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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le jeudi 13 mai 1982 - Vol. 26 N° 57

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures trois minutes)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! Moment de recueillement. Vous pouvez vous asseoir.

Affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Dépôt de documents. M. le premier ministre.

Rapport annuel de la RIO

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1981 de la RIO, la Régie des installations olympiques.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Rapport déposé.

Dépôt de rapports de commissions élues.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Questions orales des députés.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

La loi 101 et la nouvelle charte canadienne

M. Lalonde: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ... j'avais une question à poser au ministre de l'Éducation, mais que je peux la poser au premier ministre. Il s'agit de la déclaration du ministre de l'Éducation et ministre responsable de la loi 101, le 5 mai 1982, la semaine dernière, à savoir que, malgré l'existence de la nouvelle charte canadienne, la loi 101 serait appliquée intégralement. On sait que la charte qui est maintenant la loi du pays, qu'on soit d'accord ou non avec la façon dont c'est arrivé, permet aux enfants des parents ayant fréquenté l'école en anglais au Canada de recevoir l'enseignement en anglais ici au Québec, ce qu'on appelle la "clause Canada." Or, le ministre de l'Éducation, dans une longue déclaration que l'éditorialiste du Devoir, M. Jean-Louis Roy, le directeur du Devoir, qualifiait ainsi: "Mais on reste sidéré par le style du ministre Laurin. Aussi bien lui dire franchement que sa grandiloquence d'ancien régime ennuie profondément, pour dire le moins."

Je ne m'attarderai pas sur le style, mais sur le contenu. Il dit, par exemple, que les élèves qui seront inscrits aux écoles anglaises conformément à la charte canadienne, mais en dérogation avec la loi 101, c'est-à-dire les enfants des parents ayant reçu leur enseignement, leur instruction en anglais dans d'autres provinces, seront considérés comme des inadmissibles, des illégaux, et que les commissions scolaires qui donneront à ces enfants l'enseignement en anglais ne recevront pas les subventions nécessaires pour pourvoir à cet enseignement - et il va plus loin en ce qui concerne les écoles privées - et que toute subvention sera refusée à une école privée qui recevrait un seul enfant de cette façon. Le premier ministre peut-il justifier une telle attitude devant le fait que la charte canadienne s'applique et que les commissions scolaires et les écoles privées sont obligées de l'appliquer?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président. Je voudrais d'abord, avant de répondre brièvement à la question d'une façon plutôt générale - le député pourra sûrement la reprendre quand le ministre sera ici, il est absent aujourd'hui en mission, à Montréal, pour des raisons qui sont reliées à son ministère - rappelle simplement, sans faire un préambule, au député de Marguerite-Bourgeoys comme aux autres membres de l'Opposition, qu'à quelques exceptions près ils ont voté eux aussi avec nous quand le moment paraissait opportun. C'était une question de principe - je pense qu'on ne doit pas l'oublier - et on a tous voté pour une motion, en tant que parti, en tout cas, qui disait que l'Assemblée nationale, au nom du peuple québécois, s'opposait à tout ce qui pouvait de près ou de loin empiéter sur ses droits, ses pouvoirs, en particulier, dans le domaine de l'éducation. Or, la charte canadienne - ce n'est pas un détail négligeable, même si le député a un peu escamoté cela dans sa question - très nettement vient déchirer des morceaux de pouvoirs et de droits en matière d'éducation, essentiellement, qui n'ont jamais été contestés d'aucune façon pendant 115 ans jusqu'à ce qu'on décide à Ottawa, avec l'endossement final de Westminster, de faire ce qu'on doit appeler un sale coup.

M. Rocheleau: C'est...

M. Lévesque (Taillon): Oui. Je ne sais pas de quelle façon le député de Hull a voté quand est venu le moment de voter la motion dont je parlais. On peut vérifier.

M. Rocheleau: ...

M. Lévesque (Taillon): Ah, bon! Le député de Hull me dit, M. le Président, qu'il s'était fait prendre en votant pour cette motion qui disait que les pouvoirs et les droits de l'Assemblée nationale du Québec ne devaient pas être diminués d'aucune façon sans son consentement. J'enregistre cette espèce de réflexion qui ressemble à un aveu.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): Si vous avez des questions à poser, on vous répondra.

Pour ce qui est de la loi 101, M. le Président, c'est vrai. Le texte du 5 mai du ministre de l'Éducation est très clair. Quant à nous, elle continuera d'être appliquée intégralement. Ce que la charte prétend imposer, nous verrons par tous les moyens qui nous paraissent légitimes à l'éliminer en pratique le plus possible, en nous référant jusqu'à un certain point à l'article 1 de cette même charte canadienne qui admet qu'il puisse y avoir des exceptions, à condition que ce soient des choses conformes - je paraphrase - à ce qui se passe dans une société libre et démocratique. Quant à nous, en tenant compte de ce qui se passe partout dans le monde, je crois que la loi 101 est parfaitement digne d'une société libre et démocratique.

Comme dans toute démocratie, on verra à l'usage, parce que le recours aux tribunaux, forcément, ne peut être lié à personne, mais l'intention du gouvernement a été clairement exprimée par le ministre de l'Éducation.

Pour ce qui est d'une suite plus détaillée aux modalités que le député de Marguerite-Bourgeoys voudrait peut-être explorer, je peux en prendre note, mais je lui conseillerais quand même d'attendre que le ministre soit ici pour répondre. (14 h 10)

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, il s'agit de modalités extrêmement importantes. Ce ne sont pas des modalités, c'est fondamental pour les écoles et les commissions scolaires qui devront, de par la nouvelle loi... On aura beau se répéter vingt fois de quelle façon on a voté ou non, la réalité des choses, c'est que la charte canadienne oblige les commissions scolaires à recevoir les enfants qui le demanderont. Est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte du caractère injuste, odieux à l'égard des enfants...? En particulier, est-ce qu'il n'a pas un peu de préoccupations à l'égard des enfants et à l'égard aussi de tous les intervenants dans l'enseignement, les commissions scolaires et les écoles? Est-ce qu'il ne se rend pas compte que ces commissions scolaires seront obligées, par des jugements au besoin, de leur donner l'enseignement, qui ne sera pas, à ce moment, financé? Est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte qu'il affirme, ici en cette Chambre, presque une désobéissance à la loi, et d'autant plus de façon inexpliquée...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Question, s'il vous plaît!

M. Lalonde: J'aimerais que le premier ministre nous dise qu'elle est la raison pour laquelle on traite les écoles privées de façon différente des écoles publiques, alors que, dans les écoles publiques, le gouvernement va simplement retenir la subvention de l'élève "inadmissible" et que, dans les écoles privées...

Le Président: M. le député, s'il vous plaît!

M. Lalonde: ... il va retenir toute subvention s'il y a seulement un élève qui est "inadmissible".

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je viens de le dire au député de Marguerite-Bourgeoys, et je le répète, s'il veut entrer dans toute la plomberie de la...

M. Lalonde: ...

M. Lévesque (Taillon): Non, je le sais, je connais la méthode et je connais la technique du député, mais, normalement, son interlocuteur devrait être le ministre de l'Éducation, à qui nous ferons rapport des détails des questions et qui, très sûrement, sera prêt à répondre au député à la prochaine séance où il sera disponible.

Je note simplement qu'il n'a été considéré d'aucune façon comme injuste et odieux que des enfants arrivant comme immigrants au Québec doivent aller à l'école française. Cela ne paraît ni injuste ni odieux à personne. Très nettement injuste et odieux ce qui a été perpétré à Ottawa, avec la complicité de Westminster, cela, oui.

M. Lalonde: Question de privilège.

Le Président: M. le député de

Marguerite-Bourgeoys, sans préambule, s'il vous plaît!

M. Lalonde: Question de privilège, M. le Président, ce n'est pas une deuxième question, c'est inutile, le premier ministre ne sait pas quoi répondre. Jamais je n'ai dit qu'il était odieux que l'école française soit l'école de tous. Cela a été affirmé dans la loi 22 et c'est dans la loi 101, avec les exceptions qu'on connaît. Ce que j'ai dit, c'est qu'il était odieux de mettre des enfants entre deux lois, de les traiter de façon marginalisante...

M. Ryan: De les prendre comme otages.

M. Lalonde: ... de les prendre comme otages, alors que la charte...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): ... je le renverrai au ministre de l'Éducation à la première occasion.

Le Président: Question principale, M. le député de Portneuf.

L'attitude du gouvernement sur

la réponse des centrales

syndicales au sujet des

conventions collectives

M. Pagé: M. le Président, à l'égard des négociations dans les secteurs public et parapublic, on se rappellera que les porte-parole du gouvernement et même les ministres du gouvernement ont évoqué trois possibilités: dans un premier temps, une réouverture des conventions avant le 30 juin prochain, l'obligation de se convier à une augmentation très substantielle des taxes et des impôts, ou encore des coupures de postes draconiennes.

On se rappelle que les représentants syndicaux ont donné une réponse négative à l'appel lancé par le premier ministre, au sommet économique, et réitérée par la suite. Le chef de l'Opposition, à l'Assemblée nationale, posait des questions, au début de la semaine, pour demander au premier ministre quelles étaient les intentions de son gouvernement face au refus des syndicats d'accepter la proposition gouvernementale.

Essentiellement, ma question est la suivante, et elle s'adresse au premier ministre. Mardi, celui-ci a informé la Chambre que le Conseil des ministres allait se réunir hier, qu'il allait, comme chef du gouvernement, être en mesure de nous confirmer la position du gouvernement aujourd'hui. J'aimerais lui demander, dans un premier temps, si le gouvernement exclut toute possibilité de rouvrir les conventions collectives par une loi spéciale. Je voudrais que le premier ministre interprète ma question non seulement comme étant un geste pour avoir une réponse, mais aussi qu'il prenne note de la position manifestée par notre parti par la voix de notre chef, en fin de semaine, à savoir que des conventions collectives rouvertes par des lois spéciales, nous n'acceptons pas cela, parce que nous, nous respectons notre signature lorsqu'on signe un document, et on croit que le gouvernement doit respecter sa signature...

Le Président: S'il vous plaît, votre question!

M. Pagé: ... lorsqu'il signe un document.

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Pagé: M. le Président, est-ce que le chef du gouvernement peut nous confirmer qu'il exclut cette possibilité de briser la signature du gouvernement et de rouvrir, par une loi les conventions collectives, d'une part? Deuxièmement, est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer s'il fait bon accueil à la proposition des syndicats, qui se sont montrés disposés à commencer les négociations au début du mois de juin?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je dois dire, à regret, au député ce que j'ai déjà dit au chef de l'Opposition. Je n'avais pas dit que je donnerais des nouvelles précises aujourd'hui. J'ai dit que, pendant cette semaine, y compris la réunion du Conseil des ministres hier, jusque très tard, on examinerait et que, possiblement, on prendrait des décisions. Je dois également souligner qu'ayant la responsabilité de ce côté-ci, ce qui n'exclut d'aucune façon la responsabilité comme critique et aussi comme collaborateur, à l'occasion, de l'Opposition, des décisions, c'est entre nous, d'abord, au Conseil des ministres et au caucus des députés et des ministériels, que ces choses-là doivent être mises en place le mieux possible.

Pour ce qui est de donner des détails, quels qu'ils soient, je ne crois pas qu'aujourd'hui soit le moment et je suis obligé de reconduire, si vous voulez, la réponse évasive, qui l'est de nouveau, que j'ai faite au chef de l'Opposition mardi, si j'ai bonne mémoire. Il y a une chose qu'on peut dire - mais elle a déjà été dite - c'est que l'idée d'ouvrir des négociations, si tout le monde est d'accord pour se mettre à table plus vite que ce qui est prévu dans la loi, c'est évidemment une chose qu'on ne peut pas exclure et je pense que cela a déjà été souligné, entre autres, par le président

du Conseil du trésor dans sa première réplique, cette partie de la réponse des syndicats qui nous paraissait non seulement acceptable, mais une chose qui pouvait être utile à toutes les parties, c'est-à-dire que, si on gagne deux mois, si tout le monde accepte de se mettre à table, avec des préalables qui peuvent être vrais pour les deux parties, on verra. Une chose est certaine: c'est qu'on n'est pas, loin de là, opposé à cela.

D'autre part, pour le reste des questions, je dois tout simplement renvoyer le député à ma réponse de mardi.

M. Pagé: D'accord.

Le Président: M. le député de Portneuf, question additionnelle.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Brièvement. Je comprends tous les aspects de cela surtout à l'égard du budget, qui sera présenté le 25 mai, et je comprends que le Conseil des ministres doit se réunir éventuellement pour revoir toutes ces questions. Cependant, on se rappellera qu'au sommet économique, le premier ministre avait évoqué la possibilité de rouvrir, par une entente bilatérale, les conventions collectives, ce qui appelait une réponse de la part des syndicats. La réponse étant là maintenant, M. le Président, la possibilité est que ces conventions collectives soient rouvertes par une loi spéciale de l'Assemblée nationale. Dois-je comprendre de la réponse du premier ministre qu'au moment où on se parle, après le refus des syndicats, après la proposition formulée par les syndicats de rouvrir les négociations à compter de juin, le gouvernement maintient la possibilité de présenter un projet de loi à l'Assemblée nationale pour rouvrir unilatéralement les conventions collectives?

Ce que je vous demande, c'est: Est-ce toujours possible ou si vous l'excluez totalement? Et à ce moment-ci vous devriez avoir réponse à cette question spécifique.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): J'ai bien compris la question du député et je vais le renvoyer à une réponse que j'ai donnée et qui était simplement celle-ci: Quelle que soit la décision, on est dans un contexte douloureux et la décision sera également douloureuse.

Le Président: Question additionnelle, M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Question additionnelle, M. le Président. Je comprends l'embarras du premier ministre parce qu'il doit recevoir des avis contradictoires non seulement de son caucus, mais de ses collègues. Je le comprends - oui, certainement - d'hésiter à les prendre plus à gauche, du côté de son ministre des Finances, vu le trou dans lequel il a plongé le gouvernement la dernière fois. Est-ce que je pourrais demander au premier ministre quel est le rôle respectif du ministre des Finances et du président du Conseil du trésor dans ces choses-là? On n'a rien de clair. On a déjà essayé d'avoir une situation claire de la part du premier ministre. Dans le temps, on ne le savait pas, mais là, on a un bel exemple concret. Est-ce qu'il pourrait nous dire avec précision quelles sont les responsabilités et quel est le rôle précis de chacun de ces deux ministres? (14 h 20)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, la Loi sur l'Exécutif pourrait donner la réponse en grande partie au chef de l'Opposition s'il se donnait la peine de la consulter, mais, pour résumer ça en termes de profane et surtout dans le contexte actuel, l'un et l'autre de mes collègues que le chef de l'Opposition vient de nommer font partie, avec certains des ministres les plus directement impliqués et des spécialistes, de ce qu'on appelle le comité central de négociation. Évidemment, la préoccupation primordiale - et je pense que je n'apprendrai rien à personne - du ministre des Finances, c'est de savoir comment on peut financer les dépenses auxquelles on fait face et celle du président du Conseil du trésor, c'est de surveiller les dépenses au maximum pour voir si les deux peuvent se rejoindre.

Le Président: Question principale, M. le député de Maskinongé.

Congédiements au centre Domrémy de Pointe-du-Lac

M. Picotte: Merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion, depuis deux mois, de poser des questions au premier ministre concernant les primes de séparation données injustement à des membres du CRSSS 04 dans la région de la Mauricie. Assez souvent le premier ministre m'a dit qu'il me donnerait des réponses et j'attends encore plusieurs de ces réponses. J'aimerais lui demander ceci. En plus des centaines de milliers de dollars qui ont été dépensés en Mauricie en primes de séparation, dans plusieurs cas, fort injustement, dans le cas d'individus qui travaillaient dans le réseau des affaires sociales, en plus du cas du chef de l'Union Nationale, M. Jean-Marc Béliveau...

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Picotte: ... et d'autres cas au niveau du Québec...

Des voix: Question!

M. Picotte: ... le ministre de l'Environnement, chef de l'aile du Parti québécois au fédéral...

Le Président: M. le député, s'il vous plaît, posez votre question.

M. Lalonde: II a été interrompu. M. Pagé: Arrêtez l'horloge.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Donc, je parlais des nombreuses primes de séparation données injustement, des centaines de milliers de dollars dépensés dans la Maurice, entre autres, et ailleurs au Québec. J'aurai l'occasion d'en reparler.

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Picotte: Est-ce que le premier ministre - j'espère qu'il prendra en considération la question que je lui pose et ses deux volets afin que j'aie une réponse rapidement - pourrait me dire s'il est bel et bien exact qu'à la suite d'une mauvaise administration du CRSSS, où on a permis une élection en juin 1979 au Centre de réadaptation Domrémy de Pointe-du-Lac, district de Trois-Rivières, on a dû donner une prime de séparation à M. René-Claude Houle, d'un montant d'au-delà de 30 000 $, justement parce qu'on a jugé, par la suite, que cela avait été illégal, et qu'entre-temps on a dû tout simplement demander des démissions à des gens qui ne le méritaient pas? Le premier ministre pourrait-il me dire si c'est exact, cette affaire de prime de séparation?

Deuxièmement, est-ce que le premier ministre pourrait s'engager à ce que les gens qui ont dû être congédiés ou qu'on a obligés de démissionner, eux, sans prime de séparation et à la suite d'un rapport du ministère des Affaires sociales, soient replacés dans leur poste?

Troisièmement, est-ce qu'il peut m'assurer qu'un membre de son Conseil des ministres n'est pas intervenu directement, puisqu'il semble y avoir quelqu'un à Domrémy, à Pointe-du-Lac, qui a une affinité de parenté très près d'un ministre du Conseil des ministres?

Le Président: M. le premier ministre.

M, Lévesque (Taillon): Non seulement sur le détail possible des réponses, mais sur la dernière partie de la question, qui était une allusion que je trouve assez inqualifiable, mais, enfin, on verra, pour ces trois raisons, je vais me contenter, premièrement, de rappeler au député qu'on n'a jamais admis, parce que ce n'est pas vrai, que - je le cite "de nombreuses primes de séparation" injustifiables ont été données. J'ai bien dit qu'un certain nombre - hélas, même s'il y en avait seulement un, c'est trop - d'abus avait été exercé hors de notre contrôle et en particulier dans le domaine social. Avec la loi 27, des directives vont venir incessamment qui vont s'appliquer d'ailleurs pas seulement dans le secteur social. Pour le reste, j'ajouterai simplement ceci: J'avoue que je ne comprends même pas l'intention du député quand il pose des questions, qu'il prétend détaillées, comme ça, à votre serviteur plutôt qu'au ministre qui est responsable du secteur pour avoir ce qui lui paraîtra indiqué de donner comme réponse du ministre des Affaires sociales.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai pris bonne note et je rappellerai deux ou trois principes, puisque le député fait encore les mêmes préambules qu'il faisait il y a deux mois. Il est exact que des établissements du réseau des Affaires sociales ont versé, depuis un certain nombre d'années, je dirais même depuis une dizaine d'années, des primes de séparation à différents administrateurs. C'est vrai également, sans doute, pour une partie du réseau scolaire et d'autres établissements de caractère public ou parapublic. Il est également vrai que ces établissements ont une responsabilité, au sens de nos lois, qui appartient à un conseil d'administration autonome. Si des conseils d'administration ont approuvé parfois, dans le cadre de conseils judicieux ou moins judicieux de certaines personnes, des primes de séparation qui pourraient paraître exorbitantes ou qui, dans certains cas, le sont, c'est une des raisons pour lesquelles, au mois de décembre dernier, nous avons inclus dans la loi 27 des dispositions qui autorisent le ministre des Affaires sociales à fixer les conditions de travail des cadres, que ce soient les cadres supérieurs ou les cadres intermédiaires, de l'ensemble des institutions. C'est un pouvoir qui n'existait pas sous l'empire de nos lois tant et aussi longtemps qu'on ne l'a pas adopté au mois de décembre dernier.

Pour revenir à l'ensemble du dossier, je prierais le député, compte tenu du caractère plutôt détaillé d'un des 900 établissements du réseau des Affaires sociales et touchant une des 135 000 personnes y oeuvrant, je lui saurais gré d'inscrire la question au feuilleton, il nous fera plaisir d'y répondre.

M. Duhaime: M. le Président, question de privilège.

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources, question de

privilège.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais invoquer mon privilège de député parce que le député de Maskinongé, dans le dernier volet de sa question, a laissé entendre qu'un membre du cabinet serait intervenu auprès du conseil d'administration du CRSSS. Je voudrais dire ceci, de mon siège, parce qu'étant député de la région et étant ministre responsable de cette région sur le plan politique - j'avais d'ailleurs l'occasion d'être à Pointe-du-Lac tout récemment, M. le Président, pour l'ouverture officielle de la nouvelle école polyvalente; c'est avec beaucoup d'intérêt que je suis les affaires non seulement de mon comté, mais de toute la région, incluant le comté de Maskinongé - je demande au député de Maskinongé de se lever et de dire, de son siège, qui est le ministre qui est intervenu auprès du conseil d'administration.

M. Picotte: M. le Président...

Le Président: M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Si un ministre sent l'obligation de dire qu'il est intervenu, il n'a qu'à se lever à l'Assemblée nationale et à le faire. Je me demande, M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député, sur une question additionnelle, vous avez la parole.

M. Picotte: Vous pourriez peut-être permettre aux autres ministres de se lever eux aussi...

Le Président: Question additionnelle.

M. Picotte: ... sur une question de privilège, étant donné que seul le député de Saint-Maurice l'a fait.

M. Clair: M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Transports, sur une question de privilège.

M. Clair: M. le Président, ayant eu à partager avec mon collègue de Saint-Maurice la responsabilité politique de la région Mauricie-Bois-Francs, je formule exactement la même demande au député de Maskinongé. Qu'il retire ses insinuations ou qu'il nomme le ministre en question, M. le Président. C'est un comportement inacceptable.

M. Picotte: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député de

Maskinongé.

Des voix: À l'ordre! Menteur!

M. Picotte: Vous demanderez cela à votre collègue de Saint-Maurice. Il a l'air d'être au courant. Il s'est levé sur une question de privilège. M. le Président, je n'ai pas demandé à qui que ce soit de...

Des voix: Menteur!

Le Président: M. le ministre, sur une question de privilège.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais, pour la deuxième fois, invoquer mon privilège comme député et inciter mon collègue de Maskinongé à quitter les "roulières" dangereuses dans lesquelles il vient de s'engager. Ce que je lui demande est facile et simple. Vous avez affirmé tout à l'heure de votre siège qu'un membre du gouvernement était intervenu auprès du conseil d'administration du CRSSS. Ce que je vous demande, c'est de le nommer.

M. Picotte: M. le Président, question de privilège!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, vous avez la parole sur votre question de privilège. (14 h 30)

M. Duhaime: Si je dois ouvrir mon règlement, M. le Président, je devrai demander au député de Maskinongé de mettre son siège en jeu, parce que je suis prêt à mettre le mien en jeu tout de suite là-dessus. Vous allez nommer ce ministre ou la période des questions va durer fort longtemps, je vous en préviens tout de suite.

M. Picotte: M. le Président, question de privilège.

Le Président: M. le député de Maskinongé sur une question de privilège.

M. Picotte: Je vous demanderais, M. le Président, sur une question de privilège, de vous référer au journal des Débats. J'ai mentionné ceci: Le premier ministre pourrait-il nous assurer qu'aucun membre du Conseil des ministres n'est intervenu...

Des voix: ... Oh!

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: M. le Président, c'est ma troisième question de privilège et je vais la formuler sous forme de question: Le député de Maskinongé est-il au courant qu'un ministre est intervenu auprès du conseil

d'administration du CRSSS?

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, on est rendu au point où c'est le ministre qui pose des questions!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous venons de voir le ministre de l'Énergie et des Ressources poser une question à un député de l'Opposition. Ceci n'est pas prévu strictement par notre règlement.

Le Président: Mais je rappellerai quand même l'article 79 du règlement: "Si un député désire qu'action soit prise à la suite d'une question de privilège qu'il a soulevée, il doit le proposer par une motion annoncée. Cette motion est privilégiée." C'est un article qui s'applique, évidemment, à tous les députés de l'Assemblée nationale du Québec.

Question additionnelle sans préambule, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Le premier ministre du Québec pourrait-il...

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président: M. le ministre, sur une question de...?

M. Duhaime: Le député...

Le Président: M. le ministre sur une question de privilège.

M. Duhaime: J'ai très bien entendu et j'ai l'habitude d'écouter à l'Assemblée nationale. Le député de Maskinongé ne se réfugiera pas derrière les délais de transcription de nos débats; j'ai très bien entendu et tout le monde ici a entendu. Vous allez vous lever de votre siège, si vous le voulez bien, et indiquer le nom du ministre qui serait intervenu dans cette affaire. Si c'est le député de Saint-Maurice, je voudrais le savoir, parce que j'ai l'habitude de savoir ce que je fais et, si vous refusez de le faire, je conclurai que vous avez royalement menti.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous venons encore une fois de voir...

Une voix: Un but.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): ... la façon dont un ministre se soumet à une directive que vous avez donnée il y a quelques...

Le Président: M. le leader de l'Opposition, je n'ai émis aucune directive, je n'ai fait que lire un article du règlement, tout simplement.

Question additionnelle, M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, sur la question de règlement, encore une fois, vous avez vu un ministre qui n'a pas tenu compte du fait que vous veniez de lui rappeler une disposition importante de notre règlement. Êtes-vous d'accord avec cela, M. le Président?

Deuxièmement, cette procédure de diversion de la part du ministre, député de Saint-Maurice, n'a pour effet que d'essayer de diluer une question bien claire et précise posée par le député de Maskinongé. Que le gouvernement réponde d'abord aux questions posées.

Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement.

M. Bertrand: M. le Président, sur la question de règlement, je reprendrai exactement les propos du leader de l'Opposition. Il vient de dire que le député de Maskinongé a posé une question bien claire et bien précise. Nous demandons, de ce côté-ci, une question bien claire et bien précise avec un nom bien clair et bien précis...

Une voix: C'est cela.

M. Bertrand: ... pour qu'un ministre, qui est de ce côté-ci, sache s'il s'agit de lui et qu'il puisse répondre immédiatement. S'agit-il du ministre des Transports qui est de cette région? S'agit-il du ministre du comté de Saint-Maurice? S'agit-il d'un autre ministre de cette région? Posez une question bien claire et bien précise, vous aurez une réponse aussi claire et aussi précise de ce côté.

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources, sur une question de privilège.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais invoquer...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Duhaime: ... mon privilège, à la suite de l'intervention du leader de l'Opposition, le député de Bonaventure qui,

dans son intervention, me prête des intentions, ce qui est contraire à notre règlement.

Il a été mentionné que j'entreprenais cet après-midi une tentative de diversion. C'est complètement faux.

Une voix: C'est cela.

M. Duhaime: J'ai invoqué tout à l'heure mon privilège non seulement comme ministre, mais comme député. La question du député de Maskinongé sous-tend une accusation très lourde de conséquences, à mon point de vue, et pour la quatrième fois je lui redemande, avant que je n'inscrive en avis, pour la semaine prochaine, suivant les dispositions de notre règlement, une question de privilège formelle, de la retirer ou de nous dire quelle est sa source d'information.

Le Président: Je rappellerai également l'article 99.7 du règlement qui stipule très clairement qu'il est interdit "d'attaquer la conduite d'un membre de l'Assemblée, sauf à l'occasion d'une motion mettant sa conduite en question." Pour être clair et précis, l'article 99.7 s'applique au député de Maskinongé et il s'applique aux ministres susceptibles d'être visés. C'est une action possible dans les circonstances.

M. le député de Maskinongé, sans préambule, question additionnelle.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Une question additionnelle au premier ministre. Pourrait-il nous dire quelle sorte de politique son gouvernement a, sinon une politique de favoritisme envers ses amis, lorsque le ministre des Affaires sociales m'a répondu que ces primes de séparation étaient données...

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Picotte: Quelle sorte de politique le gouvernement a-t-il, sinon de favoriser les petits amis du régime, quand le ministre des Affaires sociales a mentionné qu'on donnait des primes de séparation parce que ces gens n'avaient pas de sécurité d'emploi alors que sa collègue...

M. Bertrand: On en est à la quatrième question additionnelle, M. le Président, cela suffit.

Le Président: M. le député de Maskinongé, le leader parlementaire du gouvernement et le leader de l'Opposition disaient, mardi, que nous allions entrer dans une politique de petits pas pour l'amélioration de notre parlementarisme. Le premier pas a été de commencer à l'heure. Je pense que le deuxième serait, dans les questions additionnelles, d'éviter les préambules, ce que la présidence répète à plusieurs reprises, et d'éviter également des réponses longues de la part de ceux qui sont interrogés. Je le demande à tous.

Une dernière question additionnelle, sans préambule, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Quelle est la politique du gouvernement face aux primes de séparation, si je juge que le ministre des Affaires sociales a mentionné avoir donné des primes de séparation dans ce réseau à cause de la non-sécurité d'emploi, alors que sa collègue, la ministre de la Fonction publique, a répondu mardi, lors de l'étude des crédits de son ministère...

M. Johnson (Anjou): Question de privilège.

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales, sur une question de privilège. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Johnson (Anjou): M. le Président, le député vient d'affirmer que j'ai accordé des primes de séparation. Il verra à la transcription qu'il a mentionné que j'ai accordé ces primes dans le réseau. Ce n'est pas le ministre des Affaires sociales qui accorde les primes de séparation, ce sont les établissements, où vous avez de nombreux amis, d'ailleurs.

Le Président: Question principale, M. le député de Bellechasse.

M. Picotte: Question de privilège.

Le Président: Sur une question de privilège, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Je n'ai même pas eu l'occasion de finir de poser ma question additionnelle...

Le Président: Question principale, M. le député de Bellechasse.

M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement.

Le Président: Question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le Président. Prenons un moment de détente, M. le Président. Est-ce qu'on ne pourrait pas permettre au député de Maskinongé de terminer sa question additionnelle? Si vous ne le lui permettez pas, lui permettriez-vous au moins une question de privilège où il pourrait rétablir les faits, c'est-à-dire répéter la phrase telle qu'il l'a prononcée? C'est tout ce que nous demandons. (14 h 40)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Question de privilège.

M. Picotte: Oui, M. le Président. J'ai mentionné tout simplement qu'il s'agissait du réseau des affaires sociales. Je n'ai nullement mis en cause...

Une voix: Ce n'est pas vrai.

M. Picotte: Oui. Je n'ai nullement mis en cause le ministre des Affaires sociales,

M. le Président, n'en déplaise à qui que ce soit. Ils n'ont qu'à relire le journal des Débats.

Le Président: M. le député de Bellechasse, question principale.

M. Lachance: Merci, M. le Président. Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: M. le Président, sur un ton un peu plus serein, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Depuis quelque temps, une information circule, à savoir que le gouvernement du Québec...

M. Duhaime: M. le Président. Je m'excuse auprès de mon collègue...

Le Président: M. le ministre, question de? M. le ministre, question de privilège.

Des voix: ...

M. Duhaime: Un instant! Ne vous énervez pas!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: Vous allez arrêter de vous plaindre sur...

M. Duhaime: II y a une directive que je voudrais avoir du président de l'Assemblée nationale. J'ai soulevé ici, à quatre reprises, mon privilège comme député. J'ai également dit au député de Maskinongé que s'il refusait de répondre à cette question de privilège, il avait royalement menti. Je voudrais savoir de la présidence si je dois nécessairement maintenant donner un avis écrit, suivant les dispositions de l'article 49, ou si la présidence peut demander immédiatement au député de Maskinongé quelle est son intention et sa conduite à venir.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement. M. le leader de...

M. Bertrand: M. le Président, question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): Bien oui!

M. Lévesque (Taillon): II était debout le premier.

M. Bertrand: J'étais debout.

Une voix: Lequel était debout le premier?

Le Président: Question de règlement, MM. les leaders de l'Opposition et du gouvernement, les deux.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.

Une voix: Les deux ensemble. Des voix: Ah!

M. Levesque (Bonaventure): Avant de répondre à une question du ministre de l'Énergie et des Ressources, lui qui a déjà été leader parlementaire adjoint du gouvernement devrait connaître la réponse à la question qu'il vient de vous poser. Deuxièmement, M. le Président, je voudrais simplement vous demander si vous jugez comme parlementaires les paroles prononcées par le ministre de l'Énergie et des Ressources lorsqu'il emploie les mots "royalement menti". Dans tous les livres, M. le Président, dans tous nos volumes et d'après tous les auteurs, de tels propos sont jugés antiparlementaires...

M. Bertrand: Question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): ... et je vous demanderais de demander au ministre de les retirer.

M. Bertrand: Cela n'a rien à voir avec la question de règlement.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, tout à l'heure, vous levant et nous indiquant quels étaient les articles du règlement qui prévalaient en pareille circonstance, vous avez indiqué au député de Maskinongé qu'à la suite des propos qu'il avait tenus, il pouvait invoquer un des articles du règlement, qu'il pouvait présenter une motion pour mettre en question la conduite d'un

membre de l'Assemblée nationale et qu'à l'inverse le ministre pouvait, lui aussi, se prévalant d'autres articles du règlement, par une motion annoncée, mettre en question la conduite d'un membre de l'Opposition.

Je voudrais, M. le Président, vous référer à l'article 49 de notre règlement. Au paragraphe 3, cet article 49 dit bien: "Le député qui soulève une question de privilège - ce fut le cas du député de Saint-Maurice -et qui désire proposer une motion prévue à l'article 79..." Quelle est la motion prévue à l'article 79? C'est la suivante: "Si un député désire qu'action soit prise à la suite d'une question de privilège qu'il a soulevée - ce fut le cas - il doit le proposer par une motion annoncée. Cette motion est privilégiée."

Or, dans quelle mesure, M. le Président, cette motion est-elle privilégiée, annoncée, et peut-elle être faite immédiatement durant la séance et non pas avec avis à la présidence? C'est dans le cas de l'article 49.2: "Un député peut toujours soulever une question de privilège à l'Assemblée immédiatement après qu'ont été prononcées les paroles ou que se sont déroulés les événements qui y donnent lieu."

Je relis donc le troisième paragraphe pour s'y conformer: "Le député qui soulève une question de privilège et qui désire proposer une motion prévue à l'article 79 pour qu'action soit prise, doit l'indiquer... plutôt l'annoncer, c'est dans le cas du paragraphe 2, l'annoncer au moment où il soulève la question", en vertu du paragraphe 2 du même article 49. Je prétends donc que si nous respectons le règlement, le ministre peut, à ce moment-ci, se lever de son siège et faire une motion annoncée. Elle est privilégiée, il n'y a pas nécessité d'un avis à la présidence et je vous demande, M. le Président, de faire respecter ce règlement.

M. Picotte: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le député de Maskinongé, sur une question de privilège.

M. Picotte: J'aimerais vous souligner immédiatement que je n'ai en aucune façon voulu diriger quoi que ce soit à l'endroit d'aucun des membres du Conseil des ministres.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Picotte: J'ai tout simplement... M. le Président, laissez-moi donc terminer ma question de privilège.

Le Président: Je pense que j'ai une réponse à donner et au leader du gouvernement, au leader de l'Opposition et au ministre de l'Énergie et des Ressources.

À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: Open the door.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous reconnaîtrai après, M. le député de Maskinongé. À l'ordre, s'il vous plaît!

Nonobstant les interprétations qui viennent du côté gauche et du côté droit, je prétends et je pense - s'il vous plaît! -humblement soumis, que l'article 49 indique qu'au moment où les paroles sont prononcées, un ministre ou un membre de l'Assemblée nationale peut, verbalement, aviser l'Assemblée qu'il a l'intention de faire par écrit une motion qui serait la motion prévue à l'article 79. Je pense que le ministre de l'Énergie et des Ressources a fait cet avis verbal pour respecter de façon totale le règlement et c'est sa discrétion personnelle, il aura, s'il le veut, à se prévaloir par la suite de l'article 79, la présidence ayant considéré que l'avis verbal a été donné.

M. Picotte: Question de privilège, M. le Président.

M. Duhaime: M. le Président...

Le Président: M. le député de Maskinongé, sur une question de privilège.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Pour sauvegarder l'intégrité des travailleurs du Centre d'accueil Domrémy, j'ai demandé tout simplement au premier ministre du Québec s'il pouvait nous garantir que personne du Conseil des ministres n'était intervenu. Si c'est non, il n'y a aucun problème. Je n'ai jamais nommé qui que ce soit et je répète de mon siège que je veux que cette question-là soit éclaircie. Le premier ministre n'a qu'à nous dire qu'il n'y a eu aucune intervention et il n'y a pas de plat à faire avec quoi que ce soit. Ce sont les gens d'en face qui en font un plat, M. le Président.

Une voix: Très bien!

M. Lévesque (Taillon): M. le Président...

Le Président: M. le premier ministre, sur une question de privilège.

M. Lévesque (Taillon): Sur une question de privilège.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Lévesque (Taillon): II y a un sacré bout - si vous me permettez de le dire - de m'envoyer une question comme celle-là en faisant semblant de soupçonner n'importe qui et ensuite de ne même pas avoir le courage de dire sur quoi sont fondés ces soupçons.

Quand on joue le rôle que joue le député de Maskinongé, on finit par cracher en l'air et on sait où ça retombe.

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources, sur une question de privilège.

M. Duhaime: M. le Président, je voudrais d'abord intervenir tout de suite sur la question de règlement qui a été soulevée par le député de Bonaventure tout à l'heure, qui s'adressait à la présidence, à savoir que les paroles que j'avais employées pourraient être antiparlementaires. Je voudrais préciser ma pensée pour ne laisser aucune ambiguïté. J'ai utilisé l'expression "royalement" pour vouloir signifier qu'on le faisait d'une façon princière, royale ou magistrale, en voulant utiliser les écrans et les caméras de télévision de l'Assemblée nationale et, pour moi, M. le Président, dire le contraire de la vérité, c'est mentir. Et je répète qu'à moins que le député de Maskinongé n'accepte l'offre que je lui ai faite, je réitère et je lui redis qu'il a menti royalement devant l'Assemblée nationale. (14 h 50)

En second lieu, je donne tout de suite, verbalement, l'avis requis selon les dispositions de l'article 49.2 de notre règlement.

Le Président: Question principale...

M. Clair: M. le Président, question de privilège.

Le Présidents M. le ministre des Transports sur une question de privilège.

M. Clair: Comme je l'ai indiqué tantôt, ayant eu à partager, depuis cinq ans, la responsabilité politique à l'égard de l'ensemble de la région et du comté de Maskinongé, ayant eu l'occasion de rencontrer, pendant de longues heures, de très nombreuses personnes dans le comté de Maskinongé, parce que je m'occupais de ce dossier, je me sens personnellement attaqué. Le député de Maskinongé a parlé de sauvegarder l'intégrité du centre Domrémy. Soit, c'est certainement un motif noble, mais que fait-il de la nôtre, notre intégrité? Quel est son souci de s'assurer, au moins, qu'il ait quelque information que ce soit avant de tenir des propos comme ceux qu'il a tenus?

Je veux simplement me joindre à mon collègue, le ministre de l'Énergie et des Ressources, pour manifester la même intention que lui. Je me sens, moi aussi, attaqué de façon hypocrite et malhonnête par le député de Maskinongé.

Le Président: Fin de la période des questions.

M. Bédard: De la période d'insinuations!

Le Président: Motions non annoncées. M. le député d'Outremont.

M. Bédard: Fin de la période d'insinuations!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Motions non annoncées

M. Fortier: M. le Président, je désire le consentement de cette Chambre pour proposer une motion de félicitations en l'honneur de Mme Antonine Maillet qui vient de se voir décerner le titre de Compagnon de l'Ordre du Canada.

Le Président: Y a-t-il consentement?

Des voix: Défaut de consentement.

Des voix: Oh! Oh! Oh

Le Président: M. le député de Gatineau.

Une voix: C'est dégueulasse!

M. Gratton: M. le Président, je suis sûr que dans le cas de ma motion le gouvernement, les députés ministériels accorderont leur assentiment unanime, puisqu'il s'agit d'appuyer une position naguère défendue par le premier ministre.

Ma motion se lirait comme suit: Que cette Assemblée appuie la position catégorique et sans équivoque exprimée par le premier ministre à Washington en janvier 1979 à l'effet qu'il serait inutile, ridicule et trop coûteux de remplacer, sur les panneaux de signalisation du Québec, le mot "stop" déjà reconnu comme français tant sur le plan international...

M. Lachance: M. le Président, question de règlement.

M. Gratton: ... que par l'Office de la langue française...

M. Lachance: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le député de Bellechasse, j'ai cru comprendre qu'il y avait une question de règlement de votre part.

M. Lachance: Oui, M. le Président, en vertu de notre règlement, j'oppose mon refus à cette motion.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je

comprends, M. le député, qu'il n'y aura pas de consentement unanime mais, quand même, il y a en cette Assemblée une coutume qui veut que, pour pouvoir donner un consentement ou un refus sur une motion, il faut d'abord l'entendre.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, pour le bénéfice du premier ministre qui nous revient, ma motion se lirait comme suit: Que cette Assemblée appuie la position catégorique et sans équivoque exprimée par le premier ministre à Washington en janvier 1979 à l'effet qu'il serait inutile, ridicule et trop coûteux de remplacer, sur les panneaux de signalisation du Québec, le mot "stop", déjà reconnu comme français tant sur le plan international que par l'Office de la langue française, par le mot "arrêt" et invite son gouvernement à surseoir à la décision annoncée hier par le ministre des Transports, économisant ainsi aux contribuables québécois une dépense estimée à 6 000 000 $ qui ne saurait se justifier dans le contexte de la crise économique et budgétaire actuelle, évitant en même temps que le Québec devienne, encore une fois, la risée du monde entier.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): II n'y a pas consentement, je l'ai bien reconnu. Cependant, je tiens à faire remarquer au député qui a proposé cette motion que la présidence aura à parler de la longueur des motions. Peut-être qu'elle est un peu trop longue. Je ne le sais pas, on le verra mardi prochain. M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: M. le Président, j'obtiendrai sûrement le consentement de mes collègues de l'Opposition et du parti ministériel pour une motion non annoncée, parce qu'elle a pour but de réduire les dépenses du gouvernement du Québec. Je fais lecture de cette motion, M. le Président: Considérant que le contexte économique très difficile que traverse le Québec...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député, de la même façon que j'ai demandé pour le député de Gatineau qu'on l'écoute attentivement, je le demanderai pour vous.

M. Lachance: Merci, M. le Président. Vous êtes bien aimable. Considérant que le contexte économique très difficile que traverse le Québec impose à tous de rechercher et de proposer des moyens de réaliser des économies qui n'affectent pas les services dispensés à la population; considérant qu'il y a d'abord lieu de privilégier des coupures dans des dépenses superflues, accessoires et inutiles; considérant qu'au cours de l'exercice financier 1982-1983 il est possible de réaliser une économie substantielle qui n'aura aucune répercussion sur les services offerts à la population; je requiers de cette Assemblée, je fais motion, M. le Président, qu'on demande au gouvernement du Québec de prendre les dispositions requises pour réduire à 1 $ les crédits alloués pour la fonction de lieutenant-gouverneur pour l'exercice financier 1982-1983.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a consentement? Il n'y a pas de consentement.

M. Clair: Une directive...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Juste avant de donner au ministre des Transports... À l'ordre! À l'ordre! Juste avant, M. le leader, j'aimerais faire remarquer... M. le député de Bellechasse, c'est à vous que je m'adresse en premier lieu et, en second lieu, à tous ceux qui n'ont pas l'habitude de la façon dont les motions non annoncées doivent être faites. Je vous ai laissé aller, mais normalement les attendus font partie de l'argumentation; normalement vous auriez dû passer directement à votre motion et ensuite passer à votre argumentation lorsque la motion aurait été acceptée au niveau de discussion. C'est simplement pour le rappeler à l'ensemble des gens. J'ai une question de privilège de la part du leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Très brièvement, M. le Président. Ce genre de motion que nous venons d'entendre semble un petit peu difficile à comprendre lorsqu'on est à la veille de nous demander d'aller encore une fois rencontrer le lieutenant-gouverneur pour sanctionner les projets de loi présentés par le gouvernement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le ministre des Transports, sur une question de directive.

M. Clair: C'est une demande de directive, M. le Président. Étant donné que la motion du député de Gatineau n'a pu être accueillie, je voudrais savoir s'il y a un moment pour dire que cela ne coûtera absolument rien aux municipalités, le remplacement des panneaux...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, je pense que le règlement que nous avons est clair. Vous avez énormément de

moyens de l'exprimer, soit par une déclaration ministérielle, soit lors d'une conférence de presse à l'extérieur de cette Assemblée. Une autre façon, c'est que la question soit posée lors de la prochaine occasion, c'est-à-dire mardi prochain, par quelqu'un de cette Assemblée. M. le député... Juste un instant. Question de règlement de la part du député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, j'aimerais...

Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de quel numéro du règlement?

M. Gratton: Pour répondre à l'interrogation, M. le Président, sur la même question de règlement...

Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a eu la période de question pour poser des questions au ministre des Transports. Je n'accepterai pas qu'on revienne sur une demande de directive de la part du ministre, à laquelle j'ai répondu. Comme vous le savez, je vous ai permis de présenter votre motion; en conséquence je clos le débat sur cette question.

M. Gratton: Demande de directive.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Demande de directive.

M. Gratton: Est-ce qu'une autre façon pour le ministre des Transports de dire ce qu'il voudrait dire n'aurait pas été de donner le consentement unanime à la motion que j'ai présentée? (15 heures)

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est pourquoi je m'étais levé, M. le député de Gatineau. C'était pour éviter qu'une question de règlement n'en soit vraiment pas une.

M. le député de Saint-Jean.

M. Proulx: Je laisse tomber ma motion.

Le Vice-Président (M. Jolivet):

Enregistrement des noms...

M. Bissonnet: M. le Président, en vertu de l'article 34...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jeanne-Mance, les questions en vertu de l'article 34 se posent avant les avis à la Chambre. Nous ne sommes pas rendus là.

M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

Demande de directive M. Duhaime: M. le Président, je réponds à l'invitation du député de Maskinongé qui me référait à la transcription du journal des Débats que j'ai en main. Je viens de l'avoir il y a une seconde et c'est le numéro 820513-R/4731 - page 1. Avant de vous formuler la demande de directive, je voudrais relire le troisième volet de la question adressée au premier ministre par le député de Maskinongé: "Troisièmement - je cite et je lis au texte - est-ce qu'il peut m'assurer qu'un membre de son Conseil des ministres n'est pas intervenu directement, puisqu'il semble y avoir quelqu'un à Domrémy, Pointe-du-Lac, qui a une affinité de parenté très près d'un ministre du Conseil des ministres?"

Des voix: Ah!

M. Duhaime: Ma demande de directive, M. le Président, est la suivante: Je voudrais que la présidence m'indique de quelle façon un député de l'Assemblée nationale, qui est au surplus ministre dans la région de La Mauricie, peut s'y prendre pour invoquer justement son privilège à partir de l'accusation ou de l'insinuation sérieuse et...

M. Bertrand: C'est plus grave.

M. Duhaime: ... grave que contient cette question?

Une voix: C'est pire.

Le Président: Oui?

M. Bertrand: M. le Président...

Des voix: ...

M. Bertrand: Le président n'a pas quitté son fauteuil. M. le Président, pour votre information, on pourrait peut-être permettre au ministre de renouveler la demande de directive.

Le Président: M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, je comprends que la présidence est une espèce de trinité. Nous venons tout juste d'en voir l'éloquente démonstration.

Je voudrais formuler une demande de directive à la présidence et, avant de le faire, pour la bonne compréhension de la demande que je vais formuler, je voudrais relire le troisième volet de la question que posait tout à l'heure le député de Maskinongé au premier ministre, et je cite: "Troisièmement, est-ce qu'il peut m'assurer qu'un membre de son Conseil des ministres n'est pas intervenu directement puisqu'il semble y avoir quelqu'un à Domrémy, Pointe-du-Lac, qui a une affinité de parenté très près d'un ministre du Conseil des ministres?"

M. le Président, ma demande de directive à la présidence est la suivante: Comment un membre de l'Assemblée nationale, un député et au surplus un ministre qui est de La Mauricie, la région concernée, peut s'y prendre pour invoquer son privilège de député à la suite de l'accusation ou de l'insinuation très grave que contient et que sous-tend le troisième volet de la question telle que formulée par le député de Maskinongé?

Le Président: M. le ministre, je vous rappellerai l'article 79 du règlement. Vous savez que plusieurs motions qui sont présentées ici à l'Assemblée doivent apparaître au feuilleton préalablement à leur discussion dans cette enceinte. C'est la formule habituelle, régulière et normale que suit soit le gouvernement, soit l'Opposition pour inscrire des motions annoncées au feuilleton et qui, après être apparues au feuilleton, viennent sur le parquet de cette Assemblée pour discussion. Donc, c'est la procédure normale et habituelle qui doit s'appliquer en pareil cas, comme une motion de blâme que l'Opposition pourrait présenter à l'endroit du gouvernement mérite d'être annoncée au feuilleton et, après un certain délai, elle peut être amenée en discussion ici à cette Assemblée.

M. Duhaime: M. le Président, vous allez m'excuser, si je me fais insistant, mais est-ce que la demande de directive que je vous ai adressée empêcherait, à l'heure actuelle, le député de Maskinongé d'identifier le nom du ministre qu'il a à l'esprit, s'il en existe un?

Le Président: M. le ministre, lorsque les paroles ont été prononcées, vous vous êtes prévalu, comme vous aviez d'ailleurs le droit de le faire, de l'article 49 du règlement. Au stade où nous sommes rendus, l'article 49 ayant été utilisé, avis verbal ayant été donné, la présidence en ayant pris acte, la seule autre possibilité qu'il reste en vertu de notre règlement, c'est l'article 79, qui parle d'une motion annoncée, donc d'une motion inscrite au feuilleton, et qui pourrait, si elle était inscrite au feuilleton et si elle était appelée, être discutée ici à cette Assemblée. Mais l'article 49 a été, de part et d'autre, couramment employé aujourd'hui et, à ce stade-ci, je ne reconnaîtrai ni le député de Maskinongé, ni le ministre des Transports, ni le ministre de l'Énergie et des Ressources sur l'article 49.2 du règlement, tout en rappelant que l'article 79 fait également partie de notre règlement.

M. Bertrand: M. le Président, simplement un complément d'information à la demande de directive. Si le ministre et député de Saint-Maurice inscrit au feuilleton, mardi, une motion, se prévalant justement de l'article 79, la demande de directive est dans le sens suivant: De quelle façon, par la suite, y a-t-il ou non débat sur cette motion et comment la décision est-elle prise de convoquer une commission pour entendre la personne visée par la motion?

Le Président: C'est la première fois que la présidence actuelle a affaire à un pareil cas. Ce que je vous dirai, c'est que cette motion, comme l'article 79 l'indique, est privilégiée et, en conséquence, si elle apparaissait au feuilleton mardi, elle devrait nécessairement être débattue mercredi en raison de son caractère privilégié.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je ne sais pas pourquoi toutes ces questions, mais, sur cette question de règlement, je trouve que, lorsqu'on a des questions à poser, on doit d'abord lire son règlement et ensuite, si on ne peut pas le comprendre, on s'informe auprès de la personne la plus autorisée autour de soi. Vous êtes toujours à la disposition des députés et je me demande pourquoi ces questions, ces demandes de directive complètement superflues, une perte de temps. Alors que la province est prise avec des problèmes économiques considérables, on est en train de niaiser depuis tout à l'heure, je ne sais pas combien de temps.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, je comprends que tous sont censés connaître la loi, c'est un proverbe en droit. On doit présumer également que tous les députés doivent connaître l'ensemble des articles du règlement, mais je pense qu'il existe une coutume, des traditions qui font que, régulièrement, des députés des deux côtés de l'Assemblée demandent des directives au président et la présidence a l'habitude ou bien de suspendre, lorsqu'elle n'est pas sûre de ses réponses, ou bien de répondre sur le champ, lorsqu'elle est convaincue de ses réponses. C'est ce qu'elle a fait dans les minutes qui ont précédé.

M. Brassard: Question de règlement.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: C'est parce que vous avez dit tout à l'heure que la motion pourrait être appelée mercredi. Or, j'ai cru comprendre qu'en vertu de l'article 49.3, le fait que le député de Saint-Maurice ait annoncé verbalement qu'il avait l'intention de présenter une motion, cela constituait un avis et qu'à ce moment-là, la motion pourrait être appelée dès mardi.

Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il

vous plaît!

Évidemment, la présidence n'a pas le monopole - À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! - de la connaissance du règlement, mais je répéterai simplement que, selon mon interprétation des articles 49.2 et 49.3 et 79 du règlement, la présidence a pris acte qu'un avis verbal a été donné à savoir qu'une motion annoncée pourrait être inscrite. Une motion annoncée, au sens du président, veut dire une motion écrite, inscrite au feuilleton, donc, qui sera privilégiée. Si elle apparaît au feuilleton de mardi, elle sera privilégiée mercredi. C'est la réponse que je répète et c'est l'interprétation que je donne des articles concernés.

Enregistrement des noms sur les votes en suspens. Qu'on appelle les députés.

(Suspension de la séance à 15 h 11)

(Reprise de la séance à 15 h 16)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

Mise aux voix du projet de loi no 46

II y a plusieurs votes. Je commence par la première motion mise aux voix, qui est la motion du ministre des Affaires municipales, à savoir que le projet de loi no 46, Loi modifiant la Loi de la Communauté urbaine de Montréal, soit maintenant lu la deuxième fois. Que ceux et celles qui sont pour veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Bertrand, Mme Marois, MM. Bédard, Parizeau, Morin, Johnson (Anjou), Bérubé, Lazure, Gendron, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Lessard, Biron, Rancourt, Léger, Clair, Chevrette, Fréchette, Duhaime, Léonard, Martel, Baril (Arthabaska), Proulx, de Belleval, Brassard, Dean, Gagnon, Dussault, Vaugeois, Desbiens, Mme Juneau, MM. Fallu, Bordeleau, Leduc (Fabre), Marquis, Boucher, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata),

Champagne, Blais, Blouin, Gauthier, Gravel, Laplante, Lavigne, LeMay, Rodrigue, Payne, Tremblay, LeBlanc, Lafrenière, Paré, Lachance, Dupré, Ryan, Lévesque

(Bonaventure), Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Lalonde, Mme Bacon, MM. Marx, Bélanger, Blank, Caron, Mathieu, Assad, Vallières, Lincoln, Picotte, Pagé, Gratton, Fortier, Rocheleau, Bissonnet, Polak, Maciocia, Cusano, Dubois, Sirros, Saintonge, Dauphin, French, Doyon, Kehoe, Middlemiss, Leduc (Saint-Laurent).

Le Vice-Président (M. Jolivet): Que ceux et celles qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Charron, Mme Lachapelle, MM. Paquette, Bisaillon, Mme Harel, M. Rochefort.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Que ceux et celles qui s'abstiennent veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Grégoire.

Le Secrétaire: Pour: 85

Contre: 6

Abstentions: 1

Le Vice-Président (M. Jolivet): La motion est adoptée.

Est-ce qu'il y a une motion, M. le leader? (15 h 20)

Renvoi à la commission des affaires municipales

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a une motion, M. le leader?

M. Bertrand: Je ferais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire permanente des affaires municipales.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Mise aux voix des motions de

sous-amendement et d'amendement ainsi

que de la motion demandant la révision

du système de taxation municipale

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adapté. Je demanderais l'attention de tous et toutes pour la prochaine motion qui contient un amendement et un sous-amendement. Comme le prévoit le règlement, nous allons donc débuter par le sous-amendement qui se lit comme suit: "Que la motion d'amendement soit amendée en ajoutant, après le mot "fédéral", les mots "et le gouvernement du Québec", et en remplaçant les mots "qu'il doit sur ses" par les mots "sur leurs".

Avant de passer au vote, je vais lire l'amendement pour la bonne compréhension. La motion d'amendement est la suivante: "Que la motion en discussion soit amendée en remplaçant, dans la première ligne, le mot "exige" par le mot "demande", en remplaçant, dans la deuxième ligne, le mot "révise" par le mot "ajuste", et en retranchant, dans la troisième ligne, tous les mots après le mot "municipal" et en ajoutant les mots suivants: "de façon à en améliorer l'équité entre les contribuables. Que cette révision se fasse de concert avec les

municipalités dont c'est la responsabilité première et vise également à amener le gouvernement fédéral à payer aux municipalités les taxes qu'il doit sur ses immeubles."

La motion principale se lisait comme suit: "Que cette Assemblée exige du gouvernement qu'il révise le système de taxation municipale qui crée de plus en plus de déséquilibre et s'avère de plus en plus injuste envers de très nombreux contribuables."

M. Lalonde: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Lalonde: Je m'excuse de vous interrompre en ce moment, mais le député de Rosemont, qui avait fait cette motion, se souvient que, de consentement, on avait enlevé les mots "qu'il doit", pour ne pas soulever le problème de dette; c'était simplement "les taxes sur ses immeubles".

Le Vice-Président (M. Jolivet): Vous avez raison. C'était ce qu'on avait convenu de part et d'autre de cette Assemblée.

La motion de sous-amendement est à l'effet d'ajouter, après le mot "fédéral", les mots "et le gouvernement du Québec", et de remplacer les mots "qu'il doit sur ses" -c'est là que l'amendement se faisait - par les mots "sur leurs".

En conséquence, que ceux et celles qui sont pour ce sous-amendement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure), Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, M. Lalonde, Mme Bacon, MM. Marx, Bélanger, Blank, Caron, Mathieu, Assad, Vallières, Lincoln, Picotte, Pagé, Gratton, Fortier, Rocheleau, Bissonnet, Polak, Maciocia, Cusano, Dubois, Sirros, Saintonge, Dauphin, French, Doyon, Kehoe, Middlemiss, Leduc (Saint-Laurent).

Le Vice-Président (M. Jolivet): Que ceux et celles qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Bertrand, Mme Marois, MM. Bédard, Parizeau, Morin, Johnson (Anjou), Bérubé, Lazure, Gendron, Lessard, Biron, Rancourt, Léger, Clair, Chevrette, Fréchette, Duhaime, Léonard, Martel, Baril (Arthabaska), Charron, Proulx, de Belleval, Ouellette, Mme Lachapelle, MM. Brassard, Dean, Paquette, Gagnon, Dussault, Vaugeois, Desbiens, Mme Juneau, MM. Fallu, Grégoire, Bordeleau, Bisaillon, Leduc (Fabre), Marquis, Boucher, Mme Harel, MM. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Champagne, Blais, Blouin,

Gauthier, Gravel, Laplante, Lavigne,

Rochefort, LeMay, Rodrigue, Payne,

Tremblay, LeBlanc, Lafrenière, Paré, Lachance, Dupré.

Une voix: Est-ce qu'on peut ajouter le nom du député des Îles-de-la-Madeleine?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a consentement, oui?

Une voix: Peut-être.

Le Secrétaire: Pour: 32

Contre: 61

Abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Jolivet): Motion de sous-amendement rejetée.

Que ceux et celles qui sont pour la motion d'amendement veuillent bien se lever s'il vous plaît!

M. Bertrand: M. le Président, est-ce qu'on pourrait proposer aux députés de l'Opposition d'avoir un vote unanime là-dessus ou un vote renversé?

M. Levesque (Bonaventure): Vote renversé.

Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a consentement pour que le vote soit renversé. Donc, la motion d'amendement est adoptée.

La motion principale, telle qu'amendée, se lirait comme suit: Que cette Assemblée demande au gouvernement du Québec qu'il ajuste le système de taxation municipale de façon à en améliorer l'équité entre les contribuables, que cette révision se fasse de concert avec les municipalités dont c'est la responsabilité première et vise également à amener le gouvernement fédéral à payer aux municipalités les taxes sur ses immeubles.

Cette motion est-elle unanimement adoptée? Adopté.

Avis à la Chambre, en vertu de l'article 34, M. le député de Jeanne-Mance.

Recours à l'article 34

M. Bissonnet: M. le Président, ma question s'adresse au leader parlementaire. Cet après-midi, nous entreprendrons la deuxième lecture du projet de loi no 65. Je demande au leader parlementaire quand entend-il déférer le débat, après la deuxième lecture, en commission parlementaire.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Probablement pas la semaine prochaine, indépendamment de la possibilité que nous terminions ce soir. La semaine prochaine, ce serait plutôt la

commission parlementaire des affaires municipales qui serait appelée à travailler avec les autres commissions qui étudient des crédits.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Le ministre a-t-il l'intention de convoquer les groupes qui seraient intéressés à intervenir devant la commission, les groupes qui avaient été convoqués au mois de septembre, puisqu'il y a des modifications importantes au projet de loi?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je n'ai pas avec moi la feuille... À moins que je fouille un peu. Oui, j'ai avec moi une feuille faisant état du vaste processus de consultation qui a eu lieu. On se rappellera d'abord que, quand le gouvernement du Québec a mis sur pied la commission Paré, il y avait un attendu qui se lisait comme suit: "Attendu que le gouvernement possède une abondante documentation sur le sujet, ce qui rend d'autres recherches théoriques ultérieures inappropriées..." C'était dans le décret du 3 septembre 1980, si vous voulez bien me laisser terminer. La commission Paré a reçu 134 mémoires, elle a eu...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le leader, mais il y a un peu trop de bruit et le député de Jeanne-Mance doit bien entendre la réponse que vous lui donnez. S'il vous plaît! M. le leader.

M. Bertrand: M. le Président, je disais que, dans le décret du 3 septembre 1980, il était déjà fait état d'un bon nombre d'études et de recherches et d'une abondante documentation qui avait été récoltée sur le sujet. La commission Paré, qui a travaillé pendant huit mois, a reçu 134 mémoires et, d'elle-même, elle a pris l'initiative de rencontrer une trentaine de groupes ou d'individus pour ajouter à ses informations.

La commission parlementaire a reçu 24 mémoires, elle a donc entendu 24 groupes et individus les 1er, 2 et 3 septembre 1981. Au ministère des Communications, pendant six, sept ou huit mois, environ, il y a eu plus de 65 rencontres avec des groupes, des individus; il y a eu réception de courrier, des avis nous ont été acheminés. À ce moment-ci, s'il y a une chose dont nous avons besoin, c'est de passer à l'action. J'indique donc qu'il n'y aura pas de commission parlementaire pour convoquer d'autres groupes mais, évidemment, en commission parlementaire, les parlementaires, eux, auront probablement tout le loisir de faire leur travail d'étude article par article.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jeanne-Mance.

M, Bissonnet: Est-ce l'intention du gouvernement de présenter un projet de loi spécial sur les élections de l'agglomération A-11 de taxi sur l'île de Montréal dans les semaines à venir?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Oui, M. le Président, c'est notre intention de présenter ici, devant l'Assemblée nationale, probablement la semaine prochaine, un projet de loi sur cette question de la ligue A-11.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Lalonde: En vertu de l'article 34, M. le Président, nous venons d'adopter unanimement, le premier ministre en tête, une motion qui dit ceci: "Que cette Assemblée demande au gouvernement qu'il ajuste le système de taxation municipale de façon à en améliorer l'équité entre les contribuables." Le leader du gouvernement pourrait-il nous dire quand il entend déposer en cette Chambre un projet de loi qui va donner suite à cette décision unanime de l'Assemblée nationale? (15 h 30)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je ferai remarquer au député de Marguerite-Bourgeoys que la motion ne fait pas spécifiquement mention d'un projet de loi. Elle demande que des gestes puissent être posés en concertation, d'ailleurs, avec le milieu municipal et en invitant le gouvernement fédérai à payer ses taxes dans les municipalités où il a des immeubles. Dans un contexte comme celui-là, maintenant, le ministre des Affaires municipales sentira que l'Assemblée nationale lui a donné unanimement un mandat pour regarder toute cette question en se basant sur les principes d'équité auxquels il est fait référence dans la motion. Je crois que le message a été bien reçu et le ministre est très content, d'ailleurs, de l'unanimité qui s'est faite sur la question.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Lalonde: II me semble que cela mérite plus que des discours, des sermons.

On sait que c'est la Loi de l'évaluation foncière qui cause le problème. Est-ce que le ministre, le leader, pourrait nous dire s'il va soumettre à l'Assemblée nationale le plus tôt possible, dans les jours et les semaines qui vont venir, des amendements à la Loi sur l'évaluation foncière pour changer le système?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, le comité Québec-municipalités siège, par les temps qui courent, sur cette question de la taxation et le ministre a probablement hâte de recevoir un rapport du comité. À la suite de cela, s'il y a des questions qui doivent être posées sur les suites que le ministre entend donner, je crois que la période des questions sera tout à fait appropriée.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Lalonde: Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, concernant la concentration de la presse, il s'agit d'une vieille promesse électorale remplie de fils d'araignée, j'imagine, du Parti québécois. J'ai vu dans les journaux récemment que le ministre des Communications, qui est aussi leader du gouvernement, a l'intention de saisir l'Assemblée nationale d'un projet de loi. Est-ce que ce serait pour les jours qui viennent?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Non, M. le Président. Ce ne sera pas pour les jours qui viennent, mais c'est exact. Je confirme les informations publiées dans le journal Le Devoir, à savoir que le ministre des Communications a produit un document qu'il a soumis à l'attention du comité ministériel permanent du développement culturel et que nous avons eu là-dessus une discussion. Je rappellerai que ce n'est pas la première fois que nous abordons cette question. J'ai même vu dans mes papiers, pour m'alimenter de tout ce qui a été préparé avant que j'arrive au ministère des Communications, un projet inscrit au nom du député de Marguerite-Bourgeoys et soumis à l'attention du Conseil des ministres quelque part en 1974, 1975, sur la même question.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M le député de Champlain.

M. Gagnon: M. le Président, en vertu de l'article 34. Est-ce que le leader du gouvernement pourrait me dire, à la suite de la motion que nous venons d'adopter unanimement, si cela prendra une loi spéciale pour obliger le gouvernement fédéral à payer ses taxes sur ses immeubles ici, au Québec.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je ne le sais pas, M. le Président, mais je sais que ça prendrait au moins une chose, un gouvernement fédéral responsable.

M. Lalonde: Sur cette même question, est-ce que le leader est conscient que le gouvernement fédéral paie des "en lieu" de taxes comme le gouvernement provincial?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, il ne s'agit vraiment pas de l'organisation de nos travaux parlementaires. Si vous voulez m'embarquer là-dessus, je pense qu'on pourrait faire une comparaison entre ce qui est payé par le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral et les fameux "en lieu" dont vous parliez; ce n'est rien à côté des dizaines de millions de dollars que nous payons aux municipalités sur les établissements scolaires et tout autre établissement du même genre, propriétés gouvernementales, etc.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avis à la Chambre. M. le leader du gouvernement.

Avis à la Chambre

M. Bertrand: M. le Président, je rappelle que demain il y a une question avec débat, au salon bleu, de 10 heures à 13 heures, inscrite au nom du député de Laurier pour le ministre de l'Énergie et des Ressources sur les coupures de services d'Hydro-Québec.

Mardi prochain, le 18 mai, de 10 heures à 12 h 30, au salon rouge, la commission parlementaire de l'environnement entreprendra l'étude de ses crédits; à la salle 81-A, la commission des affaires municipales pourra poursuivre l'étude article par article du projet de loi no 46 et, à la salle 91-A, la commission de l'éducation mettra fin à l'étude de ses crédits. Tout ça, le mardi 18 mai prochain, de 10 heures à 12 h 30.

Je donne avis aussi que le jeudi 27 mai la commission des engagements financiers siégera à la salle 91-A toute la journée, mais toute la journée avec une exception: de 9 h 30 à 13 heures, il y aura suspension pour permettre au chef de l'Opposition de prononcer son discours en réponse au discours sur le budget, ou celui qui le remplacera à ce moment. Ce serait durant l'après-midi, le jeudi 27 mai. Donc, comme c'est la coutume,

il n'y aura pas de commission qui siégera pendant que le porte-parole de l'Opposition prononcera son discours, mais durant la soirée, bien sûr, la commission des engagements financiers continuera ses travaux de 20 heures à 22 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Les motions, M. le leader.

M. Bertrand: II n'y a qu'une seule motion, M. le Président. Aujourd'hui, de 15 h 35 à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, au salon rouge, la commission des affaires municipales entreprend l'étude article par article du projet de loi no 46 sur la Communauté urbaine de Montréal.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de passer aux affaires du jour, la question avec débat du vendredi 21 mai, M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le Président. D'abord, celle qui est prévue pour demain, commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme, question avec débat... Non, c'est plutôt la commission de l'énergie et des ressources au salon bleu ici demain, à 10 heures. Il s'agit de la question avec débat du député de Laurier au ministre de l'Énergie et des Ressources sur le sujet suivant: Les coupures de service d'Hydro-Québec. Ce sera demain matin.

Quant à vendredi prochain, je n'ai pas encore l'assurance qu'il n'y aura pas de modifications. Il y a quelques instants, j'ai eu une demande du côté ministériel dans ce sens, mais s'il n'y a pas de changement, ce sera, comme prévu ici en appendice au feuilleton, la commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme, question avec débat du député de Notre-Dame-de-Grâce au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme sur le sujet suivant: La situation économique dans l'Estrie. Il est possible que ce soit un autre ministre qui remplace le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme si ce dernier ne pouvait pas s'y rendre, mais, encore là, les discussions étant préliminaires, nous allons donc nous en tenir pour le moment à l'avis qui paraît au feuilleton. De toute façon, le sujet annoncé, c'est la situation économique dans la région de l'Estrie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Donc, l'avis est donné pour la semaine prochaine. Les affaires du jour, M. le leader?

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 9 qui est inscrit au feuilleton d'aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Avant que nous procédions ainsi, si vous me le permettez, j'aimerais que le leader parlementaire du gouvernement, selon une tradition que nous ne voulons pas voir disparaître, nous fasse part des travaux qu'il envisage pour la semaine prochaine ainsi que l'ordre qu'il a présentement à l'esprit.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: La semaine prochaine, nous aurions trois possibilités. Premièrement, la motion inscrite au nom du ministre de l'Énergie et des Ressources, mardi. Selon l'avancement de nos travaux aujourd'hui sur la loi d'accès, s'il restait une heure, une heure et demie ou deux heures, selon le nombre d'orateurs qu'il y a de chaque côté et la volonté des parlementaires de se prononcer sur ce projet de loi, nous pourrions peut-être prendre une partie de la journée de mardi, peut-être la soirée, pour terminer le débat sur la loi d'accès. On verra, on pourra en discuter entre nous pour voir le nombre d'orateurs qui voudraient se prévaloir de leur droit de parole. Mercredi matin, à 10 heures, nous entreprendrions l'étude du projet de loi no 62, jusqu'à 13 heures. Par la suite, bien sûr, ce sera la journée de l'Opposition, le mercredi après-midi et, jeudi, la motion inscrite au nom du ministre de l'Énergie et des Ressources. Cela serait pour les travaux de l'Assemblée nationale.

Pour ce qui est des commissions parlementaires, la seule autre commission parlementaire qui siégerait la semaine prochaine en dehors de celles qui vont étudier des crédits serait la commission parlementaire permanente des Affaires municipales sur le projet de loi no 46.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Pour être certain qu'on se comprenne bien, est-ce que le leader du gouvernement vient de nous indiquer que nous aborderions dès mardi après-midi, après la période de questions, la motion inscrite au nom du ministre de l'Énergie et des Ressources? C'est ça que vous voulez nous dire? Si ce n'était pas complété mardi soir, nous la reprendrions jeudi après-midi, est-ce bien cela? Est-ce que je peux poser une autre question, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M.

le whip. (15 h 40)

M. Pagé: J'ai été avisé seulement ce midi que le gouvernement entendait déférer en commission parlementaire l'étude du projet de loi no 46 article par article dès cet après-midi. On sait que c'est un projet de loi qui est important. Le leader du gouvernement n'est certainement pas sans savoir que de nombreux députés veulent intervenir là-dessus. Je me vois dans l'obligation, et le leader aussi, de signaler à nos députés, qui avaient, dans certains cas, des engagements dans différents ministères, ici à Québec, ou encore dans leur comté, demain matin très tôt, dans la région de Montréal, de leur signifier qu'ils doivent mettre de côté les engagements qu'ils ont pris pour se rendre en commission étudier le projet de loi no 46 article par article. Cela vient bouleverser particulièrement les agendas chargés des députés.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, avec tout le respect que je dois au député de Portneuf, je voudrais simplement lui dire ceci: II est possible qu'il ait reçu avis que la commission siégerait cet après midi, après le vote, mais je veux lui indiquer - là-dessus, j'en ai moi-même fait part hier, je pense, au député de Maskinongé - que, de toute façon, il y a eu là-dessus communication - je peux vous le confirmer officiellement - entre mon bureau et le bureau du leader pour faire savoir que, dès aujourd'hui, nous entreprendrions l'étude article par article du projet de loi.

Je vous rappellerai le contexte dans lequel la question m'avait été posée, c'est qu'hier, on se demandait si le vote aurait lieu mercredi, puisque le débat s'est terminé à 13 heures, ou aujourd'hui jeudi. Or, comme des députés m'avaient manifesté le désir de voter sur cette question jeudi plutôt que mercredi, on m'avait alors demandé: À quel moment la commission parlementaire siégera-t-elle? J'avais bien indiqué que la commission parlementaire siégerait après que nous aurions pris le vote, c'est-à-dire jeudi après-midi et jeudi soir.

Je veux bien qu'on me dise que le député n'a pas reçu l'information, mais je veux qu'il sache que je l'ai transmise et qu'il y a eu accord sur cette question.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Très brièvement, M. le Président, le leader du gouvernement - je le remercie - comprendra que je doive me lever à ce moment-ci et lui dire que, si je n'ai pas pu recevoir l'avis qui a été donné au whip adjoint hier après-midi, c'est non pas que je ne remplissais pas mon devoir, mais que j'étais aux funérailles de M. Villeneuve à ce moment-là.

M. Bertrand: Je comprends très bien, M. le Président, et je sais qu'un certain nombre de députés et de ministres s'étaient rendus à Berthierville. C'est une des raisons d'ailleurs pour lesquelles nous n'avons pas pris le vote hier.

Par contre, je dois lui dire que nous avions indiqué à l'un de ses collègues que la commission parlementaire siégerait aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition. M. le député de Verdun.

M. Caron: M. le Président, moi aussi, je suis intéressé de très près au projet de loi no 46. Je pense que l'Opposition a montré une certaine largeur d'esprit pour collaborer avec le ministre des Affaires municipales. On devait voter hier sur le projet de loi mais, à la suite du décès de M. Villeneuve, le vote a été reporté à aujourd'hui. J'ai, moi aussi, discuté avec le ministre des Affaires municipales. On devait voter aujourd'hui et entreprendre l'étude du projet de loi en commission mardi. Je me demande si, avec la collaboration de l'Opposition, il n'y a pas une possibilité, vu que certains députés ont des engagements - et moi-même le premier, étant sûr qu'on devait siéger mardi - de revenir sur des articles qui seront adoptés à la commission des affaires municipales.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je pense, M. le Président, que, pour rendre service à tout le monde, dans la mesure où un représentant indiquerait à la commission parlementaire - par exemple, le député de Verdun - qu'il voudrait se faire entendre sur un certain nombre d'articles très particuliers, il n'y aurait aucune objection - je le dis immédiatement pour en informer notre représentant à la commission parlementaire - de permettre que ces articles, dans certains cas, puissent être retenus pour la semaine prochaine. Mais, que voulez-vous, M. le Président, nous avons organisé les travaux parlementaires, nous en avons parlé hier à un représentant de l'Opposition officielle et la communication a été transmise aux fonctionnaires de l'Opposition officielle pour leur faire savoir qu'après le vote, il y aurait commission parlementaire.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je me permets de plaider une dernière fois. Nous sommes en présence

d'une quantité considérable d'amendements dont plusieurs sont d'ordre mineur, sans doute, mais le texte nous a été remis au tout début de l'après-midi, nous n'avons même pas eu le temps d'en prendre connaissance. Comment voulez-vous que nous ayons une opinion du député de Verdun, si nous allons en commission, alors qu'il n'a même pas eu le temps de les voir encore?

Pour la bonne qualité du travail que nous voulons accomplir, nous serions bien mieux placés pour entreprendre ce travail en commission mardi. Je pense que les résultats seraient meilleurs. Le ministre sait que, quand le travail est bien fait, les résultats sont plus intéressants pour tout le monde.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jeanne-Mance, parce que c'est sur la même question.

M. Bissonnet: M. le Président, ce ne sera pas long, c'est pour signifier également au leader parlementaire qu'étant un député de la région de Montréal et ayant une expérience très pertinente surtout à l'intérieur de la communauté urbaine, et compte tenu également que je suis ici cet après-midi à étudier le projet de loi no 65, je pense qu'il serait préférable, si le ministre des Affaires municipales a une entente avec l'Opposition, de remettre cette commission à mardi prochain.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je suis ouvert. Cependant, je vous ferai remarquer que le projet de loi no 46 est un projet de loi qui, évidemment, va nécessiter plusieurs journées de discussions en commission parlementaire. Cela va de soi, il y a beaucoup d'amendements qui peuvent être apportés non seulement par l'Opposition, mais plusieurs aussi par le ministre des Affaires municipales.

Cependant, est-ce que l'Opposition, dans la mesure où j'accepterais de collaborer ainsi, pourrait m'indiquer quelles sont ses intentions relativement au projet de loi no 65? Selon les discussions que nous avons eues à l'amiable en dehors de l'Assemblée nationale, je crois savoir que nous pourrions en disposer relativement rapidement en deuxième lecture. Cet après-midi, on me parlait de huit orateurs et le whip, tout à l'heure, en indiquait seize...

Une voix: C'est l'enthousiasme!

M. Bertrand: C'est l'enthousiasme? J'en doute fort. Ceci étant dit, dans le cas de la commission des communications, il est évident qu'on devra, dans ce cas comme dans celui du projet de loi no 46, avoir de bonnes discussions lors de l'étude article par article en commission parlementaire. Dans la mesure où je reporte les discussions de la commission parlementaire pour le projet de loi no 46, cela les reporte autant pour le projet de loi no 65. Est-ce qu'on pourrait me donner - c'est peut-être le ministre des Communications en même temps que le leader qui le demande - une indication sur le moment où l'Opposition pourrait clore le débat en deuxième lecture?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Je pense bien, comme l'a indiqué le député de Portneuf, notre whip en chef, qu'il s'agissait peut-être d'un peu d'enthousiasme. Ce n'est pas que le projet de loi soit tellement enthousiasmant, mais cette exagération était peut-êre voulue dans un sens; il pourra l'expliquer, s'il le désire. Quant à nous, si nous ne terminons pas ce soir, nous pourrions nous entendre pour terminer pas plus tard que 18 heures mardi.

M. Bertrand: À 22 heures, si on commence à 20 heures?

M. Levesque (Bonaventure): Ah oui!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip.

M. Pagé: M. le Président, pour faire d'une longue histoire une histoire courte, plusieurs collègues sont vivement intéressés par les dispositions du projet de loi no 65, et je pense qu'au cours des interventions du député de Jeanne-Mance et du député de Westmount, cet après-midi, nous serons en mesure de faire valoir plusieurs des inquiétudes soulevées par les députés. Cependant, si le leader du gouvernement voulait nous assurer que nous pourrions avoir tout l'après-midi de mardi, nous pourrions, quant à nous, lui donner notre consentement et notre parole que mardi, à 18 heures, nous aurions complété l'étude en deuxième lecture du projet de loi no 65 et nous serions disposés à aborder l'étude de la motion du ministre de l'Énergie et des Ressources à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Bertrand: M. le Président, comme j'ai déjà indiqué l'ordre des travaux pour mardi et comme j'en ai donné ma parole au leader de l'Opposition, nous appellerons, après la période des questions, la motion inscrite au nom du ministre de l'Énergie et des Ressources. Est-ce que je peux conclure que, de 20 heures à 22 heures, nous

pourrions disposer de la loi d'accès? De 20 heures à 22 heures? D'accord?

En terminant, est-ce que ce serait possible de concevoir que, la semaine prochaine, mercredi soir, la commission des affaires municipales puisse siéger pour l'étude du projet de loi no 46 pour remplacer la séance d'aujourd'hui? On vient de m'informer que la communication a été transmise mardi aux députés de l'Opposition les avisant que la commission siégerait aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Est-ce que le leader a communiqué avec le ministre de l'Énergie et des Ressources concernant les études juridiques ou techniques qui pourraient avoir été faites par le gouvernement en relation avec la motion du ministre qu'on va débattre mardi?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Bertrand: M. le Président, là-dessus, je pense que le ministre de l'Énergie et des Ressources m'a dit qu'il pourrait avoir une conversation avec le député d'Outremont. Il ne m'a pas indiqué qu'il avait en sa possession les documents ou les études, ne sachant pas trop à quoi se référait le député d'Outremont. Par conversation téléphonique, vous pourriez probablement vous entendre sur cette question. À première vue, il n'avait rien à déposer.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de continuer ce débat, parce que c'est bien en vertu de l'article 34 que la question avait été posée, je n'ai pas encore entendu la réponse concernant la soirée de mercredi prochain sur le projet de loi no 46. M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Si on s'entendait pour les choses d'aujourd'hui, il me semble que ce serait... Cela ne veut pas dire que ce sera une fin de non-recevoir. Au contraire, s'il n'y a pas d'objection majeure, on siégera mercredi soir. Si, d'une part, on accepte de remettre l'étude article par article du projet de loi no 46 à la semaine prochaine et si, d'autre part, le projet de loi no 65 est adopté d'ici à mardi, 22 heures... (15 h 50)

Une voix: Le projet de loi no 37.

M. Levesque (Bonaventure): Le projet de loi no 37, attendez! Je pense qu'on a fait un pas qui pourra être suivi d'autres pas, s'il n'y a pas d'objection majeure.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Bertrand: C'est d'accord, M. le Président. Je veux simplement terminer en disant qu'effectivement - là-dessus, je pense que c'est important quand même pour les fonctionnaires qui travaillent avec nous, par strict respect des engagements qu'ils prennent entre eux il y a eu des informations de transmises depuis mardi, mais, là-dessus, je suis prêt à collaborer avec l'Opposition.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je dois conclure qu'il y aurait consentement pour retirer la motion à l'effet de faire siéger la commission des affaires municipales dès maintenant jusqu'à 22 heures, avec interruption pour le souper.

Une voix: Et mercredi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): La partie de la semaine prochaine, ce sera la semaine prochaine.

M. le député d'Outremont, j'ai cru comprendre que vous aviez une question en vertu de l'article 34. Le leader serait prêt à répondre à une deuxième question.

M. Fortier: Cet après-midi, le ministre d'État au Développement économique a fait connaître le document "Bâtir le Québec 2". J'ai voulu en obtenir une copie et on m'a dit qu'il n'y a aucune copie pour les députés. Le leader pourrait-il nous assurer que le document sur cette politique du gouvernement sera à la disposition des députés de cette Chambre?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Bertrand: M. le Président, immédiatement, je fais savoir aux gens qui sont dans l'antichambre que la demande du député d'Outremont a été formulée, de l'acheminer au ministre d'État au Développement économique et de voir si, effectivement, ce document peut être transmis aux députés et à quel moment il peut l'être.

Projet de loi no 65 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous revenons donc au début du débat, c'est-à-dire la deuxième lecture du projet de loi no 65, Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. La parole est au ministre des Communications.

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre.

Je voudrais vous dire que c'est non seulement avec beaucoup de fierté, mais en même temps avec beaucoup d'enthousiasme que je présente aujourd'hui ce projet de loi no 65, Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Ma fierté est grande pour la raison suivante. C'est que je crois que nous allons, avec ce projet de loi, franchir une autre étape importante en vue d'améliorer le système démocratique de notre société, en vue d'améliorer la transparence dans le fonctionnement de nos institutions publiques et en vue de permettre aussi -c'est surtout cela qui est important - à l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes, d'avoir, premièrement, la possibilité de trouver dans les organismes publics les informations qu'en démocratie ils sont en droit d'obtenir pour participer véritablement au débat sur l'ensemble des décisions qui se prennent. Deuxièmement, ces citoyens et citoyennes du Québec doivent sentir que les organismes publics qui détiennent sur leur personne des informations font en sorte, par tous les moyens, que ces informations sont détenues dans la plus grande sécurité, que leur caractère de confidentialité est protégé et que ces informations ne sont pas utilisées, de n'importe quelle façon, pour être vendues, échangées ou même recueillies, sans tenir compte de certains principes et de certains objectifs très clairs et très précis.

Mon enthousiasme, M. le Président, tient au fait que nous entrons, avec ce projet de loi, dans ce qu'on appelle, dans le jargon des juristes, du droit nouveau. En effet, c'est un champ nouveau, un champ ouvert qui se présente devant nous et il s'agit, pour nous, parlementaires de l'Assemblée nationale, de faire en sorte que par ce projet de loi nous puissions, comme le disait d'ailleurs le rapport de la commission Paré, du nom du président qui avait la responsabilité de diriger tout un groupe de travail, garantir en même temps trois droits qui peuvent paraître des droits concurrents, mais qui, dans le fond, sont des droits qui peuvent être assurés en même temps; le droit du public à l'information; le droit des citoyens et citoyennes à la protection de leur vie privée et le droit aussi au bon gouvernement.

Ce projet de loi n'est pas un projet de loi comme les autres. Il s'agit d'un projet de loi qui couvre un champ d'action plus vaste, plus étendu que les projets de loi qui sont habituellement soumis à l'attention de l'Assemblée nationale. C'est un projet de loi fondamental qui touche aux principes mêmes qui nous guident dans le fonctionnement de notre société. C'est un projet de loi qui affectera l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes et qui touchera plus de 5000 organismes publics.

C'est vous dire, M. le Président, que le champ d'action couvert par le projet de loi, l'étendue qu'il aura au niveau des différents secteurs d'application comme aussi son caractère fondamental font de cette réforme une réforme qui, probablement, sera une des plus importantes que nous aurons adoptées au cours de la présente Législature.

Il y a, bien sûr, d'autres réformes qui ont été importantes dans l'histoire de ce Parlement. Je pense à celle qui a présidé à la préparation de la Charte des droits et libertés de la personne. Il s'agissait là d'une réforme fondamentale, d'une réforme importante, d'une réforme qui rejoignait toutes les Québécoises et tous les Québécois.

Je pense aussi à cette réforme qui a permis la création du poste - on disait à l'époque "d'Ombudsman" - de Protecteur du citoyen, les gens comprennent mieux ce que ça veut dire, et même de Protectrice du citoyen, puisque effectivement, une dame a occupé ce poste avant qu'un nouveau Protecteur du citoyen ne soit nommé tout récemment.

Il s'agit donc, comme pour ces réformes, d'une réforme majeure, d'une réforme qui va provoquer dans l'administration publique, dans l'administration de quelque 5000 organismes publics, des changements considérables au niveau des pratiques administratives, au niveau de la gestion documentaire comme au niveau de l'administration de fichiers qui contiennent des renseignements sur l'ensemble de nos concitoyens.

Il s'agit bien sûr d'une réforme qui, pour nous au Québec, est une première, mais il faut savoir que dans d'autres pays, depuis fort longtemps, des réformes du même type ont eu lieu, quelquefois bien sûr traitées selon la spécificité de chacune des situations, couvrant plus ou moins le volet de l'accès à l'information, plus ou moins le volet de la protection des renseignements personnels. Dans d'autres pays on a aussi fait des pas dans cette direction. La Suède, qui est probablement un exemple dans le genre, a une loi depuis 1776. La Finlande, plus récemment, depuis 1951. Les États-Unis depuis 1966. Le Danemark et la Norvège depuis 1970. L'Autriche depuis 1973. La Hollande, encore plus récemment, en 1977, a adopté une loi en ce sens. La France en 1978. Et il y a déjà deux provinces canadiennes qui ont des lois relatives au sujet que nous discutons aujourd'hui.

Quant à ce qui se déroule en ce moment au niveau du Parlement fédéral, de la Chambre des communes, tout ce que je peux indiquer c'est qu'une intention avait été manifestée sous le gouvernement

conservateur, il y a quelques années, qu'un projet de loi est déposé depuis l'été 1980 et que maintenant, presque deux ans après, on se pose des questions sur les intentions du gouvernement fédéral actuel. On a lu dans les journaux des réponses qui ont été données par le ministre fédéral des Communications comme par le premier ministre lui-même dans le sens que ça ne semblait plus être une priorité et que probablement ce projet de loi serait mis sur les tablettes. (16 heures)

Là-dessus, je n'ai pas à porter un jugement, à faire une critique. Ces jugements et ces critiques ont été faites par les parlementaires de la Chambre des communes, ceux de l'Opposition et aussi par la presse en général qui a indiqué qu'il ne semblait pas exister en ce moment, au niveau du gouvernement fédéral, cette volonté de transparence, cette volonté d'améliorer le fonctionnement démocratique de nos institutions. Je crois que, dans ce domaine comme dans bien d'autres, le gouvernement fédéral, dans la situation présente, ne veut tout simplement pas bouger et répondre aux besoins, aux attentes, aux demandes et aux aspirations qui lui sont transmises par la population et par les gens qui s'intéressent à ces questions.

Dans notre cas à nous, nous avons, je pense, dans l'ensemble, répondu de façon satisfaisante, au moins, dans un premier temps, à ce qui a trait à l'étude qui a été menée sur cette réforme. En effet, c'est le 3 septembre 1980, il y a donc moins de deux ans, que le Conseil des ministres prenait la décision de confier à une commission le soin de préparer un ensemble de recommandations et même d'aller jusqu'à présenter une proposition de loi, ce qui est, en soi, déjà un événement assez unique dans le fonctionnement du gouvernement puisque, habituellement, le gouvernement ne reçoit que des recommandations. Je pense que c'était la première fois qu'une proposition de loi lui était transmise. Le gouvernement demandait à M. Jean Paré, directeur de la revue Actualité, et à un certain nombre d'autres personnes de soumettre à l'attention du Conseil des ministres un ensemble de recommandations et une proposition de loi.

Là-dessus, je voudrais signaler que la commission a fait un travail tout simplement extraordinaire. Il n'a fallu que huit mois pour présenter à la fois un rapport, des recommandations et une proposition de loi. Tout cela nous a été remis le 25 mai 1981, il y a donc moins d'un an, et le premier ministre, ainsi que moi-même, avons, à ce moment-là, indiqué aux commissaires notre satisfaction devant le travail accompli.

J'aimerais, je pense, au nom de tous les parlementaires de l'Assemblée nationale, remercier M. Jean Paré, M. Gaston Beauséjour, M. Jules Brière, M. André

Larocque, M. Marcel Pépin, Mme Caroline Pestieau, M. Pierre Vadeboncoeur et le secrétaire de la commission qui, malheureusement, est décédé aujourd'hui, un homme tout jeune, M. Jocelyn Lavoie, qui a oeuvré avec les commissaires, qui a accompli, avec l'ensemble des commissaires, un travail tout simplement extraordinaire. Ce sont là des personnes qui ont été plus directement liées à la préparation de ce rapport, mais il y en a bien d'autres que je pourrais nommer qui ont été des analystes ou des membres du secrétariat de la commission et qui nous ont donné, en huit mois à peine, un rapport, des recommandations et une proposition de loi dont nous avons tenté de nous inspirer le plus possible.

Dès que ce rapport nous a été remis, au Conseil des ministres, au mois de juin, nous avons pris la décision d'aller de l'avant avec la proposition de loi qui nous était soumise et de présenter cette proposition de loi en commission parlementaire, à des groupes et à des individus qui voudraient se faire entendre et qui voudraient nous indiquer quelle était leur réaction, positive ou négative, positive avec des modifications, négatives avec des modifications. Il y a eu de tout dans ces 24 groupes qui sont venus se faire entendre. Nous avons voulu, dans ce processus de consultation, tenir compte des avis qui nous étaient formulés.

Au sein même du gouvernement, plus particulièrement au ministère des

Communications, durant l'été 1981, durant l'automne 1981 et encore tout récemment, nous avons mené plus loin, plus à fond cette consultation. Nous avons rencontré des groupes, nous avons reçu des avis, beaucoup de courrier, des appels téléphoniques de gens qui voulaient se faire entendre et qui nous ont dit ce qu'ils pensaient de cette réforme et comment ils voyaient son application pour les prochaines années. Il y a donc eu, au niveau québécois, dans l'ensemble, la manifestation d'une volonté réelle d'agir, de ne pas laisser sur les tablettes un document qui avait été préparé par des gens qui avaient donné vraiment le meilleur d'eux-mêmes pour que le gouvernement puisse faire son lit. Je crois, n'eût été de cet excellent travail, que probablement nous en serions encore aujourd'hui au niveau des discussions théoriques, des discussions abstraites, mais voilà qu'après moins de deux ans après que le gouvernement a décidé de mettre sur pied cette commission d'étude, après moins d'un an de la publication de ce rapport, nous avons ici à l'Assemblée nationale un projet de loi, et j'espère, quant à moi, M. le Président, que nous pourrons l'adopter en deuxième lecture le plus rapidement possible pour ensuite l'étudier convenablement en commission parlementaire, article par article.

Ce projet de loi a essentiellement deux volets, deux parties, et l'une est aussi

importante que l'autre. Il y a le volet auquel la presse en général s'intéresse un peu plus, qui est celui de l'accès aux documents des organismes publics. On dit, d'une façon plus générale, accès à l'information. Je dis que c'est un aspect très important, mais qu'il ne faudrait pas négliger le deuxième, qui va toucher directement l'ensemble des Québécois et des Québécoises, parce qu'à mon avis, le principe de la protection de la vie privée est au moins aussi important, je dirais même plus important, que le principe de l'accès à l'information, que l'accès aux documents des organismes publics. J'espère que nous aurons l'occasion, lors de ce débat en deuxième lecture et aussi en commission parlementaire, d'apporter beaucoup d'attention à cette partie du projet de loi qui touche la protection de la vie privée, c'est-à-dire s'assurer que tous les renseignements que nous détenons sur les hommes et sur les femmes du Québec, que nous détenons dans ces 5000 organismes publics, puissent véritablement être protégés, qu'il n'y ait pas de marchandage, qu'il n'y ait pas d'échanges entre organismes sans qu'il y ait eu des autorisations données. Cela m'apparaît être dans l'ensemble l'aspect peut-être le plus révolutionnaire de la réforme que nous proposons tellement les citoyens sont en droit de s'attendre que nous respections le caractère de confidentialité requis pour l'ensemble des renseignements que nous détenons sur l'ensemble des individus.

Sur le premier volet de la loi, sur la première partie de la loi, qui est celui de l'accès, je dirai qu'il s'agit, M. le Président, d'une ouverture considérable par rapport à la situation existante. On pourrait décrire la situation existante à peu près dans les termes suivants: tout est inaccessible, sauf exception. Il s'agit maintenant de faire qu'avec le projet de loi que nous soumettons à l'attention de l'Assemblée nationale, le principe puisse être renversé dans toute la mesure du possible, c'est-à-dire qu'on puisse maintenant presque dire que tout est accessible, sauf exception, et c'est là un des éléments fondamentaux. Il faut que nous nous habituions à comprendre que les informations que nous détenons dans les ministères, dans les organismes, dans les municipalités, dans les institutions scolaires, dans les établissements de santé ou de services sociaux, que ces informations ne peuvent pas être la propriété exclusive des autorités, aussi légitimes soient-elles. Élus, représentants de la population détiennent des informations et quand on sait à quel point l'information est devenue un pouvoir, M. le Président, on peut penser que ceux qui en ont l'exclusivité jusqu'à un certain point, décident de garder pour eux-mêmes l'essentiel du pouvoir et n'acceptent pas, dans un système démocratique, de faire en sorte que la population participe à cet exercice du pouvoir, donc, puissent avoir accès à des informations qui sont utiles lorsque vient le temps d'évaluer la qualité des décisions qui sont prises.

Que ce soient nos décisions, comme gouvernants, ici, à l'Assemblée nationale, que ce soient des décisions prises par des municipalités, des établissements scolaires, des établissements de santé ou de services sociaux, il faut que la population puisse avoir accès au maximum aux informations qui vont l'aider à évaluer la qualité des décisions qui sont prises par ces organismes. C'est pourquoi je dis qu'il s'agit d'atteindre le plus possible cet objectif qui renverserait nos mentalités, qui changerait nos comportements et nos habitudes et qui ferait que l'inaccessible devienne accessible, que ce qui sera inaccessible soit bien précisé dans la loi en vertu de critères clairs et précis et qu'on puisse dans l'avenir savoir dans quelles circonstances il n'y a pas possibilité d'accès aux documents, mais que le principe général soit que les documents doivent être accessibles à l'ensemble de la population. Il s'agit là d'une conversion fondamentale. C'est pour cette raison que je parlais tout à l'heure de réforme fondamentale. (16 h 10)

Si nous voulons véritablement en arriver à ce que l'inaccessible soit accessible et à ce que les exceptions soient clairement prévues, bien définies et bien clarifiées à l'intérieur du projet de loi, M. le Président, il va falloir en même temps - il y a des choses qui ne sont pas contenues dans la loi, mais qui sont encore plus importantes - que les gens qui administrent les organismes publics changent leur mentalité, leur comportement et leurs habitudes. Cela ne s'inscrit pas dans une loi. Cela ne s'écrit pas dans un texte juridique. Cela suppose la bonne volonté de ceux et celles qui auront à vivre avec la réforme que nous soumettons à l'attention de l'Assemblée nationale.

Il s'agit d'un droit fondamental, d'un droit du public à l'information qui dans le fond lui appartient, à lui autant qu'à nous, tellement il est vrai que nous sommes fiduciaires des documents et des renseignements que nous détenons. Ces renseignements doivent être, dans toute la mesure du possible, partagés avec l'ensemble de la population. Il s'agit d'un droit aussi fondamental que le droit de vote et d'un droit aussi fondamental que le droit à un procès équitable. En d'autres mots, il s'agit d'un droit consacré dans la Charte des droits et libertés de la personne ici même, au Québec, mais qui doit pouvoir se concrétiser ensuite dans des projets de loi comme celui que nous soumettons à l'attention de l'Assemblée nationale.

Dans ce contexte, il nous faudra faire en sorte que les dirigeants, que les administrateurs et que les autorités

constituées se mettent maintenant dans la tête que plus rien ne sera pareil, que plus rien ne sera comme ce que nous connaissons aujourd'hui, c'est-à-dire la tradition du secret, la tradition des cachotteries et la tradition des documents qui ne sont finalement, que la propriété de ceux et celles qui, pour un certain temps, détiennent l'autorité. Même s'il y a des exceptions, même s'il y a des restrictions à ce droit d'accès, il faut que dans l'ensemble le principe reconnu et appliqué dans les administrations publiques soit celui de la plus grande ouverture possible, du respect du droit du public à l'information, donc de l'accessibilité aux documents et aux renseignements que nous détenons.

M. le Président, les gens sont en droit de se demander s'ils ont effectivement en main les renseignements et les documents dont ils devraient disposer pour évaluer les décisions que nous prenons, pour évaluer les mesures que nous décidons de mettre en application. Par exemple, les gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale ont-ils le sentiment d'avoir en main les renseignements qui leur permettent de bien comprendre sur la base de quoi, sur la base de quelles analyses et sur la base de quels documents les décisions ont été prises, décisions qui les concernent très directement? Les gens qui sont détenteurs de permis, par exemple, les permis de camionneurs, les permis d'alcool et les permis de pourvoyeurs, savent-ils sur la base de quoi, sur quelles analyses, sur quelles études et sur quels documents des décisions ont été prises qui les concernent directement? Je pense que c'est un droit fondamental.

M. le Président, les citoyens ne sont-ils pas en droit de connaître les règles de procédure et les règles d'interprétation qui ont été trop souvent uniquement connues ou administrées par les fonctionnaires, alors que l'ensemble des gens pour qui ces règles de procédure et d'interprétation ont été préparées n'en est même pas informé? C'est un droit fondamental et il faut que nous puissions fournir des réponses à ces gens qui nous demandent d'avoir accès aux documents. Là-dessus, je voudrais simplement citer, M. le Président, une partie du mémoire qui nous a été soumis par la commission Paré pour indiquer à quel point il s'agit là d'un changement fondamental dans la mesure où on passe d'une situation où, effectivement, tout était, à toutes fins utiles, inaccessible à une situation où tout doit, au moins au niveau des principes, devenir accessible à moins d'exceptions, à moins de restrictions bien précises.

Je cite ici le rapport Paré qui dit: "L'opération envisagée n'est pas une simple opération technique. Il ne faut pas sous-estimer les forces passives qui s'opposent à la publication et à la diffusion des documents détenus par les organismes publics. Le secret actuel n'est pas que le fruit d'une simple habitude, il s'agit d'une pratique universelle et séculaire qui repose, autant que sur un sentiment profond, sur un ensemble de directives et de textes législatifs. Clauses de confidentialité, serments de discrétion, règlements de la fonction publique, le tout a forgé une mentalité profondément ancrée non seulement chez les hommes publics qui se perçoivent comme les gardiens de ce secret mais chez les fonctionnaires qui considèrent les dossiers qu'ils ont compilés, écrits, conservés comme leurs dossiers et à qui leur diffusion apparaîtra quelquefois comme inutile, au mieux néfaste, au pire certainement coûteuse, même chez les citoyens. Donc, les citoyens souhaitent avoir accès à l'information, mais ils ne sont pas pour autant convaincus qu'ils ont le droit d'avoir accès à cette information." C'est pourquoi je considère, M. le Président, qu'il faut que nous, législateurs, ici à l'Assemblée nationale, nous indiquions maintenant que ce droit à l'information, il existe et il existe pour environ 5000 organismes que nous avons l'intention de toucher par le présent projet de loi.

En effet, le gouvernement, ses ministères, les organismes où le gouvernement nomme la majorité des membres, les organismes où le gouvernement nomme la majorité des employés qui ont des statuts de fonctionnaire, Régie du logement, Conseil du statut de la femme et combien d'autres organismes - on pourrait en dénombrer environ 65 qui correspondent à ce qu'on pourrait appeler les ministères et les organismes qui en relèvent - eh bien, ces organismes gouvernementaux, les ministères devront rendre accessibles des milliers de documents qui, jusqu'à maintenant, ne l'étaient pas. Je pense aux organismes dont les responsables sont désignés par le gouvernement. Il s'agit d'environ une cinquantaine d'organismes. Il s'agit, entre autres, d'organismes dont les fonds et les activités sont publics et dont les fonds proviennent, pour la plupart du temps, essentiellement de deniers versés par la collectivité.

Donc, nous allons couvrir des sociétés d'État, des organismes comme Hydro-Québec, SOQUIP, SOQUEM, SOQUIA, la Caisse de dépôt, dans un contexte, malgré tout, M. le Président, où ces organismes, qui sont des sociétés d'État, sont placés dans une situation de concurrence avec l'industrie privée. C'est pourquoi d'ailleurs j'y reviendrai.

Nous avons prévu certaines restrictions, certaines exceptions, plus particulièrement dans le cas de ces sociétés d'État, parce qu'il n'est pas question pour un gouvernement d'être assez naïf pour tout à coup dire à

ces sociétés d'État: Ouvrez complètement vos portes; laissez entrer n'importe qui, même vos concurrents. Donnez-leur tous vos documents et placez-les dans une situation privilégiée alors que vous, société d'État, parce que les industries privées, parce que le secteur privé n'est pas couvert par la loi, vous n'aurez pas la possibilité de faire la même chose, c'est-à-dire que vous n'aurez pas accès aux documents qui sont détenus par l'industrie privée, par le secteur privé.

Dans un contexte comme celui-là, il est bien évident, M. le Président, qu'il nous faut prévoir un certain nombre de restrictions. J'y reviendrai tout à l'heure.

Il y a aussi - c'est une des recommandations qui nous étaient soumises par la commission Paré - les municipalités. S'il y a des administrations qui, sur le plan des principes, sur le plan même de leur fonctionnement, sont censées être les plus proches des citoyens, ce sont bien les municipalités. Or, M. le Président, il est évident que si on veut qu'il y ait véritablement possibilité pour les citoyens de participer de plein droit à la vie municipale, à la vie politique municipale, il faut que les citoyens et citoyennes aient accès aux documents qui sont détenus par les organismes municipaux. C'est pourquoi nous avons décidé de les assujettir à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Comme aussi, pour les mêmes raisons, les organismes scolaires, les commissions scolaires locales, les commissions scolaires régionales, le Conseil scolaire de l'île de Montréal, l'Université du Québec, les cégeps, et même le secteur privé subventionné à plus de 50% par l'État. (16 h 20)

Dans la mesure où des organismes scolaires sont financés à plus de 50% par l'État, je dis qu'ils deviennent, dans le vrai sens du terme, des organismes publics ou, en tout cas, dont la vocation et la mission sont tellement publiques qu'il faut que nous puissions aussi les placer sous l'autorité de cette loi d'accès à l'information. Donc, l'ensemble des universités du Québec, même celles qui ont des chartes privées, seront couvertes par la loi d'accès à l'information.

Au niveau du réseau des affaires sociales, les hôpitaux, les CLSC, les CRSSS, les CSS, enfin tout ce qui apparaît à l'évidence comme étant du secteur public sera couvert par la présente Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Plus de 5000 organismes. C'est donc vous dire l'ampleur, l'étendue de la réforme, en tout cas, en ce qui a trait aux organismes qui seront rejoints par l'application d'une telle loi.

Bien sûr, ces organismes publics évoluent dans des situations différentes. Il y a un contexte de diversité dont il nous faut tenir compte. Donc, dans ce contexte, il n'est pas question pour le gouvernement d'appliquer le même jour, à la même heure, sur le coup de minuit, la loi aux 5000 organismes. Il est bien évident, si on veut que la réforme soit ratée, en pratique, qu'il s'agit de décider, à l'Assemblée nationale, que nous appliquerons au même jour, en même temps, à tout le monde, et le volet de l'accès à l'information et le volet de la protection des renseignements personnels. Je crois qu'il s'agit de tenir compte de situations diversifiées et de faire en sorte qu'on puisse, selon un calendrier d'implantation qui nous sera soumis par la Commission d'accès à l'information, prévoir un étalement dans le temps de la couverture de ces organismes.

Là-dessus, bien sûr, je serai tout à fait disposé à recevoir les suggestions positives et constructives de mes collègues de l'Opposition. Encore là, il nous faudra agir et ne pas dire à ces organismes publics que nous n'avons pas l'intention de les couvrir. Il faut que l'ensemble des organismes publics au Québec se mettent véritablement à l'heure de la transparence et respectent ce droit fondamental du public à l'information.

Quant aux restrictions prévues à l'accès à l'information, bien sûr, il y en a. Là-dessus, je voudrais simplement indiquer que, dans le rapport même de la commission Paré, lorsqu'on a pris connaissance de la proposition de loi, on a vu qu'il y avait des restrictions prévues, par exemple, pour les relations intergouvernementales, pour les négociations entre organismes publics, pour les renseignements à incidence économique, pour les renseignements ayant des incidences sur l'administration de la justice et la sécurité publique, pour les renseignements à incidence politique, pour les renseignements reliés à la prise de décision au sein des organismes publics. Partout, pendant à peu près une trentaine d'articles, on retrouve toute une série de propositions où la commission nous dit: "Un organisme public peut refuser", "Le Conseil exécutif peut refuser", "Un organisme gouvernemental peut refuser", ainsi de suite.

Cela peut apparaître étrange à première vue, quand on a lu certains articles qui, au départ... Par exemple, à l'article 9, on dit: "Toute personne qui en fait la demande a le droit d'accès aux documents d'un organisme public." En fait, quand on lit la proposition de loi contenue dans le rapport Paré, il y a moins d'articles qui font référence au principe général de l'accès qu'il y a d'articles qui font référence à ce qu'on pourrait appeler les restrictions à l'accès. Je pense que les commissaires ont fait un choix judicieux en établissant de façon claire, le principe, mais, par la suite, en ne se dérobant pas à cette responsabilité qui était

de préciser le plus clairement possible sur la base de quels critères, dans quelles conditions et pour quels types de document il y aurait un certain nombre de restrictions. C'est pour cette raison qu'on retrouve un certain nombre d'articles qui sont spécifiques relativement à ces exceptions qui sont faites à l'accès à l'information qui est détenue par l'ensemble des organismes publics.

Nous avons, M. le Président, pour l'essentiel, retenu uniquement les propositions qui nous étaient faites par la commission Paré relativement à ces restrictions - en d'autres mots, les mêmes têtes de chapitre, les mêmes critères dans l'ensemble, les mêmes situations, à peu près les mêmes catégories de document - et cela nous apparaît important parce que le projet de loi doit pouvoir, de façon claire, définie et de façon à empêcher qu'il y ait trop d'arbitraire je dirais même qu'il y ait quelque arbitraire que ce soit, lorsque les fonctionnaires auront à prendre des décisions - servir, jusqu'à un certain point, de guide officiel, de guide législatif pour l'application de la loi dans un contexte qui nous permette véritablement d'en arriver à une réforme applicable, à une réforme opérationnelle.

Ces restrictions touchent les affaires intergouvernementales pour la protection, entre autres, des informations qui peuvent nous venir de gouvernements étrangers, cela va de soi. Il y a là des conventions internationales normales, comprises de tous et de toutes, et pour lesquelles un gouvernement, à mon avis - cela tombe sous le sens - doit pouvoir refuser l'accès à certains documents.

Il y a tout le contexte des négociations qui ont lieu, par exemple, entre l'État et l'ensemble des employés des secteurs public et parapublic. Mais, encore là, on le voit, tout cela est balisé parce qu'il y a des délais qui sont fixés et, au-delà de ces délais, des documents qui n'étaient pas accessibles pendant une certaine période le deviennent parce que le législateur l'a prévu. Il faut, à mon avis, effectivement, qu'on définisse ces choses-là le plus clairement possible dans le projet de loi.

Il y a aussi des restrictions sur tous ces renseignements à caractère économique: taxation, impôt, secrets de fabrication, informations économiques que les organismes peuvent recevoir de ce qu'on appelle les tiers, c'est-à-dire des gens ou des groupes qui, de bonne foi, ont transmis, à des organismes publics, des informations, mais qui demandent au moins à être informés sur la décision qui est prise par un organisme public de divulguer, de rendre publics certains documents.

Aussi, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, il va de soi que les sociétés d'État, qui sont placées dans un contexte de compétitivité, de concurrence avec le secteur privé, doivent pouvoir être protégées dans ces éléments qui sont fondamentaux et sans lesquels il n'est pas possible d'imaginer que notre collectivité voie les sociétés d'État fonctionner dans un contexte normal. On n'est quand même pas dans un régime nord-américain de type socialiste où toutes les entreprises sont publiques. L'entreprise privée, c'est la règle sur le continent nord-américain et nous dirions même que nous faisons affaires avec un ensemble de pays où la règle, c'est l'entreprise privée, la libre entreprise. Au nom même de l'intérêt public, je crois, M. le Président, qu'il faut protéger les sociétés d'État et ne pas les empêcher de fonctionner dans ce contexte de concurrence et de compétitivité.

Une voix: ...

M. Bertrand: C'est un mot très long. M. le Président, je voudrais aussi indiquer qu'il y a certaines restrictions au plan de l'administration de la justice et au plan de ce qu'on appelle notre système policier. Bien sûr - on le comprend - pour des raisons qui peuvent toucher aux méthodes d'enquête, pour des raisons qui peuvent toucher à toutes ces dispositions qui sont prévues dans d'autres lois et qui sont relatives à la prévention du crime, à la répression du crime, il faut pouvoir protéger certaines informations qui sont détenues dans le cadre de l'administration de la justice. (16 h 30)

II y a aussi tout ce chapitre relatif à la prise de décision sur le plan administratif, sur le plan politique. Il y a là des renseignements, des informations, des documents qui, dans certains cas, seront accessibles dans un temps bien défini, dans d'autres cas dans un temps plus long, dans d'autres cas moins long, dans certains cas avec possibilité d'accès immédiat. J'en veux comme exemple quelque chose qui, à mon avis, va devenir très important. Dès qu'une décision aura été prise au Conseil des ministres et aura été rendue publique, les analyses et même le mémoire, excluant la partie uniquement des recommandations ou avis, pourront être rendus publics.

Quand on sait ce qui a toujours été le lot des organismes publics chaque fois qu'une décision était prise de ne pas permettre à la population d'avoir accès à des analyses qui ont présidé à la préparation de ces décisions, je pense qu'il s'agit là d'un élément majeur. Mais il y a des restrictions prévues; elles sont définies, elles sont énoncées et elles sont aussi, bien sûr, discutables et débattables. Comme chacune de ces restrictions m'apparaît d'abord justifiée, ensuite claire et aussi limitée au minimum, un minimum qui m'apparaît fixé en fonction de l'intérêt public à protéger, je crois que

nous avons, dans l'ensemble, un projet de loi qui, au niveau de l'accès à l'information et des restrictions qui y sont tout de même prévues, non seulement colle de façon convenable aux propositions qui nous étaient soumises par la commission Paré, mais aussi est une approche suffisamment progressiste et, en même temps, suffisamment réaliste pour que nous puissions considérer qu'il s'agit d'un bon point de départ.

Je ne dis pas qu'il s'agit d'un point d'arrivée, M. le Président; je dis qu'il s'agit d'un point de départ. C'est une réforme perfectible et comme toutes les réformes, le temps permettra de l'améliorer. Encore faut-il commencer quelque part, et la meilleure façon de commencer quelque part, c'est d'adopter un projet de loi. Dans ce contexte-là, je suis convaincu qu'ici, à l'Assemblée nationale, nous ne tomberons pas dans le piège qui a été celui de la Chambre des communes avec le projet de loi C-43.

Je voudrais aussi indiquer que, pour la population, l'accès à ces documents sera gratuit. Les gens pourront venir les consulter sur place. Bien sûr, il pourra y avoir, dans certains cas, des frais qui devront être assumés par la personne qui aura accès aux documents, s'il s'agit, par exemple, de faire reproduire un document de 300 pages ou quatre analyses. Enfin, on peut imaginer des situations où, à l'évidence, les frais devraient être assumés par la personne qui a accès aux documents. Nous retenons exactement la proposition qui nous a été faite par la commission Paré et nous nous limiterons, forcément, aux seuls frais directs encourus et non pas, bien sûr, à tous ces frais indirects comme le travail de la personne qui sera responsable de l'accès dans chacun des organismes publics.

Il y aura nécessité d'avoir des listes de classement, de publier annuellement un répertoire faisant connaître les titres, adresses, numéros de téléphone des personnes qui, dans chacun des 5000 organismes, seront responsables de l'accès à l'information.

Je dis qu'il s'agit, là aussi, d'un élément fort important. Il y a des organismes publics - je dirai que c'est le cas de la majorité des 5000 - qui en sont encore à l'âge de pierre dans le domaine de la gestion de l'information, à l'âge de pierre dans le domaine de la gestion documentaire. Un des effets bénéfiques de ce projet de loi sera d'amener des organismes publics à enfin comprendre qu'aujourd'hui, en 1982, la gestion de l'information est une question importante. Il y a des organismes où - allez-y voir, M. le Président - vous auriez toutes les difficultés du monde à retracer des documents. Il y a des organismes qui ont fait de grands pas en avant. Je n'en veux comme exemple que le ministère des Affaires sociales qui, grâce à l'intégration de nouvelles technologies, a réussi, par exemple, à fermer trois entrepôts sur quatre, à Québec, qui contenaient des documents, non seulement cela, mais à réduire le personnel qui s'occupait de la gestion documentaire. On dit très souvent que c'est un projet de loi qui demandera l'engagement de personnel additionnel. C'est le contraire, c'est une loi qui, si elle est appliquée correctement par les organismes publics, devrait leur permettre d'épargner de l'argent parce que, premièrement, ils modifieraient leurs pratiques administratives et trouveraient des façons modernes de gérer leur information, de gérer leurs documents et, deuxièmement, on pourrait arriver à diminuer du personnel. C'est tellement vrai qu'au ministère des Affaires sociales on a réussi à réduire de 67 à 17 le nombre de personnes responsables de la gestion documentaire, de la gestion de l'information.

S'il y a là-dedans un élément intéressant, c'est celui qui va provoquer au sein des organismes publics une modification profonde des pratiques administratives et forcer les organismes publics à se mettre à l'heure juste, à l'ère moderne et à intégrer les technologies nouvelles pour se rendre compte qu'on peut, en appliquant une réforme, épargner de l'argent, réduire le personnel et, en même temps, permettre au public d'avoir accès à l'information. Parce que, justement, on pourra repérer des documents qui, autrement, étaient éparpillés un peu partout dans les organismes, sans aucun contrôle et sans aucune volonté d'y mettre de l'ordre.

Pour les citoyens, cela permettra, par exemple, d'avoir accès aux méthodes de calcul des loyers que détient la Régie du logement, et ce n'est pas rien. Cela permettra d'avoir accès - prenons des situations innombrables - à des dossiers sur des produits qui ont fait l'objet d'analyses de la part de l'Office de la protection du consommateur. Cela n'est pas négligeable quand on sait à quel point, aujourd'hui, les gens veulent savoir si les produits qu'ils achètent ont été analysés, étudiés, examinés.

Cela permettra d'avoir accès à des documents relatifs au dossier de la pollution. Dieu sait que s'il y a quelque chose qui peut intéresser les citoyens, c'est bien de savoir si le lac où ils ont construit un chalet a fait l'objet d'analyses, d'études, si des documents ont été produits pour en évaluer la qualité quant au caractère plus ou moins polluant.

Qu'on pense à des dossiers d'arbitrage, par exemple, dans des conflits de travail. Il y a là tout un secteur où des documents pourraient devenir accessibles. C'est la loi qui va permettre concrètement que le principe puisse être appliqué en pratique.

Il y a un deuxième aspect à cette loi -je le disais tout à l'heure - qui, quant à moi, est aussi fondamental sinon plus que le premier, c'est de s'assurer que les hommes

et les femmes du Québec qui donnent des renseignements à des organismes puissent d'abord savoir pourquoi on a recueilli ces renseignements sur leur personne, à quoi vont servir ces renseignements, quels sont les objectifs poursuivis par l'organisme, au nom de quelle vocation ou mission, au nom de quel organisme public on est allé demander à Mme Unetelle, à M. Untel: Votre nom, votre âge, votre numéro d'assurance sociale et bien d'autres renseignements qui, dans certains cas, n'ont peut-être rien à voir avec la vocation et la mission de l'organisme public.

Là-dessus, la loi, à mon avis, comporte des éléments très forts pour s'assurer de la confidentialité des renseignements qui sont détenus par les organismes publics. La loi va déterminer qui aura accès à ces renseignements personnels. La loi va aussi permettre, et c'est normal, aux personnes, au député de Westmount, vous permettre à vous, M. le Président, permettre au député de Saint-Jean, permettre à quelque citoyen que ce soit de savoir quels sont les renseignements qu'on détient sur sa personne, d'avoir accès à son dossier, quand un fichier a été constitué dans un organisme, pour aller vérifier si les informations qui y sont conservées sont exactes, pour même aller demander que certaines informations soient retirées quand on aura jugé que ces informations n'ont pas été recueillies pour correspondre à l'objectif de l'organisme ou correspondre à la mission de l'organisme qui les a recueillies. Cela est tout à fait normal. (16 h 40)

II y aura donc contrôle et surveillance des fichiers, des organismes publics, de telle sorte qu'avec les pouvoirs accordés à la commission d'accès à l'information, pas un seul fichier, administré par un organisme public, ne pourra fonctionner si un certificat n'a pas été délivré par la commission d'accès à l'information. Les personnes se sentiront mieux protégées. Le caractère de confidentialité sera mieux protégé et la sécurité de ces fichiers, de ces banques de données sera assurée. Cela, M. le Président, m'apparaît être un des éléments les plus importants de toute la réforme.

Pour l'application de cette loi, nous avons décidé de créer une commission d'accès à l'information. J'avais moi-même dit, en septembre dernier, en commission parlementaire, que dans le contexte actuel, contexte budgétaire, tenant compte aussi du fait que, trop facilement, nous sommes portés, chaque fois qu'une réforme apparaît, qu'une responsabilité nouvelle revient dans les mains du gouvernement ou des organismes publics, à créer un nouvel organisme, j'avais indiqué, en commission parlementaire, et je pourrais aujourd'hui reprendre les mêmes propos, que nous tenterions de voir s'il n'y avait pas un organisme existant qui pourrait assumer la responsabilité de l'application de cette réforme. Ce travail avait déjà été fait par la commission Paré. Le président nous avait dit: On a aussi regardé cela. On a aussi évalué la possibilité de confier l'application de la loi à un organisme existant. On a fait le travail. Pourquoi le gouvernement le reprend-il? Nous l'avons repris parce que nous sentions que c'était notre devoir de le faire. J'ai demandé aux gens de mon ministère de comparer quatre possibilités et de voir s'il n'y avait pas une alternative. On a comparé la Régie des services publics du Québec, la Commission des droits de la personne, le bureau du Protecteur du citoyen et la commission qui nous était proposée par la commission Paré. Cela, malgré le fait que le président de la commission, à la suite des commentaires que j'avais émis en commission parlementaire avait dit: Si on laisse tomber la nouvelle commission, si on laisse tomber cette commission de l'accès à l'information, c'est la clef de voûte de la réforme qui se trouve à être laissée de côté par le gouvernement. Donc, la réforme ne sera finalement qu'un voeu pieux parce que le gouvernement n'aura pas permis d'ajouter à cette réforme ce qui nous apparaît être sa clé de voûte, à savoir la création d'une nouvelle commission.

J'indique aujourd'hui, M. le Président, et là-dessus en commission parlementaire, on y reviendra, que ce travail a été fait de long en large, de bas en haut, en prenant en considération plusieurs éléments: par exemple, la nature et la compétence des organismes existants, le champ de juridiction des organismes existants, la faisabilité administrative de transfert de cette réforme à un organisme existant.

Nous avons aussi considéré la question des coûts, qui était probablement un des éléments importants, sinon parmi les plus importants. En prenant en considération toute cette série de critères, en prenant en considération, je crois, M. le Président, au-delà de sept ou huit critères bien précis et en faisant une comparaison, organisme par organisme, incluant les coûts, nous en sommes venus à la conclusion, étant donné l'importance de la réforme, étant donné le champ précis de la réforme, étant donné la couverture de la réforme, l'étendue de la réforme - 5000 organismes - étant donné l'accès à des documents qui va demander un suivi quotidien, permanent, de la façon dont les organismes publics vont modifier leurs pratiques administratives, étant donné ce chapitre tout aussi important de la protection des renseignements personnels qui va amener l'organisme à faire une foule de choses dont, entre autres, s'assurer que les fichiers vont véritablement être administrés, en tenant compte de tous les éléments et de toutes les modalités d'application qui sont prévus à la loi, en tenant compte de tous ces éléments et de tous ces critères, j'en

suis venu à la conclusion - et cela a été ma recommandation au comité ministériel permanent du développement culturel l'automne dernier, cela a été ma recommandation au Conseil des ministres et c'est ma recommandation à l'Assemblée nationale du Québec, que soit créée une commission d'accès à l'information. Je crois maintenant, M. le Président, que c'est la meilleure façon, c'est la façon la plus correcte et la façon la plus sûre d'assurer que cette réforme ne sera pas un voeu pieux, mais qu'elle sera véritablement mise en application. D'autant plus que cette commission aura un statut d'indépendance et d'autonomie. Elle relèvera de l'Assemblée nationale. Les commissaires, au nombre de trois, seront nommés par les deux tiers des membres de l'Assemblée nationale et, dans ce contexte, je crois que la décision que nous avons prise est justifiable et défendable. Je serai tout à fait disposé, lors de l'étude article par article en commission parlementaire, à répondre à toutes les questions que l'Opposition voudra bien formuler sur le choix que le gouvernement du Québec a fait en décidant de créer une commission d'accès à l'information.

J'indique, M. le Président, que cette commission, avec les pouvoirs qui seront les siens, aura aussi la possibilité de soumettre annuellement, bien sûr, son rapport à l'Assemblée nationale, mais elle comparaîtra aussi devant la commission de l'Assemblée nationale pour que les parlementaires puissent poser des questions. Non seulement cela, mais il y a un élément de réforme parlementaire intéressant ici: la commission pourra d'elle-même demander à se faire entendre par la commission de l'Assemblée nationale, lorsqu'elle le jugera à propos.

Donc, dans un contexte comme celui-là, en ajoutant aussi un autre aspect qui n'est pas négligeable, à savoir que cette commission n'ira pas puiser dans le fonds consolidé comme les autres organismes qui relèvent de l'Assemblée nationale avaient le privilège de le faire jusqu'à maintenant, quant à moi, c'est une réforme qu'il nous faut apporter le plus rapidement possible pour s'assurer que même les organismes qui relèvent de l'Assemblée nationale puissent faire évaluer leurs prévisions budgétaires et que les décisions puissent être prises par les membres de l'Assemblée nationale et que cesse cette pratique du recours au fonds consolidé. Ici, dans ce projet de loi, nous avons introduit un article spécifique pour faire mention que, justement, ces questions d'engagement de personnel - en d'autres mots, le fait qu'on soit lié par la Loi de la fonction publique et par la Loi de l'administration financière, et que les budgets puissent être discutés à l'Assemblée nationale, cela soit déjà inscrit et prévu dans la loi. Cette loi aura préséance sur toutes les autres lois, M. le Président, qui lui seront postérieures et il faudra que nous arrivions au cours des prochaines années à voir quelles sont les lois qui sont inconciliables avec la loi d'accès aux documents des organismes publics et la loi qui, dans l'avenir, protégera la vie privée des citoyens.

M. le Président, je voudrais conclure par une invitation que j'adresse non seulement aux collègues de l'Opposition, mais à mes collègues ministériels. Vous aurez noté - et j'espère que ce sera de nature à donner une indication de l'état d'esprit qui m'anime -que j'ai voulu pendant cette heure ne pas avoir sur cette question et ne pas adopter sur cette question de quelque façon que ce soit une attitude partisane. Je veux, M. le Président, dialoguer, discuter et échanger avec mes collègues parlementaires sur cette réforme. J'indique à l'avance que j'écouterai avec beaucoup d'attention les exposés, les remarques et les suggestions - positives et constructives, je n'en doute pas - qui seront faites par mes collègues parlementaires. Il s'agit de droit nouveau. Il s'agit d'une réforme importante. Il s'agit pour nous, parlementaires, de décider que nous voulons passer à l'action. (16 h 50)

Je suis convaincu, malgré qu'il s'agisse d'un champ nouveau, très ouvert et difficile à explorer, d'un champ dont on ne fera jamais finalement le tour complet, qu'à un moment donné, il faudra qu'on parte ensemble avec quelque chose. Justement, le projet de loi, à mon avis, inclut une clause de sagesse qui est la clause crépusculaire communément appelée la "sunset clause", qui permet au bout de cinq ans, de réviser la présente loi et de faire en sorte que nous puissions l'adapter, la modifier, la changer. Parce qu'il va se développer une jurisprudence au cours des prochaines années; il va se développer toute une série de décisions et il va arriver ou que des organismes publics ou que la commission d'accès auront à faire des représentations pour bonifier la loi; mais je dis qu'il faut partir avec quelque chose.

Si nous sommes tous animés par le désir d'améliorer le fonctionnement démocratique de notre société, des organismes publics, d'aller de l'avant avec un projet de loi qui, dans le fond, s'inspire d'une volonté de plus grande transparence au sein de l'administration publique, d'aller de l'avant avec une réforme progressiste, généreuse, ouverte mais aussi marquée au coin d'un certain réaliste si nous voulons, ensemble, dans un climat serein, dans un climat non partisan, faire en sorte que d'ici au 21 juin la population du Québec puisse enfin sentir que son droit à l'information est davantage assuré, est bien inscrit dans le projet de loi, que son droit à la protection

de sa vie privée est maintenant assuré et bien inscrit dans un projet de loi, je crois que nous aurons rempli notre mission de législateurs et que nous aurons donné suite au voeu exprimé par la commission Paré et qui était le suivant: Faire en sorte que le projet de loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels protège et garantisse en même temps trois droits fondamentaux dans notre société, le droit à l'information, le droit à la protection de la vie privée et le droit au bon gouvernement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, c'est simplement une question que je veux poser en vertu de l'article 100, si le ministre me le permet, pour démontrer la collaboration qu'il trouvera de notre part tout au long de l'étude non partisane de ce projet de loi. J'aimerais lui poser la question suivante. On sait que la Commission des droits de la personne examine chaque projet de loi qui est déposé par le gouvernement de sa propre initiative, et communique au gouvernement ses avis. Je voudrais demander au ministre s'il a reçu un tel avis de la Commission des droits de la personne du Québec sur ce projet de loi no 65.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre et leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, non, nous n'avons reçu ni d'ailleurs demandé à la Commission des droits de la personne un avis sur le projet de loi. Je voudrais simplement signaler... par contre, je ne voudrais surtout pas me tromper dans l'information que je vais donner au député. Je suis en train de vérifier l'annexe au rapport de la commission Paré relative aux organismes et aux individus qui ont fait parvenir un mémoire à la commission, afin de voir si la Commission des droits de la personne avait fait parvenir un mémoire à la commission Paré.

Si vous voulez, je vais prendre en note la question que vous m'avez posée et prendre information pour savoir s'il y a eu demande de rencontre de la Commission des droits de la personne ou si la commission elle-même a pris l'initiative d'envoyer un mémoire à la commission Paré, et vous donner aussi d'autres indications, à savoir si cet organisme aurait été un des 65 ou 70 que mon ministère aurait consultés dans la préparation du projet de loi. Mais, d'après les informations dont je dispose en ce moment, ma réponse à la question du député est négative.

M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas revenir sur la commission Paré et la commission parlementaire. C'est sur les projets de loi concrets déposés par le gouvernement que la Commission des droits de la personne se penche. J'aimerais seulement demander au ministre d'abord, de s'informer si la commission a l'intention de communiquer un avis au gouvernement et, deuxièmement, de le communiquer à l'Assemblée et aux membres de la commission parlementaire, en particulier, qui va être appelée à étudier le projet de loi article par article, si possible avant que l'étude article par article ne commence.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre et leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je remercie le député de Marguerite-Bourgeoys. En se levant, il m'a donné le temps de parcourir l'annexe et, effectivement, à la page 159 du rapport Paré, on lit que la Commission des droits de la personne a fait parvenir un mémoire à la commission Paré. Ce que je peux faire pour les fins de notre discussion, c'est retracer ce mémoire et voir - cela peut être très intéressant à lire - ce que la Commission des droits de la personne disait au moment où la commission Paré a reçu son mémoire. Je crois qu'à partir de là, on pourrait peut-être regarder plus avant s'il y a lieu de poursuivre une autre démarche au niveau de la Commission des droits de la personne, parce que dès qu'un mémoire a été transmis à la commission Paré, je pense qu'il s'agit de considérer que c'est un document qui existe et qui a été produit par ladite commission.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Michel Bissonnet

M. Bissonnet: M. le Président, en tant que porte-parole officiel du Parti libéral en matière de communication, il me fait plaisir d'intervenir à ce moment-ci du débat pour informer le Parti gouvernemental que c'est le désir de l'Opposition d'approuver ce projet de loi en deuxième lecture. Il est évident que l'Opposition sera très active au niveau de la commission parlementaire des communications pour, d'une part, bonifier le projet de loi, car nous y trouvons beaucoup plus d'exemptions au principe général de l'accès à l'information que nous n'en trouvions dans le rapport de la commission Paré...

M. Bertrand: Le même nombre.

M. Bissonnet: M. le ministre, je ne vous ai pas interrompu tantôt. Je voudrais quand même que vous me laissiez le choix d'intervenir au nom de ma formation

politique qui étudie le dossier depuis très longtemps. Donc, nous serons très actifs au niveau de la commission parlementaire pour apporter plusieurs amendements au niveau du droit d'exemption quant au principe général de l'accès à l'information. D'autre part, également, nous discuterons de façon très exhaustive à la commission parlementaire de la nouvelle commission qui est proposée dans le projet de loi.

Le Parti libéral, dès le dépôt du rapport de la commission Paré, s'est montré des plus enthousiastes à la suite de ce rapport d'une commission qui avait été formée par le gouvernement du Parti québécois. Bien des raisons expliquent un accueil qui était aussi enthousiaste et quasi unanime de la part de la presse parlée et de la presse écrite au rapport de la commission Paré. Les commissaires ont été mentionnés par M. le ministre: M. Paré, M. Beauséjour, M. Brière, M. Larocque, M. Pépin, Mme Pestieau et M. Vadeboncoeur. L'Opposition se joint au gouvernement pour les féliciter du travail qu'ils ont accompli à l'intérieur du mandat qui leur a été confié par le gouvernement du Parti québécois, le gouvernement du Québec.

Il semble tout d'abord que les commissaires de la commission Paré aient réussi à éviter, contrairement au projet de loi fédéral C-43 qui est en discussion depuis plus de deux ans à l'instance fédérale du Canada, l'écueil qui consiste à stipuler tellement d'exceptions, en matière d'accès à l'information gouvernementale, que le principe qu'on est censé reconnaître se retrouve nié de facto.

Ici, nous sommes à l'étude de ce projet de loi en deuxième lecture et nous passerons en commission parlementaire après l'adoption de cette deuxième lecture. Je pense que le projet de loi, avec les modifications que l'Opposition y apportera en commission parlementaire, sera quand même peut-être l'un des meilleurs projets de loi en Amérique du Nord en ce qui a trait à l'accès à l'information et à la protection des citoyens.

Lors de la première étude en commission parlementaire, je voudrais souligner qu'il y a quand même eu une participation de toute la population du Québec qui est venue informer les membres de la commission parlementaire des communications de sa réaction au rapport de la commission Paré et au projet de loi qui y était inclus. (17 heures)

Cette commission a siégé les 1, 2, et 3 septembre et je me permets de souligner à cette Chambre les noms des intervenants qui sont venus informer les membres de la commission parlementaire et les informations que nous avons eues à la suite du dépôt du projet de loi en deuxième lecture. Il est de notre intention d'apporter certains correctifs à la commission parlementaire qui siégera probablement dans deux semaines pour appuyer certaines positions de certains mémoires présentés à la commission.

Je veux souligner ces personnes et ces organismes pour démontrer que c'est une participation quand même totale de la société québécoise à la commission des communications: la Chambre de commerce de la province de Québec, le Centre pour le journalisme d'enquête, Hydro-Québec, la Société d'énergie de la Baie James, l'organisme STOP, l'Office des personnes handicapées du Québec, la Ligue des droits et libertés, l'Office de radio-télédiffusion du Québec, Radio-Québec, l'Union des municipalités, qui a certaines réserves quant à l'application de cette loi dans certaines municipalités, la Corporation des secrétaires municipaux du Québec, l'Union des conseils de comté et des municipalités locales du Québec, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, la Caisse de dépôt et placement, le Directeur général des élections, la Fédération de l'informatique du Québec, le Barreau du Québec, le Conseil du patronat du Québec, le Conseil central des usagers de services sociaux, l'Association des parents et amis des malades mentaux et émotionnels, qui fait des revendications pour avoir les mêmes services que les autres citoyens, la Commission des valeurs mobilières du Québec, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec.

Durant trois jours, mon collègue, le député de Westmount, a été très vigilant à l'écoute des commentaires qui ont été apportés par tous ces organismes, et il fera part de ses observations dans les prochaines semaines au sujet de tous les mémoires qui ont été présentés à cette commission.

Quant à nous, cela fait quelques années maintenant que nous revendiquons l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et à la protection des renseignements personnels. Des propositions à cette fin se trouvent, sans être d'un esprit partisan, dans le programme de notre parti politique, le Parti libéral du Québec, qui croit à la nécessité de favoriser l'accès à l'information gouvernementale. Lors des dernières élections nous le proposions à la population, et c'est pourquoi nous acceptons le principe en deuxième lecture de ce projet de loi. Nous voulons le bonifier en commission parlementaire, mais nous ne garantissons pas notre appui au projet de loi en troisième lecture; tout dépendra de la façon qu'on recevra les propositions de l'Opposition. J'ai entendu le ministre tout à l'heure, qui semble très disposé à entendre nos propositions, qui ne sont pas partisanes dans l'esprit du projet de loi.

En 1981, dans son livre rouge, le Parti libéral s'engageait à veiller à ce que la

publicité et l'information gouvernementales obéissent à des normes d'objectivité élevées et soient dénuées de tout caractère politique, à intensifier les efforts en vue de rendre l'information gouvernementale accessible à tous les citoyens en adoptant une loi d'accès à l'information gouvernementale, en particulier aux documents publics, en procédant à une réduction et à une simplification des formulaires administratifs par lesquels les citoyens s'adressent à l'État - on se retrouve toujours avec un paquet de paperasses à l'intérieur du gouvernement, ce qui élève le coût d'administration du gouvernement - en adaptant dans toute la mesure du possible les techniques d'information gouvernementale pour les rendre accessibles aux personnes handicapées: sourds-muets, aveugles et autres, en harmonisant davantage les politiques d'information gouvernementale dans certains domaines, en particulier avec les gouvernements des provinces limitrophes et le gouvernement fédéral, et en favorisant la consultation intergouvernementale en ces matières.

Je tiens à lire à mes concitoyens le préambule de ce projet de loi. Il faut vraiment s'attacher à tous les mots de ce préambule. Il s'agit de la loi sur l'accès aux documents des organismes publics, tous les organismes publics au Québec, et dans les dispositions du projet de loi, il y a d'autres organismes qui sont inclus et qui, à 50%, sont de caractère public.

Sur la protection des renseignements personnels, "considérant - c'est le préambule du projet de loi - que les droits et libertés de la personne constituent le fondement d'une société démocratique, considérant que la Charte des droits et libertés de la personne affirme solennellement le droit de toute personne au respect de sa vie privée -ce qui est très important - et le droit à l'information dans les mesures prévues par la loi, considérant que le droit à l'information suppose l'accès aux documents détenus par les organismes publics, considérant que le droit au respect de la vie privée suppose la protection des renseignements personnels détenus par les organismes publics, considérant qu'il y a lieu de préciser la portée de ces droits en tenant compte des exigences du fonctionnement des institutions démocratiques..."

M. le Président, dans le rapport Paré, nous trouvons des énoncés de principe sur le droit à l'information. Je cite le rapport Paré: "Ce qui appartient à tous doit être disponible à tous. Comme les biens matériels de l'État, les renseignements dont il dispose sont propriété collective. Cette justification apparaît cependant limitée. La propriété collective n'est pas la propriété de chacun et les biens de l'État ne sont pas distribués aux individus. "Le droit à l'information est surtout un droit politique. Il apparaît comme un corollaire de la liberté d'expression. "Ici, au Québec, le droit à l'information est reconnu à l'article 44 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui a été adoptée en 1975: il est assuré par la liberté de presse et d'opinion, par le droit à l'instruction gratuite et obligatoire."

Également, dans le rapport Paré, il y a certains énoncés de principe sur le rôle de l'État. Je cite le rapport Paré à cet effet: "La croissance de l'action économique et sociale de l'État, l'expansion des communications qui a ajouté, aux rapports de forces économiques et politiques, des rapports d'information, et enfin l'augmentation des exigences des citoyens consécutivement à la diffusion de la connaissance par la scolarisation universelle et par les médias." La fonction publique a connu - tout le monde le sait - une expansion colossale, devenant, dans les faits, de véritables dépositaires des données de la gestion publique et disputant aux élus le pouvoir réel. "Dans une société ouverte, l'ensemble des systèmes ne fonctionne efficacement, comme celui du marché, que si l'information est libre." Je crois que l'accès de toute personne à tout document public constitue une nécessité, davantage un droit, mais sûrement pas dans une société où le gouvernement et les organismes sous sa juridiction sont les plus importants détenteurs d'informations d'intérêt public. Je soutiens que la reconnaissance éventuelle au plan législatif des recommandations contenues dans le rapport Paré entraînera de façon inévitable une évolution des mentalités au sein de l'appareil politico-administratif. C'est ce que le ministre disait tantôt, c'est-à-dire qu'il y a une évolution à faire chez les employés de tout organisme public à cet effet. Elle marquera aussi un progrès important pour une société qui se veut démocratique.

Il faut en finir avec le secret. Il faut faire véritablement, avec ce projet de loi, il faut assurément que ce soit plus que transparent. Les exceptions au principe général d'accès méritent un examen plus approfondi. Où il y a une différence actuellement entre les recommandations du rapport Paré et le projet de loi qui est présentement devant cette Chambre, c'est qu'on a ajouté beaucoup d'exceptions au principe général et, en particulier, pour n'en mentionner que quelques-unes, les articles 32, 37 et 38. Nous y reviendrons à la commission parlementaire pour expliciter davantage ce sujet puisque c'est un peu technique pour ceux qui sont à l'écoute aujourd'hui. (17 h 10)

Les exceptions au principe général

d'accès méritent, comme je l'ai mentionné, un examen plus approfondi, car c'est là vraiment que se situe le noeud du fonctionnement d'un régime de liberté de l'information. Les exceptions doivent se limiter aux besoins réels de l'intérêt public, de la confidentialité gouvernementale et ne pas se prêter aux abus qui peuvent tenter un homme politique ou un fonctionnaire, M. le Président.

Je tiens à ce que cette réforme soit accomplie sans aucune augmentation budgétaire - c'est ce qu'on avait mentionné, M. le Président - aux crédits actuellement alloués aux Communications ou ailleurs à l'intérieur du gouvernement. Nous nous proposons de discuter longuement, lors de l'étude en commission parlementaire, du rôle qu'on veut confier à la commission d'accès à l'information.

Je voudrais conclure. L'Opposition et le Parti libéral du Québec appuient le principe de ce projet de loi et nous proposerons, lors de la commission parlementaire qui siégera pour étudier ce projet de loi article par article, plusieurs amendements qui auront pour effet de réduire les exceptions au principe général d'accès à l'information pour tous les citoyens, car nous voulons que cette loi en permette l'accès à tous les citoyens, à moins de considérations tout à fait spéciales où il pourrait être possible qu'il y ait une exemption. L'Opposition va sûrement reconnaître qu'à différents niveaux des exemptions seraient permises, mais, à d'autres niveaux, nous voulons, à l'intérieur de cette loi, cette grande transparence, M. le Président. On dit très régulièrement: Nous négocions, nous gouvernons dans la transparence. Il est temps de retrouver également dans ce projet de loi cet effet de transparence pour que cette loi permette à tous les citoyens de connaître les informations dont ils ont besoin à l'intérieur des organismes publics.

Selon la commission Paré, ces rares exceptions viseront des renseignements bien déterminés portant, notamment, sur des questions relevant du domaine des relations intergouvernementales, de la sécurité publique ou mettant en cause le processus décisionnel à l'intérieur d'un organisme public. Tel que l'a mentionné le ministre, sur ces exemptions, nous sommes d'accord, mais, quant à d'autres exemptions qui ont été ajoutées à l'intérieur du projet de loi, nous ferons valoir notre point de vue lors de la commission parlementaire.

L'application du projet de loi à toutes les institutions visées dans le projet de loi. Il s'agit d'établir des échéanciers spécifiques: que la réforme s'applique au gouvernement du Québec en premier lieu et elle pourra graduellement, M. le Président, dans le temps, s'appliquer aux autres organismes déjà mentionnés, telles les municipalités, les commissions scolaires, etc. Nous porterons une attention particulière à tout ce qui a trait à la protection de la vie privée de nos concitoyens.

Pour résumer, nous accueillons en deuxième lecture, M. le Président, très favorablement ce projet de loi, mais nous ne garantissons pas notre appui en troisième lecture. Tout dépendra, évidemment, de la réception des amendements que nous voulons proposer à la commission parlementaire pour que ce projet de loi puisse être bonifié dans l'intérêt de la communauté, de tous les Québécois et Québécoises du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement et député du Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, le rapport de la commission Paré, qui est à l'origine de ce projet de loi que nous étudions présentement, cite une phrase fort pertinente, qui est tirée d'un rapport ontarien sur le même sujet et qui, en quelques mots, exprime avec humour toute la problématique qui se retrouve au coeur du projet de loi no 65. "Les citoyens veulent tout savoir sur autrui et que l'on ne sache rien sur eux." C'est une façon humoristique de nous rappeler l'existence, dans une seule phrase, de deux droits fondamentaux détenus par les citoyens vivant dans une société libre et démocratique, deux droits fondamentaux -je pense qu'il est important de le souligner -qui sont d'ailleurs inscrits, reconnus par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec de façon très explicite.

Ces deux droits sont d'abord, M. le Président, le droit au respect de la vie privée, que l'on retrouve à l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne. C'est également le droit à l'information, que l'on retrouve à l'article 44 de la même charte. Ce sont, je le répète, deux droits fondamentaux.

Tout citoyen a le droit au respect de sa vie privée ce qui signifie, entre autres choses, que les multiples renseignements personnels que détiennent sur lui un grand nombre d'organismes publics ne soient pas accessibles à tout le monde et, pourrait-on dire, dispersés aux quatre vents. Mais le même citoyen peut invoquer le droit à l'information pour exiger que lui soient accessibles les documents détenus par le gouvernement et les divers organismes publics. On sait l'importance de ce droit à l'information pour la santé d'une démocratie, car que deviennent et que deviendraient la liberté d'opinion et la liberté de choix de nos gouvernants s'il y avait trop d'entraves et trop d'obstacles à l'exercice du droit à

l'information?

Or, comme l'indiquait la commission Paré, et je cite: "Aucun de ces deux droits n'est subordonné à l'autre. La Charte des droits affirme les deux. Il arrive qu'ils s'opposent avec d'autant plus de force que les citoyens attachent à chacun une grande importance. Quelquefois, poursuit le rapport, l'accès doit être limité par l'intérêt public ou l'intérêt d'une autre personne. Inversement, la protection de la vie privée doit parfois céder au bien commun. Il nous apparaît plus facile de concilier ces deux droits en une démarche unique à l'intérieur d'une seule et même loi".

Telle était la vision des choses de la commission Paré. Je suis fort heureux de constater que le gouvernement a décidé de faire sienne cette vision des choses et qu'il a donc aussi décidé de présenter une seule loi qui porte sur ces deux droits fondamentaux: le droit d'accès des citoyens aux documents des organismes publics, qui est en quelque sorte un avatar ou une des formes concrètes que revêt le droit à l'information, et le droit à la protection des renseignements personnels qui est une des formes du droit au respect de la vie privée. C'est la meilleure façon, je pense, de concilier ces droits et de réduire au minimum les possibilités de conflit, d'opposition entre ces deux droits fondamentaux.

L'importance et la grosseur, je dirais, de l'appareil de l'État et le rôle majeur joué par l'administration publique dans notre société et dans la vie quotidienne de chaque citoyen entraînent comme conséquences inévitables la mise en place, la constitution de nombreux fichiers gouvernementaux contenant de multiples renseignements d'ordre personnel. Les fichiers, dont beaucoup sont informatisés, constituent la progéniture nombreuse des bureaucraties. Les bureaucraties et les technocraties sont très fécondes; elles engendrent sans répit paperasses et fichiers.

Je voudrais, à cet égard, citer le rapport de la commission Paré qui dit ceci à ce sujet: "Chaque fois qu'un citoyen leur laisse - parlant des bureaucraties - un renseignement: nom, adresse, âge, état civil, caractéristiques physiques ou économiques, ce fragment de sa personnalité constitue la base ou le complément d'un dossier quelque part. Que l'on soit arrêté pour une infraction au Code de la route, que l'on demande un emploi, un permis, un passeport, que l'on obtienne des soins médicaux, une subvention, de l'assistance, on s'en va augmenter le peuple innombrable des fichiers des organismes publics. Il existe des dossiers sur tout: les candidats aux postes publics, par ministère, par spécialité, par continent, les tenanciers, les propriétaires d'armes à feu ou de roulottes, les électeurs, les emprunteurs, les traducteurs, les tumeurs, les faillis, les victimes de viol, les trappeurs, les griefs. La liste étonne, souligne le rapport." (17 h 20)

M. le Président, vous êtes malade, vous êtes fiché, vous suivez un cours... Je parlais d'un citoyen, M. le Président. S'il arrive que vous êtes malade, vous allez être fiché. Vous suivez un cours à l'université ou ailleurs, vous allez être fiché. Vous chassez l'orignal, vous allez être fiché. Vous allez pêcher la truite ou le saumon, vous allez être fiché, n'est-ce pas, M. le secrétaire général adjoint? Vous brûlez un feu rouge, vous êtes aussi fiché. Vous avez un accident de travail, évidemment, vous apparaissez dans un fichier. Une bonne partie de nos actions quotidiennes, vous le savez, se retrouvent, dans une société moderne comme la nôtre, dans des fichiers gouvernementaux. Il existe des centaines et des centaines de fichiers contenant une quantité énorme, considérable de renseignements personnels sur des millions de citoyens.

On retrouve, au niveau fédéral, par exemple, à peu près 1400 fichiers gouvernementaux dans lesquels sont compilées des informations sur les citoyens. Au Québec, on dénombre 1300 fichiers gouvernementaux, dont plus de 200 sont informatisés. Imaginez, les citoyens québécois peuvent retrouver des renseignements personnels les concernant dans au moins 2700 fichiers gouvernementaux relevant d'organismes publics, soit fédéraux ou québécois. C'est assez consternant, vous en conviendrez, 2700 fichiers.

Il suffit d'ailleurs de parcourir l'annexe 4 du rapport Paré pour prendre conscience de la présence énorme des fichiers gouvernementaux dans la vie de la société québécoise. Au ministère du Revenu, 9 fichiers; à la Régie des rentes, 6 fichiers; au ministère de l'Éducation, 18 fichiers; au ministère des Transports, 14 fichiers; au ministère de l'Énergie et des Ressources, 7 fichiers; au ministère de l'Agriculture, 12 fichiers, etc.

Chaque citoyen québécois peut d'ailleurs faire lui-même personnellement la preuve qu'il a un dossier dans un grand nombre de fichiers. À l'occasion de l'étude de cette loi, j'ai fait moi-même l'expérience en consultant mes cartes dans mon portefeuille. J'ai découvert que mon nom et des renseignements personnels sur mon propre compte, forcément, apparaissaient dans au moins sept fichiers importants. Au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, j'ai un certificat pour avoir suivi un cours sur le maniement des armes à few, ce qui me permet d'aller à la chasse, l'automne. J'ai un dossier à l'Hôtel-Dieu d'Alma, dans ma circonscription. J'ai ma carte soleil, la carte de la Régie de l'assurance-maladie, la carte du Bureau des véhicules automobiles, mon permis de conduire, mon certificat

d'immatriculation à la Régie de l'assurance automobile. Je suis allé au CHUL et je suis devenu, évidemment, "fiché" au CHUL, au Centre hospitalier de l'Université Laval. J'ai ma carte d'assurance sociale. Cela exclut les cartes qui apparaissent dans les fichiers privés; je vous ferai grâce de mes cartes de crédit, de ma carte du Parti québécois. Remarquez que c'est déjà connu, du moins, de la GRC. Je ne peux malheureusement pas vous présenter ma carte de l'OCQ, c'est extrêmement difficile à obtenir.

Pierre Goulet, journaliste au Soleil, en février 1981, signalait que pas moins de 79 fichiers informatisés du Québec utilisent le numéro d'assurance sociale comme clef, ce qui veut dire qu'avec votre numéro d'assurance sociale, on peut alimenter et interroger sur votre compte au moins 79 fichiers gouvernementaux. II y a plus grave encore, il faut signaler qu'aucune loi n'interdit aux administrateurs de ces fichiers de s'échanger des données, ce qui fait que certains même voient se profiler à l'horizon le spectre de ce que Pierre Boulet appelle le dossier social cumulatif; vous me permettrez de le citer dans un article de janvier 1980. Il dit: "Un dossier social cumulatif, c'est la centralisation de toutes les données concernant un citoyen, de sa naissance jusqu'à sa mort: dossier scolaire, dossier social, dossier judiciaire, s'il y a lieu, dossier de santé, dossier du revenu. Un dossier social cumulatif, c'est la possibilité, pour les gestionnaires des banques de données de l'État, d'effectuer certains recoupements à travers plusieurs dossiers d'un même individu: contexte familial, caractère, intelligence, contribution à des caisses électorales, déficiences physiques ou mentales, etc. Un dossier social cumulatif, c'est la possibilité, pour ces mêmes gestionnaires, de remettre sous le nez d'un citoyen, 30 ans plus tard, une évaluation négative inscrite dans son dossier scolaire. Hypothèse farfelue, alarmiste? s'interroge Pierre Boulet. Peut-être. En tout cas, aucune loi, aucun règlement, aucune politique officielle n'interdit au gouvernement, si jamais il le désire, de se munir d'un système aussi sophistiqué et aussi dangereux. Aucune loi non plus ne protège les citoyens contre un éventuel recours gouvernemental à un tel procédé." Pierre Boulet disait, en janvier 1980: "Aucune loi ne nous protège contre ce danger, contre cette menace, cette espèce de monstruosité bureaucratique qu'il appelle un dossier social cumulatif."

Ce n'est plus vrai maintenant, M. le Président. Il en existe une, du moins il en existera une lorsque le projet de loi no 65 que nous étudions présentement sera adopté. Par ce projet de loi, le caractère confidentiel des renseignements personnels est désormais assuré, garanti. Par ce projet de loi, la collecte, la conservation et l'utilisation des renseignements personnels sont rigoureusement balisées, encadrées, réglementées, de façon à éviter des abus et à limiter efficacement le pouvoir bureaucratique. Par ce projet de loi, nous imposons des normes sévères relativement au transfert des données personnelles. C'est ainsi que tout échange ou transfert de renseignements personnels entre organismes publics - par exemple, cela se fait présentement, le ministère des Affaires sociales demande au Bureau des véhicules automobiles des renseignements pour repérer des assistés sociaux qui ont une dette au ministère des Affaires sociales - sera régi d'après ce projet de loi, devra être régi par une entente entre les organismes publics. Cette entente devra être l'objet d'un avis de la commission d'accès. Cette entente devra être approuvée par le gouvernement et elle devra, ensuite, être enfin déposée à l'Assemblée nationale. Cette procédure devrait - on le verra, en tout cas, à l'usage - limiter, contrôler et mieux surveiller les transferts des données entre organismes publics.

Par ce projet de loi, M. le Président, la mise en place d'un fichier devra être autorisée par un certificat émis par la commission et l'organisme devra se conformer aux règles édictées par cette commission. Par ce projet de loi, enfin, le droit pour toute personne de prendre connaissance des renseignements que possède un organisme à son sujet et le droit de faire corriger les renseignements erronés à son sujet sont clairement reconnus et proclamés. Leur exercice est donc rendu possible et facilité par le projet de loi no 65.

M. le Président, un grand démocrate français, Édouard Herriot, disait un jour qu'on ne pouvait consolider la démocratie qu'en la maintenant sans cesse en mouvement, c'est-à-dire en la développant, et c'est vrai. La démocratie, on peut dire que c'est toujours une oeuvre inachevée. Il y a toujours place pour l'amélioration du caractère démocratique de notre société. On peut dire que le gouvernement du Parti québécois, depuis 1976, a contribué, par diverses lois, à consolider, à approfondir, à élargir, à revigorer la démocratie québécoise. On n'a qu'à penser - je ne veux pas être exhaustif, M. le Président - à la Loi sur le financement des partis politiques, à la Loi sur la consultation populaire, à la radio-télédiffusion de nos débats parlementaires, à la Loi sur l'environnement, qui permet maintenant des audiences publiques sur des problèmes d'environnement, à la Loi sur la démocratie municipale, à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme qui crée les municipalités régionales de comté, à la tenue de sommets économiques qui permettent la concertation des agents socio-économiques, etc. On pourrait, évidemment, en ajouter

d'autres. (17 h 30)

Et le projet de loi no 65 qui est devant nous constituera lui aussi un progrès, un développement de la démocratie parce qu'il protège mieux, en les précisant davantage, en les renforçant, deux droits fondamentaux qu'on retrouve dans la Charte des droits et libertés de la personne, mais qui sont mieux précisés et renforcés par le projet de loi no 65, c'est-à-dire le droit à l'information et le droit au respect de la vie privée, droits, vous en conviendrez avec moi, sans lesquels il n'y a pas de démocratie possible. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de débuter votre intervention, M. le député de Westmount, j'aimerais d'abord savoir si vous parlez au nom du parti de l'Opposition et, compte tenu du temps, est-ce que vous partagez votre intervention en deux: une partie avant 18 heures et la seconde après 20 heures?

M. French: M. le Président, l'entente qui a été prise des deux côtés de la Chambre est que je parlerais jusqu'aux alentours de 18 heures. Si j'ai quelques mots additionnels à dire, je les dirai très vite et on terminera. Sinon, si j'ai un bout significatif, je recommencerai à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Parfait. M. le député de Westmount.

M. Richard D. French

M. French: M. le Président, il y a au moins trois grandes raisons qui justifient le droit d'accès pour la population aux documents détenus dans les bureaux et fichiers de l'État. D'abord, la population ne peut pas participer à la prise de décisions relatives aux questions publiques de l'heure, sans avoir accès aux renseignements contenus dans les documents publics. En deuxième lieu, un tel accès sert d'élément de discipline pour les fonctionnaires dans leur comportement par rapport aux normes et standards que la population est en droit d'attendre d'eux. En troisième lieu, c'est la population qui a payé pour la création des documents et dossiers publics et elle a donc le droit de les utiliser.

Par contre, il existe aussi trois grandes raisons pour lesquelles la population ne doit pas avoir accès à tous les documents de l'État. D'abord, tout citoyen a droit à la protection de sa vie privée et à la confidentialité des données qu'il partage avec les instances spécifiques de son gouvernement. En deuxième lieu, si certaines informations détenues par les instances publiques étaient accessibles, elles conféreraient un avantage indu à un individu, un organisme ou un groupe quelconque par rapport à la collectivité ou par rapport aux autres individus, organismes ou groupes. Troisièmement - c'est un peu plus difficile à saisir, mais c'est également important, M. le Président, et je suis convaincu que nous allons entendre le ministre là-dessus - l'accès systématique et immédiat aux attitudes, opinions, Conseil des ministres ou des hauts fonctionnaires, de l'intérieur du processus décisionnel au sein de l'Exécutif dans notre système de gouvernement, paralyserait cette prise de décisions au grand désavantage de la population.

Le test de la qualité d'un projet de loi sur l'accès aux documents publics est donc sa capacité d'établir un équilibre entre les trois grandes raisons motivant un plus grand accès et les trois grandes raisons tendant à limiter cet accès. Cette réconciliation n'est pas facile à faire. D'abord, il est un peu inusité, dans notre système de gouvernement au moins, d'essayer d'accomplir cet équilibre par la voie d'une loi. Auparavant, c'était la Législature qui était le lieu privilégié pour établir l'accès du public aux renseignements gouvernementaux, par des questions orales et écrites, par des débats, et ainsi de suite, mais nous avons tous constaté le déclin de la capacité des Parlements de contrôler l'Exécutif, de contrôler le Conseil des ministres, de contrôler les hauts fonctionnaires, de contrôler l'appareil bureaucratique. Ce déclin trouve ses racines dans la croissance extraordinaire des fonctions et responsabilités maintenant confiées au secteur public ainsi que dans l'importance de la discipline du parti pour chaque député.

Dans la mesure où les assemblées démocratiques s'avèrent de moins en moins capables de contrôler les Exécutifs gouvernant, on s'est penché sur des solutions qui augmenteraient les contraintes sur l'Exécutif sans pour autant nécessairement passer par l'Assemblée telle quelle, solutions dont, évidemment, le droit d'accès aux documents publics. C'est ainsi que des Parlements de type britannique, comme le nôtre, en sont venus à étudier - j'ai bien dit à étudier - et à adopter, dans certains rares cas, une loi sur le droit de l'accès à l'information, type de loi qui, jusqu'ici, a surtout fait ses preuves dans des contextes constitutionnels très différents du nôtre. En Suède et aux États-Unis, par exemple. Le ministre a donné d'autres exemples.

La loi sur l'accès aux documents du gouvernement ne s'est pas greffée si facilement que cela à notre système parlementaire. Le gouvernement du Canada a commencé à étudier sérieusement le problème de légiférer dans ce domaine il y a aussi longtemps qu'en septembre 1974. Nous voilà en mai 1982 et qui sait quand le Parlement du Canada se dotera d'une loi fonctionnelle à ce sujet. Le gouvernement de

l'Ontario est également encore en train d'étudier le problème quelques années après la soumission du rapport de sa commission d'étude. C'est pourquoi l'Opposition va continuer d'appuyer le gouvernement dans son cheminement vers l'implantation d'une loi sur l'information gouvernementale.

Il va sans dire que nous allons faire notre possible afin d'améliorer ce projet de loi. Nous prévoyons une étude très minutieuse en commission parlementaire, nous prévoyons un effort soutenu dans le but d'indiquer au gouvernement les endroits où il a péché par excès de prudence. Mais, grosso modo, il faut constater que l'excellent rapport de la commission Paré a laissé au gouvernement une trame toute faite pour une loi efficace. Si le gouvernement est en retard de six mois dans l'échéancier qu'a établi le ministre à la suite de la commission Paré, il n'est quand même pas en retard de six ans. Ce n'est que juste de dire que le gouvernement semble avoir essayé de garder l'esprit du rapport Paré, même si son courage a manqué à quelques reprises. On parlera un peu plus tard, lors de l'étude article par article, de ce manque de courage.

Nous appuyons le principe de ce projet de loi, d'autant plus que le gouvernement -pour parler franchement - s'est avéré, au cours des années, incapable de distinguer l'information neutre et à propos de la communication axée sur des objectifs partisans. C'est un gouvernement, enfin, plus transparent dans ses mots que dans ses actes. C'est un gouvernement qui préfère la publicité à la divulgation.

Il ne faudrait pas penser que le projet qui est devant nous cet après-midi représente, en quelque sorte, l'antidote rétrospectif de l'instinct du gouvernement contre la divulgation qu'on a vu dans le passé. Soyons clairs là-dessus, ce projet de loi n'ouvre pas de porte à l'histoire, même à l'histoire relativement récente. Entre les articles permettant l'implantation progressive et même extrêmement prudente, l'article 177, permettant à un organisme public de refuser l'accès à un document - et je cite -"daté de plus de dix ans", lors de l'entrée en vigueur du projet de loi. Il n'y a pas de danger immédiat d'une divulgation indue. Le moins qu'on puisse dire, M. le Président, c'est que le gouvernement de la transparence adopte une attitude plutôt prudente face à l'introduction de cette vertu par le biais de ce projet de loi. (17 h 40)

C'est un projet de loi qui vise essentiellement l'avenir d'un gouvernement qui n'ose pas trop nous permettre de regarder en arrière. On a beau parler de 5000 organismes publics, l'application de la loi à la plupart d'entre eux n'est pas pour demain ni même pour après-demain. Néanmoins, si le gouvernement réussissait à implanter le régime d'accès aux documents et la protection des renseignements personnels aux ministères mêmes du gouvernement, d'ici à deux ans, il y aurait là un début assez honorable. On s'attend à ce que le ministre se prononce sur les garanties qui existent pour qu'on puisse être assurés qu'un tel progrès se réalisera.

Donc, tout en félicitant le ministre de son appétit gargantuesque par rapport à la quantité d'organismes intimement visés, on veut lui rappeler que manger un bon hors-d'oeuvre est meilleur que rester immobile, en admiration devant la grandeur du repas. C'est dans la section II du chapitre II du projet de loi que nous retrouvons la réconciliation des principes contradictoires de l'accès et de la confidentialité. Cette réconciliation est incarnée dans une série de restrictions à l'accès public aux documents, restrictions qui prennent, en somme, six pages et non moins de 24 articles dans le projet de loi. C'est ironique que dans un projet de loi rédigé pour donner un plus grand accès, ce qui nous frappe davantage, c'est la protection que le gouvernement veut se donner. C'est peut-être inévitable, mais cette quantité de restrictions d'accès, ces six pages avec ces 24 articles nous amènent à nous demander parfois quels documents deviendraient accessibles par le biais de ce projet de loi.

Le ministre, dans son intervention tantôt, M. le Président, avait évoqué quelques exemples de documents qui seraient dorénavant accessibles, d'après lui, lorsque le projet de loi entrera en vigueur. Je soulignerai tout simplement, à ce stade-ci, que les documents auxquels faisait allusion le ministre étaient surtout des documents de nature administrative, c'est-à-dire que le gouvernement est tout près de bousculer quelque peu les fonctionnaires au grade intermédiaire, les inspecteurs, les analystes dans les domaines spécialisés, mais on verra que lorsqu'il s'agit de la prise de décisions sur les politiques, sur les grandes questions d'actualité, le gouvernement n'est pas si généreux que cela.

Prenons quelques exemples, M. le Président, tirés non pas totalement par hasard de la foule de cas où le gouvernement a poursuivi ses tendances un peu antitransparentes. Le contrat de Pechiney, par exemple, que le ministre de l'Énergie et des Ressources refuse de rendre public, malgré tout le capital politique qu'on a essayé d'en tirer, serait-il disponible, ce contrat dûment signé? Ne serait-il pas refusé, M. le Président, en vertu de l'article 22 du projet de loi, et je cite: "Un organisme public peut refuser de communiquer un secret industriel." Le gouvernement va beaucoup plus loin dans la direction de la protection de la restriction d'accès qu'allait la commission Paré. Le

gouvernement ou Hydro-Québec n'auraient même pas à démontrer un tort quelconque, un intérêt public ou privé qui suivrait la divulgation d'un secret industriel, parce que la restriction, telle qu'actuellement incarnée dans le projet de loi, n'exige pas une telle démonstration.

Ne serait-il pas dans l'intérêt public de connaître les communications - les communications écrites, au moins - entre le ministre des Affaires intergouvernementales et le ministre de l'Éducation au sujet de la distribution du dépliant Minute Ottawa! à tous les professeurs d'histoire du Québec? Ces notes de service ou ces lettres seraient-elles accessibles en vertu de ce projet de loi? Non, parce que l'article 33, alinéa 2, se lit comme suit, et je cite: "Ne peuvent être communiquées avant l'expiration d'un délai de 30 ans de leur date les communications d'un membre du Conseil exécutif à un autre membre de ce conseil, à moins que l'auteur n'en décide autrement." C'est tout de suite un problème, M. le Président, parce que l'un des deux auteurs de ces prétendues communications ne siège plus au Conseil des ministres, entre autres. On n'aurait même pas à argumenter dans un tel cas que le sujet discuté est en soi un secret du Conseil des ministres. Toute communication entre ministres est dorénavant automatiquement investie par le projet de loi de la mystique de la confidentialité du cabinet, est protégée pendant 30 ans. C'est une extension illégitime de la confidentialité du Conseil des ministres.

Je vous donne un troisième exemple. Il y a environ un an, le ministre de l'Éducation a fait circuler un projet sur l'éducation sexuelle. C'était un projet tellement mal conçu, tellement imbécile qu'il a donné à ceux qui veulent éviter à tout prix l'éducation sexuelle dans nos écoles des armes impressionnantes. Enfin, une bêtise épouvantable. Le ministre de l'Éducation, comme c'est son habitude, a rejeté le blâme sur un fonctionnaire anonyme et a ignoré la question par la suite. Avec ce projet de loi, aurions-nous droit à l'accès aux documents d'analyse, de recommandation ou d'évaluation faits au sein du ministère de l'Éducation ou par des consultants au sujet de l'éducation sexuelle? Non, parce que l'article 37 du projet de loi se lit comme suit: "Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis dix ans par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'autres organismes publics ou un membre du personnel de cet autre organisme dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut également - je cite toujours, M. le Président - refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits à sa demande depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller, sur une matière de sa compétence." Une autre cause perdue, M. le Président.

La réforme scolaire. Quel joli exemple, M. le Président, de la distorsion et la manipulation de l'information publique. Le projet de loi aiderait-il le citoyen dépourvu devant les fuites calculées du ministre de l'Éducation? C'est douteux, M. le Président, parce que les documents touchant cette question tomberaient fort probablement sous l'étendue de l'article 32 du projet de loi qui se lit comme suit: "Un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait - écoutez la généralité de ceci, M. le Président - de compromettre sérieusement la réalisation d'un projet en cours." Compromettre sérieusement la réalisation d'un projet en cours. C'est quoi un projet? Qu'est-ce qui distingue un projet en cours d'un projet qui ne l'est pas? Qu'est-ce que cela veut dire, compromettre sérieusement ces réalisations? Autant de questions sans réponse dans le projet de loi, et questions certaines de créer les plus grandes difficultés et déceptions.

Si le projet de loi est accepté comme tel par l'Assemblée nationale, je pourrai multiplier les exemples, M. le Président. Les sondages faits à même les fonds publics seraient-ils accessibles? Les contrats de services personnels abusifs seraient-ils disponibles? Les études et évaluations de programmes, pourrait-on les voir? Enfin, exactement, quand il s'agit de questions politiques de l'heure, de questions d'actualité, quel genre de document pourrait être disponible avec ce projet de loi? (17 h 50)

L'Opposition prendra tout le temps nécessaire pour étudier ces questions à fond en commission parlementaire. Nous allons démontrer au ministre, à maintes reprises, la perfectibilité de son projet de loi, faisant acte de ses professions de bonne foi. On est convaincu qu'il est sincère, mais encore faut-il agir dans le sens d'améliorer le projet de loi pendant l'étude article par article.

Le troisième chapitre du projet de loi, M. le Président, régit la collecte, la conservation et l'utilisation de renseignements personnels par les organismes publics. II donne le droit d'accès et de rectification à la personne concernée. On sait, M. le Président, vous dans votre neutralité et moi dans ma non-partisanerie, comment l'État intervient dans nos affaires personnelles et on connaît la maladie des formules de données accumulées sur chacun de nous qui afflige les fonctionnaires. L'Opposition a toujours essayé, parfois même avec succès, de détourner le gouvernement de ses pires excès dans ce domaine. Je pense à notre lutte contre le projet de loi no 3 qui envisageait un fichier central de renseignements personnels. C'est donc avec beaucoup d'intérêt que nous étudierons en

détail le chapitre III du projet de loi. Le manque de précision ou les erreurs qui pourraient surgir dans un fichier de renseignements personnels est un problème potentiellement très sérieux pour l'individu affecté. Dans la mesure où l'individu veille à ses propres intérêts et vérifie les renseignements détenus par le gouvernement à son sujet, le projet de loi offre des modalités fort utiles de rectification.

Un deuxième problème qui n'est pas contrôlable au niveau de l'individu, c'est le transfert de renseignements personnels et de banques de telles données entre organismes publics. Ce qui est potentiellement dangereux et injuste dans de tels transferts, c'est d'abord que les sujets ne sont pas informés du transfert, ne donnent pas leur consentement et que les données auraient été recueillies en premier lieu pour d'autres fins que celles préconisées par l'organisme récipiendaire.

Il est inquiétant de voir que les articles 66 et 67 du projet de loi permettent de tels transferts quoique assujettis à une certaine exigence de publicité devant l'Assemblée nationale. Nous allons examiner ces articles avec une très grande vigilance pour les intérêts de la liberté de l'individu. Ce qui est plus particulièrement dangereux dans cette section, dans ce chapitre du projet de loi, c'est que l'article 66 permet au gouvernement du Québec d'avoir accès à n'importe quelle banque de renseignements personnels de n'importe quel des 5000 organismes publics à qui, d'après le ministre, le régime édicté par la loi s'appliquerait ultimement. Le seul contrôle là-dessus est un dépôt subséquent à l'Assemblée nationale de l'entente décrétée par le gouvernement à ce sujet.

L'Opposition n'accepte pas cette façon tortueuse de distorsionner la portée du projet de loi. Si les renseignements personnels sont requis pour l'application d'une loi - je cite directement du projet de loi - c'est l'organisme public chargé de l'application de la loi en question qui devrait être habilité à les recueillir.

S'il faut absolument aller chercher d'un autre organisme les renseignements personnels nécessaires, cela ne devrait pas se faire par un décret du gouvernement qui le force, c'est plutôt la loi en question qui devrait être amendée spécifiquement à cette fin, afin de garantir un débat informé là-dessus à l'Assemblée nationale. Ce débat informé n'est nullement garanti par la rédaction actuelle de l'article 66.

Le chapitre IV du projet de loi a pour objet la mise sur pied d'une commission d'accès à l'information, laquelle entendra les appels des requérants déçus à la suite d'un refus d'un organisme public, qu'il s'agisse de la divulgation d'un document ou de la rectification de renseignements personnels.

Suivant les articles 124, 142, et 147, la commission détient le pouvoir final - à l'exception de l'article 146 dont on parlera tantôt - de trancher des litiges entre les organismes publics et les requérants. En d'autres termes, la commission a le droit d'ordonner que l'organisme public rende un document accessible, en dépit de la conviction de la personne responsable au sein de l'organisme public en question que ce document tombe sous une exemption.

Aucun droit d'appel à la cour n'est prévu sur le fond d'un tel litige, mais seulement lorsqu'il s'agit d'une question de droit ou de compétence. Maintenant, le ministre sait comme moi qu'il n'y a pas de garantie que les cours respectent nécessairement ces articles privatifs 124, 147, et 148, mais cependant au moins les intentions du législateur sont claires en ce qui a trait à cette question d'appel à la cour.

La commission représente le dernier recours d'un requérant. Elle a un pouvoir décisionnel. Elle devrait avoir l'avantage d'être facilement accessible; son personnel prend la part du requérant en l'aidant à formuler sa demande de révision provenant d'une décision initiale rendue par un organisme public. Par surcroît, elle est contrainte de réagir rapidement, elle a les pouvoirs lui permettant de comparer à huis clos les documents en question, les restrictions évoquées par l'organisme quant à sa non-divulgation des documents, de même que l'argumentation du gouvernement ou de l'organisme public en cette matière.

Ensuite, l'article 138 exige qu'une demande de révision expose brièvement les raisons pour lesquelles la décision de l'organisme public devrait être révisée. Afin de ne pas demander l'impossible au requérant, cette exigence devient facultative.

Il y a deux points majeurs, fondamentaux, sur lesquels l'Opposition tient à se prononcer sur le chapitre III, au sujet de la Commission d'accès à l'information. Le premier, c'est le coût additionnel et la paperasse qu'entraînerait inévitablement la multitude de fonctions que recommandait la commission Paré et que précise le gouvernement dans l'article 124 du projet de loi à la commission d'accès. Je sais que le ministre a cherché en vain d'autres solutions. Je ne veux pas remettre en cause sa bonne foi à cet égard, mais ce sont les fonctions multiples que le projet de loi exige de la commission qui nous font réfléchir. À bien y penser, ce que le gouvernement, suivant la commission Paré, essaie de faire, c'est de combiner les fonctions d'un tribunal parlementaire, d'une part, avec les fonctions d'un coordonnateur administratif d'autre part. (18 heures)

Le gouvernement essaie de faire cette combinaison dans un seul organisme. Or, il

faut s'interroger sur la pertinence d'une telle idée. Cette interrogation doit se poursuivre dans une double optique, celle du coût et celle de l'efficacité du tribunal. En voulant la doter des responsabilités de publicité, de recommandations administratives, de conseils préalables, ainsi de suite, il est inévitable que la commission devienne une espèce de bureaucratie plus lourde, bien au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour ses fonctions quasi judiciaires, les fonctions qui sont le noyau de la raison d'être de l'organisme qu'est la commission. Ces premières fonctions de coordonnateur administratif incluses dans la plupart des alinéas de l'article 125 devraient être plutôt la responsabilité de l'exécutif, c'est-à-dire devraient être la responsabilité d'un ministre désigné, tels le ministre des Communications, le président du Conseil du trésor. Ce sont les responsabilités, à proprement parler, qui incombent à l'exécutif.

Ces premières fonctions de coordonnateur ne conviennent pas très bien aux deuxièmes fonctions, celles d'agir de façon quasi judiciaire. Les fonctions de coordination devraient être financées en utilisant les crédits actuellement gaspillés par le gouvernement dans la publicité gouvernementale, dans les films produits par le ministre des Communications à l'égard de Radio-Québec à même les effectifs, dans le domaine des communications, qui sont déjà abandonnés. Il n'y a aucune raison qui justifie qu'un gouvernement qui a fait monter ses dépenses publicitaires du vingt-huitième rang jusque parmi les premiers rangs des annonceurs au Canada se trouve dans l'impossibilité de réaffecter ses ressources à l'accès à l'information. Il n'y a aucune raison valable qui explique le besoin d'y allouer des crédits additionnels, suivant l'application de ce projet de loi, lorsqu'on connaît les habitudes de prodigalité du gouvernement.

Une fois ces remarques considérées, il ne resterait à la commission que les fonctions quasi judiciaires conformes à la nomination du Parlement. Le gouvernement répondrait ainsi à une exigence de l'état précaire de ses finances publiques, soit celle de diminuer les sommes additionnelles de 2 000 000 $ prévues par le ministre.

La distinction entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif serait aussi beaucoup plus précise sur le plan des responsabilités. Un exemple suffira. On demande à la commission, à l'alinéa 6 de l'article 125, "de donner avis aux organismes publics qui le requièrent sur toute matière relative à l'application de la présente loi", mais on demande aussi à la commission de juger les décisions de ces mêmes organismes publics, de juger de l'administration de la loi par ces mêmes organismes publics.

M. le Président, ces deux fonctions à propos du conseil, d'une part, et du jugement, d'autre part, me semblent fondamentalement inconciliables. Cette façon de procéder conduira nécessairement à la confusion, diluant d'autant les avantages que l'on désire soutirer de cette éventuelle loi.

Le deuxième point, qui nous paraît capital, a trait à la porte que le gouvernement veut s'ouvrir à l'article 146 du projet de loi. À l'article 146 du projet de loi, le gouvernement semble nous dire qu'il a tenté de protéger adéquatement tous les secrets dans les 6 pages et 24 articles de restrictions à l'accès du public aux documents, mais il est possible qu'on se trompe. Après coup, l'article 146 nous permet de décréter, malgré les décisions contraires de notre propre commission d'accès à l'information, qu'un organisme public ne doit pas se soumettre à cette ordonnance de divulgation émise par la commission.

On va plutôt déposer le décret devant l'Assemblée nationale dans les quinze jours qui suivent son adoption. C'est donc une grande échappatoire que le gouvernement se donne. Il donne non seulement cette chance à ses propres ministres et ministères, à l'Exécutif du gouvernement du Québec, mais il se donne aussi le pouvoir d'endosser les instincts cachottiers de l'administration de n'importe quel des 5000 organismes publics qui seraient assujettis à la loi.

Je termine. La commission Paré n'envisageait d'aucune façon une telle répudiation des principes du projet de loi. Le potentiel pour les cabales politiques est extraordinaire. Imaginez qu'un citoyen se voie refuser un document par la ville de Montréal, par l'Hydro-Québec ou par un cégep dans le comté du premier ministre. Imaginez qu'il fasse appel à la commission d'accès qui statue en sa faveur. Imaginez par la suite que le gouvernement du Québec décrète un sursis pour une période de deux ans à l'exécution de la décision de la commission. Comment voulez-vous que les dispositions subséquentes du décret amènent un véritable débat public à l'Assemblée nationale? Un tel débat serait impossible en l'absence des administrateurs de l'organisme public en question. L'article 146 est suffisamment nocif, dans l'esprit de la loi, en ce qui a trait aux ministères dont les titulaires siègent au moins à l'Assemblée nationale. Cet article nous apparaît totalement inacceptable dans la mesure où il permet au gouvernement d'intervenir dans un litige entre un citoyen et un organisme public à l'extérieur de l'étendue normale des responsabilités ministérielles.

Enfin, nous croyons que ce projet de loi crée un cadre utile pour une commission d'accès à l'information. Il est évident que non seulement ce projet de loi est perfectible, mais qu'il doit être amélioré avant la troisième lecture.

La réforme que nous entreprenons dans ce projet de loi est importante mais elle est aussi coûteuse en argent, en paperasse et en bureaucratie. Elle se caractérise par un potentiel significatif à alourdir l'appareil étatique et à encourir des dépenses additionnelles. Le défi c'est d'accomplir un progrès sensible sur le plan de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels sans créer un monstre bureaucratique. Ce défi va demander beaucoup de réalisme et de pragmatisme. Nous sommes prêts à bâtir sur les fondations solides de la commission Paré. Nous sommes disposés à collaborer avec le ministre dans la mesure où il sera prêt au moins à considérer sérieusement nos suggestions et nos amendements.

Nous avons la possibilité d'effectuer une amélioration importante dans l'accessibilité des documents publics et dans la protection de la vie privée. Il ne faut pas rater cette occasion.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Fabre.

M. Leduc: Je demande l'ajournement du débat jusqu'à 20 heures, ce soir.

Le Vice-Président (M. Jolivet):

Suspension du débat jusqu'à 20 heures, ce soir. Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 07)

(Reprise de la séance à 20 h 01)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

Nous en étions au débat de deuxième lecture du projet de loi no 65, du ministre des Communications, Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. La parole est au député de Fabre.

M. Michel Leduc

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Le projet de loi no 65, qui est présentement devant nous, est une loi qu'on a qualifiée, que plusieurs d'entre nous ont qualifiée de fondamentale et, je pense, avec raison, que ce projet de loi est fondamental. Il s'agit, M. le Président, d'une des lois les plus importantes que nous ayons eues devant nous depuis de nombreuses années, car c'est une loi qui renforce l'exercice de la démocratie au Québec.

Le Québec est déjà placé à l'avant-garde des pays démocratiques grâce à une Loi sur le financement des partis politiques, une loi qui a été présentée par le gouvernement du Parti québécois, une loi qui rejoint les objectifs de transparence de notre gouvernement, une loi qui a atteint son objectif, car elle permet aux citoyens et aux citoyennes du Québec d'avoir un contrôle et une connaissance du financement, des revenus et des dépenses des partis politiques du Québec. En démocratie, je pense qu'il y a une loi fondamentale, c'est que les citoyens ont le droit de savoir, les citoyens ont un droit à la connaissance de ce qui se passe au gouvernement, à la connaissance de ce qui se passe dans les partis politiques et, en ce qui concerne le projet de loi no 65, ils ont droit à une connaissance des documents publics. Le Québec va faire un pas de plus dans le sens de la démocratie en adoptant ce projet de loi sur l'accès à l'information qui est en même temps une protection pour la vie privée des citoyens du Québec.

La connaissance est une des sources de la liberté, M. le Président. Je vais me permettre de citer le rapport Paré qui a été déposé il y a déjà un an et qui a servi de source d'inspiration directe au projet de loi no 65. Le rapport Paré dit au sujet de la connaissance qu'elle est, bien sûr, une des sources de la liberté. "De tout temps l'information a été au coeur de la lutte pour le pouvoir. Les hommes y ont reconnu l'arme privilégiée de la conquête de leur liberté en même temps que l'instrument de la limitation de celle de leurs semblables." Autrement dit, l'information est vitale au fonctionnement d'une société qui se veut pleinement démocratique, mais en même temps l'information, c'est à deux tranchants. Elle peut et elle doit servir à la démocratie, mais elle peut servir également à brimer les droits fondamentaux des citoyens.

Le projet de loi no 65 vise justement à contrôler l'information que le gouvernement possède au sujet des citoyens et en même temps à démocratiser l'information, la connaissance que possèdent le gouvernement et les organismes publics qui sont rattachés au gouvernement, connaissance fondamentale à l'exercice de la liberté. "Le secret conduit à l'abus du pouvoir." C'est une autre citation du rapport Paré qui est également très vraie, car tout système démocratique se trouve amoindri lorsqu'une société néglige d'assurer à ses citoyens le droit à l'information contenue dans des documents publics.

Il y a toujours un risque en démocratie, c'est que le pouvoir devienne l'apanage de quelques privilégiés qui, eux, ont accès à

l'information refusée à l'ensemble de la population. Malheureusement, c'est ce qui se passe présentement dans notre société et c'est ce que veut contrer la loi 65. La démocratie exige une ouverture, une transparence, c'est-à-dire la libération de la connaissance. Je me permets de citer encore une fois le rapport Paré: "Un État qui refuse aux individus l'accès aux renseignements leur nie le droit de contrôler la chose publique comme de participer à sa gestion." Autrement dit, l'information ouverte, l'information libre est une condition de contrôle et de participation à la vie démocratique de notre société.

Comme le notait le rapport Paré, c'est un droit politique et un corollaire de la liberté d'expression. La liberté d'expression est un des fondements de notre démocratie. On peut évoquer que c'est en 1695, en Angleterre, à la suite de l'abolition de l'acte de censure, qu'on a élevé la liberté de presse au rang des droits fondamentaux et que le droit à la libre expression des opinions a été réaffirmé aujourd'hui dans toutes les démocraties. En 1948, les Nations Unies lui ont donné un caractère universel.

Bien sûr, on ne discute plus aujourd'hui de la liberté de presse car c'est un droit acquis, c'est un droit fondamental dans notre démocratie. Le pas suivant, que les démocraties modernes devront franchir, c'est un pas vers l'accès libre à l'information publique. Au Québec, le droit à l'information est reconnu à l'article 44 de la Charte des droits et libertés de la personne qui a été adoptée en 1975. Mais ce droit, qui est reconnu dans la charte, doit maintenant passer dans la pratique - c'est ce que vise la loi 65 - en assurant l'accès aux documents détenus par le gouvernement et les organismes publics, documents qui étaient jusqu'à présent inaccessibles ou soumis à l'arbitraire parfois du gouvernement, parfois des instances bureaucratiques. (20 h 10)

Les libertés politiques, une fois proclamées, doivent s'exercer dans des conditions favorables, sinon elles deviennent des caricatures, c'est-à-dire des mots vides de substance car pour juger les dirigeants politiques, pour les choisir, pour les renvoyer, au besoin, il faut disposer de l'information qui les amène à prendre des décisions. Il faut disposer d'une information non sélectionnée, non camouflée par les techniques de communication contemporaines, non teintée de propagande. Autrement dit, il faut que les citoyens aient accès aux documents qui ont conduit aux prises de décisions importantes.

Aujourd'hui, M. le Président, la démocratie est menacée de l'intérieur par un certain nombre de phénomènes nouveaux qui sont reliés à la croissance de l'État, à son action directe sur la société, à sa démesure par rapport au citoyen. Le citoyen, aujourd'hui, a de plus en plus l'impression d'être perdu dans les dédales administratifs et bureaucratiques. Lorsque ce simple citoyen, devant l'État, devant la bureaucratie, se permet de demander l'information qui lui appartient, la réponse est, malheureusement, trop souvent: On ne peut le produire ou on le produira lorsqu'on aura le temps.

L'État, M. le Président, aujourd'hui, intervient dans tous les secteurs de la société, dans tous les aspects de la vie des citoyens. Il n'y a pas un citoyen qui échappe aux visées, à la croissance de l'État moderne. Pour fonctionner, l'État aujourd'hui a recours à des spécialistes, à de l'équipement informatique, à des moyens qui ne sont pas à la portée des citoyens. Il faut donc que l'État intervienne, non pas pour accroître son emprise sur le citoyen mais, au contraire, pour permettre au citoyen de mieux comprendre ce qui passe dans cet État, pour mieux pénétrer les secrets de l'État. La révolution postindustrielle, M. le Président, consiste en grande partie en stockage et en traitement de l'information qui permet à l'État de contrôler l'information, c'est-à-dire qui conduit aux prises de décisions qui façonnent toutes les sociétés d'aujourd'hui. La soustraction des documents importants à l'examen public ne peut que contribuer à renforcer le pouvoir de l'État sur l'individu et conduire graduellement à un État totalitaire avec une façade démocratique.

L'information libre ne règle malheureusement pas tous les problèmes, mais répond tout de même à un besoin d'oxygène pour la vie démocratique dans nos États modernes car, si la croissance et la puissance de l'État correspondent à une information plus considérable conduisant à des prises de décisions, nous assistons aussi de la part des citoyens à une scolarisation plus élevée, à un esprit critique beaucoup plus développé et à une exigence accrue de la part des élus, à un besoin de savoir, de connaître qui correspond à ce que vise la loi 65. Il s'agit d'aider ce citoyen de plus en plus scolarisé à répondre à un besoin de connaître ce qui se passe et à un besoin de participer plus intensément à la vie démocratique.

Les hommes et les femmes qui sont en politique sont contraints, M. le Président, d'initier de plus en plus de citoyens aux grands dossiers politiques et socio-économiques. C'est normal. Les citoyens sont devenus plus exigeants. Ils demandent une transparence plus grande de la part du gouvernement, une ouverture plus grande du côté de l'information que l'État doit leur assurer, sous peine d'assister à une sclérose de la vie politique et de la démocratie.

Par contre, les citoyens ont besoin

d'être protégés contre les abus que peut entraîner la tendance de l'État moderne à emmagasiner des informations sur la vie des citoyens.

Le deuxième volet de la loi 65, justement, veut assurer aux citoyens cette protection. Quand circulent des renseignements infiniment plus considérables qu'il y a une génération, informations qui continuent de s'accroître de façon souvent désordonnée, les techniques informatiques facilitant la collecte des données, la protection des individus, dans les circonstances, est devenue impérieuse. Par exemple, au Québec, on le mentionnait il n'y a pas longtemps, il y a 1300 banques de données où sont emmagasinées des informations sur les individus. Des dizaines de millions de renseignements sur les Québécois et les Québécoises et aucune loi qui n'interdit aux responsables des fichiers d'échanger des informations ou d'interrelier les banques informatisées. Aucune loi, M. le Président. Il n'existe pas au gouvernement non plus une liste exhaustive des fichiers.

Une étude menée en 1975 révèle qu'il n'y a aucune mesure garantissant la confidentialité des renseignements personnels. Il n'y a aucune mesure qui garantit cette confidentialité, et cette étude a été faite sur plus de 30% des banques de données. Bien sûr, il y a la nécessité d'encadrer toutes ces demandes d'information de la part des citoyens de critères rigoureux. Nous exigeons que l'État respecte nos vies privées, il importe donc de soumettre la constitution des dossiers personnels, la collecte des données, leur usage et leur contrôle à des critères rigoureux, le tout surveillé par une commission qui serait à l'épreuve des critiques et des doutes. Le nombre d'informations, leur pertinence, l'usage qu'on en fait doivent aussi être limités et justifiés, M. le Président.

Il y a un autre aspect dans cette loi qui est extrêmement intéressant, c'est qu'elle encourage l'intervention et la participation des citoyens. Ceci est prévu dans la loi, car ce sont les citoyens qui se prennent en main qui peuvent être la meilleure garantie de la vie démocratique dans un pays. Les citoyens peuvent, selon la loi, vérifier dans quel dossier se trouvent des renseignements les concernant. Ils peuvent demander des corrections s'il y a lieu. Ils peuvent même en appeler des abus qui sont faits les concernant, ce qui est présentement impossible. Pour cela, il faut connaître l'existence de ces fichiers, il faut connaître leur rôle, il faut y avoir accès, il faut pouvoir disposer de recours contre les pouvoirs publics. Tout ceci est prévu dans la loi 65. (20 h 20)

Tout à l'heure le député de Westmount s'attaquait aux restrictions qui sont prévues dans la loi. Je pense que cette loi est perfectible. Il s'agit d'une première loi. Cette possibilité d'amélioration est même prévue dans la loi 65, sauf qu'il faut bien comprendre que si ces documents publics sont la propriété de la population, il y a une nécessité aussi, c'est que le gouvernement doit fonctionner pour le bien-être des citoyens.

Prenons l'exemple de ce Parlement qui est un endroit public; pourtant il y a des lieux où la population ne peut* aller, et c'est tout à fait normal. Il y a des endroits qui sont prévus pour que la population assiste aux débats mais je ne pense pas que le député de Westmount pas plus que les autres députés ne permettraient aux citoyens d'entrer dans les bureaux ou dans cette Chambre, car une telle permission nuirait tout simplement au fonctionnement du Parlement et aussi à l'efficacité du travail des députés. Ces restrictions sont prévues dans la loi pour, encore une fois, permettre au gouvernement de fonctionner de façon normale.

En terminant, je voudrais rappeler que le but de la loi, c'est le droit à l'information, le droit à la vie privée, le droit au bon gouvernement, c'est-à-dire le droit pour une société comme la nôtre d'accéder à une démocratie de qualité. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Projet no 65, deuxième lecture.

Mes électeurs - moi je représente un comté de gens simples, Québécois, Québécoises, travailleurs, travailleuses m'ont demandé: Qu'est-ce qu'il présente encore, ce péquiste? Peux-tu expliquer cela? Qu'est-ce que ça veut dire, ce projet de loi no 65. J'ai donné la réponse suivante: voici, Nous, on est gouverné, on est contrôlé, du berceau à la mort, par les régies, les commissions, les règlements, les lois, les statuts; donc, cela prend une autre loi pour nous protéger contre ce qu'ils demandent. J'ai entendu, j'étais ici, j'écoutais le ministre, les députés, j'écoute toujours, j'apprends de vous autres, et j'ai vu le député de Lac-Saint-Jean qui a montré cinq, six cartes, et il a dit: Je me trouve dans un fichier personnel quelque part; donc, on a besoin d'un organisme pour nous protéger contre cela. On est rendu loin quand on sait que ce projet de loi va s'appliquer à 5000 organismes publics; 5000. Le pays d'où je viens, où il y a autant de population qu'à Québec, a 1000 organismes et on dit que c'est déjà trop, là-bas.

Qu'est-ce que le ministre nous donne

dans ce projet de loi? J'ai lu attentivement les communiqués de presse, commentaires, conférences de presse. Je reçois le document et je le lis. Mon monde m'a appelé: Maximilien, c'est présenté par le ministre Bertrand; il est beau, il est fin, il est jeune. Mais, je dis: Cela ne veut pas dire que le projet de loi... Il faut analyser cela en toute objectivité. Qu'est-ce qu'il nous promet, ce ministre-là? Le ministre est très habile, il dit: Voici, la population, je vous promets trois droits que vous n'avez jamais eus, moi je les promets: droit à l'information, droit à la vie privée, et droit au bon gouvernement. Là, j'ai dit: II est à peu près temps que je commence à étudier le projet de loi. J'ai travaillé avec mon chef d'équipe dans ce dossier, le député de Jeanne-Mance, deux nuits, presque, on a pris ce projet de loi-là; 200 articles qu'on a étudiés.

M. le ministre, je peux débattre ce projet de loi n'importe quand, n'importe où, chaque article, je le connais. Qu'est-ce qu'il donne? Droit à l'information: On vous donne accès aux documents des organismes publics. C'est bon, je suis tout à fait d'accord avec cela, je n'ai rien contre cela.

Deuxième droit: droit à la vie privée, protection des renseignements personnels. Mais là, ça devient grave, il donne le droit au bon gouvernement, comme l'a dit le communiqué de presse. C'est à peu près le temps qu'on ait droit au bon gouvernement parce depuis que je suis là, je n'ai jamais vu de bon gouvernement du tout. Mais, le droit au bon gouvernement, où ça se trouve dans le projet de loi? On ne trouve pas les mots "droit au bon gouvernement", on trouve les mots "les restrictions au droit d'accès". Là, j'ai constaté que le troisième droit, c'est l'exception au premier droit. Le premier droit, c'est un droit à l'information, et le troisième, c'est une série d'exceptions. Il ne reste presque plus rien du droit numéro un; donc, ne donnez pas un troisième droit quand le troisième enlève ce que j'obtiens au premier.

Donc, j'ai étudié la catégorie des exceptions, j'ai foncé là-dedans, j'ai dit: Ce n'est pas possible, on va étudier cela un peu plus en profondeur; j'ai trouvé quinze restrictions à ce fameux droit à l'information. Dans le projet de loi, il y a trois articles qui disent: Le droit à l'information, n'ayez pas peur, citoyens, allez-y, vous l'aurez; trois articles.

Maintenant, on a 23 articles, de 18 à 41, qui nous donnent des exceptions. Je vais vous les dire rapidement, M. le Président, parce que je ne suis pas la grande vedette qui a le droit de parler une demi-heure. Juste vingt minutes. Mais voici, rapidement, ce qu'on nous enlève. Le droit numéro un, c'est le droit sacré, mais là le droit numéro trois, c'est une exception. Ce n'est pas un droit, c'est une exception. Rapidement, on nous enlève, premièrement, les renseignements des relations intergouvernementales; entre les gouvernements, on n'a pas besoin de les avoir. Conseil exécutif pas besoin de les donner, c'est le "bunker", c'est intéressant ce qui se passe là-bas, de l'autre côté de la rue, on n'a pas besoin de savoir! Conseil du trésor, les sous! On ne donne pas de renseignements non plus, on n'est pas obligé. Entrave dans les négociations, c'est intéressant. C'est intéressant, le climat des négociations, la convention collective. Vous connaissez cela, M. le Président, vous êtes vous-même un ancien enseignant syndicalisé, vous connaissez la matière. Vous n'avez pas le droit de donner des renseignements, quatrième exception!

Cinquièmement, les incidences sur l'économie, je me suis dit: Ce n'est pas possible. Chaque geste qu'on pose chaque jour, c'est une incidence sur l'économie. J'ai mangé ce soir avec le député de Jeanne-Mance au Saint-Honoré, cela a une incidence sur l'économie. Dans ce cas, pas besoin de savoir quelque chose! Imposition de taxes sur Hydro-Québec et l'essence. Vous vous rappelez les choses dont on a discuté ici, on n'a pas le droit de savoir. J'aimerais bien savoir le rapport que M. Parizeau a reçu avant d'imposer sa taxe. Non, on ne touche pas à cela. C'est seulement la cinquième exception, il y en a quinze.

Sixième exception: tout renseignement financier, commercial - article 22 - qui peut entraver des négociations ou causer une perte à l'organisme. Donc, l'organisme public va dire: Je ne donne pas ce renseignement, cela peut causer une perte, de la manière dont on perd de l'argent, personne ne peut obliger quelqu'un à donner un renseignement.

Septième exception: Renseignement fourni par un tiers. C'est intéressant. Il y a des tierces personnes qui envoient une lettre, comme chose intéressante, mémo révélant telle et telle chose. Non, on ne peut pas révéler cela, si cela peut causer une perte aux tiers.

Huitième exception: Négociation des conventions collectives. Pendant douze ans, il y a eu des négociations de conventions collectives, et douze ans après, on ne peut pas révéler la nature de celles-ci.

Neuvième exception: Incidences sur l'administration de la justice et de la sécurité publique. Je l'ai lu, il y a beaucoup de détails qui sont corrects, ce sont les tribunaux.

Dixième exception. À l'article 30, le Conseil du trésor encore. M. Bérubé dit-on ne touche pas à cela, ce qu'on discute, les mémos, vous n'aurez jamais le droit d'avoir cela.

Onzième exception: Opinions juridiques. C'est un projet de texte législatif réglementaire. On paie pour ces opinions. On a payé pour les opinions que M. Laurin a

reçues, les opinions qui disent: Vos règlements, cela ne vaut pas la peine, parce que c'est ultra vires. On aimerait bien en savoir le contenu. On paie pour cela, tout le monde, la population. C'est défendu, à l'article 31.

Douzième exception. C'est intéressant, parce que le ministre a donné onze exceptions. Pour bien se couvrir, il arrive avec une douzième exception, qui est de caractère général, au cas où il aurait oublié quelque chose. Qu'est-ce qu'il dit dans la douzième? À l'article 32, un organisme public peut refuser de communiquer une analyse - qu'est-ce qu'il veut dire par une analyse? J'imagine que c'est une analyse verbale, un rapport, n'importe quoi - lorsque la divulgation risquerait de compromettre la réalisation d'un projet en cours. J'ai déjà été vice-président d'une commission scolaire. Je sais comment hésiter à répondre sur un projet. On va simplement dire: Nous autres -la commission scolaire - on prépare un plan quinquennal de 1982 à 1987. C'est un projet en cours. Si vous voulez avoir des renseignements, je ne vous les donne pas à cause de l'article 42. (20 h 30)

Treizième exception. Pendant dix ans, version préliminaire du projet, je continue, je suis rendu à la treizième exception. L'article 37 est intéressant, cela va loin. Un organisme public - cela veut dire n'importe quel des 5000 organismes - peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions." Donc on prend un organisme et tous ceux qui y travaillent, qui émettent une opinion dans l'exercice de leurs fonctions, en vertu de l'article 37, ne sont pas obligés de la révéler.

Le dernier, c'est l'article 39, le refus d'une analyse, s'il y avait recommandation sur une période de cinq ans.

M. le Président, j'ai analysé les exceptions. Il y en a quinze. Qu'est-ce qui reste? Je me demande vraiment où se trouve ce droit d'accès à l'information, parce que les exceptions sont tellement bien décrites et au cas où on en aurait oublié, on a trois articles tellement généraux qu'ils couvrent presque tout. Là, je me dis: Qu'est-ce qui arrive avec ce fameux droit?

M. le Président, de temps en temps je dors mal à Québec, j'ai des cauchemars. J'ai eu un cauchemar il y a quelques jours. Je me voyais poursuivi par des fonctionnaires, des milliers de fonctionnaires couraient après moi. Je vais t'avoir, etc. Je me suis réveillé. C'était avant la présentation du projet de loi, à peu près dix jours avant. Avec le projet de loi, mes cauchemars sont revenus.

Ce que j'avais rêvé moi-même dans mes cauchemars se trouve dans le projet de loi. C'est ce que j'appelle la lourdeur de l'appareil administratif, parce qu'ici on ne sais pas encore où cela peut aller.

Rapidement, qu'est-ce qu'on demande? Je parle de l'appareil administratif. De par l'article 16, on force les gens, non pas le gouvernement, mais tous ces pauvres organismes, comme les commissions scolaires, qui n'ont pas d'argent, qui ont des coûts énormes à la suite des coupures budgétaires, à avoir un responsable, un petit monsieur chargé des répertoires, des inventaires, qui doit répondre à toutes les lettres, les classer de A à Z et voir à y répondre dans les vingt jours. S'il ne répond pas ou s'il dit: Je refuse l'accès à cette information à cause des exceptions que Maximilien m'a énumérées, le 15, on va en appel. Je vais en appel et vous, messieurs les fonctionnaires, vous allez me suivre, on va avoir une enquête. C'est encore une journée de perdue pour le pauvre fonctionnaire. Tous ces organismes vont dire: C'est impossible. Où est-ce qu'on va? Qu'est-ce qu'on demande?

On nous dit dans le projet de loi: "Un organisme public doit classer ses documents de manière à en faciliter le repérage." Le ministre dit: Classez donc de A à Z. C'est important, le savez-vous?

Le ministre nous dit ensuite, à l'article 17: Annuellement, il y a un répertoire dans la province de Québec. Voici, les citoyens, un répertoire haut comme cela, épais comme cela, de trois couleurs, comme ceux qu'on reçoit chaque jour. Cela coûte de l'argent, cela coûte cher à la population. On va vous dire à qui vous adresser pour les renseignements; non seulement cela, on va faire la promotion pour avoir les renseignements. On a une commission et une des fonctions de la commission est justement de dire: Population, connaissez vos droits. Voici la brochure signée par Bertrand, parce qu'il est beau, doux et fin. Adressez-vous à telle et telle commission pour aller en appel si un des 5000 organismes refuse de vous répondre.

Une voix: Ce n'est pas possible!

M. Polak: Ce n'est pas possible, c'est vrai cela. Qui paie pour tout cela? Selon l'article 43, le pauvre responsable, ce n'est pas un ministère du gouvernement, ce sont les régions, les commissions scolaires, les municipalités, tous ces petits groupes qui se forcent à faire le travail de deux ou trois personnes avec seulement une, parce que vous coupez à l'os. Là encore, il faudra nommer un responsable.

On a un fichier de renseignements personnels. Ah oui! encore un autre fichier de renseignements personnels! Un certificat. Là, une commission vient nous dire: Vous

autres, les 5000, vous devez avoir un certificat attestant que vous avez satisfait aux exigences de la loi. Encore un autre certificat! Ce n'est pas possible!

II n'y a pas seulement cela. Si quelqu'un vient consulter le fichier, cela doit être enregistré, la loi le dit à l'article 77 et, au cours du mois de juin de chaque année, 5000 organismes doivent publier une liste de leurs fichiers avec les types de renseignements et catégories d'usagers. Regardez le projet de loi à l'article 79, tout se trouve là-dedans.

Il y a ensuite la commission d'accès à l'information avec trois commissaires et un président. Je prévois déjà qu'il y aura un président, un vice-président, un directeur général, un adjoint au directeur général, un directeur général régional, un adjoint au directeur général régional, un secrétaire. Je vois un appareil monstrueux. C'est le danger. Rien dans le projet de loi ne dit qu'il n'y aura pas cela.

M. le Président, je pense que mon temps achève.

Une voix: Non...

Des voix: Consentement.

M. Polak: M. le Président, un de mes coéquipiers me donne une petite note: Job pour "tablettés", mais même tous les tablettés qu'on a ne seront pas capables de satisfaire aux exigences de cette loi. Savez-vous, c'est cela mon cauchemar et c'est cela qui va devenir une réalité. Qu'est-ce que le ministre nous dit à la fin? Il est très habile ce ministre. Il nous dit devant la population: Je n'exige pas cette loi tout de suite. Tout ce que je vous demande, c'est de voter pour la loi, elle va être en vigueur le 1er août. Il n'y a pas d'article en vigueur, rien. Le seul article qui sera en vigueur est un article qui dit: II y aura une commission. Pour le reste, on va voir dans un an, et à ce moment on va établir un échéancier.

M. le Président, si on vote pour ce projet de loi, on ne peut pas revenir plus tard pour dire: Une minute! Au lieu de prendre une année, peut-être qu'il faut prendre dix ans, cinq ans, ou on ne sait quoi, parce qu'on est lié déjà. Que dit-il ensuite le ministre? Il appelle cela la belle clause. Dans cinq ans, après qu'elle aura été mise en vigueur, on va avoir vraiment la chance de dire: Regardez, est-ce qu'il faut maintenir cela en vigueur? M. le ministre, avez-vous jamais vu une commission qui dit: Moi, je pense que je ne dois pas continuer d'exister. Je pense que je dois m'abolir, parce qu'à ce moment l'appareil lourd de mon conjoint, les centaines de fonctionnaires qui me poursuivent sont prêts à m'aider pour me protéger contre d'autres ennemis du gouvernement. Elle dit: Minute, je ne veux pas perdre mon emploi.

Donc, M. le ministre, vous avez une loi, vous avez une commission, pas d'article de la loi en vigueur, rien... Je vous dis: Simplifiez votre affaire, d'abord pour dire que cela s'applique peut-être aux organismes gouvernementaux de notre gouvernement du Québec. Ne touchez pas aux municipalités, aux commissions scolaires, au secteur parapublic, et tous les autres, pas encore, là. Commencez ici, à Québec même. On va voir comment cela marche. Vous commencerez, comme on le disait, "d'un pas très lent sur la lune". N'envoyez pas des "rockets" avec quinze gars là-dedans, pas encore. Juste une année pour voir, si cela marche. On verra, mais ne commencez pas avec vos organismes parce qu'en troisième lecture, on ne votera jamais pour.

Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement et ministre des Communications.

M. Bertrand: M. le Président, en vertu de l'article 100 de notre règlement, je pourrais peut-être faire mon commentaire en posant une question au député. Si le député me le permet, j'aimerais lui poser une brève question. Je voudrais savoir si son discours avait pour conséquence de dire qu'il était favorable ou défavorable au projet.

Deuxièmement, est-ce que je comprends bien l'intervention du député à savoir que finalement il reconnaît que le ministre des Communications a fait preuve de beaucoup d'audace et veut aller beaucoup trop loin au goût du député de Sainte-Anne?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Je réponds avec plaisir même si mon avion m'attend, un avion où je paie mon propre billet, vous savez. J'ai deux réponses. Je suis évidemment pour le principe d'une telle loi, je n'ai rien contre cela, c'est bien normal, mais je ne pense pas qu'on ait besoin d'une "bebelle" comme cela; de deux cents articles avec un appareil monstrueux.

Une deuxième question. Pour les détails, on va aller en commission parlementaire. Le ministre a dit cet après-midi, j'étais ici: On veut approcher cela d'une manière non partisane. Je suis non partisan. J'ai pratiqué le droit, M. le Président, pendant 25 ans. J'ai déjà demandé des renseignements aux instances gouvernementales. Dans neuf cas sur dix j'ai eu la réponse. Vous seriez surpris. Je n'avais pas besoin de cette loi. Donc, je dis: Commencez tranquillement, on verra. On est

pour cela mais pas avec ce que vous présentez. L'économie est plus importante qu'encore un autre organisme.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le député de Trois-Rivières.

M. Denis Vaugeois

M. Vaugeois: Je regrette que l'honorable député nous quitte. Il a servi sa salade et maintenant il ne nous donnera pas l'occasion...

M. Polak: M. le Président, sur une question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Une question de privilège.

M. Polak: Je proteste contre le fait qu'on dise que mes discours, c'est de la salade. S'il vous plaît, c'est la viande, ce n'est pas juste la salade. Quand le député dit qu'il me voit partir, c'est parce que j'ai un avion à prendre, autrement je serais resté. Je vais lire la semaine prochaine ce qu'il dit ce soir...

Des voix: Cela ne vaut pas la peine.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député des Trois-Rivières.

M. Vaugeois: M. le Président, la lecture ne sera pas la même chose. La présence du député m'aurait un peu stimulé. Ses propos qui retentissent encore un peu dans cette Chambre vont suffire, je crois, à m'inspirer un petit peu. Il a été plein de contradictions et j'aurais aimé le lui dire de vive voix en l'ayant en face de moi. Comme il a maintenant quitté cette enceinte, je vais reprendre les propos que j'avais pensé livrer aux membres de cette Assemblée, et dans l'ordre, à peu près, où je les avais préparés. (20 h 40)

D'abord, contrairement à l'orateur précédent, plutôt à l'exemple des autres qui m'ont précédé ailleurs dans cette Chambre, je voudrais féliciter l'actuel ministre des Communications. Je voudrais lui souhaiter, entre autres, d'être là assez longtemps pour voir l'aboutissement et les effets de sa loi. Le député faisait allusion au fait que M. Bertrand - il l'a nommé par son nom -aurait peut-être à signer des autorisations. J'espère vraiment que le ministre actuel aura l'occasion, dans ce ministère des Communications, d'être en place pour voir les premières applications de cette loi.

Le ministre des Communications, en déposant ce projet de loi, a réalisé un vieux rêve de bien de ses prédécesseurs qui, d'ailleurs, ont été du parti qui est en face. Des ministres qui ont appartenu au Parti libéral ont rêvé de déposer ce projet de loi. Nous savons que plusieurs députés de cette formation politique continuent d'adhérer aux principes de base qui sont dans ce projet de loi.

Pour ma part, pendant le peu de temps où j'ai été ministre des Communications, j'ai contribué à faire passer ce mémoire au Conseil des ministres et à provoquer la formation de la commission Paré. C'est la première fois ce soir que j'ai l'occasion de remercier les membres de cette commission et de les féliciter pour avoir travaillé bien rapidement et avec une qualité assez étonnante. Le rapport qu'ils ont produit est presque devenu un modèle du genre. Aujourd'hui, quand on pense rapport, on se réfère souvent à ce modèle de la commission Paré.

La question qu'on peut se poser, qu'on s'est posée et à laquelle le projet de loi veut répondre, c'est: Pourquoi l'accès à l'information? Bien sûr, on répond: Le droit du public. Quant à moi, ce soir, je voudrais développer un aspect peut-être un peu particulier. Au-delà du droit du public de savoir ce qui se passe au gouvernement, ce qui se passe dans l'État le concernant, les décisions le concernant et pouvant l'affecter, il y a, je crois, pour les élus, un début de sagesse, des occasions additionnelles de prudence et également une occasion de responsabilité qui découle du fait que le public a un droit accru à l'information.

C'est dans cet esprit, je crois bien, que le premier ministre, M. Lévesque, a insisté personnellement, à plusieurs reprises, pour que ce projet de loi soit enfin entre nos mains. M. Lévesque, ce faisant, rejoignait une préoccupation de sa formation politique, une préoccupation que ce gouvernement a énoncée dès le début, celle d'une certaine transparence aussi grande que possible. À partir du moment où les citoyens ont accès à la plus grande information possible sur ce qui fonde les décisions d'un gouvernement, c'est certain que ceux qui prennent les décisions sont conscients que, ayant à rencontrer des gens qui connaissent les choix qui leur étaient possibles, ils sont davantage prudents dans le choix qu'ils arrêteront. C'est un des grands mérites d'une loi comme celle-là que de rendre les hommes politiques, je crois, plus sages et plus prudents.

Également, c'est peut-être l'occasion de rendre les gens responsables à d'autres niveaux qu'au niveau ministériel. Nous sommes dans un système parlementaire britannique où, traditionnellement, on impute au ministre toutes les responsabilités. Nous l'avons vu encore aujourd'hui à la période des questions, quant aux gestes posés par des administrations locales, par des administrations de centres d'accueil, d'hôpitaux, de CRSSS, ainsi de suite, les gestes de ces administrateurs qui ont des

pouvoirs considérables sont imputés au ministre.

Le projet de loi invite des gens qui sont au niveau municipal, dans des organismes décentralisés avec des pouvoirs réels, à imiter le gouvernement en rendant accessibles le plus d'informations possible. Le député, en face, nous a fait un beau discours pour nous dire qu'il y avait beaucoup de restrictions dans le projet de loi. L'instant d'après, il propose des restrictions. Il voudrait que la loi ne touche pas les institutions municipales, les institutions décentralisées qui sont quand même des institutions publiques où des gens ont été élus et où, à mon avis, ils ont des comptes à rendre. Un tel projet de loi, avec la portée qu'il a actuellement, une portée fort raisonnable, est susceptible, à mon avis, d'accroître la responsabilité à des niveaux où la responsabilité devrait se trouver.

Nous sommes, ces jours-ci, d'ailleurs, au Québec, en train de réfléchir grâce, entre autres, à une commission qui amène un de nos collègues, M. Bisaillon, et d'autres députés de cette Chambre - je l'appelle par son nom puisqu'on s'y réfère comme à la commission Bisaillon. Cette commission a fait ressortir une notion qui ne nous est pas très familière, celle de l'imputabilité. L'imputabilité, c'est l'occasion de rendre des comptes. Cela veut dire qu'on sait qui a fait quoi, on sait qui a proposé quoi, on sait ce sur quoi se fondait une décision. Plus d'informations nous avons à cet égard mieux les responsabilités peuvent être distribuées.

Là où je serais peut-être un peu d'accord avec le député, c'est sur la liste des restrictions qui sont dans le projet de loi. Comme tous ceux en cette Chambre qui croient à l'accès à l'information, nous voulons cette liste la plus courte possible. Mais si nous voulons être sérieux, en examinant la liste des restrictions, on se rend d'abord compte que la commission Paré, qui est une commission neutre composée de gens compétents, avait une liste au moins aussi longue, sinon même un peu plus longue, que celle qui est conservée dans le projet de loi. Donc, sur ce plan, on ne peut pas dire que le gouvernement a eu peur. Il est allé plus loin, en termes de restrictions, que ce qui lui était proposé.

Maintenant, si on regarde autour de nous, en Angleterre, par exemple, ce sont les parlementaires qui, pour l'essentiel, assurent l'accès à l'information, mais il s'agit d'un Parlement qui a évolué davantage ces dernières années que le nôtre. Le jour où le Parlement fera vraiment son travail, il est probable que la loi jouera moins, mais, en attendant, où faut-il aller chercher nos exemples? On pourrait éventuellement aller chercher du côté du gouvernement fédéral, mais j'invite le député qui m'a précédé à examiner la liste des exceptions qui se trouvent dans le projet de loi fédéral qui est devant la Chambre, je crois - peut-être que le ministre pourrait m'aider - depuis deux ans. Cela fait deux ans que les parlementaires d'Ottawa ont ce projet de loi sous les yeux. Il a été commenté par maints experts et, en général, les experts le trouvent assez décevant justement à cause d'une liste, mais vraiment, cette fois-là, interminable d'exceptions.

Nous avons une liste d'exceptions qui est considérable. Nous aurons l'occasion, en commission parlementaire, de nous arrêter sur cette liste d'exceptions et de l'examiner. Je serai parmi ceux-là. J'examinerai les exceptions une par une et, s'il y a moyen d'en enlever, je serai parmi ceux qui proposeront d'en enlever. Mais je serais étonné que le député soit d'accord pour qu'on dévoile des informations qui pourraient faciliter l'évasion d'un détenu. Quand on a ce genre de restriction, cela m'étonnerait que le député trouve cette réserve excessive.

Il y a un certain nombre de telles réserves sur lesquelles nous nous entendrons tous. Il y en a d'autres qui concernent, par exemple, ce qui a fondé des décisions politiques: délibérations du Conseil des ministres et tout ce qui a précédé, délibérations du Conseil du trésor et tout ce qui a précédé, etc. Là, on peut se poser des questions. On peut se demander, par exemple, si la prescription de 30 ans est souhaitable. Ceux qui ont lu le rapport Paré savent que, dans le rapport Paré, on proposait 20 ans. Cela m'intéresse, comme parlementaire, de connaître le point de vue des députés d'en face, en commission parlementaire. Ils nous diront s'ils souhaitent la période de 20 ans. Notre gouvernement nous propose 30 ans, mais il avait des raisons - nous le savons - qui concernaient autant les gens de l'Opposition que les gens du côté ministériel. Nous pourrions étudier cet aspect comme parlementaires. Le ministre nous dira ce qu'il en pense. Le gouvernement nous fait une proposition, mais, après tout, les législateurs, semble-t-il, c'est encore nous. Nous aurons l'occasion, à ce moment-là, de nous prononcer.

Mais je ne me fais pas trop d'illusion parce que notre histoire nous révèle que les hommes politiques, ici, sont bien prudents. Ils sont bien discrets. Ils sont bien cachottiers. Ils sont bien avares pour donner des renseignements sur eux-mêmes. J'ai eu la curiosité, avant de me rendre en cette Chambre, ce soir, de faire une communication aux Archives nationales du Québec qui, soit dit en passant, sont dans des locaux merveilleux, des locaux spacieux, des locaux qui peuvent vraiment faciliter les activités des chercheurs et assurer une conservation adéquate, convenable des documents qui leur sont confiés. J'ai demandé aux archivistes: Combien d'hommes

politiques vous ont confié une partie de leurs documents? Depuis 1791, puisque ce Parlement siège depuis 1792 grâce à l'Acte constitutionnel de 1791, alors qu'une scène des premiers débats nous est rappelée ici, il serait passé à peu près 1800 hommes politiques en cette enceinte. D'après vous -je le demande à mes collègues de droite -combien d'hommes politiques québécois ont confié aux archives, volontairement ou par le biais de leur successeur, des documents les concernant? (20 h 50)

Une voix: Une vingtaine.

M. Vaugeois: Vous êtes plus conservateur que ceux qui vous ont précédé. Je pense qu'une couple de mes collègues étaient un peu absorbés par d'autres questions. Je leur rappelle qu'il y a quand même 1800 parlementaires qui sont passés en cette Chambre. Sur les 1800, on me dit qu'il y a des documents pour à peu près une centaine d'entre eux et, sur la centaine, pour 70 qui ont été parlementaires avant 1867. Donc, depuis la Confédération, on aurait encore plus de choses à cacher parce qu'il y en aurait une trentaine à peu près qui auraient confié - et je suis de ceux-là à part ça - aux archives nationales du Québec des documents les concernant. Encore que sur la centaine... Vous aviez peut-être raison, au fond, de dire moins que 100. Je n'ose même pas rappeler le chiffre que vous m'avez suggéré parce que j'en aurais honte. Je suis un parlementaire et solidaire de ceux qui m'ont précédé. De toute façon, il semble que dans la documentation remise aux archives il y a généralement davantage de papiers de famille et fort peu de documents relatifs à l'activité politique.

Puisque notre ministre des

Communications est lui-même fils d'un premier ministre, je lui dirai que parmi les premiers ministres du Québec - il y en a à peu près 27, je crois - il y en a cinq qui ont confié des papiers aux archives. Un sixième premier ministre a des archives constituées qui peut-être un jour seront confiées aux Archives nationales. Pour les autres, les archivistes s'emploient actuellement à convaincre les descendants de confier aux Archives nationales la documentation qu'ils possèdent, mais ils ne sont pas très très chanceux dans leurs démarches.

Regardez notre projet de loi; c'est là que nous ferons vraiment le test avec les parlementaires. C'est là que mon ami qui m'a précédé me montrera s'il est sérieux, si lui-même, comme homme politique, est prêt à m'appuyer pour modifier, par exemple, la rédaction de l'article 34. La règle, c'est que ce qui se passe dans nos bureaux, ce qui concerne notre activité politique, en principe, ce n'est pas accessible. Un document du bureau d'un membre de l'Assemblée nationale du Québec n'est pas accessible, à moins que le membre ne le juge opportun. Et ça continue sur ce ton-là.

D'ailleurs, il y a beaucoup de restrictions qui sont sur ce ton. La règle, c'est que ce n'est pas accessible, ce qu'on fait comme député ou comme ministre. Apparemment, on serait un peu naïf quand on souhaite le contraire, c'est-à-dire qu'on veuille rendre ces documents accessibles. Pour ma part, j'ai été naïf le matin où j'ai eu à quitter mon ministère des Affaires culturelles, et j'ai fait la même chose au ministère des Communications. À cet égard, d'ailleurs, je n'ai pas agi autrement qu'un député qui fut ministre du côté libéral. Il y a au moins un ex-ministre que je connais qui, en quittant son bureau comme ministre, à l'élection de 1976, a laissé ses documents. Pour ma part, je peux dire publiquement ce soir que le matin où j'ai eu à quitter ce bureau, celui des Affaires culturelles parce que j'y avais été plus longtemps et j'avais évidemment beaucoup plus de documentation sur des questions qui avaient été parfois très délicates et difficiles pour moi, j'ai demandé aux gens de mon cabinet de ne pas toucher à un seul document. J'ai immédiatement communiqué avec le personnel des archives et je les ai invités à venir eux-mêmes, à partir de leur compétence et de leur discrétion, chercher ce qu'ils croyaient utile pour la conservation.

Je crois qu'il n'y a qu'une seule personne qui peut être habilitée à détruire des documents et c'est l'archiviste du Québec. Son personnel a donc réuni mes documents et aujourd'hui ils se trouvent aux Archives nationales. Le jour où je voudrai les consulter, j'irai les consulter aux archives nationales. Je sais que certains de mes collègues, entre autres, le ministre actuel des Affaires intergouvernementales, auraient posé le même geste ou seraient sur le point de le poser pour une partie de la documentation qu'ils ont conservée. Je crois que nous montrerons notre sérieux le jour où nous croirons que les gestes que nous posons comme parlementaires, comme députés ou comme ministres, qui aboutissent à des documents, premièrement, doivent être conservés et, deuxièmement, le plus tôt possible, doivent être accessibles.

Les restrictions dans le projet de loi, la plupart du temps sinon toujours sont en fait une question de délai, et c'est ce qui me paraît important. Nous sommes bien d'accord que des documents qui concernent des questions économiques, des questions de négociations dans le secteur public, que des documents d'affaires internationales puissent faire l'objet d'une prescription de quelques années, mais il ne faudrait quand même pas exagérer.

Les archives de guerre ont été rendues accessibles assez tôt après la dernière

guerre. Si on le fait pour des papiers de guerre, où les responsabilités sont partagées par ceux qui étudient ces documents, à plus forte raison pourrions-nous avoir accès assez rapidement à des documents de caractère commercial, échanges diplomatiques, ainsi de suite. Pour moi, ce qui est important, c'est un délai le plus court possible et, en attendant, l'assurance que les documents seront conservés.

Vous me permettrez, M. le Président, de dire au ministre des Communications que c'est peut-être sur ce plan que je diminuerais d'enthousiasme quant au projet de loi, encore que je sache fort bien qu'il n'est pas de sa compétence de régler cette question. Son projet de loi va aussi loin que lui le peut, et il le sait très bien. Ce soir, je l'invite publiquement à soutenir son collègue des Affaires culturelles pour que le plus tôt possible cette Chambre ait, à côté du projet de loi sur l'accès à l'information, un projet de loi sur les archives pour que ce projet de loi nous donne accès, le plus rapidement possible, au plus grand nombre de documents possible.

Notre préoccupation, comme parlementaires, est de nous assurer que les règles de conservation sont également connues et publiques. Ce que je souhaite, c'est qu'avant qu'on arrive à l'étape ultime de ce projet de loi, nous ayons entre les mains comme législateurs le projet de loi sur les archives pour que nous sachions quelles sont les conditions de conservation, à quelles conditions un document peut être détruit et dans quelles conditions il est conservé, etc. Cela me paraît fondamental pour que tout cela soit sérieux.

Autrement, avec l'esprit que je connais à certains hommes politiques, ce projet de loi peut être finalement plutôt dangereux que bénéfique. Nous l'avons vu aux États-Unis où une loi semblable existe. Aux États-Unis, les fonctionnaires ont cessé d'écrire certaines choses; il y eut des notes qui ne s'écrivaient plus, des analyses qui ne faisaient plus; les gens écrivaient des choses un peu banales, avec des données très générales et disaient: Si vous en voulez davantage, vous viendrez me parler, en espérant que les propos, eux, ne puissent pas être conservés. Soit dit en passant, aujourd'hui, on a même les moyens de conserver tout cela sur bande magnétique, sur bande d'ordinateur, etc. Les archives se sont modernisées pour tenir compte des moyens nouveaux, des nouveaux supports pour la documentation.

Quoi qu'il en soit, j'invite donc les membres de cette Chambre à considérer le projet de loi sous cet angle et à souhaiter avec moi que nous ayons l'autre instrument qui nous manque à ce moment-ci. Le ministre des Communications souhaite sans doute comme nous - je l'invite à nous donner des indications là-dessus quand il le pourra - que le plus tôt possible nous ayons cet autre outil qui nous donnerait des garanties quant à la conservation.

Je m'inquiète beaucoup de l'absence totale de certains dossiers sur des questions majeures. Je ne veux pas être indiscret, mais comme d'autres dans cette Chambre je sais que sur des questions majeures, qui se sont posées à nous ces dernières années, il n'existe pas de documents, il n'existe pas de dossiers. Dans ces cas, nous sommes coupables de ne pas avoir su, pour l'administration et pour la continuité de l'administration, conserver les choses.

J'ai toujours trouvé absolument odieux la photo qui nous montre un ministre quittant son cabinet avec, à côté de lui, un camion qui charge ses dossiers. J'ai encore à l'esprit cette image d'un ministre important, qui avait été à la tête d'un ministère névralgique pour l'administration du Québec, se faisant photographier, au moment de son départ, avec des gens qui chargeaient ses documents dans des camions, pour aller où? Et le ministre qui lui succède? On me dira qu'il y a un partage qui a été fait entre les documents de l'administration publique et les documents qui le regardaient personnellement. Quels sont les documents qui nous regardent personnellement quand on est un homme politique? Qu'est-ce qu'on a à cacher? À la limite, nous avons à protéger des tiers. Là-dessus, les délais de prescription sont à étudier encore, à mon avis. Au moins, on devrait avoir l'assurance que tout cela sera conservé et qu'un jour, sinon tout de suite, on pourra rendre des comptes.

Les mérites principaux de ce projet de loi ont déjà été dits et d'autres orateurs auront à en parler. Avant de terminer, M. le Président, je veux reprendre mes propos du début et rendre hommage au ministre d'avoir réussi cette étape que ses prédécesseurs lui envient, finalement, et je suis parmi ceux-là. Je veux lui souhaiter de mener à terme ce projet de loi, de voir fonctionner cette commission et en apprécier les résultats.

Ce n'est pas un leurre que d'avoir un délai de cinq ans, parce qu'il est possible, si nous faisons bien notre travail de parlementaires, si nous savons réformer cette institution, que cette clause de cinq ans ne soit pas futile. De toute façon, cela faisait longtemps qu'on attendait des projets de loi avec semblable clause; ce projet de loi nous l'amène. À plusieurs égards, il faut dire: Félicitations au gouvernement et au ministre. Et pour ce qui ne nous satisfait pas, pour ce qui peut être à rediscuter, entre autres, en ce qui nous concerne, comme hommes politiques, nous en ferons notre affaire en commission parlementaire. Merci, M. le Président. (21 heures)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le

député de D'Arcy McGee.

M. Herbert Marx

M. Marx: Merci, M. le Président. Je suis d'accord avec le député de Trois-Rivières sur les points fondamentaux qu'il a soulignés: premièrement, que nous sommes pour une loi sur l'accès aux documents des organismes publics et, deuxièmement, sur le point qu'il a souligné à quelques reprises durant son discours, que le projet de loi devant la Chambre est perfectible. C'est-à-dire qu'on va travailler en commission - le ministre, je suis sûr, est bien ouvert aux modifications, aux changements - pour améliorer son projet de loi, parce que nous sommes d'accord sur le principe qu'il faut avoir accès aux documents publics.

Vous savez, M. le Président, que les organismes de l'État et les ministères produisent beaucoup de rapports, beaucoup d'études, beaucoup de sondages et ainsi de suite, et souvent, les députés mêmes et le public en général n'ont pas accès à ces documents. Adopter un projet de loi tel que celui qui est présenté à la Chambre veut dire que nous sommes pour un gouvernement plus ouvert, pour un gouvernement plus démocratique. Je pense que pour gouverner d'une façon démocratique, il est essentiel que les députés et le public en général aient accès à la plus vaste information possible. Adopter un tel projet de loi, c'est peut-être changer notre façon de gouverner, c'est-à-dire que ce serait possible pour tout le monde d'avoir accès à plus d'information. Cela peut être plus difficile pour certains ministres et pour certains organismes de fonctionner comme ils aimeraient le faire.

Il ne faut pas oublier que ce projet de loi va lier aussi le prochain gouvernement, et on sait que le prochain gouvernement ne sera pas un gouvernement péquiste. Donc, l'Opposition, en travaillant sur ce projet de loi, pense aussi au moment où l'Opposition prendra le pouvoir. C'est un projet de loi qui va lier tous les gouvernements, et nous allons agir d'une façon responsable, pas seulement dans un intérêt partisan, mais dans l'intérêt de toute la société, et dans l'intérêt de l'Assemblée nationale.

Le député de Westmount a donné un certain nombre de raisons pour lesquelles il est utile d'avoir un tel projet de loi. J'aimerais m'arrêter sur deux de ces raisons. Premièrement, il a dit que le public a le droit d'être informé pour que ce soit possible de participer aux débats publics d'une façon bien renseignée. Deuxièmement, il a dit que les citoyens ont payé pour ces rapports, ces études, ces sondages et que les citoyens, parce qu'ils ont payé pour tous ces documents, ont le droit de consulter ces documents.

Il va sans dire qu'il faut avoir un certain nombre de restrictions. On ne peut pas s'attendre que tout soit ouvert au public. Je me demande si on ne va pas trop loin dans les restrictions qu'on trouve dans le projet de loi. Par exemple, l'article 32, auquel un bon nombre de députés ont déjà fait allusion, prévoit qu'un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire ou de compromettre sérieusement la réalisation d'un projet en cours. Comme les Américains diraient: One could drive a truck through this exception. On a souvent l'impression, en faisant la lecture de ce projet de loi, qu'on va avoir l'accès à tout, mais ce n'est pas vrai. Cela prendra une permission et ce sera difficile d'avoir la permission. Donc, j'aimerais dire que c'est un projet de loi perfectible. Il faut que les membres de l'Assemblée nationale travaillent à améliorer ce projet de loi.

Le ministre a dit cet après-midi qu'il y avait 5000 organismes publics au Québec. J'aimerais discuter pendant quelques minutes de mes expériences avec certains de ces organismes quand j'ai voulu avoir certains documents. Prenons pour commencer mes expériences avec les organismes qui visent à l'application de la loi 101. Vous savez, M. le Président, qu'il y a quatre organismes, sans parler de la commission de surveillance. Il y a la commission d'appel, qui a déjà entendu deux causes en appel depuis cinq ans. Je ne vais pas parler de cette commission non plus, mais j'aimerais parler des pratiques de l'Office de la langue française et du Conseil de la langue française. Savez-vous, M. le Président, que ces organismes dépensent au-delà de 1 000 000 $ - j'en suis sûr - pour faire toutes sortes de rapports, des études, des sondages et ainsi de suite? L'autre jour, quelqu'un m'a téléphoné à mon bureau de comté. Il ne m'a pas donné son nom, mais il m'a parlé de ces deux organismes. Il m'a expliqué comment, dans ces organismes, on joue à cache-cache avec les documents pour que les documents ne sortent pas.

J'aimerais vous parler surtout de mes expériences avec les rapports, les études et ainsi de suite de ces organismes qui traitent des infirmières et des infirmières auxiliaires, surtout ces femmes et ces hommes qui ont échoué aux examens de l'Office de la langue française. En 1979, l'Office de la langue française a fait faire un rapport par ses chercheurs qu'on appelle le rapport Martin Pires. On trouve dans ce rapport que les auteurs ont conclu que les tests ne sont pas appropriés pour les infirmières et les infirmières auxiliaires. C'était en 1979. Ce rapport n'a jamais été rendu public. La seule façon dont j'ai pu prendre connaissance de ce rapport, c'est à la suite d'une fuite d'un journaliste.

Prenons un autre document, un

document du Conseil de la langue française de cette année. Cela a été refilé au Devoir. Ce document touche les tests. Dans le rapport du Conseil de la langue française, on y voit que le conseil a conclu que l'évaluation des connaissances de la langue française des infirmières et des infirmières auxiliaires est injuste. Le conseil a dit aussi que les tests étaient de mauvais instruments, parce qu'ils ne mesurent pas ce qu'ils sont censés mesurer. Finalement, le conseil a dit que les tests actuels et les nouveaux tests en préparation ne répondaient pas à l'exigence de l'article 35 de la loi 101, qui prévoit une connaissance fonctionnelle de la langue française.

Qu'a fait le ministre de l'Éducation, responsable du conseil et de l'office? Il a donné une conférence de presse après la fuite de documents, il y a rendu publique une version épurée de ce document, une version épurée à son goût, comme les Américains disent: "a sanitized version" de cette étude. Entre parenthèses, M. le Président, à l'étude de ce rapport, l'éditorialiste du Devoir, Jean-Pierre Proulx a écrit deux éditoriaux pour demander au ministre de déclarer un moratoire aux tests, parce qu'il a dit que c'était un scandale. Le 31 mars 1982, l'éditorialiste a écrit dans le Devoir "La façon curieuse dont le rapport est parvenu au Devoir porte à croire que, là aussi, des intérêts étaient en jeu." Je vais revenir sur ce point, que des intérêts étaient en jeu. Hier et aujourd'hui, il y a eu une autre fuite, cette fois une fuite du Conseil de la langue française au Journal de Québec, à la Gazette et au canal 12. Apparemment, le ministre, par le biais du Conseil de la langue française ou le Conseil de la langue française lui-même, a demandé une étude sur la validité des règlements adoptés en vertu de la Charte de la langue française. J'ai moi-même, M. le Président, demandé au ministre de l'Éducation, le 7 avril, s'il a eu connaissance d'une étude semblable. Il a dit: Oui, je l'étudie à mon tour. Je lui ai demandé de déposer ce rapport. Il a dit: Je vais penser à cela. Cela n'a jamais été déposé. La seule façon dont on a pu prendre connaissance de ce rapport, c'est par la fuite que j'ai mentionnée il y a une minute. (21 h 10)

C'est une étude légale qui a été faite par le doyen, Yves Ouellette, de la faculté de droit de l'Université de Montréal. Le doyen Ouellette est un expert en droit administratif et j'imagine que c'est pourquoi on a demandé à Me Ouellette de faire cette étude. Il faut se demander, premièrement, pourquoi le gouvernement a demandé au doyen Ouellette de faire une étude sur la validité des règlements adoptés en vertu de la loi 101. Peut-être que le gouvernement a des doutes sur la validité de ces règlements, mais peu importe.

Le doyen Ouellette a écrit dans son rapport que beaucoup de règlements de l'office sont d'une légalité douteuse et il a dit, en ce qui concerne d'autres règlements, que les règlements sont carrément illégaux. Je vais vous donner un exemple. Il a écrit que le règlement sur les fameux tests est illégal, donc que les tests eux-mêmes sont illégaux. Pour résumer tout ce qu'il a dit dans une phrase, il a dit que l'Office de la langue française ne respecte pas la loi 101. Cela est fort! L'office ne respecte pas la loi 101. J'aimerais vous lire sa conclusion, M. le Président, et je cite: "D'un point de vue strictement technique, la loi 101 ne saurait être considérée comme un modèle de rigueur et de bonne rédaction. On a donc tenté d'en corriger les déficiences et les lacunes par voie réglementaire et c'est là que se situe le fond du problème. Pour cette raison, une révision des textes réglementaires devrait nécessairement s'accompagner d'une révision de la loi 101 elle-même, car on serait en droit de s'attendre que des textes aussi importants soient techniquement impeccables."

Vous savez pourquoi la loi 101 n'est pas impeccable? C'est simple, c'est parce que cela a été rédigé par des psychologues, des sociologues, des psychiatres et ainsi de suite. On ne peut pas demander aux psychiatres, aux sociologues et aux psychologues de rédiger des lois. Pour rédiger des lois, il faut engager des juristes. On a beaucoup de bons juristes au Québec mais, malheureusement, pour cette loi on a engagé d'autres spécialistes parce que c'était voulu à l'époque.

Pourquoi le ministre de l'Éducation n'a-t-il pas rendu publics ses rapports? Cela a été demandé à maintes reprises. Pourquoi a-t-il caché ses rapports? C'est très simple, c'est parce qu'il a voulu et il veut encore protéger ses fonctionnaires qui ont mal fait leur travail. Ce que le ministre fait, c'est mettre ses intérêts politiques avant la justice, au lieu de mettre la justice avant ses intérêts politiques. Il met ses intérêts politiques avant l'accès à l'information gouvernementale, au lieu de mettre l'accès à l'information gouvernementale au-delà de ses intérêts politiques. De mon expérience, je trouve que ce gouvernement et peut-être des gouvernements précédents ont caché des documents, des rapports, des études et des sondages pour protéger des fonctionnaires et ainsi se protéger eux-mêmes.

J'aimerais vous donner une autre petite expérience que j'ai vécue durant des semaines assez récentes. J'ai rendu public un rapport, il y a quelques jours, qui est intitulé: Les lenteurs de la justice, une injustice. Vous savez, M. le Président, j'ai demandé au ministre de la Justice à maintes reprises, en commission parlementaire, au salon bleu, en conversation privée, de me

rendre accessibles un certain nombre de documents pour qu'il soit possible pour moi de vraiment faire une étude de fond, une étude qui se tienne. Il a toujours refusé de me fournir des documents qui sont pourtant -comment dirais-je - assez ordinaires. Par exemple, chaque palais de justice au Québec a remis un rapport au ministre sur l'efficacité de ses travaux. Je ne pense pas qu'il y ait des secrets dans ces rapports. Ce sont seulement des statistiques: combien de minutes on a utilisées les salles d'audience par jour, combien de juges il y a dans un district, s'il manque de juges dans un district, s'il y en a trop dans un autre, et ainsi de suite. C'était seulement de l'information normale. Il m'a refusé tout cela. Il n'a pas voulu me rendre quoi que ce soit accessible. Mais s'il y a un étudiant qui va travailler au ministère pendant quelques mois pour faire une étude de maîtrise ou de doctorat, peut-être que cet étudiant aura plus de possibilité d'avoir accès à ces documents qu'un député qui essaie de faire son travail et les études qui s'imposent.

Je peux vous citer d'autres exemples de mon expérience avec le ministre de la Justice. Quand j'ai fait la tournée des prisons au Québec et publié mon rapport sur les prisons, j'ai demandé au ministre d'avoir accès à un certain nombre de documents. Mais non, il m'a dit: Non, c'est impossible; on ne le fait pas, et ainsi de suite. Il y a bien sûr les rapports annuels des ministères. Mais avez-vous jamais lu de tels rapports? Il n'y a rien là-dedans. On ne peut pas trouver d'information pertinente pour faire une étude sérieuse, par exemple, sur une direction d'un ministère.

En terminant, je trouve qu'un député qui veut faire son travail d'une façon sérieuse a besoin de l'accès à plus de documents que ce qu'on a aujourd'hui. Il faut que le gouvernement s'ouvre un peu, que le gouvernement devienne un peu plus transparent. On ne veut pas voir tous les grands secrets d'État, on veut seulement voir les documents assez ordinaires pour qu'on puisse faire des analyses, des études, pour qu'on puisse poser des questions aux ministres, pour pouvoir aider les ministres lors d'études en commission d'un projet de loi, et ainsi de suite.

Il me semble que le projet de loi devant nous peut être de beaucoup amélioré, parce que si le projet de loi reste tel quel, les ministres vont me dire: Non, vous ne pouvez pas avoir accès aux documents de l'Office de la langue française, aux documents du Conseil de la langue française, aux documents du ministère de la Justice, et ainsi de suite. Ce sera la même chose. Mon travail ne sera pas plus simple si on adopte ce projet de loi. Je suis d'accord avec les députés qui m'ont précédé pour qu'on améliore ce projet de loi et pour qu'on garde une certaine ouverture pour que les gouvernements, non seulement celui-ci, mais les gouvernements à venir, soient plus transparents.

En terminant, j'espère que le ministre va travailler en commission parlementaire avec un esprit ouvert comme toujours et qu'il acceptera des améliorations à ce projet de loi pour le rendre plus efficace et plus utile pour nous tous. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: M. le Président, je me lève à ce moment-ci pour soulever une question de privilège à la suite d'une information que je viens de recevoir. (21 h 20)

On se rappellera que mardi dernier, à juste titre, je pense, le leader du gouvernement, par une déclaration qu'il a faite au début de nos travaux a formulé le voeu que le parlementarisme, notre Assemblée nationale, que l'ensemble des députés des deux côtés de la Chambre, membres du gouvernement ou de l'Opposition, qu'on soit plus sensibles à cette obligation qu'on a, comme parlementaires, d'être respectueux de la Chambre et des parlementaires.

On sait que la tradition parlementaire veut - et cela, le député de Trois-Rivières qui est près du leader du gouvernement pourra certainement en convenir - que les députés soient associés non seulement à la fonction législative du Parlement, mais que ces députés, comme représentants de la population, puissent bénéficier de tous les éléments, de toutes les procédures et de toutes les dispositions du règlement, en somme, pour pouvoir interroger le gouvernement sur les gestes qu'il pose.

Or, vous n'êtes pas sans savoir que depuis le sommet économique qui s'est tenu à Québec, le gouvernement, par la voix de ses ministres, et plus particulièrement par la voix du premier ministre, a fait référence, à quelques occasions, à toute cette question des négociations dans le secteur public et parapublic. Le premier ministre du Québec, M. Lévesque, cet après-midi, dans une réponse qu'il donnait à une question que je lui posais, mettant en relief le rôle important des parlementaires, me disait: Je ne peux répondre à la question du député parce qu'il reste différentes étapes de consultation, notamment celles m'obligeant, comme chef de gouvernement, comme chef d'un parti politique, à consulter les membres de mon caucus. Cela, je présume, témoigne chez lui de l'importance qu'il donne au rôle des parlementaires.

J'ai posé des questions au premier ministre cet après-midi. J'ai réitéré les questions qu'on a posées depuis le début de

la semaine qui visaient essentiellement à demander au gouvernement, une fois que la réponse négative des syndicats sur la réouverture des conventions eut été donnée, ce que le gouvernement allait faire à partir des trois ou quatre choix qui se dégagent de ce débat depuis déjà quelques semaines. Je pense que c'est le rôle et la responsabilité des députés, de quel côté qu'on soit de cette Chambre, non seulement de se tenir aux aguets de la politique que décidera le gouvernement, de l'avenue que prendra le gouvernement pour régler le problème qu'il rencontre, mais c'est aussi le rôle des députés de poser des questions et d'être les premiers informés sur la position adoptée par le gouvernement du Québec sur le sujet, pour qu'on puisse véhiculer finalement les opinions dans chacun de nos comtés.

Or, le premier ministre du Québec, M. Lévesque, cet après-midi, de son siège, me dit que le Conseil des ministres s'est réuni et que, même s'il a étudié cette question-là hier, il n'a pas de position définitive; que le gouvernement, le Conseil des ministres est encore à étudier différentes possibilités; que le gouvernement, avant de rendre publique quelque décision que ce soit, devra retourner au Conseil des ministres consulter son caucus et vérifier d'autres informations avant de rendre publique la position du gouvernement. Cela se passait vers 16 heures cet après-midi. J'aurais pu me prévaloir de l'article 174 de notre règlement qui prévoyait, cet après-midi avant 18 heures, la possibilité de soulever un mini-débat pour que le premier ministre vienne ce soir, à 22 heures, répondre à des questions additionnelles que j'aurais pu lui poser.

Or, le premier ministre et son équipe ont attendu à 18 h 08, huit minutes après la tombée de l'application de l'article 174, et à quelques heures de l'ajournement de nos travaux jusqu'à mardi prochain... M. le Président, je vous demanderais de faire respecter l'article 100. Que le jeune député, là-bas, écoute, c'est assez important pour les contribuables du Québec. Si cela ne vous...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Pagé: Si cela ne vous intéresse pas, vous pouvez allègrement vous en aller chez vous.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Bertrand: M. le Président, question de règlement. Je pense qu'on a été quand même assez large pour laisser le député de Portneuf pendant quelques minutes, même quelques bonnes minutes, introduire, par une forme de préambule, ce qu'on ne sait pas exactement. Je pense que c'est très important parce que le député de Portneuf va probablement ajouter un certain nombre de choses en préambule, et ensuite en venir à la raison pour laquelle il se lève. Paraît-il que c'est une question de privilège.

Alors, peut-être serait-il important que, dans un premier temps, vous puissiez vraiment savoir s'il s'agit là d'une question de privilège. Vous allez me répondre: II faut d'abord que j'entende le député, et que le député me fasse savoir un certain nombre de choses pour que je puisse statuer. Vous savez ce qui arrive, M. le Président, vous nous l'avez dit vous-même, c'est que le discours a été fait, les remarques ont été faites, et puis, une fois que les remarques ont été faites, vous vous levez et vous dites: II ne s'agissait pas d'une question de privilège. Comme on est en plein débat, comme on n'est pas à la période des affaires courantes, comme on n'est pas à la période de l'article 34, comme on n'en est pas à la période des questions, M. le Président, tout ce que je vous demande, c'est beaucoup de vigilance et de prudence - je sais qu'on n'a pas besoin de vous le demander, vous êtes toujours vigilant et prudent, - parce que le député s'avance sur un terrain extrêmement glissant en faisant un discours de cette nature et en interrompant ainsi nos débats, je me demande sur quelle base exactement de notre règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Sur la question de règlement. Allez, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, sur la question de règlement, je vous ramène à l'article 49.2 strictement et uniquement, en vertu duquel j'ai le droit, dès que des faits sont portés à ma connaissance, de soulever une question de privilège. J'arrivais à l'essentiel de la question de privilège et j'entends bien continuer.

Le Vice-Président (M. Jolivet):

Justement, j'ai souvent rappelé à cette Assemblée qu'il y a des questions de privilège parfois qui n'en sont pas. Il y en a d'autres qui sont peut-être longues à introduire. Je l'ai fait cet après-midi pour un député qui, pour la première occasion, avait à présenter une motion non annoncée, je lui ai rappelé, à la fin de son intervention, qu'il aurait mieux valu qu'il lise d'abord la motion et qu'il se serve des attendus dans son argumentation.

Il est évident que, dans une question de privilège comme celle qui est soulevée, compte tenu de ce que peut sous-tendre la question de privilège, j'ai été, comme le disait le leader du gouvernement, un peu large, il est vrai, mais, pour bien comprendre la teneur de la question de privilège, j'avais quand même besoin de savoir pourquoi elle a

été introduite. Je demanderais tout de même au député, puisque j'en ai pas mal entendu sur ce que devait être l'ensemble de ces éléments qui amenaient la question de privilège, d'arriver le plus rapidement possible à la question de privilège.

M. Pagé: M. le Président, essentiellement, c'est que le premier ministre M. Lévesque a démontré clairement qu'il avait manqué de respect envers le Parlement pour les motifs suivants...

M. Bertrand: M. le Président...

M. Pagé: ... cet après-midi. J'en viens à ma question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. le député de Portneuf, je n'ai pas besoin de vous rappeler les éléments du règlement, les parties du règlement qui, quand même, doivent éviter de porter atteinte à quelque personne que ce soit. Je vous demanderais d'en arriver à la question de privilège pour que je puisse enfin statuer.

M. Pagé: Très brièvement, le premier ministre m'indique cet après-midi qu'il ne peut répondre à ma question, parce que la décision n'est pas prise. Or, le premier ministre confirme à 18 h 08 la convocation d'une conférence de presse. J'ai ici la copie du document: Gouvernement du Québec, cabinet du premier ministre, convocation à une conférence de presse, sujet: négociations.

C'est ce dont on a parlé cet après-midi. Le premier ministre M. René Lévesque donnera une conférence de presse, demain, le vendredi 14 mai 1982, à 11 h 30, à la salle 122 de l'édifice Pamphile-Lemay, conférence convoquée par les soins de Mme Catherine Rudel-Tessier, 643-5321. C'est donc dire - et c'est ce contre quoi je m'élève et ai le droit de m'élever - que le premier ministre du Québec a déclaré cet après-midi que la position gouvernementale n'était pas connue, premièrement; et, deuxièmement, à 18 h 08, quelques heures après, on convoque la conférence de presse pour annoncer la position gouvernementale, alors que la Chambre ne siège pas et alors que le premier ministre sera absent toute la semaine prochaine, évitant ainsi de répondre aux questions de l'Opposition...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, il est très important, à la suite - quant à moi - de cette fausse question de privilège qui vient d'être soulevée par le député de Portneuf, de replacer les choses dans leur juste contexte. Cet après-midi, effectivement, le député de

Portneuf a posé au premier ministre la question suivante: "M. le Président, est-ce que le chef du gouvernement peut nous confirmer qu'il exclut cette possibilité de briser la signature du gouvernement et de rouvrir par une loi les conventions collectives, d'une part? Deuxièmement, est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer s'il fait bon accueil à la proposition des syndicats qui se sont montrés disposés à commencer les négociations au début du mois de juin?" Le premier ministre répond: "M. le Président, je dois dire à regret au député ce que j'ai déjà dit au chef de l'Opposition. Je n'avais pas dit que je donnerais des nouvelles précises aujourd'hui." Je pense que le premier ministre, à ce point de vue, a, comme l'ensemble des ministres et des parlementaires à l'Assemblée nationale, le droit de se prévaloir des travaux de l'Assemblée nationale pour répondre à une question qui est posée par l'Opposition. J'ajoute ce qui est dit... (21 h 30)

M. Lalonde: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): On ne commencera pas un débat de procédure. S'il vous plaît! J'ai laissé le député de Portneuf expliquer assez largement la raison pour laquelle il pensait avoir une question de privilège. Le leader du gouvernement, sur une question de règlement, demande de rectifier des faits.

Comme la personne qui a été mise en cause dans le débat n'est pas présente et comme le leader du gouvernement a quand même le droit de rectifier, dans les plus brefs délais, s'il le désire, au nom de la personne, je lui laisse...

Je disais que j'avais donné la parole au leader du gouvernement. Vous demandez d'intervenir sur la question de règlement. M. le député de Marguerite-Bourgeoys et leader adjoint de l'Opposition, vous savez très bien que je dois d'abord écouter la question de règlement et ensuite voir...

À votre niveau, je sais que c'est sur cette question, mais, normalement, la question étant, j'aimerais quand même entendre cette question de règlement avant de pouvoir vous accorder la parole.

M. Lalonde: Je vais alors vous demander un directive, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Allez-y.

M. Lalonde: Vous savez que, d'après notre règlement, une question de privilège ne peut pas engendrer de débat. J'ai entendu le leader du gouvernement, dans une tentative de rectifier les faits, citer le journal des Débats. Je ne l'ai pas interrompu. Après cela, il s'est lancé dans une argumentation,

une défense. À ce moment-là, M. le Président, je pense que le règlement ne lui permet pas de se lancer dans un débat sur la question de privilège du député de Portneuf.

Une voix: C'est cela, très bien.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint, vous avez raison quand vous dites qu'une question de privilège ne doit pas engendrer de débat, mais je sais aussi qu'en vertu du règlement, quand une personne n'est pas ici présente pour rectifier des faits sur ce qu'elle a dit au courant de la journée, une personne qui est du même parti politique et, en particulier, le leader du gouvernement, peut au moins prendre la première occasion qui lui est offerte pour faire cette correction.

À l'Assemblée nationale, c'est arrivé à quelques occasions qu'une chose semblable se soit produite. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, comme leader parlementaire du gouvernement, surtout au moment où le député de Portneuf pose une question et fait un certain nombre de remarques qui s'adressent directement au premier ministre, en l'absence du premier ministre à l'Assemblée nationale, je pense que je dois assumer mes responsabilités de leader parlementaire du gouvernement et indiquer, au nom du gouvernement, dans le fond, pourquoi il me faut à ce moment-ci invoquer le privilège du premier ministre et répondre à la question qui a été posée par le député de Portneuf.

J'y répondais et je cite à nouveau textuellement ce que disait le premier ministre cet après-midi à une question posée par le député de Portneuf que j'ai cité aussi, je pense, au texte. Le premier ministre disait: "M. le Président, je dois dire, à regret, au député ce que j'ai déjà dit au chef de l'Opposition." C'était mardi. "Je n'avais pas dit que je donnerais des nouvelles précises aujourd'hui." Le premier ministre avait bien le droit de dire cela. "J'ai dit que, pendant cette semaine, y compris la réunion du Conseil des ministres hier -effectivement, nous en avons parlé - jusque très tard - effectivement, cela s'est terminé plutôt tard - on examinerait et que, possiblement, on prendrait des décisions. Je dois également souligner qu'ayant la responsabilité de ce côté-ci, ce qui n'exclut d'aucune façon la responsabilité comme critique et aussi comme collaborateur, à l'occasion, de l'Opposition, des décisions, c'est entre nous, d'abord, au Conseil des ministres et au caucus des députés et des ministériels, que ces choses doivent être mises en place le mieux possible."

Or, qu'est-il survenu, M. le Président? Effectivement, le Conseil des ministres s'est réuni hier. Nous avons, bien sûr - le premier ministre n'en a pas fait cachette, puisque cela va de soi par les temps qui courent -discuté de cette question des négociations et nous avions ce soir une rencontre des députés ministériels, un caucus des députés ministériels qui a duré de 18 heures à 20 heures où, effectivement - on ne le cachera pas non plus, c'est l'accès à l'information -il a été question de ce dossier des négociations, du dossier de la politique salariale, du budget, en d'autres mots, de sujets qui, à cette époque, sont tout à fait à l'ordre du jour, et au Conseil des ministres et au caucus des députés. Le premier ministre ayant donc consulté et travaillé avec ces deux instances qui sont le Conseil des ministres et le caucus des députés, à partir de maintenant si le premier ministre décide qu'il veut rencontrer la presse pour dire un certain nombre de choses relativement à ce dossier, il n'y a rien là. C'est la responsabilité normale de tout élu de décider à un moment donné qu'il veut rencontrer la presse pour donner des informations relativement à des dossiers qui sont de sa compétence. Je ne pense pas que cela brime les droits des parlementaires. Je ne pense pas que cela va empêcher le député de Portneuf mardi prochain de se lever à l'Assemblée nationale et de poser des questions au ministre des Finances, au président du Conseil du trésor, au ministre de l'Éducation, au ministre des Affaires sociales, au vice-premier ministre ou à quelque ministre que ce soit. En d'autres mots, le député de Portneuf se comporte comme si, en dehors de l'Assemblée nationale, il n'y avait rien qui se faisait et que le premier ministre n'avait pas le droit en dehors de l'Assemblée nationale de rencontrer son caucus, de rencontrer des journalistes, de rencontrer des groupes dans la population et de leur faire part d'un certain nombre d'opinions qui sont celles du Conseil des ministres et qui sont celles du caucus des députés.

M. le Président, je pense qu'il s'agissait simplement de replacer les choses dans leur juste contexte. Je crois que le Parlement à ce point de vue est tout à fait respecté puisque, effectivement, lors de la reprise de nos travaux, mardi, je pense que les députés pourront poser des questions sur un ensemble de déclarations qui auront pu être faites d'ici ce temps par quelque membre du Conseil des ministres que ce soit.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, c'est une question de privilège que je soulève dans la même ligne de pensée que celle soulevée par le député de Portneuf. J'ai laissé le leader du gouvernement terminer son intervention après avoir soulevé la question de règlement

que vous savez.

Il a confirmé que le premier ministre, après la réunion du Conseil des ministres hier soir, après la réunion de son caucus entre 18 heures et 20 heures ce soir, en est venu à des conclusions quant à la politique sur les négociations relativement aux conventions collectives.

Il est assez symptomatique de savoir...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Une question de règlement, le ministre des Transports.

M. Clair: Visiblement il n'y a aucune question de privilège dans les propos que tient le député de Marguerite-Bourgeoys. C'est la première fois qu'on voit un député commencer à soulever une question de privilège sur un communiqué pour convoquer la presse à une conférence de presse. Je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys et le député de Portneuf essaient simplement de distraire l'attention de l'Assemblée nationale par des...

M. Pagé: Une question de privilège, aussi. Très brièvement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Le ministre des Transports m'impute des motifs. Ce que j'ai voulu dénoncer, c'est le fait que le gouvernement et le premier ministre auraient dû informer la Chambre en premier, plutôt que de se sauver comme il le fait, une semaine en vacances et pas de période de...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys et leader adjoint de l'Opposition sur votre question de privilège.

M. Lalonde: M. le Président, l'article 49, deuxième paragraphe, permet à un député de soulever une question de privilège immédiatement après que les événements se soient produits. C'est ce que le député de Portneuf a fait. Là je soulève ma question de privilège à la suite des affirmations du leader du gouvernement, à savoir que la politique du gouvernement en ce qui concerne les négociations a été déterminée au caucus du Parti québécois. Nous nous sommes réunis ici ce soir, il est 21 h 40, jeudi, nous nous sommes réunis à 20 heures. Il était tout à fait loisible au premier ministre de demander un consentement que nous lui aurions donné pour annoncer à l'Assemblée nationale d'abord...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, je vais vous interrompre. J'ai une demande de directive de la part du député de Terrebonne.

M. Blais: Comme directive, j'aimerais savoir si d'un côté ou de l'autre de la Chambre, deux personnes ont le droit consécutivement de soulever au nom de leur formation, la même question de privilège, si elle existe. (21 h 40)

M. Lalonde: M. le Président, ce n'est pas la même question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, je dois vous dire, malheureusement, que ce dans quoi on a été entraîné par les circonstances, c'est une forme de débat à partir d'une question de privilège. Cependant, je dois vous dire que si j'ai accepté, de part et d'autre, une première intervention, je savais dans quel bateau je m'embarquais, mais je pensais qu'il était normal qu'en l'absence d'une personne le leader du gouvernement puisse rectifier certains faits. D'un autre côté, à la suite de cette rectification, sachant que je fais preuve de largesse au moment où je vous parle, le leader adjoint de l'Opposition a soulevé une question de privilège sur la question de règlement du leader du gouvernement.

M. Lalonde: M. le Président, c'est justement sur les révélations du leader du gouvernement que je soulève ma question de privilège, qui est différente de celle du député de Portneuf. La politique du gouvernement a été arrêtée ce soir à 20 heures, d'après ce que le leader du gouvernement nous a dit. Il est raisonnable de penser que le chef du gouvernement peut annoncer ce soir sa politique en ce qui concerne les négociations. Nous sommes ici depuis presque deux heures, à l'Assemblée nationale, et il aurait été loisible au premier ministre de nous demander un consentement - il sait bien que nous le lui aurions donné -pour nous annoncer sa politique, ici à l'Assemblée nationale. C'est une injure au privilège des députés de la part du premier ministre, alors que son voisin présente un projet de loi sur l'information.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Sur le projet de loi no 65, M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. Je pense qu'il y a des députés ministériels qui sont un peu excités par les révélations que vient de faire le député de Portneuf. J'espère que ça ne les empêchera pas...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député, je reconnais que vous manquez d'expérience en

cette Assemblée, mais le sujet sur lequel nous sommes maintenant en délibération, M. le député de Louis-Hébert, c'est la loi 65.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): II n'y a pas de question de règlement, je n'en ai pas soulevé, j'ai simplement demandé au député de Louis-Hébert de s'en tenir au projet de loi no 65.

M. Lalonde: Je soulève une question de règlement, c'est pour ça que je disais "sur la question de règlement". On sait que le projet de loi no 65 est un projet de loi qui veut que la population obtienne le plus d'informations possible. Comme le député de D'Arcy McGee, qui n'a pas été interrompu du tout, ni par la présidence, a fait une intervention il y a quelques minutes à savoir quelles sont les frustrations...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, je ne voudrais pas que cette fin de soirée devienne plus gâtée qu'elle ne l'est. J'ai tout simplement demandé au député de Louis-Hébert de s'en tenir au projet de loi no 65.

M. Doyon: Merci, M. le Président, je tiendrai compte de votre directive. Mes paroles n'étaient pas dans le but de mettre en doute quoi que ce soit, elles n'étaient pas non plus exactement un manque d'expérience, je pensais que certaines explications pouvaient être données au début d'une intervention et que c'était normal de le faire en certaines circonstances. À partir de là, je vais vous indiquer un peu ce que l'Opposition, en tout cas le député de Louis-Hébert récemment élu, peut avoir à dire sur le projet de loi que nous présente le ministre des Communications.

On en fait grand cas. On se gargarise très fort et on s'imagine qu'avec ce projet de loi, on a découvert l'Amérique une deuxième fois. Je regrette beaucoup, mais ce n'est pas le cas. On est en train de défoncer des portes ouvertes. On est en train de donner des coups de pied et j'ai peur que le ministre s'enfarge et se retrouve en pleine figure très rapidement. C'est un peu dans ce sens-là que je voudrais donner certains avertissements.

Il y a certaines choses qui se sont déjà faites avant le gouvernement du Parti québécois et il y a certaines choses qui, heureusement - c'est là que le travail nous attend - devront surtout se faire après le passage du Parti québécois.

Quand on parle de documents publics, quand on parle d'information, on parle, en fait, de pouvoir, parce que qui détient l'information détient le pouvoir. Posons-nous la question. Comment le gouvernement agit-il en ce qui concerne l'information vis-à-vis de certains organismes? Demandons-nous où se situe le pouvoir et comment le gouvernement agit en ce qui concerne l'information que détiennent ces organismes ou ces parties de l'appareil gouvernemental qui détiennent le pouvoir. Regardons quelles sont les exceptions dont peut se prévaloir le Conseil des ministres en ce qui concerne l'information.

On s'aperçoit qu'à toutes fins utiles, le Conseil des ministres est exclu de l'obligation de fournir aux citoyens l'information dont ils peuvent avoir besoin pour savoir comment ils sont gouvernés, de quelle façon et en vertu de quels principes et selon quels critères. Le Conseil des ministres n'a pas besoin de nous dire cela. Le Conseil des ministres est au-dessus de cela. Pourquoi? Rappelons-nous toujours le principe que l'information, c'est le pouvoir. Or, le pouvoir, en grande partie, dans le système qui nous gouverne, c'est au Conseil des ministres qu'il se situe.

Une autre partie du pouvoir est détenue par le Conseil du trésor. Si on regarde les articles d'exclusion, les articles d'exemption, on s'aperçoit que, là encore, le Conseil du trésor est exempt, à toutes fins utiles, de l'obligation qui est faite à n'importe qui qui, curieusement, détient moins de pouvoirs que le Conseil du trésor. Des gens qui détiennent moins de pouvoirs ont plus d'obligation à donner des informations, alors que, dans le projet de loi qui nous est présenté, si on lit entre les lignes, plus on détient de pouvoirs, moins on a d'obligation de donner aux citoyens l'information. N'est-ce pas là une drôle de situation, M. le Président? N'est-ce pas là le signe d'un gouvernement qui tente de gouverner avec le secret? N'est-ce pas là le signe d'un gouvernement qui n'est pas capable de justifier ses actes, de dire pourquoi il pose tel geste, pourquoi il décide de faire telle chose plutôt que telle autre? N'est-il pas un peu surprenant de voir que plus on monte dans l'échelle du pouvoir moins on a d'obligations d'informer le citoyen, moins on est obligé de répondre à ses questions? Si on remonte plus loin, on s'aperçoit qu'ici même à l'Assemblée nationale où est finalement le bout de la pyramide du pouvoir pour la province de Québec, c'est peut-être là - que ma courte expérience de parlementaire m'a permis de m'en rendre compte - c'est encore là, dis-je, qu'on donne le moins d'informations. J'en veux pour exemple Pechiney. J'en veux pour exemple la réponse du leader du gouvernement, alors qu'il a dit textuellement: "L'Opposition pose les questions qu'elle veut et le ministre donne les réponses qu'il veut." Est-ce que c'est ça, l'information que nous promet le projet de loi qui nous vient justement du ministre des Communications?

C'est drôlement inquiétant.

Si c'est le genre de projet de loi sur lequel on a cogité, qui nous arrive comme ça avec beaucoup de bonnes intentions, et qu'on doit mettre ça en parallèle avec les paroles qui ont été prononcées cette semaine en cette Chambre, alors qu'on nous a dit: "Posez les questions que vous voulez, vous autres, on vous donnera quand même les réponses que nous voulons bien vous donner", cela est inquiétant et je pense qu'on fait fausse route. On doit donner l'exemple. On doit ajuster ses gestes avec ses paroles. Le reste, ça s'appelle de l'hypocrisie. C'est vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes et les gens voient plus clair que ça.

J'agite le drapeau rouge pour le bien du ministre des Communications, dans l'espoir qu'il rajustera son tir, qu'il fera des efforts qui pourront nous amener à le croire quand il nous expliquera certaines choses ou quand il fera état des beaux principes qui sous-tendent le projet de loi qu'il nous présente aujourd'hui et avec lequel, fondamentalement, l'Opposition doit se dire d'accord, bien sûr.

Est-ce qu'on ne doit pas s'inquiéter du fait que le pouvoir est considérable, moins on a d'obligation de donner de l'information? Est-ce qu'on ne doit pas s'inquiéter de ça? Je vous pose la question. Est-ce qu'on ne doit pas s'inquiéter de paroles qui sont consignées dans le journal des Débats quand elles rapportent que l'information qu'on vous donne, c'est l'information qu'on veut bien vous donner? Cela m'inquiète drôlement. (21 h 50)

Je pense, M. le Président, que nous, de l'Opposition, avons le devoir d'avertir que nous ne croyons pas sur parole toutes les choses qui nous sont dites, que nous ne prenons pas pour du "cash" tout ce qui nous vient de l'autre côté de la Chambre. Nous en avons vu d'autres et nous sommes assez vieux et assez éveillés pour essayer d'attacher le grelot quelque part.

Nous aurions préféré parler d'autre chose que d'un problème qui est réel, mais qui est moins urgent que celui de la personne qui est en chômage. Il est utile que la personne qui est en chômage ou qui reçoit l'aide sociale puisse possiblement savoir ce qu'il y a dans son dossier, puisse possiblement savoir pourquoi on ne lui donne pas telle subvention ou telle allocation. Mais je pense qu'il est encore plus important qu'il y ait le moins de personnes possible en chômage, le moins de personnes possible à l'aide sociale. Alors, ces personnes auront peut-être moins besoin d'information pour savoir pourquoi on leur donne ceci et pourquoi on ne leur donne pas cela.

Je pense que c'est important. Nous aurions préféré parler de cela ici, en Chambre mais on nous amène des projets de loi qui sont devenus nécessaires parce qu'il y a de plus en plus de gens qui se posent des questions et se disent: Pourquoi n'ai-je pas droit à ceci? Pourquoi est-ce que je n'aurais pas droit à cela? Tous les gens maintenant, de plus en plus, en sont venus à dépendre, par l'inaction du gouvernement, de la bonne volonté de fonctionnaires gouvernementaux qui agissent selon des directives du gouvernement et qui sont obligés de prendre des décisions quotidiennes à savoir si quelqu'un a le droit d'avoir tel ou tel montant, d'avoir tel ou tel soin.

Cela est inquiétant. On aurait pu parler de la cause du problème, on préfère ici en cette Chambre, parce que le gouvernement est maître des travaux, nous présenter des solutions qui font qu'aux gens qui vivent de l'assistance sociale - c'est à peu près le discours qu'on peut nous tenir - au moins on dira pourquoi on ne leur donne pas tel avantage ou pourquoi on le leur donne, si ces gens le demandent.

Tout le monde devrait reconnaître que c'est inquiétant quand on est obligé d'avoir recours à un projet de loi pour satisfaire les gens, alors que ceux-ci sont suffisamment nombreux pour sensibiliser un gouvernement qui n'est pas reconnu comme étant particulièrement sensible aux préoccupations de la population. Si le gouvernement est obligé d'agir au moyen d'un projet de loi là-dessus, je me dis que c'est parce que la situation est rendue à un tel point qu'il se sent obligé de donner l'impression de faire quelque chose. Au lieu d'agir, c'est très clair que le gouvernement s'active, mais ne nous méprenons pas, les résultats ne sont pas les mêmes du tout.

Si on veut que la population puisse profiter des bienfaits potentiels, éventuels, mais non assurés du projet de loi, il faut tout d'abord qu'il y ait une volonté de la part des dirigeants politiques de donner cette information à la population. Il faut que nous-mêmes, ici, dans cette Chambre, puissions donner l'exemple et surtout avoir l'exemple du gouvernement sur un certain nombre de points.

M. le Président, vous faisiez allusion tout à l'heure, à juste titre, à mon inexpérience comme parlementaire. Je reconnais la justesse de vos propos. Cette inexpérience du parlementarisme a quand même certains avantages, dont celui de continuer à se poser certaines questions parce qu'on n'a pas toutes les réponses; c'est le fruit de l'expérience qui permettra d'acquérir ces réponses peu à peu. La question que je me suis posée, à titre de parlementaire inexpérimenté, a été lors de mon passage à une commission parlementaire dernièrement où j'ai vu l'aréopage de fonctionnaires qui appuyaient la ministre dans la défense de ses crédits à la fonction publique, plus particulièrement. J'ai été très

impressionné car elle avait amené tout son monde. C'était très bien.

Je me suis tourné et j'ai regardé derrière moi pour voir qui allait me soutenir comme parlementaire mandaté par la population pour poser des questions. Je n'avais personne parce que je n'avais pas de ministère derrière moi, je n'avais pas de sous-ministre en titre, je n'avais pas de sous-ministre adjoint, je n'avais pas de directeur général, je n'avais pas de directeur des communications, je n'avais pas de président de la fonction publique, je n'avais personne de ces gens-là, et je tentais quand même de faire mon boulot. Est-ce qu'on ne devrait pas équilibrer les forces un peu? Est-ce qu'on ne devrait pas permettre à l'Opposition probablement que c'est mon inexpérience de parlementaire qui parle encore - d'avoir accès à cette information de façon que nous puissions questionner le gouvernement, le mettre au pied du mur, parce qu'un gouvernement qui se sent surveillé, c'est un meilleur gouvernement? Cela sera toujours. Mais pour qu'on puisse surveiller un gouvernement, il faut avoir les moyens de le surveiller, il faut avoir le moyen de donner la frousse au gouvernement. C'est simplement comme ça qu'on va réussir à faire notre travail, notre boulot, ce pourquoi on a été élu. On le fait avec des moyens trop limités, des moyens qui n'ont aucune commune mesure avec ce dont disposent les ministres. Nous n'avons que quelques recherchistes, nous n'avons pas de cabinets structurés avec des chefs de cabinets, des secrétaires adjoints et toute la pyramide. Nous n'avons rien de tout cela. Nous n'avons pas le fonctionnarisme derrière nous.

Je pense que le gouvernement pourrait nous rassurer. Moi, à titre de parlementaire inexpérimenté, j'aimerais entendre le gouvernement me dire: Mon cher monsieur, vous avez besoin de renseignements auprès de nos fonctionnaires? Allez les voir, vous êtes le bienvenu. J'aimerais entendre le gouvernement me dire ça. Vous avez besoin d'information? Nos fonctionnaires sont là pour vous servir. Que le gouvernement ne me dise pas cela seulement à moi. Qu'il dise à ses fonctionnaires: Quand le député de Louis-Hébert, quand le député de Portneuf, quand le député de Jeanne-Mance ira vous voir, donnez-lui les renseignements, de la même façon que si c'était le ministre qui vous les demandait, avec autant d'honnêteté, avec autant de précision, avec autant de spontanéité, avec autant de désir de servir le public que si c'était un député ministériel ou un ministre qui les demandait. Je pense que j'aimerais entendre cela. J'aimerais que ce soit dit et qu'il y ait une directive qui soit envoyée aux fonctionnaires où on dise que les députés, qu'ils soient de l'Opposition ou qu'ils soient du parti ministériel, sont les bienvenus dans les bureaux des fonctionnaires, qu'ils peuvent poser des questions, obtenir les documents dont ils ont besoin. C'est à ce compte, c'est avec ces renseignements, M. le Président, qu'on réussira à faire notre travail. Sans ça, peine perdue.

L'exemple doit venir de haut, M. le Président. L'exemple doit partir de l'Assemblée nationale, et s'il ne part pas d'ici, l'Assemblée nationale n'aura pas rempli sont rôle et nous serons à la remorque de gens qu'on forcera, par des lois, à faire des choses. On dira: Vous en êtes des beaux, vous autres, les législateurs. Vous nous dites, par des lois que vous imprimez, que vous distribuez et que vous mettez dans les tablettes, de faire des choses, et c'est bien dommage, on vous a regardés cet après-midi à l'Assemblée nationale, à la télévision, on a vu comment vous donniez l'information à vos collègues, à vos semblables. Merci beaucoup. Quand vous donnerez l'exemple, nous, on suivra vos paroles. En attendant, vous repasserez. Ce sont les inquiétudes que j'ai. Je pense que le ministre reconnaîtra qu'il y a là matière à réflexion, qu'on peut améliorer les choses, qu'on peut le faire sans imprimer trop de projets de loi, qu'on peut le faire tout simplement en disant aux gens: Vous êtes les bienvenus. Vous pouvez nous poser des questions. On n'est pas là pour se défiler. On est là pour donner non pas les réponses qu'on veut vous donner, mais les réponses qui sont la vérité, les réponses qui s'imposent, les réponses qui vont vous éclairer et qui vont éclairer la population. Je pense qu'on doit commencer là.

À ce niveau-ci, ce sont les seules remarques que j'avais à faire, M. le Président, sur le projet de loi sur l'accès à l'information. Je pense que nous aurons l'occasion d'en reparler en commission parlementaire. Nous le ferons au moyen d'amendements que nous aurons l'occasion de proposer et j'espère que ces suggestions seront reçues dans le même esprit qu'elles seront faites, c'est-à-dire pour l'amélioration du projet de loi en général pour permettre à la majorité des citoyens de profiter des objectifs du projet de loi. C'est dans ce sens que seront faites les suggestions et les observations que j'aurai l'occasion de proposer, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Lalonde: Je demande l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

M. Bertrand: Adopté, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, c'est une bonne journée, je pense bien, et j'espère que le député de Louis-Hébert, après avoir prononcé son discours, s'est réjoui de lire l'article no 5.

Une voix: ...

M. Bertrand: Non, c'est simplement parce que je crois que cela lui fait plaisir. J'espère qu'il est heureux de ce petit paragraphe, entre autres, qui dit: "Les organismes couverts comprennent la Communauté urbaine de Québec. Sur ce, M. le Président, comme je suis à l'encontre du règlement, je vous demanderais d'accueillir ma motion pour que nous ajournions nos travaux à mardi prochain, 14 heures, pour la période des questions.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Ajournement de nos travaux à mardi, 14 heures.

(Fin de la séance à 22 heures)

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