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(Quatorze heures dix-huit minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Un moment de recueillement, s'il vous plaît!.
Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes.
Déclarations ministérielles. M. le ministre des
Finances.
Arrangements fiscaux entre le gouvernement
fédéral et les provinces
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, vendredi dernier, le
ministre fédéral des Finances a déposé le projet de
loi qui définit les arrangements fiscaux entre le gouvernement
fédéral et les provinces pour les cinq prochaines années.
Ce projet de loi est l'aboutissement de discussions
fédérales-provinciales qui ont suivi le discours sur le budget du
12 novembre 1981 et qui n'ont pu en arriver à un accord. Ce discours sur
le budget comportait trois éléments principaux quant aux rapports
fiscaux et financiers entre les deux niveaux de gouvernement.
Premièrement, le gouvernement fédéral retirait le
transfert financier qui avait été accordé aux provinces
pour les compenser de la disparition du programme de garantie de recettes
fiscales. Ce transfert servait à financer une partie des programmes de
santé et d'enseignement post-secondaire. Le retrait du transfert
coûtera, pour la seule année 1982-1983, 937 000 000 $ pour
l'ensemble des provinces et 213 000 000 $ au Québec seulement.
Deuxièmement, une nouvelle formule de péréquation
basée sur la capacité fiscale de l'Ontario plutôt que sur
la capacité fiscale moyenne des dix provinces était
proposée. Cette formule était caractérisée par une
très grande instabilité, constituait un frein au
développement économique régional et, en outre,
produisait, à partir de 1982-1983, des revenus pour les provinces
bénéficiaires très inférieurs à ceux que
l'ancienne formule aurait procurés.
Troisièmement, grâce à ces deux premières
propositions, les dépenses prévues du gouvernement
fédéral en 1982-1983 au titre des transferts financiers aux
provinces étaient du même niveau en dollars que celles de
1981-1982. À toutes fins utiles, le montant de ces transferts
était gelé. Pour le Québec, les montants prévus
tombaient de 3%. Par rapport à ce que les arrangements qui se terminent
le 31 mars, c'est-à-dire dans quelques jours, auraient produit s'ils
avaient été maintenus en 1982-1983, le Québec, pour cette
seule année, perdait 675 000 000 $. Le gouvernement
fédéral chercha alors et cherche encore aujourd'hui à
masquer ce gel en incluant dans ce que les provinces reçoivent la valeur
des points d'impôt qui leur ont été
transférés il y a plusieurs années. Toutes les provinces
ont toujours rejeté cette argumentation pour une raison facile à
comprendre: ces points d'impôt ne sont plus inclus dans les revenus
fédéraux. Le fait que leur valeur en dollars augmente avec
l'inflation n'a aucune influence sur les recettes fédérales. De
même, ces points sont incorporés depuis des années à
l'impôt sur le revenu perçu par les provinces et sont donc devenus
des revenus autonomes. Ce ne sont plus d'aucune façon des transferts
fédéraux aux provinces. Les transferts fédéraux qui
apparaissent dans nos comptes publics sont des transferts financiers. Ils
représentent le quart des recettes de l'État
québécois et le fédéral les gèle en
1982-1983 pour réduire son déficit.
Après le dépôt du budget du 12 novembre, les
discussions s'engagèrent donc. Elles avaient à peine
débuté que les résultats préliminaires du
recensement de 1981 étaient rendus publics. Ces résultats
faisaient apparaître que la part relative des provinces maritimes dans la
population canadienne était plus faible que l'on croyait et que la part
relative du Québec était plus élevée que celle que
l'on avait jusqu'ici utilisée. Comme les parts relatives de population
ont une influence importante sur le calcul des transferts aux provinces, les
Maritimes devenaient encore plus écrasées par les propositions
fédérales, alors que le Québec l'était moins que
prévu.
Le gouvernement fédéral décida donc de changer sa
formule. Il proposa que la péréquation ne soit pas basée
sur l'Ontario, mais sur la moyenne de cinq provinces. En outre, le premier
ministre du Canada à la réunion des premiers ministres sur
l'économie s'engagea à ajouter 1 000 000 000 $ sur cinq ans aux
offres qui étaient sur la table. Ces nouveaux ajustements ont comme
résultat que, par rapport à la formule du 12 novembre, le
Québec perd encore 262 000 000 $ sur cinq ans, les autres provinces
bénéficiaires en retirent 339 000 000 $ et le gouvernement
fédéral ne débourse pas 1 000 000 000 $, mais 77 000 000
$. C'est-à-dire que menacé, si l'on peut dire, de voir le
Québec, à cause du phénomène de population,
échapper en partie aux pertes qu'il lui avait aménagées,
le gouvernement fédéral trouve le moyen d'ajouter une perte
supplémentaire.
Néanmoins, grâce aux corrections apportées à
la population, la perte totale du Québec qui était, pour
1982-1983, de 675 000 000 $ ne sera plus que de 606 000 000 $. Elle reste
cependant tellement forte que le Québec deviendra admissible pour un an
aux paiements transitoires inventés à l'origine pour
éviter une catastrophe au Manitoba et qui, pour cette seule année
1982-1983, réduiront notre perte à 521 000 000 $.
Dans ces conditions, nos droits pour des transferts financiers
fédéraux en 1982-1983 n'augmenteront que de moins de 3%. Ce n'est
pas le gel absolu, mais presque. Nous réussirons à disposer d'un
ajustement supplémentaire pour les corrections d'années
antérieures dû à la population mais ces corrections ne se
produiront qu'une seule fois.
Les provinces maritimes, qui sur la base de ces corrections, devraient
rendre de l'argent au gouvernement fédéral, voient leur dette
effacée dans le projet de loi déposé vendredi. Je rappelle
qu'à la suite du recensement de 1976, c'est le Québec qui
était pénalisé, et, malgré les démarches
successives du gouvernement du Québec, aucune correction n'a jamais
été apportée.
L'énorme perte du Québec, montée,
préparée et surveillée par le gouvernement
fédéral, s'inscrit dans la suite de l'offensive
constitutionnelle. C'est la seconde branche de la tenaille. Les
conséquences devront en être tirées dans le prochain
budget. La perte est trop importante pour être masquée. Merci, M.
le Président.
Je dépose un tableau, en deux copies, qui résume les
chiffres que j'ai eu l'occasion de signaler dans cette déclaration
ministérielle.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Claude Ryan
M. Ryan: Je remercie le ministre des Finances de nous avoir fait
tenir copie de sa déclaration il y a environ deux heures. Nous avons eu
le temps de l'examiner. Je voudrais formuler à ce sujet quelques
observations qui me paraissent pertinentes.
Je voudrais tout d'abord souligner que les programmes de transferts
fédéraux, que nous discutons aujourd'hui, embrassent, de fait, un
champ plus large que celui évoqué par le ministre et que celui
qui est couvert par les arrangements précis dont il vient de faire
mention. Les programmes que nous discutons aujourd'hui représentent,
pour la présente année, des paiements de transferts totaux
d'environ 3 600 000 000 $, tandis que l'ensemble des transferts
fédéraux au Québec s'établit pour l'année
1981-1982 à quelque 6 000 000 0000 $, suivant nos calculs. En tenant
compte du régime d'assistance publique, en tenant compte des subventions
qui viennent de l'ancien ministère de l'Expansion économique
régionale, en tenant compte des revenus qui découlent des points
d'impôt qui ont été transférés en vertu
d'ententes antérieures - je vois le ministre sourire, nous y reviendrons
tantôt, qu'il ne s'inquiète point - en vertu aussi du programme de
soutien au bilinguisme, on peut établir autour de 6 000 000 000 $ la
valeur totale des paiements de transferts directs ou indirects. Quand on sait
que les revenus du Québec pour le présent exercice
s'établissent à quelque 17 000 000 000 $, c'est un peu plus que
33%. Limitons-nous à la discussion des programmes visés par la
déclaration du ministre pour les fins de la présente
discussion.
Je voudrais tout d'abord discuter du programme de
péréquation, lequel demande à être examiné
séparément, me semble-t-il. Le programme de
péréquation reposait sur une formule qui tenait compte de la
moyenne canadienne. Cette formule était très erratique à
cause des variations énormes survenues ces dernières
années dans les revenus du gouvernement de l'Alberta. On cherchait un
ajustement, une formule qui aurait permis d'entrevoir un rendement plus stable
et peut-être moins saccadé a certaines années. Le
gouvernement fédéral avait d'abord proposé de prendre les
données qui émanent de la province de l'Ontario. Le ministre a
fait des critiques à ce sujet et d'autres provinces ont également
émis des critiques qui ont été écoutées.
Là, on trouve une formule qui embrasse, je pense, cinq provinces.
Il me semble que cette formule offre des garanties de stabilité
plus grande. Elle tient également compte d'un plus grand nombre de
sources de revenus. Il y a aussi des lacunes dans cette formule-ci, mais
comparée à ce que nous avons eu jusqu'à maintenant et si
nous pensons au bien de l'ensemble du pays et non seulement au rendement
immédiat pour une province en particulier, je pense que c'est une
formule qui mérite d'être accueillie avec sympathie.
Je souligne, au chapitre de la péréquation, que, pour les
cinq années que couvrira la loi déposée devant le
Parlement fédéral hier, dont j'ai eu la chance de me procurer un
exemplaire... J'étais de passage à Ottawa, hier, pour une toute
autre fin -qu'on ne s'inquiète pas de l'autre côté - pour
aller rencontrer les étudiants de l'Université d'Ottawa; la date
était fixée depuis longtemps. Pour le Québec, c'est une
augmentation de 10,7% par année, suivant nos calculs, pour les cinq
prochaines années, en paiements de péréquation, encore une
fois. Pour l'ensemble du Canada, c'est 11,2%; par conséquent, c'est un
peu plus. La différence va aux provinces atlantiques, qui
sont encore plus pauvres que le Québec. Je ne pense pas qu'il y
ait de grosses injustices en la demeure de ce côté-ci.
Je rappelle au ministre que la croissance des revenus autonomes du
Québec entre 1976 et 1981 a été d'à peu près
12%. Par conséquent, l'écart n'est pas énorme. On aurait
préféré que ce fût 12% au lieu de 10,7%, mais je
crois qu'on est dans un ordre de grandeur qui mérite tout de même
d'être accueilli avec autre chose que des accusations ou des sarcasmes.
Cela, c'est pour les paiements de péréquation. Je rappelle que
seulement pour l'exercice actuel, ces paiements vont rapporter au
Québec, sans aucune espèce de condition, au-delà de 2 000
000 000 $.
J'arrive aux programmes établis. La déclaration du
ministre et le projet de loi déposé au Parlement
fédéral hier embrassent trois programmes principaux: le programme
de l'assurance-hospitalisation, le programme de l'assurance-maladie et le
programme de l'aide financière à l'enseignement postsecondaire.
(14 h 30)
II y a évidemment une différence entre les chiffres du
gouvernement fédéral et ceux du ministre. Le gouvernement
fédéral dit qu'il va transférer au Québec, pour
l'exercice 1982-1983, 3 000 000 000 $ au titre des programmes établis,
tandis que M. le ministre des Finances parle de 1 100 062 000 $, si j'ai bien
lu son tableau. Ici, la différence vient de ce qu'Ottawa inclut les
revenus émanant des transferts de points d'impôt. Je voudrais dire
au ministre que je partage son opinion sur ce point précis. Je crois que
ces calculs ne devraient pas figurer dans les tables qui sont
présentées par le gouvernement fédéral, parce que
les points d'impôt ont été transférés il y a
déjà belle lurette. La dernière fois, on n'a pas
modifié la loi sur les accords fiscaux à ce chapitre-là.
Il n'est pas question de la modifier cette fois-ci non plus. Par
conséquent, je pense qu'on cherche un effet d'optique du
côté fédéral en faisant entrer ces chiffres en ligne
de compte. Il ne faudrait pas le faire. Sur ce point, nous sommes d'accord de
ce côté-ci sur la façon de voir du ministre des Finances.
Si nous voulons voir l'impact exact des changements qui sont proposés,
il faut s'en tenir aux données strictes qui couvrent les trois
programmes sans tenir compte des autres programmes qui émanent au titre
des points d'impôt qui ont été transférés.
Cela est le premier point; par conséquent, pas de discussions
là-dessus entre nous.
Deuxième point, le ministre déplore le retrait de la
garantie de recettes fiscales découlant des modifications qui avaient
été apportées en 1977. Je pense qu'il fallait s'attendre
tôt ou tard que cela disparaisse. Déjà, en 1972, le
gouvernement fédéral prévenait les provinces que cela ne
pourrait pas durer. En 1977, l'avertissement avait été
réitéré; il fallait tôt ou tard que nous en venions
à établir les calculs en fonction des données
d'aujourd'hui et non pas seulement de souvenirs historiques. Là-dessus,
ce que je déplore, c'est qu'en faisant tomber la garantie de recettes
fiscales, le gouvernement fédéral aurait dû ajuster au
moins partiellement les conditions qu'il attache au programme établi ou
encore à la péréquation. On perd du même coup 213
000 000 $. Je pense que cela est trop fort d'un seul coup. C'est une transition
beaucoup trop brusque et si on l'avait établie d'une manière plus
souple, peut-être à la moitié ou au tiers, ou si on l'avait
répartie sur trois ans, par exemple, il me semble que cela aurait
été beaucoup plus de nature à tenir compte des
difficultés propres aux provinces.
Ceci étant dit, je pense qu'en soustrayant ce montant des
chiffres qui sont dans le tableau du ministre, on arrive à
établir que malgré tout les paiements fédéraux au
titre des trois programmes établis de l'assurance-hospitalisation, de
l'assurance-maladie et de l'aide à l'enseignement postsecondaire
accuseront une légère augmentation d'environ 6% en 1982-1983. Si
nous nous trompons, le ministre pourra nous corriger; nous avons fait nos
calculs au meilleur de notre connaissance.
Ceci pour conclure, M. le Président, qu'en chiffres bruts, en
tenant compte de tout, le Québec touchera en 1982-1983 quelque 100 000
000 $ de plus qu'en 1981-1982, ce qui veut dire au moins - je pense que nous
nous entendons des deux côtés de la Chambre là-dessus -
qu'il n'y a pas de diminution brute dans les revenus. C'est une chose que j'ai
soutenue à maintes reprises au cours des dernières semaines. Il y
a une augmentation très insatisfaisante - je le dirai tantôt -
d'environ 100 000 000 $.
Une voix: ... de 6%.
M. Ryan: Pardon? Oui, nous convenons de cela, mais nous parlons
de chiffres bruts. Est-ce que nous avons le droit?
Une voix: Oui.
M. Lalonde: Parlez-nous de Luc Cyr.
M. Ryan: Deuxièmement, si nous tenons compte...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Ryan: ... uniquement des paiements de
péréquation...
Une voix: De la bonne collaboration.
M. Ryan: ... il y a augmentation de 10,7%, en 1982-1983, et cette
augmentation se maintiendra pendant toute la période qui sera couverte
par le projet de loi déposé à Ottawa.
Au sujet des programmes établis, l'augmentation est
évidemment insatisfaisante. Ce n'est pas acceptable que nous recevions
seulement 6% de plus au titre des programmes établis. Il aurait fallu
que ce soit au moins comparable à ce qui sera donné au titre des
programmes de péréquation, du programme de
péréquation, et voilà où est le problème que
je voulais cerner le plus exactement possible.
En ce qui concerne les paiements de péréquation et les
paiements de transferts en général, on ne pouvait pas s'attendre
que cela continue au rythme de 16%, 17% et 18% par année qui avait
été établi pendant quelques années. Cela ne peut
pas plus continuer dans ce domaine que cela peut continuer dans les conventions
collectives qu'a signées le gouvernement. Il fallait en revenir à
des normes beaucoup plus réalistes de ce côté-là.
C'est malheureux qu'en ce qui concerne les programmes établis on n'ait
pas trouvé un niveau d'ajustement qui aurait été plus
compatible avec les besoins véritables des provinces et, en particulier,
du Québec. Je veux dire au gouvernement que sur ce point précis
l'Opposition continuera de faire valoir, dans toutes les circonstances
possibles, les intérêts véritables du Québec qui ne
sont pas servis de manière satisfaisante par cette partie de la
décision qui est entrevue par Ottawa.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, je remercie le chef de
l'Opposition officielle des réactions qu'il vient d'avoir.
Indépendamment des discussions que l'on peut avoir sur tel ou tel
chiffre - nous aurons l'occasion, probablement en cette Chambre, d'avoir ce
genre de discussion.
Sur l'essentiel, nous devons constater, de part et d'autre, que le
gouvernement fédéral, qui a décidé de
réduire son déficit, en pratique, dans les transferts financiers
qu'il envoie aux provinces et au Québec en particulier, gèle - ou
pas loin - les montants d'une année à l'autre.
Je ne suis pas d'accord avec le pourcentage que donnait le chef de
l'Opposition, mais je suis d'accord avec le montant, c'est-à-dire 100
000 000 $ d'augmentation d'une année à l'autre, y compris cette
espèce de police catastrophe que représentent les paiements
transitoires, parce que les paiements transitoires dans les 100 000 000 $ de
plus représentent 85 000 000 $ et cela ne va être donné
qu'une seule fois. Cela veut dire, en pratique, une sorte de gel des montants
qui sont transférés au Québec.
Bien sûr, le chef de l'Opposition peut dire que c'est un peu plus
généreux sur le plan de la péréquation et c'est
nettement insuffisant sur le plan des programmes établis. Il faut
reconnaître que cela va dans la même caisse. Comme disent les
Anglais, il y a a un "bottom line" qu'il faut tracer à un moment
donné. Il faut savoir combien nous vient d'Ottawa. S'il nous donne un
peu plus sur quelque chose et beaucoup moins sur autre chose, au total, quand
on tire la ligne et qu'on établit l'addition, il faut constater qu'en
pratique, c'est un quasi-gel.
Il est évident, et cela a d'ailleurs été
dénoncé longuement par le Conseil économique du Canada,
que le gouvernement fédéral ne devrait pas procéder de
cette façon parce qu'il touche, en particulier pour ce qui a trait aux
programmes de santé et d'éducation, à des choses
essentielles dans notre société et place les provinces, sur le
plan financier, dans des conditions qui sont extrêmement dures.
Bien sûr, M. le Président, je pourrais réduire le
déficit du gouvernement du Québec de la même façon
en gelant les montants qu'on envoie aux municipalités, en gelant les
montants qu'on envoie aux commissions scolaires. Remarquez que, quand on parle
de compression, on parle de compression avec des montants qui, cependant, d'une
année à l'autre, augmentent, selon les cas, de 10%, de 12% ou de
14% et, pourtant, on parle de gel. Là, le gouvernement
fédéral va augmenter au mieux de moins de 3% les transferts qu'il
envoie au Québec. On pourrait, nous aussi, annoncer des
réductions de déficit en procédant exactement de la
même façon à l'égard de nos municipalités et
de nos commissions scolaires. On ne le fait pas, parce que ce serait illusoire.
On ne le fait pas, parce que ce serait de la poudre aux yeux. On ne le fait
pas, parce qu'on sait très bien qu'en procédant de cette
façon, le contribuable et l'usager seraient frappés de toute
façon. Il y a, dans l'attitude du gouvernement fédéral,
quelque chose, et je m'excuse d'utiliser une expression que je n'utilise pas
très souvent, qui semble éminemment hypocrite, qui consiste
essentiellement à dire: Nous savons que nous, comme gouvernement
fédéral, nous voulons réduire les services, mais c'est
quelqu'un d'autre qui en portera l'odieux.
Il est évident que ça va forcer le gouvernement du
Québec à un exercice budgétaire extrêmement
difficile, extrêmement dur. C'est parce que la loi fédérale
retardait, et évidemment elle a été retardée par
les cloches tant et plus, que nous avons décidé de reporter le
discours sur
le budget, comme j'ai eu l'occasion de le dire déjà, fin
d'avril, début de mai. (14 h 40)
Nous devons tirer des conclusions très sérieuses des
chiffres que je viens de présenter et de cette perte pour le
gouvernement du Québec, laquelle, même en tenant compte des
mouvements favorables de population, sera en 1982-1983 supérieure
à 500 000 000 $. Je tiens à souligner, cependant, dans l'attitude
du chef de l'Opposition aujourd'hui, l'amorce, je l'espère, d'une
réaction que nous allons devoir tenir à l'égard d'Ottawa
et dont peut-être ce qui lui a été dit cet
après-midi marque la première étape, dans une sorte
d'esprit de résistance qui m'apparaît éminemment
nécessaire dans l'état, non seulement des finances publiques au
Québec, mais des finances publiques au Canada et dans les perspectives
d'avenir que nous avons à tracer, en particulier quant à nos
services de santé et à nos services d'éducation. Merci, M.
le Président.
Le Président: Merci. Dépôt de documents.
Rapports financiers des partis politiques
Je voudrais déposer les rapports financiers des partis politiques
québécois pour la période du 1er janvier au 30 juin 1981
en deux exemplaires.
Dépôt de rapports... Excusez-moi, M. le
député de Sainte-Anne.
Pétition pour la délivrance d'un permis
à la garderie Pointe-Saint-Charles
M. Polak: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur, en vertu
de l'article 180, de déposer une pétition à
l'Assemblée selon le texte de l'article dans le but d'obtenir le
redressement d'un grief public. Selon la jurisprudence bien établie par
vos sages décisions, M. le Président, je voudrais lire rapidement
cette pétition.
Il s'agit d'une pétition de la part de la Garderie
Pointe-Saint-Charles, Point St. Charles Day Care, qui se lit comme suit: "Parce
que Pointe-Saint-Charles est une communauté à faibles revenus,
because Pointe-Saint-Charles is a low income area; parce que
Pointe-Saint-Charles a un niveau de familles monoparentales plus
élevé qu'ailleurs, because Pointe-Saint-Charles has a higher than
average percentage of single parent families; parce que la situation
économique des familles de Pointe-Saint-Charles exige un deuxième
revenu pour pouvoir survivre, because the economic situation of families in
Pointe-Saint-Charles makes it absolutely necessary to have two incomes to be
able to survive; parce que Pointe-Saint-Charles a seulement une garderie
servant 33 enfants, because Pointe-
Saint-Charles has only one day care serving 33 children; parce que les
excellentes facilités du YMCA rénovées aux fins de la
garderie sont présentement inutilisées comme telles à
cause des coupures budgétaires gouvernementales, gymnase, piscine,
cafétéria moderne, vastes pièces avec toilettes, because
the excellent facilities of the YMCA which have been adapted for day care are
presently not able to be used as such due to the Government's budget cutbacks,
gymnasium, pool, modern cafeteria, spacious rooms and washrooms; parce que,
selon l'Office de la garde à l'enfance, la garderie Pointe-Saint-Charles
est la première sur la liste de priorités pour recevoir un permis
de garderie; according to the Office de la garde à l'enfance, Pointe
Saint-Charles Day Care is first on the list of priorities for receiving a day
care permit."
Maintenant, la conclusion, M. le Président. "Nous, les
soussignés - il s'agit, M. le Président, de 882 personnes,
péquistes, libéraux, francophones, anglophones, tout le monde -
demandons que le gouvernement du Québec émette un permis de
garderie à la garderie Pointe-Saint-Charles qui sera située au
YMCA et lui alloue les fonds nécessaires à son ouverture d'ici le
printemps 1982. En anglais, et c'est fini: "We, the undersigned, demand that
the Government of Québec issue a day care permit to the
Pointe-Saint-Charles Day Care to be located in the YMCA and allow the funds
necessary to open it by spring 1982". Pas en 1985, en 1982. Merci, M. le
Président.
Le Président: Pétition déposée. M. le
député de Châteauguay.
Pétition demandant que le Parti libéral
remette 750 000 $ au trésor public
M. Dussault: M. le Président, je voudrais aussi me
prévaloir de l'article 180 de notre règlement afin de
déposer une pétition à l'Assemblée nationale pour
le redressement d'un grief public, signée par 330 personnes,
pétition qui a été entreprise par M. Albert Plamondon de
ma circonscription électorale. Je vous fais part du libellé de
cette pétition et je vous la remets comme l'ont souhaité les
pétitionnaires: "Attendu l'existence depuis 1977 de la Loi sur le
financement des partis politiques, la loi no 2; attendu que cette loi permet
maintenant que les dons aux partis politiques n'appellent plus de gestes de
reconnaissance envers les donateurs; attendu que la rapport Malouf
démontre explicitement que des contracteurs olympiques ont fait des dons
substantiels à la caisse électorale du Parti libéral du
Québec;
Des voix: Oh!
M. Dussault: attendu que ces dons étaient dans la caisse
électorale libérale au moment de l'adoption de la loi no 2;
attendu que ces dons peuvent un jour appeler une reconnaissance contraire aux
objectifs et à l'esprit de la loi no 2, nous, soussignés,
demandons que l'Assemblée nationale exige du Parti libéral du
Québec qu'il remette au trésor public les 750 000 $ de sa caisse
électorale provenant de contracteurs olympiques, de même que les
intérêts composés accumulés-Une voix: C'est
dépensé. Le Président: À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Dussault: ... qui s'élèvent maintenant à
au moins 1 500 000 $. Nous demandons aussi que la présente
pétition soit déposée à l'Assemblée
nationale le plus tôt possible." Ce qui est fait, M. le Président.
Merci.
Des voix: Bravo!
Le Président: Pétition déposée.
M. Bertrand: C'est pour payer la garderie!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Dépôt de rapports de commissions élues. Mme la
députée de Johnson.
Étude du projet de loi no 18
Mme Juneau: M. le Président, qu'il me soit permis,
conformément a notre règlement, de déposer le rapport de
la commission élue permanente de la justice qui a siégé
les 10, 11, 17 et 18 mars 1982 aux fins d'étudier article par article le
projet de loi no 18, Loi assurant l'application de la réforme du droit
de la famille et modifiant le Code de procédure civile. Le projet de loi
a été adopté tel qu'amendé.
Le Président: Rapport déposé.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Questions orales des députés. M. le député
de Mont-Royal.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS Demande
d'enquête publique sur la SHQ
M. Ciaccia: M. le Président, je voulais adresser ma
question au ministre de la Justice, mais, en son absence, je vais l'adresser au
premier ministre. On apprend que des accusations au criminel ont
été portées contre l'ami du premier ministre, M. Luc Cyr.
Je me demande si le premier ministre ne songe pas maintenant à diriger
son pôle de dix pieds vers M. Luc Cyr plutôt que vers M. Yvan
Latouche.
M. le Président, à plusieurs reprises, nous avons
exigé une enquête publique et le premier ministre a toujours
refusé sous prétexte qu'il fallait enquêter un peu plus.
Donc, on est en face d'une enquête par étapes; le gouvernement se
refuse toujours à franchir la dernière étape qui est celle
de l'enquête publique. On est donc rendu à l'étape de
l'enterrement par le gouvernement. Il y a eu un rapport du Vérificateur
général, une commission parlementaire, un deuxième rapport
du Vérificateur général, plus sévère et plus
détaillé, il y a eu une deuxième commission parlementaire
et il y a eu deux enquêtes policières. Le résultat, M. le
Président, c'est que dans le cas des pots-de-vin le ministre de la
Justice a dit qu'il n'avait pas assez de preuves pour entreprendre des
poursuites et dans le cas de Luc Cyr, des poursuites ont été
prises contre lui. Donc, ce ne sont pas des ragots que l'Opposition a
soulevés en cette Chambre.
Alors, voici ma question au premier ministre. Le premier ministre ne
croit-il pas qu'il est temps de décréter une enquête
publique qui permettrait d'aller chercher la preuve qui manque à son
gouvernement pour que justice soit faite dans tout le dossier, ce qui
permettrait également à la population de connaître la vraie
responsabilité du gouvernement dans ce dossier?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Le ministre de la Justice, qui a
été retenu à l'extérieur aujourd'hui, sera en
Chambre demain pour fournir toute information que son rôle de Procureur
général lui permet de donner dans les circonstances. Ce que je
peux dire dès maintenant, c'est que M. Cyr - soit dit en passant, je
vais traduire plutôt que de le donner en latin comme le ferait le
ministre de l'Éducation: On peut être l'ami de Platon, mais on
peut aussi être plus ami de la vérité, cela a
déjà été dit dans la sagesse des siècles - a
subi une enquête sur ses activités parmi les plus exhaustives;
elle a été menée sous ce gouvernement. Cette enquête
portait sur un ensemble de quelque 10 000 000 $ de travaux de
réparation, la réparation d'un scandale, scandale libéral,
de mauvaise construction tolérée par nos amis d'en face et dans
lequel, sans aucun doute, si on voulait gratter - peut-être qu'on finira
par en avoir l'occasion, si vous insistez tant que cela - il y a eu des
centaines de fois plus de coulage que ce dont M. Cyr peut être
accusé, soit 14 000 $ sous divers chefs
d'accusation dont plusieurs, d'ailleurs, répètent des
irrégularités qui avaient déjà été
invoquées. (14 h 50)
Pour ce qui est des ragots, évidemment, ils se sont
envolés. Il y a eu des ragots de la part du député de
Mont-Royal, en particulier sur des faux pots-de-vin qui se multipliaient
à vue d'oeil, c'est ce qu'on a appelé des ragots, et cela aussi a
été vidé, M. le Président.
Alors, jusqu'à nouvel ordre, l'affaire appartient aux tribunaux,
c'est à eux de se prononcer et, sauf erreur, jusqu'à preuve du
contraire en tout cas ou jusqu'à d'autres ragots sur lesquels il faudra
faire enquête, il n'y a plus rien à apprendre dans cette affaire
et surtout pas, à notre avis, jusqu'à preuve du contraire, la
dépense de temps et d'argent que représenterait un appareil
d'enquête additionnel.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Question additionnelle, M. le député de Mont-Royal.
Une voix: II est impitoyable!
M. Ciaccia: M. le Président, quand le premier ministre
nous accuse de soulever des ragots quant aux pots-de-vin, peut-être
pourrait-il nous expliquer les offres de 50 000 $ admises publiquement par son
ex-candidat dans le comté de Saint-Laurent. Le premier ministre a voulu
s'éloigner du sujet en disant: II ne sera plus le candidat du Parti
québécois. L'attitude du gouvernement fait qu'à l'heure
actuelle, c'est avec une chandelle qu'on essaie de faire la lumière dans
ce dossier, alors que tout gouvernement responsable et honnête se serait
empressé d'allumer les projecteurs sur ce dossier. Le premier ministre
ne se rend-il pas compte qu'un énorme nuage plane sur
l'intégrité de son gouvernement parce qu'une grande partie des
faits ont été confirmés? Est-ce que le premier ministre
préfère qu'on lui pose chaque jour des questions sur chaque
dossier qui demeure sans réponse? Est-ce que le premier ministre va se
retrancher derrière les tribunaux pour éloigner encore une fois
l'enquête publique et refuser de dire toute la vérité
à la population? Quelles sont les raisons pour lesquelles le premier
ministre refuse de décréter une enquête? Est-ce que c'est
parce qu'il ne veut pas que la population connaisse la responsabilité du
gouvernement et les vrais responsables au gouvernement, pourquoi et comment a
pu se produire cette situation intolérable à la
Société d'habitation du Québec?
Une voix: Très bien!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je rappelle à nouveau, pour
commencer, que si jamais il y a une enquête, c'est le scandale puant des
libéraux qui étaient au pouvoir à ce moment-là,
dont certains sont dans cette Chambre, et qui a impliqué des douzaines
et des douzaines de constructions sur lesquelles on a fermé les yeux
jusqu'en 1976...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): Je vois le député de
Jean-Talon, qui faisait partie de l'entourage du prince, à
l'époque.
M. Rivest: Question de privilège.
Le Président: Question de privilège, M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Je ne comprends pas le sens de la remarque du premier
ministre. Je n'ai personnellement rien eu à voir dans le dossier de la
Société d'habitation du Québec. Le premier ministre,
tantôt, parlait de "son ami". Qu'il parle de son ami Luc Cyr, c'est de
ça qu'il est question.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je veux dire que le
député de Jean-Talon faisait partie de l'entourage du prince
où passaient une partie des coulages qui entretenaient la caisse du
Parti libéral. Cela a été évoqué tout
à l'heure. Je dis également que, dans le cas de la SHQ, si on a
hérité, au printemps 1977, de douzaines de constructions de HLM
qui, déjà, demandaient des réparations supérieures,
dans certains cas, au prix que cela avait coûté. C'était le
scandale dont on a hérité. À partir de là, le
travail qui a été fait...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre! S'il vous plaît, à l'ordre; S'il vous
plaît!
M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): ... il a fallu réparer. Il y
a eu des irrégularités, on les déplore. C'est maintenant,
dans certains cas, devant les tribunaux et ce ne sont pas des chandelles qu'on
a employées, au contraire.
Le Président: À l'ordre:
M. Lévesque (Taillon): Quand je pense à la
tolérance, au coulage, aux accumulations de fonds publics
dilapidés dont certains traînent encore officiellement, sans
compter le reste, avec les intérêts, dans la caisse
libérale, quand je pense à cela, je me dis: Nous, pour quelque
chose...
Le Président: À l'ordre s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): ... qui était un contrat
donné à l'extérieur, non seulement le Vérificateur
général a fait son travail à deux reprises, mais on a fait
faire deux enquêtes du côté de la SHQ. On a fait faire
toutes les enquêtes policières possibles. Maintenant, les
résultats sont devant les tribunaux, les autres ragots se sont
"dessoufflés" et je voudrais bien voir un gouvernement qui en fait plus
pour protéger son intégrité!
Une voix: II est impitoyable.
M. Levesque (Bonaventure): Question principale, M. le
Président.
Le Président: Question principale, M. le leader de
l'Opposition.
Propos de M. Bernard Landry à Paris
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je remarque le
retour de l'honorable ministre d'État au Développement
économique.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je ne voudrais
pas que tout cela soit compté sur le temps que vous me donnez pour mon
préambule. Ceci étant dit, le ministre est allé à
Paris et le premier ministre nous a dit que c'était pour promouvoir les
intérêts économiques du Québec.
Or, dans sa livraison du 17 mars 1982, la Presse de Montréal,
sous la signature du journaliste Louis-Bernard Robitaille qui se trouvait sur
les lieux, nous rapporte, sous le titre "Landry pourfend à Paris les
"collaborateurs" d'Ottawa"...
Maintenant que le ministre des Affaires culturelles a fait entendre sa
réaction, on lit dans cet article: "Rarement à Paris des propos
aussi virulents avaient été tenus en public par un responsable
politique québécois."
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): II aurait, d'après l'article,
tout simplement traité les libéraux fédéraux du
Québec de "collaborateurs".
M. le Président, ceci est entre guillemets, alors le ministre
pourra dire s'il l'a dit ou pas. "Vous avez un nom pour désigner cette
poignée de gens qui, pendant la guerre, par exemple, coopéraient
avec l'occupant. Ce nom, je l'utilise au Québec pour qualifier les
Québécois qui ont fait et approuvé cette manoeuvre
à Ottawa. Disons que je ne l'utiliserai pas à l'étranger."
Là, le ministre continue avec un thème à la
souveraineté du Québec, etc. Ensuite, l'article se poursuit en
rappelant ou en évoquant non pas seulement des propos, mais des gestes
posés par le ministre en compagnie de l'ambassadeur du Canada, M.
Dupuis, qu'il aurait vertement semoncé alors que M. Dupuis aurait
écouté imperturbablement le discours du ministre. (15 heures)
Par la suite, évidemment, le ministre est au courant de la
réaction que nous avons eue ici au Québec. C'est clair que tous
les observateurs... Je pense, par exemple, à l'éditorialiste
Jean-Louis Roy, du Devoir, qui parle de la grossièreté du ton et
du vocabulaire, du simplisme d'une analyse des difficultés
économiques actuelles qui aurait fait plus pour discréditer le
Québec dans ces milieux qu'une offensive fédérale
d'envergure échelonnée sur plusieurs mois. Je ne veux pas
poursuivre ce préambule parce que le temps me manque, mais dans le
Soleil, c'était "La bourde de Bernard Landry à Paris", sous la
signature de Marcel Pépin...
Une voix: Bernard la gaffe.
M. Levesque (Bonaventure): ... sous la signature de Vincent
Prince, "L'impair diplomatique du ministre Landry à Paris", dans la
Gazette, "Let us stop the verbal violence..."
Des voix: Oh!
M. Levesque (Bonaventure): ... et dans la Presse de
Montréal du samedi 20 mars, on interprète la colère de
Landry comme une manifestation d'impuissance du gouvernement actuel, etc.
Finalement...
Le Président: La question, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): ... le ministre revient et, là,
nous voyons: "Landry dit ne rien regretter." Voilà. Alors, il rejoint le
premier ministre. Cela va très bien. Maintenant, est-ce qu'il peut nous
exposer comment il a vu les choses, lui, là-bas?
Des voix: Ah!
Le Président: M. le ministre d'État au
Développement économique.
M. Landry: Je veux d'abord, M. le Président, remercier le
député de Bonaventure pour un certain nombre de choses, non pas
de m'avoir donné un préavis de la question, mais, comme j'ai lu
le journal des Débats de la semaine dernière, c'est tout comme;
deuxièmement, d'avoir tenu, pendant mon absence, un "clipping" de presse
admirable de tout ce qui s'est dit au Québec...
Une voix: Tout le monde en parlait.
M. Landry: ... et, troisièmement, de me donner l'occasion
de faire un certain nombre de mises au point, de réitérer un
certain nombre de choses qui doivent être dites non seulement en cette
Assemblée, mais chez toutes les populations qui ont quelque respect de
la liberté des peuples et qui s'en préoccupent, comme c'est le
cas des habitants de la République française.
J'ai vu, dans certains écrits... Le député de
Bonaventure devrait d'ailleurs me remercier pour une autre chose.
Des voix: Ah!
M. Landry: J'ai bien expliqué...
Une voix: Le premier ministre...
M. Landry: ... à nos amis français...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Landry: ... que le Parti libéral du Québec avait
voté avec nous, moins neuf voix, pour empêcher que cette
Assemblée nationale ne perde des pouvoirs. Cet élan de courage
que vous aviez eu a été accueilli avec surprise à Paris,
mais avec une certaine satisfaction également.
Je pense que la qualité première d'un homme politique
québécois à l'étranger, dans ses
interventions...
Le Président: S'il vous plaît! M. le ministre.
M. Landry: La qualité première des interventions
d'un homme politique québécois à l'étranger, qu'il
soit du gouvernement ou de l'Opposition, c'est la véracité de ses
propos et sa sincérité. Tout membre de cette Assemblée,
comme je m'en suis senti le devoir, a le devoir impérieux de
défendre ses droits, au Québec comme à l'étranger.
Si j'ai pris cette liberté non pas d'employer, comme vous l'avez
souligné, le mot "incriminer" -que ceux à qui le chapeau fait et
qui se sont reconnus le mettent - c'est parce que le Québec et son
Assemblée traversent le moment le plus pénible de leur histoire,
et tous ceux qui ont été élus...
Des voix: Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Landry: Cela ne me surprend pas...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Landry: Cela ne me surprend pas, M. le Président, que
les libéraux interrompent ma réponse. Ils ont même
interrompu la question du leader de leur propre parti quand il l'a
posée, tellement ils sont excités dès qu'une question
québécoise sort un peu de nos frontières. Je
réitère qu'alors que notre Assemblée perd des pouvoirs
pour la première fois en un siècle, ces pouvoirs nous sont
arrachés par un Parlement étranger, que des députés
de Liverpool, de Birmingham, de Cardiff, ont voté, sans même avoir
jamais mis les pieds au Québec, une loi inique qui aura des
répercussions dans le comté de Bonaventure, comme dans ma
circonscription de Laval-des-Rapides, je pense que le monde entier doit le
savoir au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
J'aimerais, d'ailleurs, qu'un membre de l'Opposition aille
lui-même consolider ce que j'ai dit, non seulement en France, mais dans
d'autres pays...
Une voix: Avec Quebecair?
M. Landry: ... parce que ce que les fédéraux ont
fait à notre Assemblée nationale, est une chose qui doit
scandaliser tous ceux qui, dans le monde, aiment la démocratie. Lorsque
le premier ministre du Canada était allé essayer d'exciter le
Parlement le plus puissant de la terre, l'Assemblée des
représentants des Nations Unies, en disant que le projet gouvernemental
que nous avons de souveraineté du Québec était un crime
contre l'histoire de l'humanité et qu'il avait écrit dans un
texte "crime contre l'humanité", la réplique aurait dû lui
être donnée. Elle l'est maintenant et elle le sera à toutes
les fois qu'un membre du gouvernement aura l'occasion de parler au
Québec et en dehors du Québec.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Landry: Quant à cet incident mal rapporté...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Landry: ... avec l'ambassadeur du Canada...
Le Président: À l'ordre!
M. Landry: ... je pense, M. le Président, que vous serez
heureux d'en connaître le fin mot. Il est intéressant et il
intéressera aussi les gens de l'Opposition. Premièrement, ceux
qui ont qualifié cela d'incident diplomatique ont commis une erreur
technique grave, ils ont présumé de la souveraineté du
Québec. Comment un Québécois parlant à
l'ambassadeur du Canada pourrait-il créer un incident diplomatique dans
un cercle privé alors que le Québec
n'est pas souverain? Deuxièmement...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Landry: ... cette rencontre privée qui a eu lieu
à la suite d'un discours auquel avait assisté l'ambassadeur,
s'est passée exactement dans les termes suivants, non pas
délirants ni aussi froids qu'on l'a dit. Je n'avais jamais vu cet homme,
il est venu se présenter à moi très poliment après
le discours pour me dire...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Landry: Écoutez, c'est vrai que je ne l'ai pas
accueilli en disant: Viens dans mes bras, vieux frère.
Premièrement, je ne l'avais jamais vu et je ne ferai jamais ça
avec un ambassadeur du Canada non plus...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît! S'il vous plaît! En concluant, M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Landry: ... pour me dire - et c'est lui qui, à ma
grande surprise, a amorcé ce sujet - "M. le ministre, je vais descendre
dans l'arène politique." Je lui ai immédiatement offert ma
circonscription de Laval où nous aurions pu, dans un combat
démocratique, nous affronter convenablement.
Ma deuxième surprise a été la suivante - c'est
ça que je voudrais que les gens de l'Opposition écoutent avec
attention - car sa réponse a été: "M. le ministre, vous ne
savez pas de quel côté je me présenterais." Même
l'ambassadeur du Canada à Paris ne sait pas, s'il était dans une
élection ici, s'il serait rouge ou s'il serait avec nous autres.
Des voix: Encore! encore! encore!
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, il semblerait
que les derniers propos tenus par le ministre...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader de l'Opposition. (15 h 10)
M. Levesque (Bonaventure): Vous savez très bien, M. le
Président, quels sont les derniers propos tenus par le ministre, il y a
un instant, qui ont réellement impressionné la partie
ministérielle de cette Chambre. C'était bon, n'est-ce pas?
C'était drôle! M. le Président, la question que nous posons
au ministre, c'est pour lui demander ce qu'il a été faire
à Paris. Est-ce que c'est dans le sens des propos tenus par le vice
premier ministre, son collègue, qui parlait justement de rapprochement,
oui, de nouvelle atmosphère des relations fédérales-
provinciales, le vice-premier ministre qui disait qu'il fallait préparer
la venue du premier ministre français ici au Québec. Est-ce que
ces propos ont été tenus justement dans le contexte de
l'orientation qui avait été marquée par le vice-premier
ministre du Québec? Le ministre d'État au
Développement économique, avait une mission
foncièrement économique, si je me fie aux paroles du premier
ministre. Est-ce qu'il a aidé la cause économique du
Québec par les propos qu'il a tenus et par les gestes qu'il a
posés? Au lieu de faire des farces comme cela, qu'il représente
donc la population du Québec ici même et à
l'étranger!
Le Président: M. le ministre d'État au
Développement économique.
M. Landry: Je pense que le premier ministre a très bien
dit, la semaine dernière, quelle était la politique du
gouvernement en cette matière et je voudrais continuer cette
réponse en ajoutant que, depuis cinq ans, depuis que, sur la
scène mondiale, le Québec se tient debout, jamais il n'y a eu un
tel volume d'investissements français au Québec de toute
l'histoire dans les grandes, dans les petites et les moyennes entreprises. Il y
a des villes du Québec qui, au moment où on parle, ont la
moitié de leur parc industriel remplie par des PME françaises qui
font un travail admirable. J'en ai rencontré et j'en ai
rencontré.
Des voix: À quels endroits? Des voix:Val-d'Or.
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! M. le ministre.
M. Landry: J'en ai rencontré, M. le Président, des
centaines qui ont déjà des contacts établis ici, qui ont
des accords avec des PME québécoises...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Landry: Seulement au discours de la chambre de commerce, il y
en avait déjà probablement une centaine de rencontrées,
mais je suis allé aussi dans des villes comme Strasbourg. J'ai
rencontré, à Toulouse, l'Aérospatial, qui est une
très grande firme française avec ses sous-traitants. J'ai pu voir
le ministre français de l'Industrie, le ministre de la Technologie du
développement scientifique de même que le ministre du Plan, M.
Rocard. Nous avons eu des contacts avec la Régie Renault, avec Pechiney
Ugine Kuhlman, avec les grands groupes français de chimie. Nous avons
également rencontré l'Air liquide pour les projets
d'hydrogène liquide et
tout ça s'est poursuivi durant une journée et demie en
Allemagne où l'accueil a été aussi chaleureux, surtout
dans les techniques de pointe. Mais la dernière chose que je veux dire
là-dessus, M. le Président, savez-vous quelle question on m'a
posée le plus souvent - et ça ne s'applique pas uniquement
à la France, mais aussi aux États-Unis - savez-vous le
commentaire que j'ai reçu le plus souvent en France? C'est: Quand est-ce
que vous allez pouvoir nous débarrasser de l'agence de tamisage
fédérale des investissements étrangers qui nous fait
perdre de l'argent en frais d'avocat inutiles et qui nous empêche de
rentrer au Québec quand on veut y aller?
Le Président: M. le leader de l'Opposition, question
additionnelle.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je veux
simplement dire au ministre qu'il n'a rien inventé. Ses
prédécesseurs, et j'en étais, ont bien visité de
ces industries en France et en Allemagne. Ce n'est pas ça la question.
M. le Président, je demande en terminant au ministre s'il n'a pas
été impressionné, puisqu'il a mentionné M. Rocard,
par ce que M. Rocard a dit, lui, sur ces relations
franco-québécoises à la suite des propos tenus par le
ministre. Il doit se rappeler le discours de M. Rocard, lorsque ce dernier a
dit qu'on peut avoir son opinion personnelle, et pourtant on connaît les
sympathies que peut avoir M. Rocard. Il a pris la peine de dire qu'on peut
avoir son opinion personnelle, mais il a aussi invoqué les règles
internationales qui régissent les rapports entre les États.
M. Lalonde: Eux, ils ne connaissent pas cela.
M. Levesque (Bonaventure): II y a des liens historiques profonds
avec le Québec, a-t-il dit en substance, mais ce n'est pas à la
France de décider de l'avenir du Québec à sa place. Nous
avons déjà été une puissance coloniale. Nous ne le
sommes plus. Je ne crois pas que le Québec souhaite que nous le
redevenions en ce qui le concerne. Pourquoi le ministre n'a-t-il pas
été inspiré justement par cela, plutôt que d'aller
exporter en France les querelles constitutionnelles qui existent ici, mais qui
n'ont pas à faire dans une mission économique?
Le Président: M. le ministre.
M. Landry: M. le Président, précisément, mon
collègue français et ami, M. Rocard, dans les remerciements qu'il
m'adressait à l'issue de ce discours, reprenait mes propres paroles.
J'ai précisément demandé à nos amis - et ils sont
très nombreux en France - de nous soutenir moralement, de
coopérer avec nous économiquement et intellectuellement, dans les
règles les plus strictes de la diplomatie et du droit international. Ce
que les Québécois auront à décider quant à
leur avenir se décidera ici, mais, entre-temps et après encore,
les liens d'amitié particuliers que nous avons avec la France seront
sûrement de nature à aider à l'ouverture du Québec
au monde. La France ne doit d'ailleurs pas être le seul pays avec lequel
nous devons avoir, d'ores et déjà comme peuple distinct au
Canada, des relations.
Quant aux voyages nombreux qu'a faits le leader de l'Opposition à
titre de ministre des Affaires intergouvernementales et de ministre de
l'Industrie et du Commerce, ils ne doivent pas avoir laissé beaucoup de
traces, parce que personne ne m'a parlé de lui.
Le Président: Question principale, M. le
député de Marquette.
Fin des subventions à l'entreprise pour
l'embauche d'étudiants
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
à l'honorable premier ministre qui est devant moi. En date du 9
décembre 1981, je questionnais le premier ministre sur le fonctionnement
du placement étudiant au Québec et sur les différents
programmes. À l'époque - c'était en l'absence du ministre
du Travail pour des raisons de maladie - le premier ministre m'avait
répondu. Ma question portait plus spécialement sur le programme
d'incitation à l'entreprise privée, c'est-à-dire qu'on
octroyait des subventions, pour la valeur de quelques millions de dollars, aux
employeurs privés pour que ceux-ci engagent des étudiants au
courant de l'été. On apprend qu'une dizaine de milliers
d'étudiants l'an dernier, entre autres, ont pu se procurer un emploi
grâce à ce programme incitatif dans le secteur privé,
à ce programme de subventions. Le premier ministre me répondait
à ce moment-là - il pourra vérifier avec moi dans le
journal des Débats du 9 décembre 1981 - qu'il n'était pas
du tout question pour son gouvernement de s'embarquer dans des voies
négatives de ce genre. Pour bien nous situer, M. le Président,
à ce moment-là, il était question de rumeurs d'abolition
du programme incitatif d'emplois dans le secteur privé au niveau du
placement étudiant. Il nous avait répondu qu'il n'était
pas question de s'embarquer dans des voies négatives.
Il appert que, depuis environ trois semaines ou un mois, ledit programme
a été aboli. Étant donné que ce programme, comme je
le mentionnais, M. le Président, procurait une dizaine de milliers
d'emplois aux étudiants du Québec, ma question comporte trois
volets: Le premier ministre
est-il au courant ou pourrait-il infirmer que le programme de
subventions au secteur privé au niveau du placement étudiant a
été aboli il y a environ un mois ou un mois et demi? Si oui,
quelles en sont les raisons? Troisièmement, le gouvernement a-t-il
prévu une forme de remplacement pour ledit programme pour
l'été qui s'en vient? Comme vous le savez, cela approche à
grands pas. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, puisque le
ministre responsable de cet ensemble de programmes de création de
travail permanent ou saisonnier est ici en Chambre, c'est-à-dire le
ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu, je pense que le député aurait pu normalement - s'il le
permet, je vais le faire à sa place - adresser sa question au ministre
responsable de ce secteur.
Le Président: M. le ministre du Travail et de la
Main-d'Oeuvre.
M. Marois: M. le Président, à la première
partie de la question posée, la réponse est oui. Effectivement,
la partie subventionnée des programmes de placement étudiant a
été remplacée par d'autres volets. Je vais prendre avis
pour le reste pour pouvoir donner beaucoup plus de détails sur ce qui
est prévu et sur ce qui est en voie d'être mis en place partout au
Québec, de façon détaillée pour les membres de
cette Assemblée. Je voudrais dire que la raison première,
principale, c'est qu'après avoir fait le tour, contacté les
entreprises qui, effectivement, dans les cas où il y a eu des placements
étudiants subventionnés - je ne voudrais pas induire cette
Chambre en erreur, mais si ma mémoire est bonne, ce sont environ 7000 ou
8000 placements subventionnés - indépendamment de tous les autres
types de placements étudiants qui ont pu se faire dans les années
dernières dans divers autres types de programmes, les employeurs ayant
été contactés, on a constaté que dans environ 80%
des cas - je fournirai des chiffres plus précis - les employeurs
étaient d'accord pour engager les étudiants indépendamment
d'une subvention. D'ailleurs, on sait que le programme équivalent du
fédéral ne prévoit pas de subvention. (15 h 20)
Je préférerais, M. le Président, pour l'instant,
prendre avis pour le reste de la question. Les crédits doivent
être déposés incessamment. Je répondrai ensuite de
façon beaucoup plus détaillée et complète à
la question du député.
Le Président: Question supplémentaire. M. le
député de Verdun.
M. Dubois: M. le Président...
M. Caron: Est-ce que le ministre pourrait noter aussi, dans sa
réponse, combien de placements ont été
préparés jusqu'à aujourd'hui? Si vous ne l'avez pas
aujourd'hui, vous répondrez à mon collègue en disant
combien d'étudiants peuvent compter sur un placement?
M. Marois: II me semble que le député veut savoir
le nombre d'étudiants inscrits jusqu'à ce jour au service et qui
pourraient déjà être placés. Je fournirai les
chiffres dans les meilleurs délais.
Le Président: Question principale. M. le
député d'Abitibi-Est.
La Régie du logement
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Comme tous - ou
pratiquement - les membres de cette Assemblée, j'étais à
mon bureau de comté, hier, et j'ai reçu plusieurs commettants qui
s'inquiètent beaucoup du jugement récent de la Cour suprême
concernant la Régie du logement. Je voudrais donc poser une question
à deux volets au ministre de l'Habitation et de la Protection du
consommateur.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: C'est le jugement de la Cour supérieure.
M. Bordeleau: C'est le jugement de la Cour supérieure,
d'accord. Merci.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. M.
le député d'Abitibi-Est, vous avez la parole.
M. Bordeleau: Ma question est en deux volets, si je peux finir
par la poser. Depuis le jugement de la Cour supérieure, est-ce que le
ministre peut rassurer les gens du Québec, de mon comté et des
autres -j'imagine qu'il y en a qui s'inquiètent aussi dans les
comtés libéraux - à savoir si, actuellement, la loi 107 de
la Régie du logement est encore en vigueur et si nos citoyens peuvent
s'en prévaloir actuellement?
Le deuxième volet est: Si jamais la Cour d'appel -
éventuellement la Cour suprême du Canada - maintenait le jugement
rendu, quelles en seraient les conséquences en termes de coût, de
temps, de délai, pour les Québécois pour faire affaire
avec notre Régie du logement?
Le Président: M. le ministre de l'Habitation et de la
Protection du consommateur.
M. Tardif: M. le Président, au lieu d'entendre
l'Opposition s'esclaffer, je me serais attendu que cette question me vienne du
critique officiel de l'Opposition en matière d'habitation. En ne se
levant pas, ni mercredi passé, ni jeudi, ni aujourd'hui, j'en conclus
que, ou bien le député de Mont-Royal n'est plus le critique
officiel de l'Opposition en matière d'habitation ou bien il s'est
spécialisé dans les pseudo-scandales. Je remercie donc, le
député d'Abitibi-Est de sa question. Pour dire que...
Une voix: En tout cas, toi...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre s'il vous plaît! M. le ministre.
M. Tardif: La question du jugement de la loi 107 est un des vrais
problèmes. J'en ai eu dans mon comté, je constate que le
député d'Abiti-Est en a eu et d'autres, probablement, en ont eu.
Ce jugement de la Cour supérieure, il est important de le noter,
étant donné qu'il a été porté en appel par
le ministre de la Justice, fait que, présentement, les locataires et les
propriétaires restent intégralement soumis à la loi qui
s'applique exactement comme auparavant. C'est très important, en cette
période de renouvellement des baux, que les locataires ne signent pas
n'importe quel bail à n'importe quelle condition parce que, soi-disant,
on leur dirait que la loi ne s'applique plus. La loi est là, elle
s'applique, y compris à l'égard des articles qui seraient
soi-disant contentieux. Ce qui est mis en cause dans le jugement, ce n'est pas
la loi elle-même, c'est la compétence de la régie. En
d'autres termes, ce que le jugement nous dit - encore une fois, il est
suspendu, puisque la cause est en appel - c'est que cela ne devrait pas
être des régisseurs nommés par Québec qui entendent
ce genre de causes mais bien des juges fédéraux de la Cour
supérieure. Cela, c'est important.
Le deuxième élément de la question, c'est que si ce
jugement, qui, encore une fois, ne s'applique pas présentement - c'est
important en période de renouvellement des baux et j'aimerais que
l'Opposition en prenne bonne note - devait être maintenu en Cour d'appel
ou en Cour suprême, il aurait des conséquences
considérables puisque ça voudrait dire que les affaires qui
touchent 1 000 000 de locataires au Québec devraient dorénavant
être entendues devant la Cour supérieure. Quand j'entends les
propriétaires et certains locataires se plaindre des délais
présents à la régie, qui se mesurent en semaine ou en
mois, de six semaines à six mois, à neuf mois...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Tardif: ... je leur laisse le soin d'apprécier ce que seraient
ces délais en Cour supérieure et quelles seraient les
conséquences au point de vue des coûts quand on sait qu'il en
coûterait au minimum, pour une cause d'éviction ou de
résiliation de bail, entre 350 $ et 500 $ à un
propriétaire. Je pense qu'ils se sont rendu un très mauvais
service. Évidemment, ils ont exercé un droit. Dans le domaine de
la législation de la famille, le Québec avait déjà
souligné l'importance de revoir l'article 96 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique qui nous tient lieu de constitution.
C'est vrai dans le domaine de la législation du travail, c'est vrai dans
le domaine de la législation des professions et c'est vrai
également dans le domaine du logement. En 1867, il n'y avait pas 1 000
000 de locataires. Il faut que cette loi soit revue, à supposer que le
jugement soit maintenu. En attendant, la loi s'applique intégralement
et, de grâce, que les locataires ne signent pas n'importe quels baux
à n'importe quelles conditions.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai pas voulu soulever
une question de privilège sur les propos du ministre quant aux questions
que j'aurais pu poser, la semaine dernière, sur la Régie du
logement. Vous êtes témoin vous-même, M. le
Président, que j'ai essayé de me faire reconnaître pour
poser une question jeudi, mais, malheureusement, le temps était
écoulé et je n'ai pas pu la poser. Faire de la démagogie
ainsi, je pense que ça ne vous aide pas.
Est-ce que le ministre de l'Habitation pourrait dire à cette
Assemblée et à la population ce qui arrivera si la Cour d'appel
et la Cour suprême confirment le jugement? Est-ce que cela ne voudra pas
dire que toutes les décisions rendues maintenant par la régie
seront annulées? Cela veut dire que tous les conseils que vous venez de
donner aux locataires et aux propriétaires ne valent rien, parce que ce
n'est pas ce qui va arriver. Est-ce que je pourrais demander au ministre, au
lieu de faire de la démagogie sur le dos des locataires et des
propriétaires et sur le dos du fédéral dans ce dossier,
pourquoi il ne procède pas à une réforme de la loi sur la
Régie du logement, une réforme qui, même s'il n'y avait pas
eu de jugement de la Cour supérieure, s'imposait l'année
dernière, au mois de décembre dernier? À ce
moment-là, le ministre s'était engagé à
procéder à une réforme en profondeur ce printemps.
Il ne faudrait pas que le ministre induise cette Assemblée en
erreur, induise la population en erreur. Qu'il passe à l'action et qu'il
arrête de se cacher derrière la décision de la Cour
supérieure pour justifier son inaction et son irresponsabilité
dans ce
dossier.
Le Président: M. le ministre.
M. Garon: Parlez-nous des centres d'achats de
Sept-Îles.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Tardif: M. le Président, le député de
Mont-Royal, qui est avocat de profession, devrait savoir mieux que moi que la
décision de la Cour supérieure, le jugement qui est porté
en appel et qui, donc, ne s'applique pas, est inopérant
présentement au Québec, ne touche pas, d'une part, la fixation
des loyers; il ne touche que ce qu'on appelle des ordonnances pouvant
être émises par la régie qui sont assimilées,
à toutes fins utiles, à des injonctions en vertu de l'article 96
de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Ce n'est donc pas, pour ce
qui est du gros des matières traitées devant la régie,
quelque chose qui, de toute façon, serait infirmé par le maintien
du jugement en première instance. (15 h 30)
Une voix: Donc, ce n'est pas grave.
M. Tardif: Oui c'est grave parce que dans les matières de
démolition, dans les matières de transformation en
copropriété, des droits des Québécois peuvent
être affectés. Je m'explique mal les gorges chaudes que peuvent
faire et le député de Marguerite-Bourgeoys et celui de
Mont-Royal.
Deuxièmement, lorsqu'on parle de réforme, de revoir la loi
pour la bonifier, la corriger, l'améliorer, c'est vrai que je me suis
engagé à le faire, que nous l'avons d'ailleurs fait au cours de
la dernière session, et que nous allons continuer à le faire.
Mais certainement pas dans le sens que demande le député de
Mont-Royal. Je vois ici la Gazette qui le cite: "John Ciaccia, the Liberal
Housing critic - ils l'affirment encore, eux, en tout cas... - in the National
Assembly, said, in a telephone interview from Québec City, that there is
a simple solution to the impasse. - Écoutez bien la solution simpliste
du député - : The Government should limit the power of the rental
board to fixing rents, he said. All other problems between tenants and
landlords should be decided before the Court, as they were before bill
107."
M. le Président, c'est précisément lorsque le
député dit que la Régie du logement devrait se contenter
de déterminer le niveau de loyer et laisser tout le reste aux tribunaux
réguliers, que je dis que c'est de l'irresponsabilité, c'est de
l'inconscience puisque, encore une fois, il y a présentement à
peu près 60 000 causes par année qui touchent autre chose que de
la fixation des loyers. Remettre tout cela aux tribunaux réguliers
entraînerait des coûts considérables, entraînerait des
délais et des coûts non seulement à l'État mais
également aux individus. C'est de l'inconscience, c'est de
l'irresponsabilité. Et même du temps de son gouvernement, son
ex-collègue, l'ex-ministre de la Justice, M. Jérôme
Choquette, avait d'ailleurs déposé des projets de loi qui vont
dans le sens de la loi 107 et certainement pas dans le sens que prône
présentement le député de Mont-Royal qui est
complètement déconnecté de la réalité sur ce
plan.
M. Ciaccia: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: Fin de la période de questions.
Question de privilège, M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, le ministre induit cette
Chambre en erreur en laissant entendre que je suggérais que la seule
solution permanente pour refondre et réformer la loi 107 serait
simplement de remettre à la régie le droit de fixer les loyers et
de donner tout le reste aux tribunaux. M. le Président, ce ne sont pas
les propos que j'ai tenus. C'est une solution temporaire pour pallier l'effet
du jugement de la Cour supérieure. En plus, c'était la situation
qui existait avant 1967 où il n'y avait pas 55 000 cas en
arrérage devant la Régie du logement. C'est une solution
temporaire pour le moment, pour débloquer ces 55 000 cas devant la
Régie du logement.
Le Président: À l'ordre s'il vous plaît!
À l'ordre s'il vous plaît!
M. Tardif: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: Question de privilège, M. le
ministre.
M. Tardif: M. le Président, question de privilège
qui consiste à rétablir les faits. Si vous me le permettez, vous
avez accepté, de la part du député de Mont-Royal, une
question de privilège qui, finalement, n'en était pas une,
puisque je citais un journal à la lettre. Je vais d'ailleurs
déposer la Gazette...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader de l'Opposition, question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, on sait que le
député de Mont-Royal a soulevé une question de
privilège. Vous l'avez d'ailleurs reconnue comme telle, cette question,
puisqu'il avait été cité d'une façon qui demandait
que ce soit rétabli,
comme l'a fait d'ailleurs le député de Mont-Royal.
Notre règlement prévoit qu'une question de
privilège - elle était bien fondée - ne provoque pas de
débat. Ce que nous avons présentement, c'est le ministre de
l'Habitation qui veut rétablir certains faits. Je ne crois pas que ni
ses droits de député ni ses privilèges aient
été attaqués du fait que le député de
Mont-Royal ait simplement rappelé que, lorsqu'il avait prononcé
ces paroles, c'était simplement dans le contexte du jugement de la Cour
supérieure, et le député s'est assis. À ce
moment-là, M. le Président, je ne vois pas comment vous pouvez
accorder le droit de parole au ministre sur une question de
privilège.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, très
brièvement. Je pense qu'il y a une façon pour la
présidence de savoir s'il y a, oui ou non, question de privilège.
C'est d'entendre d'abord le ministre de l'Habitation dire en quoi il
soulève une question de privilège. Le leader de l'Opposition ne
lui a même pas laissé la possibilité de s'exprimer et vous
n'avez pas eu la possibilité de l'entendre, M. le Président.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bertrand: Si le député de Mont-Royal veut
convertir des questions de privilège en questions additionnelles, je
pense que c'est au moins le droit du ministre de l'Habitation de soulever une
question de privilège.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): On me permettra simplement de rappeler
que c'est le ministre lui-même qui vous a dit non pas que c'était
une question de privilège, mais que c'était pour rétablir
les faits. Or, à ce moment-là, cela veut dire, en termes
parlementaires, qu'il s'agit simplement pour le ministre de se donner un droit
de réplique additionnel ou d'avoir droit à une réponse
additionnelle. M. le Président, je soumets respectueusement que, si on
suivait les suggestions du leader parlementaire du gouvernement, vous n'auriez
jamais l'occasion de dire qu'il ne s'agit pas de question de privilège
tant et aussi longtemps que l'opinant ne se serait pas complètement
satisfait.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
D'abord, j'aimerais dire que je suis d'accord avec le leader du
gouvernement sur au moins un point. Il me faut au moins entendre quelques mots
du député pour juger s'il s'agit d'une question de
privilège ou non. Deuxièmement, M. le leader de l'Opposition, il
ne faut pas nécessairement déduire, parce que la
présidence a été silencieuse, que c'est une reconnaissance
qu'il s'agit bien d'une question de privilège. Parfois, c'est même
la coutume, la présidence ne dit mot et je ne voudrais pas que ce
silence soit interprété comme étant le fait qu'il s'agit
bel et bien d'une question de privilège. Dans le cas du
député de Mont-Royal, je l'ai effectivement entendu, mais je ne
pense pas de ce fait avoir nécessairement reconnu qu'il s'agissait d'une
question de privilège en vertu de notre règlement.
D'autre part, je ne pense pas non plus que, parce que le ministre a
employé les mots "rétablir les faits", il veuille se servir de
l'article 96. Le député de Mont-Royal n'a pas dit les mots
"rétablir les faits", mais il a, par contre, rétabli certains
faits.
Dans les circonstances, je donne la parole au ministre, très
brièvement, sur la question de privilège, qui ne doit pas
entraîner - je suis d'accord avec le leader de l'Opposition - un
débat. M. le ministre.
M. Tardif: M. le Président, sans susciter de débat,
ma question de privilège est fondée sur le fait que le
député de Mont-Royal dit que j'ai déformé sa
pensée. M. le Président, je ne veux donc pas être
accusé d'avoir déformé sa pensée. J'ai lu un
article de journal qui rapporte...
Des voix: ...
M. Tardif: M. le Président, est-ce que je peux
terminer?
Le Président: À l'ordre!
M. Tardif: M. le Président, j'ai lu un article de journal
qui le cite. Mais, néanmoins, je consens à mettre de
côté - si vous me le permettez un instant - cet article de journal
et poser la question suivante - d'abord, qu'il s'explique - au
député de Mont-Royal. Je crois comprendre qu'il...
Une voix: Un instant!
Une voix: Assoyez-vous!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: Vous voyez comme il sait qu'il enfreint le
règlement; il parle quand ce n'est pas le temps.
Une voix: Avis à la Chambre.
Une voix: Faut s'asseoir.
Le Président: II s'agit manifestement, entre le
député de Mont-Royal et le ministre, d'une divergence d'opinions,
d'une divergence d'interprétations.
Une voix: Faut s'asseoir Luc. Des voix: Ah!
Le Président: En conséquence, d'ailleurs, je dois
vous rappeler que l'article qui permet au député de
rétablir des faits à la suite d'une intervention en Chambre,
c'est l'article 96 et, à l'article 96, il ne s'agit pas d'une question
de privilège. Je le dis pour l'ensemble des députés de
cette Chambre, du côté gauche comme du côté
droit.
Motions non annoncées. M. le député de
Deux-Montagnes.
Félicitations à M. Alain Dubuc
M. de Bellefeuille: M. le Président, je désire
présenter une motion à cette Assemblée au sujet de M.
Alain Dubuc, de la Presse, qui vient de remporter un important prix de
journalisme. Est-ce que j'ai le consentement de la Chambre?
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement.
(15 h 40)
M. de Bellefeuille: M. le Président, nous avons appris
avec beaucoup de satisfaction qu'un excellent journaliste de la Presse, M.
Alain Dubuc, a remporté un prix qui a été fondé en
1973 par la Banque Royale et le Toronto Press Club. C'est un prix qui a
beaucoup de prestige. Il l'a remporté pour sa rubrique
régulière que, je crois, la plupart d'entre nous connaissons
bien, la rubrique économique de M. Alain Dubuc dans la Presse. Je fais
donc motion pour que cette Assemblée adresse ses félicitations
à M. Dubuc. Nous avons fait la même chose la semaine
dernière dans le cas de Mme Lysiane Gagnon, qui, elle aussi, a
remporté un prix du Toronto Press Club. Il est intéressant de
voir que les journalistes québécois et les journalistes
canadiens, dans leur vie professionnelle, pratiquent ce que certains
considéreraient comme du fédéralisme, mais que pour ma
part je préfère voir comme une forme d'association et que, dans
cette association, la partie québécoise se tire fort bien
d'affaire.
Le Président: M. le député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, il me fait plaisir de
m'associer à la motion du député de Deux-Montagnes pour
féliciter M. Alain Dubuc de ce prix de journalisme. Chacun d'entre nous
qui s'intéresse à l'économie lit chaque jour cette
rubrique. On s'aperçoit que très souvent il est critique du
gouvernement, pas toujours d'accord avec l'Opposition. Je crois qu'on doit lui
rendre cet hommage de formuler ses critiques et de faire ses analyses dans la
plus grande objectivité.
Il le fait avec une indépendance d'esprit qui est à la
hauteur de sa compétence et je crois que toute cette Chambre doit se
réjouir que de plus en plus de journalistes canadiens-français et
de plus en plus de journaux de langue française s'intéressent
à l'économie; en très grande partie quelquefois ces
remarques rejoignent le domaine énergétique qui est, comme vous
le savez, très important au Québec présentement.
C'est avec plaisir que je m'associe à la motion du
député de Deux-Montagnes pour féliciter M. Dubuc. Je vous
remercie.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Joliette.
Condoléances à M. Jérôme
Proulx
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais proposer que
cette Assemblée nationale offre ses plus sincères
condoléances à notre collègue de Saint-Jean, M.
Jérôme Proulx, ainsi qu'à toute la famille
éprouvée par le décès de M. Joseph-Armand Proulx,
père du député de Saint-Jean.
Le Président: Est-ce que cette motion sera
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Portneuf, sur la motion.
M. Pagé: Très brièvement, M. le
Président, je voudrais y associer la voix des députés
libéraux à l'Assemblée nationale du Québec pour
transmettre nos condoléances à la famille de M. Joseph-Armand
Proulx et nos pensées à notre collègue, M.
Jérôme Proulx.
Le Président: Est-ce que la motion sera
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Laprairie.
M. Saintonge: M. le Président, je solliciterais le
consentement de cette
Assemblée pour présenter une motion non annoncée
afin d'offrir nos sincères condoléances aux membres de sa famille
à l'occasion du décès du grand peintre
québécois, M. Albert Rousseau, et de rendre témoignage
à son oeuvre et ses réalisations. Est-ce que j'ai le consentement
de la Chambre?
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? M. le
député de Laprairie.
Condoléances aux familles de MM. Albert
Rousseau et Gilles Talbot
M. Saintonge: Merci, M. le Président. Jeudi dernier un des
grands peintres québécois, M. Albert Rousseau,
décédait à Saint-Étienne-de-Lauzon à
l'âge de 73 ans. Homme plein de vitalité et toujours très
actif, il s'apprêtait à aller peindre dans son atelier quand il
fut terrassé par une crise cardiaque. Je me dois de souligner la
renommée nationale et internationale enviable de M. Rousseau qui a
exposé dans plusieurs grandes villes, dont New York et Paris.
Nous savons tous que M. Rousseau était voué
entièrement à la peinture depuis 1965 et qu'il laisse un
héritage considérable d'aquarelles, de gravures et de tableaux
d'un style très personnel.
Une réalisation de M. Rousseau qui m'apparaît importante et
qui témoigne de son intérêt soutenu à son art est la
fondation, en 1970, du Moulin des Arts de Saint-Étienne, abritant des
ateliers et des aires d'exposition, assurant ainsi non seulement la diffusion
des oeuvres de nos artistes, mais surtout la formation d'une relève
valable. On mentionne d'ailleurs que M. Rousseau y donnait son dernier cours
mardi soir dernier. Son oeuvre peut servir de guide à nos peintres
québécois et stimuler leur dynamisme et leur esprit de
créativité.
Le décès de M. Rousseau est, certes, une perte immense
pour l'art québécois. Tout en rendant un hommage
mérité à ce dernier pour toute son oeuvre et sa
réalisation, nous adressons aux membres de sa famille nos plus
sincères condoléances.
Le Président: Merci. M. le ministre des Affaires
culturelles.
M. Richard: M. le Président, sans vous en tenir rigueur,
je vous signale qu'il y a une tradition en cette Chambre qui veut qu'au moment
des motions non annoncées, on reconnaisse d'abord les ministres qui se
lèvent. Sans doute, M. le Président, vous n'avez pas eu
l'occasion, mais j'aurais voulu signaler moi aussi le décès de ce
peintre fort bien connu dans la région de Québec et parler de sa
contribution extrêmement importante surtout comme fondateur du
Moulin des Arts. C'est comme fondateur du Moulin des Arts que ce peintre
sera particulièrement reconnu parce qu'il a apporté, en fondant
ce Moulin des Arts, une contribution extrêmement importante au
développement des arts plastiques dans tout le Québec et en
particulier, bien sûr, dans la région de Québec.
Maintenant, M. le Président, je sollicite votre consentement pour
présenter une autre motion non annoncée.
Le Président: Est-ce que la motion du député
de Laprairie sera adoptée? Adopté. M. le ministre des Affaires
culturelles.
M. Richard: Merci. M. le Président, hier, en
présence d'une très grande partie de la communauté
artistique de Montréal avait lieu le service funèbre de M. Gilles
Talbot. Je sollicite le consentement de l'Assemblée pour offrir à
la famille durement éprouvée de M. Gilles Talbot nos plus
sincères condoléances.
Le Président: Consentement.
M. Richard: M. le Président, tout le monde reconnaît
l'importance qu'a eue M. Gilles Talbot dans la diffusion des arts au
Québec, notamment, dans l'industrie du spectacle. Peu de
Québécois ont eu une telle importance, ont apporté une
telle contribution à la diffusion du spectacle québécois
non seulement au Québec, mais aussi à l'étranger, surtout
en assurant la présence du Québec dans l'industrie du disque. M.
Talbot est disparu de façon tragique. Je le connaissais personnellement.
J'avais eu l'occasion de m'en faire un ami et je voudrais, au nom de toute
l'Assemblée, M. le Président, offrir à sa famille mes plus
sincères condoléances.
Le Président: M. le député de Laprairie.
M. Saintonge: M. le Président, nous nous joignons au
ministre pour offrir nos voeux à la famille de M. Talbot qui
était, en fait, un homme très dynamique. Je pense qu'il
représentait grandement l'élan québécois dans le
domaine culturel.
Le Président: Est-ce que la motion du ministre des
Affaires culturelles sera adoptée?
Des voix: Adopté.
Que M. Victor Regalado puisse faire valoir une
défense pleine et entière
Le Président: Adopté. M. le député de
Laurier, sur une motion non annoncée.
M. Sirros: Oui. J'aimerais avoir le consentement de la Chambre,
M. le Président, pour présenter une motion concernant le cas de
M. Victor Regalado qui a récemment été
libéré à la suite d'une détention.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement.
M. le député de Laurier.
M. Sirros: M. le Président, vous vous rappelez que M.
Regalado est entré au Canada le 7 janvier, des États-Unis, et son
accueil ici, dans ce pays, a été de connaître la prison de
Parthenais durant un grand bout de temps et, plus tard, un hôtel à
la suite de pressions des citoyens.
Le cas de M. Regalado soulève plusieurs questions sur le respect
des droits de l'individu. M. Regalado a été la victime de
certaines dispositions douteuses sur le plan des droits de la personne et des
droits de l'homme de la loi sur l'immigration fédérale. En fait,
M. Regalado a pu être emprisonné au Canada sans jamais
connaître les accusations portées contre lui. S'il y a un principe
de base de la démocratie et du respect des libertés
individuelles, M. le Président, c'est indéniablement que
l'accusé puisse connaître les accusations portées contre
lui.
Notre système de justice a quand même pu fonctionner pour
permettre la libération de M. Regalado, M. le Président, mais il
n'y a pas grand-chose dont nous pouvons être fiers étant
donné que cela a été fait seulement à la suite de
nombreuses pressions et après une incarcération
injustifiée de neuf semaines.
M. le Président, même si le Canada a accordé le
statut de réfugié à M. Regalado, il reste que ce dernier
est toujours menacé d'expulsion. En effet, le certificat de
sécurité qui a été émis contre le
journaliste salvadorien est encore en vigueur. De plus, la décision
rendue le 13 mars dernier par l'arbitre nommé par le ministère
fédéral de l'Immigration énonce très clairement que
Victor Regalado n'est pas un danger pour le public et le Solliciteur
général du Canada lui-même en reconnaît autant.
Pour ce motif, M. le Président, j'aimerais présenter la
motion suivante: "Que cette Assemblée exprime le voeu qu'à la
suite de la libération de M. Victor Regalado par l'arbitre de
l'Immigration fédérale, le ministre fédéral de
l'Immigration suspende les mesures d'expulsion afin de permettre à M.
Regalado de faire valoir une défense pleine et entière a
l'encontre des accusations portées contre lui." (15 h 50)
Le Président: Merci. M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin: M. le Président, comment ne pas être
d'accord avec cette motion puisqu'elle ne fait qu'appuyer une cause qui nous
paraît éminemment juste? Ce qui nous a frappés de ce
côté-ci de la Chambre, à l'occasion de l'affaire Regalado
comme à l'occasion également des propos du premier ministre au
sujet des événements de Pologne - l'appui tacite aux actions du
général Jaruzelski - ce qui nous a frappés, c'est la
conception autoritaire que cela trahissait quant à ce que doit
être l'action d'un gouvernement.
M. le Président, je suis heureux qu'on le reconnaisse des deux
côtés de la Chambre: Le traitement qui a été
infligé à M. Regalado, les propos qui ont été tenus
sur les Polonais et bien d'autres événements que nous pourrions
mentionner, trahissent de la part du gouvernement fédéral une
conception autoritaire de l'action du gouvernement. Je suis heureux qu'enfin on
souligne le caractère tout à fait relatif de la soi-disant charte
des droits qu'on veut nous octroyer et qui, semble-t-il, pourrait nous venir
non pas de l'accord de tous les Canadiens, mais du Parlement britannique. On
est allé chercher à Londres une charte des droits qui,
malheureusement, n'a pas empêché des faits comme ceux-là de
se produire. Aussi nous rallions-nous à la motion de l'Opposition, M. le
Président.
M. Rivest: M. le Président.
Le Président: Sur la même motion?
M. Rivest: Sur la même motion.
Le Président: Sur la même motion, M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Je voudrais simplement, bien sûr, appuyer la
motion de mon collègue et appuyer même la substance des propos du
ministre des Affaires intergouvernementales, mais il me semble que, dans ce
genre de cause, le ministre des Affaires intergouvernementales devrait
s'intéresser au mérite et aux droits de l'individu en question
sans essayer par ses propos de dégager une dimension politique que ce
dossier n'a absolument pas, car, M. le Président, des accrocs aux droits
de la personne, il en existe également au Québec. Il y a une
commission, il y a des cas et on pourrait vous retourner très facilement
le plat. Intéressez-vous donc au mérite des questions au lieu de
toujours politiser les problèmes.
M. Morin: M. le Président... M. Marx: M. le
Président...
Le Président: Sur une question de...?
M. Morin: Je me lève sur une question de
privilège.
Le Président: M. le ministre, sur une question de
privilège.
M. Morin: Loin de moi l'idée de lancer un débat,
comme vient de le faire le député de Jean-Talon. Il reste tout de
même que j'avais le droit d'exprimer une opinion sur la motion de
l'Opposition et que j'avais le droit également de faire ressortir
d'autres éléments du débat où les droits de l'homme
sont en cause.
Le Président: M. le député de D'Arcy McGee
sur la même motion?
M. Marx: Oui, sur la même motion, M. le
Président.
Le Président: M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Marx: Je ne pense pas que ce soit le moment de faire une
plaidoirie partisane. Je pense que c'est le moment de faire une plaidoirie pour
la justice et le ministre des Affaires intergouvernementales doit être au
courant que les requêtes pour demander que M. Victor Regalado reste au
Canada étaient signées par des libéraux, des
péquistes, des créditistes, par tout le monde. Il s'agit ici de
faire une plaidoirie pour la justice, c'est-à-dire pour que tout
gouvernement respecte le principe de légalité, "the rule of law",
qui est le fondement de notre système juridique. Il s'agit de
règles implicites qui, souvent, ne sont pas écrites, mais de
règles qu'il faut respecter pour se respecter soi-même comme
citoyens canadiens. Par exemple, on sait que le principe de
légalité veut que tout le monde soit égal devant la loi.
Même le premier ministre n'a pas plus de droits qu'un simple citoyen et
on a déjà vu cela avec d'autres premiers ministres au Canada et
ailleurs, qui étaient assujettis aux mêmes lois qu'un simple
citoyen. Il y a aussi un autre principe fondamental qui veut que chaque
procès, pour tout individu, soit tenu devant un tribunal impartial. De
plus, toute personne accusée d'un crime doit connaître les
accusations et doit avoir le droit de se défendre, d'avoir une
défense pleine et entière. M. le Président, j'insiste sur
le fait qu'il faut avoir un seul système de justice. On ne peut pas
avoir deux systèmes de justice; c'est très dangereux d'avoir deux
systèmes de justice, l'un pour M. Regalado Brito, l'autre pour nous; un
pour les autres, un pour nous autres. On ne sait jamais quand l'autre
système de justice va nous frapper. J'appuie la motion pour demander au
gouvernement concerné de prendre toutes les mesures nécessaires
pour que le principe de légalité soit respecté
intégralement. Merci.
Le Président: M. le ministre de l'Immigration.
M. Godin: En temps que ministre de l'Immigration, je suis
intervenu personnellement à trois reprises pour que M. Regalado puisse
bénéficier d'une défense pleine et entière au
Canada et au Québec. J'ai souhaité, comme mon collègue, le
député de D'Arcy McGee, que les candidats à l'immigration
au Canada bénéficient des mêmes droits que les Canadiens
pour découvrir, à ma grande surprise, que les Canadiens n'ont pas
plus de droits que M. Regalado. En effet, en tout temps, ils peuvent se voir
refuser l'accès à des renseignements qui les concernent en vertu
de la sécurité de l'État. Je pense qu'il faudrait
souhaiter que le Canada modifie sa charte des droits de manière qu'un
citoyen puisse en tout temps être informé des raisons pour
lesquelles il est détenu, qu'il soit candidat à l'immigration ou
qu'il soit citoyen canadien d'ici. Merci beaucoup.
Le Président: Est-ce que la motion sera adoptée?
Adopté.
M. le chef de l'Opposition.
Condoléances à la famille de M.
Émile Girardin
M. Ryan: Je voudrais proposer que cette Chambre adresse des
condoléances et des remerciements du peuple québécois
à la famille de M. Émile Girardin, ancien président du
Mouvement Desjardins, qui est mort en fin de semaine.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Consentement.
M. le leader de l'Opposition.
M. Ryan: M. Girardin avait remplacé le sénateur
Vaillancourt - comme tout le monde s'en souvient - à la tête du
Mouvement Desjardins. Il a dirigé le mouvement pendant de nombreuses
années. Je pense que la période où il a
présidé aux destinées du Mouvement Desjardins a
été celle où le mouvement est vraiment entré dans
l'époque moderne. Cela a été l'époque de la
création d'un grand nombre d'institutions financières, de l'essor
du mouvement qui en a fait la plus puissante institution financière
possédée par les Québécois eux-mêmes. M.
Girardin avait cette caractéristique que je voudrais signaler d'avoir
été d'abord un éducateur. Il a commencé à
s'occuper des caisses populaires alors qu'il était principal
d'école. Je me souviens très bien d'avoir connu son travail dans
le temps, il avait été le père des caisses scolaires,
comme on les appelait dans le temps. Je pense qu'il a contribué plus que
tout autre à cette formation de l'opinion publique, à la
préparation des
esprits qui a permis au Mouvement Desjardins de recruter aujourd'hui des
membres et des appuis chez peut-être la moitié de nos citoyens du
Québec. Je pense qu'il a été un grand
Québécois, un grand constructeur, qui a eu le grand mérite
aussi de se retirer au moment opportun et qui laisse un souvenir
impérissable d'action constructive et créatrice et surtout
durable.
Le Président: M. le ministre des Institutions
financières et Coopératives.
M. Parizeau: Je tiens à m'associer à la proposition
présentée par le chef de l'Opposition. J'ai connu M. Girardin
pendant plusieurs années. J'étais en mesure de voir de
très près à quel point il a présidé à
ce qui est peut-être le virage le plus important dans le Mouvement
Desjardins et, d'une façon générale, dans les
coopératives d'épargne et de crédit au Québec,
c'est-à-dire, tout à fait dans le sens de ce que disait le chef
de l'Opposition tout à l'heure, de prendre un mouvement qui était
déjà très fort, très puissant, mais très
orienté ou presque exclusivement orienté en fonction des besoins
de ses membres au niveau du crédit personnel ou du crédit
hypothécaire, de prendre le virage dans le sens d'un
élargissement graduel, petit à petit d'ailleurs, des
coopératives d'épargne et de crédit et en particulier des
caisses populaires, vers l'implantation de nouvelles initiatives, sur le plan
économique, de participations graduellement plus importantes au
développement du Québec. Il y a des hommes qui, par quelques
gestes spectaculaires, se font connaître. M. Girardin s'est d'abord et
avant tout fait connaître par la recherche d'un consensus vers des
changements graduels mais importants dans notre société. Dans ce
sens, même si on a peut-être parlé moins de lui que d'autres
dans le même mouvement, il aura eu une action extraordinairement profonde
sur toute l'orientation du Mouvement Desjardins. Encore aujourd'hui, on se rend
compte que l'infléchissement, la réorientation qui a
été prise à ce moment continue de fructifier. J'offre donc
mes sympathies à la famille de M. Girardin et je tiens à
souligner à quel point disparaît là l'une des figures
marquantes du mouvement coopératif au Québec. (16 heures)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Enregistrement des noms sur les votes en suspens.
Avis à la Chambre.
M. Lalonde: En vertu de l'article 34,
M. le Président.
Recours à l'article 34
Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 34,
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, ma question aura un
écho un peu spécial après le plaidoyer du ministre de
l'Immigration sur les droits individuels. Le projet de loi no 188, qui
prévoit l'expropriation sans compensation des droits d'une simple
citoyenne, a trouvé son chemin jusqu'en commission parlementaire
grâce à l'accord du leader du gouvernement avec la
complicité du ministre des Affaires sociales. Devant le plaidoyer
minable du parrain, le député de Vachon et devant
l'énormité de la bourde qu'on est en train de faire, il y a eu
une motion d'ajournement sine die de cette commission parlementaire.
Je demande au leader du gouvernement s'il n'accepte pas de
réviser son tir, de lire le projet de loi, de lire la transcription des
débats et de retirer simplement ce projet de loi qui est une honte dans
une démocratie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: M. le Président, la commission parlementaire
a ajourné ses travaux sine die et, au moment où on se parle, les
parties seraient en train de négocier. Quand on aura d'autres
renseignements à livrer aux membres de l'Assemblée nationale, on
le fera.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: C'est important que le ministre saisisse le sens de
ma question. C'est un projet de loi qui menace d'enlever les droits d'une
simple citoyenne, des droits parfaitement légaux. La suspension des
travaux de la commission...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys, je n'ai pas besoin de vous lire l'article 34, je suis
assuré que vous le connaissez autant que plusieurs parmi nous. S'il vous
plaît, en vertu de l'article 34.
M. Lalonde: M. le Président, ma question est posée
en vertu de l'article 34 et concerne les travaux de la Chambre. Les travaux de
la Chambre concernent aussi ce que le leader du gouvernement a l'intention de
faire en vertu d'un projet de loi dont on est saisi. Je demande au leader de
bien
prendre conscience que l'existence de ce projet de loi, la suspension de
ce projet de loi au dessus de la tête d'une citoyenne est une menace
inacceptable pendant qu'elle négocie. Est-ce qu'il ne devrait pas
simplement retirer le projet de loi?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: M. le Président, je réitère ma
réponse. La commission parlementaire a ajourné ses travaux et le
ministre des Affaires sociales m'indique que les parties sont retournées
négocier de bonne foi. Quand nous aurons des renseignements additionnels
relatifs à ce projet de loi à fournir au député de
Marguerite-Bourgeoys, il nous fera grand plaisir de le faire. Pour l'instant,
il n'est pas question, dans un avenir prévisible, de ramener ce projet
de loi.
M. Lalonde: M. le Président, toujours en vertu de
l'article 34, est-ce qu'il est de l'intention du leader de reconvoquer cette
commission parlementaire pour étudier le projet de loi no 188 dans
l'hypothèse où les négociations ne permettent aucune
entente?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: M. le Président, je remercie le
député de Marguerite-Bourgeoys d'avoir fait mention du mot
"hypothèse" dans sa question. Comme il y a une hypothèse dans sa
question, ma réponse ne pourrait être qu'hypothétique et,
dans les circonstances, je n'y répondrai pas.
Avis à la Chambre
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader, sur les avis
à la Chambre. Un instant, M. le leader. M. le député de
Châteauguay, en vertu de l'article 34.
M. Dussault: En vertu de l'article 34, M. le Président,
c'est une question qui s'adresse à vous. Jeudi soir dernier, à la
suite d'un débat sur un projet de loi dont M. le député de
Lévis et ministre de l'Agriculture est parrain, j'ai posé une
question de directive à la présidence concernant le droit de
réplique. Je voudrais savoir quand il nous sera possible d'avoir cette
réponse de la présidence.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, nous sommes à analyser cette question et, dans les
plus brefs délais, vous aurez une réponse. M. le leader.
M. Bertrand: Très bien, M. le Président. Il n'y a
pas d'avis, mais des motions. Cet après-midi, à compter de 16
heures, la commission parlementaire permanente de l'agriculture se
réunira à la salle 81-A pour étudier article par article
le projet de loi no 49 - le ministre de l'Agriculture semble heureux, je tiens
à le souligner - et, si nécessaire, ce soir, de 20 heures
à 22 heures. Demain matin, cette commission parlementaire poursuivra ses
travaux, si nécessaire, toujours sur le projet de loi no 49, de 10
heures à 13 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que ces deux
motions sont adoptées?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Aux
affaires du jour, M. le leader.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais,
à ce moment-ci, de reconnaître le ministre des Finances.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: M. le Président, un message de l'honorable
lieutenant-gouverneur, signé de sa main.
Crédits pour l'année financière
se terminant le 31 mars 1983
Le Vice-Président (M. Rancourt): L'honorable
lieutenant-gouverneur de la province de Québec transmet à
l'Assemblée nationale les crédits pour l'année
financière se terminant le 31 mars 1983 conformément aux
dispositions de l'article 54 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
1867 et recommande ces crédits à la considération de la
Chambre.
Vous pouvez vous asseoir.
M. le leader.
Renvoi aux commissions appropriées
M. Bertrand: M. le Président, conformément à
l'article 128, paragraphe 1, de notre règlement, je propose que
l'étude des crédits de chacun des ministères soit
confiée aux commissions élues appropriées, sauf celle des
crédits de l'Assemblée nationale et toute autre que
l'Assemblée jugera opportun de confier à la commission
plénière de l'Assemblée.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
ministre des Finances.
Avis de motion pour l'approbation d'un quart du budget
des dépenses
M. Parizeau: M. le Président, conformément à
l'article 132, paragraphe 1, de notre règlement, je donne avis à
cette Chambre qu'à notre séance de demain, dès l'appel des
affaires du jour, je ferai motion pour que cette Assemblée se transforme
en commission plénière pour voter en bloc un quart des
différents articles du budget des dépenses pour l'exercice
financier 1982-1983.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: M. le Président, maintenant que le ministre
des Finances a donné avis que nous procéderons à
l'étude des crédits provisoires, je voudrais indiquer que cela
sera fait à compter de demain matin, 10 heures, ici, à
l'Assemblée nationale, bien sûr en commission
plénière. Je voudrais indiquer aussi à nos
collègues de l'Assemblée nationale - j'en ai remis une copie au
leader de l'Opposition - que nous entreprendrions l'étude des
crédits de chacun des ministères à compter du mardi 6
avril et que, si l'entente est toujours maintenue, durant la période de
Pâques, soit du 8 au 27 avril, il n'y aurait pas de commissions
parlementaires qui siégeraient pour l'étude des crédits et
que nous les reprendrions lors de la reprise des travaux.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, quant à
l'étude des crédits provisoires et aux cinq heures qui y sont
consacrées, je voudrais savoir du leader du gouvernement s'il est
d'accord pour que nous puissions - non pas d'une façon absolue, mais
relative - préparer un peu ces cinq heures, de sorte que lui-même
serait au courant des collègues qui pourraient être
convoqués. Pour le reste, nous devrons attendre l'étude des
crédits dans leur ensemble, ce qui se fera, d'abord, à la fin de
mars et, ensuite, à la fin d'avril, tout le mois de mai et au
début de juin.
Pour les crédits provisoires, vu que l'étude, au lieu de
durer 200 heures ou je ne sais combien, ne dure que cinq heures, il va falloir
privilégier certains de vos collègues, parce que nous n'aurons
pas l'occasion de pouvoir les interroger, 25 ou 26 d'entre eux dans les cinq
heures dont nous pouvons disposer, c'est-à-dire mercredi matin et
peut-être jeudi après-midi.
Dans les circonstances, je pense qu'il y aurait lieu que le leader
parlementaire du gouvernement et moi puissions nous rencontrer dans les minutes
qui suivent ou dans une heure ou deux afin que nous puissions nous informer
mutuellement de la façon dont ce débat pourra être
envisagé.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, j'acquiesce à la
demande qui m'est formulée par le leader de l'Opposition. Effectivement,
nous consacrerons à ces crédits provisoires trois des cinq heures
demain matin. Nous pousuivrons jeudi, après les affaires courantes, pour
les deux heures restantes. Dans la mesure où le leader de l'Opposition
aurait l'amabilité de me soumettre, d'ici à peu près une
heure, la liste des ministres qu'il aimerait voir participer à cette
étude des crédits provisoires, il me fera grand plaisir d'aviser
ces collègues qu'ils seront honorés des questions de
l'Opposition. Ils pourront préparer leur agenda en conséquence.
Je suis tout à fait disposé, M. le Président, à
rencontrer le leader de l'Opposition derrière le trône, dans les
minutes qui vont suivre ou d'ici environ une heure.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, là-dessus, je
voudrais que nous prenions en considération le rapport de deux projets
de loi qui sont inscrits au nom du ministre des Affaires culturelles. C'est
l'article 15 du feuilleton d'aujourd'hui.
Prise en considération du rapport de la
commission qui a étudié les projets de loi nos 51 et 52
Le Vice-Président (M. Jolivet): Prise en
considération du rapport de la commission permanente des affaires
culturelles qui a étudié les projets de loi suivants: projet de
loi no 51, Loi sur la Société du Grand Théâtre de
Québec, et projet de loi no 52, Loi sur la Société de la
Place des Arts de Montréal. Est-ce que ce rapport sera
adopté?
Une voix: ...le ministre, M. le Président. Tout le monde
est...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, le rapport est-il
adopté?
M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je comprends que le ministre n'a absolument rien
à dire, en troisième lecture, sur ces projets de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
ministre.
Une voix: Ce n'est pas la troisième lecture.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous ne sommes pas encore
en troisième lecture. Nous ne sommes qu'à la prise en
considération du rapport.
Une voix: C'est encore plus important.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la prise en
considération du rapport est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: M. le Président, si j'avais le consentement
du leader de l'Opposition, nous pourrions immédiatement procéder
à la troisième lecture de ces projets de loi nos 51 et 52 sur la
Société de la Place des Arts et sur la Société du
Grand Théâtre de Québec, si j'ai le consentement de
l'Opposition, évidemment.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Vous savez que, lorsque c'est nécessaire, nous
aimons collaborer -j'espère que le ministre du marasme économique
ne m'entend pas - avec le parti ministériel durant les fins de session,
etc. Mais, étant donné que le règlement prévoit que
la prise en considération et la troisième lecture se font
généralement à des séances différentes, nous
aimerions laisser au ministre le temps de réfléchir, ainsi qu'aux
autres députés qui auront peut-être des discours à
préparer en troisième lecture.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture,
prochaine séance ou séance subséquente. M. le leader.
M. Bertrand: Bien, M. le Président. Sur ce, nous pourrions
maintenant prendre en considération le rapport de la commission
permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme sur le projet de loi no
50. C'est l'article 14 du feuilleton d'aujourd'hui.
Prise en considération du rapport
de la commission qui a étudié
le projet de loi no 50
Le Vice-Président (M. Jolivet): Prise en
considération du rapport de la commission permanente de l'industrie, du
commerce et du tourisme qui a étudié le projet de loi no 50, Loi
modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec.
Il y a un amendement. L'amendement se lit comme suit: "Ajouter ce qui
suit à l'article 5c: Conclure avec toute personne un contrat de
participation à la recherche excédant soit la somme de 300 000 $,
soit la durée de cinq ans; et d, conclure avec toute personne physique
un contrat de services autre que celui prévu au paragraphe c pour un
montant excédant la somme de 100 000 $ ou pour une durée
excédant une période de 18 mois."
Est-ce que la prise en considération de ce rapport est
adoptée? M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, très brièvement.
Nous avons discuté, en commission parlementaire, de certains
problèmes qui avaient peut-être été omis lors de la
rédaction du projet de loi et examiné certaines suggestions de
l'Opposition. D'ailleurs, j'en ai parlé avec le porte-parole de
l'Opposition, le député d'Outremont. Je voudrais que ces
amendements ne soient pas retenus puisque nous avons un autre amendement sur
lequel nous nous sommes entendus. Il y aurait un paragraphe
supplémentaire à l'article 4.1 qui dirait: "Cette loi est
modifiée par l'insertion, après l'article 18, de l'article
suivant: Le centre ne peut, sans l'autorisation du ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme, conclure un contrat d'achat ou un contrat de services
comportant l'obligation pour le centre de payer une somme excédant 200
000 $."
C'est le même objectif qu'on vise, soit de laisser quand
même une certaine latitude au Centre de recherche industrielle ou
à ses dirigeants pour conclure des contrats de recherche ou des contrats
sur des brevets qui peuvent s'échelonner sur une période de seize
ans. Mais nous voulons aussi avoir un certain droit de regard vis-à-vis
des autres contrats, soit les contrats de services ou autres qui pourraient
être conclus par le centre.
Or, selon le projet de loi no 50, cela avait été
laissé un peu ouvert et, avec l'amendement que nous proposons
aujourd'hui, on est d'accord avec les gens de l'Opposition là-dessus.
D'ailleurs, je veux remercier le député d'Outremont, c'est lui
qui nous a fait la suggestion de laisser la latitude aux administrateurs du
centre de conclure des contrats jusqu'à un montant de 200 000 $; mais,
pour des contrats de plus de 200 000 $, ils auraient besoin de l'autorisation
du ministre de tutelle, ce qui pourrait aller très rapidement. Cela
donne aussi la garantie aux administrateurs du centre qu'ils sont
protégés jusqu'à un certain point.
Dans ce sens-là, je suggère, M. le Président, de ne
pas retenir les deux amendements déposés par l'Opposition et, sur
consentement, de recevoir l'amendement que je vais déposer ou attendre
en troisième
lecture pour recevoir cet amendement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): D'abord, je voudrais
demander s'il y a consentement à ce que cet amendement soit
adopté et on passera ensuite au vote.
M. Lalonde: Je voudrais savoir, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint.
M. Lalonde: ... si le ministre a communiqué le texte de
l'amendement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui.
M. Fortier: Si vous me permettez
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: ... en commission parlementaire, nous avions fait
état du fait que nous n'étions pas d'accord que le projet de loi
qui délègue plus de pouvoirs au CRIQ, au Centre de recherche
industrielle du Québec, le fasse d'une façon aussi
complète, alors que, dans la loi qui gouverne le CRIQ
présentement, il y a certaines limites, certaines réserves qui
permettent au gouvernement d'approuver certaines dépenses. Dans ce
sens-là, nous avions fait certaines recommandations. Lors de la
commission parlementaire, le ministre n'avait pas semblé disposé
à préparer un amendement sur le champ. C'est la raison pour
laquelle l'Opposition a proposé un amendement.
Je suis heureux de constater qu'après avoir consulté le
Centre de recherche industrielle du Québec le ministre propose
maintenant un amendement qui reçoit notre approbation. Dans ce
sens-là, je suis tout à fait d'accord pour retirer l'amendement
que nous avions proposé et pour accepter l'amendement qui est
proposé maintenant par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme.
Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a donc consentement
pour que soient retirés les amendements déposés par le
député d'Outremont et, par le fait même, il y a
consentement pour adoption de l'amendement proposé par le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
En conséquence, la question qu'il faut poser est celle-ci: Est-ce
que le rapport, tel qu'amendé, est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Nous pourrions maintenant aussi prendre en
considération un autre rapport de commission, c'est à l'article
13 du feuilleton d'aujourd'hui.
Prise en considération du rapport
de la commission qui a étudié
le projet de loi no 15
Le Vice-Président (M. Jolivet): Prise en
considération du rapport de la commission permanente des affaires
sociales qui a étudié le projet de loi no 15, Loi sur l'abolition
de la retraite obligatoire et modifiant certaines dispositions
législatives, avec, comme on le signale, réimpression.
Est-ce que ce rapport est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Sur celui-là, M. le Président, est-ce
que je pourrais obtenir le consentement de l'Opposition, puisque, de toute
évidence, il s'agit d'un projet de loi qui n'a posé aucun
problème ni en deuxième lecture, ni en commission parlementaire,
ni en prise en considération? On pourrait peut-être l'adopter en
troisième lecture immédiatement?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint.
M. Lalonde: Je m'excuse, mais nous n'avons pas avec nous
actuellement Mme la députée de L'Acadie, qui a été
retenue à l'étude des nouveaux crédits, des nouvelles
dépenses du gouvernement. Elle m'a dit qu'elle avait quelques
observations à faire en troisième lecture. Alors, on pourrait
l'adopter en troisième lecture la semaine prochaine.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Troisième lecture,
prochaine séance ou séance subséquente. M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Très bien, M. le Président.
Maintenant, nous allons appeler le projet de loi no 37 inscrit au nom du
ministre des Affaires municipales; c'est l'article 4 du feuilleton
d'aujourd'hui.
Projet de loi no 37 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture du
projet de loi no 37, Loi regroupant les villes de Baie-Comeau et de Hauterive.
M. le ministre des Affaires
municipales.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: M. le Président, je voudrais d'abord
saluer les gens des villes de Hauterive et de Baie-Comeau qui sont ici. J'ai
aperçu quelques élus municipaux dont le maire de Hauterive, en
face.
Nous présentons aujourd'hui en deuxième lecture, devant
l'Assemblée nationale, le projet de loi no 37. Beaucoup de citoyens, de
nombreux organismes à vocation économique et sociale et
même des associations nationales, comme l'Union des municipalités
du Québec, ont fait connaître leur point de vue sur ce projet de
loi, et je crois que c'est très heureux. (16 h 20)
Je dois aussi rappeler que nous avions déposé ce projet en
novembre dernier et que nous avions, à plusieurs reprises,
souhaité que se crée un débat public, serein et dynamique,
au niveau national, grâce à la commission parlementaire qui s'est
tenue ici le 15 décembre dernier, autant qu'entre les citoyens
contribuables qui ont choisi de vivre au bord des rivières Manicouagan
et des Outardes, car c'est de l'avenir communautaire de 26 000
Québécois que traite le projet de loi dont nous discuterons
aujourd'hui, de l'avenir de citoyens qui vivent à Baie-Comeau, l'une des
villes industrielles les plus dynamiques du Québec, et de l'avenir des
citoyens qui travaillent à Baie-Comeau, mais qui ont dû
bâtir maison de l'autre côté des rivières sur le
plateau d'une ville siamoise plus récente, la ville de Hauterive.
À la suite de tous ces exercices démocratiques, il reste, M. le
Président, quelques questions auxquelles cette
Assemblée doit répondre. Pour notre part, nous donnerons
les réponses les plus exigeantes.
Que veut faire et que peut faire le gouvernement pour accorder un coup
de pouce additionnel aux contribuables de la grande agglomération
Baie-Comeau-
Hauterive? Pourquoi notre gouvernement, qui a toujours
privilégié la plus large autonomie municipale possible, croit-il
aujourd'hui devoir intervenir? Où trouve-t-il la justification, la
cohérence de son geste? Quelle est la situation particulière et
exceptionnelle que vivent les citoyens de Baie-Comeau-Hauterive et qui puisse
expliquer l'aide que le gouvernement a décidé de leur accorder?
Quelle est donc au juste la volonté du gouvernement?
Ce projet est clair, M. le Président, il veut permettre que se
forme sur la Côte-Nord du Saint-Laurent un pôle économique
et social dont l'équipement sera concurrentiel et puissant. Il veut que
se forme à Baie-Comeau, au milieu d'une des régions les plus
vitales du Québec, une ville équilibrée, mieux
intégrée, qui sera moins assujettie aux aléas des
conjonctures industrielles, entièrement tournée vers l'avenir et
sans les embûches des anachronismes des années cinquante. Le
projet est clair. Nous croyons que tous les citoyens de Baie-Comeau et tous les
citoyens de Hauterive doivent pouvoir enfin s'unir pour choisir ensemble
comment leur ville doit désormais les aider à mieux vivre sans
enrichir les concurrences internes et ainsi enrayer les retards, les
hésitations et les erreurs qui ont marqué depuis quelques
années l'histoire de Baie-Comeau-Hauterive.
Le constat que fera après ce débat n'importe quel citoyen
québécois de Hull jusqu'à Val-d'Or et de Gagnonville
jusqu'à Coaticook, c'est que les deux villes juridiques de Baie-Comeau
et de Hauterive n'ont qu'un coeur économique, qu'un coeur industriel,
qu'une façon de vivre, un seul aéroport et un seul port, ce qui
assure l'avenir des 26 000 citoyens et citoyennes de l'agglomération. De
six à sept gouvernements antérieurs au nôtre ont fait le
même constat et en étaient arrivés au même
diagnostic. Aucun n'a eu, malheureusement, le courage social et politique de
s'y attaquer. Pourtant, il y a, depuis le tout début des années
soixante, une volonté diffuse des citoyens du milieu de s'équiper
d'une seule force de cohésion municipale. Nous décrirons
d'ailleurs plus tard cette volonté, de même que les coûts
sociaux qui se sont accumulés depuis, jusqu'à la
nécessité d'une solution fiscale et sociale comme celle que nous
proposons.
Nous nous apprêtons collectivement à poser un geste qui n'a
pas été vécu en cette Assemblée depuis
déjà huit ans. Le paysage municipal a de fait, quant au statut et
au territoire très peu changé, sinon par la volonté du
milieu, depuis la fin de 1976. L'équipe libérale de
l'époque a voulu faire le ménage, comme on disait alors. En 1965,
il y a eu Bécancour. En 1971, Gaspé et Mirabel, pour ne citer que
les exemples les plus candides et les plus brutaux. Après l'accalmie
octroyée par l'Union Nationale est soudain réapparue la tornade
de la loi 98: Jonquière, Gatineau, Buckingham, Lucerne, Beauport,
Charlesbourg, Chicoutimi, La Baie. C'était la loi 98. De fait, du 1er
janvier 1975 au 30 septembre 1976, plus de 80 municipalités ont
été touchées par des actions majoritairement
télécommandées de Québec. Le moins que l'on puisse
dire, c'est que la manière forte, c'était la manière
libérale si l'on s'avisait de parler de territoires municipaux au
Québec.
M. le Président, je dois donc rappeler qu'en parallèle,
jusqu'à ce jour, notre gouvernement n'a pas imposé de
regroupement de municipalités au Québec. Nous avons constamment
affirmé notre idéal de maintenir une politique de regroupement
volontaire ou de consolidation territoriale volontaire, comme je pourrais
l'appeler si les
textes de loi nous le permettaient. Telle est toujours notre intention.
Nous ne voulons pas établir une politique coercitive de regroupement.
Nous ne croyons pas que l'action coercitive apporterait des solutions efficaces
aux problèmes de structures que nous observons sur l'ensemble du
territoire québécois et nous l'avons largement
démontré par l'adoption et par l'implantation de la loi 125. Nous
croyons plutôt à l'émergence des mentalités
régionales et dans la prolifération des ententes intermunicipales
qui, d'ailleurs, semblent, comme solution économique et administrative,
beaucoup plus ressembler aux façons de s'identifier des
Québécois et des Québécoises.
J'imposerais d'évidence, d'ailleurs, ce parallèle entre
notre démarche et celle des gouvernements antérieurs qui n'ont
jamais déployé tous les efforts de conciliation et de
réalisme nécessaires pour que les municipalités du
Québec deviennent les maîtres d'oeuvre de leur aménagement
collectif et les véritables initiatrices des collaborations qu'elles
jugent essentielles entre elles. Nous ne croyons pas, de toute façon,
que le modèle ontarien - 799 municipalités contre 1536 au
Québec - puisse favoriser ni plus de "responsabilisation" ni plus de
démocratie. Lorsque les villes de Dollard-des-Ormeaux et de Roxboro
décident de se donner un meilleur découpage de leurs territoires
pour rendre plus efficace et rapide l'intervention de leur service d'incendie,
Québec n'a rien à y voir sinon d'acquiescer à des ententes
intermunicipales aussi logiques.
Si jamais le regroupement de deux ou trois municipalités voisines
devenait la réponse unique des élus du milieu aux
problèmes bien identifiés de leurs contribuables, notre premier
réflexe comme gouvernement sera plutôt d'amorcer une action
incitatrice et d'inventorier avec les responsables élus du territoire
toute l'aide technique que le gouvernement pourrait offrir dans cette
démarche. Le projet de loi no 37 que nous proposons aujourd'hui
n'infirme en aucun point cette règle et cette façon de faire
éminemment démocratique qui a été le choix de ce
gouvernement depuis 1976. Nous croyons qu'il s'agit en quelque sorte, à
l'égard de ce projet de loi et à l'égard des citoyens de
Baie-Comeau et de Hauterive, d'une solution éminemment nécessaire
et éminemment naturelle.
Nous devons nous permettre - si vous le permettez, M. le
Président - une courte rétrospective de l'histoire des deux
villes siamoises de Baie-Comeau et de Hauterive pour mieux comprendre qu'il
arrive simplement aujourd'hui que cette grande communauté vit une
situation particulière, un cas d'exception dont nous devons tous
convenir et qui engagerait n'importe quel gouvernement du Québec
à agir. Quels sont donc les principaux événements, ceux
mêmes qui ont amené l'évolution des pensées vers une
solution de regroupement communautaire depuis la naissance du moteur
économique principal de l'agglomération jusqu'à
l'accroissement de certains écarts financiers difficilement
tolérables entre les villes décrites dans ce projet de loi?
En 1935, M. le Président, une grande entreprise d'exploitation
forestière, la Quebec North Shore Paper, s'installait à
proximité de l'embouchure des rivières aux Outardes et
Manicouagan sur un territoire qui, en 1937, allait devenir la ville de
Baie-Comeau, un territoire riche en ressources forestières à
proximité d'un potentiel énergétique époustouflant
en tout autre pays et dont le sous-sol rocheux, la baie aux eaux profondes
protégée des vents, devenait garant d'un avenir industriel qui a
fait ses preuves en si peu d'années.
Baie-Comeau, à cause de son sous-sol solide, était
voué à recevoir de solides et grandes entreprises. Sa vocation
fut d'ailleurs confirmée très tôt à partir du moment
où les compagnies propriétaires très majoritaires des
terrains à Baie-Comeau ont refusé de céder du territoire
qui aurait permis à l'époque l'installation d'équipement
communautaire essentiel à caractère éducationnel,
hospitalier ou même religieux. Par la force des choses, à cause de
ce refus des propriétaires des terrains, l'un des principaux
intéressés de l'époque, l'évêque du golfe
Saint-Laurent, s'est mis à explorer le voisinage et il a
arrêté logiquement son choix sur un plateau sablonneux où
allait naître en 1950 la ville de Hauterive, à quelques
kilomètres à l'ouest de Baie-Comeau. Il fit construire le
siège épiscopal de la Côte-Nord et le premier
établissement d'enseignement secondaire qui devait desservir toute la
Côte-Nord. Le mouvement était alors enclenché. Les
gouvernements en place, l'un après l'autre, n'eurent pas le choix - ou
pas tellement - et durent financer en partie des installations
éducationnelles et hospitalières liées aux secteurs
domiciliaires et commerciaux de l'autre côté des rivières.
(16 h 30)
Hauterive est le fruit d'une division forcée. Dès ce
moment, un fossé prévu allait apparaître. Le principe du
financement municipal allait se fausser, car Hauterive ne pourrait compter que
sur des évaluations majoritairement résidentielles pour se
financer, alors que la ville de Baie-Comeau percevait la totalité du
revenu des évaluations industrielles, tout en ne supportant toutefois
qu'une portion des services nécessités par le
développement résidentiel à Hauterive. Cet écart
dans les revenus, lié à l'évaluation industrielle s'est
ensuite accentué par l'arrivée à Baie-Comeau d'une
aluminerie en 1957, en 1959, par la construction d'élévateurs
à grain et, en 1965,
par de nouvelles installations d'agrandissement à la papeterie
qui ont amélioré sa capacité de production. Vers 1970, ces
deux dernières entreprises se sont encore agrandies.
Dans les faits, Hauterive s'est à ce point rapidement
développée qu'au recensement de 1971, déjà, en 21
ans, sa population avait dépassé la population de Baie-Comeau.
C'est la preuve, je pense, de l'attrait du territoire de Hauterive pour
l'établissement domiciliaire et surtout du manque d'espace similaire
à Baie-Comeau, qui jouissait déjà d'avantages fiscaux qui
doivent toujours se multiplier. Une ville de compagnie n'est pas
nécessairement la ville des citoyens.
Pression normale durant tout ce temps, il faut noter que Hauterive
bénéficiait indirectement des implantations industrielles qui se
faisaient à Baie-Comeau et connaissait une forte croissance
domiciliaire, institutionnelle et commerciale. La valeur de son rôle
d'évaluation foncière s'est accrue, mais pas suffisamment. La
charge fiscale occasionnée par la mise en place de nombreux services
devenait de plus en plus lourde pour le contribuable de Hauterive, alors
qu'à Baie-Comeau, non seulement les coûts des services
étaient moindres mais la qualité y était
supérieure. À sa richesse foncière, il manquait
visiblement un équilibre important, soit celui de l'évaluation du
secteur industriel, qui a pour principal avantage d'absorber ou de
tempérer des augmentations de taxes du petit propriétaire.
À l'heure où nous débattons l'à-propos de ce projet
de loi, ces deux villes sont toujours siamoises, ou siamoises comme jamais,
depuis leurs 29 ans de vie commune. Les rues des deux villes sont
sillonnées par les mêmes citoyens qui vont travailler, faire des
achats et retrouver leur famille, indifféremment, d'un côté
ou de l'autre des mêmes rivières. Ce qui me fait dire que le
projet de loi 37 n'est au fond qu'une conséquence des 45 ans d'histoire
de Baie-Comeau et des 29 ans d'histoire de Hauterive.
Nous croyons même que la situation est inéquitable pour une
partie de cette communauté qui fait actuellement les frais d'une
évolution fiscale issue tout droit de choix d'aménagement
pratiquement exclusifs. Le gagne-pain et l'industrie d'un côté, la
résidence et les services communautaires de l'autre, ce qui a fait dire
au Conseil de développement de la Côte-Nord, lorsque nous l'avons
appelé à comparaître devant la commission parlementaire "Au
plan sociologique, il nous semble évident que l'unité naturelle
de ces deux populations qui vivent si proches l'une de l'autre appelle
nécessairement l'existence d'une structure politique unique et commune."
Ceci a fait dire aussi aux élus de Hauterive, lors de la même
commission: "Veuillez croire que ce n'est pas sans un serrement de coeur que
nous consentons à mettre un terme au rêve de Mgr Labrie, mais,
pour le bien de notre collectivité, nous estimons que la duplication
doit cesser et nous avons perdu trop de temps et d'énergies à
nous entredéchirer à trouver des justifications à nos
querelles." Ceci explique aussi que, lors d'un sondage commandé aux
frais des contribuables de Baie-Comeau, récemment, l'une des
conclusions, la dernière, que je retrouve dans un
télégramme que m'a fait parvenir le maire de Baie-Comeau le 8
mars dernier, c'est que la majorité, 54% des contribuables des deux
villes se seraient prononcés en faveur d'une fusion si un
référendum avait eu lieu au moment du sondage. La solution que
nous avançons avec ce projet de loi nous apparaît donc naturelle,
souhaitable, nécessaire et souhaitée.
J'aimerais, pour notre édification commune en cette
Assemblée, décrire un peu d'où est née et comment
s'est acheminée depuis les années soixante l'idée de la
construction de l'agglomération de Baie-Comeau. Nous ne citerons pas les
six études principales, dont cinq - je voudrais le rappeler - ont
été commandées par le milieu de Baie-Comeau-Hauterive, qui
se sont succédé depuis 1960 et qui ont toutes conclu la
même chose en fin d'analyse: une communauté, une ville. Il reste
quand même une perception première: le mouvement vers la
réunification des forces à Baie-Comeau-Hauterive n'a pas pour
origine le gouvernement du Québec.
Depuis 20 ans qu'on demande à Québec de répondre,
il n'y a jamais eu de réponse véritable. En 1976, le ministre des
Affaires municipales, M. Victor Goldbloom, avait lui aussi commandé une
étude sur le sujet. Le rapport avait conclu en aplanissant les
problèmes, ce qui laissait au gouvernement le choix d'une intervention
qui, selon le texte même, aurait pu permettre une meilleure planification
des services aux deux communautés. De fait, cette étude a
constaté l'homogénéité dans le milieu et la
qualité des services rendus aux contribuables et voyait possible de
fusionner des dettes relatives à ces services sans pour autant
créer d'injustice fiscale.
La réponse de Québec n'est jamais venue jusqu'à ce
jour. Il s'agissait pourtant d'une étude faite, cette fois, par le
gouvernement du Québec. Quelle aurait été, demandons-le,
la réponse du gouvernement libéral s'il était encore au
pouvoir, lui qui avait fusionné sans nécessité et sans
urgence Buckingham que nous avons dégroupée quelques
années plus tard? De toute façon, c'est depuis 1965 que des
citoyens de l'agglomération de Baie-Comeau envoient à
Québec des études qui concluent que la seule solution est de
doter leur communauté d'une autorité locale et communautaire. Je
vais
citer quelques-uns de ces rapports dont certains ont coûté
fort cher à la collectivité. Je les crois très instructifs
pour nous tous de l'Assemblée nationale qui allons voter sur ce projet
de loi au nom de tous les Québécois que nous représentons
et pour tous les Québécois qui nous écoutent en ce
moment.
En 1967, un mémoire est préparé par la Jeune
Chambre de Baie-Comeau-Hauterive. Conclusion: "Une union géographique
est inévitable. Nous avons constaté ensuite qu'une union
réglerait beaucoup de problèmes. Nous avons vu aussi que beaucoup
de services exigent une planification et que la collaboration est difficile,
sinon impossible. En conséquence - c'est toujours la Jeune Chambre de
Baie-Comeau-Hauterive qui parle - nous demandons aux conseils municipaux de
Baie-Comeau et de Hauterive de procéder immédiatement aux
démarches nécessaires à la fusion des deux villes."
Le mémoire signale: "La fusion éliminerait sans aucun
doute les retards, les tiraillements et les indécisions qui ont
été notre lot au cours des récentes années. La
planification du développement des quartiers résidentiels, des
centres industriels et commerciaux, des parcs publics, des maisons
d'enseignement, toute la panoplie d'une cité moderne et dynamique ne
peut être réalisée rationnellement qu'en assurant
l'unité de décision au préalable." Mais, en 1967, la
situation n'est corrigée ni par les élus locaux ni par
Québec.
En 1970, nouvelle tentative. Un rapport volumineux préparé
par un comité qui regroupe cette fois beaucoup plus de citoyens: les
chambres de commerce de Baie-Comeau et de Hauterive, la Jeune Chambre de
Baie-Comeau-Hauterive, la Confédération des syndicats nationaux,
la Fédération des travailleurs du Québec et le Conseil
régional de développement. Cette fois, on précise que la
séparation juridique de Baie-Comeau et Hauterive n'a jamais correspondu
à la réalité sociologique, économique et
financière et que les villes ne forment qu'une seule et même
collectivité. (16 h 40)
Je vous fais remarquer que nous disons, ici, exactement la même
chose en 1982. Mais les citoyens contribuables sont allés beaucoup plus
loin et je crois que tous les députés responsables de cette
Assemblée doivent en tenir compte. C'est presque un appel au secours:
"Au plan de l'économie régionale, la situation actuelle
représente pour les deux villes un luxe inutile qu'elles ne sont
vraiment pas en droit de s'offrir. Même si le regroupement ne rapportait
rien de plus ou de mieux sur le plan de la gestion municipale interne, ses
avantages économiques, au niveau régional, nous
apparaîtraient largement suffisants pour motiver notre adhésion en
ce sens. Dans un contexte régional comme le nôtre, les deux
populations de Baie-Comeau et de Hauterive ont tout à gagner et vraiment
rien à perdre du regroupement, quel que soit la forme qu'il pourrait
revêtir".
La conclusion est la suivante: "D'ailleurs, volontaire ou forcé,
nous croyons que le regroupement interviendra tôt ou tard dans des
conditions de négociation qui deviendront de plus en plus difficiles et
embarrassantes à mesure que le temps passera."
En 1976, une autre étude, très coûteuse, celle de
Major et Martin, financée par le ministère de l'Industrie et du
Commerce et l'Office de planification et de développement du
Québec, au coût de 212 000 $, conclut que sur le plan industriel
et portuaire, il devrait y avoir un regroupement des services des villes. Cette
étude dit: Tous reconnaissent les intérêts sociologiques,
économiques, financiers et politiques d'un regroupement municipal. Cette
fusion éviterait la concurrence inutile sur le plan industriel et le
marchandage au niveau des règlements de zonage industriel ainsi que le
dédoublement des institutions. Le regroupement assurerait de meilleurs
services: transport en commun, urbanisme, police, pompiers, investissements
municipaux.
La même année, les deux conseils sont unanimes pour
formuler, par voie de résolution au ministère des Affaires
municipales, une demande d'étude du regroupement des deux villes. Cette
étude soumise aux élus municipaux en octobre 1976
démontrait que le regroupement de Baie-Comeau et de Hauterive pouvait se
réaliser. Il y était dit que pour une évaluation de 25 000
$, le contribuable de Baie-Comeau verrait sa charge fiscale s'accroître
de 21 $ alors que celle du contribuable de Hauterive diminuerait de 117 $, et
cela accompagné de la subvention statutaire de regroupement, sans
compter les avantages et les économies réalisées par la
fusion.
En 1977, un référendum décrété
à Baie-Comeau par son conseil municipal a mis fin aux espoirs de voir
réaliser un regroupement volontaire entre les deux villes. 90% des 48%
des électeurs qui ont voté ont refusé de poursuivre sur la
voie du regroupement. La solution n'était onéreuse pour personne
et équitable pour tous et elle est pourtant morte. Les establishments du
paradis fiscal avaient encore vaincu.
Toutes ces études, faut-il le rappeler, sont unanimes à
conclure à l'opportunité du regroupement et le souhaitent comme
le plus prochain possible. Cette évidence est criante et notre
gouvernement a décidé qu'il était temps d'agir, qu'il
était temps d'intervenir. Je crois, comme c'est d'ailleurs l'avis de
tous ces citoyens, qu'il faut choisir l'élimination d'une situation
injuste plutôt que le maintien de privilèges fiscaux. En plus
clair encore, en commission parlementaire, il y a quelques mois, le
mémoire du Conseil régional de développement de la
Côte-Nord nous a claironné l'évidence de cet anachronisme.
À première vue, dit-il, il apparaît à notre
organisme qu'il fallait trancher par une loi, une fois pour toutes, un
débat qui s'éternisait et qui laissait sans cesse
apparaître dans tous les dossiers traités dans les deux villes une
sorte d'épée de Damoclès menaçant l'une ou l'autre
des parties en cause, selon les différents enjeux.
En clair, nous avons prouvé qu'il y avait un désir
réel, une volonté diffusée à travers tous ces
témoignages par les citoyens de l'agglomération de Baie-Comeau
d'en arriver au plus tôt à la seule solution équitable
d'une seule force municipale.
Mais qu'en est-il du climat actuel dans la grande communauté de
Baie-Comeau-Hauterive? Où est la nécessité locale qui a
prévalu à ce projet de loi? Le manque de concertation, les
tiraillements, le temps perdu, des objectifs ratés, des tensions
artificielles ont dangereusement paralysé jusqu'ici la vie
économique et sociale de tout le milieu. Le CRD est même d'avis
que l'absence de cohésion peut affecter gravement des mouvements de
pression et le crédit des deux villes. Sans que je fasse ici un tableau
qui aurait des allures alarmistes, il nous faut nous rendre à
l'évidence qu'un climat de concurrence indu persiste toujours et est
d'autant plus stérilisant que ce jeu de souque-à-la-corde s'est
installé au sein de la même communauté.
Les exemples sont frappants. Les gouvernements eux-mêmes n'ont pu
y résister. Le district judiciaire de Hauterive a aujourd'hui son palais
de justice à Baie-Comeau. Les histoires au sujet d'un bureau
d'Hydro-Québec, d'un nouveau bureau de poste, de l'aéroport de
Pointe-Lebel, de l'hôpital régional ne sont malheureusement pas
que des anecdotes pour les citoyens qui doivent vivre tous les jours cette
stérilité ambiante. Un exemple de décision de
Québec: une polyvalente de 4000 places devait être située
à Baie-Comeau. Hauterive, qui a une clientèle scolaire plus
importante, veut aussi l'établissement. Résultat: en 1966, le
ministère de l'Éducation coupe la poire en deux: deux
écoles, 2000 élèves chacune. Aujourd'hui, la situation est
abracadabrante. L'établissement de Hauterive est trop petit et celui de
Baie-Comeau est trop grand.
Combien d'autres dossiers souffrent de ce faux climat de concurrence, M.
le Président. Je pourrais en citer à la douzaine, à
l'instar des contribuables de Baie-Comeau et de Hauterive, comme la
Société de développement industriel Manicouagan-Outardes,
l'Association touristique régionale Manicouagan et le parc industriel
régional dont le retard s'explique par l'absence de volonté
unique d'aménagement. Les élus municipaux de Hauterive ont
d'ailleurs convenu que, dans une telle situation, ils manquaient leur but
d'assurer le mieux-être de leurs concitoyens pour des motifs que chaque
parti estime pourtant justes.
Aujourd'hui, les situations financières en termes de ressources,
d'actif et de passif des deux villes sont très
révélatrices. Vous me permettrez de citer un bilan, quelques
chiffres. La population des deux villes, en 1976: Baie-Comeau, 11 911;
Hauterive, 14 724. Les dépenses totales des municipalités:
Baie-Comeau, 10 282 000 $ pour une population, encore une fois, d'environ 12
000 habitants; Hauterive, 7 400 000 $ pour une population de près de 15
000 habitants. Les dépenses par habitant: 863 $ à Baie-Comeau;
505 $ à Hauterive. L'indice des dépenses: 165 à
Baie-Comeau; 96 à Hauterive. L'évaluation imposable pour une
population supérieure à Hauterive: l'évaluation imposable
à Baie-Comeau: 285 000 000 $; à Hauterive, 141 000 000 $.
L'évaluation résidentielle à Baie-Comeau, 103 000 000 $;
à Hauterive, 114 000 000 $. Mais l'évaluation industrielle et
commerciale: à Baie-Comeau, 182 000 000 $; à Hauterive, 27 000
000 $, pour une population, encore une fois, à Baie-Comeau, de 12 000
habitants et, à Hauterive, de 15 000 habitants. L'indice de richesse:
à Baie-Comeau, 196; à Hauterive, 81. C'est plus bas à
Hauterive que la moyenne du Québec. L'effort fiscal: 73 à
Baie-Comeau; 132 à Hauterive. Je me permets de déposer ce tableau
à l'Assemblée nationale, M. le Président.
Baie-Comeau tire donc ses revenus d'une évaluation imposable
totale de près de 286 000 000 $ alors que Hauterive puise à
même près de 142 000 000 $; exactement le double
d'évaluation à Baie-Comeau. L'évaluation à
caractère industriel et commercial en 1980 constitue, à
Baie-Comeau, quelque 63% de l'évaluation et, à Hauterive,
seulement 19%. L'évaluation résidentielle démarque aussi
caricaturalement les vocations complémentaires des deux villes
juridiques: 37% à Baie-Comeau; 81% à Hauterive. Il faut
constater, à la suite de ces chiffres, que les citoyens de Hauterive
travaillent donc à Baie-Comeau et qu'ils font partie d'une même
communauté.
(16 h 50)
À cette nécessité économique et fiscale,
à cette urgence d'aménagement et de rationalisation des services
de la communauté, à ce cas d'exception aussi flagrant, nous avons
décidé d'une solution que nous considérons comme
très engageante et très équitable. Le projet de loi no 37
est la réponse d'un gouvernement responsable du bien commun.
Le nouveau départ qu'accorde ce projet de loi à la
communauté de l'agglomération de Baie-Comeau est exaltant.
L'agglomération de Baie-Comeau qui va naître de ce projet
de loi aura une évaluation beaucoup plus équilibrée de 51%
industrielle et de 49% résidentielle, doublée d'un indice de
richesse de 32 points supérieur à la moyenne des
municipalités du Québec. La dette à long terme de
l'agglomération de Baie-Comeau sera par habitant de 1496 $ alors que la
moyenne sur la Côte-Nord des grandes villes, avec Port-Cartier et
Sept-
Îles, est de 1787 $, ce qui situe très avantageusement la
nouvelle communauté enfin créée par notre projet de
loi.
Nous croyons que la nouvelle communauté deviendra un pôle
d'attraction dorénavant aussi puissant que celui de Sept-Îles et
aura un impact aussi puissant auprès des investisseurs de par ses
structures modernes et efficaces. Baie-Comeau comptera environ 26 000
habitants. Sept-Îles en a près de 29 000. Baie-Comeau
détient un indice de richesse de 132 se rapprochant de Sept-Îles
dont l'indice est de 145 en 1980 et l'évaluation de Baie-Comeau aura un
équilibre semblable à celle de Sept-Îles, et son assiette
fiscale, qui est aujourd'hui de 553 000 000 $, rejoindra celle de
Sept-Îles lorsque les 500 000 000 $ d'investissements de la compagnie
Reynolds seront une réalité.
Tous ces chiffres pour dire, M. le Président, que
l'agglomération de Baie-Comeau doit vivre en harmonie pour ressembler
aux autres pôles économiques de la Côte-Nord et agir avec
eux. Le projet de loi no 37 aidera enfin à cette harmonie des forces de
la Côte-Nord dont tout le Québec a tant besoin.
Des arguments sporadiques et par ailleurs fallacieux sont quelquefois
tombés dans le débat depuis ce nombre d'années de
tergiversations des gouvernements antérieurs. Devant le défi
proposé aux citoyens d'une des villes les plus progressives et neuves du
Québec, nous ne croyons pas que de tels arguments soient
réalistes. Par exemple, on invoquait le fait que le Québec,
exemptant de taxes Hydro-Québec et ses installations comme les barrages,
créait en quelque sorte l'inéquité de la situation qui
prévaut à Hauterive, la ville où se retrouvent les
barrages qui assurent l'avenir industriel de l'agglomération de
Baie-Comeau. Or, Hauterive, qui ne touchait à ce chapitre que 21 379 $
en 1979, a touché 243 303 $ en 1981 grâce à la loi no 57
sur la fiscalité municipale.
La ville recevait de même 378 000 $ de revenus de taxes sur la
production d'électricité en 1979 et reçoit plus du double
en 1981, soit 950 000 $, y inclus la redistribution des taxes sur l'essence et
les télécommunications; Québec n'est pas en cause dans une
telle situation.
D'autres arguments voudraient que des travaux urgents aient très
bientôt un grand impact sur le service de la dette de la nouvelle grande
ville. Je prends pour exemple le projet de réfection des égouts
pluviaux du secteur du plateau, qui coûterait quelque 10 000 000 $ et qui
augmenterait la dette de près de 2 000 000 $ en 1983. Il est bien
évident qu'on peut s'interroger sur le réalisme de telles
projections quant à leur coût, leur programme de
réalisation et leurs modalités de financement, mais il demeure
que, selon les élus mêmes du milieu, ces travaux pourraient faire
l'objet de subventions dans le cadre du programme d'assainissement des eaux
usées, ce qui réduirait d'autant la charge des contribuables et
les grands ballons de résistance malheureusement ainsi entretenus.
Québec pourrait, cette fois, aider encore à relever le
défi exigeant, mais moderne de l'agglomération de
Baie-Comeau.
Je n'ai cité de tels exemples qui peuvent sembler petits aux yeux
de l'Assemblée nationale que pour mieux établir par l'absurde
l'urgence de la solution qu'apporte ce projet de loi. Cependant, et j'insiste
sur cet aspect de la solution que nous proposons, le gouvernement estime que le
rétablissement de la situation que nous décrivons doit se faire
sans que les citoyens de Baie-Comeau ne soient pénalisés
indûment par la venue de l'agglomération de Baie-Comeau. Le
gouvernement a donc décidé d'apporter sa contribution au projet
de regroupement et, tel qu'annoncé par mon collègue, M. Lucien
Lessard, en janvier dernier, il investira la somme totale de 2 034 000 $ dans
la nouvelle ville. Ce montant se répartit comme suit: un montant de 734
000 $ est destiné au fonds général de la nouvelle
municipalité, mais le montant le plus important, soit 1 300 000 $, sera
attribué au secteur de l'ancien Baie-Comeau pour diminuer l'impact sur
le compte de taxes de ses contribuables et cet impact négatif que
pouvait craindre la population du secteur de Baie-Comeau sera ainsi largement
atténué, de sorte qu'on pourra entre-temps, graduellement,
intégrer les économies d'échelle qui découleront de
cette fusion. La répartition de ces subventions pourrait être la
suivante: la première année, 691 000 $; la deuxième, 537
000 $; la troisième, 288 000 $; la quatrième, 254 000 $; la
cinquième, 164 000 $, pour un total donc de 2 034 000 $.
Pour bien comprendre l'impact de ces subventions sur le compte de taxes
des citoyens, j'ai fait préparer par les spécialistes du
ministère une étude qui présente la situation du compte de
taxes des deux municipalités avant et après la fusion et qui
démontre le net avantage de la formule que nous avons retenue. Il
s'agit, bien sûr, d'une hypothèse faite à partir du compte
de taxes moyen d'une résidence unifamiliale dans chacun des deux
secteurs,
en excluant les taxes d'amélioration locale pour 1982, qui ne
sont d'ailleurs pas très importantes, qui sont marginales. Cette
hypothèse indique qu'un citoyen de Baie-Comeau payant 720 $ pour une
évaluation de 32 000 $ avant le regroupement aurait vu son compte de
taxes en 1982 diminuer à 688 $ et celui d'un contribuable de Hauterive
serait passé de 1217 $ à 1082 $.
Il faut de plus préciser que la nouvelle ville pourra profiter de
la rationalisation des dépenses communes et je dirais même, si
vous me le permettez, des habitudes d'une certaine frugalité qui
existent chez l'une des deux villes qui dépense seulement 505 $ par
habitant, alors que, dans l'autre, on dépense 863 $; elle pourra
profiter aussi des économies d'échelle au chapitre des services
administratifs, d'une meilleure utilisation des équipements et du
personnel, tous des éléments qui permettront à la nouvelle
ville de contrôler efficacement ses dépenses et ses revenus de
taxes.
Nous sommes donc convaincus que le gouvernement du Québec soumet
aujourd'hui, par ce projet, la seule solution étayée par une
juste étude des causes et des conséquences qui prévalent
au coeur des villes siamoises de Baie-Comeau et de Hauterive. Un
télégramme que m'adressait le président de l'Union des
municipalités du Québec, M. Jacques O'Bready, en février
dernier, au sujet de ce projet de loi, se terminait ainsi: "Si le gouvernement
juge qu'il est opportun pour un ensemble de citoyens dont les lieux et les
modes de vie sont rapprochés de fusionner leur administration municipale
pour une fin précise, l'Union des municipalités du Québec
ne peut que l'accepter. Toutefois, ce type de projet exige le respect et la
collaboration de tous les intervenants et il doit se faire ouvertement. Un
conseil municipal qui se respecte planifie le devenir de ses citoyens et le
gouvernement doit le savoir et agir de la même manière." C'est
exactement ce que le gouvernement du Québec a décidé qu'il
devait faire en présentant le projet de loi no 37 en novembre, en tenant
la commission parlementaire et en en faisant approuver son principe aujourd'hui
à l'intérieur de l'Assemblée nationale.
Nous devions remédier à plusieurs lacunes, faire
disparaître les climats malsains et favoriser les répartitions les
plus équitables possible de toutes les ressources à tous les
contribuables. Ce sont toujours nos objectifs et ce projet de loi en tire sa
seule raison d'être et sa seule nécessité. Nous avons la
certitude que ce projet de loi autorisera une répartition plus
équitable des ressources fiscales. Depuis de nombreuses années,
les citoyens de Baie-Comeau et de Hauterive se servent indifféremment
des équipements de l'une ou de l'autre municipalité dans leurs
activités de travail, de commerce ou de loisir. Il effectuera donc
naturellement une meilleure répartition des coûts directs et
indirects causés par cette utilisation tout à fait normale des
services. Nous ne faisons que réunir juridiquement ce qui, dans la vie
de tous les jours des citoyens de l'agglomération de Baie-Comeau, est
déjà un fait social largement acquis. (17 heures)
La population de l'agglomération de Baie-Comeau sera
favorisée sur l'ensemble du territoire qu'elle utilise tous les jours.
Nous avons la certitude aussi que l'apparition d'une seule et unique
administration municipale sur ce grand territoire se fera très
heureusement sentir dans le sens d'une mise en place mieux planifiée du
développement. De même, l'apparition d'équipements
insuffisants parce que utilisés par un plus grand nombre de citoyens
pourra être évitée. Aussi, les dédoublements de
certains équipements résultant du fait que chacune des deux
anciennes municipalités était portée à se doter
elle-même d'équipements dont un seul exemplaire aurait suffi
à l'ensemble des citoyens seront graduellement éliminés
par les administrateurs communautaires de l'agglomération de
Baie-Comeau. Ces administrateurs élus et mandatés par tous les
contribuables élimineront aussi les situations de privilèges
reliées à la monopolisation de certaines ressources physiques,
d'espaces disponibles propices à des développements particuliers,
qu'il s'agisse même simplement d'eau potable. Enfin, nous croyons, M. le
Président, que les élus municipaux de l'agglomération de
Baie-Comeau pourront aussi prendre en charge de façon beaucoup plus
explosive et dynamique l'avenir économique de leur collectivité
et assurer tout le temps l'adéquation entre les besoins et la
capacité de payer de tous les 26 000 citoyens de
l'agglomération.
Lorsque les gens des milieux d'affaires de l'agglomération de
Baie-Comeau disaient il y a plusieurs années que le regroupement
"...interviendrait tôt ou tard dans des conditions de négociation
qui deviendront de plus en plus difficiles et embarrassantes à mesure
que le temps passera", ils n'ont peut-être jamais cru que la formule de
gestion municipale réaliste et intégrée que nous proposons
aujourd'hui soit encore possible en 1982. Un gouvernement qui, pour la
première fois de son existence doit prendre une telle
responsabilité doit, avec le même sens commun, éviter des
marchandages et n'avoir qu'un respect, celui de marier l'ensemble du contexte
social homogène des deux villes dynamiques avec toute la force de
cohésion créée par l'émergence d'un seul noyau
urbain. Il y a chez les 26 000 Québécois de
l'agglomération de Baie-Comeau une large partie du dynamisme de la
Côte-Nord, un acquis que personne ne pourra renier dans
tout l'avenir prévisible. Le gouvernement accorde toute
l'importance nécessaire à cet héritage après tous
ces rapports tout aussi chers que volumineux, après la commission
parlementaire et ses témoignages de citoyens qui nous ont dit qu'ils
avaient dépensé beaucoup, tant en capital financier qu'en capital
humain. Nous croyons que notre tour est venu comme gouvernement d'agir. La
solution est exigeante, mais nous la proposons, parce que nous croyons au plein
exercice autonome et complet, par une collectivité comme celle de
l'agglomération de Baie-Comeau, des responsabilités qui lui sont
confiées par l'État. Nous avons pleine confiance que les
élus municipaux suivront les souhaits qui nous ont été
transmis par le mémoire que nous a présenté le
comité des citoyens des villes de Baie-Comeau et de Hauterive et que
j'aimerais citer à l'intention de tous ceux qui, ici, n'ont pu assister
à la commission parlementaire où nous avons entendu ces citoyens
qui ont déjà décidé de vivre dans
l'agglomération de Baie-Comeau. Ils disent: "Certains craignent des
réactions émotives si notre nouvelle ville s'appelle Baie-Comeau.
Nous croyons plutôt qu'en conservant le nom de Baie-Comeau, ce serait
reconnaître dans les faits que le temps des déchirements est
révolu. Nous avons réuni ce qui n'aurait jamais dû
être divisé. Nous sommes la même collectivité. Nous
partageons les mêmes emplois, les mêmes aspirations, les
mêmes loisirs et les mêmes activités. Nous
fréquentons les mêmes institutions scolaires, religieuses,
hospitalières et les mêmes services. Ce sera le signe des
retrouvailles."
C'est donc à ce défi que nous avons répondu par ce
projet de loi. C'est à ce défi que sont conviés maintenant
les élus démocrates et dynamiques de l'agglomération de
Baie-Comeau. Je leur souhaite beaucoup de succès, M. le
Président. Leurs citoyens le méritent. C'est pourquoi je convie
tous les collègues de l'Assemblée nationale, à cette
étape-ci de la deuxième lecture, à sanctionner par leur
appui le principe même de la fusion de ces deux municipalités.
C'est l'enjeu du débat à cette étape-ci et cela nous
permettra d'amener et de discuter certains amendements en commission
parlementaire, dont la question de la taxe d'affaires, la répartition de
certains postes, les obligations du conseil provisoire, etc.
Je vous remercie, M. le Président. Je crois qu'il s'agit d'un
projet de loi qui s'imposait et qui fera le bonheur des citoyens des villes de
Baie-Comeau et de Hauterive, dorénavant, Baie-Comeau.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Hull.
M. Gilles Rocheleau
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Je trouve tout
simplement indécent de la part du gouvernement de déposer ce
projet de loi en deuxième lecture, alors qu'actuellement siègent
en comité les municipalités concernées qui tentent, d'une
part, de proposer une fusion volontaire et, d'autre part, de compléter
une étude qui pourrait être soumise à la population des
deux municipalités concernées. Je trouve aberrant que l'on se
permette, du côté ministériel, de passer une loi aussi
antidémocratique que le projet de loi no 37 alors que ce même
gouvernement... Nous aurons l'occasion de parler, dans quelques instants, de la
façon dont il concevait la démocratie alors qu'il était
plus particulièrement dans l'Opposition.
Un processus de fusion est acceptable lorsque les populations
concernées l'approuvent et consentent à vivre ensemble. Lorsqu'un
gouvernement veut imposer une telle fusion à des individus contre leur
volonté et en faisant abstraction de leurs revendications, un tel
processus de fusion devient totalement inacceptable. Jamais, nous n'aurions cru
que le parti ministériel présenterait ce projet de loi en
deuxième lecture. Les oppositions et les commentaires que nous formulons
concernant ce projet de loi ne viennent pas remettre en cause le principe
même de la fusion, mais la façon dont elle est imposée par
le gouvernement péquiste à deux collectivités comme
solution à un problème.
Ce projet de loi, par son caractère arbitraire, va à
l'encontre de tous les principes démocratiques qui sont la base de notre
société. De plus, il balaie du revers de la main les notions
d'autonomie municipale que le gouvernement péquiste ne cesse de
proclamer. En imposant une telle fusion aux citoyens sans leur permettre de se
prononcer par consultation populaire, ce même gouvernement
péquiste ne respecte pas les engagements de son propre parti qui
désapprouve et condamne toute fusion forcée. L'article 2 du
chapitre 7 du programme du Parti québécois, en 1977, stipule, et
je cite: "Réorganiser les structures municipales en consultant
obligatoirement la population concernée sur tout projet de
restructuration, regroupement ou fusion."
Est-ce que cela veut dire que le gouvernement qui doit tenir compte du
programme du Parti québécois devra faire un nouveau
référendum auprès de ses membres pour leur demander de
modifier le programme du Parti québécois, tenant compte du fait
qu'il y a un projet de loi qui va à l'encontre même des
orientations du parti?
C'est à se demander si les membres, les quelque 200 000 membres
du Parti québécois seront consultés sur ce projet de
loi.
(17 h 10)
Nous sommes conscients qu'il existe, depuis plusieurs années, un
problème très complexe. Par surcroît, nous croyons qu'il
existe une solution démocratique et équitable pour chaque citoyen
et cette recherche de solution n'exclut aucunement l'hypothèse d'une
fusion volontaire. Comme le problème dure depuis longtemps et que la
solution idéale n'est pas facile, celle qui est proposée par le
gouvernement doit faire l'objet du plus sérieux examen.
La situation déplorable dans laquelle se trouve la ville de
Hauterive n'est pas récente. Elle résulte plutôt de
l'accumulation d'une série d'événements qui existent
depuis une vingtaine d'années. Au début des années
soixante, Hydro-Québec entreprenait la construction de barrages
hydroélectriques. Répondant à une demande de la compagnie,
après que la ville de Baie-Comeau l'eût refusée, Hauterive
accepta d'aménager un développement résidentiel et un parc
de roulottes pour les travailleurs. Les valeurs imposables
d'Hydro-Québec étant situées dans les limites de la ville
de Hauterive, on prévoyait une nouvelle source de revenus.
En 1972, l'Assemblée nationale adoptait la loi 50 qui
décrétait que les quais et les aménagements
hydroélectriques n'étaient plus taxables, et ce,
rétroactivement. Ainsi, au moment où la ville de Hauterive
atteignait son taux d'endettement maximal, la nouvelle loi réduisait les
valeurs imposables de la ville de Hauterive de 66 000 000 $ à 43 000 000
$, ce qui entraînait une réduction de son pouvoir d'emprunt
maximal de 13 000 000 $ à 8 700 000 $.
Dans un mémoire que les autorités de la ville de Hauterive
présentaient au premier ministre en 1980, elles lui proposaient
certaines solutions afin de résoudre ce problème. Ces
hypothèses, je vais les énumérer: 1° La fusion entre
Baie-Comeau et Hauterive. Je cite la page du mémoire. "Quoique
conscients des avantages évidents d'une administration unique pour une
même collectivité, conscients de ces avantages, nous ne voulons en
aucune manière tenter quelque rapprochement tant que les esprits ne
seront pas prêts. Nous préférons plutôt avoir les
moyens de faire face à nos obligations, nous préférons un
partage équitable des moyens de financement." 2° L'abolition des
privilèges d'Hydro-Québec en redonnant à la ville le
pouvoir de taxer ses installations.
Hauterive, dans son mémoire présenté au premier
ministre du Québec, en 1980, au ministre des Affaires municipales et au
ministre et député représentant le comté de
Saguenay, tenait compte de ces demandes. Je continue: 3°
Qu'Hydro-Québec paie chaque année à la ville, pour
services rendus, 2 000 000 $ et que ce montant soit indexé. 4°
Qu'Hydro-Québec assume la dette de Hauterive. 5° La
régionalisation de la taxe industrielle et l'abolition des
privilèges de Manicouagan Power. 6° Une subvention gouvernementale
de 2 000 000 $ indexée jusqu'à ce que soit réglé le
problème.
À toutes fins utiles, ces propositions ont été
faites par la ville de Hauterive il y a à peine deux ans, même
pas, et aujourd'hui le gouvernement a un projet de loi forçant l'union
de ces deux municipalités - je dis bien "forçant" - alors que ce
même gouvernement refuse de prendre ses responsabilités et de
corriger une situation que le gouvernement ou que les gouvernements
antérieurs ont créée. C'est à ce gouvernement,
depuis 1976, de corriger cette situation qui a malheureusement
été créée à Hauterive. C'est la demande que
formulait, en 1980, la ville de Hauterive à ce même gouvernement
et au premier ministre du Québec, M. Lévesque.
M. le Président, dans ces six hypothèses de solution, on
parle de fusion mais les autorités de la ville ne privilégient
pas celle-ci. Elles préfèrent plutôt régler le
problème financier et non le faire endosser par leurs voisins. Alors
comment peut-on expliquer que le gouvernement péquiste, le
député ministre du Saguenay en tête, a l'idée de
présenter un tel projet de loi à caractère
antidémocratique alors que c'est le gouvernement qui a placé
Hauterive dans une telle situation et que la ville désire qu'il lui
remette les instruments nécessaires afin qu'elle puisse se doter d'une
base financière solide?
Mais le gouvernement, encore une fois, veut se défiler de ses
responsabilités et les faire assumer par la ville de Baie-Comeau sans
demander aux populations concernées ce qu'elles pensent de ce projet qui
risque d'hypothéquer lourdement leur avenir. Cette méthode
qu'utilise le gouvernement pour imposer une telle fusion est carrément
répréhensible. On implique obligatoirement des milliers de
citoyens de Baie-Comeau et de Hauterive sans leur demander ce qu'ils en
pensent.
Où sont-ils ces députés péquistes qui en
1974, lors du débat sur la loi 76, dénonçaient l'attitude
du gouvernement et rappelaient, avec toute l'émotion qu'on leur
connaît, de beaux grands principes? Où sont-ils ces
députés de l'Opposition d'alors? Nos ministres actuels de
l'Environnement, des Affaires intergouvernementales, de la Justice, du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche, l'ex-leader du gouvernement,
député de Saint-Jacques, le ministre de l'Environnement, qu'en
est-il de leurs paroles et de leurs principes d'alors, chacun d'entre eux
réclamant que toute modification de
municipalité, que toute fusion s'élabore après que
la population, informée des conséquences et des impacts d'un tel
projet, se soit prononcée lors d'une consultation populaire? Est-ce
qu'ils étaient sincères à l'époque, ou
leurraient-ils tout simplement la population?
Pour les péquistes, il semble qu'avec le temps les principes
disparaissent. Pourquoi fait-on fi des législations existantes pour
imposer une telle fusion? Le gouvernement agit unilatéralement. C'est
l'exemple que donne le premier ministre en imposant ses décisions
à ses militants.
M. le Président, ce que nous, de l'Opposition, demandons, c'est
qu'on procède à une étude complète des coûts
et aussi des impacts de la fusion avant de demander à la population, par
voie de consultation populaire, son avis sur ce projet de fusion. Comment le
ministre des Affaires municipales peut-il pousser l'imposition de ce projet
lorsque, dans un sondage effectué par la firme CROP, on démontre
que 86% de la population de l'ensemble des deux villes s'opposent à une
fusion forcée, et que 75% de cette population réclame un
référendum afin de pouvoir exprimer leur choix.
Peut-être viendra-t-il nous dire comme l'alléguait certains
"profusionnistes" lors de la commission parlementaire tenue en décembre
- que les mécanismes de la loi favorisant les regroupements municipaux
ne pouvaient être appliqués, car aucune discussion n'était
possible entre les deux villes et que le caractère volontaire de la
fusion n'existait pas.
Or, cet argument est inexact. Le 18 janvier dernier, six des huit
intervenants à la commission parlementaire se sont réunis. Je
tiens à mentionner que la ville de Hauterive était absente de
cette rencontre car elle avait refusé de s'y présenter. On a
établi un consensus à savoir que les deux municipalités
s'assoient à une même table et déterminent les coûts
réels de la fusion. (17 h 20)
J'aimerais ici faire une citation du député de Saguenay:
"Je sais que, tôt ou tard, il faudra envisager des possibilités de
fusion entre deux villes comme Baie-Comeau et Hauterive. Cependant, dans la
région, jamais nous n'accepterons que le gouvernement...
Une voix: Jamais.
M. Rocheleau: ... vienne nous imposer une fusion sans aucune
consultation, sans qu'il y ait au préalable référendum au
niveau de la population."
Une voix: II y en a eu, un référendum.
M. Rocheleau: Déclaration faite par le ministre...
Une voix: C'est épouvantable.
M. Rocheleau: ... du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et
député de Saguenay. Il en fait à peu près tous les
mois, des déclarations semblables. Cela dépend dans quelles
conditions il se trouve. Ces propos, comme je le mentionnais tantôt,
proviennent du député-ministre de Saguenay. La date de cette
première déclaration, décembre 1974, alors que, justement,
le gouvernement s'apprêtait à adopter le projet de loi no 98 et
que ce même projet de loi no 98 comportait des unités de
regroupement au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ainsi que dans l'Outaouais. Si
quelqu'un en a connu les conséquences, M. le Président, c'est
bien celui qui vous parle, car j'étais maire de la ville de Hull
à ce moment-là et nous avons connu une fusion comme d'autres
municipalités du Québec en ont connu. On se souviendra
qu'à ce moment-là le même député qui,
aujourd'hui, prône cette fusion forcée était celui qui se
battait pour empêcher toute fusion des deux municipalités de
Baie-Comeau et de Hauterive. Conclusion, M. le Président, le
problème du comté de Saguenay: son député et
ministre.
Or, ce même député de cette circonscription est le
parrain du projet de loi. C'est lui qui veut qu'on impose une fusion de ces
deux villes. Pourquoi celui qui dénonçait le gouvernement, celui
qui défendait des principes de liberté, agit-il aujourd'hui d'une
façon aussi antidémocratique? La ville de Baie-Comeau adopte une
résolution pour la formation d'un tel comité conjoint, tandis que
la ville de Hauterive accepte d'adhérer à ce comité
conjoint aux seules fins de trouver la meilleure façon d'intégrer
les corporations municipales. Baie-Comeau veut discuter, mais voilà que
c'est Hauterive qui refuse l'analyse globale. De plus, Hauterive veut que le
comité conjoint remette son rapport le 5 mars 1982. C'est vraiment
très peu de temps accordé à un comité pour estimer
les coûts et faire connaître à la population les
conséquences engendrées par la fusion.
Je tiens à préciser que, depuis ce temps-là, M. le
Président, les municipalités de Hauterive et de Baie-Comeau se
sont rencontrées toutes les semaines et se rencontrent encore
aujourd'hui pour traiter de la question de fusion entre ces deux
municipalités. Je répète, encore une fois, que j'aurais
cru que le gouvernement aurait retenu ce projet de loi dans le but de laisser
les deux municipalités se parler. Le gouvernement péquiste doit
accorder un délai ou tout simplement retirer ce projet de loi, car, si
on applique cette loi matraque, le climat social qui régnera dans les
deux villes sera tout simplement insoutenable. L'actuel vice-premier ministre
disait, en 1974: "Au Parti québécois, on s'est mis d'accord
dans
le programme pour favoriser le regroupement municipal, mais sur une base
volontaire. Cela est beaucoup moins facile que d'imposer des regroupements,
cela demande quelquefois des années d'efforts, d'études, de
commissions, de sondages, de référendums, c'est vrai, mais c'est
la seule façon de construire de manière durable".
Est-ce qu'on jette les uns sur les autres des gens qui se
méfient? Une certaine municipalité ayant des finances saines, la
voisine ayant des finances déficitaires -comme cela se voit presque
partout - quand on procède de la sorte on récolte la
tempête. Le gouvernement doit prendre l'initiative et
décréter des unités de regroupement, mais, de là
à laisser les populations de côté et à faire des
fusions par le truchement de manoeuvres politiques, il y a une marge. C'est
vous, messieurs du côté ministériel, qui avez fait ces
belles déclarations de la plus pure des démocraties au temps
où vous étiez dans l'Opposition. Aujourd'hui, le pouvoir vous a
attaqués comme il en a attaqué d'autres, peut-être pas pour
longtemps.
Pourquoi les ministres, députés de Labelle et de Saguenay,
n'écoutent-ils pas le vice-premier ministre car ils sont en train de
provoquer une terrible tempête par leur jeu politique? À quoi veut
en arriver le député de Saguenay? Quel mandat a-t-il pour
procéder de la sorte? Il déclarait, lors d'une entrevue
radiophonique en février 1981, ce qui n'est quand même pas
tellement loin des élections du 13 avril 1981: "Le gouvernement du
Québec a toujours respecté l'autonomie des municipalités
et même, contrairement encore à ce qu'a dit le maire de
Baie-Comeau, jamais Lucien Lessard n'a envisagé de forcer la ville de
Baie-Comeau, comme la ville de Hauterive, à se fusionner."
Une voix: Jamais!
M. Rocheleau: "Jamais ça n'a été dans mes
objectifs, et j'en fais mon deuil maintenant, étant donné la
décision du maire de Baie-Comeau, d'imposer quoi que ce soit au maire de
Baie-Comeau ou au maire de Hauterive." Février 1981, à la veille
des élections provinciales. Manque d'honnêteté envers les
citoyens du comté de Saguenay, M. le Président; on se camoufle
à l'intérieur de déclarations semblables pour se faire
élire par sa population et après venir la trahir.
En commission parlementaire, la semaine dernière, lorsque nous
écoutions les revendications des intervenants concernant le projet de
réforme de la Communauté urbaine de Montréal, le ministre
des Affaires municipales a déclaré qu'il fallait que tous les
gens à l'intérieur d'une communauté urbaine soient
très heureux. Pour nous, ce n'est pas seulement à
l'intérieur de la Communauté urbaine de Montréal que les
gens doivent se sentir heureux, c'est également à
l'intérieur de leur municipalité, au niveau de leur
collectivité locale.
Si vous continuez votre démarche comme nous le propose le projet
de loi, ce sont les citoyens qui ne seront pas heureux. Si le ministre Lessard
se désavoue lui-même, s'il ne respecte plus ses idées et
ses principes, comment peut-on le croire lorsqu'il dit que les citoyens de
Baie-Comeau ne subiront pas de hausse de taxes? Quelle assurance peut-il donner
aux citoyens, quel subterfuge emploiera-t-il pour expliquer, dans les mois qui
suivraient une éventuelle fusion, l'augmentation du compte de taxes des
contribuables, lorsqu'on sait qu'il existe déjà à ce
stade-ci des différences très importantes entre les coûts
prévus par la ville de Baie-Comeau et ceux prévus par le
ministère des Affaires municipales? (17 h 30)
Les ministres de ce gouvernement qui formaient l'Opposition alors qu'ils
étaient très peu nombreux, mais, il faut le dire, combien
combatifs, ne cessaient de parler de démocratie. Lorsqu'ils
débattaient de projets de fusion, la consultation devait toujours
être présente. Comment le ministre des Affaires municipales et le
député de Saguenay peuvent-ils tous les mettre en contradiction,
leur faire renier leurs principes? "Une fusion doit être
préparée. Il faut voir le problème grâce à
des études telles que ce que la loi 276 préconisait. Ces
études étant faites, il faut présenter à la
population des solutions et lui demander de voter sur ces solutions. Nous
disons oui au regroupement municipal à travers tout le Québec
selon le formule de la loi 276, mais non à une fusion forcée."
C'était le député de Lafontaine qui tenait ces propos dans
le temps. Possiblement qu'aujourd'hui, le pouvoir l'a affecté lui aussi,
à moins que, d'ici les prochains jours, il puisse tenter de convaincre
ses collègues des erreurs ou de l'erreur qu'ils sont en train de
commettre.
Il faut que nous ayons la conviction que la population accepte ce sur
quoi nous légiférons et pas seulement les dirigeants. Encore une
fois, si c'est si clair que ça, un référendum peut se
tenir très vite et, à ce moment, permettre une loi qui ne soit
pas coercitive. Nous sommes contre le principe de ce projet de loi parce qu'il
force la fusion, rend la fusion obligatoire sans consultation populaire. Je dis
bien populaire. Je ne dis pas consultation des maires, des ministres, des
députés, mais une véritable consultation par voie de
référendum. Mais que c'était beau dans le temps d'entendre
ces belles paroles de la part du gouvernement d'aujourd'hui alors que les
mêmes députés étaient dans l'Opposition! Que c'est
beau de voir un gouvernement changer ses orientations politiques d'une
façon aussi radicale! Que c'est drôle le pouvoir comme
ça peut changer des individus! Les paroles que nous disons
aujourd'hui en cette Chambre, M. le Président, je les fais miennes parce
que, la journée où nous prendrons le pouvoir, nous
défendrons les municipalités plutôt que de les forcer
à vivre ensemble et ça, le passé l'a bien dit, l'a bien
prouvé.
Nous allons sûrement, M. le Président, pouvoir y toucher
dans quelques instants. Dans l'attitude intransigeante et dictatoriale qu'il a
adoptée depuis le dépôt du projet de loi no 37, le
présent gouvernement a démontré que rien ne lui fait
changer d'idée, pas même la vérité, pas même
les faits nouveaux qui nous permettent aujourd'hui d'affirmer que tout ce
dossier est fondé sur de faux prétextes et qu'il cache des
objectifs qui sont probablement autres que le seul intérêt des
populations concernées et l'intention de rétablir une paix
sociale que les méthodes actuellement utilisées risquent de
détruire pour longtemps. Nous exigerons certainement du gouvernement
qu'il nous dise pourquoi il n'a jamais décrété une
unité de regroupement qui aurait forcé les deux conseils à
s'asseoir à une même table et à négocier par une
étude sérieuse l'élaboration d'un protocole d'entente,
d'une fusion éventuelle des villes de Baie-Comeau et de Hauterive.
S'il nous répond que c'est parce que ce n'est pas possible de
faire asseoir les deux conseils à une même table, nous serons en
mesure de lui démontrer que, depuis le dépôt du projet, et
je reviens encore là-dessus, depuis le dépôt du projet,
dis-je, M. le Président, cela a probablement servi à quelque
chose, mais, de là à continuer cette loi matraque, je pense qu'il
faudrait respecter les gens qui sont actuellement assis. C'est la ville de
Baie-Comeau qui a pris les initiatives en vue de faire une étude
sérieuse, que la ville de Hauterive elle-même a acceptée
avec réticence et à condition qu'elle se réalise dans un
délai de deux semaines. Deux semaines pour faire une étude
sérieuse. Elle menaçait la ville de Baie-Comeau d'en subir les
conséquences. Le greffier de Hauterive, dans sa lettre au conseil de
Baie-Comeau, le 17 février 1982, proférait-il ses menaces au nom
du gouvernement, du conseil de Hauterive ou du député-ministre du
comté?
S'il nous répond qu'il a préféré une fusion
négociée entre deux maires et un député-ministre
sans aucune consultation des populations concernées, nous lui ferons
valoir que c'est une façon inacceptable de mettre de côté
les populations, comme l'affirmaient avec tant de détermination les
membres du Parti québécois, alors qu'ils étaient dans
l'Opposition. Nous exigerons aussi du gouvernement qu'il nous dise, à la
suite de la lettre qu'il a reçue de l'Union des municipalités du
Québec qui, après avoir reçu des délégations
de Baie-Comeau et de Hauterive et analysé tous les
éléments du dossier de la fusion de Baie-Comeau-Hauterive, a
adopté une position semblable à celle de la ville de Baie-Comeau,
pourquoi il s'entête à vouloir à tout prix "bulldozer",
comme le disait le premier ministre à l'Assemblée nationale le 17
décembre, le projet de fusion selon sa façon à lui de
régler le problème?
S'il nous répond que le cas de Baie-Comeau et de Hauterive est un
cas d'exception, nous pourrons certainement lui rappeler que ce n'est pas la
ville de Baie-Comeau qui a créé la situation financière
actuelle de Hauterive et qu'il existe de nombreuses autres
agglomérations comparables au Québec qu'il connaît
très bien et qui peuvent continuer à vivre à
l'intérieur de plusieurs unités locales distinctes, même
avec un niveau d'interdépendance de beaucoup supérieur à
celui de Baie-Comeau et de Hauterive dont les deux agglomérations sont
séparées par une zone boisée et non urbanisée de
plus de six kilomètres.
S'il nous répond que la fusion forcée est une
nécessité économique voulue par la majorité, comme
l'affirmait le ministre des Affaires municipales au journaliste de la Presse,
M. Florian Bernard, et dont les propos ont été rapportés
dans l'édition du samedi 20 février, nous lui répondrons
que les résultats d'un sondage effectué récemment par la
maison CROP démontrent qu'à peine 13,5% des populations des deux
villes endosseraient le principe d'une fusion forcée.
S'il nous répond que la fusion volontaire serait impossible s'il
y avait eu un référendum, nous lui répondrons que, selon
les résultats du même sondage, la majorité de la population
serait d'accord avec le principe d'une fusion volontaire et qu'elle aurait
voté en faveur.
S'il nous répond que le gouvernement a suffisamment
consulté les populations concernées avant de prendre sa
décision, nous lui répondrons que les résultats du sondage
effectué par la maison CROP démontrent que 70% des
répondants des deux villes estiment que le gouvernement a peu ou pas du
tout consulté les gens concernés avant le dépôt de
son projet de loi et que 80,5% estiment que le gouvernement devrait toujours
consulter les citoyens avant de procéder à une fusion.
L'Opposition péquiste a défendu, en 1974, la position que
défend, depuis le dépôt du projet de loi 37, la ville de
Baie-Comeau. La presque totalité des citoyens ont officiellement
endossé cette position. L'Union des municipalités a
endossé la position de la ville de Baie-Comeau. Enfin, les
résultats du récent sondage CROP démontrent que cette
position est partagée par la majorité des
citoyens des deux villes. (17 h 40)
Nous exigerons aussi du gouvernement qu'il nous dise pourquoi il a
affirmé, lors du dépôt du projet de loi 37, qu'il n'y
aurait pas d'augmentation de taxes à Baie-Comeau et que, cinq semaines
plus tard, il ajoutait 1 300 000 $ à sa subvention originale en
confirmant qu'effectivement, il y aurait des augmentations de taxes. S'il nous
répond que c'est parce qu'il s'était trompé dans ses
calculs, nous lui démontrerons qu'il s'est trompé encore plus
qu'il ne veut bien le laisser croire parce qu'il n'a pas tenu compte d'un
coût annuel additionnel de 1 000 000 $ applicable au service de la dette,
qui n'apparaissait pas dans le budget de Hauterive pour l'année 1982, et
qu'il n'a considéré aucun coût d'intégration.
Même si toutes les fusions réalisées ont mis en
évidence ces coûts, il a été démontré
par des études effectuées pour le compte de la ville de
Baie-Comeau que, malgré des subventions importantes, la somme des taxes
imposées aux contribuables a progressé beaucoup plus rapidement
dans les villes fusionnées que dans d'autres villes de population
comparable.
S'il nous répond qu'il a encore d'autres subventions à
proposer et que cela était prévu au moment du dépôt
du projet de loi no 37, nous lui demanderons certainement de nous expliquer
pourquoi il a voulu tromper tout le monde en tentant de faire adopter son
projet de loi avec une subvention de 700 000 $ répartie sur cinq ans,
alors que les chiffres qui nous sont fournis nous indiquent que, pour maintenir
un taux concurrentiel de taxation, il faudrait ajouter à la subvention
additionnelle de 1 300 000 $ d'autres subventions annuelles de plusieurs
millions de dollars.
De plus, nous exigerons du gouvernement de nous indiquer comment il
concilie sa notion de paradis fiscal pour la ville de Baie-Comeau, dont le taux
de la taxe foncière est de 1,95 $ les 100 $ d'évaluation, avec la
ville de Bécancour dont le taux de la taxe foncière est de 1,45 $
les 100 $ d'évaluation et où le gouvernement tente d'implanter,
dans un parc industriel qui lui appartient, une aluminerie concurrente de
plusieurs centaines de millions de dollars.
En passant, M. le Président, est-ce qu'on tient compte, selon le
Devoir de ce matin, de l'appréhension de la Reynolds qui se dit fort
préoccupée du climat social que peut provoquer cette fusion
forcée entre les municipalités de Baie-Comeau et de Hauterive?
Est-ce que le gouvernement du Québec tient compte du fait que le
vice-président en a informé le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme? Est-ce que le ministre et député de
Saguenay tient compte du fait qu'il met possiblement en péril cette
possibilité d'expansion de la
Reynolds à Baie-Comeau, alors que c'est le vice-président
lui-même qui l'a annoncé? Je comprends que le
député-ministre est tellement embaumé par son projet de
loi qu'il oublie, aujourd'hui, les conséquences désastreuses
qu'il peut créer éventuellement de par son entêtement.
Nous exigerons aussi du ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche qu'il nous indique si c'est toujours la volonté de M.
Gérard Lefrançois, ancien journaliste de la Côte-Nord, de
procéder à une fusion forcée des deux villes, puisque le
ministre a longuement cité M. Lefrançois pour justifier son
projet de loi? S'il nous répond oui, nous lui rappellerons une
déclaration récente de M. Lefrançois au cours d'une
réunion à laquelle assistait le ministre, à l'occasion de
la désignation du maire de Baie-Comeau, M. Henry Leonard, comme
personnalité de l'année 1981 pour l'ensemble de la région.
M. Lefrançois se serait alors indigné du sens qu'on avait
donné à ses propos en déclarant que jamais il n'aurait
proposé une fusion forcée et sans une étude
préalable de toutes les implications et de tous les coûts. C'est
cela que M. Lefrançois a dit, finalement, M. le député et
ministre.
Ce projet de loi no 37, à cause des faux prétextes qui en
auraient justifié le dépôt, des méthodes
inadmissibles qui en ont entouré la rédaction, des tractations
contradictoires qui en ont démontré le peu de sérieux et
de l'entêtement avec lequel le gouvernement persiste à vouloir le
faire adopter coûte que coûte et sans étude et consultation
populaire, est devenu une véritable farce. Aujourd'hui, nous avons la
preuve que ce n'est pas la ville de Baie-Comeau qui agit de façon
égoïste en ne voulant protéger que ses intérêts
puisqu'elle a tout mis en oeuvre pour que les deux populations puissent enfin
savoir ce qui se produira après la fusion et dans quel contexte
financier la nouvelle ville sera appelée à évoluer.
La balle est dans le camp de la ville de Hauterive, elle est aussi dans
le camp du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et du
gouvernement. S'il y a mesquinerie depuis le dépôt du projet de
loi no 37, c'est certainement dans ce camp que nous la retrouverons.
Déposer un projet de loi peut constituer une erreur. Une telle erreur
peut se produire, même pour le gouvernement du Parti
québécois. Cependant, lorsqu'un gouvernement continue de vouloir
à tout prix faire adopter un tel projet de loi, même lorsqu'il
réalise que s'il avait agi logiquement et selon la législation en
vigueur, un tel projet de loi n'aurait jamais vu le jour, c'est de
l'irresponsabilité en plus d'une négation totale des principes
démocratiques qu'il a si chèrement défendus, de ses
attitudes et des opinions exprimées par les populations des deux villes
et
confirmées par un récent sondage CROP.
Vous comprendrez sans aucun doute, dans les circonstances, notre
volonté ferme de nous opposer au principe même du projet de loi no
37 et de son adoption éventuelle. Nous avons l'intention de lutter
jusqu'à la limite du possible, parce que nous avons la conviction
profonde que les deux populations ont été trompées et
qu'elles auraient à payer un prix exorbitant et qui risquerait
même de mettre en péril l'économie de la région.
C'est une fusion qui pourrait être réalisée de façon
volontaire, mais qui ne semble avoir pour but, pour le moment, que de permettre
au gouvernement de se définir devant sa responsabilité, de
rétablir la situation financière de la ville de Hauterive, qu'il
a lui-même aidé à créer en permettant, dans une
période de six ans, d'accroître sa dette de plus de 250% pour
atteindre un niveau incomparable pour une municipalité de cette taille.
Cela, c'est vous qui l'avez permis depuis les six dernières
années. C'est vous qui étiez là. Vous êtes un des
responsables, M. le ministre des Affaires municipales. Aujourd'hui, vous
manquez à vos responsabilités.
Vous comprendrez aussi que nous ne pourrons permettre qu'un tel projet
soit adopté pour régler sur le dos de l'ensemble des citoyens des
deux villes des problèmes urgents et qui ne peuvent être
imputés à l'existence de la ville de Baie-Comeau. Même si
le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a
déclaré qu'il n'est pas un futurologue et qu'il n'a pas à
se pencher sur les problèmes qu'affrontera la nouvelle ville, nous
tenons à lui rappeler, immédiatement, que ce que son projet de
loi no 37 voulait régler, c'est l'avenir. Nous ne pourrons lui permettre
de régler d'une façon aussi cavalière et aussi
inéquitable pour l'ensemble de la région, cet avenir qui
s'annonçait prometteur jusqu'au dépôt du projet de loi no
37.
Je voudrais aussi qu'on se permette de faire un petit retour en
arrière, alors que le ministre des Affaires municipales tantôt
nous parlait de la loi 276, fusion volontaire adoptée en 1971; du projet
de loi no 98 décrétant des unités de regroupement, le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'Outaouais, adopté en 1974, alors que
l'Opposition du temps, le gouvernement d'aujourd'hui, ces mêmes
ministres, ceux qui étaient là dans le temps ont voté
contre. Ils étaient contre les fusions parce qu'ils voulaient à
tout prix consulter la population. (17 h 50)
Le "défusage" de Buckingham, comme le disait si bien le maire de
Buckingham, M. Reginal Scullion. Le "défusage" qui a été
fait, ce dégroupement, par ce même gouvernement... J'aimerais ici
vous citer certaines déclarations du ministre des Affaires municipales
du temps, M. Guy
Tardif, député de Crémazie, sur ce qui a
amené le gouvernement à "défuser" Buckingham: "Les
critères qui nous ont guidés étaient essentiellement les
suivants: premièrement, le respect du sentiment d'appartenance aux
groupements locaux. Deuxièmement, la maximisation de la participation
décisionnelle des citoyens." Je vous ferai remarquer, encore une fois,
que c'était déjà constitué en groupes de pression
auprès du conseil de ville de Buckingham. Comme c'est actuellement le
cas à Baie-Comeau et à Hauterive, il n'y avait pas de
comité de citoyens, il n'y avait pas d'association de chambres de
commerce qui ont fait des pressions. Aujourd'hui, ces mêmes gens, ont
demandé aux deux municipalités de s'asseoir à une
même table, les ont réunies; ces deux municipalités se
parlent et vous continuez avec votre loi matraque. Impensable, impossible.
"Troisièmement", ce que disait dans le temps le ministre des Affaires
municipales, M. Guy Tardif, "la police montée" du temps, on s'en
souvient tout le monde - dans ce temps-là, ça fonctionnait comme
cela; pourtant, il semblait avoir un coeur d'or parce qu'il a accepté de
dégrouper des gens qui ne voulaient pas vivre ensemble. Dans son
troisième paragraphe, il parle de valoriser l'apport actif des citoyens.
Lorsqu'un groupe de citoyens décident de se prendre en main, comme vous
le chantez tous les jours, il faut se prendre en main... Actuellement, les gens
de Baie-Comeau et de Hauterive se sont pris en main. Laissez-les donc
tranquilles. Laissez-les donc résoudre leurs problèmes.
Laissez-les donc trouver la solution aux problèmes qu'ils ont et
n'essayez donc pas d'imposer, par une loi aussi arbitraire, une fusion
forcée qui ne corrigera jamais le climat social. Vous allez davantage le
détruire. Ce sera une des responsabilités du ministre et
député de Saguenay. C'est lui qui aura à vivre les
conséquences du climat social, de la détérioration qui
continue de se faire, si ce n'est déjà fait.
En tout cas, il y a une chose certaine qu'on nous rapporte. Même
si on n'est pas résident du Saguenay, on doit s'occuper des
problèmes de tout le monde. Surtout quand un gouvernement pose des
gestes aussi arbitraires, je pense qu'il faut aller défendre toutes les
populations et aussi aller les défendre contre des stupidités de
leur représentant de comté. On nous apprend que le ministre se
cache pas mal de ce temps-ci. On nous apprend que le ministre, on ne le voit
plus sur les pentes de ski.
Une voix: II voyage en avion.
M. Rocheleau: On nous apprend que le ministre passe par la porte
arrière de son bureau parce que les foules de 500 à 400 personnes
en avant, il en a peur. On apprend
que le ministre a souvent besoin de la police provinciale parce qu'il
semble nerveux depuis quelque temps. C'est cela le climat social qu'on est en
train de créer à Baie-Comeau-Hauterive. C'est cela
malheureusement.
Enfin, voici ce que disait le ministre des Affaires municipales de
l'époque: "Un des déterminants les plus importants, la
volonté populaire telle que manifestée à l'occasion du
référendum." Mais avez-vous peur de permettre à cette
population de Baie-Comeau-Hauterive d'être consultée par
référendum? Cela n'a pas d'importance, M. le ministre. Avez-vous
peur de la consulter? Avez-vous peur de piler un peu sur votre orgueil et
d'aller consulter les citoyens? Qu'est-ce qu'on veut faire au Québec
à l'avenir? Est-ce la matraque qu'on veut passer à tout le monde?
Non, M. le Président. Je me souviens de la loi no 98 qui
décrétait des unités de regroupement dans l'Outaouais et
du maire de Hull...
M. Lessard: Est-ce que le député peut me permettre
une question?
M. Rocheleau: ... qui mentionnait, à l'époque, que
le regroupement...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le ministre et député de Saguenay.
M. Lessard: ... en vertu de l'article 100?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que vous permettez
une question?
M. Rocheleau: Si ça peut éclairer le ministre et
député de Saguenay, je lui permettrai sûrement une question
pour autant que ce ne soit pas sur mon temps.
M. Lessard: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.
M. Lessard: ... le député parle d'un
référendum. Est-ce qu'il pourrait me dire s'il serait prêt
à accepter un référendum entre les deux villes, où
la majorité serait prise au niveau des deux villes? Est-ce que le
député est prêt à accepter une telle
proposition?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Hull, à la question du ministre.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. D'une part, je
voudrais informer le député et ministre du Saguenay que si,
à la suite du rapport que devront soumettre les deux conseils
municipaux, une étude est faite de façon sérieuse, en
tenant compte de l'ensemble de la problématique et que, par la suite,
les deux conseils ensemble, avec une volonté de se fusionner,
décident de consulter leur population dans un référendum,
en tenant compte des deux municipalités et de cette population dans ces
deux municipalités, ce sera à eux autres de le décider, M.
le Président. C'est à eux d'en décider.
On ne peut pas aujourd'hui essayer de nous encarcaner et de nous faire
déroger d'une orientation, d'une philosophie à laquelle on tient.
Vous êtes en train de voler la liberté des individus, messieurs.
C'est ça que vous faites, en empêchant les gens de se prononcer
sur une fusion en tenant compte du fait qu'ils devront en examiner les
avantages et les désavantages. Si des problèmes ont
été créés par le gouvernement ou les gouvernements
antérieurs, incluant les libéraux entre 1970 et 1976, ça
ne veut pas dire qu'aujourd'hui ces citoyens de Baie-Comeau et de Hauterive
doivent être pénalisés en ne leur permettant pas de
décider de leur sort.
C'est le nouveau ministre des Affaires municipales qui a fait passer le
projet de loi no 125, ça ne fait pas longtemps. C'est tout nouveau.
C'est encore chaud, la loi 125. Qu'est-ce que le ministre des Affaires
municipales, député du comté de Labelle, disait, lui, le
complice du député du Saguenay-Lac-Saint-Jean, lors du
débat en deuxième lecture, en juin 1979, sur le projet de loi no
125? "Deuxièmement - c'est le nouveau ministre des Affaires municipales
qui parle - le gouvernement ne créera pas de nouvelles structures
locales, ni n'entend détruire celles qui existent déjà.
C'est pourquoi il n'y aura pas de fusion forcée
décrétée par une loi".
Cela ne fait quand même pas bien longtemps. C'est à
l'intérieur d'une loi qu'il a fait approuver, je veux dire la loi 125,
la Loi sur l'aménagement du territoire. On est plongé droit
dedans. Il y a une loi importante, on y souscrit et on trouve que cela tient
quand même à la loi 125. Mais il y a quelque chose qu'il faut que
je vous conte. Dans une municipalité, tenant compte de la loi 125, comme
tenant compte de la loi sur un changement de zonage, dans un petit
quadrilatère de maisons, si on veut changer le zonage pour y permettre
une densité supérieure, il faut consulter les gens du milieu. On
ne peut pas leur imposer un zonage qui va permettre des triplex, quadruplex,
des multiples. Il faut consulter les gens du milieu.
C'est le ministre des Affaires municipales d'aujourd'hui qui nous a
pondu cette loi qui est difficile à appliquer, parce qu'il faut envoyer
une lettre à tous les citoyens d'un quadrilatère
déterminé, il faut les informer en première et en
deuxième lecture, il faut donner un avis au conseil, il faut que les
gens viennent consulter. La grande
démocratie dans le monde municipal, ce n'est pas croyable! Moi,
je m'attendais de venir a l'Assemblée nationale du Québec et que
ceux qui prêchent la démocratie seraient normalement ceux qui
devraient la pratiquer. Je suis ici et je suis pratiquement gêné
de l'attitude de ce gouvernement qui se veut gouvernement
social-démocrate. C'est absolument incroyable, M. le Président,
de penser que ce gouvernement, aujourd'hui va imposer par une loi matraque un
regroupement forcé. Vous êtes inquiet, M. le Président? (18
heures)
Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, il est 18 heures.
Est-ce que je pourrais avoir le consentement de cette Chambre pour que vous
terminiez?
M. Rocheleau: J'ai encore six minutes. Des voix: Oh, non!
M. Rocheleau: Je comprends, M. le Président, que,
même si tous les députés ne sont pas ici, j'aurais
souhaité que tous les membres soient dans cette Assemblée
nationale, alors que nous aurions discuté du projet de loi 37, à
commencer par tous les côtés, mais bien plus vous autres, parce
que c'est vous autres qui avez amené ce projet de loi matraque. Ce n'est
pas nous. Nous sommes ici pour défendre ce projet de loi. Mais il y a
une chose, M. le Président, que je tiens à souligner. C'est que
vous tous, du côté ministériel, vous représentez des
municipalités du Québec. Vous êtes les mandataires de vos
commettants à l'Assemblée nationale. Vous n'êtes pas
élus pour imposer vos volontés, pour imposer vos caprices.
Actuellement, s'il y a une guerre qui existe entre Baie-Comeau et Hauterive,
s'il y a une guerre qui existe entre le maire de Baie-Comeau et le
député de Saguenay, cela ne doit pas se faire sur le dos de la
population. Le gouvernement ne doit pas prendre les pouvoirs que lui
confère cette Assemblée pour permettre à une population de
se détruire encore plus qu'elle ne l'est actuellement.
M. le Président, nous pourrions encore en parler très
longtemps, mais il reste un point assez important. En quelques minutes, nous
allons y toucher. Quand on parle de faire, une fusion, un regroupement, une
annexion, il faut quand même tenir compte de certains facteurs. Je
comprends que le député-ministre de Saguenay n'a jamais
été maire ni conseiller d'une municipalité. Il ne
connaît pas cela. Le ministre des Affaires municipales non plus. Ses
orientations professionnelles de comptable ne lui ont jamais permis
d'être tellement près d'un gouvernement local qui est près
de la population, mais je me permets de vous le dire. Décréter un
regroupement, une fusion, cela commande une étude. On ne peut pas
seulement arriver et imposer, pif! pif! pif!, à deux
municipalités d'aller vivre ensemble; trois coups de cloche, un petit
coup de baguette et tout le monde est heureux. C'est de la folie furieuse.
C'est de la maladie collective. M. le ministre, vous ne pouvez pas vous
permettre d'imposer cela. Vous ne pouvez pas. Cela va à l'encontre des
orientations, premièrement, de votre parti. Cela va à l'encontre
de la population qui vous a élu. Vous le savez; en commission
parlementaire, il y en a qui vous l'ont dit, vos partisans, les gens qui ont
voté pour le Parti québécois. Ce n'est pas une question
d'être péquistes ou rouges, c'est une question de
démocratie, c'est une question de permettre aux gens d'être
consultés et de décider. Pas de fusion sans
référendum. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de fusion,
cela veut dire de donner une chance aux gens de s'exprimer volontairement et de
décider, une fois qu'ils auront déterminé... Ce n'est pas
vous le président, M. Laplante, le président est là-bas.
Vous étiez calme tantôt, rendormez-vous! Rendormez-vous!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député.
M. Rocheleau: Je vais clore là-dessus, M. le
Président, en demandant une autre fois au député et
ministre du Saguenay de considérer une chose, c'est qu'actuellement les
municipalités sont assises à une même table et sont
à faire une étude du problème.
Qu'il ne me dise pas non, M. le Président, je sais que le
député tente de défaire ce comité à tout
prix. Je sais qu'il tente de le disperser et d'enlever les intervenants. Je le
sais, on va vous le prouver. M. le ministre, ne mentez pas. Vous avez
déjà menti à votre population, ne continuez pas. Ce n'est
pas bien cela.
M. Lessard: Je soulève une question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche.
M. Lessard: J'aurai l'occasion, M. le Président, au cours
de ce débat, d'expliquer un certain nombre de choses, en particulier,
d'expliquer le type d'étude qui se fait actuellement. Je constate que le
député de Hull est dans les patates actuellement. J'aurai
l'occasion de lui expliquer pourquoi il est dans les patates. Comme vous le
dites...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège.
M. Lessard: Je n'ai jamais menti à ma population, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M.
le député de Hull.
M. Rocheleau: M. le Président, il me reste exactement une
minute. Ce sera à votre population de vous juger, mais j'espère
que cela ne sera pas trop tard, M. le député et ministre. Il
reste une chose, quand on parle d'un regroupement, il faut parler de
planification, de cueillette des données, d'analyse et de
synthèse, des services: police, pompiers, regroupement des services et
tout cela, il faut parler des plans d'intégration, de
l'évaluation des coûts, du budget proforma, il faut parler de vos
responsabilités et des subventions que vous allez avoir à cracher
là-dedans, il faut parler des révisions, des négociations;
il faut tenir compte de tout cela. Une fois que c'est fait, M. le ministre, et
que les gens savent sur quoi ils se prononcent, que la consultation soit
permise, qu'un référendum ait lieu. N'ayez donc pas peur! Les
gens du Saguenay Lac-Saint-Jean et de Baie-Comeau-Hauterive sont probablement
bien plus intelligents que vous, M. le ministre.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député de Groulx demande la suspension des débats. Nos
travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 07)
(Reprise de la séance à 20 h 05)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
La parole est au député de Groulx.
M. Élie Fallu
M. Fallu: M. le Président, nous sommes devant un
problème de division forcée et non pas de fusion. Ce que nous
vivons, c'est le résultat d'un quiproquo historique. Qu'on le veuille ou
non, il faut le rappeler. Cependant, nous sommes, je crois, d'un
côté et de l'autre de la Chambre, d'accord sur l'utilité du
regroupement; nous sommes d'accord, de part et d'autre, pour qu'il y ait
fusion, annexion. Qu'importent les termes, nous sommes d'accord. Ce qui nous
éloigne provisoirement, c'est la méthode. Nous en reparlerons
tout à l'heure et vous verrez qu'encore là nous serons
très facilement d'accord.
M. le Président, je ne veux pas refaire l'histoire, elle a
été refaite par le ministre des Affaires municipales tout
à l'heure. Je veux toutefois rappeler aux parlementaires et à
toute la population à quel point la nécessité de cette
fusion, de ce regroupement s'impose depuis longtemps. Je referai plutôt
l'histoire des rapports. Puisqu'on a dit qu'on manquait de rapports, on va
faire cette histoire des rapports.
Commençons en 1963. Le rapport d'Henri Mhun proposait: "La
position d'une ville dortoir n'est pas économiquement saine." Vous aurez
compris tout de suite qu'il s'agissait de Hauterive. "Elle place
l'activité d'une agglomération sous la dépendance
étroite de celle d'une ville voisine. Le sort de l'une est lié
à celui de l'autre. Pour éviter les risques que comporte cette
situation, la logique exigerait que les deux villes n'en forment plus qu'une,
qu'elles se fusionnent." C'était en 1963. L'évidence était
là.
En 1967, le mémoire de la jeune chambre de commerce disait: "La
présence d'un seul conseil municipal dirigeant les destinées de
l'ensemble de nos deux villes éliminerait sans aucun doute les retards
et les tiraillements qui ont été notre lot au cours des
dernières années. Il nous est également permis de penser
qu'un seul conseil municipal aurait plus de chance d'attirer dans la
région les industries secondaires nécessaires au maintien et
à l'amélioration de notre économie."
La jeune chambre, ce sont des gens de Baie-Comeau et de Hauterive. En
1970, le rapport "Demain", un mémoire sur le regroupement des villes de
Baie-Comeau et de Hauterive, disait à la page 14: "Les deux
administrations municipales nous apparaissent comme une division politique
artificielle au sein d'une communauté sociale réelle". Et on lit
à la page 109: "Qu'il revête la forme d'une fusion ou d'une
annexion, le regroupement municipal constitue l'objectif qu'il faut atteindre
le plus rapidement possible. Nous souhaitons une fusion volontaire mais nous
préférerions encore l'annexion au statu quo". C'était
presque un cri de désespoir et cela était, je le rappelle, en
1970.
Le rapport "Price Waterhouse" - Nous sommes en 1971 - dit en traduction,
à la page 85: "La fusion des villes n'assure pas automatiquement la
réalisation des économies. Seule la volonté des
administrateurs municipaux permettra de faire que ces économies se
concrétisent dans la réalité."
Nous sommes rendus en 1976 et au rapport Major et Martin. Permettez-moi
de lire deux de ses recommandations: "Que la fusion des deux villes s'effectue
dans les plus brefs délais, car il s'agit d'une condition essentielle au
développement de la région". La seconde dit: "La fusion
éviterait la concurrence inutile sur le plan industriel au niveau des
règlements de zonage industriel ainsi que du dédoublement des
institutions".
M. le Président, ce n'est pas le ministre, ce n'est pas l'adjoint
parlementaire, ce ne sont pas des péquistes, ce ne sont pas
des libéraux, ce sont, d'une part, des citoyens du lieu, ce sont,
d'autre part, des gens venus de l'extérieur examiner la situation d'un
oeil neutre. Le problème est réel, le problème est
visible.
Évidemment, on pourra nous reprocher -on n'a pas manqué de
le faire déjà - ce qui apparaît être une certaine
contradiction entre des positions antérieures, y compris celles du
programme même du Parti québécois, et le geste que nous
demandons à l'Assemblée nationale de poser. Il est un fait - je
suis très fier de l'hommage que nos collègues d'en face ont rendu
à l'action ministérielle depuis six ans et je les en remercie
profondément - que l'action gouvernementale depuis six ans a
été dans le sens de la responsabilisation des communautés
locales. Ils n'ont pas trop détaillé, évidemment, ces bons
coups. Vous me permettrez simplement de rappeler comment, dans les projets de
loi, nous avons été respectueux des communautés locales,
comment nous avons tenté de leur donner une autonomie encore plus grande
par la décentralisation, par toute une série de lois, par la
modernisation du Code municipal, par la Loi sur les cités et villes ou
encore par un certain nombre de lois privées, de chartes de
municipalités, par la réforme de la fiscalité municipale
qui a assuré aux municipalités la presque pleine
indépendance fiscale.
Les municipalités au Québec - on en avait le
témoignage aujourd'hui un peu avant la période des questions,
à l'occasion d'une déclaration ministérielle - sont plus
autonomes que le gouvernement du Québec lui-même sur le plan
fiscal. Elles contrôlent en moyenne 95% ou près de 95% de leur
fiscalité alors que ce gouvernement, cette Chambre, n'en contrôle
même pas 75%. Cela a été fait par la loi no 125, par la
création des MRC après consultation auprès de la
population où, volontairement, spontanément, les citoyens, par la
voix de leurs élus, ont défini leur territoire d'appartenance.
Maintenant, elles vont faire l'aménagement, un nouveau pouvoir qui leur
est donné d'une façon expresse par la loi no 125.
Que dire, M. le Président, des mesures que nous avons prises dans
le domaine de la démocratie municipale? Que dire également du
dégroupement, du déclubage, comme certains l'ont appelé,
de l'agglomération de Buckingham? Tous les gestes que nous avons
posés allaient dans le sens de la responsabilisation des
municipalités.
Toutefois, nous posons un geste aujourd'hui.
M. le Président, j'aimerais d'abord vous dire en quoi ces gens de
l'autre côté vivent en parfaite contradiction avec ce qu'ils ont
toujours vécu. Je vous en donnerai un exemple. J'ai ici un passage de la
loi 88 de 1974. C'est eux qui étaient au pouvoir. Qu'est-ce qu'on y
trouve? À l'article 2,
Kénogami y passe avec Arvida, avec la paroisse Saint-Dominique,
avec Jonquière. Et puis on se promène à l'article 6 et,
à compter du 1er janvier 1976, les libéraux
décrétaient que les habitants et contribuables des territoires
des villes de Port-Alfred, de la paroisse de Bagotville et de la
municipalité de la Grande-Baie, forment -c'est eux qui
décrétaient - une corporation de ville sous le nom de La Baie. Et
en effeuillant comme ça, et pas très loin, on passe à
l'article 12. À l'article 12, de ces mêmes libéraux, on
trouve qu'à partir du 1er janvier 1978, c'est le tour de
Jonquière et Chicoutimi. Et si on effeuille encore, on s'en va dans
l'Outaouais, on a Buckingham, on a Lucerne, et je ne sais trop quoi, 80
municipalités.
Et ce même Parti libéral aujourd'hui vient tenter de faire
la leçon au Parti québécois, maintenant qu'il forme le
pouvoir, en nous disant: Ce que vous faites n'est pas correct parce qu'il
s'agit d'une fusion forcée. De quoi s'autorisent-ils pour faire la
leçon à quelqu'un? Je vous le confirme, M. le Président,
si nous posons un geste aujourd'hui, ce n'est pas en contradiction avec ce que
nous avons fait, c'est en fonction de l'utilité publique.
Vous me permettrez de citer, sans que je ne l'approuve
complètement néanmoins un texte d'un ministre
décédé dans des circonstances tragiques, qui disait, en
1965: "Quant au regroupement municipal - après avoir parlé de
l'autonomie municipale, il va sans dire - c'est bien autre chose. C'est
purement une question de géographie, de services. Cela ne met pas en
cause l'autonomie, ça met en cause la géographie, ça met
en cause les services, l'efficacité. Une municipalité -
déclarait M. Laporte -n'est pas libre de battre en brèche la
notion primordiale de bien commun." Je suis un peu moins d'accord sur le
dernier passage mais, néanmoins, je suis d'accord avec l'esprit. Il
s'agit de bien commun, en effet, il s'agit d'utilité, il s'agit de faire
en sorte que la géographie trouve ses droits et privilèges, de
faire en sorte que les services... Les services, M. le Président, vous
en savez quelque chose, vous étiez ici, sur ces banquettes, au moment
où il a été tellement question à l'époque,
en 1977 et en 1978, de la construction d'un hôpital, vous savez fort bien
qu'il y a redoublement de services.
Pour ne pas consolider, finalement, l'hôpital de Baie-Comeau est
devenu une sorte de centre d'accueil alors que l'hôpital de soins de
première ligne s'est installé a Hauterive. Sur leur territoire,
c'en est rempli, de ces exemples de redoublement et de redoublement municipal,
notamment, puisque ces deux communautés sont, à toutes fins
utiles, rivales historiquement parce que, dès que le problème a
été posé, il n'a pas été résolu.
On nous dit, de l'autre côté, qu'on n'a qu'à
suspendre l'étude de la loi. Je vois déjà venir une motion
- l'une des deux qu'on puisse faire en deuxième lecture - de report
à six mois, à huit mois, à neuf mois, à un an, le
maximum, d'ailleurs. On la voit venir, la motion de report. De toute
façon, c'est leur esprit: Ne pas prendre de décision et reporter
les choses.
Pourquoi donc faudrait-il reporter? Parce que, nous disent-ils, il y a
maintenant un comité qui travaille. Forcément, il y a un
comité qui travaille; la loi 37 est sur la table et, dans un mois et
demi, elle sera adoptée. Il faut enclencher le processus qui va suivre
cette loi. Il est évident que ces gens ne sont pas bêtes, ils
connaissent la volonté gouvernementale, ils savent d'autant plus qu'il y
a une majorité qui fera qu'elle sera adoptée.
Ce comité, on ne nous a pas encore dit que c'était un
comité qui avait été généreusement mis sur
pied pour régler les vrais problèmes, c'est-à-dire pour
analyser les conditions de la fusion et le faire de bonne grâce, dans le
meilleur intérêt négocié des parties. Il ne s'agit
pas d'un tel comité, à moins qu'on ne nous le démontre.
(20 h 20)
M. le Président, quelles conclusions pourrait tirer un tel
comité? Qu'il faudrait arriver à une fusion volontaire? Mais
sachez que s'ils arrivent à une fusion volontaire, ce que leur
suggèrent les libéraux, c'est de perdre 1 300 000 $. Mais c'est
ça que vous voulez? Vous voulez que, par une fusion volontaire, on
enlève 1 300 000 $ aux citoyens de Baie-Comeau et de Hauterive? C'est
très intelligent.
Ce que nous leur offrons, c'est un cadre de fusion avec 1 300 000 $ de
supplément. Alors, ils ont tout le temps entre-temps, au moment du
débat en deuxième lecture, qui risque de durer peut-être
quelques heures, du moins jusqu'à 22 heures ce soir, un peu en
deuxième lecture, article par article, sans doute, quelques heures, et
très certainement pas cette semaine, car nous connaissons le menu de la
semaine.
Donc, il faut prévoir un minimum de quinze jours et puis une
prise en considération du rapport, une troisième lecture, une
sanction. Une loi une fois sanctionnée, on peut toujours prévoir
des mécanismes de mise en application, qui seraient à partir de
telle date, etc. Mais ça donne tout le temps aux gens de Baie-Comeau et
de Hauterive, à travers ce comité qu'ils ont mis sur pied, de
regarder attentivement comment s'entendre. Entre-temps, et c'est ça le
bénéfice de cette loi, sur la table, devant nous, sur le pupitre
du secrétaire, il y a 1 300 000 $ dans la loi 37. Est-ce que c'est
ça qu'ils veulent enlever?
M. le Président, quelquefois, vous le savez, vous avez
été pédagogue pendant longtemps, il s'agit de demander un
peu fermement pour que les choses aillent finalement un peu de soi par la
suite. Il s'agit d'indiquer l'orientation grammaticale pour que,
dorénavant, les textes coulent d'abondance. C'est un peu ce que nous
souhaitons tous à l'Assemblée nationale, tant libéraux que
péquistes. Ce que nous souhaitons, c'est que les citoyens trouvent la
solution et nous sommes là pour les aider, notamment, pour leur offrir
toute l'assistance pour les mettre en face les uns des autres à travers
ces comités, même pour leur présenter 1 300 000 $ pour
qu'ils soient incités à considérer favorablement les
avantages d'une fusion qui, de toute façon, peut être simplement
l'accord des citoyens au projet de loi no 37. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Verdun.
M. Lucien Caron
M. Caron: M. le Président, si je me donne la peine ce soir
d'intervenir sur le projet de loi no 37, c'est parce que je pense que je suis
aussi en mesure de le faire comme député-maire que n'importe quel
ministre ou député de l'autre côté de la
Chambre.
M. le Président, quand on lit les notes explicatives: "Ce projet
de loi prévoit le regroupement en une seule municipalité des
villes de Hauterive et de Baie-Comeau, sous le nom de ville de Baie-Comeau."
À l'article 21... Je pense que c'est important de le mentionner, parce
que c'est comme un mariage, une fusion, cela prend un contrat et, avant de le
faire, c'est bien important de savoir où on s'en va. On a parlé
de 700 000 $ et on a parlé dernièrement, depuis que le projet de
loi a été déposé, de 1 300 000 $, mais je vais vous
lire l'article 21, M. le Président. Je pense que, nous ici, de
l'Opposition, il faut penser... Et je ne comprends pas que le ministre des
Affaires municipales, un homme sérieux comme je l'ai connu, se laisse
embarquer par le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Je ne
comprends pas et j'y reviendrai plus tard, parce que je me rappelle avoir, avec
l'Opposition, travaillé pour l'adoption de la loi 125. J'y reviendrai.
On a parlé de démocratie et on parle de démocratie dans la
loi 125.
Pour toutes ces raisons, M. le Président, je dois me lever, parce
que j'imagine qu'il y a un grand nombre de maires et de conseillers qui sont
inquiets aujourd'hui de voir que les gens d'en face vont adopter un projet de
loi à la vapeur sans consultation populaire. Imaginez-vous, M.
le Président, si les gens d'en face, surtout qu'on parle devant
plusieurs banquettes vides... C'est important que la population sache
ça. Les gens qui étaient dans l'Opposition à
l'époque - je vais vous en parler - les gens qui parlaient de
démocratie, c'était effrayant; Même, à
l'époque, si on n'avait pas quorum à l'Assemblée nationale
ou en commission parlementaire, on arrêtait. Ne parlez pas trop fort
parce que j'ai de la documentation. Si vous ne me laissez pas tranquille, je
sais que ça va vous faire mal, mais c'est mon devoir de le dire. Je
parle en tant que...
Une voix: Excellent! Excellent!
M. Caron: Oui, c'est excellent. Je parle au nom de plusieurs
personnes. Imaginez-vous, à l'article 21, pour les années
financières de 1982 à 1986, le conseil de la ville doit
prélever sur tous les immeubles imposables situés dans le secteur
de l'ancienne ville de Hauterive, suivant leur valeur inscrite au rôle
d'évaluation en vigueur chaque année, une taxe foncière
spéciale dont le rendement est établi comme suit: pour
l'année 1982, 700 000 $; en 1983, 560 000 $; en 1984, 420 000 $; en
1985, 280 000 $; en 1986, 140 000 $.
Je pense qu'à certains moments, il n'y a pas de mal à
faire une fusion, mais avant de la faire, il faut savoir dans quoi on
s'embarque. En 1969, le gouvernement de l'Union Nationale a fusionné
toutes les villes de banlieue à Montréal. Aujourd'hui, toutes les
villes de banlieue paient et n'ont plus de services. Si, à
l'époque, on avait dit: On va imposer la communauté urbaine, mais
on va écrire noir sur blanc ce qu'il y a à payer, ça
aurait été un contrat en bonne et due forme. Dans quelques jours,
le 4 avril, il y aura un grand rassemblement; des gens ont loué le Forum
et j'espère qu'ils vont le remplir parce qu'ils en ont soupé de
payer des taxes. Je suis bien à l'aise, on n'a pas de déficit
à Verdun. Je dis souvent au ministre des Finances qu'il devrait venir
passer quelques jours à Verdun, je vais même le recevoir chez
moi.
L'ancien ministre des Affaires municipales, à l'occasion, me
parle de la loi 57. C'est vrai qu'il y a du bon dans la loi 57, mais il y a une
façon d'administrer et de dépenser l'argent. Dépenser
l'argent des autres, c'est la chose la plus facile, on n'a pas besoin de cours
pour ça. On le dépense pendant un certain temps, mais quand les
coffres sont vides, ça fait mal. Je vois le ministre du Revenu. Lui
aussi va en chercher dans toutes les poches parce qu'il est obligé de le
faire, mais les contribuables sont tannés.
M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue
d'en face, mais je dois lui rapporter certains faits qui se sont produits alors
qu'il était sur les banquettes de ce côté-ci. Engagements
et déclarations. À l'époque où il était dans
l'Opposition, notamment lors de l'étude du projet de loi no 76, Loi
modifiant la Loi favorisant le regroupement des municipalités, M. Lucien
Lessard, ministre, actuel député de Saguenay et véritable
parrain du projet de loi no 37 imposant une fusion aux villes de Baie-Comeau et
de Hauterive, dénonçait le gouvernement de l'époque pour
son attitude. C'était effrayant. Je me souviens de cela. Il me regarde
et je me souviens qu'il se choquait, il était mauvais. On n'avait pas la
télévision, mais les gens auraient dû écouter cela.
Aujourd'hui, il est de l'autre côté. Le ministre de
l'Environnement et le ministre de la Justice sont absents. Cela serait
important que ces gens soient ici. (20 h 30)
On ne peut pas accepter cela. On n'est pas contre les fusions. M. le
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche M. le ministre des
Affaires municipales, je pense que personne ne peut être contre les
fusions dans l'intérêt de tout le monde, mais avant d'en faire il
faut savoir où les gens s'en vont. Présentement, c'est un
chèque en blanc que vous donnez. Si le ministre avait dit cet
après-midi, avant, pendant ou à la fin de son intervention: J'ai
des amendements, on va les déposer, on va suspendre quelques minutes,
l'Opposition, mon collègue, l'ex-maire de Hull - qui fait un excellent
travail dans le dossier - aurait regardé cela. D'autres vont dire qu'on
veut retarder. On ne veut pas retarder, mais il y a des gens de Baie-Comeau et
de Hauterive qui sont ici, d'autres qui ne peuvent pas se déplacer parce
qu'ils n'ont pas les moyens et l'argent pour le faire. C'est à peu
près comme pour le projet de loi no 46. Il y a bien des gens qui
voudraient venir de Montréal mais qui ne peuvent pas. Ceux qui sont
venus, ce sont des maires et des conseillers municipaux. Eux, ils prennent
leurs factures et les perçoivent immédiatement. Je connais cela,
ça fait vingt ans que je suis dans le métier. Mais le petit, qui
n'est pas satisfait, ne peut pas se rendre ici.
Vous, dans le temps, la population vous a fait confiance, elle a dit:
C'est un gouvernement qui va ouvrir la porte à tout le monde, on pourra
entrer à l'Assemblée nationale, il n'y aura plus de garde du
corps, la porte sera ouverte. Combien de fois il faut frapper à la porte
parce que, parfois, il est censé y avoir des gens qui ne sont pas
satisfaits, on a peur, on barre toutes les portes. C'est pour cela. Si le
ministre est prêt - je suis certain - après mon intervention,
à nous déposer les amendements, cela rendrait justice à
ces gens.
La fusion, imaginez à quel prix! Pourtant, les gens ont le droit
de savoir.
Nous, nous sommes leur porte-parole. Naturellement, nous ne sommes pas
leurs représentants, mais quand on siège ici, à
l'Assemblée nationale, on doit dire qu'on travaille pour l'ensemble des
Québécois. En travaillant pour l'ensemble des
Québécois, je ne suis pas contre la fusion. Loin de là.
Mais avant de m'avancer, avec l'expérience que j'ai, comme je vous le
disais, les gens en ont soupé de payer des taxes.
Actuellement, quand on regarde cela et qu'on entend les mémoires
que des gens sont venus lire ici, il y a une ville qui est plus à l'aise
que l'autre. Il n'y a rien de détaillé, de précisé.
La ville qui est moins fortunée va être obligée de se faire
payer par l'autre. Les gens, dans l'ensemble demandent qu'on fasse un
référendum. Il y a des études en cours, qu'on attende
qu'elles soient terminées. On peut siéger un peu plus tard, dans
le courant de l'année, on peut passer d'autres projets de loi. Si on
peut donner satisfaction, qu'on fasse un référendum mais en
donnant... Je l'ai dit au ministre des Affaires municipales, je n'ai pas
objection à ce que deux villes se regroupent. Souvent, il y a des
conditions favorables. Cela peut se faire ailleurs, cela se fait à
Montréal. Il est question aussi... Le maire Vanier de
Pointe-aux-Trembles a des problèmes financiers. Il essaie de s'entendre
soit avec Montréal ou les autres villes. Il n'y a pas de mal à
cela. C'est une bonne chose, à un certain moment. Je me demande si, avec
le temps, quels que soient les gens qui représenteront le gouvernement
au moment où cela se fera, on ne devrait pas avoir des villes, comme
à Montréal, de 185 000 à 200 000 de population.
Avant de s'embarquer là-dedans, il faut savoir combien cela va
coûter. C'est drôle quand on veut s'acheter une automobile quand on
veut s'habiller, on demande le prix avant. Quand on achète une
automobile "sur la finance", on veut savoir si les paiements
s'échelonneront sur 24 mois ou sur 36 mois, combien cela va nous
coûter. C'est cela qu'on demande au gouvernement actuellement. Si le
ministre le veut, on va suspendre, pas après mon intervention, mais
à l'autre. Je suis certain que mon collègue, le
député de Hull et ex-maire de la ville de Hull, va dire: On va
s'asseoir et on va regarder. On veut donner satisfaction à la
population. On ne veut pas donner un chèque en blanc et c'est notre
devoir de ne pas le faire parce que, chaque fois que les gens d'en face...
C'est dommage que ces gens-là ne soient pas ici pour discuter
d'un projet de loi si important. Et on ouvre une porte en plus, M. le
Président. Imaginez-vous qu'on fait une fusion forcée comme
celle-là. Ici, on ne sait pas ce qu'on fait. Je vais vous citer ceci: Le
conseil de ville a proposé à M. Jacques Léonard, ministre
des Affaires municipales, d'imposer la fusion des deux municipalités
comme cela s'est fait à l'égard - s'est fait ou va se faire - de
Baie-Comeau et Hauterive. Voici la réponse du ministre: Le ministre
Léonard a rejeté sa proposition en affirmant qu'il n'y aura plus
de Hauterive et de Baie-Comeau. Le ministre a raison. C'est un gars
intelligent, mais il est pris au Conseil des ministres. Oui, c'est un gars
intelligent, le ministre des Affaires municipales. Même qu'il y en a qui
n'aiment pas que je dise qu'il est intelligent, mais il est forcé de le
faire, parce que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et le
ministre de la Justice, peut-être parce qu'ils étaient dans les
premiers à avoir une dette de reconnaissance électorale du
temps...
Il faut que cela achève. Il faut que cela arrête, M. le
Président. J'espère encore qu'avant de se rendre au bout... Je
pourrais vous lire des extraits. La vérité, la voici. Je pourrais
prendre la veillée pour vous expliquer cela, mais je ne veux pas. Je
veux juste vous dire en quelques mots: Attendez donc encore quinze jours, trois
semaines, ou déposez un montant d'argent. Non, je ne parle pas
d'attendre cinq ans, six mois, deux ans, à moins qu'au Conseil des
ministres, demain, mercredi... Vous allez siéger demain matin. Le
mercredi, les ministres, on ne les voit pas ici; dans notre temps, les
ministres siégeaient le mercredi soir, M. le Président, pour
être présents en Chambre.
Une voix: C'est vrai.
Une voix: On ne les voit plus.
M. Caron: M. le Président, si le Conseil des ministres
décide, demain, d'injecter l'argent qu'il faut, la population de
Baie-Comeau et de Hauterive va être contente. Je ne comprends pas encore
que le ministre des Affaires municipales nous ait fait adopter la loi no 125
pour changer le zonage dans une municipalité. Il faut aviser dans les
journaux de changements au cadastre. Il faut ensuite faire une réunion
juste pour dire ce qu'on va faire, et 30 jours après - il faut laisser
passer 30 jours - on annonce une réunion ici et une réunion
là parce qu'on a dit qu'il est temps qu'il y ait de la démocratie
au Québec. C'est bien beau. On a accepté cette loi, mais parce
que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a peut-être
des intérêts...
Des voix: Ah!
M. Caron: Quand il va prendre la parole, il va peut-être
nous le dire. C'est normal d'avoir des intérêts. Cela m'arrive
aussi, M. le Président, mais je le dis, quand j'ai des
intérêts. Je le dis, M. le Président.
Pour toutes ces raisons, si le ministre ne se décide pas à
nous donner plus de
détails, je suis convaincu que mes savants collègues vont
dire: On va aller au bout.
Des voix: Ah oui!
M. Caron: On est prêt, nous autres. Si on veut donner
justice à la population des deux villes, on est prêt. Mais qu'on
nous le dise. J'ai ici un article sur Baie-Comeau-Hauterive paru dans le
journal Le Soleil du mercredi 17 mars 1982 - cela ne fait pas longtemps -
intitulé "Un péquiste inquiet".
M. le ministre Léonard, il existe une solution
démocratique au problème du regroupement des municipalités
de Baie-Comeau et Hauterive. Je ne veux pas tout le lire. C'est signé
Yves Gauthier, Baie-Comeau. C'est peut-être un ancien organisateur du
ministre. Il est peut-être déçu. Cela arrive parfois. Je
pense qu'il faut être sérieux et qu'il faut donner justice
à la population. On ne peut pas donner un chèque en blanc
à ces gens-là parce que, tout à l'heure, quelqu'un va
payer la note. (20 h 40)
M. le Président, le projet de fusion préoccupe aussi la
compagnie Reynolds. Je pense que c'est important, il y a assez de gens qui sont
sans travail actuellement au Québec, ça ferme partout. Je n'ai
pas été dans ce secteur-là, mais j'imagine qu'il doit y
avoir des gens qui vivent de l'aide sociale. Dieu sait, M. le Président,
que la majorité de ces gens-là ne veulent pas être parmi
ceux-là.
La compagnie s'inquiète, elle a envoyé un
télégramme au ministre. Je pense que, si la compagnie prend la
peine - ce sont des gens sérieux, cette compagnie-là - d'envoyer
un télégramme... Je ne veux pas le lire, mais je veux le
mentionner. Non, je ne le lirai pas, mais je pense que vous l'avez vu dans les
journaux. Le ministre en a pris une copie, le ministre du Loisir, de la Chasse
et de la Pêche en a certainement pris connaissance aussi.
Pour ces raisons-là, il ne faudrait pas qu'on coupe du travail
à ces gens-là, ils en manquent déjà. Si on a des
lacunes envers une ville au détriment de l'autre, j'espère que
personne ne paiera la note.
Il arrive des fois qu'on n'aime pas, surtout quand quelqu'un est en
politique depuis nombre d'années, on ne peut pas faire plaisir à
tout le monde. Il semblerait que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche aurait dit aussi, durant sa dernière campagne
électorale, sur une tribune, qu'on va consulter et qu'on va dire ce
qu'on va donner. Il semblerait qu'il ait la mémoire courte.
J'espère que le ministre des Affaires municipales - je l'ai connu
dans des moments où il était plus sérieux que ça,
je sais qu'il se fait imposer ça, ça arrive ces choses-là,
mais il est encore temps, demain, au Conseil des ministres... Je vois qu'il
arrive des ministres, ça nous fait plaisir, on vous souhaite la
bienvenue, même s'il est 8 h 45. C'est important que vous sachiez, pour
le dire à vos collègues, qu'on n'est pas contre le projet de loi,
mais donnez-nous quelque chose... On n'est pas contre, mais nous, on n'a pas
confiance dans le Parti québécois. Marquez-le, c'est ça
qu'on veut, marquez-le. La population de Hauterive et de Baie-Comeau veut que
vous le marquiez dans le projet de loi. Si je demeurais dans une de ces
municipalités, je ne ferais pas confiance au gouvernement, à
moins que ce ne soit écrit. Si vous décidez, pour une raison ou
pour une autre, d'ici à demain, d'injecter l'argent qu'il faut... Vous
le savez, les gens d'en face, c'est un problème de finance. On l'a
vécu à Montréal et on le vit actuellement. On paie, les
contribuables des villes de banlieue paient. On a commencé à
payer en 1969 pour dépanner la ville de Montréal. Aujourd'hui,
qu'est-ce qu'on offre au point de vue des services, quand on a cinq ou six
policiers pour couvrir un territoire de 90 000 à 100 000 personnes? Et
il arrive toutes sortes de choses.
Je termine, M. le Président. S'il y en a un qui est placé
pour vous le dire... Quand on a quatre incendies dans l'espace de moins d'une
heure - des incendies criminels - parce qu'on n'a pas de surveillance, il est
temps, les gens sont inquiets. On donne un conseil aux gens d'en face et
j'espère qu'ils vont le prendre en considération, et je vous
remercie beaucoup.
Des voix: Très bien.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jeanne-Mance.
Une voix: II est bon.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: M. le Président, autant que mon
collègue, le député de Verdun, et mon collègue, le
député de Hull, j'ai eu dans le passé l'expérience
d'être maire de la municipalité de Saint-Léonard et lorsque
mon collègue, le député de Verdun, mentionne que, dans les
municipalités, on nous invite à être de plus en plus
démocratiques pour que les citoyens aient véritablement leur mot
à dire dans la fonction publique municipale...
En adoptant le projet de loi no 25, il est certain que le processus
démocratique de cette loi cause beaucoup de difficultés à
beaucoup de citoyens qui veulent investir dans une municipalité.
Souvent, nous sommes en présence de délais de six à neuf
mois. À cause des consultations, à cause des avis de
première étude et de deuxième étude et avec les
commissions d'urbanisme qui existent dans toutes les municipalités,
aujourd'hui, en 1982, il en découle un processus de six à
neuf mois.
Une grande partie de la population de Baie-Comeau ne désire pas
cette fusion forcée. En commission parlementaire, le 15 décembre
1981, le maire de la ville de Baie-Comeau affirmait qu'il n'était pas
opposé à toute forme de fusion; il voudrait simplement que le
gouvernement permette à la ville de Baie-Comeau et à la ville de
Hauterive d'étudier conjointement tous les aspects financiers d'une
telle fusion. Il est certain que l'Opposition libérale, en principe,
n'est pas contre la fusion; ce que nous désirons, c'est que des
mécanismes d'étude et de consultation populaire soient
établis avant qu'une telle fusion se fasse, tel que l'affirmait ce
gouvernement dans son programme électoral, tel que l'affirmaient, de
façon bien sentie, les six députés membres de l'Opposition
péquiste à toute la population du Québec lorsqu'ils
disaient qu'il ne fallait jamais faire des fusions forcées au
Québec. Ce n'est pas compliqué et ce n'est quand même pas
la faute d'Ottawa cette fois-ci, je ne le pense pas.
Nous sommes devant un projet de loi qui, de par son caractère
arbitraire, va à l'encontre de tous les principes démocratiques
qui sont à la base de notre société et que
défendent les membres du Parti québécois dans cette
Chambre. On n'a qu'à vous citer l'article 2 du chapitre VII du programme
du Parti québécois qui stipule: "II faut réorganiser les
structures municipales en consultant obligatoirement - j'espère, M. le
député de Groulx, que vous savez ce que veut dire le mot
"obligatoirement", je sais que vous êtes un spécialiste en lettres
et je sais aussi que le mot "obligatoirement" veut dire qu'il faut faire de la
consultation - la population concernée, sur tout projet de
restructuration, regroupement ou fusion."
On fait des grosses campagnes de publicité: La personne avant
toute chose! C'est-y beau d'entendre ça! On arrive dans des
municipalités et on les considère comme des villes siamoises;
c'est ce qu'on a dit cet après-midi. Ce gouvernement, dans son
programme, incite toute population qui veut se fusionner à le faire en
vertu de nos lois de 1976, de façon plus spécifique, après
consultation; on demande aux citoyens leur opinion. La municipalité de
Hauterive a soumis au premier ministre en 1980 une solution à son
problème; dans le rapport qu'elle soumettait au premier ministre, il
n'était pas question de fusion.
Lors de la loi 76, en 1974, certains députés, ministres
actuels de ce gouvernement, dénonçaient l'attitude du
gouvernement libéral et rappelaient, avec l'émotion qu'on leur
connaît, de beaux grands principes. Ils me font penser, M. le
Président, aux Patriotes de 1837, mais ce ne sont pas les mêmes
personnes, actuellement, qui défendent les couleurs du projet de loi no
37. Pas du tout. Où sont-ils, ces députés de l'Opposition,
aujourd'hui ministres? Le ministre de l'Environnement, le ministre des Affaires
intergouvernementales, le ministre de la Justice, le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche et l'ex-leader du gouvernement, le
député de Saint-Jacques. Qu'en est-il, M. le Président, de
leurs paroles et de leurs principes d'alors, où chacun d'entre eux
réclamait que toute modification à une municipalité, que
toute fusion se précise après que la population, informée
des conséquences et des impacts d'un tel projet, se soit
prononcée lors d'une consultation populaire? (20 h 50)
Le député de Saguenay, le député de la ville
de Hauterive et de Baie-Comeau faisait des déclarations en cette
Assemblée, le 18 septembre 1974. Vous nous parlerez tantôt parce
que j'ai été surpris, M. le ministre, qu'aucun membre du Parti
québécois n'intervienne après le député de
Verdun. J'ai été surpris. Peut-être qu'on veut nous laisser
parler et que vous, vous attendez. Vous n'êtes probablement pas des
citoyens de Hauterive et de Baie-Comeau, comme le
député-ministre. Je pense qu'on est intéressé de
connaître vos positions, M. le Président.
Le député de Saguenay, M. le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche, déclarait le 18 septembre 1974, lors de
l'étude d'un projet de loi, en cette Assemblée: "Je sais que
tôt ou tard il faudra envisager des possibilités de fusion - on
vous le répète, le député de Hull vous l'a dit,
mais je le répète et on y reviendra M. le Président -
entre deux villes comme Baie-Comeau et Hauterive. Cependant, dans la
région, jamais nous n'accepterons que le gouvernement vienne nous
imposer - c'est clair, c'est ce que vous disiez - une fusion sans aucune
consultation, sans qu'il y ait au préalable - c'est encore plus fort
référendum."
Même si vous nous dites que vous avez fait une petite consultation
maison, ce n'est pas un référendum. Vous seuls, les membres de ce
parti, saviez très bien ce qu'est un référendum. Vous nous
disiez ça, M. le Président, "sans qu'il y ait au préalable
référendum au niveau de la population". Ce même
député qui est le parrain de ce projet de loi...
Une voix: Les bibites le poignent.
M. Bissonnet: ... veut qu'on impose une fusion à ces deux
villes. Pourquoi? Celui qui dénonçait le gouvernement d'alors,
celui qui défendait des principes de liberté, de
démocratie agit-il aujourd'hui d'une façon aussi
démocratique, M. le Président?
Il ne faut pas parler de l'actuel vice-premier ministre qui disait, lui,
en 1974 -
pensez à ce que vous disiez, messieurs, de 1970 à 1976,
pensez-y; aujourd'hui, vous allez à l'encontre de ce que vous disiez -
"Au Parti québécois - c'est M. le ministre Jacques-Yvan Morin -
on s'est mis d'accord dans le programme pour favoriser le regroupement
municipal, mais sur une base volontaire. Cela est beaucoup moins facile que
d'imposer des regroupements." C'est plus facile quand c'est sur une base
volontaire.
C'est ce que disait également le ministre Lessard dans une
entrevue radiophonique en février 1981: "Le gouvernement du
Québec - on est juste un peu avant la période électorale -
a toujours respecté l'autonomie des municipalités et même,
contrairement encore à ce qu'a dit le maire de Baie-Comeau, jamais
Lucien Lessard n'a envisagé de forcer la ville de Baie-Comeau comme la
ville de Hauterive à fusionner; jamais cela n'a été dans
mes objectifs. J'en fais mon deuil maintenant, étant donné la
décision du maire de Baie-Comeau d'imposer quoi que ce soit au maire de
Baie-Comeau ou au maire de Hauterive." C'étaient les propos d'avant
élection du ministre Lessard.
Une fusion, M. le Président, cela doit être
préparé. Il y a eu diverses fusions dans le passé. Je
pense que lorsqu'on ne fait pas une étude sérieuse dans un
échéancier de réalisation et lorsqu'on parle des
municipalités en vertu de la loi 25 où cela prend un délai
de six à neuf mois en moyenne pour modifier un règlement de
zonage, on devrait évidemment retarder ce projet de loi pour pouvoir
étudier avec les deux municipalités un échéancier
de réalisation qui comprendrait l'étude de la planification du
mandat pour faire un protocole d'entente entre les deux municipalités,
la cueillette des données, l'analyse et la synthèse, la
formulation des hypothèses, le choix des hypothèses pour les deux
villes, le plan d'intégration, l'évaluation des coûts, la
préparation des budgets pro forma pour la prochaine année, la
révision du budget pro forma, les perspectives financières, la
révision des perspectives, l'évaluation des subventions, la
négociation des subventions et, enfin, l'élaboration d'un
protocole où les deux municipalités peuvent s'entendre. C'est
effectivement ce que demande dans la contestation de ce projet de loi en partie
la ville de Baie-Comeau, qu'on s'assoie à une table, qu'on
renégocie, qu'on étudie et, à la suite de cela, que le
gouvernement permette à toute la population de ces deux villes de donner
son opinion sur un projet de fusion qui deviendrait volontaire et non pas une
fusion forcée.
Le ministre des Affaires municipales nous citait aujourd'hui, M. le
Président, une belle lettre du président de l'Union des
municipalités du Québec. Il citait évidemment la fin de la
lettre de M.
O'Bready. Je vais lire le texte que le ministre a lu et je vais lire
aussi un préambule dont le ministre n'a pas informé cette Chambre
dans cette lettre du 19 février 1982. Dans la lettre de M. O'Bready, M.
le ministre citait cet après-midi: "Finalement, si le gouvernement juge
qu'il est opportun pour un ensemble de citoyens dont les lieux et les modes de
vie sont rapprochés de fusionner leur administration municipale pour une
fin précise, l'Union des municipalités du Québec ne peut
que l'accepter. Toutefois, ce type de projet exige le respect et la
collaboration de tous les intervenants. Il doit se faire ouvertement." Mais
dans deux paragraphes avant ce dernier paragraphe, M. le Président,
voici ce que M. O'Bready disait: "De façon générale,
l'Union des municipalités du Québec croit que tant et aussi
longtemps qu'il existe une législation en vigueur - c'est le cas, M. le
Président - applicable soit aux annexions, soit aux regroupements
municipaux, elle doit être respectée." C'est ce que le
président de l'Union des municipalités dit à ce
gouvernement: Respectez les lois en vigueur. Cette attitude garantit l'exercice
des droits démocratiques de tous, conseils municipaux et citoyens, de
même que la stabilité et la cordialité des rapports entre
les partenaires pour le présent et pour l'avenir. Voici, M. le
Président, ce que dit l'Union des municipalités du Québec.
Elle n'est pas contre la fusion. Elle vous dit de respecter les lois en
vigueur. Consultation et démocratie.
Je pense, M. le Président, qu'à compter de la
présentation de ce projet de loi, on n'a plus à prendre de
leçons de ce gouvernement sur la démocratie et sur la
consultation, d'aucune façon. Votre chef de parti, le premier ministre,
devra faire un référendum a l'intérieur de votre parti,
parce que vous allez à l'encontre des dispositions de votre programme.
Le premier ministre va-t-il se réveiller pour dire aux
députés de son parti: On ne peut pas faire cela aux gens de
Hauterive et Baie-Comeau? Dans notre programme, il faut les consulter. Il faut
faire une consultation populaire. À compter d'aujourd'hui, M. le
Président, je pense que nous n'avons aucune leçon à
recevoir de votre gouvernement sur la démocratie au Québec, pas
du tout. (21 heures)
Une chose est primordiale dans l'étude de ce projet de loi. Il
faut absolument qu'avant que cette Chambre puisse étudier ou
réétudier ce projet dans son ensemble, il y ait un
échéancier réalisé en commun accord avec les deux
villes. Je sais que les deux municipalités sont actuellement en
discussion et des progrès se font. C'est une loi matraque pour les gens
de Baie-Comeau et de Hauterive.
On a constaté que le gouvernement, à la suite de
l'audition, en commission
parlementaire, des gens de Baie-Comeau et de Hauterive, a
déjà porté à 1 300 000 $ la subvention initiale qui
était d'environ 700 000 $ pour réaliser cette fusion. Des
études préliminaires ont démontré que les
estimations faites par le gouvernement étaient irréalistes. On
n'a pas encore fait une étude à fond sur les implications, pour
les citoyens de Baie-Comeau et de Hauterive, de l'adoption du projet de loi. La
demande que nous faisons au gouvernement, c'est tout simplement de permettre
une étude sérieuse pour la réalisation de cette fusion et
ce, surtout en consultant les membres des communautés de Hauterive et de
Baie-Comeau.
Je termine en disant au ministre - je le fais peut-être un peu en
boutade, mais je tiens à le dire quand même - qu'à la suite
de son appui au projet de loi no 37, ça lui prendra un "38" pour se
promener dans la ville de Baie-Comeau et, comme braconnier, ça peut lui
poser certains problèmes.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Mégantic-Compton.
M. Fabien Bélanger
M. Bélanger: Merci, M. le Président.. C'est avec
énormément d'intérêt que j'interviens en
deuxième lecture sur le projet de loi no 37, loi qui fusionne deux
municipalités sans leur consentement. Ce n'est pas un mariage
obligé, c'est un mariage forcé. Ce projet de loi passera sans
doute à l'histoire de l'Assemblée nationale puisque c'est un
manque flagrant de démocratie à l'égard des
municipalités.
Le comté de Mégantic-Compton, que j'ai l'honneur de
représenter, regroupe 52 municipalités. C'est justement pour
sauvegarder la démocratie de chacune d'elles que j'ai mentionné
que j'intervenais avec beaucoup d'intérêt. Ce sont 52
municipalités dont certaines n'ont que 300 ou 400 habitants. Jamais je
n'ai songé et jamais je ne tenterai de faire des fusions forcées
et de m'ingérer à l'intérieur des affaires municipales.
Ces élus municipaux ont été élus
démocratiquement et j'ai beaucoup trop de respect à leur
égard pour tenter de leur imposer mes visions.
Un tel processus de fusion est très acceptable, comme l'ont
mentionné la plupart de mes collègues, lorsque la population
concernée l'approuve et consent à vivre ensemble. Mais lorsqu'un
gouvernement veut imposer une telle fusion à des individus contre leur
volonté, en faisant tout simplement abstraction de leurs revendications,
ça devient totalement inacceptable. Peu importent les raisons que
tentera d'invoquer le gouvernement, ce geste demeure un geste unilatéral
- un mot que vous n'aimez pas - antidémocratique, un manque de respect
flagrant envers les gouvernements municipaux. Ce projet de loi va à
l'encontre de tous les principes de la démocratie, qui est la base
même de notre société. Le gouvernement balaie du revers de
la main toutes les notions d'autonomie municipale. Pourtant, ce même
gouvernement péquiste ne cesse de proclamer pour lui-même plus
d'autonomie.
Loin de moi de vouloir me faire le juge ou l'arbitre entre les deux
municipalités. Je m'attarderai donc à défendre le principe
de la démocratie municipale. Que les deux municipalités aient
entre elles des querelles, que l'une d'elles soit mieux placée
financièrement, je ne vois pas pourquoi le ministre des Affaires
municipales s'acharne à leur imposer une loi matraque.
En décembre dernier, j'ai eu le privilège de siéger
en commission parlementaire et d'entendre plusieurs intervenants. À la
lumière de ces témoignages, nous pouvions déceler un
certain consensus dans le sens que tous ces gens étaient prêts
à parler de fusion. Mais de fusion de la façon dont nous,
Québécois, fidèles à nos principes de
démocratie, l'entendons. Que deux municipalités, qu'un
regroupement de municipalités veuillent fusionner, il y a rien de mal
dans cela. C'est même, je crois, le devoir du gouvernement de leur
faciliter la tâche, de les aider dans leur travail. Mais lorsqu'il s'agit
du projet de loi 37, là c'est une autre chose. C'est une fusion
forcée, c'est une fusion non désirée.
La municipalité de Baie-Comeau s'oppose très
vigoureusement à la fusion imposée par le gouvernement. C'est son
droit le plus strict. Ce conseil municipal a été élu pour
administrer la ville de Baie-Comeau non pas pour en faire la fusion. C'est donc
dire que le conseil municipal ne fait que répondre à la
volonté exprimée par ses électeurs. Je n'ai pas à
vous mentionner que nous, de l'Opposition, fidèles aux traditions du
Parti libéral, nous mènerons également une lutte sans
merci. Nous nous servirons pour ce faire de tous les règlements, de tous
les moyens mis à notre disposition à l'Assemblée nationale
pour tenter de ramener le gouvernement à la raison afin qu'il retire
tout simplement, comme nous l'avons demandé d'ailleurs à
plusieurs reprises, le projet de loi 37.
Qui aurait pu croire qu'un gouvernement qui n'a pour principal objectif
que de se séparer des liens fédéraux pour, justement,
acquérir plus d'autonomie, au risque même d'ailleurs de laisser
sombrer notre économie comme nous la connaissons en ce moment comment
aurait-on pu croire, dis-je, qu'un tel gouvernement soit si injuste envers les
gouvernements municipaux? Après le regroupement forcé de
certaines municipalités régionales de comté et MRC, on
nous arrive avec un projet de fusion pour
forcer deux municipalités à fusionner.
Ce Parti québécois qui forme le gouvernement nous a
démontré dans le passé qu'il était très
favorable à la tenue de consultations, c'est-à-dire de
référendums. Vous vous souviendrez, ils ont même
poussé la farce aussi loin qu'avoir un référendum maison,
à l'intérieur du parti, un "renérendum", pour, disait-on,
tout simplement défaire certaines résolutions qui avaient
été adoptées démocratiquement lors d'un conseil
général. Pourquoi le gouvernement issu de ce Parti
québécois refuse-t-il de tenir un référendum
réclamé par le regroupement des citoyens de Baie-Comeau? Il a eu
52 000 procurations qui ont été recueillies, qui sont une preuve
évidente que ces gens veulent un référendum. Ce
regroupement de citoyens, qui se veut un mouvement apolitique, réclame
tout simplement la tenue d'un référendum avant l'imposition d'une
fusion forcée. Ce n'est pas sorcier cela. Ce n'est pas un miracle. On
veut un référendum. Même René en fait des
référendums.
Ce même Parti québécois est aussi habitué aux
consultations, aux sondages; vous savez qu'il ne fonctionne que par sondages.
On ne fait des élections que lorsque les sondages sont favorables. On ne
fait des coupures que lorsque les sondages sont favorables sauf que, des fois,
on exagère un peu. Ce même Parti québécois, pourquoi
ne tient-il pas compte des sondages effectués à Baie-Comeau,
où 90% dans certains cas sont contre la fusion? (21 h 10)
Une voix: Faites-en un référendum.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Bélanger: Pourquoi également, M. le
Président, ne pas tenir compte de la population de Baie-Comeau? En 1981,
les électeurs municipaux reconfirmaient dans leurs fonctions le maire et
quatre conseillers municipaux qui, contrairement au Parti
québécois, au gouvernement en place, s'étaient ouvertement
déclarés contre la fusion. Ici, on fait des élections en
disant qu'on n'est plus séparatistes et, le lendemain, on est
séparatistes. Mais, à Baie-Comeau, ce fut une élection
démocratique où le maire et les quatre conseillers municipaux se
sont carrément déclarés contre la fusion. Pourquoi ne pas
tenir compte de cette volonté populaire? Que demandent ces citoyens? Je
l'ai mentionné, et ce n'est pas sorcier. Ils veulent tout simplement une
autodétermination. Ils veulent se prendre en main.
Une ville, une municipalité, cela n'appartient pas au maire. Cela
n'appartient pas aux conseillers municipaux et encore moins aux
députés. Beaucoup moins aux députés! Alors, comment
expliquer le fait que le député de Saguenay, ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche, puisse se déclarer ouvertement pour
cette fusion forcée? Il y a plusieurs déclarations d'ailleurs que
le ministre a faites. Je vais vous en citer une qu'il a faite sur les ondes de
la station radiophonique CKBH, le 23 novembre dernier: "C'est maintenant
décidé; la fusion se fera." Est-ce beau pour la
démocratie, M. le Président, un député-ministre,
dans son comté, qui décide qu'il fusionne? Imaginez-vous, M. le
Président, dans le comté de Mégantic-Compton, il y a 52
municipalités. Si je décidais de faire des fusions, j'en aurais
pour un an à raison d'une par semaine. Comme je l'ai mentionné,
les municipalités n'appartiennent pas aux députés. Elles
appartiennent aux citoyens. Le lendemain, le ministre complétait en
disant: "Les dés sont pipés; il n'y a rien à faire." C'est
un gouvernement démocratique, mais les dés sont pipés.
C'est fini, il n'y a rien à faire. C'est lui qui a décidé
qu'il faisait la fusion de Hauterive et de Baie-Comeau. La semaine prochaine ou
le mois prochain, peut-être voudra-t-il fusionner deux autres, trois
autres ou quatre autres municipalités? On ne le sait pas.
De quel droit le député-ministre s'acharne-t-il à
vouloir s'ingérer dans les affaires municipales? Pourtant, il aurait
probablement d'autres occupations peut-être plus profitables à
l'intérieur de son propre ministère, ne serait-ce que pour
surveiller les folles dépenses, les dépenses scandaleuses de la
fête nationale.
Des voix: Oui.
M. Bélanger: Au lieu de s'occuper de fusion,
peut-être qu'il devrait s'occuper de son propre ministère. Il
semblerait que ce gouvernement ne veut absolument pas tenir compte non plus des
gens qui vont payer la note. Il serait préférable de les
consulter. Ce sont eux qui devront subir toutes les séquelles de ce
projet de loi qui est tout simplement inacceptable.
Ce sont également ces mêmes citoyens qui auront à
vivre dans un climat social qui ne sera pas amélioré. En
commission parlementaire, le ministre des Affaires municipales nous a
déclaré qu'il y a des querelles, des bagarres, des chicanes qui
durent depuis 20 ans et qu'il avait décidé de fusionner. Est-ce
que, dans l'avenir, ce sera la politique du gouvernement, dès que deux
municipalités ne s'entendent pas, de les fusionner? On ne le sait
pas.
M. le Président, permettez-moi une dernière fois de
demander au ministre des Affaires municipales de retirer tout simplement ce
projet de loi et de consulter, par référendum, la population des
deux villes concernées, sans quoi, comme je l'ai
mentionné au début de mon intervention, nous devrons mener
une lutte sans merci pour faire respecter ce droit fondamental qu'est le droit
à la démocratie municipale. J'y crois, ma formation politique y
croit et nous devrons mener la lutte. Nous prendrons pour ce faire, comme je
l'ai mentionné, tous les moyens mis à notre disposition. Nous
siégerons la nuit. Nous siégerons le samedi. Nous
siégerons tout l'été. Mais nous allons prendre tous les
moyens mis à notre disposition pour faire respecter un droit
fondamental. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Bourassa.
Une voix: ...
M. Laplante: Oui, vous feriez peut-être mieux de retourner
faire un tour à l'hôpital, M. le député de
Maskinongé. On ne vous a peut-être pas soigné à la
bonne place. On ne vous a pas soigné à la bonne place.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Laplante: Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Laplante: Les états nerveux, ce n'est pas ici qu'on
soigne ça.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Bourassa.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: Merci, M. le Président, je ne parlerai pas
longtemps. Le projet de loi no 37 est pourtant un projet de loi simple, un
projet de loi exigé et demandé par deux villes depuis nombre
d'années.
Il y a une autre chose que je voudrais souligner, c'est la façon
dont l'Opposition prend position dans ce projet. Pour faire ce qu'on appelle le
"show" de l'Assemblée nationale, aujourd'hui on s'oppose à
l'adoption du projet. Lorsqu'on rencontre les mêmes députés
dans les couloirs, ils n'ont aucun argument, ils se disent favorables au projet
de loi no 37 tout comme M. Goldbloom l'était lui aussi lorsqu'il a voulu
le présenter.
M. Rocheleau: Après consultation.
M. Laplante: C'est une hypocrisie qui ne devrait pas exister en
politique que de jouer avec des populations. C'est pour cette raison que je
prends la parole, pour dénoncer cette hypocrisie politique dont on joue
entre deux populations, celle de Hauterive et celle de Baie-Comeau.
On parle souvent de la crédibilité qu'on accorde aux
politiciens. Vous avez ici un exemple de la conduite de l'Opposition. Ses
membres sont fondamentalement pour la fusion de Hauterive-Baie-Comeau mais ils
viennent à l'Assemblée nationale pour essayer d'en faire un geste
spectaculaire, avec macarons, avec tout ce que vous voudrez. Lorsqu'on
rencontre ces mêmes gens dans les couloirs du même Parlement, on
nous dit: C'est simple, il faut que ça se fasse; depuis des
années que cette chose-là doit se faire.
M. Gratton: Question de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le député de Gatineau.
M. Gratton: J'exige du député de Bourassa, qui
prétend rencontrer des députés libéraux qui lui
affirment être favorables au projet de loi no 37, qu'il les nomme, M. le
Président, car il laisse planer des doutes, et on n'accepte pas
ça.
M. Lessard: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le ministre.
M. Lessard: II y a des questions d'éthique professionnelle
qu'à un moment donné on discute à l'extérieur de
cette Assemblée nationale. Si, par exemple, le député est
capable de me libérer de cette éthique professionnelle, je suis
prêt, et probablement que le député est aussi prêt
à le faire, à affirmer de mon siège que certains
députés libéraux m'ont affirmé qu'ils
étaient d'accord avec la fusion Baie-Comeau-Hauterive.
Des voix: Bravo!
M. Gratton: La question de privilège que j'ai
soulevée tantôt, qui n'aurait pas dû permettre au ministre
d'intervenir sur une question de règlement, s'applique à lui
aussi. J'exige que lui et le député de Bourassa nomment les
députés libéraux qui ont paraît-il, dit être
d'accord avec une fusion forcée de Baie-Comeau-Hauterive.
M. Laplante: Je vais en nommer un seulement...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: ... et ce sera à l'intérieur de
l'Assemblée nationale, parce que le discours s'est fait ici.
Écoutez et relisez le discours du député de Verdun.
Des voix: Oh! Oh! Oh!
M. Laplante: II s'est dit d'accord avec la fusion.
M. Gratton: M. le Président, étant donné
l'absence momentanée du député de Verdun, j'invoque son
privilège. J'étais présent lorsqu'il a parlé. Il a
effectivement dit qu'il ne s'opposait pas à la fusion de
Baie-Comeau-Hauterive, à la condition qu'elle se fasse après
consultation populaire de la population. Il est donc contre le projet de loi no
37 et je demande au député de Bourassa de se
rétracter.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À
l'odre, s'il vous plaît! M. le député de Bourassa, vous
avez la parole.
M. Laplante: Merci, M. le Président. Vous avez une preuve
additionnelle jusqu'où on veut faire de la petite politique avec le
projet de loi sur le dos de deux populations. (21 h 20)
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur une question de
règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Sur une question de règlement, M. le
Président, car je pense que c'est très sérieux. Le
député de Verdun n'est pas ici. Il a fait un discours tout
à l'heure, il a indiqué son opposition au projet de loi et le
député de Bourassa, peut-être pas par mauvaise foi - je
prête toute la bonne foi au député de Bourassa, mais il me
semble que le député de Bourassa, en homme honnête comme on
le connaît, devrait reconnaître qu'il a erré tout à
l'heure - a dit que le député de Verdun était favorable
à une fusion forcée.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: Je répète que le député
de Verdun a dit qu'il était favorable à une fusion. Qu'on me
prouve le contraire dans les galées, dans la transcription du discours
qu'a prononcé le député de Verdun il y a environ trois
quarts d'heure.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la question de
règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Étant donné que le député
de Bourassa veut jouer sur les mots, nous ne participerons pas à ce
petit jeu.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député de Bourassa, vous avez le droit de parole et je
considère l'incident clos, pour l'instant.
M. Laplante: C'est une habitude, chaque fois qu'on dit des
vérités à l'Opposition, de soulever des questions de
règlement pour essayer de faire perdre le temps de cette Chambre.
On va continuer à en parler, mais avec la population de
Hauterive-Baie-Comeau. Ce sont des citoyens qui parlent et que je nommerai
même ici, a l'Assemblée nationale, des citoyens qui ont hâte
que la fusion se règle. Mme Marcel Tremblay, de Baie-Comeau, se dit
enchantée par le projet de fusion; elle estime que la situation ne peut
être pire qu'elle l'est maintenant, même s'il faudra se serrer la
ceinture les premières années.
M. Jean Savoie, de Hauterive, n'a pas d'opinion arrêtée sur
le sujet; il a cependant hâte qu'on règle la fusion car, selon
lui, il faut renforcer la population. Dans ce dossier, il trouve que les
politiciens font leur possible pour informer la population, mais, en regard de
leur option, simplement.
M. Julien Gagné, de Hauterive, est d'accord avec la fusion: "Cela
aurait du bon sens; je ne vois pas pourquoi les deux villes ne fusionneraient
pas."
Mme Jocelyne Rioux, de Baie-Comeau, croit que le dossier de la fusion
n'est pas près d'être réglé; les politiciens
agissent un peu comme des enfants. Elle parle de l'Opposition. Elle pense qu'il
y aura encore beaucoup de discussions sur le sujet, mais elle se dit favorable
aussi.
C'est une liste des citoyens des deux villes qui ont hâte, eux
aussi, que le projet de fusion se règle. Ils ont hâte aussi qu'on
arrête de faire de la petite politique sur leur dos. Si le Parti
québécois, le gouvernement, avait voulu en faire un dossier
politique, cela aurait été assez facile pour le ministre, qui
demeure dans ce comté. Il cherche une justice entre les deux villes et
il se met à blanc dans un dossier qui est énormément
politisé pour essayer de trouver un résultat positif pour les
deux populations.
L'Opposition parle beaucoup d'études. Ce n'est qu'une petite
partie des études qui ont été faites depuis 1967 sur la
fusion Hauterive-Baie-Comeau. On peut vous citer une étude faite par M.
Mhun, un mémoire de la Chambre de commerce de Baie-Comeau-Hauterive, un
troisième mémoire présenté par le Regroupement des
villes de Baie-Comeau et de Hauterive, un rapport de "The Financial Implication
of merger", le projet de fusion entre Baie-Comeau et Hauterive, celui de
l'aménagement industriel, portuaire et urbain de la zone de Baie-
Comeau-Hauterive. Ce sont tous des rapports favorables à la
fusion. Chacun y va de ses recommandations favorables. Beaucoup sont
sévères dans leurs recommandations; on dit que cela aurait
dû être fait il y a plusieurs années.
Vous avez aussi les éditoriaux des journaux de chacune de ces
villes qui se disent également favorables à la fusion des deux
municipalités. Je pense que le geste qu'on a à poser ici, M. le
Président, c'est de donner justice à ces deux villes. Des
assurances ont été données au point de vue financier aux
deux villes pour que l'une ne soit pas pénalisée à
l'avantage de l'autre, pour que ça fasse la même population, que
ça fasse des gens qui se parlent d'autre chose que de la haine qu'on a
semée entre les deux populations. Ce sont des gens qui vivent entre eux
depuis le début, depuis la création de la ville de Baie-Comeau,
puis les gens de Hauterive ont été dans l'obligation de
créer une ville eux autres aussi. Un tiraillement qui dure depuis trop
longtemps. La mesquinerie politique fait qu'aujourd'hui on essaie de faire
durer ce mal, on essaie de faire durer les chicanes entre deux
municipalités. Il est temps que le gouvernement prenne ses
responsabilités. Que le gouvernement du Parti québécois
prenne ses responsabilités vis-à-vis de ces deux populations et
qu'on vote le plus tôt possible le projet de loi no 37 qui sera
sûrement pour le bien-être de ces deux populations.
C'est ce que je souhaite, M. le Président. Je souhaite, M. le
ministre, que vous puissiez le faire adopter le plus tôt possible. Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Verdun, sur une question de...
M. Caron: M. le Président, j'ai été mal
cité...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Une question de
privilège?
M. Caron: En vertu de l'article 96. J'ai été mal
cité par le député de Bourassa. J'ai dit tout à
l'heure que si le Conseil des ministres se réunit demain, qu'on veut
suspendre et qu'on est prêt à injecter l'argent qu'il faut, parce
que c'est un problème financier, et qu'on reconsulte la population, je
vais être d'accord. J'espère que le député de
Bourassa lira la transcription du journal des Débats demain matin, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Michel Gratton
M. Gratton: M. le Président, je dirai que je suis d'accord
pour reconnaître que le député de Bourassa vient de parler
du projet de loi no 37 en toute objectivité parce que manifestement il
ne connaissait absolument rien au projet de loi. Si j'étais
député et que je n'avais jamais eu à m'occuper d'un
fusionnement, qu'il soit forcé ou volontaire, et si j'étais un
député du genre de trop de députés
d'arrière-ban qui, plutôt que d'étudier les dossiers
à leur mérite, sont les principaux responsables du fait qu'on
dise maintenant des députés de l'Assemblée nationale
qu'ils sont des machines à voter les deux yeux bandés, les deux
oreilles bouchées, la langue bien pendue, par exemple, et amenez-moi,
faites-moi voter n'importe quoi même quand c'est le député
du Saguenay-Lac-Saint-Jean, ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche qui est le parrain...
M. le Président, le projet de loi no 37, Loi regroupant - de
force - les villes de Hauterive et de Baie-Comeau est le meilleur exemple qu'on
puisse trouver comme la preuve que le gouvernement du Parti
québécois vieillit. Le gouvernement est usé à la
corde comme d'autres gouvernements précédents ont fini par
atteindre cet état. Je vais vous parler en toute candeur, M. le
Président, parce que j'ai fait partie d'un gouvernement libéral
qui, effectivement, avait présenté le projet de loi no 98 qui
décrétait la fusion de certaines municipalités du Saguenay
et de l'Outaouais. Il y avait des éléments. Il y avait plus de
deux municipalités qu'on se proposait de fusionner. On prenait 32
municipalités et on les réduisait à B. Parmi les projets
de fusion, il y en avait qui ne répondaient pas aux attentes, non pas
seulement des conseils municipaux impliqués, mais surtout des citoyens.
M. le Président, j'en prends à témoin le
député du Saguenay-Lac-Saint-Jean lui-même. Les
fusionnements auxquels la population s'opposait n'ont pas été
concrétisés en 1975. Aylmer n'a pas été
fusionnée avec la ville de Hull. Hull-Ouest n'a pas été
fusionnée avec la ville de Hull, même si dans le cas de la ville
de Hull il y avait des résolutions qui demandaient la fusion. La
nouvelle ville de Gatineau qui regroupe huit anciennes municipalités -
j'en prends à témoin le député de Crémazie,
ex-ministre des Affaires municipales - chacune des huit municipalités
avait adopté une résolution à l'appui de la fusion. On
peut bien dire aujourd'hui que les résultats n'ont pas été
très favorables, surtout sur le plan de la taxation, et c'est ce dont il
s'agit dans le cas des citoyens de Hauterive et de Baie-Comeau. (21 h 30)
J'entendais le député de Bourassa dire tantôt:
Regardez donc s'il y en a, des études. J'en ai déjà plus
que lui et il s'agit seulement des études que j'ai reçues de la
ville de Baie-Comeau. Je n'ai même pas tout le dossier. On en a eu des
études aussi lors du "défusionnement" de la ville de Buckingham.
Le ministre de l'Habitation s'en rappelle. Il se rappelle qu'à titre de
porte-parole en matière d'affaires municipales pour l'Opposition
officielle, j'avais livré une bataille à partir d'une conviction
profonde que c'était là poser un mauvais geste, mais, M. le
Président, il y avait au moins eu un référendum dans la
ville de Buckingham. Seulement 22% de la population s'était
prononcée, s'était donné la peine d'aller voter. Si ma
mémoire est fidèle, quelque 60% - peut-être bien 70%, peu
importe - de ces 22% avaient dit: Oui, on veut "défusionner". Nous, de
l'Opposition, disions à ce moment-là: Ce n'est pas suffisant pour
réellement mesurer la volonté populaire. Il faudrait y retourner
une autre fois. Le ministre a dit: Non, c'est suffisant, 22%. Les autres
n'avaient qu'à aller voter. Il avait quelque peu raison à ce
moment-là, mais au moins il y avait cela. À Baie-Comeau et
Hauterive, qu'y a-t-il? Il y a des déclarations contradictoires.
M. le Président, le député de Saguenay, je le
trouve très sympathique. C'est un bonhomme extrêmement sympathique
à condition, bien sûr, qu'on ne lui parle pas de choses sur
lesquelles il s'engage, parce qu'on ne sait jamais où on va le retrouver
d'une journée à l'autre. Une journée, c'est blanc et
l'autre journée, c'est noir, selon que cela fait son affaire. Je disais
au début de mes remarques, M. le Président, que le gouvernement
est usé et fatigué. Il y a une rumeur que je n'accrédite
pas qui veut que le ministre actuel des Affaires municipales, lui aussi un bon
garçon... Il y en a beaucoup de bons garçons et, d'abord, le
meilleur garçon de tous, c'est le premier ministre qui n'est pas ici ce
soir. Si le maire de Baie-Comeau allait lui parler demain matin et lui dire:
Savez-vous ce qui se passe? Il dirait: Oui? Ils sont en train de forcer cela.
On va regarder cela, parce que le programme de mon gouvernement est clair. On
ne force pas les fusions, nous. Les déclarations de mes ministres, alors
qu'ils étaient dans l'Opposition, sont claires. Nous ne forçons
pas les regroupements qui ne sont pas volontaires.
Je dirai, à l'intention du ministre des Affaires municipales,
qu'il y a d'autres ministres avant lui qui ont cédé aux pressions
de collègues du cabinet. Je ne donnerai pas de noms, mais il y a un
ancien ministre libéral qui n'a pas fait long feu aux Affaires
municipales après, justement, avoir tenté d'imposer des
fusionnements dans l'Outaouais. Je dirai aussi, M. le Président, sur les
fusionnements dont je parlais tantôt qui n'avaient pas l'assentiment de
la population, que si les députés, comme moi à ce
moment-là, avaient fait comme les députés
péquistes, les deux yeux bandés, les deux oreilles
bouchées, et avaient dit: Le ministre propose cela, cela doit être
bon... Un ministre, d'abord, cela ne se trompe pas souvent, surtout le ministre
des Finances, dans notre cas. Un ministre doit sûrement connaître
cela, d'autant plus que le ministre dont il est question est
député de la région. Sûrement, avec la constance
qu'il a toujours démontrée - on va revenir tantôt à
sa constance - il doit sûrement avoir de bonnes raisons pour
présenter cela. Pourquoi me donner la peine de lire le dossier? On a vu
le député de Bourassa intervenir tantôt sans savoir de quoi
il parlait, en faisant une espèce d'appel galactique à la bonne
entente, pour que les gens s'entendent, alors que les sondages
démontrent que 89% de la population et de Baie-Comeau et de Hauterive
ont déclaré: On n'en veut pas de fusion forcée. On n'est
pas nécessairement contre la fusion de Baie-Comeau-Hauterive, mais on y
sera favorable seulement après qu'on aura connu les implications et,
surtout, qu'on aura eu l'occasion de se prononcer en bonne et due forme dans un
référendum.
Il y a donc une une rumeur, que je n'accrédite pas, qui veut que
le ministre des Affaires municipales ait accepté de parrainer ce projet
de loi car il n'est sûrement pas trop d'accord sur le fond. En tout cas,
il n'a pas été très convaincant dans son intervention cet
après-midi. On attend avec une grande impatience l'intervention du
député de Saguenay.
Des voix: Bien oui!
M. Gratton: D'ailleurs, je trouve un peu incongru que lui qui est
le parrain, le moteur, le maître d'oeuvre de ce projet de loi soit
demeuré silencieux, sinon pour nous dire: Me relevez-vous de
l'éthique professionnelle pour que je puisse nommer des
députés libéraux favorables à la fusion? II a mal
compris les interventions qu'on a pu faire auprès de lui dans le sens
que la fusion peut être bien, mais seulement après consultation.
Donc, le projet de loi no 37, non, non, merci. C'est assez clair, il me semble,
M. le ministre.
La rumeur - ça me prend du temps à y venir - nous dit que
le ministre des Affaires municipales a accepté de présenter le
projet de loi parce qu'il aurait eu l'assurance - et le cabinet l'aurait
entérinée - que le ministre et député de Saguenay
démissionnerait immédiatement après l'adoption du projet
de loi.
M. Lessard: Question de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! M. le ministre.
M. Lessard: Question de règlement et question de
privilège, M. le Président. Je tiens à dire ceci.
Une voix: De votre siège?
M. Lessard: Oui, de mon siège. J'ai l'intention, en
collaboration avec le gouvernement qui m'appuie, de demeurer
député. Encore une fois, je défie quiconque de se
présenter aux prochaines élections dans le comté de
Saguenay, même le maire Henry Leonard.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je dirai au
député de Saguenay que, quelle que soit la véracité
de la rumeur - c'est peut-être une démission comme ministre dont
on parlait, je n'en sais rien - une chose est certaine, c'est que la
réaction est favorable de ce côté-ci de la Chambre; on
semblait se réjouir du départ possible du député de
Saguenay, mais même notre joie de le voir partir ne nous motiverait pas
assez pour appuyer le projet de loi no 37.
Voyons ce que disait ce même député de Saguenay le
18 décembre 1974: "Je sais que, tôt ou tard, il faudra envisager
des possibilités de fusion entre deux villes comme Baie-Comeau et
Hauterive.
Cependant, dans la région, jamais nous n'accepterons que le
gouvernement vienne nous imposer une fusion sans aucune consultation, sans
qu'il y ait au préalable un référendum au niveau de la
population." Vous voyez, on n'est même plus en train de dire: Ne faites
pas ce que je fais, faites ce que je dis, le député de Saguenay
dit: Ne faites pas ce que je fais et ne faites pas ce que je dis non plus.
C'est à n'y rien comprendre.
La même journée, il disait: "Nous voulons que les
populations qui seront fusionnées aient d'abord appris à vivre
ensemble." Cela, ça ressemble au député de Bourassa
tantôt, un peu de pathos. "Nous voulons que ces populations qui seront
les premières touchées et les premières impliquées
dans ce nouveau système soient d'abord consultées par
référendum." Où est-il, le référendum, M. le
Président?
M. Lalonde: Qui disait cela?
M. Gratton: Le député de Saguenay...
M. Lalonde: Ah non!
M. Gratton: ... et ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche.
M. Picotte: C'est vrai qu'il dit n'importe quoi.
M. Gratton: La même journée, il enchaînait:
"Ce n'est pas de l'enfantillage, quand on parle de la fusion de certaines
villes, il ne s'agit pas de jouer avec l'avenir des citoyens de ces
régions. Il nous apparaît tout à fait normal et logique que
les populations concernées puissent être consultées."
M. Picotte: Cré Lulu!
M. Gratton: Quand dit-il la vérité, ce
ministre?
Une voix: Jamais! (21 h 40)
M. Gratton: Quand il est dans l'Opposition? À ce
moment-là, est-ce que c'était non pas de la petite, mais de la
"tite" politique, comme disait le député de Bourassa
tantôt? Est-ce qu'on faisait de la "tite" politique en 1974 quand on
faisait ces discours? On pourra nous dire: Oui, mais ce n'est pas tout le monde
qui disait cela. Voyons ce que le chef de l'Opposition officielle du temps, M.
Jacques-Yvan Morin, disait - je ne sais si c'était au retour d'un voyage
à Bruxelles, mais toujours est-il... -"Au Parti québécois,
on s'est mis d'accord dans le programme pour favoriser le regroupement
municipal, mais sur une base volontaire. Cela est beaucoup moins facile que
d'imposer des regroupements. Cela demande quelquefois des années
d'efforts, d'études, de commissions, de sondages, de
référendums, c'est vrai, mais c'est la seule façon de
construire de façon durable." C'est-y pas beau! C'est le
député de Sauvé, vice-premier ministre, ministre
d'État à la Réforme culturelle, je crois, mais qui faisait
de la "tite" politique en 1974, semble-t-il! "Est-ce qu'on se jette les uns sur
les autres, enchaînait-il? Des gens qui se méfient. Certaines
municipalités ayant des finances saines, la voisine ayant des finances
déficitaires." Cela sonne une cloche, j'imagine! "Comme cela se voit
presque partout. Quand on procède de la sorte, on récolte la
tempête. Le gouvernement doit prendre l'initiative et
décréter les unités de regroupement, mais de là
à laisser les populations de côté et à faire des
fusions par le truchement de manoeuvres politiques, il y a une marge." Le
"godfather", le parrain du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le député de
Saguenay, vient de décider de sa hauteur que les gens de Baie-Comeau -
Hauterive, les conseils municipaux ne savent rien. Il les fait profiter de
l'éclairage de son brillant cerveau et leur dit: Moi, je connais cela et
vous allez fusionner, que vous aimiez cela ou pas. Et il y a encore des gens,
comme le député de Bourassa, qui sont prêts à dire:
Les yeux
bandés, les oreilles bouchées, je vote pour.
Le ministre actuel de la Justice n'est pas le dernier venu, il
connaît cette région; il nous disait: "Le Parti
québécois, au niveau national, est d'accord avec le regroupement.
Cependant, ceci a été confirmé lors de son dernier
congrès, il est contre la fusion forcée." Si cela a
été décidé au congrès, que je sache, cela ne
faisait pas partie du "renérendum", donc, cela n'a pas changé. Le
programme du Parti québécois est encore clair là-dessus,
pas de fusion forcée. Comment se fait-il qu'on laisse le
député de Saguenay faire autrement? Je vous ferai grâce des
brillantes interventions du député actuel de l'Environnement, le
député de Lafontaine, et de l'ex-leader du gouvernement, le
député de Saint-Jacques.
Je dirai simplement que, quel que soit le parti politique auquel on
appartient, quel que soit l'endroit où on se place, il y a une chose qui
est sûre. C'est vrai, comme le disait le député de
Sauvé à l'époque, que c'est moins facile d'amener les gens
à s'entendre. C'est vrai que c'est fastidieux, que c'est long de tenir
un référendum. Mais Dieu sait que, dans le Parti
québécois, vous n'avez pas peur de cela des
référendums? Vous savez comment les perdre. Vous savez
également comment les gagner en vous organisant avec trois questions une
réponse, en donnant seulement la chance à ceux qui sont bien
certains de ne pas vouloir perdre le chef. M. le Président, on ne
demande pas de faire un référendum interne. On veut que cela se
fasse à la lumière. On voudrait, M. le Président, donner
au gouvernement la chance de répondre à ce slogan qu'on retrouve
sur les macarons. Une belle allusion. On dit: Moi, je ne lâche pas, stop.
Stop, M. le ministre. C'est trop abuser de la bonne volonté des gens.
Comme l'Opposition n'a aucune façon de stopper le gouvernement, on va au
moins essayer de le ralentir. C'est pour cela que le gouvernement devrait y
songer sérieusement - le ministre des Affaires municipales surtout - il
devrait réaliser qu'il est essentiel, pour que cette fusion, si jamais
elle doit être faite, fonctionne dans l'intérêt des citoyens
de Baie-Comeau-Hauterive, serve réellement les intérêts des
citoyens de Baie-Comeau-Hauterive, qu'elle ne se fasse pas avant qu'on ait tenu
une consultation populaire.
Motion de report
J'aimerais donc, M. le Président, en présentant la seule
motion qu'il est possible de présenter au cours d'un débat de
deuxième lecture, fournir au gouvernement la possibilité, lui
donner le temps de faire cette consultation populaire, de faire les
études qui sont requises et alors, seulement après la tenue d'un
référendum, l'Opposition souscrira volontiers à l'adoption
du projet de loi no 37 amendé en conséquence, à condition
que la population de Baie-Comeau-Hauterive ait voté pour à ce
référendum.
Je propose donc, M. le Président, la motion suivante: Que la
motion en discussion soit amendée en retranchant le mot "maintenant" et
en ajoutant, à la fin, les mots "dans six mois".
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je considère cette
motion recevable.
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Cette motion est recevable. Donc, à partir de maintenant, nous parlons
sur cette motion.
Des voix: Adopté?
M. Lessard: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche.
M. Lessard: ... puisque j'ai l'intention de prendre la parole, au
nom de mon parti, pendant une demi-heure, est-ce que je pourrais avoir le
consentement de la Chambre pour présenter...
Une voix: ... un quart d'heure.
M. Lessard: II reste dix minutes. Est-ce que je pourrais
présenter une motion d'ajournement du débat?
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition, question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): Je voudrais avoir, à ce
moment-ci, une réponse à une demande de directive. Vu que celui
qui parlait au nom du gouvernement, c'était le ministre, le parrain du
projet de loi, et que c'est un autre collègue qui demande de
représenter le parrain, je voudrais savoir, parce que cette question n'a
jamais été réglée à notre satisfaction, si
on peut changer comme cela d'opinant.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Fréchette: M. le Président, comme un peu de
votre côté ça change de temps en temps aussi. Commencez, on
va avoir du plaisir, on va avoir du plaisir. Sur la question...
M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je n'ai pas invoqué le
règlement lorsque je me suis levé. J'ai simplement fait une
demande de directive; à ce moment-là, je ne pense pas qu'il
puisse y avoir d'autres intervenants.
M. Fréchette: M. le Président, il me semble
que...
M. Gratton: Voyons donc!
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! Je dois au moins écouter le leader du gouvernement sur
une question de directive.
M. Fréchette: On vous a demandé une directive sur
un problème bien précis et il me semble que, dans le but de faire
connaître nos opinions sur le sujet et possiblement vous éclairer
quant à la décision à prendre sur la directive, il est
indiqué que nous puissions intervenir.
Les représentants du gouvernement dans les deux cas interviennent
sur deux procédures tout à fait différentes. Il s'agit,
dans un cas, de la motion de deuxième lecture sur laquelle le ministre
des Affaires municipales est le représentant du gouvernement et nous
sommes sur le point d'amorcer la discussion sur la motion du
député de Gatineau, qui demande le report de la question sous
étude. Or, il m'apparaît évident, à moins que l'on
ne nous prouve le contraire, qu'il s'agit là de deux sujets tout
à fait distincts et différents l'un de l'autre. Il y a
effectivement deux questions principales qui sont actuellement en discussion.
Je ne vois pas dans le règlement ce qui empêcherait qu'on puisse,
de ce côté-ci, désigner plus d'une personne pour faire
l'intervention pour et au nom du gouvernement. Ce sont deux chapitres de
discussion tout à fait différents, deux procédures tout
à fait différentes et il me semble qu'il n'y a rien
d'illégal là-dedans. (21 h 50)
M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement, tout en vous demandant de répéter
votre demande de directive, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): Oui, je comprends que vous venez
d'arriver, M. le Président.
Le Président: Je suivais cependant le débat
à la télévision.
M. Levesque (Bonaventure): Bon, très bien! J'ai simplement
fait une demande de directive et voici que le leader adjoint du gouvernement se
lève comme si j'avais invoqué le règlement. C'est
simplement parce que depuis quelque temps - et ce n'est pas la première
fois que ça se passe, ça fait plusieurs fois qu'on se pose la
question; je pense même que vous, ou votre prédécesseur, je
ne me rappelle pas exactement lequel, vous vous posiez la question. Est-ce que
l'on peut ainsi, au cours d'un débat, profiter des avantages que procure
le règlement pour le proposeur d'un projet de loi ou pour le
représentant officiel de l'Opposition et dire que, pour une partie du
débat, ce sera tel opinant qui pourra bénéficier du temps
additionnel et ensuite, dans une autre étape du débat, que ce
soit un autre opinant de la même formation politique qui profite du temps
additionnel consacré soit au chef du parti ou au proposeur d'une motion
ou à celui qui, dans l'Opposition, répond soit au proposeur ou
enfin à quelqu'un du côté du gouvernement qui a tel
privilège. Autrement dit, est-ce qu'on peut ainsi changer...
Présentement, c'est le parrain de la motion, qui est le ministre des
Affaires municipales, qui propose que nous adoptions en deuxième lecture
le projet de loi no 37 sur la fusion Baie-Comeau-Hauterive, c'est lui qui a le
bénéfice d'une heure comme proposeur. C'est le
député de Hull, notre collègue, qui, lui aussi, dispose
d'une heure pour répondre au nom de l'Opposition.
À un moment donné, au cours du débat, une motion
d'amendement arrive. Dans le cas actuel, c'est notre collègue, le
député de Gatineau, qui présente une motion d'amendement
pour le report de ce débat à six mois. À ce
moment-là, est-ce qu'on peut dire que ce n'est plus le proposeur de la
motion de deuxième lecture, le ministre des Affaires municipales, qui a
une demi-heure mais, tout à coup, c'est le député de
Saguenay, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui, lui,
dit qu'il parle au nom du gouvernement? On pensait que c'était le
ministre des Affaires municipales qui parlait au nom du gouvernement. À
ce moment-là, il se pose une question. Je comprends que ce n'est pas la
première fois que la présidence a à répondre
à cela, mais je ne me rappelle pas tel précédent.
Peut-être que vous, M. le Président, dans votre jurisprudence -
vous avez des conseillers très chevronnés et très
expérimentés que je tiens à saluer d'une façon
particulière... Non, je ne voudrais pas, à ce moment-ci, retarder
les travaux de la Chambre...
Des voix: Non!
M. Levesque (Bonaventure): Le ministre
de l'Habitation et de la Protection du consommateur m'indique
présentement - je ne sais pas s'il veut le dire, je l'invite à le
dire - que je prends le temps de la Chambre pour faire passer le temps d'ici
à 22 heures. Ce n'est pas le cas, M. le Président. Vous savez
qu'il est important de savoir si, sur le plan de la procédure, cette
demi-heure appartient à n'importe quel ministériel ou au
proposeur du projet de loi. Ceci, évidemment, va s'appliquer du
côté de l'Opposition. Quelquefois, c'est le chef de l'Opposition
qui a une heure ou c'est son représentant; c'est clairement
indiqué dans le règlement. On peut avoir des cas où c'est
le premier ministre ou son représentant qui a deux heures ou une heure,
c'est également clair dans le règlement, mais je crois que le
règlement n'est pas tout à fait clair... Un instant, je vois ici
que mon collègue, le leader parlementaire adjoint, m'indique les
dispositions de l'article 94. Je vous les lis, M. le Président,
peut-être qu'on pourrait lire cela ensemble. L'article 94.1: "Sauf
dispositions contraires du règlement, un député peut
parler sur une motion de fond pendant vingt minutes; mais peuvent parler
pendant une heure le premier ministre, le leader parlementaire du gouvernement,
le chef d'un parti reconnu ou leur représentant - au singulier - et lors
des deuxième et troisième lectures, le proposeur du projet de
loi."
Or, M. le Président... On me demande de relire. Est-ce qu'on a
affaire à un collaborateur?
Le Président: M. le leader de l'Opposition, je pense avoir
très bien compris le sens de votre demande de directive. Un mot?
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, si je veux
l'ajouter, c'est parce qu'il s'agit ici de la motion principale. Ce qui m'a
amené à poser cette demande de directive de votre part ou de
celui qui vous a précédé - maintenant, vous êtes
revenu -c'est surtout le paragraphe 2, et je le lis: "Sur toute autre motion,
la durée des discours prévue au paragraphe 1 est réduite
de moitié." M. le Président, il s'agit bien, dans ce cas-ci, de
la motion du député de Gatineau; il s'agit justement d'une motion
qui fait que l'article 94.2 s'applique sur toute autre motion,
c'est-à-dire comme celle de l'honorable député de
Gatineau. La durée des discours prévue au paragraphe 1 est
réduite de moitié. "Pour les fins du présent article, les
motions de deuxième et troisième lectures sont assimilées
à des motions de fond." M. le Président, tout en vous demandant
cette directive, je tiens à vous rappeler les dispositions de l'article
94.2 qui doivent se rapporter à 94.1 et 94.1 parle du proposeur du
projet de loi. Lorsque je parle du proposeur du projet de loi, je parle du
ministre des Affaires municipales.
Est-ce qu'on peut conclure... Il me semble, à ce moment, M. le
Président, que vous aurez une décision assez difficile à
rendre parce que, dans le fond, le texte est assez clair et c'est difficile de
faire le tour de ça en disant: On va extrapoler une
interprétation. Je pense même que vous devriez prendre cela en
délibéré, M. le Président...
Des voix: Ah! Ah!
M. Levesque (Bonaventure): ... parce que le texte de l'article 94
me paraît tellement impératif que c'est le proposeur
lui-même qui a une heure et, à l'article 94.2, c'est le même
proposeur qui a la moitié du temps, c'est-à-dire une demi-heure.
Lorsque le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, le
député de Saguenay dit qu'il veut parler au nom du gouvernement
-je comprends que ce projet de loi, au fond, c'est lui qui l'a inspiré
et que c'est lui qui parle au nom du gouvernement, on sait cela au point de vue
de la procédure parlementaire, peut-on conclure que de par la
volonté du député de Saguenay, ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche, on devrait dire: C'est lui qui va parler au nom du
gouvernement d'après notre règlement? Je pense, M. le
Président, que cela demande une réflexion.
Le Président: Oui, M. le ministre des Affaires
culturelles.
M. Richard: M. le Président, avec votre permission, je
voudrais apporter ma modeste contribution à l'effort visant à
éclairer la présidence en ce qui a trait à la directive
qui lui a été demandée. Je pense qu'il y a moyen de
dénouer l'impasse. Le leader parlementaire de l'Opposition officielle a
manifestement soulevé là un problème de la plus grande
importance, de la plus haute importance. Cela m'apparaissait - à vous
aussi, sans doute, M. le Président - comme absolument insoluble. Surtout
dans l'espace de temps qui était alloué au leader parlementaire
de l'Opposition officielle, on ne voyait pas comment il pouvait arriver
à vous proposer la bonne solution en quinze minutes. Je voudrais vous
signaler d'une part, M. le Président, que le leader parlementaire de
l'Opposition officielle vous a réclamé, finalement, une opinion
professionnelle et il n'appartient pas à la présidence
d'émettre des opinions juridiques... (22 heures)
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît!
Étant donné l'heure et en vertu du règlement, je
tiens pour acquis que la motion d'ajournement du débat a
été demandée par le député de Saguenay et
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Lorsque le débat
reprendra, une fois que cette motion sera adoptée... La
présidence aurait été prête à rendre sa
décision, mais compte tenu de l'heure, vous comprendrez qu'elle va
remettre sa décision à plus tard. Je n'ai pas le choix. En vertu
du règlement, je dois ajourner les travaux. Je dois demander si la
motion d'ajournement du débat sera adoptée.
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Les travaux sont
ajournés à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 01)