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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mardi 23 mars 1982 - Vol. 26 N° 40

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures dix-huit minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Un moment de recueillement, s'il vous plaît!.

Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes.

Déclarations ministérielles. M. le ministre des Finances.

Arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, vendredi dernier, le ministre fédéral des Finances a déposé le projet de loi qui définit les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces pour les cinq prochaines années. Ce projet de loi est l'aboutissement de discussions fédérales-provinciales qui ont suivi le discours sur le budget du 12 novembre 1981 et qui n'ont pu en arriver à un accord. Ce discours sur le budget comportait trois éléments principaux quant aux rapports fiscaux et financiers entre les deux niveaux de gouvernement.

Premièrement, le gouvernement fédéral retirait le transfert financier qui avait été accordé aux provinces pour les compenser de la disparition du programme de garantie de recettes fiscales. Ce transfert servait à financer une partie des programmes de santé et d'enseignement post-secondaire. Le retrait du transfert coûtera, pour la seule année 1982-1983, 937 000 000 $ pour l'ensemble des provinces et 213 000 000 $ au Québec seulement.

Deuxièmement, une nouvelle formule de péréquation basée sur la capacité fiscale de l'Ontario plutôt que sur la capacité fiscale moyenne des dix provinces était proposée. Cette formule était caractérisée par une très grande instabilité, constituait un frein au développement économique régional et, en outre, produisait, à partir de 1982-1983, des revenus pour les provinces bénéficiaires très inférieurs à ceux que l'ancienne formule aurait procurés.

Troisièmement, grâce à ces deux premières propositions, les dépenses prévues du gouvernement fédéral en 1982-1983 au titre des transferts financiers aux provinces étaient du même niveau en dollars que celles de 1981-1982. À toutes fins utiles, le montant de ces transferts était gelé. Pour le Québec, les montants prévus tombaient de 3%. Par rapport à ce que les arrangements qui se terminent le 31 mars, c'est-à-dire dans quelques jours, auraient produit s'ils avaient été maintenus en 1982-1983, le Québec, pour cette seule année, perdait 675 000 000 $. Le gouvernement fédéral chercha alors et cherche encore aujourd'hui à masquer ce gel en incluant dans ce que les provinces reçoivent la valeur des points d'impôt qui leur ont été transférés il y a plusieurs années. Toutes les provinces ont toujours rejeté cette argumentation pour une raison facile à comprendre: ces points d'impôt ne sont plus inclus dans les revenus fédéraux. Le fait que leur valeur en dollars augmente avec l'inflation n'a aucune influence sur les recettes fédérales. De même, ces points sont incorporés depuis des années à l'impôt sur le revenu perçu par les provinces et sont donc devenus des revenus autonomes. Ce ne sont plus d'aucune façon des transferts fédéraux aux provinces. Les transferts fédéraux qui apparaissent dans nos comptes publics sont des transferts financiers. Ils représentent le quart des recettes de l'État québécois et le fédéral les gèle en 1982-1983 pour réduire son déficit.

Après le dépôt du budget du 12 novembre, les discussions s'engagèrent donc. Elles avaient à peine débuté que les résultats préliminaires du recensement de 1981 étaient rendus publics. Ces résultats faisaient apparaître que la part relative des provinces maritimes dans la population canadienne était plus faible que l'on croyait et que la part relative du Québec était plus élevée que celle que l'on avait jusqu'ici utilisée. Comme les parts relatives de population ont une influence importante sur le calcul des transferts aux provinces, les Maritimes devenaient encore plus écrasées par les propositions fédérales, alors que le Québec l'était moins que prévu.

Le gouvernement fédéral décida donc de changer sa formule. Il proposa que la péréquation ne soit pas basée sur l'Ontario, mais sur la moyenne de cinq provinces. En outre, le premier ministre du Canada à la réunion des premiers ministres sur l'économie s'engagea à ajouter 1 000 000 000 $ sur cinq ans aux offres qui étaient sur la table. Ces nouveaux ajustements ont comme résultat que, par rapport à la formule du 12 novembre, le Québec perd encore 262 000 000 $ sur cinq ans, les autres provinces bénéficiaires en retirent 339 000 000 $ et le gouvernement fédéral ne débourse pas 1 000 000 000 $, mais 77 000 000 $. C'est-à-dire que menacé, si l'on peut dire, de voir le Québec, à cause du phénomène de population, échapper en partie aux pertes qu'il lui avait aménagées, le gouvernement fédéral trouve le moyen d'ajouter une perte supplémentaire.

Néanmoins, grâce aux corrections apportées à la population, la perte totale du Québec qui était, pour 1982-1983, de 675 000 000 $ ne sera plus que de 606 000 000 $. Elle reste cependant tellement forte que le Québec deviendra admissible pour un an aux paiements transitoires inventés à l'origine pour éviter une catastrophe au Manitoba et qui, pour cette seule année 1982-1983, réduiront notre perte à 521 000 000 $.

Dans ces conditions, nos droits pour des transferts financiers fédéraux en 1982-1983 n'augmenteront que de moins de 3%. Ce n'est pas le gel absolu, mais presque. Nous réussirons à disposer d'un ajustement supplémentaire pour les corrections d'années antérieures dû à la population mais ces corrections ne se produiront qu'une seule fois.

Les provinces maritimes, qui sur la base de ces corrections, devraient rendre de l'argent au gouvernement fédéral, voient leur dette effacée dans le projet de loi déposé vendredi. Je rappelle qu'à la suite du recensement de 1976, c'est le Québec qui était pénalisé, et, malgré les démarches successives du gouvernement du Québec, aucune correction n'a jamais été apportée.

L'énorme perte du Québec, montée, préparée et surveillée par le gouvernement fédéral, s'inscrit dans la suite de l'offensive constitutionnelle. C'est la seconde branche de la tenaille. Les conséquences devront en être tirées dans le prochain budget. La perte est trop importante pour être masquée. Merci, M. le Président.

Je dépose un tableau, en deux copies, qui résume les chiffres que j'ai eu l'occasion de signaler dans cette déclaration ministérielle.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Je remercie le ministre des Finances de nous avoir fait tenir copie de sa déclaration il y a environ deux heures. Nous avons eu le temps de l'examiner. Je voudrais formuler à ce sujet quelques observations qui me paraissent pertinentes.

Je voudrais tout d'abord souligner que les programmes de transferts fédéraux, que nous discutons aujourd'hui, embrassent, de fait, un champ plus large que celui évoqué par le ministre et que celui qui est couvert par les arrangements précis dont il vient de faire mention. Les programmes que nous discutons aujourd'hui représentent, pour la présente année, des paiements de transferts totaux d'environ 3 600 000 000 $, tandis que l'ensemble des transferts fédéraux au Québec s'établit pour l'année 1981-1982 à quelque 6 000 000 0000 $, suivant nos calculs. En tenant compte du régime d'assistance publique, en tenant compte des subventions qui viennent de l'ancien ministère de l'Expansion économique régionale, en tenant compte des revenus qui découlent des points d'impôt qui ont été transférés en vertu d'ententes antérieures - je vois le ministre sourire, nous y reviendrons tantôt, qu'il ne s'inquiète point - en vertu aussi du programme de soutien au bilinguisme, on peut établir autour de 6 000 000 000 $ la valeur totale des paiements de transferts directs ou indirects. Quand on sait que les revenus du Québec pour le présent exercice s'établissent à quelque 17 000 000 000 $, c'est un peu plus que 33%. Limitons-nous à la discussion des programmes visés par la déclaration du ministre pour les fins de la présente discussion.

Je voudrais tout d'abord discuter du programme de péréquation, lequel demande à être examiné séparément, me semble-t-il. Le programme de péréquation reposait sur une formule qui tenait compte de la moyenne canadienne. Cette formule était très erratique à cause des variations énormes survenues ces dernières années dans les revenus du gouvernement de l'Alberta. On cherchait un ajustement, une formule qui aurait permis d'entrevoir un rendement plus stable et peut-être moins saccadé a certaines années. Le gouvernement fédéral avait d'abord proposé de prendre les données qui émanent de la province de l'Ontario. Le ministre a fait des critiques à ce sujet et d'autres provinces ont également émis des critiques qui ont été écoutées. Là, on trouve une formule qui embrasse, je pense, cinq provinces.

Il me semble que cette formule offre des garanties de stabilité plus grande. Elle tient également compte d'un plus grand nombre de sources de revenus. Il y a aussi des lacunes dans cette formule-ci, mais comparée à ce que nous avons eu jusqu'à maintenant et si nous pensons au bien de l'ensemble du pays et non seulement au rendement immédiat pour une province en particulier, je pense que c'est une formule qui mérite d'être accueillie avec sympathie.

Je souligne, au chapitre de la péréquation, que, pour les cinq années que couvrira la loi déposée devant le Parlement fédéral hier, dont j'ai eu la chance de me procurer un exemplaire... J'étais de passage à Ottawa, hier, pour une toute autre fin -qu'on ne s'inquiète pas de l'autre côté - pour aller rencontrer les étudiants de l'Université d'Ottawa; la date était fixée depuis longtemps. Pour le Québec, c'est une augmentation de 10,7% par année, suivant nos calculs, pour les cinq prochaines années, en paiements de péréquation, encore une fois. Pour l'ensemble du Canada, c'est 11,2%; par conséquent, c'est un peu plus. La différence va aux provinces atlantiques, qui

sont encore plus pauvres que le Québec. Je ne pense pas qu'il y ait de grosses injustices en la demeure de ce côté-ci.

Je rappelle au ministre que la croissance des revenus autonomes du Québec entre 1976 et 1981 a été d'à peu près 12%. Par conséquent, l'écart n'est pas énorme. On aurait préféré que ce fût 12% au lieu de 10,7%, mais je crois qu'on est dans un ordre de grandeur qui mérite tout de même d'être accueilli avec autre chose que des accusations ou des sarcasmes. Cela, c'est pour les paiements de péréquation. Je rappelle que seulement pour l'exercice actuel, ces paiements vont rapporter au Québec, sans aucune espèce de condition, au-delà de 2 000 000 000 $.

J'arrive aux programmes établis. La déclaration du ministre et le projet de loi déposé au Parlement fédéral hier embrassent trois programmes principaux: le programme de l'assurance-hospitalisation, le programme de l'assurance-maladie et le programme de l'aide financière à l'enseignement postsecondaire. (14 h 30)

II y a évidemment une différence entre les chiffres du gouvernement fédéral et ceux du ministre. Le gouvernement fédéral dit qu'il va transférer au Québec, pour l'exercice 1982-1983, 3 000 000 000 $ au titre des programmes établis, tandis que M. le ministre des Finances parle de 1 100 062 000 $, si j'ai bien lu son tableau. Ici, la différence vient de ce qu'Ottawa inclut les revenus émanant des transferts de points d'impôt. Je voudrais dire au ministre que je partage son opinion sur ce point précis. Je crois que ces calculs ne devraient pas figurer dans les tables qui sont présentées par le gouvernement fédéral, parce que les points d'impôt ont été transférés il y a déjà belle lurette. La dernière fois, on n'a pas modifié la loi sur les accords fiscaux à ce chapitre-là. Il n'est pas question de la modifier cette fois-ci non plus. Par conséquent, je pense qu'on cherche un effet d'optique du côté fédéral en faisant entrer ces chiffres en ligne de compte. Il ne faudrait pas le faire. Sur ce point, nous sommes d'accord de ce côté-ci sur la façon de voir du ministre des Finances. Si nous voulons voir l'impact exact des changements qui sont proposés, il faut s'en tenir aux données strictes qui couvrent les trois programmes sans tenir compte des autres programmes qui émanent au titre des points d'impôt qui ont été transférés. Cela est le premier point; par conséquent, pas de discussions là-dessus entre nous.

Deuxième point, le ministre déplore le retrait de la garantie de recettes fiscales découlant des modifications qui avaient été apportées en 1977. Je pense qu'il fallait s'attendre tôt ou tard que cela disparaisse. Déjà, en 1972, le gouvernement fédéral prévenait les provinces que cela ne pourrait pas durer. En 1977, l'avertissement avait été réitéré; il fallait tôt ou tard que nous en venions à établir les calculs en fonction des données d'aujourd'hui et non pas seulement de souvenirs historiques. Là-dessus, ce que je déplore, c'est qu'en faisant tomber la garantie de recettes fiscales, le gouvernement fédéral aurait dû ajuster au moins partiellement les conditions qu'il attache au programme établi ou encore à la péréquation. On perd du même coup 213 000 000 $. Je pense que cela est trop fort d'un seul coup. C'est une transition beaucoup trop brusque et si on l'avait établie d'une manière plus souple, peut-être à la moitié ou au tiers, ou si on l'avait répartie sur trois ans, par exemple, il me semble que cela aurait été beaucoup plus de nature à tenir compte des difficultés propres aux provinces.

Ceci étant dit, je pense qu'en soustrayant ce montant des chiffres qui sont dans le tableau du ministre, on arrive à établir que malgré tout les paiements fédéraux au titre des trois programmes établis de l'assurance-hospitalisation, de l'assurance-maladie et de l'aide à l'enseignement postsecondaire accuseront une légère augmentation d'environ 6% en 1982-1983. Si nous nous trompons, le ministre pourra nous corriger; nous avons fait nos calculs au meilleur de notre connaissance.

Ceci pour conclure, M. le Président, qu'en chiffres bruts, en tenant compte de tout, le Québec touchera en 1982-1983 quelque 100 000 000 $ de plus qu'en 1981-1982, ce qui veut dire au moins - je pense que nous nous entendons des deux côtés de la Chambre là-dessus - qu'il n'y a pas de diminution brute dans les revenus. C'est une chose que j'ai soutenue à maintes reprises au cours des dernières semaines. Il y a une augmentation très insatisfaisante - je le dirai tantôt - d'environ 100 000 000 $.

Une voix: ... de 6%.

M. Ryan: Pardon? Oui, nous convenons de cela, mais nous parlons de chiffres bruts. Est-ce que nous avons le droit?

Une voix: Oui.

M. Lalonde: Parlez-nous de Luc Cyr.

M. Ryan: Deuxièmement, si nous tenons compte...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ryan: ... uniquement des paiements de péréquation...

Une voix: De la bonne collaboration.

M. Ryan: ... il y a augmentation de 10,7%, en 1982-1983, et cette augmentation se maintiendra pendant toute la période qui sera couverte par le projet de loi déposé à Ottawa.

Au sujet des programmes établis, l'augmentation est évidemment insatisfaisante. Ce n'est pas acceptable que nous recevions seulement 6% de plus au titre des programmes établis. Il aurait fallu que ce soit au moins comparable à ce qui sera donné au titre des programmes de péréquation, du programme de péréquation, et voilà où est le problème que je voulais cerner le plus exactement possible.

En ce qui concerne les paiements de péréquation et les paiements de transferts en général, on ne pouvait pas s'attendre que cela continue au rythme de 16%, 17% et 18% par année qui avait été établi pendant quelques années. Cela ne peut pas plus continuer dans ce domaine que cela peut continuer dans les conventions collectives qu'a signées le gouvernement. Il fallait en revenir à des normes beaucoup plus réalistes de ce côté-là. C'est malheureux qu'en ce qui concerne les programmes établis on n'ait pas trouvé un niveau d'ajustement qui aurait été plus compatible avec les besoins véritables des provinces et, en particulier, du Québec. Je veux dire au gouvernement que sur ce point précis l'Opposition continuera de faire valoir, dans toutes les circonstances possibles, les intérêts véritables du Québec qui ne sont pas servis de manière satisfaisante par cette partie de la décision qui est entrevue par Ottawa.

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, je remercie le chef de l'Opposition officielle des réactions qu'il vient d'avoir. Indépendamment des discussions que l'on peut avoir sur tel ou tel chiffre - nous aurons l'occasion, probablement en cette Chambre, d'avoir ce genre de discussion.

Sur l'essentiel, nous devons constater, de part et d'autre, que le gouvernement fédéral, qui a décidé de réduire son déficit, en pratique, dans les transferts financiers qu'il envoie aux provinces et au Québec en particulier, gèle - ou pas loin - les montants d'une année à l'autre.

Je ne suis pas d'accord avec le pourcentage que donnait le chef de l'Opposition, mais je suis d'accord avec le montant, c'est-à-dire 100 000 000 $ d'augmentation d'une année à l'autre, y compris cette espèce de police catastrophe que représentent les paiements transitoires, parce que les paiements transitoires dans les 100 000 000 $ de plus représentent 85 000 000 $ et cela ne va être donné qu'une seule fois. Cela veut dire, en pratique, une sorte de gel des montants qui sont transférés au Québec.

Bien sûr, le chef de l'Opposition peut dire que c'est un peu plus généreux sur le plan de la péréquation et c'est nettement insuffisant sur le plan des programmes établis. Il faut reconnaître que cela va dans la même caisse. Comme disent les Anglais, il y a a un "bottom line" qu'il faut tracer à un moment donné. Il faut savoir combien nous vient d'Ottawa. S'il nous donne un peu plus sur quelque chose et beaucoup moins sur autre chose, au total, quand on tire la ligne et qu'on établit l'addition, il faut constater qu'en pratique, c'est un quasi-gel.

Il est évident, et cela a d'ailleurs été dénoncé longuement par le Conseil économique du Canada, que le gouvernement fédéral ne devrait pas procéder de cette façon parce qu'il touche, en particulier pour ce qui a trait aux programmes de santé et d'éducation, à des choses essentielles dans notre société et place les provinces, sur le plan financier, dans des conditions qui sont extrêmement dures.

Bien sûr, M. le Président, je pourrais réduire le déficit du gouvernement du Québec de la même façon en gelant les montants qu'on envoie aux municipalités, en gelant les montants qu'on envoie aux commissions scolaires. Remarquez que, quand on parle de compression, on parle de compression avec des montants qui, cependant, d'une année à l'autre, augmentent, selon les cas, de 10%, de 12% ou de 14% et, pourtant, on parle de gel. Là, le gouvernement fédéral va augmenter au mieux de moins de 3% les transferts qu'il envoie au Québec. On pourrait, nous aussi, annoncer des réductions de déficit en procédant exactement de la même façon à l'égard de nos municipalités et de nos commissions scolaires. On ne le fait pas, parce que ce serait illusoire. On ne le fait pas, parce que ce serait de la poudre aux yeux. On ne le fait pas, parce qu'on sait très bien qu'en procédant de cette façon, le contribuable et l'usager seraient frappés de toute façon. Il y a, dans l'attitude du gouvernement fédéral, quelque chose, et je m'excuse d'utiliser une expression que je n'utilise pas très souvent, qui semble éminemment hypocrite, qui consiste essentiellement à dire: Nous savons que nous, comme gouvernement fédéral, nous voulons réduire les services, mais c'est quelqu'un d'autre qui en portera l'odieux.

Il est évident que ça va forcer le gouvernement du Québec à un exercice budgétaire extrêmement difficile, extrêmement dur. C'est parce que la loi fédérale retardait, et évidemment elle a été retardée par les cloches tant et plus, que nous avons décidé de reporter le discours sur

le budget, comme j'ai eu l'occasion de le dire déjà, fin d'avril, début de mai. (14 h 40)

Nous devons tirer des conclusions très sérieuses des chiffres que je viens de présenter et de cette perte pour le gouvernement du Québec, laquelle, même en tenant compte des mouvements favorables de population, sera en 1982-1983 supérieure à 500 000 000 $. Je tiens à souligner, cependant, dans l'attitude du chef de l'Opposition aujourd'hui, l'amorce, je l'espère, d'une réaction que nous allons devoir tenir à l'égard d'Ottawa et dont peut-être ce qui lui a été dit cet après-midi marque la première étape, dans une sorte d'esprit de résistance qui m'apparaît éminemment nécessaire dans l'état, non seulement des finances publiques au Québec, mais des finances publiques au Canada et dans les perspectives d'avenir que nous avons à tracer, en particulier quant à nos services de santé et à nos services d'éducation. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci. Dépôt de documents.

Rapports financiers des partis politiques

Je voudrais déposer les rapports financiers des partis politiques québécois pour la période du 1er janvier au 30 juin 1981 en deux exemplaires.

Dépôt de rapports... Excusez-moi, M. le député de Sainte-Anne.

Pétition pour la délivrance d'un permis à la garderie Pointe-Saint-Charles

M. Polak: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur, en vertu de l'article 180, de déposer une pétition à l'Assemblée selon le texte de l'article dans le but d'obtenir le redressement d'un grief public. Selon la jurisprudence bien établie par vos sages décisions, M. le Président, je voudrais lire rapidement cette pétition.

Il s'agit d'une pétition de la part de la Garderie Pointe-Saint-Charles, Point St. Charles Day Care, qui se lit comme suit: "Parce que Pointe-Saint-Charles est une communauté à faibles revenus, because Pointe-Saint-Charles is a low income area; parce que Pointe-Saint-Charles a un niveau de familles monoparentales plus élevé qu'ailleurs, because Pointe-Saint-Charles has a higher than average percentage of single parent families; parce que la situation économique des familles de Pointe-Saint-Charles exige un deuxième revenu pour pouvoir survivre, because the economic situation of families in Pointe-Saint-Charles makes it absolutely necessary to have two incomes to be able to survive; parce que Pointe-Saint-Charles a seulement une garderie servant 33 enfants, because Pointe-

Saint-Charles has only one day care serving 33 children; parce que les excellentes facilités du YMCA rénovées aux fins de la garderie sont présentement inutilisées comme telles à cause des coupures budgétaires gouvernementales, gymnase, piscine, cafétéria moderne, vastes pièces avec toilettes, because the excellent facilities of the YMCA which have been adapted for day care are presently not able to be used as such due to the Government's budget cutbacks, gymnasium, pool, modern cafeteria, spacious rooms and washrooms; parce que, selon l'Office de la garde à l'enfance, la garderie Pointe-Saint-Charles est la première sur la liste de priorités pour recevoir un permis de garderie; according to the Office de la garde à l'enfance, Pointe Saint-Charles Day Care is first on the list of priorities for receiving a day care permit."

Maintenant, la conclusion, M. le Président. "Nous, les soussignés - il s'agit, M. le Président, de 882 personnes, péquistes, libéraux, francophones, anglophones, tout le monde - demandons que le gouvernement du Québec émette un permis de garderie à la garderie Pointe-Saint-Charles qui sera située au YMCA et lui alloue les fonds nécessaires à son ouverture d'ici le printemps 1982. En anglais, et c'est fini: "We, the undersigned, demand that the Government of Québec issue a day care permit to the Pointe-Saint-Charles Day Care to be located in the YMCA and allow the funds necessary to open it by spring 1982". Pas en 1985, en 1982. Merci, M. le Président.

Le Président: Pétition déposée. M. le député de Châteauguay.

Pétition demandant que le Parti libéral remette 750 000 $ au trésor public

M. Dussault: M. le Président, je voudrais aussi me prévaloir de l'article 180 de notre règlement afin de déposer une pétition à l'Assemblée nationale pour le redressement d'un grief public, signée par 330 personnes, pétition qui a été entreprise par M. Albert Plamondon de ma circonscription électorale. Je vous fais part du libellé de cette pétition et je vous la remets comme l'ont souhaité les pétitionnaires: "Attendu l'existence depuis 1977 de la Loi sur le financement des partis politiques, la loi no 2; attendu que cette loi permet maintenant que les dons aux partis politiques n'appellent plus de gestes de reconnaissance envers les donateurs; attendu que la rapport Malouf démontre explicitement que des contracteurs olympiques ont fait des dons substantiels à la caisse électorale du Parti libéral du Québec;

Des voix: Oh!

M. Dussault: attendu que ces dons étaient dans la caisse électorale libérale au moment de l'adoption de la loi no 2; attendu que ces dons peuvent un jour appeler une reconnaissance contraire aux objectifs et à l'esprit de la loi no 2, nous, soussignés, demandons que l'Assemblée nationale exige du Parti libéral du Québec qu'il remette au trésor public les 750 000 $ de sa caisse électorale provenant de contracteurs olympiques, de même que les intérêts composés accumulés-Une voix: C'est dépensé. Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dussault: ... qui s'élèvent maintenant à au moins 1 500 000 $. Nous demandons aussi que la présente pétition soit déposée à l'Assemblée nationale le plus tôt possible." Ce qui est fait, M. le Président. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Président: Pétition déposée.

M. Bertrand: C'est pour payer la garderie!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Dépôt de rapports de commissions élues. Mme la députée de Johnson.

Étude du projet de loi no 18

Mme Juneau: M. le Président, qu'il me soit permis, conformément a notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente de la justice qui a siégé les 10, 11, 17 et 18 mars 1982 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 18, Loi assurant l'application de la réforme du droit de la famille et modifiant le Code de procédure civile. Le projet de loi a été adopté tel qu'amendé.

Le Président: Rapport déposé.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Questions orales des députés. M. le député de Mont-Royal.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS Demande d'enquête publique sur la SHQ

M. Ciaccia: M. le Président, je voulais adresser ma question au ministre de la Justice, mais, en son absence, je vais l'adresser au premier ministre. On apprend que des accusations au criminel ont été portées contre l'ami du premier ministre, M. Luc Cyr. Je me demande si le premier ministre ne songe pas maintenant à diriger son pôle de dix pieds vers M. Luc Cyr plutôt que vers M. Yvan Latouche.

M. le Président, à plusieurs reprises, nous avons exigé une enquête publique et le premier ministre a toujours refusé sous prétexte qu'il fallait enquêter un peu plus. Donc, on est en face d'une enquête par étapes; le gouvernement se refuse toujours à franchir la dernière étape qui est celle de l'enquête publique. On est donc rendu à l'étape de l'enterrement par le gouvernement. Il y a eu un rapport du Vérificateur général, une commission parlementaire, un deuxième rapport du Vérificateur général, plus sévère et plus détaillé, il y a eu une deuxième commission parlementaire et il y a eu deux enquêtes policières. Le résultat, M. le Président, c'est que dans le cas des pots-de-vin le ministre de la Justice a dit qu'il n'avait pas assez de preuves pour entreprendre des poursuites et dans le cas de Luc Cyr, des poursuites ont été prises contre lui. Donc, ce ne sont pas des ragots que l'Opposition a soulevés en cette Chambre.

Alors, voici ma question au premier ministre. Le premier ministre ne croit-il pas qu'il est temps de décréter une enquête publique qui permettrait d'aller chercher la preuve qui manque à son gouvernement pour que justice soit faite dans tout le dossier, ce qui permettrait également à la population de connaître la vraie responsabilité du gouvernement dans ce dossier?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Le ministre de la Justice, qui a été retenu à l'extérieur aujourd'hui, sera en Chambre demain pour fournir toute information que son rôle de Procureur général lui permet de donner dans les circonstances. Ce que je peux dire dès maintenant, c'est que M. Cyr - soit dit en passant, je vais traduire plutôt que de le donner en latin comme le ferait le ministre de l'Éducation: On peut être l'ami de Platon, mais on peut aussi être plus ami de la vérité, cela a déjà été dit dans la sagesse des siècles - a subi une enquête sur ses activités parmi les plus exhaustives; elle a été menée sous ce gouvernement. Cette enquête portait sur un ensemble de quelque 10 000 000 $ de travaux de réparation, la réparation d'un scandale, scandale libéral, de mauvaise construction tolérée par nos amis d'en face et dans lequel, sans aucun doute, si on voulait gratter - peut-être qu'on finira par en avoir l'occasion, si vous insistez tant que cela - il y a eu des centaines de fois plus de coulage que ce dont M. Cyr peut être accusé, soit 14 000 $ sous divers chefs

d'accusation dont plusieurs, d'ailleurs, répètent des irrégularités qui avaient déjà été invoquées. (14 h 50)

Pour ce qui est des ragots, évidemment, ils se sont envolés. Il y a eu des ragots de la part du député de Mont-Royal, en particulier sur des faux pots-de-vin qui se multipliaient à vue d'oeil, c'est ce qu'on a appelé des ragots, et cela aussi a été vidé, M. le Président.

Alors, jusqu'à nouvel ordre, l'affaire appartient aux tribunaux, c'est à eux de se prononcer et, sauf erreur, jusqu'à preuve du contraire en tout cas ou jusqu'à d'autres ragots sur lesquels il faudra faire enquête, il n'y a plus rien à apprendre dans cette affaire et surtout pas, à notre avis, jusqu'à preuve du contraire, la dépense de temps et d'argent que représenterait un appareil d'enquête additionnel.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Question additionnelle, M. le député de Mont-Royal.

Une voix: II est impitoyable!

M. Ciaccia: M. le Président, quand le premier ministre nous accuse de soulever des ragots quant aux pots-de-vin, peut-être pourrait-il nous expliquer les offres de 50 000 $ admises publiquement par son ex-candidat dans le comté de Saint-Laurent. Le premier ministre a voulu s'éloigner du sujet en disant: II ne sera plus le candidat du Parti québécois. L'attitude du gouvernement fait qu'à l'heure actuelle, c'est avec une chandelle qu'on essaie de faire la lumière dans ce dossier, alors que tout gouvernement responsable et honnête se serait empressé d'allumer les projecteurs sur ce dossier. Le premier ministre ne se rend-il pas compte qu'un énorme nuage plane sur l'intégrité de son gouvernement parce qu'une grande partie des faits ont été confirmés? Est-ce que le premier ministre préfère qu'on lui pose chaque jour des questions sur chaque dossier qui demeure sans réponse? Est-ce que le premier ministre va se retrancher derrière les tribunaux pour éloigner encore une fois l'enquête publique et refuser de dire toute la vérité à la population? Quelles sont les raisons pour lesquelles le premier ministre refuse de décréter une enquête? Est-ce que c'est parce qu'il ne veut pas que la population connaisse la responsabilité du gouvernement et les vrais responsables au gouvernement, pourquoi et comment a pu se produire cette situation intolérable à la Société d'habitation du Québec?

Une voix: Très bien!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je rappelle à nouveau, pour commencer, que si jamais il y a une enquête, c'est le scandale puant des libéraux qui étaient au pouvoir à ce moment-là, dont certains sont dans cette Chambre, et qui a impliqué des douzaines et des douzaines de constructions sur lesquelles on a fermé les yeux jusqu'en 1976...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): Je vois le député de Jean-Talon, qui faisait partie de l'entourage du prince, à l'époque.

M. Rivest: Question de privilège.

Le Président: Question de privilège, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Je ne comprends pas le sens de la remarque du premier ministre. Je n'ai personnellement rien eu à voir dans le dossier de la Société d'habitation du Québec. Le premier ministre, tantôt, parlait de "son ami". Qu'il parle de son ami Luc Cyr, c'est de ça qu'il est question.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je veux dire que le député de Jean-Talon faisait partie de l'entourage du prince où passaient une partie des coulages qui entretenaient la caisse du Parti libéral. Cela a été évoqué tout à l'heure. Je dis également que, dans le cas de la SHQ, si on a hérité, au printemps 1977, de douzaines de constructions de HLM qui, déjà, demandaient des réparations supérieures, dans certains cas, au prix que cela avait coûté. C'était le scandale dont on a hérité. À partir de là, le travail qui a été fait...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! S'il vous plaît, à l'ordre; S'il vous plaît!

M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): ... il a fallu réparer. Il y a eu des irrégularités, on les déplore. C'est maintenant, dans certains cas, devant les tribunaux et ce ne sont pas des chandelles qu'on a employées, au contraire.

Le Président: À l'ordre:

M. Lévesque (Taillon): Quand je pense à la tolérance, au coulage, aux accumulations de fonds publics dilapidés dont certains traînent encore officiellement, sans compter le reste, avec les intérêts, dans la caisse libérale, quand je pense à cela, je me dis: Nous, pour quelque chose...

Le Président: À l'ordre s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): ... qui était un contrat donné à l'extérieur, non seulement le Vérificateur général a fait son travail à deux reprises, mais on a fait faire deux enquêtes du côté de la SHQ. On a fait faire toutes les enquêtes policières possibles. Maintenant, les résultats sont devant les tribunaux, les autres ragots se sont "dessoufflés" et je voudrais bien voir un gouvernement qui en fait plus pour protéger son intégrité!

Une voix: II est impitoyable.

M. Levesque (Bonaventure): Question principale, M. le Président.

Le Président: Question principale, M. le leader de l'Opposition.

Propos de M. Bernard Landry à Paris

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je remarque le retour de l'honorable ministre d'État au Développement économique.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je ne voudrais pas que tout cela soit compté sur le temps que vous me donnez pour mon préambule. Ceci étant dit, le ministre est allé à Paris et le premier ministre nous a dit que c'était pour promouvoir les intérêts économiques du Québec.

Or, dans sa livraison du 17 mars 1982, la Presse de Montréal, sous la signature du journaliste Louis-Bernard Robitaille qui se trouvait sur les lieux, nous rapporte, sous le titre "Landry pourfend à Paris les "collaborateurs" d'Ottawa"...

Maintenant que le ministre des Affaires culturelles a fait entendre sa réaction, on lit dans cet article: "Rarement à Paris des propos aussi virulents avaient été tenus en public par un responsable politique québécois."

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): II aurait, d'après l'article, tout simplement traité les libéraux fédéraux du Québec de "collaborateurs".

M. le Président, ceci est entre guillemets, alors le ministre pourra dire s'il l'a dit ou pas. "Vous avez un nom pour désigner cette poignée de gens qui, pendant la guerre, par exemple, coopéraient avec l'occupant. Ce nom, je l'utilise au Québec pour qualifier les Québécois qui ont fait et approuvé cette manoeuvre à Ottawa. Disons que je ne l'utiliserai pas à l'étranger." Là, le ministre continue avec un thème à la souveraineté du Québec, etc. Ensuite, l'article se poursuit en rappelant ou en évoquant non pas seulement des propos, mais des gestes posés par le ministre en compagnie de l'ambassadeur du Canada, M. Dupuis, qu'il aurait vertement semoncé alors que M. Dupuis aurait écouté imperturbablement le discours du ministre. (15 heures)

Par la suite, évidemment, le ministre est au courant de la réaction que nous avons eue ici au Québec. C'est clair que tous les observateurs... Je pense, par exemple, à l'éditorialiste Jean-Louis Roy, du Devoir, qui parle de la grossièreté du ton et du vocabulaire, du simplisme d'une analyse des difficultés économiques actuelles qui aurait fait plus pour discréditer le Québec dans ces milieux qu'une offensive fédérale d'envergure échelonnée sur plusieurs mois. Je ne veux pas poursuivre ce préambule parce que le temps me manque, mais dans le Soleil, c'était "La bourde de Bernard Landry à Paris", sous la signature de Marcel Pépin...

Une voix: Bernard la gaffe.

M. Levesque (Bonaventure): ... sous la signature de Vincent Prince, "L'impair diplomatique du ministre Landry à Paris", dans la Gazette, "Let us stop the verbal violence..."

Des voix: Oh!

M. Levesque (Bonaventure): ... et dans la Presse de Montréal du samedi 20 mars, on interprète la colère de Landry comme une manifestation d'impuissance du gouvernement actuel, etc. Finalement...

Le Président: La question, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): ... le ministre revient et, là, nous voyons: "Landry dit ne rien regretter." Voilà. Alors, il rejoint le premier ministre. Cela va très bien. Maintenant, est-ce qu'il peut nous exposer comment il a vu les choses, lui, là-bas?

Des voix: Ah!

Le Président: M. le ministre d'État au Développement économique.

M. Landry: Je veux d'abord, M. le Président, remercier le député de Bonaventure pour un certain nombre de choses, non pas de m'avoir donné un préavis de la question, mais, comme j'ai lu le journal des Débats de la semaine dernière, c'est tout comme; deuxièmement, d'avoir tenu, pendant mon absence, un "clipping" de presse admirable de tout ce qui s'est dit au Québec...

Une voix: Tout le monde en parlait.

M. Landry: ... et, troisièmement, de me donner l'occasion de faire un certain nombre de mises au point, de réitérer un certain nombre de choses qui doivent être dites non seulement en cette Assemblée, mais chez toutes les populations qui ont quelque respect de la liberté des peuples et qui s'en préoccupent, comme c'est le cas des habitants de la République française.

J'ai vu, dans certains écrits... Le député de Bonaventure devrait d'ailleurs me remercier pour une autre chose.

Des voix: Ah!

M. Landry: J'ai bien expliqué...

Une voix: Le premier ministre...

M. Landry: ... à nos amis français...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Landry: ... que le Parti libéral du Québec avait voté avec nous, moins neuf voix, pour empêcher que cette Assemblée nationale ne perde des pouvoirs. Cet élan de courage que vous aviez eu a été accueilli avec surprise à Paris, mais avec une certaine satisfaction également.

Je pense que la qualité première d'un homme politique québécois à l'étranger, dans ses interventions...

Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Landry: La qualité première des interventions d'un homme politique québécois à l'étranger, qu'il soit du gouvernement ou de l'Opposition, c'est la véracité de ses propos et sa sincérité. Tout membre de cette Assemblée, comme je m'en suis senti le devoir, a le devoir impérieux de défendre ses droits, au Québec comme à l'étranger. Si j'ai pris cette liberté non pas d'employer, comme vous l'avez souligné, le mot "incriminer" -que ceux à qui le chapeau fait et qui se sont reconnus le mettent - c'est parce que le Québec et son Assemblée traversent le moment le plus pénible de leur histoire, et tous ceux qui ont été élus...

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Landry: Cela ne me surprend pas...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Landry: Cela ne me surprend pas, M. le Président, que les libéraux interrompent ma réponse. Ils ont même interrompu la question du leader de leur propre parti quand il l'a posée, tellement ils sont excités dès qu'une question québécoise sort un peu de nos frontières. Je réitère qu'alors que notre Assemblée perd des pouvoirs pour la première fois en un siècle, ces pouvoirs nous sont arrachés par un Parlement étranger, que des députés de Liverpool, de Birmingham, de Cardiff, ont voté, sans même avoir jamais mis les pieds au Québec, une loi inique qui aura des répercussions dans le comté de Bonaventure, comme dans ma circonscription de Laval-des-Rapides, je pense que le monde entier doit le savoir au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

J'aimerais, d'ailleurs, qu'un membre de l'Opposition aille lui-même consolider ce que j'ai dit, non seulement en France, mais dans d'autres pays...

Une voix: Avec Quebecair?

M. Landry: ... parce que ce que les fédéraux ont fait à notre Assemblée nationale, est une chose qui doit scandaliser tous ceux qui, dans le monde, aiment la démocratie. Lorsque le premier ministre du Canada était allé essayer d'exciter le Parlement le plus puissant de la terre, l'Assemblée des représentants des Nations Unies, en disant que le projet gouvernemental que nous avons de souveraineté du Québec était un crime contre l'histoire de l'humanité et qu'il avait écrit dans un texte "crime contre l'humanité", la réplique aurait dû lui être donnée. Elle l'est maintenant et elle le sera à toutes les fois qu'un membre du gouvernement aura l'occasion de parler au Québec et en dehors du Québec.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Landry: Quant à cet incident mal rapporté...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Landry: ... avec l'ambassadeur du Canada...

Le Président: À l'ordre!

M. Landry: ... je pense, M. le Président, que vous serez heureux d'en connaître le fin mot. Il est intéressant et il intéressera aussi les gens de l'Opposition. Premièrement, ceux qui ont qualifié cela d'incident diplomatique ont commis une erreur technique grave, ils ont présumé de la souveraineté du Québec. Comment un Québécois parlant à l'ambassadeur du Canada pourrait-il créer un incident diplomatique dans un cercle privé alors que le Québec

n'est pas souverain? Deuxièmement...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Landry: ... cette rencontre privée qui a eu lieu à la suite d'un discours auquel avait assisté l'ambassadeur, s'est passée exactement dans les termes suivants, non pas délirants ni aussi froids qu'on l'a dit. Je n'avais jamais vu cet homme, il est venu se présenter à moi très poliment après le discours pour me dire...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Landry: Écoutez, c'est vrai que je ne l'ai pas accueilli en disant: Viens dans mes bras, vieux frère. Premièrement, je ne l'avais jamais vu et je ne ferai jamais ça avec un ambassadeur du Canada non plus...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! En concluant, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Landry: ... pour me dire - et c'est lui qui, à ma grande surprise, a amorcé ce sujet - "M. le ministre, je vais descendre dans l'arène politique." Je lui ai immédiatement offert ma circonscription de Laval où nous aurions pu, dans un combat démocratique, nous affronter convenablement.

Ma deuxième surprise a été la suivante - c'est ça que je voudrais que les gens de l'Opposition écoutent avec attention - car sa réponse a été: "M. le ministre, vous ne savez pas de quel côté je me présenterais." Même l'ambassadeur du Canada à Paris ne sait pas, s'il était dans une élection ici, s'il serait rouge ou s'il serait avec nous autres.

Des voix: Encore! encore! encore!

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, il semblerait que les derniers propos tenus par le ministre...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'Opposition. (15 h 10)

M. Levesque (Bonaventure): Vous savez très bien, M. le Président, quels sont les derniers propos tenus par le ministre, il y a un instant, qui ont réellement impressionné la partie ministérielle de cette Chambre. C'était bon, n'est-ce pas? C'était drôle! M. le Président, la question que nous posons au ministre, c'est pour lui demander ce qu'il a été faire à Paris. Est-ce que c'est dans le sens des propos tenus par le vice premier ministre, son collègue, qui parlait justement de rapprochement, oui, de nouvelle atmosphère des relations fédérales- provinciales, le vice-premier ministre qui disait qu'il fallait préparer la venue du premier ministre français ici au Québec. Est-ce que ces propos ont été tenus justement dans le contexte de l'orientation qui avait été marquée par le vice-premier ministre du Québec? Le ministre d'État au

Développement économique, avait une mission foncièrement économique, si je me fie aux paroles du premier ministre. Est-ce qu'il a aidé la cause économique du Québec par les propos qu'il a tenus et par les gestes qu'il a posés? Au lieu de faire des farces comme cela, qu'il représente donc la population du Québec ici même et à l'étranger!

Le Président: M. le ministre d'État au Développement économique.

M. Landry: Je pense que le premier ministre a très bien dit, la semaine dernière, quelle était la politique du gouvernement en cette matière et je voudrais continuer cette réponse en ajoutant que, depuis cinq ans, depuis que, sur la scène mondiale, le Québec se tient debout, jamais il n'y a eu un tel volume d'investissements français au Québec de toute l'histoire dans les grandes, dans les petites et les moyennes entreprises. Il y a des villes du Québec qui, au moment où on parle, ont la moitié de leur parc industriel remplie par des PME françaises qui font un travail admirable. J'en ai rencontré et j'en ai rencontré.

Des voix: À quels endroits? Des voix:Val-d'Or.

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Landry: J'en ai rencontré, M. le Président, des centaines qui ont déjà des contacts établis ici, qui ont des accords avec des PME québécoises...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Landry: Seulement au discours de la chambre de commerce, il y en avait déjà probablement une centaine de rencontrées, mais je suis allé aussi dans des villes comme Strasbourg. J'ai rencontré, à Toulouse, l'Aérospatial, qui est une très grande firme française avec ses sous-traitants. J'ai pu voir le ministre français de l'Industrie, le ministre de la Technologie du développement scientifique de même que le ministre du Plan, M. Rocard. Nous avons eu des contacts avec la Régie Renault, avec Pechiney Ugine Kuhlman, avec les grands groupes français de chimie. Nous avons également rencontré l'Air liquide pour les projets d'hydrogène liquide et

tout ça s'est poursuivi durant une journée et demie en Allemagne où l'accueil a été aussi chaleureux, surtout dans les techniques de pointe. Mais la dernière chose que je veux dire là-dessus, M. le Président, savez-vous quelle question on m'a posée le plus souvent - et ça ne s'applique pas uniquement à la France, mais aussi aux États-Unis - savez-vous le commentaire que j'ai reçu le plus souvent en France? C'est: Quand est-ce que vous allez pouvoir nous débarrasser de l'agence de tamisage fédérale des investissements étrangers qui nous fait perdre de l'argent en frais d'avocat inutiles et qui nous empêche de rentrer au Québec quand on veut y aller?

Le Président: M. le leader de l'Opposition, question additionnelle.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je veux simplement dire au ministre qu'il n'a rien inventé. Ses prédécesseurs, et j'en étais, ont bien visité de ces industries en France et en Allemagne. Ce n'est pas ça la question. M. le Président, je demande en terminant au ministre s'il n'a pas été impressionné, puisqu'il a mentionné M. Rocard, par ce que M. Rocard a dit, lui, sur ces relations franco-québécoises à la suite des propos tenus par le ministre. Il doit se rappeler le discours de M. Rocard, lorsque ce dernier a dit qu'on peut avoir son opinion personnelle, et pourtant on connaît les sympathies que peut avoir M. Rocard. Il a pris la peine de dire qu'on peut avoir son opinion personnelle, mais il a aussi invoqué les règles internationales qui régissent les rapports entre les États.

M. Lalonde: Eux, ils ne connaissent pas cela.

M. Levesque (Bonaventure): II y a des liens historiques profonds avec le Québec, a-t-il dit en substance, mais ce n'est pas à la France de décider de l'avenir du Québec à sa place. Nous avons déjà été une puissance coloniale. Nous ne le sommes plus. Je ne crois pas que le Québec souhaite que nous le redevenions en ce qui le concerne. Pourquoi le ministre n'a-t-il pas été inspiré justement par cela, plutôt que d'aller exporter en France les querelles constitutionnelles qui existent ici, mais qui n'ont pas à faire dans une mission économique?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry: M. le Président, précisément, mon collègue français et ami, M. Rocard, dans les remerciements qu'il m'adressait à l'issue de ce discours, reprenait mes propres paroles. J'ai précisément demandé à nos amis - et ils sont très nombreux en France - de nous soutenir moralement, de coopérer avec nous économiquement et intellectuellement, dans les règles les plus strictes de la diplomatie et du droit international. Ce que les Québécois auront à décider quant à leur avenir se décidera ici, mais, entre-temps et après encore, les liens d'amitié particuliers que nous avons avec la France seront sûrement de nature à aider à l'ouverture du Québec au monde. La France ne doit d'ailleurs pas être le seul pays avec lequel nous devons avoir, d'ores et déjà comme peuple distinct au Canada, des relations.

Quant aux voyages nombreux qu'a faits le leader de l'Opposition à titre de ministre des Affaires intergouvernementales et de ministre de l'Industrie et du Commerce, ils ne doivent pas avoir laissé beaucoup de traces, parce que personne ne m'a parlé de lui.

Le Président: Question principale, M. le député de Marquette.

Fin des subventions à l'entreprise pour l'embauche d'étudiants

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse à l'honorable premier ministre qui est devant moi. En date du 9 décembre 1981, je questionnais le premier ministre sur le fonctionnement du placement étudiant au Québec et sur les différents programmes. À l'époque - c'était en l'absence du ministre du Travail pour des raisons de maladie - le premier ministre m'avait répondu. Ma question portait plus spécialement sur le programme d'incitation à l'entreprise privée, c'est-à-dire qu'on octroyait des subventions, pour la valeur de quelques millions de dollars, aux employeurs privés pour que ceux-ci engagent des étudiants au courant de l'été. On apprend qu'une dizaine de milliers d'étudiants l'an dernier, entre autres, ont pu se procurer un emploi grâce à ce programme incitatif dans le secteur privé, à ce programme de subventions. Le premier ministre me répondait à ce moment-là - il pourra vérifier avec moi dans le journal des Débats du 9 décembre 1981 - qu'il n'était pas du tout question pour son gouvernement de s'embarquer dans des voies négatives de ce genre. Pour bien nous situer, M. le Président, à ce moment-là, il était question de rumeurs d'abolition du programme incitatif d'emplois dans le secteur privé au niveau du placement étudiant. Il nous avait répondu qu'il n'était pas question de s'embarquer dans des voies négatives.

Il appert que, depuis environ trois semaines ou un mois, ledit programme a été aboli. Étant donné que ce programme, comme je le mentionnais, M. le Président, procurait une dizaine de milliers d'emplois aux étudiants du Québec, ma question comporte trois volets: Le premier ministre

est-il au courant ou pourrait-il infirmer que le programme de subventions au secteur privé au niveau du placement étudiant a été aboli il y a environ un mois ou un mois et demi? Si oui, quelles en sont les raisons? Troisièmement, le gouvernement a-t-il prévu une forme de remplacement pour ledit programme pour l'été qui s'en vient? Comme vous le savez, cela approche à grands pas. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, puisque le ministre responsable de cet ensemble de programmes de création de travail permanent ou saisonnier est ici en Chambre, c'est-à-dire le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, je pense que le député aurait pu normalement - s'il le permet, je vais le faire à sa place - adresser sa question au ministre responsable de ce secteur.

Le Président: M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre.

M. Marois: M. le Président, à la première partie de la question posée, la réponse est oui. Effectivement, la partie subventionnée des programmes de placement étudiant a été remplacée par d'autres volets. Je vais prendre avis pour le reste pour pouvoir donner beaucoup plus de détails sur ce qui est prévu et sur ce qui est en voie d'être mis en place partout au Québec, de façon détaillée pour les membres de cette Assemblée. Je voudrais dire que la raison première, principale, c'est qu'après avoir fait le tour, contacté les entreprises qui, effectivement, dans les cas où il y a eu des placements étudiants subventionnés - je ne voudrais pas induire cette Chambre en erreur, mais si ma mémoire est bonne, ce sont environ 7000 ou 8000 placements subventionnés - indépendamment de tous les autres types de placements étudiants qui ont pu se faire dans les années dernières dans divers autres types de programmes, les employeurs ayant été contactés, on a constaté que dans environ 80% des cas - je fournirai des chiffres plus précis - les employeurs étaient d'accord pour engager les étudiants indépendamment d'une subvention. D'ailleurs, on sait que le programme équivalent du fédéral ne prévoit pas de subvention. (15 h 20)

Je préférerais, M. le Président, pour l'instant, prendre avis pour le reste de la question. Les crédits doivent être déposés incessamment. Je répondrai ensuite de façon beaucoup plus détaillée et complète à la question du député.

Le Président: Question supplémentaire. M. le député de Verdun.

M. Dubois: M. le Président...

M. Caron: Est-ce que le ministre pourrait noter aussi, dans sa réponse, combien de placements ont été préparés jusqu'à aujourd'hui? Si vous ne l'avez pas aujourd'hui, vous répondrez à mon collègue en disant combien d'étudiants peuvent compter sur un placement?

M. Marois: II me semble que le député veut savoir le nombre d'étudiants inscrits jusqu'à ce jour au service et qui pourraient déjà être placés. Je fournirai les chiffres dans les meilleurs délais.

Le Président: Question principale. M. le député d'Abitibi-Est.

La Régie du logement

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Comme tous - ou pratiquement - les membres de cette Assemblée, j'étais à mon bureau de comté, hier, et j'ai reçu plusieurs commettants qui s'inquiètent beaucoup du jugement récent de la Cour suprême concernant la Régie du logement. Je voudrais donc poser une question à deux volets au ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: C'est le jugement de la Cour supérieure.

M. Bordeleau: C'est le jugement de la Cour supérieure, d'accord. Merci.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. M. le député d'Abitibi-Est, vous avez la parole.

M. Bordeleau: Ma question est en deux volets, si je peux finir par la poser. Depuis le jugement de la Cour supérieure, est-ce que le ministre peut rassurer les gens du Québec, de mon comté et des autres -j'imagine qu'il y en a qui s'inquiètent aussi dans les comtés libéraux - à savoir si, actuellement, la loi 107 de la Régie du logement est encore en vigueur et si nos citoyens peuvent s'en prévaloir actuellement?

Le deuxième volet est: Si jamais la Cour d'appel - éventuellement la Cour suprême du Canada - maintenait le jugement rendu, quelles en seraient les conséquences en termes de coût, de temps, de délai, pour les Québécois pour faire affaire avec notre Régie du logement?

Le Président: M. le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur.

M. Tardif: M. le Président, au lieu d'entendre l'Opposition s'esclaffer, je me serais attendu que cette question me vienne du critique officiel de l'Opposition en matière d'habitation. En ne se levant pas, ni mercredi passé, ni jeudi, ni aujourd'hui, j'en conclus que, ou bien le député de Mont-Royal n'est plus le critique officiel de l'Opposition en matière d'habitation ou bien il s'est spécialisé dans les pseudo-scandales. Je remercie donc, le député d'Abitibi-Est de sa question. Pour dire que...

Une voix: En tout cas, toi...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Tardif: La question du jugement de la loi 107 est un des vrais problèmes. J'en ai eu dans mon comté, je constate que le député d'Abiti-Est en a eu et d'autres, probablement, en ont eu. Ce jugement de la Cour supérieure, il est important de le noter, étant donné qu'il a été porté en appel par le ministre de la Justice, fait que, présentement, les locataires et les propriétaires restent intégralement soumis à la loi qui s'applique exactement comme auparavant. C'est très important, en cette période de renouvellement des baux, que les locataires ne signent pas n'importe quel bail à n'importe quelle condition parce que, soi-disant, on leur dirait que la loi ne s'applique plus. La loi est là, elle s'applique, y compris à l'égard des articles qui seraient soi-disant contentieux. Ce qui est mis en cause dans le jugement, ce n'est pas la loi elle-même, c'est la compétence de la régie. En d'autres termes, ce que le jugement nous dit - encore une fois, il est suspendu, puisque la cause est en appel - c'est que cela ne devrait pas être des régisseurs nommés par Québec qui entendent ce genre de causes mais bien des juges fédéraux de la Cour supérieure. Cela, c'est important.

Le deuxième élément de la question, c'est que si ce jugement, qui, encore une fois, ne s'applique pas présentement - c'est important en période de renouvellement des baux et j'aimerais que l'Opposition en prenne bonne note - devait être maintenu en Cour d'appel ou en Cour suprême, il aurait des conséquences considérables puisque ça voudrait dire que les affaires qui touchent 1 000 000 de locataires au Québec devraient dorénavant être entendues devant la Cour supérieure. Quand j'entends les propriétaires et certains locataires se plaindre des délais présents à la régie, qui se mesurent en semaine ou en mois, de six semaines à six mois, à neuf mois...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. Tardif: ... je leur laisse le soin d'apprécier ce que seraient ces délais en Cour supérieure et quelles seraient les conséquences au point de vue des coûts quand on sait qu'il en coûterait au minimum, pour une cause d'éviction ou de résiliation de bail, entre 350 $ et 500 $ à un propriétaire. Je pense qu'ils se sont rendu un très mauvais service. Évidemment, ils ont exercé un droit. Dans le domaine de la législation de la famille, le Québec avait déjà souligné l'importance de revoir l'article 96 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui nous tient lieu de constitution. C'est vrai dans le domaine de la législation du travail, c'est vrai dans le domaine de la législation des professions et c'est vrai également dans le domaine du logement. En 1867, il n'y avait pas 1 000 000 de locataires. Il faut que cette loi soit revue, à supposer que le jugement soit maintenu. En attendant, la loi s'applique intégralement et, de grâce, que les locataires ne signent pas n'importe quels baux à n'importe quelles conditions.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai pas voulu soulever une question de privilège sur les propos du ministre quant aux questions que j'aurais pu poser, la semaine dernière, sur la Régie du logement. Vous êtes témoin vous-même, M. le Président, que j'ai essayé de me faire reconnaître pour poser une question jeudi, mais, malheureusement, le temps était écoulé et je n'ai pas pu la poser. Faire de la démagogie ainsi, je pense que ça ne vous aide pas.

Est-ce que le ministre de l'Habitation pourrait dire à cette Assemblée et à la population ce qui arrivera si la Cour d'appel et la Cour suprême confirment le jugement? Est-ce que cela ne voudra pas dire que toutes les décisions rendues maintenant par la régie seront annulées? Cela veut dire que tous les conseils que vous venez de donner aux locataires et aux propriétaires ne valent rien, parce que ce n'est pas ce qui va arriver. Est-ce que je pourrais demander au ministre, au lieu de faire de la démagogie sur le dos des locataires et des propriétaires et sur le dos du fédéral dans ce dossier, pourquoi il ne procède pas à une réforme de la loi sur la Régie du logement, une réforme qui, même s'il n'y avait pas eu de jugement de la Cour supérieure, s'imposait l'année dernière, au mois de décembre dernier? À ce moment-là, le ministre s'était engagé à procéder à une réforme en profondeur ce printemps.

Il ne faudrait pas que le ministre induise cette Assemblée en erreur, induise la population en erreur. Qu'il passe à l'action et qu'il arrête de se cacher derrière la décision de la Cour supérieure pour justifier son inaction et son irresponsabilité dans ce

dossier.

Le Président: M. le ministre.

M. Garon: Parlez-nous des centres d'achats de Sept-Îles.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, le député de Mont-Royal, qui est avocat de profession, devrait savoir mieux que moi que la décision de la Cour supérieure, le jugement qui est porté en appel et qui, donc, ne s'applique pas, est inopérant présentement au Québec, ne touche pas, d'une part, la fixation des loyers; il ne touche que ce qu'on appelle des ordonnances pouvant être émises par la régie qui sont assimilées, à toutes fins utiles, à des injonctions en vertu de l'article 96 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Ce n'est donc pas, pour ce qui est du gros des matières traitées devant la régie, quelque chose qui, de toute façon, serait infirmé par le maintien du jugement en première instance. (15 h 30)

Une voix: Donc, ce n'est pas grave.

M. Tardif: Oui c'est grave parce que dans les matières de démolition, dans les matières de transformation en copropriété, des droits des Québécois peuvent être affectés. Je m'explique mal les gorges chaudes que peuvent faire et le député de Marguerite-Bourgeoys et celui de Mont-Royal.

Deuxièmement, lorsqu'on parle de réforme, de revoir la loi pour la bonifier, la corriger, l'améliorer, c'est vrai que je me suis engagé à le faire, que nous l'avons d'ailleurs fait au cours de la dernière session, et que nous allons continuer à le faire. Mais certainement pas dans le sens que demande le député de Mont-Royal. Je vois ici la Gazette qui le cite: "John Ciaccia, the Liberal Housing critic - ils l'affirment encore, eux, en tout cas... - in the National Assembly, said, in a telephone interview from Québec City, that there is a simple solution to the impasse. - Écoutez bien la solution simpliste du député - : The Government should limit the power of the rental board to fixing rents, he said. All other problems between tenants and landlords should be decided before the Court, as they were before bill 107."

M. le Président, c'est précisément lorsque le député dit que la Régie du logement devrait se contenter de déterminer le niveau de loyer et laisser tout le reste aux tribunaux réguliers, que je dis que c'est de l'irresponsabilité, c'est de l'inconscience puisque, encore une fois, il y a présentement à peu près 60 000 causes par année qui touchent autre chose que de la fixation des loyers. Remettre tout cela aux tribunaux réguliers entraînerait des coûts considérables, entraînerait des délais et des coûts non seulement à l'État mais également aux individus. C'est de l'inconscience, c'est de l'irresponsabilité. Et même du temps de son gouvernement, son ex-collègue, l'ex-ministre de la Justice, M. Jérôme Choquette, avait d'ailleurs déposé des projets de loi qui vont dans le sens de la loi 107 et certainement pas dans le sens que prône présentement le député de Mont-Royal qui est complètement déconnecté de la réalité sur ce plan.

M. Ciaccia: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: Fin de la période de questions. Question de privilège, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, le ministre induit cette Chambre en erreur en laissant entendre que je suggérais que la seule solution permanente pour refondre et réformer la loi 107 serait simplement de remettre à la régie le droit de fixer les loyers et de donner tout le reste aux tribunaux. M. le Président, ce ne sont pas les propos que j'ai tenus. C'est une solution temporaire pour pallier l'effet du jugement de la Cour supérieure. En plus, c'était la situation qui existait avant 1967 où il n'y avait pas 55 000 cas en arrérage devant la Régie du logement. C'est une solution temporaire pour le moment, pour débloquer ces 55 000 cas devant la Régie du logement.

Le Président: À l'ordre s'il vous plaît! À l'ordre s'il vous plaît!

M. Tardif: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: Question de privilège, M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, question de privilège qui consiste à rétablir les faits. Si vous me le permettez, vous avez accepté, de la part du député de Mont-Royal, une question de privilège qui, finalement, n'en était pas une, puisque je citais un journal à la lettre. Je vais d'ailleurs déposer la Gazette...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'Opposition, question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, on sait que le député de Mont-Royal a soulevé une question de privilège. Vous l'avez d'ailleurs reconnue comme telle, cette question, puisqu'il avait été cité d'une façon qui demandait que ce soit rétabli,

comme l'a fait d'ailleurs le député de Mont-Royal.

Notre règlement prévoit qu'une question de privilège - elle était bien fondée - ne provoque pas de débat. Ce que nous avons présentement, c'est le ministre de l'Habitation qui veut rétablir certains faits. Je ne crois pas que ni ses droits de député ni ses privilèges aient été attaqués du fait que le député de Mont-Royal ait simplement rappelé que, lorsqu'il avait prononcé ces paroles, c'était simplement dans le contexte du jugement de la Cour supérieure, et le député s'est assis. À ce moment-là, M. le Président, je ne vois pas comment vous pouvez accorder le droit de parole au ministre sur une question de privilège.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, très brièvement. Je pense qu'il y a une façon pour la présidence de savoir s'il y a, oui ou non, question de privilège. C'est d'entendre d'abord le ministre de l'Habitation dire en quoi il soulève une question de privilège. Le leader de l'Opposition ne lui a même pas laissé la possibilité de s'exprimer et vous n'avez pas eu la possibilité de l'entendre, M. le Président.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bertrand: Si le député de Mont-Royal veut convertir des questions de privilège en questions additionnelles, je pense que c'est au moins le droit du ministre de l'Habitation de soulever une question de privilège.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): On me permettra simplement de rappeler que c'est le ministre lui-même qui vous a dit non pas que c'était une question de privilège, mais que c'était pour rétablir les faits. Or, à ce moment-là, cela veut dire, en termes parlementaires, qu'il s'agit simplement pour le ministre de se donner un droit de réplique additionnel ou d'avoir droit à une réponse additionnelle. M. le Président, je soumets respectueusement que, si on suivait les suggestions du leader parlementaire du gouvernement, vous n'auriez jamais l'occasion de dire qu'il ne s'agit pas de question de privilège tant et aussi longtemps que l'opinant ne se serait pas complètement satisfait.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

D'abord, j'aimerais dire que je suis d'accord avec le leader du gouvernement sur au moins un point. Il me faut au moins entendre quelques mots du député pour juger s'il s'agit d'une question de privilège ou non. Deuxièmement, M. le leader de l'Opposition, il ne faut pas nécessairement déduire, parce que la présidence a été silencieuse, que c'est une reconnaissance qu'il s'agit bien d'une question de privilège. Parfois, c'est même la coutume, la présidence ne dit mot et je ne voudrais pas que ce silence soit interprété comme étant le fait qu'il s'agit bel et bien d'une question de privilège. Dans le cas du député de Mont-Royal, je l'ai effectivement entendu, mais je ne pense pas de ce fait avoir nécessairement reconnu qu'il s'agissait d'une question de privilège en vertu de notre règlement.

D'autre part, je ne pense pas non plus que, parce que le ministre a employé les mots "rétablir les faits", il veuille se servir de l'article 96. Le député de Mont-Royal n'a pas dit les mots "rétablir les faits", mais il a, par contre, rétabli certains faits.

Dans les circonstances, je donne la parole au ministre, très brièvement, sur la question de privilège, qui ne doit pas entraîner - je suis d'accord avec le leader de l'Opposition - un débat. M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, sans susciter de débat, ma question de privilège est fondée sur le fait que le député de Mont-Royal dit que j'ai déformé sa pensée. M. le Président, je ne veux donc pas être accusé d'avoir déformé sa pensée. J'ai lu un article de journal qui rapporte...

Des voix: ...

M. Tardif: M. le Président, est-ce que je peux terminer?

Le Président: À l'ordre!

M. Tardif: M. le Président, j'ai lu un article de journal qui le cite. Mais, néanmoins, je consens à mettre de côté - si vous me le permettez un instant - cet article de journal et poser la question suivante - d'abord, qu'il s'explique - au député de Mont-Royal. Je crois comprendre qu'il...

Une voix: Un instant!

Une voix: Assoyez-vous!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: Vous voyez comme il sait qu'il enfreint le règlement; il parle quand ce n'est pas le temps.

Une voix: Avis à la Chambre.

Une voix: Faut s'asseoir.

Le Président: II s'agit manifestement, entre le député de Mont-Royal et le ministre, d'une divergence d'opinions, d'une divergence d'interprétations.

Une voix: Faut s'asseoir Luc. Des voix: Ah!

Le Président: En conséquence, d'ailleurs, je dois vous rappeler que l'article qui permet au député de rétablir des faits à la suite d'une intervention en Chambre, c'est l'article 96 et, à l'article 96, il ne s'agit pas d'une question de privilège. Je le dis pour l'ensemble des députés de cette Chambre, du côté gauche comme du côté droit.

Motions non annoncées. M. le député de Deux-Montagnes.

Félicitations à M. Alain Dubuc

M. de Bellefeuille: M. le Président, je désire présenter une motion à cette Assemblée au sujet de M. Alain Dubuc, de la Presse, qui vient de remporter un important prix de journalisme. Est-ce que j'ai le consentement de la Chambre?

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. (15 h 40)

M. de Bellefeuille: M. le Président, nous avons appris avec beaucoup de satisfaction qu'un excellent journaliste de la Presse, M. Alain Dubuc, a remporté un prix qui a été fondé en 1973 par la Banque Royale et le Toronto Press Club. C'est un prix qui a beaucoup de prestige. Il l'a remporté pour sa rubrique régulière que, je crois, la plupart d'entre nous connaissons bien, la rubrique économique de M. Alain Dubuc dans la Presse. Je fais donc motion pour que cette Assemblée adresse ses félicitations à M. Dubuc. Nous avons fait la même chose la semaine dernière dans le cas de Mme Lysiane Gagnon, qui, elle aussi, a remporté un prix du Toronto Press Club. Il est intéressant de voir que les journalistes québécois et les journalistes canadiens, dans leur vie professionnelle, pratiquent ce que certains considéreraient comme du fédéralisme, mais que pour ma part je préfère voir comme une forme d'association et que, dans cette association, la partie québécoise se tire fort bien d'affaire.

Le Président: M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, il me fait plaisir de m'associer à la motion du député de Deux-Montagnes pour féliciter M. Alain Dubuc de ce prix de journalisme. Chacun d'entre nous qui s'intéresse à l'économie lit chaque jour cette rubrique. On s'aperçoit que très souvent il est critique du gouvernement, pas toujours d'accord avec l'Opposition. Je crois qu'on doit lui rendre cet hommage de formuler ses critiques et de faire ses analyses dans la plus grande objectivité.

Il le fait avec une indépendance d'esprit qui est à la hauteur de sa compétence et je crois que toute cette Chambre doit se réjouir que de plus en plus de journalistes canadiens-français et de plus en plus de journaux de langue française s'intéressent à l'économie; en très grande partie quelquefois ces remarques rejoignent le domaine énergétique qui est, comme vous le savez, très important au Québec présentement.

C'est avec plaisir que je m'associe à la motion du député de Deux-Montagnes pour féliciter M. Dubuc. Je vous remercie.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Joliette.

Condoléances à M. Jérôme Proulx

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais proposer que cette Assemblée nationale offre ses plus sincères condoléances à notre collègue de Saint-Jean, M. Jérôme Proulx, ainsi qu'à toute la famille éprouvée par le décès de M. Joseph-Armand Proulx, père du député de Saint-Jean.

Le Président: Est-ce que cette motion sera adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Portneuf, sur la motion.

M. Pagé: Très brièvement, M. le Président, je voudrais y associer la voix des députés libéraux à l'Assemblée nationale du Québec pour transmettre nos condoléances à la famille de M. Joseph-Armand Proulx et nos pensées à notre collègue, M. Jérôme Proulx.

Le Président: Est-ce que la motion sera adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: M. le Président, je solliciterais le consentement de cette

Assemblée pour présenter une motion non annoncée afin d'offrir nos sincères condoléances aux membres de sa famille à l'occasion du décès du grand peintre québécois, M. Albert Rousseau, et de rendre témoignage à son oeuvre et ses réalisations. Est-ce que j'ai le consentement de la Chambre?

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? M. le député de Laprairie.

Condoléances aux familles de MM. Albert Rousseau et Gilles Talbot

M. Saintonge: Merci, M. le Président. Jeudi dernier un des grands peintres québécois, M. Albert Rousseau, décédait à Saint-Étienne-de-Lauzon à l'âge de 73 ans. Homme plein de vitalité et toujours très actif, il s'apprêtait à aller peindre dans son atelier quand il fut terrassé par une crise cardiaque. Je me dois de souligner la renommée nationale et internationale enviable de M. Rousseau qui a exposé dans plusieurs grandes villes, dont New York et Paris.

Nous savons tous que M. Rousseau était voué entièrement à la peinture depuis 1965 et qu'il laisse un héritage considérable d'aquarelles, de gravures et de tableaux d'un style très personnel.

Une réalisation de M. Rousseau qui m'apparaît importante et qui témoigne de son intérêt soutenu à son art est la fondation, en 1970, du Moulin des Arts de Saint-Étienne, abritant des ateliers et des aires d'exposition, assurant ainsi non seulement la diffusion des oeuvres de nos artistes, mais surtout la formation d'une relève valable. On mentionne d'ailleurs que M. Rousseau y donnait son dernier cours mardi soir dernier. Son oeuvre peut servir de guide à nos peintres québécois et stimuler leur dynamisme et leur esprit de créativité.

Le décès de M. Rousseau est, certes, une perte immense pour l'art québécois. Tout en rendant un hommage mérité à ce dernier pour toute son oeuvre et sa réalisation, nous adressons aux membres de sa famille nos plus sincères condoléances.

Le Président: Merci. M. le ministre des Affaires culturelles.

M. Richard: M. le Président, sans vous en tenir rigueur, je vous signale qu'il y a une tradition en cette Chambre qui veut qu'au moment des motions non annoncées, on reconnaisse d'abord les ministres qui se lèvent. Sans doute, M. le Président, vous n'avez pas eu l'occasion, mais j'aurais voulu signaler moi aussi le décès de ce peintre fort bien connu dans la région de Québec et parler de sa contribution extrêmement importante surtout comme fondateur du

Moulin des Arts. C'est comme fondateur du Moulin des Arts que ce peintre sera particulièrement reconnu parce qu'il a apporté, en fondant ce Moulin des Arts, une contribution extrêmement importante au développement des arts plastiques dans tout le Québec et en particulier, bien sûr, dans la région de Québec.

Maintenant, M. le Président, je sollicite votre consentement pour présenter une autre motion non annoncée.

Le Président: Est-ce que la motion du député de Laprairie sera adoptée? Adopté. M. le ministre des Affaires culturelles.

M. Richard: Merci. M. le Président, hier, en présence d'une très grande partie de la communauté artistique de Montréal avait lieu le service funèbre de M. Gilles Talbot. Je sollicite le consentement de l'Assemblée pour offrir à la famille durement éprouvée de M. Gilles Talbot nos plus sincères condoléances.

Le Président: Consentement.

M. Richard: M. le Président, tout le monde reconnaît l'importance qu'a eue M. Gilles Talbot dans la diffusion des arts au Québec, notamment, dans l'industrie du spectacle. Peu de Québécois ont eu une telle importance, ont apporté une telle contribution à la diffusion du spectacle québécois non seulement au Québec, mais aussi à l'étranger, surtout en assurant la présence du Québec dans l'industrie du disque. M. Talbot est disparu de façon tragique. Je le connaissais personnellement. J'avais eu l'occasion de m'en faire un ami et je voudrais, au nom de toute l'Assemblée, M. le Président, offrir à sa famille mes plus sincères condoléances.

Le Président: M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: M. le Président, nous nous joignons au ministre pour offrir nos voeux à la famille de M. Talbot qui était, en fait, un homme très dynamique. Je pense qu'il représentait grandement l'élan québécois dans le domaine culturel.

Le Président: Est-ce que la motion du ministre des Affaires culturelles sera adoptée?

Des voix: Adopté.

Que M. Victor Regalado puisse faire valoir une défense pleine et entière

Le Président: Adopté. M. le député de Laurier, sur une motion non annoncée.

M. Sirros: Oui. J'aimerais avoir le consentement de la Chambre, M. le Président, pour présenter une motion concernant le cas de M. Victor Regalado qui a récemment été libéré à la suite d'une détention.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. le député de Laurier.

M. Sirros: M. le Président, vous vous rappelez que M. Regalado est entré au Canada le 7 janvier, des États-Unis, et son accueil ici, dans ce pays, a été de connaître la prison de Parthenais durant un grand bout de temps et, plus tard, un hôtel à la suite de pressions des citoyens.

Le cas de M. Regalado soulève plusieurs questions sur le respect des droits de l'individu. M. Regalado a été la victime de certaines dispositions douteuses sur le plan des droits de la personne et des droits de l'homme de la loi sur l'immigration fédérale. En fait, M. Regalado a pu être emprisonné au Canada sans jamais connaître les accusations portées contre lui. S'il y a un principe de base de la démocratie et du respect des libertés individuelles, M. le Président, c'est indéniablement que l'accusé puisse connaître les accusations portées contre lui.

Notre système de justice a quand même pu fonctionner pour permettre la libération de M. Regalado, M. le Président, mais il n'y a pas grand-chose dont nous pouvons être fiers étant donné que cela a été fait seulement à la suite de nombreuses pressions et après une incarcération injustifiée de neuf semaines.

M. le Président, même si le Canada a accordé le statut de réfugié à M. Regalado, il reste que ce dernier est toujours menacé d'expulsion. En effet, le certificat de sécurité qui a été émis contre le journaliste salvadorien est encore en vigueur. De plus, la décision rendue le 13 mars dernier par l'arbitre nommé par le ministère fédéral de l'Immigration énonce très clairement que Victor Regalado n'est pas un danger pour le public et le Solliciteur général du Canada lui-même en reconnaît autant.

Pour ce motif, M. le Président, j'aimerais présenter la motion suivante: "Que cette Assemblée exprime le voeu qu'à la suite de la libération de M. Victor Regalado par l'arbitre de l'Immigration fédérale, le ministre fédéral de l'Immigration suspende les mesures d'expulsion afin de permettre à M. Regalado de faire valoir une défense pleine et entière a l'encontre des accusations portées contre lui." (15 h 50)

Le Président: Merci. M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin: M. le Président, comment ne pas être d'accord avec cette motion puisqu'elle ne fait qu'appuyer une cause qui nous paraît éminemment juste? Ce qui nous a frappés de ce côté-ci de la Chambre, à l'occasion de l'affaire Regalado comme à l'occasion également des propos du premier ministre au sujet des événements de Pologne - l'appui tacite aux actions du général Jaruzelski - ce qui nous a frappés, c'est la conception autoritaire que cela trahissait quant à ce que doit être l'action d'un gouvernement.

M. le Président, je suis heureux qu'on le reconnaisse des deux côtés de la Chambre: Le traitement qui a été infligé à M. Regalado, les propos qui ont été tenus sur les Polonais et bien d'autres événements que nous pourrions mentionner, trahissent de la part du gouvernement fédéral une conception autoritaire de l'action du gouvernement. Je suis heureux qu'enfin on souligne le caractère tout à fait relatif de la soi-disant charte des droits qu'on veut nous octroyer et qui, semble-t-il, pourrait nous venir non pas de l'accord de tous les Canadiens, mais du Parlement britannique. On est allé chercher à Londres une charte des droits qui, malheureusement, n'a pas empêché des faits comme ceux-là de se produire. Aussi nous rallions-nous à la motion de l'Opposition, M. le Président.

M. Rivest: M. le Président.

Le Président: Sur la même motion?

M. Rivest: Sur la même motion.

Le Président: Sur la même motion, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Je voudrais simplement, bien sûr, appuyer la motion de mon collègue et appuyer même la substance des propos du ministre des Affaires intergouvernementales, mais il me semble que, dans ce genre de cause, le ministre des Affaires intergouvernementales devrait s'intéresser au mérite et aux droits de l'individu en question sans essayer par ses propos de dégager une dimension politique que ce dossier n'a absolument pas, car, M. le Président, des accrocs aux droits de la personne, il en existe également au Québec. Il y a une commission, il y a des cas et on pourrait vous retourner très facilement le plat. Intéressez-vous donc au mérite des questions au lieu de toujours politiser les problèmes.

M. Morin: M. le Président... M. Marx: M. le Président...

Le Président: Sur une question de...?

M. Morin: Je me lève sur une question de privilège.

Le Président: M. le ministre, sur une question de privilège.

M. Morin: Loin de moi l'idée de lancer un débat, comme vient de le faire le député de Jean-Talon. Il reste tout de même que j'avais le droit d'exprimer une opinion sur la motion de l'Opposition et que j'avais le droit également de faire ressortir d'autres éléments du débat où les droits de l'homme sont en cause.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee sur la même motion?

M. Marx: Oui, sur la même motion, M. le Président.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je ne pense pas que ce soit le moment de faire une plaidoirie partisane. Je pense que c'est le moment de faire une plaidoirie pour la justice et le ministre des Affaires intergouvernementales doit être au courant que les requêtes pour demander que M. Victor Regalado reste au Canada étaient signées par des libéraux, des péquistes, des créditistes, par tout le monde. Il s'agit ici de faire une plaidoirie pour la justice, c'est-à-dire pour que tout gouvernement respecte le principe de légalité, "the rule of law", qui est le fondement de notre système juridique. Il s'agit de règles implicites qui, souvent, ne sont pas écrites, mais de règles qu'il faut respecter pour se respecter soi-même comme citoyens canadiens. Par exemple, on sait que le principe de légalité veut que tout le monde soit égal devant la loi. Même le premier ministre n'a pas plus de droits qu'un simple citoyen et on a déjà vu cela avec d'autres premiers ministres au Canada et ailleurs, qui étaient assujettis aux mêmes lois qu'un simple citoyen. Il y a aussi un autre principe fondamental qui veut que chaque procès, pour tout individu, soit tenu devant un tribunal impartial. De plus, toute personne accusée d'un crime doit connaître les accusations et doit avoir le droit de se défendre, d'avoir une défense pleine et entière. M. le Président, j'insiste sur le fait qu'il faut avoir un seul système de justice. On ne peut pas avoir deux systèmes de justice; c'est très dangereux d'avoir deux systèmes de justice, l'un pour M. Regalado Brito, l'autre pour nous; un pour les autres, un pour nous autres. On ne sait jamais quand l'autre système de justice va nous frapper. J'appuie la motion pour demander au gouvernement concerné de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le principe de légalité soit respecté intégralement. Merci.

Le Président: M. le ministre de l'Immigration.

M. Godin: En temps que ministre de l'Immigration, je suis intervenu personnellement à trois reprises pour que M. Regalado puisse bénéficier d'une défense pleine et entière au Canada et au Québec. J'ai souhaité, comme mon collègue, le député de D'Arcy McGee, que les candidats à l'immigration au Canada bénéficient des mêmes droits que les Canadiens pour découvrir, à ma grande surprise, que les Canadiens n'ont pas plus de droits que M. Regalado. En effet, en tout temps, ils peuvent se voir refuser l'accès à des renseignements qui les concernent en vertu de la sécurité de l'État. Je pense qu'il faudrait souhaiter que le Canada modifie sa charte des droits de manière qu'un citoyen puisse en tout temps être informé des raisons pour lesquelles il est détenu, qu'il soit candidat à l'immigration ou qu'il soit citoyen canadien d'ici. Merci beaucoup.

Le Président: Est-ce que la motion sera adoptée? Adopté.

M. le chef de l'Opposition.

Condoléances à la famille de M. Émile Girardin

M. Ryan: Je voudrais proposer que cette Chambre adresse des condoléances et des remerciements du peuple québécois à la famille de M. Émile Girardin, ancien président du Mouvement Desjardins, qui est mort en fin de semaine.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. M. le leader de l'Opposition.

M. Ryan: M. Girardin avait remplacé le sénateur Vaillancourt - comme tout le monde s'en souvient - à la tête du Mouvement Desjardins. Il a dirigé le mouvement pendant de nombreuses années. Je pense que la période où il a présidé aux destinées du Mouvement Desjardins a été celle où le mouvement est vraiment entré dans l'époque moderne. Cela a été l'époque de la création d'un grand nombre d'institutions financières, de l'essor du mouvement qui en a fait la plus puissante institution financière possédée par les Québécois eux-mêmes. M. Girardin avait cette caractéristique que je voudrais signaler d'avoir été d'abord un éducateur. Il a commencé à s'occuper des caisses populaires alors qu'il était principal d'école. Je me souviens très bien d'avoir connu son travail dans le temps, il avait été le père des caisses scolaires, comme on les appelait dans le temps. Je pense qu'il a contribué plus que tout autre à cette formation de l'opinion publique, à la préparation des

esprits qui a permis au Mouvement Desjardins de recruter aujourd'hui des membres et des appuis chez peut-être la moitié de nos citoyens du Québec. Je pense qu'il a été un grand Québécois, un grand constructeur, qui a eu le grand mérite aussi de se retirer au moment opportun et qui laisse un souvenir impérissable d'action constructive et créatrice et surtout durable.

Le Président: M. le ministre des Institutions financières et Coopératives.

M. Parizeau: Je tiens à m'associer à la proposition présentée par le chef de l'Opposition. J'ai connu M. Girardin pendant plusieurs années. J'étais en mesure de voir de très près à quel point il a présidé à ce qui est peut-être le virage le plus important dans le Mouvement Desjardins et, d'une façon générale, dans les coopératives d'épargne et de crédit au Québec, c'est-à-dire, tout à fait dans le sens de ce que disait le chef de l'Opposition tout à l'heure, de prendre un mouvement qui était déjà très fort, très puissant, mais très orienté ou presque exclusivement orienté en fonction des besoins de ses membres au niveau du crédit personnel ou du crédit hypothécaire, de prendre le virage dans le sens d'un élargissement graduel, petit à petit d'ailleurs, des coopératives d'épargne et de crédit et en particulier des caisses populaires, vers l'implantation de nouvelles initiatives, sur le plan économique, de participations graduellement plus importantes au développement du Québec. Il y a des hommes qui, par quelques gestes spectaculaires, se font connaître. M. Girardin s'est d'abord et avant tout fait connaître par la recherche d'un consensus vers des changements graduels mais importants dans notre société. Dans ce sens, même si on a peut-être parlé moins de lui que d'autres dans le même mouvement, il aura eu une action extraordinairement profonde sur toute l'orientation du Mouvement Desjardins. Encore aujourd'hui, on se rend compte que l'infléchissement, la réorientation qui a été prise à ce moment continue de fructifier. J'offre donc mes sympathies à la famille de M. Girardin et je tiens à souligner à quel point disparaît là l'une des figures marquantes du mouvement coopératif au Québec. (16 heures)

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Avis à la Chambre.

M. Lalonde: En vertu de l'article 34,

M. le Président.

Recours à l'article 34

Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 34, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, ma question aura un écho un peu spécial après le plaidoyer du ministre de l'Immigration sur les droits individuels. Le projet de loi no 188, qui prévoit l'expropriation sans compensation des droits d'une simple citoyenne, a trouvé son chemin jusqu'en commission parlementaire grâce à l'accord du leader du gouvernement avec la complicité du ministre des Affaires sociales. Devant le plaidoyer minable du parrain, le député de Vachon et devant l'énormité de la bourde qu'on est en train de faire, il y a eu une motion d'ajournement sine die de cette commission parlementaire.

Je demande au leader du gouvernement s'il n'accepte pas de réviser son tir, de lire le projet de loi, de lire la transcription des débats et de retirer simplement ce projet de loi qui est une honte dans une démocratie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Bertrand: M. le Président, la commission parlementaire a ajourné ses travaux sine die et, au moment où on se parle, les parties seraient en train de négocier. Quand on aura d'autres renseignements à livrer aux membres de l'Assemblée nationale, on le fera.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est important que le ministre saisisse le sens de ma question. C'est un projet de loi qui menace d'enlever les droits d'une simple citoyenne, des droits parfaitement légaux. La suspension des travaux de la commission...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je n'ai pas besoin de vous lire l'article 34, je suis assuré que vous le connaissez autant que plusieurs parmi nous. S'il vous plaît, en vertu de l'article 34.

M. Lalonde: M. le Président, ma question est posée en vertu de l'article 34 et concerne les travaux de la Chambre. Les travaux de la Chambre concernent aussi ce que le leader du gouvernement a l'intention de faire en vertu d'un projet de loi dont on est saisi. Je demande au leader de bien

prendre conscience que l'existence de ce projet de loi, la suspension de ce projet de loi au dessus de la tête d'une citoyenne est une menace inacceptable pendant qu'elle négocie. Est-ce qu'il ne devrait pas simplement retirer le projet de loi?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Bertrand: M. le Président, je réitère ma réponse. La commission parlementaire a ajourné ses travaux et le ministre des Affaires sociales m'indique que les parties sont retournées négocier de bonne foi. Quand nous aurons des renseignements additionnels relatifs à ce projet de loi à fournir au député de Marguerite-Bourgeoys, il nous fera grand plaisir de le faire. Pour l'instant, il n'est pas question, dans un avenir prévisible, de ramener ce projet de loi.

M. Lalonde: M. le Président, toujours en vertu de l'article 34, est-ce qu'il est de l'intention du leader de reconvoquer cette commission parlementaire pour étudier le projet de loi no 188 dans l'hypothèse où les négociations ne permettent aucune entente?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Bertrand: M. le Président, je remercie le député de Marguerite-Bourgeoys d'avoir fait mention du mot "hypothèse" dans sa question. Comme il y a une hypothèse dans sa question, ma réponse ne pourrait être qu'hypothétique et, dans les circonstances, je n'y répondrai pas.

Avis à la Chambre

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader, sur les avis à la Chambre. Un instant, M. le leader. M. le député de Châteauguay, en vertu de l'article 34.

M. Dussault: En vertu de l'article 34, M. le Président, c'est une question qui s'adresse à vous. Jeudi soir dernier, à la suite d'un débat sur un projet de loi dont M. le député de Lévis et ministre de l'Agriculture est parrain, j'ai posé une question de directive à la présidence concernant le droit de réplique. Je voudrais savoir quand il nous sera possible d'avoir cette réponse de la présidence.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, nous sommes à analyser cette question et, dans les plus brefs délais, vous aurez une réponse. M. le leader.

M. Bertrand: Très bien, M. le Président. Il n'y a pas d'avis, mais des motions. Cet après-midi, à compter de 16 heures, la commission parlementaire permanente de l'agriculture se réunira à la salle 81-A pour étudier article par article le projet de loi no 49 - le ministre de l'Agriculture semble heureux, je tiens à le souligner - et, si nécessaire, ce soir, de 20 heures à 22 heures. Demain matin, cette commission parlementaire poursuivra ses travaux, si nécessaire, toujours sur le projet de loi no 49, de 10 heures à 13 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que ces deux motions sont adoptées?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Aux affaires du jour, M. le leader.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais, à ce moment-ci, de reconnaître le ministre des Finances.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Finances.

M. Parizeau: M. le Président, un message de l'honorable lieutenant-gouverneur, signé de sa main.

Crédits pour l'année financière se terminant le 31 mars 1983

Le Vice-Président (M. Rancourt): L'honorable lieutenant-gouverneur de la province de Québec transmet à l'Assemblée nationale les crédits pour l'année financière se terminant le 31 mars 1983 conformément aux dispositions de l'article 54 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique 1867 et recommande ces crédits à la considération de la Chambre.

Vous pouvez vous asseoir.

M. le leader.

Renvoi aux commissions appropriées

M. Bertrand: M. le Président, conformément à l'article 128, paragraphe 1, de notre règlement, je propose que l'étude des crédits de chacun des ministères soit confiée aux commissions élues appropriées, sauf celle des crédits de l'Assemblée nationale et toute autre que l'Assemblée jugera opportun de confier à la commission plénière de l'Assemblée.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le ministre des Finances.

Avis de motion pour l'approbation d'un quart du budget des dépenses

M. Parizeau: M. le Président, conformément à l'article 132, paragraphe 1, de notre règlement, je donne avis à cette Chambre qu'à notre séance de demain, dès l'appel des affaires du jour, je ferai motion pour que cette Assemblée se transforme en commission plénière pour voter en bloc un quart des différents articles du budget des dépenses pour l'exercice financier 1982-1983.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Bertrand: M. le Président, maintenant que le ministre des Finances a donné avis que nous procéderons à l'étude des crédits provisoires, je voudrais indiquer que cela sera fait à compter de demain matin, 10 heures, ici, à l'Assemblée nationale, bien sûr en commission plénière. Je voudrais indiquer aussi à nos collègues de l'Assemblée nationale - j'en ai remis une copie au leader de l'Opposition - que nous entreprendrions l'étude des crédits de chacun des ministères à compter du mardi 6 avril et que, si l'entente est toujours maintenue, durant la période de Pâques, soit du 8 au 27 avril, il n'y aurait pas de commissions parlementaires qui siégeraient pour l'étude des crédits et que nous les reprendrions lors de la reprise des travaux.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, quant à l'étude des crédits provisoires et aux cinq heures qui y sont consacrées, je voudrais savoir du leader du gouvernement s'il est d'accord pour que nous puissions - non pas d'une façon absolue, mais relative - préparer un peu ces cinq heures, de sorte que lui-même serait au courant des collègues qui pourraient être convoqués. Pour le reste, nous devrons attendre l'étude des crédits dans leur ensemble, ce qui se fera, d'abord, à la fin de mars et, ensuite, à la fin d'avril, tout le mois de mai et au début de juin.

Pour les crédits provisoires, vu que l'étude, au lieu de durer 200 heures ou je ne sais combien, ne dure que cinq heures, il va falloir privilégier certains de vos collègues, parce que nous n'aurons pas l'occasion de pouvoir les interroger, 25 ou 26 d'entre eux dans les cinq heures dont nous pouvons disposer, c'est-à-dire mercredi matin et peut-être jeudi après-midi.

Dans les circonstances, je pense qu'il y aurait lieu que le leader parlementaire du gouvernement et moi puissions nous rencontrer dans les minutes qui suivent ou dans une heure ou deux afin que nous puissions nous informer mutuellement de la façon dont ce débat pourra être envisagé.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, j'acquiesce à la demande qui m'est formulée par le leader de l'Opposition. Effectivement, nous consacrerons à ces crédits provisoires trois des cinq heures demain matin. Nous pousuivrons jeudi, après les affaires courantes, pour les deux heures restantes. Dans la mesure où le leader de l'Opposition aurait l'amabilité de me soumettre, d'ici à peu près une heure, la liste des ministres qu'il aimerait voir participer à cette étude des crédits provisoires, il me fera grand plaisir d'aviser ces collègues qu'ils seront honorés des questions de l'Opposition. Ils pourront préparer leur agenda en conséquence. Je suis tout à fait disposé, M. le Président, à rencontrer le leader de l'Opposition derrière le trône, dans les minutes qui vont suivre ou d'ici environ une heure.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, là-dessus, je voudrais que nous prenions en considération le rapport de deux projets de loi qui sont inscrits au nom du ministre des Affaires culturelles. C'est l'article 15 du feuilleton d'aujourd'hui.

Prise en considération du rapport de la commission qui a étudié les projets de loi nos 51 et 52

Le Vice-Président (M. Jolivet): Prise en considération du rapport de la commission permanente des affaires culturelles qui a étudié les projets de loi suivants: projet de loi no 51, Loi sur la Société du Grand Théâtre de Québec, et projet de loi no 52, Loi sur la Société de la Place des Arts de Montréal. Est-ce que ce rapport sera adopté?

Une voix: ...le ministre, M. le Président. Tout le monde est...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, le rapport est-il adopté?

M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je comprends que le ministre n'a absolument rien à dire, en troisième lecture, sur ces projets de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le ministre.

Une voix: Ce n'est pas la troisième lecture.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous ne sommes pas encore en troisième lecture. Nous ne sommes qu'à la prise en considération du rapport.

Une voix: C'est encore plus important.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la prise en considération du rapport est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Bertrand: M. le Président, si j'avais le consentement du leader de l'Opposition, nous pourrions immédiatement procéder à la troisième lecture de ces projets de loi nos 51 et 52 sur la Société de la Place des Arts et sur la Société du Grand Théâtre de Québec, si j'ai le consentement de l'Opposition, évidemment.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Vous savez que, lorsque c'est nécessaire, nous aimons collaborer -j'espère que le ministre du marasme économique ne m'entend pas - avec le parti ministériel durant les fins de session, etc. Mais, étant donné que le règlement prévoit que la prise en considération et la troisième lecture se font généralement à des séances différentes, nous aimerions laisser au ministre le temps de réfléchir, ainsi qu'aux autres députés qui auront peut-être des discours à préparer en troisième lecture.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture, prochaine séance ou séance subséquente. M. le leader.

M. Bertrand: Bien, M. le Président. Sur ce, nous pourrions maintenant prendre en considération le rapport de la commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme sur le projet de loi no 50. C'est l'article 14 du feuilleton d'aujourd'hui.

Prise en considération du rapport

de la commission qui a étudié

le projet de loi no 50

Le Vice-Président (M. Jolivet): Prise en considération du rapport de la commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme qui a étudié le projet de loi no 50, Loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec.

Il y a un amendement. L'amendement se lit comme suit: "Ajouter ce qui suit à l'article 5c: Conclure avec toute personne un contrat de participation à la recherche excédant soit la somme de 300 000 $, soit la durée de cinq ans; et d, conclure avec toute personne physique un contrat de services autre que celui prévu au paragraphe c pour un montant excédant la somme de 100 000 $ ou pour une durée excédant une période de 18 mois."

Est-ce que la prise en considération de ce rapport est adoptée? M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, très brièvement. Nous avons discuté, en commission parlementaire, de certains problèmes qui avaient peut-être été omis lors de la rédaction du projet de loi et examiné certaines suggestions de l'Opposition. D'ailleurs, j'en ai parlé avec le porte-parole de l'Opposition, le député d'Outremont. Je voudrais que ces amendements ne soient pas retenus puisque nous avons un autre amendement sur lequel nous nous sommes entendus. Il y aurait un paragraphe supplémentaire à l'article 4.1 qui dirait: "Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 18, de l'article suivant: Le centre ne peut, sans l'autorisation du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, conclure un contrat d'achat ou un contrat de services comportant l'obligation pour le centre de payer une somme excédant 200 000 $."

C'est le même objectif qu'on vise, soit de laisser quand même une certaine latitude au Centre de recherche industrielle ou à ses dirigeants pour conclure des contrats de recherche ou des contrats sur des brevets qui peuvent s'échelonner sur une période de seize ans. Mais nous voulons aussi avoir un certain droit de regard vis-à-vis des autres contrats, soit les contrats de services ou autres qui pourraient être conclus par le centre.

Or, selon le projet de loi no 50, cela avait été laissé un peu ouvert et, avec l'amendement que nous proposons aujourd'hui, on est d'accord avec les gens de l'Opposition là-dessus. D'ailleurs, je veux remercier le député d'Outremont, c'est lui qui nous a fait la suggestion de laisser la latitude aux administrateurs du centre de conclure des contrats jusqu'à un montant de 200 000 $; mais, pour des contrats de plus de 200 000 $, ils auraient besoin de l'autorisation du ministre de tutelle, ce qui pourrait aller très rapidement. Cela donne aussi la garantie aux administrateurs du centre qu'ils sont protégés jusqu'à un certain point.

Dans ce sens-là, je suggère, M. le Président, de ne pas retenir les deux amendements déposés par l'Opposition et, sur consentement, de recevoir l'amendement que je vais déposer ou attendre en troisième

lecture pour recevoir cet amendement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): D'abord, je voudrais demander s'il y a consentement à ce que cet amendement soit adopté et on passera ensuite au vote.

M. Lalonde: Je voudrais savoir, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint.

M. Lalonde: ... si le ministre a communiqué le texte de l'amendement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui.

M. Fortier: Si vous me permettez

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: ... en commission parlementaire, nous avions fait état du fait que nous n'étions pas d'accord que le projet de loi qui délègue plus de pouvoirs au CRIQ, au Centre de recherche industrielle du Québec, le fasse d'une façon aussi complète, alors que, dans la loi qui gouverne le CRIQ présentement, il y a certaines limites, certaines réserves qui permettent au gouvernement d'approuver certaines dépenses. Dans ce sens-là, nous avions fait certaines recommandations. Lors de la commission parlementaire, le ministre n'avait pas semblé disposé à préparer un amendement sur le champ. C'est la raison pour laquelle l'Opposition a proposé un amendement.

Je suis heureux de constater qu'après avoir consulté le Centre de recherche industrielle du Québec le ministre propose maintenant un amendement qui reçoit notre approbation. Dans ce sens-là, je suis tout à fait d'accord pour retirer l'amendement que nous avions proposé et pour accepter l'amendement qui est proposé maintenant par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a donc consentement pour que soient retirés les amendements déposés par le député d'Outremont et, par le fait même, il y a consentement pour adoption de l'amendement proposé par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

En conséquence, la question qu'il faut poser est celle-ci: Est-ce que le rapport, tel qu'amendé, est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Nous pourrions maintenant aussi prendre en considération un autre rapport de commission, c'est à l'article 13 du feuilleton d'aujourd'hui.

Prise en considération du rapport

de la commission qui a étudié

le projet de loi no 15

Le Vice-Président (M. Jolivet): Prise en considération du rapport de la commission permanente des affaires sociales qui a étudié le projet de loi no 15, Loi sur l'abolition de la retraite obligatoire et modifiant certaines dispositions législatives, avec, comme on le signale, réimpression.

Est-ce que ce rapport est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Sur celui-là, M. le Président, est-ce que je pourrais obtenir le consentement de l'Opposition, puisque, de toute évidence, il s'agit d'un projet de loi qui n'a posé aucun problème ni en deuxième lecture, ni en commission parlementaire, ni en prise en considération? On pourrait peut-être l'adopter en troisième lecture immédiatement?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint.

M. Lalonde: Je m'excuse, mais nous n'avons pas avec nous actuellement Mme la députée de L'Acadie, qui a été retenue à l'étude des nouveaux crédits, des nouvelles dépenses du gouvernement. Elle m'a dit qu'elle avait quelques observations à faire en troisième lecture. Alors, on pourrait l'adopter en troisième lecture la semaine prochaine.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture, prochaine séance ou séance subséquente. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Très bien, M. le Président. Maintenant, nous allons appeler le projet de loi no 37 inscrit au nom du ministre des Affaires municipales; c'est l'article 4 du feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi no 37 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture du projet de loi no 37, Loi regroupant les villes de Baie-Comeau et de Hauterive. M. le ministre des Affaires

municipales.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je voudrais d'abord saluer les gens des villes de Hauterive et de Baie-Comeau qui sont ici. J'ai aperçu quelques élus municipaux dont le maire de Hauterive, en face.

Nous présentons aujourd'hui en deuxième lecture, devant l'Assemblée nationale, le projet de loi no 37. Beaucoup de citoyens, de nombreux organismes à vocation économique et sociale et même des associations nationales, comme l'Union des municipalités du Québec, ont fait connaître leur point de vue sur ce projet de loi, et je crois que c'est très heureux. (16 h 20)

Je dois aussi rappeler que nous avions déposé ce projet en novembre dernier et que nous avions, à plusieurs reprises, souhaité que se crée un débat public, serein et dynamique, au niveau national, grâce à la commission parlementaire qui s'est tenue ici le 15 décembre dernier, autant qu'entre les citoyens contribuables qui ont choisi de vivre au bord des rivières Manicouagan et des Outardes, car c'est de l'avenir communautaire de 26 000 Québécois que traite le projet de loi dont nous discuterons aujourd'hui, de l'avenir de citoyens qui vivent à Baie-Comeau, l'une des villes industrielles les plus dynamiques du Québec, et de l'avenir des citoyens qui travaillent à Baie-Comeau, mais qui ont dû bâtir maison de l'autre côté des rivières sur le plateau d'une ville siamoise plus récente, la ville de Hauterive. À la suite de tous ces exercices démocratiques, il reste, M. le Président, quelques questions auxquelles cette

Assemblée doit répondre. Pour notre part, nous donnerons les réponses les plus exigeantes.

Que veut faire et que peut faire le gouvernement pour accorder un coup de pouce additionnel aux contribuables de la grande agglomération Baie-Comeau-

Hauterive? Pourquoi notre gouvernement, qui a toujours privilégié la plus large autonomie municipale possible, croit-il aujourd'hui devoir intervenir? Où trouve-t-il la justification, la cohérence de son geste? Quelle est la situation particulière et exceptionnelle que vivent les citoyens de Baie-Comeau-Hauterive et qui puisse expliquer l'aide que le gouvernement a décidé de leur accorder? Quelle est donc au juste la volonté du gouvernement?

Ce projet est clair, M. le Président, il veut permettre que se forme sur la Côte-Nord du Saint-Laurent un pôle économique et social dont l'équipement sera concurrentiel et puissant. Il veut que se forme à Baie-Comeau, au milieu d'une des régions les plus vitales du Québec, une ville équilibrée, mieux intégrée, qui sera moins assujettie aux aléas des conjonctures industrielles, entièrement tournée vers l'avenir et sans les embûches des anachronismes des années cinquante. Le projet est clair. Nous croyons que tous les citoyens de Baie-Comeau et tous les citoyens de Hauterive doivent pouvoir enfin s'unir pour choisir ensemble comment leur ville doit désormais les aider à mieux vivre sans enrichir les concurrences internes et ainsi enrayer les retards, les hésitations et les erreurs qui ont marqué depuis quelques années l'histoire de Baie-Comeau-Hauterive.

Le constat que fera après ce débat n'importe quel citoyen québécois de Hull jusqu'à Val-d'Or et de Gagnonville jusqu'à Coaticook, c'est que les deux villes juridiques de Baie-Comeau et de Hauterive n'ont qu'un coeur économique, qu'un coeur industriel, qu'une façon de vivre, un seul aéroport et un seul port, ce qui assure l'avenir des 26 000 citoyens et citoyennes de l'agglomération. De six à sept gouvernements antérieurs au nôtre ont fait le même constat et en étaient arrivés au même diagnostic. Aucun n'a eu, malheureusement, le courage social et politique de s'y attaquer. Pourtant, il y a, depuis le tout début des années soixante, une volonté diffuse des citoyens du milieu de s'équiper d'une seule force de cohésion municipale. Nous décrirons d'ailleurs plus tard cette volonté, de même que les coûts sociaux qui se sont accumulés depuis, jusqu'à la nécessité d'une solution fiscale et sociale comme celle que nous proposons.

Nous nous apprêtons collectivement à poser un geste qui n'a pas été vécu en cette Assemblée depuis déjà huit ans. Le paysage municipal a de fait, quant au statut et au territoire très peu changé, sinon par la volonté du milieu, depuis la fin de 1976. L'équipe libérale de l'époque a voulu faire le ménage, comme on disait alors. En 1965, il y a eu Bécancour. En 1971, Gaspé et Mirabel, pour ne citer que les exemples les plus candides et les plus brutaux. Après l'accalmie octroyée par l'Union Nationale est soudain réapparue la tornade de la loi 98: Jonquière, Gatineau, Buckingham, Lucerne, Beauport, Charlesbourg, Chicoutimi, La Baie. C'était la loi 98. De fait, du 1er janvier 1975 au 30 septembre 1976, plus de 80 municipalités ont été touchées par des actions majoritairement télécommandées de Québec. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la manière forte, c'était la manière libérale si l'on s'avisait de parler de territoires municipaux au Québec.

M. le Président, je dois donc rappeler qu'en parallèle, jusqu'à ce jour, notre gouvernement n'a pas imposé de regroupement de municipalités au Québec. Nous avons constamment affirmé notre idéal de maintenir une politique de regroupement volontaire ou de consolidation territoriale volontaire, comme je pourrais l'appeler si les

textes de loi nous le permettaient. Telle est toujours notre intention. Nous ne voulons pas établir une politique coercitive de regroupement. Nous ne croyons pas que l'action coercitive apporterait des solutions efficaces aux problèmes de structures que nous observons sur l'ensemble du territoire québécois et nous l'avons largement démontré par l'adoption et par l'implantation de la loi 125. Nous croyons plutôt à l'émergence des mentalités régionales et dans la prolifération des ententes intermunicipales qui, d'ailleurs, semblent, comme solution économique et administrative, beaucoup plus ressembler aux façons de s'identifier des Québécois et des Québécoises.

J'imposerais d'évidence, d'ailleurs, ce parallèle entre notre démarche et celle des gouvernements antérieurs qui n'ont jamais déployé tous les efforts de conciliation et de réalisme nécessaires pour que les municipalités du Québec deviennent les maîtres d'oeuvre de leur aménagement collectif et les véritables initiatrices des collaborations qu'elles jugent essentielles entre elles. Nous ne croyons pas, de toute façon, que le modèle ontarien - 799 municipalités contre 1536 au Québec - puisse favoriser ni plus de "responsabilisation" ni plus de démocratie. Lorsque les villes de Dollard-des-Ormeaux et de Roxboro décident de se donner un meilleur découpage de leurs territoires pour rendre plus efficace et rapide l'intervention de leur service d'incendie, Québec n'a rien à y voir sinon d'acquiescer à des ententes intermunicipales aussi logiques.

Si jamais le regroupement de deux ou trois municipalités voisines devenait la réponse unique des élus du milieu aux problèmes bien identifiés de leurs contribuables, notre premier réflexe comme gouvernement sera plutôt d'amorcer une action incitatrice et d'inventorier avec les responsables élus du territoire toute l'aide technique que le gouvernement pourrait offrir dans cette démarche. Le projet de loi no 37 que nous proposons aujourd'hui n'infirme en aucun point cette règle et cette façon de faire éminemment démocratique qui a été le choix de ce gouvernement depuis 1976. Nous croyons qu'il s'agit en quelque sorte, à l'égard de ce projet de loi et à l'égard des citoyens de Baie-Comeau et de Hauterive, d'une solution éminemment nécessaire et éminemment naturelle.

Nous devons nous permettre - si vous le permettez, M. le Président - une courte rétrospective de l'histoire des deux villes siamoises de Baie-Comeau et de Hauterive pour mieux comprendre qu'il arrive simplement aujourd'hui que cette grande communauté vit une situation particulière, un cas d'exception dont nous devons tous convenir et qui engagerait n'importe quel gouvernement du Québec à agir. Quels sont donc les principaux événements, ceux mêmes qui ont amené l'évolution des pensées vers une solution de regroupement communautaire depuis la naissance du moteur économique principal de l'agglomération jusqu'à l'accroissement de certains écarts financiers difficilement tolérables entre les villes décrites dans ce projet de loi?

En 1935, M. le Président, une grande entreprise d'exploitation forestière, la Quebec North Shore Paper, s'installait à proximité de l'embouchure des rivières aux Outardes et Manicouagan sur un territoire qui, en 1937, allait devenir la ville de Baie-Comeau, un territoire riche en ressources forestières à proximité d'un potentiel énergétique époustouflant en tout autre pays et dont le sous-sol rocheux, la baie aux eaux profondes protégée des vents, devenait garant d'un avenir industriel qui a fait ses preuves en si peu d'années.

Baie-Comeau, à cause de son sous-sol solide, était voué à recevoir de solides et grandes entreprises. Sa vocation fut d'ailleurs confirmée très tôt à partir du moment où les compagnies propriétaires très majoritaires des terrains à Baie-Comeau ont refusé de céder du territoire qui aurait permis à l'époque l'installation d'équipement communautaire essentiel à caractère éducationnel, hospitalier ou même religieux. Par la force des choses, à cause de ce refus des propriétaires des terrains, l'un des principaux intéressés de l'époque, l'évêque du golfe Saint-Laurent, s'est mis à explorer le voisinage et il a arrêté logiquement son choix sur un plateau sablonneux où allait naître en 1950 la ville de Hauterive, à quelques kilomètres à l'ouest de Baie-Comeau. Il fit construire le siège épiscopal de la Côte-Nord et le premier établissement d'enseignement secondaire qui devait desservir toute la Côte-Nord. Le mouvement était alors enclenché. Les gouvernements en place, l'un après l'autre, n'eurent pas le choix - ou pas tellement - et durent financer en partie des installations éducationnelles et hospitalières liées aux secteurs domiciliaires et commerciaux de l'autre côté des rivières. (16 h 30)

Hauterive est le fruit d'une division forcée. Dès ce moment, un fossé prévu allait apparaître. Le principe du financement municipal allait se fausser, car Hauterive ne pourrait compter que sur des évaluations majoritairement résidentielles pour se financer, alors que la ville de Baie-Comeau percevait la totalité du revenu des évaluations industrielles, tout en ne supportant toutefois qu'une portion des services nécessités par le développement résidentiel à Hauterive. Cet écart dans les revenus, lié à l'évaluation industrielle s'est ensuite accentué par l'arrivée à Baie-Comeau d'une aluminerie en 1957, en 1959, par la construction d'élévateurs à grain et, en 1965,

par de nouvelles installations d'agrandissement à la papeterie qui ont amélioré sa capacité de production. Vers 1970, ces deux dernières entreprises se sont encore agrandies.

Dans les faits, Hauterive s'est à ce point rapidement développée qu'au recensement de 1971, déjà, en 21 ans, sa population avait dépassé la population de Baie-Comeau. C'est la preuve, je pense, de l'attrait du territoire de Hauterive pour l'établissement domiciliaire et surtout du manque d'espace similaire à Baie-Comeau, qui jouissait déjà d'avantages fiscaux qui doivent toujours se multiplier. Une ville de compagnie n'est pas nécessairement la ville des citoyens.

Pression normale durant tout ce temps, il faut noter que Hauterive bénéficiait indirectement des implantations industrielles qui se faisaient à Baie-Comeau et connaissait une forte croissance domiciliaire, institutionnelle et commerciale. La valeur de son rôle d'évaluation foncière s'est accrue, mais pas suffisamment. La charge fiscale occasionnée par la mise en place de nombreux services devenait de plus en plus lourde pour le contribuable de Hauterive, alors qu'à Baie-Comeau, non seulement les coûts des services étaient moindres mais la qualité y était supérieure. À sa richesse foncière, il manquait visiblement un équilibre important, soit celui de l'évaluation du secteur industriel, qui a pour principal avantage d'absorber ou de tempérer des augmentations de taxes du petit propriétaire. À l'heure où nous débattons l'à-propos de ce projet de loi, ces deux villes sont toujours siamoises, ou siamoises comme jamais, depuis leurs 29 ans de vie commune. Les rues des deux villes sont sillonnées par les mêmes citoyens qui vont travailler, faire des achats et retrouver leur famille, indifféremment, d'un côté ou de l'autre des mêmes rivières. Ce qui me fait dire que le projet de loi 37 n'est au fond qu'une conséquence des 45 ans d'histoire de Baie-Comeau et des 29 ans d'histoire de Hauterive.

Nous croyons même que la situation est inéquitable pour une partie de cette communauté qui fait actuellement les frais d'une évolution fiscale issue tout droit de choix d'aménagement pratiquement exclusifs. Le gagne-pain et l'industrie d'un côté, la résidence et les services communautaires de l'autre, ce qui a fait dire au Conseil de développement de la Côte-Nord, lorsque nous l'avons appelé à comparaître devant la commission parlementaire "Au plan sociologique, il nous semble évident que l'unité naturelle de ces deux populations qui vivent si proches l'une de l'autre appelle nécessairement l'existence d'une structure politique unique et commune." Ceci a fait dire aussi aux élus de Hauterive, lors de la même commission: "Veuillez croire que ce n'est pas sans un serrement de coeur que nous consentons à mettre un terme au rêve de Mgr Labrie, mais, pour le bien de notre collectivité, nous estimons que la duplication doit cesser et nous avons perdu trop de temps et d'énergies à nous entredéchirer à trouver des justifications à nos querelles." Ceci explique aussi que, lors d'un sondage commandé aux frais des contribuables de Baie-Comeau, récemment, l'une des conclusions, la dernière, que je retrouve dans un télégramme que m'a fait parvenir le maire de Baie-Comeau le 8 mars dernier, c'est que la majorité, 54% des contribuables des deux villes se seraient prononcés en faveur d'une fusion si un référendum avait eu lieu au moment du sondage. La solution que nous avançons avec ce projet de loi nous apparaît donc naturelle, souhaitable, nécessaire et souhaitée.

J'aimerais, pour notre édification commune en cette Assemblée, décrire un peu d'où est née et comment s'est acheminée depuis les années soixante l'idée de la construction de l'agglomération de Baie-Comeau. Nous ne citerons pas les six études principales, dont cinq - je voudrais le rappeler - ont été commandées par le milieu de Baie-Comeau-Hauterive, qui se sont succédé depuis 1960 et qui ont toutes conclu la même chose en fin d'analyse: une communauté, une ville. Il reste quand même une perception première: le mouvement vers la réunification des forces à Baie-Comeau-Hauterive n'a pas pour origine le gouvernement du Québec.

Depuis 20 ans qu'on demande à Québec de répondre, il n'y a jamais eu de réponse véritable. En 1976, le ministre des Affaires municipales, M. Victor Goldbloom, avait lui aussi commandé une étude sur le sujet. Le rapport avait conclu en aplanissant les problèmes, ce qui laissait au gouvernement le choix d'une intervention qui, selon le texte même, aurait pu permettre une meilleure planification des services aux deux communautés. De fait, cette étude a constaté l'homogénéité dans le milieu et la qualité des services rendus aux contribuables et voyait possible de fusionner des dettes relatives à ces services sans pour autant créer d'injustice fiscale.

La réponse de Québec n'est jamais venue jusqu'à ce jour. Il s'agissait pourtant d'une étude faite, cette fois, par le gouvernement du Québec. Quelle aurait été, demandons-le, la réponse du gouvernement libéral s'il était encore au pouvoir, lui qui avait fusionné sans nécessité et sans urgence Buckingham que nous avons dégroupée quelques années plus tard? De toute façon, c'est depuis 1965 que des citoyens de l'agglomération de Baie-Comeau envoient à Québec des études qui concluent que la seule solution est de doter leur communauté d'une autorité locale et communautaire. Je vais

citer quelques-uns de ces rapports dont certains ont coûté fort cher à la collectivité. Je les crois très instructifs pour nous tous de l'Assemblée nationale qui allons voter sur ce projet de loi au nom de tous les Québécois que nous représentons et pour tous les Québécois qui nous écoutent en ce moment.

En 1967, un mémoire est préparé par la Jeune Chambre de Baie-Comeau-Hauterive. Conclusion: "Une union géographique est inévitable. Nous avons constaté ensuite qu'une union réglerait beaucoup de problèmes. Nous avons vu aussi que beaucoup de services exigent une planification et que la collaboration est difficile, sinon impossible. En conséquence - c'est toujours la Jeune Chambre de Baie-Comeau-Hauterive qui parle - nous demandons aux conseils municipaux de Baie-Comeau et de Hauterive de procéder immédiatement aux démarches nécessaires à la fusion des deux villes."

Le mémoire signale: "La fusion éliminerait sans aucun doute les retards, les tiraillements et les indécisions qui ont été notre lot au cours des récentes années. La planification du développement des quartiers résidentiels, des centres industriels et commerciaux, des parcs publics, des maisons d'enseignement, toute la panoplie d'une cité moderne et dynamique ne peut être réalisée rationnellement qu'en assurant l'unité de décision au préalable." Mais, en 1967, la situation n'est corrigée ni par les élus locaux ni par Québec.

En 1970, nouvelle tentative. Un rapport volumineux préparé par un comité qui regroupe cette fois beaucoup plus de citoyens: les chambres de commerce de Baie-Comeau et de Hauterive, la Jeune Chambre de Baie-Comeau-Hauterive, la Confédération des syndicats nationaux, la Fédération des travailleurs du Québec et le Conseil régional de développement. Cette fois, on précise que la séparation juridique de Baie-Comeau et Hauterive n'a jamais correspondu à la réalité sociologique, économique et financière et que les villes ne forment qu'une seule et même collectivité. (16 h 40)

Je vous fais remarquer que nous disons, ici, exactement la même chose en 1982. Mais les citoyens contribuables sont allés beaucoup plus loin et je crois que tous les députés responsables de cette Assemblée doivent en tenir compte. C'est presque un appel au secours: "Au plan de l'économie régionale, la situation actuelle représente pour les deux villes un luxe inutile qu'elles ne sont vraiment pas en droit de s'offrir. Même si le regroupement ne rapportait rien de plus ou de mieux sur le plan de la gestion municipale interne, ses avantages économiques, au niveau régional, nous apparaîtraient largement suffisants pour motiver notre adhésion en ce sens. Dans un contexte régional comme le nôtre, les deux populations de Baie-Comeau et de Hauterive ont tout à gagner et vraiment rien à perdre du regroupement, quel que soit la forme qu'il pourrait revêtir".

La conclusion est la suivante: "D'ailleurs, volontaire ou forcé, nous croyons que le regroupement interviendra tôt ou tard dans des conditions de négociation qui deviendront de plus en plus difficiles et embarrassantes à mesure que le temps passera."

En 1976, une autre étude, très coûteuse, celle de Major et Martin, financée par le ministère de l'Industrie et du Commerce et l'Office de planification et de développement du Québec, au coût de 212 000 $, conclut que sur le plan industriel et portuaire, il devrait y avoir un regroupement des services des villes. Cette étude dit: Tous reconnaissent les intérêts sociologiques, économiques, financiers et politiques d'un regroupement municipal. Cette fusion éviterait la concurrence inutile sur le plan industriel et le marchandage au niveau des règlements de zonage industriel ainsi que le dédoublement des institutions. Le regroupement assurerait de meilleurs services: transport en commun, urbanisme, police, pompiers, investissements municipaux.

La même année, les deux conseils sont unanimes pour formuler, par voie de résolution au ministère des Affaires municipales, une demande d'étude du regroupement des deux villes. Cette étude soumise aux élus municipaux en octobre 1976 démontrait que le regroupement de Baie-Comeau et de Hauterive pouvait se réaliser. Il y était dit que pour une évaluation de 25 000 $, le contribuable de Baie-Comeau verrait sa charge fiscale s'accroître de 21 $ alors que celle du contribuable de Hauterive diminuerait de 117 $, et cela accompagné de la subvention statutaire de regroupement, sans compter les avantages et les économies réalisées par la fusion.

En 1977, un référendum décrété à Baie-Comeau par son conseil municipal a mis fin aux espoirs de voir réaliser un regroupement volontaire entre les deux villes. 90% des 48% des électeurs qui ont voté ont refusé de poursuivre sur la voie du regroupement. La solution n'était onéreuse pour personne et équitable pour tous et elle est pourtant morte. Les establishments du paradis fiscal avaient encore vaincu.

Toutes ces études, faut-il le rappeler, sont unanimes à conclure à l'opportunité du regroupement et le souhaitent comme le plus prochain possible. Cette évidence est criante et notre gouvernement a décidé qu'il était temps d'agir, qu'il était temps d'intervenir. Je crois, comme c'est d'ailleurs l'avis de tous ces citoyens, qu'il faut choisir l'élimination d'une situation injuste plutôt que le maintien de privilèges fiscaux. En plus

clair encore, en commission parlementaire, il y a quelques mois, le mémoire du Conseil régional de développement de la Côte-Nord nous a claironné l'évidence de cet anachronisme. À première vue, dit-il, il apparaît à notre organisme qu'il fallait trancher par une loi, une fois pour toutes, un débat qui s'éternisait et qui laissait sans cesse apparaître dans tous les dossiers traités dans les deux villes une sorte d'épée de Damoclès menaçant l'une ou l'autre des parties en cause, selon les différents enjeux.

En clair, nous avons prouvé qu'il y avait un désir réel, une volonté diffusée à travers tous ces témoignages par les citoyens de l'agglomération de Baie-Comeau d'en arriver au plus tôt à la seule solution équitable d'une seule force municipale.

Mais qu'en est-il du climat actuel dans la grande communauté de Baie-Comeau-Hauterive? Où est la nécessité locale qui a prévalu à ce projet de loi? Le manque de concertation, les tiraillements, le temps perdu, des objectifs ratés, des tensions artificielles ont dangereusement paralysé jusqu'ici la vie économique et sociale de tout le milieu. Le CRD est même d'avis que l'absence de cohésion peut affecter gravement des mouvements de pression et le crédit des deux villes. Sans que je fasse ici un tableau qui aurait des allures alarmistes, il nous faut nous rendre à l'évidence qu'un climat de concurrence indu persiste toujours et est d'autant plus stérilisant que ce jeu de souque-à-la-corde s'est installé au sein de la même communauté.

Les exemples sont frappants. Les gouvernements eux-mêmes n'ont pu y résister. Le district judiciaire de Hauterive a aujourd'hui son palais de justice à Baie-Comeau. Les histoires au sujet d'un bureau d'Hydro-Québec, d'un nouveau bureau de poste, de l'aéroport de Pointe-Lebel, de l'hôpital régional ne sont malheureusement pas que des anecdotes pour les citoyens qui doivent vivre tous les jours cette stérilité ambiante. Un exemple de décision de Québec: une polyvalente de 4000 places devait être située à Baie-Comeau. Hauterive, qui a une clientèle scolaire plus importante, veut aussi l'établissement. Résultat: en 1966, le ministère de l'Éducation coupe la poire en deux: deux écoles, 2000 élèves chacune. Aujourd'hui, la situation est abracadabrante. L'établissement de Hauterive est trop petit et celui de Baie-Comeau est trop grand.

Combien d'autres dossiers souffrent de ce faux climat de concurrence, M. le Président. Je pourrais en citer à la douzaine, à l'instar des contribuables de Baie-Comeau et de Hauterive, comme la Société de développement industriel Manicouagan-Outardes, l'Association touristique régionale Manicouagan et le parc industriel régional dont le retard s'explique par l'absence de volonté unique d'aménagement. Les élus municipaux de Hauterive ont d'ailleurs convenu que, dans une telle situation, ils manquaient leur but d'assurer le mieux-être de leurs concitoyens pour des motifs que chaque parti estime pourtant justes.

Aujourd'hui, les situations financières en termes de ressources, d'actif et de passif des deux villes sont très révélatrices. Vous me permettrez de citer un bilan, quelques chiffres. La population des deux villes, en 1976: Baie-Comeau, 11 911; Hauterive, 14 724. Les dépenses totales des municipalités: Baie-Comeau, 10 282 000 $ pour une population, encore une fois, d'environ 12 000 habitants; Hauterive, 7 400 000 $ pour une population de près de 15 000 habitants. Les dépenses par habitant: 863 $ à Baie-Comeau; 505 $ à Hauterive. L'indice des dépenses: 165 à Baie-Comeau; 96 à Hauterive. L'évaluation imposable pour une population supérieure à Hauterive: l'évaluation imposable à Baie-Comeau: 285 000 000 $; à Hauterive, 141 000 000 $. L'évaluation résidentielle à Baie-Comeau, 103 000 000 $; à Hauterive, 114 000 000 $. Mais l'évaluation industrielle et commerciale: à Baie-Comeau, 182 000 000 $; à Hauterive, 27 000 000 $, pour une population, encore une fois, à Baie-Comeau, de 12 000 habitants et, à Hauterive, de 15 000 habitants. L'indice de richesse: à Baie-Comeau, 196; à Hauterive, 81. C'est plus bas à Hauterive que la moyenne du Québec. L'effort fiscal: 73 à Baie-Comeau; 132 à Hauterive. Je me permets de déposer ce tableau à l'Assemblée nationale, M. le Président.

Baie-Comeau tire donc ses revenus d'une évaluation imposable totale de près de 286 000 000 $ alors que Hauterive puise à même près de 142 000 000 $; exactement le double d'évaluation à Baie-Comeau. L'évaluation à caractère industriel et commercial en 1980 constitue, à Baie-Comeau, quelque 63% de l'évaluation et, à Hauterive, seulement 19%. L'évaluation résidentielle démarque aussi caricaturalement les vocations complémentaires des deux villes juridiques: 37% à Baie-Comeau; 81% à Hauterive. Il faut constater, à la suite de ces chiffres, que les citoyens de Hauterive travaillent donc à Baie-Comeau et qu'ils font partie d'une même communauté.

(16 h 50)

À cette nécessité économique et fiscale, à cette urgence d'aménagement et de rationalisation des services de la communauté, à ce cas d'exception aussi flagrant, nous avons décidé d'une solution que nous considérons comme très engageante et très équitable. Le projet de loi no 37 est la réponse d'un gouvernement responsable du bien commun.

Le nouveau départ qu'accorde ce projet de loi à la communauté de l'agglomération de Baie-Comeau est exaltant.

L'agglomération de Baie-Comeau qui va naître de ce projet de loi aura une évaluation beaucoup plus équilibrée de 51% industrielle et de 49% résidentielle, doublée d'un indice de richesse de 32 points supérieur à la moyenne des municipalités du Québec. La dette à long terme de l'agglomération de Baie-Comeau sera par habitant de 1496 $ alors que la moyenne sur la Côte-Nord des grandes villes, avec Port-Cartier et Sept-

Îles, est de 1787 $, ce qui situe très avantageusement la nouvelle communauté enfin créée par notre projet de loi.

Nous croyons que la nouvelle communauté deviendra un pôle d'attraction dorénavant aussi puissant que celui de Sept-Îles et aura un impact aussi puissant auprès des investisseurs de par ses structures modernes et efficaces. Baie-Comeau comptera environ 26 000 habitants. Sept-Îles en a près de 29 000. Baie-Comeau détient un indice de richesse de 132 se rapprochant de Sept-Îles dont l'indice est de 145 en 1980 et l'évaluation de Baie-Comeau aura un équilibre semblable à celle de Sept-Îles, et son assiette fiscale, qui est aujourd'hui de 553 000 000 $, rejoindra celle de Sept-Îles lorsque les 500 000 000 $ d'investissements de la compagnie Reynolds seront une réalité.

Tous ces chiffres pour dire, M. le Président, que l'agglomération de Baie-Comeau doit vivre en harmonie pour ressembler aux autres pôles économiques de la Côte-Nord et agir avec eux. Le projet de loi no 37 aidera enfin à cette harmonie des forces de la Côte-Nord dont tout le Québec a tant besoin.

Des arguments sporadiques et par ailleurs fallacieux sont quelquefois tombés dans le débat depuis ce nombre d'années de tergiversations des gouvernements antérieurs. Devant le défi proposé aux citoyens d'une des villes les plus progressives et neuves du Québec, nous ne croyons pas que de tels arguments soient réalistes. Par exemple, on invoquait le fait que le Québec, exemptant de taxes Hydro-Québec et ses installations comme les barrages, créait en quelque sorte l'inéquité de la situation qui prévaut à Hauterive, la ville où se retrouvent les barrages qui assurent l'avenir industriel de l'agglomération de Baie-Comeau. Or, Hauterive, qui ne touchait à ce chapitre que 21 379 $ en 1979, a touché 243 303 $ en 1981 grâce à la loi no 57 sur la fiscalité municipale.

La ville recevait de même 378 000 $ de revenus de taxes sur la production d'électricité en 1979 et reçoit plus du double en 1981, soit 950 000 $, y inclus la redistribution des taxes sur l'essence et les télécommunications; Québec n'est pas en cause dans une telle situation.

D'autres arguments voudraient que des travaux urgents aient très bientôt un grand impact sur le service de la dette de la nouvelle grande ville. Je prends pour exemple le projet de réfection des égouts pluviaux du secteur du plateau, qui coûterait quelque 10 000 000 $ et qui augmenterait la dette de près de 2 000 000 $ en 1983. Il est bien évident qu'on peut s'interroger sur le réalisme de telles projections quant à leur coût, leur programme de réalisation et leurs modalités de financement, mais il demeure que, selon les élus mêmes du milieu, ces travaux pourraient faire l'objet de subventions dans le cadre du programme d'assainissement des eaux usées, ce qui réduirait d'autant la charge des contribuables et les grands ballons de résistance malheureusement ainsi entretenus. Québec pourrait, cette fois, aider encore à relever le défi exigeant, mais moderne de l'agglomération de Baie-Comeau.

Je n'ai cité de tels exemples qui peuvent sembler petits aux yeux de l'Assemblée nationale que pour mieux établir par l'absurde l'urgence de la solution qu'apporte ce projet de loi. Cependant, et j'insiste sur cet aspect de la solution que nous proposons, le gouvernement estime que le rétablissement de la situation que nous décrivons doit se faire sans que les citoyens de Baie-Comeau ne soient pénalisés indûment par la venue de l'agglomération de Baie-Comeau. Le gouvernement a donc décidé d'apporter sa contribution au projet de regroupement et, tel qu'annoncé par mon collègue, M. Lucien Lessard, en janvier dernier, il investira la somme totale de 2 034 000 $ dans la nouvelle ville. Ce montant se répartit comme suit: un montant de 734 000 $ est destiné au fonds général de la nouvelle municipalité, mais le montant le plus important, soit 1 300 000 $, sera attribué au secteur de l'ancien Baie-Comeau pour diminuer l'impact sur le compte de taxes de ses contribuables et cet impact négatif que pouvait craindre la population du secteur de Baie-Comeau sera ainsi largement atténué, de sorte qu'on pourra entre-temps, graduellement, intégrer les économies d'échelle qui découleront de cette fusion. La répartition de ces subventions pourrait être la suivante: la première année, 691 000 $; la deuxième, 537 000 $; la troisième, 288 000 $; la quatrième, 254 000 $; la cinquième, 164 000 $, pour un total donc de 2 034 000 $.

Pour bien comprendre l'impact de ces subventions sur le compte de taxes des citoyens, j'ai fait préparer par les spécialistes du ministère une étude qui présente la situation du compte de taxes des deux municipalités avant et après la fusion et qui démontre le net avantage de la formule que nous avons retenue. Il s'agit, bien sûr, d'une hypothèse faite à partir du compte de taxes moyen d'une résidence unifamiliale dans chacun des deux secteurs,

en excluant les taxes d'amélioration locale pour 1982, qui ne sont d'ailleurs pas très importantes, qui sont marginales. Cette hypothèse indique qu'un citoyen de Baie-Comeau payant 720 $ pour une évaluation de 32 000 $ avant le regroupement aurait vu son compte de taxes en 1982 diminuer à 688 $ et celui d'un contribuable de Hauterive serait passé de 1217 $ à 1082 $.

Il faut de plus préciser que la nouvelle ville pourra profiter de la rationalisation des dépenses communes et je dirais même, si vous me le permettez, des habitudes d'une certaine frugalité qui existent chez l'une des deux villes qui dépense seulement 505 $ par habitant, alors que, dans l'autre, on dépense 863 $; elle pourra profiter aussi des économies d'échelle au chapitre des services administratifs, d'une meilleure utilisation des équipements et du personnel, tous des éléments qui permettront à la nouvelle ville de contrôler efficacement ses dépenses et ses revenus de taxes.

Nous sommes donc convaincus que le gouvernement du Québec soumet aujourd'hui, par ce projet, la seule solution étayée par une juste étude des causes et des conséquences qui prévalent au coeur des villes siamoises de Baie-Comeau et de Hauterive. Un télégramme que m'adressait le président de l'Union des municipalités du Québec, M. Jacques O'Bready, en février dernier, au sujet de ce projet de loi, se terminait ainsi: "Si le gouvernement juge qu'il est opportun pour un ensemble de citoyens dont les lieux et les modes de vie sont rapprochés de fusionner leur administration municipale pour une fin précise, l'Union des municipalités du Québec ne peut que l'accepter. Toutefois, ce type de projet exige le respect et la collaboration de tous les intervenants et il doit se faire ouvertement. Un conseil municipal qui se respecte planifie le devenir de ses citoyens et le gouvernement doit le savoir et agir de la même manière." C'est exactement ce que le gouvernement du Québec a décidé qu'il devait faire en présentant le projet de loi no 37 en novembre, en tenant la commission parlementaire et en en faisant approuver son principe aujourd'hui à l'intérieur de l'Assemblée nationale.

Nous devions remédier à plusieurs lacunes, faire disparaître les climats malsains et favoriser les répartitions les plus équitables possible de toutes les ressources à tous les contribuables. Ce sont toujours nos objectifs et ce projet de loi en tire sa seule raison d'être et sa seule nécessité. Nous avons la certitude que ce projet de loi autorisera une répartition plus équitable des ressources fiscales. Depuis de nombreuses années, les citoyens de Baie-Comeau et de Hauterive se servent indifféremment des équipements de l'une ou de l'autre municipalité dans leurs activités de travail, de commerce ou de loisir. Il effectuera donc naturellement une meilleure répartition des coûts directs et indirects causés par cette utilisation tout à fait normale des services. Nous ne faisons que réunir juridiquement ce qui, dans la vie de tous les jours des citoyens de l'agglomération de Baie-Comeau, est déjà un fait social largement acquis. (17 heures)

La population de l'agglomération de Baie-Comeau sera favorisée sur l'ensemble du territoire qu'elle utilise tous les jours. Nous avons la certitude aussi que l'apparition d'une seule et unique administration municipale sur ce grand territoire se fera très heureusement sentir dans le sens d'une mise en place mieux planifiée du développement. De même, l'apparition d'équipements insuffisants parce que utilisés par un plus grand nombre de citoyens pourra être évitée. Aussi, les dédoublements de certains équipements résultant du fait que chacune des deux anciennes municipalités était portée à se doter elle-même d'équipements dont un seul exemplaire aurait suffi à l'ensemble des citoyens seront graduellement éliminés par les administrateurs communautaires de l'agglomération de Baie-Comeau. Ces administrateurs élus et mandatés par tous les contribuables élimineront aussi les situations de privilèges reliées à la monopolisation de certaines ressources physiques, d'espaces disponibles propices à des développements particuliers, qu'il s'agisse même simplement d'eau potable. Enfin, nous croyons, M. le Président, que les élus municipaux de l'agglomération de Baie-Comeau pourront aussi prendre en charge de façon beaucoup plus explosive et dynamique l'avenir économique de leur collectivité et assurer tout le temps l'adéquation entre les besoins et la capacité de payer de tous les 26 000 citoyens de l'agglomération.

Lorsque les gens des milieux d'affaires de l'agglomération de Baie-Comeau disaient il y a plusieurs années que le regroupement "...interviendrait tôt ou tard dans des conditions de négociation qui deviendront de plus en plus difficiles et embarrassantes à mesure que le temps passera", ils n'ont peut-être jamais cru que la formule de gestion municipale réaliste et intégrée que nous proposons aujourd'hui soit encore possible en 1982. Un gouvernement qui, pour la première fois de son existence doit prendre une telle responsabilité doit, avec le même sens commun, éviter des marchandages et n'avoir qu'un respect, celui de marier l'ensemble du contexte social homogène des deux villes dynamiques avec toute la force de cohésion créée par l'émergence d'un seul noyau urbain. Il y a chez les 26 000 Québécois de l'agglomération de Baie-Comeau une large partie du dynamisme de la Côte-Nord, un acquis que personne ne pourra renier dans

tout l'avenir prévisible. Le gouvernement accorde toute l'importance nécessaire à cet héritage après tous ces rapports tout aussi chers que volumineux, après la commission parlementaire et ses témoignages de citoyens qui nous ont dit qu'ils avaient dépensé beaucoup, tant en capital financier qu'en capital humain. Nous croyons que notre tour est venu comme gouvernement d'agir. La solution est exigeante, mais nous la proposons, parce que nous croyons au plein exercice autonome et complet, par une collectivité comme celle de l'agglomération de Baie-Comeau, des responsabilités qui lui sont confiées par l'État. Nous avons pleine confiance que les élus municipaux suivront les souhaits qui nous ont été transmis par le mémoire que nous a présenté le comité des citoyens des villes de Baie-Comeau et de Hauterive et que j'aimerais citer à l'intention de tous ceux qui, ici, n'ont pu assister à la commission parlementaire où nous avons entendu ces citoyens qui ont déjà décidé de vivre dans l'agglomération de Baie-Comeau. Ils disent: "Certains craignent des réactions émotives si notre nouvelle ville s'appelle Baie-Comeau. Nous croyons plutôt qu'en conservant le nom de Baie-Comeau, ce serait reconnaître dans les faits que le temps des déchirements est révolu. Nous avons réuni ce qui n'aurait jamais dû être divisé. Nous sommes la même collectivité. Nous partageons les mêmes emplois, les mêmes aspirations, les mêmes loisirs et les mêmes activités. Nous fréquentons les mêmes institutions scolaires, religieuses, hospitalières et les mêmes services. Ce sera le signe des retrouvailles."

C'est donc à ce défi que nous avons répondu par ce projet de loi. C'est à ce défi que sont conviés maintenant les élus démocrates et dynamiques de l'agglomération de Baie-Comeau. Je leur souhaite beaucoup de succès, M. le Président. Leurs citoyens le méritent. C'est pourquoi je convie tous les collègues de l'Assemblée nationale, à cette étape-ci de la deuxième lecture, à sanctionner par leur appui le principe même de la fusion de ces deux municipalités. C'est l'enjeu du débat à cette étape-ci et cela nous permettra d'amener et de discuter certains amendements en commission parlementaire, dont la question de la taxe d'affaires, la répartition de certains postes, les obligations du conseil provisoire, etc.

Je vous remercie, M. le Président. Je crois qu'il s'agit d'un projet de loi qui s'imposait et qui fera le bonheur des citoyens des villes de Baie-Comeau et de Hauterive, dorénavant, Baie-Comeau.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Hull.

M. Gilles Rocheleau

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je trouve tout simplement indécent de la part du gouvernement de déposer ce projet de loi en deuxième lecture, alors qu'actuellement siègent en comité les municipalités concernées qui tentent, d'une part, de proposer une fusion volontaire et, d'autre part, de compléter une étude qui pourrait être soumise à la population des deux municipalités concernées. Je trouve aberrant que l'on se permette, du côté ministériel, de passer une loi aussi antidémocratique que le projet de loi no 37 alors que ce même gouvernement... Nous aurons l'occasion de parler, dans quelques instants, de la façon dont il concevait la démocratie alors qu'il était plus particulièrement dans l'Opposition.

Un processus de fusion est acceptable lorsque les populations concernées l'approuvent et consentent à vivre ensemble. Lorsqu'un gouvernement veut imposer une telle fusion à des individus contre leur volonté et en faisant abstraction de leurs revendications, un tel processus de fusion devient totalement inacceptable. Jamais, nous n'aurions cru que le parti ministériel présenterait ce projet de loi en deuxième lecture. Les oppositions et les commentaires que nous formulons concernant ce projet de loi ne viennent pas remettre en cause le principe même de la fusion, mais la façon dont elle est imposée par le gouvernement péquiste à deux collectivités comme solution à un problème.

Ce projet de loi, par son caractère arbitraire, va à l'encontre de tous les principes démocratiques qui sont la base de notre société. De plus, il balaie du revers de la main les notions d'autonomie municipale que le gouvernement péquiste ne cesse de proclamer. En imposant une telle fusion aux citoyens sans leur permettre de se prononcer par consultation populaire, ce même gouvernement péquiste ne respecte pas les engagements de son propre parti qui désapprouve et condamne toute fusion forcée. L'article 2 du chapitre 7 du programme du Parti québécois, en 1977, stipule, et je cite: "Réorganiser les structures municipales en consultant obligatoirement la population concernée sur tout projet de restructuration, regroupement ou fusion."

Est-ce que cela veut dire que le gouvernement qui doit tenir compte du programme du Parti québécois devra faire un nouveau référendum auprès de ses membres pour leur demander de modifier le programme du Parti québécois, tenant compte du fait qu'il y a un projet de loi qui va à l'encontre même des orientations du parti?

C'est à se demander si les membres, les quelque 200 000 membres du Parti québécois seront consultés sur ce projet de loi.

(17 h 10)

Nous sommes conscients qu'il existe, depuis plusieurs années, un problème très complexe. Par surcroît, nous croyons qu'il existe une solution démocratique et équitable pour chaque citoyen et cette recherche de solution n'exclut aucunement l'hypothèse d'une fusion volontaire. Comme le problème dure depuis longtemps et que la solution idéale n'est pas facile, celle qui est proposée par le gouvernement doit faire l'objet du plus sérieux examen.

La situation déplorable dans laquelle se trouve la ville de Hauterive n'est pas récente. Elle résulte plutôt de l'accumulation d'une série d'événements qui existent depuis une vingtaine d'années. Au début des années soixante, Hydro-Québec entreprenait la construction de barrages hydroélectriques. Répondant à une demande de la compagnie, après que la ville de Baie-Comeau l'eût refusée, Hauterive accepta d'aménager un développement résidentiel et un parc de roulottes pour les travailleurs. Les valeurs imposables d'Hydro-Québec étant situées dans les limites de la ville de Hauterive, on prévoyait une nouvelle source de revenus.

En 1972, l'Assemblée nationale adoptait la loi 50 qui décrétait que les quais et les aménagements hydroélectriques n'étaient plus taxables, et ce, rétroactivement. Ainsi, au moment où la ville de Hauterive atteignait son taux d'endettement maximal, la nouvelle loi réduisait les valeurs imposables de la ville de Hauterive de 66 000 000 $ à 43 000 000 $, ce qui entraînait une réduction de son pouvoir d'emprunt maximal de 13 000 000 $ à 8 700 000 $.

Dans un mémoire que les autorités de la ville de Hauterive présentaient au premier ministre en 1980, elles lui proposaient certaines solutions afin de résoudre ce problème. Ces hypothèses, je vais les énumérer: 1° La fusion entre Baie-Comeau et Hauterive. Je cite la page du mémoire. "Quoique conscients des avantages évidents d'une administration unique pour une même collectivité, conscients de ces avantages, nous ne voulons en aucune manière tenter quelque rapprochement tant que les esprits ne seront pas prêts. Nous préférons plutôt avoir les moyens de faire face à nos obligations, nous préférons un partage équitable des moyens de financement." 2° L'abolition des privilèges d'Hydro-Québec en redonnant à la ville le pouvoir de taxer ses installations.

Hauterive, dans son mémoire présenté au premier ministre du Québec, en 1980, au ministre des Affaires municipales et au ministre et député représentant le comté de Saguenay, tenait compte de ces demandes. Je continue: 3° Qu'Hydro-Québec paie chaque année à la ville, pour services rendus, 2 000 000 $ et que ce montant soit indexé. 4° Qu'Hydro-Québec assume la dette de Hauterive. 5° La régionalisation de la taxe industrielle et l'abolition des privilèges de Manicouagan Power. 6° Une subvention gouvernementale de 2 000 000 $ indexée jusqu'à ce que soit réglé le problème.

À toutes fins utiles, ces propositions ont été faites par la ville de Hauterive il y a à peine deux ans, même pas, et aujourd'hui le gouvernement a un projet de loi forçant l'union de ces deux municipalités - je dis bien "forçant" - alors que ce même gouvernement refuse de prendre ses responsabilités et de corriger une situation que le gouvernement ou que les gouvernements antérieurs ont créée. C'est à ce gouvernement, depuis 1976, de corriger cette situation qui a malheureusement été créée à Hauterive. C'est la demande que formulait, en 1980, la ville de Hauterive à ce même gouvernement et au premier ministre du Québec, M. Lévesque.

M. le Président, dans ces six hypothèses de solution, on parle de fusion mais les autorités de la ville ne privilégient pas celle-ci. Elles préfèrent plutôt régler le problème financier et non le faire endosser par leurs voisins. Alors comment peut-on expliquer que le gouvernement péquiste, le député ministre du Saguenay en tête, a l'idée de présenter un tel projet de loi à caractère antidémocratique alors que c'est le gouvernement qui a placé Hauterive dans une telle situation et que la ville désire qu'il lui remette les instruments nécessaires afin qu'elle puisse se doter d'une base financière solide?

Mais le gouvernement, encore une fois, veut se défiler de ses responsabilités et les faire assumer par la ville de Baie-Comeau sans demander aux populations concernées ce qu'elles pensent de ce projet qui risque d'hypothéquer lourdement leur avenir. Cette méthode qu'utilise le gouvernement pour imposer une telle fusion est carrément répréhensible. On implique obligatoirement des milliers de citoyens de Baie-Comeau et de Hauterive sans leur demander ce qu'ils en pensent.

Où sont-ils ces députés péquistes qui en 1974, lors du débat sur la loi 76, dénonçaient l'attitude du gouvernement et rappelaient, avec toute l'émotion qu'on leur connaît, de beaux grands principes? Où sont-ils ces députés de l'Opposition d'alors? Nos ministres actuels de l'Environnement, des Affaires intergouvernementales, de la Justice, du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, l'ex-leader du gouvernement, député de Saint-Jacques, le ministre de l'Environnement, qu'en est-il de leurs paroles et de leurs principes d'alors, chacun d'entre eux réclamant que toute modification de

municipalité, que toute fusion s'élabore après que la population, informée des conséquences et des impacts d'un tel projet, se soit prononcée lors d'une consultation populaire? Est-ce qu'ils étaient sincères à l'époque, ou leurraient-ils tout simplement la population?

Pour les péquistes, il semble qu'avec le temps les principes disparaissent. Pourquoi fait-on fi des législations existantes pour imposer une telle fusion? Le gouvernement agit unilatéralement. C'est l'exemple que donne le premier ministre en imposant ses décisions à ses militants.

M. le Président, ce que nous, de l'Opposition, demandons, c'est qu'on procède à une étude complète des coûts et aussi des impacts de la fusion avant de demander à la population, par voie de consultation populaire, son avis sur ce projet de fusion. Comment le ministre des Affaires municipales peut-il pousser l'imposition de ce projet lorsque, dans un sondage effectué par la firme CROP, on démontre que 86% de la population de l'ensemble des deux villes s'opposent à une fusion forcée, et que 75% de cette population réclame un référendum afin de pouvoir exprimer leur choix.

Peut-être viendra-t-il nous dire comme l'alléguait certains "profusionnistes" lors de la commission parlementaire tenue en décembre - que les mécanismes de la loi favorisant les regroupements municipaux ne pouvaient être appliqués, car aucune discussion n'était possible entre les deux villes et que le caractère volontaire de la fusion n'existait pas.

Or, cet argument est inexact. Le 18 janvier dernier, six des huit intervenants à la commission parlementaire se sont réunis. Je tiens à mentionner que la ville de Hauterive était absente de cette rencontre car elle avait refusé de s'y présenter. On a établi un consensus à savoir que les deux municipalités s'assoient à une même table et déterminent les coûts réels de la fusion. (17 h 20)

J'aimerais ici faire une citation du député de Saguenay: "Je sais que, tôt ou tard, il faudra envisager des possibilités de fusion entre deux villes comme Baie-Comeau et Hauterive. Cependant, dans la région, jamais nous n'accepterons que le gouvernement...

Une voix: Jamais.

M. Rocheleau: ... vienne nous imposer une fusion sans aucune consultation, sans qu'il y ait au préalable référendum au niveau de la population."

Une voix: II y en a eu, un référendum.

M. Rocheleau: Déclaration faite par le ministre...

Une voix: C'est épouvantable.

M. Rocheleau: ... du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et député de Saguenay. Il en fait à peu près tous les mois, des déclarations semblables. Cela dépend dans quelles conditions il se trouve. Ces propos, comme je le mentionnais tantôt, proviennent du député-ministre de Saguenay. La date de cette première déclaration, décembre 1974, alors que, justement, le gouvernement s'apprêtait à adopter le projet de loi no 98 et que ce même projet de loi no 98 comportait des unités de regroupement au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ainsi que dans l'Outaouais. Si quelqu'un en a connu les conséquences, M. le Président, c'est bien celui qui vous parle, car j'étais maire de la ville de Hull à ce moment-là et nous avons connu une fusion comme d'autres municipalités du Québec en ont connu. On se souviendra qu'à ce moment-là le même député qui, aujourd'hui, prône cette fusion forcée était celui qui se battait pour empêcher toute fusion des deux municipalités de Baie-Comeau et de Hauterive. Conclusion, M. le Président, le problème du comté de Saguenay: son député et ministre.

Or, ce même député de cette circonscription est le parrain du projet de loi. C'est lui qui veut qu'on impose une fusion de ces deux villes. Pourquoi celui qui dénonçait le gouvernement, celui qui défendait des principes de liberté, agit-il aujourd'hui d'une façon aussi antidémocratique? La ville de Baie-Comeau adopte une résolution pour la formation d'un tel comité conjoint, tandis que la ville de Hauterive accepte d'adhérer à ce comité conjoint aux seules fins de trouver la meilleure façon d'intégrer les corporations municipales. Baie-Comeau veut discuter, mais voilà que c'est Hauterive qui refuse l'analyse globale. De plus, Hauterive veut que le comité conjoint remette son rapport le 5 mars 1982. C'est vraiment très peu de temps accordé à un comité pour estimer les coûts et faire connaître à la population les conséquences engendrées par la fusion.

Je tiens à préciser que, depuis ce temps-là, M. le Président, les municipalités de Hauterive et de Baie-Comeau se sont rencontrées toutes les semaines et se rencontrent encore aujourd'hui pour traiter de la question de fusion entre ces deux municipalités. Je répète, encore une fois, que j'aurais cru que le gouvernement aurait retenu ce projet de loi dans le but de laisser les deux municipalités se parler. Le gouvernement péquiste doit accorder un délai ou tout simplement retirer ce projet de loi, car, si on applique cette loi matraque, le climat social qui régnera dans les deux villes sera tout simplement insoutenable. L'actuel vice-premier ministre disait, en 1974: "Au Parti québécois, on s'est mis d'accord dans

le programme pour favoriser le regroupement municipal, mais sur une base volontaire. Cela est beaucoup moins facile que d'imposer des regroupements, cela demande quelquefois des années d'efforts, d'études, de commissions, de sondages, de référendums, c'est vrai, mais c'est la seule façon de construire de manière durable".

Est-ce qu'on jette les uns sur les autres des gens qui se méfient? Une certaine municipalité ayant des finances saines, la voisine ayant des finances déficitaires -comme cela se voit presque partout - quand on procède de la sorte on récolte la tempête. Le gouvernement doit prendre l'initiative et décréter des unités de regroupement, mais, de là à laisser les populations de côté et à faire des fusions par le truchement de manoeuvres politiques, il y a une marge. C'est vous, messieurs du côté ministériel, qui avez fait ces belles déclarations de la plus pure des démocraties au temps où vous étiez dans l'Opposition. Aujourd'hui, le pouvoir vous a attaqués comme il en a attaqué d'autres, peut-être pas pour longtemps.

Pourquoi les ministres, députés de Labelle et de Saguenay, n'écoutent-ils pas le vice-premier ministre car ils sont en train de provoquer une terrible tempête par leur jeu politique? À quoi veut en arriver le député de Saguenay? Quel mandat a-t-il pour procéder de la sorte? Il déclarait, lors d'une entrevue radiophonique en février 1981, ce qui n'est quand même pas tellement loin des élections du 13 avril 1981: "Le gouvernement du Québec a toujours respecté l'autonomie des municipalités et même, contrairement encore à ce qu'a dit le maire de Baie-Comeau, jamais Lucien Lessard n'a envisagé de forcer la ville de Baie-Comeau, comme la ville de Hauterive, à se fusionner."

Une voix: Jamais!

M. Rocheleau: "Jamais ça n'a été dans mes objectifs, et j'en fais mon deuil maintenant, étant donné la décision du maire de Baie-Comeau, d'imposer quoi que ce soit au maire de Baie-Comeau ou au maire de Hauterive." Février 1981, à la veille des élections provinciales. Manque d'honnêteté envers les citoyens du comté de Saguenay, M. le Président; on se camoufle à l'intérieur de déclarations semblables pour se faire élire par sa population et après venir la trahir.

En commission parlementaire, la semaine dernière, lorsque nous écoutions les revendications des intervenants concernant le projet de réforme de la Communauté urbaine de Montréal, le ministre des Affaires municipales a déclaré qu'il fallait que tous les gens à l'intérieur d'une communauté urbaine soient très heureux. Pour nous, ce n'est pas seulement à l'intérieur de la Communauté urbaine de Montréal que les gens doivent se sentir heureux, c'est également à l'intérieur de leur municipalité, au niveau de leur collectivité locale.

Si vous continuez votre démarche comme nous le propose le projet de loi, ce sont les citoyens qui ne seront pas heureux. Si le ministre Lessard se désavoue lui-même, s'il ne respecte plus ses idées et ses principes, comment peut-on le croire lorsqu'il dit que les citoyens de Baie-Comeau ne subiront pas de hausse de taxes? Quelle assurance peut-il donner aux citoyens, quel subterfuge emploiera-t-il pour expliquer, dans les mois qui suivraient une éventuelle fusion, l'augmentation du compte de taxes des contribuables, lorsqu'on sait qu'il existe déjà à ce stade-ci des différences très importantes entre les coûts prévus par la ville de Baie-Comeau et ceux prévus par le ministère des Affaires municipales? (17 h 30)

Les ministres de ce gouvernement qui formaient l'Opposition alors qu'ils étaient très peu nombreux, mais, il faut le dire, combien combatifs, ne cessaient de parler de démocratie. Lorsqu'ils débattaient de projets de fusion, la consultation devait toujours être présente. Comment le ministre des Affaires municipales et le député de Saguenay peuvent-ils tous les mettre en contradiction, leur faire renier leurs principes? "Une fusion doit être préparée. Il faut voir le problème grâce à des études telles que ce que la loi 276 préconisait. Ces études étant faites, il faut présenter à la population des solutions et lui demander de voter sur ces solutions. Nous disons oui au regroupement municipal à travers tout le Québec selon le formule de la loi 276, mais non à une fusion forcée." C'était le député de Lafontaine qui tenait ces propos dans le temps. Possiblement qu'aujourd'hui, le pouvoir l'a affecté lui aussi, à moins que, d'ici les prochains jours, il puisse tenter de convaincre ses collègues des erreurs ou de l'erreur qu'ils sont en train de commettre.

Il faut que nous ayons la conviction que la population accepte ce sur quoi nous légiférons et pas seulement les dirigeants. Encore une fois, si c'est si clair que ça, un référendum peut se tenir très vite et, à ce moment, permettre une loi qui ne soit pas coercitive. Nous sommes contre le principe de ce projet de loi parce qu'il force la fusion, rend la fusion obligatoire sans consultation populaire. Je dis bien populaire. Je ne dis pas consultation des maires, des ministres, des députés, mais une véritable consultation par voie de référendum. Mais que c'était beau dans le temps d'entendre ces belles paroles de la part du gouvernement d'aujourd'hui alors que les mêmes députés étaient dans l'Opposition! Que c'est beau de voir un gouvernement changer ses orientations politiques d'une façon aussi radicale! Que c'est drôle le pouvoir comme

ça peut changer des individus! Les paroles que nous disons aujourd'hui en cette Chambre, M. le Président, je les fais miennes parce que, la journée où nous prendrons le pouvoir, nous défendrons les municipalités plutôt que de les forcer à vivre ensemble et ça, le passé l'a bien dit, l'a bien prouvé.

Nous allons sûrement, M. le Président, pouvoir y toucher dans quelques instants. Dans l'attitude intransigeante et dictatoriale qu'il a adoptée depuis le dépôt du projet de loi no 37, le présent gouvernement a démontré que rien ne lui fait changer d'idée, pas même la vérité, pas même les faits nouveaux qui nous permettent aujourd'hui d'affirmer que tout ce dossier est fondé sur de faux prétextes et qu'il cache des objectifs qui sont probablement autres que le seul intérêt des populations concernées et l'intention de rétablir une paix sociale que les méthodes actuellement utilisées risquent de détruire pour longtemps. Nous exigerons certainement du gouvernement qu'il nous dise pourquoi il n'a jamais décrété une unité de regroupement qui aurait forcé les deux conseils à s'asseoir à une même table et à négocier par une étude sérieuse l'élaboration d'un protocole d'entente, d'une fusion éventuelle des villes de Baie-Comeau et de Hauterive.

S'il nous répond que c'est parce que ce n'est pas possible de faire asseoir les deux conseils à une même table, nous serons en mesure de lui démontrer que, depuis le dépôt du projet, et je reviens encore là-dessus, depuis le dépôt du projet, dis-je, M. le Président, cela a probablement servi à quelque chose, mais, de là à continuer cette loi matraque, je pense qu'il faudrait respecter les gens qui sont actuellement assis. C'est la ville de Baie-Comeau qui a pris les initiatives en vue de faire une étude sérieuse, que la ville de Hauterive elle-même a acceptée avec réticence et à condition qu'elle se réalise dans un délai de deux semaines. Deux semaines pour faire une étude sérieuse. Elle menaçait la ville de Baie-Comeau d'en subir les conséquences. Le greffier de Hauterive, dans sa lettre au conseil de Baie-Comeau, le 17 février 1982, proférait-il ses menaces au nom du gouvernement, du conseil de Hauterive ou du député-ministre du comté?

S'il nous répond qu'il a préféré une fusion négociée entre deux maires et un député-ministre sans aucune consultation des populations concernées, nous lui ferons valoir que c'est une façon inacceptable de mettre de côté les populations, comme l'affirmaient avec tant de détermination les membres du Parti québécois, alors qu'ils étaient dans l'Opposition. Nous exigerons aussi du gouvernement qu'il nous dise, à la suite de la lettre qu'il a reçue de l'Union des municipalités du Québec qui, après avoir reçu des délégations de Baie-Comeau et de Hauterive et analysé tous les éléments du dossier de la fusion de Baie-Comeau-Hauterive, a adopté une position semblable à celle de la ville de Baie-Comeau, pourquoi il s'entête à vouloir à tout prix "bulldozer", comme le disait le premier ministre à l'Assemblée nationale le 17 décembre, le projet de fusion selon sa façon à lui de régler le problème?

S'il nous répond que le cas de Baie-Comeau et de Hauterive est un cas d'exception, nous pourrons certainement lui rappeler que ce n'est pas la ville de Baie-Comeau qui a créé la situation financière actuelle de Hauterive et qu'il existe de nombreuses autres agglomérations comparables au Québec qu'il connaît très bien et qui peuvent continuer à vivre à l'intérieur de plusieurs unités locales distinctes, même avec un niveau d'interdépendance de beaucoup supérieur à celui de Baie-Comeau et de Hauterive dont les deux agglomérations sont séparées par une zone boisée et non urbanisée de plus de six kilomètres.

S'il nous répond que la fusion forcée est une nécessité économique voulue par la majorité, comme l'affirmait le ministre des Affaires municipales au journaliste de la Presse, M. Florian Bernard, et dont les propos ont été rapportés dans l'édition du samedi 20 février, nous lui répondrons que les résultats d'un sondage effectué récemment par la maison CROP démontrent qu'à peine 13,5% des populations des deux villes endosseraient le principe d'une fusion forcée.

S'il nous répond que la fusion volontaire serait impossible s'il y avait eu un référendum, nous lui répondrons que, selon les résultats du même sondage, la majorité de la population serait d'accord avec le principe d'une fusion volontaire et qu'elle aurait voté en faveur.

S'il nous répond que le gouvernement a suffisamment consulté les populations concernées avant de prendre sa décision, nous lui répondrons que les résultats du sondage effectué par la maison CROP démontrent que 70% des répondants des deux villes estiment que le gouvernement a peu ou pas du tout consulté les gens concernés avant le dépôt de son projet de loi et que 80,5% estiment que le gouvernement devrait toujours consulter les citoyens avant de procéder à une fusion.

L'Opposition péquiste a défendu, en 1974, la position que défend, depuis le dépôt du projet de loi 37, la ville de Baie-Comeau. La presque totalité des citoyens ont officiellement endossé cette position. L'Union des municipalités a endossé la position de la ville de Baie-Comeau. Enfin, les résultats du récent sondage CROP démontrent que cette position est partagée par la majorité des

citoyens des deux villes. (17 h 40)

Nous exigerons aussi du gouvernement qu'il nous dise pourquoi il a affirmé, lors du dépôt du projet de loi 37, qu'il n'y aurait pas d'augmentation de taxes à Baie-Comeau et que, cinq semaines plus tard, il ajoutait 1 300 000 $ à sa subvention originale en confirmant qu'effectivement, il y aurait des augmentations de taxes. S'il nous répond que c'est parce qu'il s'était trompé dans ses calculs, nous lui démontrerons qu'il s'est trompé encore plus qu'il ne veut bien le laisser croire parce qu'il n'a pas tenu compte d'un coût annuel additionnel de 1 000 000 $ applicable au service de la dette, qui n'apparaissait pas dans le budget de Hauterive pour l'année 1982, et qu'il n'a considéré aucun coût d'intégration. Même si toutes les fusions réalisées ont mis en évidence ces coûts, il a été démontré par des études effectuées pour le compte de la ville de Baie-Comeau que, malgré des subventions importantes, la somme des taxes imposées aux contribuables a progressé beaucoup plus rapidement dans les villes fusionnées que dans d'autres villes de population comparable.

S'il nous répond qu'il a encore d'autres subventions à proposer et que cela était prévu au moment du dépôt du projet de loi no 37, nous lui demanderons certainement de nous expliquer pourquoi il a voulu tromper tout le monde en tentant de faire adopter son projet de loi avec une subvention de 700 000 $ répartie sur cinq ans, alors que les chiffres qui nous sont fournis nous indiquent que, pour maintenir un taux concurrentiel de taxation, il faudrait ajouter à la subvention additionnelle de 1 300 000 $ d'autres subventions annuelles de plusieurs millions de dollars.

De plus, nous exigerons du gouvernement de nous indiquer comment il concilie sa notion de paradis fiscal pour la ville de Baie-Comeau, dont le taux de la taxe foncière est de 1,95 $ les 100 $ d'évaluation, avec la ville de Bécancour dont le taux de la taxe foncière est de 1,45 $ les 100 $ d'évaluation et où le gouvernement tente d'implanter, dans un parc industriel qui lui appartient, une aluminerie concurrente de plusieurs centaines de millions de dollars.

En passant, M. le Président, est-ce qu'on tient compte, selon le Devoir de ce matin, de l'appréhension de la Reynolds qui se dit fort préoccupée du climat social que peut provoquer cette fusion forcée entre les municipalités de Baie-Comeau et de Hauterive? Est-ce que le gouvernement du Québec tient compte du fait que le vice-président en a informé le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme? Est-ce que le ministre et député de Saguenay tient compte du fait qu'il met possiblement en péril cette possibilité d'expansion de la

Reynolds à Baie-Comeau, alors que c'est le vice-président lui-même qui l'a annoncé? Je comprends que le député-ministre est tellement embaumé par son projet de loi qu'il oublie, aujourd'hui, les conséquences désastreuses qu'il peut créer éventuellement de par son entêtement.

Nous exigerons aussi du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qu'il nous indique si c'est toujours la volonté de M. Gérard Lefrançois, ancien journaliste de la Côte-Nord, de procéder à une fusion forcée des deux villes, puisque le ministre a longuement cité M. Lefrançois pour justifier son projet de loi? S'il nous répond oui, nous lui rappellerons une déclaration récente de M. Lefrançois au cours d'une réunion à laquelle assistait le ministre, à l'occasion de la désignation du maire de Baie-Comeau, M. Henry Leonard, comme personnalité de l'année 1981 pour l'ensemble de la région. M. Lefrançois se serait alors indigné du sens qu'on avait donné à ses propos en déclarant que jamais il n'aurait proposé une fusion forcée et sans une étude préalable de toutes les implications et de tous les coûts. C'est cela que M. Lefrançois a dit, finalement, M. le député et ministre.

Ce projet de loi no 37, à cause des faux prétextes qui en auraient justifié le dépôt, des méthodes inadmissibles qui en ont entouré la rédaction, des tractations contradictoires qui en ont démontré le peu de sérieux et de l'entêtement avec lequel le gouvernement persiste à vouloir le faire adopter coûte que coûte et sans étude et consultation populaire, est devenu une véritable farce. Aujourd'hui, nous avons la preuve que ce n'est pas la ville de Baie-Comeau qui agit de façon égoïste en ne voulant protéger que ses intérêts puisqu'elle a tout mis en oeuvre pour que les deux populations puissent enfin savoir ce qui se produira après la fusion et dans quel contexte financier la nouvelle ville sera appelée à évoluer.

La balle est dans le camp de la ville de Hauterive, elle est aussi dans le camp du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et du gouvernement. S'il y a mesquinerie depuis le dépôt du projet de loi no 37, c'est certainement dans ce camp que nous la retrouverons. Déposer un projet de loi peut constituer une erreur. Une telle erreur peut se produire, même pour le gouvernement du Parti québécois. Cependant, lorsqu'un gouvernement continue de vouloir à tout prix faire adopter un tel projet de loi, même lorsqu'il réalise que s'il avait agi logiquement et selon la législation en vigueur, un tel projet de loi n'aurait jamais vu le jour, c'est de l'irresponsabilité en plus d'une négation totale des principes démocratiques qu'il a si chèrement défendus, de ses attitudes et des opinions exprimées par les populations des deux villes et

confirmées par un récent sondage CROP.

Vous comprendrez sans aucun doute, dans les circonstances, notre volonté ferme de nous opposer au principe même du projet de loi no 37 et de son adoption éventuelle. Nous avons l'intention de lutter jusqu'à la limite du possible, parce que nous avons la conviction profonde que les deux populations ont été trompées et qu'elles auraient à payer un prix exorbitant et qui risquerait même de mettre en péril l'économie de la région. C'est une fusion qui pourrait être réalisée de façon volontaire, mais qui ne semble avoir pour but, pour le moment, que de permettre au gouvernement de se définir devant sa responsabilité, de rétablir la situation financière de la ville de Hauterive, qu'il a lui-même aidé à créer en permettant, dans une période de six ans, d'accroître sa dette de plus de 250% pour atteindre un niveau incomparable pour une municipalité de cette taille. Cela, c'est vous qui l'avez permis depuis les six dernières années. C'est vous qui étiez là. Vous êtes un des responsables, M. le ministre des Affaires municipales. Aujourd'hui, vous manquez à vos responsabilités.

Vous comprendrez aussi que nous ne pourrons permettre qu'un tel projet soit adopté pour régler sur le dos de l'ensemble des citoyens des deux villes des problèmes urgents et qui ne peuvent être imputés à l'existence de la ville de Baie-Comeau. Même si le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a déclaré qu'il n'est pas un futurologue et qu'il n'a pas à se pencher sur les problèmes qu'affrontera la nouvelle ville, nous tenons à lui rappeler, immédiatement, que ce que son projet de loi no 37 voulait régler, c'est l'avenir. Nous ne pourrons lui permettre de régler d'une façon aussi cavalière et aussi inéquitable pour l'ensemble de la région, cet avenir qui s'annonçait prometteur jusqu'au dépôt du projet de loi no 37.

Je voudrais aussi qu'on se permette de faire un petit retour en arrière, alors que le ministre des Affaires municipales tantôt nous parlait de la loi 276, fusion volontaire adoptée en 1971; du projet de loi no 98 décrétant des unités de regroupement, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'Outaouais, adopté en 1974, alors que l'Opposition du temps, le gouvernement d'aujourd'hui, ces mêmes ministres, ceux qui étaient là dans le temps ont voté contre. Ils étaient contre les fusions parce qu'ils voulaient à tout prix consulter la population. (17 h 50)

Le "défusage" de Buckingham, comme le disait si bien le maire de Buckingham, M. Reginal Scullion. Le "défusage" qui a été fait, ce dégroupement, par ce même gouvernement... J'aimerais ici vous citer certaines déclarations du ministre des Affaires municipales du temps, M. Guy

Tardif, député de Crémazie, sur ce qui a amené le gouvernement à "défuser" Buckingham: "Les critères qui nous ont guidés étaient essentiellement les suivants: premièrement, le respect du sentiment d'appartenance aux groupements locaux. Deuxièmement, la maximisation de la participation décisionnelle des citoyens." Je vous ferai remarquer, encore une fois, que c'était déjà constitué en groupes de pression auprès du conseil de ville de Buckingham. Comme c'est actuellement le cas à Baie-Comeau et à Hauterive, il n'y avait pas de comité de citoyens, il n'y avait pas d'association de chambres de commerce qui ont fait des pressions. Aujourd'hui, ces mêmes gens, ont demandé aux deux municipalités de s'asseoir à une même table, les ont réunies; ces deux municipalités se parlent et vous continuez avec votre loi matraque. Impensable, impossible. "Troisièmement", ce que disait dans le temps le ministre des Affaires municipales, M. Guy Tardif, "la police montée" du temps, on s'en souvient tout le monde - dans ce temps-là, ça fonctionnait comme cela; pourtant, il semblait avoir un coeur d'or parce qu'il a accepté de dégrouper des gens qui ne voulaient pas vivre ensemble. Dans son troisième paragraphe, il parle de valoriser l'apport actif des citoyens. Lorsqu'un groupe de citoyens décident de se prendre en main, comme vous le chantez tous les jours, il faut se prendre en main... Actuellement, les gens de Baie-Comeau et de Hauterive se sont pris en main. Laissez-les donc tranquilles. Laissez-les donc résoudre leurs problèmes. Laissez-les donc trouver la solution aux problèmes qu'ils ont et n'essayez donc pas d'imposer, par une loi aussi arbitraire, une fusion forcée qui ne corrigera jamais le climat social. Vous allez davantage le détruire. Ce sera une des responsabilités du ministre et député de Saguenay. C'est lui qui aura à vivre les conséquences du climat social, de la détérioration qui continue de se faire, si ce n'est déjà fait.

En tout cas, il y a une chose certaine qu'on nous rapporte. Même si on n'est pas résident du Saguenay, on doit s'occuper des problèmes de tout le monde. Surtout quand un gouvernement pose des gestes aussi arbitraires, je pense qu'il faut aller défendre toutes les populations et aussi aller les défendre contre des stupidités de leur représentant de comté. On nous apprend que le ministre se cache pas mal de ce temps-ci. On nous apprend que le ministre, on ne le voit plus sur les pentes de ski.

Une voix: II voyage en avion.

M. Rocheleau: On nous apprend que le ministre passe par la porte arrière de son bureau parce que les foules de 500 à 400 personnes en avant, il en a peur. On apprend

que le ministre a souvent besoin de la police provinciale parce qu'il semble nerveux depuis quelque temps. C'est cela le climat social qu'on est en train de créer à Baie-Comeau-Hauterive. C'est cela malheureusement.

Enfin, voici ce que disait le ministre des Affaires municipales de l'époque: "Un des déterminants les plus importants, la volonté populaire telle que manifestée à l'occasion du référendum." Mais avez-vous peur de permettre à cette population de Baie-Comeau-Hauterive d'être consultée par référendum? Cela n'a pas d'importance, M. le ministre. Avez-vous peur de la consulter? Avez-vous peur de piler un peu sur votre orgueil et d'aller consulter les citoyens? Qu'est-ce qu'on veut faire au Québec à l'avenir? Est-ce la matraque qu'on veut passer à tout le monde? Non, M. le Président. Je me souviens de la loi no 98 qui décrétait des unités de regroupement dans l'Outaouais et du maire de Hull...

M. Lessard: Est-ce que le député peut me permettre une question?

M. Rocheleau: ... qui mentionnait, à l'époque, que le regroupement...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le ministre et député de Saguenay.

M. Lessard: ... en vertu de l'article 100?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que vous permettez une question?

M. Rocheleau: Si ça peut éclairer le ministre et député de Saguenay, je lui permettrai sûrement une question pour autant que ce ne soit pas sur mon temps.

M. Lessard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Lessard: ... le député parle d'un référendum. Est-ce qu'il pourrait me dire s'il serait prêt à accepter un référendum entre les deux villes, où la majorité serait prise au niveau des deux villes? Est-ce que le député est prêt à accepter une telle proposition?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Hull, à la question du ministre.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. D'une part, je voudrais informer le député et ministre du Saguenay que si, à la suite du rapport que devront soumettre les deux conseils municipaux, une étude est faite de façon sérieuse, en tenant compte de l'ensemble de la problématique et que, par la suite, les deux conseils ensemble, avec une volonté de se fusionner, décident de consulter leur population dans un référendum, en tenant compte des deux municipalités et de cette population dans ces deux municipalités, ce sera à eux autres de le décider, M. le Président. C'est à eux d'en décider.

On ne peut pas aujourd'hui essayer de nous encarcaner et de nous faire déroger d'une orientation, d'une philosophie à laquelle on tient. Vous êtes en train de voler la liberté des individus, messieurs. C'est ça que vous faites, en empêchant les gens de se prononcer sur une fusion en tenant compte du fait qu'ils devront en examiner les avantages et les désavantages. Si des problèmes ont été créés par le gouvernement ou les gouvernements antérieurs, incluant les libéraux entre 1970 et 1976, ça ne veut pas dire qu'aujourd'hui ces citoyens de Baie-Comeau et de Hauterive doivent être pénalisés en ne leur permettant pas de décider de leur sort.

C'est le nouveau ministre des Affaires municipales qui a fait passer le projet de loi no 125, ça ne fait pas longtemps. C'est tout nouveau. C'est encore chaud, la loi 125. Qu'est-ce que le ministre des Affaires municipales, député du comté de Labelle, disait, lui, le complice du député du Saguenay-Lac-Saint-Jean, lors du débat en deuxième lecture, en juin 1979, sur le projet de loi no 125? "Deuxièmement - c'est le nouveau ministre des Affaires municipales qui parle - le gouvernement ne créera pas de nouvelles structures locales, ni n'entend détruire celles qui existent déjà. C'est pourquoi il n'y aura pas de fusion forcée décrétée par une loi".

Cela ne fait quand même pas bien longtemps. C'est à l'intérieur d'une loi qu'il a fait approuver, je veux dire la loi 125, la Loi sur l'aménagement du territoire. On est plongé droit dedans. Il y a une loi importante, on y souscrit et on trouve que cela tient quand même à la loi 125. Mais il y a quelque chose qu'il faut que je vous conte. Dans une municipalité, tenant compte de la loi 125, comme tenant compte de la loi sur un changement de zonage, dans un petit quadrilatère de maisons, si on veut changer le zonage pour y permettre une densité supérieure, il faut consulter les gens du milieu. On ne peut pas leur imposer un zonage qui va permettre des triplex, quadruplex, des multiples. Il faut consulter les gens du milieu.

C'est le ministre des Affaires municipales d'aujourd'hui qui nous a pondu cette loi qui est difficile à appliquer, parce qu'il faut envoyer une lettre à tous les citoyens d'un quadrilatère déterminé, il faut les informer en première et en deuxième lecture, il faut donner un avis au conseil, il faut que les gens viennent consulter. La grande

démocratie dans le monde municipal, ce n'est pas croyable! Moi, je m'attendais de venir a l'Assemblée nationale du Québec et que ceux qui prêchent la démocratie seraient normalement ceux qui devraient la pratiquer. Je suis ici et je suis pratiquement gêné de l'attitude de ce gouvernement qui se veut gouvernement social-démocrate. C'est absolument incroyable, M. le Président, de penser que ce gouvernement, aujourd'hui va imposer par une loi matraque un regroupement forcé. Vous êtes inquiet, M. le Président? (18 heures)

Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, il est 18 heures. Est-ce que je pourrais avoir le consentement de cette Chambre pour que vous terminiez?

M. Rocheleau: J'ai encore six minutes. Des voix: Oh, non!

M. Rocheleau: Je comprends, M. le Président, que, même si tous les députés ne sont pas ici, j'aurais souhaité que tous les membres soient dans cette Assemblée nationale, alors que nous aurions discuté du projet de loi 37, à commencer par tous les côtés, mais bien plus vous autres, parce que c'est vous autres qui avez amené ce projet de loi matraque. Ce n'est pas nous. Nous sommes ici pour défendre ce projet de loi. Mais il y a une chose, M. le Président, que je tiens à souligner. C'est que vous tous, du côté ministériel, vous représentez des municipalités du Québec. Vous êtes les mandataires de vos commettants à l'Assemblée nationale. Vous n'êtes pas élus pour imposer vos volontés, pour imposer vos caprices. Actuellement, s'il y a une guerre qui existe entre Baie-Comeau et Hauterive, s'il y a une guerre qui existe entre le maire de Baie-Comeau et le député de Saguenay, cela ne doit pas se faire sur le dos de la population. Le gouvernement ne doit pas prendre les pouvoirs que lui confère cette Assemblée pour permettre à une population de se détruire encore plus qu'elle ne l'est actuellement.

M. le Président, nous pourrions encore en parler très longtemps, mais il reste un point assez important. En quelques minutes, nous allons y toucher. Quand on parle de faire, une fusion, un regroupement, une annexion, il faut quand même tenir compte de certains facteurs. Je comprends que le député-ministre de Saguenay n'a jamais été maire ni conseiller d'une municipalité. Il ne connaît pas cela. Le ministre des Affaires municipales non plus. Ses orientations professionnelles de comptable ne lui ont jamais permis d'être tellement près d'un gouvernement local qui est près de la population, mais je me permets de vous le dire. Décréter un regroupement, une fusion, cela commande une étude. On ne peut pas seulement arriver et imposer, pif! pif! pif!, à deux municipalités d'aller vivre ensemble; trois coups de cloche, un petit coup de baguette et tout le monde est heureux. C'est de la folie furieuse. C'est de la maladie collective. M. le ministre, vous ne pouvez pas vous permettre d'imposer cela. Vous ne pouvez pas. Cela va à l'encontre des orientations, premièrement, de votre parti. Cela va à l'encontre de la population qui vous a élu. Vous le savez; en commission parlementaire, il y en a qui vous l'ont dit, vos partisans, les gens qui ont voté pour le Parti québécois. Ce n'est pas une question d'être péquistes ou rouges, c'est une question de démocratie, c'est une question de permettre aux gens d'être consultés et de décider. Pas de fusion sans référendum. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de fusion, cela veut dire de donner une chance aux gens de s'exprimer volontairement et de décider, une fois qu'ils auront déterminé... Ce n'est pas vous le président, M. Laplante, le président est là-bas. Vous étiez calme tantôt, rendormez-vous! Rendormez-vous!

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député.

M. Rocheleau: Je vais clore là-dessus, M. le Président, en demandant une autre fois au député et ministre du Saguenay de considérer une chose, c'est qu'actuellement les municipalités sont assises à une même table et sont à faire une étude du problème.

Qu'il ne me dise pas non, M. le Président, je sais que le député tente de défaire ce comité à tout prix. Je sais qu'il tente de le disperser et d'enlever les intervenants. Je le sais, on va vous le prouver. M. le ministre, ne mentez pas. Vous avez déjà menti à votre population, ne continuez pas. Ce n'est pas bien cela.

M. Lessard: Je soulève une question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Lessard: J'aurai l'occasion, M. le Président, au cours de ce débat, d'expliquer un certain nombre de choses, en particulier, d'expliquer le type d'étude qui se fait actuellement. Je constate que le député de Hull est dans les patates actuellement. J'aurai l'occasion de lui expliquer pourquoi il est dans les patates. Comme vous le dites...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège.

M. Lessard: Je n'ai jamais menti à ma population, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M. le député de Hull.

M. Rocheleau: M. le Président, il me reste exactement une minute. Ce sera à votre population de vous juger, mais j'espère que cela ne sera pas trop tard, M. le député et ministre. Il reste une chose, quand on parle d'un regroupement, il faut parler de planification, de cueillette des données, d'analyse et de synthèse, des services: police, pompiers, regroupement des services et tout cela, il faut parler des plans d'intégration, de l'évaluation des coûts, du budget proforma, il faut parler de vos responsabilités et des subventions que vous allez avoir à cracher là-dedans, il faut parler des révisions, des négociations; il faut tenir compte de tout cela. Une fois que c'est fait, M. le ministre, et que les gens savent sur quoi ils se prononcent, que la consultation soit permise, qu'un référendum ait lieu. N'ayez donc pas peur! Les gens du Saguenay Lac-Saint-Jean et de Baie-Comeau-Hauterive sont probablement bien plus intelligents que vous, M. le ministre.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Groulx demande la suspension des débats. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 07)

(Reprise de la séance à 20 h 05)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

La parole est au député de Groulx.

M. Élie Fallu

M. Fallu: M. le Président, nous sommes devant un problème de division forcée et non pas de fusion. Ce que nous vivons, c'est le résultat d'un quiproquo historique. Qu'on le veuille ou non, il faut le rappeler. Cependant, nous sommes, je crois, d'un côté et de l'autre de la Chambre, d'accord sur l'utilité du regroupement; nous sommes d'accord, de part et d'autre, pour qu'il y ait fusion, annexion. Qu'importent les termes, nous sommes d'accord. Ce qui nous éloigne provisoirement, c'est la méthode. Nous en reparlerons tout à l'heure et vous verrez qu'encore là nous serons très facilement d'accord.

M. le Président, je ne veux pas refaire l'histoire, elle a été refaite par le ministre des Affaires municipales tout à l'heure. Je veux toutefois rappeler aux parlementaires et à toute la population à quel point la nécessité de cette fusion, de ce regroupement s'impose depuis longtemps. Je referai plutôt l'histoire des rapports. Puisqu'on a dit qu'on manquait de rapports, on va faire cette histoire des rapports.

Commençons en 1963. Le rapport d'Henri Mhun proposait: "La position d'une ville dortoir n'est pas économiquement saine." Vous aurez compris tout de suite qu'il s'agissait de Hauterive. "Elle place l'activité d'une agglomération sous la dépendance étroite de celle d'une ville voisine. Le sort de l'une est lié à celui de l'autre. Pour éviter les risques que comporte cette situation, la logique exigerait que les deux villes n'en forment plus qu'une, qu'elles se fusionnent." C'était en 1963. L'évidence était là.

En 1967, le mémoire de la jeune chambre de commerce disait: "La présence d'un seul conseil municipal dirigeant les destinées de l'ensemble de nos deux villes éliminerait sans aucun doute les retards et les tiraillements qui ont été notre lot au cours des dernières années. Il nous est également permis de penser qu'un seul conseil municipal aurait plus de chance d'attirer dans la région les industries secondaires nécessaires au maintien et à l'amélioration de notre économie."

La jeune chambre, ce sont des gens de Baie-Comeau et de Hauterive. En 1970, le rapport "Demain", un mémoire sur le regroupement des villes de Baie-Comeau et de Hauterive, disait à la page 14: "Les deux administrations municipales nous apparaissent comme une division politique artificielle au sein d'une communauté sociale réelle". Et on lit à la page 109: "Qu'il revête la forme d'une fusion ou d'une annexion, le regroupement municipal constitue l'objectif qu'il faut atteindre le plus rapidement possible. Nous souhaitons une fusion volontaire mais nous préférerions encore l'annexion au statu quo". C'était presque un cri de désespoir et cela était, je le rappelle, en 1970.

Le rapport "Price Waterhouse" - Nous sommes en 1971 - dit en traduction, à la page 85: "La fusion des villes n'assure pas automatiquement la réalisation des économies. Seule la volonté des administrateurs municipaux permettra de faire que ces économies se concrétisent dans la réalité."

Nous sommes rendus en 1976 et au rapport Major et Martin. Permettez-moi de lire deux de ses recommandations: "Que la fusion des deux villes s'effectue dans les plus brefs délais, car il s'agit d'une condition essentielle au développement de la région". La seconde dit: "La fusion éviterait la concurrence inutile sur le plan industriel au niveau des règlements de zonage industriel ainsi que du dédoublement des institutions".

M. le Président, ce n'est pas le ministre, ce n'est pas l'adjoint parlementaire, ce ne sont pas des péquistes, ce ne sont pas

des libéraux, ce sont, d'une part, des citoyens du lieu, ce sont, d'autre part, des gens venus de l'extérieur examiner la situation d'un oeil neutre. Le problème est réel, le problème est visible.

Évidemment, on pourra nous reprocher -on n'a pas manqué de le faire déjà - ce qui apparaît être une certaine contradiction entre des positions antérieures, y compris celles du programme même du Parti québécois, et le geste que nous demandons à l'Assemblée nationale de poser. Il est un fait - je suis très fier de l'hommage que nos collègues d'en face ont rendu à l'action ministérielle depuis six ans et je les en remercie profondément - que l'action gouvernementale depuis six ans a été dans le sens de la responsabilisation des communautés locales. Ils n'ont pas trop détaillé, évidemment, ces bons coups. Vous me permettrez simplement de rappeler comment, dans les projets de loi, nous avons été respectueux des communautés locales, comment nous avons tenté de leur donner une autonomie encore plus grande par la décentralisation, par toute une série de lois, par la modernisation du Code municipal, par la Loi sur les cités et villes ou encore par un certain nombre de lois privées, de chartes de municipalités, par la réforme de la fiscalité municipale qui a assuré aux municipalités la presque pleine indépendance fiscale.

Les municipalités au Québec - on en avait le témoignage aujourd'hui un peu avant la période des questions, à l'occasion d'une déclaration ministérielle - sont plus autonomes que le gouvernement du Québec lui-même sur le plan fiscal. Elles contrôlent en moyenne 95% ou près de 95% de leur fiscalité alors que ce gouvernement, cette Chambre, n'en contrôle même pas 75%. Cela a été fait par la loi no 125, par la création des MRC après consultation auprès de la population où, volontairement, spontanément, les citoyens, par la voix de leurs élus, ont défini leur territoire d'appartenance. Maintenant, elles vont faire l'aménagement, un nouveau pouvoir qui leur est donné d'une façon expresse par la loi no 125.

Que dire, M. le Président, des mesures que nous avons prises dans le domaine de la démocratie municipale? Que dire également du dégroupement, du déclubage, comme certains l'ont appelé, de l'agglomération de Buckingham? Tous les gestes que nous avons posés allaient dans le sens de la responsabilisation des municipalités.

Toutefois, nous posons un geste aujourd'hui.

M. le Président, j'aimerais d'abord vous dire en quoi ces gens de l'autre côté vivent en parfaite contradiction avec ce qu'ils ont toujours vécu. Je vous en donnerai un exemple. J'ai ici un passage de la loi 88 de 1974. C'est eux qui étaient au pouvoir. Qu'est-ce qu'on y trouve? À l'article 2,

Kénogami y passe avec Arvida, avec la paroisse Saint-Dominique, avec Jonquière. Et puis on se promène à l'article 6 et, à compter du 1er janvier 1976, les libéraux décrétaient que les habitants et contribuables des territoires des villes de Port-Alfred, de la paroisse de Bagotville et de la municipalité de la Grande-Baie, forment -c'est eux qui décrétaient - une corporation de ville sous le nom de La Baie. Et en effeuillant comme ça, et pas très loin, on passe à l'article 12. À l'article 12, de ces mêmes libéraux, on trouve qu'à partir du 1er janvier 1978, c'est le tour de Jonquière et Chicoutimi. Et si on effeuille encore, on s'en va dans l'Outaouais, on a Buckingham, on a Lucerne, et je ne sais trop quoi, 80 municipalités.

Et ce même Parti libéral aujourd'hui vient tenter de faire la leçon au Parti québécois, maintenant qu'il forme le pouvoir, en nous disant: Ce que vous faites n'est pas correct parce qu'il s'agit d'une fusion forcée. De quoi s'autorisent-ils pour faire la leçon à quelqu'un? Je vous le confirme, M. le Président, si nous posons un geste aujourd'hui, ce n'est pas en contradiction avec ce que nous avons fait, c'est en fonction de l'utilité publique.

Vous me permettrez de citer, sans que je ne l'approuve complètement néanmoins un texte d'un ministre décédé dans des circonstances tragiques, qui disait, en 1965: "Quant au regroupement municipal - après avoir parlé de l'autonomie municipale, il va sans dire - c'est bien autre chose. C'est purement une question de géographie, de services. Cela ne met pas en cause l'autonomie, ça met en cause la géographie, ça met en cause les services, l'efficacité. Une municipalité - déclarait M. Laporte -n'est pas libre de battre en brèche la notion primordiale de bien commun." Je suis un peu moins d'accord sur le dernier passage mais, néanmoins, je suis d'accord avec l'esprit. Il s'agit de bien commun, en effet, il s'agit d'utilité, il s'agit de faire en sorte que la géographie trouve ses droits et privilèges, de faire en sorte que les services... Les services, M. le Président, vous en savez quelque chose, vous étiez ici, sur ces banquettes, au moment où il a été tellement question à l'époque, en 1977 et en 1978, de la construction d'un hôpital, vous savez fort bien qu'il y a redoublement de services.

Pour ne pas consolider, finalement, l'hôpital de Baie-Comeau est devenu une sorte de centre d'accueil alors que l'hôpital de soins de première ligne s'est installé a Hauterive. Sur leur territoire, c'en est rempli, de ces exemples de redoublement et de redoublement municipal, notamment, puisque ces deux communautés sont, à toutes fins utiles, rivales historiquement parce que, dès que le problème a été posé, il n'a pas été résolu.

On nous dit, de l'autre côté, qu'on n'a qu'à suspendre l'étude de la loi. Je vois déjà venir une motion - l'une des deux qu'on puisse faire en deuxième lecture - de report à six mois, à huit mois, à neuf mois, à un an, le maximum, d'ailleurs. On la voit venir, la motion de report. De toute façon, c'est leur esprit: Ne pas prendre de décision et reporter les choses.

Pourquoi donc faudrait-il reporter? Parce que, nous disent-ils, il y a maintenant un comité qui travaille. Forcément, il y a un comité qui travaille; la loi 37 est sur la table et, dans un mois et demi, elle sera adoptée. Il faut enclencher le processus qui va suivre cette loi. Il est évident que ces gens ne sont pas bêtes, ils connaissent la volonté gouvernementale, ils savent d'autant plus qu'il y a une majorité qui fera qu'elle sera adoptée.

Ce comité, on ne nous a pas encore dit que c'était un comité qui avait été généreusement mis sur pied pour régler les vrais problèmes, c'est-à-dire pour analyser les conditions de la fusion et le faire de bonne grâce, dans le meilleur intérêt négocié des parties. Il ne s'agit pas d'un tel comité, à moins qu'on ne nous le démontre. (20 h 20)

M. le Président, quelles conclusions pourrait tirer un tel comité? Qu'il faudrait arriver à une fusion volontaire? Mais sachez que s'ils arrivent à une fusion volontaire, ce que leur suggèrent les libéraux, c'est de perdre 1 300 000 $. Mais c'est ça que vous voulez? Vous voulez que, par une fusion volontaire, on enlève 1 300 000 $ aux citoyens de Baie-Comeau et de Hauterive? C'est très intelligent.

Ce que nous leur offrons, c'est un cadre de fusion avec 1 300 000 $ de supplément. Alors, ils ont tout le temps entre-temps, au moment du débat en deuxième lecture, qui risque de durer peut-être quelques heures, du moins jusqu'à 22 heures ce soir, un peu en deuxième lecture, article par article, sans doute, quelques heures, et très certainement pas cette semaine, car nous connaissons le menu de la semaine.

Donc, il faut prévoir un minimum de quinze jours et puis une prise en considération du rapport, une troisième lecture, une sanction. Une loi une fois sanctionnée, on peut toujours prévoir des mécanismes de mise en application, qui seraient à partir de telle date, etc. Mais ça donne tout le temps aux gens de Baie-Comeau et de Hauterive, à travers ce comité qu'ils ont mis sur pied, de regarder attentivement comment s'entendre. Entre-temps, et c'est ça le bénéfice de cette loi, sur la table, devant nous, sur le pupitre du secrétaire, il y a 1 300 000 $ dans la loi 37. Est-ce que c'est ça qu'ils veulent enlever?

M. le Président, quelquefois, vous le savez, vous avez été pédagogue pendant longtemps, il s'agit de demander un peu fermement pour que les choses aillent finalement un peu de soi par la suite. Il s'agit d'indiquer l'orientation grammaticale pour que, dorénavant, les textes coulent d'abondance. C'est un peu ce que nous souhaitons tous à l'Assemblée nationale, tant libéraux que péquistes. Ce que nous souhaitons, c'est que les citoyens trouvent la solution et nous sommes là pour les aider, notamment, pour leur offrir toute l'assistance pour les mettre en face les uns des autres à travers ces comités, même pour leur présenter 1 300 000 $ pour qu'ils soient incités à considérer favorablement les avantages d'une fusion qui, de toute façon, peut être simplement l'accord des citoyens au projet de loi no 37. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Verdun.

M. Lucien Caron

M. Caron: M. le Président, si je me donne la peine ce soir d'intervenir sur le projet de loi no 37, c'est parce que je pense que je suis aussi en mesure de le faire comme député-maire que n'importe quel ministre ou député de l'autre côté de la Chambre.

M. le Président, quand on lit les notes explicatives: "Ce projet de loi prévoit le regroupement en une seule municipalité des villes de Hauterive et de Baie-Comeau, sous le nom de ville de Baie-Comeau." À l'article 21... Je pense que c'est important de le mentionner, parce que c'est comme un mariage, une fusion, cela prend un contrat et, avant de le faire, c'est bien important de savoir où on s'en va. On a parlé de 700 000 $ et on a parlé dernièrement, depuis que le projet de loi a été déposé, de 1 300 000 $, mais je vais vous lire l'article 21, M. le Président. Je pense que, nous ici, de l'Opposition, il faut penser... Et je ne comprends pas que le ministre des Affaires municipales, un homme sérieux comme je l'ai connu, se laisse embarquer par le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Je ne comprends pas et j'y reviendrai plus tard, parce que je me rappelle avoir, avec l'Opposition, travaillé pour l'adoption de la loi 125. J'y reviendrai. On a parlé de démocratie et on parle de démocratie dans la loi 125.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je dois me lever, parce que j'imagine qu'il y a un grand nombre de maires et de conseillers qui sont inquiets aujourd'hui de voir que les gens d'en face vont adopter un projet de loi à la vapeur sans consultation populaire. Imaginez-vous, M.

le Président, si les gens d'en face, surtout qu'on parle devant plusieurs banquettes vides... C'est important que la population sache ça. Les gens qui étaient dans l'Opposition à l'époque - je vais vous en parler - les gens qui parlaient de démocratie, c'était effrayant; Même, à l'époque, si on n'avait pas quorum à l'Assemblée nationale ou en commission parlementaire, on arrêtait. Ne parlez pas trop fort parce que j'ai de la documentation. Si vous ne me laissez pas tranquille, je sais que ça va vous faire mal, mais c'est mon devoir de le dire. Je parle en tant que...

Une voix: Excellent! Excellent!

M. Caron: Oui, c'est excellent. Je parle au nom de plusieurs personnes. Imaginez-vous, à l'article 21, pour les années financières de 1982 à 1986, le conseil de la ville doit prélever sur tous les immeubles imposables situés dans le secteur de l'ancienne ville de Hauterive, suivant leur valeur inscrite au rôle d'évaluation en vigueur chaque année, une taxe foncière spéciale dont le rendement est établi comme suit: pour l'année 1982, 700 000 $; en 1983, 560 000 $; en 1984, 420 000 $; en 1985, 280 000 $; en 1986, 140 000 $.

Je pense qu'à certains moments, il n'y a pas de mal à faire une fusion, mais avant de la faire, il faut savoir dans quoi on s'embarque. En 1969, le gouvernement de l'Union Nationale a fusionné toutes les villes de banlieue à Montréal. Aujourd'hui, toutes les villes de banlieue paient et n'ont plus de services. Si, à l'époque, on avait dit: On va imposer la communauté urbaine, mais on va écrire noir sur blanc ce qu'il y a à payer, ça aurait été un contrat en bonne et due forme. Dans quelques jours, le 4 avril, il y aura un grand rassemblement; des gens ont loué le Forum et j'espère qu'ils vont le remplir parce qu'ils en ont soupé de payer des taxes. Je suis bien à l'aise, on n'a pas de déficit à Verdun. Je dis souvent au ministre des Finances qu'il devrait venir passer quelques jours à Verdun, je vais même le recevoir chez moi.

L'ancien ministre des Affaires municipales, à l'occasion, me parle de la loi 57. C'est vrai qu'il y a du bon dans la loi 57, mais il y a une façon d'administrer et de dépenser l'argent. Dépenser l'argent des autres, c'est la chose la plus facile, on n'a pas besoin de cours pour ça. On le dépense pendant un certain temps, mais quand les coffres sont vides, ça fait mal. Je vois le ministre du Revenu. Lui aussi va en chercher dans toutes les poches parce qu'il est obligé de le faire, mais les contribuables sont tannés.

M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue d'en face, mais je dois lui rapporter certains faits qui se sont produits alors qu'il était sur les banquettes de ce côté-ci. Engagements et déclarations. À l'époque où il était dans l'Opposition, notamment lors de l'étude du projet de loi no 76, Loi modifiant la Loi favorisant le regroupement des municipalités, M. Lucien Lessard, ministre, actuel député de Saguenay et véritable parrain du projet de loi no 37 imposant une fusion aux villes de Baie-Comeau et de Hauterive, dénonçait le gouvernement de l'époque pour son attitude. C'était effrayant. Je me souviens de cela. Il me regarde et je me souviens qu'il se choquait, il était mauvais. On n'avait pas la télévision, mais les gens auraient dû écouter cela. Aujourd'hui, il est de l'autre côté. Le ministre de l'Environnement et le ministre de la Justice sont absents. Cela serait important que ces gens soient ici. (20 h 30)

On ne peut pas accepter cela. On n'est pas contre les fusions. M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche M. le ministre des Affaires municipales, je pense que personne ne peut être contre les fusions dans l'intérêt de tout le monde, mais avant d'en faire il faut savoir où les gens s'en vont. Présentement, c'est un chèque en blanc que vous donnez. Si le ministre avait dit cet après-midi, avant, pendant ou à la fin de son intervention: J'ai des amendements, on va les déposer, on va suspendre quelques minutes, l'Opposition, mon collègue, l'ex-maire de Hull - qui fait un excellent travail dans le dossier - aurait regardé cela. D'autres vont dire qu'on veut retarder. On ne veut pas retarder, mais il y a des gens de Baie-Comeau et de Hauterive qui sont ici, d'autres qui ne peuvent pas se déplacer parce qu'ils n'ont pas les moyens et l'argent pour le faire. C'est à peu près comme pour le projet de loi no 46. Il y a bien des gens qui voudraient venir de Montréal mais qui ne peuvent pas. Ceux qui sont venus, ce sont des maires et des conseillers municipaux. Eux, ils prennent leurs factures et les perçoivent immédiatement. Je connais cela, ça fait vingt ans que je suis dans le métier. Mais le petit, qui n'est pas satisfait, ne peut pas se rendre ici.

Vous, dans le temps, la population vous a fait confiance, elle a dit: C'est un gouvernement qui va ouvrir la porte à tout le monde, on pourra entrer à l'Assemblée nationale, il n'y aura plus de garde du corps, la porte sera ouverte. Combien de fois il faut frapper à la porte parce que, parfois, il est censé y avoir des gens qui ne sont pas satisfaits, on a peur, on barre toutes les portes. C'est pour cela. Si le ministre est prêt - je suis certain - après mon intervention, à nous déposer les amendements, cela rendrait justice à ces gens.

La fusion, imaginez à quel prix! Pourtant, les gens ont le droit de savoir.

Nous, nous sommes leur porte-parole. Naturellement, nous ne sommes pas leurs représentants, mais quand on siège ici, à l'Assemblée nationale, on doit dire qu'on travaille pour l'ensemble des Québécois. En travaillant pour l'ensemble des Québécois, je ne suis pas contre la fusion. Loin de là. Mais avant de m'avancer, avec l'expérience que j'ai, comme je vous le disais, les gens en ont soupé de payer des taxes.

Actuellement, quand on regarde cela et qu'on entend les mémoires que des gens sont venus lire ici, il y a une ville qui est plus à l'aise que l'autre. Il n'y a rien de détaillé, de précisé. La ville qui est moins fortunée va être obligée de se faire payer par l'autre. Les gens, dans l'ensemble demandent qu'on fasse un référendum. Il y a des études en cours, qu'on attende qu'elles soient terminées. On peut siéger un peu plus tard, dans le courant de l'année, on peut passer d'autres projets de loi. Si on peut donner satisfaction, qu'on fasse un référendum mais en donnant... Je l'ai dit au ministre des Affaires municipales, je n'ai pas objection à ce que deux villes se regroupent. Souvent, il y a des conditions favorables. Cela peut se faire ailleurs, cela se fait à Montréal. Il est question aussi... Le maire Vanier de Pointe-aux-Trembles a des problèmes financiers. Il essaie de s'entendre soit avec Montréal ou les autres villes. Il n'y a pas de mal à cela. C'est une bonne chose, à un certain moment. Je me demande si, avec le temps, quels que soient les gens qui représenteront le gouvernement au moment où cela se fera, on ne devrait pas avoir des villes, comme à Montréal, de 185 000 à 200 000 de population.

Avant de s'embarquer là-dedans, il faut savoir combien cela va coûter. C'est drôle quand on veut s'acheter une automobile quand on veut s'habiller, on demande le prix avant. Quand on achète une automobile "sur la finance", on veut savoir si les paiements s'échelonneront sur 24 mois ou sur 36 mois, combien cela va nous coûter. C'est cela qu'on demande au gouvernement actuellement. Si le ministre le veut, on va suspendre, pas après mon intervention, mais à l'autre. Je suis certain que mon collègue, le député de Hull et ex-maire de la ville de Hull, va dire: On va s'asseoir et on va regarder. On veut donner satisfaction à la population. On ne veut pas donner un chèque en blanc et c'est notre devoir de ne pas le faire parce que, chaque fois que les gens d'en face...

C'est dommage que ces gens-là ne soient pas ici pour discuter d'un projet de loi si important. Et on ouvre une porte en plus, M. le Président. Imaginez-vous qu'on fait une fusion forcée comme celle-là. Ici, on ne sait pas ce qu'on fait. Je vais vous citer ceci: Le conseil de ville a proposé à M. Jacques Léonard, ministre des Affaires municipales, d'imposer la fusion des deux municipalités comme cela s'est fait à l'égard - s'est fait ou va se faire - de Baie-Comeau et Hauterive. Voici la réponse du ministre: Le ministre Léonard a rejeté sa proposition en affirmant qu'il n'y aura plus de Hauterive et de Baie-Comeau. Le ministre a raison. C'est un gars intelligent, mais il est pris au Conseil des ministres. Oui, c'est un gars intelligent, le ministre des Affaires municipales. Même qu'il y en a qui n'aiment pas que je dise qu'il est intelligent, mais il est forcé de le faire, parce que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le ministre de la Justice, peut-être parce qu'ils étaient dans les premiers à avoir une dette de reconnaissance électorale du temps...

Il faut que cela achève. Il faut que cela arrête, M. le Président. J'espère encore qu'avant de se rendre au bout... Je pourrais vous lire des extraits. La vérité, la voici. Je pourrais prendre la veillée pour vous expliquer cela, mais je ne veux pas. Je veux juste vous dire en quelques mots: Attendez donc encore quinze jours, trois semaines, ou déposez un montant d'argent. Non, je ne parle pas d'attendre cinq ans, six mois, deux ans, à moins qu'au Conseil des ministres, demain, mercredi... Vous allez siéger demain matin. Le mercredi, les ministres, on ne les voit pas ici; dans notre temps, les ministres siégeaient le mercredi soir, M. le Président, pour être présents en Chambre.

Une voix: C'est vrai.

Une voix: On ne les voit plus.

M. Caron: M. le Président, si le Conseil des ministres décide, demain, d'injecter l'argent qu'il faut, la population de Baie-Comeau et de Hauterive va être contente. Je ne comprends pas encore que le ministre des Affaires municipales nous ait fait adopter la loi no 125 pour changer le zonage dans une municipalité. Il faut aviser dans les journaux de changements au cadastre. Il faut ensuite faire une réunion juste pour dire ce qu'on va faire, et 30 jours après - il faut laisser passer 30 jours - on annonce une réunion ici et une réunion là parce qu'on a dit qu'il est temps qu'il y ait de la démocratie au Québec. C'est bien beau. On a accepté cette loi, mais parce que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a peut-être des intérêts...

Des voix: Ah!

M. Caron: Quand il va prendre la parole, il va peut-être nous le dire. C'est normal d'avoir des intérêts. Cela m'arrive aussi, M. le Président, mais je le dis, quand j'ai des intérêts. Je le dis, M. le Président.

Pour toutes ces raisons, si le ministre ne se décide pas à nous donner plus de

détails, je suis convaincu que mes savants collègues vont dire: On va aller au bout.

Des voix: Ah oui!

M. Caron: On est prêt, nous autres. Si on veut donner justice à la population des deux villes, on est prêt. Mais qu'on nous le dise. J'ai ici un article sur Baie-Comeau-Hauterive paru dans le journal Le Soleil du mercredi 17 mars 1982 - cela ne fait pas longtemps - intitulé "Un péquiste inquiet".

M. le ministre Léonard, il existe une solution démocratique au problème du regroupement des municipalités de Baie-Comeau et Hauterive. Je ne veux pas tout le lire. C'est signé Yves Gauthier, Baie-Comeau. C'est peut-être un ancien organisateur du ministre. Il est peut-être déçu. Cela arrive parfois. Je pense qu'il faut être sérieux et qu'il faut donner justice à la population. On ne peut pas donner un chèque en blanc à ces gens-là parce que, tout à l'heure, quelqu'un va payer la note. (20 h 40)

M. le Président, le projet de fusion préoccupe aussi la compagnie Reynolds. Je pense que c'est important, il y a assez de gens qui sont sans travail actuellement au Québec, ça ferme partout. Je n'ai pas été dans ce secteur-là, mais j'imagine qu'il doit y avoir des gens qui vivent de l'aide sociale. Dieu sait, M. le Président, que la majorité de ces gens-là ne veulent pas être parmi ceux-là.

La compagnie s'inquiète, elle a envoyé un télégramme au ministre. Je pense que, si la compagnie prend la peine - ce sont des gens sérieux, cette compagnie-là - d'envoyer un télégramme... Je ne veux pas le lire, mais je veux le mentionner. Non, je ne le lirai pas, mais je pense que vous l'avez vu dans les journaux. Le ministre en a pris une copie, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche en a certainement pris connaissance aussi.

Pour ces raisons-là, il ne faudrait pas qu'on coupe du travail à ces gens-là, ils en manquent déjà. Si on a des lacunes envers une ville au détriment de l'autre, j'espère que personne ne paiera la note.

Il arrive des fois qu'on n'aime pas, surtout quand quelqu'un est en politique depuis nombre d'années, on ne peut pas faire plaisir à tout le monde. Il semblerait que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche aurait dit aussi, durant sa dernière campagne électorale, sur une tribune, qu'on va consulter et qu'on va dire ce qu'on va donner. Il semblerait qu'il ait la mémoire courte.

J'espère que le ministre des Affaires municipales - je l'ai connu dans des moments où il était plus sérieux que ça, je sais qu'il se fait imposer ça, ça arrive ces choses-là, mais il est encore temps, demain, au Conseil des ministres... Je vois qu'il arrive des ministres, ça nous fait plaisir, on vous souhaite la bienvenue, même s'il est 8 h 45. C'est important que vous sachiez, pour le dire à vos collègues, qu'on n'est pas contre le projet de loi, mais donnez-nous quelque chose... On n'est pas contre, mais nous, on n'a pas confiance dans le Parti québécois. Marquez-le, c'est ça qu'on veut, marquez-le. La population de Hauterive et de Baie-Comeau veut que vous le marquiez dans le projet de loi. Si je demeurais dans une de ces municipalités, je ne ferais pas confiance au gouvernement, à moins que ce ne soit écrit. Si vous décidez, pour une raison ou pour une autre, d'ici à demain, d'injecter l'argent qu'il faut... Vous le savez, les gens d'en face, c'est un problème de finance. On l'a vécu à Montréal et on le vit actuellement. On paie, les contribuables des villes de banlieue paient. On a commencé à payer en 1969 pour dépanner la ville de Montréal. Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on offre au point de vue des services, quand on a cinq ou six policiers pour couvrir un territoire de 90 000 à 100 000 personnes? Et il arrive toutes sortes de choses.

Je termine, M. le Président. S'il y en a un qui est placé pour vous le dire... Quand on a quatre incendies dans l'espace de moins d'une heure - des incendies criminels - parce qu'on n'a pas de surveillance, il est temps, les gens sont inquiets. On donne un conseil aux gens d'en face et j'espère qu'ils vont le prendre en considération, et je vous remercie beaucoup.

Des voix: Très bien.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jeanne-Mance.

Une voix: II est bon.

M. Michel Bissonnet

M. Bissonnet: M. le Président, autant que mon collègue, le député de Verdun, et mon collègue, le député de Hull, j'ai eu dans le passé l'expérience d'être maire de la municipalité de Saint-Léonard et lorsque mon collègue, le député de Verdun, mentionne que, dans les municipalités, on nous invite à être de plus en plus démocratiques pour que les citoyens aient véritablement leur mot à dire dans la fonction publique municipale...

En adoptant le projet de loi no 25, il est certain que le processus démocratique de cette loi cause beaucoup de difficultés à beaucoup de citoyens qui veulent investir dans une municipalité. Souvent, nous sommes en présence de délais de six à neuf mois. À cause des consultations, à cause des avis de première étude et de deuxième étude et avec les commissions d'urbanisme qui existent dans toutes les municipalités,

aujourd'hui, en 1982, il en découle un processus de six à neuf mois.

Une grande partie de la population de Baie-Comeau ne désire pas cette fusion forcée. En commission parlementaire, le 15 décembre 1981, le maire de la ville de Baie-Comeau affirmait qu'il n'était pas opposé à toute forme de fusion; il voudrait simplement que le gouvernement permette à la ville de Baie-Comeau et à la ville de Hauterive d'étudier conjointement tous les aspects financiers d'une telle fusion. Il est certain que l'Opposition libérale, en principe, n'est pas contre la fusion; ce que nous désirons, c'est que des mécanismes d'étude et de consultation populaire soient établis avant qu'une telle fusion se fasse, tel que l'affirmait ce gouvernement dans son programme électoral, tel que l'affirmaient, de façon bien sentie, les six députés membres de l'Opposition péquiste à toute la population du Québec lorsqu'ils disaient qu'il ne fallait jamais faire des fusions forcées au Québec. Ce n'est pas compliqué et ce n'est quand même pas la faute d'Ottawa cette fois-ci, je ne le pense pas.

Nous sommes devant un projet de loi qui, de par son caractère arbitraire, va à l'encontre de tous les principes démocratiques qui sont à la base de notre société et que défendent les membres du Parti québécois dans cette Chambre. On n'a qu'à vous citer l'article 2 du chapitre VII du programme du Parti québécois qui stipule: "II faut réorganiser les structures municipales en consultant obligatoirement - j'espère, M. le député de Groulx, que vous savez ce que veut dire le mot "obligatoirement", je sais que vous êtes un spécialiste en lettres et je sais aussi que le mot "obligatoirement" veut dire qu'il faut faire de la consultation - la population concernée, sur tout projet de restructuration, regroupement ou fusion."

On fait des grosses campagnes de publicité: La personne avant toute chose! C'est-y beau d'entendre ça! On arrive dans des municipalités et on les considère comme des villes siamoises; c'est ce qu'on a dit cet après-midi. Ce gouvernement, dans son programme, incite toute population qui veut se fusionner à le faire en vertu de nos lois de 1976, de façon plus spécifique, après consultation; on demande aux citoyens leur opinion. La municipalité de Hauterive a soumis au premier ministre en 1980 une solution à son problème; dans le rapport qu'elle soumettait au premier ministre, il n'était pas question de fusion.

Lors de la loi 76, en 1974, certains députés, ministres actuels de ce gouvernement, dénonçaient l'attitude du gouvernement libéral et rappelaient, avec l'émotion qu'on leur connaît, de beaux grands principes. Ils me font penser, M. le Président, aux Patriotes de 1837, mais ce ne sont pas les mêmes personnes, actuellement, qui défendent les couleurs du projet de loi no 37. Pas du tout. Où sont-ils, ces députés de l'Opposition, aujourd'hui ministres? Le ministre de l'Environnement, le ministre des Affaires intergouvernementales, le ministre de la Justice, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et l'ex-leader du gouvernement, le député de Saint-Jacques. Qu'en est-il, M. le Président, de leurs paroles et de leurs principes d'alors, où chacun d'entre eux réclamait que toute modification à une municipalité, que toute fusion se précise après que la population, informée des conséquences et des impacts d'un tel projet, se soit prononcée lors d'une consultation populaire? (20 h 50)

Le député de Saguenay, le député de la ville de Hauterive et de Baie-Comeau faisait des déclarations en cette Assemblée, le 18 septembre 1974. Vous nous parlerez tantôt parce que j'ai été surpris, M. le ministre, qu'aucun membre du Parti québécois n'intervienne après le député de Verdun. J'ai été surpris. Peut-être qu'on veut nous laisser parler et que vous, vous attendez. Vous n'êtes probablement pas des citoyens de Hauterive et de Baie-Comeau, comme le député-ministre. Je pense qu'on est intéressé de connaître vos positions, M. le Président.

Le député de Saguenay, M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, déclarait le 18 septembre 1974, lors de l'étude d'un projet de loi, en cette Assemblée: "Je sais que tôt ou tard il faudra envisager des possibilités de fusion - on vous le répète, le député de Hull vous l'a dit, mais je le répète et on y reviendra M. le Président - entre deux villes comme Baie-Comeau et Hauterive. Cependant, dans la région, jamais nous n'accepterons que le gouvernement vienne nous imposer - c'est clair, c'est ce que vous disiez - une fusion sans aucune consultation, sans qu'il y ait au préalable - c'est encore plus fort référendum."

Même si vous nous dites que vous avez fait une petite consultation maison, ce n'est pas un référendum. Vous seuls, les membres de ce parti, saviez très bien ce qu'est un référendum. Vous nous disiez ça, M. le Président, "sans qu'il y ait au préalable référendum au niveau de la population". Ce même député qui est le parrain de ce projet de loi...

Une voix: Les bibites le poignent.

M. Bissonnet: ... veut qu'on impose une fusion à ces deux villes. Pourquoi? Celui qui dénonçait le gouvernement d'alors, celui qui défendait des principes de liberté, de démocratie agit-il aujourd'hui d'une façon aussi démocratique, M. le Président?

Il ne faut pas parler de l'actuel vice-premier ministre qui disait, lui, en 1974 -

pensez à ce que vous disiez, messieurs, de 1970 à 1976, pensez-y; aujourd'hui, vous allez à l'encontre de ce que vous disiez - "Au Parti québécois - c'est M. le ministre Jacques-Yvan Morin - on s'est mis d'accord dans le programme pour favoriser le regroupement municipal, mais sur une base volontaire. Cela est beaucoup moins facile que d'imposer des regroupements." C'est plus facile quand c'est sur une base volontaire.

C'est ce que disait également le ministre Lessard dans une entrevue radiophonique en février 1981: "Le gouvernement du Québec - on est juste un peu avant la période électorale - a toujours respecté l'autonomie des municipalités et même, contrairement encore à ce qu'a dit le maire de Baie-Comeau, jamais Lucien Lessard n'a envisagé de forcer la ville de Baie-Comeau comme la ville de Hauterive à fusionner; jamais cela n'a été dans mes objectifs. J'en fais mon deuil maintenant, étant donné la décision du maire de Baie-Comeau d'imposer quoi que ce soit au maire de Baie-Comeau ou au maire de Hauterive." C'étaient les propos d'avant élection du ministre Lessard.

Une fusion, M. le Président, cela doit être préparé. Il y a eu diverses fusions dans le passé. Je pense que lorsqu'on ne fait pas une étude sérieuse dans un échéancier de réalisation et lorsqu'on parle des municipalités en vertu de la loi 25 où cela prend un délai de six à neuf mois en moyenne pour modifier un règlement de zonage, on devrait évidemment retarder ce projet de loi pour pouvoir étudier avec les deux municipalités un échéancier de réalisation qui comprendrait l'étude de la planification du mandat pour faire un protocole d'entente entre les deux municipalités, la cueillette des données, l'analyse et la synthèse, la formulation des hypothèses, le choix des hypothèses pour les deux villes, le plan d'intégration, l'évaluation des coûts, la préparation des budgets pro forma pour la prochaine année, la révision du budget pro forma, les perspectives financières, la révision des perspectives, l'évaluation des subventions, la négociation des subventions et, enfin, l'élaboration d'un protocole où les deux municipalités peuvent s'entendre. C'est effectivement ce que demande dans la contestation de ce projet de loi en partie la ville de Baie-Comeau, qu'on s'assoie à une table, qu'on renégocie, qu'on étudie et, à la suite de cela, que le gouvernement permette à toute la population de ces deux villes de donner son opinion sur un projet de fusion qui deviendrait volontaire et non pas une fusion forcée.

Le ministre des Affaires municipales nous citait aujourd'hui, M. le Président, une belle lettre du président de l'Union des municipalités du Québec. Il citait évidemment la fin de la lettre de M.

O'Bready. Je vais lire le texte que le ministre a lu et je vais lire aussi un préambule dont le ministre n'a pas informé cette Chambre dans cette lettre du 19 février 1982. Dans la lettre de M. O'Bready, M. le ministre citait cet après-midi: "Finalement, si le gouvernement juge qu'il est opportun pour un ensemble de citoyens dont les lieux et les modes de vie sont rapprochés de fusionner leur administration municipale pour une fin précise, l'Union des municipalités du Québec ne peut que l'accepter. Toutefois, ce type de projet exige le respect et la collaboration de tous les intervenants. Il doit se faire ouvertement." Mais dans deux paragraphes avant ce dernier paragraphe, M. le Président, voici ce que M. O'Bready disait: "De façon générale, l'Union des municipalités du Québec croit que tant et aussi longtemps qu'il existe une législation en vigueur - c'est le cas, M. le Président - applicable soit aux annexions, soit aux regroupements municipaux, elle doit être respectée." C'est ce que le président de l'Union des municipalités dit à ce gouvernement: Respectez les lois en vigueur. Cette attitude garantit l'exercice des droits démocratiques de tous, conseils municipaux et citoyens, de même que la stabilité et la cordialité des rapports entre les partenaires pour le présent et pour l'avenir. Voici, M. le Président, ce que dit l'Union des municipalités du Québec. Elle n'est pas contre la fusion. Elle vous dit de respecter les lois en vigueur. Consultation et démocratie.

Je pense, M. le Président, qu'à compter de la présentation de ce projet de loi, on n'a plus à prendre de leçons de ce gouvernement sur la démocratie et sur la consultation, d'aucune façon. Votre chef de parti, le premier ministre, devra faire un référendum a l'intérieur de votre parti, parce que vous allez à l'encontre des dispositions de votre programme. Le premier ministre va-t-il se réveiller pour dire aux députés de son parti: On ne peut pas faire cela aux gens de Hauterive et Baie-Comeau? Dans notre programme, il faut les consulter. Il faut faire une consultation populaire. À compter d'aujourd'hui, M. le Président, je pense que nous n'avons aucune leçon à recevoir de votre gouvernement sur la démocratie au Québec, pas du tout. (21 heures)

Une chose est primordiale dans l'étude de ce projet de loi. Il faut absolument qu'avant que cette Chambre puisse étudier ou réétudier ce projet dans son ensemble, il y ait un échéancier réalisé en commun accord avec les deux villes. Je sais que les deux municipalités sont actuellement en discussion et des progrès se font. C'est une loi matraque pour les gens de Baie-Comeau et de Hauterive.

On a constaté que le gouvernement, à la suite de l'audition, en commission

parlementaire, des gens de Baie-Comeau et de Hauterive, a déjà porté à 1 300 000 $ la subvention initiale qui était d'environ 700 000 $ pour réaliser cette fusion. Des études préliminaires ont démontré que les estimations faites par le gouvernement étaient irréalistes. On n'a pas encore fait une étude à fond sur les implications, pour les citoyens de Baie-Comeau et de Hauterive, de l'adoption du projet de loi. La demande que nous faisons au gouvernement, c'est tout simplement de permettre une étude sérieuse pour la réalisation de cette fusion et ce, surtout en consultant les membres des communautés de Hauterive et de Baie-Comeau.

Je termine en disant au ministre - je le fais peut-être un peu en boutade, mais je tiens à le dire quand même - qu'à la suite de son appui au projet de loi no 37, ça lui prendra un "38" pour se promener dans la ville de Baie-Comeau et, comme braconnier, ça peut lui poser certains problèmes.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Fabien Bélanger

M. Bélanger: Merci, M. le Président.. C'est avec énormément d'intérêt que j'interviens en deuxième lecture sur le projet de loi no 37, loi qui fusionne deux municipalités sans leur consentement. Ce n'est pas un mariage obligé, c'est un mariage forcé. Ce projet de loi passera sans doute à l'histoire de l'Assemblée nationale puisque c'est un manque flagrant de démocratie à l'égard des municipalités.

Le comté de Mégantic-Compton, que j'ai l'honneur de représenter, regroupe 52 municipalités. C'est justement pour sauvegarder la démocratie de chacune d'elles que j'ai mentionné que j'intervenais avec beaucoup d'intérêt. Ce sont 52 municipalités dont certaines n'ont que 300 ou 400 habitants. Jamais je n'ai songé et jamais je ne tenterai de faire des fusions forcées et de m'ingérer à l'intérieur des affaires municipales. Ces élus municipaux ont été élus démocratiquement et j'ai beaucoup trop de respect à leur égard pour tenter de leur imposer mes visions.

Un tel processus de fusion est très acceptable, comme l'ont mentionné la plupart de mes collègues, lorsque la population concernée l'approuve et consent à vivre ensemble. Mais lorsqu'un gouvernement veut imposer une telle fusion à des individus contre leur volonté, en faisant tout simplement abstraction de leurs revendications, ça devient totalement inacceptable. Peu importent les raisons que tentera d'invoquer le gouvernement, ce geste demeure un geste unilatéral - un mot que vous n'aimez pas - antidémocratique, un manque de respect flagrant envers les gouvernements municipaux. Ce projet de loi va à l'encontre de tous les principes de la démocratie, qui est la base même de notre société. Le gouvernement balaie du revers de la main toutes les notions d'autonomie municipale. Pourtant, ce même gouvernement péquiste ne cesse de proclamer pour lui-même plus d'autonomie.

Loin de moi de vouloir me faire le juge ou l'arbitre entre les deux municipalités. Je m'attarderai donc à défendre le principe de la démocratie municipale. Que les deux municipalités aient entre elles des querelles, que l'une d'elles soit mieux placée financièrement, je ne vois pas pourquoi le ministre des Affaires municipales s'acharne à leur imposer une loi matraque.

En décembre dernier, j'ai eu le privilège de siéger en commission parlementaire et d'entendre plusieurs intervenants. À la lumière de ces témoignages, nous pouvions déceler un certain consensus dans le sens que tous ces gens étaient prêts à parler de fusion. Mais de fusion de la façon dont nous, Québécois, fidèles à nos principes de démocratie, l'entendons. Que deux municipalités, qu'un regroupement de municipalités veuillent fusionner, il y a rien de mal dans cela. C'est même, je crois, le devoir du gouvernement de leur faciliter la tâche, de les aider dans leur travail. Mais lorsqu'il s'agit du projet de loi 37, là c'est une autre chose. C'est une fusion forcée, c'est une fusion non désirée.

La municipalité de Baie-Comeau s'oppose très vigoureusement à la fusion imposée par le gouvernement. C'est son droit le plus strict. Ce conseil municipal a été élu pour administrer la ville de Baie-Comeau non pas pour en faire la fusion. C'est donc dire que le conseil municipal ne fait que répondre à la volonté exprimée par ses électeurs. Je n'ai pas à vous mentionner que nous, de l'Opposition, fidèles aux traditions du Parti libéral, nous mènerons également une lutte sans merci. Nous nous servirons pour ce faire de tous les règlements, de tous les moyens mis à notre disposition à l'Assemblée nationale pour tenter de ramener le gouvernement à la raison afin qu'il retire tout simplement, comme nous l'avons demandé d'ailleurs à plusieurs reprises, le projet de loi 37.

Qui aurait pu croire qu'un gouvernement qui n'a pour principal objectif que de se séparer des liens fédéraux pour, justement, acquérir plus d'autonomie, au risque même d'ailleurs de laisser sombrer notre économie comme nous la connaissons en ce moment comment aurait-on pu croire, dis-je, qu'un tel gouvernement soit si injuste envers les gouvernements municipaux? Après le regroupement forcé de certaines municipalités régionales de comté et MRC, on nous arrive avec un projet de fusion pour

forcer deux municipalités à fusionner.

Ce Parti québécois qui forme le gouvernement nous a démontré dans le passé qu'il était très favorable à la tenue de consultations, c'est-à-dire de référendums. Vous vous souviendrez, ils ont même poussé la farce aussi loin qu'avoir un référendum maison, à l'intérieur du parti, un "renérendum", pour, disait-on, tout simplement défaire certaines résolutions qui avaient été adoptées démocratiquement lors d'un conseil général. Pourquoi le gouvernement issu de ce Parti québécois refuse-t-il de tenir un référendum réclamé par le regroupement des citoyens de Baie-Comeau? Il a eu 52 000 procurations qui ont été recueillies, qui sont une preuve évidente que ces gens veulent un référendum. Ce regroupement de citoyens, qui se veut un mouvement apolitique, réclame tout simplement la tenue d'un référendum avant l'imposition d'une fusion forcée. Ce n'est pas sorcier cela. Ce n'est pas un miracle. On veut un référendum. Même René en fait des référendums.

Ce même Parti québécois est aussi habitué aux consultations, aux sondages; vous savez qu'il ne fonctionne que par sondages. On ne fait des élections que lorsque les sondages sont favorables. On ne fait des coupures que lorsque les sondages sont favorables sauf que, des fois, on exagère un peu. Ce même Parti québécois, pourquoi ne tient-il pas compte des sondages effectués à Baie-Comeau, où 90% dans certains cas sont contre la fusion? (21 h 10)

Une voix: Faites-en un référendum.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Bélanger: Pourquoi également, M. le Président, ne pas tenir compte de la population de Baie-Comeau? En 1981, les électeurs municipaux reconfirmaient dans leurs fonctions le maire et quatre conseillers municipaux qui, contrairement au Parti québécois, au gouvernement en place, s'étaient ouvertement déclarés contre la fusion. Ici, on fait des élections en disant qu'on n'est plus séparatistes et, le lendemain, on est séparatistes. Mais, à Baie-Comeau, ce fut une élection démocratique où le maire et les quatre conseillers municipaux se sont carrément déclarés contre la fusion. Pourquoi ne pas tenir compte de cette volonté populaire? Que demandent ces citoyens? Je l'ai mentionné, et ce n'est pas sorcier. Ils veulent tout simplement une autodétermination. Ils veulent se prendre en main.

Une ville, une municipalité, cela n'appartient pas au maire. Cela n'appartient pas aux conseillers municipaux et encore moins aux députés. Beaucoup moins aux députés! Alors, comment expliquer le fait que le député de Saguenay, ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, puisse se déclarer ouvertement pour cette fusion forcée? Il y a plusieurs déclarations d'ailleurs que le ministre a faites. Je vais vous en citer une qu'il a faite sur les ondes de la station radiophonique CKBH, le 23 novembre dernier: "C'est maintenant décidé; la fusion se fera." Est-ce beau pour la démocratie, M. le Président, un député-ministre, dans son comté, qui décide qu'il fusionne? Imaginez-vous, M. le Président, dans le comté de Mégantic-Compton, il y a 52 municipalités. Si je décidais de faire des fusions, j'en aurais pour un an à raison d'une par semaine. Comme je l'ai mentionné, les municipalités n'appartiennent pas aux députés. Elles appartiennent aux citoyens. Le lendemain, le ministre complétait en disant: "Les dés sont pipés; il n'y a rien à faire." C'est un gouvernement démocratique, mais les dés sont pipés. C'est fini, il n'y a rien à faire. C'est lui qui a décidé qu'il faisait la fusion de Hauterive et de Baie-Comeau. La semaine prochaine ou le mois prochain, peut-être voudra-t-il fusionner deux autres, trois autres ou quatre autres municipalités? On ne le sait pas.

De quel droit le député-ministre s'acharne-t-il à vouloir s'ingérer dans les affaires municipales? Pourtant, il aurait probablement d'autres occupations peut-être plus profitables à l'intérieur de son propre ministère, ne serait-ce que pour surveiller les folles dépenses, les dépenses scandaleuses de la fête nationale.

Des voix: Oui.

M. Bélanger: Au lieu de s'occuper de fusion, peut-être qu'il devrait s'occuper de son propre ministère. Il semblerait que ce gouvernement ne veut absolument pas tenir compte non plus des gens qui vont payer la note. Il serait préférable de les consulter. Ce sont eux qui devront subir toutes les séquelles de ce projet de loi qui est tout simplement inacceptable.

Ce sont également ces mêmes citoyens qui auront à vivre dans un climat social qui ne sera pas amélioré. En commission parlementaire, le ministre des Affaires municipales nous a déclaré qu'il y a des querelles, des bagarres, des chicanes qui durent depuis 20 ans et qu'il avait décidé de fusionner. Est-ce que, dans l'avenir, ce sera la politique du gouvernement, dès que deux municipalités ne s'entendent pas, de les fusionner? On ne le sait pas.

M. le Président, permettez-moi une dernière fois de demander au ministre des Affaires municipales de retirer tout simplement ce projet de loi et de consulter, par référendum, la population des deux villes concernées, sans quoi, comme je l'ai

mentionné au début de mon intervention, nous devrons mener une lutte sans merci pour faire respecter ce droit fondamental qu'est le droit à la démocratie municipale. J'y crois, ma formation politique y croit et nous devrons mener la lutte. Nous prendrons pour ce faire, comme je l'ai mentionné, tous les moyens mis à notre disposition. Nous siégerons la nuit. Nous siégerons le samedi. Nous siégerons tout l'été. Mais nous allons prendre tous les moyens mis à notre disposition pour faire respecter un droit fondamental. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bourassa.

Une voix: ...

M. Laplante: Oui, vous feriez peut-être mieux de retourner faire un tour à l'hôpital, M. le député de Maskinongé. On ne vous a peut-être pas soigné à la bonne place. On ne vous a pas soigné à la bonne place.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Laplante: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Laplante: Les états nerveux, ce n'est pas ici qu'on soigne ça.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: Merci, M. le Président, je ne parlerai pas longtemps. Le projet de loi no 37 est pourtant un projet de loi simple, un projet de loi exigé et demandé par deux villes depuis nombre d'années.

Il y a une autre chose que je voudrais souligner, c'est la façon dont l'Opposition prend position dans ce projet. Pour faire ce qu'on appelle le "show" de l'Assemblée nationale, aujourd'hui on s'oppose à l'adoption du projet. Lorsqu'on rencontre les mêmes députés dans les couloirs, ils n'ont aucun argument, ils se disent favorables au projet de loi no 37 tout comme M. Goldbloom l'était lui aussi lorsqu'il a voulu le présenter.

M. Rocheleau: Après consultation.

M. Laplante: C'est une hypocrisie qui ne devrait pas exister en politique que de jouer avec des populations. C'est pour cette raison que je prends la parole, pour dénoncer cette hypocrisie politique dont on joue entre deux populations, celle de Hauterive et celle de Baie-Comeau.

On parle souvent de la crédibilité qu'on accorde aux politiciens. Vous avez ici un exemple de la conduite de l'Opposition. Ses membres sont fondamentalement pour la fusion de Hauterive-Baie-Comeau mais ils viennent à l'Assemblée nationale pour essayer d'en faire un geste spectaculaire, avec macarons, avec tout ce que vous voudrez. Lorsqu'on rencontre ces mêmes gens dans les couloirs du même Parlement, on nous dit: C'est simple, il faut que ça se fasse; depuis des années que cette chose-là doit se faire.

M. Gratton: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: J'exige du député de Bourassa, qui prétend rencontrer des députés libéraux qui lui affirment être favorables au projet de loi no 37, qu'il les nomme, M. le Président, car il laisse planer des doutes, et on n'accepte pas ça.

M. Lessard: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le ministre.

M. Lessard: II y a des questions d'éthique professionnelle qu'à un moment donné on discute à l'extérieur de cette Assemblée nationale. Si, par exemple, le député est capable de me libérer de cette éthique professionnelle, je suis prêt, et probablement que le député est aussi prêt à le faire, à affirmer de mon siège que certains députés libéraux m'ont affirmé qu'ils étaient d'accord avec la fusion Baie-Comeau-Hauterive.

Des voix: Bravo!

M. Gratton: La question de privilège que j'ai soulevée tantôt, qui n'aurait pas dû permettre au ministre d'intervenir sur une question de règlement, s'applique à lui aussi. J'exige que lui et le député de Bourassa nomment les députés libéraux qui ont paraît-il, dit être d'accord avec une fusion forcée de Baie-Comeau-Hauterive.

M. Laplante: Je vais en nommer un seulement...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: ... et ce sera à l'intérieur de l'Assemblée nationale, parce que le discours s'est fait ici. Écoutez et relisez le discours du député de Verdun.

Des voix: Oh! Oh! Oh!

M. Laplante: II s'est dit d'accord avec la fusion.

M. Gratton: M. le Président, étant donné l'absence momentanée du député de Verdun, j'invoque son privilège. J'étais présent lorsqu'il a parlé. Il a effectivement dit qu'il ne s'opposait pas à la fusion de Baie-Comeau-Hauterive, à la condition qu'elle se fasse après consultation populaire de la population. Il est donc contre le projet de loi no 37 et je demande au député de Bourassa de se rétracter.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'odre, s'il vous plaît! M. le député de Bourassa, vous avez la parole.

M. Laplante: Merci, M. le Président. Vous avez une preuve additionnelle jusqu'où on veut faire de la petite politique avec le projet de loi sur le dos de deux populations. (21 h 20)

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur une question de règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Sur une question de règlement, M. le Président, car je pense que c'est très sérieux. Le député de Verdun n'est pas ici. Il a fait un discours tout à l'heure, il a indiqué son opposition au projet de loi et le député de Bourassa, peut-être pas par mauvaise foi - je prête toute la bonne foi au député de Bourassa, mais il me semble que le député de Bourassa, en homme honnête comme on le connaît, devrait reconnaître qu'il a erré tout à l'heure - a dit que le député de Verdun était favorable à une fusion forcée.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je répète que le député de Verdun a dit qu'il était favorable à une fusion. Qu'on me prouve le contraire dans les galées, dans la transcription du discours qu'a prononcé le député de Verdun il y a environ trois quarts d'heure.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la question de règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Étant donné que le député de Bourassa veut jouer sur les mots, nous ne participerons pas à ce petit jeu.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Bourassa, vous avez le droit de parole et je considère l'incident clos, pour l'instant.

M. Laplante: C'est une habitude, chaque fois qu'on dit des vérités à l'Opposition, de soulever des questions de règlement pour essayer de faire perdre le temps de cette Chambre.

On va continuer à en parler, mais avec la population de Hauterive-Baie-Comeau. Ce sont des citoyens qui parlent et que je nommerai même ici, a l'Assemblée nationale, des citoyens qui ont hâte que la fusion se règle. Mme Marcel Tremblay, de Baie-Comeau, se dit enchantée par le projet de fusion; elle estime que la situation ne peut être pire qu'elle l'est maintenant, même s'il faudra se serrer la ceinture les premières années.

M. Jean Savoie, de Hauterive, n'a pas d'opinion arrêtée sur le sujet; il a cependant hâte qu'on règle la fusion car, selon lui, il faut renforcer la population. Dans ce dossier, il trouve que les politiciens font leur possible pour informer la population, mais, en regard de leur option, simplement.

M. Julien Gagné, de Hauterive, est d'accord avec la fusion: "Cela aurait du bon sens; je ne vois pas pourquoi les deux villes ne fusionneraient pas."

Mme Jocelyne Rioux, de Baie-Comeau, croit que le dossier de la fusion n'est pas près d'être réglé; les politiciens agissent un peu comme des enfants. Elle parle de l'Opposition. Elle pense qu'il y aura encore beaucoup de discussions sur le sujet, mais elle se dit favorable aussi.

C'est une liste des citoyens des deux villes qui ont hâte, eux aussi, que le projet de fusion se règle. Ils ont hâte aussi qu'on arrête de faire de la petite politique sur leur dos. Si le Parti québécois, le gouvernement, avait voulu en faire un dossier politique, cela aurait été assez facile pour le ministre, qui demeure dans ce comté. Il cherche une justice entre les deux villes et il se met à blanc dans un dossier qui est énormément politisé pour essayer de trouver un résultat positif pour les deux populations.

L'Opposition parle beaucoup d'études. Ce n'est qu'une petite partie des études qui ont été faites depuis 1967 sur la fusion Hauterive-Baie-Comeau. On peut vous citer une étude faite par M. Mhun, un mémoire de la Chambre de commerce de Baie-Comeau-Hauterive, un troisième mémoire présenté par le Regroupement des villes de Baie-Comeau et de Hauterive, un rapport de "The Financial Implication of merger", le projet de fusion entre Baie-Comeau et Hauterive, celui de l'aménagement industriel, portuaire et urbain de la zone de Baie-

Comeau-Hauterive. Ce sont tous des rapports favorables à la fusion. Chacun y va de ses recommandations favorables. Beaucoup sont sévères dans leurs recommandations; on dit que cela aurait dû être fait il y a plusieurs années.

Vous avez aussi les éditoriaux des journaux de chacune de ces villes qui se disent également favorables à la fusion des deux municipalités. Je pense que le geste qu'on a à poser ici, M. le Président, c'est de donner justice à ces deux villes. Des assurances ont été données au point de vue financier aux deux villes pour que l'une ne soit pas pénalisée à l'avantage de l'autre, pour que ça fasse la même population, que ça fasse des gens qui se parlent d'autre chose que de la haine qu'on a semée entre les deux populations. Ce sont des gens qui vivent entre eux depuis le début, depuis la création de la ville de Baie-Comeau, puis les gens de Hauterive ont été dans l'obligation de créer une ville eux autres aussi. Un tiraillement qui dure depuis trop longtemps. La mesquinerie politique fait qu'aujourd'hui on essaie de faire durer ce mal, on essaie de faire durer les chicanes entre deux municipalités. Il est temps que le gouvernement prenne ses responsabilités. Que le gouvernement du Parti québécois prenne ses responsabilités vis-à-vis de ces deux populations et qu'on vote le plus tôt possible le projet de loi no 37 qui sera sûrement pour le bien-être de ces deux populations.

C'est ce que je souhaite, M. le Président. Je souhaite, M. le ministre, que vous puissiez le faire adopter le plus tôt possible. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Verdun, sur une question de...

M. Caron: M. le Président, j'ai été mal cité...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Une question de privilège?

M. Caron: En vertu de l'article 96. J'ai été mal cité par le député de Bourassa. J'ai dit tout à l'heure que si le Conseil des ministres se réunit demain, qu'on veut suspendre et qu'on est prêt à injecter l'argent qu'il faut, parce que c'est un problème financier, et qu'on reconsulte la population, je vais être d'accord. J'espère que le député de Bourassa lira la transcription du journal des Débats demain matin, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Michel Gratton

M. Gratton: M. le Président, je dirai que je suis d'accord pour reconnaître que le député de Bourassa vient de parler du projet de loi no 37 en toute objectivité parce que manifestement il ne connaissait absolument rien au projet de loi. Si j'étais député et que je n'avais jamais eu à m'occuper d'un fusionnement, qu'il soit forcé ou volontaire, et si j'étais un député du genre de trop de députés d'arrière-ban qui, plutôt que d'étudier les dossiers à leur mérite, sont les principaux responsables du fait qu'on dise maintenant des députés de l'Assemblée nationale qu'ils sont des machines à voter les deux yeux bandés, les deux oreilles bouchées, la langue bien pendue, par exemple, et amenez-moi, faites-moi voter n'importe quoi même quand c'est le député du Saguenay-Lac-Saint-Jean, ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui est le parrain...

M. le Président, le projet de loi no 37, Loi regroupant - de force - les villes de Hauterive et de Baie-Comeau est le meilleur exemple qu'on puisse trouver comme la preuve que le gouvernement du Parti québécois vieillit. Le gouvernement est usé à la corde comme d'autres gouvernements précédents ont fini par atteindre cet état. Je vais vous parler en toute candeur, M. le Président, parce que j'ai fait partie d'un gouvernement libéral qui, effectivement, avait présenté le projet de loi no 98 qui décrétait la fusion de certaines municipalités du Saguenay et de l'Outaouais. Il y avait des éléments. Il y avait plus de deux municipalités qu'on se proposait de fusionner. On prenait 32 municipalités et on les réduisait à B. Parmi les projets de fusion, il y en avait qui ne répondaient pas aux attentes, non pas seulement des conseils municipaux impliqués, mais surtout des citoyens. M. le Président, j'en prends à témoin le député du Saguenay-Lac-Saint-Jean lui-même. Les fusionnements auxquels la population s'opposait n'ont pas été concrétisés en 1975. Aylmer n'a pas été fusionnée avec la ville de Hull. Hull-Ouest n'a pas été fusionnée avec la ville de Hull, même si dans le cas de la ville de Hull il y avait des résolutions qui demandaient la fusion. La nouvelle ville de Gatineau qui regroupe huit anciennes municipalités - j'en prends à témoin le député de Crémazie, ex-ministre des Affaires municipales - chacune des huit municipalités avait adopté une résolution à l'appui de la fusion. On peut bien dire aujourd'hui que les résultats n'ont pas été très favorables, surtout sur le plan de la taxation, et c'est ce dont il s'agit dans le cas des citoyens de Hauterive et de Baie-Comeau. (21 h 30)

J'entendais le député de Bourassa dire tantôt: Regardez donc s'il y en a, des études. J'en ai déjà plus que lui et il s'agit seulement des études que j'ai reçues de la ville de Baie-Comeau. Je n'ai même pas tout le dossier. On en a eu des études aussi lors du "défusionnement" de la ville de Buckingham. Le ministre de l'Habitation s'en rappelle. Il se rappelle qu'à titre de porte-parole en matière d'affaires municipales pour l'Opposition officielle, j'avais livré une bataille à partir d'une conviction profonde que c'était là poser un mauvais geste, mais, M. le Président, il y avait au moins eu un référendum dans la ville de Buckingham. Seulement 22% de la population s'était prononcée, s'était donné la peine d'aller voter. Si ma mémoire est fidèle, quelque 60% - peut-être bien 70%, peu importe - de ces 22% avaient dit: Oui, on veut "défusionner". Nous, de l'Opposition, disions à ce moment-là: Ce n'est pas suffisant pour réellement mesurer la volonté populaire. Il faudrait y retourner une autre fois. Le ministre a dit: Non, c'est suffisant, 22%. Les autres n'avaient qu'à aller voter. Il avait quelque peu raison à ce moment-là, mais au moins il y avait cela. À Baie-Comeau et Hauterive, qu'y a-t-il? Il y a des déclarations contradictoires.

M. le Président, le député de Saguenay, je le trouve très sympathique. C'est un bonhomme extrêmement sympathique à condition, bien sûr, qu'on ne lui parle pas de choses sur lesquelles il s'engage, parce qu'on ne sait jamais où on va le retrouver d'une journée à l'autre. Une journée, c'est blanc et l'autre journée, c'est noir, selon que cela fait son affaire. Je disais au début de mes remarques, M. le Président, que le gouvernement est usé et fatigué. Il y a une rumeur que je n'accrédite pas qui veut que le ministre actuel des Affaires municipales, lui aussi un bon garçon... Il y en a beaucoup de bons garçons et, d'abord, le meilleur garçon de tous, c'est le premier ministre qui n'est pas ici ce soir. Si le maire de Baie-Comeau allait lui parler demain matin et lui dire: Savez-vous ce qui se passe? Il dirait: Oui? Ils sont en train de forcer cela. On va regarder cela, parce que le programme de mon gouvernement est clair. On ne force pas les fusions, nous. Les déclarations de mes ministres, alors qu'ils étaient dans l'Opposition, sont claires. Nous ne forçons pas les regroupements qui ne sont pas volontaires.

Je dirai, à l'intention du ministre des Affaires municipales, qu'il y a d'autres ministres avant lui qui ont cédé aux pressions de collègues du cabinet. Je ne donnerai pas de noms, mais il y a un ancien ministre libéral qui n'a pas fait long feu aux Affaires municipales après, justement, avoir tenté d'imposer des fusionnements dans l'Outaouais. Je dirai aussi, M. le Président, sur les fusionnements dont je parlais tantôt qui n'avaient pas l'assentiment de la population, que si les députés, comme moi à ce moment-là, avaient fait comme les députés péquistes, les deux yeux bandés, les deux oreilles bouchées, et avaient dit: Le ministre propose cela, cela doit être bon... Un ministre, d'abord, cela ne se trompe pas souvent, surtout le ministre des Finances, dans notre cas. Un ministre doit sûrement connaître cela, d'autant plus que le ministre dont il est question est député de la région. Sûrement, avec la constance qu'il a toujours démontrée - on va revenir tantôt à sa constance - il doit sûrement avoir de bonnes raisons pour présenter cela. Pourquoi me donner la peine de lire le dossier? On a vu le député de Bourassa intervenir tantôt sans savoir de quoi il parlait, en faisant une espèce d'appel galactique à la bonne entente, pour que les gens s'entendent, alors que les sondages démontrent que 89% de la population et de Baie-Comeau et de Hauterive ont déclaré: On n'en veut pas de fusion forcée. On n'est pas nécessairement contre la fusion de Baie-Comeau-Hauterive, mais on y sera favorable seulement après qu'on aura connu les implications et, surtout, qu'on aura eu l'occasion de se prononcer en bonne et due forme dans un référendum.

Il y a donc une une rumeur, que je n'accrédite pas, qui veut que le ministre des Affaires municipales ait accepté de parrainer ce projet de loi car il n'est sûrement pas trop d'accord sur le fond. En tout cas, il n'a pas été très convaincant dans son intervention cet après-midi. On attend avec une grande impatience l'intervention du député de Saguenay.

Des voix: Bien oui!

M. Gratton: D'ailleurs, je trouve un peu incongru que lui qui est le parrain, le moteur, le maître d'oeuvre de ce projet de loi soit demeuré silencieux, sinon pour nous dire: Me relevez-vous de l'éthique professionnelle pour que je puisse nommer des députés libéraux favorables à la fusion? II a mal compris les interventions qu'on a pu faire auprès de lui dans le sens que la fusion peut être bien, mais seulement après consultation. Donc, le projet de loi no 37, non, non, merci. C'est assez clair, il me semble, M. le ministre.

La rumeur - ça me prend du temps à y venir - nous dit que le ministre des Affaires municipales a accepté de présenter le projet de loi parce qu'il aurait eu l'assurance - et le cabinet l'aurait entérinée - que le ministre et député de Saguenay démissionnerait immédiatement après l'adoption du projet de loi.

M. Lessard: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Lessard: Question de règlement et question de privilège, M. le Président. Je tiens à dire ceci.

Une voix: De votre siège?

M. Lessard: Oui, de mon siège. J'ai l'intention, en collaboration avec le gouvernement qui m'appuie, de demeurer député. Encore une fois, je défie quiconque de se présenter aux prochaines élections dans le comté de Saguenay, même le maire Henry Leonard.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je dirai au député de Saguenay que, quelle que soit la véracité de la rumeur - c'est peut-être une démission comme ministre dont on parlait, je n'en sais rien - une chose est certaine, c'est que la réaction est favorable de ce côté-ci de la Chambre; on semblait se réjouir du départ possible du député de Saguenay, mais même notre joie de le voir partir ne nous motiverait pas assez pour appuyer le projet de loi no 37.

Voyons ce que disait ce même député de Saguenay le 18 décembre 1974: "Je sais que, tôt ou tard, il faudra envisager des possibilités de fusion entre deux villes comme Baie-Comeau et Hauterive.

Cependant, dans la région, jamais nous n'accepterons que le gouvernement vienne nous imposer une fusion sans aucune consultation, sans qu'il y ait au préalable un référendum au niveau de la population." Vous voyez, on n'est même plus en train de dire: Ne faites pas ce que je fais, faites ce que je dis, le député de Saguenay dit: Ne faites pas ce que je fais et ne faites pas ce que je dis non plus. C'est à n'y rien comprendre.

La même journée, il disait: "Nous voulons que les populations qui seront fusionnées aient d'abord appris à vivre ensemble." Cela, ça ressemble au député de Bourassa tantôt, un peu de pathos. "Nous voulons que ces populations qui seront les premières touchées et les premières impliquées dans ce nouveau système soient d'abord consultées par référendum." Où est-il, le référendum, M. le Président?

M. Lalonde: Qui disait cela?

M. Gratton: Le député de Saguenay...

M. Lalonde: Ah non!

M. Gratton: ... et ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Picotte: C'est vrai qu'il dit n'importe quoi.

M. Gratton: La même journée, il enchaînait: "Ce n'est pas de l'enfantillage, quand on parle de la fusion de certaines villes, il ne s'agit pas de jouer avec l'avenir des citoyens de ces régions. Il nous apparaît tout à fait normal et logique que les populations concernées puissent être consultées."

M. Picotte: Cré Lulu!

M. Gratton: Quand dit-il la vérité, ce ministre?

Une voix: Jamais! (21 h 40)

M. Gratton: Quand il est dans l'Opposition? À ce moment-là, est-ce que c'était non pas de la petite, mais de la "tite" politique, comme disait le député de Bourassa tantôt? Est-ce qu'on faisait de la "tite" politique en 1974 quand on faisait ces discours? On pourra nous dire: Oui, mais ce n'est pas tout le monde qui disait cela. Voyons ce que le chef de l'Opposition officielle du temps, M. Jacques-Yvan Morin, disait - je ne sais si c'était au retour d'un voyage à Bruxelles, mais toujours est-il... -"Au Parti québécois, on s'est mis d'accord dans le programme pour favoriser le regroupement municipal, mais sur une base volontaire. Cela est beaucoup moins facile que d'imposer des regroupements. Cela demande quelquefois des années d'efforts, d'études, de commissions, de sondages, de référendums, c'est vrai, mais c'est la seule façon de construire de façon durable." C'est-y pas beau! C'est le député de Sauvé, vice-premier ministre, ministre d'État à la Réforme culturelle, je crois, mais qui faisait de la "tite" politique en 1974, semble-t-il! "Est-ce qu'on se jette les uns sur les autres, enchaînait-il? Des gens qui se méfient. Certaines municipalités ayant des finances saines, la voisine ayant des finances déficitaires." Cela sonne une cloche, j'imagine! "Comme cela se voit presque partout. Quand on procède de la sorte, on récolte la tempête. Le gouvernement doit prendre l'initiative et décréter les unités de regroupement, mais de là à laisser les populations de côté et à faire des fusions par le truchement de manoeuvres politiques, il y a une marge." Le "godfather", le parrain du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le député de Saguenay, vient de décider de sa hauteur que les gens de Baie-Comeau - Hauterive, les conseils municipaux ne savent rien. Il les fait profiter de l'éclairage de son brillant cerveau et leur dit: Moi, je connais cela et vous allez fusionner, que vous aimiez cela ou pas. Et il y a encore des gens, comme le député de Bourassa, qui sont prêts à dire: Les yeux

bandés, les oreilles bouchées, je vote pour.

Le ministre actuel de la Justice n'est pas le dernier venu, il connaît cette région; il nous disait: "Le Parti québécois, au niveau national, est d'accord avec le regroupement. Cependant, ceci a été confirmé lors de son dernier congrès, il est contre la fusion forcée." Si cela a été décidé au congrès, que je sache, cela ne faisait pas partie du "renérendum", donc, cela n'a pas changé. Le programme du Parti québécois est encore clair là-dessus, pas de fusion forcée. Comment se fait-il qu'on laisse le député de Saguenay faire autrement? Je vous ferai grâce des brillantes interventions du député actuel de l'Environnement, le député de Lafontaine, et de l'ex-leader du gouvernement, le député de Saint-Jacques.

Je dirai simplement que, quel que soit le parti politique auquel on appartient, quel que soit l'endroit où on se place, il y a une chose qui est sûre. C'est vrai, comme le disait le député de Sauvé à l'époque, que c'est moins facile d'amener les gens à s'entendre. C'est vrai que c'est fastidieux, que c'est long de tenir un référendum. Mais Dieu sait que, dans le Parti québécois, vous n'avez pas peur de cela des référendums? Vous savez comment les perdre. Vous savez également comment les gagner en vous organisant avec trois questions une réponse, en donnant seulement la chance à ceux qui sont bien certains de ne pas vouloir perdre le chef. M. le Président, on ne demande pas de faire un référendum interne. On veut que cela se fasse à la lumière. On voudrait, M. le Président, donner au gouvernement la chance de répondre à ce slogan qu'on retrouve sur les macarons. Une belle allusion. On dit: Moi, je ne lâche pas, stop. Stop, M. le ministre. C'est trop abuser de la bonne volonté des gens. Comme l'Opposition n'a aucune façon de stopper le gouvernement, on va au moins essayer de le ralentir. C'est pour cela que le gouvernement devrait y songer sérieusement - le ministre des Affaires municipales surtout - il devrait réaliser qu'il est essentiel, pour que cette fusion, si jamais elle doit être faite, fonctionne dans l'intérêt des citoyens de Baie-Comeau-Hauterive, serve réellement les intérêts des citoyens de Baie-Comeau-Hauterive, qu'elle ne se fasse pas avant qu'on ait tenu une consultation populaire.

Motion de report

J'aimerais donc, M. le Président, en présentant la seule motion qu'il est possible de présenter au cours d'un débat de deuxième lecture, fournir au gouvernement la possibilité, lui donner le temps de faire cette consultation populaire, de faire les études qui sont requises et alors, seulement après la tenue d'un référendum, l'Opposition souscrira volontiers à l'adoption du projet de loi no 37 amendé en conséquence, à condition que la population de Baie-Comeau-Hauterive ait voté pour à ce référendum.

Je propose donc, M. le Président, la motion suivante: Que la motion en discussion soit amendée en retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant, à la fin, les mots "dans six mois".

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je considère cette motion recevable.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Cette motion est recevable. Donc, à partir de maintenant, nous parlons sur cette motion.

Des voix: Adopté?

M. Lessard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Lessard: ... puisque j'ai l'intention de prendre la parole, au nom de mon parti, pendant une demi-heure, est-ce que je pourrais avoir le consentement de la Chambre pour présenter...

Une voix: ... un quart d'heure.

M. Lessard: II reste dix minutes. Est-ce que je pourrais présenter une motion d'ajournement du débat?

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de l'Opposition, question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): Je voudrais avoir, à ce moment-ci, une réponse à une demande de directive. Vu que celui qui parlait au nom du gouvernement, c'était le ministre, le parrain du projet de loi, et que c'est un autre collègue qui demande de représenter le parrain, je voudrais savoir, parce que cette question n'a jamais été réglée à notre satisfaction, si on peut changer comme cela d'opinant.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Fréchette: M. le Président, comme un peu de votre côté ça change de temps en temps aussi. Commencez, on va avoir du plaisir, on va avoir du plaisir. Sur la question...

M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Je n'ai pas invoqué le règlement lorsque je me suis levé. J'ai simplement fait une demande de directive; à ce moment-là, je ne pense pas qu'il puisse y avoir d'autres intervenants.

M. Fréchette: M. le Président, il me semble que...

M. Gratton: Voyons donc!

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Je dois au moins écouter le leader du gouvernement sur une question de directive.

M. Fréchette: On vous a demandé une directive sur un problème bien précis et il me semble que, dans le but de faire connaître nos opinions sur le sujet et possiblement vous éclairer quant à la décision à prendre sur la directive, il est indiqué que nous puissions intervenir.

Les représentants du gouvernement dans les deux cas interviennent sur deux procédures tout à fait différentes. Il s'agit, dans un cas, de la motion de deuxième lecture sur laquelle le ministre des Affaires municipales est le représentant du gouvernement et nous sommes sur le point d'amorcer la discussion sur la motion du député de Gatineau, qui demande le report de la question sous étude. Or, il m'apparaît évident, à moins que l'on ne nous prouve le contraire, qu'il s'agit là de deux sujets tout à fait distincts et différents l'un de l'autre. Il y a effectivement deux questions principales qui sont actuellement en discussion. Je ne vois pas dans le règlement ce qui empêcherait qu'on puisse, de ce côté-ci, désigner plus d'une personne pour faire l'intervention pour et au nom du gouvernement. Ce sont deux chapitres de discussion tout à fait différents, deux procédures tout à fait différentes et il me semble qu'il n'y a rien d'illégal là-dedans. (21 h 50)

M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement, tout en vous demandant de répéter votre demande de directive, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): Oui, je comprends que vous venez d'arriver, M. le Président.

Le Président: Je suivais cependant le débat à la télévision.

M. Levesque (Bonaventure): Bon, très bien! J'ai simplement fait une demande de directive et voici que le leader adjoint du gouvernement se lève comme si j'avais invoqué le règlement. C'est simplement parce que depuis quelque temps - et ce n'est pas la première fois que ça se passe, ça fait plusieurs fois qu'on se pose la question; je pense même que vous, ou votre prédécesseur, je ne me rappelle pas exactement lequel, vous vous posiez la question. Est-ce que l'on peut ainsi, au cours d'un débat, profiter des avantages que procure le règlement pour le proposeur d'un projet de loi ou pour le représentant officiel de l'Opposition et dire que, pour une partie du débat, ce sera tel opinant qui pourra bénéficier du temps additionnel et ensuite, dans une autre étape du débat, que ce soit un autre opinant de la même formation politique qui profite du temps additionnel consacré soit au chef du parti ou au proposeur d'une motion ou à celui qui, dans l'Opposition, répond soit au proposeur ou enfin à quelqu'un du côté du gouvernement qui a tel privilège. Autrement dit, est-ce qu'on peut ainsi changer... Présentement, c'est le parrain de la motion, qui est le ministre des Affaires municipales, qui propose que nous adoptions en deuxième lecture le projet de loi no 37 sur la fusion Baie-Comeau-Hauterive, c'est lui qui a le bénéfice d'une heure comme proposeur. C'est le député de Hull, notre collègue, qui, lui aussi, dispose d'une heure pour répondre au nom de l'Opposition.

À un moment donné, au cours du débat, une motion d'amendement arrive. Dans le cas actuel, c'est notre collègue, le député de Gatineau, qui présente une motion d'amendement pour le report de ce débat à six mois. À ce moment-là, est-ce qu'on peut dire que ce n'est plus le proposeur de la motion de deuxième lecture, le ministre des Affaires municipales, qui a une demi-heure mais, tout à coup, c'est le député de Saguenay, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui, lui, dit qu'il parle au nom du gouvernement? On pensait que c'était le ministre des Affaires municipales qui parlait au nom du gouvernement. À ce moment-là, il se pose une question. Je comprends que ce n'est pas la première fois que la présidence a à répondre à cela, mais je ne me rappelle pas tel précédent. Peut-être que vous, M. le Président, dans votre jurisprudence - vous avez des conseillers très chevronnés et très expérimentés que je tiens à saluer d'une façon particulière... Non, je ne voudrais pas, à ce moment-ci, retarder les travaux de la Chambre...

Des voix: Non!

M. Levesque (Bonaventure): Le ministre

de l'Habitation et de la Protection du consommateur m'indique présentement - je ne sais pas s'il veut le dire, je l'invite à le dire - que je prends le temps de la Chambre pour faire passer le temps d'ici à 22 heures. Ce n'est pas le cas, M. le Président. Vous savez qu'il est important de savoir si, sur le plan de la procédure, cette demi-heure appartient à n'importe quel ministériel ou au proposeur du projet de loi. Ceci, évidemment, va s'appliquer du côté de l'Opposition. Quelquefois, c'est le chef de l'Opposition qui a une heure ou c'est son représentant; c'est clairement indiqué dans le règlement. On peut avoir des cas où c'est le premier ministre ou son représentant qui a deux heures ou une heure, c'est également clair dans le règlement, mais je crois que le règlement n'est pas tout à fait clair... Un instant, je vois ici que mon collègue, le leader parlementaire adjoint, m'indique les dispositions de l'article 94. Je vous les lis, M. le Président, peut-être qu'on pourrait lire cela ensemble. L'article 94.1: "Sauf dispositions contraires du règlement, un député peut parler sur une motion de fond pendant vingt minutes; mais peuvent parler pendant une heure le premier ministre, le leader parlementaire du gouvernement, le chef d'un parti reconnu ou leur représentant - au singulier - et lors des deuxième et troisième lectures, le proposeur du projet de loi."

Or, M. le Président... On me demande de relire. Est-ce qu'on a affaire à un collaborateur?

Le Président: M. le leader de l'Opposition, je pense avoir très bien compris le sens de votre demande de directive. Un mot?

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, si je veux l'ajouter, c'est parce qu'il s'agit ici de la motion principale. Ce qui m'a amené à poser cette demande de directive de votre part ou de celui qui vous a précédé - maintenant, vous êtes revenu -c'est surtout le paragraphe 2, et je le lis: "Sur toute autre motion, la durée des discours prévue au paragraphe 1 est réduite de moitié." M. le Président, il s'agit bien, dans ce cas-ci, de la motion du député de Gatineau; il s'agit justement d'une motion qui fait que l'article 94.2 s'applique sur toute autre motion, c'est-à-dire comme celle de l'honorable député de Gatineau. La durée des discours prévue au paragraphe 1 est réduite de moitié. "Pour les fins du présent article, les motions de deuxième et troisième lectures sont assimilées à des motions de fond." M. le Président, tout en vous demandant cette directive, je tiens à vous rappeler les dispositions de l'article 94.2 qui doivent se rapporter à 94.1 et 94.1 parle du proposeur du projet de loi. Lorsque je parle du proposeur du projet de loi, je parle du ministre des Affaires municipales.

Est-ce qu'on peut conclure... Il me semble, à ce moment, M. le Président, que vous aurez une décision assez difficile à rendre parce que, dans le fond, le texte est assez clair et c'est difficile de faire le tour de ça en disant: On va extrapoler une interprétation. Je pense même que vous devriez prendre cela en délibéré, M. le Président...

Des voix: Ah! Ah!

M. Levesque (Bonaventure): ... parce que le texte de l'article 94 me paraît tellement impératif que c'est le proposeur lui-même qui a une heure et, à l'article 94.2, c'est le même proposeur qui a la moitié du temps, c'est-à-dire une demi-heure. Lorsque le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, le député de Saguenay dit qu'il veut parler au nom du gouvernement -je comprends que ce projet de loi, au fond, c'est lui qui l'a inspiré et que c'est lui qui parle au nom du gouvernement, on sait cela au point de vue de la procédure parlementaire, peut-on conclure que de par la volonté du député de Saguenay, ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, on devrait dire: C'est lui qui va parler au nom du gouvernement d'après notre règlement? Je pense, M. le Président, que cela demande une réflexion.

Le Président: Oui, M. le ministre des Affaires culturelles.

M. Richard: M. le Président, avec votre permission, je voudrais apporter ma modeste contribution à l'effort visant à éclairer la présidence en ce qui a trait à la directive qui lui a été demandée. Je pense qu'il y a moyen de dénouer l'impasse. Le leader parlementaire de l'Opposition officielle a manifestement soulevé là un problème de la plus grande importance, de la plus haute importance. Cela m'apparaissait - à vous aussi, sans doute, M. le Président - comme absolument insoluble. Surtout dans l'espace de temps qui était alloué au leader parlementaire de l'Opposition officielle, on ne voyait pas comment il pouvait arriver à vous proposer la bonne solution en quinze minutes. Je voudrais vous signaler d'une part, M. le Président, que le leader parlementaire de l'Opposition officielle vous a réclamé, finalement, une opinion professionnelle et il n'appartient pas à la présidence d'émettre des opinions juridiques... (22 heures)

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement, M. le Président.

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Étant donné l'heure et en vertu du règlement, je tiens pour acquis que la motion d'ajournement du débat a été demandée par le député de Saguenay et ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Lorsque le débat reprendra, une fois que cette motion sera adoptée... La présidence aurait été prête à rendre sa décision, mais compte tenu de l'heure, vous comprendrez qu'elle va remettre sa décision à plus tard. Je n'ai pas le choix. En vertu du règlement, je dois ajourner les travaux. Je dois demander si la motion d'ajournement du débat sera adoptée.

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Les travaux sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 01)

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