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(Quatorze heures vingt et une minutes)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Moment de recueillement. Veuillez vous asseoir. Affaires courantes.
Déclarations ministérielles. Dépôt de documents.
Avis de la Commission
de la fonction publique
au Conseil du trésor
Conformément aux dispositions de l'article 30 de la Loi sur la
fonction publique, je dépose copie des avis de la Commission de la
fonction publique au Conseil du trésor sur sept règlements.
M. le ministre de l'Éducation.
M. Bertrand: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: ... le ministre de l'Éducation va faire son
entrée. Je vais lui remettre son rapport.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de
l'Éducation.
Rapport annuel de l'Université du
Québec
M. Laurin: II me fait plaisir, M. le Président, de
déposer le douzième rapport annuel de l'Université du
Québec pour l'année 1980-1981.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Rapport
déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi.
M. Gratton: M. le Président, j'attire votre attention.
Elle existe.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oh!
Excusez-moi. Mme la députée...
Mme Dougherty: ... de Jacques-Cartier.
Le Vice-Président (M. Jolivet): ... de
Jacques-Cartier.
Pétition contre la fermeture de services
à l'Hôpital général de Lachine
Mme Dougherty: Merci. M. le Président, j'aimerais
déposer une pétition qui symbolise l'inquiétude profonde
des citoyens du Québec sur les coupures majeures des services offerts
dans leurs hôpitaux communautaires. Au nom de mon collègue, le
député de Marquette, et en mon nom, j'aimerais déposer la
pétition signée par 12 000 citoyens de la ville de Lachine qui
protestent contre la fermeture du service d'obstétrique et de la
pouponnière de l'Hôpital général de Lachine à
compter du 21 mai prochain.
Depuis 1909, l'Hôpital général prodigue aux gens de
Lachine et de l'ouest de l'île de Montréal une grande
variété de soins médicaux de haute qualité.
Malgré que l'Hôpital général de Lachine ait acquis
la réputation enviable de fournir d'excellents soins tout en affichant
des frais d'exploitation parmi les plus bas des hôpitaux de sa
taille...
Des voix: À l'ordre! À l'ordre!
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît!
Mme Dougherty: ... c'est avec le plus vif regret que nous avons
appris que...
Des voix: M. le Président, elle enfreint le
règlement:
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
Mme Dougherty: C'est la pétition.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée, vous avez le droit de parole.
Mme Dougherty: Malgré que l'Hôpital
général de Lachine ait acquis la réputation enviable de
fournir d'excellents soins tout en affichant des frais d'exploitation parmi les
plus bas pour les hôpitaux de sa taille, c'est avec le plus vif regret
que nous avons appris que le conseil d'administration de l'hôpital se
voit forcé de prendre la décision de fermer le service
d'obstétrique de notre hôpital afin de se plier aux directives du
gouvernement.
We deplore the Government policy of uniformed global budget cuts...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée, je pense qu'il y a déjà eu une directive
à savoir qu'il faut lire la pétition et la déposer. Vous
savez très bien que l'abus d'un pouvoir n'est pas le moyen de
régler les problèmes qui pourraient subsister par la suite.
J'aimerais que vous puissiez
déposer votre pétition avec les mots inscrits sur cette
pétition.
C'est ce que j'ai cru comprendre, mais je voulais simplement
éviter qu'il n'y ait, de part et d'autre, aucun moyen d'entendre ce que
vous avez à dire et, en même temps, qu'un débat puisse
s'engager. J'aimerais donc que vous puissiez déposer votre
pétition tranquillement.
Mme Dougherty: We deplore the Government policy of uniformed
global budget cuts which not only undermines the morale of our hospital staff,
but seriously weakens a major institution in Lachine which has played an
important role in the fabric of our community life for 73 years. Thank you, Mr.
President.
Le Président: Dépôt de rapports de
commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Questions orales des députés.
M. le chef de l'Opposition.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
La démission de M. Claude Charron comme leader
du gouvernement en Chambre
M. Ryan: M. le Président, je dois revenir aujourd'hui pour
des raisons qui seront évidentes à tous, sur les
événements et les circonstances qui ont entouré la
démission de l'ancien leader du gouvernement dans cette Chambre.
À la suite des réponses que le premier ministre a
données hier à des questions que je lui adressais, des
malentendus subsistent dans l'opinion, étant donné les
différences qui ont surgi dans les versions présentées par
le ministre démissionnaire et par le premier ministre.
Suivant des journaux, en particulier un article qui paraît dans la
Presse d'aujourd'hui, sous la signature de M. Louis Falardeau, M. Charron
aurait dit l'autre jour, quand il a rencontré la presse pour la
prévenir de sa décision de démissionner: "Je l'ai
prévenu (le premier ministre) hier soir... Il m'avait demandé
d'attendre jusqu'à ce matin." Et le premier ministre, dans la
réponse qu'il m'a donnée hier, a bien précisé qu'il
avait été averti par son chef de cabinet lundi soir et qu'il
n'avait parlé directement avec le ministre qui allait
démissionner que le lendemain matin.
Je voudrais que le premier ministre nous donne des précisions
définitives sur ce sujet pour que ce soit bien net dans l'esprit de tout
le monde, qu'il ne reste aucun malentendu.
En second lieu, je pense qu'il serait également important pour la
qualité du climat politique dans cette société où
nous oeuvrons ensemble que la politique du chef du gouvernement soit bien
connue à ce sujet. Dans son message inaugural, l'automne dernier, il
nous disait qu'il entendait porter une attention spéciale à tous
les problèmes relatifs à l'éthique publique en ce qui
touche son gouvernement. Il affirmait en particulier: II nous faut pourchasser
avec la plus grande vigueur toutes ces tentations de facilité, de
laxisme dont on connaît les résultats et qui surgissent
infailliblement lorsque le séjour au pouvoir se prolonge.
Je ne sais pas comment le premier ministre envisage ce cas-ci. Voici un
ministre qui a été trouvé coupable d'un délit que
réprouve le Code criminel de ce pays. Suivant la lettre de la Loi sur la
Législature, il est apte à continuer de siéger en cette
Chambre. Je voudrais que le premier ministre indique comment il
interprète ces normes en ce qui concerne le groupe gouvernemental, le
groupe ministériel, parce que, finalement, ce sont des décisions
qui sont susceptibles d'avoir des répercussions non seulement sur nous
tous, mais aussi sur l'idée que nos concitoyens se font de
l'Assemblée nationale et de leurs institutions parlementaires et
politiques.
Le Président: M. le premier ministre. (14 h 30)
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, pour
commencer par les faits, ils sont exactement, en ce qui me concerne, ceux que
j'ai racontés en réponse à une question du chef de
l'Opposition il y a deux jours ou hier, oui, c'est hier. Il y a
évidemment des titres. Je vais citer - je parle au chef de l'Opposition
comme ancien journaliste - un de nos anciens collègues parmi les plus
réputés et qu'il a bien connu, Michel Roy, qui écrivait un
article l'autre jour en quittant le Devoir après 24 ans et qui
soulignait, entre autres, qu'il y a des journalistes qui se renseignent et
qu'il y en a qui ne se renseignent pas. C'est plus facile de faire des titres
et faire des bobards quand on ne se renseigne pas. Ceux qui se renseignent,
c'est, évidemment, en général, plus factuel. L'article de
M. Falardeau, ce matin, pour l'essentiel, dit ce qui est arrivé. Il cite
quelques personnes qui ont été mises au courant avant que je ne
le sois dans la journée de lundi. Cela a commencé par une
journaliste anglophone de Montréal - j'ai recoupé cela
après.
Des voix: Ah!
Le Président: S'il vous plaît!
Une voix: Franchement!
M. Lévesque (Taillon): Une journaliste de la Gazette, si
j'ai bonne mémoire.
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je ne pensais pas que
c'était un terme de mépris de dire une journaliste anglophone,
parce que c'est un fait. Il y a tout de même un sacré bout
à réagir comme des imbéciles. Une journaliste, donc, sans
qualificatif, mais qui parlait anglais, a téléphoné au
bureau de M. Charron à Québec - j'ai appris cela après -
pour parler d'un truc personnel dont elle voulait l'entretenir et, la question
lui ayant été posée: De quelle chose personnelle
s'agit-il? M. Charron n'étant pas à Québec, elle a dit: II
paraît que... Les choses qu'on sait maintenant. Évidemment, il y a
eu un branle-bas pour essayer de retrouver M. Charron. On a fini par le
retrouver et il a confirmé. À partir de là, M. Boivin,
à mon cabinet, a été averti. Il m'a rejoint vers neuf
heures, si j'ai bonne mémoire, le soir, pour dire en gros: II semble que
ce soit cela. Ensuite, j'ai eu des nouvelles de M. Bernard, le
secrétaire général, qui avait parlé à M.
Charron, à qui je n'avais pas eu l'occasion de parler; je ne savais pas
où il était. M. Charron avait dit: Oui. Il avait confirmé
et on l'avait convoqué pour le lendemain matin. Il a offert de venir le
soir même, mais pas à moi directement, à M. Bernard. Il
était déjà convoqué pour le lendemain matin, on ne
voyait pas de raison... Entre nous, à partir du choc que cela donnait,
on pensait que c'était peut-être mieux d'y penser pendant quelques
heures et que cela ne changeait rien que ce soit le lendemain matin. Alors, il
est arrivé le lendemain matin et le reste s'est
enchaîné.
Pour ce qui est de la deuxième question du chef de l'Opposition,
je n'en fais pas un principe absolu, je ne prétends pas avoir la
vérité révélée, mais je me dis que quand il
s'agit d'un parlementaire qui a été élu, si quelque chose
arrive dans sa vie privée qui, sauf des cas d'exceptionnelle
gravité, ne touche pas aux fonctions qu'il a à remplir comme
élu du peuple, il me semble que c'est entre lui et ses électeurs
à ce niveau-là, encore une fois, sauf des cas d'exceptionnelle
gravité.
Evidemment, s'il y a le moindre accroc à
l'intégrité dans les fonctions qu'un homme public a à
remplir, en tout cas, pour ce qui est de ce côté-ci de la Chambre,
ça devient automatiquement autre chose et, à partir de là,
on prend les décisions que notre conscience nous dicte. Mais s'il s'agit
d'une chose relativement - quand même, je pense que tout le monde
l'admettra - pas plus grave, même moins grave que certaines choses qui
sont arrivées à d'autres parlementaires dans cette Chambre ou
dans d'autres... Des choses qui sont arrivées, comme des faux, etc.,
dans d'autres - mais c'est toujours le même système parlementaire
- enceintes parlementaires et qui, finalement, ont été
jugées comme étant directement reliées à la vie
privée et, par conséquent, une question à régler
avec des électeurs, je pense que c'est là que ça doit se
régler.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Ryan: Je voudrais rappeler au premier ministre que
lui-même et son groupe étaient beaucoup plus scrupuleux quand ils
étaient naguère dans l'Opposition. Ils ont fait exécuter
des députés pour bien moins de choses que celle dont nous
discutons actuellement.
Une voix: Oui, c'est ça.
M. Ryan: Ce cas-ci est très délicat, mais il y a
une chose qui relève quand même directement de
l'intérêt public et de la bonne qualité du gouvernement et
sur laquelle le premier ministre n'a pas fourni de clarification utile
jusqu'à maintenant.
Son ancien collègue avait fait cet acte-là le 30 janvier.
Pendant toute la période qui s'est écoulée jusqu'à
mardi matin, il a siégé au cabinet, si je comprends bien, il a
parlé au nom du gouvernement pour nous annoncer le programme de la
période actuelle de travaux sessionnels, il a siégé au
congrès du Parti québécois comme membre du gouvernement et
tout autorise à penser, par conséquent, qu'il s'apprêtait
à continuer ses fonctions de membre du gouvernement si la maison Eaton
n'avait pas décidé de porter plainte.
Je veux demander au premier ministre s'il a vérifié ce
point-là avec son collègue, s'il en a parlé avec lui et
s'il ne trouve pas, dans l'hypothèse où il n'y a pas de
réponse satisfaisante, que voici un comportement qui met drôlement
en doute la crédibilité d'un homme public, indépendamment
d'un jugement qu'on peut porter sur l'acte particulier qui est une tout autre
affaire.
Ce qui étonne et qui inquiète là-dedans, c'est la
période de silence, la période de "cover-up", d'un certain point
de vue, que je n'attribue pas au chef du gouvernement, mais on est tout surpris
parce que l'affaire arrive alors que la loi suit son cours, tout simplement. Je
voudrais que ces choses soient bien éclaircies avant qu'on parte en
croisade dans des directions fausses.
Le Président: M. le premier ministre. M.
Lévesque (Taillon): Je ferai
remarquer au chef de l'Opposition, sans insister davantage, que je ne
lui ferai pas le même compliment qu'hier matin, alors qu'avec beaucoup de
délicatesse, ce qui était compréhensible, il m'avait
prévenu d'une question. Il m'a également dit, comme à tout
le monde, qu'il appréciait le travail parlementaire du
député de Saint-Jacques, mais que c'était assez triste
comme ça. Je trouve qu'aujourd'hui il a changé de ton; son ton
est devenu un peu celui qu'on a connu récemment,
c'est-à-dire...
Une voix: Excusez notre ton!
M. Lévesque (Taillon): ... quand on se sent soi-même
acculé, on fait flèche de tout bois, des fois. Je ne trouve pas
cela particulièrement drôle.
Des voix: Oh! Oh! Oh! M. Morin: Charognards!
M. Lévesque (Taillon): Je dirai simplement ce que j'ai dit
hier et je n'en dirai pas davantage; je n'ai pas à juger, je ne connais
pas les reins et les coeurs, je ne suis pas l'ange des Arabes. Tout ce que je
sais, c'est que, le long du chemin, depuis ce qui s'est passé le 30
janvier - qui est maintenant confirmé devant un tribunal - je n'avais
pas eu de nouvelles et je n'en savais strictement rien. Personne ne m'avait mis
au courant. Je l'ai appris lundi soir, comme je l'ai dit.
Maintenant, je ferai une simple petite précision à propos
de gens - je n'étais pas en Chambre à cette période, mais
je pense savoir de quel cas il s'agit - que nous aurions exécutés
quand nous étions dans l'Opposition. Je pense qu'il s'agit de l'ancien
député de Johnson, monsieur...
Une voix: M. Boutin.
M. Lévesque (Taillon): M. Boutin. C'est le seul dont je me
souvienne.
Des voix: Ah!
M. Lévesque (Taillon): Dans ce cas-là, il
s'agissait très nettement d'un conflit d'intérêts qui
était relié à la fonction de député.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le chef de l'Opposition. Question additionnelle.
M. Ryan: Je voudrais brièvement signaler au premier
ministre qu'il n'a pas répondu à l'essentiel de la question que
je lui adressais, quant à ce doute qui surgit dans l'esprit de tout
citoyen raisonnable devant ces questions qui n'ont pas été
posées par le chef du gouvernement à un collègue qui est
resté là pendant trois semaines et qui n'aurait probablement
jamais démissionné si ça n'avait été de la
plainte portée.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): S'il y a une chose que je ne ferai
pas, même pas pour faire plaisir ou satisfaire la curiosité que je
ne trouve pas très saine du chef de l'Opposition en ce moment...
Des voix: Oh!
M. Lévesque (Taillon): ... C'est ce que j'ai pu dire en
privé à M. Charron avant d'accepter sa démission parce que
la réflexion qu'il avait faite l'amenait à dire: Je pense que je
suis mieux de démissionner. J'étais d'accord. À partir de
là, je n'ai pas de réponse sur ce qui s'est passé dans son
esprit entre le 30 janvier et le 21 février. Vous pouvez inventer ce que
vous voudrez, moi, je n'en sais rien.
Le Président: Question principale, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
Le niveau des taux d'intérêt
M. Scowen: Ma question s'adresse au ministre d'État au
Développement économique. Le 4 février, le premier
ministre, lors de la conférence fédérale-provinciale, a
proposé au gouvernement fédéral que les autorités
fédérales maintiennent les taux d'intérêt au Canada
à pas plus que 1% au-dessus des taux américains correspondants au
cours des deux années qui viennent. Est-ce que le ministre est d'accord
avec cette proposition du premier ministre qui date d'il y a trois
semaines?
Le Président: M. le ministre.
M. Landry: Nous avons fait cette proposition dans le cadre
général d'une conférence à huis clos qui impliquait
un dialogue suivi avec M. Bouey, le gouverneur de la Banque du Canada, qui
avait été mis à la disposition des premiers ministres dans
les entretiens à huis clos. Ce que dit le député est
substantiellement exact. Il faut y ajouter tout le contexte d'une longue
discussion de quelques heures sur la politique monétaire canadienne. Il
est entendu que si le gouvernement du Canada décidait de faire mieux que
ce que nous avons proposé, qui veut le plus veut le moins, et nous
n'avions pas l'intention, cela a été bien signalé par mon
collègue des Finances et par le premier ministre, d'imposer une
politique rigoureuse à la gestion de la Banque du Canada pourvu que,
dans un cadre général, les objectifs de
la Banque du Canada ne soient pas trop opposés à la
santé de l'économie du Québec, comme nous l'avons
longuement expliqué hier au cours de notre débat. Disons que ce
que nous proposions était le strict minimum. (14 h 40)
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: M. le Président, une question additionnelle.
À ma connaissance, cela a pu être une proposition à huis
clos au départ, mais c'était aussi la proposition officielle,
rendue publique, du gouvernement du Québec lors de cette
conférence, et effectivement la proposition sur laquelle on demande une
opinion, dans le débat qui est en cours, au ministre d'État au
Développement économique. Voici donc ce que je veux lui demander,
et je répète ma question dans ce sens: Est-ce que la proposition
du premier ministre, qui est dans ce document public, rendu public après
la conférence fédérale-provinciale est-elle la politique
monétaire du gouvernement du Québec que vous proposez
maintenant?
Le Président: M. le ministre.
M. Landry: M. le Président, je le réitère
c'est le strict minimum que nous demandons dans le cadre de la discussion que
nous avons eue. Si le gouvernement du Canada décidait, par une
hypothèse qui n'est peut-être pas impossible - en tout cas, je le
souhaite - de pratiquer un taux d'intérêt intérieur
nettement plus bas que le taux américain et assortissait cette mesure
d'autres mesures accessoires bien connues en mécanique monétaire
et auxquelles le Canada a eu recours à une certaine période de
son histoire, s'il...
Des voix: ...
M. Landry: Voulez-vous me... M. le Président, quand
même! Il me semble que...
Des voix: Ah! Ah!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Landry: Merci, M. le Président. Vous présumez,
dans vos fonctions - et je pense que vous avez raison - que lorsque
l'Opposition pose une question, elle veut une réponse, et je vous
remercie de le reconnaître.
Je réitère donc que si le gouvernement du Canada
décidait et prouvait que c'est dans l'intérêt du Canada et
du Québec de pratiquer un taux d'intérêt sensiblement plus
bas en appliquant les mesures qui vont avec une telle politique - je donne un
exemple théorique, je le réitère - et assortissait cette
mesure d'un contrôle des changes pour empêcher les fuites
massives... Supposons que M. Bouey - ce n'est pas dans son tempérament -
décidait cela, il pourrait bien pratiquer un taux de 8% s'il le
veut.
M. Scowen: Seulement une petite question additionnelle.
Le Président: M. le député.
M. Scowen: Dans le projet de motion que le ministre nous a
proposé hier, il a demandé notre appui à des modifications
de la politique monétaire du Canada. Les modifications qu'il propose
sont-elles celles qui sont contenues dans le document public du 4
février du premier ministre ou a-t-il d'autres modifications
précises à nous proposer à ce moment-ci? Si oui, quelles
sont ces modifications précises et quelles seront les
conséquences de ces modifications?
M. Landry: M. le Président, nous avons demandé
l'appui de l'Opposition à notre position de suggestions
monétaires au gouvernement du Canada en supposant que c'est le moins qui
pourrait se faire. Le moins qu'il pourrait faire, c'est cela. Si jamais...
Des voix: Ah! Ah!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Landry: ... il décidait de faire plus et que
c'était dans l'intérêt du Québec que cela se fasse,
j'imagine que l'Opposition n'aurait pas le culot de s'y opposer.
Le Président: Question principale, M. le
député de Jeanne-Mance, et ensuite M. le député du
Lac-Saint-Jean.
Les problèmes de l'industrie du taxi
M. Bissonnet: M. le Président, ma question s'adressera au
ministre des Institutions financières. La situation dans la ville de
Québec, aujourd'hui, est extrêmement difficile à cause de
nombreuses perturbations qui inquiètent beaucoup les citoyens de la
ville. À la suite de la période des questions, hier, j'ai pris
l'initiative, après le refus du ministre de convoquer une commission
parlementaire à la demande des artisans du taxi, en particulier de la
région de Québec, de rencontrer les chauffeurs de taxi devant le
parlement et je leur ai demandé, M. le Président, de retourner au
travail et de suivre de très près le dossier, la démarche
formulée par le ministre des Institutions financières.
M. le Président, lors de la période des questions, en
réponse à une question du député de Bonaventure, M.
le ministre disait:
On vient de me signaler que la Fédération des ligues de
taxis accepte la démarche que j'avais indiquée dans ma lettre. Je
fais référence à la lettre du 23 février que le
ministre avait dûment lue à cette Assemblée cette
journée-là.
Je demande au ministre des Institutions financières et
Coopératives, dans une première question, s'il y avait une
condition additionnelle rattachée à la démarche qu'il nous
a soumise en cette Chambre et quelle était cette condition additionnelle
demandée par la Fédération des ligues de taxis du
Québec.
Le Président: M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, je ne crois pas qu'il y ait
une condition additionnelle de posée. En fait, ce matin, la
Fédération les ligues de taxis du Québec et la Ligue de
taxis de Montréal ont été en communication avec le bureau
du Surintendant des assurances pour vérifier si le questionnaire
qu'elles avaient préparé, conformément à ma lettre
du 23, était agréé par le Surintendant des assurances et
elles lui demandaient des commentaires. En fait, le bureau du Surintendant des
assurances était d'accord avec ce formulaire. Donc, ce matin, tout
indiquait que la fédération était disposée à
entrer dans ce travail que j'avais suggéré dans la lettre du
23.
Je pense que ce à quoi fait allusion le député de
Jeanne-Mance, c'est autre chose. Depuis quelque temps - c'est difficile
à dire parce que ce dossier évolue beaucoup d'heure en heure -
à Québec, la Ligue de taxis serait disposée, me dit-on,
à cesser ses activités, que nous constatons depuis 49 heures - je
pense que la fédération, à Montréal, a fait
quelques démarches dans le même sens - si elle obtenait de moi une
lettre, un écrit disant à peu près ceci: Advenant que la
ligue me démontre que l'absence de subrogation a un effet substantiel -
c'est le facteur majeur - dans les hausses de prime et dans le niveau des
primes que les taxis connaissent à l'heure actuelle, je m'engagerais de
mon côté à rétablir la subrogation pour les
taxis.
Je pense que cette demande que me fait la ligue depuis quelques heures
est tout à fait raisonnable et n'est pas incompatible avec la lettre que
je lui ai envoyée, bien au contraire. J'ai donc l'intention, dans le
courant de cet après-midi, d'envoyer à M. Cloutier, à
Québec, quelque chose qui dirait substantiellement à peu
près ceci: S'il est clairement démontré que l'absence de
subrogation est un facteur déterminant du niveau et de la hausse
substantielle des primes applicables aux taxis, je m'engage à
rétablir la subrogation pour les taxis.
Je vais la lui faire parvenir et si vraiment ça correspond aux
échos que j'ai eus depuis hier soir approximativement, je n'ai aucune
espèce d'objection à fournir cet engagement.
Le Président: M. le député de
Jeanne-Mance.
M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, juste une
précision additionnelle. Le ministre des Finances, hier, à la
question que je lui posais d'une façon bien modérée, me
répondait qu'il ne pouvait pas accorder de commission parlementaire pour
les raisons qu'il a invoquées, mais, soudainement, se tournant vers son
voisin, recevant un petit papier, il nous dit: On vient de me signaler que tout
est réglé, la fédération accepte. Là, tout
le monde applaudit, et on s'asseoit. On n'est pas sorti de la Chambre que le
diable continue. Ce matin, rien ne fonctionne dans la ville de Québec,
les taxis sont aux portes partout, la police est rendue partout. Le petit bout
de papier, il faudrait faire attention à ça, M. le ministre des
Finances.
Le Président: M. le ministre. (14 h 50)
M. Parizeau: M. le Président, je rappellerai au
député de Bonaventure que c'est assez facile d'aboutir à
des conclusions comme celle qu'il vient de tirer à partir du moment
où il en ajoute à ma déclaration. Ce que j'ai dit hier, ce
n'est pas que la Fédération des ligues de taxis est d'accord et
que tout est réglé, c'est que la Fédération des
ligues de taxis est d'accord. Ce n'est pas tout à fait la même
chose.
M. Levesque (Bonaventure): Dans les circonstances, je demanderais
aux ministériels de retirer leurs applaudissements.
Le Président: M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, je vais peut-être
faire la même demande à l'égard de nos amis d'en face parce
que...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Parizeau: ... le député de Bonaventure a
été suffisamment longtemps dans des fonctions
ministérielles pour savoir que, dans des négociations, il arrive
assez souvent que des groupes qui dirigent les opérations ne les
dirigent pas toutes et ne dirigent pas tous les groupes, et de temps à
autre en échappent. N'est-ce pas? Cela arrive. J'imagine que je ne lui
apprends rien en lui disant cela. Je répète ce que je disais
hier: Non seulement la fédération hier indiquait que la
démarche mentionnée dans ma lettre lui était
agréable, mais, d'autre part, ce matin, elle était en contact
avec le bureau du surintendant pour, justement,
rédiger les formulaires prévus par cette lettre. Cela
démontre donc que la prise de position d'hier était valable et,
ce matin, est opérationnelle. Qu'hier encore, les problèmes dans
la ville de Québec, bien sûr on les voit. J'apprends de ceux qui
sont particulièrement impliqués dans la ville de Québec,
qu'ils voudraient de moi une autre lettre. Je ne vois pas d'objection à
la leur envoyer. Semble-t-il, cela réglerait le problème. Alors,
M. le Président, de quoi se plaint le député de
Bonaventure?
Le Président: M. le leader de l'Opposition, question
additionnelle.
M. Levesque (Bonaventure): Une précision parce que je
viens de recevoir de la part du ministre des Finances une question bien
précise. De quoi il se plaint? Je me plains de beaucoup de choses, du
gouvernement et de bien des choses dont il sera question au cours de cette
session. Mais, particulièrement dans le cas du taxi, je me plains que le
ministre des Finances a presque causé un accident grave au
président de la fédération qui, en regardant la
télévision et en prenant connaissance de la réponse du
ministre hier, est, d'après lui, presque tombé en bas de sa
chaise.
Le Président: M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, j'imagine que, si quelqu'un
tombe en bas de sa chaise, son premier réflexe, tout de suite
après, n'est pas de téléphoner au bureau du Surintendant
des assurances pour demander sa collaboration pour la mise en place du
processus prévu. Ou alors, M. le Président, nous sommes en face
d'une gymnastique qui me paraît curieuse.
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais adresser ma question au ministre de la
Justice. Il doit savoir qu'il y avait des perturbations à Québec
ce matin et c'est encore la même chose cet après-midi. Les
ronds-points étaient bloqués, les ponts étaient
fermés, il y avait des incidents regrettables. On m'a dit qu'un
chauffeur de la compagnie Budget a été battu. J'ai appris qu'un
journaliste a eu des problèmes avec des personnes inconnues, elles ont
saisi et endommagé sa caméra, elles ont saisi ses films et ainsi
de suite. On m'a dit aussi, dans ces cas de violence, que les policiers
étaient sur les lieux, mais qu'ils n'ont rien fait, ils n'ont pas
réagi. J'aimerais demander au ministre quels sont les ordres qu'il a
donnés ou que ses fonctionnaires ont donnés aux policiers dans
ces cas. Qu'est-ce qu'il fait pour prévoir la sécurité des
citoyens à Québec et qu'est-ce qu'il fait pour assurer la paix et
l'ordre dans les régions de la ville de Québec?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: Effectivement, M. le Président, comme le
dit le député, cette manifestation qui a dépassé
les cadres d'une manifestation amène beaucoup de perturbations au niveau
de l'ensemble de la population de la ville de Québec. Les chauffeurs de
taxi avaient obtenu un permis de manifestation des autorités de la ville
de Québec, mais il est clair que ce permis de manifestation n'est pas la
porte ouverte à la commission d'actes criminels, de délits ou
d'actes illégaux. Au moment où je vous parle, la
Sûreté du Québec et la police municipale de la ville de
Québec unissent leurs efforts pour faire en sorte que la situation se
règle dans les plus courts délais possible en termes de
sécurité publique. Je puis dire au député que
plusieurs enquêtes sont menées au moment où on se parle
concernant non seulement des faits auxquels réfère le
député, mais également d'autres événements.
Il est clair que si ces enquêtes démontrent la commission d'actes
criminels, les plaintes en conséquence seront prises.
Le Président: Question principale, M. le
député de Lac-Saint-Jean.
Nouvelle politique de crédit agricole
M. Brassard: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. On sait
que le gouvernement a adopté tout récemment une nouvelle
politique en matière de crédit agricole, devenue et rendue
nécessaire, comme on le sait, M. le Président, à la suite
de la politique monétariste particulièrement désastreuse
du gouvernement fédéral.
Des voix: Ah! Une voix: Eh oui!
M. Brassard: C'est le cas. Qu'est-ce que vous voulez? On sait
également que, face à cette politique, les banques à
charte ont décidé d'organiser, en quelque sorte, un boycottage de
cette politique et de ne pas participer à...
Des voix: ...
M. Brassard: Est-ce que j'ai le droit de parole, M. le
Président?
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Brassard: ... l'application de cette politique. Le ministre,
à la suite de ce boycottage, lançait l'idée d'une caisse
nationale agricole, une sorte de banque d'affaires spécialisée en
matière de crédit agricole.
J'aimerais poser les questions suivantes au ministre de l'Agriculture,
des Pêcheries et de l'Alimentation à ce sujet: D'abord, est-ce que
le Mouvement Desjardins, le mouvement des caisses populaires, a pris une
décision relativement à l'application de cette politique? A-t-il
décidé d'emboîter le pas derrière les banques
à charte ou s'il a décidé de participer à
l'application de cette nouvelle politique de crédit agricole?
Deuxièmement, dans quelle mesure le boycottage des banques
pénalise-t-il les agriculteurs qui ont besoin actuellement de
crédit? Si le boycottage devient permanent, est-ce que le ministre
entend aller plus loin, aller de l'avant avec cette idée d'une caisse
nationale en matière de crédit agricole?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: M. le Président, je remercie le
député de Lac-Saint-Jean de me poser une question sur
l'agriculture parce que j'ai remarqué qu'en trois jours de session le
Parti libéral n'a pas trouvé que c'était encore
prioritaire.
M. Mathieu: Question de privilège, M. le
Président.
Des voix: Ah!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Beauce-Sud, sur une question de
privilège.
M. Mathieu: M. le Président, je ferai remarquer qu'hier la
question la plus importante concernait les plaques d'immatriculation des
véhicules de ferme. On ne peut pas tout poser la même
journée.
Le Président: M. le ministre, vous avez la parole.
M. Garon: M. le Président, j'avais bien lu dans les
journaux, pourtant, il y a deux jours, qu'apparemment en matière
agricole le Parti libéral aurait deux représentants: le
député de Beauce-Sud et le député de
Maskinongé. Cela n'a pas donné plus de résultat.
Concernant le crédit agricole, le nouveau taux a
été fixé par le gouvernement il y a quinze jours et il
doit s'appliquer après sa publication dans la Gazette officielle. Je
dois dire qu'on saura exactement ceux qui fonctionnent dans le crédit
agricole et ceux qui ne fonctionnent pas lorsque les certificats de prêt
auront été accordés aux agriculteurs et que les
agriculteurs se présenteront auprès des institutions
financières pour négocier le taux, puisque le taux pourrait
être négociable jusqu'à un maximum. La subvention
s'appliquera, par exemple, jusqu'au maximum du taux préférentiel.
Cela veut dire que le taux pourrait, théoriquement, être plus bas
que le taux préférentiel, mais je pense que le taux
préférentiel sera à peu près le taux qui sera
fixé. (15 heures)
Jusqu'à maintenant, on a dit dans les journaux que les banques
n'avaient pas l'intention de prêter. Je dois dire qu'il y a deux ans,
lorsque nous avons changé le taux, j'avais entendu également ce
genre de rumeur et que, finalement, quand les agriculteurs se sont
présentés aux banques, certaines d'entre elles ont
commencé à consentir des prêts et les autres ont suivi.
Concernant le Mouvement Desjardins, je sais qu'il doit y avoir des
rencontres des dirigeants du Mouvement Desjardins concernant le nouveau taux de
crédit agricole et ils doivent prendre une position concernant ce taux
agricole. J'ai bon espoir que le Mouvement Desjardins va consentir des
prêts aux agriculteurs au taux que nous avons
déterminé.
Évidemment le nouveau taux est moins payant que l'ancien, mais je
pense que, dans une conjoncture où les taux d'intérêt sont
élevés, il ne peut pas y avoir du monde en difficulté et
des banques qui font des centaines de millions de profit de l'autre
côté. Je pense qu'à ce moment-là il doit y avoir...
Je regarde ce que les libéraux d'Ottawa disent. M. Whelan semble... Eux,
ils ont le pouvoir de changer le taux, nous ne l'avons pas. M. Whelan pourrait
se servir de l'article 14 de la Loi de la Banque du Canada qui permet de
convaincre le Conseil des ministres de M. Trudeau et qui peut envoyer une
directive écrite en vertu de l'article 14 de la Loi de la Banque du
Canada à la Banque du Canada pour lui dire de modifier son taux
d'intérêt.
M. Whelan, au lieu d'engueuler les banques, pourrait tout simplement
faire adopter par son gouvernement une politique de taux plus bas pour les
agriculteurs. C'est une possibilité pour le gouvernement
fédéral.
Concernant les choix que nous étudions, s'il arrivait que les
institutions financières, lorsque les agriculteurs s'y
présenteront, trouvent le taux pas assez payant, je dois dire que nous
étudions à ce moment-ci - pas seulement à ce moment-ci,
mais depuis un certain temps - différentes options. À ce
moment-là, il sera toujours temps de voir dans quelle voie nous nous
orienterons pour que les agriculteurs paient le meilleur marché pour
leur crédit agricole.
M. French: M. le Président...
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Groulx.
M. Fallu: Question principale.
Le Président: Question principale. M. le
député de Westmount et par la suite je vous reconnaîtrai.
M. le député de Westmount.
Une voix: II lui aurait fallu se lever avant.
Les hausses de taxes municipales dans la région
de Montréal
M. French: J'ai une question à poser au ministre des
Affaires municipales. C'est une question que je pose de la part de tous les
contribuables municipaux de l'île de Montréal qui sont
propriétaires de maisons unifamiliales.
Il y a eu cette année des hausses faramineuses des comptes de
taxes municipales pour les propriétaires de maisons sur l'île de
Montréal. La norme, dans mon comté entre autres,
représente des augmentations de l'ordre de 40%, 50%, 60% des taxes
payables cette année par rapport à l'année
dernière. Je sais que mon collègue de D'Arcy McGee pourrait en
dire autant. Ces augmentations sont inacceptables.
The home owners of Montreal cannot withstand this assault on their
pocketbooks. La réalité brutale c'est que la moitié de la
population, les propriétaires de maisons, paient plus que 90% de la
hausse des taxes municipales cette année.
Ma question est la suivante: Qu'est-ce que le ministre entend faire pour
répartir le fardeau fiscal municipal équitablement parmi tous les
contribuables consommateurs des services municipaux?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Léonard: Je remercie le député de sa
question, il m'en avait prévenu d'ailleurs.
Des voix: Ah! Ah!
M. Léonard: II y a effectivement des mouvements dans les
comptes de taxes des contribuables à Montréal et je pense qu'on
peut évidemment se poser des questions. Je sais par exemple que certains
ont en tête certaines solutions, comme celle des taux variés, des
taux variables, mais je pense que ça pose des problèmes majeurs
ou que ça risque d'en poser. En tout cas, nous ne sommes pas
fermés à la suggestion d'examiner la question; elle est
effectivement, à l'heure actuelle, dans le cadre des travaux du
comité Québec- municipalités sur la fiscalité.
Cependant, il se pose des questions par rapport à cette solution
dont on parle, celle des taux variables. Elle a pour effet de créer
plusieurs catégories de contribuables et d'amener des écarts de
taxation entre différents contribuables à l'intérieur
d'une même municipalité et, lorsqu'on songe à la
réalité de la Communauté urbaine de Montréal, elle
risquerait d'amener aussi des différences de taxation entre les
mêmes catégories de contribuables entre différentes
municipalités.
Je pense qu'il y a des questions à se poser par rapport à
cela et il faut évidemment, dans la solution d'une question comme celle
qui se pose, ne pas amener d'autres problèmes qui pourraient être
plus graves aussi à long terme, parce qu'à long terme les
écarts ont aussi tendance à s'amenuiser.
Il y a des mouvements de par les années dans l'évaluation
foncière. Si on regarde ce qui s'est passé à
l'intérieur de la Communauté urbaine de Montréal, de 1977
à 1980, les valeurs commerciales et industrielles ont vu leur part
relative augmenter dans le total des valeurs imposables. Mais, de 1980 à
1982, maintenant, c'est le contraire qui se produit, ce sont les valeurs
résidentielles.
D'autre part, de 1976 à 1980, les villes de l'est de la
Communauté urbaine de Montréal ont vu augmenter de façon
importante leur part au financement des dépenses régionales, mais
depuis 1980, c'est le contraire qui se produit, ce sont les villes de l'ouest.
Il y a ces réflexions qui se font dans le cadre des travaux du
comité Québec-municipalités sur la fiscalité.
Depuis une dizaine de jours, je sais qu'il se pose des questions plus
précises, que le dossier est à l'ordre du jour de leurs travaux,
mais je noterai cependant qu'il y a ces variations. Dans le cas de Westmount,
en particulier, le pourcentage des quotes-parts payées par la ville de
Westmount est passé, en 1976, de 2,87% de l'ensemble des dépenses
de la Communauté urbaine de Montréal à aussi bas que 2,34%
l'an passé et, cette année, c'est remonté à 2,51%.
Dans le même temps, Pointe-aux-Trembles passait de 1,57%, en 1976,
à 1,74% et il est maintenant revenu à 1,58%. Il y a des
variations, comme je le disais tout à l'heure, et ce sont des questions
qui se posent à l'heure actuelle dans le cadre des travaux que nous
faisons sur la fiscalité municipale.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Mr. Speaker, Montrealers have had it up to here, we have
had it over the neck with these increases and we are fed up with these tax
increases on single family
homes. We are also fed up with the unfair, the unjustified tax increases
in the Montreal Urban Community and we are not going to pussyfoot around with
the Government.
Les Montréalais en ont jusqu'au cou! Ils en ont assez!
Une voix: Par-dessus la tête.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Question.
M. Marx: II y en a quelques-uns qui en ont jusqu'au cou, d'autres
en ont par-dessus la tête. Moi, je suis une victime qui en a par-dessus
la tête. Nous avons des augmentations injustifiées. À
Côte-Saint-Luc, par exemple, il y a eu des augmentations de 113% en deux
ans.
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Marx: Un de mes électeurs a vu son compte de taxes
augmenter de 2000 $ à 6000 $ en trois ans. À
Rivière-des-Prairies, dans l'est de Montréal...
Des voix: Question!
Le Président: M. le député de D'Arcy McGee,
s'il vous plaît, posez votre question additionnelle.
M. Marx: N'est-il pas vrai qu'à
Rivière-des-Prairies, dans l'est de Montréal, il y a une femme
qui a vu ses taxes augmenter de 400 $...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je
vous informe que deux autres députés avaient également
manifesté l'intention de poser des questions additionnelles, un de votre
parti, le député de Marguerite-Bourgeoys, et le
député de Bourassa. Malheureusement, je pense qu'ils ne pourront
pas les poser, puisqu'il reste deux minutes à la période des
questions. Très brièvement, s'il vous plaît!
M. Marx: Je pose ma question, M. le Président; merci pour
votre indulgence. Ma question est la suivante. J'ai ce soir une réunion
dans mon comté avec 500 contribuables, des électeurs qui paient
des taxes municipales, et j'aimerais savoir quoi leur dire. Est-ce que ces
taxes injustifiées vont continuer? Qu'est-ce que vous allez faire? Au
lieu de faire un "speech" de quinze minutes, dites-moi quoi dire à mes
électeurs ce soir, eux qui ont vu leurs taxes doubler depuis deux ou
trois ans.
Le Président: M. le ministre.
M. Léonard: Je voudrais quand même rappeler à
M. le député de D'Arcy McGee...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Léonard: ... que le budget des municipalités est
fait par les municipalités et non par le gouvernement. Cela me
paraît drôlement important.
M. Marx: ... de Montréal...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! (15
h 10)
M. Léonard: C'est du ressort des municipalités de
calculer leurs revenus en fonction des dépenses qu'elles font.
Maintenant, je sais qu'à un moment donné, il y a des ajustements
qui peuvent être amenés au niveau de l'évaluation
foncière d'une propriété. C'est facile de dire que, dans
un cas, un propriétaire a vu son compte de taxes augmenter, mais
qu'est-ce qu'il a fait de sa propriété, entre-temps? Est-ce que
cela a été simplement réévalué? Est-ce qu'il
a fait des rénovations? Est-ce qu'il l'a grandement
améliorée? Il y a tout ça qui peut survenir en cours de
route et je pense que c'est difficile de traiter d'un cas particulier ou
exceptionnel. Je n'ai pas ici les chiffres de Côte-Saint-Luc; j'avais
ceux de Westmount, par contre, de 1979 à 1981, par exemple. Le compte de
taxes moyen du contribuable de Westmount a augmenté de 3,3%, mais, dans
le même temps, les dépenses augmentaient de 26%. Cette
année, il y a un réajustement. En tenant compte du transfert du
champ d'impôt scolaire normalisé, il y a des réajustements
qui se font, mais je pense que là, c'est aux contribuables de chacune
des municipalités à évaluer leur situation et à
juger aussi leur conseil municipal en fonction de ça.
Le Président: Voici, il reste environ 30 secondes. Je vous
avertis que, si je permets une question additionnelle au député
de Marguerite-Bourgeoys, je permettrai également une question
additionnelle au député de Bourassa. M. le député
de Bourassa et, par la suite, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys. M. le député de Bourassa, question
additionnelle.
M. Laplante: Merci de votre générosité, M.
le Président. Je voudrais poser une question additionnelle au ministre
des Affaires municipales. Si vous prenez le rôle d'évaluation de
1976 à 1979 et si vous le comparez à celui de l'est qui
était élevé à ce moment, où les
augmentations de taxes de par le rôle ont été beaucoup plus
élevées, pouvez-vous nous donner les raisons pour lesquelles le
West Island, à ce moment, au lieu d'augmenter son rôle
d'évaluation de taxes, l'a baissé? Aujourd'hui, ils se
retrouvent, en 1979-1981, avec une augmentation de taxe foncière et il y
a un équilibre qui peut se faire. Les vraies raisons
de ça.
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Léonard: Vous savez que le rôle
d'évaluation est confectionné par les responsables de la
Communauté urbaine de Montréal. Il y a des techniques
d'évaluation des propriétés et, lorsque ces
propriétés sont évaluées par la suite, il y a des
ajustements qui sont faits en fonction des transactions qui ont cours durant
l'année antérieure ou durant une certaine période que l'on
calcule. Ce qui se produit et ce qui s'est produit en général,
c'est qu'il y a eu un marché assez actif au niveau des résidences
unifamiliales, duplex et triplex dans l'est durant la période 1976-1979
ou 1980, si vous voulez, alors que c'était plutôt ralenti dans
l'ouest et que le contraire maintenant se fait sentir, de sorte qu'il y a des
ajustements au cours des temps qui font qu'en définitive
l'équilibre se rétablit.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Mont-Royal.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, la période des questions est terminée. Tout
à l'heure, j'avais présumé que vous vouliez poser une
question additionnelle et c'est pour cette raison que j'ai dit que, sans aucune
discrimination, je vous reconnaîtrais, de même que le
député de Bourassa. Comme le député de Mont-Royal
m'indique qu'il veut poser une question additionnelle, et pour respecter ce que
j'ai dit tout à l'heure, je donne donc une question additionnelle au
député de Mont-Royal.
Question de règlement, M. le député de
Marguerite-Bourgeois.
M. Lalonde: Je pense, M. le Président, que vous
conviendrez que la présomption que vous avez faite et le proprio motu
n'ont pas été provoqués par aucune indication de ma part.
La question que j'ai à poser, qui est d'une extrême urgence,
concerne l'Université du Québec où 3000 personnes...
Le Président: M. le député de Mont-Royal,
question additionnelle. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, je dois vous dire - à
l'ordre, s'il vous plaît - qu'étant donné - à
l'ordre, s'il vous plaît - qu'il reste une minute à la
période des questions, le président avait de bonnes raisons de
présumer que le député de Bourassa et le
député de Marguerite-Bourgeoys voulaient poser une question
additionnelle à la question principale et non pas une question
principale à 45 secondes ou une minute avant la fin de la période
des questions. En conséquence, je donne la parole au
député de Mont-Royal.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je m'excuse d'insister. Généralement,
je m'accorde assez bien avec votre application du règlement, mais vous
devrez convenir que c'est vous qui avez fait l'erreur cette fois-ci. Vous avez
présumé que j'avais une question additionnelle, alors que je ne
vous l'ai aucunement indiqué de cette façon-là. J'ai une
question très importante à poser.
Le Président: À l'ordre! Vous savez, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, que j'ai l'habitude, en toute
modestie, de reconnaître les erreurs que j'ai commises, mais dans le cas
présent, je crois ne pas avoir commis d'erreur. M. le
député de Mont-Royal, question additionnelle.
M. Ciaccia: M. le Président, si cela peut faciliter votre
tâche, je suis prêt à retirer ma question additionnelle si
vous reconnaissez le député de Marguerite-Bourgeoys. Autrement,
je vais...
Des voix: Ah! Ah! M. Lalonde: Merci.
M. Ciaccia: J'ai essayé.
M. le Président, je pense que le ministre des Affaires
municipales n'a pas répondu à la question.
Une voix: Comme d'habitude.
M. Ciaccia: La question porte sur le déséquilibre
des taxes imposées aux propriétaires de maisons unifamiliales par
rapport aux autres contribuables. Ce n'est pas une question de budgets
municipaux ou d'une augmentation de budgets. Puisque le gouvernement est au
courant de ce problème depuis 1977 au moins - c'est le ministre Tardif
qui a lui-même déposé le rapport Bergevin en cette Chambre,
qui soulignait l'existence de ce problème, de ce
déséquilibre entre les propriétaires de maisons
unifamiliales et les autres - le ministre est-il conscient de l'effet des
augmentations vertigineuses des taxes foncières sur l'industrie de la
construction, et qu'entend faire le ministre pour corriger la situation de
façon que la taxe municipale devienne partie intégrante d'une
véritable politique d'habitation afin d'éviter
l'incohérence? L'incohérence actuelle, c'est
que vous donnez des subventions pour encourager l'accès à
la propriété et que, de l'autre côté, vous annulez
ces subventions en donnant le droit d'augmenter les taxes. C'est
incohérent. Que va faire le ministre pour éviter cette
incohérence et rétablir un peu de justice envers les
propriétaires de maisons unifamiliales?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Léonard: Je pense, encore une fois, qu'on est en train
de parler de la confection des rôles d'évaluation, lesquels sont
la responsabilité de la Communauté urbaine de Montréal.
Effectivement, c'est vrai qu'il y a des gens qui trouvent qu'il y a des
déséquilibres et que, dans les dernières années,
les valeurs d'évaluation des maisons unifamiliales, des duplex et des
triplex ont beaucoup augmenté. C'est dans ce contexte qu'en 1980,
notamment, et encore hier, lorsque nous avons adopté la loi no 33, nous
avons amené devant cette Chambre le dispositif du crédit
d'impôts fonciers pour essayer au moins de faciliter la transition en
attendant qu'on évalue correctement la situation et qu'on apporte des
correctifs peut-être plus à long terme, s'il y a lieu. Quant
à nous, pour l'instant, c'est un sujet à l'étude au
comité Québec-municipalités sur la fiscalité. Les
dispositifs qui sont là sont transitoires en attendant les solutions
définitives.
Le Président: Fin de la période des questions.
Motions non annoncées.
Enregistrement des noms sur les votes en suspens.
Avis à la Chambre.
M. Lalonde: Article 34, M. le Président. Cela ne vous
étonne pas?
Le Président: Cela ne m'étonne pas, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys, mais je pense qu'en vertu de
l'article 34, les questions doivent être posées avant les affaires
du jour et après les avis à la Chambre. M. le leader du
gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Bertrand: Bien, M. le Président. Je voudrais simplement
donner l'avis suivant à la Chambre que mardi prochain, 2 mars, au salon
rouge, à compter de 10 heures, la commission parlementaire permanente
des affaires municipales commencera à entendre des groupes sur le projet
de loi no 46 relatif à la Communauté urbaine de Montréal
et, à la salle 81-A, la commission parlementaire permanente du revenu
continuera son travail de l'étude du projet de loi no 39, article par
article, évidemment, si nécessaire.
Recours à l'article 34
M. Lalonde: M. le Président, en vertu de l'article
34...
M. Chevrette: Le député de Jean-Talon est
embrayé.
M. Lalonde: ...j'aimerais savoir si le leader du gouvernement a
l'intention de déposer en cette Chambre la réponse que le
ministre de l'Éducation entend donner à la demande de
l'Université du Québec de financement urgent pour faire face
à la situation des 3000 jeunes qui ont jusqu'au 1er mars pour
s'inscrire... (15 h 20)
M. Bertrand: Question de règlement, M. le
Président!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement, une question de règlement.
M. Bertrand: Je pense que vous reconnaîtrez, M. le
Président, puisque vous étiez à votre fauteuil tout
à l'heure, que la question que le député est en train de
poser en vertu de l'article 34 est exactement la question que le
député voulait poser durant la période des questions.
Donc, je l'invite, comme député de Marguerite-Bourgeoys, de la
même façon que j'invite mon collègue, le
député de Groulx, à poser sa question la semaine prochaine
lors de la période des questions.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement soulevée...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement.
M. Lalonde: Naturellement, le leader n'a peut-être pas lu
comme il faut l'article 34, je ne lui en fais pas reproche, mais il concerne
les travaux de la Chambre. Pour les travaux de la Chambre, on a jusqu'à
22 heures. Si le leader veut bien déposer la réponse que le
ministre de l'Éducation doit donner avant lundi, on va donner notre
consentement. Il y a 3000 jeunes qui ne pourront pas s'inscrire à
l'université si le ministre de l'Éducation ne répond pas
à la demande de financement de l'Université du Québec, qui
est presque en faillite à cause de l'incurie de ce gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, simplement pour
l'information...
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Bertrand: Je suis convaincu que le député de
Marguerite-Bourgeoys a posé sa question pour avoir une réponse.
Je veux simplement lui indiquer que ce dossier est devant le Conseil des
ministres et que, quand le Conseil des ministres en aura disposé, le
ministre de l'Éducation se fera évidemment un plaisir de lui
transmettre toutes les informations pertinentes.
M. Lalonde: M. le Président, ce n'est pas une question
additionnelle, c'est une autre question en vertu de l'article 34.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Une autre question en
vertu de l'article 34.
M. Lalonde: Oui. J'aimerais savoir si le leader a l'intention de
déposer bientôt la révision de la Loi sur
l'Assemblée nationale et si cette réforme va contenir des
propositions, comme on l'a entendu dire depuis quelques mois, sur la
révision du salaire des députés.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader.
M. Bertrand: Je peux effectivement dire au député
de Marguerite-Bourgeoys que nous avons l'intention de déposer durant la
présente session un projet de loi pour modifier la Loi sur
l'Assemblée nationale et que nous n'avons pas encore, à ce
stade-ci, arrêté de décision définitive à
savoir si, oui ou non, la question des salaires et pensions sera contenue dans
ledit projet de loi. C'est un dossier qui est toujours à l'étude,
mais je pense que lorsque le projet sera déposé, le
député sera en mesure à ce moment-là d'en analyser
le contenu et peut-être de poser des questions et de participer au
débat dans le contexte normal de nos travaux parlementaires.
M. Gratton: En vertu de l'article 34.
Le Vice-Président (M. Rancourt): En vertu de l'article 34,
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, j'aimerais poser une question
au leader du gouvernement et cela adonne d'autant mieux que le ministre des
Transports est assis à sa gauche. On sait qu'il y a trois mois, le
premier ministre avait commandé au ministre des Transports un rapport
complet sur l'utilisation des avions du service aérien du
ministère des Transports. On avait compris que ledit rapport serait
déposé à l'Assemblée nationale. À quel
moment ce rapport sera-t-il déposé?
Une voix: Jamais.
M. Bertrand: M. le Président, je pense que le ministre des
Transports se fera un plaisir, la semaine prochaine, de déposer une
directive sur la question posée par le député de
Gatineau.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laurier.
M. Gratton: M. le Président, pour préciser,
j'aimerais que ce soit bien clair. Cela m'intéresse beaucoup de voir la
directive; je suis d'ailleurs très heureux de constater que, enfin, il y
en a une, mais je voudrais aussi voir le rapport qui a amené le premier
ministre à trouver nécessaire d'émettre une directive pour
empêcher certains ministres de "se flailler", comme on dit.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Je pense que, la semaine prochaine, si le
député voulait poser des questions relatives à ce rapport
au ministre des Transports, celui-ci se fera un plaisir de répondre
à ses questions.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laurier.
M. Polak: M. le Président, vous regardiez en direction du
député de Sainte-Anne et vous avez mentionné le nom du
député de Laurier, mais j'imagine que j'ai priorité.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je m'excuse, M. le
député de Sainte-Anne, c'est à vous que je
m'adressais.
M. Polak: Merci beaucoup. En vertu de l'article 34, à
l'automne 1981, le précédent leader parlementaire avait
convoqué une commission parlementaire pour étudier la
possibilité de mettre un toit sur le Stade olympique. À ce
moment-là, le problème était de toute urgence, vu qu'on
voulait avoir une décision de la part du gouvernement, selon les mots du
leader du temps, avant le début de l'hiver. On est maintenant rendu
à la fin du mois de février et peut-être au début du
printemps. Est-ce que le leader pourrait nous dire où on en est rendu?
Qu'a-t-il été décidé? Y a-t-il une autre suggestion
de ne pas mettre de chapeau sur ce corps?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Je peux indiquer au député que ce
dossier, effectivement, sera étudié très bientôt au
Conseil des ministres. À ce moment-ci, je ne suis pas en mesure
de donner de réponse sur la question qu'il m'a posée mais
je peux l'assurer d'une chose, c'est qu'en ce moment le dossier est presque fin
près pour être soumis à l'attention du Conseil des
ministres.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laurier.
M. Sirros: Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): II n'y a pas de question
additionnelle. M. le député de Laurier.
M. Sirros: M. le Président, cela fait peut-être
trois mois maintenant que le gouvernement nous a promis de déposer le
rapport Landry portant sur l'organisation des soins en région
périphérique. Alors, quand allez-vous tenir cette promesse?
M. Bertrand: Je m'informerai auprès du ministre et je
donnerai la réponse au député la semaine prochaine, s'il
le veut bien.
M. Rivest: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Nelligan.
M. Lincoln: En vertu de l'article 34, le ministre de
l'Environnement m'avait promis une réponse à une question que
j'ai posée hier. Est-ce qu'il vous a donné la réponse
à la question? Ou est-ce que vous pouvez me dire si on peut s'attendre
à la réponse quand il reviendra de son petit "trip" en avion,
mardi?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: À moins que je ne me trompe, on me dit,
enfin, on pourrait vérifier mais on me dit qu'il serait à
Richmond; vous comprenez pourquoi!
M. Lincoln: Est-ce qu'il sera ici mardi pour répondre
à ma question?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: II me fera plaisir de faire savoir au ministre de
l'Environnement que vous avez l'intention de lui poser un certain nombre de
questions sur le sujet mentionné.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: II est prévu que, probablement la semaine
prochaine ou la semaine qui va suivre, nous abordions l'étude article
par article du projet de loi no 15 en commission parlementaire. Au moment des
audiences parlementaires des groupes qui se sont fait entendre sur ce projet de
loi, il a été fort évident que nous étions devant
l'absence de données actuarielles quant aux pressions qui seraient
exercées sur le coût des régimes de rentes publics et
privés à la suite de l'abolition de l'âge de la
retraite.
Je voudrais demander au leader du gouvernement s'il y a maintenant de
nouvelles études qui pourraient être mises à notre
disposition à ce sujet, avant que nous entreprenions l'étude du
projet de loi no 15?
M. Bertrand: La réponse est oui, madame.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous allez les mettre à notre
disposition?
M. Bertrand: Oui, madame. Mme Lavoie-Roux: Bientôt?
M. Bertrand: Oui, madame.
Le Vice-Président (M. Rancourt): En vertu de l'article 34,
M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: Je vous remercie, M. le Président. J'ai
demandé au leader parlementaire hier à quel moment aurait lieu la
réunion de la commission parlementaire des transports pour
étudier la réglementation en ce qui concerne la loi sur le
transport écolier. J'ai reçu un document à mon bureau hier
indiquant que c'était probablement le 4 mars et là, j'ai entendu
des rumeurs voulant que ce soit le 9 mars. J'aimerais des précisions sur
la date.
M. Bertrand: Oui...
M. Bourbeau: Je pense que cela est important parce qu'on veut
étudier la réglementation avant.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais indiquer au
député que nous étions disposés, quant à
nous, du côté gouvernemental, à faire siéger ladite
commission parlementaire jeudi prochain, durant l'avant-midi. J'ai appris que
le député était, par contre, très
intéressé au projet de loi qui est soumis à la commission
parlementaire permanente des affaires municipales et qu'il compte être
à cette commission. Dans ce contexte, nous avons dû
forcément déplacer cette commission parlementaire que nous
voulions tenir jeudi prochain et ce sera probablement la semaine suivante. Je
ne peux pas vous le dire officiellement, mais possiblement le mardi.
M. Bisaillon: En vertu de 34, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, compte tenu de ce à
quoi nous assistons depuis l'ouverture de la session et compte tenu aussi de
l'abus qu'on fait de l'article 34 -est-ce que je pourrais me permettre de
demander au leader parlementaire s'il a l'intention de déposer devant la
Chambre un amendement à l'article 34, de sorte qu'on évite les
abus auxquels on assiste actuellement?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, en réponse à
la question... (15 h 30)
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, évidemment.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je viens d'entendre le
député de Sainte-Marie...
M. Lalonde: L'intolérance.
Mme Lavoie-Roux: ...dire que nous abusions de l'article 34. Je
viens personnellement de faire la démonstration que vous aviez en main
des études qui vont nous permettre...
Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai bien entendu la
question de privilège de Mme la députée de L'Acadie et je
constate qu'elle a réellement utilisé l'article 34 pour poser sa
question. M. le leader.
M. Chevrette: Question de règlement. Ce n'est pas parce
qu'il y a un membre de l'Opposition, M. le Président, qui a
utilisé à bon escient l'article 34 que vous viendrez me faire
accroire que le député de Marguerite-Bourgeoys l'a utilisé
à bon escient.
M. Lalonde: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège.
M. Lalonde: M. le Président, j'ai juste posé une
question au leader sur le salaire des députés. Cela
intéresse toute la population.
Une voix: Surtout les députés péquistes.
M. Lalonde: Oui, surtout les députés
péquistes.
Des voix: Ah!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je suis convaincu que
j'aurai la participation de tous les collègues de l'Assemblée
nationale. Il me fait extrêmement plaisir de répondre aux
questions en vertu de l'article 34. Je pense que c'est ma responsabilité
comme leader du gouvernement de le faire. Je voudrais simplement, en
espérant, bien sûr, que j'aurai la collaboration de tous mes
collègues à ce point de vue, qu'on veuille bien aussi se limiter
à l'article 34 qui dit qu'immédiatement après
l'expédition des affaires courantes et avant que l'Assemblée
entame les affaires du jour: 1. Un député peut demander des
renseignements sur les travaux de l'Assemblée au leader parlementaire du
gouvernement. Dans cet esprit, il me fera toujours extrêmement plaisir de
répondre à toutes les questions qui me seront posées.
Mais, sauf le respect que je dois à l'honorable député de
Marguerite-Bourgeoys, je pense qu'on pourrait peut-être s'entendre pour
dire qu'il y a peut-être eu tout à l'heure quelque chose qui ne
ressemblait pas tout à fait à ce qu'on pourrait appeler l'article
34.
M. Lalonde: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège.
M. Lalonde: Si j'ai failli un peu à la tâche, M. le
Président, c'était simplement la démonstration -
c'est-à-dire la tâche d'être conforme au règlement -
de ma persévérance pour défendre les intérêts
des 3000 jeunes qui ne pourront pas aller à l'université.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Affaires du jour.
M. Bertrand: D'abord, motion, M. le Président...
M. Rocheleau: M. le Président, en vertu de l'article
34.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. En vertu de
l'article 34, j'aimerais demander au leader du gouvernement, étant
donné qu'on nous a déposé le projet de loi no 46 pour la
restructuration de la Communauté urbaine de Montréal et que le
ministre des Affaires municipales, depuis le mois de novembre 1980, se propose
de déposer un projet de loi concernant la Communauté
régionale de l'Outaouais ainsi que la commission de transport et la
société
d'aménagement, quand aurons-nous le projet de loi sur cette
table?
M. Bertrand: M. le Président, j'irai aux informations et,
lorsque ces informations me seront parvenues de la bouche même du
ministre des Affaires municipales, il me fera plaisir de donner les
renseignements au député.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
Travaux de la Chambre
M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le leader parlementaire du
gouvernement a l'intention de nous indiquer ici en Chambre le programme de la
semaine prochaine et à quel moment?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader.
M. Bertrand: Cela me fera plaisir de donner ce programme au
leader parlementaire de l'Opposition. À moins que je ne me trompe, je
pense qu'il y a une coutume qui avait été établie,
à savoir que, vers la fin de la séance du jeudi, il y avait
communication d'un leader à l'autre pour transmettre un document sur
lequel figurait l'ensemble des travaux prévus pour la semaine suivante,
autant au niveau de l'Assemblée nationale que des commissions
parlementaires. Je peux assurer mon collègue de l'Opposition que cette
pratique va se continuer et, dans la mesure où nous pourrons donner des
renseignements qui permettraient aux représentants de l'Opposition de se
préparer pour les travaux de la semaine suivante, je pense que c'est une
coutume qui mérite d'être poursuivie.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Sans vouloir contredire mon savant
collègue, j'ai l'impression qu'on pourrait compléter sa
déclaration comme suit. Je crois qu'on doit tout d'abord s'assurer d'une
consultation adéquate parce que, avant d'imprimer ce petit
dépliant ou ce petit papier sur lequel seront inscrits les travaux de la
semaine, on doit s'entendre, de part et d'autre, sur les possibilités,
les disponibilités, etc. Ensuite, je pense bien qu'on peut passer au
petit papier, mais il ne faudrait pas que le petit papier soit tellement secret
que nos collègues ne puissent pas en prendre connaissance. Je pense bien
que la coutume a été qu'avant de se quitter, après
consultation, il y a une indication à donner par le leader parlementaire
du gouvernement à l'ensemble de la Chambre, au moins des principales
étapes qui sont prévues pour la semaine qui suit.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, bien sûr, je sais
à quel point mon prédécesseur avait
développé des relations fort harmonieuses avec le
député de Bonaventure et que la marchandise était souvent
livrée avant que le papier n'arrive, la marchandise relative aux travaux
de l'Assemblée nationale. Dans ce contexte-là, tout ce que je
peux dire à ce moment-ci au leader de l'Opposition, s'il me le permet,
c'est que nous recommencerons les travaux mardi avec la motion inscrite au nom
du ministre d'État au Développement économique.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Peut-être que le leader
parlementaire du gouvernement pourrait nous indiquer certains projets de loi,
au moins, qu'il envisage pour la semaine prochaine, sans peut-être
être aussi précis qu'il pourrait l'être à la fin de
la journée.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Probablement des projets de loi, entre autres,
inscrits au nom du ministre de l'Énergie et des Ressources, mais comme
ledit ministre sera de retour la semaine prochaine, je serai en mesure,
après consultation avec son cabinet, d'apporter des précisions
parce qu'il y a trois ou quatre projets de loi qui étaient
déjà au feuilleton. Nous avons à décider dans quel
ordre exactement nous pourrions les présenter, mais il y aura un certain
nombre de projets de loi qui sont inscrits au nom du ministre de
l'Énergie et des Ressources.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement ...
M. Bertrand: Oui, motion...
Le Vice-Président (M. Rancourt): ... est-ce qu'il y a eu
avis de motion pour faire siéger...
M. Bertrand: Exactement, M. le Président. Mon
collègue, le ministre du Revenu, a d'ailleurs bien hâte de
retourner en commission parlementaire avec ses
collègues afin d'étudier au salon rouge, à compter
de maintenant jusqu'à 18 heures et ce soir de 20 heures à 22
heures, le projet de loi no 39 article par article. On me dit que ça
progresse, que ça va bien, ça avance.
Une voix: Cela va très bien.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): ... pour ceux qui suivent nos
débats et ne savent pas ce dont il s'agit, il s'agit toujours du projet
de loi no 39 qui donne suite au discours spécial du ministre des
Finances augmentant d'une façon inconsidérée la taxe sur
l'essence.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Le message étant passé, M. le
Président, je voudrais aussi indiquer que la commission des engagements
financiers va poursuivre ses travaux à la salle 91-A de 15 h 40 à
18 heures et de 20 heures à 22 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la motion du
leader du gouvernement est acceptée?
M. Levesque (Bonaventure): Oui.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Avant les affaires du
jour, j'aimerais donner avis que la question avec débat du vendredi 5
mars sera celle du député de Marguerite-Bourgeoys au ministre de
l'Éducation...
M. Levesque (Bonaventure): Un instant, M. le
Président!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui.
M. Levesque (Bonaventure): Je m'excuse de vous interrompre
à ce moment-ci. Pour suivre une tradition qui a été
normalement retenue en cette Chambre, je pense que la présidence a
coutume de demander quelle est la question avec débat qu'a l'intention
de présenter l'Opposition.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je peux le faire.
M. Levesque (Bonaventure): Vous ferez ce que vous voudrez.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader, quelle est
la question que vous aimeriez, dans ce cas-là?
M. Levesque (Bonaventure): Je m'excuse, M. le Président,
mais je ne voudrais pas que nous perdions l'occasion qui est la nôtre. Je
sais que vous faites très bien ça, j'espère même que
vous allez profiter de l'occasion pour répéter la question telle
que je vous la soumettrai afin qu'elle soit bien comprise de part et
d'autre.
La question avec débat que nous avons l'intention d'aborder
vendredi, non pas demain, mais le vendredi suivant, dans huit jours, le 5 mars,
est une question avec débat que nous posons en vertu de l'article 174a
du règlement et qui aura l'occasion de voir se réunir la
commission permanente de l'éducation. (15 h 40)
Cette question est posée par le député de
Marguerite-Bourgeoys au ministre de l'Éducation, le député
de Bourget, sur le sujet suivant, qui lui tient certainement à coeur,
qui inquiète beaucoup de Québécois et qu'on peut
résumer ainsi au feuilleton: La restructuration scolaire.
Évidemment, cela donne huit jours au ministre pour être plus
précis qu'il ne l'a été jusqu'à maintenant; je
l'invite bien à être présent vendredi, dans huit jours.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: II me fait plaisir d'annoncer - je pense que le
député de Marguerite-Bourgeoys s'en réjouira - que le
ministre de l'Éducation sera présent à ladite commission
pour répondre à cette question avec débat.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, pour rester dans
les normes, je donne avis que la question avec débat du vendredi 5 mars
sera celle du député de Marguerite-Bourgeoys concernant la
restructuration scolaire.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Maintenant, nous allons vraiment passer aux affaires
du jour. C'est l'article 1 que je vous demanderais d'appeler, mais comme il est
fait en vertu de l'article 24 de notre règlement, je pense que, comme la
tradition le veut, le leader de l'Opposition et moi-même pourrions vous
rencontrer, M. le Président - vous êtes d'accord? - pour
définir le temps qui sera alloué à chacune des deux
formations politiques dans le cadre de ce débat.
Article 1 du feuilleton d'aujourd'hui, M. le Président.
Motion de censure tenant le gouvernement
responsable en grande partie
de la situation économique
extrêmement difficile
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Article 1. Motion de M. Ryan, chef de l'Opposition: "Que cette
Assemblée blâme sévèrement le gouvernement
péquiste d'être responsable en grande partie de la situation
économique extrêmement difficile que connaît actuellement le
Québec". M. le chef de l'Opposition.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Nous sommes rentrés cette semaine de nos
comtés respectifs et nous rapportons tous, des deux côtés
de la Chambre, la même impression générale: le
problème de l'heure, partout à travers le Québec, est
celui qui découle de l'état délabré de
l'économie. Dans mon propre comté d'Argenteuil, que j'ai
l'honneur de représenter dans cette Chambre, les listes de
l'assurance-chômage et de l'aide sociale regroupent plus de 20% de toutes
les personnes qui font partie de la main-d'oeuvre active. Un tiers des
personnes inscrites sur les listes de l'assurance-chômage sont des jeunes
âgés de 24 ans et moins.
Parmi les causes immédiates de ce chômage
généralisé que nous avons, il y a certains
règlements gouvernementaux à saveur corporatiste comme le
règlement sur le placement dans la construction et d'autres
règlements qui président à l'application de certains
décrets dans des secteurs comme l'automobile, par exemple, où on
donne une formation spécialisée à des jeunes pour ensuite
leur interdire l'accès au travail. Même quand ils trouvent des
employeurs, il faut qu'ils trouvent à s'employer de manière
illégale parce qu'on ne peut pas, dans bien des cas, appliquer les
règlements comme ils ont été conçus tellement ils
sont peu réalistes.
Nous constatons que, dans toutes les régions du Québec,
sauf une, sauf la région de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent,
le chômage a augmenté depuis que le gouvernement péquiste
est au pouvoir. On pourrait faire l'énumération de toutes les
régions l'une après l'autre, on n'en trouverait qu'une seule
où le chômage n'a pas augmenté au cours de ces
années. Ces semaines-ci, à peu près tous les jours, les
journaux nous apportent des nouvelles concernant des fermetures d'entreprises,
des réductions de production, des licenciements de travailleurs. On
pourrait en citer dans toutes les régions; j'ai fait moi-même une
liste à partir de nouvelles qui ont paru dans les journaux depuis
quelque temps et c'est effarant!
Dans l'Estrie, dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans la région de
Québec, dans la région de Montréal, dans l'Outaouais, dans
la Mauricie, partout, on assiste, à peu près toutes les semaines
à de nombreuses décisions faisant part de licenciements ou de
mises en disponibilité de travailleurs. Mes collègues qui
participeront au débat auront l'occasion de fournir des exemples
précis de cette situation. Comme je ne veux pas abuser du temps qui
m'est accordé, je vais passer à un autre aspect du
problème.
Les faillites. Le Québec est le no 1 dans tout le Canada,
d'après toutes les statistiques qui paraissent depuis quelque temps. Au
Canada, au cours de la dernière année, 41% des faillites
commerciales se sont produites au Québec. Nous avons eu au Québec
une croissance, une augmentation des faillites trois fois plus forte qu'en
Ontario. Le gouvernement aimait citer le cas de l'Ontario au cours de la
dernière année, j'espère qu'il continuera ses comparaisons
avec l'Ontario. Il va constater que la situation que nous connaissons
actuellement est infiniment plus préoccupante au Québec.
Ces chiffres, évidemment, ne rendent pas compte des milliers de
tragédies ignorées, de tragédies qui ne franchissent pas
la rampe de l'actualité, mais qui affectent des familles, des personnes
et des entreprises. Je pense aux petits propriétaires qui sont
saturés de taxes, aux petits propriétaires qui sont
écrasés par les taux d'intérêt auxquels ils doivent
faire face sur leur hypothèque. Je pense à certaines
catégories de producteurs agricoles, sur les problèmes auxquels
nous avons à maintes reprises attiré l'attention du gouvernement
sans que ça ne produise aucune mesure concrète, aucun engagement.
Je pense aux locataires qui doivent subir ces temps-ci des augmentations de
loyer auxquelles leurs augmentations de revenus leur permettront très
difficilement de faire face. Je pense aux petits salariés non
syndiqués qui subissent dans bien des cas - j'avais une visite dans mon
bureau de comté encore cette semaine - des réductions de salaire,
salaire qui était déjà très bas, on le
réduit encore alors que tous les autres frais auxquels ils doivent faire
face augmentent.
Inutile de s'attarder davantage sur ce portrait de la situation. Le
gouvernement lui-même est d'accord pour reconnaître que nous
faisons face actuellement à la crise économique la plus grave que
le Québec ait connue depuis les années de la grande
dépression, les années trente. Par conséquent, je pense
que la question qui se pose est la suivante: Qui est responsable de cette
crise?
Nous disons, dans la motion de blâme que nous adressons au
gouvernement cet après-midi, que le gouvernement est en grande partie
responsable de la crise. Nous ne disons pas qu'il est totalement responsable.
Nous savons très bien qu'il existe actuellement une conjoncture
internationale et nord-américaine qui est un mélange d'inflation
et de stagnation économique, dont les effets désastreux se
répercutent au Québec comme dans l'ensemble du Canada. Nous
savons aussi, et
nul ne le conteste de ce côté de la Chambre, que les
politiques américaines restrictives et aussi les politiques du
gouvernement fédéral ont des effets incontestables sur la
qualité de notre vie économique. Mais ces facteurs, M. le
Président, ne sont pas nouveaux. Ils agissent actuellement avec une
acuité spéciale, ils ne sont pas nouveaux au Québec, ils
ne sont pas non plus exclusifs au Québec.
Avant l'élection de 1976, le chef actuel du gouvernement avait
participé à un débat radiophonique avec le chef de
l'ancien gouvernement, M. Bourassa. Au cours du débat, le premier
ministre actuel reprochait au gouvernement sortant de 1976 d'avoir
accumulé au Québec la triple couronne du chômage, de la
plus forte hausse de taxes dans toute l'histoire du Québec et du plus
gros déficit gouvernemental jamais accumulé dans toute l'histoire
du Québec. Je cite ici le premier ministre actuel du Québec. Il
disait ceci: "C'est le champion toutes catégories du chômage, des
taxes et du déficit. Il n'a jamais eu son égal dans le
passé". Je continue: "II faut prier le bon Dieu qu'il n'aura jamais son
égal dans l'avenir". Là aussi, je continue la citation: "On
admettra que ce n'est pas excessif de dire qu'on ne peut plus continuer comme
ça". Il continuait en parlant de la plus haute augmentation de taxes
qu'avaient jamais connue les Québécois dans toute leur histoire,
455 000 000 $ en 1976. (15 h 50)
Nous autres, avant même de commencer le prochain exercice, avant
même de connaître les secrets que nous prépare ou que
concocte actuellement, les décisions que concocte le ministre des
Finances, nous savons déjà qu'il y aura une augmentation de taxes
de 900 000 000 $ pour la prochaine année, déjà connue, en
plus de ce qu'on nous réserve.
À ce moment-là, le chef actuel du gouvernement se
scandalisait de même que le ministre actuel des Finances d'une
augmentation de 455 000 000 $ qui était, si ma mémoire est bonne,
par une bonne marge, la plus haute qui avait été
présentée dans toutes les six années du gouvernement
libéral qui a dirigé le Québec de 1970 à 1976. M.
le premier ministre actuel continuait dans ces termes, ceci est très
intéressant: "Avant que M. Bourassa nous revienne à sa manie
favorite de dire que cela ne va pas mieux ailleurs, je lui ferais remarquer
qu'ici même, à l'échelle du Canada, avec les mêmes
pouvoirs, avec les mêmes instruments de base, toutes les autres provinces
ou régions ont fait mieux, beaucoup mieux que le gouvernement actuel.
Si, avec les mêmes instruments, le gouvernement de M. Bourassa avait fait
juste aussi bien, pas mieux, juste aussi bien que les autres, on aurait quelque
chose comme 100 000 chômeurs de moins."
J'aimerais qu'on transpose ce raisonnement à l'évolution
que nous avons connue au cours des dernières années et je pense
que nous aurions déjà fait un très grand pas vers une
vision plus raisonnable de la situation et de ses causes. Je remarque
d'ailleurs que, depuis quelques jours - je ne sais pas ce qui s'est produit du
côté du gouvernement - on est moins porté à partir
en guerre contre le gouvernement fédéral comme on le faisait de
manière aussi bête depuis déjà un bon bout de temps
dans cette Chambre. J'espère que c'est l'indice d'une attitude nouvelle
car je pense qu'il faut se rendre à l'évidence une fois pour
toutes, si on veut discuter sérieusement, que le gouvernement du
Québec a des responsabilités incontestables et très
importantes dans la gestion de l'économie, d'abord par les pouvoirs
qu'il détient sur l'aménagement du territoire, sur les affaires
municipales, sur l'éducation, sur la santé et les affaires
sociales, sur le commerce et l'industrie, sur l'agriculture et sur tant
d'autres secteurs de notre vie commune. Il a un impact économique
absolument indiscutable. En plus, le gouvernement du Québec va chercher
bon an mal an, sous diverses formes, à peu près 25% de toute la
production annuelle des Québécois. Le gouvernement
fédéral, pour votre information, va en chercher 20%. Par
conséquent, les deux gouvernements ensemble, c'est 45%. Le gouvernement
du Québec et les municipalités, c'est 25%, le quart.
Un gouvernement doté de pouvoirs aussi importants ne peut pas
prétexter qu'il est impuissant devant une situation comme celle à
laquelle nous faisons face aujourd'hui. Il a des responsabilités
évidentes et nous voulons montrer à nos concitoyens aujourd'hui
qu'il est l'un des grands responsables de la situation dans laquelle nous
sommes, autant par ses erreurs de jugement que par ses excès de
zèle étouffant et les fautes de perspective qu'il a
multipliées au cours des cinq dernières années. Ce
gouvernement a tout fait pour créer un climat défavorable au
progrès économique. Il n'est pas surprenant, après l'avoir
vu à l'oeuvre, que nous nous trouvions devant la situation
d'aujourd'hui.
Je voudrais, dans ces remarques, signaler deux aspects sous lesquels la
responsabilité du gouvernement est particulièrement
évidente. D'abord, le mauvais exemple que le gouvernement a donné
dans la gestion de ses propres affaires. Au Québec comme au Canada, dans
le secteur public comme dans le secteur privé, nous en venons
douloureusement à la conclusion que nous avons vécu au-dessus de
nos moyens depuis déjà plusieurs années et que nous devons
revenir à plus de sobriété et de discipline. Comme les
gouvernements ont
donné l'exemple de ces excès d'embonpoint, il est normal
qu'il donne aussi l'exemple du retour à la discipline et à la
sobriété.
Or, le leadership que nous étions en droit d'attendre du
gouvernement québécois dans ce domaine n'a pas été
donné. Il a fait lamentablement défaut. Je vais l'illustrer
à l'aide de preuves abondantes. D'abord, le gouvernement a plongé
les finances publiques dans un état lamentable. Les déficits
accumulés de notre gouvernement, M. le Président, qui est de
l'autre côté de la Chambre, s'élèvent à plus
de 10 000 000 000 $ dans l'espace de cinq ans à peine,
c'est-à-dire deux fois plus que tout ce qui avait été
accumulé pendant 114 ans de Confédération avant que ce
gouvernement vienne au pouvoir.
Les statistiques établissent que les dépenses publiques
ont augmenté plus rapidement au Québec, de 1976 à 1981,
que dans toutes les autres provinces du Canada, que le fardeau de la dette a
augmenté d'une manière écrasante et que la part que le
service de la dette occupe désormais, c'est-à-dire
l'intérêt que nous devons payer sur la dette dans le budget annuel
du gouvernement, est la plus élevée que nous ayons connue
à l'époque moderne; infiniment plus élevée que sous
le gouvernement antérieur, dont le Parti québécois
feignait de se scandaliser quand il était dans l'Opposition.
Inutile de dire que tout ça s'est traduit par une augmentation
absolument inhumaine du fardeau fiscal imposé aux individus et aux
entreprises. On nous disait encore sur un ton triomphaliste, à la veille
de la dernière élection, que le Québec pouvait continuer
de voguer sûrement vers un assainissement continu des finances publiques.
Il a fallu le réveil douloureux de novembre dernier pour constater qu'on
ne disait pas la vérité aux citoyens avant l'élection du
13 avril.
Sur la situation pitoyable des finances publiques, tous les observateurs
sont maintenant d'accord. Deux économistes, qui ont fait une
étude récente pour le compte de l'Office de planification et de
développement du Canada, concluent que la situation des finances
publiques s'est particulièrement aggravée depuis un an. Ils ne
remontent pas à 1970 ni à 1972; elle s'est
particulièrement aggravée depuis un an, c'est-à-dire
à la suite des actes posés et des décisions prises par le
gouvernement actuel.
Le deuxième mauvais exemple donné par le gouvernement, ce
sont les excès que l'on trouve dans les conventions collectives
signées avant le dernier référendum. Nous étions
dans une période où c'était très tentant pour le
gouvernement de faire des concessions qui étaient de nature à lui
gagner des appuis au référendum. Ces concessions, le
gouvernement, sous la conduite du ministre actuel des Finances, les a faites
généreusement.
Le ministre des Finances était très bien engagé. Il
avait fait deux constatations sur lesquelles nous étions tous d'accord.
D'abord, il se rendait compte, dès octobre 1978, que l'économie
du Québec ne pouvait plus produire certains biens qu'elle avait
procurés en abondance à nos citoyens auparavant. Il reconnaissait
aussi que le secteur public détenait une avance indue sur le secteur
privé en matière de rémunération et il s'engageait
à faire en sorte que la dernière ronde de négociation
tienne compte de ces deux données fondamentales.
Quand nous regardons les résultats de cette négociation,
nous constatons que l'augmentation moyenne de traitement accordée aux
employés du secteur public et du secteur parapublic a été
beaucoup plus élevée que ce qu'elle avait été dans
la période couverte par la négociation précédente
et qu'elle a continué d'être substantiellement supérieure
à ce qu'on connaît dans le secteur privé. De plus, on
trouve dans ces conventions de nombreuses concessions qui entraînent des
coûts extrêmement élevés. La permanence d'emploi
absolue avec garantie de la plénitude du salaire dans tous les secteurs
de l'administration publique et parapublique entraîne des coûts qui
sont évidents à leur face même. On dit, par exemple, que
les frais d'arbitrage seront entièrement à la charge de
l'employeur partout, sauf les frais de l'assesseur syndical. On savait que ce
régime existait dans le secteur hospitalier et on trouvait qu'il avait
déjà donné lieu à des abus considérables.
Maintenant, on l'a étendu à tous les secteurs de
l'administration.
Je pourrais continuer, je pourrais énumérer toute une
série de ces clauses. Nous y reviendrons en temps et lieu. Mais
j'affirme sans l'ombre d'aucune hésitation qu'au cours de la
dernière négociation le gouvernement a fait des concessions dont
il ne nous a point donné une juste idée quant à leur
coût et à leurs répercussions au moment où nous en
avons parlé.
Je voudrais parler en troisième lieu des excès de la
dernière campagne électorale. J'entendais le premier ministre
dire à la télévision, l'autre soir, qu'il avait fait sa
campagne en prévenant les Québécois que nous allions
entrer dans une ère d'austérité, dans une ère de
discipline. Il l'a dit du bout des lèvres à quelques reprises
durant la campagne, mais le ton général de la campagne du Parti
québécois a été une surabondance de promesses,
d'engagements financiers. J'ai un dossier d'à peu près quatre
pouces d'épaisseur de promesses et d'engagements électoraux
à connotation financière. Au lieu de préparer la
population à ce qui s'en venait, on l'a préparée à
des attentes que le gouvernement, manifestement, serait incapable de
satisfaire,
une fois passé le rendez-vous électoral. Je donne,
à titre d'exemple, seulement un cas précis. (16 heures)
Je me souviens qu'un jour, je passais dans la région de
Châteauguay. Les gens m'ont dit: II nous faudrait un hôpital. Je
m'avance un peu plus loin dans la même région et les gens me
disent: II faut que vous nous promettiez de compléter l'autoroute 30 de
manière à relier Valleyfield à Saint-Bruno d'une
manière moderne, absolument impeccable. Ailleurs, on m'a dit: II nous
faudrait une polyvalente. Moi, je disais aux citoyens: Je ne peux pas vous
faire de promesses comme celles-là. Je ne sais pas quel argent nous
trouverons dans la caisse, je ne sais pas tous les autres besoins auxquels nous
devrons faire face et, par conséquent, j'essayais de faire montre de
prudence et de réalisme. Mais, deux jours après, le premier
ministre lui-même est passé dans la région. Dans l'espace
d'une seule journée, il a promis l'autoroute 30, un gros projet
d'assainissement des eaux, un palais de justice à Longueuil, une
polyvalente à Varennes, un centre d'accueil nouveau, un hôpital
à Châteauguay, un nouveau CLSC, des projets HLM, il y en avait
pour 325 000 000 $, dans une seule journée, M. le Président. Cela
était le ton de la campagne électorale. Nous passions partout et
nous étions revenus à un régime d'achat des consciences,
à toutes fins utiles, d'achat des votes que nous pensions révolu
depuis longtemps, M. le Président.
Il est vrai que, dans le dernier discours sur le budget, il y avait
quelques propos, deux pages, nous prévenant du resserrement
budgétaire que le ministre des Finances allait instituer. Les
députés de l'autre côté ont approuvé en mai
ce budget mais, ils nous disaient eux-mêmes l'été dernier
qu'ils avaient approuvé des choses dont ils ne connaissaient pas le
contenu et les conséquences. Ils nous disaient qu'ils avaient
commencé à mesurer les implications concrètes de ces
resserrements budgétaires seulement au mois de juin et parfois
même après. C'était bien facile de dire: On va faire des
coupures budgétaires, mais cela ne donnait aucune idée
concrète de ce que ce serait et on multipliait en même temps les
engagements électoraux d'une manière telle que tout le monde
était porté à croire qu'on avait ce qu'il fallait, qu'on
était capable au Québec de donner suite à toutes ces
promesses le plus souvent farfelues.
Que dire maintenant des dépenses superflues du gouvernement? On
coupe dans des services essentiels aujourd'hui. On coupe dans des secteurs
où c'est absolument vital de fournir aux citoyens les services auxquels
ils ont droit. Les fêtes de la Saint-Jean, qu'est-ce qu'on a fait depuis
deux ans? Qu'est-ce qu'on a fait? Des abus administratifs, des abus de gestion
absolument intolérables et tout indique qu'on se prépare à
recommencer. Les sondages, les exercices de propagande et de manipulation de
l'opinion publique, on les a multipliés dans toutes les directions. On
continue encore aujourd'hui. Je prenais connaissance ces jours-ci d'un document
confidentiel qui a été remis aux membres du gouvernement, dois-je
présumer, dans lequel des experts donnent des conseils au gouvernement
sur la manière de faire l'opération publique en ce qui touche le
programme de redressement économique. Le programme de redressement n'est
même pas fait. Nous avons vu hier qu'il n'y a rien, le roi Canut est tout
nu. Mais, déjà, des experts en communication ont
préparé la manière dont il devrait être
communiqué au public, les termes dont on devrait se servir, les
techniques qu'on devrait utiliser. Je pense que cela caractérise
très bien le gouvernement actuel. L'image avant le contenu, l'impression
avant le temps.
Avez-vous entendu parler de réduction dans le personnel politique
qui entoure les ministres? Moi, je n'en ai pas entendu parler du tout. Je pense
que cela se continue de la plus belle manière. Dans une loi
récente, la loi no 27, on nous parle de coupures budgétaires,
d'un côté, et on a introduit un nouvel article en vertu duquel on
dit qu'on paiera désormais, qu'on pourra payer des honoraires, des
jetons de présence aux gens qui siègent au conseil
d'administration des conseils régionaux de services sociaux et de
santé. On a eu du bénévolat dans ce secteur depuis
toujours. On a des centaines de citoyens qui sont prêts à y
servir, mais, là, en pleine période d'austérité, on
vous ajoute un petit article où on dit: On aura des jetons de
présence. Quand on sait la propension du gouvernement à nommer
des amis dans ces fonctions ou à les faire nommer, je pense que cela
montre le véritable esprit de ce gouvernement.
On a connu des recteurs d'université qui ont
démissionné de leur poste pour accepter un autre poste
gouvernemental et qui, après quelques années à peine de
service, se sont vu offrir une gratification d'une année complète
de salaire.
Mme Lavoie-Roux: 75 000 $.
M. Ryan: 75 000 $ à peu près pour un congé
de deux semaines, je pense que c'est intéressant.
Les régies de toutes sortes qu'on a créées avec des
installations extrêmement coûteuses. Il y a des régies, cela
vaudrait la peine que les citoyens aillent les visiter. Ils se rendraient
compte que nos champions de l'austérité gouvernementale n'aiment
pas à travailler sur du prélart, comme on dit. Ils travaillent
sur du tapis épais.
Des voix: Ah!
M. Ryan: II y a des beaux fauteuils solidement
coussinés.
Au lendemain de l'élection, le réveil a été
inévitablement brutal. On s'est aperçu que l'euphorie
était finie, le pique-nique était terminé, il fallait
revenir aux choses sérieuses et on a commencé à faire deux
choses que le ministre des Finances s'était pourtant engagé
déjà à ne point faire: couper dans les services essentiels
et augmenter les taxes. Il avait dit, quelques années plus tôt: II
y a deux choses qu'il ne faut pas faire; il ne faut pas couper les services
essentiels et il ne faut pas augmenter les taxes. Il reconnaissait
lui-même, depuis déjà longtemps - là-dessus, je
pense qu'il avait raison - que le fardeau fiscal des Québécois
était plus élevé que celui de la moyenne des Canadiens. Il
voulait, dans le temps, honnêtement remédier à cette
situation, mais il laissera comme héritage une aggravation de cette
situation et non pas l'amélioration qu'il nous avait promise.
En plus, on coupe dans des services qui sont vitaux pour l'avenir. Ici,
je voudrais seulement donner un exemple et on pourrait en donner plusieurs.
Quand vous attaquez des services de santé et des services
d'éducation dans ce qu'ils ont d'essentiel, vous compromettez l'avenir
économique parce que cela prend une nation instruite, une nation en
bonne santé pour être forte, comme on le disait avec tant
d'emphase pendant la campagne électorale.
Or, je lisais ces jours-ci, dans le journal Le Soleil, les
réflexions d'un universitaire bien connu dont les sympathies
progouvernementales ne sont point un secret pour personne, M. Fernand Dumont,
un sociologue éminent de Québec et président, je crois, de
l'Institut québécois de recherche sur la culture. Voici ce qu'il
disait. Il rappelait son passé. Il était entré à
l'université dans une période où ce n'était pas
facile d'accéder à l'université. Il l'avait fait dans des
conditions d'ailleurs assez pénibles. Il a dit: Voici que nous nous
trouvons placés aujourd'hui dans une situation qui me rappelle celle
dans laquelle j'ai commencé. "La conjoncture et les causes sont
évidemment différentes. Mais le défi est le même.
Dans chacun de nos départements universitaires, le recrutement de jeunes
professeurs, des jeunes chercheurs atteindra bientôt le point zéro
ou presque. Il en sera de même dans les cégeps. Une
génération entière risque d'être
écartée de l'enseignement supérieur et de la recherche.
"Faut-il insister sur les conséquences? D'abord, dit-il, c'est le droit
à la vocation de recherche et à la vocation d'enseignement de
toute une génération qui est en cause. Est aussi compromis
gravement l'avenir du Québec. Dans quinze ans, sur la pente où
nous nous engageons, nous nous retrouvons dans la situation où nous
étions avant l'effort gigantesque des années soixante. Situation
pire encore, car l'histoire ne se répète pas. On aura beau
écrire des livres verts ou blancs sur le développement de la
recherche, créer des conseils et des commissions appropriés, ce
sont des hommes et des femmes qui construisent le savoir et qui le
transmettent."
Or, le gouvernement actuel est en train de compromettre la relève
dans ce domaine vital où nous avions commencé depuis 20 ans
à occuper enfin la place qui nous revient: le mauvais exemple que donne
le gouvernement, le gaspillage éhonté dans des domaines où
ce n'est pas du tout nécessaire de faire des dépenses de ce
type-là et le recul inquiétant dans des secteurs où
l'avenir même de notre société est vitalement
impliqué.
Le deuxième aspect sur lequel le gouvernement porte une
très large part de responsabilité dans la situation
économique où nous sommes: sa mauvaise gestion de
l'économie. Il a beau dire que c'est Ottawa. Il est, lui aussi,
responsable, dans une très grande mesure, de la gestion de
l'économie. Il intervient comme entrepreneur dans un grand nombre de
domaines. Il intervient comme partenaire d'intérêts privés,
coopératifs ou autres. Il intervient comme prêteur dans un grand
nombre de cas, comme fournisseur de subventions. Il intervient comme
régulateur. Il intervient dans le domaine des ressources, dans le
domaine du transport, dans le domaine immobilier, dans le domaine
manufacturier, dans le secteur financier, dans le secteur de l'agriculture.
À peu près dans tous les domaines, la main du gouvernement est
aujourd'hui présente. Avec 25% de l'économie, les secteurs
où le gouvernement est complètement absent sont très
rares. Qu'est-ce que le gouvernement a fait dans ce domaine où il a une
présence si importante sur à peu près tous les fronts? Son
action et sa présence ont été néfastes, ont
engendré des effets négatifs. (16 h 10)
Les statistiques à ce sujet sont bien établies, nous les
avons étayées souvent, je n'ai pas l'intention de m'y attarder,
mais, en matière de chômage, en matière de mouvement
migratoire tellement important pour notre avenir, en matière
d'investissement, en matière de construction de logements, la
performance du Québec sous le gouvernement actuel enregistre des reculs
inquiétants et éloquents aussi quant à la
compétence du gouvernement.
Nous avons cité des chiffres à maintes reprises. On peut
les interpréter, les contorsionner si on veut, mais les chiffres de base
restent là, ils n'ont pas été réfutés pour
une raison bien simple, c'est qu'ils sont irréfutables, M. le
Président.
Si nous en sommes à cette situation, je
pense que c'est à cause d'abord des politiques fondamentales du
gouvernement en matière d'économie, surtout à son attitude
qui est une attitude peu propice au développement de l'économie
et que je caractériserais par les quatre traits suivants: D'abord, une
attitude fausse et trop souvent négative à l'endroit du secteur
privé de l'économie. On constate cela, on n'a qu'à lire le
programme du Parti québécois, on n'a qu'à regarder les
orientations fondamentales du programme du Parti québécois. On
l'a constaté souvent dans cette Chambre, dans des moments
spontanés où nos collègues de l'autre côté se
laissaient aller à des réactions instinctives. Il y a une sorte
de méfiance à l'endroit du secteur privé qui est ressentie
par celui-ci et qui empêche le secteur privé d'occuper toute la
place de base qu'il devrait occuper dans notre régime.
À deux points de vue surtout, cette attitude s'est
manifestée à maintes reprises. D'abord, par la multiplication des
centrales, les mécanismes de surveillance écrasants, des
exigences bureaucratiques innombrables auxquelles doivent faire face les
entrepreneurs privés. Je donne un petit exemple. J'étais dans une
ville ontarienne qui est voisine de mon comté d'Argenteuil,
récemment, à Hawkesbury, et je rencontrais un propriétaire
de commerce d'automobiles de Hawkesbury qui a été
propriétaire d'un commerce semblable du côté
québécois, à Plaisance. Il me racontait que, quand il a
décidé de déménager, il a fallu qu'il achète
un commerce de l'autre côté, il a fallu qu'il transige pour
s'implanter avec les autorités gouvernementales de la province voisine.
Il me racontait qu'il avait constaté une immense différence dans
l'attitude des fonctionnaires et du personnel politique d'un côté
de la frontière et de l'autre. Il me disait que, de l'autre
côté, c'était un véritable empressement pour lui
faciliter les choses, que, dans des délais très brefs, il avait
réussi à passer à travers toutes les procédures,
tandis que, de notre côté, tout le monde sait que c'est une
série, un dédale interminable de procédures qu'on doit
franchir dès qu'il faut transiger avec le gouvernement.
Deuxième caractéristique de l'attitude du gouvernement,
attitude négative en tout ce qui touche la collaboration
fédérale-provinciale. On assiste à une apparence de
redressement ces temps-ci, mais je me demande si c'est autre chose qu'une
apparence. Pendant tout le temps que j'ai siégé dans cette
Chambre, depuis trois ans, j'ai constaté que, de manière
très générale, l'attitude du gouvernement actuel
était négative à l'endroit de la collaboration pourtant
indispensable avec le gouvernement fédéral.
Comme je le disais tantôt, le fédéral absorbe 20% de
l'économie du Québec, d'une manière ou de l'autre, injecte
20% aussi à un certain point de vue. Le gouvernement
québécois et les municipalités et tout ce qui gravite
autour, 25%. S'il y a une cohésion, s'il y a une certaine
intégration entre l'action de ces deux agents majeurs, c'est
évident que les résultats seront considérables, mais,
jusqu'à maintenant, l'apport du gouvernement québécois au
développement des politiques énergétiques canadiennes a
été à peu près nul. La seule chose dont on gardera
le souvenir, c'est que le gouvernement péquiste était bien
pressé de voir l'essence monter au prix international. Mais là,
nous y allons à grands pas maintenant et nous constatons que ça
coûte infiniment cher et que les taxes du ministre des Finances
contribuent à nous acheminer vers cette destination encore plus
rapidement et plus coûteusement que dans toute autre province du
Canada.
En matière d'agriculture, collaboration à peu près
nulle. Ce sont des chicanes, des escarmouches, des entourloupettes verbales,
continuellement, il n'y a aucun esprit de coopération
véritable.
Dans le domaine du développement industriel, je voudrais faire
une brève parenthèse. J'ai eu l'occasion de constater à
maintes reprises que les hommes politiques s'enguirlandent, que les
gouvernements ne se parlent à peu près point, mais, heureusement,
au niveau des fonctionnaires, il y en a qui ont assez de réalisme pour
se rendre compte qu'une collaboration peut être très utile. Quand
on veut gagner un investissement à Lachute, à Berthier, à
Drummondville ou à Saint-Hyacinthe, c'est très important que le
fédéral et le provincial travaillent ensemble, qu'ils unissent
leurs forces pour essayer d'obtenir un investissement pour une région ou
l'autre.
Je veux rendre hommage à bien des fonctionnaires qui, sans se
laisser influencer par l'esprit partisan qu'on observe au niveau des
politiciens, contribuent souvent, par leur collaboration et leur respect
mutuel, par leur empressement à faire chacun leur part du chemin,
à faciliter des décisions qui, souvent, ne viendraient
peut-être jamais si ça ne dépendait que des
politiciens.
Je cite l'exemple de Montréal. On a fait un sommet
économique sur Montréal, il y a quelques mois, au cours duquel
les sujets principaux de discussion ont été l'avenir du port de
Montréal, l'avenir de notre système aéroportuaire dans la
région de Montréal, le réseau de communications que nous
pouvons avoir, les politiques d'implantation industrielle, tous des sujets qui
intéressent au plus haut point le gouvernement fédéral.
Nous avions demandé au gouvernement, en cette Chambre, d'inviter des
représentants du gouvernement fédéral de manière
que tous les acteurs soient présents aux discussions. Le ministre
d'État au Développement
économique nous a dit qu'il n'y avait pas de place pour
l'interlocuteur fédéral; on ne voulait pas le voir. On a
discuté en son absence de choses qu'on devait aller lui transmettre par
la suite. Je ne sais pas où en sont rendues les affaires, mais ce que
nous constatons, c'est que le gouvernement pratique généralement
une politique négative dont les résultats sont évidemment
stériles.
Le gouvernement a créé un climat fiscal défavorable
au développement des entreprises, autant par les charges fiscales indues
qu'il fait peser sur les épaules des individus que par les charges
fiscales indirectes qu'il a multipliées sur le dos des entreprises; il a
créé un climat très peu propice à l'esprit
d'entreprise, à l'investissement, au développement de
l'activité économique. On a pu sourire de toutes ces remarques
que nous faisons depuis quelques années. Je pense que les effets
continuent de s'accumuler; ils sont particulièrement manifestes dans une
période comme celle que nous connaissons. Inutile d'ajouter que le
climat politique d'incertitude, créé par les tergiversations du
gouvernement actuel, par son opportunisme en matière constitutionnelle,
en particulier, contribue à éloigner non seulement les
investisseurs étrangers, mais même des investisseurs d'ici qui se
disent: On attendra que la situation se clarifie avant de prendre des
décisions qui engagent notre avenir et l'avenir des
intérêts que ces gens peuvent représenter.
Maintenant, je voudrais donner quelques exemples plus concrets de
l'effet que cette attitude générale du gouvernement peut avoir
sur des décisions économiques importantes, qui nous affectent
tous. Prenez le dossier des caisses d'entraide économique dont nous
avons parlé. Je ne veux pas m'y attarder longtemps, c'est un fouillis
regrettable qu'il faut imputer à l'action ou plutôt à
l'inaction du gouvernement actuel. Le gouvernement a eu une belle chance,
depuis six mois, de tirer ce dossier au clair, de tirer le mouvement des
caisses d'entraide économique de la situation difficile dans laquelle il
s'était embourbé en grande partie à cause de l'incurie du
gouvernement. Nous ne sommes pas plus avancés aujourd'hui que nous ne
l'étions il y a six mois dans ce dossier. Pendant ce temps-là, ce
sont des capitaux très importants qui ne produisent pas le rendement
qu'on serait en droit d'en attendre et qui risquent d'être perdus ou
compromis, du moins pour une certaine partie.
Prenez le dossier de la construction. Depuis 1976, ça a
été une chute régulière dans la construction des
habitations au Québec. La moyenne du Québec n'a cessé de
descendre par rapport à la moyenne canadienne. Je conviens volontiers
qu'avec l'augmentation spectaculaire des taux d'intérêt
l'année dernière, c'était plus difficile de reprendre une
évolution ascendante de ce côté, je conviens aussi qu'il y
a eu des effets dans d'autres parties du pays, mais nous avions commencé
notre chute bien avant la hausse spectaculaire des taux d'intérêt
que nous avons connue. (16 h 20)
La même chose se produit, mon collègue de
Notre-Dame-de-Grâce le signalait hier, dans le domaine des travaux
publics, dans le domaine des travaux routiers, les constructions d'immeubles
publics. En valeur réelle, en dollars constants, nous dépensons
la moitié moins de ce côté que nous le faisions il y a six
ou sept ans, M. le Président. Les besoins sont considérables. La
vie a continué d'évoluer même si le Parti
québécois est au pouvoir et, au point de vue des
équipements publics, nous sommes en train d'accumuler des retards qui
vont coûter très cher dans les années à venir et
dont les effets se font sentir. Je pense à l'industrie de
l'équipement lourd. Dans nos comtés ruraux, nous autres, nous
avons de nos concitoyens qui sont propriétaires d'équipements qui
devaient servir normalement. Ces équipements sont très souvent
inactifs. On est obligé de licencier des travailleurs qui voudraient
s'employer utilement mais, il n'y a pas de travail, il n'y a pas de
contrat.
Je causais avec un de ces propriétaires d'une entreprise
d'équipement lourd, l'autre jour, dans mon comté. Il me disait
que, pour lui, c'est tellement compliqué de faire affaires avec le
gouvernement qu'il a seulement 2% de ses affaires de ce côté. Il
trouve que c'est juste assez pour aller lui dire ses quatre
vérités une fois de temps en temps. Ce n'est pas normal qu'on en
soit rendu à générer une attitude comme celle-là,
M. le Président. C'est très mauvais pour la santé de
l'économie. En agriculture, je mentionne seulement un cas, les
producteurs de porc, dont le problème traîne depuis
déjà au-delà d'un an. Encore aujourd'hui, à
l'occasion du congrès de la Coopérative
fédérée, et là ce n'est pas une intervention
politique, ce ne sont pas les méchants libéraux qui vous le
disent, M. le Président, c'est le président de la
Coopérative fédérée qui dit au gouvernement:
Dépêchez-vous d'agir dans le problème des producteurs de
porc, parce qu'il y en a un grand nombre qui seront acculés avant
longtemps à la faillite si l'inaction actuelle du gouvernement
continue.
Je recevais une lettre l'autre jour de l'industrie du bois de sciage.
Voici une industrie dont nous ne parlons pas beaucoup, mais qui connaît
des difficultés extraordinairement pénibles depuis quelques mois.
La lettre était adressée au ministre de l'Énergie et des
Ressources en date du 25 janvier. Je vais vous en donner lecture: "M. le
ministre, Nous apprenons avec inquiétude
que votre ministère est en train de mettre au point un plan
d'augmentation des droits de coupe et des charges diverses s'appliquant
à l'utilisation des forêts publiques. Ces augmentations
viendraient s'ajouter à celles que vous avez
décrétées le 1er avril de l'année dernière.
En 1981, nous avons vivement réagi à l'augmentation de 30%, car
elle survenait au moment où l'industrie du bois de sciage traversait la
pire crise de son histoire. Voilà maintenant, si nos informations sont
exactes, que vous préparez un nouveau projet de hausse qui serait le
deuxième en deux ans alors que l'industrie du sciage est toujours en
état de crise et que la situation ne se rétablira sûrement
pas avant 1983. Depuis octobre, l'industrie a réduit son rythme de
production de 50%. Elle parvient à grand-peine à écouler
son produit à des prix inférieurs, le plus souvent au coût
de production et qui se situe au niveau de 1978 alors que, depuis cette date,
le taux d'inflation s'est maintenu en moyenne aux environs de 10%." On continue
en ajoutant: "Les autres charges qu'on fait peser sur les entreprises,
n'oubliez pas que l'industrie du bois de sciage, c'est aussi important en
volume de production et en emplois que toute l'industrie des pâtes et
papier. C'est la moitié de l'industrie de la forêt et du bois au
Québec."
Cette lettre parle de l'augmentation de charges découlant de la
Commission sur les normes de travail, de la Commission de la santé et de
la sécurité du travail, du ministère du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du ministère
des Finances, avec une hausse du carburant qui va coûter de 300 000 $
à 400 000 $ de plus annuellement à certains des membres de cette
industrie. Et du ministère des Transports, avec sa formule d'indexation
des taux selon le prix du carburant. Elle se termine par la phrase suivante:
"Nous pourrions vous dire avec raison que trop, c'est trop."
J'ai parlé déjà des commerçants
d'automobiles, M. le Président. On a soumis le problème au
ministre des Finances l'automne dernier. Il nous a dit du haut de sa sagesse
que c'était préférable de ne rien faire. Pendant ce temps,
l'Ontario accordait une réduction de taxe et de nombreux
détaillants de véhicules automobiles du Québec ont
écoulé sur le marché ontarien des véhicules qu'ils
avaient ici, en encaissant évidemment un bénéfice
réduit, parce qu'il a fallu qu'ils donnent une bonne partie de la
commission de l'autre côté. Mais on est venu en chercher. Je
connais un commerçant du côté des Laurentides qui, à
lui seul, en a vendu 25 de l'autre côté pendant qu'ici, on ne
faisait rien.
Je voudrais vous donner un extrait d'une lettre que je recevais ces
temps derniers d'une personne qui occupe une fonction très importante
dans l'industrie, qui m'a déjà écrit et dont j'ai
déjà cité les passages d'une lettre qu'elle m'avait
adressée dans cette Chambre. Elle m'a écrit de nouveau le 30
décembre 1981 et je vais vous citer des extraits de sa lettre qui
montrent de manière beaucoup plus concrète qu'on ne pourrait le
faire en parlant de chiffres et de statistiques les effets de certaines
politiques du gouvernement. "À d'autres points de vue, j'ai
observé avec tristesse les développements des dernières
années. J'avais espéré que le Québec, tout en
mettant en relief son caractère français et en maintenant ses
traditions culturelles et religieuses, voudrait en même temps continuer
à développer le caractère vibrant de Montréal comme
métropole où les Canadiens de langue française et de
langue anglaise voudraient travailler et vivre ensemble. Ce fut là l'une
des raisons pour lesquelles, il y a 28 ans, nous avons décidé
d'établir le quartier général, le siège social, le
"bureau-chef" de notre entreprise multinationale à Montréal, mais
maintenant, c'est le contraire qui est vrai. "Ce n'est pas tant la formulation
des législations du Parti québécois, mais c'est l'esprit
qui se cache derrière ça qui indique que les non-francophones ne
sont pas bienvenus au Québec. Ceci a eu plus de résultats
peut-être que les auteurs de ces législations ne l'avaient
imaginé. Lorsqu'il y a six ans j'étais président d'une
grande association canadienne dans le domaine où je travaille,
Montréal était le siège social, le "bureau-chef" de
plusieurs entreprises dans le domaine de l'industrie chimique. Depuis ce
temps-là, les compagnies comme Du Pont, CIL, Allied Chemical, Cyanamid
ont laissé ou sont en train de laisser le Québec et la même
chose, comme on le sait, s'est déjà produite dans une large
mesure dans le secteur de l'industrie pharmaceutique."
Pour montrer le réalisme du gouvernement, prenons le cas de
l'amiante dont on a parlé hier. On fait l'expropriation des actifs de
contrôle dans Asbestos Corporation. Les petits actionnaires, on les
laisse complètement de côté. On les traite comme n'importe
qui, comme des êtres entièrement anonymes. On verse des montants
à pleine valeur du marché aux actionnaires majoritaires qui s'en
réjouissent, d'ailleurs, et les petits actionnaires, on leur dit:
Attendez que le beau temps revienne. Cela reviendra peut-être dans cinq,
six ou sept ans. En attendant, contentez-vous d'actions qui, après les
décisions gouvernementales, valent infiniment moins.
Il y a un cas dans le comté d'Argenteuil de la gestion
économique du gouvernement. Prenez le parc industriel et commercial de
l'aéroport. On a créé ce parc à grands frais. On a
mis des infrastructures
pour une valeur d'au moins 10 000 000 $ ou 12 000 000 $ dans ce parc. La
tuyauterie est installée partout. Le fédéral a mis 60% des
fonds dans le PICA, Québec, 40%. Le fédéral a consenti
à ce que la direction soit assumée à 60% par le
gouvernement du Québec. Qu'avez-vous fait? Vous n'avez pas
apporté une seule industrie, même pas de chemin pour se rendre
jusqu'au terrain. C'est un emplacement magnifique. On ne peut pas mettre toute
la faute uniquement sur le dos du gouvernement fédéral. Il y
avait un espace magnifique de ce côté-là, mais si vous
n'êtes pas capables d'apporter des investissements, vous devriez au moins
dire: On va essayer de faire autre chose avec. Tout ce que vous avez
trouvé à dire, c'est que ces terrains qui, par une loi et par des
engagements financiers considérables de votre gouvernement, sont
destinés à des fins de développement industriel, la
commission de zonage agricole est passée par là et elle a
décidé qu'à 90%, cela avait une vocation agricole
après qu'on ait installé toutes les infrastructures
là-dedans. Cela a été le geste de génie qu'on a
fait de ce côté-là, une vocation agricole, M. le
Président.
On a parlé de l'industrie du taxi. On pourrait parler de beaucoup
d'autres, mais je voudrais terminer en concluant, je pense, sans aucune
exagération, que le gouvernement du Parti québécois n'a
pas le pouls de l'économie. Que de fois, en causant avec des milieux
où se prennent des décisions économiques, on a la
sensation que le gouvernement du Québec est loin de ces centres de
décision, qu'il mène son affaire à lui d'une
manière pratiquement parallèle à celle des autres! Que de
fois les décisions nous échappent, parce que nous ne sommes pas
là au moment opportun pour injecter l'élément qui pourrait
contribuer à amener la décision du côté du
Québec!
Le gouvernement avec l'attitude qu'il a, surtout à l'endroit de
l'entreprise privée, avec l'attitude qu'il a à l'endroit du
fonctionnement de notre régime fédéral de gouvernement,
n'est pas capable d'imprimer à l'économie le leadership dynamique
que tous les Québécois attendent et les résultats, nous
les constatons avec abondance. Jamais nous n'avons vu un gouvernement aussi
impuissant que celui-là. (16 h 30)
Je lisais les journaux depuis deux ou trois mois - on connaît la
manie qu'ont les gens du gouvernement de voir leur binette dans les journaux -
et je me disais: Ils vont nous arriver un bon jour avec un programme
spectaculaire de redressement économique, ils nous préparent
sûrement quelque chose. Je ne voyais pratiquement rien venir. Depuis
quelques mois, c'est à peine si nous avons eu deux ou trois petites
nouvelles à ce sujet. Je me disais: Nous sommes rappelés en
Chambre, on va nous présenter un programme de redressement
économique qui va être quelque chose, il faut se préparer
très sérieusement.
J'écoutais le ministre d'État au Développement
économique nous défiler son projet d'un fonds d'intervention
d'urgence. Franchement, ce n'est pas une solution au problème. Il nous
demande d'ouvrir un compte de banque, mais on n'a pas d'idée claire et
précise des mesures qui seraient prises par le gouvernement pour aider
à la relance de l'économie. Nous sommes devant un plan
improvisé et incohérent qui se résume en une seule mesure:
création d'un fonds d'urgence dont l'idée avait d'ailleurs
été recommandée pour la première fois, il y a douze
ans, par un gouvernement libéral, idée qui a été
reprise continuellement depuis ce temps. À part cela, rien dans le
programme du gouvernement.
Ce gouvernement, depuis le 13 avril, nous a fait reculer à tous
les points de vue. Sur le plan constitutionnel, ça a été
un recul général. Jamais le Québec n'est apparu aussi
faible que depuis l'automne dernier, depuis le retour au pouvoir du
gouvernement actuel qui devait pourtant garder un Québec fort. Jamais
les finances publiques n'ont été dans un état aussi
délabré qu'actuellement. Les grands programmes de réforme
sociale et éducative qui avaient été mis en oeuvre au
cours des vingt dernières années sont eux-mêmes
attaqués dans certaines de leurs dispositions essentielles et sont
menacés.
Le gouvernement se révèle impuissant à agir devant
la situation économique à laquelle nous faisons face et dont il
est grandement responsable. Il a tenu deux congrès de son parti depuis
l'automne dernier, un au mois de décembre et un au mois de
février. Qu'est-ce que ces congrès ont produit au point de vue
économique? Une idée: il faudrait avoir, nous aussi, notre
Pétro-Québec. À part cela, pratiquement rien. La montagne
a accouché d'une souris. On est bien plus intéressé
à continuer de promouvoir la séparation politique,
l'indépendance du Québec qu'à faire vraiment marcher
l'économie en acceptant sincèrement et à fond de
fonctionner à l'intérieur de ce système de gouvernement
que continue d'approuver la grande majorité des
Québécois.
Le gouvernement a fait la preuve qu'il était incapable de
redresser la situation pénible dans laquelle se trouve
l'économie, et au nom des milliers de citoyens du Québec et
d'entreprises qui souffrent de sa léthargie et de son impuissance,
c'était, pour nous de l'Opposition, un devoir strict de déposer
dans cette Chambre une motion blâmant sévèrement le
gouvernement pour l'impuissance dont il fait montre. J'ose espérer que
cette Chambre approuvera à l'unanimité cette motion afin que nous
puissions tous ensemble connaître ensuite un
véritable nouveau départ. Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, en écoutant le chef
de l'Opposition, j'ai eu l'impression tout à coup qu'il cherchait
à nous faire échapper à tout le contexte très
difficile dans lequel nous vivons à l'heure actuelle en Amérique
du Nord sur le plan économique, dont j'aurai pas mal de choses à
dire tout à l'heure. J'ai eu l'impression d'assister, je m'excuse de
l'expression, à une sorte de règlement de comptes locaux
où il s'agissait de revenir sur de vieux thèmes qu'il brasse
depuis longtemps avec un certain nombre de ses collègues pour, une fois
de plus, nous ramener des choses dont on sait finalement qu'elles sont ou
exagérées, ou pas conformes aux faits eux-mêmes,
utilisées à des fins dont on ne voit pas très bien,
d'ailleurs, ce qu'elles sont susceptibles de produire, sauf de ressasser des
rengaines.
Je suis un peu obligé, pendant quelques minutes - je ne vais
d'ailleurs pas y passer beaucoup de temps; ce serait, de mon point de vue, un
peu ridicule parce que ce n'est pas de cela que nous voulons parler cet
après-midi - de revenir sur certaines de ces rengaines, une fois de
plus, et je sais bien que le chef de l'Opposition y reviendra dans dix jours ou
dans un mois. Nous y reviendrons aussi de notre côté parce qu'il y
a des choses qu'on ne peut pas laisser passer. Je vais donc prendre quelques
minutes pour m'occuper de ce règlement de compte et après on
essaiera de passer à des choses plus sérieuses.
Qu'est-ce que le chef de l'Opposition reproche au gouvernement actuel?
Je prends certaines de choses qu'il a mentionnées. Une situation
financière, une situation de la dette, une situation des déficits
qui serait abominable au Québec, sans comparaison ailleurs. Je vais
reprendre, une fois de plus, des chiffres que je lui ai fournis souvent. En
1980-1981, ce sont les derniers chiffres dont nous disposons, quelle
était la situation du fardeau de la dette annuelle au Québec, au
gouvernement canadien, dans d'autres provinces par rapport aux dépenses
générales de chacun des gouvernements? Le gouvernement du Canada,
c'était 15%. Le Manitoba, c'était 9,5%. Le Nouveau-Brunswick,
c'était 8,5%. Terre-Neuve, c'était 14,4%. La
Nouvelle-Écosse, c'était 9,4%. L'Ontario, c'était 10,2%,
et nous, où est-ce qu'on était? À 7,2%. Alors, est-ce
qu'on pourrait cesser?
La dette directe du gouvernement de Québec, par rapport aux
revenus du gouvernement de Québec, représentait 66% en 1980.
Qu'est-ce que c'était ailleurs? En Ontario, c'était 95%. En
Nouvelle-Écosse, c'était 111%. À Terre-Neuve,
c'était 140%. Au Nouveau-Brunswick, c'était 104%. Au Manitoba,
c'était 72%. Au gouvernement fédéral, c'était 106%.
Est-ce qu'on peut cesser ces histoires? Je veux bien qu'on s'amuse à
jouer au Bonhomme Sept Heures, mais il faudrait tout de même, de temps
à autre, pouvoir s'appuyer sur les chiffres.
Le chef de l'Opposition nous dit: Vous avez été trop
généreux à l'occasion de vos dernières conventions
collectives. M. le Président, le gouvernement qui nous a
précédés avait, juste avant ses élections,
réglé les conventions collectives en jetant littéralement
l'argent par les fenêtres. Nous nous sommes trouvés les
héritiers de cela. Et quand, dans une convention collective
signée, on a donné des conditions extraordinairement
généreuses, eh bien, la suivante n'est pas facile à
négocier. C'est évident que la suivante ne nous a pas
ramenés suffisamment au seul objectif raisonnable qu'on peut avoir,
c'est-à-dire que le secteur public soit à peu près aussi
bien payé, en termes de rémunération globale, que le
secteur syndiqué privé d'entreprises de grande taille. C'est
normalement un objectif normal. Cela nous a rapprochés de cela mais pas
suffisamment. Je n'en disconviens pas, mais il est un peu facile, maintenant,
de faire comme si la grande ronde des négociations de 1976 n'avait pas
eu lieu qui, elle, si elle avait été prolongée
intégralement, aurait coûté bien plus cher que ce que nous
avons signé. Tout cela, nous l'avons dit, nous l'avons
répété, tout le monde le constate, toutes les analyses qui
ont été faites en 1979 et en 1980 arrivent à la même
conclusion. On veut y revenir aujourd'hui, revenons-y aujourd'hui.
Le chef de l'Opposition parlait des excès de la dernière
campagne électorale et du peu d'avertissements que j'avais donnés
dans mon discours sur le budget de mars dernier quant aux coupures. Grand Dieu!
qu'est-ce qu'il faut comme avertissements? Deux pages, dit-il! Effectivement,
le budget imprimé comme cela n'a pas beaucoup de pages, mais il fallait
voir ce qu'il y avait dans ces deux pages. Est-ce qu'il veut que je lui
rafraîchisse la mémoire? On aurait eu de la difficulté
à saisir pendant la campagne électorale qu'on allait vers des
compressions budgétaires sérieuses! La décision a
été prise d'effectuer des coupures de 1 000 000 000 $. Je cite le
discours sur le budget: "Dans l'ensemble des dépenses, l'objectif,
grâce à la collaboration de tous les ministères, a
été à peu près atteint. Les ministères de
l'Éducation et des Affaires sociales, qui étaient les deux plus
importants en termes de dépenses, sont aussi ceux qui ont fourni les
plus fortes contributions, soit 500 000 000 $. Il faut noter, en outre, que
12 ministères sur 24 ont accepté un taux de croissance
inférieure à 5% alors que le taux d'inflation est de 12%.
Voilà le preuve qu'il existe une certaine souplesse dans l'appareil
gouvernemental et qu'il est possible d'y réaliser des économies
tout en maintenant un niveau de services plus que satisfaisant."
Un peu plus loin: "Dans certains cas, une sorte de rigueur s'impose.
Ainsi, les établissements de santé et d'éducation ont
été invités à resserrer les règles de
recrutement et d'affectation de leurs employés au moins aussi
rigoureusement que le gouvernement l'a fait à l'égard de ses
propres fonctionnaires. Les sommes ainsi économisées permettront
au gouvernement de ne pas indexer l'ensemble des autres dépenses
à l'exception de celles engagées pour l'énergie et la
nourriture. Dans d'autres cas où l'on juge que le personnel est trop
nombreux, les budgets seront bloqués de façon à laisser
l'attrition jouer fortement. "Enfin, des choix difficiles ont dû
être faits. C'est ainsi, par exemple, que la hausse rapide du coût
du transport en commun attribuable entre autres à la
généralisation de la carte d'abonnement mensuelle si profitable
aux usagers ne permet pas cette année d'affecter autant d'argent qu'on
le voudrait à l'expansion du réseau routier."
Si ce n'est pas assez clair, qu'est-ce qu'il faut? Quant à
l'espèce d'euphorie que l'on aurait laissé planer pendant la
campagne électorale quant aux compressions annoncées dans le
discours sur le budget en comparaison avec des promesses qui seraient faites,
j'ai plutôt eu l'impression pendant la campagne électorale que ce
que les gens avaient compris, c'étaient les compressions. Mon bureau de
comté a dû être occupé pendant à peu
près la moitié de la campagne par toute espèce de groupes
protestataires. Venir dire aujourd'hui: Mais vous n'aviez pas averti de ces
compressions. Allons donc! Non seulement cela choque le sens commun, mais cela
choque l'expérience de n'importe qui qui a participé à
cette campagne électorale tout de même.
Non, ça, ce sont des choses, M. le Président, qui sont
navrantes à entendre dans un débat qui, normalement, devrait
porter sur l'état de l'économie et la responsabilité de
ceux qui participent aux décisions dans le domaine économique
à l'heure actuelle. C'est de cela, je pense, que je voudrais parler
pendant quelques instants.
Je ne suis pas d'accord avec le chef de l'Opposition lorsqu'il cherche
à noircir les rapports qu'il y a entre le gouvernement et les agents de
l'économie, en particulier les milieux d'affaires. Qu'il y ait des
accrochages, bien sûr. J'ai connu des périodes où il y en
avait eu aussi. C'est un peu inévitable. Chaque fois qu'on change
certaines orientations majeures dans la société, cela prend un
certain nombre de discussions pour s'entendre.
Je me souviens, par exemple, de l'époque où le
gouvernement libéral du temps, au début des années
soixante, avait décidé de lancer très rapidement la
Société générale de financement, la Caisse de
dépôt et placement et SIDBEC. Je vous assure que, dans un certain
nombre de milieux financiers ou de milieux d'affaires de Montréal, on se
demandait où ce parti politique s'en allait et s'il n'était pas
en train de tourner dangereusement socialiste. Oui, cela arrive. Quand une
société vire de cap, il arrive qu'entre les milieux d'affaires et
le gouvernement au pouvoir, il y ait, comme cela, un certain nombre de
discussions nécessaires.
Mais il reste néanmoins que, jusqu'en 1980, le gouvernement
actuel a réussi sur le plan économique un certain nombre de
réalisations assez spectaculaires, avec une collaboration d'ailleurs
variable, mais finalement assez étroite des milieux d'affaires et,
à certains moments, pas toujours, mais à certains moments, avec
une collaboration du gouvernement fédéral. Je vais essayer d'en
donner un certain nombre d'exemples.
Tout de même, en l'espace de trois ans, dans le domaine agricole,
est-ce que c'est vrai ou pas qu'on aurait réalisé plus de
drainage souterrain - Dieu sait si on sait l'impact que cela a sur le plan des
rendements agricoles - que dans toutes les années qui avaient
précédé? Je pense qu'effectivement c'est le cas. Je pense
qu'il est exact aussi qu'en l'espace de trois ans, la production de certaines
céréales - prenons le maïs, par exemple - a doublé au
Québec, pas en valeur, pas en tenant compte de l'inflation, en volume,
en tonnage. Cela a doublé. On sait - les milieux agricoles le savent -
qu'il s'est fait depuis quelques années au Québec des
redressements tout à fait spectaculaires dans le domaine agricole. Je
pense qu'il faut reconnaître ces choses-là. Il est absolument
inutile de chercher à faire de la partisanerie avec cela; ou bien c'est
le cas ou bien ce n'est pas le cas. Si la production de maïs a
doublé au Québec en trois ans, il faut le dire. Il ne faut pas
essayer de le cacher en s'imaginant que, pour des raisons de partisanerie
politique, si on cherche à mettre cela sous le tapis, cela fera plaisir
à certains.
Le relèvement des secteurs qu'on a appelés pendant
longtemps les secteurs mous, les secteurs traditionnels d'activité
industrielle au Québec dans le textile, le vêtement, la chaussure,
le meuble, a été quand même assez étonnant pendant
quelques années. J'ai eu l'occasion de dire souvent, dans le
passé, que le gouvernement fédéral nous avait donné
un coup de main là-dessus. Il est évident que, sur le plan de la
protection spéciale accordée à ces secteurs,
sur le plan à la fois de la douane et des quotas, il y a eu une
aide importante venant du gouvernement fédéral. De notre
côté, après avoir isolé avec les membres de ces
industries, avec les hommes d'affaires qui sont dedans, la nature des
problèmes sur le plan du financement, sur le plan de l'aide technique,
sur le plan de la modernisation, le gouvernement du Québec a
bougé très vite avec des résultats qui, je pense, sont
reconnus maintenant.
Il est vrai que jusqu'à 1980 la performance des exportations
québécoises est supérieure à celle du reste du
Canada. Tout le monde l'a reconnu. L'augmentation des exportations au
Québec pendant quatre ans a été supérieure à
celle du reste du Canada, mais il faut bien le reconnaître, ça
existe.
Prenons le cas du développement extraordinairement important pour
le Québec des petites et moyennes entreprises. Les multinationales
jouent un rôle moins grand au Québec qu'en Ontario depuis
très longtemps. Ce n'est pas nouveau, en fait, parce que les secteurs
qui ont le plus attiré les multinationales sont des secteurs qui,
traditionnellement, sont concentrés en Ontario. Il y a effectivement une
place. Si vous voulez, le contrôle par les multinationales de
l'activité industrielle ontarienne est beaucoup plus élevé
qu'au Québec.
Au Québec, les petites et les moyennes entreprises jouent un
rôle considérable dans le domaine manufacturier. Tout le monde
reconnaît que, sur le plan de l'aide à la petite et à la
moyenne entreprise au Québec, le gouvernement, pendant quatre ans, a
fait un travail assez remarquable. Certaines organisations de petites et
moyennes entreprises au Canada l'ont reconnu - au Canada, je ne dis pas au
Québec - en donnant, d'ailleurs, le Québec comme une sorte
d'exemple de ce qu'il faut faire.
Je reconnais, avec le chef de l'Opposition, qu'en commun avec bien
d'autres gouvernements on a un sens du règlement tatillon que l'on
essaie de corriger, même si ce n'est pas facile, mais je reconnais ici
qu'il y a une tendance au Québec, à laquelle nous participons,
comme bien d'autres d'ailleurs, qui n'est pas nouvelle, mais ça ne la
rend pas meilleure, de vouloir multiplier constamment les contrôles. Et
c'est évident qu'il faut corriger ça. Il reste, néanmoins,
que nos rapports avec les dirigeants de petites et de moyennes entreprises ont
permis de réaliser pas mal de choses et ce sont les premiers à le
reconnaître.
Je ne parlerai pas du programme de modernisation de l'industrie des
pâtes et papiers il est important, il est en route, c'est une industrie
importante pour le Québec. Le gouvernement du Québec a
monté la solution, on a offert au gouvernement fédéral de
participer, il a accepté, cela a pris un certain temps, je veux bien,
mais il a accepté et, à l'heure actuelle, ce programme est en
train déjà d'avoir des résultats très concrets sur
le plan des investissements dans un bon nombre d'usines au Québec.
Éventuellement, à peu près toutes les usines auront vu une
partie de leur équipement se moderniser, donc, leur aptitude à
exporter sera plus grande. Mais ce sont des choses qui se sont faites.
Alors là, on entre dans l'année 1980 et il se produit un
changement majeur qui va graduellement nous amener vers une récession et
une récession dont il ne faut pas se cacher qu'elle est très
sérieuse. L'histoire commence, au fond, par la décision prise aux
États-Unis de pratiquer ce qu'on a appelé depuis une politique
monétariste, qui consiste à lutter contre l'inflation et à
chercher à réduire le rythme d'inflation en réduisant
considérablement l'expansion de la masse monétaire.
On avait fait des choses avant, bien sûr, des expériences
du même genre avaient été tentées, d'accord, mais
jamais on ne l'avait fait de façon aussi systématique et jamais
avec une force pareille. Ce que cela a voulu dire, c'est que les taux
d'intérêt très rapidement sont montés à 20%.
Ils sont retombés dans le courant de l'été 1980 pour
ensuite remonter et, en 1981, on sait qu'on a connu des taux
d'intérêt un peu partout en Amérique du Nord, que bien des
gens ont qualifiés de démentiels. Cela a bien plus d'effet sur
l'expansion de l'économie et sur l'emploi qu'à peu près
n'importe quoi d'autre. C'est vrai aux États-Unis, c'est vrai au Canada,
c'est vrai au Québec qu'une politique monétaire comme
celle-là prenait le risque de casser l'économie et c'est
finalement ce qui s'est produit. (16 h 50)
En 1980, à cause de la chute de l'été, passablement
d'entreprises ont réussi à passer à travers sans trop de
difficultés, sans avoir à licencier trop de main-d'oeuvre. Quand
cela a recommencé en 1981, là, elles n'ont pas pu tenir et on en
voit les conséquences maintenant. Je ne m'imagine pas un instant, et je
n'ai jamais attaqué le gouvernement fédéral pour le fait
qu'il soit forcé de suivre ce qui se passe aux États-Unis.
À moins de recourir à un contrôle des changes, il est
impensable que les taux d'intérêt soient, par exemple, aux
États-Unis à 18% et qu'au Canada ils soient de 12%. Si
c'était le cas, les gens qui ont de l'argent à placer au Canada
iraient le placer aux États-Unis et cela ferait monter les taux
d'intérêt ici. Le taux de change du dollar canadien, dans
l'intervalle, évidemment, tomberait comme une roche.
Alors, il n'est pas question que je dise que, puisque les taux
d'intérêt, à certains moments, aux États-unis, sont
montés jusqu'à
un niveau de 19% ou de 20%, nous aurions dû résister
à cela, y échapper. Ce n'est pas un reproche qu'on fera ni au
gouvernement fédéral ni à la Banque du Canada. Sauf qu'en
juin dernier, le dollar canadien a commencé à fléchir.
Pendant quelques jours, il y a clairement une sorte de spéculation
à la baisse du dollar canadien. Chaque jour, lorsque le marché
ouvre, le marché joue constamment à la baisse du dollar. 11 y a
deux voies possibles devant une situation comme celle-là: l'une consiste
non pas à essayer d'établir un contrôle des changes
à l'égard des touristes, des importateurs ou de l'ensemble de la
population, mais à l'égard de certains mouvements majeurs de
capitaux. À la suite d'une déclaration incitatrice du ministre
fédéral des Finances, on a pu penser que c'était
peut-être dans cette voie que le gouvernement fédéral
allait s'engager pour donner une certaine solidité au dollar canadien.
Il ne l'a pas fait, il a adopté la deuxième voie, qui est la voie
la plus classique, qui consiste à dire: Nous allons faire monter les
taux d'intérêt au Canada au-dessus des taux américains et
donc, chercher à attirer des capitaux pour soutenir le dollar.
Là, on a vu, en juillet, en août, en septembre, en octobre,
des écarts entre les taux canadiens et les taux américains comme
jamais on n'en avait vus avant. On a vu des taux canadiens, à court
terme, 5% au-dessus du taux d'intérêt américain; à
long terme, 3,5%, 4% au-dessus des taux américains. Jamais on n'avait vu
cela avant. Évidemment, on a fait remonter le dollar canadien de 0,80 $
à 0,83 $ ou à 0,84 $; bien sûr, on a réussi cela,
mais à quel prix! Là, les entreprises qui étaient
passées à travers la première phase de hausse de taux
d'intérêt n'ont pas été capables de tenir. Avec une
demande des consommateurs qui tombait pour des maisons, pour des automobiles et
pour tout ce qui demande un certain financement, avec des inventaires
considérables, des lignes de crédit bancaire complètement
utilisées, qu'ont fait les entreprises? Elles ont cessé de
produire, pour une part, pour vendre leurs inventaires et payer la banque. Il
n'y a pas beaucoup d'autres choix.
Donc, cette politique monétaire, suivie par la Banque du Canada
et par le gouvernement fédéral, aura eu comme résultat
ultime, en bout de course, de casser l'économie au mois de septembre. Au
mois de septembre, dans toutes les régions canadiennes, le chômage
augmente d'un pourcentage, là encore, qu'on n'avait jamais vu, qui
était à peu près le même partout, d'ailleurs,
à 0,1% près, dans chaque région canadienne.
L'économie casse en septembre et c'est tellement fort comme cassure que
M. MacEachen, à la Chambre des communes, va invoquer pendant quelques
jours la possibilité qu'il y ait une erreur statistique. Seulement,
quand les chiffres du chômage d'octobre vont sortir, là, on saura
que, pour faire gagner trois points au dollar canadien, on a provoqué
une récession majeure au Canada.
Dans ce sens, la proposition du chef de l'Opposition, ce n'est pas
contre gouvernement ici qu'elle devrait porter, mais entre le choix absolument
extravagant fait par le gouvernement fédéral pour être
capable de gagner trois points sur le dollar, de prendre le risque de casser
l'économie et de finalement la casser, de jeter des centaines de
milliers de gens en chômage pour être capable de garder
l'idée qu'il se fait d'un niveau normal du taux de change. Je rêve
à un dollar canadien à 0.84 $, il est à 0.80 $, je vais
prendre les moyens pour le remonter et, en le remontant, je fous des centaines
de milliers de gens sans travail. Ne nous faisons aucune espèce
d'illusion. Aucun des gestes posés par tel ou tel gouvernement,
favorable ou défavorable, américain, canadien ou
québécois n'a autant d'importance que ce facteur. Le principal
facteur de l'état de l'économie à l'heure actuelle, c'est
celui-là et rien d'autre. D'ailleurs, tout le monde le sait. Il faut
tomber dans l'ambiance de cet après-midi, comme je le disais tout
à l'heure, d'une sorte de règlement de comptes entre partis
politiques pour voir qu'on descend littéralement dans une bataille de
ruelle.
Le problème n'est pas de savoir si le premier ministre a fait
telle ou telle promesse dans telle ou telle ville en se promenant pendant la
campagne électorale. Ce n'est pas de ça dont on parle. À
toutes fins utiles, ce qu'on a entendu au début de cet après-midi
dans le débat, je m'excuse de le dire, M. le Président, c'est de
la politique sur le dos des chômeurs. Il y a eu un choix par le
gouvernement fédéral que pour gagner 3% sur le taux de change,
cela valait la peine de provoquer une récession sérieuse. On ne
sort pas de ça. Le facteur principal, le facteur essentiel est
là. Il n'est nulle part ailleurs. On est pris avec, maintenant. On est
pris dans cette situation. Elle se détériore, et se
détériore vite. Décembre a été marqué
par une baisse très prononcée. Janvier aussi. Le problème
majeur actuellement vient de ce que le phénomène dont je parlais
tout à l'heure a commencé à s'étendre. Des
entreprises dont tout le crédit bancaire est utilisé, qui ont des
inventaires beaucoup plus hauts que d'habitude doivent licencier une partie de
leur main-d'oeuvre pour vendre leurs stocks et payer la banque.
Quand on viendra au programme d'urgence dont on parlait tout à
l'heure, on reviendra sur ce facteur, parce qu'il est important aussi. Les
premiers ministres des provinces, pas seulement celui du Québec -ce
n'est pas juste les affreux "séparatisses"
qui demandaient ça - tous les premiers ministres des provinces
demandaient une conférence sur l'économie depuis
déjà un bon bout de temps. Le gouvernement fédéral
finit par y consentir. Ce n'est pas une question de bagarre entre le
gouvernement de Québec et le gouvernement d'Ottawa. Tous les premiers
ministres des provinces disaient: Est-ce qu'on peut, pour l'amour du saint
ciel, avoir une conférence sur l'économie? On tient cette
conférence sur l'économie à Ottawa et là il
apparaît clairement que le gouvernement fédéral est
beaucoup plus intéressé par des projets à moyen terme, des
améliorations de productivité dans trois ou quatre ans, des
mégaprojets, des changements dans la structure de l'économie,
beaucoup plus intéressé par ça que par quoi faire tout de
suite. Or, quand on est dans une récession aussi profonde que celle que
l'on connaît, le court terme a de l'importance. Je ne nie pas que la
productivité soit importante dans l'économie canadienne. Je ne
nie pas que les mégaprojets dans l'énergie vont jouer un
rôle très important au Canada et au Québec pour les dix
années qui viennent. Je ne nie pas tout ça. Je dis simplement que
quand on a une rage de dents, on va chez le dentiste et qu'il devient
terriblement difficile de faire de la poésie à ce moment.
Les premiers ministres des provinces ont demandé qu'on aille chez
le dentiste. La réponse, on sait ce qu'elle est. J'ai rarement vu, dans
toutes les conférences fédérale-provinciales que j'ai
suivies, une qui soit aussi décevante sur le plan des résultats.
Qu'est-ce que le Québec, lui, proposait? Qu'est-ce qu'il a
proposé à cette conférence? Il a proposé d'abord
que l'on essaie de s'entendre sur une politique monétaire à
suivre. Je voyais le député de Notre-Dame-de-Grâce poser
des questions à la période des questions là-dessus au
ministre d'État au Développement économique. Relisons ce
qu'on disait sur le plan de la politique monétaire. C'était une
des parties, une des propositions que nous avons faites à cette
conférence. (17 heures) "Le gouvernement du Québec propose que
les autorités fédérales et les autorités
monétaires canadiennes s'engagent à maintenir les taux
d'intérêt à court terme au Canada à pas plus - pas
"à", "à pas plus" -que 1% au-dessus des taux américains
correspondants au cours des deux années qui viennent. De leur
côté, - continuons la proposition - les gouvernements des
provinces et les organismes qui en dépendent et qui effectuent un volume
important d'emprunts à l'étranger soutenant ainsi la valeur du
dollar canadien s'engagent à agencer leurs emprunts à
l'étranger pour fournir l'appui jugé nécessaire par la
Banque du Canada au taux de change du dollar canadien. En contrepartie, pendant
la même période de temps, la Banque du Canada garantira les
gouvernements des provinces et leurs organismes publics contre les baisses du
taux de change du dollar canadien."
Ce n'est pas destructeur. C'est assez positif. Nous, notre
problème à l'heure actuelle au Québec - et c'est le
problème ailleurs - est le suivant: S'il faut que les taux
d'intérêt aux États-Unis recommencent à monter et
s'il faut qu'à un moment donné le dollar canadien devienne
faiblard, le gouvernement fédéral et la Banque du Canada vont-ils
encore nous grimper les taux d'intérêt 3%, 4% ou 5% au-dessus des
taux américains? C'est ce qu'on veut savoir, parce que ce qu'ils n'ont
pas démoli dans l'économie à cette occasion, ils vont le
démolir.
On dit: Pourriez-vous nous assurer que vous allez maintenir un
écart relativement faible entre les taux des deux côtés et
ne pas prendre le risque d'un autre massacre comme celui que vous avez fait? Ce
n'est pas baroque comme question. C'est une préoccupation que tout le
monde a et si on a à coeur de mettre un filet sous l'économie
à l'heure actuelle pour éviter que le chômage aille en
s'accentuant, c'est le genre de question qu'il faut poser.
Le chef de l'Opposition se rend-il compte de ce qu'il y a comme offre de
collaboration là-dedans sur le plan de l'agencement de nos emprunts des
provinces, de nos organismes publics comme HydroQuébec pour être
en mesure justement de passer les emprunts au moment où cela peut donner
un appui nécessaire au taux de change?
Il disait tout à l'heure: Une atmosphère de confrontation
entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral
fait achopper des choses sur le plan économique. Je rappellerai au chef
de l'Opposition officielle que la première proposition en ce sens de
collaborer entre les gouvernements pour agencer nos emprunts à
l'étranger de façon à donner au bon moment l'appui qu'il
faut au taux de change du dollar canadien date de Daniel Johnson en 1967 et,
soit dit en passant, j'avais été assez mêlé à
ce genre de proposition comme je l'ai été à nouveau.
Ce n'est pas la première fois et, sauf erreur, M. Bourassa,
à un moment donné, a fait exactement le même genre de
proposition. C'est la chose normale à faire dans un pays à peu
près civilisé, cette proposition qui vient successivement d'un
gouvernement du Québec pour éviter qu'on casse l'économie
simplement pour soutenir, très temporairement, d'ailleurs, le taux de
change du dollar canadien. Cela fait donc quinze ans qu'on la fait et la
réponse du gouvernement fédéral a toujours
été: Non, mêlez-vous de vos affaires. Mêlez-vous de
ce qui vous regarde. Vous êtes des provinces. Vous n'avez pas à
intervenir là-dedans.
Il l'a dit à M. Johnson, il l'a
probablement dit - je cite de mémoire - à M. Bourassa et
il nous l'a dit à nouveau. Qu'on ne vienne pas nous dire que nous
cherchons constamment la confrontation avec Ottawa. Ce n'est pas vrai.
J'aimerais simplement que, singulièrement, le chef de l'Opposition
reconnaisse, comme la plupart des observateurs le reconnaissent, que le premier
ministre actuel du gouvernement canadien, lui, cherche la confrontation et pas
seulement avec le Québec, avec les provinces les unes après les
autres et Dieu sait si on en a eu un exemple remarquable à l'occasion de
la conférence des premiers ministres à Ottawa.
Le projet que nous avons en main, que nous avons déposé
à la conférence des premiers ministres sur le plan
économique, va évidemment bien plus loin que cela. Il est
important - et aussi bien le premier ministre que le ministre d'État au
Développement économique en ont parlé à plusieurs
reprises - d'avoir une série de mesures pour, encore une fois, mettre
une sorte de filet sous l'économie à l'heure actuelle. Cela
implique un projet de financement à court terme avec l'aide des banques
pour un certain nombre d'entreprises manufacturières normalement
solides, mais qui, actuellement, sont terriblement menacées dans leur
embauche par la situation actuelle. Cela implique l'activation de la fourniture
de capital de risques dans le cas d'un bon nombre de projets industriels qui
sont prêts, mais qui retardent le départ des travaux à
cause du niveau d'intérêt trop élevé. Cela peut
d'ailleurs impliquer des gestes à l'égard, justement, des taux
d'intérêt applicables dans le cas de certains de ces projets.
Cela implique sûrement quelque chose du côté de la
construction domiciliaire. S'il y avait moyen de trouver une collaboration
quelconque, ne serait-ce que sur le plan fiscal, pour faire baisser le taux
réel d'hypothèque à l'heure actuelle, la construction
redémarrerait. On est en train de créer une pénurie de
logements avec les taux d'intérêt qu'on pratique depuis deux ans.
Cela fait des années, depuis 1975, qu'on n'a vu des taux de
non-occupation aussi bas que ceux qu'on constate. Si on avait les moyens de
réduire le taux hypothécaire réel de quelques points,
ça pourrait redémarrer et ça redémarrerait
très vite.
Il y a d'autres mesures à prendre, dont certaines ne sont
peut-être pas spectaculaires, mais peuvent être
singulièrement efficaces. On peut, à court terme, chercher
à créer de l'emploi, peut-être pas permanent, mais au moins
pour embaucher des gens qui sont sans travail à l'heure actuelle, dans
la mesure où, avec le gouvernement fédéral -
là-dessus, je ne suis pas prêt à fermer des portes - on
peut trouver un mode de collaboration quant à la façon de
gérer nos programmes respectifs.
La proposition que M. Axworthy a faite récemment n'est pas
à négliger; il s'agit seulement de savoir si elle est applicable,
si elle est opérationnelle. D'ailleurs, nous aurons des discussions dans
peu de temps à ce sujet.
Il ne faut pas faire de la politique sur le dos des chômeurs. Dans
ce sens, dans la mesure même où la situation est très
sérieuse à l'heure actuelle, il n'y a pas de raison de ne pas
prendre tous les moyens disponibles. Bien sûr, il y a un problème
de ressources pour le gouvernement du Québec, c'est évident, et
c'est très directement relié aux négociations, si on peut
dire, que l'on a eues à l'égard des arrangements fiscaux depuis
quelques mois. C'est la-dessus que je voudrais dire quelques mots parce que
c'est évident que cela a une influence directe sur notre capacité
d'intervention, sur les moyens dont nous pouvons disposer.
Je vais dire ici un certain nombre de choses que je n'ai pas encore
dites en public parce qu'elles sont relativement récentes, elles
viennent de se produire, et je vais essayer simplement de les relier à
ce qu'on connaît déjà. On sait que le gouvernement
fédéral nous a proposé, à l'occasion du discours
sur le budget de M. MacEachen, un renouvellement des arrangements fiscaux qui
avait comme résultat net pour le Québec de nous enlever, pour la
seule année 1982-1983, 675 000 000 $ par rapport à ce que le
prolongement des arrangements fiscaux antérieurs aurait donné. Si
on avait seulement prolongé les arrangements fiscaux d'un an, on aurait
eu 675 000 000 $ de plus que la proposition fédérale de M.
MacEachen.
Bien sûr, le chef de l'Opposition a dit, dans une
déclaration récente: Non, ce n'est pas 675 000 000 $, ça
doit être de l'ordre de 100 000 000 $, tombant dans un panneau
statistique que le gouvernement fédéral ne nous tend même
plus depuis trois mois parce que ce qu'il a essayé de faire sur ce plan
a été déconsidéré partout. L'idée de
vouloir nous dire: Mais vous ne perdez pas tout cet argent...
M. Ryan: M. le Président...
Une voix: II ne vous a pas dérangé trente
secondes...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
Juste un instant, M. le chef de l'Opposition. J'aimerais vérifier, avant
de vous donner le droit de parole, s'il s'agit de rectifier des propos que vous
avez tenus dans votre propre discours. Si ce n'est pas cela, je vous le
permettrai tout de suite, mais si c'est ça, je vous permettrai de le
faire après l'intervention du ministre, en vertu de l'article
prévu au règlement.
M. Ryan: Le ministre m'attribue des
propos que j'aurais tenus en dehors de cette enceinte parce que je n'ai
pas abordé le sujet, et je pense que j'ai le droit de rectifier les
faits tout de suite. J'ai dit que, dans cette affaire, le gouvernement avait
l'obligation de nous présenter tous les chiffres loyalement et sans
fausse interprétation. J'ai dit que nous nous formerions un jugement sur
la base de tous les chiffres quand nous les aurions des deux
côtés.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Parizeau: Bien, M. le Président. La Presse du vendredi
12 février: "Selon M. Ryan, M. Parizeau ne réussira jamais
à prouver que le Québec perd 675 000 000 $ avec les nouveaux
arrangements fiscaux fédéraux. Au contraire, estime-t-il, le
Québec touchera quelque 10% de plus. Compte tenu de l'inflation, cela
n'est pas suffisant et il y a manque à gagner mais le déficit
serait de l'ordre de 100 000 000 $, et non de 675 000 000 $." C'est exactement
ce que je viens de dire, monsieur. Je dirai simplement que le chef de
l'Opposition est le seul personnage politique, à ma connaissance, au
Canada à dire cela à l'heure actuelle. Même les gens du
fédéral n'osent plus dire cela. Je vais vous en donner d'ailleurs
un exemple dans pas grand temps. (17 h 10)
En fait, donc, par rapport au prolongement des arrangements fiscaux,
nous perdrions 675 000 000 $. Soit dit en passant, quand on dit: Je devrais
fournir les chiffres, non seulement les chiffres sont fournis à cet
égard, mais ce sont quatre documents; les 675 000 000 $ sont sortis du
quatrième, ce sont des documents non seulement publics mais
publiés. Il y en a des centaines sinon des milliers d'exemplaires en
circulation.
Il est évident que cela ne faisait pas notre affaire, qu'on ne
pouvait pas accepter une situation comme celle-là. J'ai
déjà eu l'occasion de dire que ce qu'on tirait du gouvernement
fédéral, sous forme de transferts, avait augmenté, de 1972
à 1977, au rythme d'à peu près 18%, 19% en moyenne par
année. De 1977 à 1982, au rythme de 8%, 9% par année, taux
moyen. En 1982-1983, ce qu'on nous suggérait, c'était une chute
en dollars absolus alors qu'on sait bien que l'inflation est de 12%. On s'est
débattu avec l'aide d'ailleurs d'autres provinces, avec l'aide de
beaucoup de groupes indépendants; je pense, par exemple, au Conseil
économique du Canada. À peu près tous ceux qui ont
regardé cela ont dit: Une proposition comme celle-là ne tient pas
debout. Je ne connais personne qui ait exprimé des réserves,
quant à l'assaut contre les positions fédérales, à
part, peut-être, le chef de l'Opposition, parmi tous ceux qui ont
participé au débat au Canada, au Québec, partout.
Nous arrivons à la conférence des premiers ministres.
À l'occasion de la conférence des premiers ministres, M. Trudeau
annonce qu'il est prêt à ajouter -pas beaucoup - 1 000 000 000 $
pour toutes les provinces canadiennes et sur une période de cinq ans.
Première année, 168 000 000 $ et on nous lit un partage des
sommes. Chaque province bénéficiaire de
péréquations va chercher un peu d'argent. Le Québec, en
principe, doit recevoir 53 000 000 $. Nous faisons des calculs rapides et on a
assez bonne réputation sur ce plan, peut-être pas dans cette
enceinte, mais ailleurs au Canada. On a assez bonne réputation pour la
qualité de nos calculs.
Ce que cela démontre, ce n'est pas que le Québec va tirer
53 000 000 $, c'est qu'il va en perdre 100 000 000 $, 101 000 000 $ exactement.
Silence gêné du côté fédéral; ils
refont leurs calculs de leur côté et, au niveau des
fonctionnaires, ils sont obligés de confirmer qu'effectivement on a
raison. Excusez-nous, on se reprendra. Et, dit M. Trudeau, à la toute
fin de la conférence: En tout état de cause, je ne comprends
exactement rien à tout cela, mais j'ai promis 1 000 000 000 $ de plus,
vous l'aurez. Alors, on part en se disant: Manifestement, il y a des gens qui
se sont un peu trompés dans leurs calculs, mais le premier ministre du
Canada dit: En tout cas, il y aura 1 000 000 000 $ de plus. Et il doit y avoir
une réunion de fonctionnaires pour mettre la dernière main
à cela, au bout de trois ou quatre jours.
La première semaine se passe, pas de réunion de
fonctionnaires. La deuxième semaine se passe, réunion de
fonctionnaires reportée à la semaine suivante. C'est finalement
lundi que les fonctionnaires se sont réunis. Et lundi, nous avons eu la
distribution du 1 000 000 000 $. On ne va pas faire de querelle de chiffres, le
tableau que je vais utiliser, c'est le tableau qui a été remis
par les fonctionnaires fédéraux aux fonctionnaires provinciaux.
Il n'y a pas de querelle de chiffres, ce sont les leurs.
Voici ce que le 1 000 000 000 $ de M. Trudeau est devenu. D'abord, pour
le gouvernement fédéral, sur une période de cinq ans,
l'amélioration de sa formule va donner exactement, pour l'ensemble de
toutes les provinces, 77 000 000 $. Le 1 000 000 000 $ est ramené
à 77 000 000 $. Mais, cependant, les provinces de Terre-Neuve, de
l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse et du
Nouveau-Brunswick vont tirer plus d'argent sur une période de cinq ans.
109 000 000 $ de plus sur cinq ans pour Terre-Neuve, 24 000 000 $ pour
l'Île-du-Prince-Édouard, 93 000 000 $ pour la
Nouvelle-Écosse, 73 000 000 $ pour le Nouveau-Brunswick. Par quel
miracle le
gouvernement fédéral peut-il dépasser 77 000 000 $
et donner autant aux quatre provinces de l'Atlantique? Il est venu les prendre
au Québec. Le Québec, dans cette amélioration de la
formule fédérale, perd 262 000 000 $ sur cinq ans. Ce ne sont pas
mes chiffres. Ce sont les leurs. C'est selon le jargon de la nouvelle formule
RRAS, par opposition à l'Ontario Standard, déposée lundi
au niveau sous-ministériel. C'est là-dessus que l'on a
demandé aux provinces de se prononcer.
Déjà, donc, par la formule originale, on perdait 675 000
000 $ et, d'autre part, le gouvernement fédéral demande au
Québec une contribution du triple de la sienne pour en donner un peu
plus aux provinces maritimes. On nous a demandé gentiment, au niveau des
fonctionnaires, lundi, de faire confirmer par les ministres des Finances, hier
soir, après qu'ils soient présumément allés
à leur cabinet, s'ils acceptaient cela. J'ai présenté cela
au Conseil des ministres hier soir parce qu'on siégeait hier soir. Je
n'ai pas besoin de vous dire quelle a été la réponse, M.
le Président. Mais je n'ai pas pu la transférer au gouvernement
fédéral parce qu'au niveau du gouvernement fédéral,
on m'a dit que le fonctionnaire qui attendait la réponse attendrait
jusqu'à 20 heures et, après cela, irait manger. On l'a transmise
ce matin.
Parlons de négociations. Je voyais dans les journaux, ce matin,
M. Regan du gouvernement fédéral canadien dire aux provinces, en
particulier à la province de Québec, sur l'enseignement
postsecondaire: On ne veut pas vous massacrer; venez vous asseoir,
négociez, c'est tout ce qu'on vous demande. Oui, mais des
négociations de ce genre-là, tout ce que cela veut dire, à
toutes fins utiles, c'est quelque chose que j'affirme depuis déjà
deux mois: c'est une tentative délibérée du gouvernement
fédéral de déstabiliser les finances du Québec.
Évidemment, cela n'a pas réussi autant qu'ils voulaient.
C'est cela qui les met en furie. Dans l'intervalle, le nouveau recensement de
1981 est apparu. Il indique que la population du Québec est plus
élevée que l'on ne pensait. Il y a plus de
Québécois. Tout le monde s'est tellement excité à
dire qu'il y avait des gens qui sortaient du Québec qu'ils en ont
compté plus qu'il y en avait de sortis. En fait, il en est sorti moins.
La part du Québec dans la population canadienne est plus
élevée que tous les chiffres qu'on utilisait jusqu'à
maintenant. Or, en vertu des lois de péréquation existantes -
j'espère qu'ils ne vont tout de même pas voter une loi pour,
rétroactivement, au cours des deux dernières années,
abolir la précédente - ils sont forcés de faire un
ajustement pour tenir compte de cette population pour 1980-1981, 1981-1982 et
1982-1983. Donc, ils vont nous donner une somme, en 1982-1983, pour les deux
années antérieures.
C'est embêtant pour des gens qui voulaient déstabiliser les
finances. Je ne peux tout de même pas leur souhaiter meilleure chance au
recensement de 1986 parce que j'espère qu'en 1986, on ne sera plus dans
ce système. Mais enfin, là, c'est tombé comme cela.
Deuxièmement, à force de faire des révisions sur
l'état de l'économie, ils ont constaté qu'effectivement
l'économie du Québec est assez saccagée, comme je le
disais tout à l'heure. Donc, ils vont probablement être
obligés, en 1982-1983, de mettre un peu plus d'argent dans la
péréquation à cause de l'ampleur de la récession au
Québec. Remarquez que je préférerais ne pas avoir de
récession plutôt que d'avoir cet argent. Alors, dans ce sens, ils
sont un peu embêtés. Leur première formule était
destinée à déstabiliser nos finances. À cause du
recensement, on va avoir un peu plus d'argent qu'ils n'en prévoyaient.
Ils nous sortent un amendement à la formule où ils nous
enlèvent 262 000 000 $ en cinq ans en disant: Quand même, ce qu'on
est forcé de leur donner sur le recensement, on va le retirer d'une
autre main, ou en partie.
L'opération envisagée par le gouvernement
fédéral n'aura pas tout le succès que le gouvernement
fédéral envisageait. Il n'en reste pas moins que c'est, sur le
plan des finances du Québec, extraordinairement gênant et que cela
nous place dans une situation qui est très dure. Écoutez! Ce
n'est pas de la tarte, 675 000 000 $. Qu'en pleine période d'inflation
comme celle que l'on connaît les transferts du gouvernement
fédéral à nous tombent, en valeur absolue, selon ce
schéma que le gouvernement fédéral nous présentait
au départ, c'est très dur. Je ne me fais aucune espèce
d'illusion en dépit de cet accident heureux du recensement. Nous allons
avoir énormément de difficulté à atteindre cette
espèce de marge de manoeuvre qui serait nécessaire pour
être capable de faire un travail correct pour mettre un filet sous
l'économie. (17 h 20)
Dans ce sens donc, et en dépit de l'état de ces
tractations, nous avons tendu la main au gouvernement fédéral en
disant: On reconnaît que, dans la situation actuelle, notre
première responsabilité est à l'égard des
chômeurs et, dans votre cas, ça devrait être la même
chose. Discutons, essayons ponctuellement sur un programme d'appui aux petites
et moyennes entreprises manufacturières en particulier, comme programme
d'appui à la construction domiciliaire, comme programme d'appui à
la création temporaire d'emplois dans un certain nombre de services,
dans une série de
directions comme celles-là, essayons de travailler ensemble, de
faire en sorte que l'on puisse mettre vos ressources qui, dites-vous, ne sont
pas très importantes, nous savons que les nôtres, largement
à cause de vous ne le sont pas non plus, mais essayons au moins, avec un
peu d'imagination, de mettre un filet en dessous de l'économie, c'est la
première chose à faire.
Trois d'entre nous avons invité trois ministres d'Ottawa à
une rencontre qui va avoir lieu lundi. On va essayer justement de faire en
sorte qu'on puisse mettre un certain nombre de choses au point. Dans la mesure
où on y arrive, on aura probablement à indiquer comment on
procédera ici dans cette Chambre. Si on n'y arrive pas, il va falloir
que, de toute façon, on fasse quelque chose, parce que le gouvernement
de Québec, même coincé comme il l'a été
financièrement par le gouvernement fédéral, garde cette
responsabilité de bouger actuellement, de mettre un filet sous
l'économie, d'essayer de faire en sorte de temporiser cette
récession importante qui, contrairement à ce que dit le chef de
l'Opposition, n'a pas grand-chose à voir avec les politiques
gouvernementales, mais presque entièrement contenue dans une politique
monétaire destinée à maintenir le taux de change du dollar
canadien et qui a saccagé non seulement l'économie du
Québec, mais l'économie de toutes les régions canadiennes,
à des degrés divers, je le veux bien, mais qui a
créé une récession importante.
C'est, je pense, la première fois qu'on aura vu les
autorités monétaires et un gouvernement central prendre un risque
pareil avec la santé de leur économie. Il ne faut pas
s'étonner que le dialogue devienne très acerbe au Canada entre
des gouvernements de provinces qui sont en contact avec la
réalité de tous les jours sur la façon dont les
travailleurs sont mis à la porte des usines, qui se rendent très
bien compte du nombre de jeunes qui sont sans travail et qui se retournent vers
le gouvernement fédéral en disant: Votre politique
monétaire ne tient plus debout.
Vous avouerez qu'il y a une certaine ironie à voir le ministre
fédéral des Finances aller faire cette déclaration
à New York hier pour dire aux autorités monétaires
américaines: Pourriez-vous corriger votre politique monétaire
pour que je puisse corriger la mienne. Il a raison de dire ça aux
États-Unis, mais il reste néanmoins qu'il n'aura pas raison s'il
augmente les taux d'intérêt au Canada à un niveau beaucoup
plus élevé à nouveau que les taux américains et il
n'avait sûrement pas raison en juin, juillet et août derniers
d'augmenter à ce point les taux d'intérêt au Canada
au-delà des taux américains, de prendre le risque de créer
une sérieuse récession qui s'est finalement
concrétisée à partir du mois de septembre.
Le gouvernement a à cet égard une responsabilité
majeure, dont il ne peut se tirer ni maintenant ni quand, dans l'avenir, on
examinera avec un certain recul historique ce qui s'est passé dans ce
terrible été de 1981. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Vaudreuil-Soulanges.
M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, c'est
à regret que, du côté de l'Opposition, nous constatons que
nous avons décidé de nous discipliner à des interventions
beaucoup plus courtes que celle dont nous avons été victimes. Je
verrais comme premier commentaire que, selon le ministre des Finances,
l'histoire commence en septembre 1981, que l'économie du Québec,
qui, selon les dires de son collègue au Développement
économique, il n'y a pas si longtemps, c'était en mai dernier, "
qui connaissait et qui avait connu une performance sans précédent
historique - je le cite - qui était une économie où on
avait vu sur un des territoires du continent nord-américain un miracle,
à toutes fins utiles, de création d'emplois, à travers -
disait le ministre d'État au Développement économique -
une crise qui était la plus grave depuis 1929". L'histoire commence,
depuis peu maintenant, selon le gouvernement, en septembre 1981, il y a
quelques mois à peine.
Je m'en voudrais de ne pas revenir, ne serait-ce que pendant une minute
à peu près, sur les affirmations que le ministre des Finances a
faites, d'abord, quant au niveau de la dette du gouvernement du Québec
comparativement au niveau de la dette des autres provinces. Ce n'est pas en
donnant un portrait d'un moment figé dans le temps qu'on a une
idée de ce qui s'est passé ici, au Québec, depuis cinq
ans. Il faut regarder la nature du championnat de la croissance des
déficits, de la croissance des emprunts, de la croissance des
dépenses. Ce sont là les trois éléments qui, de
l'avis de presque tous les observateurs, contribuent non pas à
résoudre le problème que nous traversons aujourd'hui, mais qui
contribuent à l'aggraver.
Dans ce sens, on doit se demander quelle était la solidité
de la création d'emplois, du miracle économique auquel aurait
présidé ce gouvernement depuis cinq ans. Il faudrait, pour
l'évaluer, non pas un sommet de la solidarité, mais certainement
un sommet de la solidité afin de bien vérifier quels
étaient ces emplois créés à court terme, pour des
périodes irrégulières, temporaires et à temps
partiel. C'est un gouvernement qui n'agit jamais dans
l'intérêt
à plus long terme des citoyens du Québec. Toujours pris
entre des exigences préréférendaires,
préélectorales, dans tous les cas, la tendance du gouvernement a
été d'aller au plus brillant, au plus apparent en
méprisant l'intelligence même des Québécois, en
voulant engendrer chez les Québécois un sentiment d'impuissance,
en continuant à prétendre que c'est la faute des autres, en
voulant jeter un voile constant sur l'absence totale de qualité de
gestion de ce gouvernement, qu'on peut constater à l'étude des
crédits de tous les ministères, ce que nous avons fait le
printemps dernier.
À titre d'exemple, je ne veux citer que le fait de retrouver au
ministère de l'Industrie et du Commerce, à l'OPDQ et au super
ministère du Développement économique, trois groupes de
travailleurs, chercheurs, économistes, économètres, qui
font absolument la même chose. Lorsque la question a été
soulevée lors de l'étude des crédits du Conseil
exécutif sur le développement économique, on nous a
répondu que oui, on admettait que tous ces gens faisaient la même
chose, mais on réglait le problème: ils travailleraient tous
maintenant pour le même ministère. On regroupait le
dédoublement des services sous le même chapeau. C'est intelligent,
pour sauver des fonds publics!
Deuxièmement, la gestion même des finances. J'ai
évoqué la croissance des dépenses du gouvernement du
Québec, la croissance des déficits, la croissance des emprunts
à un point tel que nous payons maintenant, à toutes fins utiles,
de l'intérêt composé sur notre dette parce que, maintenant,
le gouvernement du Québec emprunte tous les ans à long terme pour
payer des dépenses courantes, y compris le service de la dette. On
emprunte pour payer l'intérêt sur la dette; c'est cela, de
l'intérêt composé. C'est aussi simple que cela et c'est
exactement le genre de situation devant laquelle nous nous trouvons et qui a
pour effet de contribuer à la hausse des taux d'intérêt.
C'est d'une évidence telle que si les gouvernements, tous les
gouvernements, envahissent le marché de l'épargne avec des sommes
comme celles qu'on a vues depuis quelques années, il est
inévitable qu'on crée une rareté, sur le marché
financier, de fonds disponibles pour l'entreprise privée.
Dans ce même esprit, c'est là qu'une étude du
Conseil de planification et de développement économique du
Québec faisait remarquer "qu'une limite supérieure existe au
déficit budgétaire et à l'emprunt. Il ne faut pas
dépasser cette limite si on veut éviter que l'État ne
finisse par accaparer une part excessive du crédit dont
l'économie privée a besoin pour créer des emplois et faire
de nouveaux investissements. L'État qui s'aventure trop loin dans le
déséquilibre budgétaire perd les moyens de son
intervention efficace et annule les décisions qu'il veut prendre pour
fins de développement économique." (17 h 30)
C'est dans ce guêpier que le gouvernement nous installe,
contribuant, en plus de ça, à créer de l'inflation. Je
m'en voudrais, M. le Président, de ne pas ressortir les propos de
l'actuel ministre des Finances, qui avait d'excellentes résolutions en
1979, alors qu'il s'adressait à une chambre de commerce de la
région de Montréal et qu'il commentait le déficit d'un
milliard de dollars déjà à l'époque, 1 400 000 000
$, qu'il venait de présenter pour l'exercice 1979-1980 - il s'est
trompé, cela a été de beaucoup supérieur. Le
ministre disait que, comme membre du gouvernement, il n'était pas
favorable, lui non plus, au principe même du déficit
budgétaire qu'on a invoqué de l'autre côté pendant
trois ans, prétextant que c'était comme ça qu'on stimulait
l'emploi; le ministre à l'époque ne souscrivait pas à ce
principe "parce que vouloir faire tomber le chômage par l'augmentation
des déficits était un mauvais calcul et que non seulement on n'y
parvient pas, mais on accroît l'inflation."
C'était le diagnostic du ministre des Finances, en 1979.
Aujourd'hui, il prétend que tout va bien alors que ses collègues
prétendent que nous sommes devant un miracle économique, alors
que cette inflation, non seulement par son action comme gouvernement, par la
façon dont il dépense les fonds publics, il l'engendre et
l'exacerbe, mais, au niveau du secteur privé des entreprises, c'est un
gouvernement qui a choisi de créer l'inflation à cause des
impôts qu'il a choisis dans son budget, dans sa politique
budgétaire, d'augmenter auprès des entreprises... C'est un choix
conscient, concret de pénaliser les entreprises qui emploient plus de
travailleurs. C'est ça la taxe sur la feuille de paie. Une autre taxe
consciemment choisie, a augmenté, sur la masse de capital, de
l'investissement que doivent faire les entreprises pour éventuellement
créer des emplois. C'est un choix conscient du gouvernement de faire
monter les coûts de production des entreprises au Québec.
Il se plaint aujourd'hui que l'inflation nous ronge alors qu'il y
contribue lui-même. C'est dans le mépris de l'intelligence des
Québécois, c'est dans ce voeu presque morbide de tuer la
confiance que les Québécois ont en eux en refusant d'accepter ses
responsabilités comme gouvernement, que ce gouvernement fonctionne.
C'est la faute des autres!, c'est donc facile à dire. Que les autres
gouvernements mettent aussi de l'ordre dans leurs maisons avant de
prêcher. "C'est ce qu'on fait", selon le gouvernement. Tout ce que je
constate, M. le Président, c'est l'augmentation effrénée
des dépenses que ce gouvernement nous a imposées depuis
cinq ans alors que, s'il avait choisi la même courbe que
l'ensemble du Canada, il n'aurait, à toutes fins utiles, pas
été obligé d'emprunter un sou cette année. 2 400
000 000 $, c'est la différence que représente le taux de
croissance des dépenses publiques du Québec depuis cinq ans
comparé à la moyenne canadienne. C'est de ça qu'on parle.
Être endetté de 10 000 000 000 $ de plus qu'il y a cinq ans ou
alors arrêter cette hémorragie de nos épargnes, de nos
taxes vers les marchés qui nous ont prêté, vers
l'Allemagne, le Japon ou les États-Unis. On se plaint de la fuite des
capitaux! On doit rembourser, avec nos taxes à nous, ce que, nous
empruntons aux étrangers parce que comme les autres gouvernements au
Canada, ou la plupart d'entre eux, y compris le gouvernement
fédéral, le gouvernement du Québec a choisi d'inonder les
marchés financiers, donc d'accroître le taux
d'intérêt, de créer une saturation sur ce marché, de
se lier les mains avec des prêteurs étrangers qui aujourd'hui
dictent la politique budgétaire du gouvernement.
La politique budgétaire du gouvernement, à cause de son
incurie, à cause de son incompétence, à cause des calculs,
toujours à court terme, préréférendaires et
préélectoraux, est maintenant entre les mains de gens qui, le
député de Verchères l'admettait... Le député
de Verchères lui-même le disait lors du débat sur le
budget: "II faut monter les impôts, autrement la cote de crédit du
Québec va baisser." Donc, le taux d'intérêt que nous
devrons payer sur nos emprunts montera. Donc, il faudra monter les taxes. Donc,
montons-les tout de suite. C'est exactement l'espèce de raisonnement qui
a présidé au deuxième budget que nous avons vu en novembre
dernier, qui comprend des hausses de taxes sur lesquelles nous reviendrons, M.
le Président, parce que le prochain budget ne parlera certainement pas
des 900 000 000 $ de taxes additionnelles qui ont déjà
été annoncées. Nous parlerons également de cette
capacité qu'ont les Québécois de travailler pour
eux-mêmes, de regarder comment l'exemple que le gouvernement peut leur
donner pourrait les inciter à travailler pour eux-mêmes. C'est
cela, la saine gestion des fonds publics. C'est donner l'exemple à tous
les citoyens. On peut mettre sa maison financière en ordre et, ensuite,
on peut prêcher l'austérité. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député d'Arthabaska.
M. Jacques Baril
M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. Tout
à l'heure, le député de Vaudreuil-Soulanges a
commencé en disant qu'il avait trouvé le temps long quand le
ministre des Finances a parlé, mais je lui ferai remarquer - je suis
certain qu'il n'a pas un chronomètre dans ses poches - que le chef de
l'Opposition a parlé pendant environ 50 minutes; le ministre des
Finances a parlé pendant environ 50 minutes également, mais la
différence entre les deux, c'est que quand un clou est bien
planté, le temps peut paraître beaucoup plus long.
J'essaierai, M. le Président, de parler, après les
intervenants qui m'ont précédé - je ne me prends pas pour
un grand spécialiste des chiffres - de la situation économique
qu'on vit présentement, tout en essayant de la rapprocher le plus
près possible de la réalité, dans mes mots à moi.
Depuis trois jours maintenant que cette Assemblée est ouverte, que nous
siégeons ici, si nous regardons l'ordre de nos travaux, la
première journée, nous avons discuté d'une motion du
ministre Landry. La deuxième journée, nous avons parlé
d'une motion du député Rivest qui, elle, demandait à cette
Assemblée d'être contre l'augmentation des taxes sans, bien
entendu, spécifier les raisons de l'augmentation de ces taxes,
d'où elle provenait et qui en était responsable. Aujourd'hui, on
se retrouve devant une autre motion qui est celle du chef de l'Opposition, M.
Ryan, qui, encore une fois, veut faire l'unanimité en cette Chambre pour
rendre le gouvernement du Québec le grand responsable de la situation
économique.
Si je reviens à la motion de mardi du ministre Landry, cette
motion, elle, veut faire l'unanimité dans cette Assemblée pas
pour blâmer Ottawa, mais pour demander à Ottawa qu'il nous
retourne l'argent qu'il nous doit, l'argent qu'on donne, de nous retourner
notre butin. À ma grande stupéfaction ce matin, je lisais dans
les journaux qu'à la suite de cette motion - la motion Landry -qui
demande au gouvernement d'Ottawa de nous retourner notre argent, les
libéraux ne seraient pas d'accord et n'appuieraient pas la motion pour
exiger qu'Ottawa nous retourne ce qui nous revient. Si on se place un peu dans
la peau du citoyen ordinaire, c'est vrai, c'est difficile pour lui de
comprendre exactement où on peut se situer dans tout cela. Souvent, des
gens que je rencontre chez nous dans mon comté et ailleurs me disent: M.
Baril, nous, on ne sait plus qui croire. Vous autres, de votre bord, vous
essayez de défendre les intérêts du Québec. Le
gouvernement d'Ottawa dit que c'est le Québec qui est responsable et,
d'un autre côté, quand on écoute les députés
libéraux du Québec, ils blâment eux aussi le gouvernement
du Québec. Donc, qui croire? Nous sommes toujours obligés
d'essayer de faire la différence entre deux partis politiques contre un
parti politique. Ce que j'essaie de leur faire comprendre, c'est que les deux
partis politiques dont ils font
mention n'en font qu'un seul. J'écoutais tout à l'heure le
chef de l'Opposition. C'est un peu, je dirais, avec une certaine fierté
qu'il parlait de la perte d'autonomie des Québécois. Il essaie de
plus en plus de rapetisser les Québécois en disant que nous ne
sommes capables de rien faire et que la situation économique nous le
prouve de plus en plus. (17 h 40)
Le Parti libéral et ses militants sont, à leur
façon, des marchands de malheur, des marchands pessimistes à
outrance. Je déplore que le Parti libéral ait si peu confiance
aux Québécois parce que, depuis les cinq dernières
années, les Québécois et les Québécoises ont
prouvé que, lorsqu'un gouvernement est en place, ils peuvent faire
quelque chose pour être fiers d'eux et améliorer leur situation
économique.
Au lieu d'essayer de se chicaner, si le Parti libéral avait
appuyé la motion que le ministre d'État au Développement
économique a présentée mardi, je pense que ça
aurait été beaucoup plus positif que ce qu'il fait maintenant.
J'aimerais voir - je ne sais pas s'il y en a de l'autre côté de la
Chambre - des gens qui ont un peu de colonne vertébrale et qui peuvent
enfin se brancher, j'aimerais qu'ils puissent enfin dire dans quel Parlement
ils sont. Est-ce qu'ils sont à l'Assemblée nationale du
Québec ou s'ils sont au Parlement d'Ottawa? Personnellement, moi qui
suis en cette Chambre, à les entendre, je ne puis comprendre où
ils se situent.
Tout à l'heure, le ministre des Finances a fait allusion aux
propos que le chef de l'Opposition tenait sur les accords fiscaux. Je comprends
encore une fois que les citoyens puissent être mêlés, parce
que le Québec et le Manitoba, qui a utilisé ses propres chiffres,
en sont arrivés à peu près à 30 000 000 $ de
différence sur ce que le Québec perdait dans les accords fiscaux.
Par contre, dans le Devoir du vendredi 5 février, on peut lire: "La
conférence fédérale prend fin sur un constat
d'échec. Unanimes, les dix provinces tiennent le gouvernement
fédéral responsable." Sept jours après, on peut lire: "Le
Québec tire profit des arrangements fiscaux, selon Claude Ryan."
Mettez-vous à la place du citoyen, je comprends qu'il puisse se poser de
sérieuses questions à savoir où sont les responsables.
Hier, en cette Chambre, ce que j'ai déploré davantage,
c'est de voir de quelle façon partisane les libéraux parlent de
la situation économique. Cela fait cinq ans et demi, bientôt six
ans, que je siège en cette Chambre, et je pense que je ne m'habituerai
jamais à voir avec quelle partisanerie le Parti libéral peut
parler de la situation économique. Je fais référence aux
propos que tenait hier le député de Beauce-Sud. Durant la
période des questions, il a posé à juste droit des
questions au ministre des Transports au sujet de l'immatriculation des
tracteurs de ferme. Le ministre des Transports, après lui avoir
répondu d'une façon très positive, admettant même
que le gouvernement du Québec avait fait une certaine erreur en votant
la loi sur la réforme du code de la route et le ministre des Transports
s'engageait à corriger cette loi. Le député de Beauce-Sud
est revenu, lors de son discours, et a littéralement bafoué ce
que le ministre des Transports lui avait dit dans l'après-midi, n'en
tenant même pas compte. Les citoyens qui écoutaient hier soir les
débats, qui ont pris connaissance des débats, et ceux qui en ont
pris connaissance hier après-midi, c'est évident que si ces deux
personnes se rencontrent, encore une fois, elles ne savent pas ce qui arrive
entre les deux et qui dit la vérité. C'est cette situation que je
déplore et, comme je le disais tout à l'heure, je pense que
jamais je ne m'y habituerai.
Le député de Beauce-Sud disait qu'on avait augmenté
l'immatriculation de 2000%. Cela est vrai que, dans la loi qui a
été votée ici à l'unanimité, je dis bien, on
a peut-être mal défini l'interprétation entre un
agriculteur moral et un agriculteur physique, mais le ministre s'est
engagé à corriger cette situation. Que le député de
Beauce-Sud arrête de charrier là-dessus!
Le chef de l'Opposition tout à l'heure disait également
qu'en matière agricole ça n'allait pas bien au Québec,
ça allait mal, nous n'avions à peu près rien fait. Je ne
dirai pas que ça va toujours bien. C'est sûr que le monde agricole
vit une situation économique difficile avec des taux
d'intérêt élevés, comme l'ensemble des autres
secteurs économiques, mais j'aimerais quand même vous faire
remarquer l'effort que le gouvernement du Québec a fait au cours des
cinq dernières années. Le budget du ministère de
l'Agriculture, en 1976, était d'environ 170 000 000 $ et, en 1981, il
était de 375 000 000 $. Les taux d'intérêt qui sont
fixés par le gouvernement d'Ottawa ont fait en sorte que le
remboursement des taux d'intérêt à l'Office du
crédit agricole a coûté au gouvernement du Québec,
en 1981, tout près de 100 000 000 $, tandis qu'en 1976, le Parti
libéral, le ministère de l'Agriculture de l'époque
retournait ou remboursait en taux d'intérêt environ 6 000 000 $
à 7 000 000 $ au maximum aux agriculteurs à cause des bas taux
d'intérêt.
Je me souviens également du député de Beauce-Sud
qui avait essayé de faire une démonstration en cette Chambre avec
une espèce de rondelle, ou une pointe de tarte rouge qui était
complètement en dehors du contexte, en dehors de la situation qu'on vit
présentement parce qu'il ne pouvait pas, je ne dirai pas qu'il
n'était pas en mesure de
démontrer la réalité à la population, mais,
d'une façon partisane, il nous est arrivé en face des
caméras avec son tableau, je devrais plutôt dire sa feuille de
papier avec sa pointe de tarte rouge, en faussant complètement les
chiffres réels du ministère de l'Agriculture.
Le chef de l'Opposition a également parlé de la crise du
porc. Au Québec, c'est évident qu'on vit une crise difficile dans
le domaine du porc. Souvent, le député de Beauce-Sud, encore une
fois, nous a dit avec quelle fierté il aimait se faire photographier
avec son chef à l'ombre d'un silo, près d'une porcherie. Je
l'inviterais, au lieu de se faire photographier avec son chef à l'ombre
d'un silo et près d'une porcherie, à essayer de côtoyer son
propre collègue du comté de Brome-Missisquoi. Actuellement, si
les producteurs de porcs ont de la difficulté, cela dépend de la
non-mise en place du plan conjoint. Là-dessus, quand on voit de quelle
façon le député de Brome-Missisquoi, avec son frère
qui dirige un bureau d'avocats, bénéficie et profite de cette
situation pour s'enrichir, pour essayer de convaincre les dissidents de ne pas
adhérer au plan conjoint et de ne pas le mettre en place... La grande
difficulté qu'on vit présentement, c'est justement parce que
l'UPA, malgré toutes les chances ou tous les pouvoirs que le
gouvernement du Québec lui a donnés pour l'application du plan
conjoint dans le domaine du porc, ils ne sont pas capables. Le premier
responsable, c'est le député de Brome-Missisquoi avec son bureau
d'avocats qui, comme je le dirais, profite de la situation pour s'enrichir.
Quand je pense au député de Beauce-Sud, au lieu d'essayer de
venir en cette Chambre démontrer qu'il fait quelque chose, qu'il est le
défenseur des agriculteurs, qu'il commence donc par aller à
l'ombre du pupitre du député de Brome-Missisquoi, qu'il commence
donc par le convaincre de la nécessité des plans conjoints.
Des voix: Bravo!
M. Baril (Arthabaska): Vous voyez, M. le Président, c'est
une autre raison pour laquelle les gens, le monde ordinaire, ne comprennent pas
cette situation.
Je vais vous parler brièvement de la situation économique
qui prévaut dans mon comté actuellement. Lorsqu'on fait du bureau
de comté, de plus en plus, c'est extrêmement laborieux de voir les
gens, les hommes et les femmes qui viennent à nos bureaux, d'une
façon bien ordinaire, pleurer devant nous parce qu'ils sont voués
à l'assurance-chômage. Cela prend au moins cinq à six
semaines, quand ce n'est pas plus, avant qu'ils reçoivent leur premier
chèque et ils sont obligés de se résigner à aller
à l'aide sociale qui relève du gouvernement du Québec qui,
lui, doit avancer de l'argent en attendant l'assurance-chômage qui
relève du gouvernement d'Ottawa. Jamais un député du
Parlement d'Ottawa ne s'est levé pour dénoncer l'attitude du
bureau de l'assurance-chômage de retarder indûment la remise des
chèques aux travailleurs qui ont droit à
l'assurance-chômage. Ces gens qui viennent à mon bureau me disent
- et je les comprends - que, dans la situation actuelle, ils ne savent plus
où aller, ils ne savent plus quoi faire. (17 h 50)
J'ai visité des maisons, des gens qui bénéficient
de l'aide sociale. Une dame m'ouvre la porte de son
réfrigérateur. Il y avait une bouteille de ketchup Heinz, un pot
de mayonnaise et un pot de beurre de pinottes. C'est tout ce qu'il y avait dans
le réfrigérateur. Elle m'ouvre la porte du congélateur.
C'était de la glace qu'il y avait sur les parois du congélateur.
C'est tout ce qu'il y avait là-dedans. Elle m'ouvre les portes de
l'armoire où, normalement, une famille range les "cannes" de "bines".
Justement il n'y avait même pas de "cannes" de "bines", parce qu'elle
n'avait pas d'argent pour en acheter. C'est pour cela que je vous dis que la
situation est difficile. J'entends le député de Maskinongé
qui nous dit: Tu essaieras de lui faire accepter que c'est à cause d'un
bon gouvernement. Voilà d'où part le problème. Le
gouvernement du Québec, durant les trois ou quatre premières
années de son mandat, a créé des emplois. Nous avons mis
des programmes en place, le programme OSE qui a créé une
multitude d'emplois au Québec. Il y a eu un renouveau, une espèce
de fierté de la part des Québécois de se prendre en main
et de faire quelque chose, et la situation des taux d'intérêt
d'Ottawa est venue miner littéralement tout l'effort que le gouvernement
du Québec a fait. Aujourd'hui, c'est là qu'est réellement
le problème.
Dans la région des Bois-Francs, quand on pense qu'une personne
sur deux est un chômeur, je peux vous dire que c'est triste. Quand le
gouvernement d'Ottawa ferme les yeux là-dessus et que le Parti
libéral lui-même ferme les yeux et dit que c'est la faute du
Québec, je vous dirai que les gens de mon milieu le savent. Encore une
fois, tout ce qui les intéresse, c'est d'avoir quelque chose à
manger demain matin. Ce ne sont pas les partisaneries, les chialages et les
engueulades que nous avons en cette Chambre. Pourquoi ne sommes-nous pas
capables de faire l'unanimité en cette Chambre tous ensemble pour une
fois? Laissons nos chicanes partisanes, laissons-les de côté.
Pourquoi le Parti libéral du Québec n'est-il pas capable
d'appuyer les Québécois contre Ottawa pour demander à
Ottawa de nous remettre notre butin, comme disait Maurice Duplessis? Nos taxes
et nos impôts qu'on envoie à Ottawa ce n'est pas aller les
quêter; on a droit à ces taxes, on a droit à un
remboursement d'impôts. Pourquoi Ottawa ne nous le donne-t-il pas?
Quand on pense qu'on est représenté par 74
Québécois à Ottawa, qui ne sont pas capables de se tenir
debout, qui sont manipulés par une majorité des autres provinces
et qui se laissent faire! II y en a dix qui ont essayé de se lever et
qui ont essayé de dire à leur gouvernement que la situation
était critique au Québec. Qu'est-ce qui leur est arrivé?
Ils se sont fait rabrouer. Je me souviens d'une interview que j'avais entendue
à la radio par Mme Payette, députée de je ne sais pas quel
comté au fédéral - Mme Hervieux-Payette - qui disait:
Écoutez, une autre fois je vais essayer de prendre la même
position, mais seulement je ne la déclarerai à personne.
C'est complètement ridicule de ne pas être capable de faire
face à une situation et d'approuver le tort qu'ils font actuellement
à tout l'ensemble du peuple québécois.
M. Chevrette: Hermann, ton tour.
M. Baril (Arthabaska): Si j'étais plus procédurier
- mais moi, les règles de la Chambre, je ne connais pas trop ça,
je l'avoue franchement - je suggérerais à l'Opposition un article
du règlement dans le sens, à cause de la situation, à
cause des circonstances qui nous entourent, de retirer la motion de blâme
envers le gouvernement du Québec pour qu'immédiatement on
commence à discuter ensemble de la situation économique du
Québec et qu'on appuie la motion du ministre Landry pour demander
à Ottawa ce qu'il nous doit et qu'il devait nous rembourser. Ce n'est
pas le Québec qui est entièrement responsable de la crise
actuelle. Les libéraux devraient avoir assez d'honneur, assez de
fierté pour admettre eux-mêmes que le gouvernement d'Ottawa est en
grande partie responsable de la situation actuelle à cause de ses taux
d'intérêt.
Cela me surprend un peu que les gens d'en face ne comprennent pas cela
parce que, habituellement, les propriétaires d'entreprises sont plus
portés à être du côté des
fédéraux que de notre côté. Je vous invite à
revenir dans le comté d'Arthabaska; il y a déjà deux de
vos collègues qui sont venus. Les industriels, les hommes d'affaires
vous diront, chez nous, que la raison des faillites enregistrées dans
les Bois-Francs n'est pas due au gouvernement du Québec, c'est à
cause des taux d'intérêt excessifs, usuraires que le gouvernement
fédéral impose actuellement à l'ensemble du Canada. Sortez
un peu de chez vous, faites du bureau et vous verrez que la population va vous
dire la vérité.
Je vais m'arrêter ici en disant, comme l'a fait
dernièrement le député de Lotbinière et ministre de
l'Industrie et du Commerce: Si Ottawa veut absolument tirer profit de cette
situation, qu'il vienne partout au Québec planter ses batêches de
drapeaux! Ce qui est important, c'est que les hommes et les femmes de chez nous
aient de quoi manger. C'est ce que veulent les gens. Il me semble que c'est
facile à comprendre, bon Dieu! Cela ne prend pas des diplômes pour
le comprendre.
Je m'arrêterai ici en espérant que nos chicanes partisanes,
que les chicanes politiques que nous avons entre Québécois
prennent fin et qu'on puisse dire, comme le dit la chanson de Tex Lecor:
Peut-être qu'un jour on aura du beurre à mettre sur notre
pain!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Oui, M. le Président. En vertu de l'article
96. J'aurais pu...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Pardon? En vertu
de...
M. Mathieu: M. le Président, si vous permettez que
j'étaie ma demande, je le ferai bien respectueusement, l'article 96
stipule que le député qui prend la parole peut donner des
explications sur le discours qu'il a déjà prononcé, mais
il ne peut le faire que lorsque le discours qui les provoque est
terminé.
Une voix: C'est une question de privilège.
M. Mathieu: Ah! Si vous le préférez, question de
privilège, parce que le député d'Arthabaska m'a mis en
cause, M. le Président. Le député d'Arthabaska a induit la
Chambre en erreur.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! M. le député de Beauce-Sud, je crois que
vous aurez l'occasion de prendre la parole à l'intérieur de ce
débat. Si vous voulez utiliser votre temps de parole pour faire savoir
ce qu'il vous est loisible de faire savoir, vous le ferez. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je demande la suspension des travaux.
M. Bertrand: L'ajournement du débat.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont
suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 59)
(Reprise de la séance à 20 h 10)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Vous pouvez vous asseoir.
Le député de Mont-Royal avait le droit de parole.
M. Mathieu: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Beauce-Sud, avant de vous accorder votre question de privilège, je
dois vous rappeler qu'à la fin de la séance de cet
après-midi, il avait été question de la soulever en vertu
de l'article 96, mais je crois comprendre que vous voulez la soulever en vertu
de l'article 49-2; c'est une occasion que vous avez de rectifier des faits qui
ont été dits par un intervenant précédent. Je dois
simplement vous rappeler aussi, en même temps, que la question de
privilège que vous voulez soulever doit se borner a rectifier les faits
que vous voulez bien rectifier. M. le député de Beauce-Sud.
M. Mathieu: Merci, M. le Président. C'est justement ce que
j'ai l'intention de faire en vertu de l'article 49-2. Tout à l'heure, le
dernier intervenant avant la suspension, le député d'Arthabaska,
m'a cité faussement en disant que j'avais induit la Chambre en erreur en
indiquant qu'il y avait eu une hausse de 2000% dans l'immatriculation des
véhicules de ferme appartenant à une entreprise agricole
familiale incorporée. Or, M. le Président, hier, il est vrai que
j'ai posé la question au ministre des Transports, mais le ministre des
Transports ne m'a jamais dit que la situation était corrigée.
Tout ce qu'il m'a dit, c'est qu'il y avait une étude, une consultation,
mais, pour l'agriculteur qui va au Bureau des véhicules automobiles
aujourd'hui, ce n'est pas en vigueur. Il paie 2000% d'augmentation. C'est le
premier point.
Quant au deuxième point, le député d'Arthabaska a
dit que j'avais faussé les chiffres en ce qui concerne le budget de
l'Agriculture. M. le Président, je maintiens ce que j'ai toujours dit et
je défie n'importe qui de me contredire. En 1975-1976, la part du budget
de l'Agriculture par rapport au budget global du Québec était de
2,5% tandis que, pour le dernier budget pour l'année en cours, elle est
de 1,7%. Voilà ce que je voulais rectifier, M. le Président, car
vous comprenez qu'on ne peut pas laisser passer de telles faussetés.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je trouve tellement
intéressant ce débat qui semble maintenant s'amorcer entre le
député d'Arthabaska et le député de Beauce-Sud que
je pense qu'il serait peut-être intéressant que le
député de Beauce-Sud demande à son leader d'avoir une
question avec débat avec le ministre de l'Agriculture sur les chiffres
dont il vient de faire mention.
Le Vice-Président (M. Jolivet): La parole est maintenant
au député de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Les
représentants, les députés du Parti
québécois voudraient nous faire croire que les problèmes
que nous avons dans l'économie sont causés strictement ou
principalement par les taux d'intérêt. Le ministre des Finances a
attribué la pénurie de logements strictement aux taux
d'intérêt et à la politique monétaire du
gouvernement fédéral. Je voudrais démontrer la situation
désastreuse dans l'industrie de la construction et, par des chiffres que
je vais vous donner, vous démontrer que les problèmes qui
existent au niveau du logement et dans l'industrie de la construction ne sont
pas dus principalement aux taux d'intérêt, mais sont les
conséquences des politiques du gouvernement du Parti
québécois.
Premièrement, nous devons comprendre l'importance de l'industrie
de la construction. 85% des dépenses faites dans cette industrie
demeurent au Québec. C'est de l'argent qui est dépensé au
Québec. Alors, toute croissance, toute activité dans cette
industrie aide au développement économique du Québec.
Cette industrie est le reflet de la situation économique qui existe et
on peut juger la santé de l'économie par la santé de
l'industrie de la construction. Si l'industrie de la construction est malade,
toute l'économie est malade. Si elle est malade, je vais vous
démontrer que c'est dû aux politiques du Parti
québécois. C'est une industrie clé qui connaît de
durs moments. Selon l'Association des constructeurs domiciliaires au
Québec, l'année 1980-1981 a été une année
désastreuse.
Il y a quatre secteurs dans cette industrie. Il y a le secteur
domiciliaire, le secteur industriel, le secteur commercial et le secteur
institutionnel et gouvernemental. Avec le peu de temps qui m'est alloué
au cours de ce débat, ce soir, je ne peux pas vous fournir tous les
chiffres, mais je voudrais faire une comparaison entre l'activité dans
cette industrie au Québec et l'activité dans tout le Canada. Nous
allons voir que ce ne sont pas les taux d'intérêt, quoique si les
taux d'intérêt étaient différents, ça
affecterait l'industrie, je ne dis pas le contraire. Principalement, la maladie
de cette industrie, la décroissance de cette industrie est due aux
politiques du Parti québécois.
Si nous regardons la valeur globale de la construction en comparant le
Canada et le
Québec, si nous commençons par les années
précédant l'arrivée au pouvoir du Parti
québécois en 1976, nous voyons que le Québec, en
pourcentage de l'activité au Canada, avait 23% de toute
l'activité dans l'industrie de la construction. C'est presque conforme
à la population parce que nous avons 26% de la population canadienne;
or, l'industrie de la construction en 1976 en proportion, était
approximativement à 23%.
Qu'est-ce qui est arrivé à cette industrie depuis 1976,
depuis que le gouvernement du Parti québécois a pris le pouvoir?
Il y a eu une chute des activités dans cette industrie chaque
année. On est descendu de 23% à 14,8% à comparer à
23% qu'on avait avant que le Parti québécois prenne le pouvoir,
tandis que le chiffre global a augmenté dans tout le reste du Canada. Il
est passé de 12 100 000 000 $ à 16 000 000 000 $, une partie est
de l'inflation, mais c'est une croissance réelle. Or, l'activité
ici a été réduite. Même avec l'inflation, on
dépense moins aujourd'hui dans cette industrie qu'on dépensait
avant. Cela, c'est globalement. Ainsi, secteur par secteur, nous voyons dans
quelle situation désastreuse nous nous trouvons. Au secteur
domiciliaire, en 1976, on avait 20,9%, approximativement 21%, et on ne peut pas
dire que cela était dû aux Jeux olympiques. Je parle du secteur
domiciliaire à travers le Canada. Aujourd'hui, on n'a que 15%. On a
descendu, on a baissé la valeur du secteur domiciliaire en dollars
constants de 1 500 000 000 $ à 1 300 000 000 $. Les derniers chiffres
sont pour les premiers onze mois de 1981.
M. le Président, je pourrais aller dans le secteur industriel. On
a aussi baissé. Le secteur industriel, cela n'a rien à faire avec
les Jeux olympiques: on avait 21%, on a 15%. Mais un secteur est encore plus
désastreux; il affecte toute l'économie, il affecte les emplois,
il affecte toute l'activité économique au Québec, c'est le
secteur commercial. Tandis qu'en 1976, on avait 27,6% de l'activité
canadienne, le pourcentage au Québec a baissé à 10,5%.
C'est vraiment une condition catastrophique pour cette industrie avec des
répercussions dans toute l'économie, parce que, quand l'industrie
de la construction ne fonctionne pas, tous les autres secteurs connexes
à l'industrie ne peuvent plus fonctionner. Celui qui vendait des camions
pour transporter des matériaux ne peut pas en vendre, il n'y a pas
d'activité dans l'industrie. Les vendeurs, la main-d'oeuvre, tout est
affecté. Et, considérant qu'environ 26% de la population
canadienne est québécoise, un ralentissement aussi marqué
des investissements dans le secteur commercial au Québec depuis ces
quatre dernières années ne fait que confirmer l'incapacité
du gouvernement actuel à gérer l'économie du
Québec. Les taux d'intérêt sont aussi élevés
en Colombie britannique, en Ontario, au Manitoba, en Alberta qu'ils le sont au
Québec et, malgré cela, l'activité continue. Il y a un
accroissement dans les autres provinces, mais ici, cela va en baissant. Cela
n'a rien à voir avec le taux d'intérêt. Cela n'a rien
à voir avec les politiques fédérales. Ce sont les
politiques du gouvernement du Parti québécois et les causes, si
j'avais le temps, on pourrait en parler longtemps. Je vais vous donner quelques
exemples, quelques faits, quelques éléments qui contribuent
à la baisse de l'activité dans l'industrie de la construction.
(20 h 20)
Premièrement, quand les compagnies, les sociétés se
déplacent, quand les gens se déplacent, les ressources humaines,
naturellement, celui qui va travailler en Alberta n'a pas besoin de maison
à Montréal. C'est clair. C'est une des conditions. Les centaines
de milliers de personnes qui sont parties du Québec ont contribué
à la chute de l'industrie de la construction.
Les changements à la Régie du logement. On a
chambardé complètement, on a bouleversé les relations
locateur-locataire. C'est le chaos total à la Régie du logement.
On a voulu faire une soi-disant réforme. Ni les locataires ni les
locateurs ne sont satisfaits. Il y a des délais. Il y a des
problèmes fondamentaux à cette régie. M. le
Président, pensez-vous qu'un individu qui a de l'argent à
investir va l'investir dans des logements, dans des immeubles à
logements multiples, dans le secteur domiciliaire? Pas avec les
problèmes qui existent. Il va investir son argent ailleurs. Ce sont des
problèmes créés par le gouvernement, par la soi-disant
réforme et les changements qu'il a faits à la Régie du
logement.
Le programme d'accès à la propriété. On a
voulu annoncer, durant la campagne électorale, un programme pour
encourager l'accès à la propriété. Je vais vous
donner quelques chiffres, M. le Président. Cela fait depuis le mois de
mai que le programme est en vigueur. Il a été rétroactif.
Savez-vous ce qui est arrivé dans le secteur domiciliaire qui aurait
dû augmenter à cause de l'activité, de l'encouragement de
ce programme qui a été fait? Il y a eu une baisse de 33% au
dernier trimestre de 1981 par rapport à 1980. La baisse s'est
principalement manifestée dans le secteur unifamilial où
seulement 2539 unités ont été mises en chantier, une
diminution de 52,7%. On a déjà critiqué. Ce n'est pas la
faute du fédéral. C'est un manque de confiance qu'il y a ici,
c'est à cause de l'irresponsabilité du gouvernement du
Québec, du pur électoralisme qu'il a fait en annonçant un
programme d'accès à la propriété qui est
insuffisant, qui ne répond pas aux besoins du Québec et qui donne
de l'argent où cela affecte une classe de gens, M. le
Président.
II n'y a même pas de limite sur le salaire. Une personne qui gagne
75 000 $ par année pourrait s'en prévaloir. Une personne qui n'a
pas besoin du programme peut s'en prévaloir.
En terminant - il ne me reste que quelques minutes - les
conséquences sont très sérieuses. Il y a une
réduction d'activités économiques, il y a une
réduction d'emplois qui se fait ressentir non seulement dans l'industrie
de la construction, mais dans les autres industries qui dépendent de la
construction.
L'année dernière, 25% des petits entrepreneurs dans le
secteur domiciliaire ont arrêté de faire de la construction, soit
à cause de faillite, soit parce qu'ils se sont retirés. C'est une
décroissance vraiment tragique.
Il y a naturellement l'augmentation des taxes parce qu'il y a moins
d'activités économiques; les dépenses du gouvernement
n'ont pas été réduites, il faut payer pour le
déficit. Alors, le reste de la population est obligé d'absorber
les taxes, la taxe sur l'essence, la taxe sur
l'hydroélectricité.
On a une crise du logement au Québec, le taux de non-occupation
est de 1,9%.
Je termine en disant qu'on ne peut pas se permettre encore quatre
années d'administration désastreuse des politiques du Parti
québécois. La population n'a pas les moyens de se permettre ces
politiques qui affectent l'économie, la main-d'oeuvre, qui affectent
ceux qui sont les plus démunis. Les plus démunis de notre
société souffrent à cause des conséquences de la
politique de ce gouvernement.
À moins que ce gouvernement ne change ses politiques dans les
relations fédérales-provinciales, dans l'encouragement à
l'entreprise privée, dans l'approche qu'il a de donner confiance au
Québec, on va continuer à se diriger vers une situation
économique très désastreuse pour tout le Québec.
Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Taschereau.
M. Richard Guay
M. Guay: Merci, M. le Président. La dernière fois
que le député de Mont-Royal a convoqué la presse, cela lui
a valu des éditoriaux le lendemain concernant la
crédibilité de ses accusations. Je comprends d'autant mieux
pourquoi après l'avoir entendu ce soir. Voilà que pendant environ
un quart d'heure on a entendu que c'était la faute du gouvernement du
Québec, que la cause était le gouvernement du Québec. On
cherche encore un fait. Tout ce qu'il a dit, c'est: "Voilà des
chiffres", qui sont peut-être contestables, je ne le sais pas. Tout cela,
c'est la faute du gouvernement du Québec. En quoi? Où est la
cause? Aucun fait de mentionné, sinon deux, et c'est à ces deux
faits que je voudrais m'attaquer.
Le député de Mont-Royal nous dit qu'il y a un
ralentissement dans le secteur de la construction à cause de la
Régie du logement. La Régie du logement - je le dis pour le
bénéfice du député de Mont-Royal -ne couvre que le
logement domiciliaire, que les domiciles. Cela veut donc dire que toute la
construction industrielle et commerciale n'est pas couverte par la Régie
du logement. Cela ne peut donc pas être la faute de la Régie du
logement s'il y a effectivement un ralentissement dans la construction
industrielle et commerciale. La Régie du logement ne peut possiblement
pas y être pour quelque chose.
Quant à la construction domiciliaire, on sait qu'un immeuble neuf
n'est pas affecté par la Régie du logement avant cinq ans, ce qui
veut donc dire qu'un propriétaire, un entrepreneur peut construire un
immeuble à logements et, pendant les cinq premières
années, il n'est pas assujetti à la loi de la Régie du
logement, ce qui lui donne toute la latitude voulue pour en arriver à un
niveau de loyer qui fasse que son entreprise soit rentable.
Là où le député de Mont-Royal atteint ce que
j'appelle, en pesant mes mots, la malhonnêteté intellectuelle - et
je pèse mes mots, M. le Président - c'est lorsqu'il parle du
programme d'accession à la propriété. Il dit que ce
programme étant rétroactif au mois de mai, c'est une faillite
parce qu'il y a eu une baisse des mises en chantier pendant
l'été. Le programme d'accession à la
propriété est entré en vigueur au mois de décembre.
Il est exact qu'il était rétroactif au mois de mai pour les
personnes qui avaient acheté de nouvelles propriétés, mais
en attendant que le programme soit effectivement en vigueur, on ne pouvait pas
s'attendre que massivement les Québécois et les
Québécoises se mettent à acheter des immeubles neufs. Ce
n'est donc qu'au mois de décembre qu'on peut vraiment dire que le
programme est entré en vigueur; c'est donc à partir du mois de
janvier ou du mois de février qu'on peut commencer à avoir des
chiffres sérieux pour mesurer l'impact du programme d'accession à
la propriété. Jusqu'à maintenant, effectivement, il y a
plus de 3000 demandes d'entrées dans le cadre du programme d'accession
à la propriété. Ce n'est pas qu'une mince affaire. On peut
bien dire que, l'été dernier, la construction domiciliaire
était en baisse et que c'était malgré le programme
d'accession à la propriété, M. le Président, mais
il n'était même pas encore entré en vigueur et le
député de Mont-Royal le sait très bien. Il est le critique
de son parti dans le domaine de l'habitation, mais, d'après le discours
qu'il nous a fait ce soir, il a encore des classes à faire de ce
côté.
Je ne m'attarde pas plus longtemps, M.
le Président, sur l'exposé du député de
Mont-Royal. Je voudrais simplement souligner un certain nombre de choses. Quand
j'ai lu la motion du chef de l'Opposition, j'ai eu un moment de
stupéfaction. Je me suis dit: Le député d'Argenteuil
est-il devenu souverainiste? J'ai eu l'impression tout à coup, comme
ça, que le député d'Argenteuil, le chef de l'Opposition
reprochait au gouvernement du Québec une situation qu'il pourrait
effectivement reprocher au gouvernement du Québec si celui-ci
était un gouvernement ayant les pleins pouvoirs d'un Etat souverain,
c'est-à-dire la banque centrale, c'est-à-dire le commerce
extérieur. Mais puisqu'il reproche une situation dont la première
cause, le ministre des Finances l'a bien démontré cet
après-midi, la cause fondamentale, ce sont les taux
d'intérêt usuraires fixés par qui? Non pas par le Banque du
Québec, M. le Président. Le Québec n'est pas un
État souverain. Donc, par qui? Par la Banque du Canada, à Ottawa,
et en ce sens, le chef de l'Opposition s'est trompé de motion.
Cette Assemblée blâme sévèrement le
gouvernement - ce n'est pas celui-ci. On devrait dire le gouvernement d'Ottawa
d'être responsable en grande partie de la situation économique
extrêmement difficile que connaît actuellement le Québec,
parce que, effectivement, ce sont des taux d'intérêt qui, il n'y a
pas si longtemps, équivalaient à du "shylocking". Ce sont ces
taux d'intérêt, M. le Président, que pratique la Banque du
Canada avec le consentement, le désir, la volonté du gouvernement
d'Ottawa qui sont la cause principale de la récession économique
qui frappe les Québécoises et les Québécois
à l'heure actuelle. (20 h 30)
Ce n'est pas tellement sorcier. Si vous avez des taux
d'intérêt aussi élevés que ceux-là, quels en
sont les effets? 11 y a des gens qui risquent de perdre leur maison, qui
effectivement perdent leur maison parce que les taux hypothécaires sont
trop élevés. Il y a des entreprises, de petites, de moyennes
entreprises - et Dieu sait combien l'économie québécoise
repose sur les PME - qui manquent de liquidité et, avec des taux
d'intérêt comme ceux-là, elles sont obligées de
fermer leurs portes. Cela fait du chômage. Quand il y a chômage,
quand le taux d'intérêt est élevé, quand il y a
rareté d'argent, les gens en ont moins, les gens consomment moins, ce
qui veut dire que les entreprises qui passent quand même au travers
vendent moins. Tout cela a comme résultat qu'il y a du chômage. Il
y a donc moins de revenus pour le gouvernement du Québec.
Le gouvernement du Québec, par contre, est soumis à ces
mêmes taux d'intérêt. Il doit les payer, lui aussi. Il est
soumis, comme chaque citoyen québécois, à la politique
monétariste d'Ottawa et il en subit malencontreusement les
conséquences. Dans un contexte comme celui-là, à cause des
taux d'intérêt fixés par Ottawa, le gouvernement du
Québec a moins de revenus, parce qu'il y a plus de chômage, parce
que les entreprises font faillite, parce que celles qui ne font pas faillite
font de moins bonnes affaires et, par conséquent, paient moins
d'impôts. Il y a moins de revenus que ce qui était
anticipé, mais il y a des dépenses accrues du fait que nous
sommes soumis comme gouvernement à ces damnés taux
d'intérêt que le gouvernement fédéral refuse de
baisser.
Dans ces circonstances, M. le Président, comment peut-on
blâmer le gouvernement de la province de Québec dans notre
système fédéral d'être responsable d'une situation
économique dont la cause première fondamentale que tous
reconnaissent, dans tout le Canada, est la politique monétariste du
gouvernement fédéral? C'est curieux que le gouvernement
fédéral pratique une telle politique. Voilà quatre ans
environ, si ma mémoire est bonne, que le gouvernement du Royaume-Uni de
Mme Thatcher pratique une politique monétariste et le Royaume-Uni,
d'année en année, coule de plus en plus dans la Manche. Il y a de
plus en plus de chômage en Angleterre. Cela va de mal en pis. Le
gouvernement de Mme Thatcher s'entête à pratiquer une politique
monétariste et envoie carrément la Grande-Bretagne sur la route
de la faillite.
Face à un tel exemple, on aurait pensé que d'autres
gouvernements se seraient dit: On ne va pas faire cela. Mais non! Aux
États-Unis, le président Reagan a décidé d'avoir
également une politique monétariste. Résultat: taux de
chômage massif aux États-Unis, récession économique
presque sans précédent aux États-Unis. Le Canada, dans
tout cela, ce pays que M. Trudeau veut faire indépendant incessamment -
parce que paraît-il qu'il ne l'est pas - à Ottawa, on suit la
politique de Mme Thatcher et la politique de M. Reagan. Résultat, le
même résultat qu'en Angleterre et le même résultat
qu'aux États-Unis: récession économique et chômage
élevé.
Il y a des moyens de contrer la récession économique. Il y
a des moyens d'agir autrement qui sont à la disposition du gouvernement
dans le système fédéral dans lequel on est et dans lequel
les citoyens du Québec ont accepté de demeurer encore un temps.
Il y a des moyens qui sont à la disposition de ce gouvernement pour
agir. Jusqu'à maintenant, il se refuse à les prendre. Au
contraire, malgré l'évidence, malgré le fait que dans le
comté de Taschereau comme dans les autres comtés dans tout le
Québec - peut-être pas dans le West Island, mais en tout cas, dans
la
plupart des comtés - on vive des situations humaines tragiques,
des familles sont obligées de quitter leur demeure, des
propriétaires aussi qui sont obligés d'augmenter leurs loyers
démesurément, des pères de famille sans emploi, des jeunes
sur le marché du travail qui n'ont même pas un espoir à
l'horizon, on vient reprocher cela au gouvernement du Québec. Je veux
bien qu'on le lui reproche, si on avait accepté de lui donner les moyens
pour combattre cette crise ou l'éviter, mais ce sont ces gens qui, il
n'y a pas tellement longtemps, se sont battus pour que le Québec reste
dans sa situation actuelle avec l'absence de pouvoirs économiques qui
caractérise un gouvernement provincial au Canada. Ils se sont battus
pour cela. C'était leur droit. Aujourd'hui, qu'ils ne viennent pas
blâmer le gouvernement du Québec. Ils ont été les
premiers à refuser au gouvernement du Québec les moyens qui
auraient pu permettre au Québec soit d'éviter, soit
d'atténuer la crise économique. Vous avez refusé ces
pouvoirs au gouvernement du Québec, soyez au moins logiques avec
vous-mêmes, mesdames et messieurs de l'Opposition. Puisque vous
êtes si fédéralistes, dans notre système
fédéral, vous le savez très bien, c'est le gouvernement
fédéral, le gouvernement central qui a les pouvoirs en
matière économique.
À ce moment-là, cessons de faire de la politique partisane
sur le dos des chômeurs québécois et attaquons-nous aux
véritables problèmes. Si on veut blâmer quelqu'un, puisque
ça semble si important de blâmer quelqu'un à vos yeux, en
toute objectivité, blâmons au moins le véritable
responsable et adressons-nous donc à ce responsable, à Ottawa,
avec nos 74 silencieux qui nous représentent là-bas,
adressons-nous à lui, comme le ministre d'État au
Développement économique le fait par une autre motion qui est
devant cette Chambre, afin qu'avec les outils qu'ils ont à Ottawa, ils
prennent les mesures concrètes que nous leur proposons pour
atténuer le fléau qui s'abat actuellement sur la population du
Québec.
Malheureusement, encore une fois, la politique partisane l'emporte de
l'autre côté. Selon ce qu'on nous dit, on va même refuser
d'appuyer la motion du ministre d'État au Développement
économique. Au contraire, encore une fois, la petite politique bassement
partisane anime ce parti, ou cette succursale de parti. Pas étonnant que
les électeurs aient porté le jugement sévère qu'ils
ont porté à leur endroit le 13 avril dernier. Pas étonnant
que de nouveau, dans l'avenir, tant et aussi longtemps que ce parti ne changera
pas, tant et aussi longtemps qu'il fera de la politique partisane bassement sur
le dos des chômeurs québécois, les électeurs
québécois réagissent comme ils le font à l'endroit
du Parti libéral du Québec.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Maskinongé.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci, M. le Président. À la suite du
discours du chef de l'Opposition en cette Chambre cet après-midi,
blâmant sévèrement le gouvernement d'être responsable
de la mauvaise situation et de la situation économique
désastreuse dans laquelle le Québec est plongé
présentement, nous avons eu l'honneur d'avoir pour réplique le
talentueux député de L'Assomption et ministre des Finances du
Québec, le crédible ministre des Finances du Québec, qui a
tenté une fois de plus en cette Chambre, avec des chiffres que lui seul
comprend, d'ailleurs, de démontrer que la situation du Québec
n'était pas si mauvaise que ça.
M. le Président, peu importe, quand même le ministre des
Finances aurait pris une demi-heure ou une heure de plus pour essayer
d'expliquer aux Québécois que la situation n'est pas mauvaise, il
n'y a que les 80 personnes en face de nous qui peuvent s'imaginer que la
situation est rose au Québec. J'écoutais mon ami et
collègue, le député d'Arthabaska, mentionner que ses
électeurs étaient mêlés face aux nombreux chiffres
que les gouvernements fournissaient à la population. Il n'y a rien de
mêlant là-dedans, il s'agit de regarder le contexte
économique du Canada en y incluant le Québec. Les chiffres
parlent d'eux-mêmes.
Personne ne peut être mêlé en voyant que,
comparativement à l'Ontario, qui est une province sensiblement semblable
à la nôtre, on a un taux de chômage beaucoup plus
élevé. Il n'y a rien de surprenant, il n'y a rien de mêlant
non plus quand on regarde le déficit du Québec et qu'on le
compare à celui de l'Ontario. Il n'y a encore rien de mêlant, sauf
pour le député d'Arthabaska, quand on voit que les gens les plus
taxés au Canada sont au Québec. Cela, ce n'est pas mêlant.
Il n'est pas nécessaire d'avoir suivi un cours, comme le ministre des
Finances en a probablement suivi un chez H. & R. Block, pour se rendre
compte que ces chiffres nous démontrent que la situation
économique, toute proportion gardée, est plus mauvaise au
Québec que n'importe où au Canada. (20 h 40)
M. le Président, on a entendu nos amis d'en face nous parler
tantôt des taux d'intérêt. Que je sache, les taux
d'intérêt sont les mêmes au Canada, dans toutes les
provinces. Ils sont les mêmes partout, ils sont prohibitifs, ils sont
trop élevés, tout le monde est d'accord là-dessus. Mais la
situation est de beaucoup plus mauvaise ici au Québec. Pourquoi?
J'entends ces gens demander à l'Assemblée nationale et aux
Québécois de faire l'unanimité avec ce
gouvernement, ce gouvernement champion de la division chez les
Québécois, champion du séparatisme, champion pour mettre
des gens les uns contre les autres dans des discussions fondamentales, tel le
référendum, champion pour essayer de mettre les travailleurs
contre les patrons et d'avoir un préjugé favorable en descendant
les patrons et pas longtemps après dire aux travailleurs qu'ils ne sont
pas dans la bonne voie et qu'ils n'auraient pas dû. Ils ne disent pas
qu'ils se sont trompés, parce qu'ils ne se trompent pas. Le
député de Taschereau vous a expliqué qu'à peu
près partout dans le monde on a des politiques semblables. Il y a
seulement eux, les péquistes - ils sont intelligents ces gars - qui
auraient une politique différente pour nous amener savez-vous où,
M. le Président? Dans le marasme deux fois pire qu'il est
présentement, c'est ce qu'ils oublient de mentionner.
M. le Président, c'est dommage qu'un gouvernement ne puisse pas
faire faillite parce que si ce gouvernement pouvait faire faillite, on pourrait
recommencer à neuf avec un autre groupe de gouvernants. Au lieu d'avoir
des gens qui ont le goût du pouvoir, on pourrait vraiment remplacer cette
gang par des gars qui ont le goût du Québec et qui ont le
goût de l'administration. On pourrait d'abord les remplacer, peu importe
par qui, par un autre groupe de votre gang -mais sûrement pas les
cerveaux brûlés que le premier ministre a mentionnés lors
d'un de vos congrès - cela pourrait être quelqu'un d'entre vous
qui donniez la place à d'autres. Par exemple, le ministre au
Développement économique, cela fait assez longtemps qu'il est
là. D'ailleurs je n'aimerais pas cela m'appeler le ministre du
Développement économique; c'est plutôt le refoulement ou la
régression de l'économie. Il n'y a pas de développement
qui se fait depuis qu'il est là, il n'a rien inventé, c'est juste
un titre ronflant pour le flatter parce qu'à part cela, il n'y a pas eu
beaucoup de développement. Mais si un gouvernement pouvait faire
faillite, on pourrait recommencer à neuf avec un nouveau groupe qui,
lui, essaierait de faire un peu plus d'économies.
Cela veut dire quoi, recommencer en neuf? Un groupe de personnes,
d'administrateurs qui dépenseraient plus d'argent dans de la
création d'emploi que dans les fêtes nationales du Québec.
Un groupe d'administrateurs qui verraient à dépenser moins
d'argent dans les sondages et plus d'argent pour le mieux-être des
Québécois. Si le gouvernement pouvait faire faillite, on pourrait
recommencer avec un nouveau groupe qui ferait en sorte que, dans les nombreuses
régies qu'ils ont créées depuis qu'ils sont au pouvoir, on
aurait au moins la décence de prendre les fonctionnaires fort
compétents qu'on a mis sur les tablettes depuis des années pour
les faire travailler et non pas créer des postes pour des petits amis
qui ont des cartes de membre du Parti québécois mais que Rosalie
privilégie parce que j'ai l'impression qu'elle est programmée via
la carte de membre du Parti québécois. Si un gouvernement pouvait
faire faillite, on pourrait tout simplement, peut-être avec un nouveau
groupe, habiller à nouveau le roi du ministre des Finances, qui est nu
présentement, comme il l'a si bien mentionné.
M. le Président, on a entendu dire que le gouvernement se
proposait, pour ceux qui siégeaient à des conseils
d'administration d'hôpitaux, de CLSC, tous ces conseils d'administration,
d'établir un jeton de présence et de défrayer les
coûts, quand on sait très bien, comme l'a dit le chef de
l'Opposition, que de nombreux Québécois ont fait cela tout
à fait bénévolement dans le passé et sont encore
prêts à siéger bénévolement à des
comités d'administration.
La logique de ce gouvernement, pour être qualifié de bon
administrateur et pour se vanter aujourd'hui, savez-vous ce que c'est? Payons
des amis du Parti québécois qui sont dans ces conseils
d'administration avec des jetons de présence et coupons les services aux
Québécois. Au moment où on n'a pas d'argent pour fournir
tous les services aux Québécois dans nos hôpitaux, on va
payer les gars qui vont aller siéger aux conseils d'administration
quand, dans le passé, cela s'est fait bénévolement. C'est
la logique de ce gouvernement. Peut-être que si un gouvernement pouvait
faire faillite, un nouveau groupe penserait à ne pas instaurer une
politique semblable. Les gens d'en face vont dire que c'est minime. C'est
peut-être une question de 500 000 $, de 1 000 000 $, de 2 000 000 $. Je
ne sais même pas s'ils l'ont évalué. De toute façon,
ce n'est pas grave. Eux, ils évaluent quand ils reçoivent les
comptes. Il reste que cette politique va faire en sorte qu'on va couper dans
les hôpitaux et on coupe déjà pour instaurer un autre petit
système qui va favoriser des amis.
M. le Président, j'ai nettement l'impression que les
Québécois, qui vivent dans cette situation néfaste et
lamentable, réalisent très bien que leur gouvernement est le plus
mal administré, que leurs deniers publics sont les plus mal
administrés dans tout le Canada; et c'est malheureusement au
Québec qu'on a ce championnat. C'est malheureusement au Québec
qu'on a une équipe qui a attribué dans le passé, qui
attribue présentement et qui va continuer à l'avenir à
attribuer la faute à tout le monde, de chaque côté de lui.
Il ne sera jamais capable de prendre ses propres responsabilités, parce
que ce n'est pas un gouvernement d'adultes. C'est un gouvernement qui cherche
à trouver des torts
chez les autres, se croyant lui-même sorti de la cuisse de
Jupiter. La plupart de ses membres le croient.
Je suis d'accord avec certaines coupures dans certains domaines. Mais au
moins qu'on ait donc le culot dans ce gouvernement... Qu'on nous dise qu'on
veut hausser les taxes, qu'on veut taxer davantage les citoyens pour leur
laisser les mêmes services à tous les niveaux. Je serais
prêt à accepter une politique semblable, mais je n'accepterai pas
une politique et les Québécois non plus n'accepteront pas une
politique qui veut qu'on augmente les taxes de façon hypocrite dans tous
les domaines, comme vous l'avez fait, messieurs, et qu'on diminue les services.
Entre une augmentation de taxes et une diminution de services, le fossé
est trop large et il y a de l'argent qui se promène quelque part et dont
personne ne sait où il va. Ce serait bien important qu'une fois pour
toutes votre gouvernement décide de faire la lumière
là-dessus. Si vous rencontrez votre population le moindrement, tout le
monde vous dit: Qu'est-ce que ce gouvernement fait de tout cet argent qu'il
perçoit? À l'entendre parler, ce n'est pas à lui à
s'occuper d'économie. À l'entendre parler, c'est au gouvernement
fédéral qu'appartient le développement économique.
Alors, nos gouvernants ne doivent pas s'occuper d'économie. Les
municipalités savent très bien depuis un bout de temps qu'on leur
met tout entre les mains: les chemins municipaux et à peu près
tous les travaux qu'elles ont à faire. On coupe le programme PAIRA,
comme paiera pas, institué par l'ex-ministre des Affaires municipales.
On remet tout entre les mains des municipalités et on dit que c'est la
faute de tout le monde. Notre gouvernement qu'est-ce qui va lui rester à
faire? Percevoir les taxes uniquement pour faire de la propagande
séparatiste et pour tout simplement célébrer la fête
nationale des Québécois? C'est cela que vous voulez qu'il vous
reste à faire? Messieurs, vous allez sûrement vous rendre au bout
de votre mandat, faire vos cinq ans, parce que vous êtes des
spécialistes dans ce domaine, mais la population ne se fera pas attraper
une deuxième fois. J'ai l'impression que si vous aviez le courage de
déclencher des élections sur certaines politiques que vous mettez
de l'avant, vous auriez une drôle de surprise avec ce que la population
vous réserverait et vous dirait lors d'un scrutin
général.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laporte.
Une voix: Faire un référendum!
Une voix: S'il vous plaît!
M. Bourbeau: M. le Président. Le chef de l'Opposition...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député de Laporte, vous avez la parole.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Je vous remercie, M. le Président. Le chef de
l'Opposition, comme je le disais si bien tout à l'heure, propose une
motion qui vise à blâmer sévèrement le gouvernement
péquiste d'être responsable en grande partie de la situation
économique extrêmement difficile que connaît actuellement le
Québec.
Mes prédécesseurs, les députés de
Vaudreuil-Soulanges, de Mont-Royal et de Maskinongé, ont amplement
démontré, à la suite du chef de l'Opposition, pourquoi et
comment la crise économique qui nous écrase présentement
au Québec est pire que partout ailleurs au Canada...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Bourbeau: ... et même en Amérique. Je ne
reviendrai pas sur les points qu'ils ont développés, mais
j'aimerais quant à moi ajouter un élément nouveau,
indiquer un autre domaine dans lequel le gouvernement du Parti
québécois a littéralement gaspillé et continue
encore de gaspiller des fonds publics dont on aurait tant besoin ailleurs dans
cette période difficile. Il s'agit de la malheureuse aventure du
gouvernement dans Quebecair, où le gouvernement a englouti 15 000 000 $
pour rien, pour rien, pour ne créer aucun emploi, cédant ainsi
à un nationalisme rétrograde, étroit et
complètement ignorant des réalités économiques. On
a sentimentalement englouti 15 000 000 $ dans Quebecair uniquement pour flatter
ce nationalisme étroit et pour que les nostalgiques de
l'indépendance puissent se rassurer en pensant que Quebecair sera l'Air
Canada d'un Québec indépendant, comme Pétro-Québec
pourrait devenir le Pétro-Canada, etc., etc.
Les questions à se poser sont les suivantes: Le Québec
a-t-il les moyens de se lancer dans l'aéronautique? Cet investissement
sera-t-il rentable et est-ce nécessaire pour assurer le bien-être
des Québécois? La réponse, évidemment, c'est non,
mais voyons les faits. Je dois dire à ce sujet qu'il est difficile
d'avoir des faits, étant donné que quand on pose des questions au
ministre des Transports sur ce sujet il répond, et il répondait
en Chambre: "À compter du moment où on investit dans une
compagnie privée, je n'ai pas à donner l'ensemble du portrait de
la compagnie
privée qu'est Quebecair." Voilà ce que disait le ministre
des Transports.
Or, en dépit de cela, on sait qu'à l'été
1981 Quebecair était en difficulté. Quebecair avait d'ailleurs
perdu 1 200 000 $ en 1980. Or, à l'été 1981, la compagnie
Nordair faisait une offre à Quebecair pour acheter ses actions, au
montant d'environ 7 000 000 $. Cette offre aurait permis de consolider les deux
compagnies et fait en sorte qu'on aurait pu épargner beaucoup d'argent
en consolidant les équipements, le personnel et en évitant
évidemment le dédoublement sur les lignes.
Je pense que tous les intervenants dans le dossier sont d'accord qu'il
n'y a plus de place dans l'Est du Canada, en tout cas dans l'Ontario et le
Québec, pour deux transporteurs de second niveau, étant
donné que les coûts de fonctionnement des compagnies de transport
ont augmenté d'une façon importante au cours des dernières
années.
Au mois de juillet 1981, le gouvernement du Québec, le ministre
des Transports et son collègue, le ministre d'État au
Développement économique qui, incidemment, est demeuré
étrangement muet dans cette affaire depuis que l'investissement semble
avoir mal tourné, donnent une conférence de presse dans laquelle
ils déclarent que le gouvernement vient d'investir 15 000 000 $ dans
Quebecair pour, disaient-ils, consolider la situation financière de
l'entreprise qui en avait bien besoin, on le sait, et pour empêcher que
le contrôle ne passe entre les mains de Nordair et d'Air Canada.
Or, M. le Président, qu'est-ce que c'est que Nordair? Est-ce
vraiment une société étrangère? Nordair est une
société dont le siège social est à Montréal.
Nordair est dirigée par un conseil d'administration dont la
majorité des membres sont des Québécois et des
francophones. Nordair possède environ 1300 employés dont 1000,
environ, sont des Québécois. Il ne s'agit donc pas là,
évidemment, d'une société étrangère.
Les actionnaires de Nordair sont Air Canada, notre transporteur
national, et la société d'investissement Desjardins qu'on ne peut
pas taxer non plus d'être une société
étrangère. Ce qu'il y a de plus extraordinaire dans cette
aventure, c'est que, lors de l'investissement dans Quebecair, le gouvernement
est venu au secours de la compagnie en difficulté et ce sont les
actionnaires de la compagnie qui ont posé des conditions au
gouvernement. Ils ont dit: Si vous voulez nous dépanner, nous allons
poser nos propres conditions. C'est comme si on avait quelqu'un qui est en
train de se noyer et, alors que s'approche un sauveteur, la personne en train
de se noyer dit: Je vais vous permettre de me sauver à la condition que
vous me donniez en plus le bateau dans lequel vous vous trouvez. C'est à
peu près ce que les actionnaires de Quebecair ont fait.
Le gouvernement a alors dit: Très bien, nous allons vous
dédommager, nous allons vous rembourser tout ce que vous avez mis dans
la compagnie et, en plus, on va même vous payer un profit. Quand le
gouvernement a dit qu'il avait investi 15 000 000 $ dans Quebecair, c'est faux,
parce que 4 500 000 $ environ - encore là, c'est difficile d'avoir les
chiffres exacts puisque le ministre des Transports refuse de donner les
détails - n'ont pas été dans le fonds de Quebecair, mais
dans la poche des actionnaires de Quebecair. La compagnie est donc
restée avec 10 000 000 $ ou 10 500 000 $ dans son fonds de
roulement.
En plus, les actionnaires de Quebecair ont exigé que le
gouvernement rachète, en juillet 1983, non pas l'été qui
vient mais le suivant, le solde, la balance des actions de Quebecair qu'ils
détiennent pour une somme d'environ 2 500 000 $ à 3 000 000 $.
Les actionnaires ont également stipulé que, si ça va bien
chez Quebecair l'été prochain, à l'été 1983,
ils pourront demeurer dans Quebecair, ils pourront garder leurs actions; si
ça va mal, le gouvernement sera obligé d'acheter les
actionnaires, de sorte que les actionnaires, eux, sont sûrs de s'en
sortir avec un profit, même si la situation de la compagnie est
catastrophique, alors que le gouvernement restera avec la compagnie sur les
bras.
Qu'est-ce qui s'est passé depuis cette date? Le gouvernement,
selon nos renseignements, a placé ses propres représentants au
conseil d'administration de la compagnie et la compagnie fonctionne depuis
juillet 1981. Or, malheureusement, la compagnie - et nous le déplorons -
a fait des déficits importants depuis juillet 1981 et, récemment,
le journal La Presse du 11 février annonçait un déficit
d'au moins 6 000 000 $ pour l'année 1981. C'est donc dire que le fonds
de roulement de la compagnie s'est gravement détérioré et
il est à craindre que le gouvernement devra bientôt
réinvestir dans la compagnie.
Or, le ministre des Transports disait en cette Chambre qu'il est normal
que Quebecair perde de l'argent car tous les transporteurs perdent de l'argent
dans le domaine aérien. Récemment, on apprenait qu'Air Canada
annonce des profits de 25 000 000 $ au moins ou elle va l'annoncer en 1981.
Quant à Nordair, il semble que ses profits seront de l'ordre de 2 500
000 $. Il n'est donc pas exact de dire que ça va si mal dans le
transport aérien au Canada.
La vérité est que le gouvernement a fait une mauvaise
affaire, une mauvaise transaction et il devra bientôt réinvestir
dans Quebecair exactement comme il l'a fait pour Tricofil. C'est à se
demander combien vaut
Quebecair aujourd'hui. On sait que Quebecair valait 7 000 000 $
l'été dernier, puisque c'était le montant de l'offre de
Nordair. Depuis ce temps, la compagnie a perdu 6 000 000 $. On peut donc penser
qu'à l'heure actuelle, la compagnie vaut 1 000 000 $, 2 000 000 $,
peut-être 3 000 000 $, ce qui veut dire que le gouvernement a investi
dans cette affaire quatre fois, peut-être cinq fois la valeur actuelle de
la compagnie.
Le ministre des Transports continue à prétendre que c'est
une compagnie privée et qu'il n'a pas à donner l'ensemble du
portrait de la compagnie Quebecair. Je demande: Combien d'argent le
gouvernement devra-t-il engloutir dans Quebecair avant de reconnaître
qu'il s'agit d'une compagnie d'intérêt public? Quand un
gouvernement investit de trois à quatre fois plus d'argent dans une
société que la valeur nette de la société, j'estime
que c'est devenu une société publique et que les citoyens et les
membres de l'Opposition ont le droit de savoir ce qui se passe à
Quebecair.
Est-ce qu'on doit blâmer les actionnaires de Quebecair, comme le
disait le ministre des Transports? Le ministre des Transports prétendait
que l'Opposition blâmait les administrateurs de Quebecair. Pas du tout,
ce sont des hommes d'affaires qui s'en sont très bien tirés. Ils
ont été très astucieux dans cette affaire. Quand le
Père Noël s'est présenté, on ne peut pas les
blâmer d'avoir accepté une offre aussi extraordinaire. Si le
gouvernement voulait faire une telle offre à la plupart des entreprises
québécoises en difficulté actuellement, je suis convaincu
que la plupart d'entre elles sauteraient sur l'occasion de rembourser leur
investissement en plus d'un profit. (21 heures)
M. le Président, je vais maintenant conclure parce que mon temps
est presque écoulé. En conclusion, je dirais ceci. En
évoquant l'aventure du gouvernement dans Quebecair, j'ai voulu, au cours
de ma courte intervention, donner un exemple typique de la mauvaise gestion du
gouvernement, du gaspillage éhonté des fonds publics auquel le
gouvernement se livre alors que tant de Québécois sont aux prises
avec des problèmes économiques aigus et luttent pour la plus
élémentaire survivance matérielle. Pendant que le
gouvernement gaspille des millions dans Quebecair et ailleurs pour flatter la
fierté nationaliste de certains, d'autres manquent du minimum vital et
de l'essentiel. C'est pourquoi, M. le Président, j'appuierai sans
réserve la motion du chef de l'Opposition. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. I want to speak in
support of the motion de notre chef de l'Opposition. In the very few minutes
available to me, I want to sight just a few flagrant examples from the world of
education in Québec of the mismanagement of funds, the highly
questionable Government priorities, the shortsighted human resource development
policies and the apparently deliberate moves to destabilize our society in
Québec, all of which are resulting in a serious loss of confidence in
the ability of Government to manage our public moneys and are discouraging
investors and causing a continuous exodus of our citizens to other provinces
and other countries. In the 1979-1980 budget, Mr. Parizeau admitted that
education in this province at the elementary and secondary levels cost 500 $
more per pupil than it does in Ontario. Now, this is not because we are doing a
better job as the Minister of Education has hinted. It is because, primarily,
of ridiculous agreements about working conditions that we have made with our
teachers in this province.
First example: the scandalous situation in regard to the surplus of
teachers in this province. In October 1981, according to a report of the
treasury, there were 3743 teachers in surplus, which cost the Government of
Québec 102 000 000 $. Of course, there is a ridiculous limitation in the
agreement with the teachers that teachers can refuse to move if they are
offered a job more than 50 kilometers away. But not only that. Because the
Government could not keep the commitment that was made for the security of the
teachers, they tried to pass it along to the school boards and insisted that
the school boards use these teachers as substitute teachers, which is a false
economy because it costs twice as much to hire a surplus teacher per day as it
does for a regular teacher. This is a public scandal, Mr. Chairman, and a gross
mismanagement of public funds. The second example relates to dropouts. We have
in this province 51 000 young Quebeckers who leave school before the end of
their secondary studies every year. Some school boards and some community
organizations are trying to do something about it and they are having a great
difficulty in getting funds, even meagre funds, to try and get these kids back
on track and give them a chance to enter the labour market as useful
citizens.
There are a lot of holes in the system which I think the Government
should look at because when you are fifteen years old, you can leave school
without the consent of your parents and many many thousands of kids do. You
have to be sixteen years old to work, but you cannot get manpower retraining
until you are 18 years old. There is a big gap
there and too many of these young people are ending up as delinquents.
Yet, our Government is prepared to pay 35 000 $ a year to keep a young
delinquent person in detention center when for that kind of money, we could do
a far better job in terms of prevention programs at the community level and
helping local initiative that is trying to do something about it. Too often,
delinquents that end up in detention centers, it is too little too late.
The third example of the policies of this Government in relation to
education are the successive leaks that we have been receiving about the
intention of the Government to reorganize the entire education system. The news
that we have been receiving successively is a total dismantling of the entire
elementary and secondary education system. No job, no role, no parent, no
structure is left untouched. Everyone is on edge about this project. Thousands
and thousands of man-hours of concern or study are going on in the educational
system and all the people that are part of that educational system are
concerning themselves about the realities and the potential and the possible
changes that may result from that Government project.
I have been travelling around this province for the last few months,
listening to people as to what they think about this project and I can tell you
that the people in Québec are fed up with reform in education. What the
people are saying is that they want peace in education. We have had enough
reform over the last few years. The public has not asked for reorganization.
However, Dr. Laurin seems to feel that we need it nevertheless. We are fed up
with government intervention in education. That is what the people are saying
and they feel that it is an attack on democracy - a very essential institution
in a democratic country - to dismantle our school boards. They are not prepared
to give up their values and control of their values in their schools to any
Government so that the values of the Government can replace their local
community values.
There is nothing in the reorganization project - and this is what the
people have been telling me - that is going to improve the quality of
education. If the Government really wants to improve the quality of education,
they should abandon the reorganization project and get on with the real
problems: second language learning, career education and better education for
the handicapped. These are the real problems. Too much government intervention
and restrictions of the teachers' contract are constantly raised as problems
that the Government should address themselves to.
Tonight, I am wearing a button. It says: "Ne touchez pas à nos
écoles, M. Laurin."
That is what the people think of restructuralization.
The second point is the upside-down priorities of the Government with
respect to our policies on human resource development. Three quick examples:
First of all, the drastic cuts in the university budgets. This is a long-term
economic and social disaster. Universities are international enterprises and
the result of these cuts is going to be the loss of applied research and
technological development - that is what we need in this province - the loss of
brains, the loss of professional expertise and these drastic cuts are going to
result in these kinds of losses. (21 h 10)
The new "régime pédagogique" being introduced in the
schools is insane in terms of our need for technologists and scientific
expertise. What the Ministry of Education is proposing is watered down maths,
watered down physics, watered down chemistry. This is exactly the direction
that we do not need to go. The priorities are all wrong. We need scientists, we
need technologists. That is where the jobs are, that is were the jobs will be.
Québec is desperate for these skills and in the long-term, we are going
to end up importing these skills and putting the people in Québec on
unemployment insurance, in the ever growing rank of the unemployed in
Québec.
Adult education cuts also are hitting the poorest and those in most need
of education. I think that these are upside-down priorities again, in terms of
human resource development.
Mr. Chairman, these are just a few examples, all from education, and
they could be multiplied dozens and dozens of times in other fields. These
things are not the "faute d'Ottawa ni la faute des provinces anglophones", they
are the fault of upside-down priorities in Québec. It is time we get our
priorities straight; otherwise, it is going to be downhill all the way for our
economy.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre
d'État au Développement économique.
M. Bernard Landry
M. Landry: M. le Président, l'Opposition s'était
fixé, comme cela lui arrive souvent, une tâche impossible,
comparable à celle qu'elle s'était fixée de devenir le
gouvernement. Elle a échoué, cette fois-ci comme l'autre, parce
qu'il était virtuellement impossible, d'une part, de convaincre le
gouvernement de voter pour sa motion - ça n'a rien de très
original - et parce qu'il est absolument impossible de convaincre quelque
citoyen un tant soit peu objectif dans tout le territoire du Québec et
ailleurs... À la conférence des premiers
ministres, à Ottawa, tout le monde était d'accord que la
politique monétariste, l'obsession monétaire rétrograde et
dure du gouvernement du Canada ruine les économies.
Donc, ni à l'intérieur du Québec, ni à
l'extérieur, ni une majorité de cette Chambre ne croira la
substance de la motion de l'Opposition parce qu'elle est contraire à la
réalité. Le gouvernement peut prendre le blâme dans les
secteurs de sa juridiction et peut même le prendre en grande partie, mais
dans le domaine de la catastrophe économique que nous inflige le
fédéral nous ne prendrons pas le blâme, et pas pour des
raisons de politique partisane, mais simplement parce qu'accepter ce
blâme est totalement contraire aux réalités les plus
fondamentales du système économique canadien. Tout le monde sait
cela.
Pour l'illustrer, chacun se souviendra que lorsque ce gouvernement...
Encore là, je ne veux pas être triomphaliste d'aucune
manière, on n'a pas fait de miracle, ni dans le bien, ni dans le mal.
Oui, c'est la faute du fédéral. Vous pouvez sortir votre cri
guttural qui ressemble plus à ceux que poussaient les hommes des
cavernes, mais ça ne changera rien aux réalités. Que l'on
dise le mot "fédéral" avec vos accents préhistoriques ou
qu'on le dise autrement, c'est le fédéral qui est responsable de
la crise que le Québec vit présentement. Si vous n'étiez
pas une succursale du parti qui gouverne à Ottawa, vous-mêmes
seriez les premiers à le reconnaître. Vous vous comportez
tellement en succursale des fédéraux que même au sein des
troupes fédérales, il y en a dix - je vous l'ai dit hier,
ça a été publié dans les journaux - dont deux
ministres, qui ont blâmé la politique de leur gouvernement. Qu'il
y en ait donc qui se lèvent, ici, pour avoir au moins autant de sens
critique à l'endroit de vos principaux et maîtres que la
députation libérale fédérale en a à
l'endroit de la politique du gouvernement du Canada.
Je disais donc que, sans prétendre avoir réglé tous
les problèmes économiques du Québec, ni même avoir
produit de miracles économiques, il faut se souvenir que, lorsque ce
gouvernement a pris le pouvoir en 1976, le taux de chômage à
l'automne 1976 était d'environ 10% après avoir connu une
très brusque remontée au cours de l'année 1976, durant
l'été en particulier.
Nous avons, en dépit d'une entrée record sur le
marché du travail dans l'histoire du Québec de jeunes hommes et
de jeunes femmes qui faisaient partie des contingents démographiques les
plus nombreux... L'exode le plus fort a été en 1970, vous le
savez très bien et le député de Notre-Dame-de-Grâce
ne devrait pas plaisanter avec des réalités aussi profondes. Ce
n'est parce qu'il m'interrompt que ça me choque, c'est parce qu'il dit
des sottises. La province qui perd le plus... Vous aimeriez cela attribuer cela
à la loi 101, oui, je connais vos obsessions là-dessus. La
province qui a perdu le plus de citoyens au Canada, proportionnellement et en
chiffres absolus, c'est l'Ontario et je ne sache pas que ce soient ses
législations linguistiques qui fassent fuir quiconque, sauf
peut-être les francophones hors Québec qui, eux, pourraient
rapatrier au Québec.
Je disais donc qu'en dépit de l'arrivée des contingents
démographiques les plus importants de l'histoire, nous avons
réussi à ramener ce chômage à des proportions encore
inacceptables, mais autour de 8%. Nous avons vu les PME, dans toutes les
régions du Québec, remplir des parcs industriels qui
étaient jusque-là déserts et remplir les espaces
excédentaires dans ceux qui connaissaient un certain
développement. Cela a été le cas de ma propre ville de
Laval où on a été obligé par deux fois de
subventionner des extensions au parc industriel qui est encore en train de se
remplir.
La ville de Montréal, au moment où l'on parle, en termes
de constructions qui reflètent l'attitude des investisseurs du secteur
privé face à l'économie, celui des tours à bureau,
en a plus qui s'érigent et là, on n'a pas besoin d'être de
l'Opposition ni du gouvernement pour savoir cela, on a juste à se
promener au centre-ville de Montréal. Il y a pour 800 000 000 $ de tours
maintenant qui s'élèvent à Montréal, qui ont toutes
été commencées d'ailleurs avant la crise des taux
d'intérêt. Jamais à Montréal, même au temps
où on a construit la place Ville-Marie, où il y a eu des bonnes
années dans le passé, jamais on n'a approché, même
défalqué d'inflation, le chiffre de 800 000 000 $.
Donc...
M. Chevrette: M. le Président, question de
règlement. Le député de Notre-Dame-de-Grâce n'est
même pas à son bureau.
Le Vice-Président (M. Rancourt): ...
M. Landry: Je remercie d'ailleurs le député de
Mégantic-Compton qui est de la même formation politique que le
député de Notre-Dame-de-Grâce et qui lui signale avec
beaucoup de bon sens qu'il ne devrait pas interrompre les orateurs qui
parlent.
Nous avons donc connu, avant que ne survienne le coup de Jarnac
monétaire, d'excellentes années. Et cela n'a pas
été uniquement le fait de la dépense publique qui avait
toujours joué un rôle très important dans notre
développement économique. À la révolution
tranquille, on a déclenché de très grandes vagues
d'investissements dans les polyvalentes, dans les autoroutes, dans les
hôpitaux et l'investissement public, l'argent
des taxes avait largement pris le relais d'un secteur privé qui,
il faut le dire, était ou déficient ou vieillot, mais ne faisait
pas sa tâche.
Or, voici que cette situation elle-même s'est renversée.
Alors qu'en 1979, les investissements privés faisaient 58,4% de tous les
investissements globaux au Québec, en 1981, on était rendu
à 65,9%. C'est là qu'on voit le rôle fantastique que les
PME québécoises ont joué entre la période 1976 et
1980. À un point tel que ces entreprises ont créé neuf
nouveaux emplois sur dix. Cela ne veut pas dire que les grandes entreprises ont
été paresseuses. Je pense, par exemple, à un excellent
citoyen corporatif du Québec, l'Aluminium du Canada. Ils ont investi,
dans la seule ville de La Baie au Lac-Saint-Jean, dans une des usines
d'aluminium les plus modernes du monde - la plus moderne du monde, disons les
choses, c'est la dernière rentrée en ligne - plus de 500 000 000
$. Cependant, ces grandes firmes, par gain de productivité, par
progrès technologique; même en investissant des sommes aussi
extraordinaires, ne font que consolider le potentiel économique du
Québec et ne créent que peu d'emplois parce que les
méthodes d'aujourd'hui... La cuve d'aluminium telle qu'on la voit
à La Baie n'a rien de commun avec les premières qu'on a vues
à Shawinigan au début du siècle, cela prend beaucoup moins
de monde, etc. (21 h 20)
Par conséquent, les grandes entreprises ont fait leur travail.
Pratt & Whitney, autre citoyen corporatif exemplaire du Québec, tant
au plan de la recherche que de la création d'emplois, a investi à
tour de bras, mais à cause de méthodes de productivité
élevée, la création d'emplois n'est pas tellement
grande.
Donc, ce qui nous a permis d'absorber ces jeunes qui sont venus sur le
marché du travail, c'est l'effort de nos PME qui ont créé
neuf emplois sur dix dans l'économie. Ce sont ces PME qui se sont fait
casser les reins par l'obsession monétaire fédérale. Ce
n'est pas la première fois que cela arrive.
Il y a un ouvrage extrêmement intéressant que je recommande
aux quelques individus qui lisent encore en économie sur les banquettes
d'en face, au chef de l'Opposition en particulier qui n'est peut-être pas
spécialisé en économie mais qui, au moins, est un homme
intéressé à la lecture et aux ouvrages. Je lui souhaite de
lire l'ouvrage de Robert Lacroix et Yves Rabeau qui s'appelle Politique
nationale et conjoncture économique régionale. Il apprendra dans
cet ouvrage... Si vous l'avez lu, vous ne l'avez pas compris. J'ai entendu
votre discours cet après-midi. C'est un ouvrage qui démontre
clairement une des prétentions de base de notre formation politique,
mais ces deux individus ne sont pas des partisans. Ce sont des
économistes, des chercheurs, vous les connaissez, même que -je ne
me trompe pas et je ne veux pas insinuer quoi que ce soit - ils seraient
plutôt de votre bord que de notre bord. Ces gens-là mettent bien
en lumière la véracité d'une de nos prétentions
fondamentales, à savoir que le système économique canadien
depuis la Confédération ruine littéralement
l'économie du Québec et produit une hémorragie constante
que même un fédéraliste - même un
fédéraliste, là-dessus on va pouvoir s'entendre, vous
êtes fédéralistes - devrait dénoncer inlassablement.
Au lieu de taper sur le gouvernement du Québec, comme vous le faites
pour des fins partisanes dans votre motion, attaquez-vous donc à la
racine du mal! Tout fédéralistes que vous êtes, admettez
donc une bonne fois pour toutes que, premièrement, l'économie
canadienne, depuis dix ans, sous le gouvernement fédéral actuel,
libéral en particulier, connaît la plus mauvaise gestion de son
histoire. Quand ces gens-là sont arrivés au pouvoir, le Canada
devait se classer probablement au troisième ou quatrième rang de
tous les niveaux de vie du monde. Il est maintenant au quinzième ou
quatorzième rang - en excluant les émirats arabes qui viendraient
fausser les statistiques - des puissances occidentales recensées par
l'OCDE. Donc, d'une part, dix ans de gestion économique
fédérale aberrante.
Le dernier exemple en lice, c'est l'aventure de Consolidated Computers.
Le MIC fédéral, dirigé par M. Herb Gray, qui est en
même temps responsable du développement économique
régional - cela promet - a investi 150 000 000 $ - écoutez cela -
dans une entreprise. Ils n'ont jamais donné 150 000 000 $ pour toutes
les entreprises du Québec dans l'électronique. Ils n'ont pas
donné cela à une des nôtres. Tout ce qu'ils ont
donné en électronique au Québec additionné ne fait
pas ce qu'ils ont donné à une firme, Consolidated Computers.
Une voix: En Ontario.
M. Landry: En Ontario. C'est en Ontario, bien entendu. Les
derniers 25 000 000 $ qu'ils ont mis, ils les ont mis alors que l'entreprise
était déjà virtuellement en faillite, uniquement dans un
projet soi-disant pour sauver la face et retarder une échéance
qui était devenue inéluctable.
Donc, une gestion économique fédérale depuis dix
ans catastrophique, mais, M. le Président, même si elle avait
été bonne, cette gestion, mais elle ne l'était pas... Cela
peut faire plaisir, ce que je dis là, à certains d'entre vous en
face, qui ont été tellement insultés par les
fédéraux. Quand je parle sur ce ton, ça peut vous procurer
certaines satisfactions, peut-être que le chef de l'Opposition y prend
quelque plaisir, mais même s'ils avaient été bons, Lacroix
et
Rabeau démontrent bien que le système est vicié et
qu'on ne peut pas traiter à partir d'Ottawa, par les bureaucrates
fédéraux et d'une manière centralisée,
l'économie de la Haute-Gatineau comme on traite celle de Mississauga ou
celle de Gaspé comme on traite celle de Saskatoon et Moose Jaw.
Il aurait fallu depuis longtemps que la politique fédérale
soit décentralisée. Si vous aviez voulu servir le Québec
avec votre motion, c'est de ça que vous nous auriez parlé,
mesdames et messieurs de l'Opposition, c'est ce que vous auriez mis en
lumière. Vous auriez mis en lumière que des milliers et des
milliers d'hommes et de femmes du Québec souffrent aujourd'hui à
cause d'un phénomène dont ils ne sont nullement responsables,
l'"inadministrabilité" de la politique fédérale canadienne
depuis un siècle. Les quinze dernières occasions où le
gouvernement du Canada est intervenu dans l'économie - et on a fait
faire une étude systématique dans les services de l'Office de
planification du développement du Québec avant même que
nous n'arrivions au pouvoir - les quinze interventions fédérales
du genre de celles qu'on subit, malheureusement des plus graves, ont
été diamétralement opposées à
l'intérêt québécois. En d'autres termes, quand on
voulait guérir une maladie purement ontarienne, surchauffe dans
l'économie ontarienne ou autre tension, on administrait un
remède, un remède de cheval, qui, au Québec, loin de
guérir quoi que ce soit, créait en général une
maladie que nous n'avions pas.
Quinze fois de suite et ça nous coûte...
Une voix: Votre solution?
M. Landry: Notre solution? Le député, qui n'occupe
même pas son fauteuil, demande quelle est notre solution. Vous savez que
notre solution, nous n'en avons jamais eu honte et nous l'avons
proposée.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le ministre. S'il vous plaît! Je ferai remarquer que ceux qui veulent
prendre la parole doivent, en premier lieu, être à leur fauteuil,
et, en deuxième lieu, j'aimerais, pour la bonne entente de cette
Assemblée, qu'on laisse parler l'orateur et, par la suite, on pourra
répliquer. M. le ministre.
M. Landry: M. le Président, je vous remercie d'abord de
votre intervention qui va me faciliter la tâche. Il y a beaucoup de
diagnostics qu'on pourrait porter sur les interventions et les quolibets dont
j'ai été victime durant mon intervention de la part des gens d'en
face, mais je pense que ce qui est le plus sûr, c'est que ça leur
fait mal de se faire dire certaines vérités
élémentaires et je vais continuer pendant le peu de temps qu'il
me reste à leur en servir quelques autres.
Nous parlions donc de notre solution. J'ai dit que notre solution, nous
l'avions présentée à la population depuis des
années. Elle fait constamment des gains, elle n'a jamais reculé
et elle s'imposera avec limpidité un jour, mais, avant que ce jour
n'arrive, même pour un fédéraliste, je le
réitère, l'honnêteté québécoise
élémentaire consiste, en matière économique,
à faire une critique serrée et vigoureuse de l'actuel
système économique canadien, qui casse les reins de notre
économie d'une expérience à l'autre. Là, ça
va nous coûter des dizaines de milliards de dollars en perte de produit
national brut, mais si c'est arrivé quinze fois depuis 40 ans,
voyez-vous ce que cela nous a coûté, votre attachement aveugle et
dépourvu de toute critique vis-à-vis du système
fédéral canadien? Je pense que si l'Opposition avait
été sincère, son attitude aurait été non pas
de présenter cette motion d'une part négative et fausse et qui
vise uniquement des avantages partisans grappillés sur la misère
du monde, si l'Opposition avait été sincère, elle aurait
appuyé, comme je m'y attendais peut-être un peu naïvement, je
le confesse, notre propre motion. (21 h 30)
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Landry: Elle aurait appuyé notre propre motion qui, au
lieu d'être une motion de critique négative, comme c'est la
maladie congénitale de cette Opposition qui propose un fonds d'urgence,
en d'autres termes, qui, au lieu de se borner à des gémissements,
comme vous l'avez fait dans vos textes et dans vos discours, proposait l'action
dans vos propres comtés, dans nos circonscriptions des deux
côtés de la Chambre. Les gémissements ne produisent pas
d'emplois, mais le fonds d'urgence que nous avons proposé dans notre
motion, lui, est en mesure de conserver des emplois et, éventuellement,
quand l'orage sera fini, d'en créer d'autres.
Je pense que c'est à cela que la population du Québec
s'attend de la part du gouvernement, beaucoup plus qu'à des
jérémiades sans fin, qui ne sont basées, en particulier,
dans le cas de l'Opposition, sur aucune espèce d'analyse concrète
de la réalité économique canadienne que vous devrez un
jour regarder en face.
Des voix: Très bien! Très bien!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Richmond.
M. Yvon Vallières
M. Vallières: Merci, M. le Président. Je n'ai point
l'intention d'être très long, voulant laisser tout le temps requis
au chef de l'Opposition pour répliquer en particulier à
l'exposé du ministre que nous venons d'entendre. Le ministre se vantait
tout à l'heure de ce qui pouvait se passer au niveau de sa ville. Je
dois lui dire, pour avoir circulé un peu partout au Québec au
cours des derniers six mois, que rares sont les parcs industriels au
Québec qui, actuellement, fonctionnent à plein régime.
Ceux qu'il nous a mentionnés étaient probablement des cas
d'exception.
Qu'il suffise de circuler un peu dans le Québec pour constater
jusqu'à quel point notre économie est dans une situation
lamentable. J'aurais aimé, si le temps me l'avait permis, vous parler de
cette pluie de taxes qui s'acharne sur tous les contribuables du Québec.
J'aurais aimé vous parler de cette taxe qui frappe tous les
Québécois par le biais d'Hydro-Québec et aussi de cette
nouvelle taxe sur l'essence, mais je m'attarderai plutôt sur cette
attitude, cette incompétence du gouvernement actuel à faire de
bons choix, à identifier les bonnes priorités. Au lieu de
stimuler l'économie et de créer de l'emploi, ce gouvernement
investit dans des domaines qui ne sont pas absolument nécessaires.
L'exemple clé que je pourrais vous donner est l'achat d'Asbestos
Corporation.
Ce gouvernement, qui avait déjà acquis la mine Bell
Asbestos, a décidé d'acquérir également la mine
d'Asbestos Corporation. Évidemment, il s'agit là de plusieurs
dizaines de millions de dollars qui se sont engouffrés dans une
industrie dont on n'a bénéficié d'aucune retombée
en termes de création de nouveaux emplois au Québec.
Malgré ce déficit astronomique qu'a créé le
gouvernement, malgré les coupures sauvages de services, nous pouvons
nous permettre, nous, du Québec, d'acheter des mines d'amiante!
Ce gouvernement a également, quand il s'est porté
acquéreur d'Asbestos Corporation, fait une erreur monumentale en ne
faisant pas d'offre aux actionnaires minoritaires. Comme vous le savez, la
Caisse de dépôt et placement du Québec participe, par le
biais de 280 000 actions. On voyait, par exemple, hier à la Bourse le
prix des actions d'Asbestos Corp. à 14 $; elles ont donc baissé
de 28 $ depuis que la transaction s'est faite entre le gouvernement et General
Dynamics, ce qui peut signifier une perte de l'ordre de 7 800 000 $ pour la
Caisse de dépôt et placement du Québec.
Cela ne s'arrête pas là, M. le Président. Ce geste
qu'a posé le gouvernement du Québec peut être
néfaste pour l'économie des régions de l'amiante
elles-mêmes. Est-ce que cet achat, M. le Président, a
amélioré la situation des travailleurs qui sont visés,
ceux de la région de Thetford-Mines et d'Asbestos? Le chef de
l'Opposition recevait dernièrement du président du comité
des chômeurs de Black-Lake une lettre dont je vais vous lire au moins
quelques lignes qui vous indiquent la façon dont les gens de ce milieu
voient les gestes du gouvernement. "Nous aimerions qu'en tant que chef de
l'Opposition, à la prochaine journée de l'Assemblée
nationale, vous fassiez une intervention auprès de M. Duhaime sur la
question de la politique du Parti québécois qui avait pour but
premier de prendre une région donnée du Québec pour en
faire une réussite économique. Après cinq ans, ce n'est
pas une réussite, mais un fiasco. Mais le Parti québécois,
avec sa politique de l'amiante, de la façon qu'il procède, ne
semble plus avoir l'approbation de la population car la région de
l'amiante est une des pires du Québec économiquement."
Cela, M. le Président, c'est pour la région de
Thetford-Mines. Pour ce qui est de la région d'Asbestos,
dernièrement, un comité présentait au ministre qui vient
de s'exprimer avant moi, celui de l'expansion économique
régionale, un mémoire sur lequel on peut lire: Redressement
économique de la ville d'Asbestos. Situation de crise. Une autre ville
amiantifère, M. le Président. On peut y lire que, si la situation
économique d'Asbestos est à se détériorer
présentement, c'est précisément causé par une
mauvaise conjoncture au niveau des marchés de l'amiante. C'est donc dire
que, dans les deux principaux secteurs, M. le Président, cela ne va pas
bien à ce niveau. Au 1er avril 1982, dans la seule ville d'Asbestos, le
principal employeur, Johns-Manville Canada, aura mis 1000 travailleurs à
pied.
C'est vous dire, M. le Président, que ce geste qu'a posé
le gouvernement n'a absolument et d'aucune façon réglé le
problème que nous vivions dans le secteur de l'amiante. Par
surcroît, M. le Président, le gouvernement devenant
propriétaire de mines se place dans une situation très
délicate et j'aurai prochainement l'occasion, en cette Chambre, de
demander au ministre des Finances quelles sont ses intentions à
l'endroit de la Société nationale de l'amiante. Est-ce qu'on va
demander à cette société d'État, dans ses
opérations à l'intérieur des mines comme Asbestos
Corporation et Bell Asbestos, quel est le rendement qu'on va leur demander?
Quelle est la marge de profit qu'elles devront prendre? Est-ce qu'on va se
limiter, par exemple, pour sauvegarder des emplois à Thetford-Mines,
à des bénéfices se situant autour de la ligne zéro,
alors qu'on sait très bien, M. le Président, que ce serait
néfaste pour une région comme Asbestos, où on a une
entreprise privée qui ne peut se permettre de faire 0% de profit? C'est
donc dire qu'on
pourrait même assister au vol, littéralement, et je
pèse mes mots, M. le Président, des clients de Johns-Manville
Canada par la Société nationale de l'amiante? Je crois que ce
serait, là encore, très néfaste pour l'économie de
toute une région.
En terminant, je veux mentionner une phrase du premier ministre du
Québec quand il s'est présenté à Asbestos, à
la mi-novembre 1978, qui nous disait: Asbestos est dans le portrait de
l'amiante tout comme Thetford-Mines et Sherbrooke. Il est logique de
privilégier les deux grands centres de l'amiante. À ce jour, M.
le Président, Asbestos n'a d'aucune façon été
privilégiée. Si j'avais une recommandation à faire au
gouvernement, à moins qu'il ne change d'attitude, c'est de changer le
nom de la Société nationale de l'amiante en celui de la
Société thetfordoise de l'amiante, à la recommandation
d'ailleurs du maire de la ville d'Asbestos, car on est en train de créer
des préjudices sérieux aux travailleurs d'une autre mine qui est
celle d'Asbestos. Je veux blâmer ce gouvernement, au même titre que
le chef de l'Opposition dont j'appuie la motion, pour son inaction, au niveau
en particulier des régions et de celle de l'amiante, et pour les
bévues monumentales qu'il effectue dans le secteur. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): En vous accordant votre
droit de parole, M. le chef de l'Opposition, je vous dis qu'il reste onze
minutes. (21 h 40)
M. Claude Ryan (réplique)
M. Ryan: M. le Président, vous me créez une
situation impossible. J'ai entendu tellement d'affirmations sans fondement que
je ne pourrai pas dans onze minutes détruire le tort qu'elles ont pu
causer dans les esprits bienveillants de nos concitoyens. Il est dommage - je
pense qu'on peut le signaler au terme d'un débat comme celui-ci - que
les méthodes de travail de notre Chambre ne se prêtent pas plus
à des échanges continuels, mais donnent plutôt lieu
à une série de monologues et qu'il reste très peu de temps
à la fin pour entrer dans le vif de la discussion. Moi-même, je
regrette pour les gens du gouvernement qu'il ne leur soit pas donné de
me répondre après que j'aurai fini de parler, mais on accepte les
règles du jeu. On ne se plaint pas, mais cela limite
singulièrement l'utilité de débats comme ceux-ci.
Je voudrais résumer, dans le peu de temps qui me reste, les
éléments essentiels du débat. D'abord, nous avons
affirmé du côté de l'Opposition que le gouvernement a
donné le mauvais exemple de la gestion dans ses propres affaires, et je
le réaffirme avec d'autant plus de conviction que je n'ai entendu aucune
réfutation sérieuse. Je réaffirme, pour l'intelligence de
mon bon ami, le ministre des Finances, que le gouvernement, sous sa direction
financière, a été le champion de l'augmentation des
dépenses publiques au Canada depuis cinq ans. C'est lui qui a
augmenté ses dépenses publiques au rythme le plus
effréné, sauf l'Alberta, depuis les cinq dernières
années. Je lui fournirai volontiers les statistiques s'il veut les
avoir. Je n'utiliserai pas quelques chiffres isolés pour essayer
d'épater la galerie, parce qu'il faut prendre les chiffres dans un tout.
Deuxièmement, championnat des déficits gouvernementaux.
Troisièmement, championnat de l'endettement public et,
quatrièmement, championnat des taxes. Aucune de ces affirmations n'a
été réfutée pour une raison très simple;
elles sont irréfutables, elles sont inscrites dans les faits et dans les
chiffres eux-mêmes. Vous avez conduit le Québec au bord de la
crise financière, M. le ministre des Finances et messieurs du
gouvernement. Ceci est confirmé par deux économistes qui sont
très proches de vous, M. Pierre Fortin et M. Frenette, dans
l'étude qu'ils ont faite pour l'Office de planification et de
développement économique du Québec. Ils disent ceci:
"L'état des finances publiques au Québec est devenu très
sérieux depuis un an. Si un vigoureux coup de barre n'est pas
donné au cours des deux prochaines années, la situation pourrait
devenir critique." Ils ne disent pas que cela remonte à Mathusalem. "Au
cours de la dernière année, l'état des finances publiques
est devenu critique." S'il est devenu critique au cours de la dernière
année, c'est parce qu'il s'est passé un certain nombre de choses
qui étaient répréhensibles dans les années qui ont
précédé aussi. Sur ce point-ci, la démonstration
est faite. Elle n'a aucunement été ébranlée.
Deuxièmement, nous affirmons que sous la gestion du gouvernement
actuel, l'économie du Québec a accusé des reculs
sérieux par rapport à celle du Canada. C'est le point qui nous
sépare du gouvernement. Le gouvernement voudrait nous faire croire que
tous les malaises économiques du Québec commencent au mois de
juin 1981. C'est malheureux, mais cela commence en novembre 1976. Les
statistiques sur le chômage l'illustrent à l'abondance. Nous
n'avons pas le temps de faire la démonstration tout de suite, mais
l'écart entre le taux de chômage du Québec et celui de
l'Ontario ou celui de la moyenne canadienne s'est agrandi pendant les cinq
années de gestion péquiste. Il est peut-être plus grand
actuellement qu'à aucun autre moment, mais cet écart
s'était agrandi bien avant la hausse des taux d'intérêt du
mois de juin dernier et des semaines qui ont suivi.
Quant aux investissements et aux immobilisations, il y a un tableau ici
dans le résumé que le ministre d'État au
Développement économique a publié à la fin de
l'année: "Aperçu de la situation économique du
Québec". Vous avez des courbes là. C'est dommage qu'on ne puisse
pas les saisir. Je n'ai pas les moyens du gouvernement pour faire faire de
beaux graphiques avec des couleurs, mais il y a deux courbes ici, une qui
indique la part du Québec dans les immobilisations canadiennes et la
part du Québec par rapport à la part de l'Ontario dans le grand
tout canadien de 1971 à 1981. Vous avez une courbe, de 1971 à
1976, qui va comme ça et, de 1976 à nos jours, ça va comme
ça. La courbe est ici, le ministre pourra venir la vérifier par
la suite. Ce sont des statistiques qui émanent du gouvernement
lui-même, que nous n'avons pas inventées; nous n'avons aucun
intérêt à les inventer.
J'entendais le ministre d'État au Développement
économique dire que l'Ontario avait subi des pertes de population aussi
grandes que le Québec. Quel raisonnement enfantin! Regardez
l'évolution de la population de l'Ontario depuis dix ans, elle a
augmenté à un rythme assez impressionnant tandis que celle du
Québec est demeurée pratiquement stationnaire. Au cours des cinq
dernières années, nous avons perdu net, dans les mouvements
migratoires canadiens, a peu près 30 000 personnes tandis que, dans les
cinq années précédentes, le chiffre de perte était
à peu près de 10 000 à 12 000. Cela ne donne rien de
ressusciter des chiffres de l'année 1970 que nous connaissons tous et
qui ne sont pas du tout imputables au premier mois d'exercice du gouvernement
qui était là à ce moment-là.
De ce point de vue-ci, nous avons cité un grand nombre de cas,
des cas sectoriels, des cas précis à propos desquels, à ma
souvenance, nous n'avons entendu aucune réponse dans le débat que
nous avons eu depuis quelques heures. J'entendais le ministre des Finances
parler des accords fiscaux. Je suis habitué à beaucoup
d'honnêteté intellectuelle de la part du ministre des Finances et
j'espère qu'il va revenir le plus vite possible à ses bonnes
habitudes.
Quand j'ai parlé de chiffres, j'ai bien dit à la Presse
que je tenais compte des chiffres de trois colonnes et pas d'une seule. Les
trois colonnes dont je tenais compte, c'étaient d'abord la colonne des
paiements comptants que le gouvernement fédéral fait au
Québec; deuxièmement, la colonne des accroissements de revenus
pouvant découler des 24 points d'impôt que le Québec
gère lui-même et, troisièmement, les gains possibles en
revenus additionnels susceptibles de découler des changements que le
gouvernement fédéral a faits dans le dernier budget de M.
MacEachen.
Le ministre peut rejeter ma base de comparaison, mais, au moins, qu'il
accepte le total que je fais au bas de chaque colonne. Après cela, il
pourra me dire: Je n'accepte pas cette colonne-ci. Mais il n'a pas le droit de
me citer comme si j'avais parlé seulement d'une colonne. J'espère
que nous aurons l'occasion prochainement de revenir sur ce débat. J'ai
toujours dit que le gouvernement fédéral devrait maintenir le
niveau de ses paiements aux provinces et je l'ai répété et
répété autant comme autant. Ce que je demande au
gouvernement du Québec, c'est de ne pas faire accroire des choses qui ne
sont pas fondées. Plusieurs d'entre vous se sont promenés
à travers le Québec en disant que nous perdions 675 000 000 $
comme si nous allions perdre 675 000 000 $ en brut par rapport à ce que
nous avons reçu l'an dernier. Vous trompiez la population, et vous
l'avez très bien dit.
C'est 675 000 000 $ de moins, si la base qui existait jusque là
avait été maintenue. Or, les accords expiraient à ce
moment-ci. Par conséquent, il est normal qu'on rediscute. Mais les
propositions du fédéral, si vous prenez les chiffres bruts, ne
donnent pas le déficit de 675 000 000 $ par rapport à ce que nous
avons touché en 1981-1982. J'ai des chiffres et nous pourrons reprendre
le débat à une autre occasion.
Je termine en revenant sur une citation qu'a faite le ministre
d'État au Développement économique.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. le chef de l'Opposition, vous avez la parole.
M. Ryan: Nous avons souligné que le gouvernement n'avait
pas beaucoup de propositions à faire pour aider au règlement de
notre crise économique. Je pense que la démonstration en a
été faite encore par ce que nous avons entendu aujourd'hui. Je
voudrais revenir à une citation qu'a faite le ministre d'État au
Développement économique. Il a cité un ouvrage de MM. Marc
Lacroix et Yves Rabeau intitulé "Politique nationale et conjoncture
régionale". Je ne sais pas s'il l'a lu au complet, cela ne paraissait
pas quand il en a parlé, mais je vais lui dire ce qu'il y a dans
l'ouvrage, cela peut être intéressant pour tout le monde.
D'abord, il voulait nous faire croire tantôt que MM. Lacroix et
Rabeau condamnent le système fédéral. C'est de la
fumisterie, c'est un mensonge pur et simple. Ce qu'ils disent dans l'ouvrage,
c'est ceci: d'abord, ils nous donnent toute une partie qui traite de
l'évolution de la fiscalité canadienne au cours des 25
dernières années. Savez-vous ce qu'ils établissent? Que la
part du gouvernement fédéral dans les dépenses
publiques au Canada est passée de 50%, au début des
années cinquante, à 27% dans les années soixante-dix.
C'est cela, la centralisation dont vous parlez tout le temps. La part relative
du fédéral a considérablement diminué au profit,
évidemment, d'une augmentation de la part des provinces. Alors, parler
du gouvernement fédéral comme s'il s'était
approprié une part de plus en plus grande, c'est faux, c'est faux.
Deuxièmement, ils ne concluent pas à la faillite du
système fédéral, mais à la nécessité
d'une collaboration plus étroite entre les trois ordres de gouvernement,
surtout en matière de politique conjoncturelle. (21 h 50)
Troisièmement, quand ils disent que les provinces devraient avoir
un rôle plus grand dans les actions conjoncturelles, ce n'est parce
qu'ils veulent condamner le fédéral, c'est parce qu'ils ont
élaboré des critères objectifs pour la mise au point de
politiques conjoncturelles. Ils en arrivent à la conclusion qu'une
intervention ponctuelle du gouvernement provincial dans une situation à
court terme a plus de chances d'avoir des effets positifs sur l'emploi qu'une
intervention qui vient d'Ottawa, en direct, ou encore même qu'une
intervention des municipalités. Je pense, qu'ils font une
démonstration extrêmement intéressante qui plaide en faveur
de l'idée que nous partageons des deux côtés de la Chambre:
la création d'un fonds d'interventions conjoncturelles dont la
majorité des ressources proviendrait du gouvernement
fédéral qui a plus d'argent que les provinces, mais dont les
projets concrets qui en découleraient seraient surtout
exécutés par des provinces. Nous nous entendons là-dessus
et mon collègue, le député de Notre-Dame-de-Grâce,
vous le disait hier: Si vous enleviez toutes vos affaires de politique
partisane à propos de la politique monétaire, sur laquelle chacun
peut avoir ses idées, pour vous en tenir strictement à cette
proposition d'un fonds d'interventions conjoncturelles en fonction de projets
qui répondraient à des critères découlant
d'études objectives, les possibilités de collaboration
reviendraient peut-être. Nous n'avons pas peur de cela, mais c'est
à cause de la coloration partisane complètement
extrinsèque au vrai enjeu du débat que nous avons de la peine
à vous suivre sur ce terrain.
M. le Président, je peux vous assurer que nous aurons amplement
l'occasion, au cours des prochaines semaines, de mettre de l'avant des
idées constructives pour l'amélioration de la gestion de
l'économie, pour l'amélioration de la gestion des finances
publiques parce que nous savons très bien -le ministre des Finances l'a
déjà dit, son seul défaut, c'est de ne l'avoir point
pratiqué - que des finances publiques solides et une économie
forte sont la base indispensable d'une nation forte et d'un Québec fort
dans un Canada fort aussi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la motion de
censure du chef de l'Opposition... Un instant, M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: La dernière affirmation, la dernière
phrase du chef de l'Opposition n'est pas exacte. Je n'ai jamais
suggéré que des finances saines étaient une condition d'un
Québec fort dans un Canada uni. Je ne pratique pas Yvon Deschamps comme
le chef de l'Opposition. Ce que j'ai affirmé souvent, c'est que des
finances saines et une économie forte sont une condition d'un
Québec souverain, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Une correction en vertu de
l'article 96, qui est une forme de question de privilège pour rectifier
ce qui a été dit pendant un discours, ne doit en aucune
façon engendrer de débat, mais, comme le chef de l'Opposition me
faisait signe qu'il avait une question de règlement ou de
privilège, je ne sais pas... En étant sûr que c'est une
question de privilège...
M. Ryan: Je note avec plaisir, M. le Président, que le
ministre des Finances est revenu, en fin de débat, à ses vraies
convictions qui sont en faveur d'un Québec souverain.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de
l'Opposition.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la motion de
censure du chef de l'Opposition est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Vote enregistré?
Qu'on appelle les députés.
(Suspension de la séance à 21 h 54)
(Reprise de la séance à 21 h 58)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons prendre
le vote sur la motion de censure du chef de l'Opposition. Cette motion se lit
comme suit: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le
gouvernement péquiste d'être responsable en grande partie de la
situation économique extrêmement difficile que connaît
actuellement le Québec." Que ceux et celles qui sont en faveur
veuillent bien se lever.
Le Secrétaire-adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure),
O'Gallagher, Scowen, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, M. Lalonde, Mme Bacon, MM.
Bélanger, Bourbeau, Caron, Mathieu, Vallières, Lincoln, Paradis,
Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Picotte, Pagé, Rivest, Fortier,
Rocheleau, Bissonnet, Polak, Maciocia, Cusano, Dubois, Sirros, Saintonge,
Dauphin, French, Mme Dougherty, MM. Houde, Middlemiss, Hains.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Que ceux et celles qui
sont contre veuillent bien se lever.
Le Secrétaire-adjoint: MM. Bertrand, Jolivet,
Bédard, Parizeau, Morin, Laurin, Johnson (Anjou), Bérubé,
Landry, Gendron, Marcoux, Godin, Martel, de Bellefeuille, Clair, Chevrette,
Garon, Tardif, Léonard, Fréchette, Baril (Arthabaska), Proulx, de
Belleval, Ouellette, Mme Lachapelle, MM. Dean, Gagnon, Guay, Dussault,
Champagne, Fallu, Bisaillon, Marquis, Charbonneau, Lavigne, Boucher,
Beauséjour, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Desbiens,
Blais, Blouin, Gauthier, Gravel, Brassard, Brouillet, Rochefort, Baril
(Rouyn-Noranda-
Témiscamingue), LeMay, Rodrigue, Payne, Beaumier, Tremblay,
LeBlanc, Lafrenière, Lachance, Dupré.
Pour: 34.
Contre: 56.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Motion
rejetée.
M. le leader du gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement
revenir sur un avis que j'avais donné cet après-midi relativement
à la commission parlementaire permanente du revenu, qui devait
siéger mardi prochain de 10 heures à 13 heures pour
étudier le projet de loi no 39. Comme il y a des députés,
des deux côtés d'ailleurs, qui voudraient participer aux auditions
des groupes et des individus qui vont se présenter relativement au
projet de loi no 46 à la commission des affaires municipales, je
voudrais révoquer cet avis et simplement indiquer qu'il n'y aura qu'une
commission parlementaire mardi matin au salon rouge, la commission des affaires
municipales.
Maintenant, quant aux travaux de l'Assemblée nationale, je pense
que le leader de l'Opposition a reçu des informations à ce sujet;
nous recommencerons mardi après-midi, après la période des
questions, peut-être, tout dépendra des résultats de la
rencontre de lundi; on espérerait bien, de ce côté-ci, ne
pas avoir à reprendre le débat sur la motion
présentée par le ministre d'État au Développement
économique, mais nous ne prenons pas de chance, nous l'avons tout de
même inscrite au menu pour la semaine prochaine.
Je fais donc motion pour que nous ajournions nos travaux jusqu'à
mardi prochain 14 heures, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont
ajournés à mardi, 14 heures.
(Fin de la séance à 22 h 04)