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Version finale

32e législature, 2e session
(30 septembre 1981 au 2 octobre 1981)

Le vendredi 2 octobre 1981 - Vol. 25 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures vingt minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Un moment de recueillement.

Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes.

Période de questions orales des députés.

M. le député de Hull.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Demande de moratoire sur la formation des MRC

M. Rocheleau: M. le Président, depuis quelques jours, on discute beaucoup de la constitution canadienne, du jugement de la Cour suprême et plus particulièrement du rapatriement unilatéral que se propose de faire le gouvernement fédéral.

Je voudrais faire un parallèle et ma question va s'adresser au ministre des Affaires municipales et au ministre d'État à l'Aménagement, s'il a quelque chose de plus à ajouter.

J'ai assisté, en compagnie d'un de mes collègues, le député de Huntingdon, au congrès de l'Union des conseils de comté, la semaine dernière, et je considère qu'il y a une inquiétude profonde dans le milieu municipal, parmi les gouvernements municipaux, dans tout le Québec, concernant l'application de la loi 125 et plus particulièrement les MRC. Cette inquiétude est profonde, parce que, actuellement, des consultations sont faites, de la pseudoconsultation, à travers le Québec, pour tenter d'amener les municipalités, tant rurales qu'urbaines, à se joindre à des MRC pour lesquelles le gouvernement n'a pas encore établi le processus qui va amener les MRC à un financement ou à des revenus additionnels tenant compte des responsabilités que l'on veut leur confier. Cela concerne l'ensemble des municipalités du Québec et ça concerne aussi l'ensemble de la deputation provinciale, parce que nous représentons tous des municipalités, aussi bien rurales qu'urbaines.

M. le Président, à la suite de cette rencontre avec les municipalités rurales, à la suite de ce congrès, et à la suite de cette demande de la formation que je représente, soit celle de l'Opposition, celle du Parti libéral, je demande au minstre des Affaires municipales, premièrement, de décréter un moratoire sur l'application de la loi 125 et la création des MRC tant et aussi longtemps que le ministre des Affaires municipales n'aura pas accepté, d'une part, la demande de l'Union des conseils de comté, c'est-à-dire une rencontre Québec-municipalités appuyée par l'Union des municipalités du Québec qui réunirait toutes les municipalités du Québec à la même table avec le gouvernement pour étudier l'implication des MRC. Je demande au ministre des Affaires municipales de me répondre.

Le Président: M. le ministre.

M. Léonard: Je vois que M. le député de Hull pense qu'il y a de l'inquiétude, mais je pense qu'il n'y en a pas et que ça va très bien. Justement, en fin de semaine, lors du congrès de l'Union des conseils de comté du Québec, le président a dit - je pense utiliser ses propres termes - que c'était fini, les batailles d'arrière-garde quant à l'application de la loi et au niveau des comités de consultation. Je pense que les conseils de comté comme les maires du Québec ont réalisé qu'il fallait une loi de l'aménagement au Québec et qu'il était temps aussi qu'on passe à l'action sur ce plan et qu'on l'applique dès maintenant. Ce n'est pas un moratoire qui a été demandé, au contraire, ils voulaient qu'on l'applique le plus vite possible.

Je rappellerai que toute cette démarche dure depuis déjà trois ans. La loi a été votée en 1979 et elle comportait un délai maximal de trois ans avant qu'on mette en application cette formule des municipalités régionales de comté. Nous en sommes là, nous avons formé 19 comités de consultation qui fonctionnent au moins depuis un an chacun et, à l'heure actuelle, toute la démarche aboutit à la création et à l'émission de lettres patentes. Nous en avons 33 d'émises maintenant, il y en aura quelque 25 à la fin du mois d'octobre, une autre vingtaine à la fin du mois de novembre. Alors, je pense que toute l'opération va bien. On a eu des discussions au sein des comités de consultation, mais ça n'a pas été une consultation bidon, loin de là; ce fut justement une consultation avec le gouvernement à laquelle ont participé tous les élus municipaux, tant du côté de l'Union des conseils de comté du Québec que de l'Union des municipalités du Québec. Même s'il y a eu des discussions, finalement, on est arrivé à des compromis à l'intérieur de chacune des municipalités régionales de comté qui se sont formées jusqu'ici, au-delà des mots d'ordre qui parfois ont été donnés. Je comprends dans quelle situation, mais, au fond, les gens, chacun sur leur territoire, ont fait les discussions et les compromis nécessaires pour arriver à avancer. Il n'est pas question de reculer là-dessus.

Quant au moratoire, aux inquiétudes que vous soulignez, je rappellerai que la loi 125 comporte l'aménagement du territoire -c'est cela qu'elle comporte - qu'elle a donné en plus aux comtés municipaux du Québec. Évidemment, compte tenu des discussions que cela amène, lorsqu'on fait un schéma d'aménagement, on est amené à réfléchir sur les infrastructures qu'il y a sur le territoire d'une municipalité régionale de comté. Je suis sûr qu'il y a des gens qui vont dire: On voudrait prendre telle ou telle responsabilité en plus, mais ce n'est pas cela, la loi 125. La loi 125 comporte l'aménagement. S'il y a d'autres responsabilités, cela va donner lieu à d'autres débats publics, je le dis depuis lonqtemps, et, à ce moment, il y aura nécessairement des modalités de financement qui vont accompagner toute autre responsabilité qui pourrait, éventuellement, lors d'autres débats, être attribuée aux municipalités régionales de comté.

M. Rocheleau: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Hull, sans préambule, s'il vous plaît:

M. Rocheleau: Sans préambule, je suis bien d'accord avec vous, mais il reste qu'il y a deux communautés urbaines et une communauté régionale qui, jusqu'ici, n'ont jamais fonctionné au Québec. Ce que je veux savoir de la part du ministre des Affaires municipales - il ne m'a pas répondu - c'est s'il va convoquer un congrès des municipalités pour discuter avec le gouvernement de l'avenir des MRC et de l'inquiétude qui est provoquée actuellement dans le monde municipal. Il ne m'a pas répondu du tout là-dessus.

Le Président: M. le ministre.

M. Léonard: M. le Président, nous sommes très réceptifs à toute discussion avec les municipalités du Québec. Nous en avons fait la preuve jusqu'ici. Il n'y a aucun problème là-dessus. Quant aux modalités techniques qu'on pourrait utiliser, si jamais il y avait d'autres responsabilités qui étaient dévolues aux municipalités régionales de comté, je pense qu'on y verra en temps et lieu. Pour l'instant, je crois qu'il est prématuré de statuer sur la façon dont on ferait la consultation. Ce que je dis, c'est que, s'il y a des responsabilités qui sont éventuellement transférées aux municipalités régionales de comté, cela va se faire avec autant de consultations qu'on en a menées jusqu'ici.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le ministre, lorsque vous parlez de consultations, on pourrait peut-être se baser, puisque le passé est garant de l'avenir, sur la façon dont vous avez consulté dans la région sud de Montréal, et plus spécialement dans la région de Missisquoi. Les comtés de Brome-Missisquoi, Iberville, Johnson et Shefford sont affectés. Une cinquantaine de maires, ainsi que toutes les institutions en place se sont prononcés contre. Vous aviez nommé un représentant au comité.

Le Président: Question, s'il vous plaît:

M. Paradis: Les municipalités en avaient délégué deux. Le rapport des deux représentants des municipalités a été refusé.

Des voix: Question.

M. Paradis: Ma question: Est-ce qu'à la suite de la demande de l'Opposition, à la suite des avis et recommandations qui ont été adressés au premier ministre lui-même par le Conseil de planification et de développement du Québec... Je vous lis cette recommandation: "La loi 125 sur l'aménaqement et l'urbanisme, dont le processus de mise en application est lancé depuis plus d'un an maintenant... (10 h 30)

Des voix: Question.

M. Paradis:... paraît mener à la création d'un nouveau palier de gouvernement entre le gouvernement local représenté par la municipalité et l'État provincial.

Des voix: Question.

M. Paradis: Ce n'est pas sans inquiéter plusieurs administrateurs municipaux qui craignent les augmentations... "

Une voix: À l'ordre!

Le Président: M. le député, vous comprendrez que la demande que j'ai adressée à M. le député de Hull s'adresse également à vous. Je vous demanderais de poser votre question, s'il vous plaît.

M. Paradis: Est-ce que le ministre des Affaires municipales a l'intention de suivre la recommandation du Conseil de planification et de développement du Québec qui a été soumise au premier ministre en juin de cette année et d'imposer un moratoire sur l'implantation de ces MRC?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Léonard: Je voudrais d'abord répondre au député quant à sa remarque sur la consultation. La consultation s'est bien faite dans l'ensemble du territoire du Québec. On pourra déposer éventuellement les rapports de comités, ce n'est pas du tout inquiétant là-dessus. Mais il arrive qu'à des moments donnés il faut trancher, donner des indications. Par exemple, dans un cas que je me rappelle maintenant, sur seize municipalités, quinze étaient d'accord et une n'était pas d'accord. Mais il faut quand même qu'il y ait une continuité de territoire; donc, à ce moment-là, il faut que la seizième se rallie. Je comprends. Lorsqu'il y a un territoire d'une municipalité de village enclavé à l'intérieur d'un territoire de municipalité de paroisse, c'est bien évident qu'il faut à un moment que l'une ou l'autre se rallie. C'est dans ce sens que des décisions ont été prises.

Je reviens. Quant à la question sur le moratoire, je pense avoir répondu au député de Hull que, quant à d'autres responsabilités, nous en discuterons en temps et lieu selon des modalités à définir. Pour ce qui est de l'implantation des municipalités régionales de comté, elles ont dans la suite des conseils de comté municipaux acquis la compétence de faire un schéma d'aménagement; à ce moment-là, c'est cela qui est en cause et pas d'autres responsabilités. On verra donc à ce moment quelles sont les autres responsabilités, et la consultation à tenir au moment opportun.

Je voudrais revenir aussi, si vous me le permettez, M. le Président, sur une assertion du député de Hull, que les communautés urbaines au Québec ne fonctionnent pas. Je pense le contraire, M. le Président. Les communautés urbaines ont parfois des problèmes, bien entendu, mais cela fonctionne, et je poserais plutôt la question à l'inverse: Qu'est-ce qui serait arrivé s'il n'y avait pas eu de communauté urbaine sur le territoire de Montréal, à Québec et dans la région de l'Outaouais?

Une voix: Est-ce que je peux répondre, M. le Président?

M. Léonard: Allez-y.

Le Président: M. le ministre d'État à l'Aménagement.

M. Gendron: M. le Président, comme ministre d'État à l'Aménagement, je voudrais ajouter un complément de réponse puisque le député de Brome-Missisquoi a fait mention de l'avis du Conseil de planification et de développement du Québec, lequel conseil j'avais l'occasion de rencontrer pas plus tard que ce matin de 9 heures à 10 h 10, particulièrement l'équipe qui a travaillé à cet avis concernant la décentralisation. Je veux simplement répondre à la question du député de Brome-Missisquoi en lui disant que j'ai fait connaître ce matin au comité que, pour ce qui est de mettre un frein ou de faire une espèce de moratoire à l'application de la loi 125, il n'en était pas question, et je reprendrais fondamentalement tout ce qui a été mentionné par le ministre des Affaires municipales.

Par contre, j'ai senti, pour en avoir discuté avec eux, que ce qui les intriguait peut-être davantage c'est la conduite du mandat du ministre d'État sur la décentralisation. Je pense leur avoir donné les informations suffisantes et toutes les garanties nécessaires que nous ne conduirons pas une opération de cette envergure, aussi importante, sans associer dans les discussions des intervenants aussi priviliégiés que ceux du monde municipal. En ce sens, je leur ai dit que, si la décentralisation les intéressait, il y avait peut-être lieu de raffermir davantage leur position, de nous suggérer certains modèles de décentralisation; le comité ministériel va faire son travail là-dessus. Lorsqu'on aura peut-être précisé davantage les grandes lignes d'une politique de décentralisation, cela nous fera plaisir comme gouvernement d'aller consulter les intervenants intéressés par cette question.

Le Président: Question principale, M. le député de Laprairie.

Le dossier de la fête nationale

M. Saintonge: Ma question s'adresse au ministre de la Justice et ministre d'État à la Réforme électorale.

La série d'articles sur la fête nationale, dans le journal La Presse, au cours des derniers jours, a mis en lumière plusieurs faits qui semblent être des dérogations à la Loi sur le financement des partis politigues. Que ce soit l'utilisation des voitures, dont les frais de location ont été acquittés par le ministère des Travaux publics, que ce soit le matériel de pavoisement de la fête nationale, qui aurait été mis à la disposition de militants péquistes dans le cadre du référendum, que ce soit le personnel payé par le comité organisateur, ou les comités régionaux qui aurait travaillé à la réélection du gouvernement péquiste, tous ces faits nous semblent être des dérogations à la Loi sur le financement des partis politigues.

Voici ma question. M. le ministre, pouvez-vous nous informer si le directeur général du financement des partis politiques a ouvert une enquête sur les faits référendaires et électoraux rapportés dans ces articles?

Le Président: M. le ministre de la Justice et ministre d'État à la Réforme électorale.

À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: M. le Président, le ministre responsable du dossier a fait état, hier, que des enquêtes comptables se poursuivent. J'imaqine que lorsque ces enquêtes seront terminées, le ministre responsable verra à acheminer les éléments opportuns vers le président général des élections ou le responsable du financement des partis politiques.

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Lessard: Vous me permettrez, M. le Président, d'apporter une réponse supplémentaire.

Le député tient pour acquis que ces faits, rapportés dans la Presse, sont des faits qui ont été entièrement vérifiés, sont des faits qui seraient exacts.

Or, M. le Président, j'ai dit, hier, que nous attendions les bilans financiers et qu'à la suite des questions des députés libéraux, une commission des engagements financiers va siéger sur ce sujet.

Quand nous aurons tous les bilans financiers, à la suite des questions des députés libéraux, nous aurons donc cette commission.

Je serais capable, aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, de répondre à un certain nombre de faits, mais, vous-même, en vertu des rèqlements, ne me permettriez pas de le faire parce que, déjà, des questions sont posées à la commission des engagements financiers.

Cependant, vous me permettrez d'ajouter ceci. Quoi qu'en dise M. Normand Girard, dans sa chronique de ce matin, et sa façon d'interpréter les rires circonstanciés d'hier, à l'Assemblée nationale, je continue à dire et à répéter que le comité national, le comité organisateur des fêtes nationales à Montréal et les guinze autres comités organisateurs dans toutes les régions du Québec, qui sont élus démocratiquement lors d'assemblées générales, sont des organismes sans but lucratif. Ces gens travaillent bénévolement, M. le Président. Que ces gens puissent s'adjoindre des personnes à temps plein comme des personnes occasionnelles lorsque les activités sont plus intensives en vue de réaliser ces manifestations, c'est tout à fait normal.

Une voix: Une réponse.

M. Lessard: On comprendra qu'on ne peut quand même pas organiser une manifestation d'une telle ampleur dans toutes les régions du Québec sans avoir du personnel permanent et du personnel occasionnel. Mais n'oublions pas une chose: des milliers de bénévoles - les députés le savent - dans tout le Québec ont travaillé à l'organisation de cette manifestation et c'est grâce à ces bénévoles que la fête nationale, l'an dernier, a été un succès comme elle sera encore un succès. La fête nationale des Québécois est là pour rester, mais certaines erreurs administratives et certains déboires devront être corrigés.

Une voix: Par le directeur général.

M. Lessard: Mais nous répondrons à toutes ces questions à la commission des engagements financiers.

Une voix: Bravo!

Le Président: Question additionnelle.

M. Saintonge: M. le Président, c'est une question au ministre responsable de la réforme électorale. Je crois qu'un bilan financier ne fera pas état où ces montants-là ont été effectivement utilisés. Je ne sais pas ce que le ministre attend pour demander au directeur général du financement des partis politigues d'enguêter sur ces faits, d'autant plus que lors de la dernière campagne électorale, le directeur général du financement des partis politiques a été assez rapide à réagir contre les enseignants à propos des annonces parues dans des journaux concernant les coupures budgétaires. Le cas présent me semble clair, me semble patent. Ce n'est pas un bilan financier qui va orienter effectivement le sens de ces dépenses.

Une voix: Parfait!

Le Président: M. le ministre d'État à la Réforme électorale.

M. Bédard: M. le Président, je pense que le ministre responsable du dossier...

Des voix: Ah!

M. Bédard:... vient de donner la réponse au député.

Une voix: Soyez donc un vrai ministre, un vrai vrai ministre.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: C'est très simple. Voyons donc!

Le Président: M. le député de Rousseau. (10 h 40)

Sondage sur la formule Trudeau

M. Blouin: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre et

concerne une information qui a paru dans la Presse de ce matin et qui se situe plus précisément à la page A 8 juste à côté de la nouvelle qui précise que M. Bourassa donne son appui à M. Ryan.

L'information que je demanderai au premier ministre de commenter est relative à un sondage d'opinion qui a été réalisé entre le 15 avril et le 14 mai dernier par CROP et qui indiquerait que 53% des Canadiens appuieraient la formule Trudeau.

Je demande au premier ministre, compte tenu des informations dont il peut disposer, de nous commenter cette nouvelle.

Des voix: Des commentaires? Le Président: M. le premier ministre. M. Lévesque (Taillon): M. le Président. Des voix: Ce n'est pas une question. Des voix: Des commentaires!

M. Lévesque (Taillon): J'ai cru comprendre qu'il y avait un point d'interrogation à la fin de la demande.

Je vais être très bref, M. le Président, mais je pense qu'il est important de souligner une chose parce que, dans un autre journal que celui mentionné par le député, c'est en première page et ça donne une curieuse impression, sauf quand on remarque une chose. C'est que cette soi-disant information de sondage qui est parue hier ou avant-hier, je ne sais pas, dans un bulletin de la maison Crop qui est publié régulièrement, se réfère à un sondage qui aurait été fait en avril et en mai, ce qui est déjà assez curieux, en avril et en mai, c'est-à-dire il y a quelques mois, et qui, tout à coup, nous arrive dans le visage au début d'octobre. Première chose.

Deuxième chose, c'est qu'en ce qui concerne le Québec, où nous avons quand même certains points de référence, c'est tellement contraire à tous les résultats que nous connaissons qu'on a beaucoup de difficultés à voir comment cela a pu se produire si on n'a pas une idée de l'échantillonnage et du client pour lequel cela a été fait. Parce que cela est fait pour des clients.

Dernière chose, et c'est la seule que j'ajouterais, c'est que cela a été publié hier par un M. Michel Saykaly, qui est directeur de la recherche chez Crop, mais qui quittera son poste chez Crop à la mi-octobre, d'après les informations que nous avons, pour aller occuper de nouvelles fonctions pour le groupe de l'Unité canadienne à Ottawa.

M. Lalonde: M. le Président, question principale.

Le Président: Question principale, M. le député de Marquerite-Bourgeoys.

Réforme des structures scolaires

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais poser une question qui intéresse les Québécois, je pense, au plus haut point. Je voudrais l'adresser au ministre de l'Éducation. Des rumeurs savamment organisées ont laissé croire que la réforme des structures scolaires au Québec était devenue une priorité après cinq ans d'inaction du gouvernement.

Toutefois, tout le monde est à peu près dans l'obscurité là-dessus quant aux intentions du ministre, quant au contenu et à son calendrier d'action. Je voudrais lui demander, premièrement, s'il est prêt à dévoiler son projet dans les meilleurs délais. Dans quelle forme son projet sera-t-il dévoilé? Est-ce que ce sera un livre, un avant-projet de loi ou toute autre forme?

Je vais lui demander aussi s'il a l'intention de consulter véritablement; pas une petite parade comme les tournées de ministre et des choses comme ça, mais une véritable consultation de tous les agents du milieu scolaire, du milieu de l'enseignement, de tous les intéressés, avant de prendre une décision.

Le Président: M. le ministre de l'Fducation.

M. Laurin: M. le Président, je remercie le député pour sa question extrêmement importante, en effet. Contrairement à ce qu'il a dit dans son préambule à propos des cinq années d'inaction du gouvernement en la matière, je pense que très rarement on a vu un gouvernement se préoccuper autant d'éducation au cours des dernières années.

Je rappelle simplement la très grande consultation qui a eu lieu dans le Québec sur la réforme de l'école, des valeurs pédagoqiques et les immenses résultats auxquels nous en sommes arrivés et que je ne peux que résumer brièvement au cours de cette période de questions. Nous savons, par exemple, que nous avons reporté d'un an les options. Nous avons renforcé le programme de base, la formation générale, la formation fondamentale, répondant ainsi aux voeux de la population du Québec. Nous avons remplacé des programmes-cadres beaucoup trop flous par des programmes précis pour chaque matière. Nous avons l'intention de publier un manuel pour l'enseiqnement de chaque matière. Nous avons grandement amélioré l'encadrement des élèves, non seulement au primaire où il avait continué à se faire malgré tout, mais au secondaire également. Nous avons présenté des projets de loi. Nous avons formé des conseils d'orientation dans chacune...

M. Lalonde: Question de règlement.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le député, sur une question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président, une question de règlement. Le ministre peut peut-être s'amuser à dire tout ce qui est arrivé...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Question de règlement, M. le député.

M. Lalonde: M. le Président, le ministre peut s'amuser à dire à peu près tout ce qui est arrivé depuis cinq ans, depuis que ce gouvernement est au pouvoir. Pour respecter, je ne parle pas de l'Opposition, mais tous les membres de l'Assemblée nationale et la population, est-ce qu'il pourrait arrêter de rire de nous autres et répondre à la question? Qu'est-ce qu'il va arriver avec la restructuration scolaire, s'il vous plaît?

Le Président: M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je rappellerai au député de Marguerite-Bourgeoys qu'un député élu par le peuple ne peut accepter ni des calomnies, ni des mensonges à l'endroit d'un système aussi important que le système scolaire au Québec. Je pense qu'il nous faut rappeler quand même les efforts incessants du gouvernement, au cours de son premier mandat, pour améliorer l'éducation au Québec. Ce n'est pas fini, j'étais en train de parler d'encadrement. Cet encadrement se fait maintenant. Nous avons réussi aussi à démarginaliser les clientèles scolaires qui étaient handicapées, en particulier...

M. Lalonde: Question de règlement.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Sur une question de règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je pense, M. le Président, qu'il devient de plus en plus évident que le ministre se situe totalement en dehors du règlement. Les réponses doivent être courtes, doivent être pertinentes. Sinon, M. le Président, dans notre période de questions qui est de seulement 45 minutes, on peut voir un ministre...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Laurin: Je suspendrai, donc, temporairement, M. le Président, la liste des réformes fondamentales que le ministère de l'Éducation a faites au cours des cinq dernières années. Simplement pour dire que, malgré tous ces efforts, la population en attend davantage. Elle veut des écoles rapprochées du milieu, qui reflètent davantage les besoins et les attentes du milieu. Elle veut que chaque école soit dotée de son projet éducatif. Elle veut des écoles stables. Elle veut des écoles ouvertes qui assument leur mission communautaire. C'est dans ce sens que nous continuons notre réflexion et notre besoin de réformes. D'autant plus qu'il y a encore des problèmes qui se posent, des problèmes très importants. La qualité de l'enseignement religieux, par exemple, que viennent de déplorer le Conseil supérieur de l'éducation et le comité catholique du ministère de l'Éducation. Le problème de l'exemption également qui marginalise actuellement des centaines et des centaines d'élèves. Encore aujourd'hui, dans le Journal de Montréal, il y avait un article à cet effet. La demande d'exemption de l'enseignement religieux que font certains professeurs. Les problèmes linquistiques qui continuent aussi de se poser dans certaines écoles à côté du problème confessionnel. Il y a encore ce problème d'encadrement où nous pourrions encore faire beaucoup de progrès. C'est dans la foulée de l'effort entrepris au cours des cinq dernières années que nous continuons notre réflexion. J'ai mis sur pied des programmes, des comités de travail...

Une Voix: On veut Morin.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît: Question additionnelle, M. le député de Marquerite-Bourqeoys? (10 h 501

M. Lalonde: En fait, ce n'est pas une question additionnelle, c'est la même question, parce qu'on n'a pas eu de réponse. Avant que tout le monde s'endorme ici, peut-être que le ministre pourrait se trouver une place à la Comédie nationale. Il a du talent, mais cela ne règle pas le problème. Par respect pour la population - faites une parenthèse dans votre "show" et respectez les gens - dites-nous quand vous allez dévoiler votre projet et sous quelle forme; est-ce que vous allez consulter le monde ou si vous allez imposer votre volonté, comme vous le faites toujours, sans respect pour la population? Est-ce que vous allez vous engager à respecter les aspirations des gens que vous allez consulter?

Le Président: Très brièvement, M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, par respect pour la population, il faut lui donner une école qui corresponde à ses attentes et à ses

besoins, et nous y travaillons fermement et avec intensité. Comme je le disais tout à l'heure avant qu'on ne m'interrompît, j'ai créé des comités de travail qui poursuivent actuellement leur réflexion. Ce travail n'est pas terminé. Quand le travail sera terminé, le ministère prendra des options qui seront ensuite présentées au Conseil des ministres, et le cas échéant, évidemment, cela pourrait se traduire par un plan d'action ou par un projet de loi.

Le Président: Dernière question additionnelle, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Est-ce que vous avez une idée un peu plus précise de l'époque, sinon l'année, peut-être le mois ou la saison où vous allez présenter le résultat de vos travaux?

Le Président: M. le ministre.

M. Laurin: Nous essayons toujours de procéder avec le maximum de célérité, en tenant compte des difficultés du problème. J'ai bon espoir de pouvoir aboutir dans quelques mois.

Le Président: Question principale, M. le député de Beauce-Sud.

Le budget de l'Agriculture et l'aide aux producteurs de porc

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je suis content de voir que le premier ministre a procédé au rapatriement du ministre de l'Aqriculture, qui est de retour d'un voyage en France, si j'ai bonne mémoire. C'est curieux, on coupe dans tous les domaines, mais on ne coupe pas les voyages. J'ai besoin d'un court préambule.

Le vrai visage du Parti québécois se dévoile peu à peu pour le monde agricole. En effet, le véritable essor en agriculture s'est fait de 1971 à 1976. Quelques chiffres nous démontrent - j'ai besoin de le mentionner pour étayer ma question - que de 1971 à 1976 le budget global du Québec a augmenté de 115%, alors que le budget de l'agriculture a augmenté de 155%. De 1976 à 1981, le budget global du Québec a augmenté de 97, 3%, alors que le budget de l'agriculture a augmenté de 68, 1%. Ce n'est même pas l'inflation. En attendant de pouvoir le faire formellement, quand les règles le permettront, je me dois de transmettre au ministre de l'Agriculture un blâme sévère de la part de la classe agricole du Québec. Il a suscité bien des espoirs, commandé des investissements et, une fois cela réalisé, laissé tomber le monde agricole. J'entendais un cultivateur de Saint-Félix-de-Valois, la semaine dernière, M. Poiré, me dire: J'ai cru en l'autosuffisance, je réalise que c'est l'autodestruction.

Ma question est la suivante, elle a deux volets: Premièrement, le ministre est-il prêt à prendre l'engagement que la part du budqet du ministère de l'Agriculture par rapport au budget global sera maintenue ou augmentée, comme cela était le cas sous le régime précédent, 1970-1976? Deuxièmement, je la pose, parce que, connaissant les facultés de patinage du ministre, je ne pourrai peut-être pas revenir en additionnelle, compte tenu du temps: En ce qui concerne la crise sévère du porc qui sévit présentement et dont j'ai fait état aux mois de mai et juin, le ministre n'a rien fait, sinon de dire que les producteurs de porcs sont des privilégiés. Or, les faillites se multiplient. Le ministre va-t-il nous dire ce matin ce qu'il entend faire comme mesure d'urgence et mesure significative pour venir en aide à ces producteurs?

Le Président: M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, c'est évident que le député de Beauce-Sud prend comme données ses propres chiffres. Évidemment, il est dans l'erreur. Je lisais dans le journal la semaine dernière qu'il disait qu'on avait coupé le budget des travaux mécanisés de 15 000 000 $. Le budget des travaux mécanisés n'a jamais été de 15 000 000 $; au maximum, il a été de 12 000 000 $.

Il a également dit qu'on avait coupé les subventions pour le drainaqe souterrain de 25 000 000 $ alors que le budget maximum est, en 1980-1981, de 20 474 000 $.

Je peux vous dire qu'actuellement, le gros problème, alors que le premier ministre du Canada...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Garon: M. le Président, le problème actuellement dans l'agriculture, c'est le taux d'intérêt. Alors que le premier ministre du Canada se fait donner des massaqes à Séoul ou fait de la bicyclette, encore hier, je signais un document pour aller en budget supplémentaire à l'automne pour un montant de près de 11 000 000 $. Pourquoi? Parce que alors que le taux d'intérêt - le député de Beauce-Sud devrait savoir cela - est rendu à 22%, à cause de l'inaction du gouvernement fédéral, actuellement, nous avons un budget de 79 000 000 $ de subventions sur le taux d'intérêt du crédit agricole qui va devoir sans doute monter avec le budqet supplémentaire à 90 000 000 $ cette année. C'est plus que tous les prêts agricoles du Parti libéral en 1976 pour le développement à long terme de l'agriculture. C'est seulement en subventions

d'intérêt.

La politique que j'ai adoptée, c'est de maintenir le plus longtemps possible les taux d'intérêt en matière agricole à 8% jusqu'à 150 000 $, comme c'est le cas actuellement. Cela coûte des dizaines et des dizaines de millions de dollars.

Demandez à l'ensemble des cultivateurs du Québec actuellement s'ils préfèrent voir augmenter le taux d'intérêt à 22% et avoir quelques heures de travaux mécanisés de plus, ou avoir quelques heures de travaux mécanisés de moins mais avoir un taux d'intérêt qui se maintient à 8% alors que le taux d'intérêt est à 22%.

Le Président: M. le député de Beauce-Sud.

M. Mathieu: Une courte question additionnelle, M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Mathieu: Le ministre fait de l'art oratoire pour laisser de côté les questions de fond. Je reviens à ma deuxième question. Que va-t-il faire pour les producteurs de porc? Est-ce qu'il va encore soutenir que c'est une classe privilégiée?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: M. le Président, je peux vous dire que la production de porc au Québec s'est maintenue depuis deux ans. Je ne vous dis pas que les gens ont fait une fortune. On sait que les prix du porc, depuis deux ans, ont été faibles. Il se sont rétablis quelque peu depuis deux mois, deux mois et demi. Les prix sont meilleurs. Oui, ils ne sont pas en dessous du coût de production actuellement, ils sont au-dessus du coût de production.

De nombreux députés du Parti québécois, je pense au député de Rousseau, au député d'Iberville et au député de Saint-Hyacinthe, ont rencontré des producteurs de porc dans leur région au cours de l'été. J'ai rencontré pour la nième fois leur fédération justement avant de partir pour la France.

Une voix: Son agenda, c'est la France.

M. Garon: En France, en passant, je n'étais pas en vacances, j'ai fait 3000 kilomètres dans six jours pour voir ce qui se faisait pour le contrôle de la qualité du poisson, mais c'est une autre affaire.

Les députés du Parti québécois m'ont demandé de rencontrer la fédération une nouvelle fois. Je l'ai rencontrée. J'ai expliqué à ces gens qu'avant que le gouvernement fédéral annonce sa subvention de 8, 96 $ par porc, j'avais fait faire les travaux sur les coûts de production dans le domaine du porc. Je ne savais pas à ce moment-là quel serait le niveau de stabilisation du gouvernement fédéral. Si le gouvernement fédéral a un niveau de stabilisation trop faible, parce qu'il stabilise en fonction des prix des cinq dernières années et du coût de production - cela diffère des coûts de production du Québec -si le niveau de stabilisation est véritablement en bas des coûts de production comme on les établit au Québec, en tenant compte d'un revenu à l'agriculteur en fonction des 34 corps de métier des travailleurs spécialisés, j'ai l'intention de présenter un mémoire au Conseil des ministres pour faire une stabilisation en fonction des coûts de production établis après discussion avec les représentants des agriculteurs. (11 heures)

Le niveau de stabilisation, s'il y avait eu un régime de stabilisation pour les porcs d'engraissement en 1980-1981, aurait été d'un peu plus de 9 $. Comme le niveau de stabilisation du gouvernement fédéral est à 8, 96 $, j'ai dit: Si vous avez des arguments additionnels pour me démontrer qu'on devrait ajouter un montant au niveau de la stabilisation, je suis prêt à ce qu'on ouvre vos livres avec les économistes du ministère, vos employés, et que l'on travaille ensemble, mais ils m'ont demandé un délai additionnel pour regarder cela. Ils vont donc regarder si, au point de vue de la stabilisation, s'il y avait un régime, on aurait stabilisé à un niveau qui était beaucoup plus élevé que le montant qui a été payé par le gouvernement fédéral.

Je peux vous dire entre autres que, depuis le 15 août, ceux qui avaient accès à un crédit spécial additionnel, étaient au nombre de 892 producteurs, qui ont eu un crédit spécial en 1980, qui ont postulé un crédit spécial additionnel. Sur 892 qui y avaient droit, 277 seulement ont fait une demande et, sur ces 277, il y a 209 producteurs qui ont eu droit au crédit spécial additionnel. Dans certains cas, dans un grand nombre de cas, les gens avait des profits trop élevés pour justifier un taux d'intérêt à peu près inexistant dans le cas d'un crédit spécial additionnel.

Je peux vous dire en même temps que, dans le domaine du porc, quand vous dites qu'il y a des faillites incroyables, j'ai une analyse des 5600 dossiers du crédit agricole fédéral et du crédit agricole du Québec, les deux, qui sont en constante relation l'un avec l'autre et, quand vous dites qu'il y a un tas de faillites, ce n'est pas vrai, il n'y a pas un tas de faillites dans le domaine du porc. Je souhaite que le prix se rétablisse et qu'il devienne plus élevé pour qu'ils fassent plus d'argent; actuellement, ils ne perdent

pas d'argent dans le domaine du porc, même s'ils ne font pas une fortune, mais les prix sont au-dessus des coûts de production depuis deux mois, deux mois et demi. C'est cela la situation, M. le Président, et les économistes de la fédération doivent rencontrer des gens de chez nous pour voir s'ils ont quelque chose à dire contre ces coûts de production tels qu'on les a établis. S'ils démontrent qu'on aurait dû intervenir davantage en fonction des coûts de production qu'on a établis, je présenterai un mémoire au conseil des ministres.

Le Président: Question additionnelle. M. le député de Papineau.

Réduction du nombre de fonctionnaires

M. Assad: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à la ministre de la Fonction publique à la suite d'une déclaration faite par l'ancien ministre de l'Énergie et des Ressources, qui est le président du Conseil du trésor, à savoir qu'il y aurait une réduction de 6% du nombre des fonctionnaires du gouvernement du Québec. Est-ce que la ministre pour nous donner des précisions sur cette question à ce moment-ci?

Le Président: Alors, madame la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: Merci M. le Président. Il y a effectivement des décisions qui ont été prises par le conseil des ministres et auxquelles je souscris. Sur une période de quelques années, nous devrions en arriver à des réductions d'effectifs de la fonction publique de l'ordre de 6%. Par ailleurs, il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas de menacer ceux qui sont déjà à l'intérieur de la fonction publique, il s'agit tout simplement de ne pas remplacer des fonctionnaires qui devraient quitter la fonction publique pour des raisons de retraite ou autre chose.

Vous savez tous, les citoyens s'en rendent compte, que nous sommes dans une situation difficile. Tout le monde doit y mettre du sien, et nous pensons facilement pouvoir réduire certains effectifs de la fonction publique sans pour autant diminuer les services que nous avons à offrir aux citoyens.

Une voix: Bravo!

M. Assad: Compte tenu des coupures budgétaires qui sont nécessaires, comme vous l'avez reconnu, est-ce que vous n'êtes pas en mesure dans le moment de donner des précisions à la Chambre à savoir que nous avons un petit surplus d'effectifs et que c'est votre devoir, si vous coupez dans tous les autres ministères, comme ministre de la Fonction publique, de voir à ce qu'il y ait au moins du gras qui soit coupé?

M. le Président: Madame la ministre.

Mme LeBlanc-Bantey: M. le Président, c'est exactement ce que je viens d'admettre. Compte tenu de la situation financière, nous sommes prêts, nous, à la fonction publique, à voir s'il n'y a pas lieu de réduire les effectifs, comme vous dites, dans une perspective de peut-être couper dans le gras. Par ailleurs, avant, je crois que les mesures que nous avons prises sont suffisamment importantes cette année pour que nous prenions la peine de vérifier exactement où nous pourrions, si tel est le cas, enlever d'autre gras, sans le faire un peu à l'aveuglette.

Il me semble que nous avons fait, cette année, une démarche importante dans ce sens, et nous verrons, dans les prochaines années, s'il y a lieu, sans, encore une fois, diminuer les services que nous allons offrir aux citoyens, d'aller dans ce sens davantage.

Le Président: Question principale, sans question additionnelle, M. le député de Duplessis.

Le développement de l'axe Sept-Îles - Port-Cartier

M. Perron: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre d'État au développement économique et touche bien entendu la région de la Côte-Nord, spécialement l'axe Sept-Îles-Port-Cartier, et se rapporte au plan d'intervention du gouvernement du Québec.

En guise de court préambule, M. le Président, comme tout le monde le sait -puisqu'on en a tellement parlé - la compagnie Rayonier-Québec a fermé ses portes, à Port-Cartier, causant la mise à pied d'environ 1200 personnes. Par la suite, dans les mois qui ont suivi, la compagnie minière IOC a fait des mises à pied graduelles et saisonnières. Le 9 janvier dernier, elle annonçait la mise à pied d'environ 550 travailleurs de l'IOC à Schefferville et à Sept-Îles.

Le gouvernement du Québec, par le biais du ministre d'État au développement économique, a demandé à la conférence administrative régionale de lui préparer des dossiers.

J'ai une question à deux volets, M. le Président. Est-ce que le ministre d'État au développement économique pourrait dire aux membres de cette Chambre où en est le plan d'intervention du gouvernement du Québec, en rapport avec l'axe Sept-Îles-Port-Cartier-Schefferville, et quand il prévoit dévoiler ce

plan, par une annonce éventuelle du gouvernement du Québec, spécialement du ministre d'État au Développement économique?

Le Président: M. le ministre d'État au Développement économique.

M. Landry: M. le Président, j'imagine que le député de Richmond est heureux de la question du député de Duplessis, parce que c'est essentiellement celle qu'il me posait hier. Je m'excuse, mais quelques minutes de retard m'ont empêché d'entendre cette question et d'y répondre.

Je suis un peu coincé, la période de questions achève et il s'agit d'un des problèmes les plus...

Le Président: Elle est même terminée.

M. Landry: M. le Président, vous me donnez une minute ou deux...

Le Président: Oui.

M. Landry:... parce que c'est un des problèmes les plus sérieux, sur le plan régional, auquel l'économie du Québec doive faire face.

Il s'agit d'une zone proprement sinistrée et qui n'a pas, comme d'autres zones de l'espace économique canadien, bénéficié des largesses immédiates et importantes du gouvernement du Canada.

Rien, dans le cas de l'Iron Ore, n'a été fait pour contrebalancer ce qu'on a fait dans le cas de Massey-Ferguson, par exemple, ou de Chrysler, de Ford, pour ne nommer qu'une partie de l'industrie de l'automobile.

Le gouvernement du Québec s'est rabattu sur ses moyens d'intervention, qui ne sont pas ceux du gouvernement du Canada, et les deux premières choses à faire... La député de Duplessis a mentionné les deux pôles du problème, eh bien nous avons été à ces deux pôles-là.

Premièrement, Iron Ore Corporation et, deuxièmement, ex-ITT-Port-Cartier.

Dans le cas de l'Iron Ore, qui est une monoindustrie, particulièrement pour Sept-Îles, Schefferville et Gagnon, nos contacts avec cette corporation ont été suivis; j'ai moi-même rencontré deux fois le président, M. Brian Mulroney, qui m'a dit ceci - et je ne veux pas faire naître de faux espoirs, je dois dire que le président lui-même a été réservé dans ce qu'il m'a dit - il ne pense pas que l'avenir, à moyen terme et à long terme, soit catastrophique. En d'autres termes, l'Iron Ore, par des procédés de diversification de sa production minérale - je ne peux pas entrer dans les détails, pour des raisons spéculatives - et également en raison de progrès technologiques dans l'usage du type de minerai, qui vient de cette partie du

Québec, ne pense pas que l'avenir soit catastrophique. C'est ce qu'on peut dire pour le moment. Il y a donc un espoir de fin du cauchemar.

Dans le cas d'ITT-Port-Cartier... M. le Président, je vois que vous montrez des signes d'impatience. Je m'excuse auprès de la Chambre...

Des voix:...

M. Landry: Si c'est que l'Opposition ne veut pas de réponses aux questions, M. le Président, je vais, à la demande de l'Opposition et de certains de ses porte-parole bavards, mettre fin à ma réponse.

Le Président: Fin de la période de questions.

M. Richard: M. le Président.

Le Président: M. le ministre des Affaires culturelles.

Visite du secrétaire général

de l'Agence de coopération culturelle

et technique

M. Richard: Je voudrais simplement signaler la présence, aujourd'hui, dans les galeries, du secrétaire général de l'Agence de coopération culturelle et technique, M. Dankoulodo Dan Dicko.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent. (11 h 10)

Recours à l'article 34

Les travaux de la commission des finances et des comptes publics

M. Forget: En vertu de l'article 34 de nos règlements, M. le Président, le leader parlementaire du gouvernement s'était engagé, récemment, en commission parlementaire, à faire siéger la commission de l'Assemblée nationale dans les meilleurs délais de manière que celle-ci puisse donner suite à son engagement d'étudier en priorité l'amélioration aux règles de fonctionnement et à la procédure suivie à la commission des finances et des comptes publics, de manière que celle-ci puisse jouer un rôle plus efficace. Comme nous avons, à tous les jours, des signes évidents du besoin qu'il y a pour une commission des finances et des comptes publics vigilante, active et efficace, je demanderais au leader du gouvernement de nous indiquer quelles sont ses intentions à cet égard.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Charron: Je ne ferai pas qu'indiquer mes intentions parce que mes intentions sont toujours les mêmes. C'est celles de convoquer cette commission dans les meilleurs délais, en espérant arriver à un consensus rapide pour une réforme majeure en ce qui concerne ce sujet. Je vais plutôt donner comme réponse au député de Saint-Laurent le calendrier que je me suis imposé pour respecter ces délais.

D'abord, nous avons à nouveau soulevé cette question qui était déjà dans le document que le député de Trois-Rivières a rédigé à notre intention lors de notre caucus d'il y a environ dix jours. Le caucus du Parti québécois a décidé, parce qu'il y a urqence, plutôt que d'en discuter à 80 à la fois, de confier l'examen de cette question à un comité de huit membres, quatre ministres et quatre députés, puisque la responsabilité ministérielle est en cause. Cela sera éventuellement la proposition du Parti québécois soumise à la table de la commission de l'Assemblée nationale pour discussion, pour recevoir des suggestions comme celle que le député a faite à la commission. Ce comité a déjà une réunion de prévue dans les prochains jours; il fera rapport au caucus sur une proposition avant quinze jours. J'ai toujours l'intention de convoquer cette commission de l'Assemblée nationale pour discussion de cette proposition que nous ferons à cette occasion dans les premiers jours de la reprise de la session, c'est-à-dire à la fin du mois.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

Les agents de la paix de l'Assemblée nationale

M. Rivest: M. le Président, simplement une information à votre adresse. Les services de sécurité de l'Assemblée nationale sont assurés, depuis quelques jours, par les agents de la Sûreté du Québec et, bien sûr, il y a les agents de la paix dont on n'entend plus parler et qu'on ne voit plus. On nous dit qu'on les a simplement avisés verbablement que, pour une journée et la journée suivante, leurs services n'étaient pas requis.

Comme ce sont des gens qui travaillent au sein même de l'Assemblée nationale, est-ce que vous pourriez nous informer de la nature quelque peu particulière des procédures et des attitudes que l'Assemblée nationale adopte envers une catégorie de ses employés, les agents de la paix?

Le Président: M. le député de Jean-Talon, conformément à une jurisprudence établie par mon prédécesseur, Me Jean-Noël Lavoie, je puis vous dire que je ne suis aucunement obligé de répondre à cette question puisqu'elle a trait à l'administration de l'Assemblée et non pas aux travaux de l'Assemblée. Mais je me contenterai de vous dire que la présidence avait des raisons raisonnables de prendre ces dispositions, de penser que certaines choses pourraient arriver et, en conséquence, cette décision a été prise pour être en vigueur jusqu'à 13 heures, cet après-midi. Si vous voulez avoir plus de détails, une réponse écrite pourrait vous être donnée. Je ne pense pas que ce soit ni l'endroit ni le moment pour répondre de façon plus précise à cette question qui regarde l'administration de l'Assemblée nationale.

M. Charron: M. le Président, si vous me le permettez, conformément à l'ordre de la Chambre, à la suite de la motion adoptée avant-hier, je voudrais souhaiter que le déroulement du débat se poursuive de la même façon qu'il a eu lieu. Il reste dans l'enveloppe de temps prescrit 45 minutes à chacun des deux partis politiques de cette Assemblée. Chaque formation est libre de les utiliser à sa convenance, c'est-à-dire d'y inclure le nombre d'orateurs qu'elle souhaite.

Je propose donc que nous reprenions nos travaux immédiatement en admettant, à l'avance, que ce délai de 90 minutes aura pour effet de retarder quelque peu le vote que la motion annonçait pour 12 h 45.

Reprise du débat sur la motion

réclamant que le gouvernement fédéral

renonce à sa démarche unilatérale

et reprenne les négociations

Le Vice-Président (M. Jolivet): Reprise du débat sur la motion de M. Lévesque (Taillon): "La Cour suprême du Canada ayant décidé que le projet fédéral concernant la constitution du Canada réduit les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec et que l'action unilatérale du gouvernement fédéral bien que légale est inconstitutionnelle parce que contraire aux conventions, cette Assemblée réclame du gouvernement fédéral qu'il renonce à sa démarche unilatérale, s'oppose à tout geste qui pourrait porter atteinte à ses droits et affecter ses pouvoirs sans son consentement, et demande au gouvernement fédéral et à ceux des provinces qu'ils reprennent sans délai les négociations dans le respect des principes et des conventions qui doivent régir les modifications du régime fédéral canadien. "

La parole était au député de Westmount.

M. French: Je m'excuse, M. le Président, mais on a pris des arrangements auprès de notre whip afin que quelqu'un d'autre prenne la parole à ce moment-ci. Je regrette de ne pas savoir qui. Je m'excuse, c'est le député de Richmond.

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est le député de Richmond, donc, qui a la parole.

M. Yvon Vallières

M. Vallières: Merci, M. le Président. Je veux faire part à ce moment-ci, face à la motion qui nous est présentée, de ma plus profonde inquiétude à lui donner mon appui. Pas inquiet du contenu de la motion, mais bien de l'usage que se propose d'en faire le gouvernement. Pas inquiet du contenu de la motion parce que le Parti libéral a quand même pris ses précautions et nous y avons fait ajouter un paragraphe très important, à mon point de vue, qui dit que cette Assemblée "demande au gouvernement fédéral et à ceux des provinces qu'ils reprennent sans délai les négociations dans le respect des principes et des conventions qui doivent régir les modifications du régime fédéral canadien. "

Mon inquiétude réside dans l'usage que fera le gouvernement de mon appui à cette motion. Comment ne pas croire que l'étapisme, cet enfant si chéri de M. Morin, ne continuera pas de s'appliquer et que l'appui du Parti libéral n'est recherché que pour mieux servir, lors d'étapes ultérieures à la promotion de la souveraineté?

Si je doute aujourd'hui et si d'autres de mes collègues ressentent le même sentiment, c'est le Parti québécois qui en est le responsable. Il faut être libéral, il faut être fédéraliste pour savoir de quelle façon les péquistes nous traitent quand ils n'ont pas besoin de notre aide. Combien de fois ai-je dû subir, de même que les militants libéraux, que parce que nous défendons ce que nous croyons être le meilleur pour nos concitoyens, nous étions des vendus, des traîtres, des mauvais citoyens, des rampants, des valets.

Ce sont ces gens qui, aujourd'hui, nous demandent de les appuyer. Ils ont contribué à faire de nous des gens méfiants. Un bon exemple, c'est que cette Chambre ait dû être convoquée aussi rapidement, juste par souci de mieux embêter l'adversaire. Je dis "adversaire" parce que je crois sincèrement que nous ne sommes pas des ennemis. Mais, de grâce, que nos adversaires en finissent de traiter en étrangers dangereux ceux qui ne pensent pas comme eux. Je ne leur demande pas de dire de nous que nous sommes des exemples de vertu; je leur demande de respecter l'individu, la personne humaine. Serait-ce si difficile?

Je veux aussi m'inscrire en faux contre l'utilisation de fonds publics à de vastes campagnes de publicité pour influencer les électeurs québécois dans le présent débat. Il s'agit là d'opérations de pur gaspillage, et trop souvent le gouvernement du Québec s'est servi des impôts des contribuables pour faire la promotion de son projet politique.

J'aimerais obtenir l'assurance que ce gouvernement, qui se propose d'injecter plus de 1 000 000 $ dans cette campagne, y renonce. Étant de l'Opposition, je refuse de donner un chèque en blanc au gouvernement afin de procéder de manière unilatérale dans un proqramme publicitaire dont il pourrait bien se servir, une fois de plus, pour faire avancer d'un pas de plus son option souverainiste, allant jusqu'à prétendre qu'il a l'appui des libéraux.

Je désire également vous indiquer, M. le Président, qu'il est hors de question pour moi d'appuyer toute autre démarche du gouvernement que je pourrais considérer comme étant une étape servant à la promotion de la souveraineté-association. De la même façon, je me refuserai à poser quelque geste que ce soit qui constituerait une contravention aux lois de mon pays. Que la loi soit fédérale ou provinciale, elle demeure la loi et jamais je n'encouragerai mes concitoyens à la violer. Je préférerais quitter mes fonctions de député plutôt que d'en arriver à l'illégalité.

On voudrait faire croire aux Québécois que choisir le Canada, c'est renier le Québec. Il faut rejeter sans hésitation ce genre d'insinuation sans fondement. Choisir le fédéralisme canadien, ce n'est pas faire abstraction du Québec, bien au contraire. Choisir le fédéralisme canadien, c'est choisir le Québec et le Canada. C'est opter, en réalité, pour la forme d'avenir la plus riche qui puisse être offerte au peuple québécois. Ceux qui voudront faire croire que l'on serait plus tiède ou moins engagé envers le Québec parce que l'on choisit la formule du fédéralisme feront montre d'intolérance.

Je voudrais dire aux ministériels en cette Chambre - et le temps me presse parce que beaucoup d'autres de mes collègues veulent prendre part au débat sur cette motion - que le peuple les a crus quand ils ont dit qu'ils mettaient en veilleuse la souveraineté-association. Il s'agit là de l'une des principales causes de l'élection de ce gouvernement. Si vous vous permettez d'oublier ou de fausser le mandat que le peuple vous a confié, le jugement ne pourra qu'être d'une très grande sévérité. (11 h 20)

Comment réussir le tour de force de promouvoir la souveraineté du Québec et de négocier en même temps la place qui lui revient dans un fédéralisme canadien renouvelé, option, qui, rappelons-le, constitue le choix de la majorité des Québécois. J'espère que le gouvernement du Québec, gouvernement péguiste, sera responsable. J'espère que les intérêts supérieurs du Québec passeront avant toute stratégie du Parti québécois, visant à conduire le présent débat dans le cul-de-sac de la souveraineté tout court. Je poserai donc, M. le Président, un geste de solidarité à l'endroit de mon

parti et je ferai un acte de foi en l'avenir de ma province et de mon pays en appuyant cette motion.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Rosemont.

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: M. le Président, nous sommes réunis d'urgence en cette Assemblée pour nous opposer, si possible unanimement, à probablement la pire menace qui pèse sur cette Assemblée nationale et sur les droits les plus fondamentaux du peuple québécois.

Ce qui me frappe en tout premier lieu, dans le jugement de la Cour suprême, c'est l'insécurité dans laquelle notre peuple se trouve, la fragilité de ses droits les plus vitaux dans le régime fédéral actuel, dans la constitution actuelle. On apprend que la Cour suprême ne peut empêcher légalement M. Trudeau de commettre son coup d'État même si elle en constate l'illégitimité. On apprend donc qu'il suffirait de la volonté insensée d'un homme pour menacer les acquis de trois siècles de lutte de nos ancêtres pour nos droits les plus chers.

Cette tentative du gouvernement fédéral - la Cour suprême nous l'apprend -est synonyme d'une plus grande dépendance pour le Québec. Elle nous montre que nous n'avons aucune protection de nos droits. Elle nous montre également que si ce coup de force devait réussir, il n'y aurait aucune garantie pour l'avenir.

Tout ce que le Québec réclame depuis tant d'années est non seulement absent de la tentative d'Ottawa mais, au contraire, on veut imposer au Québec, sans son consentement, contre la volonté de la grande majorité de la population, un état de dépendance plus grand que celui dont il veut sortir.

À la page 33, du jugement de la Cour suprême, on lit: "Cette charte diminuerait donc l'autorité législative provinciale sur une échelle dépassant l'effet des modifications constitutionnelles antérieures pour lesquelles le consentement des provinces avait été demandé et obtenu. "

Cela veut dire, M. le Président, que sans le consentement des provinces, c'est une attaque sans précédent dans l'histoire de la fédération canadienne sur les droits des provinces et les droits du Québec en particulier. Pour nous, du Québec, ça signifie, sur le plan de la langue et de l'éducation, un retour à la situation qui prévalait lors de la loi 22. Alors que notre société a fait un long et pénible cheminement sur dix ans pour finalement faire du français la langue officielle, la tentative fédérale viendrait effacer du revers de la main ce débat que nous avons réussi à régler démocratiquement dans notre société.

La tentative fédérale signifierait que notre politique d'achat chez nous, une idée qui date des années trente, qui a finalement été concrétisée par notre gouvernement et qui protège des milliers d'emplois, ne serait plus légale, ne serait plus constitutionnelle, ne serait plus permise. Le coup de force fédéral signifie que notre droit de favoriser nos résidents, nos travailleurs, nos agriculteurs, en leur donnant priorité à l'activité économigue du Québec, ne serait plus permis, unilatéralement, par décision d'Ottawa.

Enfin, c'est la Cour suprême qui le dit, dans toutes les sphères de compétence actuelle du Québec, et probablement dans le cas d'une centaine de lois votées par cette Assemblée nationale sous tous les gouvernements, ces lois deviendraient contestables devant les tribunaux.

En somme, et contrairement à ce que des générations de Québécois et de Québécoises ont cru, notre Assemblée nationale n'est même pas souveraine dans la sphère de compétence écrite dans la constitution comme notamment la langue et l'éducation. Une autorité extérieure, Ottawa ou Londres, peut décider sans notre consentement de retirer ces pouvoirs, de réduire cette Assemblée et de confier ces responsabilités à des institutions extérieures que nous ne contrôlons pas. C'est inacceptable.

Pourquoi parle-t-on de constitution depuis des années? C'est la commission Pépin-Robarts qui nous le rappelait récemment, c'est à cause du Québec. C'est parce qu'il y a deux peuples au Canada qui ont un statut inégal. C'est parce que les Canadiens français ont réclamé depuis toujours l'égalité avec les Canadiens anglais. Or, non seulement on ne parle pas de cela, mais pas du tout dans le projet fédéral, le mot Québec n'est jamais mentionné autrement que comme une province comme les autres, mais le jugement de la Cour suprême, aux pages 53 et 54 nous apprend que la constitution n'est ni un pacte entre provinces, ni un pacte entre deux nations et qu'il s'agit, je cite, "de théories qui relèvent du domaine politique, de l'étude des sciences politiques. "

Autrement dit, tout ce qu'on a dit aux Québécois et aux Québécoises pour les convaincre d'adhérer à la Confédération en 1867 n'était pas vrai. Ce n'est pas un pacte entre nations, mais une constitution qui n'offre aucune protection à notre peuple quant à ses caractères distinctifs, sa langue, sa culture, ses institutions, dont cette Assemblée nationale.

Enfin, ce que nous dit le jugement de la Cour suprême, surtout si le projet de constitution était amendé à sa guise par M. Trudeau, c'est que nous aurions encore moins de garanties pour l'avenir, encore plus de

dépendance pour notre peuple. Quand M. Trudeau affirme qu'il négocierait après avec les provinces, on sait à quoi s'en tenir. Il suffit de voir de quelle façon il entend couper les paiements de péréquation au Québec, un peu plus d'un an après s'en être servi comme argument lors d'une certaine campagne référendaire au Québec. Il suffit de relire les documents de l'été dernier où il étalait ses intentions de mettre la main sur les richesses naturelles et énergétiques des provinces. C'est le fusil sur la tempe que les provinces devraient entendre et accepter les dictées d'Ottawa, une fois qu'il aurait cassé les provinces.

Notre seule chance d'avenir, c'est la solidarité nationale. Hier, nous apprenions que M. Trudeau a adressé la parole par satellite à ses 73 moutons fédéraux réunis à Orford - c'est normal, il est en orbite - et c'est à nous de le ramener sur terre pour qu'il réponde de ses actes devant ceux qui l'ont élu. Le jugement de la Cour suprême nous apprend cruellement que nous sommes encore locataires dans notre propre maison. Ce pays et cette maison où nous ne sommes que locataires, l'Opposition pense qu'il suffit de les rénover, nous pensons, au contraire, qu'il importe d'en devenir propriétaires et associés avec les autres provinces dès qu'une majorité de Québécois et de Québécoises le voudront. Cette maison où nous ne sommes que locataires - c'est là-dessus que nous nous entendons de part et d'autre de cette Chambre - personne ne viendra la saccager, aussi arrogant et sans scrupule soit-il. Les 73 à Ottawa peuvent observer béatement et applaudir les exploits de M. Trudeau, ce n'est pas le cas des députés de cette Chambre. Lorsque l'existence même de la maison est attaquée aussi sauvagement, ce n'est pas le temps de se demander si on va la rénover ou si on va en devenir le propriétaire. C'est le temps d'arrêter le vandale.

Cette Assemblée doit donner l'exemple de la solidarité entre Québécois et Québécoises. C'est par cette solidarité nationale que nous protégerons nos droits les plus vitaux. Nous sommes en état de légitime défense et nous réussirons, parce que nous sommes solidaires de l'immense majorité des Québécois et des Québécoises. Nous réussirons parce que les luttes du passé l'exigent. Nous réussirons parce que notre avenir comme peuple français en Amérique du Nord en dépend. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de Chomedey.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: M. le Président, ce n'est pas sans appréhension qu'aujourd'hui je parle sur la motion qui est devant nous. Jamais, dans toute ma carrière politique, je n'ai connu de moment aussi grave et aussi sérieux. Jamais non plus, depuis que j'évolue sur la scène politique, je n'ai ressenti au plus profond de mon être un tel sentiment de malaise. (11 h 30)

M. le Président, rarement, en politique, a-t-on eu à choisir entre deux maux, entre, d'une part, une démarche mise en doute sur plusieurs aspects par le plus haut tribunal de notre pays et, en second lieu, le cynisme, l'arrogance, la suffisance d'un gouvernement à deux têtes, monstre politique qui gangrène jour après jour l'économie et les fondements démocratiques du Canada.

En ce qui concerne l'attitude du gouvernement fédéral, je puis affirmer que M. Trudeau cherche lui aussi le bien du pays. Qu'il s'entête à y parvenir, nul ne peut lui en tenir rancune. 5on intelligence et sa force de caractère le feront passer à l'histoire comme l'un des plus grands premiers ministres canadiens. On peut peut-être lui reprocher d'avoir, comme on dit, le défaut de ses qualités ou encore de prendre trop de place. Mais, en démocratie, la médiocrité politique fait ressortir davantage la force de caractère de personnes ou de personnages hors de l'ordinaire.

Je n'ai donc, quant à moi, rien à reprocher ce matin à M. Trudeau, d'autant plus que les véritables ennemis du Canada tentent de le faire passer pour un être fondamentalement antidémocratique. Nul que lui n'est plus soucieux de doter notre pays de structures plus contemporaines.

Although the judgment of the Supreme Court recognizes that the unilateral repatriation of the Constitution is legal, but not according to the conventions that have existed since Confederation, I feel that all parties should return to the negotiation table.

In addition, since the resolution that we are voting on today has been amended by our political party and the unity of the Liberal Party is more important to me than the men and women that form it, I have decided to support such a motion.

À la lecture du jugement de la Cour suprême et bien que les démarches du fédéral y soient reconnues comme légales, je suis d'avis qu'il s'avère nécessaire qu'il y ait une nouvelle ronde de négociation entre toutes les parties.

De plus, la motion qui nous réunit ici aujourd'hui ayant été fortement amendée grâce à la sagesse de notre formation politique et l'unité de notre parti étant supérieure aux femmes et aux hommes qui y appartiennent, j'y vois des raisons supplémentaires de l'approuver.

M. le Président, je respecte ceux qui décideront aujourd'hui de ne pas voter en faveur de la motion, mais, face à cette

motion s'arrête mon acquiescement, car, de l'autre côté de cette Chambre, s'aligne une galerie de visages maquillés à la fois par une touche d'hypocrisie et par un fort trait de mauvaise foi. Oui, je pose le geste qui me semble le plus odieux de ma vie politique, être dans l'obligation de voter avec le groupe séparatiste, odieux, parce qu'il sera interprété par nos militants comme une bénédiction à l'indépendance du Québec. Qu'ils se rassurent. Jamais, M. le Président, jamais je n'accepterai d'être complice d'un tel geste et je continuerai sans relâche à combattre l'option du Parti québécois.

Lorsque je parlais de grandeur politique tout à l'heure, en évoquant le premier ministre canadien, je parlais aussi de la médiocrité politique de nos adversaires péquistes. La voilà qui s'étale chaque jour de plus en plus devant nous, avec son cortège d'incompétence et de cynisme, mais il me reste une consolation. C'est de savoir que, dans cinquante ans, on lira encore l'histoire du Canada et qu'au chapitre des années quatre-vingt, on pourra écrire, j'espère, ceci: Grâce au génie politique de Pierre Elliot Trudeau et à la sagesse politique des membres du caucus du Parti libéral du Québec, un premier geste a été posé en vue du renouvellement du fédéralisme canadien, ce qui a entraîné du même coup une erreur de calcul du stratège, député de Louis-Hébert, et le début de la fin du Parti québécois.

Le Vice-président (Jolivet):; M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Cette motion, qui apparaît à première vue sans danger et tout à fait dans l'ordre, m'apparaît après examen présenter certaines difficultés très sérieuses.

Il ne s'agit pas seulement de défendre les conventions constitutionnelles et les droits de l'Assemblée nationale, car, sur ce point, nous sommes tous d'accord. Si cette motion avait été présentée par un gouvernement dirigé par un Jean Lesage, par un Daniel Johnson, chef de l'Union Nationale, par un Robert Bourassa ou par un gouvernement dirigé par M. Claude Ryan, je l'appuierais volontiers.

Je suis d'accord que le projet constitutionnel du gouvernement fédéral dans sa présente forme ne doit et ne peut être imposé unilatéralement. Mais ce n'est pas seulement cela, la portée de cette motion. Ce qui est en jeu, c'est le droit fondamental et légitime de la population du Québec de pouvoir profiter des changements à la constitution canadienne qui pourraient lui être bénéfiques sans le consentement d'un gouvernement qui veut séparer le Québec du

Canada et qui n'a aucun intérêt aux changements constitutionnels dans le cadre du fédéralisme canadien. C'est cela, le véritable enjeu de cette motion.

Je pourrais plus particulièrement, par exemple, parler de la charte des droits et de la formule d'amendement de la constitution. Sur le premier point, la motion qui est présentée actuellement remet entre les seules mains du gouvernement du Parti québécois la décision de juger de ce qui est bon ou mauvais pour la population du Québec. M. le Président, je ne pourrais jamais accepter en toute sincérité cette position.

Nous connaissons, en effet, les objectifs du Parti québécois et nous savons qu'il fera tout ce qui est en son pouvoir pour ignorer l'aspect de la négociation. Le gouvernement qui nous annonce et qui nous a annoncé maintes fois qu'il continue à promouvoir son objectif de l'indépendance n'ira pas négocier de bonne foi le renouvellement du fédéralisme canadien. Ses négociations seront toujours dans le but de créer des obstacles au fédéralisme et de faire avancer l'indépendance politique. Nous savons aussi, nous qui sommes issus des communautés minoritaires de même que les Canadiens français, que le Parti québécois n'est nullement désireux d'enchâsser une charte des droits qui empêcherait tout gouvernement, soit fédéral, soit provincial, d'abuser de ses pouvoirs pour brimer les droits des citoyens. Le Parti québécois n'en veut pas. C'est une chose de dire: Pas de charte sans le consentement du Québec, à laquelle je souscris, mais c'est tout à fait une autre chose, M. le Président, de me dire: Oubliez-la complètement, cette charte, et ceci, je ne peux pas l'accepter.

Mais plus sérieux encore, ce qui est le vrai piège dans cette motion, c'est le fait qu'elle donne le feu vert au Parti québécois pour faire avancer et promouvoir sa thèse séparatiste quels que soient les accommodements que pourrait éventuellement offrir le gouvernement fédéral. Par exemple, le gouvernement péquiste a déjà déclaré qu'il était plutôt favorable à un projet de rapatriement sans charte avec une formule d'amendement. Alors, cette motion qui est devant nous permet au gouvernement du Parti québécois de choisir une formule d'amendement à la constitution qui, à la limite, permettrait à une province de se séparer du Canada, et ceci, je ne peux l'accepter. (11 h 40)

Que va-t-il arriver dans un tel cas? Dès lors nous risquerons, devant toute risposte du gouvernement fédéral et d'une majorité des provinces canadiennes, même avec une formule d'amendement qui pourrait donner un droit de veto au Québec, que le Parti québécois prenne prétexte de cette

motion pour rejeter tout compromis, pour faire avancer, une fois de plus, son projet constitutionnel et, ceci, je ne peux l'accepter. Ce n'est un secret pour personne que c'est là la démarche du premier ministre et du Parti québécois, de faire avancer le séparatisme. Quand j'entends et que je lis les appels à une possible désobéissance civile, je ne peux pas, M. le Président, appuyer un gouvernement qui lance des appels à la désobéissance civile. Il y a une limite!

M. le Président, je crois que la stratégie du Parti québécois est très claire en l'occurrence; je ne peux pas me faire lier les mains par un gouvernement qui ne peut pas et qui ne veut pas négocier les changements constitutionnels dans le cadre du fédéralisme canadien. C'est là l'enjeu de cette motion et, pour ces motifs, M. le Président, je me vois contraint de voter contre cette motion, parce que je la trouve dangereuse pour l'unité de notre pays et pour le mieux-être de mes compatriotes québécois.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, je pense que ce n'est ni le moment, ni l'endroit pour faire aujourd'hui des procès d'intention. Chaque membre de cette Assemblée est appelé à se prononcer sur une motion, qu'on discute maintenant depuis deux jours, parce que, encore une fois, le Québec est en train de "se faire passer un Québec".

M. le Président, le langage populaire est assez révélateur de notre histoire et de ce que nous avons vécu. Qu'est-ce qu'on veut dire quand on dit: "Se faire passer un Québec"? Cela veut dire qu'on est en train de se faire jouer, on est en train de se faire enfirouâper; c'est ça que le langage populaire veut dire. Comment se fait-il, M. le Président, qu'à travers les années l'expression de la population pour exprimer qu'on était en train de se faire jouer, se faire avoir, s'est concrétisée par "se faire passer un Québec"? C'est que, de façon traditionnelle, à travers les ans, chaque fois on a tenté de diminuer l'importance des Québécoises et des Québécois, l'importance de notre existence comme société, comme nation, comme peuple, de sorte que le langage populaire a concrétisé ça en disant: On "se fait passer un Québec". T'achètes un objet que tu payes deux fois trop cher, tu t'es "fait passer un Québec".

Quand viendra-t-il, M. le Président, le jour où l'expression changera et qu'on pourra "se faire passer un petit Ottawa" de temps en temps?

M. le Président, je suis prêt à respecter l'opinion de chacun des membres de cette Assemblée, je suis prêt à respecter la prise de position de chacun des membres de cette Assemblée, parce que je suis conscient que, comme Assemblée, comme groupe, le consensus qui se dégage, c'est un consensus qui va au-delà de nos orientations personnelles, de nos objectifs politiques, mais qui se dirige, qui se propage, qui provient des intérêts majeurs et supérieurs du Québec. L'architecte "Ottawa" a décidé de mettre le feu à la maison, pour en bâtir une meilleure, une plus à son qoût, mais sans demander l'avis des dix propriétaires. Depuis quand, M. le Président, chaque citoyen et chaque citoyenne pris individuellement enqaqe un architecte en lui disant: Fais tout à ton goût; je n'ai aucun commentaire à te faire? C'est ce qui se passe actuellement. C'est l'architecte qui est en train de décider à la place des dix propriétaires. Encore une fois, on est appelé à réagir à cette situation. Au-delà de tout le reste, au-delà des droits de l'Assemblée nationale qui sont menacés, ce qu'il y a de plus profond peut-être, c'est le fonctionnement démocratique dans son ensemble qui est mis en cause.

Personne ne peut avoir oublié déjà qu'immédiatement après le jugement de la Cour suprême le porte-parole d'Ottawa a essayé de nous faire passer pour les coupables. Il nous a dit que c'étaient nous autres et nous autres, ce sont les huit provinces. Ce n'est pas seulement le Québec et ses représentants. Ce sont les huit provinces, les huit populations de huit provinces du Canada. Les huit premiers ministres étaient tous devenus immoraux, illégitimes, selon le porte-parole d'Ottawa.

Est-ce qu'on a le droit, parce que cela fait 53 ans qu'il y a des discussions difficiles, parce qu'on achève sa carrière, parce qu'on est tanné, de mettre de côté le fonctionnement démocratique, de mettre de côté les règles essentielles de la démocratie? Est-ce qu'on a le droit, parce que supposément on est tanné, de mettre de côté la loi de la majorité? C'est pourtant ce qui se passe actuellement. Qu'on dise que la motion actuelle est dangereuse parce que demain, supposément, le gouvernement péquiste pourra s'en servir à d'autres fins, c'est ne pas comprendre la motion. La motion dit essentiellement que l'Assemblée nationale du Québec, dans des négociations futures, va s'en tenir au consensus signé, à l'accord signé entre les huit provinces qui sont d'accord pour apporter des modifications, et cela comprend l'Assemblée nationale du Québec. C'est sur cette motion qu'on vote.

Est-ce qu'on aurait oublié que le Québec n'a pas de leçon à recevoir en termes de démocratie? Peut-être que nulle part ailleurs on peut constater autant de lois qui permettent à la population de s'impliquer dans le processus démocratique. Aurait-on oublié que lors du dernier référendum et à la

suite du référendum, le gouvernement s'est engagé à respecter la décision de la population? On peut bien prétendre n'importe quoi et avoir toutes les craintes encore, il n'en reste pas moins que la population, elle aussi, s'est prononcée là-dessus. Elle aussi a dit: Vous nous dites que vous allez respecter notre décision. Vous venez maintenant en élection. Elle nous a réélus, parce qu'elle croyait foncièrement qu'on était pour respecter, en accord avec les règles démocratiques, ses décisions.

Il n'y a pas de meilleur jugement que le jugement du peuple. Nous provenons du peuple. Nous sommes issus de lui, nommés par lui et pour lui. Nous avons le devoir de fonctionner à partir de ses besoins, de ses intérêts, de ses priorités, des priorités qu'il nous fixe, à chacun d'entre nous. Mais au-delà de chacun d'entre nous, au-delà de nos circonscriptions électorales, nous avons le devoir de fonctionner dans l'intérêt de l'ensemble des Québécoises et des Québécois.

M. le Président, tout n'est pas négatif dans cette histoire. L'action unilatérale d'Ottawa aura au moins permis de cimenter, ici au Québec, à l'Assemblée nationale du Québec, un large consensus, un consensus des deux partis politiques qui s'opposent à l'action unilatérale d'Ottawa.

Dans le fond, pour bien faire comprendre, c'est bien simple. Ottawa nous fait subir actuellement un lock-out. C'est l'employeur qui dit à ses employés: Voici mes conditions; acceptez-les, je suis prêt à vous écouter, mais quand vous serez revenus au travail, après avoir accepté mes premières conditions, là je vous écouterai; et si vous ne voulez pas faire cela tout de suite, dans le temps que je vous impartis, je ferme l'entreprise. (11 h 50)

C'est ça qui se passe, M. le Président. On est prêt même à fermer l'entreprise. Nous, ce n'est pas ça qu'on veut. On veut que les employés puissent discuter ensemble, se regroupent, déterminent leurs besoins et les négocient avec l'employeur. On ne permet pas que notre employeur nous fasse subir un lock-out. C'est ça, la situation qu'on vit actuellement.

La décision que nous sommes appelés à prendre procède de l'histoire. C'est l'histoire qui nous convie à prendre cette décision positive face à la motion qui est présentée à l'Assemblée nationale. Ce sont les luttes de ceux qui nous ont précédés qui nous amènent et qui nous forcent à accepter cette proposition. C'est 200 ans de luttes, 200 ans de réaction pour protéger le minimum de droits des Québécoises et des Québécois, 200 ans de luttes pour conserver, même pas pour avancer, pour conserver au moins ce qui est à nous, ce que nos ancêtres nous ont gardé, nous ont conservé, ce pour quoi nos ancêtres se sont battus. C'est ça, aujourd'hui; cette motion vient concrétiser tout le travail de ceux qui nous ont précédés. Et le travail de ceux qui nous ont précédés c'est ici même, à l'Assemblée nationale, qu'il s'est toujours terminé. C'est l'Assemblée nationale qui a toujours, dans le fond, paraphé ce qui avait été décidé par la population.

Cette décision que nous avons à prendre, M. le Président, c'est une question de devoir. C'est une question de respect de soi, mais aussi de respect de la population, mais c'est surtout une question d'honneur.

Il y a eu des moments dans l'histoire où l'honneur était la valeur la plus élevée, où l'honneur avait la priorité sur toutes les autres valeurs. Il y a encore des coins de pays où l'honneur est une valeur sacrée, où, pour l'honneur, on est prêt à sacrifier sa vie, ses emplois et ses ambitions. C'est par honneur qu'aujourd'hui on se doit de ne pas faire comme les autres, on se doit de ne pas oublier le fond plutôt que d'utiliser la forme. On se doit, comme Assemblée nationale, pour assurer demain, pour faire en sorte que demain soit un progrès, de voter avec le plus large consensus. L'Assemblée nationale du Québec se doit de voter cette proposition qui maintient, qui assure aux Québécois la préservation de leurs droits et qui leur donne la possibilité d'améliorer, en accord avec les autres, leur situation.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Papineau.

M. Mark Assad

M. Assad: M. le Président, la motion qui est devant nous est, en quelque sorte, une motion conservatrice, c'est-à-dire qu'elle vise à conserver les prérogatives provinciales légitimement consenties il y a 114 ans.

Les membres du Parlement d'Ottawa, et tout particulièrement ceux du cabinet, dont la moitié représentent les comtés du Québec, savent sans aucun doute que la grande majorité des Québécois considèrent que le gouvernement de leur province, depuis toujours, est le véritable et légitime protecteur de leurs droits fondamentaux.

Que ce soit dans le domaine de la langue ou celui de l'éducation, ainsi que pour toutes les autres prérogatives du gouvernement provincial, toute diminution de l'autorité provinciale pourrait entraîner un malaise social et politique sans précédent.

De plus, ce serait presque renier entièrement les motifs qui ont inspiré les Pères de la Confédération et la sagesse politique dont ils ont fait preuve en tentant une expérience inédite dans le domaine de la représentation démocratique.

Jusqu'ici, M. le Président, nous avons été privilégiés, au Canada: aucun conflit armé, aucun problème grave qui n'aura pas

été résolu et une quantité raisonnable de compromis. Voilà que maintenant, après plusieurs tentatives, au cours des années, pour en arriver à une réforme à notre constitution, nous nous retrouvons devant un geste sans précédent dans notre histoire. La Cour suprême a démontré explicitement que ce geste, le rapatriement unilatéral de notre constitution, viole un des aspects les plus fondamentaux de notre démocratie, celui de la convention non écrite, c'est-à-dire une convention constitutionnelle.

Il est impensable, d'ailleurs, que le Parlement de Westminster, à Londres, ne tienne pas compte des conventions établies car ce sont les conventions qui sont la base même du système parlementaire britannique, cette institution démocratique qui nous sert toujours de modèle et qui est sans égale dans les annales de l'histoire du parlementarisme. Il faut le dire, c'est quasiment le monde à l'envers. Nul besoin d'être constitutionnaliste chevronné pour savoir que la démarche du gouvernement fédéral est fallacieuse. Le bon sens ne peut que s'y opposer. Par les temps qui courent, le sens commun n'est pas aussi commun qu'on le pense. Dans notre Assemblée, nous sommes décidés à sauvegarder nos prérogatives légitimes. Nous n'allons aucunement rester à l'écart du débat constitutionnel. Cette motion est le résultat d'efforts conjugués des deux partis représentés dans cette Chambre. Les ambiquïtés politiques et les exercices intellectuels ne pourront donc pas diminuer la légitimité de notre prise de position ici, aujourd'hui.

Nous croyons cependant, et avec raison, qu'un compromis est encore possible. La politique n'est-elle pas l'art du compromis? Nous pouvons donc régler ce problème et ensuite, nous pourrons nous attaquer à corriger l'injustice sociale, à alléqer le fardeau de nos concitoyens et surtout, donner l'exemple d'une collaboration étroite, d'une compréhension mutuelle et faire preuve de bonne volonté, afin de bâtir une société juste et équitable, fière de ses institutions démocratiques qui sont le fruit de plusieurs décennies de sacrifices et de services rendus à notre pays, le Canada.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Pierre-J. Paradis

M. Paradis: M. le Président, ce n'est un secret pour personne que c'est avec une énorme réticence que j'appuierai la motion présentement devant nous.

Avant de me résoudre ou plutôt de me résigner à voter pour cette motion, M. le Président, j'ai pris l'initiative de retourner consulter mes militants. Je me demande, aujourd'hui, combien de députés péquistes d'en face sont allés chercher de leurs militants un mandat d'appuyer cette motion qui engage le gouvernement à négocier dans le respect des principes qui gouvernent la modification de notre régime fédéral canadien. Si je vote oui, ce n'est donc pas de mon initiative personnelle, mais sur la recommandation de mon association de comté et de mes militants libéraux et si Brome-Missisquoi, m'autorise à voter oui, ce n'est pas par appui au gouvernement, ce n'est pas non plus par appui pour cette motion, bien qu'elle soit acceptable dans sa forme, mais seulement et strictement par appui pour mon parti. Par conséquent, le vote que je pose est un vote de solidarité, pas un vote d'approbation. (12 heures)

Si Brome-Missisquoi m'autorise à donner un vote aussi qualifié que celui-là, ce n'est pas que nous ayons des objections sur le texte de la motion, c'est en grande partie une motion de mon propre parti. Si nous pouvions compter sur le gouvernement pour s'en tenir au texte et pour aller négocier de bonne foi à Ottawa, nous pourrions vous confier ce mandat, mais la vérité est tout autre. Le vote de Brome-Missisquoi est qualifié parce que nous avons compris que le mandataire est tout aussi important que le texte du mandat.

Dans Brome-Missisquoi, nous avons pris la semaine pour réfléchir. Si nous donnons ce vote, c'est strictement par espoir d'en arriver à une renégociation de la constitution canadienne où on inclura une charte des droits et libertés des personnes, des Québécois et des Québécoises, comme on l'entend si souvent de l'autre côté de la Chambre, charte des droits négociée de bonne foi entre les deux niveaux de gouvernement.

Ce que nous avons devant nous, c'est une motion dont le texte nous porte à voter pour, parce qu'elle est fédéraliste. Ce que nous avons devant nous, c'est un mandat, un négociateur qui, avant même de connaître la décision de la Cour suprême du Canada, a décidé de partir en guerre contre le gouvernement fédéral, une campagne de publicité de 1 000 000 $, une brochure Minute Canada!, Minute Ottawa! comme mes collègues de l'autre côté de la Chambre me le soulignent, mais, s'ils avaient attendu le jugement de la Cour suprême, ils auraient compris le message différemment. Ils auraient compris le message de la façon suivante: Minute Ottawa! et Minute Québec! On retourne s'asseoir à la table des négociations comme les premiers ministres des autres provinces le feront. On prendra la part et la défense des droits et des intérêts du Québec.

Ce vote que l'on vous donne se situe dans un contexte bien spécial. Pour la

première fois, vous aurez à faire état devant cette Chambre, puisque c'est cette Chambre qui vous donne ce mandat, de l'état des négociations. La population du Québec sera à même de constater si le niveau des progrès accomplis par les premiers ministres des autres provinces est le même niveau des progrès accomplis par ce gouvernement. S'il faut se fier à vos expériences de négociations antérieures, les Québécois vous jugeront sévèrement si vos négociations ne sont pas au même rythme et dans la même bonne foi que celles qui seront menées par les autres gouvernements des provinces qui croient au renouvellement de la constitution canadienne.

The member from Brome-Missisquoi went back to his constituents last week and they authorized him to vote in favour of this motion, because it is a motion that fits in the program and objectives of the Liberal Party of Québec, but Brome-Missisquoi was very careful in the mandate it give its MNA. They told him that the text of the motion is one thing and that the person you give it to, the negotiator you assign, is something else. They feel, like their Member, that they will always vote no for the negotiator, but they accept the invitation of the Supreme Court of Canada to bring back to the bargaining table both the federal and the provincial levels of government. Even if they mistrust the intentions of the people who are sitting across this room, they expect their bad faith to show in such a sense that it will convince Quebeckers that the PQ Government is not there to negotiate for the best interest of the people, like the other premiers will do, but they are only there to promote separatism in Québec and, on that issue, Brome-Missisquoi and their Member will always be opposed.

C'est en catastrophe, M. le Président, que nous avons tous été convoqués ici, comme s'il y avait extrême urgence. Pendant que les autres provinces tentent la conciliation, tentent la négociation, le gouvernement péquiste tente la provocation.

Le Parti libéral du Québec a hâte de voir se manifester la bonne foi du PQ dans ces négociations fédérales. C'est plus urgent que de convoquer la Chambre. Le Parti libéral et le député de Brome-Missisquoi ont hâte de voir le leader du gouvernement convoquer à nouveau, en toute urgence, cette Chambre pour qu'enfin on puisse s'occuper de régler les problèmes économiques des Québécois, les problèmes qu'on qualifie souvent de pain et de beurre et les problèmes qui s'aggravent de jour en jour sous l'administration d'en face.

J'ai entendu ce matin que cette Assemblée n'était convoquée que dans un autre mois pour régler ces problèmes. Je vous souligne que l'urgence, c'est de retourner négocier et que l'urgence, c'est de rappeler cette Chambre pour qu'on règle définitivement les problèmes économiques de l'ensemble de la population du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Claude Charron

M. Charron: M. le Président, je ne sais pas si c'est le hasard qui a voulu faire parler encore plus qu'ils ne le font les événements, mais cela s'adonne qu'à quelques minutes de notre vote nous sommes exactement à un an, jour pour jour, le 2 octobre, du déclenchement du coup de force d'Ottawa.

Si vous vous le rappelez, d'ailleurs, non seulement le contenu était-il enfin révélé, après avoir été tramé pendant des mois, mais il était aussi accompagné d'un calendrier infernal où tout devait être terminé le 21 décembre 1980 avec, bien sûr, la certitude que Londres n'allait même pas regarder le "package". Où en sommes-nous? Il n'est pas faux de dire que nous sommes bien loin de cela et que le temps, une année complète d'énergie, d'engueulades, n'a guère amélioré les choses pour celui qui déclenchait le coup.

Je n'évoque que deux résultats, les plus importants de cette année que Pierre Elliott Trudeau a fait gaspiller: d'abord, un front commun, une coalition presque, de huit provinces plus stables, plus efficaces, plus solidaires qu'elles ne l'ont jamais été. Lui qui calculait et qui calcule encore sur la division, compte encore sur la division, a réussi ce que la meilleure volonté du monde, dans les gouvernements du Québec qui se sont succédé n'avait jamais encore atteint, soit d'avoir sur la même longueur d'onde, dans la même solidarité, huit des dix gouvernements provinciaux, l'exception ontarienne étant évidente pour tout le monde. (12 h 10)

Non seulement une coalition de provinces, mais une coalition où le Québec occupe le leadership qui lui revient; il aura réussi à nous redonner notre place pour le combattre. Nous n'entendons pas l'abandonner, mais plus important encore, comme résultat et sans aucun doute plus contraire à ses intentions d'il y a un an jour pour jour, c'est la solidarité des Québécois, celle qui sera manifestée par le vote tout à l'heure. Ce n'est pas une mince solidarité, la panique dans les rangs libéraux fédéraux le prouve. C'est une solidarité significative, quand elle intervient à peine un an et demi après un référendum qui nous a divisés comme jamais de chaque côté de cette Chambre, quand elle intervient moins de six mois après une élection qui nous a divisés comme jamais de chaque côté de cette

Chambre, quand des fossés aussi profonds sont franchis en une aussi courte distance, c'est une solidarité qui parle.

Le vote de tout à l'heure peut, doit, et sera considéré comme un vote historique à l'Assemblée nationale. Pourquoi oublier l'actualité, pourquoi faire semblant de ne pas la voir? Les journaux étalent le fait que cette solidarité que nous allons cimenter tout à l'heure n'a pas été facile à vivre pour certains collègues de l'Assemblée. Je n'ai pas de félicitations à adresser à qui que ce soit, personne n'en voudrait, ni de fausses déclarations au-delà de ce qui va se faire par le vote. Je signale seulement avoir été profondément impressionné par au moins deux interventions de l'autre côté. La remarquable intervention du chef de l'Opposition et l'émouvante déclaration du député de Notre-Dame-de-Grâce. Je ne veux pas dire que les autres n'ont pas apporté la même sincérité. Je me souviens dans un autre style que celui que j'ai ce matin, au moment du débat sur le discours inaugural de la session de juin, avoir mis au défi les députés libéraux de tenir ce genre de langage. Je peux dire que je l'ai presque entendu au cours de ce débat.

Mais puisqu'il faut le répéter et qu'à l'intention de leurs électeurs et de leurs militants les députés libéraux ont voulu le redire, je le redis aussi pour qu'il n'y ait pas de mésentente, nous demeurons des adversaires. Mais à cette heure, ce que nous faisons, c'est que nous avons mis bas les armes pour le temps, et la motion dit elle-même que ce temps durera aussi longtemps que la menace; nous avons mis bas les armes, ne serait-ce que pour signifier que si le combat demeure entre nous, nous combattons pour un territoire et nous tenons à l'intégrité de ce territoire, c'est-à-dire, les champs de juridiction du Québec. Nous voulons tour à tour l'occuper, les Québécois décident que nous l'occupons tour à tour aussi. Si nous voulons que notre combat soit vrai, soit franc, il faut que les juridictions pour lesquelles nous combattons soient étanches, soient intactes. C'est ce que les membres de l'Assemblée nationale qui voteront pour cette résolution diront tout à l'heure.

Je n'ignore pas l'énergie; personne de ce côté-ci n'ignore la force qu'on a dû mettre dans certaines consciences, les déchirements qui sont encore, comme dans certaines interventions, très palpables, mais tout cela nous apparaissait nécessaire pour en arriver à cette unanimité des partis.

Bien sûr, la ligne de parti, comme on dit, n'est qu'une convention. Au sens strict de la loi, si on voulait se donner une interprétation stricte, légaliste de la loi, chaque député est élu pour voter ici librement. Mais verriez-vous le capharnaüm que ça donnerait? Pensez-vous qu'une société en pleine croissance serait gouvernable, serait démocratiquement rassurante si elle était laissée à l'opinion d'un jour ou à l'opinion d'un lendemain de chacun des membres de cette Assemblée et qu'à chaque fois qu'on a un projet de loi à débattre on ignore totalement - un peu comme on si on lançait les dés - s'il sera adopté, s'il sera modifié, s'il deviendra loi? C'est ainsi que la ligne de parti est devenue une convention encore plus forte que la loi et que, en ce sens, pour que le Québec ne soit pas ingouvernable, elle demeure la convention la plus sacrée dans cette Assemblée.

Que quelqu'un choisisse de ne pas respecter une convention, c'est, bien sûr, son droit de conscience le plus strict et le plus sûr. D'ailleurs, que quelques-uns ne la respectent pas, cette convention dans un Parlement, alors que, dans d'autres Parlements, c'est une majorité qui s'apprête à ne pas respecter les conventions, ça nous tient déjà à l'écart. Je crois même que le fait que quelques-uns, à ce qu'on dit, ne respecteront pas cette convention de ligne de parti n'entachera guère - je le dis comme je le pense - le total impressionnant que nous allons tout à l'heure réussir et former. Mais je crois - si je peux m'adresser à eux sans ajouter davantage à la pression qu'ils ont dû subir et sentir - qu'il y a quand même là une absurdité. Si j'ai bien compris l'argument du seul qui s'apprête à voter contre et qui ait décidé d'intervenir dans ce débat ou des autres qui l'ont dit à l'extérieur de cette Chambre, c'est un peu parce qu'ils seraient trop partisans qu'ils ne peuvent pas suivre la ligne de parti; c'est parce qu'ils ne peuvent en aucun temps faire abstraction du fait qu'ils sont dans un parti différent du parti qui gouverne le Québec qu'ils ne peuvent pas suivre la ligne de leur parti. Dans ce régime piloté par un obsédé, on n'en est pas à une folie près, mais il faut bien reconnaître que c'est là-dedans que nous sommes plongés.

Dommage que nous n'ayons pas entendu tous ceux qui, tout à l'heure, s'opposeront à la motion. Nous aurions écouté avec tristesse et respect l'étalement d'une conviction qui mène aujourd'hui un membre de l'Assemblée à souhaiter et à appuyer que cette Assemblée devienne plus petite, moins importante, moins vitale dans la vie des Québécois.

Je dis simplement ceci: Le fait que nous ne les ayons pas entendus, autrement dit, le fait que, à l'exception d'un seul, ils n'aient pas choisi de venir faire connaître, là où ils auraient normalement dû le faire, cette opinion qui est la leur et qui nous touche de près, n'aidera sûrement pas à dissiper l'impression qu'il s'agit d'un geste honteux et inacceptable dans le sens le plus fort du mot.

Quand notre globe-trotter international, en smoking, hier, accordait, avant d'entrer au bal, une impression sur les déchirements

qui tenaillent l'Opposition libérale du Québec et qu'il se contentait de dire qu'ils étaient regrettables à son point de vue, je dirai qu'ils sont regrettables au point de vue des Québécois aussi, mais c'est clair que le mot "regrettables" n'a pas le même sens pour les Québécois et pour Pierre Elliott Trudeau! (12 h 20)

Je veux quand même saluer cette solidarité que nous aurons, mais, si je dois être le mauvais coureur, le mauvais coucheur, dire qu'il ne faut quand même pas rêver en couleur. Cette solidarité que nous allons atteindre dans quelques minutes, au prix de terribles efforts, remarquables et remarqués, il se peut que cela n'ait aucun effet ailleurs. L'effort que toute une Assemblée d'hommes et de femmes élus par les Québécois auront fait, il se peut que, là où cela devrait compter, ce soit reçu comme l'eau sur le dos d'un canard. Puisqu'on parle d'absurdité, en voici une autre de notre régime, comme disait le député de Laurier, hier, dans son intervention "That's Canada": II y a des chances que la solidarité des députés du Québec aient plus d'impact à Londres qu'au Parlement du Canada.

Une voix: C'est incroyable!

M. Charron: Cela fait longtemps -parlons-en un instant - que notre courroie québécoise de transmission de nos volontés à Ottawa est inutilisable, pourrie jusqu'à la moelle et dangereuse. Notre députation fédérale à Ottawa n'est plus d'aucune utilité publique pour les Québécois. Cela fait longtemps que l'on sait que, quand il s'agit de protéger les droits et les intérêts du Québec, la députation libérale fédérale à Ottawa fonctionne à la rapidité d'une Volkswagen et à la fiabilité d'un F-18. Nous sommes à peu près convaincus, chaque fois, que c'est comme parler à des sourds, que c'est comme parler à des déconnectés. J'ai l'impression que cette merveilleuse équipe fédérale, modèle mondial de servilité, par les temps qui courent, ajoute à ses fleurons le fait d'être devenue la plus belle machine à mentir qui ait politiquement existé dans l'histoire d'une démocratie.

À Orford, ces jours derniers, a eu lieu le rassemblement des inutiles à partir duquel on s'est permis de dire n'importe quoi pour n'importe qui et n'importe quand, plus aucune restriction, et on a dit du chef du Parti libéral québécois, qu'on souhaitait voir premier ministre il y a cinq mois, pour lequel on a travaillé auprès de candidats libéraux provinciaux il y a cinq mois, on a dit du député d'Argenteuil qu'il était fou, c'est le ministre de la Justice du Canada qui a dit du chef de l'Opposition du Québec qu'il était fou de prendre la position qu'il prend. Il ment en disant de vous, si vous ne le dites pas, je le dirai, qu'il a écrit la charte des droits en copiant mot à mot le livre beige que vous vous êtes donné la peine d'écrire. Vous savez que cette machine fédérale ment à votre sujet.

Le vote que vous allez prendre tout à l'heure l'indique. Jamais, dans la charte des droits, dans ce que vous avez écrit dans votre livre beige, vous ne parliez, à part des droits fondamentaux qui se retrouvent là, bien sûr, et sur lesquels je suis prêt à souscrire aussi dans le projet de charte des droits du gouvernement canadien, jamais, par contre, n'avez-vous, vous, écrit, sinon la lutte aurait été terrible et vous auriez été incapable de vivre, avec ce document que vous souhaitiez, une diminution des juridictions québécoises en matière d'éducation, en matière d'économie. Pourtant, de l'autre côté, sans vergogne, comme si vous n'existiez pas, on dit que c'est ce qu'on a fait.

Le leader parlementaire du gouvernement à Ottawa, sa déclaration est dans la Presse d'aujourd'hui, quand il parle de vous, dit: Les petites frères libéraux du Québec.

Une voix: Les petits frères des pauvres.

M. Charron: Mais ce qu'il y a de pire, ce dont je veux vous parler, c'est que le mensonge va se répandre. Cette machine à mentir va dépenser 1 000 000 $ d'ici trois semaines pour répandre son mensonge, non pas un document comme celui-ci, qui a été confirmé presque d'une page à l'autre par le jugement de la Cour suprême. Non, la version fédérale.

Je puis vous dire une chose. Depuis deux semaines nous surveillons les parutions publicitaires du gouvernement fédéral à la télévision. Nos conclusions sont qu'il dépense des sommes énormes et que depuis quelque temps, le gouvernement fédéral accentue ses efforts publicitaires. Par exemple, une surveillance télé a été faite à Montréal. Dans la semaine du 14 septembre, à la télé française, le gouvernement fédéral a annoncé sept ministères différents. Il y a eu en termes de métier - je m'apprête à déposer, s'il y a consentement à l'Assemblée, le résultat de cette analyse média faite par le Bureau de recherche publicitaire Ltée de Montréal, pour le compte du ministère des Communications. Tout le monde pourra voir le résultat de cette analyse - 376 points, dit-on, en langage technique.

Dans la semaine du 21 septembre, on a presque doublé. 38 messages en tout. Pour vous donner un exemple, une campagne comme celle que le gouvernement fédéral tient maintenant et qui, dans quelques jours, servira à vendre son mensonge, c'est la campagne maximum; lorsqu'on veut vendre un nouveau produit par force, on atteint rarement 607 points à la semaine, 100 000 $

de publicité à la semaine.

Ils vont dépenser 1 000 000 $ pour justifier qu'ils veulent enlever des droits au Québec. On peut bien mettre 300 000 $ pour justifier que nous voulons les garder.

M. le Président, les fédéraux sont, comme dirait ma mère, devenus désâmants. On ne sait plus. J'ai ce soir un entretien prévu devant le public avec un des ténors fédéraux. Comment voulez-vous qu'on se prépare mentalement à donner un bon débat à l'intention des citoyens du Québec quand vous savez que celui avec qui vous allez vous asseoir devant les caméras de télévision peut dire n'importe quoi, n'importe quand, pour n'importe qui? Autrement dit, vous allez simplement assister à un mensonge et, quand le mensonge ne fournira pas, on l'augmentera.

Ce que je trouve de plus dur, ce n'est pas qu'ils sont désâmants, c'est que je crois qu'ils sont désormais désâmés et qu'à part le député de Montmorency, qui, espérons, n'est pas un De Bané ou un Joyal en puissance, ils vont tous, comme Québécois - comme Québécois - voter pour une diminution des pouvoirs de cette Assemblée sans même avoir daigné poser des exigences. Non seulement ils vont se contenter de faire ça, mais ils vont, comme ils sont à l'oeuvre depuis des jours maintenant, continuer à fomenter dans vos propres rangs pour que vous soyez inondés de télégrammes, d'appels téléphoniques.

Ils ont la même liste de membres que vous. Ils savent où les rejoindre, ils savent comment les exciter et ils sauront comment mettre de la pression sur vous lorsque vous aurez à justifier la solidarité que vous donnez au Québec actuellement.

Bien sûr que nous allons le reprendre ce combat partisan, un jour. Il n'est pas loin le jour où nous allons le reprendre également. Nous allons, nous, bien sûr, de notre côté, avec nos membres et nos militants, plus que jamais continuer à regarder notre option qui apparaîtra pour les Québécois comme une police d'assurance sans précédent contre les coups de force qui surviennent, et vous, vous allez continuer, bien sûr, d'être fédéralistes, avez-vous dit tout au cours de ce débat.

La différence, toutefois, c'est qu'être fédéraliste maintenant, ça voudra dire être en opposition avec le régime fédéral. Merci. (12 h 30)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Claude Forget

M. Forget: M. le Président, tout a été dit, peut-être même un peu plus. Je n'ai pas l'intention d'ajouter aux arguments qui ont été amenés devant cette Assemblée quant au fond de la motion et je n'ai pas l'intention non plus, quelques minutes à peine avant le vote que nous allons prendre dans cette Assemblée, de répliquer à certains des arguments que nous avons entendus. Je peux simplement dire ceci, à ce moment-ci, c'est que ceux qui s'inquiétaient de la mort de l'esprit partisan, dans cette Assemblée, je crois qu'ils ont pu être rassurés au cours des dernières minutes.

M. le Président, je vais participer positivement au vote de tout à l'heure parce que je crois qu'il est convenable que les partis joignent leurs voix pour défendre ce qu'ils ont en commun, c'est-à-dire le mandat en vertu duquel les députés ont été élus comme membres de cette Assemblée. Il est convenable qu'ils le fassent, d'ailleurs il est traditionnel aussi qu'ils le fassent puisque ce n'est pas la première fois. Malgré la tension tout à fait spéciale qui entoure le vote aujourd'hui, essayons de le placer dans son juste contexte. À chaque fois que l'Assemblée nationale s'est exprimée par la voix réunie de ses membres, il n'est pas du tout certain qu'elle ait réussi à infléchir le cours de l'histoire. D'autres efforts et d'autres événements sont nécessaires à un heureux dénouement de l'impasse actuelle. Néanmoins, le qeste d'aujourd'hui est nécessaire et il est même indispensable.

Même si le vote que nous allons poser dans quelques minutes est largement majoritaire, à défaut d'être unanime, sa signification sera d'autant plus grande qu'il reflète ou non l'opinion largement majoritaire ou non du peuple du Québec. Nous aurions réussi, en effet, M. le Président, bien peu de chose si, en unissant nos voix ici, nous allions contribuer à rendre plus vives et plus profondes les divisions et la méfiance en dehors de cette enceinte. Ce dilemme, est-il besoin de le rappeler, le Parti libéral du Québec l'a éprouvé profondément et douloureusement au cours des derniers jours. Si le vote de tout à l'heure, encore une fois, est en deçà de la complète unanimité, voyons-en la raison dans la difficile, certains diront l'impossible, équation entre, d'une part, l'unité d'action ici, ne serait-ce que sur cette seule motion, et la division encore profonde de nos concitoyens. Cette division de l'opinion publique au Québec ramène à une proportion plus juste et plus modeste la signification du geste posé par cette Assemblée et doit être considéré par chacun d'entre nous comme un défi personnel à relever.

Dans cet esprit, M. le Président, je voudrais, ce matin, m'adresser surtout à nos concitoyens anglophones. Je sais bien qu'ils ne sont pas les seuls à éprouver des réticences, de l'inguiétude, de l'angoisse même peut-être devant le geste inusité que nous allons poser. Je sais également que cette angoisse et cette inquiétude sont peut-être encore plus vives chez ceux de nos

concitoyens qui ne sont pas francophones.

Our anglophone fellow citizens are those indeed most likely to be puzzled and even alarmed at the incongruity of an unanimous resolution of the National Assembly. I do not intend to discuss personalities, I do not even intend to discuss the technical fine points of the constitution. I guess that these issues obscure rather than eliminate the underlined issues, the underlined aspirations and fears, the underlined hopes and frustrations experienced by so many people on this occasion. Let us ask ourselves whether what is involved today is not indeed a further chapter in our long standing language debate, or, at least, a further chapter in the sometimes difficult relationship and history of the relationship between majority and minority in Québec.

I know the grievances that our English speaking fellow citizens have against Bill 101, for instance, and I feel, for their sense of hurt pride in that context, their anxiety with regard to the quality of majority-minority relations in Québec. There are some extraordinarily mean provisions in that Act, and, beyond language issues, many symbols of a frame of mind on Goverment benches of which no one can be proud, to say the least. However, with all its imperfections, Bill 101 is the outcome of a democratic process. Democracy is no more perfect here than elswere, but frail and imperfect as it may be, it must be respected. Every law adopted by this Legislature is the brain-child of a legitimately elected Government, whether we like it or not.

That Government also is imperfect. I would even say most imperfect. Its policies are often dead wrong, but it is the Government and a recently elected one with in an enlarged basis of support, sad as I may be to say it. That electoral outcome was for many of you a personal loss and some may be tempted to find their horizon to despair about democracy, or, at least, to despair about the operation of democratic institutions in this province. The many things that they had hope to see changed will not now be changed. What can they do? My point is this, Mr Chairman. The temptation to turn one's back on this unholy mess must be resisted. Nothing would be gained by dismissing as hopeless Quebec's democratic life and institutions, because one so intensely dislikes some of the consequences. That temptation arises because the federal proposed entrenched Bill of Rights appears to many, non-francophones as the beacon of light, as the one remaining hope to correct what is wrong and to redress deeply resented injustices.

For non-francophone Quebeckers, to embrace the federal charter as a mean to escape the hated outcome of Québec democratic institutions would be a form of separatism, an attempt to escape from the minority position experienced in Québec by shifting the problem and its solution to a different political context and to a wider forum where the tables would be turned against the oppressive majority in Québec. How could such an attempt, if it were widely espoused, fail to widen the gap between Québec's celebrated two solitudes? How could such a rejection of Québec political life by Québec minorities not be seen by the rest of Québec society as a rejection of Québec itself? How could it not be seen as a vindication of the often proffered innuendoes from Goverment benches, in particular about genuine and not so genuine Quebeckers?

Twice this year we have had an indication that the Canadian people will not allow decisions about language use in public services, including education, be determined in a forum above the level of individual provinces. It was, as you may remember, an issue in both the Ontario and the Québec general elections. In both provinces, for different reasons and in different contexts and with various degrees of open-mindedness or lack thereof. It was shown that, although provincial majority opinion is not opposed to some public services being provided in a minority language, provincial majority was adamant in its desire to remain in control of the degree, the extent and the speed at which this was done. This is what is meant to-day by this motion. This is the essential meaning of this resolution on which we are about to vote. Incidentally, this is what the Pépin-Robarts' task force had recommended in essence, after extensive travels and consultation all over Canada. (12 h 40)

As far as Québec is concerned, I am personnally convinced that an overwhelming majority in Québec, should we ever be condemned to choose between Canada, under one hand, and an ultimate control by Provincial Legislatures over language policies, on the other, would opt for the latter. The strength of feeling demonstrated on this question over the last fifteen years unfortunately leaves little room for doubt.

À mon humble avis, M. le Président, l'appui qu'apporte aujourd'hui le Parti libéral du Québec à la motion dont cette Assemblée a été saisie revêt la signification suivante: Nous défendons le droit du peuple québécois de continuer à déterminer lui-même des matières, par la voie de son Assemblée nationale, qui sont de la compétence de cette Assemblée en vertu de la constitution du Canada.

Nous défendons aussi la démocratie au Québec, ce qui inclut, particulièrement de notre point de vue de parti d'Opposition, le droit du peuple du Québec de se tromper démocratiquement dans le choix de son

gouvernement et dans l'adoption de lois que nous réprouvons en tout ou en partie, mais gouvernement et lois que nous devons respecter avant de pouvoir les changer, justement parce que ces lois sont le produit de nos institutions démocratiques.

Nous défendons enfin, M. le Président, l'unité du Canada dans sa diversité, en demeurant d'autant plus forts et crédibles, comme défenseurs du fédéralisme, que nous ne ménageons rien pour défendre avec une égale vigueur nos droits comme Québécois.

Le Président: M. le premier ministre. M. René Lévesque (réplique)

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais tâcher d'être aussi bref que possible. Ce qui compte maintenant, c'est ce qui va se passer dans quelques instants. C'est un moment grave et très lourd de conséquences que nous allons vivre en votant sur la motion qui est devant nous, cette motion qui, une fois approuvée par l'unanimité au moins des deux partis qui sont dans cette Chambre, donnera au gouvernement du Québec un mandat clair, un mandat exigeant et, dans les circonstances, un mandat indispensable.

Contrairement à ce que d'aucuns pensent ou ont fait semblant de penser depuis deux ou trois jours, c'est aussi un moment qui arrive à son heure et pas une minute trop tôt. HélasI cela est une des faiblesses ou des déformations qu'une partie de notre histoire nous inflige et qu'on retrouve assez souvent dans certaines attitudes. Cette propension chez certains d'entre nous, encore trop nombreux, devant les iniquités qu'on nous fait subir à l'occasion, cette propension à toujours attendre, d'une certaine façon à toujours tendre l'autre joue, et puis même au besoin, d'autres coins de notre anatomie, encore un petit peu, encore une fois, une dernière fois, et puis encore, une autre fois, jusqu'à ce que souvent il soit trop tard.

C'est de toute évidence, M. le Président, le risque que nous pouvions courir en tergiversant si peu que ce soit après le jugement de la Cour suprême. Il suffit de voir ce qui se passe. Toutes les manoeuvres et toutes les pressions qui s'intensifient au milieu d'un vent de panique et de rage déchaîné qui emporte visiblement les libéraux fédéraux.

Ce matin même, dans une dépêche où n'apparaît plus l'ombre d'un possible assouplissement, le bras droit de M. Trudeau, dans cette entreprise de plus en plus démentielle, n'avait plus rien à dire hier soir - c'était dans le journal de ce matin - sauf ceci. Selon le ministre Chrétien, la situation a suffisamment duré et les provinces ne doivent pas prendre à la légère la volonté du premier ministre Trudeau de procéder rapidement, c'est bien une question de jours, disait-il, et non pas de mois.

Est-ce qu'il était oui ou non urgent qu'on se réunisse? Qu'on se réunisse avant que ne se déclenche ce qui déjà en deux jours constitue le point culminant jusqu'à présent en attendant pire de la plus inconcevable des manoeuvres antidémocratiques, toute nourrie d'arbitraire, de mensonges, d'autocratie auxquelles depuis 114 ans un régime fédéral n'ait jamais assisté.

Je ne commenterai pas, parce que je ne saurai pas comment les qualifier, les propos qu'ont osé tenir sur le chef de l'Opposition et ceux qui se sont ralliés derrière lui, ce même M. Chrétien, ministre de la Justice, et son triste second, M. André Ouellet. Mais il faut tout de même souligner comment ce déchaînement invraisemblable, où des actions longuement et sournoisement calculées se marient tout à coup avec une sorte d'hystérie incontrôlable, comment ce déchaînement ne vise uniquement, exclusivement, que le Québec, les droits de son peuple, et les pouvoirs si terriblement limités pourtant de cette Assemblée nationale, qui est le seul instrument de promotion collective et, comme on le voit douloureusement en ce moment, la seule ligne de défense politique organisée qui appartienne en propre à cette minorité que nous constituons au Canada et à cette nation dont le Québec est la seule patrie indiscutable. "Pour ceux qui l'aurait oublié, écrivait ce matin M. Jean-Louis Roy dans le Devoir, ces pouvoirs n'ont pas été donnés au Québec. Ils ont été conquis, négociés et défendus, tout au long de l'histoire de ce peuple qui n'a jamais disposé de la force, force du nombre, force des armes, ou force de l'argent. L'institution parlementaire a été le lieu privilégié des grandes batailles où s'illustrèrent nos chefs politiques et où s'articula la définition des droits des Canadiens français. D'autres peuples ont connu une marche dans le temps infiniment plus cruelle et plus tragique que la nôtre. Cependant, nos difficultés et notre fragilité furent réelles et difficiles à surmonter. "C'est par rapport à ces acquis limités, mais suffisants pour nous permettre de durer, de nous développer et enfin, dans les 30 dernières années, de changer de siècle en accélérant le rythme de ce développement, que la démarche unilatérale d'Ottawa constitue un véritable coup de force. Elle aurait pour effet, selon le jugement de la Cour suprême, de restreindre les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec, de la forcer à modifier des lois déjà démocratiquement adoptées et de limiter la dimension de ses législations futures. "

C'est vrai, c'est exactement ce qui risque de se passer et c'est pourquoi on

n'arrive pas à comprendre la servilité - moi, je n'arrive vraiment pas à comprendre; ça ne peut pas être par conviction ou alors, sur quelle appartenance québécoise une telle conviction pourrait-elle s'appuyer? - ou l'aveuglement de la quasi-totalité des 74 hommes et femmes qu'on a envoyés à Ottawa, sauf erreur, là aussi pour y promouvoir les intérêts du Québec et, eux aussi, pour y défendre ses droits? Comment sont-ils encore capables de continuer ainsi vers l'abîme, surtout depuis l'opinion fracassante de la Cour suprême? Comment sont-ils capables également d'endurer de voir l'espèce d'investissement, de véritable viol de l'opinion et ça, exclusivement adressé au Québec, jusqu'à nouvel ordre, qu'on leur fait endosser, une opération de propagande massive - déjà annoncée, déjà en marche d'ailleurs, à toutes fins utiles - visant, jusqu'à nouvel ordre, le Québec seulement -pas le reste du Canada, le Québec seulement - et ça, sous un ministre fédéral tout juste nommé et nommé spécifiquement, exclusivement pour conduire de pareilles opérations, le ministre des affaires québécoises, ce chargé qu'on appelait, à l'époque impériale, le secrétaire au Colonial Office? (12 h 50)

Bref, jusque dans cette crise, on nous place dans une espèce, la plus ignominieuse, de statut particulier, j'espère que la plupart de ceux qui continueront, jusqu'au bout, si tel doit être le cas, à soutenir une pareille opération, ont comme excuse qu'ils ne savent pas ce qu'ils font, qu'ils sont aveuglés. Mais ça demeure quand même tout simplement effrayant, effarant à voir et on peut espérer, tout en désespérant de plus en plus, que quelques-uns au moins se rendront compte de ce qu'ils font ou de ce qu'on leur fait faire, avant qu'il soit trop tard.

En revanche, non seulement ils savent ce qu'ils font - et ils ont dit pourquoi, ils l'ont dit surabondamment - ceux d'entre nous qui vont peut-être - et même probablement, hélas - ici, voter contre la motion; c'est à cause d'une animosité extrême - un des facteurs - qui dépasse l'animosité partisane et qui est devenue viscérale à notre endroit. Je dois dire que c'est le même genre de sentiment, malheureusement, que certains d'entre nous, de ce côté-ci, ressentent également à l'occasion. C'est probablement le prix qu'on paie inévitablement - c'est un prix excessif, c'est sûr, mais il semble qu'on ne puisse pas l'éviter - pour mener un combat qui va être encore long, très dur, qui oppose deux perspectives sur l'avenir du Québec, auxquelles, je crois, légitimement, on a le droit d'appartenir les uns et les autres; un combat très dur, comme sont tous les combats fondamentaux et qu'on peut dire même politiquement existentiels. Cela, on n'y peut rien non plus.

Mais il y a aussi - j'aimerais dire quelques mots là-dessus parce qu'il me semble qu'on y peut quelque chose - une méfiance excessive qui a été alimentée, fortement depuis deux jours, par les pressions que nous savons, et qui amène d'aucuns à s'imaginer - cela a été dit et redit - que nous, de ce côté-ci, pourrions fausser cette motion une fois qu'elle aura été votée. Que nous pourrions la faire servir de quelque manière à nos desseins à long terme; d'une certaine façon, tâcher d'en faire une sorte de pelure de banane qui nous permettrait de dire que vous avez été nos complices dans nos desseins que vous ne partagez pas. À ceux qui pensent comme cela, je voudrais dire simplement ceci. J'ai eu beau, en écoutant certains discours, y penser, je n'ai pas réussi à voir, d'aucune façon, comment on pourrait, de ce côté-ci, abuser d'une motion dont le texte est largement conjoint, tout le monde le sait, et qui donne au gouvernement un mandat qui est à la fois très clair, comme je l'ai dit tout à l'heure, mais qui est très clairement circonscrit aussi. Je puis assurer tout le monde que nous tâcherons, nous, du gouvernement, jusqu'à la limite de nos forces, de réaliser ce mandat, mais en le respectant, parce que si on devait prétendre l'élargir ou l'étirer indûment, lui faire dire autre chose que ce qu'il dit - il me semble que cela tombe sous le sens -cela sauterait aux yeux immédiatement et nous serions très sévèrement jugés. Autrement dit, même si la tentation avait pu nous en traverser l'esprit, ce qui n'a jamais été le cas...

Des voix: Ah!

M. Lévesque (Taillon):... c'est donc dans notre propre intérêt et dans l'intérêt de ce que nous défendons et défendrons jusqu'au bout qu'il faudrait y résister.

Cela dit - j'achève, j'ai à peu près fini, M. le Président, parce que tout a été dit et même redit, mais, cela dit, sans revenir sur ce que le leader parlementaire disait tout à l'heure sur le même sujet, je me permettrais, avant le vote, de rappeler le cas d'un homme politique du XIX siècle qui -je ne me souviens plus si c'était aux États-Unis ou en Angleterre, c'était dans le monde anglo-saxon en tout cas - se trouvait dans une situation que certains connaissent en ce moment, une situation où une foule et peut-être la majorité des électeurs qui l'avaient élu refusaient de le suivre.

Il leur avait dit ceci avant de voter sur cette question: "Vous m'avez élu parce que vous avez pensé que j'étais un homme qui suivrait sa conscience. Vous me pardonnerez, j'en suis sûr, de suivre aujourd'hui cette même conscience, même en dépit des pressions que vous m'infligez. " Pour ce que cela vaut, c'est un message, je crois, qui

traduit un des principes fondamentaux d'une démocratie qui se respecte et que ceux qui ont la chance d'y être élus doivent également respecter.

Cela dit, M. le Président, cette conscience que nous avons, en tout cas à l'unanimité des partis, et que nous suivrons pour la plupart sans mépriser aucunement ceux qui, pour les motifs qui leur appartiennent, ne feront pas la même chose, je crois que le moment est arrivé de l'exprimer par notre vote.

Merci, M. le Président.

Le Président: Est-ce que la motion du premier ministre sera adoptée?

Je me rends compte que les députés sont pour la plupart ici. Est-ce qu'on pourrait appeler les députés? Qu'on appelle les députés.

M. Ryan: M. le Président...

Le Président: Oui, M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Nous attendons un député, est-ce que vous pourriez me permettre de vérifier s'il est arrivé? C'est le député du comté de Jeanne-Mance, qui a été victime, comme vous le savez, d'un grave accident...

Des voix: II est ici. M. Ryan: Très bien.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît.

Mise aux voix de la motion

Je mets donc aux voix la motion inscrite au nom de M. le premier ministre et qui se lit comme suit: La Cour suprême du Canada ayant décidé que le projet fédéral concernant la Constitution du Canada réduit les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec et que l'action unilatérale du gouvernement fédéral bien que légale est inconstitutionnelle parce que contraire aux conventions, cette Assemblée réclame du gouvernement fédéral qu'il renonce à sa démarche unilatérale, s'oppose à tout geste qui pourrait porter atteinte à ses droits et affecter ses pouvoirs sans son consentement, et demande au gouvernement fédéral et à ceux des provinces qu'ils reprennent sans délai les négociations dans le respect des principes et des conventions qui doivent régir les modifications du régime fédéral canadien.

Que celles et ceux qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Charron, Jolivet, Mme Marois, MM. Bédard, Morin (Sauvé), Morin (Louis-Hébert), Laurin, Bérubé, Landry, Lazure, Gendron, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Lessard, Marcoux, Biron, Godin, Rancourt, Léger, Clair, Richard, Johnson (Anjou), Chevrette, Bertrand, Marois, Duhaime, Garon, Tardif, Léonard, Fréchette, Martel, Ouellette, Dussault, Gagnon, Mmes Harel, Lachapelle, MM. Vaugeois, Paquette, de Belleval, Proulx, de Bellefeuille, Guay, Baril (Arthabaska), Blais, Dean, Fallu, Grégoire, Bisaillon, Mme Juneau, MM. Leduc, Marquis, Boucher, Lavigne, Beauséjour, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Gauthier, LeMay, Desbiens, Perron, Bordeleau, Gravel, Champagne, Laplante, Brassard, Charbonneau, Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Blouin, Rochefort, Brouillet, Rodrigue, Payne, Tremblay, Beaumier, Leblanc, Lafrenière, Lachance, Paré, Dupré, Ryan, Lévesque (Bonaventure), Mme Lavoie-Roux, MM. Lalonde, Forget, Mailloux, Vaillancourt, Mme Bacon, MM. Marx, Bélanger, Bourbeau, Blank, Mathieu, Assad, Vallières, Paradis, Scowen, Picotte, Pagé, Rivest, Fortier, Rocheleau, Bissonnet, Polak, Dubois, Sirros, Saintonge, Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Kehoe, Houde, Middlemiss, Dauphin, Hains. (13 heures)

Le Président: Que celles et ceux qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: MM. O'Gallagher, Ciaccia, Caron, Lincoln, Gratton, Maciocia, Cusano, French, Mme Dougherty.

Le Président: Abstentions.

Le Secrétaire: Pour: 111

Contre: 9

Abstentions: 0

Le Président: La motion est adoptée. M. le leader du gouvernement.

Membres des commissions

M. Charron: M. le Président, je m'excuse de retomber dans des détails matériels, mais cette session spéciale ne devrait pas... Je voudrais faire une motion.

Je voudrais proposer que l'Assemblée nationale reconduise les membres de la commission de l'Assemblée nationale nommés lors de la précédente session et que cette Assemblée se substitue à la commission de l'Assemblée nationale et renomme les membres de chacune des commissions, tel que cela avait été établi lors de la première session de la présente Législature, ce qui nous permettrait de pouvoir convoquer une nouvelle commission parlementaire, soit celle de la Justice, la semaine prochaine.

Le Président: Est-ce que cette motion

du leader sera adoptée? Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

M. le leader du gouvernement.

Projets de loi à reconduire

M. Charron: Une dernière motion aussi obligatoire, M. le Président. Je voudrais faire motion en vue de donner effet à l'article 6 du règlement, malgré la tenue de cette deuxième session, lors de la reprise de nos travaux, d'ici quelques semaines, à la fin du mois. Il s'agit d'avoir le droit de reconduire les projets de loi qui étaient au feuilleton à la fin de la première session de la présente Législature.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

M. Lévesque (Bonaventure): Adopté.

Le Président: Adopté. Les travaux de l'Assemblée sont suspendus pour quelques instants.

(Suspension des travaux à 13 h 05)

(Reprise de la séance à 13 h 10)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez prendre vos places et demeurer debout pour l'entrée de Son Excellence le lieutenant-gouverneur du Québec.

Prorogation

Le lieutenant-gouverneur: Mesdames et messieurs de l'Assemblée nationale, la session spéciale qui se termine aujourd'hui a été brève, puisqu'elle n'a duré que trois jours, mais elle a sans doute été l'une des plus remarquables de l'histoire de notre Parlement québécois, à cause de l'importance de la motion que vous aviez à débattre.

Vous vous êtes unis pour défendre les droits de l'Assemblée nationale, sans pour autant porter atteinte aux principes fondamentaux qui caractérisent les principales formations politiques de cette Assemblée. Vous avez souhaité la reprise des négociations dans le respect de nos conventions constitutionnelles.

Espérons que ce souhait se réalisera le plus tôt possible, afin que s'établisse un climat de détente non seulement au Québec, mais par tout le Canada.

En prorogeant cette deuxième session de la 32e Législature, je vous félicite et vous remercie au nom de tous les citoyens et citoyennes du Québec.

Le Président: Conformément au voeu et au désir exprimé par le lieutenant-gouvernement, je déclare prorogée sine die la deuxième session de la 32e Législature du Québec.

(Fin de la séance à 13 h 13)

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