechasse dans le sens de la largeur, précisément dans les belles municipalités de Beaumont, Saint-Michel et Saint-Vallier. Pour plus de précision, on peut dire que Bellechasse est situé sur la rive sud, juste en face de l'île d'Orléans, et qu'il s'étend dans le sens de la longueur sur une distance d'à peu près 80 kilomètres à partir du fleuve Saint-Laurent jusqu'à la frontière américaine dans les municipalités de Saint-Camille, Saint-Cyprien et Saint-Louis. À l'est, le comté de Bellechasse touche au comté de Montmagny-L'Islet et, du côté ouest, il longe trois autres comtés: Lévis, Beauce-Nord et Beauce-Sud. Environ 40 000 personnes vivent sur ce vaste territoire qui est très diversifié et qui se compose de pas moins de 34 municipalités.

De quoi les gens de Bellechasse vivent-ils? Ils vivent essentiellement de trois secteurs principaux. D'abord de l'agriculture, surtout prospère dans la partie nord du comté, en particulier l'industrie laitière; ensuite, de la petite et moyenne entreprise principalement concentrée dans trois municipalités dynamiques, soit Sainte-Claire, Saint-Anselme et Saint-Damien et, enfin, ils vivent aussi de la forêt, principalement dans la partie sud du comté, dans le coin qui touche la frontière du Maine.

M. le Président, l'agriculture, de marginale qu'elle était il y a quelques années, est devenue aujourd'hui une activité économique très importante dans le comté de Bellechasse. Elle s'est transformée sur une base plus spécialisée, mais ces efforts de reconversion, qui passent par l'élevage hors sol, ont aussi occasionné de sérieux problèmes, surtout en ce qui concerne l'élevage du porc qui, malheureusement, comme tout le monde le sait, traverse une période très difficile depuis plus d'un an. Comme dans tous le comtés ruraux du Québec, les producteurs agricoles de Bellechasse sont moins nombreux qu'ils ne l'ont déjà été. Cependant, les sommes considérables qu'ils doivent investir dans leur entreprise en font de véritables industriels et ces industriels, on peut dire qu'ils contribuent au développement économique de notre milieu de façon très perceptible.

C'est pour cela, M. le Président, que je suis très heureux que notre parti ait pris des engagements pour favoriser la relève agricole. Je pense, en particulier, à l'engagement de permettre, pour la relève agricole, un prêt sans intérêt de 50 000 $. (12 h 50)

Quant à la petite et moyenne

entreprise, M. le Président, elle a une influence très importante dans le comté. Je suis heureux de constater que, parmi les petites et moyennes entreprises les plus prospères au Québec, il y en a un certain nombre dans Bellechasse. Je voyais dernièrement un inventaire de ces entreprises de l'Est du Québec en particulier et, sur les 236 plus importantes en termes d'employés, eh bien, il y en a 6 qui sont localisées dans les 28 premières dans le comté que je représente; la plus importante c'est Prévost Car, spécialisée dans la fabrication d'autocars de luxe, avec environ 460 emplois à Sainte-Claire.

Il n'en demeure pas moins que présentement les petites et moyennes entreprises doivent subir des taux d'intérêt qui constituent une menace sérieuse pour leur développement. Je souhaite, M. le Président, que notre gouvernement mette au service des petites et moyennes entreprises toute l'aide qui leur permettra de se maintenir et de progresser davantage pour créer des emplois de plus en plus nombreux. Nous en avons tellement besoin, surtout à l'heure actuelle, avec les nombreux jeunes qui arrivent sur le marché du travail.

Pour ce qui est du secteur forestier, la principale difficulté actuelle réside dans l'écoulement des stocks de bois qui sont gravement affectés par la tordeuse des bourgeons. Dans ce domaine, il y a un sérieux danger que des quantités énormes de bois pourrissent dans la forêt faute de trouver preneur à court terme. Pas plus tard que mardi dernier, je recevais, ici-même, à mon bureau au parlement, le président du Groupement forestier de Dorchester, qui me faisait part des problèmes sérieux de son organisme dans ce domaine. Devant tous ces problèmes qui confrontent les différents secteurs d'activité du comté de Bellechasse, il est évident qu'il n'y a pas de miracle, mais je pense qu'on ne doit pas non plus rester indifférent. Quant à moi, j'entends favoriser et épauler toutes les actions visant à promouvoir les politiques d'autosuffisance parce que j'y crois, contrairement à certains individus de l'autre côté de cette Chambre. L'autosuffisance, d'abord dans le domaine agricole, et cela pourrait se faire, par exemple, par la valorisation de zones agricoles marginales du comté de Bellechasse et en diversifiant certaines productions comme le boeuf, le mouton, le lapin et autres.

Je veux également promouvoir les politiques d'autosuffisance énergétique par la valorisation des forêts du comté et en particulier par la production de méthanol dont la première usine sera construite à Saint-Juste dans le comté voisin de Montmagny-L'Islet à seulement cinq milles de la frontière de Bellechasse.

Il y aurait lieu aussi - j'en ai fait personnellement un engagement électoral -de développer le potentiel touristique extraordinaire du comté de Bellechasse-Dorchester et ceci en rendant accessible à notre région le programme du crédit touristique. Je sais pertinemment que plusieurs promoteurs privés attendent que cela se produise pour investir dans des projets précis de développement touristique et en particulier dans une région très belle de mon comté, la région du Lac-Etchemin, que je souhaite devenir aussi une station touristique nationale.

M. le Président, je sais bien que les contraintes budgétaires actuelles ne nous rendent pas la vie facile et ne nous favorisent guère. Cependant, comme député de Bellechasse, j'entends promouvoir tout ce qui peut améliorer les conditions de vie des citoyens de notre comté et cela passe par l'établissement d'un deuxième CLSC dans le comté qui serait situé dans la partie nord. Il y en a déjà un, dont j'ai eu le plaisir d'être le président du conseil d'administration, dans la partie sud, précisément au Lac-Etchemin, et qui fonctionne bien. Il a une bonne réputation et il fonctionne bien. Il nous en faudrait un autre; les besoins sont là.

Cela passe aussi, M. le Président, par la mise en place d'un programme, le plus rapidement possible, pour la dépollution des cours d'eau, en particulier, de la rivière Etchemin et de la rivière Boyer où il y a de graves problèmes de pollution animale, industrielle et municipale.

Évidemment, vous seriez surpris, M. le Président, si je ne vous avais pas parlé des besoins immenses que nous avons dans notre comté, comme dans Beauce-Sud et dans d'autres comtés, en ce qui concerne l'amélioration du réseau routier. Cela mérite que je m'y attarde un peu. Le comté de Bellechasse compte pas moins de 1500 milles de route mais, malheureusement, il y en a seulement 300 ou 400 qui sont asphaltés. C'est donc dire que dans notre comté on connaît ça manger de la poussière. Dans Bellechasse, les gens ont pris l'habitude de dire qu'on roule sur les os à Duplessis. Évidemment, on veut dire par là que la niveleuse a de la difficulté à trouver le gravier nécessaire pour niveler la route convenablement; elle doit fouiller parmi les roches, parmi les cailloux.

Au rythme actuel, c'est sur une période d'environ cent ans, un siècle - il est bien évident que cela va faire longtemps qu'on ne sera plus de ce monde - qu'il faut compter avant de voir toutes les routes en asphalte. Avec l'argent d'aujourd'hui, cela voudrait dire 200 000 000 $; c'est vous dire les besoins que nous avons chez nous. Il y a beaucoup de rattrapage à faire. Personnellement, j'espère qu'on verra des gestes sérieux posés dans cette direction le plus rapidement possible.

Comme nouveau député, depuis le début de la session, j'ai pu observer que dans leurs interventions, plusieurs députés de l'autre côté de cette Chambre ont parlé du drapeau du Québec. Je me souviens d'avoir entendu le député de Jeanne-Mance et le député de Vaudreuil-Soulanges. Le député de Vaudreuil-Soulanges disait que le drapeau fleurdelisé appartient à tous les Québécois. Personnellement, je n'ai rien contre ça, je suis bien d'accord, mais toujours faut-il que ce soit sincère. J'estime que nul ne peut servir deux maîtres: on aimera l'un et on détestera l'autre. Je me pose une question. Quand on dit qu'on veut que le drapeau soit a tout le monde, je suis bien d'accord, mais pourquoi alors sentir le besoin, de l'autre côté de cette Chambre, d'utiliser le drapeau canadien lors de l'assermentation des députés libéraux au salon rouge à la fin du mois d'avril? Il était bien en vue, bien posté.

Je voudrais simplement rappeler à mes amis de l'autre côté de cette Chambre qu'ils se sont peut-être trompés de Parlement. C'est peut-être à Ottawa qu'ils pensaient se rendre, mais ici, on est à l'Assemblée nationale du Québec et je pense qu'on ne doit pas du tout être gêné du drapeau du Québec. Au contraire. J'ai entendu l'appel lancé par le député de Jeanne-Mance qui disait qu'il espérait que les collègues libéraux portent le drapeau du Québec. J'ai observé souvent depuis ce temps, et malheureusement son appel n'a pas été très bien reçu, M. le Président, puisqu'il n'y en a pas beaucoup qui le portent. Il y a d'heureuses exceptions, mais trop peu nombreuses.

Souvent, M. le Président, on entend les députés de l'Opposition dire qu'eux aussi sont Québécois. Encore là, je n'ai rien contre cela. Cela me fait plaisir. Seulement, de ce côté-ci de la Chambre, on n'a pas besoin de dire qu'on est Québécois. Les gens le savent. Ils le savent fort bien. La population le sent. Elle sait qu'on travaille dans son intérêt. Elle le sait si bien, M. le Président, qu'elle n'a pas couru de risques le 13 avril dernier en élisant l'équipe dirigée par M. Lévesque. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Viger.

M. Maciocia: M. le Président, je demanderais la suspension du débat jusqu'à 15 heures, si c'est possible.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise de la séance à 15 h 08)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Assoyez-vous.

Reprise du débat sur la motion de M. Parizeau proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement.

La parole est au député de Viger.

M. Maciocia: Merci, M. le Président.

M. Chevrette: Est-ce que je pourrais soulever une question de privilège, s'il vous plaît? Je voudrais profiter de la première occasion qui m'est fournie pour remercier, au nom des députés ministériels, M. le député de Beauce-Sud pour des petits pots qu'on a reçus à nos bureaux.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

J'accepte votre question de privilège et je fais miens vos remerciements.

Une voix: Des pots-de-vin!

M. Chevrette: Vous le savez? Si M. le député ne le sait pas, c'est encore pire, par exemple, parce qu'on a reçu à nos bureaux de petits flacons de sirop d'érable de la Beauce. Je l'en remercie.

M. Mathieu: Prenez garde, ils sont piégés.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Viger, à vous la parole. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: M. le Président, on me permettra, d'abord, d'exprimer ouvertement la fierté que j'éprouve à siéger en cette Assemblée. En me procurant l'honneur de les représenter ici, les électeurs du comté de Viger m'ont confié une lourde responsabilité, celle de prendre une part active et constante à l'édification de leur mieux-être collectif. Une fois de plus, je veux les remercier du fond du coeur, tout en les assurant de ma plus sincère disponibilité. Le comté de Viger compte au nombre des douze nouveaux comtés qui ont vu le jour peu de temps avant les élections. C'est un comté composé de Québécois fiers et heureux qui n'ont pas honte de prononcer le mot Canada. C'est un comté à l'image du Québec urbain d'aujourd'hui, où les professionnels et les commerçants croisent quotidiennement les employés manuels et les travailleurs de la construction. Tous cherchent à développer autour d'eux un véritable climat communautaire.

C'est aussi un comté où fraternisent des Québécois de diverses origines. Les données démographiques démontrent que 19% des électeurs de Viger proviennent de souche italienne, c'est-à-dire 7000 électeurs sur

38 000 . C'est donc dire que les Québécois d'origine, en plus grand nombre encore que les Italo-Canadiens, ont fait confiance au Parti libéral dans le comté de Viger. Mon mandat provient de toute la population, des cols bleus comme des cols blancs, des Québécois d'origine comme des Québécois d'adoption. Mon mandat, c'est à l'endroit de tous ces gens sans distinction que je me dois de le réaliser.

Si tous ces électeurs ont manifesté leur confiance au Parti libéral, c'est qu'ils ont vu clair dans cette stratégie du marketing du Parti québécois qui a mis son option constitutionnelle en veilleuse durant la campagne électorale pour mieux la placer en évidence par la suite. Les électeurs de Viger n'ont pas mordu à l'hameçon et les faits sont en train de leur donner raison. Dans le journal La Presse du 29 mai, on pouvait lire une déclaration du député de Rosemont selon laquelle le thème du prochain congrès du Parti québécois, au mois de décembre, portera sur l'accession à la souveraineté. Déjà, au Parti québécois, on cherche des moyens de faire croire à la population que l'éventuelle élection sur le thème de la souveraineté n'aura pas le même effet qu'un référendum tout court. Au rythme où vont les choses, le Parti québécois aura amorcé, d'ici la fin de l'année, un virage complet sur sa raison d'être fondamentale.

Nous allons surveiller de près ce parti et ce gouvernement afin qu'il ne confonde pas trop vite ses intérêts partisans et ceux des Québécois dans leur ensemble. Au cours de son premier mandat, ce gouvernement a développé une certaine dextérité dans l'art de construire des ponts de glace là où ça faisait son affaire. Je me demande aujourd'hui si ce n'est pas à nouveau ce que tente de faire la ministre de la Fonction publique par son récent projet de loi visant à accorder aux groupes minoritaires une place plus grande dans l'appareil administratif du gouvernement. Je veux bien qu'on amende la loi dans le sens des intérêts de tout le monde, mais rien ne nous assure, à ce moment-ci, qu'une fois de plus, il n'y aura pas loin de la coupe aux lèvres.

On ne peut pas passer sous silence le fait que les communautés ethniques n'aient droit qu'à 1% des emplois dans les secteurs public et parapublic, alors qu'elles représentent 9% de la population totale. Il y a là une injustice sociale que le gouvernement a trop tardé à corriger, lui qui se targue de son étiquette sociale-démocrate. Ce que les Québécois des communautés culturelles attendent du gouvernement ne diffère en rien de ce qu'attendent de lui les jeunes arrivant sur le marché du travail ou encore les chômeurs trop nombreux qui viennent à nos bureaux de comté. Ce que l'on attend partout au Québec, ce sont des emplois dignes de ce nom, pas uniquement des emplois temporaires et à temps partiel, comme le gouvernement s'est spécialisé à en créer ces dernières années, mais des emplois qui, en plus d'assurer la sécurité matérielle de l'individu, vont lui procurer l'avancement professionnel indispensable à sa pleine intégration dans notre société. Il y a un grave danger contre lequel le gouvernement doit être mis en garde, c'est celui d'alimenter par de simples emplois de dépannage la désillusion, le découragement et le cynisme chez les jeunes. Comment un jeune peut-il avoir confiance dans une société qui lui demande de s'asseoir à l'école pendant plusieurs années sans lui offrir, par la suite, de quoi compléter son apprentissage dans la vie?

À cet égard, on a des signes très inquiétants de chômage chez les jeunes. M. le Président, il y avait au Québec en avril dernier 118 000 chômeurs de moins de 25 ans, soit un taux de chômage de 16,3%. De ce nombre, la moitié était sans emploi depuis plus de quatorze semaines. Ceci n'indique cependant qu'une partie de la vérité. Toujours en avril 1981, 128 000 autres jeunes Québécois ont déclaré qu'ils n'étaient pas présentement à la recherche d'un emploi puisque ayant cherché en vain, ils avaient décidé de faire autre chose ou d'attendre patiemment des jours meilleurs. À ce rythme, c'est toute une génération qui s'effondre dans l'engrenage de la misère et de la frustration.

À ce titre, il faut retenir deux mesures péquistes particulièrement dommageables à l'emploi chez les jeunes. Le règlement de placement dans la construction qui empêche, à toutes fins utiles, les jeunes d'accumuler le nombre d'heures de travail qui leur permettrait une certaine sécurité d'emploi. Ce rationnement de l'emploi dans la construction se fait essentiellement sentir au détriment des jeunes.

L'annonce faite durant la campagne électorale d'un "boni de chômage" applicable aux diplômés d'études secondaires à la recherche d'un emploi. En effet, ceux-ci devront être chômeurs six mois avant qu'on puisse offrir 3000 $ de boni à leur employeur pour leur embauche. Alors aux jeunes qui cherchent un emploi les employeurs diront: Reste chez toi comme chômeur et reviens me voir quand tu auras complété six mois de chômage, car alors tu vaudras 3000 $ de plus pour moi. Comme l'employeur n'a pas à le garder plus d'un an complet pour obtenir le boni, il pourra le mettre à pied pour le remplacer à nouveau par un autre jeune "chômeur à boni."

Dernièrement, le ministre des Finances nous a déclaré qu'on peut appeller des taxes régressives, celles qui frappent toujours les pauvres plus que les riches. Par exemple, l'imposition possible d'un ticket modérateur pour des services gouvernementaux

présentement gratuits, comme les services de santé, la régie des loyers, etc. La taxe sur l'essence, qui grimpera automatiquement avec chaque hausse du prix du pétrole, puisqu'elle exprime un pourcentage du prix au détail. Les hausses de tarifs d'Hydro-Québec et l'imposition de redevances à celle-ci. Cette dernière devra certainement passer la note aux usagers, donc les hausses de tarifs devront être très supérieures à celles de 10% ou 12% que nous avons connues jusqu'à présent.

M. le Président, les jeunes veulent travailler, ils ne répugnent pas à travailler, mais ils ne sont pas dupes. Ils voient bien qu'on leur laisse, plus souvent qu'autrement, les emplois de mauvaise qualité.

Où donc le ministre des Finances avait-il la tête lorsqu'il a rédigé son budget? Comment a-t-il pu ignorer à ce point la réalité du chômage chez les jeunes? Le ministre ne manque toujours pas d'études sur le sujet. M. Pierre Fortin, un économiste que nos amis d'en face consultent souvent, le soulignait en toutes lettres dans une récente entrevue que je cite: "Lorsque le chômage augmente, il augmente trois fois plus vite chez les jeunes que chez les adultes. C'est qu'ils ont de la difficulté à se trouver un emploi qu'on leur permet de garder ou qui vaut la peine d'être gardé."

Voilà où nous conduit un gouvernement qui se préoccupe davantage de bien paraître que de bien faire. Tôt ou tard, il faudra bien payer le prix d'une telle insouciance, M. le Président; tôt ou tard, le ministre des Finances devra cesser de jouer au magicien et admettre qu'il s'intéresse davantage au plan de carrière du Parti québécois qu'à celui des jeunes en quête de travail.

Nous, du côté libéral, nous avons peut-être perdu la manche du 13 avril, mais que nos amis d'en face se disent bien une chose! le libéralisme n'a pas encore baissé pavillon au Québec. Les Québécois n'ont pas perdu en une seule journée d'élection le sens des réalités économiques; ils n'ont pas cessé de croire dans les règles fondamentales de l'économie. (15 h 20)

II n'y a pas de magie là-dedans. Seuls la vigueur et le dynamisme de l'économie peuvent engendrer la diversité des services sociaux et le progrès véritable de la culture. C'est sur une économie forte que ces choses-là se construisent, pas sur des mirages. Le gouvernement est, d'ailleurs, en train de réaliser ce qu'il en coûte de procéder à l'inverse. Au terme d'un premier mandat au cours duquel il a laissé des centaines d'entreprises déménager ou s'éteindre d'elles-mêmes, il se rend compte que les fonds de l'État ne suffisent plus à assurer les services de santé et les services sociaux parmi les plus élémentaires. On pourra toujours dire qu'il y avait des abus dans la consommation des services offerts par tout le réseau des affaires sociales. On pourra toujours dire que les modes administratifs des commissions scolaires étaient devenus trop poreux. De telles raisons sont commodes pour le gouvernement. Elles lui procurent une façade, mais, derrière cette façade, ce qu'il y a, c'est l'échec de sa politique économique.

Le pire, c'est qu'on ne voit pas très bien dans ce budget ce qui va permettre de ramener les choses. Au contraire, ce que l'on voit derrière ces coupures budgétaires, ce sont des employés de l'hôpital Santa Cabrini ou de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont qui risqueront de perdre leur emploi. Ce sont les malades du comté de Viger et d'ailleurs dans le nord-est de l'île de Montréal qui attendront quelques heures de plus à la salle d'urgence. Ce sont aussi des personnes âgées qui endureront leur malheur en silence en attendant que le gouvernement trouve les fonds nécessaires à l'établissement d'un programme cohérent à domicile. Ce sont, encore une fois, des jeunes qui se destinaient à différentes techniques médicales ou paramédicales qui viendront gonfler le nombre de chômeurs.

Tout cela, c'est le résultat de quelques années seulement de régime social-démocrate. C'est le bilan d'un gouvernement pour qui l'économie est un citron que l'on peut presser à satiété après l'avoir malmené vilement. C'est le bilan d'un gouvernement qui, tant du point de vue social qu'économique, s'est employé à mettre la charrue devant les boeufs et qui, si l'on regarde ce budget, s'apprête à continuer dans la même veine.

La social-démocratie est un terme relativement nouveau, donc encore à la mode au Québec, mais c'est une façon éphémère de gouverner qui fait passer le social au premier rang sans se soucier de la capacité de l'économie et d'en assumer les nouvelles charges. C'est une façon de voir les choses qui, somme toute, ne reconnaît pas la valeur réelle du travail et de l'argent. Tout ce qui peut en résulter, c'est du court terme, du dépannage, du tape-à-l'oeil. Rien de solide sinon la publicité à outrance qui sert si bien à masquer les vraies réalités. Rien de permanent, sinon le déficit et l'endettement auxquels le ministre des Finances est en train de nous habituer d'année en année. Si je suis engagé dans le Parti libéral, c'est parce que je crois à la nécessité d'avoir de l'argent avant d'en dépenser. C'est parce que je crois à la nécessité d'une économie forte pour supporter la gamme des mesures sociales. Le premier ministre aura beau dire ce qu'il voudra, en 1981, libéralisme n'est pas synonyme de laisser-faire. Le gouvernement se doit d'intervenir dans une foule de volets de l'activité humaine. La sagesse d'un bon gouvernement réside toujours dans sa capacité à mesurer l'impact

de ses interventions.

Tout au long du mandat que m'ont confié les électeurs du comté de Viger, je m'empresserai, de concert avec tous mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, d'exercer la vigilance nécessaire pour que ce gouvernement dirige le Québec dans la bonne direction, celle du progrès économique durable et celle d'une compréhension accrue entre les différentes couches socioculturelles. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Jacques Le Blanc

M. Le Blanc: M. le Président, comme tous mes collègues qui, pour la première fois, prennent la parole à l'Assemblée nationale, je dois m'acquitter d'une tâche fort agréable que la reconnaissance la plus élémentaire me commande de faire, celle de témoigner ma profonde gratitude à toutes les femmes et à tous les hommes de Montmagny-L'Islet qui m'ont accordé leur appui le 13 avril dernier. Cette marque de confiance, je la partage toutefois et sans restrictions avec tous les membres de l'équipe dont j'ai l'insigne honneur de faire partie, y compris son chef, M. René Lévesque.

Je rends hommage ici à cette formidable organisation composée de courageux pionniers de la première heure jusqu'aux tout nouveaux militants qui, tous ensemble, ont réussi à remporter cette victoire relativement mince en termes de majorité, mais sans contredit très éclatante si on considère que, pour l'obtenir, il a fallu conquérir 5000 nouveaux votes en faveur du Parti québécois. C'est avec fierté, bien sûr, mais aussi avec réalisme et une certaine dose d'appréhension que j'assume la responsabilité de représenter le plus efficacement possible toute la population de Montmagny-L'Islet, conscient que la tâche est lourde, non seulement à cause de sa superficie relativement vaste, mais surtout à cause des besoins qui y sont réellement présents. Les aspects géographiques et topographiques de ma circonscription présentent autant de variantes que son économie. Ce territoire s'étend de la frontière du Maine, dans la forêt des Appalaches, au sud, jusqu'à la rive du Saint-Laurent, dans les plaines agricoles de ses limites nord. On y passe de l'industrie surtout forestière dans la zone sud à une agriculture de plus en plus industrialisée dans le secteur nord. L'industrie touristique au potentiel considérable, mais actuellement inexploitée de façon rentable est concentrée tout au long du Saint-Laurent, de Berthier sur mer à Saint-Jean-Port-Joli, surnommée avec justesse la capitale de l'artisanat. La ville de Montmagny, qui est la principale ville de mon comté par sa production industrielle dans le textile, les appareils ménagers, le meuble, etc., est la principale ville de services et mérite à juste titre d'être désignée la capitale de la Côte-du-Sud.

Je fais ici, M. le Président, une courte parenthèse habitué que je suis à l'étendue immense de mon comté. Étant habitué à de si grands espaces, je trouve plutôt étroit et difficile d'accès l'espace qui nous est dévolu à mes compagnons et à moi dans cette rangée de fauteuils. Je me permets de formuler le souhait suivant: Avant de procéder au découpage de nouvelles circonscriptions, il faudrait penser à agrandir ce qu'on appelle le salon de la race car la race, M. le Président, commence à se piler un peu beaucoup sur les pieds.

Sur un ton plus sérieux, je voudrais signaler, en revenant aux besoins les plus impérieux de mon comté, les actions à accomplir dans les divers secteurs de notre économie. D'abord donner suite au sommet économique de Montmagny qui s'est déroulé il y a quelques mois et qui a connu un franc succès, qui a ouvert aussi des perspectives intéressantes pour la promotion et le développement, non seulement de la ville de Montmagny, mais de toutes les localités de mon comté. On a alors lancé des projets comme SODEQ, l'ATR de la CÔte-du-Sud et beaucoup d'autres projets. On y a reconnu l'urgence d'apporter une amélioration aux réseaux routiers secondaires. On a signalé également la nécessité de rechercher des utilisations pratiques aux déchets forestiers et aux résidus de nos scieries, de même que l'importance d'un programme intensif d'aménagement forestier. La régionalisation du Conseil économique de Montmagny, qui a pour effet d'étendre son action à tout le comté, pourra susciter et encourager des initiatives nouvelles, aider à la consolidation des entreprises existantes et fournir l'information et les conseils à tous ceux dont l'action contribue à fournir de l'emploi et à activer le développement économique. (15 h 30)

Dans ce tableau qui présente une partie des défis à relever, je n'ai pas posé au faiseur de miracles, loin de la. Quelqu'un a déjà donné avant moi cette définition très simple que la politique est l'art du possible. Avec autant de simplicité et de sincérité, j'ajouterais que je ferai tout mon possible pour réaliser ce possible, dans le meilleur intérêt de mon comté et des gens qui y vivent. Cette population que je suis fier de représenter déploie beaucoup d'efforts pour promouvoir le développement de son industrie, la promotion de ses attraits et ressources touristiques, l'exploitation plus rationnelle de ses forêts, sa principale ressource naturelle. Cette population mérite,

M. le Président, de recevoir l'appui et l'aide financière nécessaire à la réalisation de ses projets dans le cadre des mesures prévues à ces fins. Je suis heureux de constater que certains dossiers qui ont fait l'objet d'études sérieuses, d'implications locales importantes, extrêmement utiles, parviennent parfois à bonne fin.

Je voudrais signaler dans cette veine, M. le Président, le projet d'implantation dans le secteur sud de ma circonscription, plus précisément à Saint-Juste, d'une usine pilote conçue pour la fabrication de méthanol. Cette usine laboratoire utilisera comme matières premières la biomasse forestière et plus spécifiquement, dans ses débuts surtout, les résidus des scieries de cette région, et ces résidus sont abondants. Cette industrie innovatrice sera sûrement, pour le génie québécois, l'occasion de développer une technologie nouvelle pour exploiter et produire en volume industriel cette nouvelle source d'énergie.

Si l'on veut un court instant se représenter l'image de la très large superficie de notre potentiel forestier et, proportionnellement, ce qui s'y gaspille, autant en forêt que dans nos scieries ou usines de transformation, on peut entretenir l'ambition légitime et réaliste d'acquérir dans ce domaine, comme nous l'avons fait dans celui de l'hydroélectricité, la connaissance technologique de pointe qui nous permettra de contribuer à notre autosuffisance énergétique dans les années à venir.

La société Nouveler, maître d'oeuvre de ce projet, tout en créant de nouveaux emplois, a pour objectif de perfectionner les procédés de fabrication du méthanol pour assurer une meilleure rentabilité, d'abord, de cette usine et, en conséquence, des autres qui suivront. Il est raisonnable de penser également à l'exportation ailleurs dans le monde de notre technologie dans ce domaine lorsque toutes les étapes nécessaires auront été franchies.

Comme plusieurs de ceux qui, comme moi, ont occupé un fauteuil dans cette Assemblée lors d'une première session, j'ai beaucoup observé. Même si je ne crois pas que l'homme doit obligatoirement être un loup pour l'homme dans ses échanges ici. Je trouve très sensées les paroles de celui qui a dit qu'une certaine dose d'opposition est parfois nécessaire, le cerf-volant ne se levant pas avec le vent, mais contre lui. Cependant, dans le contexte politique plutôt inquiétant que nous vivons présentement, il devient primordial que l'union de toutes les forces politiques du Québec se concrétise plus particulièrement dans ce Parlement pour contrer l'attaque sournoise et dangereuse que subit le Québec présentement, soit l'offensive inqualifiable menée contre nos droits souverains, spécialement en éducation, dans le tristement célèbre plan Trudeau, cette manoeuvre douteuse, initiée sans mandat par ceux qui nous reprochent de ne plus croire au fédéralisme, mais qui travaillent, par leurs gestes, à sa destruction.

Je fais référence ici à une conférence prononcée récemment par M. Gilles Rémillard qui disait, en parlant de ce qu'il s'imposait de faire vis-à-vis du fédéralisme canadien: "Cependant, pour ce faire, une réforme constitutionnelle complète s'impose dans le sens d'un compromis capable de satisfaire la spécificité du Québec. Dans le cas où une telle réforme s'avérerait impossible, il n'est pas dit que le 20 mai 1980 n'aura pas été le premier pas du Québec vers son indépendance."

Devant cette situation qui menace de s'aggraver au lieu de se résorber, le Québec ne pourra certainement pas toujours refuser de choisir les meilleurs moyens de reconnaître, de protéger et de garantir sa spécificité propre. Autant je demeure profondément convaincu de la nécessité de respecter le système démocratique dans lequel nous vivons, autant je suis convaincu que ces meilleurs moyens sont ceux contenus dans l'objectif de notre parti. J'entendais, il y a quelques semaines, à une réunion d'anciens élèves de mon alma mater, un éminent psychiatre et conférencier énoncer avec humour, il va sans dire, la règle suivante: Plutôt que d'avoir une montre et qu'elle ne marche pas, mieux vaut ne pas en avoir et qu'elle marche. Faites le rapprochement avec notre fédéralisme déréglé. Il faudra que nous soyons, nous, Québécois et Québécoises, de plus en plus vigilants et prêts, ayant le souci constant de nous faire respecter tout en respectant les autres.

Dans les derniers jours de la dernière Législature, le ministre des Finances, au nom du gouvernement, a présenté le budget que cette Assemblée se prépare à adopter. Le geste que nous allons poser en l'adoptant va en réalité ratifier la décision déjà prise par la population du Québec le 13 avril dernier. Ce budget est soumis, bien sûr, aux contraintes de la situation économique nord-américaine et même mondiale, mais également aux difficultés résultant de l'absence de contrôle que notre dépendance d'un système fédéral nous impose. Toute modification restrictive apportée au régime de l'assurance-chômage, par exemple, a une répercussion directe sur notre budget en gonflant inévitablement les sommes nécessaires à l'aide sociale, entre autres.

Je termine, M. le Président, par cette réflexion que m'inspire le bilan positif de la décennie des années soixante-dix dans la poursuite du programme du Parti québécois. Le chemin a été parcouru avec ténacité, avec plus de réussites que d'échecs, dans le chemin difficile par lequel tout grand projet de société doit passer. La progression

accomplie nous donne l'assurance que la décennie quatre-vingt reste porteuse d'espoir pour tous ceux et celles qui veulent continuer avec fierté et confiance de participer à ce noble projet de bâtir notre Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Merci, M. le Président. M. Pierre-C. Fortier

Dans le cadre des interventions faites par les députés à l'occasion du discours sur le budget qui a été présenté par le ministre des Finances, il me fait plaisir d'intervenir à mon tour cet après-midi. Quoique j'aie eu l'occasion de parler à quelques reprises dans cette Chambre depuis que la session est commencée, je ne me suis pas prévalu de mon droit de dire quelques mots aux gens qui m'ont élu dans Outremont. Je voudrais dire ceci: Je suis très fier d'avoir été réélu pour la deuxième fois en cinq mois. Vous vous souvenez que j'ai été élu une première fois, au mois de novembre dernier, lors des élections partielles et, la dernière fois, lors des élections générales.

Outremont est un lieu résidentiel par excellence localisé sur les flancs du mont Royal et où il fait bon vivre. Il y fait tellement bon vivre que j'ai noté qu'il y avait plusieurs ministres du Parti québécois qui nous dirige qui y vivent. On pourrait en citer quelques-uns; il y a le ministre de l'Éducation, le docteur Camille Laurin; le vice-premier ministre, M. Jacques-Yvan Morin; le ministre des Affaires sociales, M. Pierre-Marc Johnson; le ministre des Affaires municipales, M. Jacques Léonard; le ministre des Finances, M. Jacques Parizeau, et le ministre d'État au Développement économique, M. Bernard Landry. Je comprends que tous ces ministres qui se sont dévoués à la social-démocratie aiment bien vivre dans un milieu qui soit à la hauteur de leur situation. (15 h 40)

Mais il n'y a pas que des gens riches et des ministres à Outremont, M. le Président. Il y a des gens qui ont des besoins, il y a des ouvriers, il y a des personnes âgées, il y a des étudiants et tous attendent de leur député qu'il leur vienne en aide à l'occasion. Voilà, c'est mon rôle et j'ai bien l'intention de l'assumer pleinement.

D'ailleurs, dernièrement, j'ai eu l'occasion d'intervenir puisque le gouvernement ou le ministre délégué à l'Habitation n'avait pas su intervenir dans un dossier qui était criant. En effet, un des problèmes que nous avons à Outremont, c'est que les personnes âgées ont de plus en plus de difficulté à se loger et à trouver un logement convenable, à la mesure de leur bourse.

Depuis septembre dernier, le ministre délégué à l'Habitation savait qu'il y avait un problème en ce qui concerne la transformation d'habitations, de loqements en propriétés indivises. Depuis ce temps, il n'a rien fait; il n'a rien fait jusqu'à aujourd'hui. Pourtant ce gouvernement avait trouvé le temps de préparer un projet de loi pour venir en aide à l'habitation pour les jeunes ménages. Nous sommes d'accord avec cette intervention, mais nous ne pouvons comprendre pour quelle raison le gouvernement qui nous dirige n'avait pas su également prêter une oreille attentive à ce problème criant des personnes âgées qui étaient forcées d'évacuer les loqements où elles demeuraient. Il a fallu que mon collègue, le député de Mont-Royal, ainsi que moi-même intervenions lundi dernier, lors d'une assemblée publique, pour que le gouvernement comprenne enfin qu'il y avait un problème et que le problème devait être résolu.

Il m'est impossible de comprendre pourquoi les six ministres résidant à Outremont et un septième, venant du comté de Mercier, notre voisin, n'aient pu intervenir avant aujourd'hui.

De toute façon, M. le Président, comme je l'ai dit j'ai bien l'intention de représenter toute la population d'Outremont, quel que soit le vote qu'elle ait exprimé lors des dernières élections. C'est ma responsabilité et j'ai bien l'intention de l'accomplir totalement.

Cet après-midi, j'aimerais faire ressortir quelques aspects du discours du budqet qui touchent au domaine énergétique et à Hydro-Québec et qui, je crois, n'ont pas été touchés jusqu'à maintenant. Bien sûr, pendant la campagne électorale, il ne nous a pas été possible d'approfondir tous les aspects et tous les détails de ce discours. Pourtant, ce qui est proposé dans le budget est fondamental. Comme pour la loi 11, qui appelle des changements fondamentaux pour le financement des collèges privés, dans le discours sur le budget il y a des changements importants touchant la politique énergétique du Québec et touchant la gestion financière d'Hydro-Québec.

Pour celui qui vous parle, ces deux problèmes sont importants à plus d'un titre. D'une part, personnellement, ayant été associé à plusieurs des travaux d'Hydro-Québec depuis plusieurs années, depuis 1964 pour être plus exact, et, de plus, ayant été nommé par M. Ryan critique en matière énergétique, je me dois de parler sur ce sujet des plus criants.

Nous, ingénieurs, que ce soient ceux d'Hydro-Québec ou ceux de l'entreprise privée, mais qui avons aidé l'Hydro-Québec à se développer depuis plusieurs années et qui

avons réalisé des projets considérables, les projets de Bersimis, de Manicouagan ou de la Baie-James, sommes fiers de toutes les réalisations qui ont été faites au Québec dans le domaine énergétique.

Ces projets, bien sûr, ont provoqué le développement d'initiatives chez les ingénieurs, ce qui a fait que plusieurs de ceux qui avaient oeuvré à ces projets énergétiques ont pu, par la suite, se lancer à la conquête du monde dans la réalisation de projets semblables.

Il faut rendre hommage à la politique d'Hydro-Québec qui a su associer tous les éléments du Québec, des Québécois et des Québécoises à l'épanouissement collectif dans ce domaine.

De plus, Hydro-Québec a été un facteur de développement économique important. Tous les gouvernements, tous les dirigeants d'Hydro-Québec ont fait en sorte qu'Hydro-Québec puisse jouer un rôle important dans le domaine de l'économie. Qu'on se souvienne qu'en 1961 - pour ne citer qu'un ou deux chiffres - l'investissement fait par Hydro-Québec n'était que de 138 000 000 $, alors qu'en 1979 il était de 2 800 000 000 $. En 1961, l'investissement était donc uniquement de 7,5% de tous les investissements réalisés au Québec tandis qu'en 1979, il était de l'ordre de 24%.

Cela dénote, bien sûr, l'importance d'Hydro-Québec dans notre économie. HydroQuébec est une réussite. Elle a été dirigée par des hommes remarquables, par des dirigeants que j'ai eu le plaisir de connaître. Je voudrais évoquer aujourd'hui d'anciens présidents, que ce soient M. Lessard, M. Giroux, que ce soient des dirigeants d'aujourd'hui, le président du conseil, M. Bourbeau, ou le président d'Hydro-Québec, M. Boyd. Toutes ces personnes étaient animées d'un idéal qui faisait honneur à notre nation, qui faisait honneur aux Québécois et aux Québécoises. De plus, du haut en bas de la pyramide administrative, on trouvait également des hommes et des femmes qui étaient associés à cet effort de développement dans le domaine énergétique et dans le domaine économique.

Ceci a été vrai et ceci a été possible parce que, depuis 1944, Hydro-Québec a été administrée d'une façon autonome. On a permis à ces gens de réaliser l'idéal qu'ils voulaient réaliser pour notre bien-être collectif. Avant de toucher à Hydro-Québec, on peut se poser la question: Pourquoi faut-il faire en sorte que ce qui a été un succès à venir jusqu'à maintenant puisse entacher le développement économique du Québec dans l'avenir?

Comme je l'ai dit, Hydro-Québec a pu réaliser ses objectifs par l'autonomie financière et administrative qu'on lui avait confiée. On est en droit de se poser des questions aujourd'hui, M. le Président, sur les propositions que nous fait le ministre des Finances et que nous fait le gouvernement dans le discours sur le budget. Avant de faire en sorte que le gouvernement ait une mainmise complète sur Hydro-Québec, on doit se poser la question: À quoi cela va-t-il servir? Il faut savoir qu'en Ontario, on a tenté la même expérience avec les résultats que l'on connaît. Hydro-Ontario, depuis quatre ou cinq ans, est passée sous la férule du gouvernement de l'Ontario et, depuis ce temps-là, cette compagnie d'utilité publique connaît beaucoup de difficultés. J'aimerais, à ce sujet, citer un ou deux chiffres qui illustrent les difficultés même sur le plan financier, que connaît Hydro-Ontario maintenant qu'elle est sous la férule directe du gouvernement.

M. Lafond, lors de la commission parlementaire qui a eu lieu au mois de février, nous citait quelques chiffres à ce sujet. Hydro-Ontario, qui a une cote de crédit AAA, comparée à Hydro-Québec qui a une cote AA, avait un programme d'emprunt je crois que c'était en 1979 - de 1 800 000 000 $. Elle a réussi à emprunter seulement 1 400 000 000 $ à un coût moyen de 12,99%. Hydro-Québec, avec un programme d'emprunt de 2 200 000 000 $, plus ou moins, a réussi à atteindre cet objectif avec un coût d'emprunt moyen d'environ 12,53%.

Je crois que la réussite d'Hydro-Québec est connue de tous au Québec. Avant que l'on accepte les propositions du gouvernement, il faut se poser des questions extrêmement sérieuses. Il y a un grave danger de nuire à Hydro-Québec, puisque cela a été une réussite, et il y a un grave danger que cette nuisance frappe également l'économie du Québec. Quels sont ces changements importants qui appellent des changements de politique qui n'ont jamais été discutés en Chambre, jamais discutés en commission parlementaire ni avec le public? C'est, d'une part, M. le Président, une nouvelle politique tarifaire. À venir jusqu'à maintenant, la politique avait toujours été de produire et de vendre au meilleur coût possible. On voulait que tous les Québécois qui étaient réellement les actionnaires de toutes les rivières que nous possédons puissent en bénéficier le plus possible. Cette politique de produire et de vendre au meilleur coût possible a été la politique depuis 1944 et, bien sûr, depuis la nationalisation de toutes les compagnies privées depuis 1963. Mais ce que l'on retrouve à l'annexe 5 du discours sur le budget, c'est cette phrase: "La politique du gouvernement vise donc à fixer la croissance des tarifs de l'électricité de façon à garder un équilibre dans le domaine de l'énergie." Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie, en d'autres mots, M. le Président - le journal Les Affaires en fait état cette semaine -

que pour le contribuable, cette politique se traduira par des tarifs d'électricité qui progresseront à un rythme très rapide. Comme il faut s'attendre à une progression des prix du gaz de 12% à 13% au Québec, au cours des prochaines années, la politique gouvernementale pourrait signifier des hausses minimales de 14% dans les tarifs d'électricité. C'est un changement important dans la politique tarifaire et des changements substantiels de philosophie dans le domaine de l'exploitation d'Hydro-Québec. (15 h 50)

II se pourrait fort bien que ces augmentations, comme en fait foi le Journal Les Affaires, durant les prochaines années, soient plus importantes que celles qui ont prévalu durant les dernières années. À ce sujet, j'aimerais corriger ce qu'a dit M. Parizeau lors d'une interview récente à la presse où il faisait état que, durant les dernières années, les augmentations avaient suivi à peu près l'inflation. Ce n'est pas vrai. Si on inclut les augmentations de 1977 à 1981, les augmentations atteindront 76% et l'inflation, durant ces mêmes dernières années, en donnant une estimation d'environ 12,5% en 1981, se monte à 54%. On voit bien que l'augmentation de la tarification, compte tenu des besoins d'Hydro-Québec et compte tenu de cette nouvelle politique tarifaire d'Hydro-Québec, amènera les contribuables à payer des coûts beaucoup plus élevés que ça n'a été le cas jusqu'à maintenant.

Ce qui est également important, ce sont les changements majeurs dans la gestion financière d'Hydro-Québec. On retrouve, d'ailleurs, dans le discours sur le budget des propositions de faire payer des redevances à Hydro-Québec en modifiant deux critères importants. Jusqu'à maintenant, tous les présidents d'Hydro-Québec, tous les trésoriers et tous les vice-présidents aux finances avaient fait état du fait qu'il était important de garder deux ratios dans l'administration financière d'Hydro-Québec. Le premier était le surplus ou les profits d'Hydro-Québec pour payer les intérêts et on insistait pour dire que ce facteur devait être de 1,25; le trésorier d'Hydro-Québec, dernièrement, nous disait que ce facteur devait augmenter à l'avenir.

Deuxièmement, c'était l'autofinancement. On insistait également pour dire que l'autofinancement devait être au minimum à 25%. Mais, encore là, le trésorier d'Hydro-Québec nous a dit, lors de la dernière commission parlementaire, qu'il y aurait avantage, compte tenu des besoins d'Hydro-Québec et compte tenu de la conjoncture financière, à ce que cet autofinancement aille en augmentant. De façon à faire main basse sur des sommes considérables par le truchement de paiements de redevances ou peut-être par le paiement de dividendes, le gouvernement s'apprête à proposer ici une loi qui va modifier la loi sur Hydro-Québec pour en faire une société à capital-actions.

Que fera le ministre des Finances? Bientôt, il sera le seul actionnaire et, bien sûr, il aura toute autorité pour nommer les administrateurs et toute autorité pour décréter les dividendes qui seront payés par Hydro-Québec au gouvernement. D'ailleurs, en page 3 du journal Les Affaires, on y fait allusion encore une fois. Il faut savoir que ce genre de propositions appelle des réserves considérables non seulement du public qui se pose des questions, non seulement de l'Opposition, mais également de plusieurs des membres du conseil d'administration qui ont été nommés par le gouvernement dans ce dossier pour diriger les affaires d'Hydro-Québec.

On fait état ici, dans le journal les Affaires, du fait que M. Boyd, président en chef de la direction d'Hydro-Québec, que M. Goyette, ex-sous-ministre des finances, que M. Gauvreau et M. Hébert à Hydro-Québec s'opposeraient à de telles propositions. Quelle sera dorénavant l'influence du ministre de l'Énergie et des Ressources? Je me pose la question. Tout le monde sait que, lorsque le ministre des Finances devient l'actionnaire principal, il a beaucoup à dire dans la direction des sociétés d'État. M. Parizeau connaît, d'ailleurs, très bien cet adage américain qui s'appelle le "golden rule", "the one who has the gold rule", et il l'impose à tous les ministres qui l'entourent.

Ce qui me désole dans ce dossier, c'est qu'on n'a pas suivi l'exemple de ce qui s'est fait à Ottawa en novembre dernier lorsque le ministre des Finances a proposé un nouveau budget. À ce moment-là, le ministre de l'Énergie fédéral avait proposé, lui, une nouvelle politique et il en avait fait état publiquement. Ici, rien de cela, pas de transparence de ce genre. Au contraire, lors de la dernière commission parlementaire, au mois de février, M. Bérubé, ministre de l'Énergie et des Ressources à ce moment-là - alors que les journalistes avaient fait état d'une possibilité que le gouvernement nous présente une politique énergétique différente, qui appellerait une nouvelle politique tarifaire - disait ceci, et je cite l'article de la presse du 25 février: "Le ministre de l'Énergie et des Ressources, Yves Bérubé, songe à accélérer la hausse des tarifs d'électricité pour que le prix de cette forme d'énergie ne s'écarte pas trop de ses deux concurrents, le gaz et le pétrole."

Le lendemain, M. Bérubé niait ceci. C'était le 26 février: "Pour le ministre de l'Énergie, une hausse réelle des tarifs d'Hydro-Québec n'est pas encore justifiée. C'est ce que le ministre a tenu hier à préciser en conférence de presse pour dissiper les impressions qu'avaient suscitées

dans la Presse ses déclarations de la veille lorsqu'il a évoqué l'hypothèse d'aligner les prix de l'électricité sur ceux des autres formes d'énergie pour éviter un rythme désordonné de conversion."

On se trouve, M. le Président, en pleine contradiction. D'une part, au mois de février, le ministre de l'Énergie et des Ressources, alors qu'on lui posait des questions, nous informait qu'il n'y aurait pas de changements substantiels et, d'autre part, au mois de mars, le ministre des Finances nous dit que, oui, il y en aura des changements substantiels. C'est ça ce qu'on appelle la transparence du gouvernement qui nous dirige.

Quelle sera l'ampleur de ces nouvelles politiques? On peut se poser la question. Combien de millions de dollars seront payés par Hydro-Québec dans l'avenir? Combien en paie-t-elle dans le moment? Premièrement, ce siphonage absorbera différentes taxes qui étaient déjà payées par Hydro-Québec et aussi de nouvelles. J'ai fait un calcul rapide et ceci n'inclut pas les redevances ni les dividendes, mais il faut quand même les citer. Les "en-lieu" de taxes, c'est-à-dire ce qu'Hydro-Québec paie en guise de taxes aux municipalités et ailleurs dans la province se montaient normalement à 60 000 000 $. Cette année, pour faire en sorte que les coffres de l'État soient remplis plus tôt, on exige dans le discours du budget que cet "en-lieu" de taxes soit payé en juillet de cette année et en février de l'année prochaine. Ce qui fait que, dans l'année financière du gouvernement, Hydro-Québec paiera cette année 135 000 000 $.

La taxe sur le capital, c'est un peu difficile à évaluer. Personnellement, je l'ai évaluée à 90 000 000 $ sur douze mois, ce qui ferait 46 mois pour les six mois où la loi serait effective. Les services de santé vont faire en sorte qu'Hydro-Québec va payer 7 000 000 $. Bien sûr, il y a les redevances qui vont être au minimum de 150 000 000 $ au début de l'année prochaine. Tout ça nous amène à un chiffre fantastique de 330 000 000 $, à 340 000 000 $, M. le Président.

Ce siphonage à même les finances d'Hydro-Québec, quelle en est l'importance? Ce sont des millions de moins qui ne seront pas dans les coffres d'Hydro-Québec. Cette nouvelle politique énergétique ne favorisera pas le plus bas coût possible et ne favorisera pas l'autofinancement. Il n'est pas surprenant, à ce moment, M. le Président, que l'on sente un malaise important à la direction d'Hydro-Québec, un malaise au conseil d'administration et à la direction d'Hydro-Québec parce que, dorénavant, la question qui se pose, c'est de savoir qui contrôlera Hydro-Québec, qui décidera de l'importance des finances, des dividendes, qui déterminera les priorités. Est-ce que ce sera le ministre des Finances, réalisant qu'il a des déficits extraordinaires l'an prochain, qui décidera que les dividendes seront de telle et telle grandeur? Ou est-ce que les priorités seront en fonction des besoins d'Hydro-Québec, qui devra financer les projets? Et si le ministre des Finances décide de faire payer des dividendes considérables et de réduire la marge de manoeuvre d'Hydro-Québec, et si Hydro-Québec, comme nous l'a dit M. Lafond lors de la dernière commission parlementaire, ne peut emprunter sur les marchés extérieurs, il faudra bien, à ce moment, qu'Hydro-Québec retarde ses projets d'investissements.

Il faudra qu'elle les retarde, M. le Président, au moment où les syndicats ont fait des interventions lors de la dernière commission parlementaire pour demander à Hydro-Québec et au gouvernement de faire en sorte que les projets soient accélérés et non pas retardés. S'ils sont accélérés, les besoins financiers d'Hydro-Québec seront encore plus aigus.

En plus de cela, cette tarification plus élevée appellera, bien sûr, des changements considérables dans les politiques touchant au développement industriel du Québec. À l'annexe 4, dans un document qui a été associé à "Bâtir le Québec," on trouve ceci, M. le Président, à la page 75, parce qu'il y a eu une étude assez approfondie sur toute la tarification touchant Hydro-Québec et l'électricité en général: "II faudra faire montre d'une grande prudence avant de modifier le niveau des écarts existant entre les tarifs québécois et ontariens de grande puissance, si l'on veut vraiment sauvegarder un des principaux avantages comparatifs du Québec."

En faisant en sorte, M. le Président, que la tarification d'Hydro-Québec aille en progressant d'une façon accélérée, on peut se poser la question à savoir si le gouvernement a décidé de mettre de côté complètement cette stratégie industrielle et économique qui était la nôtre. (16 heures)

Ce qui est plus grave, c'est que tous ces changements, M. le Président, se font alors qu'il n'y a pas réellement de politique énergétique à long terme au Québec. Tout le monde a insisté sur la nécessité d'avoir un débat public, mais le livre blanc, qui, comme par magie, s'arrête en 1990, ne permet pas de dégager les lignes de force du développement énergétigue à long terme. Comme il en est fait état, d'ailleurs, dans le document "Bâtir le Québec", le sommet de notre développement hydroélectrique se fera vers 1995-1996, c'est-à-dire dans quatorze ans. À ce moment-là, il faudra choisir de nouvelles formes d'énergie. Il faudra privilégier de nouvelles formes d'énergie. Il faudra identifier les coûts probables de ces différentes formes d'énergie et, si l'on

décide de privilégier les ressources hydroélectriques qui nous restent, il faudra à ce moment-là accepter de payer un prix plus élevé.

Je soumets, M. le Président, qu'il est à peu près temps que nous ayons un débat public sur tout notre avenir énergétique et que le gouvernement arrête de prendre des décisions importantes comme celles qu'il vient de prendre sans associer tous les éléments économiques de la nation pour faire en sorte que notre politique énergétique soit réellement a discuté en public. Lors de la dernière commission parlementaire, d'ailleurs, il y a plusieurs compagnies et plusieurs associations qui avaient demandé un tel débat public. Il y avait Gaz Métropolitain, l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, le Regroupement pour la surveillance du nucléaire, la CSN, le Comité d'appui aux nations autochtones de la Ligue des droits et des libertés, l'École polytechnique de Montréal, l'Ordre des ingénieurs du Québec et le Comité de promotion économique de Montréal. On attend toujours un tel débat, M. le Président. Bien sûr, le dernier ministre de -l'Énerqie avait, lors d'un communiqué de presse daté du 2 mars, fait état du fait qu'il était en faveur d'un débat public sur l'énergie. Les journalistes en avaient parlé et je cite ici un titre: "Bérubé demande un débat public sur l'énergie." Mais en commission parlementaire, la semaine dernière, j'ai demandé au nouveau ministre de l'Énergie s'il avait bien l'intention de faire un débat public et, là, la réponse a été moins certaine. Je me demande si réellement le gouvernement n'est pas en train de changer d'idée à ce sujet, M. le Président.

Au lieu d'associer le public aux prises de décision sur notre avenir énergétique, le gouvernement, par l'entremise du ministre des Finances, avance dans son budget de nouvelles politiques énergétiques ainsi que des changements importants comme j'en ai discuté depuis quelques minutes. Pourtant, Hydro-Québec, depuis 1944, depuis 1963, a été un facteur extrêmement important de développement économique et le restera dans l'avenir si on lui en laisse les moyens. Bien sûr, Hydro-Québec aura des besoins importants, M. le Président. Lors de la dernière commission parlementaire, HydroQuébec a fait état que, pour les dix prochaines années, elle aura besoin de 55 000 000 000 $ pour payer ses investissements. Le journal Les Affaires nous dit que, compte tenu du nouveau taux d'intérêt, ses besoins financiers seront de l'ordre de 60 000 000 000 $. Au moment où nous avons besoin d'un plus grand nombre d'emplois, de trouver des emplois pour nos jeunes, de trouver des emplois pour nos ingénieurs, nos technologues qui sortent de nos universités, le gouvernement nous amène un projet de loi, M. le Président, qui aura des répercussions considérables. Je ne suis pas le seul à m'inquiéter devant cet état de choses. M. Parizeau a confirmé le fait que les prêteurs américains eux-mêmes étaient nerveux à ce sujet.

Cela arrive à un moment où il y aura peut-être une crise financière internationale; elle s'annonce à l'horizon. À ce sujet, je donnerais comme référence, dans le Bank Credit Analyst du mois de juin 1980, une très savante analyse qui prédit une crise de crédit puisque les taux d'intérêt très élevés existants ne semblent pas pouvoir arrêter les demandes accrues de crédit. Devant une telle situation, l'article de cet analyste recommandait la prudence et recommandait à toutes les compagnies et à tous les individus d'augmenter leur liguidité. D'ailleurs, on s'aperçoit, M. le Président, que des difficultés de liquidité peuvent créer des malaises importants. On a l'expérience de certaines sociétés québécoises qui, présentement, ont des difficultés à cause des problèmes de crédit auxquelles elles font face. Il serait malheureux que les propositions du gouvernement nous amènent dans une crise financière de ce genre.

C'est pour cette raison, M. le Président, que je ne comprends pas pourquoi le gouvernement cherche à réaliser une politique qui vient directement à l'encontre des propositions que le trésorier d'Hydro-Québec nous faisait lors de la dernière commission parlementaire, et je cite M. Lafond, le trésorier d'Hydro-Québec: "En conclusion, M. le Président, le trésorier d'Hydro-Québec, avec son équipe de la vice-présidence aux finances ont confiance en l'avenir, mais à l'intérieur de certaines balises et en laissant ce soir le message suivant: Compte tenu des besoins élevés d'emprunt, compte tenu des pressions prévisibles, compte tenu des incertitudes, Hydro-Québec aura besoin de toutes les liquidités produites par ses activités. Elle aura besoin de réduire le plus possible sa dépendance des marchés externes et, plus que jamais, la capacité d'Hydro-Quéec de se financer sera fonction de sa rentabilité."

M. le Président, on sait jusqu'à quel point le ministre des Finances était mal pris pour remplir ses coffres, mais je ne crois pas que ce dilemme soit suffisant pour nuire à Hydro-Québec de la façon dont le gouvernement s'apprête à le faire dans le moment.

En conclusion, on peut se poser les questions suivantes. Que faut-il conclure de cette revue des décisions du gouvernement en rapport avec Hydro-Québec? D'une part, contrairement aux déclarations du ministre de l'Énergie et des Ressources en février dernier, le ministre des Finances nous a annoncé de nouvelles politiques qui auront des impacts substantiels sur notre avenir énergétique et notre avenir économique.

Cette nouvelle politique amènera des augmentations substantielles du prix que paieront les consommateurs québécois pour une ressource qui leur appartient en propre.

Deuxièmement, ces nouvelles politiques n'ont pas été discutées en commission parlementaire. Bien plus, elles ont été dénoncées par le ministre Bérubé lors de la dernière commission parlementaire de février dernier. On peut se poser la question: Quelle urgence y a-t-il à modifier des politiques de cette nature sans réunir une commission parlementaire sur le sujet? Troisièmement, l'augmentation substantielle des tarifs de l'électricité aura un impact considérable sur les stratégies de développement industriel du Québec. D'ailleurs, tous les gouvernements, jusqu'à maintenant, ont toujours fait en sorte que ces stratégies de développement industriel soit basées sur l'électricité à bon marché à laquelle nous avons droit au Québec.

En résumé, M. le Président, le gouvernement qui nous dirige n'a pas de politique énergétique à long terme et se permet d'en improviser une à court terme, de façon à accaparer des millions d'Hydro-Québec. Heureusement, le projet de loi qui sera déposé demain, je crois, en ce qui concerne Hydro-Québec, n'aura pas l'occasion d'être approuvé dans cette Chambre avant l'automne, à moins que l'Opposition ne consente à le faire. J'ose espérer qu'il sera reporté à l'automne parce que ceci nous permettra d'en discuter en commission parlementaire. D'ailleurs, le ministre de l'Énergie et des Ressources nous a dit qu'il y aurait une commission parlementaire pour discuter de la tarification d'Hydro-Québec. Je crois que ce sujet qui touche aux finances d'Hydro-Québec et qui touche au mode de gestion d'Hydro-Québec est un sujet trop important pour que ces décisions soient entérinées dès maintenant.

Je demande à tous les corps publics qui m'écoutent dans le moment, je demande à tous les intéressés, je demande à tous les contribuables de faire en sorte de nous faire connaître et de faire connaître au gouvernement leur réaction face à ce projet de loi et aux propositions mises de l'avant par le ministre des Finances. J'ose espérer que les quelques mots que j'ai pu dire à ce sujet cet après-midi ont sensibilisé la population et ceux qui sont intéressés au développement économique du Québec à intervenir dans ce dossier. Il n'est pas trop tard, et soyez sûrs que l'Opposition sera là jusqu'à l'automne. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay.

M. Roland Dussault M. Dussault: M. le Président, comme c'est la première occasion que j'ai depuis le 13 avril de prendre la parole dans cette Assemblée, je voudrais d'abord profiter de l'occasion pour vous féliciter personnellement pour la fonction à laquelle vous avez accédé, féliciter le président pour la même chose et plus particulièrement féliciter le deuxième vice-président de l'Assemblée nationale à qui j'offre évidemment mes meilleurs voeux de succès dans ses fonctions. Je peux vous dire, M. le Président, que je suis très heureux de l'honneur que cela apporte à la population du comté de Saint-François. Je voudrais aussi à cette occasion remercier mes électeurs pour l'éclatante victoire qu'ils m'ont donnée le 13 avril dernier. J'ai été, lors de mon dernier mandat, le député de tout le monde; je me suis efforcé de l'être et j'ai bien l'intention de continuer de l'être au cours de mon deuxième mandat. D'autant plus que j'ai été, cette fois-ci, comme en 1976, élu en restant les mains libres. Pour moi, c'est extrêmement important. (16 h 10)

Cela dit, j'avais l'intention de prendre la parole lors du débat sur le message inaugural. J'ai accepté bien aimablement de laisser la préséance à mes nouveaux collègues de l'Assemblée nationale. Vous comprendrez, donc, que mes propos soient ceux que j'aurais pu et voulu tenir lors du premier débat, puisque le règlement le permet.

En tout début de session, il me paraît important que tous les intervenants à des travaux parlementaires tiennent un langage clair quant à leurs intentions. Je pense que cela devrait être un peu comme sur le plan personnel quand, en début d'année, on essaie de faire connaître nos résolutions. Tous ceux qui sont concernés devraient normalement, faire savoir où ils s'en vont. On devrait donc faire connaître nos intentions.

Évidemment, du côté ministériel, les choses sont relativement faciles en ce sens, puisque légalement il y a le message inaugural qui permet au pouvoir de faire connaître ses intentions et il y a le discours sur le budget. Mais cette obligation, elle existe uniquement pour le pouvoir. On sait, par exemple, qu'en France, à chaque début de session, à chaque début de mandat en tout cas, tous les partis politiques ont l'habitude de faire une déclaration très officielle de leurs intentions, de leurs orientations, ce qui permet à tout le monde, en cours de route, de toujours se référer à la pensée bien officielle du parti en question. Ici, cette habitude n'existe pas. Je pense que c'est malheureux, parce que, s'il existe une obligation à l'égard du pouvoir, cette obligation, je pense, devrait exister aussi à l'égard de l'Opposition. Je pense que cela permettrait, comme je le disais tout à l'heure, d'avoir un point de référence tout au long des travaux. Cela permettrait aussi

d'assurer un minimum de cohérence chez l'Opposition, ce qui ne serait quand même pas mauvais, je pense, et cela permettrait surtout d'obtenir un haut degré de sérieux dans les travaux parlementaires.

On sait - moi, qui ne suis quand même pas un vieux parlementaire, j'ai quand même pu le constater lors de mon dernier mandat -qu'on n'a pu vraiment déceler la véritable pensée de l'Opposition que vers la fin du mandat, parce qu'en mettant ensemble tout ce qu'on a pu constater on a pu commencer à voir où logeaient ces gens. Je pense qu'il serait important de ne pas faire varier ses positions à partir des différents dossiers et à partir de la température, mais bien en fonction d'une pensée cohérente. Je pense que c'est cela que la population attend des partis politiques qui représentent les électeurs à l'Assemblée nationale.

Je pense que la télévision, qui est maintenant à l'Assemblée nationale depuis quelques années, a rendu les électeurs exigeants et avec raison. Ces gens s'attendent, pour que la démocratie soit le mieux servie possible, que tous les partis politiques mettent leurs cartes sur la table convenablement. Je pense que cela permettrait à l'Opposition particulièrement de faire un travail plus constructif, critique bien sûr, mais pas de cette forme de critique qui soit négative, mais au contraire, très positive et très constructive.

La vie politique québécoise connaît maintenant un niveau de transparence plus élevé. Ceci, particulièrement grâce à la loi no 2 sur le financement des partis politiques qui a été votée dans cette Assemblée lors de notre dernier mandat. On disait toujours et je pense que c'est toujours vrai: Dis-moi qui te finance et je te dirai qui tu es. À quoi serviraient tous ces beaux discours des hommes politiques dans leur Assemblée nationale si leur sincérité pouvait être mise en doute, si leurs intentions étaient contredites en sous main? À quoi cela servirait-il? Je pense que cette loi no 2, la Loi sur le financement des partis politiques, nous a donné un minimum de garanties que l'intérêt général primerait toujours sur l'intérêt particulier. Je pense que c'est une règle extrêmement importante. C'est donc pour moi un objet de fierté de pouvoir dire que j'ai les mains libres, comme je le disais tout à l'heure, que mon parti, celui sous lequel je me suis fait élire, a les mains libres et cela, depuis son existence d'ailleurs, parce que vous savez que, depuis 1968-1969, c'est une règle d'or du Parti québécois de se faire financer d'une façon populaire.

Je pense qu'on ne peut pas en dire autant de tous les parlementaires qui siègent dans cette Chambre, et c'est malheureux, M. le Président. Vous savez que, fondamentalement, l'esprit de la loi 2 était de faire en sorte qu'aucun dollar donné à la caisse électorale d'un parti ne doit avoir pour effet de subordonner l'intérêt général à celui d'une personne ou d'un groupe, car on sait qu'aucun don ne doit mener à une dette morale, aucun don ne doit mener à une obligation de reconnaissance, ni dans l'esprit de celui qui fait le don, ni dans l'esprit de celui qui le reçoit.

Or, pour le législateur, il s'agissait de déterminer le montant à partir duquel la reconnaissance commencerait à s'imposer comme allant de soi; en somme, à déterminer où l'effet pourrait commencer et où l'effet pourrait se terminer. Par exemple, M. le Président, je pense, et vous en conviendrez, qu'un électeur qui donne 3 $ à un parti politique ne pose pas de problème et n'achète personne. Je pense que vous conviendrez aussi qu'à 3000 $, c'est à peu près la même situation. Pour bien comprendre, prenons un exemple; si six électeurs dans un comté finançaient un parti politique, ils seraient six pour pouvoir assurer une élection, six fois 3000 $ donne 18 000 $, c'est à peu près ce que coûte une élection pour un candidat; or, ça en prendrait six pour véritablement assurer l'élection de quelqu'un. À 25 000 $, je pense qu'il est impossible de ne pas y voir un intérêt personnel, je pense que ça va de soi. Il est impossible, en l'acceptant, de ne pas laisser entendre sa complaisance à l'égard de celui qui fait un don et il est impossible de ne pas laisser espérer la personne qui donne 25 000 $ à un parti politique.

C'est ça, l'esprit de la loi 2. Il ne doit pas y avoir de doute sur les intentions. Je pense que ce qu'il est surtout important de se rappeler, c'est que maintenant, au Québec, le financement d'un parti politique, c'est censé être un gage d'enracinement du parti; je pense que c'est ça qu'il faut voir dans l'esprit de la Loi sur le financement des partis politiques. Un parti qui est bien enraciné dans la population, c'est un parti qui se finance d'une façon populaire et facilement. Je pense que c'est là que commence véritablement la transparence.

Vous savez, dans cette Chambre, depuis le début de nos travaux, beaucoup de députés de l'Opposition ont parlé de transparence. Ils ont toujours appliqué cette notion de transparence au parti au pouvoir. Est-ce que l'Opposition est transparente, M. le Président?

Depuis le 13 avril dernier, il reste dans cette Assemblée nationale un seul parti qui peut véritablement dire à la population qu'il est le parti de rechange pour prendre le pouvoir. C'est le rôle possible et futur du Parti libéral de l'Opposition à l'Assemblée nationale.

M. le Président, dans la caisse électorale du Parti libéral, il y a des sommes qui ont été acceptées par coups de 50 000 $ et de 100 000 $. Il y en a pour

700 000 $; et je n'invente rien, puisque ceci a été confirmé par la commission Malouf; il y en a pour 700 000 $. Ces 700 000 % ont une odeur indéniable, ils ont été reçus pendant la fameuse construction olympique, qu'on n'oubliera pas de sitôt.

Des voix: ...

M. Dussault: M. le Président, de l'autre côté de la Chambre, où ça commence à grouiller, on rétorquera que ces sommes ont été reçues avant la loi 2. Or, je voudrais dire à ceux qui seraient tentés de rétorquer avec ce genre d'argument que personne de bonne foi n'oserait avancer, sans risquer de sombrer dans le ridicule, qu'un parti qui a de telles sommes en sa possession, reçues en de telles circonstances, pourrait exercer le pouvoir sans être l'objet de pressions des amis d'alors; cet argent est là! (16 h 20)

M. le Président, bien sûr, le temps a passé, mais le temps n'a pas effacé le caractère incitatif de ces dons. Le temps a même amplifié les sommes, vous le savez, M. le Président. De ce temps-ci, il y a deux catégories de personnes qui sont très satisfaites des hauts taux d'intérêt. Il y a ceux qui vivent de leurs placements et il y a le Parti libéral, qui voit sa caisse électorale s'amplifier d'autant. On sait que ces 700 000 $ qui ont été encaissés à l'occasion des Jeux olympiques en 1976 sont maintenant et facilement devenus, avec les taux d'intérêt composé, au moins 1 500 000 $. Alors, on peut penser au moment où le financement se fera rare. On sait que cela commence du côté libéral; sa dernière campagne de financement a duré six mois au moins...

Une voix: Sept mois.

M. Dussault: On me dit sept mois. Quand cet argent sera devenu rare, sur le plan normal et habituel du financement des partis politiques, les gens d'en face utiliseront évidemment ces 1 500 000 $ pour essayer de se faire élire. Est-ce qu'on pourra dire, M. le Président, que c'est leur enracinement dans la population qui va permettre cette élection? Non, M. le Président. Ce sera cet argent que des gens, pendant les Jeux olympiques, pendant la construction du stade olympique, leur auront donné, par gros montants, qui permettra à ces gens de se faire élire sans être enracinés dans la population et cela me paraît complètement inacceptable.

C'est pour cela que je dis, aujourd'hui, que la défaite de ces gens, à la dernière campagne électorale, n'est pas étrangère à ce que je viens de décrire, à la présence, dans la caisse électorale du Parti libéral, de ces sommes ramassées incorrectement et gardées indûment dans leur compte. Des voix: Honte! Honte!

M. Dussault: Le vertueux chef de l'Opposition, le jour où il a refusé de se départir de ces sommes importantes, a entaché à jamais son image de preux chevalier du renouveau libéral. Le consensus de son parti autour de sa position a appelé le jugement sévère de la population le 13 avril. Elle n'a pas cru à sa sincérité et elle ne croira pas à sa sincérité tant et aussi longtemps que ces gens nous feront des belles leçons, mais qu'en même temps, ils garderont dans leur caisse électorale les 700 000 $ acquis de cette façon.

Des voix: Bravo!

M. Dussault: M. le Président, dans ma circonscription électorale, pendant la campagne électorale, mon adversaire, qui s'était associé à ce consensus des libéraux, a refusé de se dissocier de ce consensus malgré que je l'aie défié publiquement de le faire. Il a pris cela avec beaucoup de désinvolture et la population s'en est souvenue, elle en a tenu compte et elle l'a battu.

Dans tout le Québec, je suis convaincu que beaucoup de citoyens, au moment de mettre un X sur leur bulletin de vote, se sont rappelé que ces sommes étaient dans la caisse électorale du Parti libéral.

M. le Président, à part ces comtés où l'électorat est devenu captif de ce parti, grâce à un discours bien entretenu, tendant sans cesse et très souvent subtilement à faire passer notre parti au pouvoir pour raciste, tout le Québec a porté un jugement sur le Parti libéral et son laxisme qui consiste continuellement à prêcher le contraire de ce qu'il pratique. Je veux rappeler à ces nouveaux députés - il y en a quelques-uns ici actuellement - qu'ils sont mouillés comme les anciens députés du Parti libéral sur cette question et qu'ils peuvent se laver cependant de cette question s'ils acceptent publiquement - c'est le moyen - d'exiger de leur parti, publiquement, et de son chef, que la totalité de cet argent, y compris ce qu'on a récolté avec les intérêts, que la totalité, dis-je, de cet acquis malsain soit remise au trésor public selon le jugement de la population. Si j'avais présentement le pouvoir de le faire, je ferais une motion dans ce sens-là, mais je sais que le règlement ne me le permet pas. Je vois que vous acquiescez, M. le Président. Je pense que cela n'empêche pas...

Des voix: Adopté.

M. Dussault: C'est adopté, M. le Président, vous avez entendu. Que les

nouveaux députés y songent sérieusement parce que, personnellement, je vais me faire un devoir de leur rappeler régulièrement, d'ici la fin du mandat, que cet argent malsain est encore dans leur caisse et qu'ils n'ont pas le droit de se faire élire avec cet argent.

Des voix: Bravo!

M. Dussault: Par exemple, parmi ces nouveaux députés, j'aurais voulu demander au député de Laporte - il n'est pas ici présentement, j'aurais aimé qu'il entende ça - qui, lors de son discours récemment, voyait au budget des transports de l'incompressible partout à cause de l'inflation, s'il est encore d'accord pour que la caisse électorale du Parti libéral, douteusement inflationniste, continue à exister telle quelle, parce que c'est de l'inflation qu'il y a de ce côté, c'est le temps de parler d'inflation.

J'aurais aussi voulu demander au député de Jean-Talon, qui n'est pas présent lui non plus, à lui qui s'apitoie sur le fait que le financement des institutions privées doive passer de 80% à 76%, lui qui a vu de près ce régime qui a reçu de façon complaisante ces sommes d'argent olympiques, j'aurais voulu qu'il dise aux nouveaux députés quels sont les ravages que peuvent engendrer ces sommes sur la démocratie et sur la qualité de la démocratie. J'aurais aimé qu'il soit ici pour qu'il puisse le dire aux nouveaux députés, mais sûrement qu'il trouvera l'occasion de le leur répéter.

J'aurais voulu demander au député de Marguerite-Bourgeoys, ce contrôleur olympique qui avait les pieds bien placés pour voir venir ces fonds, de répéter aux nouveaux députés ce que disaient ces mécènes de la cause libérale aux beaux jours de l'enthousiasme olympique. J'aurais voulu qu'il le dise aux nouveaux députés pour qu'ils fassent des pressions sur le Parti libéral et sur son chef pour que cet argent soit remis au trésor public. Je pense que ce n'est que cela qu'il faut viser.

Je prie donc ces dames de l'Opposition et ces messieurs d'en face de remettre cet argent au trésor public, de sortir définitivement des eaux troubles du financement occulte, de s'élever au-dessus de la ligne de flottaison où, depuis la loi no 2, commence la dignité qui doit être celle de tous les parlementaires de cette Assemblée nationale. Surtout, je les prie de ne pas succomber à la tentation de se mettre à justifier qu'on garde cette manne olympique dans leurs coffres parce que cela diminuerait grandement, très grandement ce qui leur reste de crédibilité après avoir accepté de garder cet argent. La transparence, c'est ce que ça veut dire aussi. On en parle beaucoup trop souvent, hélas, à l'égard du pouvoir et jamais assez à l'égard de l'Opposition.

Mais la transparence, ce n'est pas qu'une question de financement, c'est autre chose. Je pense qu'il y a certaines obligations dont il faudra que l'Opposition prenne connaissance et conscience un de ces jours si elle veut assumer un rôle véritable à l'Assemblée nationale. Être transparent pour l'Opposition, c'est aussi être capable de se situer au-dessus des partis dans des débats fondamentaux comme au moment du débat sur le plan funeste de M. Trudeau, c'est se prononcer sur le fond et non pas seulement sur la forme pour éviter le fond. C'est aussi ça, être transparent. On a vu ce que ces gens ont fait lors de leur dernier mandat -ils auront peut-être l'occasion de faire mieux une prochaine fois - ils ont dit du bout des lèvres qu'ils étaient contre le caractère unilatéral de la démarche, donc sur le fond, mais en évitant, évidemment, de dire trop fort qu'ils étaient d'accord avec l'inclusion d'une charte dans la constitution, ce qui est une question de fond.

Accepter l'inclusion d'une charte des droits dans la constitution, c'est à toutes fins utiles accepter que les Québécois voient leurs pouvoirs essentiels et fondamentaux diminuer. C'est là-dessus qu'on voudrait véritablement les voir prendre des positions sérieuses. Cela, ça serait transparent! La transparence serait aussi d'éviter de continuellement nous jouer le jeu du gonflage de ballon à l'Assemblée nationale, comme on l'a encore vu dans les derniers jours avec le député de Nelligan qui nous a gonflé un ballon chaque jour, à chaque période des questions, dans le domaine de l'environnement uniquement pour en arriver à créer des impressions dans la population. Non pas sur des choses fondées, mais sur des choses qu'on pourrait extrapoler pour essayer de nuire à des réputations; ces gens-là, ça ne les dérange pas de nuire à des réputations. Ils sont prêts à raconter n'importe quoi. On l'a vu lors du dernier mandat, ils ont recommencé à jouer ce jeu, ils ne sont pas plus sérieux qu'ils l'étaient. Ils sont plus nombreux, mais la qualité n'est pas là, pas plus qu'il n'y en avait avant.

Je voudrais leur demander d'être transparents et d'assurer une qualité au travail de l'Opposition d'une façon sérieuse ici, à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas ce qu'ils ont commencé à faire, ils nous soufflent des ballounes. Une autre a été soufflée dans les deux derniers jours sur la fameuse loi no 11. (16 h 30)

M. Picotte: M. le Président, je vous demanderais une directive, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip adjoint de l'Opposition, une demande de directive.

M. Picotte: Est-ce qu'il y aurait moyen

de demander au président de l'Assemblée nationale si, par hasard, il aurait besoin d'un troisième vice-président. Le député de Châteauguay...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, je voudrais dire à M. le député de Maskinongé qu'il est trop tard maintenant. M. le Président, pour être transparent du côté de l'Opposition, comme j'avais commencé à le dire, il faudrait qu'on cesse de souffler des ballounes. On nous en a soufflé encore une hier sur un projet de loi qui portait sur énormément de points. On les a entendus pendant deux jours nous parler des institutions privées et de compressions budgétaires du côté des institutions privées. C'était à se demander si le projet de loi ne portait pas essentiellement sur cette question. C'est ça souffler des ballounes, M. le Président, c'est créer des impressions en trompant volontairement la population. Je pense que ce n'est pas respectueux pour la population. C'est vraiment croire qu'on peut passer n'importe quoi à la population qui nous écoute et qui entend ces gens qui n'ont pas nécessairement toujours les éléments, et parfois ce n'est pas facile de les apporter tous pour en arriver à faire voir que c'est une grosse balloune qui a été montée par l'Opposition. Je leur demanderais, M. le Président, d'être plus transparents.

En terminant, M. le Président, je voudrais dire qu'il serait trop facile qu'on se mette à jouer ce jeu. Il fallait que quelqu'un, sans vouloir se prendre pour un autre fasse ressortir ce point de vue que la transparence, ce n'est pas une question qui ne relève que du pouvoir, mais aussi quelque chose qui relève de l'Opposition. Nous avons ici le devoir, M. le Président, de faire du travail sérieux avec la plus grande rigueur intellectuelle possible. Je demande que dans les prochains mois, les prochaines semaines, l'Opposition fasse de l'opposition constructive, positive. Qu'elle fasse du travail selon une rigueur intellectuelle à toute épreuve, qu'elle se débarrasse au profit du trésor public des sommes d'argent qu'elle a dans sa caisse électorale, et je suis convaincu qu'à partir de ce moment la population commencera peut-être à prendre ces gens au sérieux. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Papineau.

M. Mark Assad

M. Assad: M. le Président, le budget record des dépenses représente à peu près 2700 $ par citoyen au Québec, ce qui démontre que depuis des années nos obligations s'accroissent et que le secteur public surtout s'accroît d'une façon extrêmement rapide, ce qui apporte une charge additionnelle à notre capacité de payer. Les salaires des secteurs public et parapublic représentent dans le moment à peu près 60% de notre budget total. Depuis les dernières décennies, ce chiffre augmente et c'est une source d'inquiétude. L'industrie des services est proportionnellement plus élevée que celle des secteurs de la productivité. Pourtant, la petite et moyenne entreprise est le plus gros employeur de main-d'oeuvre de notre province, mais avec la situation d'incertitude qui existe dans l'économie présentement, la possibilité d'expansion de la petite et moyenne entreprise est sérieusement compromise. De plus en plus, le gouvernement est obligé d'apporter une aide financière pour empêcher la faillite de plusieurs de nos petites et moyennes entreprises.

C'est une situation économique sans précédent. Comparativement, M. le Président, le Québec a plus de fonctionnaires que n'importe quelle autre province au Canada. Cela nous coûte plus cher per capita pour maintenir notre secteur public. C'est devenu une de nos préoccupations majeures dans l'administration de la chose publique. Il faut prendre des mesures pour renverser cette situation et vivre, M. le Président, selon nos moyens. Collectivement, nous avons à prendre conscience de cet état de choses et à regarder en face la difficulté dans laquelle le gouvernement nous a mis. C'est par notre volonté surtout que nous allons apporter les changements qui s'imposent dans notre régime actuel.

M. le Président, les gouvernements municipaux et scolaires devront aussi prendre conscience de leur fardeau fiscal. Dans ces périodes difficiles, toute notre économie est affectée. Les institutions financières font face à une situation sans précédent et la hausse constante des taux d'intérêt comporte un lourd fardeau. Pour prendre un exemple, une de nos institutions financières, c'est-à-dire les caisses d'entraide économique, a de la difficulté dans le moment comme d'autres institutions financières en ont eu dans le passé et en ont dans le moment.

Mais il y a quelques questions que je voudrais poser. Le moyen d'information en question a-t-il démontré une responsabilité envers la communauté en exploitant cette situation au point de quasiment déclencher une panique? Est-il conscient de sa responsabilité dans cette affaire?

Personnellement, M. le Président, j'étais membre des caisses d'entraide économique et je le suis toujours. J'ai bénéficié de leurs services dans le passé et je reconnais, d'ailleurs, qu'elles ont rendu de grands services à la petite et à la moyenne entreprise à la grandeur du Québec. C'est

mon voeu - et j'en suis sûr, M. le Président - que les caisses d'entraide économique vont surmonter leurs difficultés actuelles et qu'elles continueront de jouer un rôle dans le développement économique de notre province.

Une des lacunes de notre budget, c'est que le ministère des Tansports consacre à l'entretien et à la construction de routes un budget qui est vraiment inférieur à ce qu'il était dans le passé. Dans le comté de Papineau en particulier et dans la région en général, nous avons été grandement affectés par cette baisse et nos chances de connaître une croissance sont minces dans le moment. Nos routes secondaires, en particulier, sont en très mauvais état. L'autoroute 50, un outil majeur pour le développement de notre région, a connu un retard considérable. Durant la période électorale, un engagement de compléter cette route jusqu'à Mirabel avait soulevé des espoirs chez nos concitoyens, mais, depuis que le budget est connu, on constate que cet engagement est sans fondement. Un protocole d'entente avec le gouvernement fédéral n'a pas été envisagé, même à ce moment. On nous a induits en erreur en nous faisant croire que le projet pourrait être réalisé bientôt. Le ministre des Transports, en ce moment, nie les engagements pris par le ministre de l'époque qui avait annoncé la décision de construire le prolongement de l'autoroute 50 dans notre région. Le candidat du Parti québécois dans le comté avait basé toute sa campagne sur cette promesse. Je suis sûr, M. le Président, qu'il était sincère, il n'y a pas de doute, mais le gouvernement, lui, était-il sincère? La région de l'Outaouais risque d'être grandement négligée et ceci, au détriment de notre population et de nos chances d'améliorer notre situation économique.

Pour empirer notre situation, le nouveau ministre des Affaires municipales nous avise que son ministère n'a pas l'intention d'honorer les engagements pris par le gouvernement précédent, c'est-à-dire le gouvernement de M. Bourassa. La ville de Buckingham qui avait construit une usine de filtration l'avait construite, M. le Président, avec l'entente que le gouvernement du Québec de l'époque, c'est-à-dire en 1974, lui verserait une subvention de 50%, mais le nouveau ministre des Affaires municipales nous avise que cet engagement ne sera pas honoré.

La question se pose, M. le Président. Comment peut-on espérer que les gouvernements locaux fonctionnent avec des fardeaux financiers aussi lourds? Peut-on avoir confiance dans un gouvernement qui transfère ses obligations au niveau municipal? (16 h 40)

Depuis quelques semaines, j'ai eu l'occasion de rencontrer des élus municipaux qui s'inquiètent de leurs lourdes obligations financières. Ils reprochent au gouvernement de leur imposer une charge additionnelle à laquelle ils ne s'attendaient pas. Ce seront les municipalités qui auront l'odieux d'imposer des taxes plus élevées à nos concitoyens. C'est ce même gouvernement qui a l'audace de continuer à propager le mythe d'un bon gouvernement. Regardons plutôt les faits et écoutons nos élus municipaux. Nos engagements financiers dépassent les limites et notre capacité de payer est rendue au bout. Les tambours du nationalisme claironnent si fort qu'ils enterrent la voix de la raison, du bon sens économique. Voilà vos champions de la vertu et de la transparence!

Les ministères de l'Éducation et des Affaires sociales accaparent à eux seuls la plus grande partie du budget, et ce sont les deux ministères les plus coûteux. Comparativement aux autres provinces, ce sont eux aussi qui ont le plus grand besoin de réforme. Depuis quatre ans et demi, ce gouvernement a démontré son incapacité d'améliorer les finances publiques, et la situation va toujours en s'aggravant. Comme citoyens du Québec, nous devons examiner avec la plus grande attention les agissements financiers du gouvernement provincial. Je voudrais simplement remarquer que ce n'est pas agréable de tracer un portrait aussi sombre de la situation financière du Québec, mais c'est notre devoir d'alerter nos concitoyens de cette situation déplorable, et c'est leur droit d'en être pleinement informés.

M. le Président, je préfère être bref, même s'il y a une multitude de problèmes qu'on pourrait soulever. L'essentiel, c'est que nos concitoyens prennent connaissance de la situation et se rendent compte que ça ne va pas.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip du gouvernement.

M. Chevrette: En vertu de l'article 100, M. le Président, j'aurais une question à poser au député de Papineau. Il a fait mention qu'un engagement a été pris par le gouvernement Bourassa. Est-ce que c'est un engagement écrit? Si oui, peut-il fournir cet engagement écrit à l'Assemblée?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Papineau.

M. Assad: M. le Président, à l'époque où cet engagement a été pris par le gouvernement Bourassa, il a été annoncé par le ministre responsable, que si la ville de Buckingham prenait cette initiative, on pouvait s'attendre à une subvention de 50% des coûts. Depuis l'élection de votre gouvernement, en 1976, on n'a pas entendu un mot sur cette question et il n'y a pas eu

de transfert de fonds pour les 50%.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Prévost.

M. Robert Dean

M. Dean: Merci, M. le Président. C'est un travailleur d'usine - et je suis fier de l'être - qui se lève pour participer pour la première fois à un débat de l'Assemblée nationale. Je ne sais pas combien de travailleurs ou de travailleuses d'usine m'ont précédé, mais c'est mon souhait qu'ils soient nombreux et nombreuses dans l'avenir, parce que cette Assemblée, cette Chambre appartient au peuple québécois. Ce sont les travailleurs et les travailleuses du Québec actifs et en chômaqe, pris ensemble, avec les travailleurs agricoles qui forment la vaste majorité de la population et pour qui toutes nos activités doivent avoir un sens.

Si vous me permettez d'emprunter les paroles de notre qrand poète, Félix Leclerc, mes petits souliers ont beaucoup voyagé, pendant des années, dans tout le Québec, parmi les travailleurs et les travailleuses. D'abord à l'usine de RCA à Saint-Henri de Montréal, pendant trois ans dans l'industrie du textile dans les Cantons de l'Est, à Drummondville, à Coaticook, à Sherbrooke, à Victoriaville, à Sorel, à Berthier; au service des travailleurs et travailleuses d'Hydro-Québec de Rouyn, à Saint-Georges-de-Beauce, de Baie-Comeau et Forestville, à Beauharnois, de Rapide-Blanc à Disraeli, de Carillon à la Gaspésie; au service des travailleurs des petites, des moyennes et des grandes entreprises de l'industrie automobile, aérospatiale et de l'outillage agricole. Pendant toutes ces années, j'ai apprécié les grandes et énormes qualités de coeur et d'esprit des travailleurs et des travailleuses québécois. C'est avec eux que mon évolution linguistique, nationale, syndicale et politique s'est faite. Je leur rends hommage.

J'éprouve des sentiments d'émerveillement, d'appréhension et d'enthousiasme en ce début de mandat à l'Assemblée nationale. Émerveillement parce que je sens, un peu beaucoup, un lien avec les hommes et les femmes du Québec qui nous ont précédés dans cette Assemblée. Les hommes et les femmes qui, à travers les décennies, les siècles, depuis la colonie, ont, à leur façon, à leur époque, selon leur lumière et leur conviction, contribué à bâtir le Québec au point qu'il en est rendu aujourd'hui. Nous devons tous, ministériels et Opposition, reconnaître cette continuité historique avec ceux qui nous ont précédés et essayer ensemble de faire de notre mieux à une époque difficile afin que la cause du peuple québécois soit avancée.

Appréhension devant l'énormité de la tâche qui nous incombe à nous tous, ministériels et Opposition, à une époque où, non pas uniquement au Québec, mais au Canada, aux Etats-Unis et dans tous les pays industrialisés du monde, on éprouve des problèmes sérieux et très difficiles à résoudre.

Enthousiasme et confiance débordants, parce que le 13 avril, le peuple québécois a fait un virage aussi radical que permanent vers son avenir et son plein épanouissement comme peuple. (16 h 50)

Permettez-moi, M. le Président, de remercier du fond du coeur les citoyennes et citoyens du comté de Prévost qui m'ont fait confiance le 13 avril en m'élisant à cette Assemblée nationale. Je ferai mon possible pour être à la mesure de la confiance qu'ils m'ont accordée.

Je veux remercier aussi l'exécutif et les structures du Parti québécois de Prévost et les centaines d'hommes et de femmes qui m'ont aidé dans cette élection.

Mais je tiens aussi, M. le Président, au nom de la démocratie, à remercier et à féliciter ceux et celles qui ont voté pour mes adversaires, parce que c'est ça le processus démocratique et on peut dire que la démocratie est en bonne santé dans Prévost, parce que plus de 86% de la population ont exercé leur droit de vote le 13 avril.

Brièvement, pour ceux qui ne connaissent pas le comté de Prévost, le comté est composé, à son extrémité sud, par Saint-Jérôme, entouré de Saint-Antoine, de Lafontaine et de Bellefeuille, à vocation industrielle; en son milieu, vers le nord, les villes de Prévost et de Sainte-Anne-des-Lacs combinent des lieux résidentiels avec le potentiel d'une vocation de plein air et enfin les villes de Saint-Sauveur et de Piedmont, en plus d'être des villes résidentielles, sont surtout consacrées à l'industrie touristique.

Que veulent les hommes et les femmes du comté de Prévost? D'abord, ils veulent travailler. Hommes et femmes, jeunes et âgés, chômeurs, assistés sociaux et handicapés veulent la possibilité de travailler dans la dignité et la sécurité, dans la mesure où ils sont aptes au travail, et veulent que ceux et celles qui, pour différentes raisons, sont inaptes au travail soient protégés dans leurs revenus et par des services sociaux, de façon à reconnaître et à réaliser leur dignité de personnes humaines.

Ceci veut dire que la première priorité pour le comté de Prévost - et je suis sûr que c'est partagé par les hommes et les femmes de plusieurs comtés du Québec -c'est la question de la création et du maintien d'emplois. Parce que ça ne donne rien de créer des emplois d'un côté, pour les perdre par des fermetures d'usines et des fermetures d'entreprises et des licenciements collectifs de l'autre côté. Les citoyens et

citoyennes de Prévost veulent aussi la reconnaissance de leur identité et de leur fierté régionale et veulent exercer la possibilité de développer une économie régionale, bâtie en bonne partie par les citoyens de la région, tout en profitant - et c'est naturel - de tout ce qui peut résulter des grands projets collectifs du Québec.

Les citoyens de Prévost sont inquiets car nos services de santé et nos services sociaux sont en bas des normes nationales et qu'il y a un besoin urgent de lits psychiatriques, de lits pour les soins prolongés et de lits pour les cas aigus. Il y a une nécessité sérieuse de combler ce besoin dans le comté.

Il y a aussi le grand désir de la population de se donner des installations de loisirs, de plein air et de culture à la mesure de sa créativité, à la mesure de ses besoins. Ils veulent également protéger leur environnement, compléter la dépollution de la rivière du Nord et aussi aménager les berges pour les activités de loisirs au service de toute la population. Ils souhaitent aussi la décentralisation administrative de nos organismes gouvernementaux dans la région dans l'espoir d'humaniser les services en les rapprochant de la population. Parmi tous ces besoins et tous ces éléments que la population attend de son député et de son gouvernement, il y a ce grand désir de participer, d'élaborer des projets et de les faire appuyer, encourager ou reconnaître, selon le cas, par le gouvernement.

Le premier ministre nous a livré un discours inaugural où il a défini à nouveau les trois grands axes de l'action du gouvernement du Parti québécois dans les prochains mois et les prochaines années. Ce sont ces trois thèmes qui étaient les thèmes de la campagne électorale et qui ont été endossés magistralement par la population du Québec. Le développement économique, le développement d'une politique familiale et la défense des droits du Québec acquis à dure lutte par différents gouvernements, de différentes couleurs politiques, au fil des années et qui sont mis en danger par le coup de force du gouvernement fédéral de M. Trudeau.

Un budget, pour moi - je ne suis pas comptable - c'est la façon d'exprimer et de réaliser un programme. Nous discutons le budget dans un contexte, comme je l'ai dit tantôt, difficile. Mais il faut arrêter de faire croire au monde que c'est juste ici au Québec qu'on a des problèmes. Le taux d'intérêt et le prix de l'énergie, ce sont des problèmes mondiaux. On a du chômage au Québec, on a du chômage dans les provinces canadiennes, on a du chômage aux États-Unis, on a du chômage dans les pays industriels de l'Europe de l'Ouest. Tous ces pays sont aux prises avec les mêmes problèmes dont on n'a pas toujours toutes les solutions. Il faut arrêter de charrier sur le dos des Québécois. C'est comme si on était la seule unité politique au monde où il y a des problèmes, des difficultés assez sérieuses.

Ce qui est vrai pour une famille est vrai pour un pays. À un moment donné, quand les coûts deviennent disproportionnés en rapport avec les besoins, il faut modérer les dépenses. Je suis convaincu qu'un parti qui se veut social-démocrate et qui est social-démocrate doit aussi voir à la saine gestion des fonds publics, doit contrôler les dépenses qui risquent de déborder, mais pour mieux choisir de nouvelles priorités et permettre leur réalisation. (17 heures)

Oui, l'économie du Québec est malade, nos amis d'en face n'arrêtent pas de le dire; sauf que l'économie du Québec est malade depuis la fin de la dernière guerre mondiale. L'économie du Québec est malade à cause de l'absence totale, tant à Ottawa qu'au Québec, de politiques économiques cohérentes, de politiques de développement industriel axées sur la transformation chez nous, par les nôtres, des ressources naturelles dont la Providence nous a comblés.

La langue française a donné à la théorie économique le mot "laisser-faire"; cela consacre, en français et en anglais, la doctrine capitaliste d'Adam Smith au XVIIIe siècle. Mais nos gouvernements canadiens et québécois, depuis la fin de la guerre et jusqu'en 1976, ont donné réalité à la politique de laisser-faire. On a laissé faire les entreprises multinationales, on a laissé développer notre économie par les étrangers, pour les étrangers, selon leurs priorités et non les nôtres. On a laissé faire les industries qui réalisaient des profits exorbitants, mais qui n'ont jamais mis un cent de réinvestissement pour garder les usines modernes, de façon qu'on puisse maintenir notre position concurrentielle vis-à-vis des autres pays du monde. C'est seulement depuis 1976 qu'on a commencé à doter le Québec d'une politique économique, d'une politique de développement industriel à l'heure des années soixante-dix et quatre-vingt, au niveau des PME, mais sans oublier ou dédaigner la contribution que pourraient apporter les grandes entreprises mondiales.

À cause de cela, il est vrai, il me semble que notre économie est débalancée. Les jambes du secteur privé sont atrophiées et il est peut-être vrai, selon les savantes analyses de certains de nos collègues d'en face, que les bras du secteur public sont un peu trop développés. Mais, pour redresser la situation, la solution n'est pas de rapetisser les bras; il faut développer les jambes, il faut développer le secteur industriel, il faut renforcer nos industries de base comme on a déjà commencé à le faire dans les pâtes et papiers, dans les industries du secteur mou. Il faut aussi se lancer vers l'avenir et

développer des industries à haute technologie destinées à l'exportation.

Parce que plus de la moitié du budget est consacrée aux affaires sociales et à l'éducation, il est très difficile d'effectuer des compressions budgétaires sans toucher, d'une façon ou d'une autre, deux secteurs qui représentent plus de la moitié du budget, mais je voudrais, dans le débat, qu'on braque les feux sur les commissions scolaires, sur les conseils d'administration des institutions aussi qui, en dedans d'une enveloppe budgétaire, prennent des décisions à savoir où on va comprimer et où on ne comprimera pas. Avant de mettre en disponibilité des secrétaires, que ce savant juge, qui demande 45 000 $ pour faire rénover son bureau, qui se fait couper à 8000 $ par un jeune administrateur, alors que ce jeune administrateur se fait renverser par son supérieur parce qu'il a eu un coup de téléphone de ce savant juge dès qu'on parle de ça. Avant de mettre en disponibilité les animateurs socio-culturels dans tel ou tel cégep, qu'on pense deux fois si c'est nécessaire d'installer un nouveau système d'ordinateur plus sophistiqué et plus coûteux que le système qui existe. Quel est le plus utile pour l'étudiant, l'ordinateur ou les services directs à l'étudiant dont il a besoin? Avant de mettre en disponibilité le cuisinier ou le préposé aux malades, qu'on examine la nécessité de tous les coordonnateurs des coordonnateurs et des adjoints des adjoints, chacun avec son bureau fermé. Avant de mettre en disponibilité des animateurs de pastorale, des psychologues, des conseillers pédagogiques dans la polyvalente, qu'on examine les frais de voyage des cadres et des commissaires. Qu'on examine si tous ces congrès sont nécessaires; qu'on examine si tous ces cours de formation sont nécessaires. Je suis pour la formation, mais quand on se forme, et qu'on se réforme et qu'on se réréforme, on commence à se demander si la matière brute du début est compétente ou non.

Il y a des limites. C'est bien beau se recycler, mais il faut commencer par se "cycler". Avant de mettre en disponibilité les employés de soutien, qu'on étudie la nécessité des dix directeurs adjoints dans une polyvalente de 2500 élèves. Il y a trop de chefs pour le nombre d'Indiens et le nombre de plumes mérite d'être ordonné un peu. Avant de mettre en disponibilité un bibliothécaire ou d'éliminer un laboratoire de sciences sociales, qu'on juge la nécessité de l'adjoint aux recherches du directeur adjoint du personnel. Avant de couper les travailleurs sociaux, qu'on s'interroge sur la nécessité d'un directeur général et d'une équipe de cadres supérieurs qui s'accorde, avec la complaisance du conseil d'administration des niveaux de salaires au-delà des barèmes admis par le ministère des

Affaires sociales.

Avant de parler de ticket modérateur, parce que le monde les visite trop, parlons des médecins. Quand tu vas chez eux, ils examinent l'oreille droite, click-click; ils te font revenir pour l'oreille gauche, click-click; après cela c'est le nez, click- click; puis c'est la gorge, click-click: pour conclure que tu es malade et que tu as besoin d'un spécialiste, encore click-click. Pour une minute, me désolidariser des syndicalistes du secteur public, je leur lance cet appel, de braquer le feu de l'attention du monde sur ce genre de problèmes avant de condamner tout le monde et, finalement, de développer chez nous une certaine solidarité sociale à l'égard des 10% de Québécois qui n'ont pas d'emploi du tout, à l'égard des travailleurs de Port-Cartier qui, quand ils sont mis en disponibilité, n'ont pas de sécurité d'emploi et ils n'ont pas de limites géographiques; des travailleurs de la construction qui sont obligés de s'isoler dans les régions lointaines pour gagner les salaires adéquats pour un petit bout de temps, mais pour revenir finalement pour revoir leur famille se retrouver en chômage. (17 h 10)

On a beau être solidaire, il me semble que le travailleur qui gagne, même syndiqué, après des années de lutte, 5 $ ou 6 $ l'heure a quand même le droit de se poser des questions parce qu'il paie ses taxes vis-à-vis de ses camarades syndicaux, mais qui gagnent plus cher pour des semaines moins longues et qui n'ont peut-être pas tous les avantages sociaux du secteur public. Oui, M. le Président, le défi des années quatre-vingt pour le Québec, c'est le développement économique et le développement industriel, mais on développe une économie pas seulement pour faire des statistiques dans les chroniques financières. On bâtit une économie pour le peuple, pour l'humain. On bâtit une économie pour se donner des biens et des services nécessaires et utiles pour notre propre population et qui pourraient être nécessaires et utiles à nos voisins dans les pays à travers le monde. Il faut qu'on entende parler dans cette Chambre, M. le Président, de plus en plus souvent, du droit au travail, du fait qu'une société moderne et civilisée doit fournir un emploi stable dans des conditions de dignité et de sécurité à tous les hommes, toutes les femmes, tous les jeunes et tous les handicapés qui peuvent et veulent travailler. Une société ne peut pas se dire civilisée tant qu'elle n'aura pas réalisé ce défi et cela prend des choses qui ont été négligées affreusement à travers les années, des politiques intégrées de main-d'oeuvre axées sur le plein-emploi, un meilleur système de formation et de recyclage et des programmes beaucoup plus généreux qu'actuellement de sécurité du revenu, parce que quand on a des gens au

travail - et tous ceux qui sont capables de travailler seront au travail - cela va être plus facile de donner un coussin de sécurité financière et des services à ceux et celles qui sont inaptes au travail.

Mais devant ce défi, je m'explique mal les prophéties de malheur, de noirceur et de tristesse projetées par nos amis d'en face. On se scandalise d'un déficit budgétaire d'un peu moins de 3 000 000 000 $, qui représente 14,8% de nos dépenses projetées, mais le grand frère à Ottawa, lui, son déficit par rapport à ses dépenses projetées est de 21,7%, la même année, et ce n'est pas nouveau. Quand on dénonce des déficits et qu'on fait du charriage politique avec des déficits, cela implique qu'on est en faveur d'augmenter les taxes, mais les libéraux disent qu'ils sont contre les taxes; ils veulent baisser les taxes pour les mieux nantis du Québec. La conclusion, c'est quoi? Qu'ils le disent franchement! Veulent-ils taxer les plus pauvres? C'est la seule solution. Autrement, arrêtez de chialer sur le déficit. Tout le monde a un peu un déficit.

On me fait signe de terminer. Je suis obligé de couper des choses que je voulais dire. Par exemple, celui qui se scandalise de tous les sigles, les CH, les CP, les CHSP, pauvre gars, c'est un ministre libéral de 1972 qui a inventé ces affaires-là, et je ne le dis pas pour le critiquer. Je veux rendre hommage à ce ministre, M. Castonguay, qui a fait une réforme des services de santé. On se scandalise parce que, dit-on, le gouvernement du Parti québécois a donné la clé de la porte aux syndiqués du secteur public, sauf qu'il y avait des négociations dans le secteur public en 1972 et en 1975 et ce n'est pas le gouvernement du Parti québécois qui négociait à ce moment-là. On parle de cette tristesse et de cette tragédie, de l'atmosphère d'instabilité du Québec pendant laquelle Alcan investit massivement dans de nouvelles usines. General Motors, sans faire de bruit, augmente son personnel, construit trois nouvelles usines dans une période où l'industrie de l'automobile est à terre en Amérique du Nord. L'usine d'autobus de GM créée par une politique du gouvernement du Québec, une communauté d'achat d'autobus qui a commencé avec 200 travailleurs et qui, maintenant, donne de l'emploi à plus de 500 travailleurs. Pratt and Whitney qui a presque doublé sa main-d'oeuvre au cours de cette période de tristesse et d'instabilité tant décriée.

Quand je vois des niaiseries comme dans l'affaire de Stablex, si j'étais un industriel étranger qui se propose de faire un investissement au Québec, bon Dieu! après ce show qu'on a eu sur Stablex depuis quelque trois semaines, je changerais d'idée en désespoir! On ne veut pas reconnaître non plus que cette compagnie a trois usines en Angleterre, un pays très propre...

M. Fallu: Même au Japon.

M. Dean: ... très soucieux de l'environnement, et au Japon également, qui n'a pas la réputation...

M. le Président, je voudrais dire simplement...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Vous avez terminé, M. le député...

Des voix: Consentement.

M. Dean: Je n'en ai pas pour longtemps, je vous demande encore quelques minutes.

Une voix: Consentement.

M. Dean: "II ne faut pas se faire avoir", 3 000 000 $. Mais on ne parle pas des annonces du gouvernement fédéral avant la campagne "II ne faut pas se faire avoir", et on ne parle pas des campagnes continuelles, tous les soirs de la semaine: Canada, Canada, Canada, avec de grosses lettres rouges de plus en plus grosses. Cela coûte de l'argent ça aussi, et on fait du charriage. Un orateur d'en face a fait un lien entre 3 000 000 $ de publicité et le problème de l'aide sociale; savez-vous combien chaque assisté social aurait de plus si on n'avait pas dépensé ces 3 000 000 $? 6 $ par année. Il n'y a pas de quoi faire sauter de joie des assistés sociaux! Ce sont des choses ridicules qui frôlent le charriage.

On parle d'instabilité, et presque le lendemain de ce discours sur l'instabilité de l'atmosphère, en plein milieu d'une prise d'otages en Espagne où plus de 100 personnes étaient prises en otage, la Société Ford a annoncé le transfert de production d'un modèle d'automobile d'Angleterre en Espagne. Ce n'est pas si mal. Quand on peut faire une piastre, on passe à travers bien des choses. Ce qu'on a, et les compagnies multinationales, nationales et québécoises ne peuvent refuser d'en profiter, ce sont les ressources naturelles, les ressources humaines, des Québécois capables à tous les plans de l'entreprise, tant des entrepreneurs que des techniciens, des ingénieurs, des planificateurs, des travailleurs cols bleus. La qualité, la productivité et la fierté au travail du travailleur québécois sont les plus élevées au monde.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député, les deux minutes que vous m'aviez demandées sont écoulées. Je m'excuse.

M. Picotte: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui.

M. Picotte: J'accorderai mon

consentement à la condition qu'on puisse dépasser d'une dizaine de minutes, afin de permettre à l'intervenant de ce côté-ci qui doit parler de terminer son discours. Sinon, qu'on suive le règlement et que le député s'assoie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint.

M. Chevrette: M. le Président, si vous lui accordez une minute ou deux, je donnerai le consentement au nom du parti ministériel pour que le député de Verdun et le député de Notre-Dame-de-Grâce parlent et on ajournera après que le député de Saint-Hyacinthe aura parlé.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Vous pouvez terminer, M. le député.

M. Dean: Merci, messieurs de l'Opposition; merci, M. le Président; merci à mes collègues. (17 h 20)

C'est comme cela bâtir le Québec. Nous avons des richesses telles que bientôt les industries du monde vont venir à quatre pattes demander la permission de s'installer au Québec, parce que les travailleurs québécois, à outillage égal, sont les meilleurs au monde. C'est prouvé à General Motors, c'est prouvé à Pratt & Whitney, c'est prouvé à Kenworth, c'est prouvé à Firestone, c'est prouvé un peu partout, c'est prouvé au niveau des compagnies de génie-conseil aussi.

C'est comme cela qu'on va bâtir le Québec. Mes collègues et moi, on n'a rien contre parce qu'on reconnaît l'entreprise privée, coopérative, publique ou mixte, toutes les formules sont bonnes, pour autant que les entreprises respectent les Québécois, respectent notre environnement, respectent notre monde. Je suis pour cela.

C'est comme cela qu'on bâtit une économie, fièrement debout, pas à quatre pattes, pas en laissant faire les autres. C'est comme cela qu'on bâtit une société humaine et juste où les plus faibles sont soutenus par les plus forts, parce qu'on a assez de travail pour la grande majorité de la population. C'est comme cela qu'on bâtit un pays. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Verdun.

S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Caron: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Verdun, vous avez la parole.

M. Caron: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): La parole est au député de Verdun, j'aimerais lui donner cette possibilité de parler, s'il vous plaît!

M. Lucien Caron

M. Caron: M. le Président, je veux profiter du temps qui m'est donné aujourd'hui pour apporter certains commentaires et faire certaines suggestions au ministre des Finances sur le discours sur le budget.

D'abord, je voudrais vous féliciter pour votre nomination ainsi que vos deux collègues pour leur réélection à la présidence et à la vice-présidence. Je voudrais aussi remercier tout le personnel, greffier, pages, les gens du journal des Débats, les gens du Parlementaire, les constables, ainsi que les gens qui font le ménage dans nos bureaux. Je pense que ce sont des gens qui nous comblent, nous les parlementaires, et je veux profiter de l'occasion, la première fois que je prends la parole, pour les remercier.

Je voudrais aussi saisir l'occasion pour saluer amicalement mes 121 collègues-députés qui, quelle que soit leur couleur politique, ont à coeur de servir dignement les intérêts du Québec. Au-delà de nos durs débats, il y a cette volonté et cette conviction chez nous tous de travailler pour le bien commun et je leur assure mon amitié.

Le député de Prévost disait qu'Ottawa dépense des millions en publicité, c'est vrai, comme le Québec le fait. J'espère que les deux gouvernements vont y penser, vont penser qu'il y a des gens qui sont sur l'aide sociale, qui sont malades, qui ont besoin. Qu'on coupe la publicité un peu, autant à Ottawa, M. le député de Prévost, qu'à Québec dans votre caucus. Nous, nous nous chargerons de le dire aux gens d'Ottawa qui n'ont pas le don de la vérité. Mais on vous demande à vous, au caucus, d'en parler à vos ministres et j'espère qu'ils vont vous écouter.

On a vécu ça, nous aussi, d'être en arrière, de 1970 à 1976. Je peux vous dire que si certains de nos ministres du temps avaient pensé à écouter des gens comme vous autres, comme on était, on n'aurait peut-être pas eu la malchance, en 1976, de se ramasser de ce côté-ci. Je vois que le ministre de l'Immigration est ici et qu'il écoute, j'espère qu'il a assez de poids au Conseil des ministres pour passer le message.

M. le Président, je veux aussi remercier mes électeurs du comté de Verdun qui, plus que jamais, m'ont à nouveau fait confiance lors de la dernière élection. Les spécialistes auront remarqué, je l'espère, que le comté de Verdun est maintenant composé de plus de 70% de francophones et est le seul où un libéral ait pu doubler sa majorité depuis 1976 en s'appuyant sur le vote francophone. C'est tout à l'honneur de mes concitoyens et cette

majorité de 7214 voix ne peut que m'inciter à servir de mon mieux les intérêts des gens de Verdun qui maintiennent avec ardeur leur attachement à leur député libéral.

Ce n'est pas sur des sujets comme le déficit budgétaire que je veux parler aujourd'hui. D'autres de mes collègues l'ont fait et le feront. Je veux surtout m'attacher à relever certains problèmes qui sont au coeur des préoccupations des gens de mon comté, un comté formé d'honnêtes travailleurs.

Le logement. Les jeunes couples, les petits ou les nouveaux propriétaires vivent actuellement avec angoisse l'ampleur des taux d'intérêts hypothécaires. Le problème est devenu si important qu'un grand nombre ne peut plus tenir le coup devant ce phénomène et est forcé de vendre la propriété qui était souvent le symbole de l'unité de la famille. J'invite le gouvernement à se pencher avec urgence sur ce phénomène au Québec. L'accès à la propriété est devenu ou est en voie de devenir non pas un droit légitime à toute personne, mais un droit réservé aux riches. Il est temps, à mon avis, de penser une politique d'accès plus facile à la propriété, soit par un train de mesures d'exemptions fiscales, soit par une forme d'aide plus directe auprès des nouveaux propriétaires. Ceci permettrait de relancer l'industrie de la construction domiciliaire et de fournir par le fait même du travail à de nombreux chômeurs.

Même de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président... Vous savez qu'on ne siège pas souvent; l'an passé, au cours des onze premiers mois de l'année, on a siégé 40 jours; cette année, je n'ai pas fait le compte, mais ça n'a pas été beaucoup. S'il le faut, le Parlement peut rouvrir pour pouvoir travailler, proposer des projets de loi. Nos collègues d'en face nous disaient qu'on a un grand nombre de chômeurs, de personnes sans travail ici au Québec. De notre côté, je suis convaincu que, s'il faut revenir, tous mes collègues vont se faire un plaisir de revenir au cours de l'été; je l'ai même dit au leader du gouvernement, au point de vue des projets de loi de la communauté urbaine; c'est ça être de bons parlementaires. J'espère, M. le ministre, que vous suggérerez au Conseil des ministres que nous sommes prêts à revenir, de ce côté-ci de la Chambre, pour tenter de faire quelque chose pour les petits travailleurs.

Le problème des taux hypothécaires ne doit pas être pris à la légère. Je suis sûr que, dans les bureaux de comté, mes amis d'en face reçoivent des témoignages de gens qui sont dans l'obligation de se serrer la ceinture pour parvenir à joindre les deux bouts. Il faut faire quelque chose. (17 h 30)

Sur ce même sujet du logement, j'aimerais toucher un point qui me tient à coeur et sur lequel le ministre délégué à l'Habitation devrait se pencher sérieusement. Il s'agit du problème des HLM. Je suis sûr que le gouvernement est plus que jamais conscient qu'il faut augmenter le nombre de logements. Avec les problèmes qu'il y a à la Société d'habitation du Québec d'après le rapport qui a été déposé la semaine dernière, ce n'est pas une façon d'avancer. Dans le rapport qui a été déposé, on a demandé qu'on fasse la lumière. Ce serait le temps de faire la lumière. Si ces gens-là ne peuvent pas donner satisfaction aux parlementaires et aux contribuables, qu'on les mette de côté. Je veux bien croire que ça adonne que ce sont des petits amis du régime; c'est normal, M. le Président. On n'a rien contre cela de ce côté-ci quand ce sont des amis du régime, mais que ce soient des bons, des gens qui travaillent, qui rendent service à la population.

Je pense qu'ils ont perdu mon adresse dans le comté de Verdun. On est censé construire, on en a parlé durant la campagne électorale, on doit le faire et on jette le blâme sur la municipalité. Je pense que ce n'est pas à la municipalité d'exproprier des terrains. C'est au gouvernement du Québec de prendre ses responsabilités. Je sais qu'il est supposé y avoir dans le moulin 300 logements. Cela fait quatre ans et demi qu'on attend et on n'a rien eu. J'espère qu'on va reprendre mon adresse et que même si les gens ont voté pour le Parti libéral dans le comté de Verdun et dans le comté de Sainte-Anne, on sera juste. C'est le temps de prouver, M. le Président, que ces gens-là veulent traiter tous les Québécois sur un pied d'égalité. On verra. Ils l'ont promis durant la campagne électorale. Ils devaient faire cela la première fois, mais, dans certains cas, ils ont oublié. J'espère que, cette fois-ci, ils essaieront d'être le plus justes possible pour les contribuables du comté de Verdun et d'une partie du comté de Sainte-Anne.

Je voudrais vous parler de chômage. Le ministre des Finances nous disait, dans son discours, que l'année 1980 a été celle où on avait atteint le creux de la vague. La preuve en est le nombre considérable de chômeurs que nous avons eus l'an passé et que l'on a encore cette année. À Verdun, le problème du chômage est vivement ressenti. Que dire des jeunes qui se présentent à nos bureaux dans l'espoir qu'on puisse les aider. Ce n'est pas facile. Je parlais au ministre du Travail, du placement étudiant. Le gaspillage qui se fait à la Grande Passe. Il y a un paquet d'argent qui est gaspillé. La publicité, si on la diminuait. Il faut savoir comment dépenser l'argent. Si on prenait une partie de cet argent et qu'on faisait travailler nos jeunes, nos jeunes étudiants, cet été, surtout que les gens d'en face ont flirté énormément avec

eux durant la campagne électorale.

De la façon dont le ministre du Travail m'a parlé la semaine dernière, on aurait dit que je le dérangeais. Je sais qu'il n'est pas ici parce qu'il est en commission parlementaire cet après-midi. Il n'y a pas que moi qui ai pensé cela, M. le Président. En fin de semaine, j'ai eu l'occasion d'assister à une réception pour les finissants de la polyvalente Mgr Richard à Verdun où il y avait 1500 personnes, étudiants et parents. Combien des parents qui ont eu l'occasion de voir le moment où j'ai posé la question sont venus me dire, qu'ils étaient insultés de voir que le ministre, en Chambre, je le dérangeais. Je pense qu'il va falloir que ces gens d'en face nous donnent la permission de poser des questions. Si nous, les gens de ce côté-ci, ne pouvons plus poser de questions, on va rester dans nos comtés. Le ministre de l'Immigration, par exemple, est correct. Cela ne le dérange pas quand on lui pose une question. Mais il y a certains de ses collègues que cela dérange. Cela me dépasse, M. le Président. J'espère qu'avec la période des vacances ils vont réaliser cela. C'est la deuxième fois qu'ils se font élire et je ne voudrais pas que cela leur monte un peu "icitte", parce que c'est dangereux. Vous savez, des fois, le pouvoir...

M. Mailloux: Cela monte à la tête.

M. Caron: ... ça fait fléchir les jambes! J'espère que ceux qui m'écoutent passeront le message.

Je voudrais parler un peu aussi des assistés sociaux. Chez nous, à Verdun, on en a un grand pourcentage, par malheur. Je peux vous dire que les gens qui bénéficient de l'aide sociale, ce ne sont pas des gens qui le veulent vraiment. Il y en a un petit nombre, qui en bénéficient de père en fils, mais c'est la minorité. Si on donnait l'occasion à ces gens de se trouver quelque chose; si on ne peut pas, qu'on essaie de leur donner un peu plus. Il faudrait que tout le monde fasse sa part. On est prêt, de ce côté-ci, on va leur donner notre collaboration pour accorder plus aux assistés sociaux. On pourrait leur aider en payant une partie de leur taxe d'eau; on pourrait aussi, du côté de l'aide sociale, payer l'assurance. Vous savez, la majorité des gens qui bénéficient de l'aide sociale ne sont pas assurés contre le feu. Le gouvernement est pris pour payer après. Il pourrait y avoir une politique selon laquelle quelqu'un qui bénéficie de l'aide sociale est assuré par le gouvernement; ça ne coûterait pas énormément cher et je pense que ça rendrait un grand service à ces gens. Je sais qu'il y a eu une entente, deux autres doivent parler, mais je n'en sais pas plus long. J'en aurais beaucoup à dire, mais j'aurai d'autres occasions.

Je voudrais surtout dire au ministre des

Finances du Québec, avec un déficit de 3 000 000 000 $ qui ira peut-être jusqu'à i\ 000 000 000 $, que je l'invite à venir passer une semaine ou deux dans la belle municipalité de Verdun. Dernièrement, j'ai eu l'occasion et l'honneur de déposer un surplus de 2 000 000 $ pour la ville de Verdun. Je pense être en mesure de donner quelques petites leçons au ministre des Finances. S'il veut venir passer quelque temps à Verdun, il sera le bienvenu.

Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: M. le Président, une première intervention à l'Assemblée nationale comme nouveau député du Parti québécois du nouveau comté de Terrebonne ne peut se faire que sous l'angle de la fierté et de la reconnaissance envers les électeurs de mon beau comté.

M. Rivest: Ah!

M. Blais: Merci, M. Rivest.

C'est pourquoi, tout d'abord, je veux remercier chaleureusement tous les bénévoles, les partisans et les partisanes qui m'ont permis d'avoir, le 13 avril dernier, la confiance des électeurs de ce comté. La très confortable majorité obtenue dans mon comté trouve, d'une part, sa justification dans l'immense popularité de l'équipe Lévesque et dans les réalisations des quatre dernières années, et, d'autre part, dans la fougue, la détermination et la ténacité des sympathisants et des bénévoles de mon comté qui ont transformé, dans mon comté, une victoire prévisible du Parti québécois en une victoire éclatante.

C'est donc avec une joie non dissimulée que j'en sais gré aux travailleurs et aux travailleuses de mon comté et c'est avec le respect le plus senti que je m'efforcerai de vous représenter le plus efficacement possible à l'Assemblée nationale.

Cette première occasion qui m'est donnée de prendre la parole en cette Assemblée nationale se doit d'être une déclaration marquée du respect. Respect, d'abord, envers la démocratie du peuple québécois, respect de nos institutions "parlementeurs", parlementaires, excusez, mais "parlementeurs" des fois, aussi. M. le député, "parlementeurs", c'était peut-être un synonyme d'Opposition. Je m'excuse. (17 h 40)

Respect envers nos institutions parlementaires bien que britanniques et respect des engagements gouvernementaux de la dernière campagne électorale. Enfin, une

tentative de respect total envers mes collègues de l'Opposition. Envers la démocratie du Québec, M. le Président, je me dois, comme tous mes collègues ministériels, d'être totalement respectueux; nous devons accepter les bons et les mauvais côtés de la démocratie. Le 15 novembre 1976, c'était, pour nous du Parti québécois, extrêmement facile d'être démocrates. Le 13 avril dernier, c'était encore beaucoup plus facile. Cependant, le 20 mai 1981 - on va voir sourire de ce côté-ci, je suis malheureusement placé de leur côté; je m'excuse, nous avons trop de députés - cette date faisait mal aux Québécois, nous faisait mal à la démocratie. Cela date d'une leçon très difficile à digérer que le peuple québécois nous avait donnée cette journée-là doit cependant, avec celle du 13 avril, fixer nos positions pour les quatre années à venir.

M. le Président, nous devons, sans renoncer à notre objectif national, ultime et connu de tous, la souveraineté du Québec -merci - freiner les élans trop vifs de nos membres trop impatients, quoique je les comprends, tout en ne ménageant aucun effort pour faire avancer sans détour la date de l'avènement sublime qui fera du Québec enfin notre pays et notre patrie. Nous devons veiller à ce qu'aucune étape vers la réalisation sacrée de notre raison d'exister comme parti politique ne soit indûment retardée. Les étapes vers notre souveraineté nationale commandent un bagage trop lourd à porter rationnellement pour qu'ensemble, avec nos moyens et nos pouvoirs restreints, nous permettions que s'éternise ce voyage vers la liberté politique totale. C'est de cette façon et de cette façon seulement que la voix du peuple le 20 mai et le résultat du 13 avril 1981 doivent nous commander d'agir. Toute autre interprétation de ces deux résultats combinés ne serait qu'analyse partisane, d'un côté comme de l'autre de la Chambre.

Oui, gens de Terrebonne, je vous promets une fidélité totale et absolue et je vous jure solennellement de respecter le mandat que vous m'avez confié qui n'est pas la réalisation immédiate de la souveraineté, mais un mandat clair et précis de faire avancer démocratiquement l'idéal que chaque peuple du monde entier garde jalousement au fond de lui: la souveraineté politique de sa nation. Ma nationalité à moi, elle est québécoise; mon être entier est québécois et mon pays ne peut être autre que le pays du Québec.

Oui, gens de Terrebonne, je me dois, à ma première intervention, de parler de respect, respect envers nos institutions parlementaires. Bien sûr, en arrivant ici, dans cet immense parlement, un nouveau député se sent un peu perdu, mais l'adaptation est assez facile et la marche à suivre est emballante. Du moins, je vous assure de tout déployer pour vous servir avec le meilleur rendement possible, électeurs et électrices que je représente ici à l'Assemblée nationale.

M. le Président, vous d'abord, je peux vous assurer de tout le respect que votre titre commande et de respecter les règles que vous êtes tenu de nous faire appliquer.

Il y a aussi les engagements du Parti québécois durant la dernière campagne électorale. Nous nous devons, nous, députés ministériels, voir à ce que tous soient respectés. Dans ma première intervention, il me faut en votre nom dire le respect que je dois au Parti québécois et surtout à la base, à ses membres et à tous ceux, finalement, qui font que le Parti québécois est le parti des Québécois. Même si la période restrictive de la conjoncture financière internationale nous impose de composer avec les revendications rationnelles de la base, il nous faut ensemble, gens de Terrebonne, veiller â ce que les plus démunis ne soient pas les innocentes victimes des réductions de budget envisaqées, comme le promettait d'ailleurs notre premier ministre. Il nous faudra ensemble, les ministériels, aidés par les gens de Terrebonne, faire travailler notre sens inventif et Imaginatif pour que les coupures nécessaires à la bonne marche de notre gouvernement se concrétisent dans les sphères les plus aptes à subir ces sacrifices financiers que les débuts des années quatre-vingt imposent à la population du Québec, et à la population mondiale, d'ailleurs. Dans ce domaine, je promets à mes commettants, au gouvernement et à mes collègues de faire ma modeste part pour que l'opération réussisse sans trop blesser les faibles ou brimer les revendications rationnelles.

Il y a aussi une tentative que je dois faire lors de ma première déclaration à l'Assemblée nationale; c'est tenter d'avoir un respect absolu envers l'Opposition, en plus d'un respect général envers tous mes collègues. Je voudrais ici ne surprendre personne, mais je dois vous dire, M. le Président, que j'ai et j'aurai, tout le long de mon mandat, ce respect envers l'Opposition libérale, mais un respect, cependant, qui devra être dépourvu de toute la naïveté du néophyte que je suis. M. le Président, je respecte sans ombrage les droits absolus de l'Opposition d'être, selon les sièges de cette Chambre, représentants fédéralistes, fédéralistes difficiles, fédéralistes absolus, fédéralistes dans le vide, fédéralistes assis, debout, couchés, à plat ventre. Tous les fédéralistes, je vais vous respecter si vous l'êtes, ou tout simplement libéraux, c'est-à-dire sans philosophie constitutionnelle absolue. Bien sûr, il me faudra respecter les positions de mes collègues de l'Opposition. Je veux les assurer que tant et aussi longtemps qu'ils défendront les intérêts des Québécois d'abord, je les respecterai sans hésitation.

Mais c'est loin d'être chose évidente depuis ma récente arrivée dans cette Chambre. Les collègues de l'Opposition, que je vois heureusement de dos, n'ont pas souvent de mouvements provoquant chez les membres de la députation ministérielle des gestes de respect absolu envers leur position ferme du côté constitutionnel.

Je me dois de les prévenir que l'Assemblée nationale du Québec - ils le savent - contient 122 sièges. Ces 122 sièqes doivent recevoir 122 personnes qui défendent les intérêts du Québec. Il y a, à Ottawa, un autre Parlement où il y a 282 sièges. Ces gens ont été élus pour défendre d'abord les intérêts du peuple canadien. Si, par Parti libéral interposé, les 42 membres minoritaires de cette Assemblée se prennent pour des gens qui siègent au Parlement d'Ottawa, là, il sera strictement impossible pour moi - et je crois que c'est la même chose pour mes collègues - de respecter leurs positions. D'ici quelque temps, il nous sera probablement donné de constater si les députés de l'Opposition qui siègent ici à Québec siègent vraiment à Québec ou à Ottawa. Ce jour où la Cour suprême décidera si le rapatriement unilatéral de la constitution est légal ou permis, nous verrons si, dans cette Assemblée, siègent 122 élus québécois ou seulement 80 défenseurs des revendications légitimes du peuple québécois.

Libéraux, vous le savez, par cet acte unilatéral, l'Assemblée nationale, que nous nous devons, par essence, de défendre, perdra beaucoup de ses droits. C'est à ce moment-là que nous verrons si tous les gens qui siègent ici se lèveront pour défendre Québec devant ce coup bas, ce coup presque hypocrite que pose Ottawa. (17 h 50)

Je doute fortement - et c'est malheureux - du choix que feront mes amis et collègues de l'Opposition. Il semble, Terrebonniens et Terrebonniennes, que les députés de l'Opposition se piquent trop souvent d'habiter le Québec plutôt que de faire sentir qu'ils ont l'âme québécoise. Nous ne reprochons à personne dans cette Assemblée nationale d'avoir une adresse au Québec, mais nous vous reprochons d'avoir une maladresse envers les Québécois. C'est tout ce que nous reprochons à l'Opposition. Il est facile de prouver que nous sommes tous géographiquement canadiens; nous le sommes tous, les députés de l'Opposition le sont aussi. Mais ce n'est là qu'un accident de naissance. Nous sommes farouchement, du côté ministériel, des Québécois de tête, de coeur et des amoureux historiques du Québec.

M. le Président, à cause du respect du milieu culturel dans lequel j'ai vécu longuement, j'aimerais, pour parler de mes collègues de l'Opposition, parodier deux vers de Corneille.

Si vous n'êtes pas Québécois, chers libéraux, soyez dignes de l'être, mais si vous l'êtes, je vous en supplie, faites-le donc mieux paraître.

Ce fut pour moi un grand honneur de prendre la parole pour la première fois à l'Assemblée nationale et je veux une autre fois en terminant remercier les bénévoles, les esprits compétents et éclairés de mon comté de Terrebonne qui m'ont valu ce titre de noblesse et de fierté d'être le député du nouveau comté de Terrebonne.

Une voix: ...

M. Blais: Oui, probablement, Monsieur.

Cependant, en terminant, je vous dis, gens de Terrebonne, vous voulez un pays, une patrie, eh bien, moi et les députés ministériels de cette Assemblée, ensemble nous vous le donnerons. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Jacques-Cartier. Il y a consentement pour que vous dépassiez 18 heures pour pouvoir terminer votre présentation.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: Merci. M. le Président, the world of education is up in arms. Everybody, and I mean everybody, except, strangely, the government, is up in arms about the budget cuts announced in late February. Each day brings mounting cries from every sector: the teachers, the administrators, the school boards, the professionals, parents, students, cégeps, universities, elementary and secondary, and some of the strongest voices have come from the government's own chief advisory body, the Superior Council of Education.

Everybody is concerned about the cuts which have been characterized as catastrophic, because people are concerned that the quality of education will be compromised very severely. They are concerned that we are going to be paying a price for a long time for what are considered false economies in the short term. In fact, the economies represent a betrayal of this generation which is our future.

For a government that considers itself the wave of the future, the Parti québécois seems strangely unconcerned. What has happened to all the social priorities which I think most of us shared over the last years? What has happened to the concern for the handicapped, the concern for the children in the "milieux défavorisés", for the illiterate and for the mentally ill? We have made a lot of progress in the last 20 years for, what I would call, previously marginalized groups in bringing them into the mainstream of

society. Now it looks as though they are in danger of being abandoned.

Loin de reconnaître avec franchise cet état de fait, le ministre de l'Éducation persiste à défendre l'indéfendable et a affirmé candidement à l'Assemblée nationale, le 20 mai, qu'il n'y a pas de coupure budgétaire dans le secteur dont il est responsable, mais bien - et je cite - "un ralentissement dans la progression des crédits imposés par une conjoncture qui vient d'ailleurs."

Dans son discours sur le budget, le ministre des Finances disait, à propos des coupures: "Certaines, même si elles choquent quelques spécialistes, n'auront guère d'effet sur le public." Est-ce que le ministre des Finances et le ministre de l'Éducation ne croient pas le Conseil supérieur de l'éducation qui, dans son mémoire sur l'éducation des adultes, a dénoncé les coupures comme draconniennes et irrationnelles? Est-ce que les ministres des Finances et de l'Éducation ne sont pas sensibles à l'importance de plus en plus grande de l'éducation des adultes? Est-ce que les ministres ne sont pas sensibles au fait -et je cite le mémoire du Conseil supérieur que "dans toute société moderne, le degré de développement d'un peuple n'est pas sans aller de pair avec le niveau de scolarité de sa population."

Or, au Québec les divers organismes d'enseignement sont peu fréquentés par l'ensemble de la population. Ainsi, 85% des jeunes Québécois n'utilisent pas les ressources de niveau universitaire, 67% n'atteignent pas le niveau collégial et environ 45% de la population scolaire n'obtiennent pas le diplôme de fin d'études secondaires. Je cite encore: "Une telle situation est alarmante à une période où la technologie commande le progrès, où les conditions de vie dépendent largement du savoir de la science. Plus que jamais, la formation des adultes doit s'inscrire dans le mouvement de l'éducation permanente. Les adultes eux-mêmes l'ont déjà compris. 1 500 000 d'entre eux sont déjà inscrits à des services d'éducation des adultes depuis leur instauration."

The Minister of Education, the other day, in this Assembly, talked with what seemed to me some pride about the amount of moneys that are spent by this province on education and which are mounting rapidly, even faster than those in Ontario, as if this growing gap between the expenses in Québec and Ontario were a reflection of the quality of education that we deliver here, in Québec. But the question that the public is asking and has the right to ask is why. How did we get into this mess? Why are the costs of education mounting so rapidly? Is it inflation? Is it too much government bureaucracy? Is it declining enrollments? Is it changes going too far, too fast, that we have not been able to control? Is the 500 000 000 $ hole that was discovered in the winter, which has now enlarged to some 625 000 000 $? Who is right? Who is wrong? Who is responsible? Is there any truth to all these allegations? What should the public reaction be? (18 heures)

Mr. President, I have no instant solutions and I do not want to be simplistic about what the solutions are. But I have a few suggestions as to the areas that we should look at in order to get... to the root of the matter.

I believe that it is time to ask ouselves which expenditures in education are educationally and socially productive and which are not. I believe that the public has a right to expect the best possible value for their money and we should examine all educational expenditures in the light of their educational value. I suggest that there are a few situations which the government should take a look at and I repeat government, because the government is directly or indirectly responsible for getting us into much of the present situation, and it is going to be initiatives taken by the government that are going to begin to get us out of them.

The first thing I think we should take a look at are the social benefits agreed to in the collective agreements in the public sector. This is a hot subject, perhaps, but I think we have to have the courage to look at it. I think that if we compare - and I think the government should take a good look and make public the figures - if we look carefully at the social benefits, the job security provisions, the working conditions and so on that have been given in the collective agreements in the public sector, we will find that the Province of Québec is way out of line. We are living in a dream world in this province and I think it is time to get our heads out of the clouds and realize that we cannot exist in a vacuum, we have to get ourselves into line, in this regard, with the other provinces in this country.

The next thing I think we should look at are the costs themselves of negotiations. The public sector negotiations in this province cost approximately 20 000 000 $. I think we have got to ask ourselves if that cost is justified in terms of the problems inherent in the process of the negotiations themselves and in terms of the results. Can we afford such a destructive, many times, and often non productive process? That is the second area that I think we should look at. And we should look at it in these terms: Does the process and the contents, in result of those negotiations, improve education or not? Does it do anything for the morale of

our teachers, for the morale of our students or for the betterment of education? I think those are important questions that we have to look at in relation to our negotiations.

The third thing we should look at is the Department of Education itself and the way in which it deploys its personnel and the functions that they perform. I do not have the time here to go into all the aspects of that, but I could cite one or two examples. One is the growing computer operation of the government. I am speaking specifically with respect to education because I am not so familiar with the other areas.

More and more, everybody in the schools and the administration of schools, and at all levels of education, primary, secondary, college and university, are swamped with demands from the government for information, forms, statistics, more and more information. Some of this information does not get published until two or three years later and I question its usefulness at that point. The people who work in education outside of the government, at the community level, are spending more and more of their time trying to fulfill these demands instead of serving directly the clientele in education. I question, first, the value of the government operations, secondly, the value of the information they collect and, thirdly, the man-hours, the extra personnel that are being paid by the local institutions to do this job and taking their services away from direct services for the clientele.

The next area that I think we should look at is again a very sensitive area, the productivity of our teachers. We have, in recent years, through the results and through the agreements negotiated with our teachers, arrived at a situation again where the productivity of our teachers is way out of line with anywhere else in North America. After one of the recent agreements, the teachers' unions congratulated themselves for having won the best contract in North America. I do not begrudge the teachers those things. What I am saying is, if we are looking for money, and for efficiency and productivity, and for ways to save dollars and get more for our money in education, we have got to look at that because we cannot afford this kind of luxury, this kind of situation that we have gotten into. Not only that, many of the things that have been agreed to in relation to the teachers' working conditions have severely hurt the quality of education.

Last time, the length of the school day had to be cut so that the number of teachers that were allotted in the rules could cover the number of children that had to be looked after. We had to cut school days, we had to cut school programs at the secondary level in order to accommodate the conditions that had been agreed to at the provincial level. Because of the reduction of maximum class size, which everybody thought made a lot of sense, what happened was that we had only enough teachers to staff the regular classes of the schools so the specialized services: gymnasium, physical education; music, all these things had to be cut from the primary level of education because the staff allotment was only enough to staff the classes at the maximum size class level. Does that make any sense? Not only are we not using our teachers effectively, we are agreeing to conditions that are severely curtailing and hurting the program.

The next area we should look into is the way in which we deal with surplus staff. And I am talking again particularly about surplus teachers. We are going to have surplus in a declining enrolment situation. The present rules favor the senior teachers in terms of security. That seems to be assumed as a truth, a reality that we have to live with. I would like to suggest - and I have never heard this suggested before but I have talked about it with many people and they seem to think that this may be a good idea - in order to keep the school system revitalized and to encourage the introduction of new teachers, young teachers who are some of our very best teachers, who are suffering under this surplus system, that instead of declaring a surplus pool from the bottom up, in seniority, we start from the top senior division and allow the young teachers to come into the system. I think it would be a far better and a more effective use of people, it would in fact be a little cheaper for the government because you would not have this continually aging staff costing us more and more money for the same number of teachers and it would revitalize and provide greater quality for the system. (18 h 10)

Another aspect of the use of surplus which I think is very important and needs to be explored by the government; at present we use surplus teachers by the rules of the game, namely for substitution for other teachers who are away for one reason or another. I think that it would make much more sense, seeing that we have a surplus of teachers in general, to introduce a system of regular sabbaticals for everybody, long term, year long sabbaticals for everybody, in education. We all know that long term professional development, one year long rather than occasional, here and there, is much more effective in terms of teacher development. If we have a surplus instead of wasting teachers in substitution which is a very costly way of using these people, I think we could get more for our money by introducing a periodic sabbatical for everybody. I cannot go into how that would relate financially to the

substitution cost, but I think it is worth looking at and I think it is something that would be a more effective use of our personnel at a better cost.

Now, I come to the last area and that is curriculum. The government is in the process of revamping the curriculum right across the board. The government is developing new programs at every level of the school system. Every child will have a new text book in every subject. This is being done at tremendous expense, many, many hundreds of people are working on this project and it is going to take a number of years and I think, for financial reasons, if none other the government is slowing dawn in its implementation of this program.

Now, I think this program was well motivated, it was an attempt to improve the quality of education and raise standards. But, I am sorry, I am going to throw in some serious questions that I have about it. The first question is about the cost. Can we afford it? I think not. But even more important if we could afford it, is this project really going to improve education for our children. My answer again is no.

Mr Chairman, I do not think the problems in education are going to be solved or very much helped at all by a new curriculum. They certainly are not going to be solved by having the same curriculum for every child. I think we have too many different kinds of children with too many different kinds of needs, with too many different intellectual capacities, with too many different social backgrounds to ever find the perfect curriculum for everybody right across the system.

I would even go so far as to say that I sincerely believe that the curriculum is not the book, the curriculum is the teacher and a good teacher can make a good curriculum out of any book. And even if you have a good book, a poor teacher will never make a good curriculum out of it, no matter how good the program is. So what I am saying is that it is not the man-hours of filling in forms, it is not the negotiations, it is not the hassle of negotiations, it is not the contract, it is not the bureaucracy in Québec or the computers in Québec of the excessively costly social benefits, it is not the text books and it is not the curriculum.

None of these things will make good education. I even go so far as to say, in many ways, they impede good education. I think it is time to put our money where it counts. And it counts first in good quality teachers and we have many and we must see that we do everything to rivitalize the system and continue to attract and help develop in a professional way, good teachers. It also means that those teachers must have high expectations of their students. It means that we must support and we cannot cut some of the things that are being cut in the present budget.

We must support - and we cannot cut some of the things that are being cut in the present budget - more guidance counselors, more crisis teachers, we are desperate for these things and these are all the things that are getting the chop. We must support home help for parents, good liaison with parents, parents who are having trouble and who cannot give the proper support at home for their kids and therefore their children are having trouble in school. Libraries, career education, there is a desperate need in our schools for realistic career education. The gap between school and work is widening all the time and we have to do something about that. This has to be done by people who know what they are doing and can reach the children in this regard and help them find practical opportunities to see what they can do.

We need outreach projects in the community, community based programs to help children who have dropped out and need to be saved. These programs are happening, but they need financial support. These are the important things that education needs and this is where we must put our money.

You know, I just want to share with you one thought. If you talk to the people who look after the children in detention homes, the people who look after the children who are in trouble and the adolescents in trouble, they will say that the common factor in the background of all those children - and the children will express it themselves - is that nobody in their lives ever gave them a chance to be good at something: playing a guitar, riding a motorcycle, hitting a baseball, reading a book, mathematics, being in a play, it does not matter what it is, but to be good at something, this is what gives people dignity, it is what gives people self- respect and that is what schools are all about.

I think, Mr. Chairman, that everybody in education knows this, the teachers know it, the parents know it, the students know it and students know it because that is what they mean when they say that schools are not relevant. To help them to be good at something, that is what relevance is anc students have known it for ages and ages.

In the light of this reality, Mi Chairman, I think it is time for us seriously to examine the cost of education, the cost benefits of education. Let us cut the items which are non productive or ever counterproductive in the educational budget Let us make sure that we put our limited education funds into the things that really count. Thank you, Mr Chairman.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dupré: M. le Président, je demande l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Vaugeois: M. le Président, permettez-moi de rappeler que ce soir il y a trois commissions qui siègent. Il y en a une qui, exceptionnellement, va siéger à 19 h 30. C'est la commission du loisir, de la chasse et de la pêche à la salle 81-A et, apparemment, on s'est entendu pour terminer ce soir quitte à dépasser minuit. Alors, en commençant plus tôt et en finissant un peu plus tard, on pense terminer ce soir. On s'est entendu pour terminer ce soir.

Il y aura également au salon rouge la commission des finances et des comptes publics et, à la salle 91-A, la commission de l'habitation et de la protection du consommateur siégera, on procède à l'étude article par article de deux projets de loi, les nos 1 et 7.

Je propose donc l'ajournement des travaux à demain matin, 10 heures, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le leader pourrait répéter? Est-ce qu'il a parlé de la commission de l'éducation pour ce soir?

M. Vaugeois: Non.

M. Levesque (Bonaventure): D'accord. Il est plutôt question des auditions, n'est-ce pas?

M. Vaugeois: Pour ce soir, il y a les auditions. À quel endroit?

M. Levesque (Bonaventure): Oui, c'est cela.

Une voix: Commission de l'éducation sur l'école privée au salon rouge.

Une voix: Les auditions au salon rouge.

M. Levesque (Bonaventure): Ce sera la commission parlementaire des finances et des comptes publics, n'est-ce pas?

M. Vaugeois: Oui, c'est cela. C'est à l'occasion de l'étude...

M. Levesque (Bonaventure): D'accord.

M. Vaugeois: M. le Président, je reconnais bien là l'intelligence, la sagacité et l'expérience du député de Bonaventure; après 25 ans, après tout! Donc, c'est l'occasion, au salon rouge, avec l'étude des crédits et de la loi no 11, de recevoir les représentations sur la question de l'enseignement privé. Voilà, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Les travaux de la Chambre sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 21)

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