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(Quatorze heures quatorze minutes)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Moment de recueillement. Vous pouvez vous asseoir. Affaires courantes.
Déclarations ministérielles. Dépôt de documents. M.
le ministre de la Justice.
Opinion complémentaire sur les
conséquences de l'entrée en vigueur
du projet révisé de Charte canadienne
des droits et libertés
M. Bédard: M. le Président, je voudrais
présenter, pour l'information des membres de cette Chambre, copie de
l'opinion complémentaire sur les conséquences à
l'égard des lois et règlements du Québec de
l'entrée en vigueur du projet révisé de la Charte
canadienne des droits et libertés. Cette analyse complète celle
de Mes Pratte, Émery et Bouchard du 25 février 1981 en tenant
compte des amendements apportés au projet initial.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Document
déposé. M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, est-ce que le
ministre de la
Justice pourrait préciser s'il s'agit des mêmes
auteurs?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bédard: C'est une opinion complémentaire
signée par un des membres du contentieux, M. Samson, de même que
par le sous-ministre de la Justice aux affaires civiques.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre de
l'Éducation.
Rapports annuels de la Corporation des
comptables généraux licenciés de
la
Corporation des hygiénistes dentaires et
de
la Corporation des techniciens dentaires
M. Charron: En son nom, M. le Président, si vous me le
permettez, je vais déposer le rapport annuel 1980-1981 de la Corporation
professionnelle des comptables généraux licenciés du
Québec, celui de la Corporation professionnelle des hygiénistes
dentaires du Québec et celui de la
Corporation professionnelle des techniciens dentaires du
Québec.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Document
déposé. M. le ministre des Affaires sociales.
Rapports annuels du Conseil des affaires
sociales et de la famille et de l'Office
des services de garde à l'enfance
M. Johnson (Anjou): M. le Président, il me fait plaisir de
déposer le rapport annuel 1980-1981 pour le Conseil des affaires
sociales et de la famille ainsi que celui de l'Office des services de garde
à l'enfance.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Rapport
déposé.
M. le ministre des Affaires municipales.
Rapport annuel de la Commission municipale de
Québec
M. Léonard: M. le Président, j'ai le plaisir de
déposer le rapport annuel 1980-1981 de la Commission municipale du
Québec.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Rapport
déposé.
M. le ministre du Revenu.
Rapport annuel de la Régie des loteries et
courses
M. Fréchette: M. le Président, conformément
aux dispositions de la loi, je dépose le rapport annuel de la
Régie des loteries et courses du Québec pour l'année
1980-1981.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Rapport
déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement. M. le
leader.
M. Charron: M. le Président, je vous prierais d'appeler
l'article a) du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi no 26
Première lecture Le Vice-Président (M. Jolivet):
Le
ministre des Affaires municipales propose la première lecture du
projet de loi 26, Loi confirmant l'existence de certaines municipalités.
M. le ministre.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: M. le Président, ce projet de loi a
pour objet de confirmer l'existence, depuis la date de leur érection, de
certaines municipalités dont l'acte constitutif a été
perdu ou détruit. C'est par décret du gouvernement que sont
confirmés les limites territoriales et le nom de chaque
municipalité ainsi que les changements qui ont pu y être
apportés. Le cas particulier de la municipalité de Bouchette,
constituée en mars 1980, mais résultant de la fusion de deux
municipalités dont la preuve d'existence est également
détruite, fait aussi l'objet d'une disposition du présent projet
de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette première
lecture est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet):
Deuxième lecture, prochaine séance ou séance
subséquente.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Questions orales des députés.
M. le député de Gatineau.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Baisse des ventes d'essence dans les
stations-service de l'Outaouais
québécois et du comté de Bonaventure
M. Gratton: Merci, M. le Président. Je suis sûr que
le ministre des Transports est prêt à répondre à des
questions sur l'utilisation des avions du gouvernement, mais j'aimerais ramener
le gouvernement sur terre, aujourd'hui. Ma question s'adresse, de façon
générale, au gouvernement, soit au premier ministre, au ministre
des Finances, au ministre d'État au Développement
économique, aussi bien qu'à celui de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme. Elle concerne la taxe sur l'essence.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Charron: J'indique au député de Gatineau que le
premier ministre sera ici dans une minute ou deux, si c'est à lui qu'il
veut adresser sa question.
M. Gratton: Est-ce que ce sera le cas pour le ministre des
Finances également?
M. Charron: Le ministre des Finances est à Halifax en
train de sauver notre peau.
M. Gratton: On lui souhaite bonne chance.
Le Président: M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je vais formuler ma question.
On sait que la taxe des plus régressives pour l'ensemble des
Québécois sur le carburant crée un problème
particulier dans les régions frontalières, notamment dans
l'Outaouais où l'essence coûte maintenant 0,30 $ le gallon plus
cher qu'en Ontario. Vous allez comprendre à la suite, M. le
Président. Une vérification sommaire permet de conclure que le
volume des ventes d'essence dans l'Outaouais québécois est
tombé, la semaine dernière, d'au moins 50% dans les
stations-service et de plus de 60% dans les stations qu'on appelle de libre
service. Les qens, en d'autres mots, vont acheter leur essence à Ottawa.
Les compagnies de pétrole ne sont aucunement affectées
puisqu'elles récupèrent leurs ventes par l'entremise des
détaillants ontariens. Ce sont donc les propriétaires de
stations-service du côté québécois qui subissent le
fardeau. Après leur avoir exigé un réinvestissement de
l'ordre de 4000 $ à 5000 $ sur les inventaires d'essence qu'ils avaient
déjà, on leur demande maintenant de faire ces investissements
souvent, dans certains cas, à même des emprunts à 20% pour
réaliser au mieux 50% de moins de ventes. Inutile de dire, M. le
Président, quelles seront les conséquences en termes de perte
d'emplois aussi bien qu'en termes de fermeture d'entreprises à plus ou
moins brève échéance.
Ma question est donc la suivante: Au moment où le gouvernement du
Québec subventionne une campagne d'achat chez nous dans l'Outaouais
québécois est-il conscient qu'avec sa taxe de 20% sur l'essence
il se trouve aussi à subventionner directement les achats en
Ontario?
Deuxièmement, compte tenu de la situation précaire
où se retrouvent plusieurs PME que sont les propriétaires de
stations-service acculés au bord de la faillite, quelles mesures le
qouvernement entend-il prendre pour leur venir en aide, outre de
suggérer, comme l'a fait un membre du cabinet du ministre d'État
au Développement économique, la semaine dernière, que tout
bon Québécois loyal n'ira pas en Ontario acheter son essence? (14
h 20)
Le Président: M. le ministre d'État au
Développement économique.
M. Landry: Je vais commencer par la fin, M. le Président.
Ce n'est pas normal, mais c'est en même temps une guestion de
privilège puisgue la Presse de ce matin fait une correction, en page
A-10, disant que jamais personne de mon cabinet n'a parlé à la
Presse et il s'excuse auprès de l'individu. J'imagine que vous faites de
même, M. le député de Gatineau, en toute bonne foi.
Sur le fond de la guestion, vous avez bien fait de rappeler que le
gouvernement du Québec a aidé, d'abord par une étude
extrêmement fouillée sur les flux des échanges
interrégionaux, et ensuite, par des subventions à une campagne de
politigue d'achat, l'Outaouais québécois à consolider,
à l'intérieur de ses frontières, son potentiel d'achat, ce
qui est fait. Et les échos de la région que j'ai me disent gu'un
flot considérable de biens achetés autrefois en Ontario le sont
maintenant dans l'Outaouais québécois. On peut dire que, de cette
façon, la région s'était prémunie d'avance des
inconvénients qui vont lui survenir et qui sont réels. D'autant
plus que cette campagne d'achat, en plus d'être subventionnée,
était...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaîtl
M. Landry: ... puissamment supportée par le fait que
plusieurs biens sont taxés en Ontario et ne le sont pas au
Québec. Dans l'affaire de la taxe de vente, vous avez été,
M. le député, j'imagine, le premier à vous réjouir
que c'était plus intéressant d'être Québécois
à cette époque que d'être Ontarien, et que ça
avantagait beaucoup les marchands de votre circonscription et de la ville de
Hull, en particulier.
Vu que pour les ménages, ces achats de biens essentiels
détaxés par le Québec comptent pour beaucoup plus que
l'essence d'automobile, je ne nie pas que ce qui vient de se passer comporte
certains inconvénients pour nos compatriotes de la région de
l'Outaouais québécois. Le député conviendra avec
moi - je serais surpris du contraire -que l'un dans l'autre, même sur le
plan fiscal, il vaut mieux être Québécois qu'Ontarien.
M. Gratton: Question additionnelle.
Visite de l'ambassadeur d'Haïti au Canada
Le Président: M. le député de Gatineau,
avant votre question additionnelle, vous me permettrez de souligner la
présence, dans nos galeries, de M. Hervé Denis, ambassadeur
d'Haïti au Canada.
Question additionnelle. M. le député de Gatineau.
Baisse des ventes dans
l'Outaouais québécois
et le comté de Bonaventure (suite)
M. Gratton: Tout en saluant l'ambassadeur d'Haïti, vous me
permettrez de demander au ministre si je dois interpréter sa
réponse comme étant une suggestion aux propriétaires de
stations-service dorénavant de vendre des chaussures ou des meubles.
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Gratton: M. le Président, c'est le même ministre
d'ailleurs qui faisait parvenir un télégramme aux citoyens de
l'Outaouais, les enjoignant de continuer les efforts d'achat chez nous.
Ma question, à laquelle le ministre n'a pas répondu, est
celle-ci: Quelles sont les mesures que le gouvernement entend prendre pour
empêcher qu'un très grand nombre, de 25 à 30 petites et
moyennes entreprises de l'Outaouais guébécois, ne soient
forcées de fermer leurs portes et gu'en attendant, elles fassent des
mises à pied? Cela s'appligue à l'Outaouais. Mon collègue
de Bonaventure pourra vous parler de la situation chez lui, en Gaspésie.
Ce sera le cas pour tous ceux qui habitent les régions
frontalières. Quelles sont les mesures? Puis-je demander au ministre de
considérer la possibilité de confier le mandat à la
Société d'aménagement de l'Outaouais, celle-là
même qui justement fait une campagne d'achat chez nous dans l'Outaouais,
et d'au moins déléguer des personnes, des techniciens
auprès des propriétaires de ces entreprises pour tenter avec eux
de trouver une solution à ce problème très grave gu'ils
subissent?
Le Président: M. le ministre.
M. Landry: M. le Président, je réitère que
le fait d'être Québécois comporte des avantages et,
à certains moments, des inconvénients. Cela ne doit pas
être traité à la blague. La région que vous
mentionnez est une des seules vraiment frontalières du Québec, en
ce sens que, de l'autre côté de la frontière, il y a des
secteurs industrialisés et une population nombreuse. Toutes les lois
québécoises comportent pour cette population qui est dans une
situation spéciale, celle de l'Outaouais québécois, des
comparaisons à faire avec l'Ontario qui sont tantôt favorables et
tantôt défavorables. C'est la raison pour laquelle bien avant que
cette affaire de taxe ne se présente, taxe qui est temporaire
d'ailleurs, bien avant... Regardez le tableau. Vous savez très bien...
Voulez-vous parler sérieusement de vos commettants ou si vous voulez
m'interrompre à toutes les phrases?
Une voix: Non, ils ne sont pas intéressés.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. le ministre, vous avez la parole.
M. Landry: J'ai moi-même instauré, et je le
réitère au député, depuis des années un
programme spécial qui a très bien réussi pour consolider
les achats de l'Outaouais dans l'Outaouais. Je sais que ce programme
excède largement les inconvénients réels que subiront les
détaillants d'essence pour une période qui est difficile à
passer pour eux.
Dans le même ordre d'idées d'ailleurs, après avoir
fait le relevé des interventions économiques du gouvernement dans
toutes les régions, en particulier par l'opération
solidarité économique, nous nous sommes rendu compte que, pour la
première fois de la période pour laquelle nous disposons de
statistiques comparatives, l'Outaouais québécois est une des
régions qui ont eu le plus d'investissements économiques de la
part du gouvernement depuis cinq ans. Nous allons continuer dans cette voie
avec le complexe forestier de la Haute-Gatineau en particulier, avec le mont
Sainte-Marie. Je suis sûr, pour bien connaître cette région,
même si je n'ai pas l'honneur de la représenter, que les qens de
l'Outaouais réalisent déjà et réaliseront de plus
en plus qu'en dépit d'inconvénients sur un point ou sur un autre
de nos lois leurs chances de développement sont encore meilleures avec
le gouvernement du Québec qu'avec la chirurgie cruelle qui a
détruit le centre-ville de Hull à laquelle le
fédéral s'est livré depuis une dizaine
d'années.
Le Président: Une question additionnelle?
M. Levesque (Bonaventure): Question additionnelle, M. le
Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition officielle,
question additionnelle. S'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, mon
collègue, le député de Gatineau, a évoqué le
fait que ce n'est pas seulement la région de l'Outaouais qui est
affectée, mais d'autres régions. J'aimerais simplement attirer
l'attention de cette Chambre sur la situation faite à la population qui
vit dans mon comté et cela en face de la province du Nouveau-Brunswick.
Là, il y a des cas extrêmement sérieux pour plusieurs
commerces. Une petite enguête maison faite ce matin indique, par exemple,
qu'à Matapédia et à Pointe-à-la-Croix la diminution
des ventes d'essence dans les stations-service, du témoignage même
des propriétaires, se situe entre 70% et 90%.
Le Président: S'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, il fallait
bien que...
Le Président: C'est une question additionnelle, M. le
leader.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, le ministre,
n'ayant par répondu à la question de mon collègue de
Gatineau, j'ai compris qu'il avait besoin d'un léger
préambule.
J'aimerais savoir ce que le ministre a l'intention de faire, parce que
je m'imagine bien que tous les bons coups dont il se vante dans l'Outaouais ne
se sont pas rendus encore dans le comté de Bonaventure. En attendant que
le ministre puisse se fabriquer une réponse, simplement pour souliqner
la gravité de la guestion, même un propriétaire de
station-service de Pointe-à-la-Croix nous avouait, il y a quelques
instants, que lui-même allait acheter son essence dans les
stations-service du Nouveau-Brunswick.
Le Président: M. le ministre.
M. Landry: La fiscalité québécoise
s'applique à l'ensemble du territoire et si, pour des raisons fiscales,
certains citoyens de l'Ontario ont eu l'astuce de venir acheter certains biens
au Québec, parce qu'ils n'étaient pas taxés, personne ne
se surprendra que des Gaspésiens, également astucieux, fassent
l'inverse, quand la situation les avantage. Nous n'avons jamais
préconisé de cloisonnement entre les économies aux
régions frontalières, en particulier dans l'Outaouais, où
on a même fait une exception à la politique d'achat pour faciliter
les échanges entre les deux rives. (14 h 30)
M. Gratton: Question additionnelle.
M. Levesque (Bonaventure): Une précision, M. le
Président, au ministre d'État au Développement
économique. Est-ce que le ministre d'État au Développement
économique a une réponse valable à donner à ces
gens-là? Parce qu'il n'y a pas seulement la question des
stations-service; ce qu'il y a également, et là, on commence
à le noter, c'est que les gens, lorsgu'ils se rendent au
Nouveau-Brunswick, ne vont pas seulement acheter de la gazoline, de l'essence,
mais ils en profitent évidemment pour acheter autre chose et ceci est en
train d'avoir des répercussions très mauvaises sur
l'économie de toutes nos régions.
Le Président: M. le ministre d'État.
M. Landry: Faites attention! M. le Président, le
député doit faire attention pour ne pas se mêler dans la
mathématigue. Cela prend un gros achat, pour quelqu'un qui part de
Bonaventure, rendu à Campbellton, pour être encore
excédentaire sur le prix de l'essence.
M. Levesque (Bonaventure): Une guestion de privilège.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader, sur une guestion de privilège.
M. Levesque (Bonaventure): Le privilège, M. le
Président, a trait aux connaissances géographigues de mon
honorable ami d'en face. Lorsgue je parlais de Pointe-à-la-Croix et de
Matapédia, je parlais d'une distance d'un pont.
M. Landry: Le député mangue de sollicitude pour ses
commettants de Bonaventure. Ceux auxguels je faisais allusion sont ceux que je
connais le mieux. Mais, pour revenir au fond de la guestion, il ne peut pas ne
pas savoir qu'en tentant de dégager, après guelgues jours
d'application, des prévisions catastrophiques d'une mesure
économigue, il ne peut faire autrement qu'inventer les faits et triturer
la réalité. Il n'a aucune espèce d'idée de l'impact
économique de cette mesure sur les mois qui viendront, sur les
réajustements qui se feront dans la population. C'est quand nous aurons
cette évaluation globale qu'on sera en mesure de voir quelle est
vraiment la situation.
Deuxièmement, quelle que soit...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît, M.
le ministre.
M. le leader de l'Opposition, sur une question de privilège.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous avez
entendu, comme moi, le ministre m'accuser de triturer les faits et d'inventer
des choses. M. le Président, je n'ai fait que mon devoir de
député, je me suis fait l'écho des gens de mon
comté. En passant, Matapédia est dans le comté de
Bonaventure.
Le Président: M. le ministre.
M. Landry: Aucun gouvernement guébécois, pas plus
le nôtre que ceux qui nous ont précédés, n'a
appliqué la fiscalité d'une façon discriminatoire. Le
député sait très bien qu'à plusieurs reprises les
citoyens de son comté, ceux de la ville de Bonaventure dont je parlais
et les autres, ont profité du fait que certains biens étaient
taxés au Nouveau-Brunswick et ne l'étaient pas au Québec.
Il y a un équilibre qui s'établit. On prend le Québec dans
sa globalité, on ne le prend pas dans un service ou dans une taxe, on le
prend dans tous ses services comme dans toutes ses taxes.
Le Président: Question principale, M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Gratton: On va y revenir ce soir. Le Président: M. le
député.
Enquête sur l'organisation de la fête
nationale à Montréal
M. Paradis: Je sais que mes confrères ne laisseront pas
tomber le sujet parce que ça touohe également les
électeurs et les garages de Brome-Missisguoi. Ma question, plus
directement, s'adresse au ministre responsable du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche au sujet du dossier de la fête nationale.
Depuis plusieurs mois déjà, l'Opposition, l'ensemble de la
population du Québec et même certaines associations
péquistes de certains comtés réclament des enquêtes
publiques sur l'ensemble du dossier. Morceau par morceau, la première
enquête - non pas une enquête publique, mais une enquête pas
plus à caractère public que les enquêtes
généralement confiées au Vérificateur
général a été confiée, par le ministre, au
Vérificateur général sur la réqion du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. À la dernière séance des
engagements financiers, lorsque le ministre répondait aux questions de
l'Opposition, ce dernier nous a indiqué très clairement qu'il
n'était pas question d'enquête sur la région de
Montréal tant et aussi longtemps que des preuves sérieuses et
concluantes ne l'amèneraient pas à commander cette enquête.
Or, nous apprenons que le ministre vient de demander au Vérificateur
général d'étendre son enquête à la
région de Montréal. Est-ce que le ministre pourrait communiquer
à cette Chambre quelles sont les preuves sérieuses et
convaincantes qui, dans le dossier de la région de Montréal,
l'ont amené à déclencher cette enquête du
Vérificateur général?
Le Président: Alors, M. le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche.
M. Lessard: M. le Président, ici, à
l'Assemblée nationale comme lors de la discussion que nous avons eue
à la commission des engagements financiers, nous avons dit que nous ne
déclencherions pas d'enquête tant et aussi longtemps que nous
n'aurions pas de faits qui justifieraient ou qui laisseraient justifier une
telle enquête.
Lorsque j'ai reçu les rapports financiers concernant la
région du Saquenay-Lac-Saint-Jean, j'ai constaté qu'il y avait en
ce qui concerne l'administration, en ce qui concerne la gestion de deniers
publics, un certain nombre de choses qui justifiaient une
enquête.
J'ai reçu samedi dernier à Montréal le rapport
financier concernant la région de Montréal et, encore là,
j'avais toujours indiqué que, tant et aussi longtemps que nous n'aurions
pas de faits, nous ne déclencherions pas d'enquête. J'ai voulu
étendre le rapport de M. Larose à la région de
Montréal, non pas parce qu'il y avait des faits qui pouvaient me laisser
croire à certaines malversations, mais, comme je l'ai indiqué
dans un communiqué de presse que j'ai rendu public hier, il y a, en
utilisant les termes mêmes du rapport financier qui m'a été
soumis, une légère réserve concernant la difficulté
de contrôler les revenus de dons, les dons qui ont été
accordés, et le vérificateur indique que ces états
financiers présentent fidèlement les résultats des
opérations de la corporation.
Cependant, nous nous interrogeons sur les causes exactes du
déficit de la corporation de Montréal qui
s'élèverait finalement à 278 871 $. En ce sens, il se pose
également des questions sur le système de redistribution des
subventions aux comités locaux qui avaient été mis sur
place à Montréal et qui était sensiblement
différent du système qui existait dans les 14 autres
régions du Québec.
Je dis cet après-midi que je n'ai probablement pas les
mêmes raisons aussi sérieuses d'étendre l'enquête que
doit faire M. Larose à la région de Montréal, étant
donné que si je ne l'avais pas fait, on m'aurait accusé de
laisser de côté une région parce que, semble-t-il, il y
aurait des péquistes dans l'organisation de cette fête. On sait
qu'il y avait des péquistes dans l'organisation de la fête du
Saguenay-Lac-Saint-Jean comme il y en avait dans la région de
Montréal, parce que les péquistes s'occupent de leur fête
nationale, alors que les libéraux s'occupent de la fête du Canada.
Dans les circonstances, j'ai décidé d'aller à
l'enquête étant donné les quelques faits que j'avais, et je
pense que les libéraux ne seront quand même pas pour me
blâmer d'avoir étendu cette enquête, alors
qu'eux-mêmes insistaient pour l'obtenir.
Le Président: Question additionnelle. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le ministre vient de nous dire qu'il avait des
preuves qui l'ont amené à étendre l'enquête au
comité de Montréal où il y avait des péquistes,
suivant ses aveux.
Est-ce que le ministre peut nous assurer ou peut garantir à cette
Chambre que l'enquête ne sera pas arrêtée là et
qu'elle couvrira également le comité qui était à la
tête de toute cette organisation pour l'ensemble de la province, soit le
comité central organisateur des fêtes nationales du Québec
qui a reçu la subvention de 3 325 000 $ et qui est, après le
ministre, le premier responsable dans cette affaire.
Le Président: M. le ministre.
M. Lessard: M. le Président, j'ai reçu les rapports
financiers du Comité organisateur de la fête nationale. Je n'ai
jamais voulu cautionner un certain nombre de décisions plus ou moins
pertinentes. Cependant - et j'ai posé la question à maintes
reprises à l'occasion des engagements financiers - si je peux contester
certaines décisions plus où moins pertinentes, je ne vois, dans
le rapport financier qui m'a été présenté par les
firmes d'experts en comptabilité, aucune raison qui me laisserait
conclure à certaine malversation. Dans les circonstances, M. le
Président, je n'ai pas l'intention, à moins que des preuves ou
d'autres faits ne me soient soumis, je n'ai actuellement aucune raison,
à part d'analyser un certain nombre de choses sur la pertinence ou la
non-pertinence, de faire une enquête à ce moment-ci sur le
Comité organisateur de la fête nationale. (14 h 40)
Le Président: Question additionnelle. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, à la commission des
engagements financiers, le ministre a confirmé, devant cette commission,
qu'un individu a reçu la somme de 50 000 $ à titre d'avance sur
des commissions pour la création ou le renflouement de la fondation des
fêtes nationales, et que cette personne n'a pas collecté d'argent
et que ces 50 000 $ constituaient des avances sur commissions. Est-ce que ce
seul fait ne vous inquiète pas, ne vous trouble pas?
Ma question est la suivante: Êtes-vous à même de
confirmer devant cette Chambre ce fait et êtes-vous à même
de confirmer devant cette Chambre que vous allez au moins faire enquête
sur ce fait?
Le Président: M. le ministre.
M. Lessard: M. le Président, le député de
Brome-Missisquoi a la mémoire très courte. À la suite de
cette question qui m'a été posée en commission des
engagements financiers, j'ai indiqué que des procédures avaient
été prises par le Comité organisateur de la fête
nationale, tel que c'est prévu en vertu des lois, que des
procédures judiciaires avaient été prises pour tenter de
récupérer ce montant d'argent.
Le Président: Dernière question.
M. Lessard: Je leur ai demandé
constamment de me donner des raisons, de me donner des preuves de
malversation. Est-ce gu'à partir - il y a d'autres instruments pour
récupérer ces sommes, ce sont les instruments judiciaires - d'un
fait comme celui-là, à savoir gu'à la suite d'un contrat
un individu a reçu une avance de 50 000 $, comme cela est prévu
d'ailleurs dans le milieu, pour récupérer des fonds, je vais
ouvrir une enquête pour connaître...
Des voix: Oui, oui.
Le Président: A l'ordre!
M. Lessard: ...des faits qui sont déjà connus? Les
libéraux seraient les premiers à me blâmer de
dépenser indûment des deniers publics pour déclencher une
enquête qui ne donnerait rien.
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, sur le même sujet,
j'aimerais poser une courte question à M. le ministre.
Quand le ministre a expliqué, devant la commission des
engagements financiers, que le mandat confié à M. Larose lui
donnait le droit de procéder à une enquête publique ou non
publique, le choix était à M. Larose. Etant donné que le
ministre a donné les instructions à M. Larose de procéder
à une autre enquête, et cette fois-ci à Montréal,
-pour donner une chance à tous ceux qui sont impliqués de
s'excuser publiquement si raison il y a, est-ce qu'il a donné
instruction à M. Larose ou est-ce qu'il lui donnera instruction - si le
gouvernement n'a rien à cacher - de faire une enquête publique?
Est-ce qu'on demande à M. Larose de faire une enquête
publique?
Le Président: M. le ministre.
M. Lessard: M. le Président, M. Larose a tous les
pouvoirs, actuellement, pour faire complètement la lumière sur
les deux régions où il y a enquête. Le mémoire de M.
Larose sera déposé ici, à l'Assemblée nationale. Si
des malversations sont prouvées par M. Larose - à moins que vous
n'ayez pas confiance au Vérificateur général qui a
été nommé par les libéraux eux-mêmes - je
transmettrai le rapport au ministère de la Justice et des
procédures seront prises. Je ne pense pas que ce moyen ne permette pas
de faire toute la lumière, ce qui, dans le cas de Montréal, est
bien plus une question administrative qu'une question de malversations
financières.
Le Président: Question principale, M. le
député de Chapleau.
L'aide aux victimes de la mousse
d'urée-formol
M. Kehoe: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur. Le 12 novembre,
lors d'une conférence de presse, le ministre de l'Habitation a
annoncé les modalités d'un programme de dépannage dans le
dossier de la mousse isolante d'urée-formol. Comme toujours, le ministre
de l'Habitation rejette toute la responsabilité de cette catastrophe sur
le gouvernement fédéral. Aussi, le ministre nous a annoncé
qu'une famille qui est vraiment malade et dont le logis contient plus d'un
dixième de partie par million de gaz toxique pourra obtenir une aide du
gouvernement.
Cependant, le Dr Albert Nantel, spécialiste dans ce domaine et
responsable de la formation des médecins qui participent à ce
programme, a déclaré, le vendredi 13 novembre, que cette norme
n'a aucun fondement scientifique et qu'il regrette que le gouvernement ne l'ait
pas consulté à ce sujet. Le Dr Nantel a affirmé: "Quand le
taux de gaz toxique atteint un dixième de partie par million dans une
maison, on n'a même pas besoin d'attendre une expertise médicale,
on doit évacuer la maison, et le plus rapidement possible." Ce
critère établi par le gouvernement est tellement limitatif et
sévère qu'il rend, à toutes fins utiles, le programme
inopérant.
Je pose la question au ministre: A-t-il l'intention de changer ce
critère tellement sévère que presque personne ne peut en
tirer avantage afin que le plus de gens possible puissent
bénéficier de ce programme?
Le Président: M. le ministre de l'Habitation et de la
Protection du consommateur.
M. Tardif: M. le Président, je remercie le
député de sa question. La réponse est oui. Si la preuve
nous est faite que la norme de concentration présentement retenue, qui
était celle de 0,1 particule par un million de gaz d'urée-formol,
est une norme trop élevée et que des concentrations moins grandes
peuvent causer un tort à la santé, nous allons, en effet, nous
réajuster. Notre souci, c'est celui de la santé des citoyens du
Québec. Lorsgue j'ai mis la responsabilité là où
elle devait être, c'est-à-dire à Ottawa, c'est tout
simplement - et je n'apprendrai rien au député - que c'est un
bureau fédéral qui s'appelle l'Office qénéral des
normes, qui a approuvé ce matériau qui, une fois qu'il l'a
approuvé, a été une deuxième fois approuvé
par la Société canadienne d'hypothèques et de logement et
qui a servi dans l'isolation des maisons.
Les Québécois, comme les gens des autres provinces, paient
de leurs taxes pour
le maintien de ce bureau fédéral, l'Office
général des normes.
C'est également un organisme fédéral qui en a
interdit l'utilisation, après que des représentations lui eurent
été faites, un peu tardivement d'ailleurs, mais qui l'a
interdit.
M. le Président, on se trouve devant un cas et la position du
gouvernement du Québec a été de dire: II y a des gens qui
sont malades et pour qui le problème se pose d'autant plus maintenant
que l'on ferme les fenêtres et qu'on commence à chauffer les
maisons; tant et aussi longtemps que les maisons étaient bien
aérées, ça ne posait pas de problème.
Le gouvernement du Québec a décidé de venir en aide
à ces gens en créant son bureau d'aide aux victimes de la MIUF.
Présentement, c'est à peu près 900 personnes qui se sont
adressées à ce bureau et qui ont demandé aide et conseil.
Ce bureau informe les gens, ce bureau les dirige vers les treize
départements de santé communautaire où des
médecins, formés par le Dr Nantel, du Centre de toxicologie de
l'Université Laval, font des études
épidémiologiques présentement sur la question. S'il est
démontré que le taux de 0,1 partie par million est trop haut,
nous réajusterons ce taux.
Et, troisième élément important, M. le
Président, le programme qu'on a mis sur pied prévoit
également un relogement temporaire des familles pour qui ça
poserait des problèmes de santé tels qu'il faudrait les reloger.
Voilà, M. le Président.
Le Président: M. le député de Chapleau, sur
une question additionnelle.
M. Kehoe: M. le ministre, ça paraît évident
qu'il y a une certaine responsabilité du gouvernement
fédéral, cela va sans dire. Mais le bureau
québécois d'économie d'énergie...
Des voix: ...
Une voix: Taisez-vous donc!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Kehoe: ...l'a aussi approuvé et il a donné des
subventions pour le programme en question. Donc, il paraît évident
qu'il y a aussi une certaine responsabilité qui retombe sur le
gouvernement de la province de Québec. (14 h 50)
Là où je veux en venir, M. le ministre, c'est que votre
expert, le Dr Nantel, qui était responsable du programme, a fait des
affirmations il y a deux semaines; à savoir qu'il n'y a pas de base pour
les critères dont on se sert actuellement. Je pose la question à
savoir si ce n'est pas un geste de propagande ou si c'est vraiment une aide que
vous voulez apporter à des personnes aux prises avec des
problèmes sérieux.
Le Président: M. le ministre.
M. Tardif: M. le Président, il est bien évident
qu'aucune des provinces, ni le Québec, ni le Bureau des économies
d'énergie, ni aucun des bureaux et des offices gouvernementaux d'aucune
des provinces ne refait les tests qui sont faits sur les produits à
Ottawa. Cela serait complètement aberrant. On paie un organisme
fédéral pour faire ce type d'expertises, il le fait, il
l'approuve et on s'en remet à ses tests, à ses analyses.
Deuxième élément, cette norme de 0,1 de particule
par million de gaz était celle qui semblait la norme utilisée,
mais à défaut, encore une fois, d'études complètes
épidémioloqiques sur la question.
Présentement, c'est peut-être une donnée que le
député ignore, il semblerait que dans un même immeuble
isolé avec ce matériau, des ménages, où on trouve
des concentrations voisines de 0,1 partie par million, sont affectés et
d'autres ne le sont pas. Il y a donc des problèmes d'allergie chez les
gens qui font que l'on réagit différemment à ce
matériau qui, par ailleurs, est drôlement instable aussi et pour
lequel on n'est pas du tout certain de ce seuil.
Mais, M. le Président, soyez assuré d'une chose et c'est
là l'objectif: Dès que ce seuil est atteint après des
examens médicaux faits par des gens spécialisés, des
mesures sont prises pour venir en aide aux gens, les soigner et les reloger et
ce, pour l'instant, aux frais de l'État québécois. Mais
soyez assuré d'une chose, on va refiler la facture à qui de
droit.
Une voix: M. le Président.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Je remercie le ministre de l'information qu'il nous a
donnée, mais compte tenu de l'urqence de la situation, du fait qu'il
semble difficile d'établir ce seuil et que vous demandez des preuves, je
vous demande quelles preuves vous attendez, qui va vous les donner et quand
vous allez prendre la décision pour venir en aide aux gens qui en ont
vraiment besoin.
Le Président: M. le ministre.
M. Tardif: M. le Président, il y a toujours bien un bout.
Le gouvernement du Québec est le seul à avoir pris ses
responsabilités de venir en aide aux gens dans ce dossier.
Des voix: Bravo!
Une voix: Vous n'êtes pas à Ottawa, vous êtes
à Québec.
M. Tardif: Je le comprendrais s'il posait la question à M.
Ouellet qui a dit aux gens: Si vous êtes malades, allez vous faire
soigner.
Une voix: II en a peur de Ouellet. M. Tardif: M. le
Président.
Une voix: C'est votre ami, votre "chum".
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Tardif: M. le Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît;
Une voix: Arrivez en ville, c'est à Québec...
M. Tardif: Les spécialistes du CHUL et du Centre de
toxicologie de l'Université Laval, dirigé par le Dr Nantel, ont
établi une symptomatologie complète de ce que ressentent les
victimes qui ont été examinées par eux,
indépendamment du seuil. Dans la directive du bureau d'aide aux victimes
de la MIUF, il est dit que si les gens présentent des symptômes
tels que leur relogement est nécessaire, on peut passer outre à
la norme de 0,1 partie par million. C'est déjà dans les
directives et des mesures sont prises en conséquence.
Le Président: Question principale, M. le
député d'Arthabaska.
Distribution gratuite du lait dans les
écoles
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, il y a quelques
années, le ministère de l'Agriculture du Québec a
implanté un programme de distribution de lait gratuit dans les
écoles. Ce programme avait été reconnu par les parents,
par les commissions scolaires comme étant un programme très
efficace qui créait une habitude de saine alimentation chez les enfants
au niveau scolaire. En fin de semaine, le député de
Brome-Missisquoi, comme c'est son habitude, a lancé la rumeur que le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du
Québec mettrait fin à ce programme de distribution de lait
gratuit dans les écoles.
M. Paradis: Question de privilège, M. le
Président.
Des voix: Ah!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Brome-Missisquoi, sur une question de
privilège.
M. Paradis: C'est concernant deux points. Ce n'est pas une
rumeur, c'est un fait que j'ai lancé que le programme de lait
distribué dans les écoles avait été diminué
à compter du début du mois d'octobre de 200 millilitres à
150 millilitres par enfant.
Le Président: À l'ordre! M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): M. le Président, cette rumeur qui
fut lancée par le député de Brome-Missisquoi était
dans le Soleil du lundi 23 novembre 1981. D'abord, j'aimerais demander au
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation si,
effectivement, le programme est remis en cause. Deuxièmement, j'aimerais
que le ministre expligue, pour le bien-être des enfants du Québec,
la raison de la diminution du berlingot de lait que le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a imposée l'an
dernier.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, hier matin j'ai
rencontré des journalistes à mon bureau de comté et ils
m'ont dit qu'effectivement ce que le député de Brome-Missisquoi
avait déclaré, c'était que le programme serait
coupé de moitié à compter de janvier 1982. J'ai
répondu qu'il n'avait aucunement été question de cela
à mon niveau. Le député de Brome-Missisquoi avait dit
avoir été informé par un fonctionnaire. J'ai
vérifié auprès des fonctionnaires, des sous-ministres,
sous-ministres adjoints du ministère et au niveau des fonctionnaires non
plus il n'a jamais été question de diminuer le programme de
lait-école au cours de janvier prochain.
Je peux vous dire plus que cela, M. le Président, nous sommes en
train de faire des budgets pour l'an prochain et les fonds nécessaires
sont prévus pour le programme 1982-1983.
Donc, il n'a pas été question de couper le programme de
lait dans les écoles pour 1982 ou 1983, programme qui donne un verre de
lait à 650 000 enfants par jour au niveau de la maternelle et du
primaire dans près de 3000 écoles différentes. C'est un
programme qui est accepté des enfants, qui est bien accepté des
parents aussi. Je pense que ce serait un tollé s'il fallait changer ce
programme-là.
C'est une autre rumeur du Parti libéral, M. le Président.
Je vous dirai que,
concernant la diminution de 200 millilitres à 150 millilitres qui
est appliquée depuis le début d'octobre, depuis le début
du programme, le député de Brome-Missisquoi n'a jamais
parlé de cela parce que c'est moi-même qui ai appris cela aux
journalistes. Ils ont dit: Ce n'est pas de cela qu'il a parlé, il a
parlé de couper le programme de moitié à compter de
janvier 1982. C'est moi qui ai appris aux journalistes que nous avions
changé la portion de lait donnée aux enfants à compter du
mois d'octobre, à la demande des diététistes, des gens qui
sont spécialistes en nutrition, qui disaient que...
M. Paradis: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: À l'ordre!
M. Garon: ... c'était mieux pour les enfants de donner 150
millilitres que ...
Le Président: M. le député de
Brome-Missisquoi, sur une question de privilège.
M. Paradis: Question de privilège, et, si vous
l'autorisez, question supplémentaire au ministre par la suite.
Le Président: Auparavant je me dois de reconnaître
le député d'Arthabaska. Je pense qu'il a droit à une
question additionnelle.
M. le député d'Arthabaska.
M. Paradis: Excusez. C'était ma question de
privilège à ce moment-ci, M. le Président.
Une voix: II a raison.
Le Président: Sur une question de privilège?
M. Paradis: Question de privilège.
Le Président: M. le député de
Brome-Missisquoi, sur une question de privilège.
M. Paradis: Je ne sais pas à quels journalistes le
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation faisait
référence, mais je l'invite à vérifier avec...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député d'Arthabaska, sur une guestion additionnelle.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous avez
peut-être mal interprété la question de privilèqe de
mon savant collègue de Brome-Missisquoi. Je vous soumets
respectueusement que vous ne lui avez pas permis de terminer sa phrase. Est-ce
que je peux demander, au nom de mon collèque, pour que vous saisissiez
bien que c'est une question de privilège...
Le Président: M. le leader de l'Opposition, je dois vous
dire que j'ai très bien saisi, surtout que le député de
Brome-Missisquoi, voyant qu'il ne pouvait poser une question additionnelle,
s'est servi de la question de privilèqe.
M. Paradis: Non, non, non.
Le Président: Je pense que la présidence,
après avoir entendu un député pendant quelques secondes, a
le droit de juqer s'il s'agit ou non d'une question de privilèqe. Comme
il ne reste que trois minutes avant la fin de la période de questions,
j'aimerais autoriser une question additionnelle au député
d'Arthabaska qui y a droit, je pense.
M. Levesque (Bonaventure): Dans les circonstances, puis-je vous
demander, M. le Président, une fois que nous aurons entendu le
député d'Arthabaska, pour respecter la présidence, si nous
pourrions entendre le député de Brome-Missisquoi sur une question
additionnelle ou une question de privilège? Quant à la question
de privilèqe, il pourra toujours la poser, M. le Président, sauf
le respect que je vous dois.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député d'Arthabaska.
M. Baril (Arthabaska): J'aimerais demander au ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, à la suite de
l'information qu'il nous a donnée, s'il peut, dans les jours qui
suivent, informer les commissions scolaires ou les comités de parents de
la continuation de ce programme. À cause des nombreux appels
téléphoniques que mes collègues et moi-même avons
reçus montrant l'inguiétude des parents et des commissions
scolaires à savoir que ce programme était fini? Est-ce que le
ministre a l'intention d'informer les commissions scolaires directement et les
comités de parents sur la continuité de ce programme pour
l'année 1982?
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. le ministre. 0 5 heures)
M. Garon: Si cela peut rassurer la population, il me fera plaisir
d'écrire aux présidents des comités de parents et aux
présidents des commissions scolaires puisque, hier, j'en ai parlé
à plusieurs journalistes.
Au moins sept ou huit ont téléphoné à mon
bureau et je peux vous dire que j'ai parlé, entre autres, à M.
Lacombe de Radio-Canada, à Québec, et on m'a dit qu'il avait fait
une nouvelle à 18 heures pour démentir la rumeur lancée
par le député de Brome-Missisquoi. J'ai également
parlé à M. Florent Plante, journaliste au Soleil, et je pourrais
donner des noms additionnels qui ont fait des démentis - il fallait que
je fasse du bureau dans mon comté aussi - à la suite d'une
déclaration de mon attaché de presse. La nouvelle était
toujours: Couper de moitié le lait dans les écoles en janvier
1982.
M. Paradis: Question de privilège. Des voix: Ah! Ah!
Ah!
Le Président: Je vous avise qu'il reste encore une minute
et demie, vous pouvez y aller d'une question additionnelle.
Question additionnelle, M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Est-ce que le ministre, qui vient de nous confirmer
que le programme a été réduit de 200 millilitres à
150 millilitres, peut également confirmer en cette Chambre que le
programme a également été réduit, dans le temps,
d'un mois, soit d'une semaine au début du semestre, une semaine à
la fin du premier semestre, une semaine au début du deuxième
semestre et une semaine à la fin du deuxième semestre?
Le Président: M. le ministre.
M. Garon: M. le Président, je pense que le
député de Brome-Missisquoi est en retard dans les nouvelles.
C'est un programme qu'on a mis au point depuis 1977. Au cours des
années, en 1978 ou 1979, on a commencé à donner le lait au
début d'octobre. Je pense que ça date de 1978, exactement, au
début d'octobre, parce que, au début, les écoles ne sont
pas assez bien rodées pour faire la distribution du lait, il y a des
changements de classe parmi les élèves et on arrête
habituellement vers la mi-décembre - je pense aussi que c'est depuis
1978 - et on recommence vers le 10 ou le 12 janvier pour que toutes les classes
soient présentes, car elles n'entrent pas toutes à la même
date. Je pense que c'est depuis 1978 qu'on fonctionne de cette
façon.
Maintenant, concernant la diminution des 200 millilitres à 150
millilitres, dès le début du programme, les comités,
formés d'une dizaine de personnes du ministère de
l'Éducation, du ministère des Affaires sociales, du
ministère de l'Agriculture, de la Fédération des
producteurs de lait, des présidents de l'association des
diététistes, de l'association des nutritionnistes, etc. se sont
posé la question: Est-ce qu'on devrait donner 150 millilitres ou 200
millilitres? Cette année, au cours de l'été, les gens
spécialisés dans la nutrition m'ont dit qu'il serait
préférable de donner 150 millilitres. Si on veut que je produise
la lettre, ça me fera plaisir de la déposer. Si des
spécialistes de la nutrition pensent qu'il serait
préférable de donner 150 millilitres, nous n'avons qu'à
acquiescer et c'est ce que j'ai confirmé tout à l'heure.
En aucun temps, selon ce qu'a déclaré le
député de Brome-Missisquoi, il n'a été question de
réduire le lait à la mi-janvier 1982.
Le Président: Fin de la période des questions.
À l'ordre, s'il vous plaît!
On m'informe que le ministre de la Justice aurait un complément
de réponse à apporter à une question posée par
l'Opposition la semaine dernière.
M. le ministre.
Écoute électronique
M. Bédard: Jeudi dernier, à la fin de la
période des questions, le député de Portneuf m'a
indiqué qu'une source l'aurait informé que la ligne
téléphonique de son bureau -2301 - à l'Assemblée
nationale faisait l'objet d'écoute par ou à l'instigation d'une
personne dont il m'a donné le nom. J'ai alors assuré le
député et les membres de cette Assemblée que des
vérifications seraient faites dans les circonstances. Je puis confirmer
que ces vérifications ont été faites et qu'aucune
écoute n'a été pratiquée par ou à
l'instiqation de cette personne sur la ligne téléphonique du
député ni sur celle d'aucun membre de l'Assemblée
nationale.
Je peux réaffirmer qu'en tant que Procureur
général, je n'ai pas autorisé personnellement de demande
d'écoute à l'égard de quelque député de
cette Chambre. Les directives sont claires: Dans le cas de
députés, une telle autorisation ne peut venir que du Procureur
général. J'ai également vérifié
auprès des procureurs de la couronne, qui sont expressément
délégués par le Procureur général pour
autoriser toute autre demande, si de l'écoute autorisée dans
d'autres dossiers aurait pu déborder sur la ligne
téléphonique que m'avait indiquée le député
de Portneuf. J'ai l'assurance que, de ce côté-là non plus,
aucune écoute n'a pu être faite sur ladite ligne
téléphonique ni par élarqissement de mandat, ni par
débordement technique, ni autrement.
Enfin, j'ai demandé aux autorités de la
Sûreté du Québec de vérifier si la personne que m'a
nommée le député aurait pu s'adonner à une telle
écoute de quelque façon que ce soit. Encore là,
vérification faite, rien de tel ne s'est produit. J'espère que
ces réponses sont de nature à satisfaire
le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Strictement un commentaire, M. le
Président.
Le Président: Commentaire.
M. Pagé: M. le Président, jeudi dernier, j'ai
soulevé cette question ici, à l'Assemblée. J'étais
en possession d'informations suffisamment sérieuses pour que je
soulève le fait à l'Assemblée nationale.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Pagé: M. le Président, au cours d'un entretien
privé que j'ai eu par la suite avec le Procureur général,
j'ai transmis à ce dernier les informations dont je disposais. Le
Procureur général a jugé mes informations suffisamment
importantes pour effectuer en fin de semaine les vérifications
appropriées et je l'en remercie. Le ministre de la Justice m'affirme
aujourd'hui qu'il n'y a pas eu d'écoute électronique même
illégale sur ma ligne téléphonique, je prends la parole du
ministre, je l'accepte et je présume qu'il a pris tous les moyens
disponibles pour s'assurer de l'exactitude de sa conclusion.
Le Président: Motions non annoncées. M. le leader
du gouvernement.
Réinscription de projets de loi
M. Charron: M. le Président, c'est à ce moment-ci
que le règlement me permet, en vertu de l'article 6, de faire une motion
pour réinscrire au feuilleton, maintenant que le débat sur le
message inaugural est terminé, certains projets de loi au nom du
gouvernement que je peux d'ores et déjà identifier. Il s'aqit du
projet de loi no 3 portant sur la Loi sur le fonds minier, au nom de M. Marois;
du projet de loi no 16, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec, au nom de
M. Duhaime; du projet de loi no 15, Loi sur l'abolition de la retraite
obligatoire et modifiant certaines dispositions législatives, au nom de
M. Lazure. Je voudrais faire motion, M. le Président, pour que soient
reconduits à l'étape où ils en étaient rendus lors
de la première session de la présente Législature les
présents projets de loi.
Le Président: Est-ce que la motion sera
adoptée?
M. Levesque (Bonaventure): Adopté.
Le Président: Adopté. Enregistrement des noms sur
les votes en suspens.
Question de privilège
Bulletin de nouvelle de TVA sur l'affaire de films
pornographiques
J'aimerais aviser la Chambre qu'en date d'aujourd'hui, à 12 h 53,
j'ai reçu la lettre suivante à mon bureau. M. le
Président, veuillez prendre avis que je désire soulever une
question de privilège avant l'appel des affaires du jour, tel que
prévu par l'article 49 de notre règlement. J'ai l'intention de
soulever cette question à la suite du bulletin de nouvelles
diffusé le jeudi, 14 novembre 1981, à 22 h 30, sur le
réseau TVA. Veuillez agréer, M. le Président, l'expression
de mes sentiments les meilleurs. C'est signé: Claude Charron. M. le
leader du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, vendredi matin, devant les
journalistes qui avaient bien voulu accepter mon invitation lancée en
catastrophe - c'est le cas de le dire - je soutenais très
sincèrement que je croyais avoir été non seulement le
témoin, mais la victime, par surcroît, d'un des coups les plus
salauds que j'ai vu être infligés à qui que ce soit en
politique, depuis que j'y suis, par le bulletin de nouvelles du réseau
TVA de la veille. Aujourd'hui, plus solide que vendredi, au milieu de
l'amitié de mes collègues et de mon parti, je n'en pense pas
moins qu'il s'est agi là et qu'il s'agit toujours d'une superbe
saloperie. Une saloperie, me dit-on, cela se trace d'abord à partir
d'une source qui est clairement intentionnée de salir un membre du
gouvernement et, souvent, par la courroie de transmission que peut constituer
un journaliste médiocre dont la naïveté ou le goût
maladif de la grandeur peut un jour conduire à porter atteinte à
la réputation d'un homme public, à son entourage et ensuite se
camoufler dans le mensonge.
Jeudi soir dernier, le journaliste de TVA, Bernard Chabot, affirmait:
"Qu'un membre du personnel du cabinet du leader du gouvernement". Plus loin
dans son intervention, il dira: "Une personne attachée au leader du
gouvernement". Donc, il disait qu'un membre du personnel de mon cabinet
était impliqué d'une manière qu'il s'appliquait d'ailleurs
à détailler dans l'affaire de la pornographie actuellement sous
enquête. Pire, plus blessantes, les images accompaqnant le texte
permettaient aux téléspectateurs que l'on disait être en
train d'informer de voir la porte de mon bureau personnel, la chambre 108 que
j'occupe sur cet étage avec l'inscription de mon titre à
l'entrée des bureaux que mon équipe et moi occupons dans cette
enceinte, M. le Président, que vous nous avez assiqnés. (15 h
10)
De cet événement, je n'ai à dire devant mes
collègues que ce qu'un adversaire plus souvent qu'à son tour en
tout cas de celui qui vous parle a aujourd'hui d'une manière
équitable et qui l'honore, M. Marcel Adam, choisi lui-même de
dénoncer dans la Presse. Il le fait mieux que je ne saurais le faire. Je
cite M. Adam: "Un journaliste a-t-il moralement le droit d'associer le nom d'un
homme public à une histoire nauséabonde dans laquelle rien
n'indique qu'il a été impliqué de quelque manière,
sans donner ses sources ni révéler le nom du coupable? N'est-ce
pas estropier gratuitement la réputation d'un ministre en même
temps que tout son personnel de soutien dont aucun membre masculin n'est
maintenant exempt de soupçon?"
Vendredi, le fond de mon intervention publique était de demander
le nom de cette personne ou, alors, la rétractation. Je me suis
personnellement rendu au siège social de TVA dans ma circonscription
électorale dès 16 h 30 vendredi après-midi. J'ai
rencontré M. Blain, le plus haut personnage de la hiérarchie de
TVA alors disponible. C'est le vice-président. Je lui ai transmis une
lettre et je lui ai expliqué le sens de ma démarche. Je ne
voulais pas taire une information. Au contraire, je demandais qu'elle soit
complète. Je ne lui demandais pas d'arrêter ses affirmations. Je
disais de les donner toutes.
Vendredi soir, alors que mon avocat et moi écoutions très
attentivement les bulletins de TVA, voici la suite que l'on a donnée
à ma requête. D'abord, le journaliste, dont la conscience
professionnelle doit sûrement connaître des tiraillements
actuellement - je le souhaite, en tout cas - a d'abord commis un mensonge.
Après avoir passé un extrait de celui qui vous parle, il m'a fait
une invitation dont je parlerai dans un instant et il a par la suite
glissé cette phrase: "Rappelons que le réseau TVA n'a jamais
voulu impliquer le ministre ni un membre de son personnel politique."
Je vous rappelle la phrase qui avait suscité mon indignation.
J'étais loin d'en être écarté. Le personnel
politique de mon cabinet était loin d'en être écarté
également. "Un membre du personnel du cabinet du leader du Parlement."
Ce n'est pas vrai que j'étais écarté. Ce n'est pas vrai
que le personnel politique de mon cabinet était écarté.
Quand TVA disait: "Rappelons...", TVA mentait. Et on se défilait par la
suite en disant: "Si le leader du gouvernement veut savoir le nom de cette
personne, il n'a qu'à le demander au ministre de la Justice."
M. le Président, j'ai vu jeudi soir le ministre de la Justice et
j'ai été très content de compter sur son amitié
à la suite de ce qui m'arrivait, mais je ne lui ai pas demandé si
l'enquête policière en cours comportait des noms de personnes
comme celui que semblait détenir et que semble toujours détenir
le journaliste, parce que, quand une enquête est en cours, M. le
Président, un jour une personne peut être sur le point
d'être impliquée, inculpée même et, le lendemain, une
information additionnelle permet complètement de la disculper. Tous ceux
qui ont occupé des postes - et je m'adresse à des gens qui
connaissent cette fonction - n'ont jamais en cours d'enquête
confirmé si telle personne ou telle personne était dans le
déroulement de l'enquête. Cela ne se fait pas. M. Adam explique
aujourd'hui: "Si l'enquête policière était terminée
et que le ministre de la Justice voulait en dissimuler le contenu pour des
raisons politiques, je comprendrais qu'un journaliste découvre le pot
aux roses, mais rien n'indique que ce soit le cas actuellement. L'enquête
est en cours et aussi longtemps qu'un rapport n'aura pas été
remis aux procureurs du ministère et que le ministère
lui-même n'en aura pas été saisi, il n'est pas possible
pour celui-ci de confirmer ou d'infirmer les allégations du reporter de
TVA."
Que TVA prenne ses responsabilités et assume ses
responsabilités d'une manière plus digne et plus honorable que
celle qu'il a offerte à la population du Québec jeudi et vendredi
soir dernier.
M. le Président, je ne veux pas qu'inculper le journaliste. Le
réseau TVA est bien connu comme étant le champion de la
télévision "cheap" au Québec et, en conséquence, M.
le Président, une saloperie de ce genre ne peut avoir droit de
séance en manchette, ne saurait avoir droit de séance en
manchette dans un réseau qu'on pourrait qualifier de doté d'une
vraie politique de l'information, où pareille saloperie aurait d'abord
été scrutée, vérifiée et, finalement,
rejetée parce qu'on aurait compris qu'il en allait gros de jouer de la
réputation des personnes, comme c'est le cas actuellement.
M. le Président, je ne me satisfais pas qu'en fin des nouvelles,
vendredi soir, on ait dit que je n'étais pas impliqué, que le
personnel politique que j'ai moi-même choisi n'était pas
impliqué et qu'on se contente de dire: Ce ne sont que des
fonctionnaires. Je ne suis pas à la tête d'un ministère de
5000 fonctionnaires où chacun peut se noyer dans l'anonymat. J'ai une
toute petite équipe dont j'apprécie, chaque jour, le
dévouement et la loyauté. Je n'aime pas, non plus, que chacun
d'entre eux, dans son milieu, au cours de la fin de semaine, du fait que
c'était maintenant rendu à un fonctionnaire de la fonction
publique rattaché au bureau du leader du gouvernement, ait
été raillé, soumis à des questions, à des
quolibets, à des allusions grossières. C'est en leur nom, cet
après-midi, non plus simplement au mien, que j'interviens pour dire
ceci.
"En quoi, dit M. Adam, est-ce servir l'intérêt public que
de souiller ainsi des réputations par l'infâme
procédé de la culpabilisation par association? Où est le
courage de celui qui éclabousse sous le couvert de sources anonymes si
ce pluriel n'est pas singulier? (...) Ce genre de reportage équivaut
à un "hit and run" qui dessert l'intérêt public en
salissant gratuitement l'intégrité d'un homme public, et porte en
même temps un dur coup au crédit de la profession
journalistique."
M. le Président, de ma place, en Chambre - c'est l'endroit
privilégié que des citoyens ont demandé que j'occupe - je
demande pour la dernière fois au réseau TVA et à son
journaliste de service qu'ils donnent, ce soir, le nom de cette personne, si
elle existe, afin que ni moi ni ceux qui travaillent avec moi n'ayons à
porter la responsabilité, mais cette personne uniquement. Si TVA ne
répond pas ce soir d'une manière honorable et satisfaisante,
j'indique qu'il y a non seulement des moyens légaux qui pourront
être utilisés, mais qu'il existe aussi l'article 46 de la loi de
notre Législature et l'article 81 du règlement de
l'Assemblée nationale qui permettront, si TVA ne veut pas faire justice,
que justice soit faite. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avis à la
Chambre.
M. le leader du gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Charron: C'est encore moi. M. le Président. Je voudrais
confirmer devant l'Assemblée que la consultation menée
auprès de l'Opposition nous a permis non seulement de nous entendre sur
le nombre de groupes que nous inviterons en rapport avec le projet de loi no 27
déposé la semaine dernière par le ministre des Affaires
sociales, mais aussi de confirmer tout de suite - les députés
pourront l'inscrire à leur calendrier - que les séances de la
commission des affaires sociales sur ce projet de loi, avant son débat
en deuxième lecture, auront lieu les mardi 8, mercredi 9 et jeudi 10
décembre. Si jamais nous n'avons pas terminé les auditions le in,
je garde en réserve le vendredi 11, de sorte que nous pourrions
entreprendre le débat en deuxième lecture au début de la
semaine qui suivra. Donc, commission des affaires sociales, audition de
mémoires sur le projet de loi no 27 les mardi 8, mercredi 9 et jeudi 10
décembre.
Avis de mini-débat
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de continuer, M. le
leader, j'ai reçu une lettre adressée au président:
"À la séance d'aujourd'hui, j'ai posé au ministre
d'État au Développement économique une question portant
sur le sujet suivant: les mesures que le gouvernement entend prendre pour
empêcher que la récente hausse de la taxe sur l'essence
n'entraîne la fermeture de stations-service dans la région de
l'Outaouais. (15 h 20) "Puisque je ne suis pas satisfait de la réponse
donnée, je désire me prévaloir des dispositions de
l'article 174 du règlement. Veuillez agréer, M. le
Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs. Signé:
Le député de Gatineau, Michel Gratton."
Donc, avis sont donnés au député qui pose la
question et au ministre responsable qu'il y aura débat, ce soir,
à la fin des travaux de l'Assemblée nationale.
M. le leader sur les affaires du jour.
Avis à la Chambre (suite)
M. Charron: M. le Président, je voudrais d'abord, si vous
me le permettez -j'aurais dû le faire au moment des avis; on me le
permettra sans doute - indiquer comment je vois le fonctionnement de
l'Assemblée pour cette semaine, qui est notre dernière semaine
selon le calendrier régulier et les heures de travail habituelles de
l'Assemblée.
Dans quelques instants, nous appellerons la motion qui est inscrite au
feuilleton au nom du premier ministre. Le débat s'engagerait donc sur
cette motion aujourd'hui et je prévois au moins la matinée de
demain; nous suspendrons vers 12 h 30, demain, afin de permettre la
réunion du Conseil des ministres et de permettre aux caucus, s'ils ont
lieu, d'avoir lieu.
Demain après-midi, ce n'est pas une journée qui
m'appartient; c'est au leader parlementaire de l'Opposition, tout à
l'heure, s'il le veut bien, d'indiquer la motion inscrite au nom d'un des
membres de son qroupe, qu'il choisira d'appeler.
Tout le monde a pu constater au feuilleton éqalement que le
député de Marguerite-Bourgeoys, au nom de l'Opposition, a choisi
d'utiliser un de ses droits reconnus dans le règlement, celui d'une
motion de blâme en vertu de l'article 24. Il faut donc prévoir,
dans le respect de notre règlement, que c'est la journée de jeudi
qui y sera consacrée. En conséquence, puis-je solliciter, M. le
Président, ne serait-ce que pour se préparer, du leader
parlementaire de l'Opposition la motion qui sera appelée demain
après-midi?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, pour
répondre au voeu exprimé par
le leader parlementaire du gouvernement, je m'empresse de lui indiquer
que nous avons l'intention de soumettre la motion suivante à l'attention
des parlementaires dès demain, après la période des
questions qui aura lieu à 15 heures. Cette motion est au nom du
député de Jean-Talon, M. Rivest, et se lit comme suit: "Que, de
l'avis de cette Assemblée, le gouvernement du Parti
québécois devrait cesser de contribuer à augmenter
davantage le coût de la vie des Québécoises et des
Québécois par des mesures comme la hausse de la taxe sur
l'essence, la hausse des tarifs d'électricité et la hausse des
frais d'immatriculation des véhicules automobiles."
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement, nous passons maintenant aux affaires du jour.
M. Charron: D'accord.
M. Lalonde: M. le Président, en vertu de l'article 34.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
Recours à l'article 34
M. Lalonde: II s'agit du projet de restructuration scolaire. Dans
le discours inaugural, on en parle de façon assez
générale. Est-ce que le leader est en mesure de nous indiquer
aujourd'hui si cela prendra la forme d'un projet de loi, avant l'ajournement de
Noël ou d'un avant-projet de loi ou d'autre chose dont l'Assemblée
pourrait être saisie?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Charron: À ce moment-ci, je ne crois pas que ce soit
déposé avant Noël pour l'excellente raison qu'il reste
très peu de temps. Mais si jamais j'avais une communication contraire
qui m'arrivait du Conseil des ministres ou du bureau du ministre de
l'Éducation, j'en préviendrai la Chambre.
M. Lalonde: Merci.
M. Caron: M. le Président, en vertu de l'article 34.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Verdun.
M. Caron: Le leader du gouvernement pourrait-il me dire si on
aura l'occasion d'examiner le bill privé de la ville de Montréal
avant les fêtes, ainsi que le projet de restructuration de la
communauté urbaine ou si ça sera reporté en janvier ou
février?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Charron: L'intention actuelle du gouvernement, au chapitre, si
on peut appeler ça ainsi, de la réforme de la Communauté
urbaine de Montréal, telle que mentionnée dans le discours
inaugural, c'est de mettre les bouchées doubles, actuellement, afin de
pouvoir déposer ce projet de loi, de sorte que l'audition de
mémoires sur ce projet de loi pourrait avoir lieu en janvier ou
février et qu'il pourrait être débattu à
l'Assemblée seulement dans la deuxième moitié de la
session.
M. Caron: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Verdun, toujours en vertu de l'article 34.
M. Caron: ... en question additionnelle, est-ce que ça
comprend aussi le projet de loi privé de la ville de
Montréal?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Charron: Je n'ai pas encore entendu parler d'un projet de loi
privé de la ville de Montréal. J'espère que ce ne sera pas
encore la vieille tradition de nous arriver à la dernière minute.
Si quelqu'un de la ville de Montréal nous entend aujourd'hui... Je me
demande même si je ne devrais pas leur téléphoner pour les
prévenir que, s'ils veulent voir leur loi adoptée pour Noël,
ils ont jusqu'à lundi prochain, comme nous tous, pour la
déposer.
M. French: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Westmount.
M. French: ... en vertu de l'article 34 aussi, je voudrais poser
une question au leader parlementaire du gouvernement, s'il veut bien
m'écouter.
M. Charron: Excusez-moi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Charron: Je m'excuse auprès du député. Le
ministre des Affaires municipales me dit que l'essentiel du projet de loi
émanant de la ville de Montréal, le traditionnel projet de loi de
la ville de Montréal, est déjà entré. Donc, je ne
voudrais pas leur reprocher d'être en retard cette année. Je
m'excuse.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Westmount.
M. French: En vertu de l'article 34, je veux poser une question
au leader du gouvernement, à savoir si la Loi sur la refonte de la Loi
sur les caisses d'épargne et de crédit serait, en quelque sorte,
jointe à la loi transitoire qui touche en particulier les caisses
d'entraide économique ou si les deux mesures seraient
séparées.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
Une voix: C'est séparé, Claude. Épargne et
crédit...
M. Charron: C'est cela. C'est toujours la même information
que je vais donner au député qui pose la question pour la
troisième fois. Ce qui concerne les caisses d'entraide et qui, en
quelque sorte, permettra, je dirais, de donner une structure juridique à
ce qui se discute actuellement à travers les caisses d'entraide, c'est
un projet de loi qui sera déposé au plus tard lundi prochain et
qui devra être soumis à l'attention de l'Assemblée pour
adoption, autant que possible, avant Noël. Pour ce qui est de l'autre, qui
est un superprojet de loi éminemment compliqué, le maximum que
nous pourrons faire - je doute même qu'on le dépose avant
Noël - c'est plutôt dans la deuxième moitié de la
session.
Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 34,
M. le député de Richmond.
M. Vallières: En vertu de l'article 34. Est-ce que le
leader peut nous indiquer si la commission parlementaire visant à
entendre des intervenants sur le projet de loi créant un fonds minier au
Québec aura lieu avant les fêtes ou après?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Charron: Après Noël.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Affaires du jour.
M. le leader.
Motion constituant une commission
spéciale
aux fins de reviser la Loi sur la
fonction publique
M. Claude Charron
M. Charron: Juste un mot avant que vous ne donniez la parole au
premier ministre, M. le Président. Après une consultation
menée auprès de l'Opposition, il y a une double motion en mon nom
au feuilleton que je souhaiterais voir adopter par l'Assemblée
immédiatement et, autant que possible, sans un débat trop long.
Mes collègues, dans quelques minutes, me dit-on -c'est pour cela que je
voudrais que ce soit chose faite - avec d'autres collègues de
l'Opposition qui ont collaboré à la création de cette
commission spéciale de l'Assemblée nationale sur la fonction
publique, donc des collègues des deux côtés de la Chambre
présenteront conjointement, dans quelques minutes, à la presse
cette réalisation. Je leur laisse donc le soin de le faire. Ce que je
souhaiterais, c'est que, des deux côtés de la Chambre, on puisse
annoncer cette commission comme une réalisation et non pas comme un
projet. Il suffirait, en ce sens, que l'Assemblée adopte la motion qui
est à l'article 2 du feuilleton, M. le Président. Peut-être
devrais-je vous laisser, à vous, le soin de lire cet article 2 du
feuilleton et la motion en mon nom.
Le Vice-Président (M. Jolivet): "Que cette
Assemblée crée une commission spéciale de
l'Assemblée nationale dont le mandat serait le suivant: "aux fins de
révision de la Loi sur la fonction publique, formuler des propositions
sur ce que devrait être le rôle de la fonction publique en
examinant sa composition, sa structure, sa gestion et son organisation; "avant
le 3D mars 1982, la commission fera ses recommandations à
l'Assemblée nationale sur les règles et les pratiques de la
fonction publique de nature à accroître son efficacité et
sa responsabilité au service du public et de l'administration
québécoise. La commission devra notamment: "1. recommander les
voies de solution à privilégier et les stratégies de
changement à adopter de façon à mieux servir la
société des années 80; "2. dans la perspective d'une
utilisation optimale des ressources humaines, identifier les voies de solution
à privilégier en fonction des contenus suivants: "a) recrutement;
"b) régimes des emplois et des carrières; "c) régimes de
relations de travail; "d) conditions de travail; "e) droits et devoirs; "f)
structures et responsabilités; "g) composantes de la gestion; "h)
assises légales, réglementaires, énoncés de
politigues, directives administratives."
Est-ce que cette motion sera adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader.
M. Charron: M. le Président, je propose
que les membres de cette commission spéciale de
l'Assemblée nationale - d'ailleurs, cette liste a été
faite après consultation -soient: Mme la députée de
Dorion, Huguette Lachapelle; M. le député de Roberval, Michel
Gauthier; M. le député de Champlain, Marcel Gagnon; Mme la
députée de Chomedey, Mme Bacon; M. le député de
Papineau, M. Mark Assad; M. le député de Jean-Talon, Jean-Claude
Rivest; et que M. le député de Sainte-Marie, Guy Bisaillon, en
soit le président. (15 h 30)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader.
M. Charron: M. le Président, je vous prierais d'appeler
l'article 1 du feuilleton d'aujourd'hui, s'il vous plaît.
Motion déterminant les conditions sans
lesquelles le Québec ne peut accepter le projet
de rapatriement de la constitution
Le Vice-Président (M. Jolivet):
L'Assemblée nationale du Québec, rappelant le droit du
peuple québécois à disposer de lui-même, et
exerçant son droit historique à être partie prenante et
à consentir à tout changement dans la constitution du Canada qui
pourrait affecter les droits et les pouvoirs du Québec, déclare
qu'elle ne peut accepter le projet de rapatriement de la constitution, sauf si
celui-ci rencontre les conditions suivantes: 1. On devra reconnaître que
les deux peuples qui ont fondé le Canada sont foncièrement
égaux et que le Québec forme, à l'intérieur de
l'ensemble fédéral canadien, une société distincte
par la langue, la culture, les institutions, et qui possède tous les
attributs d'une communauté nationale distincte; 2. le mode d'amendement
de la constitution a) ou bien devra maintenir au Québec son droit de
veto, b) ou bien sera celui qui a été convenu dans l'accord
constitutionnel signé par le Québec le 16 avril 1981 et
confirmant le droit du Québec de ne pas être assujetti à
une modification qui diminuerait ses pouvoirs ou ses droits et de recevoir, le
cas échéant, une compensation raisonnable et obligatoire; 3.
étant donné l'existence de la Charte québécoise des
droits et libertés de la personne, la charte des droits inscrite dans la
constitution canadienne ne devra inclure que: a) les droits
démocratiques; b) l'usage du français et de l'anglais dans les
institutions et les services du gouvernement fédéral; c) les
libertés fondamentales, pourvu que l'Assemblée nationale conserve
le pouvoir de faire prévaloir ses lois dans les domaines de sa
compétence; d) les garanties quant à l'enseiqnement de la langue
des minorités anglaises ou françaises, pourvu que le
Québec reste libre d'y adhérer volontairement, puisque sa
compétence exclusive en cette matière doit demeurer totale et
inaliénable et que la situation de sa minorité est
déjà la plus privilégiée au Canada; 4. on donnera
suite aux dispositions déjà prévues dans le projet du
gouvernement fédéral concernant les droits des provinces à
la péréquation et à un meilleur contrôle de leurs
richesses naturelles.
M. le premier ministre.
M. René Lévesque
M. Lévesque (Taillon): Merci, M. le Président. Les
circonstances ont fait que c'est la deuxième fois que je me lève
ici en Chambre. La première, c'était au moment de la
réplique à la fin du débat sur le discours inaugural, si
j'ai bonne mémoire. Donc, c'est la deuxième fois que je me
lève pour parler de cette motion, sans compter - ce sont les
circonstances qui ont voulu cela aussi - que j'ai eu à quelques reprises
au moins à en parler et à en traiter également à
l'extérieur de la Chambre. Je vais tâcher d'être aussi bref
que possible. L'essentiel de ce que nous avons à dire de ce
côté-ci, sur l'ensemble de la question, est déjà
bien connu.
Ce sujet constitutionnel, nous savons bien - cela nous arrive à
nous aussi - qu'il y a beaucoup de gens qui en sont fatigués, qui
voudraient passer à autre chose. Et nous aussi. Il y a tant de
problèmes qui sont criants et qui nous touchent cruellement de jour en
jour, par les temps qui courent, il y a tant de choses à faire
également, tant de choses concrètes qui sont indispensables, que
cette bataille, qui est aujourd'hui purement défensive, tout le monde a
hâte d'en sortir. Il y a quand même une chose qui demeure
essentielle, c'est qu'il faut en sortir honorablement, d'une façon qui
ne cède pas sur l'essentiel. Et l'essentiel, ce sont tous ces droits et
tous ces pouvoirs sans lesquels - il faut se mettre cela dans la tête une
fois pour toutes, ou alors renoncer, jusqu'à un certain point, à
être responsables, comme Québécois, surtout quand on a
été élus par les Québécois pour le
Québec - le Québec ne serait jamais entré dans le
régime fédéral, ce régime n'aurait jamais
existé, en tout cas, n'aurait pas existé pour le
Québec.
Curieusement, à l'époque impériale, où on
était encore, il n'y avait pas d'obliqation, il n'y avait pas de
"railroading" unilatéral, cela s'est négocié entre des
gens qui étaient
des colonies, mais à qui on laissait la dignité de pouvoir
se décider librement. C'est cela que cela veut dire, essentiellement,
cette expression un peu rebattue que l'on emploie souvent "les peuples
fondateurs". Je sais qu'il y a des gens chez nos concitoyens autochtones, par
exemple, qui trouvent tout à coup dans le contexte actuel l'expression
un peu excessive, parce qu'ils se disent - et je les comprends -
qu'après tout, l'habitat que constitue le Québec, ils
étaient là avant nous.
Mais il s'agit simplement de la création d'une institution
politique et là, l'expression est absolument authentique. Il y avait une
négociation fondamentale entre deux peuples qui sont deux nations aussi.
C'est ce qui illustre, par exemple, ces deux couples restés plus ou
moins légendaires dans l'histoire des constitutions qui se sont
succédé ici, celui de Lafontaine et Baldwin et celui de Cartier
et Macdonald. Donc, ces deux entités ont permis la réalisation de
ce régime fédéral.
Il y en a qui diront, il y en a qui le disent, chacun à sa
façon, bien sûr: Oui, c'est vrai, mais le monde a tellement
évolué depuis 1867. C'est vrai, mais il n'a pas
évolué dans le sens qui nous amènerait, d'aucune
façon, à laisser tomber quoi que ce soit de ce qui nous
appartient comme collectivité; c'est le contraire. Si le monde a
évolué, le Québec a évolué avec et surtout
à une vitesse qui s'accélère depuis au moins une
génération. C'est plutôt dans le sens inverse, quant
à nous, que le monde a évolué, dans le sens où il
nous faut obtenir davantage après 114 ans. Cela fait plus d'un quart de
siècle, depuis la bataille de M. Duplessis à propos de la
récupération de l'impôt - je situe cela à peu
près là, autour de 1954, il y a plus d'un quart de siècle
-qu'à Québec chaque gouvernement, quelle que soit sa couleur, se
tue à répéter que la pression monte, que le Québec
est de plus en plus gêné aux entournures, à mesure qu'il
devient une société aussi moderne que toutes les autres et que,
à certains points de vue, il est à l'avant-garde.
Depuis la révolution tranquille surtout, il y a ici une
société distincte, une nation -je sais que le
député de Notre-Dame-de-Grâce ne sera pas contre, il en
trouve, lui aussi, des nations - qui est sortie...
M. Scowen: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: M. le député, sur une question
de privilège.
M. Scowen: Je conteste ce que le premier ministre vient de dire.
J'ai toujours soutenu et je continue de soutenir...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le premier ministre, vous avez la parole.
M. Lévesque (Taillon): Je voulais simplement signaler, et
plutôt par courtoisie, une récente intervention écrite du
député de Notre-Dame-de-Grâce, mais, si c'est pour
créer un malentendu, je retire ce que je disais.
Chaque gouvernement qui a succédé à un autre
gouvernement, depuis au moins un quart de siècle, se tue à
répéter que non seulement il y a ici une nation, mais une nation
qui est sortie récemment, et à une vitesse d'autant plus rapide
que les retards avaient été accumulés, d'une sorte
d'isolement folklorique dans lequel elle était confinée, une
société et une nation qui, d'année en année, sent
ce régime fédéral comme quelque chose de plus en plus
étriqué, un peu comme si un jeune adulte taillé
normalement, qui a atteint sa taille, continuerait d'être obligé,
de force, de porter ses vieilles affaires du temps de son enfance. Cela
éclate et cela éclatera de plus en plus.
Cela a été balisé par des slogans que tout le monde
connaît comme: Maîtres chez nous, Égalité ou
indépendance, Québec d'abord, des plus originaux et des plus
banals. De toute façon, derrière ces slogans, c'était la
pression qui montait; ce n'était pas venu tout simplement par
imagination politicienne, ça essayait de refléter en raccourci ce
qu'on sentait dans notre société. Derrière cela, à
travers toute la diversité de ces pressions montantes, combien y a-t-il
de sujets, de revendications justifiées, repoussées, reprises,
qui ont jalonné ce quart de siècle à propos des politiques
sociales, à propos des communications, à propos des prisons et
des tribunaux, à propos des relations internationales, etc.?
Ce que cela a représenté de temps, d'énergie,
d'argent, la plupart du temps gaspillés en pure perte, c'est
incalculable! Mais l'an dernier, en septembre 1980, alors que sur quelques-uns
de ces sujets étaient dans le paysage, avec toutes les revendications
qu'on véhiculait à ce sujet depuis 25 ans, Ottawa claquait la
porte brutalement après la pseudo-négociation que personne n'a
complètement oubliée. Cela veut dire que d'aucune façon
qui soit concrète, qui soit cohérente ce long et épuisant
combat de gouvernements successifs n'a réussi à faire
céder le régime d'aucune façon, ne l'a amené
à donner au Québec des marges de manoeuvre additionnelles;
d'autres provinces en ont senti le besoin en cours de route, mais c'est au
Québec que le problème est venu au monde et qu'il s'est
développé. Mais, d'aucune façon, cela n'a amené
aucune de ces marges de manoeuvre additionnelles dont le besoin était
pourtant de plus en plus évident et devient encore de plus en plus
évident.
(15 h 40)
Non seulement cela n'a rien amené de ce
côté-là, au contraire, depuis l'an dernier, le gouvernement
libéral de M. Trudeau qui représente le paroxysme de la tendance
et de la tentation centralisatrice qui est foncièrement unitaire dans ce
pays, surtout du côté du Canada anqlais - cela ne sert à
rien de se voiler la face et de faire semblant que ce n'est pas vrai - ce
gouvernement libéral de M. Trudeau, avec quelques politiciens dont les
principaux, hélas, sont québécois eux-mêmes et cette
toute-puissante technocratie anglophone qui règne à Ottawa, ce
gouvernement a lancé, exactement à l'inverse de toutes les
tendances normales et de tout ce qui était revendiqué, une
offensive sans précédent dont le but essentiel, à peu
près unique, est de diminuer nos droits et de charcuter nos pouvoirs
tels qu'ils existent.
À ce propos, depuis un an, c'est la troisième motion qui
vient devant l'Assemblée nationale et qui touche à ce projet
fédéral auquel, au début de ce mois, se sont
ralliés neuf gouvernements anglophones, dont sept en dépit de
tous leurs engagements les plus solennels. De ces trois motions, la
première est celle du 21 novembre 1980 à laquelle les
libéraux, ici en cette Chambre, ont refusé leur assentiment et
qui se terminait ainsi: "L'Assemblée nationale met en garde le Parlement
britannique contre toute intervention dans les affaires canadiennes par
l'adoption de quelque modification à l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique qui n'aurait pas l'appui du gouvernement du Canada et, en
particulier, du Québec.
Pourquoi ce dernier membre de phrase? Pourquoi ce "en particulier, du
Québec"? Pour des raisons historiques d'abord, bien sûr, qui ont
établi là aussi ce qu'on appelle une convention et pour la raison
fondamentale, qui est là depuis 114 ans et qui sera toujours là,
qui est tout simplement ce qu'on appelle la dualité canadienne,
c'est-à-dire l'existence de ces deux nations, deux nations aussi
complètes, aussi foncièrement éqales, aussi en droit
d'exiger leur sécurité et leur chance de développement
l'une que l'autre. L'absence de l'une de ces nations et de ses
représentants légitimes rend automatiquement illégitime
toute entente constitutionnelle où elle n'est pas partie prenante,
surtout quand elle la refuse parce qu'elle est faite à son
détriment.
Je lisais aujourd'hui, mais ce qui a été écrit
hier, paraît-il, à Londres, l'opinion d'un éminent expert
britannique très versé, d'ailleurs, dans les choses canadiennes,
le professeur John Conway. Il est allé plus loin que moi je pourrais
aller, même dans des moments d'indignation maximale. M. Conway
écrit simplement ceci: Une telle entente constitutionnelle conclue sans
le Québec "would be a farce and a disgrace", une farce et une honte. Sur
cet aspect fondamental de la question, je dois dire d'ailleurs à la
Chambre que, dès demain, le gouvernement a l'intention de poser un geste
concret, un geste qui va rejoindre directement cette insistance que nous
mettons, que nous ne pouvons pas ne pas mettre, sur la nécessité
du consentement québécois.
Parlons un instant, si vous voulez, de la deuxième motion qui a
jalonné cette année, à partir du coup de force d'Ottawa.
Cette deuxième motion est récente, il n'y a pas deux mois,
c'était le 2 octobre 1981, au lendemain de la décision de la Cour
suprême. Cette fois, cette motion a obtenu l'unanimité des partis,
en tout cas. Ce que nous établissions ensemble notamment, et c'est au
coeur même de cette motion, c'est que l'Assemblée nationale
s'oppose à tout geste qui pourrait porter atteinte à ses droits
et affecter ses pouvoirs sans son consentement. Depuis lors, on sait ce qui
s'est passé. La façon dont le Québec s'est trouvé
isolé, trahi - il n'y a pas d'autre mot - et spolié en même
temps, je l'ai décrite à plusieurs reprises. D'autres l'ont fait
avec plus de détails encore que je pouvais en mettre. Je ne
recommencerai pas aujourd'hui. Je dirai simplement ceci: C'est qu'assez vite
avant que cela s'estompe dans la mémoire qui est toujours cette
faculté qui oublie, il va falloir que ce soit raconté en
détail, avec précision, avec pièces à l'appui pour
l'édification non pas des générations futures, mais des
Québécois et des Québécoises d'aujourd'hui qu'on
s'acharne, non seulement à partir d'Ottawa, mais dans trop de coins du
Québec lui-même, à garder dans la plus totale des
confusions.
Depuis trois semaines, par exemple, on ne cesse dans tous ces milieux de
nous seriner le mot "négociations". Ce mot, dans les circonstances, ne
peut signifier qu'une chose: aller négocier à la baisse
l'honnêteté et la bonne foi, souvent étirée au
maximum, que nous avons mises pendant un an et demi à tâcher d'en
arriver à une entente honorable et respectable avec laquelle on pourrait
vivre à l'intérieur de ce régime. Pour ces gens qui
serinent sans arrêt leur refrain, il faudrait maintenant qu'on retrouve
cette même bonne foi pour aller marchander tel ou tel adoucissement d'une
manoeuvre qui est totalement inacceptable en soi. On irait néqocier une
espèce de récupération partielle, tronquée de
droits et de pouvoirs qui doivent demeurer intangibles. Si 114 ans de
régime fédéral prouvent guelque chose, cela prouve au
moins ça.
C'est sans précédent, ce qui se passe et, dans ce
drôle de chassé-croisé qui dure depuis trois semaines, on
voit se promener de Québec à Ottawa, d'Ottawa à
Québec le chef provincial de l'Opposition libérale, le chef
fédéral de l'Opposition conservatrice,
une éminente poignée de ces libéraux
fédéraux qui nous trahissent comme peuple et une autre
poignée d'experts ou d'observateurs professionnels. Et on cherche -on ne
peut pas s'empêcher de le faire - ce qui peut motiver tout ce branle-bas,
toutes ces pressions qui sont souvent franchement morbides, pour nous amener
à plier, c'est-à-dire à bazarder ce qui, depuis plus d'un
siècle, fait partie de l'essentiel.
On peut hasarder des hypothèses. Il y a évidemment chez
beaucoup la remontée en surface de ce bon vieux complexe minoritaire qui
n'est pas encore complètement guéri et qui nous a
créé ce proverbe qui est à peu près unique au
monde, qu'on n'entend plus, heureusement, mais qui flotte encore quelque part
à l'arrière-plan de certains esprits: On était né
pour un petit pain. Par conséquent, si on nous coupe notre petit pain,
il faut s'arranger pour voir s'il n'y a pas des miettes à ramasser.
À l'autre extrême, il y a ceux qui, en dépit de tous les
efforts qu'on y a mis depuis si longtemps pour suivre correctement les
règles du jeu, ce qu'on appelle en anglais et qu'on ne pratique pas
toujours, le fair play, nous soupçonnent malgré tout d'avoir sans
cesse les arrière-pensées de méchants séparatistes.
On ne peut pas leur enlever cela de l'esprit, qu'ils s'arrangent avec.
M. Marx: ...
M. Lévesque (Taillon): On a des convictions
indépendantistes, oui! Oui, M. le député de D'Arcy McGee -
cela vous dérange? - et on ne les a jamais cachées, mais il y a
une chose, par exemple. Nos convictions ne nous empêchent pas de jouer
"fair", comme on dit en anqlais. Allez donc dire à vos amis, avec qui
vous avez partagé d'autres tribunes, d'essayer d'en apprendre autant et
dites-leur en anglais pour qu'ils comprennent.
M. Marx: Question de privilège!
Le Président: M. le député de D'Arcy McGee,
sur une question de privilège.
M. Marx: Le premier ministre s'énerve aujourd'hui. Je ne
sais pas pourquoi, mais il m'a dit quoi dire et j'aimerais savoir de sa bouche
quoi dire.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le premier ministre, vous avez la parole.
M. Lévesque (Taillon): Aussi, avec tout cela, M. le
Président - et cela, je le sais, parce qu'on est habitué presque
professionnellement à le sentir - dans ce chassé-croisé
des trois dernières semaines, il y a des adversaires qui sont
évidemment savamment calculateurs - on ne peut pas leur en vouloir, sauf
qu'il s'agit quand même de quelque chose d'assez fondamental pour
justifier difficilement des calculs qui dépassent comme le jupon - et
qui nous poussent dans le dos et qui attendent le jour où nous aurions
peut-être cédé sur quoi que ce soit pour nous crucifier
aussitôt avec volupté, une volupté d'ailleurs qui leur met
déjà l'eau à la bouche par anticipation.
Tout cela fait vraiment un beau spectacle, un spectacle auquel cette
troisième motion que nous abordons aujourd'hui, quant à nous, en
tout cas, devrait mettre un terme. Cette motion est en parfaite
cohérence quant à l'essentiel avec les deux autres,
c'est-à-dire quant à l'obligation du Parlement
fédéral, éventuellement celui de Westminster aussi, de ne
procéder à aucune modification affectant les pouvoirs de cette
Assemblée, c'est-à-dire les pouvoirs du Québec et ses
droits, sans son consentement. Le fond, c'est cela et ce que dit la motion,
elle établit les conditions que le gouvernement du Québec veut
voir... (15 h 50)
Que dit la motion? Elle établit les conditions que le
gouvernement du Québec veut voir acceptées avant de donner son
consentement à quelque projet constitutionnel que ce soit. Au nom du
gouvernement, je tiens à réaffirmer pour la ènième
fois qu'il s'agit là d'exigences minimales et non pas d'une vague base
de négociation. Des compromis, nous en avons fait, nous en avons
accepté jusqu'à la limite extrême du possible comme
gouvernement du Québec. Pour cette raison, il me faut dire d'avance que
nous n'accepterons aucun amendement à notre résolution qui
risquerait de l'affaiblir quant au fond, c'est-à-dire qui voudrait
introduire une ouverture à une pseudo-négociation qui
déboucherait sur une diminution des pouvoirs du Québec.
Il y a un seul amendement, pour l'instant, que nous prévoyons
introduire nous-mêmes, surtout avec ce qui vient de se passer,
après toutes les tractations dont on a eu des échos dans les
journaux, concernant les droits des femmes dans le reste du Canada, où
on a eu la bonté de consentir finalement à améliorer
certaines positions. Afin de diminuer l'ambiguïté qui peut
traîner à cause de cela, il y aura un amendement que nous
présenterons probablement avant la fin de la journée, et ma
collègue, la ministre d'État à la Condition
féminine, sera chargée, si elle le veut bien, de le formuler.
Cela étant dit, si Ottawa et le Canada anglais acceptent nos
demandes, nous l'avons fait savoir de façon très claire, nous
sommes prêts à signer un accord avec Ottawa et les autres
provinces.
Dans cette motion, il s'agit de la dualité canadienne. Il y a des
gens qui pourraient dire: Cela devrait aller plus tard, etc. Il y a des gens
qui sont toujours prêts à attendre plus tard, jusqu'à ce
que, tout à coup, ça ne veuille plus rien dire ou, alors, qu'on
ait passé l'occasion. Il s'agit de la dualité canadienne. Il ne
faudrait pas oublier que cette dualité s'est exprimée d'une
façon plus éloquente que jamais le 5 novembre dernier, il n'y a
pas tellement de jours, alors que le Canada anglais préparait et signait
avec Ottawa un accord sans la participation et, bien sûr, sans
l'adhésion du Québec, c'est-à-dire en mettant à
l'écart les représentants légitimes d'un des deux peuples.
Ils étaient non seulement écartés, mais on profitait de
leur absence pour faire une opération politique à leur
détriment. Cela, ce sont des faits que personne ne peut nier. On pourra
assigner toutes les motivations qu'on voudra, ce sont des faits. Les faits sont
têtus, comme quelqu'un l'a déjà dit.
Pour aller plus loin, quelle plus belle illustration de cette
dualité canadienne peut-on trouver que cette fameuse lettre qui vient
d'atterrir dans les journaux grâce à la conscience d'une dame de
l'Ontario qui ne pouvait plus porter ça avec l'indignation qu'elle
ressentait: Cette fameuse lettre d'un M. William Davis, premier ministre de
l'Ontario, établit clairement - dans son esprit, c'était pour
rassurer cette citoyenne ontarienne - que la charte fédérale, ce
beau camouflage des droits, est dirigée essentiellement, on peut dire
quasiment exclusivement - on n'a pas besoin d'extrapoler beaucoup de la lettre
de M. Davis pour comprendre - contre le Québec puisque c'est la seule
province qui sera véritablement touchée par ses effets. Comme le
dit M. Davis: Ne vous inquiétez pas, en Ontario, ça ne changera
rien. D'autant plus que c'était déjà arrangé pour
éliminer l'article 133 de la constitution, c'est-à-dire la
reconnaissance institutionnelle du français pour l'Ontario. Cela, c'a
été le marchandage initial avec M. Trudeau.
Pour le reste, c'est agencé de telle sorte que M. Davis peut dire
en toute confiance: Cela ne changera rien. C'est ce qu'on appelle le
marché de dupes pour nos minorités. Le Québec sera le seul
touché, dit M. Davis. Soit dit en passant, c'est non seulement la loi
101 du gouvernement du Parti québécois, mais aussi, on peut dire,
a posteriori, la loi 22 de nos prédécesseurs libéraux,
qu'on voudrait éliminer à jamais. On a besoin de
considérer qu'il y a loin de la coupe aux lèvres de ce
côté-là dans n'importe quel système politique qui
est encore une démocratie. Ce qu'on voudrait éliminer à
tout jamais, c'est la possibilité pour le Québec, sous quelque
gouvernement que ce soit, de faire prévaloir son droit de se
protéger comme peuple francophone au Canada et dans l'ensemble de ce
continent. Pendant qu'on donne des miettes aux francophones répartis un
peu partout au Canada anglais, miettes dont se moquent aussi allèqrement
les uns que les autres - il suffit de lire la lettre de M. Davis et certaines
déclarations - les Davis, Bennett et compagnie, eh bien, nous, nous
exigeons - il me semble que c'est plus que le temps - que cette dualité
canadienne se manifeste autrement que par l'exclusion du Québec. Nous
réclamons qu'elle soit reconnue dans les textes et qu'elle le soit aussi
- c'est le reste de la résolution - au moins pour le minimum essentiel,
dans les faits.
Face à un premier ministre fédéral qui, dans ce qui
constitue un affront qui n'a rien de personnel, un affront sans
précédent tout de même à l'État même du
Québec et à son peuple, nie le droit du gouvernerment du
Québec de parler au nom du Québec; face aux députés
fédéraux libéraux qui, à l'exception d'un seul,
jusqu'à nouvel ordre, se font l'écho et les complices de la pire
attaque portée contre les droits de leur propre société
depuis le début, il y a 114 ans, de ce régime
fédéral; face à tout ça, il faut réaffirmer,
avec plus de force et de conviction que jamais, que l'Assemblée
nationale est la seule institution politique, la seule, qui soit vouée
exclusivement aux intérêts des Québécois et sur
laquelle ces derniers peuvent exercer un contrôle démocratique
complet. C'est à nous tous de nous souvenir de ça.
Bien sûr nous espérons que les membres de l'Opposition
à l'Assemblée nationale trouveront le moyen d'appuyer une motion
qui, il faut le répéter, pose des conditions qui sont un minimum
vital pour le Québec. Qu'on nous prouve le contraire!
Le chef de l'Opposition pourrait profiter de l'occasion - je l'en prie
encore une fois - pour dire de façon claire et nette, le cas
échéant, s'il aurait, lui, signé l'accord des dix, tel
qu'il était ou encore aujourd'hui, même, tel qu'il est. D'autant
plus qu'il m'a semblé, pendant cette dernière fin de semaine, si
les rapports sont exacts - ils n'ont pas été démentis -
que le chef de l'Opposition, à peu près en même temps que
M. Jos Clark, d'ailleurs - il y avait une heureuse coïncidence - avait
commencé à modifier et même à élargir ce
compromis -enfin c'est au chef de l'Opposition de le dire, c'est ce que j'avais
cru comprendre -qu'il avait élaboré très rapidement sur la
question centrale de la compensation en cas de retrait.
Quoi qu'il en soit, est-ce que c'est trop espérer qu'on puisse,
au cours de ce débat sur une troisième motion que les
circonstances nous imposent - étant le troisième, exactement le
même, cohérent sur l'essentiel, il n'y a pas de raison que ce
débat s'éternise, me semble-t-il - voir le Parti
libéral, à nouveau, sans se compromettre d'aucune façon -
il s'agit quand même du même essentiel que l'autre fois - se
rallier à nouveau à la position du gouvernement? Il me semble
qu'un parti québécois n'a rien à perdre là-dedans
et que le Québec a tout à gagner.
Si, par malheur, ce n'était pas possible, en tout cas, nous, au
gouvernement, nous considérons qu'en aucune façon la
légitimité des exigences posées majoritairement par
l'Assemblée nationale, n'est atteinte. Là, même si elle est
dissidente par rapport au contenu de la motion, j'espère que
l'Opposition ne pourra que souscrire à une telle affirmation, parce que
la légitimité des gouvernements, ça doit être
maintenu, sinon je ne sais pas très bien pourquoi on travaille à
essayer de faire prévaloir ses idées en arrivant au pouvoir.
Je résume très simplement. Ce que nous défendons
n'est pas compliqué, c'est l'intégrité de l'État du
Québec tel qu'il est; c'est sa spécificité indispensable
dans l'ensemble canadien et ce sont les droits du Québec, des
Québécois et des Québécoises, comme nation et comme
membres de cette nation, de cette société distincte.
Je n'irai pas aussi loin dans ma conclusion que ce passage que je viens
de lire. On m'a apporté, comme à d'autres membres de
l'Assemblée nationale, je pense, le livre que vient de publier
l'ex-député libéral, Mme Chaput-Rolland; je ne l'avais pas
lu encore, je n'en avais pas eu le temps, mais j'ai regardé la
conclusion, j'ai toujours cette tentation d'ancien journaliste et la
conclusion, avant les postfaces qui sont venues après, est ceci: "Une
constitution qui divise un pays n'est pas une constitution, c'est un document,
qui pour être légal, demeure contraire à toutes les
traditions qui ont fait la force de ce pays et qui, en même temps, ont
assuré au Québec des droits qu'il ne saurait perdre sans perdre
son âme et sa fierté. Si nous devions abandonner des droits, au
nom d'un fédéralisme dont plusieurs contestent l'équilibre
à cause du projet Trudeau, peut-être serait-il
préférable de les reprendre tous, pour n'en perdre aucun." (16
heures)
Je ne me serais pas servi moi-même de cette allusion à un
avenir que nous souhaitons et que les événements nous forcent
à souhaiter de plus en plus de tout notre coeur, de toutes les forces
que nous avons et de tout ce que nous allons pouvoir mettre d'énergie
dans les années à venir. Cela n'élimine pas la
possibilité d'une entente pour un fédéralisme vivable
pendant qu'il dure, mais moi, je ne l'aurais pas dit aujourd'hui, cela aurait
pu avoir l'air d'une provocation, ce que j'ai pris dans le livre que vient de
publier une de vos anciennes collègues, mesdames et messieurs de
l'Opposition, qui a servi, je pense, avec beaucoup de loyauté et
beaucoup d'énergie sur vos tribunes référendaires du non
et tout le long du chemin depuis 1976, si j'ai bonne mémoire, ou
à peu près, 1977, 1978, et qui, aujourd'hui, en arrive à
cette conclusion. C'est dire que nous qui voulons le plus -c'est sûr,
c'est notre conviction profonde -on va défendre jusqu'au bout le moins
que ce régime nous a accordé depuis 114 ans et qu'on n'a pas le
droit d'échiffer. Là-dessus, on ne pliera pas. Merci, M. le
Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté avec
beaucoup d'attention ce qu'a dit le premier ministre et je suis d'accord avec
lui - je l'ai signalé dès le soir du 5 novembre, la
journée où a été conclu l'accord constitutionnel
que nous discutons aujourd'hui - pour considérer que l'un des aspects
les plus regrettables de cette entente à laquelle en sont venus dix
gouvernements le 5 novembre dernier, c'est l'absence du Québec.
Je me suis rendu personnellement à Ottawa, vendredi dernier, pour
signaler au premier ministre du Canada et aux chefs des deux principaux partis
d'Opposition à la Chambre des communes qu'un véritable accord
canadien n'est pas pensable sans la participation du Québec. Par
conséquent, sur cette constatation de base, je pense qu'il y a accord
des deux côtés de la Chambre: nous déplorons cette absence
du Québec.
Je pense que nous nous entendrions également pour
considérer que, si l'on a conclu un accord entre dix gouvernements,
c'est-à-dire une entente à laquelle chaque gouvernement a
librement adhéré, il serait infiniment regrettable que, dans le
cas du onzième gouvernement, on ne procède point par accord, mais
par imposition autoritaire. Il me semble que la nature même du document
qui est issu de la conférence constitutionnelle du début de ce
mois-ci nous invite à rechercher par tous les moyens le même type
de conclusion en ce qui touche le Québec qu'en ce qui touche les dix
provinces déjà participantes à l'accord.
J'ai remarqué également, au lendemain de la
conférence constitutionnelle du début du mois, que certains chefs
de gouvernement sont rentrés chez eux en disant, comme M. Lougheed, par
exemple: "J'étais entré dans cette négociation en
poursuivant cing objectifs; je fais rapport aujourd'hui que j'ai obtenu
satisfaction sur chacun des cinq objectifs"' Je voyais, l'autre jour, un
feuillet publicitaire distribué par le gouvernement de
Terre-Neuve. M. Peckford, dans ce feuillet publicitaire, dit: "Je
poursuivais deux objectifs à la conférence constitutionnelle; je
les ai obtenus tous les deux." Il me semble qu'il faut pousser l'exercice plus
loin. Il me semble qu'il faut viser à ce que chacun des gouvernements -
pour nous, c'est le gouvernement du Québec qui est le plus important -
obtienne satisfaction de manière raisonnable. Jamais personne n'obtient
satisfaction de manière absolue. Lorsqu'il y a négociation, il
faut toujours un minimum de compromis et de composition.
Mais ceci étant dit, je pense que l'objectif est encore celui
d'une libre adhésion du Québec à un accord dont je
montrerai tantôt, M. le Président, qu'il n'a pas tous les
côtés apocalyptiques que veut bien laisser entendre le premier
ministre.
Je signale, en outre, que les choses ont bougé, du 2 au 5
novembre, bien des changements se sont produits à la conférence
constitutionnelle, par exemple, le gouvernement fédéral qui
préconisait jusque-là une formule d'amendement, d'une
manière qu'on pensait absolument inébranlable, a soudainement
choisi une formule que son chef lui-même avait critiquée à
maintes reprises au cours des mois précédents. On avait inclus
dans le projet fédéral une formule de référendum
permanent qui a fondu comme la glace au soleil pendant les discussions du 2 au
5 novembre. Il n'en est plus question maintenant. On vient de déposer
une nouvelle version du projet à la Chambre des communes, jeudi dernier,
je pense. Encore là, des changements sont intervenus par rapport au
texte que nous connaissions auparavant. Comme le texte n'a pas encore
été approuvé par la Chambre des communes, il est
raisonnable de penser qu'il peut encore être amélioré,
pourvu qu'on cherche à l'améliorer de bonne foi, et, je pense
aussi, dans un esprit de concertation.
C'est dans cette perspective qu'au lieu d'engager le débat sur
des voies de rhétorique usée et facile, je voudrais plutôt
cet après-midi procéder à un effort d'analyse sereine et
loyale afin de voir où sont les points de désaccord et aussi les
possibilités de jonction ou d'accord qui permettraient de sortir tout le
pays, en particulier le Québec, de cette impasse très très
déplorable où nous sommes.
Je voudrais proposer une règle très simple pour l'exercice
que nous allons faire. Le premier ministre lui-même, à l'issue de
la conférence d'Ottawa, signalait trois sujets de désaccord entre
le Québec et les autres gouvernements. Il parlait du problème de
la compensation financière à propos de la formule d'amendement.
Il parlait du principe de la libre circulation des personnes à travers
le pays, au sujet duquel son gouvernement disait avoir des réserves. Il
parlait enfin de cette partie de l'accord qui traite de la langue
d'enseignement pour les enfants des minorités.
Je pense que si nous voulons progresser, il faudrait s'en tenir à
ces trois sujets essentiels pour la discussion principale. Mais je veux bien,
comme on nous a proposé un texte plus large, l'examiner dans son
ensemble. Vous comprendrez qu'en cours de route, je devrai passer plus
rapidement sur certains points sans chercher à en escamoter aucun
cependant. Je devrai signaler au passage de nombreuses omissions que je
découvre dans la motion gouvernementale.
Procédons par étapes. Tout d'abord, je m'étonne,
entre parenthèses, que le premier ministre ait dit qu'il n'accepterait
pas d'amendement. Cela m'étonne royalement parce que je croyais qu'on
faisait une démarche ensemble. Je veux le rassurer, ce serait tellement
compliqué d'en proposer ici que je n'en proposerai point. Je vais
prendre les sujets les uns après les autres. Je ne sais pas si l'auteur
de la motion s'est rendu compte de la richesse de sa création, que cette
motion soulève au moins quinze sujets différents, y compris ceux
qui ont été omis et qui auraient dû y être. Nous
allons les prendre...
M. Lévesque (Taillon): Est-ce que l'Opposition voudrait
une précision?
M. Ryan: Pardon?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le premier
ministre.
M. Lévesque (Taillon): Si vous acceptez. Il faudrait tout
de même être conforme. Je me souviens avoir lu les mots en faisant
bien attention de ne pas m'en éloigner, parce que c'est ce que nous
pensons et il me semble que c'est logique: "Pour cette raison, il me faut dire
d'avance que nous n'accepterons aucun amendement à notre
résolution qui risquerait de l'affaiblir quant au fond." C'est tout.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Maintenant nous allons procéder à l'examen
de la motion. Je pense que cela nous permet de faire le tour du problème
qui se pose à nous, d'une manière constructive. Le
préambule contient deux affirmations principales: le droit à
l'autodétermination du peuple québécois;
deuxièmement, son droit historique à être partie prenante
à tout changement dans la constitution du Canada. (16 h 10)
Sur le premier point, le droit à l'autodétermination,
ça fait trembler bien des gens, M. le Président. Il y en a qui
s'inquiètent dès qu'on emploie ces
expressions-là. Je tiendrais à rappeler, pour le
bénéfice de nos concitoyens, qu'il y a longtemps que le Parti
libéral du Québec a affirmé ce principe
élémentaire. Dans le programme constitutionnel de mon parti, il
est écrit en toutes lettres: Le Parti libéral reconnaît le
droit du Québec de déterminer sa constitution interne et
d'exprimer librement sa volonté de maintenir l'union
fédérale canadienne ou d'y mettre fin. Il reconnaît, en
bref, le droit du peuple québécois à disposer librement de
son avenir.
En ce qui concerne la deuxième affirmation - le Québec,
partie prenante à tout changement constitutionnel au Canada -il n'y a
pas de problème de ce côté-là non plus. Nous sommes
justement à la recherche d'une solution à un problème qui
se pose à nous à cause d'omissions graves de ce
côté-ci. On pourrait, d'autre part, signaler qu'il y a bien des
choses qui devraient être dans cette partie de la motion et qui n'y sont
point. Par exemple, il est étonnant, après avoir rappelé
le droit du peuple québécois à disposer de lui-même,
qu'on oublie de rappeler que l'occasion s'est présentée pour le
peuple québécois de disposer de son sort pour l'avenir
prévisible. Il a choisi, le 20 mai 1980, de continuer à chercher
son avenir dans la voie du fédéralisme canadien. Il est
étonnant de constater qu'on ne fait, dans cette motion, aucune allusion
à la préférence nettement exprimée du peuple
québécois pour la voie fédérale canadienne
malgré les problèmes que peut poser cette option, c'est celle que
nous avons retenue ensemble le 20 mai dernier.
Tout ceci pour signaler une vérité très simple: Je
ne pense pas qu'il soit possible, dans un exercice d'une aussi brève
durée que le débat autour de la motion gouvernementale, de
trouver une entente entre le gouvernement et l'Opposition sur la formulation de
principes aussi fondamentaux que nous percevons, que nous l'aimions ou non,
à partir d'options différentes. Je respecte la formulation qui
est présentée ici et je vous dis, M. le Président, que
nous-mêmes nous formulerions cette introduction à la motion d'une
façon qui tiendrait compte de facettes de la réalité qui
n'ont pas autant d'importance du côté du gouvernement que du
nôtre.
Ensuite, continuons. Il y a le premier article de la motion où
l'on dit: "On devra reconnaître que les deux peuples qui ont fondé
le Canada sont foncièrement égaux et que le Québec forme
à l'intérieur de l'ensemble fédéral canadien une
société distincte par la langue, la culture, les institutions et
qui possède tous les attributs d'une communauté nationale
distincte; ". J'aurais mauvaise grâce de ne pas lire ces passages avec
assez de sympathie parce que je crois y reconnaître un bon nombre
d'expressions qu'il m'est arrivé d'employer moi-même au cours des
derniers mois et je dirais même des dernières années.
Il n'en reste pas moins, si nous pensons à un texte
constitutionnel, que la formulation qui est présentée ici laisse
à désirer à plusieurs points de vue. Je vais vous donner
des explications bien simples. Par exemple, quand on parle des deux peuples
fondateurs, je n'engagerai pas le débat sur le mot "fondateur", mon
collègue de Mont-Royal y reviendra quand il traitera de la question des
peuples autochtones dans la future déclaration des droits du Canada,
mais quand on parle du peuple francophone, il y a une tendance chez plusieurs -
qui se comprend, d'ailleurs - à identifier le peuple francophone avec le
peuple québécois. Or, la population francophone du Québec
est plus large que le peuple du Québec, et il arrive aussi que le peuple
du Québec est plus large que simplement le peuple francophone. C'est une
population qui est en grande majorité francophone, qui a donné sa
forme, son esprit, sa culture à l'ensemble des institutions qui nous
régissent et c'est aussi une population qui comporte une partie
importante de langue anglaise, d'autres langues et d'autres cultures.
Cela dit, nous sommes d'accord sur la nécessité d'inscrire
le principe de la dualité culturelle à la base de
l'édifice constitutionnel canadien. Ici, je pose une question au premier
ministre: Pourquoi, lorsque c'était le temps de le faire, le premier
ministre n'a-t-il pas insisté pour que ce principe soit inscrit dans un
texte auquel il a apposé sa signature et celle du gouvernement du
Québec, c'est-à-dire dans l'accord du 16 avril dernier?
J'ai devant moi le texte de cet acccord du 16 avril et je pense que
très peu de nos concitoyens ont eu la chance d'en prendre connaissance
parce que cela n'a jamais été débattu nulle part. On dit
en guise d'introduction à ce texte: "Plusieurs principes importants -
c'est M. le premier ministre du Québec qui parle, il est l'un des
signataires -ont présidé à la mise au point de notre
formule d'amendement. Premièrement, toute modification de la
constitution du Canada doit être soumise à l'approbation du
Parlement du Canada, sauf celles relatives à la constitution interne
d'une province," reconnaissant tout de suite en partant le droit de veto du
Parlement fédéral. Il a bien fait son devoir de ce
côté. On l'en félicite. Deuxièmement: "la formule de
modification doit reconnaître l'égalité constitutionnelle
des provinces comme partenaires égaux au sein de la
Confédération." Là il n'est pas question de
dualité. Il est question de dix provinces, si je comprends bien, et du
Québec comme l'une de ces provinces sur un pied d'égalité
avec les autres. Troisième principe: "La formule de modification doit
protéger la diversité du Canada." J'ai
cherché la dualité. Je l'ai lu à plusieurs reprises
et je ne la trouve nulle part là-dedans; on doit protéger la
diversité. Nous avons toujours soutenu de ce côté-ci de la
Chambre, M. le Président, que la diversité est un facteur
très important de la réalité canadienne, mais qu'elle
trouve son sens sur le fondement, quand on le conçoit, de la
dualité. Ce ne sont pas des réalités qui sont au
même niveau. Le premier ministre a approuvé volontiers la
diversité en sautant par-dessus le principe de la dualité.
Quatrième principe: "Aucune modification constitutionnelle
retirant aux provinces une compétence législative ou un droit de
propriété attribué par la constitution ne doit être
imposé aux provinces qui s'y opposent. Cinquièmement, la
procédure de modification doit faire montre d'équilibre,
n'être ni trop souple, ni trop rigide. Sixièmement, certaines
modifications ont une importance telle que les onze gouvernements doivent les
approuver." Par exemple: La monarchie. Le premier ministre considérait
que c'est tellement important la monarchie dans l'appareil constitutionnel
canadien qu'il fallait donner un droit de veto à chacune des dix
provinces si jamais nous voulions modifier cette institution. Encore ici...
Une voix: Encore la reine. M. Lalonde: Sauvons la reine!
Une voix: On ne sauve pas la langue, on sauve la reine!
M. Ryan: M. le Président, je cite des textes auxquels le
premier ministre et son gouvernement ont donné leur aval en avril
dernier. Je n'invente rien. Je vous dis: Le principe de la dualité, il
faudrait l'inscrire dans la constitution canadienne mais, si le premier
ministre prétend ouvrir tout ce débat actuellement, autant dire
qu'il ne veut pas négocier de solution concrète aux
problèmes qui subsistent actuellement en relation avec l'accord du 5
novembre dernier, et je vais y venir rapidement.
Troisième point: Le mode d'amendement. Je lis toujours la motion
du gouvernement. On dit: "Le mode d'amendement dans la constitution ou bien
devra maintenir au Québec son droit de veto... " Le premier ministre a
déjà abandonné le droit de veto en principe le 16 avril
dernier. Je pense que cela lui fait une belle jambe que de prétendre
qu'on voudrait maintenant vertueusement le recouvrer, mais je soutiens que,
dans l'accord du 16 avril, le droit de veto du Québec était
abandonné. Le principe du droit de veto, comme nous l'avons toujours
connu au Canada, n'y était plus. Le droit de veto, cela voulait dire
ceci jusqu'au 16 avril: Cela voulait dire que le consentement du Québec
était nécessaire pour toute modification constitutionnelle
importante au Canada. Ce n'était pas une règle écrite,
c'était l'une des conventions très chères au premier
ministre. C'est pour ça que, quand le gouvernement dont faisait partie
le premier ministre actuel en 1964 a refusé d'approuver la formule
Fulton-Favreau, le premier ministre du temps a remisé la formule dans
les tiroirs. Il l'a remisée aux archives parce que, comme le
Québec ne voulait pas de cette formule, il ne pouvait pas en être
question comme formule canadienne. Quelques années plus tard, quand le
gouvernement du Québec a refusé d'approuver la Charte de Victoria
en 1971, le premier ministre actuel du Canada a reconnu qu'il ne pouvait pas
aller plus loin parce qu'il y avait eu ce droit de veto du Québec, cette
décision du Québec de ne pas permettre qu'un accord
constitutionnel soit fait sans son consentement et sa participation. (16 h
20)
Avec la formule approuvée par le premier ministre, ce qui reste,
c'est très différent. C'est le droit du Québec dans des
amendements qui comportent un transfert de pouvoirs des provinces au
fédéral. Savez-vous combien il y en a eu depuis la
Confédération, M. le Président? Il y en a eu exactement
deux. Il y a eu celui des régimes de retraite, des pensions de
vieillesse en 1964. Il y a eu celui de l'assurance-chômage, je crois que
c'est en 1940. C'est tout ce qu'il y a eu. Là, il y a un droit de
retrait, dans ces cas-là. Deux fois par siècle, à peu
près, le Québec pourra dire: On se retire. Faites attention. On
ne veut pas être partie de cela. Tout le reste, tous les autres
amendements, ce sera soit l'unanimité, par conséquent le droit de
veto de n'importe quelle province - une formule extrêmement difficile
à faire fonctionner - soit encore la majorité simple dont le
Québec pourra se trouver exclu. J'y reviendrai dans un instant. Cette
formule qu'a favorisée le premier ministre, voici quelques-unes de ses
conséquences.
En signant cette formule, le gouvernement actuel du Québec et son
chef acceptaient les conséquences suivantes: Premièrement, que le
Québec soit considéré et traité à l'avenir,
en matière d'amendements constitutionnels, comme une province au
même titre que les autres, sans plus. Deuxièmement, que le droit
de veto que garantissait au Québec le projet fédéral de
formule d'amendement soit remplacé par un droit de retrait dont jouirait
également n'importe quelle autre province, dont la portée serait
d'ailleurs très limitée, comme je viens de l'indiquer, et dont
les quelques rares avantages étaient déjà contenus de
toute manière dans le droit de veto que nous détenions
jusque-là. Il acceptait aussi que des pouvoirs nouveaux, non
prévus dans le
partage actuel des compétences, puissent éventuellement
être attribués au Parlement fédéral par une simple
majorité des provinces agissant de concert avec le Parlement
fédéral. Il acceptait que tout changement au régime
monarchique actuel soit assujetti au pouvoir de veto de n'importe quelle autre
province du Canada.
Il acceptait - écoutez ceci - que toute augmentation du nombre
des juges en provenance du Québec à la Cour suprême soit
assujettie au pouvoir de veto de n'importe quelle province du Canada. On
était arrivé, au lendemain des discussions constitutionnelles de
1980, à une formule qui aurait permis d'envisager six juges en
provenance des autres provinces et cinq en provenance du Québec. Avec
cette formule qui a été approuvée par le gouvernement
actuel, le Québec est gelé à trois juges à la Cour
suprême, à moins d'avoir le consentement de toutes et chacune des
autres provinces. Vous avez accepté en plus, messieurs du gouvernement,
que le Québec ne puisse rien changer à l'article 133 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique qui traite de l'usage du français
et de l'anglais dans les affaires judiciaires et parlementaires sans
l'autorisation préalable du Parlement fédéral, mais, en
même temps, vous avez accepté que les autres provinces, y compris
l'Ontario, soient assurées de ne jamais être assujetties aux
obligations découlant du même article sans leur consentement
préalable.
Vous avez accepté que les pouvoirs de la Cour suprême et
les pouvoirs du Sénat ainsi que la procédure de nomination des
membres du Sénat puissent être modifiés sans l'accord et
même contre l'avis du Québec. Vous avez accepté que de
nouvelles provinces puissent être créées au Canada sans
l'accord ou contre la volonté du Québec. Vous avez accepté
que les pouvoirs actuels du Québec ne puissent à l'avenir
être accrus ou augmentés que moyennant le consentement
préalable du Parlement fédéral et d'une majorité
des autres provinces. Et je dis ceci à l'intention de nos
minorités francophones des autres provinces: Le gouvernement du Parti
québécois a accepté, en signant l'accord du 16 avril, que
n'importe quelle province ait à l'avenir un droit de veto sur toute
extension des droits du français à l'échelle de l'ensemble
du pays et en particulier à l'intérieur de ses propres
frontières au-delà de ce que définit l'article 133 de la
constitution.
Voilà quelques implications de cette formule à laquelle le
gouvernement a donné son aval moyennant le plat de lentilles qu'il n'a
pas encore été capable d'obtenir.
Dans le contexte où nous sommes, il sera extrêmement
difficile de récupérer, à court terme, le droit de veto du
Québec. Il faut faire en sorte que le Québec devienne à
part entière partie prenante de cet accord pour qu'au moins dans les
faits cette présence indispensable du Québec à une
décision aussi importante soit assurée. Ensuite, il faudra
essayer de regagner le terrain qui a été perdu sous le
gouvernement actuel. Mais dans l'immédiat, dans les circonstances
où nous sommes placés aujourd'hui, je crois qu'il faut viser
à obtenir, au minimum, la compensation financière la plus
plénière possible pour tous les cas où le Québec
pourrait décider d'exercer son droit de retrait.
Je le dis, il y a eu des malentendus à ce sujet. Les propositions
que j'ai formulées à l'intention des deux chefs de gouvernement
embrassaient l'ensemble des champs de compétence. Il y en a un qui
s'imposait de toute évidence, celui qui embrasse les questions de
l'éducation et de la culture. Je n'ai jamais laissé entendre que
nous serions indifférents aux autres domaines. Au contraire, je
demandais avec force que des négociations aient lieu afin de trouver des
modes de compensation financière appropriés au sujet des autres
domaines de compétence. Je déclare aujourd'hui, avec le plus de
fermeté possible, que le gouvernement pourra compter sur la
collaboration du Parti libéral du Québec pour obtenir, en
matière de compensation financière, que le Québec soit
traité avec justice et qu'aucun risque d'injustice ne découle de
la formule qui sera ultimement retenue à ce chapitre.
Je pense qu'il n'y a pas beaucoup de risques pour le gouvernement
fédéral à cet égard. Ainsi que je l'ai
indiqué, il y a eu exactement deux amendements constitutionnels
impliquant des transferts de pouvoirs des provinces en faveur du Parlement
fédéral depuis 114 ans que dure la fédération
canadienne. À voir le souci que manifestent aujourd'hui les provinces
d'affirmer leur autonomie et d'assumer leurs responsabilités, il n'y a
guère à prévoir de mouvement semblable au cours des
années à venir. Par conséquent, les risques que pourrait
courir le gouvernement fédéral en acceptant un engagement comme
celui-là sont extrêmement réduits. D'autre part, si on veut
que l'exercice du droit de retrait n'entraîne aucune forme d'injustice
pour le Québec, on doit absolument prévoir, de ce
côté-là, une solution satisfaisante.
J'ai noté avec plaisir - je pense que ça vaut la peine de
le souligner - que le chef du Parti progressiste conservateur canadien, M. Joe
Clark, a recommandé, dans le discours qu'il faisait à la Chambre
des communes vendredi dernier, que le principe de la compensation
financière, dans le cas de l'exercice du droit de retrait par une
province, soit réinscrit dans la formule d'amendement de Vancouver. Je
seconde les vues qu'a émises à ce sujet M. Clark, je suis
très heureux qu'il ait pris l'initiative de le
faire. Il me fait plaisir de vous dire qu'après avoir
rencontré M. Clark je suis allé causer avec M. Broadbent, le chef
du Nouveau Parti démocratique, qui avait émis des objections
très fermes à l'encontre du principe de la compensation
financière. Je crois avoir aidé M. Broadbent à comprendre,
peut-être de manière plus concrète, certaines implications
qui lui avaient échappé.
Parmi les exemples qu'on peut envisager - c'est bien facile à
comprendre -supposez qu'un jour - en pratique, les probabilités sont
très limitées, mais, en principe, c'est une chose concevable -
les provinces décident de transférer au Parlement
fédéral toute la compétence actuellement partagée,
en matière d'agriculture, par exemple, en matière d'habitation,
en matière de police provinciale, en matière de
développement économique régional, on ne peut pas
concevoir honnêtement et loyalement que ce droit de retrait puisse
être exercé sans la garantie d'aucune compensation
financière. Par conséquent, j'invite le gouvernement
fédéral, j'invite les autres gouvernements qui avaient
donné leur assentiment à cette condition à réviser
leur attitude. (16 h 30)
M. Clark me disait, vendredi dernier, qu'il voulait restaurer dans son
esprit l'accord du 16 avril dernier. J'ai trouvé que c'était une
parole très digne et très noble. Je dis que si on peut au moins
restaurer ceci, on n'aura pas sauvé tout ce qui a été
abandonné le 16 avril, mais au moins on reviendra à un niveau
à partir duquel pourra recommencer l'effort afin de reconquérir
le reste. Par conséquent, sur ce point, je pense que notre position est
très claire. C'est le seul point sur lequel j'inviterais le gouvernement
à réfléchir de son côté. M. Broadbent, en me
parlant, me disait que, lui, il avait en vue l'objectif de
l'égalité pour tous les Canadiens, il ne voudrait pas que
l'exercice du droit de retrait, étant fait par une province riche,
aboutisse à fournir aux citoyens de cette province des conditions qui
les situeraient dans une position injustement privilégiée par
rapport aux autres et qui empêcheraient peut-être certains
programmes de partage de se faire au Canada, pour le plus grand bien de toute
la population. Il y a cette difficulté à laquelle j'invite le
gouvernement à réfléchir. Elle a été
soulevée également par le premier ministre du Canada. Je crois
qu'on peut la surmonter sans trop de difficulté, mais l'essentiel de
notre position va de l'autre côté, du côté de la
compensation financière.
Quatrième point. Quoi qu'on dise, dans le préambule de
l'article 3 de la motion du gouvernement: Étant donné l'existence
de la Charte québécoise des droits et libertés de la
personne, la charte des droits canadienne ne devra inclure que..., on limite
les sujets le plus possible.
Je voudrais dire au gouvernement - je l'ai dit souvent d'ailleurs - que
le Parti libéral du Québec favorise une charte canadienne des
droits qui soit large et généreuse. Nous n'avons point peur d'une
charte comme celle-là, nous voulons qu'elle comporte toutes les
garanties nécessaires pour les pouvoirs constitutionnels et
législatifs du Québec, mais nous voulons une charte large et
généreuse à l'image de l'idée que nous nous faisons
de ce pays canadien et de son avenir.
Nous croyons qu'une charte constitutionnelle est supérieure
à une simple charte statutaire, pour des raisons évidentes.
D'abord, elle affirme d'une manière beaucoup plus solennelle et efficace
le principe de la primauté des citoyens sur les gouvernements, sur les
gouvernants, sur les Législatures, sur les Parlements.
Deuxièmement, un des grands avantages d'une charte canadienne que
minimisent nos amis d'en face, c'est celui de mettre les deux ordres de
gouvernement sur le même pied aux yeux de la loi. Il est arrivé
souvent, dans l'histoire passée - mon collègue de D'Arcy McGee
pourra peut-être en parler de manière plus détaillée
au cours de ce débat - que le Québec s'est vu refuser certaines
lois qui avaient été adoptées dans cette enceinte, parce
qu'elles n'étaient point constitutionnelles, des lois qui touchaient
à des libertés fondamentales.
Vous aurez remarqué, M. le Président, que les raisons pour
lesquelles on invalidait ces lois n'avaient souvent rien à voir avec le
principe même de la loi. C'est parce qu'on avait trouvé que la loi
empiétait sur le Code criminel, qui est de compétence
fédérale, ou toutes sortes de raisons comme celles-là et,
pendant que le Québec se voyait nier le pouvoir d'adopter certaines lois
- et surtout de les appliquer - le gouvernement fédéral adoptait
souvent de son côté des lois qui étaient encore moins
libérales au chapitre des libertés fondamentales et personne ne
pouvait lui en faire grief, parce qu'il avait la compétence
constitutionnelle pour le faire. En mettant certains droits fondamentaux dans
une déclaration constitutionnelle des droits, on place les deux ordres
de gouvernement sur un pied d'égalité devant la loi et devant le
pouvoir judiciaire. C'est un avantage que, personnellement, je considère
non négligeable.
Enfin, vous remarquerez une chose: ce pays est fait de francophones,
d'anglophones et aussi d'un très grand nombre de citoyens dont les
origines remontent à une autre culture ou à un autre pays que la
France et l'Angleterre. Ces citoyens sont égaux avec nous. J'ai
remarqué une chose, M. le Président - ça vaut ce que
ça vaut comme observation, mais je la pense importante -c'est que nos
concitoyens qui appartiennent aux communautés ethniques d'un bout
à
l'autre du Canada insistent énormément sur le
caractère hautement désirable d'une charte constitutionnelle des
droits. C'est parce que eux ont connu d'autres expériences; ils se
disent: Si on peut garantir la protection de certains droits fondamentaux d'une
manière plus efficace encore dans ce pays-ci, ça vaut la peine de
le faire. Je considère que ce sont des citoyens à part
entière et leur point de vue vaut d'être considéré
également, et si nous pouvons leur donner une raison de plus
d'être fiers du choix qu'ils ont fait de faire leur avenir au Canada et
d'y faire venir leur famille, je me dis: Ce sera un progrès politique
pour tout le monde.
Par conséquent, sur le principe d'une charte, je tiens à
indiquer très fortement pour la énième fois en cette
Chambre la préférence de mon parti pour une charte
généreuse.
Cinquième point. On dit que la charte des droits ne devra inclure
que les droits démocratiques. Les droits démocratiques, c'est le
droit d'être candidat à une élection, le droit de voter. Il
n'y a pas de problème là-dessus, le gouvernement l'accepte, nous
l'acceptons aussi. Par conséquent, passons tout de suite à un
autre sujet.
Là, vous en avez oublié quelques-uns. Je vais tout de
suite faire quelques parenthèses. Les libertés fondamentales,
cela y est je vais en parler tout de suite. C'est la liberté
d'expression, la liberté de penser, la liberté de conscience, la
liberté de religion, la liberté de presse. Je suis content de
savoir que le gouvernement est prêt à accepter que ces grandes
libertés fondamentales soient inscrites dans la future constitution
renouvelée du Canada. Elles le seront avec la fameuse clause
"nonobstant", c'est-à-dire que, nonobstant l'existence de ces
dispositions constitutionnelles, l'Assemblée nationale pourra, si elle
le juge à propos, adopter des lois qui ne seront pas astreintes à
la lettre de ces dispositions constitutionnelles. Par conséquent, ici,
il n'y a pas de conflit majeur entre le gouvernement et nous. Nous pouvons
continuer également.
Je demande au premier ministre et au ministre de la Justice qui
m'écoutent: Comment se fait-il que vous ne parliez pas, dans votre
motion, des droits juridiques et légaux? Le projet fédéral
de charte constitutionnelle des droits consacre plusieurs articles à ces
droits fondamentaux de tout citoyen: le droit d'avoir un avocat guand on est
mal pris avec la police ou les autorités, le droit à la
protection de la vie privée, le droit au respect de son domicile, le
droit de n'être point jugé tant que la preuve n'a point
été faite qu'on était coupable, etc. Je crois comprendre
que le gouvernement ne veut pas que ces droits fondamentaux soient garantis
dans la constitution. Il a déjà été entendu,
à la conférence du début de novembre, que ces droits
pourraient être inscrits dans la constitution moyennant la clause
"nonobstant", c'est-à-dire cette clause qui préserve le pouvoir
ultime de l'Assemblée nationale d'adopter des lois à ce sujet. Je
ne vois pas pourquoi le gouvernement fait preuve de tant de pruderie à
ce sujet.
Un autre sujet est passé sous silence dans la motion du
gouvernement et cela m'étonne aussi: les droits à
l'égalité, c'est-à-dire le droit de n'être victime
d'aucune discrimination au titre de votre origine raciale, de votre affiliation
religieuse, de vos convictions politiques, de la couleur de votre peau, de
votre sexe ou de votre âge. Il y a un article, dans le projet
fédéral, qui traite de ces garanties des droits à
l'égalité. Cet article est assorti, depuis la conférence
de novembre, de la clause "nonobstant". Je suis étonné de
constater que le gouvernement n'en parle point. Vu que le premier ministre n'en
avait pas parlé le 5 novembre et que vous n'en avez jamais parlé
de ce côté-là de la Chambre, je me demande si je ne suis
pas autorisé à conclure que vous favorisez, vous aussi,
l'inclusion de ces dispositions dans la future charte constitutionnelle.
Les droits des autochtones. Le premier ministre a parlé
tantôt des droits des femmes; on va y venir tout de suite après.
Je suis étonné qu'il n'ait pas parlé des droits des
autochtones. Vous savez que le projet précédent,
c'est-à-dire la version du projet fédéral qui remonte au
mois d'avril, contenait un paragraphe dans lequel il était dit que l'on
voulait confirmer les droits des populations autochtones découlant des
traités qu'elles ont signés avec les populations blanches depuis
que celles-ci sont installées au Canada. Cet article était
disparu. À la suite de la nuit du 4 au 5 novembre, il avait pris la
poudre d'escampette, faut-il croire. Fort heureusement, un accord vient
d'être siqné avec toutes les autres provinces voulant que cet
article soit restauré dans sa forme originelle. Nous autres, nous sommes
favorables à cet article. Je l'ai dit l'autre jour à des chefs de
bandes indiennes qui sont venus me visiter ici en compagnie du
député de Mont-Royal et je le répète aujourd'hui:
Nous sommes entièrement favorables à l'inclusion dans la charte
des droits d'une disposition garantissant le maintien et la confirmation des
droits des peuples autochtones du Canada. (16 h 40)
II y avait une petite clause, la clause 28 du projet antérieur
à la conférence de novembre, qui garantissait que tous ces droits
s'appliqueraient sans distinction aux membres de l'un et l'autre sexe, hommes
et femmes, et par une espèce de concours de circonstances dont je ne
connais pas la trame, on avait ajouté à ce paragraphe la fameuse
clause "nonobstant". Là, les femmes
se sont révoltées, avec raison. Elles ont dit: II y a des
limites à toujours passer par des "nonobstant". Nous voulons une clause
claire et franche qui garantisse aux hommes et aux femmes à travers tout
le pays qu'ils ne seront point victimes de discrimination au titre de leur
sexe.
Je demande au gouvernement - je ne sais pas si j'ai bien compris le
premier ministre tantôt - de dire clairement là-dessus que toutes
les frayeurs traditionnelles qu'on a si longtemps exploitées dans ce
genre de débat, on les laisse tomber. Qu'on dise aux femmes du
Québec et du reste du Canada qu'on veut tous ensemble, unanimement, que
leur droit à l'égalité soit consacré dans la future
charte des droits constitutionnels du Canada.
Autre sujet: le français et l'anglais au niveau
fédéral. Vous parlez de cela dans votre motion, il n'y a pas de
problème là-dessus. Tout le monde est d'accord, ça ne
coûte rien pour nous, ça engage le gouvernement
fédéral. Nous sommes tous d'accord, comme d'habitude. Mais je
signale deux points particuliers. Je pense qu'il convient de signaler, M. le
Président, que la province du Nouveau-Brunswick a fait un pas
très important en s'engageant, elle aussi, à respecter les droits
linguistiques de ses deux communautés majeures. Au plan constitutionnel,
le Nouveau-Brunswick s'est engagé à respecter les droits de sa
population francophone, pour toujours, en vertu de dispositions
constitutionnelles très astreignantes. Nous pouvons considérer
que ce ne serait pas le genre de dispositions applicables au Québec,
mais sachons au moins reconnaître et admirer la
générosité de ceux qui ont consenti un engagement comme
celui-là. J'en connais, chez nos frères d'Acadie, nos
frères francophones du Nouveau-Brunswick, qui sont très heureux
de cet engagement qu'a pris leur gouvernement et qui les protège pour
l'avenir contre la domination de gens à mentalité étroite
comme il y en a eu tellement dans l'histoire du Nouveau-Brunswick et aussi de
l'ensemble du Canada.
Je signale aussi à ce chapitre que le Québec continue
d'être lié par l'article 133 qui prescrit l'usage facultatif des
deux langues dans les affaires judiciaires et dans les affaires parlementaires.
Cet article, je l'ai déjà dit dans cette Chambre, ne m'embarrasse
aucunement, ni comme Canadien, ni comme Québécois. Je pense que
c'est le minimum qu'on puisse accepter qu'un citoyen, qui doit se
présenter devant les tribunaux, puisse s'y présenter en se
servant de sa langue à lui. Que les tribunaux s'ajustent à lui
plutôt que lui aux tribunaux me paraît être l'ABC de la
civilisation.
De même, dans nos affaires parlementaires, comme nous avons des
collègues qui viennent de communautés linguistiques autres que
française, il est normal qu'ils puissent disposer des textes dans la
principale langue minoritaire au Québec, c'est-à-dire dans la
langue anqlaise.
Par conséquent, je ne vois pas de problème
là-dedans pour nous, mais j'en vois un gros du côté de
l'Ontario. J'en vois un très gros du côté de l'Ontario. Je
déplore très vivement que le gouvernement de l'Ontario n'ait pas
encore jugé nécessaire, ni opportun, en 1981, après 114
ans de Confédération, d'accepter d'être lié, en
matière d'usage facultatif des deux langues, comme l'est le
Québec depuis 1867. J'émets un voeu, le plus solennel possible,
M. le Président, qu'avant la fin de cet exercice le gouvernement de
l'Ontario sache reconnaître l'évidence et accepte de s'engager
dans cette voie où le Québec est déjà engagé
depuis longtemps. Qu'il accepte ce minimum d'égalité entre les
deux provinces. Cela nous donnerait un noyau de protection de droits
linguistiques fondamentaux qui serait infiniment plus satisfaisant que ce que
nous avons actuellement.
Au sujet de la péréquation, il n'y a pas de
problème. Le gouvernement du Québec accepte, pour des raisons
faciles à comprendre, que le principe de l'égalisation des
chances entre les provinces riches et les provinces pauvres soit inscrit dans
la constitution du pays. Nous aussi, nous le demandions depuis longtemps. Il
est heureux que ce principe soit là. Par conséquent, comme il n'y
a pas de désaccord entre le gouvernement et l'Opposition, nous pouvons
passer à un autre sujet.
Le contrôle des provinces sur leurs richesses naturelles fait
l'objet de dispositions nouvelles dans l'accord du 5 novembre. Le Québec
lui-même, par son gouvernement, a semblé satisfait des
éclaircissements très importants pour les provinces qui ont
été apportés à la constitution du pays à ce
chapitre de la compétence en matière de richesses naturelles. Le
gouvernement demande dans sa motion que cet article soit conservé; je
pense que c'est l'objet d'un consensus général à travers
le pays et nous y souscrivons volontiers.
J'en viens maintenant aux trois sujets de désaccord. Je pense que
c'est bien important qu'on se rende compte, après avoir fait le tour,
que ce sont vraiment les trois sujets sur lesquels il existe des
améliorations qu'on doit souhaiter et rechercher.
La mobilité, cela veut dire le droit, pour un travailleur, de
circuler librement d'une province à l'autre, cela veut dire le droit,
pour un citoyen du Canada, de se déplacer de l'Atlantique au Pacifique
sans être incommodé par ces gouvernements. Dans l'état
actuel des choses, un citoyen du Québec qui veut aller travailler
à Fort McMurray, dans le nord de l'Alberta, pour la
construction d'une usine de sable bitumineux, peut être
envoyé là par son syndicat. Il n'a pas besoin d'une permission de
M. Lougheed, il n'a pas besoin d'une permission du gouvernement de l'Alberta.
Un autre peut aller de Moncton à Toronto, cela se fait tous les jours.
II y en a des quantités qui vont de Moncton à Montréal et
à Toronto; ils ne sont pas obligés d'avoir de permission de qui
que ce soit s'ils veulent pratiquer tel métier ou telle profession. Ils
doivent obtenir l'incorporation dans un corps professionnel
québécois.
Déjà - et cela, je voudrais le rappeler au gouvernement
très clairement et je défie le gouvernement de me contredire
à ce sujet - deux principes sont inscrits dans le texte constitutionnel
déposé à la Chambre des communes jeudi ou vendredi
dernier. À l'article 6, le premier: "Tout citoyen canadien a le droit de
demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir", c'est déjà une
prérogative constitutionnelle du gouvernement fédéral, du
Parlement fédéral. On n'ajoute absolument rien au droit actuel,
on n'enlève absolument rien à quelque province que ce soit en
inscrivant ce principe dans la constitution du Canada.
Deuxième principe: "Tout citoyen canadien et toute personne ayant
le statut de résident permanent au Canada ont le droit de se
déplacer dans tout le pays, d'établir leur résidence dans
toute province et de gagner leur vie dans toute province".
Je vous soumets humblement que les principes énoncés dans
ce paragraphe font déjà partie, depuis de nombreuses
années, de la jurisprudence, c'est-à-dire de la pratique
judiciaire canadienne. Par conséquent, on n'innove point. Le
gouvernement s'est trompé, là-dessus. J'entendais le premier
ministre faire un exposé, l'autre jour. Je pense qu'il a confondu deux
articles de la charte: l'article 6 et l'article 15. Relisez attentivement
l'étude qui a été faite pour le gouvernement par
l'équipe de juristes que dirigeait M. Yves Pratte. Vous remarquerez que
la très grande majorité des difficultés que
prévoient ces juristes, engagés par le gouvernement, se relient
à l'article 15, celui qui traite des droits à
l'égalité et à propos duquel nous avons la clause
"nonobstant", quoi qu'il en soit. Mais je vous dis que si vous prenez l'article
6 dans son sens obvie, en toute objectivité et en toute
honnêteté, il ne fait que confirmer, en l'amoindrissant
peut-être un peu, l'état actuel de la jurisprudence au Canada. Par
conséquent, je ne pense pas que nos amis d'en face seraient bien
fondés de lancer une croisade à ce sujet.
Dans le traité qui constitue la communauté
européenne, c'est un exemple de souveraineté-association. Ce
n'est pas du fédéralisme, c'est de la
souveraineté-association; par conséquent, c'est beaucoup moins
dangereux, aux yeux de nos amis d'en face, que le fédéralisme.
Qu'est-ce qu'on dit? Je vais vous lire des passages du traité de Rome:
"La libre circulation des travailleurs est assurée à
l'intérieur de la communauté au plus tard à l'expiration
de la période de transition." Elle est finie depuis longtemps
maintenant, je vais vous en dire un mot. "Cette libre circulation implique
l'abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité
entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi,
la rémunération et les autres conditions de travail, etc."
Plus loin, on parle du droit d'établissement: "Dans le cadre des
dispositions ci-après, les restrictions à la liberté
d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le
territoire d'un autre État membre sont progressivement supprimées
au cours de la période de transition. Cette suppression progressive
s'étend également aux restrictions, à la création
d'agences, de succursales ou de filiales par les ressortissants d'un
État membre, etc. (16 h 50)
Je vous invite, messieurs du gouvernement, à lire attentivement
ces dispositions du traité de Rome et les nombreuses directives, les
nombreux règlements d'application auxquels elles ont donné lieu
par la suite. Je suis d'avis, en toute sincérité, qu'à mes
yeux, c'est un corollaire essentiel, dans un régime
fédéral, que cette liberté de déplacement et de
mouvement des personnes. J'espère qu'on se débarrassera de
certaines frayeurs excessives pour voir des choses qui sont beaucoup moins
compliquées dans la réalité qu'on voudrait le faire
à travers une certaine propagande. Je proposerais ici - c'est vrai
qu'éventuellement, les mouvements massifs de population, les
déplacements imprévus de population causés par des
découvertes géographiques ou par des mouvements
économiques qu'on ne pourrait pas soupçonner actuellement
pourraient entraîner des problèmes pour l'équilibre
linguistique et culturel du Québec - que l'on mette une clause qui
garantisse une liberté d'action du Québec dans des situations
comme celles-là ou encore que l'on prévoie plus simplement, qu'on
ajoute à l'article 6 un paragraphe disant qu'il faudra prévoir
des règlements d'application lesquels devront faire l'objet de
négociations entre les gouvernements concernés autour d'une
période, disons, de cinq à dix ans. Il y a des solutions qu'on
peut trouver à ce problème. Mais je ne voudrais pas que
l'Assemblée nationale du Québec, en 1981, passe à
l'histoire comme ayant eu peur du principe de la liberté de
déplacement et de l'établissement des personnes.
Il reste un sujet, M. le Président, la langue d'enseignement.
C'est très intéressant.
Je l'ai gardé pour la fin. Dans la charte fédérale,
il y a trois articles. Il y en a un qui prend le critère de la langue
maternelle et dit: Tout enfant dont les parents qui sont de langue
française ou anglaise pourra aller à l'école
française ou anglaise s'il est dans une province anglaise ou
française. Le deuxième article dit que tout enfant de parents qui
ont reçu leur formation primaire à l'école anglaise pourra
aller à l'école anglaise au Québec, partout au Canada, ...
qui ont reçu leur formation anglaise n'importe où au Canada, aura
accès à l'école anglaise au Québec et vice versa.
L'enfant qui aurait été formé à l'école
élémentaire dont les parents ont reçu leur formation
primaire en français, n'importe où au Canada, aurait droit
à l'école française n'importe où au Canada en
dehors du Québec. La troisième clause, c'est celle des enfants,
c'est un peu compliqué. Je la laisse de côté pour tout de
suite parce que je ne veux pas risquer de mêler les esprits dans le peu
de temps qui me reste.
Je voudrais dire une chose au gouvernement. Nous, de ce
câté-ci, avons indiqué clairement que ce qu'on appelle
techniquement l'article 23 lb, c'est-à-dire la clause Canada,
définit de la manière restrictive, que j'ai dite tantôt,
c'est-à-dire s'appliquant aux enfants de parents qui auraient
reçu leur formation primaire en anglais n'importe où au Canada
pourraient avoir accès à l'école anglaise au Québec
et vice versa. Je dis au gouvernement: II y a longtemps que vous hésitez
à ce sujet. Je sais que vous êtes divisés entre vous. Il y
en a plusieurs qui voudraient cette clause parce qu'elle apparaît comme
l'expression du bon sens le plus élémentaire. Je dis au
gouvernement, M. Clark l'a dit à M. Lévesque dans une lettre
qu'il lui adressait hier: Définissez donc clairement votre position. Je
lis la motion ici. Il n'y a pas moyen de savoir ce que le gouvernement a
pensé. C'est une autre critique que je fais à cette motion.
Après tant de semaines et de mois de discussions, il aurait
été temps, messieurs du gouvernement, que vous nous disiez: Nous
sommes pour la clause Canada ou, nous sommes contre la clause Canada. Pas
simplement une affirmation de principe comme celle qui est ici. Je vous dis:
S'il était possible que vous disiez votre choix de ce côté
clairement, comme vous l'a demandé M. Clark, je pense que vous feriez
débloquer toute l'affaire, et ensuite, il s'agirait uniquement de
trouver les formulations juridiques qui permettraient d'incorporer dans des
textes dans le plein respect des souverainetés de chaque
Assemblée et de chaque Parlement un objectif qui paraît
répondre à des normes de justice et d'équité
élémentaire.
Je demande ceci au gouvernement: Qu'est-ce que vous voulez exactement?
Si vous voulez la clause Canada, dépêchez-vous de le dire. Si vous
ne la voulez pas, dites-le franchement, clairement, sans équivoque. Nous
saurons à quoi nous en tenir. Nous saurons clairement, M. le
Président, qu'avec ce gouvernement, s'il n'est même pas capable
d'accepter la clause Canada dans le sens restrictif qu'on convient de lui
donner actuellement... Cela n'exclut pas vos accords de
réciprocité. Ils pourraient très bien venir s'ajouter.
Vous le savez très bien. Je m'excuse! Je m'excuse!
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
M. Ryan: La clause Canada qui est envisagée actuellement
définit un plancher, un strict minimum. Absolument rien
n'empêcherait le Québec et n'importe quelle autre province de
signer entre elles en plus des accords de réciprocité qui
permettraient d'assurer que ce qui sera inscrit dans la constitution, qui sera
un strict minimum, aura un sens plus complet et plus efficace par la suite. Je
demande au gouvernement: Précisez donc vos intentions. Dites-le donc
franchement, ce que vous voulez et, si vous ne voulez pas, je ne pense pas
qu'il sera possible d'avoir un accord. Il faudra que chacun, à ce
moment-là, prenne ses responsabilités à l'endroit des
problèmes qui resteront à résoudre. Je ne crois pas que
vous ayez le droit de demander des actes d'adhésion aux parlementaires
de l'autre côté de la Chambre; ayant la responsabilité du
pouvoir et ayant tripoté ces choses depuis de nombreux mois dans le
secret des négociations de coulisses sans nous informer de ce qui se
passait, vous ne pouvez exiger de nous autres aujourd'hui des actes
d'adhésion pour des options comme celles qu'on vient de voir.
Je vais plus loin, M. le Président. Je dis au gouvernement que,
s'il n'est pas possible de s'entendre là-dessus entre parlementaires de
bonne foi, partis qui veulent le bien du Québec et du Canada, il faudra
que le gouvernement prenne ses responsabilités et que le problème
soit tranché par le peuple. La croisade ne nous impressionnera point. La
croisade ne nous engagera point à l'aveuglette. Je dis au gouvernement,
s'il n'est même pas capable d'accepter ceci, qu'il se
dépêche de dire franchement aux citoyens du Québec que la
seule option à laquelle il croit véritablement, c'est celle qu'il
s'efforce par tous les moyens de promouvoir en faisant semblant de participer
à la réforme du fédéralisme canadien. Que le
gouvernement donne ces signes de bonne volonté que nous lui demandons
sur chacun des trois points. Sur la compensation financière, j'ai
assuré le
gouvernement de l'appui de l'Opposition. C'est un objectif valable,
digne et juste. Sur la liberté de déplacement des personnes,
j'invite le gouvernement à se débarrasser de ses ornières,
à s'ouvrir l'esprit un peu, à regarder un peu comment les choses
se passent. Troisièmement, sur la clause Canada, j'invite le
gouvernement à faire ce qu'aurait souhaité faire depuis longtemps
le chef du gouvernement. Je dis au gouvernement que, si sur ces trois points,
sur les deux derniers en particulier, il y a une ouverture minimale que nous
demandons, toutes sortes de collaborations sont possibles. Mais, si cette
ouverture n'est pas donnée, il n'y aura pas de partie de dupes.
En conclusion, M. le Président, nous sommes en présence
d'une motion qui cherche à corriger sur le tard de graves fautes
d'omission commises par le gouvernement au cours du mois d'avril dernier, des
fautes d'omission à plusieurs égards. Comment se fait-il que le
premier ministre soit allé signer l'accord du 16 avril, trois jours
après les élections, alors que pendant toute la campagne
électorale il n'en a jamais soufflé un mot nulle part? Je le
défie de me contredire là-dessus.
M. le Président, on faisait des procès d'intention
à mon parti. On disait aux citoyens du Québec que nous
n'étions pas un parti capable de défendre les droits du
Québec et pendant ce temps, en cachette, on allait vendre des droits et
des privilèges que nous avons détenus historiquement depuis
longtemps. C'est une motion, par conséquent, qui essaie de rattraper des
fautes d'omission très coûteuses pour le Québec. C'est une
motion incomplète qui laisse tomber dans le projet que nous sommes
censés discuter loyalement des éléments très
importants, des éléments auxquels nous tenons de ce
côté-ci de la Chambre, mais dont nous n'accepterons pas qu'ils
soient passés sous silence par le gouvernement. C'est une motion qui ne
révèle pas franchement les intentions véritables du
gouvernement sur au moins deux des trois sujets en litige qui sont
restés à l'issue de la conférence du début de
novembre. C'est enfin une motion dont l'examen attentif révèle
des différences de vues profondes entre les gens du gouvernement et ceux
de ce côté-ci de la Chambre. (17 heures)
Étant donné tous ces facteurs, étant donné
l'impossibilité d'améliorer une motion aussi complexe à
l'aide d'un ou deux amendements de dernière heure, étant
donné que le gouvernement, ayant fait son lit, reste avec la motion
qu'il a présentée, alors que nous avons un horizon plus large,
plus complet que celui-là, nous ne voulons pas de ces motions au rabais
qui visent à sauver la face après qu'on l'a perdue.
Le problème auquel nous faisons face a de nombreuses causes:
l'incompréhension du Canada anglais, la difficulté
considérable qui existe toujours du côté du Canada anglais
quand arrive le moment de comprendre et d'accepter la réalité du
Québec. Cette difficulté est un facteur réel dont nous
devons tenir compte. Nous ne choisissons pas nos voisins, nous n'avons pas eu
le choix de ceux avec qui nous sommes appelés à bâtir ce
pays, à faire notre histoire. Mais il y a d'autres sources
également. Je pense que l'attitude du gouvernement actuel est
également un facteur très important dans cette confusion sur
laquelle nous avons tous débouché à la suite de la
conférence de novembre.
J'ai constaté, en causant avec des chefs de parti, des hommes
politiques de tout le Canada, qu'il existe chez eux une méfiance
profonde à l'endroit des intentions véritables du Parti
québécois et du gouvernement du Parti québécois. On
les entend dire une chose un soir, ensuite, on les écoute à la
télévision le lendemain soir, ils tiennent un langage
complètement différent, sinon contraire. Les hommes politiques du
reste du pays peuvent être compris s'ils ont eu des doutes, des
appréhensions ou des méfiances. Ils ne sont pas des anges
gardiens de leur côté, mais on comprend que cette méfiance
ne soit pas des plus propices quand il s'agit d'arriver à un accord qui
soit raisonnable et acceptable à tous.
Je répète, en conclusion, que l'accord du 5 novembre est
loin d'être satisfaisant dans sa forme actuelle, et il ne le sera jamais,
tant et aussi longtemps que le Québec n'aura pas trouvé les
conditions voulues pour y adhérer par la porte d'en avant et non pas par
la porte de côté et la porte d'en arrière. Je dis au
gouvernement actuel que cet accord comporte suffisamment
d'éléments positifs pour que nous essayions ensemble, dans un
esprit de bonne volonté et de collaboration, de l'améliorer afin
de le rendre acceptable au Québec, afin d'y apporter des changements qui
satisfassent les revendications légitimes du Québec et qui
soient, en même temps, acceptables pour le reste du pays.
Au chef du gouvernement, je dis qu'il a le devoir de bouger sur cette
question. Il est resté immobile sur ses positions depuis le 5 novembre.
Il n'a rien fait, sinon de menacer la communauté anglophone du
Québec à quelques reprises, de menacer le reste du pays de ne pas
tenir compte des conséquences de ce qui sera fait au cours des
prochaines semaines. C'est facile de menacer quand on parle entre amis,
ça va bien. Mais je dis au premier ministre qu'il a la tâche, la
responsabilité, comme porte-parole de toute la communauté
québécoise, et non seulement du Parti québécois,
d'explorer positivement les avenues de solution qui restent ouvertes.
M. Clark lui a tendu la perche à deux reprises ces derniers
jours. Je dois reconnaître que le premier ministre a répondu d'une
manière civilisée aux deux ouvertures que lui a faites M. Clark.
Je l'engage à continuer dans cette voie au moins aussi longtemps que le
projet présentement à l'étude au Parlement canadien ne
sera pas devenu loi, après être allé à Londres pour
nous revenir sous la forme d'un document constitutionnel définitif.
Aussi longtemps que la décision n'a pas été prise au
Parlement canadien, nous pouvons continuer à travailler afin
d'améliorer le projet. Je pense que telle est la responsabilité
du gouvernement actuel. Si le premier ministre veut agir dans ce sens, je pense
qu'il devra améliorer considérablement, expurger à
certains points de vue, améliorer et compléter à d'autres,
cette motion qui, dans sa forme actuelle, n'est pas acceptable pour nous de
l'Opposition.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la ministre
d'État à la Condition féminine.
Mme Pauline Marois
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la ministre
d'État à la Condition féminine.
Mme Marois: Merci, M. le Président.
L'égalité entre les Québécoises et les
Québécois, le Québec l'a reconnue depuis 1975.
L'égalité entre les femmes et les hommes du Canada le sera enfin
et j'en suis très heureuse. Mais je suis aussi profondément
indignée. Pourquoi suis-je indignée? Indignée à
cause du marchandage éhonté auquel a donné lieu la
reconnaissance de ces mêmes droits. Je suis aussi indignée de
l'indifférence institutionnalisée à l'égard de la
voix des femmes; tout s'est fait entre hommes, pour les hommes. Je suis
indignée de ces tractations, pour ne pas dire de ces trocs;
indignée qu'il faille une mobilisation féminine "coast to coast"
pour que les droits de 52% de la population soient enfin reconnus. Non
seulement les femmes ont-elles été constamment absentes du
débat, des négociations, non seulement Ottawa essaie-t-il de
rejouer, presque 115 ans plus tard, la scène des Pères de la
Confédération, en oubliant seulement la majorité de sa
population, et les femmes auront été la dernière carte
d'une mauvaise partie.
Dans ce "bargaining", je ne me sens pas beaucoup plus fière
d'être une citoyenne du Québec, doublement minorisée,
doublement isolée, doublement marchandée jusgu'au bout.
Jusqu'où les femmes devront-elles lutter pour obtenir seulement le droit
d'être reconnues, M. le Président? J'avais cru dans ma
naïveté - parce que je le suis à l'occasion - que les femmes
avaient droit à plus de respect en 1981. Je suis aujourd'hui de tout
coeur avec les femmes du Canada qui auront obtenu, de haute lutte, leur droit
à l'égalité. Je suis solidaire avec elles parce que, ces
derniers jours, c'est la solidarité de toutes les femmes qui l'a
emporté au-delà des batailles de pouvoir, des discussions
partisanes et du marchandage constitutionnel. Compte tenu du système
juridique qui prévaut dans les autres provinces, les femmes canadiennes
avaient ultimement besoin de cette reconnaissance.
Au Québec, nous n'avons pas attendu la résolution Trudeau
pour reconnaître l'égalité entre les hommes et les femmes
et nous n'avons pas eu besoin de marchander non plus, M. le Président.
Les droits des femmes sont plus que la simple constatation - ça, c'est
important - de l'égalité entre les hommes et les femmes, ils
doivent aussi refléter la reconnaissance d'une spécificité
de la situation des femmes. Ainsi, au Québec, la Charte des droits et
libertés de la personne, prépondérante sur toutes les
autres lois, exiqe non seulement la non-discrimination en fonction du sexe,
mais prévoit entre autres l'équivalence de traitement au travail,
droit que le projet constitutionnel ne reconnaît pas et que la
majorité des provinces ne reconnaît pas non plus.
D'autre part, l'Assemblée nationale a adopté un ensemble
de lois assurant, par exemple, l'égalité des conjoints dans le
mariage, le droit au congé de maternité. La charte
québécoise et les autres lois illustrent bien que les principes
actuels du droit québécois, à l'égard des femmes,
constituent déjà un ensemble de normes qui placent les
Québécoises en situation d'avant-garde par rapport à la
situation des Canadiennes et elles le reconnaissent à chaque rencontre
que nous avons eue par le passé avec d'autres provinces, ou même
avec le gouvernement d'Ottawa. (17 h 10)
II existe des caractéristiques communes à la situation des
femmes dans le monde occidental. Les femmes, malheureusement, ont un
passé commun d'oppression et de dépendance et, à ce
passé commun correspondent de grandes revendications qui se ressemblent.
C'est à partir de cette communauté d'intérêts que
s'est créée une solidarité des femmes au Canada dans le
monde occidental. Cependant, dans chacune des sociétés, les
rapports de dépendance femmes-hommes ont été vécus
différemment et les femmes n'ont pas adopté partout les
mêmes formes de luttes ni n'ont établi les mêmes
priorités dans leurs revendications. Ainsi, les femmes autochtones, les
Québécoises, les Terre-Neuviennes ont des façons
spécifiques de vivre leur relation à la famille, au travail,
à la santé, à leur corps et le contexte dans lequel chaque
groupe vit les conduit à identifier des priorités
différentes et à privilégier des solutions
originales à leurs problèmes.
La solidarité des femmes repose donc sur de grands objectifs
communs d'égalité et d'autonomie et non sur les moyens et
solutions à prendre pour atteindre ces objectifs. La solidarité
ne peut se confondre avec l'uniformité, le nivellement ou la
négation des spécificités.
Tout en étant profondément solidaires des revendications
des femmes des autres provinces, je crois que les femmes du Québec -
elles l'ont déjà fait - doivent réclamer de vivre dans un
cadre constitutionnel qui respecte la spécificité
québécoise, aussi bien culturelle que juridique.
Il ne faut surtout pas oublier que deux systèmes juridiques
prévalent au Canada. Neuf provinces canadiennes vivent en "common law"
alors que le Québec est régi par le droit civil. Or, dans le
domaine des droits des femmes, c'est le gouvernement qui est le plus
près des citoyens et des citoyennes, qui est le plus susceptible de
s'ajuster et de développer une politique globale de la condition
féminine qui corresponde étroitement à la situation de la
collectivité. Mais le développement d'une telle politique suppose
également que cedit gouvernement possède les instruments qui lui
permettent d'imprimer les orientations qu'il souhaite et de
légiférer sans carcan externe ni chevauchement de juridiction
avec d'autres niveaux de gouvernement.
Non seulement prenons-nous souvent des retards importants dans
l'application de notre politique d'ensemble en matière de conditions de
vie des femmes, faudra-t-il de plus convaincre constamment ces messieurs des
autres provinces du bien-fondé des revendications
québécoises et, qui plus est, les forcer à aller aussi
loin que nous du Québec? Or, en contrepartie, est-ce qu'ils vont se
complaire à bloquer nos propres législations?
Notre Assemblée nationale doit tenir compte des femmes d'ici, des
hommes d'ici. C'est en cette Assemblée que l'évolution
québécoise, l'évolution sociale doit être reconnue.
Et si, là comme ailleurs, le gouvernement fédéral nous
gruge et compte nous escroquer encore quelques pouvoirs, il faudra lui rappeler
que le Québec, lui, n'est pas à marchander et qu'il ne fera,
même en matière de condition féminine, aucune concession
sur ce qui lui apparaît fondamental.
Motion d'amendement
Pour qu'il soit très clair qu'ici, au Québec, nous avons
décidé de redire que l'égalité entre les hommes et
les femmes est un principe fondamental, un principe qui va au-delà de
toute législation, qu'il me soit permis, M. le Président, de
proposer, comme l'a annoncé tout à l'heure le premier ministre,
un amendement à la motion déposée. Je suis assurée,
M. le Président, que personne, d'un côté ou de l'autre de
cette Chambre, n'aura envie de voter contre cet amendement, que je n'aurai rien
à marchander en retour, ni de ruban bleu ni de ruban rose à
distribuer. Mais, même s'il est des choses comme celle-là qui nous
apparaissent évidentes, encore faudra-t-il nous donner à
nous-mêmes, comme législateurs, comme membres de cette
Assemblée, la responsabilité de faire respecter en tout temps et
en toute matière ce droit fondamental. Il en va des droits et du respect
des Québécoises et des Québécois. M. le
Président, comme l'a annoncé le premier ministre, je propose
l'amendement suivant à la motion déposée. À
l'alinéa 3, après les mots: "Étant donné
l'existence de la Charte québécoise des droits et libertés
de la personne", l'amendement se lirait comme suit: "qui assure
l'égalité entre les hommes et les femmes." Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion d'amendement
étant recevable, j'aurais cependant une question à poser au
leader de chacun des partis, à savoir si on discute de l'ensemble ou si
on discute de l'amendement.
Une voix: Consentement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): II y aurait
consentement?
M. Bertrand: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: ... quant à nous, il y a effectivement
consentement pour que nous discutions de l'ensemble de la motion,
considérant que l'amendement qui est soumis par Mme la
députée de La Peltrie serait discuté aussi avec le reste
de la motion. Si cela vous convient, je pense qu'il y avait entente
là-dessus.
M. Levesque (Bonaventure): Un instant!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, pourriez-vous
nous faire parvenir le texte de l'amendement afin que nous puissions être
éclairés d'une façon encore plus précise, et nous
vous répondrons dans quelques instants?
Avis de mini-débat
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cela va. Vous avez
l'amendement entre les mains. Entre-temps je vais lire une lettre qui est
parvenue à la présidence et qui se lit comme suit: " À la
séance d'aujourd'hui j'ai posé au ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation une question portant sur le sujet suivant:
La réduction substantielle de la quantité de lait mise à
la disposition des élèves dans le cadre du programme de
distribution du lait gratuit dans les écoles primaires. Puisque je ne
suis pas satisfait de la réponse donnée, je désire me
prévaloir des dispositions de l'article 174 du règlement.
Veuillez agréer, M. le Président, l'expression de mes sentiments
les meilleurs." C'est signé du député de Brome-Missisquoi,
M. Pierre Paradis.
Donc, avis au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation qu'il soit présent à la fin de la séance.
À la suite de la première question déjà
déposée, il y aura un deuxième débat à la
fin des travaux de ce soir.
Est-ce que vous avez une réponse à donner, M. le leader de
l'Opposition?
Reprise du débat sur la motion
d'amendement
M. Levesque (Bonaventure): Maintenant que nous avons pris
connaissance du texte de l'amendement, étant donné sa teneur
très limitée, étant donné qu'elle indique que ce ne
serait pas un amendement à la résolution fédérale
dont il est question ici, mais simplement un rappel de dispositions contenues
dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec,
nous aimerions pouvoir en discuter dans les meilleurs délais.
C'est-à-dire que nous devrons d'abord disposer de cet amendement avant
de continuer le débat sur la motion principale.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bertrand: En l'absence du leader parlementaire du
gouvernement, qui a sans doute quelques responsabilités à assumer
dans les minutes où nous discutons, est-ce que le leader de l'Opposition
officielle peut m'assurer qu'il n'y avait pas eu entente à savoir que si
des amendements étaient apportés en cours de débat, le
débat, de toute façon, porterait sur la motion et les amendements
qui seraient apportés, puisque je pense qu'il y a une enveloppe de temps
qui a été décidée au départ entre les deux
partis et que c'est à l'intérieur de cette enveloppe de temps que
nous devons faire l'ensemble du débat. Je voudrais simplement avoir sa
parole là-dessus.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, la question
posée par le leader parlementaire adjoint du gouvernement est
complètement superflue. Il sait fort bien, il devrait fort bien savoir
que s'il y avait eu entente, je serais le premier à la respecter.
Toute l'information que j'ai reçue du leader parlementaire du
gouvernement peut se résumer comme suit: Nous entreprendrons mardi
prochain, me disait-il la semaine dernière, nous entreprendrons tout
probablement dès mardi l'étude de la motion au nom du premier
ministre. (17 h 20)
Nous savons qu'il n'y a pas de limite de temps à ce
moment-là, qu'il n'y a pas de partaqe de temps; c'est simplement une
motion normale du gouvernement qui pourra, évidemment, être
interrompue, selon le règlement, par la motion du député
de Jean-Talon mercredi et par la motion de blâme qui sera discutée
au cours de la journée de jeudi. Mais je dois, encore une fois,
répondre au leader parlementaire du qouvernement qu'à ma
connaissance personnelle il n'y a pas eu de telle entente. S'il y avait eu une
telle entente, elle aurait été respectée, du moins par
celui qui vous parle. Troisièmement, M. le Président, nous
voulons immédiatement répliquer à la motion d'amendement
présentée par l'honorable ministre il y a quelques instants et en
disposer selon les dispositions de notre règlement.
Une voix: Vote!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bertrand: D'abord, je voudrais dire au leader parlementaire de
l'Opposition que je lui ai posé la question en toute bonne foi. Je pense
que c'était simplement pour donner le sentiment à
l'Assemblée que, lorsqu'il donne sa parole, le leader de l'Opposition la
respecte, ce qui, effectivement, est vrai; nous le connaissons assez bien
à ce point de vue. Je voulais simplement lui poser la question. Je
voulais aussi simplement m'enquérir de son opinion sur la question pour
savoir s'il n'accepterait pas... Cet amendement, comme le dit lui-même le
leader de l'Opposition, n'a pas pour effet d'apporter une modification à
la résolution présentée devant la Chambre des communes,
mais il veut uniquement indiquer que déjà, dans la Charte des
droits et libertés de la personne, qui est un texte voté par
l'Assemblée nationale du Québec, il y a des dispositions qui
respectent, justement, cet objectif d'égalité entre les hommes et
les femmes. J'aurais cru que le leader de l'Opposition nous aurait
apporté son concours
dans les circonstances pour que nous puissions mener le débat sur
l'ensemble de la motion et sur l'ensemble des amendements qui pourraient
être apportés en cours de débat.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je reprends très
brièvement non pas mon argumentation, parce qu'à ce moment-ci je
ne pense pas qu'il soit loisible d'argumenter tellement sur le fond, mais une
explication pour que le leader parlementaire adjoint du gouvernement et nos
collègues comprennent bien notre position. S'il s'agissait d'un
amendement qui indiquait la volonté du gouvernement de souscrire
à une résolution constitutionnelle, autrement dit, si on voulait
enchâsser le droit ou l'égalité des femmes dans la charte
constitutionnelle dont on parle dans la résolution, à ce
moment-là, nous y aurions sans doute concouru, mais nous ne voulons pas,
cependant, que ceci soit mal interprété. Nous voulons
immédiatement donner la dimension véritable de l'amendement de
Mme la ministre, qui n'est pas un amendement sur le fond, qui n'est pas un
amendement à la motion elle-même quant aux intentions du
gouvernement de voir l'égalité des femmes proclamée
constitutionnellement; c'est simplement un rappel d'une loi statutaire qui n'a
rien à voir avec le texte constitutionnel. Nous voulons avoir
immédiatement l'occasion d'éclairer la Chambre et d'informer la
population sur la portée réelle de l'amendement. C'est simplement
un souvenir qu'on rapporte. On veut rappeler quelque chose, mais on ne veut
rien apporter de nouveau.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Dans ce contexte, compte
tenu des circonstances, je n'ai d'autre choix, à moins qu'on ne m'avise
du contraire... M. le leader voudrait-il ajouter quelque chose?
M. Charron: M. le Président, je m'excuse, j'ai fait du
millage vite. Je voudrais dire que, à ce qu'on m'informe, la position
que le leader adjoint du gouvernement a prise me paraissait, dans les
circonstances, bien fondée. Je ne sais pas pourquoi, de l'autre
côté - ce sont ces arguments que j'aimerais entendre - la
façon traditionnelle de travailler dans ces circonstances,
c'est-à-dire de discuter à la fois de l'amendement ou de la
motion au cours des interventions, est inacceptable dans le cas actuel. En quoi
cela modifierait-il l'opinion d'un député, je me le demande? Il
me semble que c'est de tradition. Si un député veut aussi glisser
un article, un adjectif quelque part dans la motion, il ne me semble pas que
cela doive obliger tout le monde à se confiner à cela. On peut
avoir une bonne discussion où, à l'occasion, on aborde le sujet
de l'amendement de Mme la ministre d'État. Je voudrais savoir pourquoi
vous tenez absolument à discuter uniquement de cet amendement tout
à coup.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je suis encore
invité, et ça malgré moi, à répéter
au leader parlementaire du gouvernement ce que je viens de dire au leader
parlementaire adjoint. C'est simplement parce que cet amendement n'est pas un
amendement véritable, n'est pas un amendement de fond, ne touche pas
présentement ce qui fait l'objet de notre discussion,
c'est-à-dire comment devrait se présenter la résolution
d'ordre constitutionnel à Ottawa. Tandis que ce qu'on nous fait
présentement dans cet amendement, c'est de nous rappeler qu'il y a
quelques années, sous le gouvernement libéral, il y a eu une
Charte des droits et libertés de la personne qui proclamait
l'égalité des sexes. M. le Président, il s'agit simplement
là de quoi? Est-ce qu'on dit un obiter dictum? Qu'est-ce qu'on dit?
C'est simplement un rappel. Ce n'est même pas un voeu, c'est un rappel.
M. le Président, dans ce cas, je suis prêt à
coopérer avec le leader parlementaire du gouvernement. Si madame retire
cet amendement et que le dernier orateur chez vous le présente, je n'ai
pas d'objection à ce qu'on change les virgules, les points, et qu'on
fasse des petits rappels de temps en temps. Même, d'ailleurs, cela nous
fait plaisir, nous du Parti libéral du Québec, d'avoir fait
partie d'un gouvernement qui a justement apporté cette Charte des droits
et libertés de la personne.
À ce moment-ci, si on ne veut pas détourner le cours du
débat de la motion principale, je suggère, avec beaucoup de
coopération, d'ailleurs, à mes honorables amis, leader et leader
parlementaire adjoint; madame de retirer cette motion. Cela ne ferait pas une
grande différence qu'elle la retire ou pas parce qu'il n'y a rien
dedans. Mais si elle veut la retirer, elle peut bien le faire
immédiatement et nous permettrons que cette motion arrive à la
fin du débat et qu'on le vote à ce moment. Autrement, nous allons
exiger, M. le Président, qu'on suive le règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Charron: II y aurait peut-être quelque chose. Je ne
refuse pas cette suggestion, mon Dieu, si ça doit désamorcer une
tempête, mais il y a peut-être une autre suggestion. Justement, je
suis le premier à en convenir, cela rappelle un acte qui a
été commis par un autre gouvernement que le nôtre, ce n'est
donc pas du violon qu'on se
joue à nous-mêmes. Dans les circonstances, pourquoi ne pas
procéder au vote sur cet amendement tout de suite, par un consentement
de l'Assemblée, le considérer comme inclus dans la proposition et
continuer le débat tout simplement? D'après ce qu'indique le
député de Bonaventure, il n'y a pas de débat à y
avoir. Cela rappelle tout simplement un geste qui a été fait par
le gouvernement libéral de 1975.
Une voix: Vous êtes contre?
M. Charron: On le vote tout de suite, on l'inclut à la
proposition et on continue?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de
l'Opposition, j'ai cru comprendre que vous voulez intervenir sur cette
partie.
M. Ryan: Si vous introduisez l'amendement maintenant, nous allons
le débattre à son mérite, mais nous voulons le
débattre formellement, spécifiquement. Si vous le reportez
à plus tard, à la fin, comme disait le leader de l'Opposition,
cela passera avec le reste. Vous ne me ferez pas avaler celle-là aussi
facilement parce qu'elle est trop grosse.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
Écoutez, quant à moi, au niveau de la présidence, j'ai
accepté cet amendement. C'est un amendement qui, à mon avis, est
un amendement de fond. Il demeure sur la table. Nous allons donc discuter de
l'amendement et ensuite nous procéderons... À moins qu'il y ait
autre chose.
M. Charron: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Charron: M. le Président, je ne comprends pas les
intentions, mais peu importe. Pour que le débat demeure à la
hauteur où il doit demeurer, je pense que l'amendement de Mme la
ministre, selon le règlement elle pourra le retirer. Je conviens de le
présenter à la fin parce que nous souhaitons que cet amendement
soit inclus à la résolution purement et simplement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la ministre.
Motion de retrait de la motion d'amendement
Mme Marois: M. le Président, je suis prête à
faire une motion de retrait, sous réserve évidemment de le
représenter plus tard à l'intérieur du débat. Je
trouve que c'est effectivement quelque chose de très important que de
souligner dans notre motion la présence de 52% de la population du
Québec.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition. (17 h 30)
M. Levesque (Bonaventure): ... étant donné ce que
vient de dire la ministre, je préférerais, justement parce que
c'est une question importante, parce que, justement, elle a été
présentée d'une façon qu'on peut vouloir escamoter, comme
l'a laissé entendre le leader parlementaire du gouvernement et comme on
veut jeter de la confusion, nous n'avons pas l'intention de consentir au
retrait, nous avons l'intention de débattre cette question
immédiatement et cela, en vertu du règlement.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Charron: Franchement! Je ne vous prendrai même pas
à témoin, M. le Président. Je vais prendre n'importe quel
enfant de cinq ans qui nous écoute à la télévision
actuellement...
Des voix: Oh oui!
M. Charron: ... et lui demander ce qu'il pense de l'attitude du
leader de l'Opposition en trois minutes. La proposition que j'ai faite
émanait de lui. Il l'a acquiescée. J'ai proposé, au
contraire, qu'on en dispose immédiatement. Je fais la proposition qu'il
me suggère de faire. Quelques génies viennent le conseiller
alentour. Il revire son capot de bord et là, il me dit: Je ne veux plus
qu'on la retire. M. le Président, quelle sorte...
M. Levesque (Bonaventure): Question de privilège.
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Charron: ... privilège des députés...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ce n'est pas
exact ce que vient de dire le leader parlementaire du gouvernement. Ce n'est
pas à cause de ce qui s'est dit ici, mais c'est la façon dont Mme
la ministre a voulu retirer sa motion d'amendement.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ... sur l'amendement. Je comprends que maintenant, on
parle de l'amendement. Non?
Le Président: Non. Devant moi actuellement,
légalement, j'ai une motion de retrait qui a été...
M. Lalonde: Est-ce qu'il faut un consentement?
Le Président: Non, cela prend soit le consentement ou un
vote, mais j'ai une motion de retrait devant moi. L'Assemblée a une
motion de retrait devant elle et, à ce moment-ci, nous ne pouvons pas
discuter de l'amendement sans disposer de la motion de retrait qui a
été dûment présentée, qui est recevable en
vertu de l'article 45 du règlement. À ce moment-ci, à
moins qu'il y ait un débat sur la motion de retrait, parce que notre
règlement prévoit certaines dispositions, dont un débat
sur la motion de retrait, ou un vote... Que l'on dispose de la motion de
retrait, et on ira à l'amendement plus tard.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je voudrais
bien vous aider, faciliter les choses un peu, particulièrement pour le
leader parlementaire du gouvernement qui a l'air bien embarrassé. Lisons
ensemble l'article 85: "Tant qu'une motion n'a pas été mise en
délibération, elle peut être retirée avec la
permission du député qui l'a présentée." Or, M. le
Président, d'après ce que vous venez de dire, elle avait
déjà été mise en délibération.
A-telle déjà été mise en
délibération?
Le Président: Je pense qu'on a eu des
précédents en cette Assemblée qu'à partir du moment
où l'Assemblée est saisie d'une motion de retrait, elle est en
délibération devant l'Assemblée et non pas en
délibération devant le président, qui peut
délibérer sur un point en litige. Or, l'Assemblée est
saisie d'une motion de retrait. À partir du moment où la motion
de retrait est déclarée recevable et reçue par la
présidence...
M. Lalonde: ... l'autre ou...
Le Président: Je parle de la motion de retrait.
M. Charron: La motion d'amendement, M. le Président, a
été reçue, a été déclarée
recevable par vous. Il y a même des députés libéraux
qui ont demandé d'intervenir sur cette motion. C'est là que le
débat de procédure s'est soulevé, parce qu'à un
moment - notez que cela a changé de bord de votre côté -
vous souhaitiez intervenir sur cette motion. Après, vous nous avez
demandé de la retirer, de la ramener à la fin, ce à quoi
nous avons acquiescé. Là, vous revenez, après qu'on ait
accompli ce que vous nous demandiez, nous demander de revenir dessus, mais la
preuve qu'on l'a demandé et que le député de
Marguerite-Bourgeoys se soit levé en disant: Sur l'amendement, M. le
Président, c'est que tout simplement, elle est déjà en
délibération. Étant en délibération, Mme la
ministre a le droit de faire la motion de retrait.
Le Président: Et plus que cela. À partir du moment
où la motion de retrait d'une motion d'amendement est
présentée, il y a un débat restreint, prévu
à l'article 85-2, qui peut se tenir. À moins d'un consentement
unanime de la part des membres de l'Assemblée à savoir que ce
débat prévu à 85-2 ne se tiendra pas, je me dois de
permettre aux deux partis politiques, conformément à 85-2, de
débattre la motion de retrait et, par la suite, de demander si la motion
de retrait est adoptée ou non. Cela sera fait soit par vote
enregistré ou autrement et, par la suite, selon le vote, on reviendra
à la motion d'amendement.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, pour faciliter
les choses, si Mme la ministre avait simplement mentionné qu'elle
voulait retirer sa motion à cause des considérations que nous
avons tous entendues, à ce moment-là, il n'y aurait pas eu de
problème. Mais puisque Mme la ministre a préféré
faire des commentaires qui nous obligent à répliquer, à ce
moment-là, nous aurons un débat sur la motion de retrait.
Une voix: Faites votre "show":
Le Président: M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Je ne sais pas si c'est vraiment réglementaire.
Si on lit l'article 85, il faut une motion non annoncée pour faire un
retrait. Une motion non annoncée est présentée durant la
période des motions non annoncées...
Des voix: Oh, oh!
M. Blank: ... une minute, laissez-moi parler - ou bien par une
personne qui a le droit de parole; elle n'avait pas le droit de parole à
ce moment-ci. Lisez l'article. Après avoir repris son siège, elle
n'avait plus le droit de parole sur cette motion. Cette motion doit être
présentée par une personne qui a le droit de parole, avec son
consentement.
Le Président: Vous avez peut-être raison
légalement, M. le député de Saint-Louis, mais la
présidence, de par l'attitude
des membres de cette Assemblée, a pu présumer du
consentement unanime des membres de l'Assemblée pour que Mme la ministre
puisse faire sa motion de retrait. Même si vous avez théoriquement
raison, je pense que celui qui occupait le banc à ce moment-là
pouvait normalement, constatant l'attitude des membres de l'Assemblée,
présumer de ce consentement pour que Mme la ministre puisse
présenter cette motion de retrait.
Dans les circonstances - à l'impossible nul n'est tenu - nous
sommes dans le droit le plus strict. Ou bien nous nous conformons à
l'article 85-2 - et la présidence ne veut pas imposer ses
préférences puisqu'elle n'en a point - ou bien, tout simplement,
nous avons un consentement unanime et nous assistons à l'abandon de la
motion de retrait. C'est l'un ou l'autre, il n'y a pas d'autre solution
possible.
M. Ryan: Ce ne sera pas long, M. le Président. Le premier
ministre, dans son discours, cet après-midi, nous a annoncé sur
un ton presque solennel qu'un amendement serait présenté, tenant
compte des aspirations des femmes en matière de protection
constitutionnelle de leurs droits. La semaine dernière, parlant sur
cette motion d'une manière qui frôlait
l'irrégularité, il a laissé entendre que son gouvernement
était très sympathique à la revendication des femmes
voulant que leurs droits soient rétablis dans la charte
constitutionnelle fédérale.
Aujourd'hui, la ministre d'État à la Condition
féminine dépose un amendement qui est vraiment typique de la
montagne qui a accouché d'une souris. Maintenant qu'on se rend compte de
l'énormité de l'affaire, on voudrait la cacher, l'amener sous
forme d'un amendement pas mal discret vers la fin du débat. Maintenant
que l'amendement a été déposé, nous voulons qu'il
soit débattu à son mérite et, là, on va
connaître les couleurs du gouvernement en matière de protection
des droits de la femme.
Le Président: Mme la ministre, sur votre droit de
réplique, en vertu de l'article 85-2, je présume?
Mme Marois: Sur la motion de retrait. Évidemment, avec la
naïveté qui, parfois, me caractérise, M. le Président
- j'en suis fière, d'ailleurs, cela ne me gêne pas - j'ai
tenté, en présentant la motion de retrait, de faire en sorte que
les choses puissent continuer comme elles étaient parties, que le
débat de fond puisse avoir lieu. L'idée de présenter
dès maintenant cet amendement était, évidemment, qu'on
voie l'ensemble de la motion et qu'on la discute dans son tout, ce qui devenait
intéressant, je pense, pour l'Assemblée.
À partir du moment où il y a désaccord de l'autre
côté de cette Chambre, je suis prête à collaborer et
à proposer la motion de retrait, ce qui semblait, au départ,
répondre aux attentes exprimées de l'autre côté.
C'est essentiellement ce que je veux dire. Je confirme donc que j'ai fait, ici,
une motion de retrait de l'amendement tel que déposé. Merci, M.
le Président.
Le Président: L'article 85 a été
respecté. En conséquence, je me dois donc de demander à
cette Assemblée si la motion de retrait présentée par Mme
la ministre sera adoptée ou non.
M. Levesque (Bonaventure): Sur division.
Le Président: Motion de retrait adoptée sur
division.
Nous en revenons maintenant à la motion principale
présentée par M. le premier ministre.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys. (17 h 40)
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, je voudrai naturellement me
soumettre au règlement et à vos directives et évoquer le
moins possible la triste période que nous venons de vivre ici, à
l'Assemblée nationale. L'indignation exprimée par Mme la ministre
d'État à la Condition féminine est partagée de ce
côté-ci et j'y ai cru, au départ, lorsqu'elle rappelait
que, dans cette nuit où s'est conclue l'entente constitutionnelle du
début de novembre, on a fait peu de cas des droits des femmes et des
droits des autochtones. Le Parti libéral du Québec, qui est
lui-même l'auteur de la Charte des droits et libertés de la
personne, où l'on retrouve justement ce principe de
l'égalité des sexes, parmi d'autres principes; le Parti
libéral du Québec, qui est celui qui a fait adopter la Loi sur le
Conseil du statut de la femme, qui a mis sur pied ce Conseil du statut de la
femme, était lui aussi scandalisé qu'on ait laissé pour
compte des droits aussi importants pour une société que l'on veut
égale, que l'on veut civilisée.
C'est donc avec soulagement que nous avons appris il y a quelques
heures, qu'enfin les différents gouvernements qui ont signé
jusqu'à maintenant l'entente constitutionnelle ont changé
d'idée, ont décidé d'inclure dans la charte ce principe,
sans clause nonobstant, sans diminution, sans menace possible, d'inscrire
dis-je ce principe de l'égalité des femmes et des hommes et nous
applaudissons à cette correction importante qui a été
apportée par les gouvernements des autres provinces et le gouvernement
fédéral.
Il en est de même pour le droit des autochtones. Le Parti
libéral du Québec
formait le gouvernement qui a négocié avec les autochtones
du Québec ce qui est apparu comme une entente des plus modernes, des
plus d'avant-garde et nous sommes fiers d'avoir parmi nous, dans notre caucus,
le député de Mont-Royal, qui a été celui qui a
créé, avec tous les autres négociateurs cette entente qui
fait encore l'envie de beaucoup de gouvernements.
Mais, M. le Président, où était le Québec,
depuis quelques jours que ces corrections se sont faites? Nulle part. Le
Québec n'a même pas été là lorsque les droits
des femmes et des autochtones ont été
récupérés depuis quelques heures. Ces droits ne sont
même pas mentionnés dans la motion.
Or, lorsque Mme la ministre a présenté son amendement, je
me suis dit: Bon, voilà, c'est un peu tard, presque ridiculement tard,
alors que tous les autres avaient négocié, en l'absence du
Québec, qui est revenu chez lui pour bouder depuis trois semaines. Alors
que les autres avaient fait les gestes nécessaires, le Québec
aurait, à la dernière minute, inclus dans sa motion ce principe
auquel il adhérait, cette décision, cette volonté à
laquelle il adhérait maintenant, le principe de l'égalité
des femmes, de l'inclusion de cette égalité et des droits des
autochtones dans la constitution du Canada.
M. le Président, lorsque j'ai lu l'amendement, je me demandais si
on devait en rire ou en pleurer. Cet amendement qui, heureusement, a
été retiré, parce que le sens du ridicule a des limites,
rappelait simplement que dans notre charte, au Québec, on a justement ce
principe. Oui, mais à qui l'apprend-on? Aux Québécoises?
Ce qu'on se demande, c'est si Mme la ministre préfère être
péquiste plutôt que de défendre les droits des femmes.
Des voix: Ah!
M. Lalonde: Comme ce gouvernement, elle n'a pas voulu prendre
partie, comme la population le lui a dit le 13 avril dernier et le 20 mai 1980.
Ce gouvernement, et Mme la ministre avec le gouvernement, a refusé
encore de prendre partie à la véritable discussion
constitutionnelle canadienne en présentant un amendement qui disait -
parce qu'il est bon que les téléspectateurs comprennent ce dont
on parle...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député.
Une voix: L'amendement a été retiré.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas, en
aucune façon, utiliser le règlement, mais je me dois de vraiment
bien vous faire saisir qu'il y a eu, devant cette Assemblée, une motion
de retrait qui a été adoptée sur division. En
conséquence, je pense qu'il faudrait quand même, à ce
niveau, s'en tenir à la proposition principale qui ne contient pas cet
amendement.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Vous me permettrez, tout en
souscrivant fort bien à vos préoccupations de président,
et vous faites très bien cela, vous demandez une chose, M. le
Président. Je comprends qu'on n'a pas le droit de discuter d'une motion
qui n'est pas devant la Chambre, j'en suis convaincu autant que vous, mais
qu'est-ce qui empêche - je pense que vous serez bien d'accord avec nous
que rien ne l'empêche -l'honorable député de
Marguerite-Bourgeoys de parler d'un événement...
Des voix: Ah!
M. Levesque (Bonaventure): ... un événement
récent? Dans notre règlement, l'événement peut
être lointain, moins lointain ou récent; il n'en est pas question
dans le règlement, mais il ne peut pas parler ou évoquer un
geste, un événement sans se référer à une
motion. Vous avez raison, je crois, mais si le député de
Marguerite-Bourgeoys veut se référer à un
événement récent, je pense que rien dans le
règlement ne l'en empêche.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader, je comprends
très bien le problème dans lequel je n'ai pas voulu vous placer
ni ceux de votre côté. J'ai cru comprendre, dans les paroles du
député de Marguerite-Bourgeoys, qu'il s'apprêtait à
lire une motion qui n'existait pas. S'il fait allusion à autre chose, je
n'ai pas d'objection, mais j'aurais objection à ce qu'il lise la
motion.
M. Lalonde: M. le Président, je vous remercie de vos
directives. Cela va m'aider parce que, justement, ce que je m'apprêtais
à lire, ce n'était pas la motion d'amendement.
Des voix: Ah!
M. Lalonde: C'était la motion elle-même qui dit, au
paragraphe 3: "Étant donné l'existence de la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne..."
Savez-vous ce qu'il y a dans cette charte, M. le Président? Beaucoup de
choses, y compris le principe de l'égalité des sexes, des hommes
et des femmes. Alors, qu'est-ce que cela ajouterait qu'on amende cette motion
pour y inclure toute la charte? Fort bien, mais
qu'est-ce que cela ajoute pour les femmes, pour les
Québécoises au Canada? Absolument rien. C'est absolument
ridicule. Et voilà encore le gouvernement démasqué dans la
confusion, dans la contradiction qui préside à son dossier
constitutionnel depuis le 13 avril. Encore une fois, on a vu une ministre, un
membre de ce gouvernement, choisir d'être péquiste avant
d'être en faveur des droits des femmes ou des Québécois en
général.
Mme Marois: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la ministre.
Mme Marois: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je suppose, Mme la
ministre, que vous voulez intervenir eu égard au discours que vous avez
tenu. Je dois vous rappeler que vous aurez...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse. S'il vous
plaît! S'il vous plaît! M. le député. Je veux
simplement dire à Mme la ministre qu'il y a deux façons de
participer à cette décision qu'elle a à prendre...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député! ... cette décision qu'elle a à prendre,
à savoir si elle utilise son droit de question de privilège au
moment où l'on se parle ou si elle veut attendre à la fin du
discours de l'intervenant pour utiliser l'article qui lui permet, puisqu'elle a
déjà prononcé un discours, d'utiliser son droit de parole
comme question de privilège.
Si je le fais, je le fais toujours dans le même but, c'est de
préserver le droit de la personne qui intervient en sachant que, Mme la
ministre ayant déjà intervenu, elle pourrait le faire à la
fin de l'intervention.
Mme la ministre.
Mme Marois: M. le Président...
M. Bertrand: Sur la question de règlement... (17 h 50)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: ... je pense que vous avez évoqué la
possibilité pour Mme la ministre d'État à la Condition
féminine de se prévaloir de l'article 96. Je pense qu'il y a
aussi l'article 49.2 qui permet à Mme la ministre de soulever une
question de privilège à l'Assemblée immédiatement
après qu'ont été prononcées les paroles qui y
donnent lieu.
Une voix: C'est ça.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, sur la
question de règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Merci. Vous avez entendu comme nous
les paroles prononcées par le député de
Marguerite-Bourqeoys. Or, je vous demande une chose: si on peut permettre une
question de privilège, cela implique qu'il y a eu une violation des
droits et privilèqes, alors que la seule insulte que le
député de Marguerite-Bourgeoys a faite à l'endroit de Mme
la ministre, c'est qu'elle était péquiste, et très
péquiste.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition, je devrais vous rappeler les paroles que vous avez
prononcées cet après-midi, justement, sur la question de
privilège pour préserver un droit d'un de vos collègues.
Ce que je disais à Mme la ministre, c'est qu'elle a deux solutions. Je
faisais mention, à ce moment-là, de l'article 49 et de l'article
96, dans les deux cas. J'étais sur le point de lui demander lequel de
ces articles elle voulait utiliser, 49 ou 96.
Mme la ministre.
Mme Marois: Est-ce que je peux avoir une directive, M. le
Président?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui.
Mme Marois: II me semble que, selon mon jugement actuellement,
connaissant nos règles du jeu, c'est davantage sur une question de
règlement que je voudrais intervenir. Je vous demande si j'ai raison.
Vous pourrez me répondre, je vais le soulever. Je pense que le
député de Marguerite-Bourgeoys reprend ce qui a été
dit dans une intervention que j'ai faite précédemment, concernant
une motion que nous avons retirée sur division.
Est-ce qu'à ce moment-ci, il peut intervenir en se servant
d'interventions que j'ai faites précédemment sur une motion
retirée?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la ministre, je suis
dans l'obliqation de vous dire que tout ce que vous avez dit, avant de faire
votre motion qui, jusqu'à maintenant, est retirée, avait trait
à l'ensemble de la motion principale. Le député de
Marquerite-
Bourgeoys, à mon avis, a le droit d'intervenir sur l'ensemble de
votre argumentation et non pas sur le contenu de votre motion d'amendement.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: De toute façon, je vais passer à un
autre sujet, étant donné le caractère absolument ridicule
du petit effort que ce gouvernement a fait pour tenter de parler des femmes
dans cette motion. Je pense que tous les gens, tous les Québécois
auront compris qu'il s'agissait simplement d'une manoeuvre politique et que le
contenu n'y était pas.
Cette contradiction, cette confusion que le Parti
québécois a toujours entretenue, tout d'abord lors du
référendum et ensuite lors de l'élection du 13 avril, a eu
des conséquences encore plus tragiques. En effet, le Parti
québécois a trafiqué notre droit de veto en échange
d'un front commun dont la fragilité s'est traduite lors d'une nuit
où le Québec a payé cher la trahison du Parti
québécois.
On nous dit: Bien non, on a échangé le droit de veto
contre un droit de retrait avec compensations. On l'a échangé
pour moins fort, pour moins, mais - j'essaierai de le démontrer un peu
plus tard - pour plus conforme au Parti québécois et à ses
aspirations.
Le droit de veto, il faudrait peut-être s'y arrêter pour le
bénéfice de nos concitoyens. C'était le droit que le
Québec s'était vu reconnaître, surtout depuis quelques
décennies, surtout depuis une vingtaine d'années, en deux
occasions que le chef de l'Opposition a décrites, en 1964 et en 1971, un
droit qui veut qu'il ne se passe pas de choses importantes dans le
régime qui nous régit sans qu'on soit d'accord. C'est un droit
qui a permis à M. Lesage, en 1964, d'empêcher que la formule
Fulton-Favreau ne soit acceptée simplement parce que le Québec
n'était pas d'accord. C'est un droit que M. Bourassa, en 1971, a
exercé afin d'empêcher que la Charte de Victoria ne soit
acceptée - non pas seulement au Québec, mais partout au Canada -
parce que le Québec n'était pas d'accord.
Vous avouerez qu'il s'agit d'un droit extrêmement précieux.
Précieux surtout a cause du caractère distinct, du
caractère spécial que le Québec représente au
Canada. Cette dualité à laquelle la motion fait
référence, nous en sommes, mais nous en sommes pour vrai, nous du
Parti libéral du Québec. Nous croyons que le Québec, qui
représente le foyer de l'une de ces deux communautés fondatrices
du Canada, doit avoir ce droit de veto pour exprimer justement cette
dualité. Donc, cette dualité n'a aucune valeur, n'a plus aucune
expression, n'a plus aucune conséquence si le Québec n'a pas ce
droit de veto.
C'est ce que les péquistes n'ont pas compris. Peut-être, M.
le Président, qu'ils l'ont compris. Peut-être qu'ils ont compris
que, justement, ce veto était l'expression du fédéralisme
bien compris par le Parti libéral du Québec tel que nous le
comprenons, nous, et c'est exprimé de façon on ne peut plus
claire, je pense, dans le livre beige qui est le programme du Parti
libéral du Québec en matière constitutionnelle. Cette
dualité s'exprime par ce droit de veto que le Québec a - avait,
cet ancien droit de veto, comme disait le premier ministre il y a guelques
jours - parce que le Québec représente justement l'une de ces
deux communautés. Or, le Parti québécois nous a dit le 13
avril: Votez pour nous. "Faut rester forts." En même temps, pendant tout
le temps où les péquistes se promenaient à travers le
Québec en disant: "Faut rester forts", il se préparait un
document qui n'a pas été soumis à l'Assemblée
nationale, qui n'a pas été soumis à la population lors de
la campagne électorale par lequel, pas trois mois, pas trois semaines,
trois jours après l'élection, le premier ministre du
Québec est allé signer l'abandon du droit de veto du
Québec.
Des voix: Honte! Honte!
M. Lalonde: C'est une véritable trahison du mandat qu'il
avait reçu de la population du Québec, M. le Président. En
cachette. Je suis convaincu que, si le Parti québécois avait
soumis cette proposition d'abandon du droit de veto à la population,
elle aurait été refusée. Nous - enfin, je pense, j'en suis
convaincu, le chef de l'Opposition, si le Parti libéral avait
été élu, n'aurait jamais signé. Il n'aurait jamais
renoncé à ce droit qui fait que le Québec est un des deux
partenaires, un des deux associés majeurs dans le Canada que nous
voulons construire.
Mais pourquoi le Parti québécois a-t-il laissé
échapper ce veto? N'est-il pas le parti qui se dit le plus
représentatif des intérêts du Québec? C'est presque
impensable que le Parti québécois ait trafiqué un droit
essentiel au Québec comme partenaire et associé majeur dans un
Canada fondé sur la dualité des deux peuples fondateurs. Et
pourtant, le Parti québécois a donné ce droit de veto, et
en cachette. Pour la première fois depuis que ce droit a
été reconnu, un chef d'État du Québec a
accepté de marchander ce droit de veto. Ils disent: On l'a
échangé pour quelque chose d'autre et, après cela, on
s'est fait jouer et on n'a pas eu ce quelque chose d'autre. En plus du
caractère parfaitement ridicule de ces négociateurs, M. le
Président, je leur dis ceci: Ce qui est grave, ce n'est pas
nécessairement de s'être fait jouer. C'est déjà
assez ridicule. Ce qui est grave, c'est qu'un chef d'État
québécois, pour la première fois de notre histoire - ce
n'est pas facile -ait démontré que ce droit de veto est
marchandage, est échangeable. Cela, c'est une trahison du mandat
référendaire et du mandat du 13 avril dernier. Pour la
première fois, M. le Président, un chef d'État
québécois accepte que le Québec n'ait qu'un vote sur onze.
Pour la première fois, un chef d'État québécois
accepte que le Canada de demain se fasse, se développe sans le
Québec. C'est là le véritable sens du geste du Parti
québécois. (18 heures)
Les Québécois, le 20 mai 1980, M. le Président, ont
choisi de rester au Canada, mais pas dans un Québec affaibli et
minorisé. Pourtant, c'est le résultat de l'abandon par le Parti
québécois du droit de veto. Nous avons souvent mis en garde le
Parti québécois d'accepter de négocier le renouvellement
du fédéralisme tout en gardant comme objectif numéro un la
défaite du fédéralisme. Il était en plein conflit
d'intérêts et ce qui devait arriver est arrivé. C'est
évident que, mis entre un choix qui est la raison même de
l'existence du Parti québécois, c'est-à-dire
l'indépendance du Québec, et la défense du
fédéralisme, il a choisi l'indépendance.
Plusieurs se sont dit, le 13 avril dernier: Puisque le Parti
québécois est québécois avant tout, il va
sûrement défendre nos intérêts dans la
négociation avec Ottawa. Plusieurs l'ont espéré et ont
voté, en conséquence, pour le Parti québécois le 13
avril dernier. Combien cynique est le fait qu'au moment où le Parti
québécois réclamait un deuxième mandat pour rester
fort, il s'apprêtait, trois jours après avoir reçu ce
mandat, à vendre pour une bouchée de pain notre droit de
construire le Canada de demain en fonction des intérêts des
Québécois, comme le référendum le lui a
ordonné.
Je vais terminer, M. le Président, étant donné
qu'on a pris quelques minutes à m'interrompre, avec un consentement.
Et pourtant, il fallait s'y attendre. L'affaiblissement du Québec
sert très bien les vues du Parti québécois. Est-ce qu'il
s'agit d'une coïncidence? Je ne le crois pas. Un Québec
séparé n'a pas besoin d'un veto. À quoi sert un droit de
veto à un Québec séparé? Cela ne sert à
rien. Alors, le Parti québécois a pensé que ce serait un
pas de plus dans le fameux étapisme, un pas de plus vers la
séparation. On abandonne le droit de veto, maintenant, on est seulement
un sur onze, on va maintenant se plaindre pour vrai. Donc, ça sert les
intérêts du Parti québécois. C'est là la
véritable trahison que ce geste constitue.
M. le Président, si le Parti québécois n'avait pas
trahi le mandat qui lui a été confié le 13 avril dernier
et le verdict référendaire, nous n'en serions pas à
quêter, à essayer de ramasser les morceaux cassés de la
faillite de sa négociation. Il s'agit d'une motion de recul à
beaucoup d'autres égards. J'ai voulu surtout démontrer
jusqu'à quel point l'abandon du droit de veto sert bien les objectifs du
Parti québécois, mais affaiblit les Québécois.
M. le Président, c'est une motion séparatiste,
malgré les préambules qui ne sont que ce que les Anglais
appellent du "lip service" à la dualité. Les
Québécois ont droit à plus que cela. Ils ont le droit de
voir leur gouvernement négocier pour vrai et de bonne foi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Vachon.
M. Payne: M. le Président, je demande la suspension des
travaux, s'il vous plaît!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion de suspension
est-elle adoptée? M. le leader du gouvernement.
M. Charron: M. le Président, je demande la suspension de
nos travaux jusqu'à 20 heures, s'il vous plaît!
Le Vice-Président (M. Jolivet):
Suspension des travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 04)
(Reprise de la séance à 20 h 12)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! Vous pouvez prendre vos fauteuils. Reprise du débat
sur la motion du premier ministre. M. le député de Vachon.
M. David Payne
M. Payne: Ce n'est pas un discours, mais plutôt une
provocation de la part de l'Opposition, touchant certains aspects de notre
motion, qui m'a suggéré de prendre la parole ce soir.
Nous avons entendu dire, effectivement, M. le Président, que le
Québec a perdu le droit de veto. D'abord, moi, j'aimerais demander au
chef de l'Opposition, en ce qui concerne le premier protocole d'entente avec
les sept provinces anglophones, si M. Ryan et les libéraux auraient
signé cette entente. Parce que le Québec a signé en bonne
et due forme un protocole d'entente avec les autres provinces, et
c'était le 16 avril dernier. Si les libéraux provinciaux avaient
signé, effectivement, ils donneraient raison au Québec et, s'ils
n'avaient pas signé, n'auraient-ils pas affaibli le Québec dans
ses pouvoirs?
J'ai bien remarqué que le chef de l'Opposition a bien fait
attention de ne pas dire s'il aurait signé, oui ou non. Effectivement,
le gouvernement du Québec
n'a jamais cédé le droit de veto. À moins que je
comprenne mal le français, je ne peux que lire la proposition telle que
suggérée aux autres provinces anglophones. Je vais effectivement
lire la fin en anglais, pour les membres de l'Opposition, parce qu'ils semblent
suggérer que je comprends mal le français. L'article 4 dit -
c'est en anglais et signé à Ottawa le 16 avril 1981 -: "Any
constitutional amendment taking away an existing provincial area of
jurisdiction - MM. de l'Opposition - should not be imposed on any province not
desiring it". En français, pour moi, ça voudrait dire que le
Québec n'a jamais cédé le droit de veto, mais a
effectivement exigé qu'il pourrait avoir le droit de retrait pour
n'importe quel programme qui ne ferait pas son affaire, avec plein pouvoirs de
compensation. Est-ce que je me trompe, oui ou non?
Des voix: Vous ne vous trompez pas, c'est parfait!
M. Payne: Mais, effectivement, nous avons des propos
émanant d'où? De Toronto et aussi de l'Ontario, de M. Bill Davis,
qui parle de la charte des droits. Lorsque nous voulons savoir quelle
était la suggestion de M. Trudeau, quelle était son obsession,
nous voyons très bien où se trouve le pouvoir du Canada. M.
Davis, premier ministre conservateur d'Ontario, dit: Nous nous sommes
inquiétés, au cours des dernières années, en voyant
les gouvernements libéral -c'est vous autres, ça - et
séparatiste - c'est nous autres, ça - de la province de
Québec prendre des mesures..."
Je peux vous dire quelque chose, en passant, mes chers amis de
l'Opposition: Je suis, depuis quelques semaines, anglophone, mais anglophone
souverainiste renouvelé.
M. Davis continue: "... pour limiter l'accès à
l'éducation en anglais aux niveaux primaire et secondaire au
Québec." C'était lui qui se promenait au Québec pendant la
période référendaire pour dire la seule phrase qu'il
connaissait en français: "II faut voter non au
référendum." Lui, l'unilingue Davis, sauf une phrase, se
promenait partout au Québec exigeant que le Québec dise non.
C'était l'image du Canada d'aujourd'hui et de demain.
Je peux vous donner quelques exemples de ce qui existe. En Ontario,
depuis quelques années, des luttes très dures ont
été menées par les Franco-Ontariens pour la
création d'écoles secondaires à Sturgeon Falls
souvenez-vous - à Windsor, à Cornwall ou à
Penetanguishene. Même si la loi ontarienne est supposée obliger
quelque chose, obliger le fait français en Ontario, rien ne se passe
depuis quelques années. "Il est très évident, disait M.
Davis, que notre forte opposition à l'intention première d'Ottawa
de revoir l'article 133 de la constitution pour imposer le bilinguisme
institutionnel a porté le gouvernement canadien à laisser tomber
cette idée." Voilà la vraie entente que nous avons eue le 16
avril et qui a tellement fait peur à M. Davis lui-même qu'il a
conclu une entente avec M. Blakeney de la Saskatchewan et d'autres pour se
dissocier du Québec, lui qui n'avait jamais eu le courage de signer
l'entente du 16 avril.
Ce n'est pas surprenant en ce qui concerne M. Blakeney, parce que
lui-même, en faisant référence à l'article qui dit
"là où le nombre le justifie", a dit le 4 novembre dernier, avant
même qu'il y ait une entente avec M. Trudeau, qu'on ne devrait pas
laisser le problème linguistique aux juges, car cela devrait être
aux politiciens de justifier le nombre. Vous avez le même M. Blakeney
qui, quelques jours plus tard, dit, après l'entente de M. Trudeau: Je
suis très content parce que, de toute façon, ce n'est pas nous,
mais bien les juqes qui vont décider. Voilà la cohérence
du gouvernement Blakeney qui ne trouve un parallèle qu'avec
l'incohérence du gouvernement fédéral. Nous trouvons la
même incohérence avec le parti d'Opposition qui aurait voulu
présumément que le Québec signe une entente avec le
qouvernement fédéral pour diminuer les pouvoirs. On ne sait
même pas encore si M. Ryan aurait signé la première
entente, le 16 avril dernier.
Loin de moi de vouloir redresser 115 ans d'injustice du Canada anqlais
envers le fait français au Québec et le fait français hors
Québec, mais puis-je souligner quelques petits exemples de ce qui s'est
passé au Québec et à l'extérieur? Qu'est-ce qu'on
peut dire, par exemple, de la situation d'une école française qui
vient d'ouvrir ses portes à Charlottetown,
Île-du-Prince-Édouard, non pas pour les Acadiens de la capitale
provinciale, mais bien pour accommoder les enfants des francophones
fédéraux transférés dans cette province?
Peut-être aussi peut-on parler de la situation de Vonda, en
Saskatchewan, où les parents fransaskois ont demandé à la
commission scolaire l'enseignement français au niveau de la
dixième année. Je me souviens très bien qu'il y avait
l'enseignement jusqu'à la neuvième année. Les commissions
scolaires ont refusé et, devant la Cour d'appel - on vient tout juste de
mentionner le bon vouloir des juqes - les juges ont dit: Le ministre peut
désigner un édifice comme école française, mais il
ne peut pas désigner le programme qui s'y enseigne, alors, pas
d'école. (20 h 20)
Au Manitoba, les parents de la division scolaire La Seine ont dû
se battre avec le qouvernement provincial pour obtenir la construction d'une
école secondaire, même si le nombre le justifiait.
Au Nouveau-Brunswick, tout
dernièrement, en 1969, malgré tous les progrès
réalisés depuis 1969, les 10 000 Acadiens de Saint-Jean attendent
toujours une nouvelle école offrant les services de la première
à la douzième année.
Je reviens pour quelques minutes au Québec. Saviez-vous, M. le
Président et honorables membres de l'Opposition, que dans le grand
Montréal, au Québec, l'an dernier, on a dénombré
377 écoles anglaises dont 40 comptaient moins de 37 élèves
et 20 moins de 20 élèves? Je répète: 20
écoles de moins de 20 élèves au Québec.
On dénote de plus 86 écoles bilingues dont 16 ont moins de
20 élèves. Il existe dans la région de Soulanges une
école, dans une classe élémentaire anglaise, de combien au
Québec? De neuf élèves. Est-ce que cela est un peu plus
fort que les dispositions de la charte de Trudeau là où le nombre
le justifie? C'est scandaleux, M. le Président.
Nous avons entendu des discours dernièrement de M. Joyal. La
seule chose que je peux dire de lui, c'est que je suis très content
qu'il ne soit pas élu au gouvernement québécois. Je ne lui
aurais jamais confié le dossier de la question de la langue au
Québec. C'est lui qui s'est fait laver - ce n'est pas surprenant - par
M. Drapeau aux élections municipales de Montréal, il y a quelques
années, si je me souviens bien. Il a dit: Le Québec demeurera
libre de refuser les immigrants de langue anglaise. Or, avec la proposition de
M. Trudeau, que lui-même est en train de vendre au Québec
actuellement comme un commis voyageur, c'est bien expliqué que "les
citoyens canadiens qui ont reçu leur instruction au niveau primaire en
français ou en anglais - pour les francophones hors Québec
évidemment c'est le français - et qui résident dans une
province, disons l'Ontario, où la langue dans laquelle ils ont
reçu cette instruction, est celle de la minorité francophone, ont
le droit d'y faire instruire leurs enfants au niveau primaire et secondaire
dans cette langue.". Évidemment, là où le nombre le
justifie.
Mais analysons un peu ce que cela peut vouloir dire. Est-ce que je me
trompe, M. le premier ministre du Canada, en disant que c'est une attaque
directe contre la loi 101? Si quelqu'un, par exemple, vient d'Italie, de
Campobasso, et envoie ses enfants à Toronto pour les faire instruire
deux ans, trois ans, à l'école élémentaire, et
ensuite veut déménager au Québec, il aurait quels droits?
Il aurait le libre choix, contre lequel le gouvernement libéral s'est
battu il y a quelques années; qu'est-ce qu'ils sont prêts à
accepter maintenant pour le Québec? N'est-ce pas un exemple classique
d'incohérence de la part de l'Opposition? De l'injustice du premier
ministre du Canada et de la foutaise de M. Joyal qui dit: Le Québec
demeurera libre de refuser les immigrants de langue anglaise. Lui qui dit
effectivement: Cela ne représente aucun danger pour l'avenir du
français au Québec.
Je donne quelques exemples. Il y a un mythe qu'il véhicule avec
son marketing fantastique, avec sa façon de vendre son produit, la
propagande fédérale. En 1980, il y avait 25 962 nouveaux venus au
Québec en provenance des autres provinces. En provenance des autres
pays, il y en avait combien? Il y en avait moins. II y en avait 22 500. Donc,
effectivement, il y a plus, en termes réels. Évidemment, il y a
un "outflow". Il y a des migrations en dehors du Québec comme en dehors
de New York et en dehors de Toronto et des migrations nettes; l'année
dernière, il y avait plus d'Ontariens qui avaient quitté pour
l'Ouest que ceux qui ont quitté le Québec. J'ai les chiffres
à l'appui à savoir que les propositions de M. Joyal n'ont aucun
bon sens.
J'aimerais discuter pendant un moment, M. le Président, de ce qui
se passe au Québec par rapport aux autres provinces. Cela va faire
rougir les membres de l'Opposition dans plus d'un sens. J'aimerais donner un
petit bilan des réalisations du gouvernement du Québec sur la
Basse-Côte-Nord depuis les trois dernières années. On peut
se demander pourquoi, parce qu'il s'agit là d'une communauté
anglophone de quatorze villages qui a été négligée
par chaque gouvernement du passé, fédéral et provincial,
et par le parti de l'Opposition lorsqu'il était au pouvoir. Quatorze
villages de pêcheurs riches dans leur culture, de petits villages de
pêcheurs comme Harrington Harbour, Brador Bay, Old Fort Bay, La
Tabatière, and so on and so forth. Je peux envoyer aux membres de
l'Opposition une petite publication faite par le gouvernement du Québec
- ce sont les péquistes qui l'ont faite - pour les minorités au
Québec. Cette publication, que je vous montre, a été
donnée à chaque foyer, à chaque propriétaire de la
Basse-Côte-Nord, avec un programme de relance de leur économie, de
leurs écoles et de leurs institutions, la radio aussi et les
communications par le journal. Combien avons-nous dépensé en 1980
et en 1981? Dans les affaires sociales, le secteur des pêches, le
transport, les routes et les affaires municipales, 3 000 000 4. En 1981-1982 -
je résume - dans le domaine des loisirs, des pêcheries, le journal
que j'ai mentionné tout à l'heure, le Sextant, le transport, la
construction de routes et la sauvegarde de leur patrimoine anglophone, combien?
2 200 000 $ pour 1981-1982. Programmation pour 1982-1983, prévisions, 8
700 000 $. Vous qui chicanez aussi trop fort au sujet des coupures, vous
n'êtes pas prêts à accorder, dans l'intérêt de
la cohérence, le moindre respect pour vos propres minorités
anglophones. C'est le gouvernement du Parti québécois que
vous
appelez séparatiste qui a effectivement sauvegardé le
patrimoine de quelques-uns des anglophones.
Dans la même veine, je peux vous dire, si vous voulez une
illustration plus claire, que je viens tout juste de parler, aujourd'hui
même, avec l'administrateur de la Basse-Côte-Nord. Non seulement
nous n'appliquons pas le principe là où le nombre le justifie,
mais, sur la Basse-Côte-Nord, nous avons à peu près 250
étudiants du secondaire; non seulement nous leur donnons des
hôpitaux et des services, une petite bibliothèque et des services
dans leur langue, mais nous construisons aussi des bateaux, comme le disait le
ministre de l'Agriculture dernièrement, contre le gré du
fédéral qui a refusé de payer sa quote-part.
En ce qui concerne les étudiants, pour y revenir deux secondes,
il y avait, jusqu'à tout dernièrement - le dernier chiffre que
nous avons cette année - 250 étudiants au secondaire. Nous
dépensons 200 000 $ par année pour les transporter à la
Eastern Township Regional Schoolboard dans les Cantons de l'Est, pour qu'ils
puissent avoir leur enseignement dans la langue anglaise au Québec.
C'est le gouvernement du Québec qui paie pour cela. Là où
le nombre le justifie ne s'applique pas, M. le Président, au
Québec. Nous accordons un droit absolu aux anglophones d'ici. Ils sont
transportés par avion, ils vivent avec la communauté des
anglophones au Québec là où ils se trouvent en plus grand
nombre, pour qu'ils puissent trouver un foyer québécois. C'est le
gouvernement du Québec, les contribuables de Vachon et ceux des autres
121 comtés qui défraient ces coûts et on en est fier.
Une voix: Tu essaieras de faire la même chose avec ta
charte que tu défends actuellement. (20 h 30)
M. Payne: J'aimerais aussi souligner l'existence de quelque chose
qui est appelé "Autant de façons d'être
Québécois". M. le Président, c'est une politique qui
décrit quels sont les droits du Québec anglophone aujourd'hui.
D'abord, pour deux secondes, avant d'entrer dans les détails, je
remarque que ce n'est pas écrit seulement en anglais: "Quebeckers, each
and everyone", mais c'est écrit dans une, deux, trois, quatre, cinq,
six, sept langues, au Québec. Là où le nombre le justifie,
cela n'existe pas comme critère de perfection au Québec. C'est le
gouvernement séparatiste, du Parti québécois, le
gouvernement qui a adopté ce projet pour la société, on
devrait en être fier.
Je ne sais pas combien de temps il me reste, M. le
Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deux minutes.
M. Payne: ... mais j'aimerais suggérer qu'on prenne comme
modèle, pour un Québec de demain, la politique du gouvernement du
Québec, là où on a gardé aussi, avec les mesures
ponctuelles, le droit à l'enseignement pour le milieu anglophone. On
devrait peut-être utiliser ça comme possibilité pour
l'avenir, dans un Québec indépendant et souverain, dans une
future charte québécoise, dans une future constitution
québécoise. On devrait peut-être avoir cette politique
comme modèle - c'est bien traduit dans d'autres langues pour le
bénéfice des autres provinces - pour que ça puisse
être incorporé dans les chartes des droits et libertés de
la personne. Je trouve ça extraordinaire comme charte et, comme base,
ça pourrait très bien servir à une constitution
québécoise, pour l'avenir, avec nos politiques pour les
minorités.
C'est bien sûr que nous n'aimons pas les enseiqnes unilingues;
comme anglophone, je n'aime pas ça. C'est difficile, mais ce n'est pas
un qrand sacrifice. Madame, en face de nous, disait l'autre jour: "Les
modérés se fâchent". Je me dis, à quel prix la
modération?
I would suggest, in concluding, Mr. President, in half a second, that it
would be a very good idea if the Québec Government should use some of
the aspects contained in this policy, "Quebeckers, each and everyone", for a
future Constitution of Québec, because we do not use the same criteria
as other provinces use, where sufficient numbers warrant it. We have an
excellent opportunity in Québec to offer all possible services. I
strongly encourage the Government to continue and to include it in any future
constitutional amendment for Québec.
En terminant, M. le Président, j'aimerais souligner, encore une
fois, que nous en avons plus qu'assez pour les minorités. Je
réitère ce que je disais tout à l'heure. C'est bien
sûr que c'est difficile pour les minorités anglophones pour ce qui
concerne l'affichage, mais nous avons une gamme de services pour ce qui
concerne la radio, la télévision, les bibliothèques, les
cinémas, nous avons des livres, des librairies. Ce ne sont pas les
membres de l'Opposition qui devraient dire au qouvernement du Québec:
Voici notre modèle, parce que vous-mêmes, non seulement vous avez
fait moins que nous autres dans les quatre dernières années, mais
vous étiez prêts aussi, il y a à peine deux semaines,
à signer avec Ottawa l'entente qui aurait eu comme effet de diminuer les
pouvoirs d'un Québec français dont je suis fier d'être
membre comme Québécois anglophone.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: M. le Président, le député de
Vachon m'a surpris. Il doit bien savoir que le Parti libéral du
Québec, qu'un gouvernement libéral n'aurait jamais troqué
le veto du Québec sur quoi que ce soit.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, le député de
Vachon et les autres députés péquistes doivent savoir que,
dans la version de la charte originale, M. Trudeau a mis un veto pour le
Québec. C'est le gouvernement péquiste qui a abandonné ce
veto et je ne sais pas franchement pourquoi. Le premier ministre a
déposé aujourd'hui une motion. Il veut que l'Assemblée
nationale l'approuve parce qu'il veut qu'on approuve des clauses qu'il va
négocier avec le gouvernement fédéral. C'est la
première fois que cela arrive que le gouvernement dépose des
clauses qu'il veut négocier avec le gouvernement
fédéral.
Examinons l'histoire des négociations constitutionnelles de cette
année. Le 16 avril, trois jours après les élections
j'imagine que c'était planifié avant, cela n'a jamais
été discuté - le premier ministre du Québec a
signé un accord avec sept autres provinces. C'est évident que,
dans cet accord, le premier ministre a affaibli le Québec, entre autres
sur deux points importants: premièrement, comme je viens de le dire, il
a troqué le veto du Québec pour un certain étapisme de son
ministre des Affaires intergouvernementales; deuxièmement, il a
abandonné le principe de la dualité. C'est le premier ministre du
Québec, en signant cet accord, qui a abandonné la dualité
pour un principe de diversité. Tout cela n'avait jamais
été discuté dans cette Assemblée. C'est le premier
ministre lui-même qui l'a fait. À la fin de septembre, nous avons
eu la décision de la Cour suprême du Canada. La Cour suprême
a bien dit que le projet de charte fédéral était
légal, mais inconstitutionnel, à cause des conventions. Certains
porte-parole du gouvernement fédéral ont dit que le gouvernement
fédéral était prêt à aller tout de suite
à Londres. Ici, dans cette Assemblée, le gouvernement a
proposé une motion qui a été modifiée par
l'Opposition et dont un des éléments les plus importants a
été ajouté par l'Opposition. Je cite cet
élément important: "Que l'Assemblée nationale demande au
gouvernement fédéral et à ceux des provinces qu'ils
reprennent sans délai les négociations." J'ai dit, M. le
Président, et je le répète, que c'était notre
contribution ou une de nos contributions à la motion.
C'est-à-dire qu'on a voulu qu'il y ait des négociations. Le
gouvernement péquiste est bien sûr allé à Ottawa, il
est revenu quelques jours plus tard les mains vides. Apparemment, il y a trois
points qui séparent le gouvernement du Québec du gouvernement
fédéral: le problème de l'amendement, la mobilité
et les droits linguistiques des minorités.
Mais l'accord qui a été signé entre le gouvernement
et neuf autres gouvernements, les gouvernements provinciaux, a laissé la
porte ouverte pour le Québec; c'est-à-dire qu'ils ont
signé pour eux-mêmes, qu'ils ont laissé la
possibilité pour le premier ministre du Canada de s'entendre avec le
Québec sur les trois points qui séparent le Québec du
gouvernement fédéral.
Quel est le but de cette motion qui est devant la Chambre aujourd'hui?
Elle n'a pas été déposée ici au début; elle
a été, premièrement, déposée à la
veille ou le jour même d'un conseil général du Parti
québécois. Normalement, une motion est déposée,
premièrement, à l'Assemblée nationale. Mais M. le premier
ministre, en tant que président du Parti québécois, a
trouvé bien de déposer la motion devant ses militants.
C'était fait, j'imagine, pour calmer les troupes. Je vois quelques-unes
de ces troupes dans cette Chambre; c'était pour calmer les plus
indépendantistes, les plus séparatistes parmi eux. Parce que les
militants dans son parti supportent mal que le premier ministre porte, le
matin, son chapeau séparatiste et, l'après-midi, son chapeau
fédéraliste. Ses militants veulent qu'il porte toujours son
chapeau séparatiste, parce que des militants indépendantistes
comme des députés qu'on trouve de l'autre côté ne
comprennent pas comment le premier ministre peut aller renouveler le
système fédéraliste au Canada si le programme du Parti
québécois prévoit la séparation du Québec du
Canada. C'est difficile à expliquer, difficile à comprendre. (20
h 40)
Je souligne que la motion devant nous est restée au feuilleton
pendant plus d'une semaine. Elle n'était pas débattue. Pourquoi
n'avons-nous pas eu ce débat la semaine passée? Si c'était
si urgent, pourquoi est-ce resté au feuilleton pendant plus d'une
semaine? La réponse, vous l'avez deviné, c'est que le Parti
québécois va avoir un congrès la semaine prochaine. Une
autre fois ce sera nécessaire pour le premier ministre de
sécuriser ses militants, de sécuriser ses troupes, de les assurer
qu'il n'est pas prêt à poser des gestes pour renouveler le
système fédéral. C'est ça le débat qu'on a
ici. Cest que le premier ministre veut sécuriser ses militants.
L'ordre du jour de cette Assemblée n'est pas l'ordre du jour d'un
gouvernement. C'est plutôt l'ordre du jour d'un parti politique. On suit
ici l'ordre du jour du Parti québécois.
Le chef de l'Opposition a déjà analysé
la motion en détail. Je ne vais donc m'arrêter que sur un
seul point. Le premier ministre, député de Taillon, a dit: Nous
voulons garder tous nos droits et tous nos pouvoirs. Mais je vous
suggère, M. le Président que, si tel est le cas, ce sera
impossible d'accepter une charte des droits. Il est impossible d'accepter une
charte des droits comme, par exemple, le "Bill of rights" aux États-Unis
parce que avoir une charte veut dire qu'on va mettre ensemble, avec les autres
provinces et avec le gouvernement fédéral, toutes nos valeurs
communes dans une charte des droits fondamentaux. Par exemple, on peut mettre
dans une charte, comme c'est le cas aux États-Unis, la liberté de
religion, la liberté d'expression et d'autres libertés.
Le gouvernement péquiste est contre une charte
enchâssée dans la constitution. Ils sont contre le fait
d'enchâsser une charte dans la constitution comme c'est le cas aux
États-Unis.
Une voix: C'est faux.
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît!
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Je vois que la vérité rend certains
députés péquistes nerveux. Même les ministres. Il y
a quelques ministres, qui sont un peu nerveux aussi.
Le Parti québécois est pour une charte
enchâssée dans un Québec indépendant seulement, pas
dans un Québec qui fait partie du Canada. C'est ça, le programme
du Parti québécois.
Le gouvernement nous dit dans la motion: Étant donné la
Charte des droits et libertés du Québec, il n'est pas
nécessaire d'avoir tous les droits inscrits dans la charte canadienne.
Franchement, je trouve impossible de suivre ce raisonnement ou peut-être
cette excuse. Par exemple, le gouvernement péquiste ne veut pas
être lié par les garanties juridiques dans la charte
canadienne.
Une voix: On ne veut pas se faire fourrer.
M. Marx: Voici quelques-unes de ces garanties juridiques qu'on ne
trouve pas dans la charte québécoise; je lis l'article 7: "Chacun
a droit à la vie, à la liberté et à la
sécurité de sa personne; il ne peut être porté
atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de
justice fondamentale." Ils sont contre ça, les péquistes!
Prenons l'article 8: "Chacun a droit à la protection contre les
fouilles, les perquisitions et les saisies abusives." Ce n'est pas dans la
charte québécoise. Sont-ils contre ça?
L'article 9: "Chacun a droit à la protection contre la
détention ou l'emprisonnement....
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît,
à l'ordre! Laissez continuer le député de D'Arcy McGee.
S'il vous plaît!
M. Marx: Je n'accepte pas que le whip du gouvernement crie de
l'autre côté de la Chambre qu'on va m'interrompre parce que j'ai
dérangé le premier ministre aujourd'hui.
M. Chevrette: M. le Président, ce n'est pas du chantage,
j'ai simplement dit que ce monsieur à l'épiderme sensible n'avait
pas à s'offusquer puisqu'il avait dérangé lui-même
le premier ministre.
M. Marx: Question de privilège. Je n'ai pas
dérangé le premier ministre, il m'a dérangé...
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plait! M. le député de D'Arcy McGee, vous aviez la
parole.
M. Marx: Je continue avec les articles de la charte canadienne
proposée qui ne sont pas dans la charte québécoise. Voici
l'article no 12: "Chacun a droit à la protection contre tous traitements
ou peines cruels et inusités." Est-ce que les péquistes sont
contre cela? Est-ce que le premier ministre du Québec est contre un tel
article dans la charte canadienne pour que se lie le Québec?
La charte québécoise est excellente, mais il y a deux
failles. La première faille, c'est que tous les droits et les
libertés ne sont pas protégés dans la charte
québécoise, et je viens de vous donner deux exemples.
La deuxième faille, c'est qu'il y a une clause de
dérogation dans la charte québécoise. Une clause de
dérogation veut dire que le gouvernement peut passer outre aux garanties
de la charte à son gré. Il s'agit simplement d'inclure une clause
dérogatoire à la charte dans la loi.
Le gouvernement actuel, le gouvernement péguiste n'a pas
hésité à violer la charte de cette façon. Je ne
veux pas vous lire la liste, mais le gouvernement péquiste a
violé la charte québécoise neuf fois, de 1976 à
1981. Ce gouvernement devant nous a souvent violé cette charte
québécoise malgré l'avis contraire fortement
étayé de la Commission des droits de la personne, voir par
exemple, le mémoire de la commission, rendu public il y a quelques mois,
sur le Code de la sécurité routière où elle a
écrit que la dérogation à la charte, à l'article
523 de ce code, n'est pas justifiée. Même si la Commission des
droits de la personne du Québec a dit que ce n'est pas justifié,
le gouvernement a violé la charte
une autre fois. C'est cela notre gouvernement péquiste qui
protège les droits et les libertés de la personne.
La charte canadienne a aussi une clause dérogatoire pour certains
articles seulement. Mais pour passer outre à la charte canadienne, cela
prendrait une loi qui doit être renouvelée tous les cinq ans.
Donc, la dérogation à la charte sera portée devant le
peuple au moins une fois par cinq ans. Ce sera débattu par le Parlement
et le gouvernement, qui aimerait passer outre à la charte, aurait
l'odieux de le faire au moins une fois par cinq ans. (20 h 50)
En terminant, M. le Président, je suis prêt à
renouveler le mandat que nous avons donné à ce gouvernement le 2
octobre 1981. Je suis prêt à donner le mandat à ce
gouvernement de retourner négocier de bonne foi, si c'est possible de sa
part. Il y a seulement trois points qui séparent le gouvernement du
Québec du gouvernement fédéral. Je pense que ce serait
possible pour le gouvernement du Québec de trouver une façon de
combler ces différends. Je suis prêt à renouveler le mandat
du 2 octobre 1981, mais je ne suis pas prêt à donner un autre
mandat à ce gouvernement. Le mandat du 2 octobre est assez
précis. Celui-ci doit retourner à la table des
négociations, à Ottawa, pour terminer le travail qu'il a si mal
commencé.
M. le Président, j'ai un post-scriptum. J'aimerais faire une
suggestion à la ministre d'État à la Condition
féminine. J'ai travaillé à la commission de la justice
avec cette ministre. Je sais qu'elle est de bonne foi et qu'elle veut faire
tout ce qui est possible pour protéger les droits de la femme.
Peut-être, peut-elle proposer un autre amendement - je suis sûr
qu'elle aurait le consentement de la Chambre même si elle a
déjà parlé une fois à ce sujet - pour que le
Québec donne son consentement pour une adhésion formelle à
la charte canadienne, pour que les droits des femmes soient garantis au
Québec et qu'il soit hors de la possibilité du gouvernement de
passer outre aux droits de la femme. C'est une suggestion que je fais à
la ministre d'État à la Condition féminime.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Communications.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, en ce moment, à
Ottawa, les parlementaires de différentes formations politiques
décident de l'avenir du Canada et du Québec. Et ce que nous
sommes obligés de constater, c'est qu'ils le font comme si le
Québec n'existait pas.
Je me suis longtemps demandé, M. le Président, quel
était le sens de cette expression qu'on a quelquefois utilisée,
il y a quelques mois, on veut "enchâsser" ceci, "enchâsser" cela
dans la charte des droits ou dans la constitution. J'ai compris que ce qui se
passe en ce moment; c'est qu'à Ottawa, on est en train de rédiger
une constitution et on est en train d'en chasser le Québec.
On trouve le moyen progressivement de régler le problème
des autochtones. Tant mieux. On aurait, semble-t-il, trouvé une solution
pour assurer l'égalité dans cette charte des droits des hommes et
des femmes. Je m'en réjouis, M. le Président.
Le premier ministre du Canada fait une grande déclaration devant
la télévision, il s'adresse à la population et dit: Enfin,
nous avons une constitution qui nous permet de dire que le Canada est devenu un
pays indépendant. Et la succursale d'applaudir, la succursale de se
réjouir de ce nouveau statut d'indépendance qui s'en vient, alors
qu'il y a au moins une chose dont on est certain, c'est que cette
indépendance continuera d'être coiffée du sceau de la
monarchie. Le Canada indépendant est un Canada qui va mieux
protéger la monarchie qu'il ne protégera le Québec. Et on
va continuer, sans que le public le sache, à huis clos, entre les quatre
murs de la Chambre des communes, sans que les citoyens ne puissent l'entendre,
le voir à la télévision, de réciter une
prière.
M. le Président, je veux être bien compris à ce
moment-ci parce qu'on sait combien toutes sortes de procès d'intention
peuvent être faits, surtout par les temps qui courent, combien tout le
monde s'accroche à n'importe quoi pour tenter de faire dire aux
parlementaires des choses qu'ils n'ont pas dites. Loin de moi l'idée
qu'on ne puisse pas, à la Chambre des communes, avoir la prière
qu'il y a là-bas. Loin de moi, d'ailleurs, l'idée de dire que ces
moments de recueillement auxquels vous nous invitez en début de travail,
chaque jour, sont des moments qui ne doivent pas être
respectés.
Quand on lit la prière qui prévaut à la Chambre des
communes, on sait que, dans ce grand pays indépendant que M. Trudeau
nous prépare, on aura protégé les autochtones,
assuré l'égalité des droits entre les hommes et les
femmes, mais, bien sûr, on aura laissé de côté le
Québec parce que, plus important que cela, il y a la monarchie à
protéger et à sauvegarder. On continuera de dire: "Ô
Seigneur! Notre Père céleste, haut et puissant. Roi des rois,
Seigneur des seigneurs, le seul souverain des princes qui contemplez de votre
trône tous les habitants de la terre; nous vous supplions du fond de nos
coeurs de regarder avec faveur Notre très gracieuse dame souveraine, la
reine Élizabeth, et de la remplir tellement de la grâce de votre
Saint-Esprit qu'elle fasse toujours votre volonté et qu'elle marche
dans
vos voies; donnez-lui la santé et le bonheur d'une longue vie;
fortifiez-la afin qu'elle triomphe de tous ses ennemis et, finalement,
après cette vie, qu'elle jouisse de la joie et de la
félicité éternelles. "Dieu tout-puissant, source de toute
bonté, nous vous prions humblement de bénir la reine mère,
le prince Philip, duc d'Edimbourg, Charles, prince de Galles, et toute la
famille royale. Ainsi soit-il."
M. le Président, vive le Canada libre! Même le
député de Frontenac, pendant de nombreuses années, au
Parlement fédéral, se faisait lui aussi un ardent
défenseur de la monarchie et, aujourd'hui, il est obligé, en
cette enceinte, de défendre les droits du Québec. Pourquoi, aux
yeux du gouvernement fédéral, le Québec n'existe-t-il pas?
C'est parce que, avant même que le Parti québécois ne
prenne le pouvoir, avant même que le gouvernement Bourassa n'exerce les
responsabilités qui sont celles du Conseil exécutif,
déjà, en 1967, sous un gouvernement de l'Union Nationale, il se
trouvait, dans ce gouvernement libéral-fédéral, des gens
qui considéraient le Québec comme un pays hostile et
étranger. C'est celui même qui témoignait comme
ex-directeur de la Gendarmerie royale du Canada qui admettait, le 19 novembre
de cette année - il n'y a pas longtemps, à peine cinq jours -
qu'en 1967 M. Lalonde voulait que la GRC espionne le Québec comme une
puissance étrangère hostile. Marc Lalonde! Imaginez-vous, en
1967. (21 heures)
Rappelons-nous le contexte: l'Expo, la période où l'Union
Nationale était au pouvoir, la période où les gens, au
Québec, étaient encore vraiment dans le système
fédéral et n'en contestaient pas les principes fondamentaux,
à cette époque. 1967, Marc Lalonde, ministre
fédéral du présent gouvernement, qui est à Ottawa,
disait qu'il voulait que la GRC espionne le Québec comme une puissance
étrangère hostile. Voilà ce que nous étions en
1967, voilà ce que vous étiez, vous les libéraux, à
l'Assemblée nationale du Québec, lorsque vous siégiez de
ce côté-ci de la Chambre, entre 1970 et 1976, et que vous faisiez
l'objet d'écoute électronique par les gens de la Gendarmerie
royale du Canada, au moment même où le député de
Jean-Talon n'était pas très loin du premier ministre de
l'époque, lequel premier ministre, aujourd'hui, se voit renvoyer la
casquette de la Gendarmerie royale du Canada entre les deux jambes et essaie de
se refaire une virginité politique. On apprend des choses, c'est qu'il y
avait, même à cette époque, un gouvernement libéral
du Québec qui était considéré par le grand
frère fédéral comme le gouvernement d'une puissance
étrangère hostile.
Je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, que, lorsgu'il
s'agit de nous, les gens du Parti québécois, s'il fallait que
Marc Lalonde reprenne aujourd'hui ses phrases et les applique à ce
gouvernement méchamment séparatiste qui veut briser son pays,
qu'est-ce qu'il dirait de nous, aujourd'hui, en 1981?
M. le Président, ça fait déjà des
années que, dans ce Parlement d'Ottawa, à partir des
ténors d'un gouvernement libéral, on a décidé que
le Québec - c'est-à-dire cette patrie, cette nation, ce peuple,
qui veut d'année en année s'affirmer, se développer, se
donner des instruments qui lui permettent de s'assumer, de se prendre en main,
de devenir davantage maître chez lui - il fallait, pour une fois, lui
dire clairement ce qu'on pense et, une fois pour toutes, s'assurer qu'il n'y
aurait pas ici de velléité de former véritablement un
État moderne, un État contemporain, un État en pleine
possession de ses moyens, un État capable de s'assumer, de se prendre en
charge et d'assurer lui-même son développement culturel, social et
économique. C'est ce qu'on a décidé, il y a plusieurs
années à Ottawa, et tout ce qui s'est passé depuis un an
et demi, depuis le référendum du 20 mai 1980, dans le fond, tout
cela a été préparé, orchestré,
programmé par des gens à l'esprit essentiellement
machiavéligue qui, depuis la fin des années soixante, ont
décidé de mettre le Québec à sa place.
Je me rappellerai toujours une entrevue donnée par Pierre Elliott
Trudeau à une émission qui s'appelait, à l'époque,
les Couche-tard; les Couche-tard était animée par Jacques Normand
et Roger Baulu - pour ceux qui s'en souviennent - et M. Trudeau, un soir,
était à cette émission. On lui pose tout à coup la
guestion: Quel est l'auteur que vous préférez, de tous ceux dont
vous vous rappelez? Il a répondu - et ça m'est resté dans
l'esprit parce que je me suis dit: On verra dans les années qui
viendront si, effectivement, il n'a pas été profondément
marqué par cet homme - que Machiavel était son auteur
préféré, et le prince de Machiavel, il siège
à Ottawa, avec l'appui de la royauté. Et ce prince de Machiavel,
il est dans la situation des gens...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
ministre, je ne voulais pas vous interrompre, j'ai essayé d'être
patient, mais je pense que, malgré votre turbulence d'un mardi soir, il
serait peut-être intéressant d'écouter ce que les gens ont
à dire et j'inviterais les gens que j'entends le plus fort, mais que je
ne nommerai pas pour le moment, à permettre au ministre de terminer son
intervention. M. le ministre.
M. Bertrand: M. le Président, ce prince de Machiavel a
décidé, depuis qu'il occupe les responsabilités de premier
ministre du
Canada, de faire en sorte que le Québec ne soit pas cette nation,
ce peuple, cette société distincte, cette communauté
nationale qui a des droits et qui veut les affirmer. Il a fait en sorte, depuis
plus de treize ans, que toute la dynamique qui s'est développée
chez nous soit tout à coup stoppée, que la volonté des
Québécois d'assumer leur destin soit tout à coup mise de
côté et qu'on fasse en sorte, par ce coup de force qui remonte
maintenant à plus d'un an, que le Québec reprenne tranquillement
le statut que les libéraux fédéraux voudraient lui voir
prendre, c'est-à-dire d'être une province comme les autres, une
sur dix, M. le Président.
Ce que l'on constate aujourd'hui, c'est que non seulement on est en
train, à Ottawa, de faire des choses sans le consentement du
Québec, mais que ce consentement du Québec n'est même plus
considéré comme ce que nous considérions qu'il devait
être, c'est-à-dire le consentement d'une des deux nations, d'un
des deux peuples qui ont fondé le Canada et qui est en droit de
s'attendre, chaque fois qu'on fait des changements constitutionnels, que notre
voix porte au moins aussi haut et aussi fort que celle de tout le reste du
Canada, qu'il soit représenté par quatre, six, huit ou neuf
provinces.
Il y a toujours eu cette dualité qui est inscrite dans l'essence
même du pacte confédératif et qu'aujourd'hui nous nous
devons de réaffirmer, parce que c'est sur cette base seulement que
peuvent s'effectuer les changements constitutionnels.
L'Île-du-Prince-Édouard est à peine plus grande et plus
nombreuse en population que Montréal-Nord et à peine plus petite
que la ville de Longueuil. Cette Île-du-Prince-Édouard que nous
respectons est une province, mais quand il s'agit de parler de changement
constitutionnel qui engage non seulement l'avenir de chaque province prise
individuellement, mais l'avenir de deux peuples, de deux nations, de deux
sociétés distinctes, j'ai l'impression qu'il faut ramener les
gens d'Ottawa à la raison et leur faire comprendre que nous, de
l'Assemblée nationale, ne sommes pas capables de signer un accord ou une
entente qui ne tienne pas compte du caractère distinctif du
Québec et qui ne tienne pas compte de nos obligations
particulières dans ce régime fédéral pour
protéger les droits et les pouvoirs de la communauté francophone,
qui est la seule à avoir un État pour la représenter dans
l'ensemble de l'Amérique du Nord.
À cause de cela, je me rappelle les propos que Daniel Johnson
tenait autour des années 1966-1967, participant à des
conférences fédérales-provinciales: "Ce qu'il faut
construire, ce n'est pas un Canada à dix, c'est un Canada à
deux." Je comprends donc M. Lalonde, à partir de ce moment-là,
d'avoir considéré que le Québec était un pays
hostile et étranger. Imaginez-vous qu'au Québec il y a des hommes
d'État qui se sont levés et qui ont dit: Ce Canada, s'il doit
avoir un avenir, il faut qu'il fasse reposer tous les changements
constitutionnels sur cette notion de l'existence de deux peuples
différents, distincts, mais qui ont besoin, l'un et l'autre, d'avoir les
instruments pour se développer.
Dans ce contexte, la question que je pose aux gens d'en face, c'est:
À travers les pirouettes dont ils ont été capables
jusqu'à maintenant, à travers le langage sinueux qu'ils nous
tiennent, à travers ces discours qui patinent sur une très mince
glace, est-ce que, oui ou non, ils signeraient l'entente qui est devant nous en
ce moment? Est-ce que le député de D'Arcy McGee mettrait son nom,
Herbert Marx, sous l'entente qui est devant la Chambre des communes
actuellement?
Est-ce que Mme la députée de L'Acadie inscrirait son nom,
Thérèse Lavoie-Roux, au bas de l'entente qui est devant la
Chambre des communes et à laquelle le Québec n'est pas
associé, à laquelle l'Assemblée nationale du Québec
n'est pas associée? (21 h 10)
Est-ce que le député de Maskinongé inscrirait son
nom au bas de l'entente? Est-ce que le député de Mont-Royal
inscrirait son nom au bas de l'entente?
Des voix: Oui, oui, oui!
M. Bertrand: Dans son cas, je n'en doute pas, parce qu'ils
faisaient partie des neuf dissidents du 2 octobre dernier qui ont voté
contre la résolution, contre leur chef, contre leur parti politique.
Une voix: Contre le Québec.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Bertrand: Ces gens-là, aujourd'hui, se frottent les
mains de joie et d'aise parce que leur chef aura été nationaliste
pendant deux semaines, parce que leur parti aura été nationaliste
pendant deux semaines, parce que leur parti aura été du
côté de l'Assemblée nationale, du côté du
Québec, du côté des Québécoises et des
Québécois pendant deux semaines, mais il n'en pouvait plus. Cela
vous a été difficile de retourner dans vos comtés;
plusieurs l'ont raconté par l'intermédiaire des médias
d'information ou qui l'ont dit dans des conversations privées. Cela a
été très difficile. Je reconnais, pour certains, qui ont
eu du courage le 2 octobre dernier, que ça n'a pas dû être
facile. Les neuf autres, ils ont passé pour des héros. Le
député de Gatineau a passé pour un héros dans son
comté, un grand homme, un homme
qui a vraiment parlé au nom des Québécois et des
Québécoises, mais Dieu sait qu'il faudrait aller voir de qui lui
venait cet appui.
Au moment où, aujourd'hui, ce 24 novembre, nous sommes à
discuter des mêmes enjeux que ceux dont nous discutions le 2 octobre
dernier, on ne sait pas si ces gens-là signeraient ou ne signeraient
pas. La signature, c'est ici que nous allons, d'une certaine façon
symbolique, l'apposer ou pas au bas de cette entente qui est devant la Chambre
des communes. Lorsque nous prendrons le vote, quand les gens se lèveront
pour dire qu'ils appuient la motion présentée par le premier
ministre, ils diront: Nous ne signons pas parce que, pour signer, il faut que
ces choses-là nous soient garanties et assurées. Ceux qui se
lèveront, au contraire, pour dire qu'ils votent contre cette motion
diront au peuple du Québec: Nous sommes prêts à signer
cette entente. C'est là que nous verrons qui sont ceux qui croient dans
les droits et les pouvoirs de l'Assemblée nationale et quels sont ceux
qui n'y croient pas.
Vous auriez avantage et intérêt à vous rappeler
qu'aux yeux du fédéral, en ce moment, ils sont à la fois
l'Opposition à l'Assemblée nationale et le gouvernement à
l'Assemblée nationale. Ils vous ont dit, après le 2 octobre: Nous
ne croyons plus aux libéraux provinciaux pour être la
véritable Opposition au Québec; dorénavant, nous serons
l'Opposition officielle du gouvernement québécois. Ils vous ont
dit cela et ils nous ont dit un peu plus tard, il y a à peine quelques
jours de cela, quand M. Trudeau est venu à Québec: Nous ne
négocions plus avec le gouvernement du Québec, il est
illégitime à nos yeux, nous allons négocier avec nos
députés fédéraux du Québec. Ils sont
à la fois l'Opposition et le gouvernement à l'Assemblée
nationale; si ce n'est pas de l'usurpation d'opposition et de l'usurpation de
pouvoir, je ne sais pas ce que c'est!
Une voix: De l'anticipation.
M. Bertrand: Dans un contexte comme celui-là, nous
ramenant 90 ans en arrière, jamais les propos d'un premier ministre
n'auront été aussi vrais que ceux que prononçait
Honoré Mercier le 9 juin 1891. Simplement à écouter ce
texte, on pourrait se reporter 90 ans après, en 1981, et avoir
l'impression d'être dans la continuité.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre...
M. Bertrand: Quand les premiers ministres du Québec se
tiennent debout, ils tiennent à peu près le langage suivant.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre...
M. Bertrand: Encore quinze secondes, M. le Président, si
vous me le permettez.
Des voix: Consentement!
M. Bertrand: Voici ce que disait Honoré Mercier et je
conclus là-dessus: "II est bien permis de dire, d'après ce qui
s'est passé depuis quelques années à Ottawa, que nous
n'obtiendrons rien de ce côté. Tous les gouvernements qui s'y sont
succédé depuis les premiers jours de la
Confédération ne se sont guère occupés de notre
province. Pourquoi? C'est bien simple. La majorité est anglaise dans la
Puissance et elle est canadienne-française dans la province de
Québec. Nous sommes la minorité et il nous faut subir le sort du
plus fort. Nous avons fait une union désavantageuse, nous devons la
subir en silence et tout ce que nous avons à faire, c'est de
tâcher de l'améliorer nous-mêmes, par nos propres
ressources, avec intelligence et patriotisme et sans compter sur les
autres".
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, j'ai été
très édifié par la prière du ministre à la
reine et je la comprends très bien parce que c'est bien son premier
ministre qui a changé le veto du Québec contre un veto
préservant la monarchie. Je comprends la nouvelle allégeance du
Parti québécois à la reine. Ici on ne se tracasse pas plus
que cela. Je trouve bien triste, tandis que les indigents au Québec
voient le coût de la vie monter de jour en jour, tandis que les lignes de
chômeurs deviennent de plus en plus longues, tandis que les citoyens,
beaucoup de citoyens, trop nombreux sans doute, tâchent de jour en jour
de sauver le seul grand bien qu'ils possèdent, la maison familiale,
tandis que l'économie flanche, que les coupures budgétaires les
plus sérieuses affectent les services de santé, les services
sociaux, les services d'éducation aux citoyens, tandis que les
impôts directs et surtout indirects continuent de monter de jour en jour,
je trouve bien triste, dis-je, dans des circonstances si sérieuses pour
tous les citoyens, que nous passions plusieurs heures si précieuses au
cours d'une session déjà si courte pour discuter, plutôt
rediscuter, répéter ad vitam aeternam les mêmes arguments
constitutionnels qu'on se répétait d'un côté et de
l'autre seulement la semaine dernière.
Nous nous sommes dit et redit les mêmes arguments toute lasemaine durant. Est-ce que nous ne nous sommes pas tout dit
et redit pendant les nombreuses semaines qui ont
précédé ce débat-ci? Une fois encore, heure
après heure, il faudra parler de ce gouvernement-ci et de ses pouvoirs,
de l'autre gouvernement et de ses pouvoirs. Il faudra parler du gouvernement
qui a négocié de bonne foi, du gouvernement qui anégocié de mauvaise foi, de la nuit des longs couteaux et des
petits couteaux.
M. Bertrand: M. le Président...
M. Lincoln: Mais je suis certain, M. le Président, que le
peuple du Québec en a marre. Il a marre de ces discussions interminables
qu'il entend de jour en jour depuis des semaines déjà. Il n'y a
rien de nouveau dans la motion d'aujourd'hui du Parti québécois
qui va ajouter quoi que ce soit au processus des négociations entre le
Québec et le Canada. Et c'est ça que le peuple cherche. Si au
moins cette motion pouvait avoir cet objectif, le peuple serait d'accord. En
fait, le peuple réalise que toutes ces discussions que nous faisons sont
des discussions qui sont devenues inutiles et stériles. Elles sont
inutiles et stériles car l'enjeu du débat est fort simple. Le
gouvernement du Québec croit-il, oui ou non, dans le principe du
fédéralisme canadien confirmé par une forte
majorité de Québécois en mai 1980? Si oui, s'il y croit,
qu'il saisisse les ouvertures, les occasions qui sont maintenant disponibles et
ouvertes de façon honorable à toutes les parties pour discuter
des trois points en litige dont le premier ministre parlait lui-même
à la fin de la dernière conférence
fédérale-provinciale sur la constitution.
Sinon, s'il ne croit pas au principe même du
fédéralisme canadien - c'est bien son droit, c'est sûr -
qu'il le dise sans ambiguïté aucune, sans artifice, sans passer par
quatre chemins. Qu'il ne se serve pas de motions pour essayer de rendre le
débat plus douteux ou essayer de le mettre dans un décor qui
cache la vérité même; qu'il ne se serve pas de diversions,
qu'il dise aux citoyens en toute franchise: Le fédéralisme, pour
nous, cela ne compte plus, c'est mort, on n'y croit plus. Seule
l'indépendance va faire l'affaire. Qu'il ait le courage, le
gouvernement, de le dire sans ambiguïté, sans artifices, qu'il ait
le courage de sortir de derrière les rideaux, d'en appeler au peuple, de
faire une élection référendaire et de laisser le peuple
juger. (21 h 20)
Tôt ou tard, le peuple va demander des comptes au gouvernement. Il
va demander des comptes sur tout le temps que le gouvernement a perdu de jour
en jour à jouer à Don Quichotte et à attaquer les moulins
à vent constitutionnels tandis que l'économie périclite,
que les chômeurs et les lignes de chômeurs continuent à
grandir. Les gens en ont assez de cette ritournelle, de ces débats
stériles quand le peuple sait fort bien que le gouvernement n'entend pas
une seule minute négocier avec le fédéral. L'enjeu est
bien simple: Est-ce que ce sera un Québec renfermé sur
lui-même, méfiant de ceux qui ne pensent pas ou ne parlent pas
comme nous, un Québec contestataire, un Québec de petites
étiquettes, de petits règlements, de classifications sans fin, un
Québec de majorité et de minorité, de statistiques et de
pourcentages où les individus ou les humains comptent de moins en moins,
le Québec de la collectivité et de la minorité ou bien
est-ce que ce sera un Québec confiant en lui-même qui saura
profiter des ouvertures et de l'essor que lui offre l'appartenance à un
grand pays qu'est le Canada, un Québec de libertés individuelles,
un Québec de tolérance, un Québec fort au sein du Canada?
Eh bien, c'est ce Québec, moi, que je cherche et je ne vois aucune
contradiction en étant un fier Québécois et un fier
Canadien. C'est ce que je souhaite ardemment.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Taschereau.
M. Richard Guay
M. Guay: Merci, M. le Président. Au risque de
déplaire au député qui m'a précédé,
nous allons effectivement continuer à parler de constitution parce que
cela a une importance fondamentale pour l'avenir du peuple
québécois.
Cela fait, en effet, des années que les gouvernements successifs
du Québec, reflétant en cela la volonté réelle du
peuple québécois, ont cherché à obtenir un nouvel
accord constitutionnel qui donnerait au Québec davantage de pouvoirs et
d'autonomie que les autres provinces n'en ont ou n'en veulent, d'ailleurs. Il
s'est agi là d'une démarche tout à fait naturelle. Elle
provient de la perception qu'ont les Québécois de constituer un
peuple et de la nécessité pour le seul gouvernement
contrôlé par ce peuple et tout entièrement voué
à la défense de ses intérêts de jouir du maximum de
ressources financières et légales pour la protection de notre
personnalité française en Amérique et la croissance de
notre économie.
La confiance qu'une majorité de Québécois ont eue
en la possibilité de trouver à l'intérieur du Canada
fédéral un statut particulier respectant notre situation
particulière a été définitivement compromise,
toutefois, par les récents événements d'Ottawa. C'est le
Québec - faut-il le rappeler - qui provoqua il y a une vingtaine
d'années la ronde contemporaine des pourparlers constitutionnels.
Dès son élection à la tête du gouvernement du
Québec en 1960, le premier ministre Jean Lesage
présentait à une conférence
fédérale-provinciale une proposition de rapatriement de la
constitution impliquant le retrait du gouvernement fédéral des
plans conjoints, ainsi que des pouvoirs accrus pour le Québec. Inutile
de vous dire, M. le Président, que cette proposition n'a pas eu de
suite.
Mais tout comme son prédécesseur, Maurice Duplessis, les
initiatives de M. Lesage visaient un but précis, Écoutons-le
à Sainte-Foy le 14 décembre 1965: "Pour répondre aux voeux
de notre population, déclare M. Lesage, nous chercherons à
obtenir tous les pouvoirs nécessaires à notre affirmation
économique, sociale et politique. C'est là un objectif logique,
sain et positif. Dans la mesure où d'autres provinces, pour des raisons
tout à fait acceptables, n'ont pas besoin de se fixer le même
objectif - et il semble bien que ce sera le cas - le Québec verra, par
rapport à lui, son statut se différencier davantage."
Daniel Johnson continue dans la même veine, fcoutons-le, dans le
mémoire qu'il dépose à la conférence sur la
fiscalité, en septembre 1966, quelques mois, lui aussi, après
avoir été élu premier ministre du Québec, lorsqu'il
affirme son intention: "De faire reconnaître juridiquement et
politiquement la nation canadienne-française, entre autres moyens, par
l'élaboration d'une nouvelle constitution qui reconnaisse dans notre
pays les droits collectifs égaux aux Canadiens de langue
française et aux Canadiens de langue anglaise et qui confie au
Québec toutes les compétences nécessaires à la
sauvegarde de l'identité québécoise."
M. Bourassa a continué dans la même veine avec ses
batailles, notamment dans le domaine des communications, se heurtant, comme le
présent gouvernement d'ailleurs, à ce même mur de
béton qui, depuis 20 ans, bloque les aspirations du Québec et
tout particulièrement depuis l'avènement au pouvoir, à
Ottawa, de Pierre Trudeau.
Or, ce qui s'est passé le 5 novembre dernier - lorsque le Canada
anglais et les dix gouvernements se sont entendus, l'entente qui a
été signée à l'exclusion du Québec - est
très claire. Un journaliste de The Gazette, Graham Fraser, un excellent
observateur de la scène politique québécoise, ne s'y est
pas trompé lorsqu'il écrivait, deux jours plus tard: "On that
date - le 5 novembre -Canada's ten other Governments, nine provincial and the
federal, made it clear that from now on, constitutionally, there is no special
deal for Québec. Québec, they said with one voice, is and will
remain a province like the others."
Je traduis, M. le Président: "Ce jour-là, le 5 novembre
dernier, les dix autres gouvernements du Canada, neuf provinces et le
fédéral, établirent clairement que dorénavant, il
n'est pas question d'une entente particulière pour le Québec. Le
Québec, ont-ils affirmé d'une seule voix, est et demeurera une
province comme les autres."
Une voix: Jamais.
M. Guay: Le même journaliste ajoute, et je traduis: "Les
énergies qui ont été consacrées afin de
réclamer plus de pouvoirs pour le Québec à
l'intérieur de la Confédération, les diverses politiques
et slogans qui en ont découlé et les études proposant la
reconnaissance constitutionnelle du dualisme canadien, un statut spécial
pour le Québec, la souveraineté culturelle, le
fédéralisme renouvelé, le rapport Pepin-Robarts, le livre
beige du Parti libéral du Québec, tout cela est devenu
soudainement, brutalement sans aucune importance."
Bref, le Québec, qui a provoqué ce débat il y a 20
ans pour accroître ses pouvoirs, se retrouve, 20 ans et cinq
gouvernements plus tard, face à un accord du Canada anglais pour
diminuer ces pouvoirs. Aucun gouvernement du Québec, je dirais
même aucun membre de cette Assemblée nationale n'a de mandat pour
accepter une telle diminution et nous ne l'accepterons pas. L'accord conclu par
le Canada anglais dans le dos du Québec met, en tout cas, un terme, un
point final aux espoirs de tous ceux qui, à un moment ou à un
autre - et ils sont nombreux de ce côté-ci de la Chambre autant
que de l'autre - ont cru possible que le fédéralisme canadien
soit suffisamment souple pour y accueillir un Québec distinct, ayant des
besoins et des aspirations qui lui soient propres et auxquels le système
puisse répondre généreusement.
Après l'entente conclue par le Canada anglais, écrit
toujours Graham Fraser dans The Gazette: "Le Québec a perdu, dit-il, un
rêve d'une spécificité constitutionnellement reconnue; le
rêve d'un Québec plus fort à l'intérieur de la
Confédération, le rêve d'un Canada à deux. Si le
Canada anglais peut désormais se passer d'une manière aussi
cavalière de l'opinion et de l'accord du peuple québécois,
celui-ci devra donc en tirer les conséquences. Pour ceux et celles,
nombreux et nombreuses, qui ont honnêtement cru à la
dualité canadienne et à la possibilité pour le
Québec de s'épanouir pleinement, en toute liberté et en
toute égalité, à l'intérieur du régime
fédéral canadien, le comportement du Canada anglais constitue une
gifle à leur bonne foi. Il illustre de manière dramatique que
cette dualité n'existe pas et qu'à moins de prendre nos affaires
en main, notre avenir est désormais à la merci de gens qui se
moquent de nous. D'autant qu'il devient plus clair, à chaque jour, que
l'entente conclue constitue un marchandage odieux, de la part de Pierre Trudeau
et de Bill Davis, premier ministre
de l'Ontario, "premier of Ontario", pour mettre le Québec au pas,
en ce sens que si le Québec n'a pas réussi à obtenir un
statut particulier qui lui donnerait plus de pouvoir, il jouit néanmoins
d'un statut très spécial a l'intérieur du Canada." (21 h
30)
On savait déjà que M. Davis avait mis comme condition
à son appui au projet d'Ottawa, que l'Ontario ne soit pas astreint
à l'article 133 de la constitution qui impose le bilinguisme au
Québec, malgré le fait que la plus importante minorité
française au Canada soit en Ontario. Mais dans une lettre dont les
journaux font état aujourd'hui, et qui n'était pas
destinée, on s'en doute, à être rendue publique, M. Davis
n'essaie même pas de camoufler le véritable fond de la manoeuvre
canadienne anqlaise.
Je cite la lettre du premier ministre de l'Ontario, M. Bill Davis, qui
écrit à une de ses commettantes: "Je tiens à vous assurer
que nous sommes opposés à l'imposition du bilinguisme dans les
institutions provinciales de l'Ontario, telles les législatures, les
tribunaux et les autres institutions." Il ajoute: "Par contre, en ce qui a
trait à la loi 101 du Québec, si l'article 23 de la charte
fédérale devient loi, les sections LXXII et LXXIII de la loi 101
seront inconstitutionnelles." Note, en passant, au député de
D'Arcy McGee qui semble prétendre le contraire. "De ce fait, poursuit M.
Davis, les anglophones de l'Ontario qui seront citoyens canadiens et qui
déménageront au Québec pourront faire éduquer leurs
enfants en anglais s'ils demeurent dans une région où le nombre
le justifie." M. Davis ajoute: "Nous nous sommes inquiétés -
pauvre lui, à Toronto - au cours des dernières années, en
voyant les gouvernements libéral et séparatiste de la province de
Québec, prendre des mesures pour limiter l'accès à
l'éducation en anglais aux niveaux primaire et secondaire aux citoyens
anglophones qui déménageaient dans cette province." Ils se sont
inquiétés. "Mais, poursuit M. Davis, nous avons aussi pris une
position ferme pour faire valoir que cela serait nuisible si la nouvelle
constitution contenait des clauses imposant le bilinguisme institutionnel
à l'Ontario ou à toute autre partie du Canada."
En d'autres mots, pour ceux qui, parmi les Québécois, ont
cru au Canada à deux, voilà la version ontarienne, la vision
ontarienne du Canada. Un Canada, "a British country", avec une province
bilingue, mais attention, pas trop bilingue, pourvu que les droits des
anglophones soient reconnus. Là, le Québec a un statut
particulier, un statut très particulier, et il est seul à
l'avoir, dans l'esprit de M. Davis. C'est très édifiant de voir
ce que M. Trudeau a conclu avec M. Davis, dans le dos du Québec. Et
voilà le Canada anglais, dévoilé dans toute sa
tristesse.
Il est curieux de voir quand même que le gouvernement d'Ottawa ne
s'est jamais préoccupé du sort des minorités
françaises depuis le début de la Confédération,
malgré les règlements et les lois des autres provinces
carrément racistes qui ont assimilé ces minorités. Jamais
le gouvernement d'Ottawa ne s'est préoccupé de cela. Sauf le jour
où la majorité française du Québec a levé la
tête pour affirmer ses droits, ici au Québec, et chercher à
préciser, en toute équité, les droits de notre
minorité anglaise. Ce jour-là, avec la loi 22, puis avec la loi
101, Ottawa s'est préoccupé, comme par hasard. Cela a conduit
à l'accord du 5 novembre dernier qui non seulement attaque la loi 101,
mais rendrait désormais le Québec à la merci de tout
changement constitutionnel décidé par le Canada anglais. S'il y
en a qui pensent que le Canada anglais ne s'entendait pas sur le dos du
Québec, le 5 novembre dernier, cela constitue un cinglant
démenti. Ils se sont entendus ce jour-là, ils peuvent s'entendre
de nouveau sur le dos du Québec.
En ce sens, M. le Président, le Québec a là aussi
un statut très particulier aux yeux du reste du Canada, le statut d'une
société qu'il faut mettre au pas, parce qu'elle
dérange.
Mon collègue de Vanier, tout à l'heure, a
évoqué l'autre statut particulier dont jouit le Québec et
dont Marc Lalonde a été l'instigateur. Là encore, le
Québec jouit d'un statut très particulier à
l'intérieur du Canada, au point qu'on dit à la RCMP:
Considérez le Québec comme un pays étranger et hostile au
Canada. En effet, dans tout cela, le plus désolant, c'est sans doute le
fait que ce sont des francophones à Ottawa qui cherchent à se
faire valoir aux yeux du Canada anglais en faisant sa sale besogne. C'est
Pierre Trudeau, Jean Chrétien et Marc Lalonde qui cherchent ainsi
à livrer le Québec pieds et poings liés et à le
tromper perfidement. "Livrer, tromper perfidement", c'est la définition
que le dictionnaire Larousse donne au verbe "trahir". En ce sens, parce qu'il
est la seule province à être représentée à
Ottawa par des gens qui le trahissent plutôt que de défendre ses
intérêts, Québec a un statut combien particulier, mais dont
il se passerait bien volontiers.
Il y a plus. Avez-vous déjà entendu le premier ministre
d'Ottawa aller dans une capitale provinciale et prononcer un discours tournant
en ridicule le premier ministre de cette province, même s'il
n'était pas de son parti politique? La chose aurait été
absolument impensable, un manquement grossier aux règles les plus
élémentaires de la civilité. Pourtant, l'ancien premier
ministre du Québec, M. Bourassa, a dû subir une telle humiliation
de Pierre Trudeau qui
vint à Québec le traiter publiquement de "mangeur de hot
dogs" ou quelque chose du genre. Pourtant, M. Bourassa était du
même parti que M. Trudeau. Là encore, le Québec a un statut
bien particulier. Aurait-il été pensable une seule seconde que
les députés ontariens à Ottawa annoncent qu'ils allaient
supplanter désormais leurs collègues libéraux à
l'Assemblée législative de Toronto et s'occuper de l'Opposition
au gouvernement ontarien? La chose aurait fait scandale. Pourtant, sans doute
parce qu'ils ne réussissent pas à s'acquitter de leur tâche
qui est celle de défendre les intérêts du Québec
à Ottawa, c'est ce que les 73 libéraux que le Québec
élit automatiquement là-bas ont décidé de faire
récemment pour remplacer l'Opposition officielle à Québec,
un désaveu, une mise en tutelle, un mépris qui ne se fait qu'au
Québec grâce à son statut très particulier.
Imagine-t-on le premier ministre d'Ottawa se rendre à Toronto
pour dire que désormais, six mois à peine après
l'élection d'un nouveau gouvernement ontarien, il ne reconnaissait plus
aucune légitimité à ce gouvernement et qu'en ce qui a
trait à l'Ontario il n'écouterait plus désormais que ses
propres députés élus à Ottawa? On aurait conclu que
M. Trudeau était atteint gravement, que son hospitalisation était
urgente, bref, que le pauvre homme divaguait. Pourtant, M. Trudeau a
décidé avec un mépris invraisemblable qu'il ne
reconnaissait plus le gouvernement élu par les Québécois,
il y a à peine six mois, parce qu'il n'aime pas ce gouvernement et que
désormais, en ce qui a trait au Québec, il n'écouterait
que ses 73 libéraux élus automatiquement à Ottawa.
Disons tout de suite que M. Trudeau ne sera pas dérangé
très souvent, si on se fie à la triste performance des 73
anonymes à Ottawa. D'ailleurs, M. Trudeau a conçu mentalement un
beau système. Le ministre des Communications en faisait mention
tantôt: D'une part, ses 73 collègues parlent à la place du
gouvernement du Québec; d'autre part, les mêmes 73 parlent
à la place de l'Opposition officielle élue à
Québec. Or, comme ils ne parlent pas de toute façon, lorsqu'il
s'agit de défendre nos droits, M. Trudeau peut dormir tranquille. Il ne
vient plus aucun bruit du Québec. Cela lui permet de se reposer sans
remords de conscience de la trahison qu'il cherche à perpétrer
avec le reste du Canada anglais.
Beau statut particulier que nous avons. Il nous assure à coup
sûr de toujours sortir perdants. Mais le mépris n'a qu'un temps
et, face à l'arrogance, au mépris de Pierre Trudeau à
l'endroit des Québécois et du choix qu'ils ont fait le 13 avril
dernier, je veux, en leur nom, si vous me le permettez, soulever en quelque
sorte une question collective de privilège. Nous sommes toujours en
régime fédéral que M. Trudeau chérit. Ce
régime implique deux niveaux de gouvernement; que cela plaise ou non
à M. Trudeau, il y a à Québec une Assemblée
nationale et un gouvernement élu plus récemment que le sien. Pour
citer l'éditorialiste du Soleil, Marcel Pépin: "Personne, y
compris M. Trudeau, n'a le mandat de se substituer au gouvernement
légitime et légal du Québec." M. Pépin, du Soleil,
poursuit: "II est permis de contester ses décisions - celles du
gouvernement du Québec - de blâmer son option, de s'opposer
à ses objectifs, mais il est inadmissible de ne point reconnaître
la légitimité de ses actes. Une telle attitude entraîne
forcément, dit M. Pépin, une contrepartie. S'il devient
légal et légitime d'ignorer les objections du gouvernement du
Québec en matière constitutionnelle, sous prétexte que les
seuls véritables Québécois siègent à Ottawa,
il faudrait qu'il soit aussi légal et légitime d'ignorer
certaines décisions fédérales en matière de
relations internationales, par exemple, sous prétexte que l'opinion
véritable des Québécois s'exprime à Québec
plutôt qu'à Ottawa." (21 h 40)
Quoi qu'il en soit, M. le Président, on a vu qu'avec l'entente
négociée par le Canada anglais le 5 novembre dernier, tout espoir
de statut particulier pour le Québec est définitivement chose du
passé. Il devient de la première importance que l'autre statut
particulier du Québec devienne également chose du passé,
ce statut de société surveillée, de société
exploitée, de société humiliée. La motion du
premier ministre affirme les conditions suivant lesquelles le Québec
pourrait accepter une entente avec le reste du Canada dans le contexte actuel.
Il doit être bien clair qu'en deçà de ces conditions, nous
trahirions à notre tour le Québec, son passé, son
présent et son avenir si nous consentions à une diminution des
pouvoirs de ce Parlement-ci et à une situation où le
Québec serait désormais à la merci de la majorité
anqlaise.
Il y a suffisamment des nôtres qui, hélas, trahissent le
Québec ailleurs; nous ne trahirons pas l'héritage que des
générations de nos prédécesseurs nous ont
légué et qu'il est de notre devoir de transmettre intact aux
générations à venir.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: M. le Président, c'est la deuxième
fois, en moins d'une semaine, que je me lève en cette Chambre et qu'il
me faut parler de constitution. Je crains que mes électeurs, tout comme
les vôtres, M. le Président, qui nous écoutent et qui sont
aux
prises avec des problèmes économiques qui s'aggravent de
jour en jour et qui deviennent insupportables à la suite de chacune des
interventions du ministre des Finances, ne nous blâment pour le sujet que
nous choisissons. Je tiens à indiquer à l'ensemble de la
population que le menu de cette Chambre, l'ordre du jour, est
préparé par le gouvernement et que ce dernier
préfère parler de constitution plutôt que de parler
d'administration publique, ou plutôt, devrais-je dire, de mauvaise
administration publique.
C'est ce gouvernement qui préfère nous parler de
constitution et ça le sert bien pour cacher ses dossiers de la SHQ, des
fêtes nationales, de limousines et d'avions et même de
cinéma québécois. Il préfère parler de
constitution plutôt que de parler des coupures qui affectent les plus
démunis de notre société, dans le domaine des services
sociaux, dans les domaines de l'éducation, de l'agriculture, des
transports, il s'agirait d'énumérer chacun des ministères,
ce sont ces coupures qui font mal aux plus démunis de notre
société. Ce gouvernement préfère parler de
constitution plutôt que de parler de trous dans le budget, trous qu'il
transfère à chacun des contribuables québécois par
le biais de taxes directes, mais plus souvent indirectes. C'est un autre signe
de transparence! Des taxes indirectes sur le chèque de paie de chacun
des travailleurs québécois, des taxes indirectes sur les
compteurs d'électricité, des taxes indirectes sur la pompe
à essence, des taxes indirectes sur la boisson, dans tous les
domaines.
Je sais que notre règlement m'oblige présentement à
parler sur la motion qui est devant nous, donc à parler de constitution.
Je m'y conforme, M. le Président, mais je profite de l'occasion pour
dire à chacun des citoyens du Québec que, pour le Parti
libéral, un Québec fort, ça commence par des citoyens et
des citoyennes économiquement forts; pour le Parti libéral du
Québec, un Québec économiquement fort, ça conduit
à un Québec constitutionnellement fort.
Mais ce n'est pas ce que nous avons vécu au cours du dernier
mandat du Parti québécois. Ce que nous avons vécu, c'est
l'affaiblissement économique. Ce qu'on a semé au Parti
québécois, durant ce premier mandat, c'est du chômage, ce
sont des coupures, ce sont des trous. Que récolte-t-on aujourd'hui
après avoir semé cette moisson économique si faible? On a
une récolte constitutionnelle qui est la plus faible de l'histoire du
Québec, un Québec qui est aujourd'hui isolé, comme se
plaisent à nous le rappeler nos amis d'en face, à dix contre un.
C'était la semaine dernière, dix contre un. Aujourd'hui, on
retrouve le Québec à dix contre un, plus les femmes, plus les
autochtones qui sont passés dans le camp de celui qu'on a
qualifié de négociateur intransigeant, inflexible,
intraitable.
Mais qu'est-il arrivé depuis que le Québec a plié
bagage, est revenu en larmoyant et a rompu à tout jamais, s'il faut se
fier aux porte-parole d'en face, les négociations constitutionnelles?
Qu'ont fait les autres partis qui se sentaient lésés par cette
négociation? Qu'ont fait les femmes canadiennes? Qu'ont fait les
autochtones? Au lieu de se replier dans des sentiments négatifs, au lieu
de larmoyer sur leur sort, ils sont demeurés à Ottawa et ils ont
eux aussi, après les neuf premiers ministres des autres provinces,
réussi à obtenir, à se bâtir une place qu'ils
méritent, une place qui leur revient et une place où ils se
sentent confortables dans cette nouvelle constitution canadienne que tous les
Canadiens et Canadiennes, tous les Québécois et
Québécoises, tous les hommes, toutes les femmes, tous les
autochtones de ce pays sont à construire.
Aujourd'hui, on retrouve un Québec isolé; ce n'est plus un
Québec que l'on retrouve, c'est un Québec qui a soif de retourner
négocier. Cela, nos amis d'en face le savent, mais l'heure de la
vérité approche. L'heure de la vérité approche et
s'ils refusent à l'ensemble des Québécois cette
démarche tellement souhaitée, quel choix ont-ils? Continuer
à gouverner dans un nouveau Canada sous une nouvelle constitution qu'ils
auront refusé de négocier ou déclencher des
élections? Des élections référendaires? Est-ce
qu'ils en auront le courage? Auront-ils suffisamment de transparence pour
finalement dire au peuple Québécois: Nous, notre option, ce n'est
pas une nouvelle constitution canadienne négociée de bonne foi.
Nous, notre option, c'est purement et strictement l'indépendance du
Québec, et il n'est pas question pour nous, malgré que vous nous
l'ayez énoncé clairement à l'occasion du
référendum de mai 1980, que nous retournions négocier
à Ottawa.
M. le Président, les électeurs de Brome-Missisquoi, comme
vos électeurs, comme les électeurs de mes amis d'en face, nous
ont tous envoyés ici pour contribuer à bâtir un
Québec plus fort dans un Canada uni. J'entends des raillleries de
l'autre côté de la Chambre. Ces qens-là viennent
d'être élus, démocratiquement élus...
M. Tremblay: Question de privilège.
M. le Président, j'étais présent et nous
écoutions tous sans dire un mot, sans railler, je me demande ce que cela
vient faire.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. le député de Brome-Missisquoi. (21 h 50)
M. Paradis: Je vais changer mon terme. Je n'aurais pas dû
utiliser railler, mais
brailler, M. le Président.
M. Dussault: Question de privilège.
M. le Président, je pense que le député
libéral qui vient de faire la dernière remarque n'a aucun respect
des membres de cette Assemblée, nous ne l'avons dérangé
d'aucune façon, il ne peut pas se permettre cela.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Paradis: M. le Président, vous l'avez entendu comme
moi, ce sont des députés qui peut-être avaient raison de se
lever parce qu'eux n'avaient pas raillé; je visais strictement le
député de Rosemont.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, les propos du
député m'intéressent tellement que je suis en train de
signer mes cartes de Noël.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît,
à l'ordre! S'il vous plaît! S'il vous plaît, à
l'ordre!
M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, il y en avait certainement
onze dans le Parti québécois qui devaient être en train de
signer des cartes de Noël lorsqu'ils ont voté pour le dernier
budget qu'ils ont ensuite dénoncé. J'ose croire que, lorsque le
vote sur leur prochain budget arrivera, ils auront fini de signer les cartes de
Noël et qu'ils voteront contre.
Une voix: Ils en seront aux oeufs de Pâques!
M. Paradis: De toute façon, il faut en revenir à
notre sujet, et je vous disais que les électeurs de Brome-Missisquoi
comme vos électeurs, comme les électeurs de mes collègues
d'en face, nous ont envoyés ici pour construire un Québec fort
dans un Canada uni. Ceux qui n'ont pas cette conviction auraient dû au
moins avoir le courage, à l'occasion de l'élection du 13 avril
1981, de ne pas mettre leur option en veilleuse, leur option constitutionnelle,
et de solliciter strictement un mandat pour administrer la province de
Québec. Ce qu'ils ont fait ces gens-là, M. le Président,
c'est qu'ils ont dit aux Québécois et aux
Québécoises qui les ont élus ici: Au niveau de l'option
constitutionnelle de notre parti qui est la séparation, nous mettons
cela de côté. Nous avons bel et bien compris, en enfants sages, le
message que vous nous avez si fortement exprimé à l'occasion du
référendum et nous nous engageons a gouverner le Québec
dans le cadre d'un régime fédéral canadien.
Aujourd'hui... je ne devrais pas dire aujourd'hui... À peine
trois jours après cette élection où il fallait rester
fort, le premier ministre du Québec, le 16 avril 1981, a
abondonné le droit de veto dans le but -comme l'a indiqué mon
collègue de Marguerite-Bourgeoys - de franchir un pas de plus dans cet
étapisme de la séparation.
Mais mes électeurs, vos électeurs, M. le Président,
l'ensemble des électeurs du Québec en ont soupé de cet
étapisme. Les électeurs de l'ensemble du Québec ne nous
ont pas envoyés ici strictement pour que l'on se répète,
année après année, mois après mois, jour
après jour, les mêmes arguments qui, sur le plan constitutionnel,
opposent les formations politigues que l'on représente. Les gens
connaissent ces arguments. Les gens nous ont tous envoyés ici pour aller
négocier une place enviable pour le Québec dans le cadre de la
nouvelle constitution canadienne. C'est la raison pour laquelle ils nous ont
envoyés ici. Ils seraient fiers de nous si nous déléguions
présentement à Ottawa une équipe bipartite, une
équipe composée de représentants des deux partis qui
s'assureraient que le Québec ait sa place dans cette nouvelle
constitution canadienne et que, pendant ce temps, les autres
députés resteraient dans cette Assemblée nationale du
Québec pour défendre les intérêts économiques
de chacun de nos commettants, pour défendre ce qui reste de
l'économie québécoise, pour défendre au ministre
des Finances de les surtaxer d'une façon directe et indirecte.
Lorsque vous retournez dans votre comté - je sais que vous le
faites toutes les fins de semaine comme plusieurs d'entre nous - et que vous
rencontrez les gens à vos bureaux de comté, n'avez-vous pas
l'impression de vous retrouver dans un tout autre monde que celui de cette
Assemblée nationale qui, finalement, est supposée
représenter les aspirations des Québécois? Combien de
personnes à votre bureau de comté, en fin de semaine, vous
ont-elles parlé de problèmes constitutionnels? Combien de
personnes sont-elles allées vous dire de venir en Chambre ici, cette
semaine, et de vous opposer au rapatriement de la constitution?
M. le Président, je vous soumets respectueusement que les
Québécois et les Québécoises francophones,
anglophones ou d'origine ethnique qui nous parlent de constitution nous disent:
Renvoyez donc le gouvernement négocier et, pendant ce temps, restez en
Chambre pour discuter de nos problèmes économiques et pour
apporter des solutions à ces problèmes. C'est ce que les gens
nous disent dans nos bureaux de comté. Est-ce qu'on a conscience de
bien
représenter ces gens, de l'autre côté de la Chambre,
lorsqu'on donne son accord à la préparation du genre de menu que
l'on retrouve année après année, mois après mois,
jour après jour, et qui nous force, nous de l'Opposition, à
parler strictement de constitution? Est-ce qu'on a l'impression de
représenter fidèlement ceux qui nous ont élus ici?
À combien de vos concitoyens, avez-vous demandé de l'autre
côté de la Chambre, à l'occasion de la dernière
élection, un mandat pour parler, 100% du temps, strictement de la
séparation du Québec? Combien d'entre vous ont eu cette
franchise-là?
N'avez-vous pas plutôt été auprès de vos
électeurs pour leur offrir votre collaboration pour régler des
problèmes économiques, des problèmes sociaux et,
également, pour faire valoir les droits du Québec au point de vue
constitutionnel? Pourquoi occuper 98% du précieux temps de cette
Assemblée à nous faire répéter et
rerépéter et rererépéter les mêmes arguments
que la population qui nous écoute connaît déjà? La
sauce varie un peu, elle varie légèrement...
Une voix: Tu n'as qu'à t'asseoir.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Paradis: M. le Président, le député de
Rosemont braille encore. Si on nous force à parler de ça, on en
profite en même temps pour rappeler ces gens à l'ordre. Et si ces
gens ne sont pas encore prêts à discuter des problèmes
économiques et des problèmes sociaux de la population, c'est
parce qu'on ne leur a pas répété encore assez souvent. Je
n'ai pas l'intention de m'asseoir, mais j'ai l'intention de leur en parler
jusqu'à ce qu'ils comprennent ce que leurs électeurs veulent et
ce qu'on veut, nous, du Parti libéral du Québec.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Brome-Missiquoi, je ne voulais pas vous interrompre, mais comme on approche
22 heures et que nous avons des obligations qui sont prévues par le
règlement, je voudrais savoir si vous allez avoir terminé pour 22
heures.
M. Paradis: Oui, M. le Président. J'ose croire, que de
l'autre côté ce la Chambre, pour ceux qui auraient encore des
doutes, ils retourneront dans leur comté en fin de semaine et y
vérifieront la véracité des propos tenus par le
député de Brome-Missisquoi. On pourra revenir dans cette Chambre,
pour le mois de décembre, qui est une période de travail
intensive et on pourra finalement s'attaquer tous ensemble aux
véritables problèmes des Québécois, pendant que -
s'il a compris également le message de l'ensemble de la population -
notre premier ministre retournera à Ottawa pour négocier -cette
fois-ci, on l'espère - de bonne foi, une place enviable pour le
Québec dans la nouvelle constitution canadienne.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais d'abord, dans un
premier temps, demander l'ajournement du débat au nom du ministre
d'État au Développement culturel, le député de
Sauvé. (22 heures)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion d'ajournement
du débat est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
M. Bertrand: Et, M. le Président, je crois que nous avons
ce soir deux minidébats. Je voudrais tout de suite indiquer que le
ministre des Finances, de retour de la conférence
fédérale-provinciale d'Halifax sur les accords fiscaux, sera en
mesure ce soir de participer au mini-débat, en remplacement du ministre
d'État au Développement économique puis que, de toute
façon, la question lui était adressée. Nous attendons
toujours l'arrivée du ministre de l'Agriculture et député
de Lévis qui aura grand plaisir à participer au mini-débat
sur la question soulevée par le député de
Brome-Missisquoi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement, simplement pour les besoins de la cause, compte tenu que vous
avez déjà fait une intervention sur le débat,
malheureusement il faudrait qu'une autre personne, au nom du ministre, fasse la
demande.
M. Chevrette: Je vais le faire. Je vais vous demander
l'ajournement au nom de M. Jacques-Yvan Morin, ministre d'État au
Développement culturel et député de Sauvé.
De plus, j'ai reçu une communication du député de
Lévis et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation. Si jamais le mini-débat entre le député de
Gatineau et le ministre des Finances devait s'achever avant son arrivée,
je pense qu'on peut avoir le consentement pour suspendre les travaux quelques
minutes avant l'arrivée du député de Lévis. Il est
en route directement de Sainte-Marie-de-Beauce, non pas en avion, mais en
auto.
Mini-débat sur les effets
de la hausse de la taxe
sur l'essence dans l'Outaouais
québécois
Le Vice-Président (M. Jolivet): Pour les besoins de la
cause, étant donné qu'il y a longtemps que nous n'avons pas fait
ce genre de débat et aussi, en même temps, pour rappeler aux
nouveaux qui n'ont jamais vécu cette expérience, voici l'article
174, paragraphe 4: "À 22 heures les mardi et jeudi, le président
doit, nonobstant l'article 31 du règlement, retarder l'ajournement d'au
plus trente minutes au cours desquelles ne peuvent faire l'objet d'un
débat que les questions dont avis a été donné par
un député conformément au présent article." Donc,
ce qui a été fait avant 18 heures ce soir. "Aucun débat
pendant cette période ne doit durer plus de dix minutes. Le
député qui soulève la question peut parler pendant au plus
cinq minutes. Un ministre ou un adjoint parlementaire peut lui répondre
pendant au plus cinq minutes."
La première question qui fait l'objet de la première
demande, celle du député de Gatineau au ministre des Finances,
parle des mesures que le gouvernement entend prendre pour empêcher que la
récente hausse de la taxe sur l'essence n'entraîne la fermeture de
stations-service dans la région de l'Outaouais.
M. le député de Gatineau, vous avez cinq minutes.
M. Gratton: Merci, M. le Président. Je dirai d'abord que
je suis très heureux que le ministre des Finances soit là pour
prendre la relève de son collègue, le ministre d'État au
Développement économique, et surtout ministre responsable de
l'Outaouais.
Je sais que ce dernier nous surveille, par le truchement du
téléviseur, du fumoir des ministres, je m'adresse donc à
lui en même temps. J'ai tenté de démontrer, lors de la
période de questions cet après-midi, que les propriétaires
de stations-service de la réqion de l'Outaouais, en fait, de l'ensemble
des régions frontalières du Québec, sont placés
dans une situation très grave face à cette nouvelle taxe qu'a
décrétée le ministre des Finances la semaine
dernière, taxe qui augmente le prix d'un gallon d'essence de trente
cents.
Or, dans une région comme l'Outaouais, vérification faite,
on se rend compte que le volume des ventes, du côté
québécois de l'Outaouais, a baissé d'au moins 50% dans le
cas des stations-service ordinaires, si on veut, et d'au-delà de 60%
dans le cas des stations de libre service.
Cela est déjà grave, mais le ministre des Finances
reconnaîtra qu'en plus, dès le lendemain de son discours sur le
budget, on signifiait à ces entrepreneurs qu'ils devaient remettre au
gouvernement un montant équivalent à 20%, c'est-à-dire le
montant de la nouvelle taxe sur l'inventaire de l'essence déjà
dans leur établissement. Ce qui veut dire, selon les informations dont
je dispose, que la plupart de ces commerçants ont dû payer une
somme de 4000 $ à 5000 $ au gouvernement strictement pour payer une taxe
sur l'inventaire qu'ils possédaient déjà, avec comme seule
perspective, au mieux, de réaliser 50% de moins dans leur volume de
vente.
Inutile de dire qu'il ne s'agissait pas d'un investissement dans leur
propre entreprise qu'on peut qualifier de très rentable. On a
démontré également, et je pense que tout le monde le
reconnaîtra, que, s'il y a une baisse de 50% dans le volume de vente
d'une entreprise, il devra nécessairement y avoir une baisse du nombre
des employés. Malheureusement, dans le cas des stations-service, on
retrouve les employés surtout chez ceux qui gagnent le salaire minimum.
C'est encore possible, pour les plus grosses entreprises qui ont plus d'un
employé, mais pour la petite entreprise de famille, où un
propriétaire, son épouse ou l'un de ses fils y travaillent, il
est assez difficile de couper le propriétaire en deux et de retourner la
moitié des employés chez eux.
Ce qu'il y a de formidable dans tout cela, c'est qu'en même temps
que le ministre des Finances décrétait sa taxe de 0,30 $ le
gallon on entreprenait, dans la région chez nous, une campagne d'achat
chez nous, campagne, d'ailleurs, qui a eu un succès certain depuis
quelques années. Il faut lire le beau télégramme qu'a fait
parvenir le ministre d'État au Développement économique,
le ministre responsable de la région de l'Outaouais, aux organisateurs
de cette campagne pour bien comprendre jusqu'à quel point il y a une
incongruité inexplicable.
On lit, dans le journal Le Régional: "C'est avec plaisir que je
m'associe à votre organisme, aux marchands de l'Outaouais, aux
producteurs de biens et services et à leur clientèle pour lancer,
cette année encore, votre campagne d'achat chez nous. Le fait de garder
dans l'Outaouais guébécois cet immense pouvoir d'achat que
représentent les emplettes de chaque famille, de chaque individu
assurera plus d'emplois et plus de prospérité à votre
région, à vos municipalités ainsi qu'à chacun de
vous. Souvent, on se dit: Ce n'est que quelques dollars. C'est vrai, mais, mis
ensemble, ces quelques dollars représentent plus de 70 000 000 *
d'achats à faire chez nous. Je vous souhaite le meilleur succès
et je suis assuré que votre effort collectif portera ses fruits."
M. le Président, il faudrait quand même qu'on soit
conséquent parce que, d'une part, on subventionne la campagne d'achat
chez nous par l'entremise de la Société d'aménagement de
l'Outaouais et, d'autre part, d'un seul discours, le ministre des Finances fait
disparaître toute possibilité de retombées positives de
cela et se trouve en quelque sorte à subventionner l'achat en
Ontario.
La question que j'ai posée, je la répète,
M. le Président. Il ne s'agit pas de demander au ministre des
Finances ou à guelque ministre de détaxer, de déplacer les
frontières de la région de l'Outaouais. On sait que cela ne
réglera pas le problème. Tout ce qu'on leur demande, c'est de
reconnaître qu'il y a un problème grave pour certaines entreprises
dont je ne connais pas le nombre, des gens qui, de bonne foi, ont investi dans
des entreprises et ont droit à une certaine considération. On ne
peut pas, du jour au lendemain, du revers de la main, dire à ces gens:
Sacrez la moitié de vos employés dehors. Faites faillite si vous
voulez. Nous, on s'en lave les mains parce qu'un bon Québécois
devrait, de toute façon, acheter au Québec et ne pas traverser en
Ontario. C'est d'un ridicule consommé, M. le Président.
Je suis heureux, en terminant, de voir que c'est le ministre des
Finances qui me donnera la réplique, parce que je suis sûr que,
contrairement à son collègue, le ministre responsable de la
région de l'Outaouais, qui n'a pas fait "sa" job, M. le
Président, j'espère que le ministre des Finances me dira qu'on
trouvera une façon de donner voix au chapitre - c'est tout ce qu'on
demande - à ces entrepreneurs pour, avec eux, tenter de trouver une
solution, s'il y en a une. S'il n'y en a pas, on aura au moins fait l'effort
d'écouter. Ce n'est pas trop demander, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, je voudrais d'abord
remercier notre ami d'en face de s'intéresser à cette question.
C'est, au fond, dans sa région que le problème apparaît et
je pense que c'est tout à fait normal qu'il soulève les questions
qu'il vient de soulever.
Il est clair que, dès le moment où on a su qu'on
imposerait cette taxe sur l'essence, on savait fort bien qu'il y aurait un
problème du côté des régions frontalières. Ce
n'est pas seulement d'ailleurs Hull ou l'Outaouais, ce sont d'autres
régions frontalières de l'Ontario et aussi des régions
frontalières du Nouveau-Brunswick. Ce n'est pas nécessaire
d'être grand clerc pour savoir ça. Or, les Américains,
lorsqu'ils ont libéré le prix de l'essence tout le long de la
frontière canadienne, notre ami le député de
Brome-Missisquoi doit le savoir, les Américains savaient très
bien que, là aussi, il y aurait des problèmes le long de la
frontière canadienne puisque le gallon d'essence chez eux coûtait
bien plus cher qu'au Canada. (22 h 10)
En Saskatchewan, la taxe sur le gallon d'essence est de 20%, la taxe de
l'ascenseur. C'est une autre province qui a suivi le cheminement du
Québec. Il n'y a pas de taxe en Alberta. Rien. Zéro. La
différence, c'est quoi? 0,067 $ le litre, exactement la même
différence qu'entre le Québec et l'Ontario à l'heure
actuelle. Ce sont des problèmes très connus. Il ne faut pas
s'imaginer qu'on les découvre. On sait très bien de quoi il
s'agit.
On a donc, il y a déjà un bon bout de temps,
localisé 123 garages, "gas bars", stations-service dans ces
régions frontalières dont à peu près 85% sont dans
la région que représente notre ami d'en face et on suit, à
l'heure actuelle, les ventes par échantillonnage dans ces 123 garages
pour savoir exactement ce qui se passe. On sait très bien que cela va
baisser dans certains cas, pas nécessairement dans d'autres.
D'autre part, on sait aussi, sur la base des expériences dont je
parlais tout à l'heure, qu'il y a des ajustements de prix qui se font,
en particulier, par les grandes compagnies. J'imagine que celui qui m'a
précédé n'imagine pas qu'on va nécessairement avoir
le même genre d'attitude à l'égard d'un garage d'Esso ou de
Texaco ou d'un "gas bar" appartenant à un indépendant. La grande
compagnie peut s'adapter à des choses comme celle-là, alors qu'au
contraire, l'indépendant ou celui qui travaille, mais à son
propre compte, pour une grande compagnie, lui, va trouver cela beaucoup plus
difficile.
Essentiellement, le problème consiste à savoir de combien
est la différence de prix ou qu'est-ce que la différence de prix
va provoquer comme effets. Il est très intéressant de constater
que, par exemple, sur l'île de Montréal, en date du dernier
relevé que j'ai fait au moment où on préparait cette
nouvelle taxation, c'est-à-dire le 11 septembre, entre le garage qui
vendait son essence le meilleur marché et le garage qui la vendait le
plus cher pour la même qualité d'essence, combien pense-t-on qu'il
y avait d'écart, M. le Président? 0,01 $, 0,02 $, 0,03 $? Pas du
tout. Pour la régulière avec plomb, c'était 0,07 $ sur
l'île de Montréal; la régulière sans plomb, 0,074 $;
la super avec ou sans plomb, 0,074 $, le mazout non coloré 0,071 $, sur
la seule île de Montréal, entre le plus bas prix chargé par
un garage et le prix le plus élevé.
Alors, essentiellement, qu'est-ce qu'il s'agit de faire? Il s'agit de
surveiller ces 123 garages qu'on a isolés et qu'on suit à l'heure
actuelle pour voir quel impact sur leurs affaires va avoir cette
différence de prix, isoler les garages appartenant à de grandes
compagnies qui, elles, peuvent faire leur transformation sans trop d'histoire,
on ne va quand même pas verser des larmes de crocodile sur leur sort, et,
d'autre part, les indépendants ou ceux qui travaillent à leur
propre compte pour des grandes compagnies où là,
effectivement, il faudra peut-être envisager de voir ce qu'on doit faire.
Je n'exclus pas du tout, dès qu'on aura pu déterminer l'ampleur
du mouvement, d'avoir à bouger. Comment je bougerai? Je l'indiguerai
à ce moment-là. Je ne demande pas une commission royale
d'enguête où on va travailler deux ans sur le dossier, on va faire
une étude globale. Au bout de trois semaines, on sera fixé. Au
bout de trois semaines, on verra guel genre de mesures appropriées il
faut prendre, selon effectivement l'impact mesuré du prix.
Je pense que c'est la chose normale à faire dans chaque cas
où effectivement des différences de prix comme celles-là
se sont présentées. C'est la première chose qu'on fait.
D'abord, isoler les garages où il peut y avoir un impact, observer, voir
exactement la nature du problème et essayer effectivement de trouver une
solution qui ne les massacre pas. Il n'y a pas de raison que, dans
l'application des taxes, on soit inhumain. Je termine. Il suffit simplement de
regarder avant de bouger et de savoir où regarder. C'est ça que
nous avons mis en place avant l'imposition de la taxe. Je pense que,
normalement, d'ici quinze jours au plus tard, s'il y avait des gestes à
poser, il faudra qu'on les annonce. Merci.
Mini-débat sur la distribution du lait dans les
écoles
Le Vice-Président (M. Jolivet): La deuxième
question était du député de Brome-Missisquoi au ministre
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et se lisait comme
suit: La réduction substantielle de la quantité de lait mise
à la disposition des élèves dans le cadre du proqramme de
distribution du lait gratuit dans les écoles primaires.
M. le député de Brome-Missisguoi, vous avez cinq
minutes.
M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: M. le Président, en 1977, le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation annonçait
à cette Chambre la création d'un programme de distribution de
lait dans les écoles dont les objectifs peuvent se résumer comme
suit: Résoudre en partie un problème de malnutrition
identifié auprès de la population étudiante en lui
fournissant une portion journalière de lait; éduquer les
élèves du primaire à de saines habitudes alimentaires en
leur fournissant un aliment qui, de par sa valeur nutritive, leur est
absolument nécessaire à ce stade de leur croissance;
troisièmement, créer chez les étudiants du primaire
l'habitude de consommer quotidiennement du lait afin d'assurer une consommation
de base normale, au cours de l'adolescence, principalement, et tout au long de
leur vie; quatrièmement, sensibiliser les parents, les directions des
commissions scolaires du niveau primaire du Québec, les directeurs
d'école et les enseignants à l'importance d'une saine
alimentation et, cinquièmement, accentuer la consommation per capita du
lait.
Les conditions à remplir par la commission scolaire - je n'en
cite qu'une -étaient de distribuer, dès la première heure
de classe, à chaque jour scolaire, à chaque élève
du niveau primaire fréquentant ces écoles, une ration
journalière de 200 millilitres de lait à 2% enrichi de vitamines
A et D. On se rappelle, comme c'est l'habitude du ministre, qu'il avait
lancé cette campagne avec toute la publicité et tout le tapage
qu'il peut faire. D'ailleurs, le programme connut un succès certain.
Comme nous l'a révélé le ministre cet après-midi,
650 000 enfants en bénéficient au Québec, au niveau de la
maternelle et du primaire, dans plus de 3000 écoles.
C'étaient les intentions du programme, c'était le
début du programme. Mais qu'est-il arrivé au cours des trois
dernières années d'application de ce programme? Dans les
commissions scolaires, en 1979-1980, on a distribué du lait du 28
septembre au 21 décembre, au premier semestre, et, au deuxième
semestre, du 7 janvier au 30 mai. On distribuait, à l'épogue, 200
millilitres. En 1980-1981, les directives sont venues du ministère et
là, bien que la ration ait été encore de 200 millilitres,
la période a été écourtée de quatre
semaines. On n'en distribuait plus que du 6 octobre au 12 décembre et du
12 janvier au 29 mai.
En 1981-1982, l'année en cours, on raccourcit encore la
période de distribution d'une semaine et, cette fois-ci, on
réduit de 25% la quantité de lait qu'on distribue. La
période de distribution est du 5 octobre au 11 décembre et du 18
janvier au 28 mai.
On a donc, face à ce proqramme qui a été
très bien accueilli par l'ensemble de la population, connu des
réductions un peu cachées - ça manquait peut-être de
transparence, du moins, cela n'a pas été annoncé avec tout
le talent qu'on connaît au ministre pour faire ce genre d'annonce - des
diminutions de 13% dans le temps, le nombre de jours de l'année
scolaire, et de 25% dans le volume. Donc, un programme dont le ministre se
vantait à l'épogue, et avec raison, qui a été
diminué de quelque 38% en l'espace de deux ans sans que personne en
entende parler. (22 h 20)
M. le ministre, vous avez réduit volontairement ce programme de
38% au cours des deux dernières années. Le ministre nous a
répondu cet après-midi que c'était pour des raisons de
nutrition, que ce n'était pas bon, suivant des rapports qu'il avait,
pour les enfants de boire trop de lait. Je pourrais lui citer des
discours qu'il prononçait en 1977, mais on n'a pas le temps. Est-ce que
le ministre avait en main en 1977, lorsqu'il a introduit le programme, une
étude de nutrition qui fixait à 200 millilitres par jour le
volume qu'un enfant devait absorber? C'est la première question, M. le
ministre.
La deuxième question, M. le ministre: En quoi l'étude
qu'il prétend détenir aujourd'hui et en vertu de laquelle il
coupe 37% de son programme est-elle plus fiable que celle qu'il avait en 1977?
S'il s'agit de raisons de nutrition, pourquoi avoir coupé le nombre de
jours auxquels les enfants ont droit à cette portion? Si c'est de la
nutrition, on n'a pas besoin de couper le nombre de jours.
Quatrième question, M. le ministre: Combien le gouvernement du
Québec épargne-t-il avec cette réduction de 37%? Est-ce
que cette réduction est basée, finalement, sur des motifs de
nutrition ou sur des motifs de restriction?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous avez
cinq minutes.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, je pense bien que le
député de Brome-Missisquoi, comme c'est son habitude, essaie de
noyer le poisson. Si on prenait ses déclarations à la presse,
dans le journal Le Soleil d'hier, lundi le 23 novembre 1981 - la
déclaration a été faite à Granby et
rapportée par la Presse canadienne - il disait: "La distribution
gratuite de lait dans les écoles du Québec serait compromise par
les compressions budgétaires. Le député libéral de
Brome-Missisquoi, M. Pierre Paradis, affirme en avoir eu la confirmation de la
part d'un fonctionnaire du ministère de l'Agriculture."
Évidemment, comme le député de Portneuf, j'imagine qu'il
ne donnera pas le nom du fonctionnaire! Des journalistes qui m'ont
interrogé hier, parce qu'on a eu six, sept ou huit appels - je n'ai pas
fait le décompte -m'ont dit qu'à partir du 12 janvier, à
cause des compressions budgétaires, le député de
Brome-Missisquoi aurait dit qu'on couperait de moitié la distribution de
lait dans les écoles de 50%. Alors je peux vous dire, M. le
Président, que c'est un programme qui a commencé en 1977 avec, si
ma mémoire est bonne, 250 000 enfants, puis plusieurs centaines
d'écoles. On a commencé surtout dans les régions
périphériques où il y avait peut-être une
façon d'améliorer encore la distribution du lait dans les
régions où il y avait de plus grandes distances à
parcourir.
Et, graduellement, au fur et à mesure, selon les
représentations qui nous ont été faites - parce que nous,
au ministère de l'Agriculture, on pense que, tant qu'il y aura des
effaces au bout des crayons, il y aura des choses à corriger - nous
avons commencé la distribution au début d'octobre plutôt
qu'au mois de septembre. Je peux vous dire, par exemple qu'une
représentation qui nous a été faite - pour montrer
à quel point le ministère de l'Agriculture est à
l'écoute de la population - par la Commission des écoles
catholiques de Montréal qui nous a demandé de ne pas commencer la
distribution du lait avant le mois d'octobre, parce que, dans le cours du mois
de septembre, ils étaient en train d'organiser les classes et qu'il y
avait des perturbations dans la distribution du lait. On a dit, parfait, et on
a commencé à distribuer le lait dans les écoles, par la
suite, au début d'octobre. La première semaine complète en
octobre.
Aussi, on nous a dit qu'on ferait mieux de ne pas terminer le dernier
jour du mois d'école, en décembre, parce qu'il y aurait du lait
qui resterait dans les frigidaires et qui serait perdu au cours des vacances
des fêtes. On a dit, parfait, et on a établi une date autour du 12
décembre, c'est-à-dire quelques jours avant la fin de
l'école pour ne pas qu'il reste du lait dans les frigidaires. Ensuite,
on a dit qu'on ferait mieux de ne pas commencer immédiatement au
début des classes, en janvier. On a commencé autour du 12
janvier. Et on termine à la fin de mai parce que, encore là, il y
a eu des représentations de faites, notamment par la Commission des
écoles catholiques de Montréal et le plus grand réseau de
distribution qui nous disaient ne pas vouloir distribuer de lait au cours du
mois de juin parce qu'il y avait trop d'activités extérieures
à cause de la température et que le lait pouvait veillir dans les
frigidaires et qu'il serait mieux de terminer à la fin de mai. Je vous
nomme seulement un intervenant, la Commission des écoles catholiques de
Montréal, mais il y en a eu d'autres.
Finalement, je dis que le programme est assez rodé aujourd'hui,
qu'on commence la première semaine complète d'école du
mois d'octobre pour terminer vers la mi-décembre, recommencer vers le 10
ou 12 janvier, la première semaine complète de classe, pour
terminer à la fin de mai. Et c'est tellement vrai, ce que je vous dis
là, qu'on a compté les jours. En 1980-1981, l'année
budgétaire 1980-1981, du 1er avril 1980 au 31 mars 1981, il y a eu 131
jours de distribution de lait, et en 1981-1982, c'est-à-dire du 1er
avril 1981 au 31 mars 1982, il est prévu 131 jours de distribution de
lait, exactement le même nombre de jours. Alors, vous comprendrez, M. le
Président, que, quand j'ai lu cette affirmation du député
de Brome-Missisquoi, ça ne m'a pas étonné. Je connais le
député de Brome-Missisquoi et les agriculteurs le
connaissent aussi depuis longtemps. Ils savent que c'est un adversaire
des plans conjoints. Dans plusieurs domaines, son opinion est connue; ils
savent que ses sources ne sont pas toujours des paroles d'évangile.
Quand j'ai vu cette affirmation du député de Brome-Missisquoi, je
n'ai pas voulu que les parents s'inquiètent. Je n'avais peut-être
pas assez donné de publicité au programme, comme le dit le
député de Brome-Missisquoi...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, je
m'excuse. Je m'excuse mais, malheureusement, le ministre a
dépassé de quelques secondes ses cinq minutes et je suis
obligé de maintenir la règle qui a été
établie au départ. Je m'excuse, M. le ministre.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais faire motion
pour que nous ajournions nos travaux jusqu'à demain matin dix heures. Il
y aura distribution de lait, gratuitement, à l'Assemblée
nationale.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, ajournement à
demain, dix heures.
(Fin de la séance à 22 h 26)