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(Quatorze heures trois minutes)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît! Moment de recueillement. Vous pouvez vous asseoir.
Affaires courantes.
Déclarations ministérielles.
Dépôt de documents. M. le premier ministre.
Rapport annuel de la RIO
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai
l'honneur de déposer le rapport annuel 1981 de la RIO, la Régie
des installations olympiques.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Rapport
déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Questions orales des députés.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
La loi 101 et la nouvelle charte canadienne
M. Lalonde: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ... j'avais une question à poser au ministre
de l'Éducation, mais que je peux la poser au premier ministre. Il s'agit
de la déclaration du ministre de l'Éducation et ministre
responsable de la loi 101, le 5 mai 1982, la semaine dernière, à
savoir que, malgré l'existence de la nouvelle charte canadienne, la loi
101 serait appliquée intégralement. On sait que la charte qui est
maintenant la loi du pays, qu'on soit d'accord ou non avec la façon dont
c'est arrivé, permet aux enfants des parents ayant
fréquenté l'école en anglais au Canada de recevoir
l'enseignement en anglais ici au Québec, ce qu'on appelle la "clause
Canada." Or, le ministre de l'Éducation, dans une longue
déclaration que l'éditorialiste du Devoir, M. Jean-Louis Roy, le
directeur du Devoir, qualifiait ainsi: "Mais on reste sidéré par
le style du ministre Laurin. Aussi bien lui dire franchement que sa
grandiloquence d'ancien régime ennuie profondément, pour dire le
moins."
Je ne m'attarderai pas sur le style, mais sur le contenu. Il dit, par
exemple, que les élèves qui seront inscrits aux écoles
anglaises conformément à la charte canadienne, mais en
dérogation avec la loi 101, c'est-à-dire les enfants des parents
ayant reçu leur enseignement, leur instruction en anglais dans d'autres
provinces, seront considérés comme des inadmissibles, des
illégaux, et que les commissions scolaires qui donneront à ces
enfants l'enseignement en anglais ne recevront pas les subventions
nécessaires pour pourvoir à cet enseignement - et il va plus loin
en ce qui concerne les écoles privées - et que toute subvention
sera refusée à une école privée qui recevrait un
seul enfant de cette façon. Le premier ministre peut-il justifier une
telle attitude devant le fait que la charte canadienne s'applique et que les
commissions scolaires et les écoles privées sont obligées
de l'appliquer?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le premier
ministre.
M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président. Je
voudrais d'abord, avant de répondre brièvement à la
question d'une façon plutôt générale - le
député pourra sûrement la reprendre quand le ministre sera
ici, il est absent aujourd'hui en mission, à Montréal, pour des
raisons qui sont reliées à son ministère - rappelle
simplement, sans faire un préambule, au député de
Marguerite-Bourgeoys comme aux autres membres de l'Opposition, qu'à
quelques exceptions près ils ont voté eux aussi avec nous quand
le moment paraissait opportun. C'était une question de principe - je
pense qu'on ne doit pas l'oublier - et on a tous voté pour une motion,
en tant que parti, en tout cas, qui disait que l'Assemblée nationale, au
nom du peuple québécois, s'opposait à tout ce qui pouvait
de près ou de loin empiéter sur ses droits, ses pouvoirs, en
particulier, dans le domaine de l'éducation. Or, la charte canadienne -
ce n'est pas un détail négligeable, même si le
député a un peu escamoté cela dans sa question -
très nettement vient déchirer des morceaux de pouvoirs et de
droits en matière d'éducation, essentiellement, qui n'ont jamais
été contestés d'aucune façon pendant 115 ans
jusqu'à ce qu'on décide à Ottawa, avec l'endossement final
de Westminster, de faire ce qu'on doit appeler un sale coup.
M. Rocheleau: C'est...
M. Lévesque (Taillon): Oui. Je ne sais pas de quelle
façon le député de Hull a voté quand est venu le
moment de voter la motion dont je parlais. On peut vérifier.
M. Rocheleau: ...
M. Lévesque (Taillon): Ah, bon! Le député de
Hull me dit, M. le Président, qu'il s'était fait prendre en
votant pour cette motion qui disait que les pouvoirs et les droits de
l'Assemblée nationale du Québec ne devaient pas être
diminués d'aucune façon sans son consentement. J'enregistre cette
espèce de réflexion qui ressemble à un aveu.
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): Si vous avez des questions à
poser, on vous répondra.
Pour ce qui est de la loi 101, M. le Président, c'est vrai. Le
texte du 5 mai du ministre de l'Éducation est très clair. Quant
à nous, elle continuera d'être appliquée
intégralement. Ce que la charte prétend imposer, nous verrons par
tous les moyens qui nous paraissent légitimes à l'éliminer
en pratique le plus possible, en nous référant jusqu'à un
certain point à l'article 1 de cette même charte canadienne qui
admet qu'il puisse y avoir des exceptions, à condition que ce soient des
choses conformes - je paraphrase - à ce qui se passe dans une
société libre et démocratique. Quant à nous, en
tenant compte de ce qui se passe partout dans le monde, je crois que la loi 101
est parfaitement digne d'une société libre et
démocratique.
Comme dans toute démocratie, on verra à l'usage, parce que
le recours aux tribunaux, forcément, ne peut être lié
à personne, mais l'intention du gouvernement a été
clairement exprimée par le ministre de l'Éducation.
Pour ce qui est d'une suite plus détaillée aux
modalités que le député de Marguerite-Bourgeoys voudrait
peut-être explorer, je peux en prendre note, mais je lui conseillerais
quand même d'attendre que le ministre soit ici pour répondre. (14
h 10)
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, il s'agit de modalités
extrêmement importantes. Ce ne sont pas des modalités, c'est
fondamental pour les écoles et les commissions scolaires qui devront, de
par la nouvelle loi... On aura beau se répéter vingt fois de
quelle façon on a voté ou non, la réalité des
choses, c'est que la charte canadienne oblige les commissions scolaires
à recevoir les enfants qui le demanderont. Est-ce que le premier
ministre ne se rend pas compte du caractère injuste, odieux à
l'égard des enfants...? En particulier, est-ce qu'il n'a pas un peu de
préoccupations à l'égard des enfants et à
l'égard aussi de tous les intervenants dans l'enseignement, les
commissions scolaires et les écoles? Est-ce qu'il ne se rend pas compte
que ces commissions scolaires seront obligées, par des jugements au
besoin, de leur donner l'enseignement, qui ne sera pas, à ce moment,
financé? Est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte qu'il
affirme, ici en cette Chambre, presque une désobéissance à
la loi, et d'autant plus de façon inexpliquée...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Question, s'il vous plaît!
M. Lalonde: J'aimerais que le premier ministre nous dise qu'elle
est la raison pour laquelle on traite les écoles privées de
façon différente des écoles publiques, alors que, dans les
écoles publiques, le gouvernement va simplement retenir la subvention de
l'élève "inadmissible" et que, dans les écoles
privées...
Le Président: M. le député, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: ... il va retenir toute subvention s'il y a seulement
un élève qui est "inadmissible".
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je viens de
le dire au député de Marguerite-Bourgeoys, et je le
répète, s'il veut entrer dans toute la plomberie de la...
M. Lalonde: ...
M. Lévesque (Taillon): Non, je le sais, je connais la
méthode et je connais la technique du député, mais,
normalement, son interlocuteur devrait être le ministre de
l'Éducation, à qui nous ferons rapport des détails des
questions et qui, très sûrement, sera prêt à
répondre au député à la prochaine séance
où il sera disponible.
Je note simplement qu'il n'a été considéré
d'aucune façon comme injuste et odieux que des enfants arrivant comme
immigrants au Québec doivent aller à l'école
française. Cela ne paraît ni injuste ni odieux à personne.
Très nettement injuste et odieux ce qui a été
perpétré à Ottawa, avec la complicité de
Westminster, cela, oui.
M. Lalonde: Question de privilège.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, sans préambule, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Question de privilège, M. le Président,
ce n'est pas une deuxième question, c'est inutile, le premier ministre
ne sait pas quoi répondre. Jamais je n'ai dit qu'il était odieux
que l'école française soit l'école de tous. Cela a
été affirmé dans la loi 22 et c'est dans la loi 101, avec
les exceptions qu'on connaît. Ce que j'ai dit, c'est qu'il était
odieux de mettre des enfants entre deux lois, de les traiter de façon
marginalisante...
M. Ryan: De les prendre comme otages.
M. Lalonde: ... de les prendre comme otages, alors que la
charte...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): ... je le renverrai au ministre de
l'Éducation à la première occasion.
Le Président: Question principale, M. le
député de Portneuf.
L'attitude du gouvernement sur
la réponse des centrales
syndicales au sujet des
conventions collectives
M. Pagé: M. le Président, à l'égard
des négociations dans les secteurs public et parapublic, on se
rappellera que les porte-parole du gouvernement et même les ministres du
gouvernement ont évoqué trois possibilités: dans un
premier temps, une réouverture des conventions avant le 30 juin
prochain, l'obligation de se convier à une augmentation très
substantielle des taxes et des impôts, ou encore des coupures de postes
draconiennes.
On se rappelle que les représentants syndicaux ont donné
une réponse négative à l'appel lancé par le premier
ministre, au sommet économique, et réitérée par la
suite. Le chef de l'Opposition, à l'Assemblée nationale, posait
des questions, au début de la semaine, pour demander au premier ministre
quelles étaient les intentions de son gouvernement face au refus des
syndicats d'accepter la proposition gouvernementale.
Essentiellement, ma question est la suivante, et elle s'adresse au
premier ministre. Mardi, celui-ci a informé la Chambre que le Conseil
des ministres allait se réunir hier, qu'il allait, comme chef du
gouvernement, être en mesure de nous confirmer la position du
gouvernement aujourd'hui. J'aimerais lui demander, dans un premier temps, si le
gouvernement exclut toute possibilité de rouvrir les conventions
collectives par une loi spéciale. Je voudrais que le premier ministre
interprète ma question non seulement comme étant un geste pour
avoir une réponse, mais aussi qu'il prenne note de la position
manifestée par notre parti par la voix de notre chef, en fin de semaine,
à savoir que des conventions collectives rouvertes par des lois
spéciales, nous n'acceptons pas cela, parce que nous, nous respectons
notre signature lorsqu'on signe un document, et on croit que le gouvernement
doit respecter sa signature...
Le Président: S'il vous plaît, votre question!
M. Pagé: ... lorsqu'il signe un document.
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Pagé: M. le Président, est-ce que le chef du
gouvernement peut nous confirmer qu'il exclut cette possibilité de
briser la signature du gouvernement et de rouvrir, par une loi les conventions
collectives, d'une part? Deuxièmement, est-ce que le premier ministre
pourrait nous indiquer s'il fait bon accueil à la proposition des
syndicats, qui se sont montrés disposés à commencer les
négociations au début du mois de juin?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je dois
dire, à regret, au député ce que j'ai déjà
dit au chef de l'Opposition. Je n'avais pas dit que je donnerais des nouvelles
précises aujourd'hui. J'ai dit que, pendant cette semaine, y compris la
réunion du Conseil des ministres hier, jusque très tard, on
examinerait et que, possiblement, on prendrait des décisions. Je dois
également souligner qu'ayant la responsabilité de ce
côté-ci, ce qui n'exclut d'aucune façon la
responsabilité comme critique et aussi comme collaborateur, à
l'occasion, de l'Opposition, des décisions, c'est entre nous, d'abord,
au Conseil des ministres et au caucus des députés et des
ministériels, que ces choses-là doivent être mises en place
le mieux possible.
Pour ce qui est de donner des détails, quels qu'ils soient, je ne
crois pas qu'aujourd'hui soit le moment et je suis obligé de reconduire,
si vous voulez, la réponse évasive, qui l'est de nouveau, que
j'ai faite au chef de l'Opposition mardi, si j'ai bonne mémoire. Il y a
une chose qu'on peut dire - mais elle a déjà été
dite - c'est que l'idée d'ouvrir des négociations, si tout le
monde est d'accord pour se mettre à table plus vite que ce qui est
prévu dans la loi, c'est évidemment une chose qu'on ne peut pas
exclure et je pense que cela a déjà été
souligné, entre autres, par le président
du Conseil du trésor dans sa première réplique,
cette partie de la réponse des syndicats qui nous paraissait non
seulement acceptable, mais une chose qui pouvait être utile à
toutes les parties, c'est-à-dire que, si on gagne deux mois, si tout le
monde accepte de se mettre à table, avec des préalables qui
peuvent être vrais pour les deux parties, on verra. Une chose est
certaine: c'est qu'on n'est pas, loin de là, opposé à
cela.
D'autre part, pour le reste des questions, je dois tout simplement
renvoyer le député à ma réponse de mardi.
M. Pagé: D'accord.
Le Président: M. le député de Portneuf,
question additionnelle.
M. Pagé: Merci, M. le Président. Brièvement.
Je comprends tous les aspects de cela surtout à l'égard du
budget, qui sera présenté le 25 mai, et je comprends que le
Conseil des ministres doit se réunir éventuellement pour revoir
toutes ces questions. Cependant, on se rappellera qu'au sommet
économique, le premier ministre avait évoqué la
possibilité de rouvrir, par une entente bilatérale, les
conventions collectives, ce qui appelait une réponse de la part des
syndicats. La réponse étant là maintenant, M. le
Président, la possibilité est que ces conventions collectives
soient rouvertes par une loi spéciale de l'Assemblée nationale.
Dois-je comprendre de la réponse du premier ministre qu'au moment
où on se parle, après le refus des syndicats, après la
proposition formulée par les syndicats de rouvrir les
négociations à compter de juin, le gouvernement maintient la
possibilité de présenter un projet de loi à
l'Assemblée nationale pour rouvrir unilatéralement les
conventions collectives?
Ce que je vous demande, c'est: Est-ce toujours possible ou si vous
l'excluez totalement? Et à ce moment-ci vous devriez avoir
réponse à cette question spécifique.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): J'ai bien compris la question du
député et je vais le renvoyer à une réponse que
j'ai donnée et qui était simplement celle-ci: Quelle que soit la
décision, on est dans un contexte douloureux et la décision sera
également douloureuse.
Le Président: Question additionnelle, M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Question additionnelle, M. le Président. Je
comprends l'embarras du premier ministre parce qu'il doit recevoir des avis
contradictoires non seulement de son caucus, mais de ses collègues. Je
le comprends - oui, certainement - d'hésiter à les prendre plus
à gauche, du côté de son ministre des Finances, vu le trou
dans lequel il a plongé le gouvernement la dernière fois. Est-ce
que je pourrais demander au premier ministre quel est le rôle respectif
du ministre des Finances et du président du Conseil du trésor
dans ces choses-là? On n'a rien de clair. On a déjà
essayé d'avoir une situation claire de la part du premier ministre. Dans
le temps, on ne le savait pas, mais là, on a un bel exemple concret.
Est-ce qu'il pourrait nous dire avec précision quelles sont les
responsabilités et quel est le rôle précis de chacun de ces
deux ministres? (14 h 20)
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, la Loi sur
l'Exécutif pourrait donner la réponse en grande partie au chef de
l'Opposition s'il se donnait la peine de la consulter, mais, pour
résumer ça en termes de profane et surtout dans le contexte
actuel, l'un et l'autre de mes collègues que le chef de l'Opposition
vient de nommer font partie, avec certains des ministres les plus directement
impliqués et des spécialistes, de ce qu'on appelle le
comité central de négociation. Évidemment, la
préoccupation primordiale - et je pense que je n'apprendrai rien
à personne - du ministre des Finances, c'est de savoir comment on peut
financer les dépenses auxquelles on fait face et celle du
président du Conseil du trésor, c'est de surveiller les
dépenses au maximum pour voir si les deux peuvent se rejoindre.
Le Président: Question principale, M. le
député de Maskinongé.
Congédiements au centre Domrémy de
Pointe-du-Lac
M. Picotte: Merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion,
depuis deux mois, de poser des questions au premier ministre concernant les
primes de séparation données injustement à des membres du
CRSSS 04 dans la région de la Mauricie. Assez souvent le premier
ministre m'a dit qu'il me donnerait des réponses et j'attends encore
plusieurs de ces réponses. J'aimerais lui demander ceci. En plus des
centaines de milliers de dollars qui ont été
dépensés en Mauricie en primes de séparation, dans
plusieurs cas, fort injustement, dans le cas d'individus qui travaillaient dans
le réseau des affaires sociales, en plus du cas du chef de l'Union
Nationale, M. Jean-Marc Béliveau...
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Picotte: ... et d'autres cas au niveau du Québec...
Des voix: Question!
M. Picotte: ... le ministre de l'Environnement, chef de l'aile du
Parti québécois au fédéral...
Le Président: M. le député, s'il vous
plaît, posez votre question.
M. Lalonde: II a été interrompu. M. Pagé:
Arrêtez l'horloge.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Donc, je parlais des
nombreuses primes de séparation données injustement, des
centaines de milliers de dollars dépensés dans la Maurice, entre
autres, et ailleurs au Québec. J'aurai l'occasion d'en reparler.
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Picotte: Est-ce que le premier ministre - j'espère
qu'il prendra en considération la question que je lui pose et ses deux
volets afin que j'aie une réponse rapidement - pourrait me dire s'il est
bel et bien exact qu'à la suite d'une mauvaise administration du CRSSS,
où on a permis une élection en juin 1979 au Centre de
réadaptation Domrémy de Pointe-du-Lac, district de
Trois-Rivières, on a dû donner une prime de séparation
à M. René-Claude Houle, d'un montant d'au-delà de 30 000
$, justement parce qu'on a jugé, par la suite, que cela avait
été illégal, et qu'entre-temps on a dû tout
simplement demander des démissions à des gens qui ne le
méritaient pas? Le premier ministre pourrait-il me dire si c'est exact,
cette affaire de prime de séparation?
Deuxièmement, est-ce que le premier ministre pourrait s'engager
à ce que les gens qui ont dû être congédiés ou
qu'on a obligés de démissionner, eux, sans prime de
séparation et à la suite d'un rapport du ministère des
Affaires sociales, soient replacés dans leur poste?
Troisièmement, est-ce qu'il peut m'assurer qu'un membre de son
Conseil des ministres n'est pas intervenu directement, puisqu'il semble y avoir
quelqu'un à Domrémy, à Pointe-du-Lac, qui a une
affinité de parenté très près d'un ministre du
Conseil des ministres?
Le Président: M. le premier ministre.
M, Lévesque (Taillon): Non seulement sur le détail
possible des réponses, mais sur la dernière partie de la
question, qui était une allusion que je trouve assez inqualifiable,
mais, enfin, on verra, pour ces trois raisons, je vais me contenter,
premièrement, de rappeler au député qu'on n'a jamais
admis, parce que ce n'est pas vrai, que - je le cite "de nombreuses primes de
séparation" injustifiables ont été données. J'ai
bien dit qu'un certain nombre - hélas, même s'il y en avait
seulement un, c'est trop - d'abus avait été exercé hors de
notre contrôle et en particulier dans le domaine social. Avec la loi 27,
des directives vont venir incessamment qui vont s'appliquer d'ailleurs pas
seulement dans le secteur social. Pour le reste, j'ajouterai simplement ceci:
J'avoue que je ne comprends même pas l'intention du député
quand il pose des questions, qu'il prétend détaillées,
comme ça, à votre serviteur plutôt qu'au ministre qui est
responsable du secteur pour avoir ce qui lui paraîtra indiqué de
donner comme réponse du ministre des Affaires sociales.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai pris bonne note
et je rappellerai deux ou trois principes, puisque le député fait
encore les mêmes préambules qu'il faisait il y a deux mois. Il est
exact que des établissements du réseau des Affaires sociales ont
versé, depuis un certain nombre d'années, je dirais même
depuis une dizaine d'années, des primes de séparation à
différents administrateurs. C'est vrai également, sans doute,
pour une partie du réseau scolaire et d'autres établissements de
caractère public ou parapublic. Il est également vrai que ces
établissements ont une responsabilité, au sens de nos lois, qui
appartient à un conseil d'administration autonome. Si des conseils
d'administration ont approuvé parfois, dans le cadre de conseils
judicieux ou moins judicieux de certaines personnes, des primes de
séparation qui pourraient paraître exorbitantes ou qui, dans
certains cas, le sont, c'est une des raisons pour lesquelles, au mois de
décembre dernier, nous avons inclus dans la loi 27 des dispositions qui
autorisent le ministre des Affaires sociales à fixer les conditions de
travail des cadres, que ce soient les cadres supérieurs ou les cadres
intermédiaires, de l'ensemble des institutions. C'est un pouvoir qui
n'existait pas sous l'empire de nos lois tant et aussi longtemps qu'on ne l'a
pas adopté au mois de décembre dernier.
Pour revenir à l'ensemble du dossier, je prierais le
député, compte tenu du caractère plutôt
détaillé d'un des 900 établissements du réseau des
Affaires sociales et touchant une des 135 000 personnes y oeuvrant, je lui
saurais gré d'inscrire la question au feuilleton, il nous fera plaisir
d'y répondre.
M. Duhaime: M. le Président, question de
privilège.
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources, question de
privilège.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais invoquer mon
privilège de député parce que le député de
Maskinongé, dans le dernier volet de sa question, a laissé
entendre qu'un membre du cabinet serait intervenu auprès du conseil
d'administration du CRSSS. Je voudrais dire ceci, de mon siège, parce
qu'étant député de la région et étant
ministre responsable de cette région sur le plan politique - j'avais
d'ailleurs l'occasion d'être à Pointe-du-Lac tout
récemment, M. le Président, pour l'ouverture officielle de la
nouvelle école polyvalente; c'est avec beaucoup d'intérêt
que je suis les affaires non seulement de mon comté, mais de toute la
région, incluant le comté de Maskinongé - je demande au
député de Maskinongé de se lever et de dire, de son
siège, qui est le ministre qui est intervenu auprès du conseil
d'administration.
M. Picotte: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: Si un ministre sent l'obligation de dire qu'il est
intervenu, il n'a qu'à se lever à l'Assemblée nationale et
à le faire. Je me demande, M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député, sur une question additionnelle, vous avez la
parole.
M. Picotte: Vous pourriez peut-être permettre aux autres
ministres de se lever eux aussi...
Le Président: Question additionnelle.
M. Picotte: ... sur une question de privilège,
étant donné que seul le député de Saint-Maurice l'a
fait.
M. Clair: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre des Transports, sur une question de privilège.
M. Clair: M. le Président, ayant eu à partager avec
mon collègue de Saint-Maurice la responsabilité politique de la
région Mauricie-Bois-Francs, je formule exactement la même demande
au député de Maskinongé. Qu'il retire ses insinuations ou
qu'il nomme le ministre en question, M. le Président. C'est un
comportement inacceptable.
M. Picotte: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: M. le député de
Maskinongé.
Des voix: À l'ordre! Menteur!
M. Picotte: Vous demanderez cela à votre collègue
de Saint-Maurice. Il a l'air d'être au courant. Il s'est levé sur
une question de privilège. M. le Président, je n'ai pas
demandé à qui que ce soit de...
Des voix: Menteur!
Le Président: M. le ministre, sur une question de
privilège.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais, pour la
deuxième fois, invoquer mon privilège comme député
et inciter mon collègue de Maskinongé à quitter les
"roulières" dangereuses dans lesquelles il vient de s'engager. Ce que je
lui demande est facile et simple. Vous avez affirmé tout à
l'heure de votre siège qu'un membre du gouvernement était
intervenu auprès du conseil d'administration du CRSSS. Ce que je vous
demande, c'est de le nommer.
M. Picotte: M. le Président, question de
privilège!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre, vous avez la parole sur votre question de privilège. (14 h
30)
M. Duhaime: Si je dois ouvrir mon règlement, M. le
Président, je devrai demander au député de
Maskinongé de mettre son siège en jeu, parce que je suis
prêt à mettre le mien en jeu tout de suite là-dessus. Vous
allez nommer ce ministre ou la période des questions va durer fort
longtemps, je vous en préviens tout de suite.
M. Picotte: M. le Président, question de
privilège.
Le Président: M. le député de
Maskinongé sur une question de privilège.
M. Picotte: Je vous demanderais, M. le Président, sur une
question de privilège, de vous référer au journal des
Débats. J'ai mentionné ceci: Le premier ministre pourrait-il nous
assurer qu'aucun membre du Conseil des ministres n'est intervenu...
Des voix: ... Oh!
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: M. le Président, c'est ma troisième
question de privilège et je vais la formuler sous forme de question: Le
député de Maskinongé est-il au courant qu'un ministre est
intervenu auprès du conseil
d'administration du CRSSS?
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, on est rendu
au point où c'est le ministre qui pose des questions!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous venons de
voir le ministre de l'Énergie et des Ressources poser une question
à un député de l'Opposition. Ceci n'est pas prévu
strictement par notre règlement.
Le Président: Mais je rappellerai quand même
l'article 79 du règlement: "Si un député désire
qu'action soit prise à la suite d'une question de privilège qu'il
a soulevée, il doit le proposer par une motion annoncée. Cette
motion est privilégiée." C'est un article qui s'applique,
évidemment, à tous les députés de
l'Assemblée nationale du Québec.
Question additionnelle sans préambule, M. le député
de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Le premier ministre du
Québec pourrait-il...
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président: M. le ministre, sur une question de...?
M. Duhaime: Le député...
Le Président: M. le ministre sur une question de
privilège.
M. Duhaime: J'ai très bien entendu et j'ai l'habitude
d'écouter à l'Assemblée nationale. Le député
de Maskinongé ne se réfugiera pas derrière les
délais de transcription de nos débats; j'ai très bien
entendu et tout le monde ici a entendu. Vous allez vous lever de votre
siège, si vous le voulez bien, et indiquer le nom du ministre qui serait
intervenu dans cette affaire. Si c'est le député de
Saint-Maurice, je voudrais le savoir, parce que j'ai l'habitude de savoir ce
que je fais et, si vous refusez de le faire, je conclurai que vous avez
royalement menti.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, nous venons
encore une fois de voir...
Une voix: Un but.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Levesque (Bonaventure): ... la façon dont un ministre
se soumet à une directive que vous avez donnée il y a
quelques...
Le Président: M. le leader de l'Opposition, je n'ai
émis aucune directive, je n'ai fait que lire un article du
règlement, tout simplement.
Question additionnelle, M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, sur la
question de règlement, encore une fois, vous avez vu un ministre qui n'a
pas tenu compte du fait que vous veniez de lui rappeler une disposition
importante de notre règlement. Êtes-vous d'accord avec cela, M. le
Président?
Deuxièmement, cette procédure de diversion de la part du
ministre, député de Saint-Maurice, n'a pour effet que d'essayer
de diluer une question bien claire et précise posée par le
député de Maskinongé. Que le gouvernement réponde
d'abord aux questions posées.
Le Président: M. le leader du gouvernement, sur une
question de règlement.
M. Bertrand: M. le Président, sur la question de
règlement, je reprendrai exactement les propos du leader de
l'Opposition. Il vient de dire que le député de Maskinongé
a posé une question bien claire et bien précise. Nous demandons,
de ce côté-ci, une question bien claire et bien précise
avec un nom bien clair et bien précis...
Une voix: C'est cela.
M. Bertrand: ... pour qu'un ministre, qui est de ce
côté-ci, sache s'il s'agit de lui et qu'il puisse répondre
immédiatement. S'agit-il du ministre des Transports qui est de cette
région? S'agit-il du ministre du comté de Saint-Maurice?
S'agit-il d'un autre ministre de cette région? Posez une question bien
claire et bien précise, vous aurez une réponse aussi claire et
aussi précise de ce côté.
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources, sur une question de privilège.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais invoquer...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Duhaime: ... mon privilège, à la suite de
l'intervention du leader de l'Opposition, le député de
Bonaventure qui,
dans son intervention, me prête des intentions, ce qui est
contraire à notre règlement.
Il a été mentionné que j'entreprenais cet
après-midi une tentative de diversion. C'est complètement
faux.
Une voix: C'est cela.
M. Duhaime: J'ai invoqué tout à l'heure mon
privilège non seulement comme ministre, mais comme député.
La question du député de Maskinongé sous-tend une
accusation très lourde de conséquences, à mon point de
vue, et pour la quatrième fois je lui redemande, avant que je n'inscrive
en avis, pour la semaine prochaine, suivant les dispositions de notre
règlement, une question de privilège formelle, de la retirer ou
de nous dire quelle est sa source d'information.
Le Président: Je rappellerai également l'article
99.7 du règlement qui stipule très clairement qu'il est interdit
"d'attaquer la conduite d'un membre de l'Assemblée, sauf à
l'occasion d'une motion mettant sa conduite en question." Pour être clair
et précis, l'article 99.7 s'applique au député de
Maskinongé et il s'applique aux ministres susceptibles d'être
visés. C'est une action possible dans les circonstances.
M. le député de Maskinongé, sans préambule,
question additionnelle.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Une question
additionnelle au premier ministre. Pourrait-il nous dire quelle sorte de
politique son gouvernement a, sinon une politique de favoritisme envers ses
amis, lorsque le ministre des Affaires sociales m'a répondu que ces
primes de séparation étaient données...
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Picotte: Quelle sorte de politique le gouvernement a-t-il,
sinon de favoriser les petits amis du régime, quand le ministre des
Affaires sociales a mentionné qu'on donnait des primes de
séparation parce que ces gens n'avaient pas de sécurité
d'emploi alors que sa collègue...
M. Bertrand: On en est à la quatrième question
additionnelle, M. le Président, cela suffit.
Le Président: M. le député de
Maskinongé, le leader parlementaire du gouvernement et le leader de
l'Opposition disaient, mardi, que nous allions entrer dans une politique de
petits pas pour l'amélioration de notre parlementarisme. Le premier pas
a été de commencer à l'heure. Je pense que le
deuxième serait, dans les questions additionnelles, d'éviter les
préambules, ce que la présidence répète à
plusieurs reprises, et d'éviter également des réponses
longues de la part de ceux qui sont interrogés. Je le demande à
tous.
Une dernière question additionnelle, sans préambule, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Quelle est la politique du gouvernement face aux
primes de séparation, si je juge que le ministre des Affaires sociales a
mentionné avoir donné des primes de séparation dans ce
réseau à cause de la non-sécurité d'emploi, alors
que sa collègue, la ministre de la Fonction publique, a répondu
mardi, lors de l'étude des crédits de son ministère...
M. Johnson (Anjou): Question de privilège.
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales, sur
une question de privilège. À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Johnson (Anjou): M. le Président, le
député vient d'affirmer que j'ai accordé des primes de
séparation. Il verra à la transcription qu'il a mentionné
que j'ai accordé ces primes dans le réseau. Ce n'est pas le
ministre des Affaires sociales qui accorde les primes de séparation, ce
sont les établissements, où vous avez de nombreux amis,
d'ailleurs.
Le Président: Question principale, M. le
député de Bellechasse.
M. Picotte: Question de privilège.
Le Président: Sur une question de privilège, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Je n'ai même pas eu l'occasion de finir de
poser ma question additionnelle...
Le Président: Question principale, M. le
député de Bellechasse.
M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement.
Le Président: Question de règlement, M. le leader
de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le Président. Prenons
un moment de détente, M. le Président. Est-ce qu'on ne pourrait
pas permettre au député de Maskinongé de terminer sa
question additionnelle? Si vous ne le lui permettez pas, lui permettriez-vous
au moins une question de privilège où il pourrait rétablir
les faits, c'est-à-dire répéter la phrase telle qu'il l'a
prononcée? C'est tout ce que nous demandons. (14 h 40)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Question de privilège.
M. Picotte: Oui, M. le Président. J'ai mentionné
tout simplement qu'il s'agissait du réseau des affaires sociales. Je
n'ai nullement mis en cause...
Une voix: Ce n'est pas vrai.
M. Picotte: Oui. Je n'ai nullement mis en cause le ministre des
Affaires sociales,
M. le Président, n'en déplaise à qui que ce soit.
Ils n'ont qu'à relire le journal des Débats.
Le Président: M. le député de Bellechasse,
question principale.
M. Lachance: Merci, M. le Président. Des voix:
...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Bellechasse.
M. Lachance: M. le Président, sur un ton un peu plus
serein, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme. Depuis quelque temps, une information circule, à savoir que le
gouvernement du Québec...
M. Duhaime: M. le Président. Je m'excuse auprès de
mon collègue...
Le Président: M. le ministre, question de? M. le ministre,
question de privilège.
Des voix: ...
M. Duhaime: Un instant! Ne vous énervez pas!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: Vous allez arrêter de vous plaindre sur...
M. Duhaime: II y a une directive que je voudrais avoir du
président de l'Assemblée nationale. J'ai soulevé ici,
à quatre reprises, mon privilège comme député. J'ai
également dit au député de Maskinongé que s'il
refusait de répondre à cette question de privilège, il
avait royalement menti. Je voudrais savoir de la présidence si je dois
nécessairement maintenant donner un avis écrit, suivant les
dispositions de l'article 49, ou si la présidence peut demander
immédiatement au député de Maskinongé quelle est
son intention et sa conduite à venir.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
règlement.
Le Président: M. le leader du gouvernement. M. le leader
de...
M. Bertrand: M. le Président, question de
règlement.
M. Levesque (Bonaventure): Bien oui!
M. Lévesque (Taillon): II était debout le
premier.
M. Bertrand: J'étais debout.
Une voix: Lequel était debout le premier?
Le Président: Question de règlement, MM. les
leaders de l'Opposition et du gouvernement, les deux.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président.
Une voix: Les deux ensemble. Des voix: Ah!
M. Levesque (Bonaventure): Avant de répondre à une
question du ministre de l'Énergie et des Ressources, lui qui a
déjà été leader parlementaire adjoint du
gouvernement devrait connaître la réponse à la question
qu'il vient de vous poser. Deuxièmement, M. le Président, je
voudrais simplement vous demander si vous jugez comme parlementaires les
paroles prononcées par le ministre de l'Énergie et des Ressources
lorsqu'il emploie les mots "royalement menti". Dans tous les livres, M. le
Président, dans tous nos volumes et d'après tous les auteurs, de
tels propos sont jugés antiparlementaires...
M. Bertrand: Question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): ... et je vous demanderais de demander
au ministre de les retirer.
M. Bertrand: Cela n'a rien à voir avec la question de
règlement.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, tout à l'heure, vous
levant et nous indiquant quels étaient les articles du règlement
qui prévalaient en pareille circonstance, vous avez indiqué au
député de Maskinongé qu'à la suite des propos qu'il
avait tenus, il pouvait invoquer un des articles du règlement, qu'il
pouvait présenter une motion pour mettre en question la conduite
d'un
membre de l'Assemblée nationale et qu'à l'inverse le
ministre pouvait, lui aussi, se prévalant d'autres articles du
règlement, par une motion annoncée, mettre en question la
conduite d'un membre de l'Opposition.
Je voudrais, M. le Président, vous référer à
l'article 49 de notre règlement. Au paragraphe 3, cet article 49 dit
bien: "Le député qui soulève une question de
privilège - ce fut le cas du député de Saint-Maurice -et
qui désire proposer une motion prévue à l'article 79..."
Quelle est la motion prévue à l'article 79? C'est la suivante:
"Si un député désire qu'action soit prise à la
suite d'une question de privilège qu'il a soulevée - ce fut le
cas - il doit le proposer par une motion annoncée. Cette motion est
privilégiée."
Or, dans quelle mesure, M. le Président, cette motion est-elle
privilégiée, annoncée, et peut-elle être faite
immédiatement durant la séance et non pas avec avis à la
présidence? C'est dans le cas de l'article 49.2: "Un
député peut toujours soulever une question de privilège
à l'Assemblée immédiatement après qu'ont
été prononcées les paroles ou que se sont
déroulés les événements qui y donnent lieu."
Je relis donc le troisième paragraphe pour s'y conformer: "Le
député qui soulève une question de privilège et qui
désire proposer une motion prévue à l'article 79 pour
qu'action soit prise, doit l'indiquer... plutôt l'annoncer, c'est dans le
cas du paragraphe 2, l'annoncer au moment où il soulève la
question", en vertu du paragraphe 2 du même article 49. Je
prétends donc que si nous respectons le règlement, le ministre
peut, à ce moment-ci, se lever de son siège et faire une motion
annoncée. Elle est privilégiée, il n'y a pas
nécessité d'un avis à la présidence et je vous
demande, M. le Président, de faire respecter ce règlement.
M. Picotte: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Maskinongé, sur une question de privilège.
M. Picotte: J'aimerais vous souligner immédiatement que je
n'ai en aucune façon voulu diriger quoi que ce soit à l'endroit
d'aucun des membres du Conseil des ministres.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Picotte: J'ai tout simplement... M. le Président,
laissez-moi donc terminer ma question de privilège.
Le Président: Je pense que j'ai une réponse
à donner et au leader du gouvernement, au leader de l'Opposition et au
ministre de l'Énergie et des Ressources.
À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: Open the door.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je
vous reconnaîtrai après, M. le député de
Maskinongé. À l'ordre, s'il vous plaît!
Nonobstant les interprétations qui viennent du côté
gauche et du côté droit, je prétends et je pense - s'il
vous plaît! -humblement soumis, que l'article 49 indique qu'au moment
où les paroles sont prononcées, un ministre ou un membre de
l'Assemblée nationale peut, verbalement, aviser l'Assemblée qu'il
a l'intention de faire par écrit une motion qui serait la motion
prévue à l'article 79. Je pense que le ministre de
l'Énergie et des Ressources a fait cet avis verbal pour respecter de
façon totale le règlement et c'est sa discrétion
personnelle, il aura, s'il le veut, à se prévaloir par la suite
de l'article 79, la présidence ayant considéré que l'avis
verbal a été donné.
M. Picotte: Question de privilège, M. le
Président.
M. Duhaime: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Maskinongé, sur une question de privilège.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Pour sauvegarder
l'intégrité des travailleurs du Centre d'accueil Domrémy,
j'ai demandé tout simplement au premier ministre du Québec s'il
pouvait nous garantir que personne du Conseil des ministres n'était
intervenu. Si c'est non, il n'y a aucun problème. Je n'ai jamais
nommé qui que ce soit et je répète de mon siège que
je veux que cette question-là soit éclaircie. Le premier ministre
n'a qu'à nous dire qu'il n'y a eu aucune intervention et il n'y a pas de
plat à faire avec quoi que ce soit. Ce sont les gens d'en face qui en
font un plat, M. le Président.
Une voix: Très bien!
M. Lévesque (Taillon): M. le Président...
Le Président: M. le premier ministre, sur une question de
privilège.
M. Lévesque (Taillon): Sur une question de
privilège.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Lévesque (Taillon): II y a un sacré bout - si
vous me permettez de le dire - de m'envoyer une question comme celle-là
en faisant semblant de soupçonner n'importe qui et ensuite de ne
même pas avoir le courage de dire sur quoi sont fondés ces
soupçons.
Quand on joue le rôle que joue le député de
Maskinongé, on finit par cracher en l'air et on sait où ça
retombe.
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources, sur une question de privilège.
M. Duhaime: M. le Président, je voudrais d'abord
intervenir tout de suite sur la question de règlement qui a
été soulevée par le député de Bonaventure
tout à l'heure, qui s'adressait à la présidence, à
savoir que les paroles que j'avais employées pourraient être
antiparlementaires. Je voudrais préciser ma pensée pour ne
laisser aucune ambiguïté. J'ai utilisé l'expression
"royalement" pour vouloir signifier qu'on le faisait d'une façon
princière, royale ou magistrale, en voulant utiliser les écrans
et les caméras de télévision de l'Assemblée
nationale et, pour moi, M. le Président, dire le contraire de la
vérité, c'est mentir. Et je répète qu'à
moins que le député de Maskinongé n'accepte l'offre que je
lui ai faite, je réitère et je lui redis qu'il a menti royalement
devant l'Assemblée nationale. (14 h 50)
En second lieu, je donne tout de suite, verbalement, l'avis requis selon
les dispositions de l'article 49.2 de notre règlement.
Le Président: Question principale...
M. Clair: M. le Président, question de
privilège.
Le Présidents M. le ministre des Transports sur une question de
privilège.
M. Clair: Comme je l'ai indiqué tantôt, ayant eu
à partager, depuis cinq ans, la responsabilité politique à
l'égard de l'ensemble de la région et du comté de
Maskinongé, ayant eu l'occasion de rencontrer, pendant de longues
heures, de très nombreuses personnes dans le comté de
Maskinongé, parce que je m'occupais de ce dossier, je me sens
personnellement attaqué. Le député de Maskinongé a
parlé de sauvegarder l'intégrité du centre Domrémy.
Soit, c'est certainement un motif noble, mais que fait-il de la nôtre,
notre intégrité? Quel est son souci de s'assurer, au moins, qu'il
ait quelque information que ce soit avant de tenir des propos comme ceux qu'il
a tenus?
Je veux simplement me joindre à mon collègue, le ministre
de l'Énergie et des Ressources, pour manifester la même intention
que lui. Je me sens, moi aussi, attaqué de façon hypocrite et
malhonnête par le député de Maskinongé.
Le Président: Fin de la période des questions.
M. Bédard: De la période d'insinuations!
Le Président: Motions non annoncées. M. le
député d'Outremont.
M. Bédard: Fin de la période d'insinuations!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Motions non annoncées
M. Fortier: M. le Président, je désire le
consentement de cette Chambre pour proposer une motion de félicitations
en l'honneur de Mme Antonine Maillet qui vient de se voir décerner le
titre de Compagnon de l'Ordre du Canada.
Le Président: Y a-t-il consentement?
Des voix: Défaut de consentement.
Des voix: Oh! Oh! Oh
Le Président: M. le député de Gatineau.
Une voix: C'est dégueulasse!
M. Gratton: M. le Président, je suis sûr que dans le
cas de ma motion le gouvernement, les députés ministériels
accorderont leur assentiment unanime, puisqu'il s'agit d'appuyer une position
naguère défendue par le premier ministre.
Ma motion se lirait comme suit: Que cette Assemblée appuie la
position catégorique et sans équivoque exprimée par le
premier ministre à Washington en janvier 1979 à l'effet qu'il
serait inutile, ridicule et trop coûteux de remplacer, sur les panneaux
de signalisation du Québec, le mot "stop" déjà reconnu
comme français tant sur le plan international...
M. Lachance: M. le Président, question de
règlement.
M. Gratton: ... que par l'Office de la langue
française...
M. Lachance: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le
député de Bellechasse, j'ai cru comprendre qu'il y avait une
question de règlement de votre part.
M. Lachance: Oui, M. le Président, en vertu de notre
règlement, j'oppose mon refus à cette motion.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je
comprends, M. le député, qu'il n'y aura pas de
consentement unanime mais, quand même, il y a en cette Assemblée
une coutume qui veut que, pour pouvoir donner un consentement ou un refus sur
une motion, il faut d'abord l'entendre.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, pour le
bénéfice du premier ministre qui nous revient, ma motion se
lirait comme suit: Que cette Assemblée appuie la position
catégorique et sans équivoque exprimée par le premier
ministre à Washington en janvier 1979 à l'effet qu'il serait
inutile, ridicule et trop coûteux de remplacer, sur les panneaux de
signalisation du Québec, le mot "stop", déjà reconnu comme
français tant sur le plan international que par l'Office de la langue
française, par le mot "arrêt" et invite son gouvernement à
surseoir à la décision annoncée hier par le ministre des
Transports, économisant ainsi aux contribuables québécois
une dépense estimée à 6 000 000 $ qui ne saurait se
justifier dans le contexte de la crise économique et budgétaire
actuelle, évitant en même temps que le Québec devienne,
encore une fois, la risée du monde entier.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): II n'y a pas consentement,
je l'ai bien reconnu. Cependant, je tiens à faire remarquer au
député qui a proposé cette motion que la présidence
aura à parler de la longueur des motions. Peut-être qu'elle est un
peu trop longue. Je ne le sais pas, on le verra mardi prochain. M. le
député de Bellechasse.
M. Lachance: M. le Président, j'obtiendrai sûrement
le consentement de mes collègues de l'Opposition et du parti
ministériel pour une motion non annoncée, parce qu'elle a pour
but de réduire les dépenses du gouvernement du Québec. Je
fais lecture de cette motion, M. le Président: Considérant que le
contexte économique très difficile que traverse le
Québec...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député, de la même façon que j'ai demandé
pour le député de Gatineau qu'on l'écoute attentivement,
je le demanderai pour vous.
M. Lachance: Merci, M. le Président. Vous êtes bien
aimable. Considérant que le contexte économique très
difficile que traverse le Québec impose à tous de rechercher et
de proposer des moyens de réaliser des économies qui n'affectent
pas les services dispensés à la population; considérant
qu'il y a d'abord lieu de privilégier des coupures dans des
dépenses superflues, accessoires et inutiles; considérant qu'au
cours de l'exercice financier 1982-1983 il est possible de réaliser une
économie substantielle qui n'aura aucune répercussion sur les
services offerts à la population; je requiers de cette Assemblée,
je fais motion, M. le Président, qu'on demande au gouvernement du
Québec de prendre les dispositions requises pour réduire à
1 $ les crédits alloués pour la fonction de lieutenant-gouverneur
pour l'exercice financier 1982-1983.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a
consentement? Il n'y a pas de consentement.
M. Clair: Une directive...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Juste avant de donner au
ministre des Transports... À l'ordre! À l'ordre! Juste avant, M.
le leader, j'aimerais faire remarquer... M. le député de
Bellechasse, c'est à vous que je m'adresse en premier lieu et, en second
lieu, à tous ceux qui n'ont pas l'habitude de la façon dont les
motions non annoncées doivent être faites. Je vous ai
laissé aller, mais normalement les attendus font partie de
l'argumentation; normalement vous auriez dû passer directement à
votre motion et ensuite passer à votre argumentation lorsque la motion
aurait été acceptée au niveau de discussion. C'est
simplement pour le rappeler à l'ensemble des gens. J'ai une question de
privilège de la part du leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Très brièvement, M. le
Président. Ce genre de motion que nous venons d'entendre semble un petit
peu difficile à comprendre lorsqu'on est à la veille de nous
demander d'aller encore une fois rencontrer le lieutenant-gouverneur pour
sanctionner les projets de loi présentés par le gouvernement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! M. le
ministre des Transports, sur une question de directive.
M. Clair: C'est une demande de directive, M. le Président.
Étant donné que la motion du député de Gatineau n'a
pu être accueillie, je voudrais savoir s'il y a un moment pour dire que
cela ne coûtera absolument rien aux municipalités, le remplacement
des panneaux...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, je pense
que le règlement que nous avons est clair. Vous avez
énormément de
moyens de l'exprimer, soit par une déclaration
ministérielle, soit lors d'une conférence de presse à
l'extérieur de cette Assemblée. Une autre façon, c'est que
la question soit posée lors de la prochaine occasion,
c'est-à-dire mardi prochain, par quelqu'un de cette Assemblée. M.
le député... Juste un instant. Question de règlement de la
part du député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, j'aimerais...
Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de quel
numéro du règlement?
M. Gratton: Pour répondre à l'interrogation, M. le
Président, sur la même question de règlement...
Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a eu la
période de question pour poser des questions au ministre des Transports.
Je n'accepterai pas qu'on revienne sur une demande de directive de la part du
ministre, à laquelle j'ai répondu. Comme vous le savez, je vous
ai permis de présenter votre motion; en conséquence je clos le
débat sur cette question.
M. Gratton: Demande de directive.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Demande de directive.
M. Gratton: Est-ce qu'une autre façon pour le ministre des
Transports de dire ce qu'il voudrait dire n'aurait pas été de
donner le consentement unanime à la motion que j'ai
présentée? (15 heures)
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est pourquoi je
m'étais levé, M. le député de Gatineau.
C'était pour éviter qu'une question de règlement n'en soit
vraiment pas une.
M. le député de Saint-Jean.
M. Proulx: Je laisse tomber ma motion.
Le Vice-Président (M. Jolivet):
Enregistrement des noms...
M. Bissonnet: M. le Président, en vertu de l'article
34...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jeanne-Mance, les questions en vertu de l'article 34 se posent avant les
avis à la Chambre. Nous ne sommes pas rendus là.
M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.
Demande de directive M. Duhaime: M. le Président, je
réponds à l'invitation du député de
Maskinongé qui me référait à la transcription du
journal des Débats que j'ai en main. Je viens de l'avoir il y a une
seconde et c'est le numéro 820513-R/4731 - page 1. Avant de vous
formuler la demande de directive, je voudrais relire le troisième volet
de la question adressée au premier ministre par le député
de Maskinongé: "Troisièmement - je cite et je lis au texte -
est-ce qu'il peut m'assurer qu'un membre de son Conseil des ministres n'est pas
intervenu directement, puisqu'il semble y avoir quelqu'un à
Domrémy, Pointe-du-Lac, qui a une affinité de parenté
très près d'un ministre du Conseil des ministres?"
Des voix: Ah!
M. Duhaime: Ma demande de directive, M. le Président, est
la suivante: Je voudrais que la présidence m'indique de quelle
façon un député de l'Assemblée nationale, qui est
au surplus ministre dans la région de La Mauricie, peut s'y prendre pour
invoquer justement son privilège à partir de l'accusation ou de
l'insinuation sérieuse et...
M. Bertrand: C'est plus grave.
M. Duhaime: ... grave que contient cette question?
Une voix: C'est pire.
Le Président: Oui?
M. Bertrand: M. le Président...
Des voix: ...
M. Bertrand: Le président n'a pas quitté son
fauteuil. M. le Président, pour votre information, on pourrait
peut-être permettre au ministre de renouveler la demande de
directive.
Le Président: M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, je comprends que la
présidence est une espèce de trinité. Nous venons tout
juste d'en voir l'éloquente démonstration.
Je voudrais formuler une demande de directive à la
présidence et, avant de le faire, pour la bonne compréhension de
la demande que je vais formuler, je voudrais relire le troisième volet
de la question que posait tout à l'heure le député de
Maskinongé au premier ministre, et je cite: "Troisièmement,
est-ce qu'il peut m'assurer qu'un membre de son Conseil des ministres n'est pas
intervenu directement puisqu'il semble y avoir quelqu'un à
Domrémy, Pointe-du-Lac, qui a une affinité de parenté
très près d'un ministre du Conseil des ministres?"
M. le Président, ma demande de directive à la
présidence est la suivante: Comment un membre de l'Assemblée
nationale, un député et au surplus un ministre qui est de La
Mauricie, la région concernée, peut s'y prendre pour invoquer son
privilège de député à la suite de l'accusation ou
de l'insinuation très grave que contient et que sous-tend le
troisième volet de la question telle que formulée par le
député de Maskinongé?
Le Président: M. le ministre, je vous rappellerai
l'article 79 du règlement. Vous savez que plusieurs motions qui sont
présentées ici à l'Assemblée doivent
apparaître au feuilleton préalablement à leur discussion
dans cette enceinte. C'est la formule habituelle, régulière et
normale que suit soit le gouvernement, soit l'Opposition pour inscrire des
motions annoncées au feuilleton et qui, après être apparues
au feuilleton, viennent sur le parquet de cette Assemblée pour
discussion. Donc, c'est la procédure normale et habituelle qui doit
s'appliquer en pareil cas, comme une motion de blâme que l'Opposition
pourrait présenter à l'endroit du gouvernement mérite
d'être annoncée au feuilleton et, après un certain
délai, elle peut être amenée en discussion ici à
cette Assemblée.
M. Duhaime: M. le Président, vous allez m'excuser, si je
me fais insistant, mais est-ce que la demande de directive que je vous ai
adressée empêcherait, à l'heure actuelle, le
député de Maskinongé d'identifier le nom du ministre qu'il
a à l'esprit, s'il en existe un?
Le Président: M. le ministre, lorsque les paroles ont
été prononcées, vous vous êtes prévalu, comme
vous aviez d'ailleurs le droit de le faire, de l'article 49 du
règlement. Au stade où nous sommes rendus, l'article 49 ayant
été utilisé, avis verbal ayant été
donné, la présidence en ayant pris acte, la seule autre
possibilité qu'il reste en vertu de notre règlement, c'est
l'article 79, qui parle d'une motion annoncée, donc d'une motion
inscrite au feuilleton, et qui pourrait, si elle était inscrite au
feuilleton et si elle était appelée, être discutée
ici à cette Assemblée. Mais l'article 49 a été, de
part et d'autre, couramment employé aujourd'hui et, à ce
stade-ci, je ne reconnaîtrai ni le député de
Maskinongé, ni le ministre des Transports, ni le ministre de
l'Énergie et des Ressources sur l'article 49.2 du règlement, tout
en rappelant que l'article 79 fait également partie de notre
règlement.
M. Bertrand: M. le Président, simplement un
complément d'information à la demande de directive. Si le
ministre et député de Saint-Maurice inscrit au feuilleton, mardi,
une motion, se prévalant justement de l'article 79, la demande de
directive est dans le sens suivant: De quelle façon, par la suite, y
a-t-il ou non débat sur cette motion et comment la décision
est-elle prise de convoquer une commission pour entendre la personne
visée par la motion?
Le Président: C'est la première fois que la
présidence actuelle a affaire à un pareil cas. Ce que je vous
dirai, c'est que cette motion, comme l'article 79 l'indique, est
privilégiée et, en conséquence, si elle apparaissait au
feuilleton mardi, elle devrait nécessairement être débattue
mercredi en raison de son caractère privilégié.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je ne sais pas
pourquoi toutes ces questions, mais, sur cette question de règlement, je
trouve que, lorsqu'on a des questions à poser, on doit d'abord lire son
règlement et ensuite, si on ne peut pas le comprendre, on s'informe
auprès de la personne la plus autorisée autour de soi. Vous
êtes toujours à la disposition des députés et je me
demande pourquoi ces questions, ces demandes de directive complètement
superflues, une perte de temps. Alors que la province est prise avec des
problèmes économiques considérables, on est en train de
niaiser depuis tout à l'heure, je ne sais pas combien de temps.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, je comprends
que tous sont censés connaître la loi, c'est un proverbe en droit.
On doit présumer également que tous les députés
doivent connaître l'ensemble des articles du règlement, mais je
pense qu'il existe une coutume, des traditions qui font que,
régulièrement, des députés des deux
côtés de l'Assemblée demandent des directives au
président et la présidence a l'habitude ou bien de suspendre,
lorsqu'elle n'est pas sûre de ses réponses, ou bien de
répondre sur le champ, lorsqu'elle est convaincue de ses
réponses. C'est ce qu'elle a fait dans les minutes qui ont
précédé.
M. Brassard: Question de règlement.
Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Brassard: C'est parce que vous avez dit tout à l'heure
que la motion pourrait être appelée mercredi. Or, j'ai cru
comprendre qu'en vertu de l'article 49.3, le fait que le député
de Saint-Maurice ait annoncé verbalement qu'il avait l'intention de
présenter une motion, cela constituait un avis et qu'à ce
moment-là, la motion pourrait être appelée dès
mardi.
Le Président: À l'ordre! À l'ordre, s'il
vous plaît!
Évidemment, la présidence n'a pas le monopole - À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! - de
la connaissance du règlement, mais je répéterai simplement
que, selon mon interprétation des articles 49.2 et 49.3 et 79 du
règlement, la présidence a pris acte qu'un avis verbal a
été donné à savoir qu'une motion annoncée
pourrait être inscrite. Une motion annoncée, au sens du
président, veut dire une motion écrite, inscrite au feuilleton,
donc, qui sera privilégiée. Si elle apparaît au feuilleton
de mardi, elle sera privilégiée mercredi. C'est la réponse
que je répète et c'est l'interprétation que je donne des
articles concernés.
Enregistrement des noms sur les votes en suspens. Qu'on appelle les
députés.
(Suspension de la séance à 15 h 11)
(Reprise de la séance à 15 h 16)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
Mise aux voix du projet de loi no 46
II y a plusieurs votes. Je commence par la première motion mise
aux voix, qui est la motion du ministre des Affaires municipales, à
savoir que le projet de loi no 46, Loi modifiant la Loi de la Communauté
urbaine de Montréal, soit maintenant lu la deuxième fois. Que
ceux et celles qui sont pour veuillent bien se lever, s'il vous
plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Bertrand, Mme Marois, MM. Bédard, Parizeau, Morin, Johnson (Anjou),
Bérubé, Lazure, Gendron, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Lessard, Biron,
Rancourt, Léger, Clair, Chevrette, Fréchette, Duhaime,
Léonard, Martel, Baril (Arthabaska), Proulx, de Belleval, Brassard,
Dean, Gagnon, Dussault, Vaugeois, Desbiens, Mme Juneau, MM. Fallu, Bordeleau,
Leduc (Fabre), Marquis, Boucher, Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata),
Champagne, Blais, Blouin, Gauthier, Gravel, Laplante, Lavigne, LeMay,
Rodrigue, Payne, Tremblay, LeBlanc, Lafrenière, Paré, Lachance,
Dupré, Ryan, Lévesque
(Bonaventure), Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Lalonde, Mme Bacon, MM.
Marx, Bélanger, Blank, Caron, Mathieu, Assad, Vallières, Lincoln,
Picotte, Pagé, Gratton, Fortier, Rocheleau, Bissonnet, Polak, Maciocia,
Cusano, Dubois, Sirros, Saintonge, Dauphin, French, Doyon, Kehoe, Middlemiss,
Leduc (Saint-Laurent).
Le Vice-Président (M. Jolivet): Que ceux et celles qui
sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: M. Charron, Mme Lachapelle, MM.
Paquette, Bisaillon, Mme Harel, M. Rochefort.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Que ceux et celles qui
s'abstiennent veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: M. Grégoire.
Le Secrétaire: Pour: 85
Contre: 6
Abstentions: 1
Le Vice-Président (M. Jolivet): La motion est
adoptée.
Est-ce qu'il y a une motion, M. le leader? (15 h 20)
Renvoi à la commission des affaires
municipales
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a une
motion, M. le leader?
M. Bertrand: Je ferais motion pour que ce projet de loi soit
déféré à la commission parlementaire permanente des
affaires municipales.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Mise aux voix des motions de
sous-amendement et d'amendement ainsi
que de la motion demandant la révision
du système de taxation municipale
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adapté. Je
demanderais l'attention de tous et toutes pour la prochaine motion qui contient
un amendement et un sous-amendement. Comme le prévoit le
règlement, nous allons donc débuter par le sous-amendement qui se
lit comme suit: "Que la motion d'amendement soit amendée en ajoutant,
après le mot "fédéral", les mots "et le gouvernement du
Québec", et en remplaçant les mots "qu'il doit sur ses" par les
mots "sur leurs".
Avant de passer au vote, je vais lire l'amendement pour la bonne
compréhension. La motion d'amendement est la suivante: "Que la motion en
discussion soit amendée en remplaçant, dans la première
ligne, le mot "exige" par le mot "demande", en remplaçant, dans la
deuxième ligne, le mot "révise" par le mot "ajuste", et en
retranchant, dans la troisième ligne, tous les mots après le mot
"municipal" et en ajoutant les mots suivants: "de façon à en
améliorer l'équité entre les contribuables. Que cette
révision se fasse de concert avec les
municipalités dont c'est la responsabilité première
et vise également à amener le gouvernement fédéral
à payer aux municipalités les taxes qu'il doit sur ses
immeubles."
La motion principale se lisait comme suit: "Que cette Assemblée
exige du gouvernement qu'il révise le système de taxation
municipale qui crée de plus en plus de déséquilibre et
s'avère de plus en plus injuste envers de très nombreux
contribuables."
M. Lalonde: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Lalonde: Je m'excuse de vous interrompre en ce moment, mais le
député de Rosemont, qui avait fait cette motion, se souvient que,
de consentement, on avait enlevé les mots "qu'il doit", pour ne pas
soulever le problème de dette; c'était simplement "les taxes sur
ses immeubles".
Le Vice-Président (M. Jolivet): Vous avez raison.
C'était ce qu'on avait convenu de part et d'autre de cette
Assemblée.
La motion de sous-amendement est à l'effet d'ajouter,
après le mot "fédéral", les mots "et le gouvernement du
Québec", et de remplacer les mots "qu'il doit sur ses" -c'est là
que l'amendement se faisait - par les mots "sur leurs".
En conséquence, que ceux et celles qui sont pour ce
sous-amendement veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure),
Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, M. Lalonde, Mme Bacon, MM. Marx, Bélanger,
Blank, Caron, Mathieu, Assad, Vallières, Lincoln, Picotte, Pagé,
Gratton, Fortier, Rocheleau, Bissonnet, Polak, Maciocia, Cusano, Dubois,
Sirros, Saintonge, Dauphin, French, Doyon, Kehoe, Middlemiss, Leduc
(Saint-Laurent).
Le Vice-Président (M. Jolivet): Que ceux et celles qui
sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Bertrand, Mme Marois, MM. Bédard, Parizeau, Morin, Johnson (Anjou),
Bérubé, Lazure, Gendron, Lessard, Biron, Rancourt, Léger,
Clair, Chevrette, Fréchette, Duhaime, Léonard, Martel, Baril
(Arthabaska), Charron, Proulx, de Belleval, Ouellette, Mme Lachapelle, MM.
Brassard, Dean, Paquette, Gagnon, Dussault, Vaugeois, Desbiens, Mme Juneau, MM.
Fallu, Grégoire, Bordeleau, Bisaillon, Leduc (Fabre), Marquis, Boucher,
Mme Harel, MM. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Champagne,
Blais, Blouin,
Gauthier, Gravel, Laplante, Lavigne,
Rochefort, LeMay, Rodrigue, Payne,
Tremblay, LeBlanc, Lafrenière, Paré, Lachance,
Dupré.
Une voix: Est-ce qu'on peut ajouter le nom du
député des Îles-de-la-Madeleine?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a
consentement, oui?
Une voix: Peut-être.
Le Secrétaire: Pour: 32
Contre: 61
Abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Jolivet): Motion de sous-amendement
rejetée.
Que ceux et celles qui sont pour la motion d'amendement veuillent bien
se lever s'il vous plaît!
M. Bertrand: M. le Président, est-ce qu'on pourrait
proposer aux députés de l'Opposition d'avoir un vote unanime
là-dessus ou un vote renversé?
M. Levesque (Bonaventure): Vote renversé.
Le Vice-Président (M. Jolivet): II y a consentement pour
que le vote soit renversé. Donc, la motion d'amendement est
adoptée.
La motion principale, telle qu'amendée, se lirait comme suit: Que
cette Assemblée demande au gouvernement du Québec qu'il ajuste le
système de taxation municipale de façon à en
améliorer l'équité entre les contribuables, que cette
révision se fasse de concert avec les municipalités dont c'est la
responsabilité première et vise également à amener
le gouvernement fédéral à payer aux municipalités
les taxes sur ses immeubles.
Cette motion est-elle unanimement adoptée? Adopté.
Avis à la Chambre, en vertu de l'article 34, M. le
député de Jeanne-Mance.
Recours à l'article 34
M. Bissonnet: M. le Président, ma question s'adresse au
leader parlementaire. Cet après-midi, nous entreprendrons la
deuxième lecture du projet de loi no 65. Je demande au leader
parlementaire quand entend-il déférer le débat,
après la deuxième lecture, en commission parlementaire.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Probablement pas la semaine prochaine,
indépendamment de la possibilité que nous terminions ce soir. La
semaine prochaine, ce serait plutôt la
commission parlementaire des affaires municipales qui serait
appelée à travailler avec les autres commissions qui
étudient des crédits.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: Le ministre a-t-il l'intention de convoquer les
groupes qui seraient intéressés à intervenir devant la
commission, les groupes qui avaient été convoqués au mois
de septembre, puisqu'il y a des modifications importantes au projet de loi?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Je n'ai pas avec moi la feuille... À moins
que je fouille un peu. Oui, j'ai avec moi une feuille faisant état du
vaste processus de consultation qui a eu lieu. On se rappellera d'abord que,
quand le gouvernement du Québec a mis sur pied la commission
Paré, il y avait un attendu qui se lisait comme suit: "Attendu que le
gouvernement possède une abondante documentation sur le sujet, ce qui
rend d'autres recherches théoriques ultérieures
inappropriées..." C'était dans le décret du 3 septembre
1980, si vous voulez bien me laisser terminer. La commission Paré a
reçu 134 mémoires, elle a eu...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le leader,
mais il y a un peu trop de bruit et le député de Jeanne-Mance
doit bien entendre la réponse que vous lui donnez. S'il vous
plaît! M. le leader.
M. Bertrand: M. le Président, je disais que, dans le
décret du 3 septembre 1980, il était déjà fait
état d'un bon nombre d'études et de recherches et d'une abondante
documentation qui avait été récoltée sur le sujet.
La commission Paré, qui a travaillé pendant huit mois, a
reçu 134 mémoires et, d'elle-même, elle a pris l'initiative
de rencontrer une trentaine de groupes ou d'individus pour ajouter à ses
informations.
La commission parlementaire a reçu 24 mémoires, elle a
donc entendu 24 groupes et individus les 1er, 2 et 3 septembre 1981. Au
ministère des Communications, pendant six, sept ou huit mois, environ,
il y a eu plus de 65 rencontres avec des groupes, des individus; il y a eu
réception de courrier, des avis nous ont été
acheminés. À ce moment-ci, s'il y a une chose dont nous avons
besoin, c'est de passer à l'action. J'indique donc qu'il n'y aura pas de
commission parlementaire pour convoquer d'autres groupes mais,
évidemment, en commission parlementaire, les parlementaires, eux, auront
probablement tout le loisir de faire leur travail d'étude article par
article.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jeanne-Mance.
M, Bissonnet: Est-ce l'intention du gouvernement de
présenter un projet de loi spécial sur les élections de
l'agglomération A-11 de taxi sur l'île de Montréal dans les
semaines à venir?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Oui, M. le Président, c'est notre intention
de présenter ici, devant l'Assemblée nationale, probablement la
semaine prochaine, un projet de loi sur cette question de la ligue A-11.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Lalonde: En vertu de l'article 34, M. le Président,
nous venons d'adopter unanimement, le premier ministre en tête, une
motion qui dit ceci: "Que cette Assemblée demande au gouvernement qu'il
ajuste le système de taxation municipale de façon à en
améliorer l'équité entre les contribuables." Le leader du
gouvernement pourrait-il nous dire quand il entend déposer en cette
Chambre un projet de loi qui va donner suite à cette décision
unanime de l'Assemblée nationale? (15 h 30)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je ferai remarquer au
député de Marguerite-Bourgeoys que la motion ne fait pas
spécifiquement mention d'un projet de loi. Elle demande que des gestes
puissent être posés en concertation, d'ailleurs, avec le milieu
municipal et en invitant le gouvernement fédérai à payer
ses taxes dans les municipalités où il a des immeubles. Dans un
contexte comme celui-là, maintenant, le ministre des Affaires
municipales sentira que l'Assemblée nationale lui a donné
unanimement un mandat pour regarder toute cette question en se basant sur les
principes d'équité auxquels il est fait référence
dans la motion. Je crois que le message a été bien reçu et
le ministre est très content, d'ailleurs, de l'unanimité qui
s'est faite sur la question.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Lalonde: II me semble que cela mérite plus que des
discours, des sermons.
On sait que c'est la Loi de l'évaluation foncière qui
cause le problème. Est-ce que le ministre, le leader, pourrait nous dire
s'il va soumettre à l'Assemblée nationale le plus tôt
possible, dans les jours et les semaines qui vont venir, des amendements
à la Loi sur l'évaluation foncière pour changer le
système?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, le comité
Québec-municipalités siège, par les temps qui courent, sur
cette question de la taxation et le ministre a probablement hâte de
recevoir un rapport du comité. À la suite de cela, s'il y a des
questions qui doivent être posées sur les suites que le ministre
entend donner, je crois que la période des questions sera tout à
fait appropriée.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Lalonde: Dans un autre ordre d'idées, M. le
Président, concernant la concentration de la presse, il s'agit d'une
vieille promesse électorale remplie de fils d'araignée,
j'imagine, du Parti québécois. J'ai vu dans les journaux
récemment que le ministre des Communications, qui est aussi leader du
gouvernement, a l'intention de saisir l'Assemblée nationale d'un projet
de loi. Est-ce que ce serait pour les jours qui viennent?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Non, M. le Président. Ce ne sera pas pour les
jours qui viennent, mais c'est exact. Je confirme les informations
publiées dans le journal Le Devoir, à savoir que le ministre des
Communications a produit un document qu'il a soumis à l'attention du
comité ministériel permanent du développement culturel et
que nous avons eu là-dessus une discussion. Je rappellerai que ce n'est
pas la première fois que nous abordons cette question. J'ai même
vu dans mes papiers, pour m'alimenter de tout ce qui a été
préparé avant que j'arrive au ministère des
Communications, un projet inscrit au nom du député de
Marguerite-Bourgeoys et soumis à l'attention du Conseil des ministres
quelque part en 1974, 1975, sur la même question.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M le député
de Champlain.
M. Gagnon: M. le Président, en vertu de l'article 34.
Est-ce que le leader du gouvernement pourrait me dire, à la suite de la
motion que nous venons d'adopter unanimement, si cela prendra une loi
spéciale pour obliger le gouvernement fédéral à
payer ses taxes sur ses immeubles ici, au Québec.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Je ne le sais pas, M. le Président, mais je
sais que ça prendrait au moins une chose, un gouvernement
fédéral responsable.
M. Lalonde: Sur cette même question, est-ce que le leader
est conscient que le gouvernement fédéral paie des "en lieu" de
taxes comme le gouvernement provincial?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, il ne s'agit vraiment pas de
l'organisation de nos travaux parlementaires. Si vous voulez m'embarquer
là-dessus, je pense qu'on pourrait faire une comparaison entre ce qui
est payé par le gouvernement du Québec et le gouvernement
fédéral et les fameux "en lieu" dont vous parliez; ce n'est rien
à côté des dizaines de millions de dollars que nous payons
aux municipalités sur les établissements scolaires et tout autre
établissement du même genre, propriétés
gouvernementales, etc.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avis à la Chambre.
M. le leader du gouvernement.
Avis à la Chambre
M. Bertrand: M. le Président, je rappelle que demain il y
a une question avec débat, au salon bleu, de 10 heures à 13
heures, inscrite au nom du député de Laurier pour le ministre de
l'Énergie et des Ressources sur les coupures de services
d'Hydro-Québec.
Mardi prochain, le 18 mai, de 10 heures à 12 h 30, au salon
rouge, la commission parlementaire de l'environnement entreprendra
l'étude de ses crédits; à la salle 81-A, la commission des
affaires municipales pourra poursuivre l'étude article par article du
projet de loi no 46 et, à la salle 91-A, la commission de
l'éducation mettra fin à l'étude de ses crédits.
Tout ça, le mardi 18 mai prochain, de 10 heures à 12 h 30.
Je donne avis aussi que le jeudi 27 mai la commission des engagements
financiers siégera à la salle 91-A toute la journée, mais
toute la journée avec une exception: de 9 h 30 à 13 heures, il y
aura suspension pour permettre au chef de l'Opposition de prononcer son
discours en réponse au discours sur le budget, ou celui qui le
remplacera à ce moment. Ce serait durant l'après-midi, le jeudi
27 mai. Donc, comme c'est la coutume,
il n'y aura pas de commission qui siégera pendant que le
porte-parole de l'Opposition prononcera son discours, mais durant la
soirée, bien sûr, la commission des engagements financiers
continuera ses travaux de 20 heures à 22 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Les motions, M. le
leader.
M. Bertrand: II n'y a qu'une seule motion, M. le
Président. Aujourd'hui, de 15 h 35 à 18 heures et de 20 heures
à 22 heures, au salon rouge, la commission des affaires municipales
entreprend l'étude article par article du projet de loi no 46 sur la
Communauté urbaine de Montréal.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de passer aux
affaires du jour, la question avec débat du vendredi 21 mai, M. le
leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le Président.
D'abord, celle qui est prévue pour demain, commission permanente de
l'industrie, du commerce et du tourisme, question avec débat... Non,
c'est plutôt la commission de l'énergie et des ressources au salon
bleu ici demain, à 10 heures. Il s'agit de la question avec débat
du député de Laurier au ministre de l'Énergie et des
Ressources sur le sujet suivant: Les coupures de service d'Hydro-Québec.
Ce sera demain matin.
Quant à vendredi prochain, je n'ai pas encore l'assurance qu'il
n'y aura pas de modifications. Il y a quelques instants, j'ai eu une demande du
côté ministériel dans ce sens, mais s'il n'y a pas de
changement, ce sera, comme prévu ici en appendice au feuilleton, la
commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme, question avec
débat du député de Notre-Dame-de-Grâce au ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme sur le sujet suivant: La situation
économique dans l'Estrie. Il est possible que ce soit un autre ministre
qui remplace le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme si ce
dernier ne pouvait pas s'y rendre, mais, encore là, les discussions
étant préliminaires, nous allons donc nous en tenir pour le
moment à l'avis qui paraît au feuilleton. De toute façon,
le sujet annoncé, c'est la situation économique dans la
région de l'Estrie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Donc, l'avis est
donné pour la semaine prochaine. Les affaires du jour, M. le leader?
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 9 qui est inscrit au feuilleton d'aujourd'hui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Avant que nous procédions
ainsi, si vous me le permettez, j'aimerais que le leader parlementaire du
gouvernement, selon une tradition que nous ne voulons pas voir
disparaître, nous fasse part des travaux qu'il envisage pour la semaine
prochaine ainsi que l'ordre qu'il a présentement à l'esprit.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: La semaine prochaine, nous aurions trois
possibilités. Premièrement, la motion inscrite au nom du ministre
de l'Énergie et des Ressources, mardi. Selon l'avancement de nos travaux
aujourd'hui sur la loi d'accès, s'il restait une heure, une heure et
demie ou deux heures, selon le nombre d'orateurs qu'il y a de chaque
côté et la volonté des parlementaires de se prononcer sur
ce projet de loi, nous pourrions peut-être prendre une partie de la
journée de mardi, peut-être la soirée, pour terminer le
débat sur la loi d'accès. On verra, on pourra en discuter entre
nous pour voir le nombre d'orateurs qui voudraient se prévaloir de leur
droit de parole. Mercredi matin, à 10 heures, nous entreprendrions
l'étude du projet de loi no 62, jusqu'à 13 heures. Par la suite,
bien sûr, ce sera la journée de l'Opposition, le mercredi
après-midi et, jeudi, la motion inscrite au nom du ministre de
l'Énergie et des Ressources. Cela serait pour les travaux de
l'Assemblée nationale.
Pour ce qui est des commissions parlementaires, la seule autre
commission parlementaire qui siégerait la semaine prochaine en dehors de
celles qui vont étudier des crédits serait la commission
parlementaire permanente des Affaires municipales sur le projet de loi no
46.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de
l'Opposition.
M. Pagé: Pour être certain qu'on se comprenne bien,
est-ce que le leader du gouvernement vient de nous indiquer que nous
aborderions dès mardi après-midi, après la période
de questions, la motion inscrite au nom du ministre de l'Énergie et des
Ressources? C'est ça que vous voulez nous dire? Si ce n'était pas
complété mardi soir, nous la reprendrions jeudi
après-midi, est-ce bien cela? Est-ce que je peux poser une autre
question, M. le Président?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui, M.
le whip. (15 h 40)
M. Pagé: J'ai été avisé seulement ce
midi que le gouvernement entendait déférer en commission
parlementaire l'étude du projet de loi no 46 article par article
dès cet après-midi. On sait que c'est un projet de loi qui est
important. Le leader du gouvernement n'est certainement pas sans savoir que de
nombreux députés veulent intervenir là-dessus. Je me vois
dans l'obligation, et le leader aussi, de signaler à nos
députés, qui avaient, dans certains cas, des engagements dans
différents ministères, ici à Québec, ou encore dans
leur comté, demain matin très tôt, dans la région de
Montréal, de leur signifier qu'ils doivent mettre de côté
les engagements qu'ils ont pris pour se rendre en commission étudier le
projet de loi no 46 article par article. Cela vient bouleverser
particulièrement les agendas chargés des
députés.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, avec tout le respect que je
dois au député de Portneuf, je voudrais simplement lui dire ceci:
II est possible qu'il ait reçu avis que la commission siégerait
cet après midi, après le vote, mais je veux lui indiquer -
là-dessus, j'en ai moi-même fait part hier, je pense, au
député de Maskinongé - que, de toute façon, il y a
eu là-dessus communication - je peux vous le confirmer officiellement -
entre mon bureau et le bureau du leader pour faire savoir que, dès
aujourd'hui, nous entreprendrions l'étude article par article du projet
de loi.
Je vous rappellerai le contexte dans lequel la question m'avait
été posée, c'est qu'hier, on se demandait si le vote
aurait lieu mercredi, puisque le débat s'est terminé à 13
heures, ou aujourd'hui jeudi. Or, comme des députés m'avaient
manifesté le désir de voter sur cette question jeudi plutôt
que mercredi, on m'avait alors demandé: À quel moment la
commission parlementaire siégera-t-elle? J'avais bien indiqué que
la commission parlementaire siégerait après que nous aurions pris
le vote, c'est-à-dire jeudi après-midi et jeudi soir.
Je veux bien qu'on me dise que le député n'a pas
reçu l'information, mais je veux qu'il sache que je l'ai transmise et
qu'il y a eu accord sur cette question.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de
l'Opposition.
M. Pagé: Très brièvement, M. le
Président, le leader du gouvernement - je le remercie - comprendra que
je doive me lever à ce moment-ci et lui dire que, si je n'ai pas pu
recevoir l'avis qui a été donné au whip adjoint hier
après-midi, c'est non pas que je ne remplissais pas mon devoir, mais que
j'étais aux funérailles de M. Villeneuve à ce
moment-là.
M. Bertrand: Je comprends très bien, M. le
Président, et je sais qu'un certain nombre de députés et
de ministres s'étaient rendus à Berthierville. C'est une des
raisons d'ailleurs pour lesquelles nous n'avons pas pris le vote hier.
Par contre, je dois lui dire que nous avions indiqué à
l'un de ses collègues que la commission parlementaire siégerait
aujourd'hui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de
l'Opposition. M. le député de Verdun.
M. Caron: M. le Président, moi aussi, je suis
intéressé de très près au projet de loi no 46. Je
pense que l'Opposition a montré une certaine largeur d'esprit pour
collaborer avec le ministre des Affaires municipales. On devait voter hier sur
le projet de loi mais, à la suite du décès de M.
Villeneuve, le vote a été reporté à aujourd'hui.
J'ai, moi aussi, discuté avec le ministre des Affaires municipales. On
devait voter aujourd'hui et entreprendre l'étude du projet de loi en
commission mardi. Je me demande si, avec la collaboration de l'Opposition, il
n'y a pas une possibilité, vu que certains députés ont des
engagements - et moi-même le premier, étant sûr qu'on devait
siéger mardi - de revenir sur des articles qui seront adoptés
à la commission des affaires municipales.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Je pense, M. le Président, que, pour rendre
service à tout le monde, dans la mesure où un représentant
indiquerait à la commission parlementaire - par exemple, le
député de Verdun - qu'il voudrait se faire entendre sur un
certain nombre d'articles très particuliers, il n'y aurait aucune
objection - je le dis immédiatement pour en informer notre
représentant à la commission parlementaire - de permettre que ces
articles, dans certains cas, puissent être retenus pour la semaine
prochaine. Mais, que voulez-vous, M. le Président, nous avons
organisé les travaux parlementaires, nous en avons parlé hier
à un représentant de l'Opposition officielle et la communication
a été transmise aux fonctionnaires de l'Opposition officielle
pour leur faire savoir qu'après le vote, il y aurait commission
parlementaire.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Je me permets de plaider une dernière fois. Nous
sommes en présence
d'une quantité considérable d'amendements dont plusieurs
sont d'ordre mineur, sans doute, mais le texte nous a été remis
au tout début de l'après-midi, nous n'avons même pas eu le
temps d'en prendre connaissance. Comment voulez-vous que nous ayons une opinion
du député de Verdun, si nous allons en commission, alors qu'il
n'a même pas eu le temps de les voir encore?
Pour la bonne qualité du travail que nous voulons accomplir, nous
serions bien mieux placés pour entreprendre ce travail en commission
mardi. Je pense que les résultats seraient meilleurs. Le ministre sait
que, quand le travail est bien fait, les résultats sont plus
intéressants pour tout le monde.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jeanne-Mance, parce que c'est sur la même question.
M. Bissonnet: M. le Président, ce ne sera pas long, c'est
pour signifier également au leader parlementaire qu'étant un
député de la région de Montréal et ayant une
expérience très pertinente surtout à l'intérieur de
la communauté urbaine, et compte tenu également que je suis ici
cet après-midi à étudier le projet de loi no 65, je pense
qu'il serait préférable, si le ministre des Affaires municipales
a une entente avec l'Opposition, de remettre cette commission à mardi
prochain.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je suis ouvert. Cependant,
je vous ferai remarquer que le projet de loi no 46 est un projet de loi qui,
évidemment, va nécessiter plusieurs journées de
discussions en commission parlementaire. Cela va de soi, il y a beaucoup
d'amendements qui peuvent être apportés non seulement par
l'Opposition, mais plusieurs aussi par le ministre des Affaires
municipales.
Cependant, est-ce que l'Opposition, dans la mesure où
j'accepterais de collaborer ainsi, pourrait m'indiquer quelles sont ses
intentions relativement au projet de loi no 65? Selon les discussions que nous
avons eues à l'amiable en dehors de l'Assemblée nationale, je
crois savoir que nous pourrions en disposer relativement rapidement en
deuxième lecture. Cet après-midi, on me parlait de huit orateurs
et le whip, tout à l'heure, en indiquait seize...
Une voix: C'est l'enthousiasme!
M. Bertrand: C'est l'enthousiasme? J'en doute fort. Ceci
étant dit, dans le cas de la commission des communications, il est
évident qu'on devra, dans ce cas comme dans celui du projet de loi no
46, avoir de bonnes discussions lors de l'étude article par article en
commission parlementaire. Dans la mesure où je reporte les discussions
de la commission parlementaire pour le projet de loi no 46, cela les reporte
autant pour le projet de loi no 65. Est-ce qu'on pourrait me donner - c'est
peut-être le ministre des Communications en même temps que le
leader qui le demande - une indication sur le moment où l'Opposition
pourrait clore le débat en deuxième lecture?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de
l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Je pense bien, comme l'a
indiqué le député de Portneuf, notre whip en chef, qu'il
s'agissait peut-être d'un peu d'enthousiasme. Ce n'est pas que le projet
de loi soit tellement enthousiasmant, mais cette exagération
était peut-êre voulue dans un sens; il pourra l'expliquer, s'il le
désire. Quant à nous, si nous ne terminons pas ce soir, nous
pourrions nous entendre pour terminer pas plus tard que 18 heures mardi.
M. Bertrand: À 22 heures, si on commence à 20
heures?
M. Levesque (Bonaventure): Ah oui!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip.
M. Pagé: M. le Président, pour faire d'une longue
histoire une histoire courte, plusieurs collègues sont vivement
intéressés par les dispositions du projet de loi no 65, et je
pense qu'au cours des interventions du député de Jeanne-Mance et
du député de Westmount, cet après-midi, nous serons en
mesure de faire valoir plusieurs des inquiétudes soulevées par
les députés. Cependant, si le leader du gouvernement voulait nous
assurer que nous pourrions avoir tout l'après-midi de mardi, nous
pourrions, quant à nous, lui donner notre consentement et notre parole
que mardi, à 18 heures, nous aurions complété
l'étude en deuxième lecture du projet de loi no 65 et nous
serions disposés à aborder l'étude de la motion du
ministre de l'Énergie et des Ressources à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: M. le Président, comme j'ai
déjà indiqué l'ordre des travaux pour mardi et comme j'en
ai donné ma parole au leader de l'Opposition, nous appellerons,
après la période des questions, la motion inscrite au nom du
ministre de l'Énergie et des Ressources. Est-ce que je peux conclure
que, de 20 heures à 22 heures, nous
pourrions disposer de la loi d'accès? De 20 heures à 22
heures? D'accord?
En terminant, est-ce que ce serait possible de concevoir que, la semaine
prochaine, mercredi soir, la commission des affaires municipales puisse
siéger pour l'étude du projet de loi no 46 pour remplacer la
séance d'aujourd'hui? On vient de m'informer que la communication a
été transmise mardi aux députés de l'Opposition les
avisant que la commission siégerait aujourd'hui.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Est-ce que le leader a communiqué avec le
ministre de l'Énergie et des Ressources concernant les études
juridiques ou techniques qui pourraient avoir été faites par le
gouvernement en relation avec la motion du ministre qu'on va débattre
mardi?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: M. le Président, là-dessus, je pense
que le ministre de l'Énergie et des Ressources m'a dit qu'il pourrait
avoir une conversation avec le député d'Outremont. Il ne m'a pas
indiqué qu'il avait en sa possession les documents ou les études,
ne sachant pas trop à quoi se référait le
député d'Outremont. Par conversation téléphonique,
vous pourriez probablement vous entendre sur cette question. À
première vue, il n'avait rien à déposer.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de continuer ce
débat, parce que c'est bien en vertu de l'article 34 que la question
avait été posée, je n'ai pas encore entendu la
réponse concernant la soirée de mercredi prochain sur le projet
de loi no 46. M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Si on s'entendait pour les choses
d'aujourd'hui, il me semble que ce serait... Cela ne veut pas dire que ce sera
une fin de non-recevoir. Au contraire, s'il n'y a pas d'objection majeure, on
siégera mercredi soir. Si, d'une part, on accepte de remettre
l'étude article par article du projet de loi no 46 à la semaine
prochaine et si, d'autre part, le projet de loi no 65 est adopté d'ici
à mardi, 22 heures... (15 h 50)
Une voix: Le projet de loi no 37.
M. Levesque (Bonaventure): Le projet de loi no 37, attendez! Je
pense qu'on a fait un pas qui pourra être suivi d'autres pas, s'il n'y a
pas d'objection majeure.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: C'est d'accord, M. le Président. Je veux
simplement terminer en disant qu'effectivement - là-dessus, je pense que
c'est important quand même pour les fonctionnaires qui travaillent avec
nous, par strict respect des engagements qu'ils prennent entre eux il y a eu
des informations de transmises depuis mardi, mais, là-dessus, je suis
prêt à collaborer avec l'Opposition.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je dois conclure qu'il y
aurait consentement pour retirer la motion à l'effet de faire
siéger la commission des affaires municipales dès maintenant
jusqu'à 22 heures, avec interruption pour le souper.
Une voix: Et mercredi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): La partie de la semaine
prochaine, ce sera la semaine prochaine.
M. le député d'Outremont, j'ai cru comprendre que vous
aviez une question en vertu de l'article 34. Le leader serait prêt
à répondre à une deuxième question.
M. Fortier: Cet après-midi, le ministre d'État au
Développement économique a fait connaître le document
"Bâtir le Québec 2". J'ai voulu en obtenir une copie et on m'a dit
qu'il n'y a aucune copie pour les députés. Le leader pourrait-il
nous assurer que le document sur cette politique du gouvernement sera à
la disposition des députés de cette Chambre?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.
M. Bertrand: M. le Président, immédiatement, je
fais savoir aux gens qui sont dans l'antichambre que la demande du
député d'Outremont a été formulée, de
l'acheminer au ministre d'État au Développement économique
et de voir si, effectivement, ce document peut être transmis aux
députés et à quel moment il peut l'être.
Projet de loi no 65 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous revenons donc au
début du débat, c'est-à-dire la deuxième lecture du
projet de loi no 65, Loi sur l'accès aux documents des organismes
publics et sur la protection des renseignements personnels. La parole est au
ministre des Communications.
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, le lieutenant-gouverneur a
pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude
à la Chambre.
Je voudrais vous dire que c'est non seulement avec beaucoup de
fierté, mais en même temps avec beaucoup d'enthousiasme que je
présente aujourd'hui ce projet de loi no 65, Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels. Ma fierté est grande pour la raison suivante. C'est que je
crois que nous allons, avec ce projet de loi, franchir une autre étape
importante en vue d'améliorer le système démocratique de
notre société, en vue d'améliorer la transparence dans le
fonctionnement de nos institutions publiques et en vue de permettre aussi
-c'est surtout cela qui est important - à l'ensemble de nos concitoyens
et concitoyennes, d'avoir, premièrement, la possibilité de
trouver dans les organismes publics les informations qu'en démocratie
ils sont en droit d'obtenir pour participer véritablement au
débat sur l'ensemble des décisions qui se prennent.
Deuxièmement, ces citoyens et citoyennes du Québec doivent sentir
que les organismes publics qui détiennent sur leur personne des
informations font en sorte, par tous les moyens, que ces informations sont
détenues dans la plus grande sécurité, que leur
caractère de confidentialité est protégé et que ces
informations ne sont pas utilisées, de n'importe quelle façon,
pour être vendues, échangées ou même recueillies,
sans tenir compte de certains principes et de certains objectifs très
clairs et très précis.
Mon enthousiasme, M. le Président, tient au fait que nous
entrons, avec ce projet de loi, dans ce qu'on appelle, dans le jargon des
juristes, du droit nouveau. En effet, c'est un champ nouveau, un champ ouvert
qui se présente devant nous et il s'agit, pour nous, parlementaires de
l'Assemblée nationale, de faire en sorte que par ce projet de loi nous
puissions, comme le disait d'ailleurs le rapport de la commission Paré,
du nom du président qui avait la responsabilité de diriger tout
un groupe de travail, garantir en même temps trois droits qui peuvent
paraître des droits concurrents, mais qui, dans le fond, sont des droits
qui peuvent être assurés en même temps; le droit du public
à l'information; le droit des citoyens et citoyennes à la
protection de leur vie privée et le droit aussi au bon gouvernement.
Ce projet de loi n'est pas un projet de loi comme les autres. Il s'agit
d'un projet de loi qui couvre un champ d'action plus vaste, plus étendu
que les projets de loi qui sont habituellement soumis à l'attention de
l'Assemblée nationale. C'est un projet de loi fondamental qui touche aux
principes mêmes qui nous guident dans le fonctionnement de notre
société. C'est un projet de loi qui affectera l'ensemble de nos
concitoyens et concitoyennes et qui touchera plus de 5000 organismes
publics.
C'est vous dire, M. le Président, que le champ d'action couvert
par le projet de loi, l'étendue qu'il aura au niveau des
différents secteurs d'application comme aussi son caractère
fondamental font de cette réforme une réforme qui, probablement,
sera une des plus importantes que nous aurons adoptées au cours de la
présente Législature.
Il y a, bien sûr, d'autres réformes qui ont
été importantes dans l'histoire de ce Parlement. Je pense
à celle qui a présidé à la préparation de la
Charte des droits et libertés de la personne. Il s'agissait là
d'une réforme fondamentale, d'une réforme importante, d'une
réforme qui rejoignait toutes les Québécoises et tous les
Québécois.
Je pense aussi à cette réforme qui a permis la
création du poste - on disait à l'époque "d'Ombudsman" -
de Protecteur du citoyen, les gens comprennent mieux ce que ça veut
dire, et même de Protectrice du citoyen, puisque effectivement, une dame
a occupé ce poste avant qu'un nouveau Protecteur du citoyen ne soit
nommé tout récemment.
Il s'agit donc, comme pour ces réformes, d'une réforme
majeure, d'une réforme qui va provoquer dans l'administration publique,
dans l'administration de quelque 5000 organismes publics, des changements
considérables au niveau des pratiques administratives, au niveau de la
gestion documentaire comme au niveau de l'administration de fichiers qui
contiennent des renseignements sur l'ensemble de nos concitoyens.
Il s'agit bien sûr d'une réforme qui, pour nous au
Québec, est une première, mais il faut savoir que dans d'autres
pays, depuis fort longtemps, des réformes du même type ont eu
lieu, quelquefois bien sûr traitées selon la
spécificité de chacune des situations, couvrant plus ou moins le
volet de l'accès à l'information, plus ou moins le volet de la
protection des renseignements personnels. Dans d'autres pays on a aussi fait
des pas dans cette direction. La Suède, qui est probablement un exemple
dans le genre, a une loi depuis 1776. La Finlande, plus récemment,
depuis 1951. Les États-Unis depuis 1966. Le Danemark et la
Norvège depuis 1970. L'Autriche depuis 1973. La Hollande, encore plus
récemment, en 1977, a adopté une loi en ce sens. La France en
1978. Et il y a déjà deux provinces canadiennes qui ont des lois
relatives au sujet que nous discutons aujourd'hui.
Quant à ce qui se déroule en ce moment au niveau du
Parlement fédéral, de la Chambre des communes, tout ce que je
peux indiquer c'est qu'une intention avait été manifestée
sous le gouvernement
conservateur, il y a quelques années, qu'un projet de loi est
déposé depuis l'été 1980 et que maintenant, presque
deux ans après, on se pose des questions sur les intentions du
gouvernement fédéral actuel. On a lu dans les journaux des
réponses qui ont été données par le ministre
fédéral des Communications comme par le premier ministre
lui-même dans le sens que ça ne semblait plus être une
priorité et que probablement ce projet de loi serait mis sur les
tablettes. (16 heures)
Là-dessus, je n'ai pas à porter un jugement, à
faire une critique. Ces jugements et ces critiques ont été faites
par les parlementaires de la Chambre des communes, ceux de l'Opposition et
aussi par la presse en général qui a indiqué qu'il ne
semblait pas exister en ce moment, au niveau du gouvernement
fédéral, cette volonté de transparence, cette
volonté d'améliorer le fonctionnement démocratique de nos
institutions. Je crois que, dans ce domaine comme dans bien d'autres, le
gouvernement fédéral, dans la situation présente, ne veut
tout simplement pas bouger et répondre aux besoins, aux attentes, aux
demandes et aux aspirations qui lui sont transmises par la population et par
les gens qui s'intéressent à ces questions.
Dans notre cas à nous, nous avons, je pense, dans l'ensemble,
répondu de façon satisfaisante, au moins, dans un premier temps,
à ce qui a trait à l'étude qui a été
menée sur cette réforme. En effet, c'est le 3 septembre 1980, il
y a donc moins de deux ans, que le Conseil des ministres prenait la
décision de confier à une commission le soin de préparer
un ensemble de recommandations et même d'aller jusqu'à
présenter une proposition de loi, ce qui est, en soi, déjà
un événement assez unique dans le fonctionnement du gouvernement
puisque, habituellement, le gouvernement ne reçoit que des
recommandations. Je pense que c'était la première fois qu'une
proposition de loi lui était transmise. Le gouvernement demandait
à M. Jean Paré, directeur de la revue Actualité, et
à un certain nombre d'autres personnes de soumettre à l'attention
du Conseil des ministres un ensemble de recommandations et une proposition de
loi.
Là-dessus, je voudrais signaler que la commission a fait un
travail tout simplement extraordinaire. Il n'a fallu que huit mois pour
présenter à la fois un rapport, des recommandations et une
proposition de loi. Tout cela nous a été remis le 25 mai 1981, il
y a donc moins d'un an, et le premier ministre, ainsi que moi-même,
avons, à ce moment-là, indiqué aux commissaires notre
satisfaction devant le travail accompli.
J'aimerais, je pense, au nom de tous les parlementaires de
l'Assemblée nationale, remercier M. Jean Paré, M. Gaston
Beauséjour, M. Jules Brière, M. André
Larocque, M. Marcel Pépin, Mme Caroline Pestieau, M. Pierre
Vadeboncoeur et le secrétaire de la commission qui, malheureusement, est
décédé aujourd'hui, un homme tout jeune, M. Jocelyn
Lavoie, qui a oeuvré avec les commissaires, qui a accompli, avec
l'ensemble des commissaires, un travail tout simplement extraordinaire. Ce sont
là des personnes qui ont été plus directement liées
à la préparation de ce rapport, mais il y en a bien d'autres que
je pourrais nommer qui ont été des analystes ou des membres du
secrétariat de la commission et qui nous ont donné, en huit mois
à peine, un rapport, des recommandations et une proposition de loi dont
nous avons tenté de nous inspirer le plus possible.
Dès que ce rapport nous a été remis, au Conseil des
ministres, au mois de juin, nous avons pris la décision d'aller de
l'avant avec la proposition de loi qui nous était soumise et de
présenter cette proposition de loi en commission parlementaire, à
des groupes et à des individus qui voudraient se faire entendre et qui
voudraient nous indiquer quelle était leur réaction, positive ou
négative, positive avec des modifications, négatives avec des
modifications. Il y a eu de tout dans ces 24 groupes qui sont venus se faire
entendre. Nous avons voulu, dans ce processus de consultation, tenir compte des
avis qui nous étaient formulés.
Au sein même du gouvernement, plus particulièrement au
ministère des
Communications, durant l'été 1981, durant l'automne 1981
et encore tout récemment, nous avons mené plus loin, plus
à fond cette consultation. Nous avons rencontré des groupes, nous
avons reçu des avis, beaucoup de courrier, des appels
téléphoniques de gens qui voulaient se faire entendre et qui nous
ont dit ce qu'ils pensaient de cette réforme et comment ils voyaient son
application pour les prochaines années. Il y a donc eu, au niveau
québécois, dans l'ensemble, la manifestation d'une volonté
réelle d'agir, de ne pas laisser sur les tablettes un document qui avait
été préparé par des gens qui avaient donné
vraiment le meilleur d'eux-mêmes pour que le gouvernement puisse faire
son lit. Je crois, n'eût été de cet excellent travail, que
probablement nous en serions encore aujourd'hui au niveau des discussions
théoriques, des discussions abstraites, mais voilà
qu'après moins de deux ans après que le gouvernement a
décidé de mettre sur pied cette commission d'étude,
après moins d'un an de la publication de ce rapport, nous avons ici
à l'Assemblée nationale un projet de loi, et j'espère,
quant à moi, M. le Président, que nous pourrons l'adopter en
deuxième lecture le plus rapidement possible pour ensuite
l'étudier convenablement en commission parlementaire, article par
article.
Ce projet de loi a essentiellement deux volets, deux parties, et l'une
est aussi
importante que l'autre. Il y a le volet auquel la presse en
général s'intéresse un peu plus, qui est celui de
l'accès aux documents des organismes publics. On dit, d'une façon
plus générale, accès à l'information. Je dis que
c'est un aspect très important, mais qu'il ne faudrait pas
négliger le deuxième, qui va toucher directement l'ensemble des
Québécois et des Québécoises, parce qu'à mon
avis, le principe de la protection de la vie privée est au moins aussi
important, je dirais même plus important, que le principe de
l'accès à l'information, que l'accès aux documents des
organismes publics. J'espère que nous aurons l'occasion, lors de ce
débat en deuxième lecture et aussi en commission parlementaire,
d'apporter beaucoup d'attention à cette partie du projet de loi qui
touche la protection de la vie privée, c'est-à-dire s'assurer que
tous les renseignements que nous détenons sur les hommes et sur les
femmes du Québec, que nous détenons dans ces 5000 organismes
publics, puissent véritablement être protégés, qu'il
n'y ait pas de marchandage, qu'il n'y ait pas d'échanges entre
organismes sans qu'il y ait eu des autorisations données. Cela
m'apparaît être dans l'ensemble l'aspect peut-être le plus
révolutionnaire de la réforme que nous proposons tellement les
citoyens sont en droit de s'attendre que nous respections le caractère
de confidentialité requis pour l'ensemble des renseignements que nous
détenons sur l'ensemble des individus.
Sur le premier volet de la loi, sur la première partie de la loi,
qui est celui de l'accès, je dirai qu'il s'agit, M. le Président,
d'une ouverture considérable par rapport à la situation
existante. On pourrait décrire la situation existante à peu
près dans les termes suivants: tout est inaccessible, sauf exception. Il
s'agit maintenant de faire qu'avec le projet de loi que nous soumettons
à l'attention de l'Assemblée nationale, le principe puisse
être renversé dans toute la mesure du possible,
c'est-à-dire qu'on puisse maintenant presque dire que tout est
accessible, sauf exception, et c'est là un des éléments
fondamentaux. Il faut que nous nous habituions à comprendre que les
informations que nous détenons dans les ministères, dans les
organismes, dans les municipalités, dans les institutions scolaires,
dans les établissements de santé ou de services sociaux, que ces
informations ne peuvent pas être la propriété exclusive des
autorités, aussi légitimes soient-elles. Élus,
représentants de la population détiennent des informations et
quand on sait à quel point l'information est devenue un pouvoir, M. le
Président, on peut penser que ceux qui en ont l'exclusivité
jusqu'à un certain point, décident de garder pour eux-mêmes
l'essentiel du pouvoir et n'acceptent pas, dans un système
démocratique, de faire en sorte que la population participe à cet
exercice du pouvoir, donc, puissent avoir accès à des
informations qui sont utiles lorsque vient le temps d'évaluer la
qualité des décisions qui sont prises.
Que ce soient nos décisions, comme gouvernants, ici, à
l'Assemblée nationale, que ce soient des décisions prises par des
municipalités, des établissements scolaires, des
établissements de santé ou de services sociaux, il faut que la
population puisse avoir accès au maximum aux informations qui vont
l'aider à évaluer la qualité des décisions qui sont
prises par ces organismes. C'est pourquoi je dis qu'il s'agit d'atteindre le
plus possible cet objectif qui renverserait nos mentalités, qui
changerait nos comportements et nos habitudes et qui ferait que l'inaccessible
devienne accessible, que ce qui sera inaccessible soit bien
précisé dans la loi en vertu de critères clairs et
précis et qu'on puisse dans l'avenir savoir dans quelles circonstances
il n'y a pas possibilité d'accès aux documents, mais que le
principe général soit que les documents doivent être
accessibles à l'ensemble de la population. Il s'agit là d'une
conversion fondamentale. C'est pour cette raison que je parlais tout à
l'heure de réforme fondamentale. (16 h 10)
Si nous voulons véritablement en arriver à ce que
l'inaccessible soit accessible et à ce que les exceptions soient
clairement prévues, bien définies et bien clarifiées
à l'intérieur du projet de loi, M. le Président, il va
falloir en même temps - il y a des choses qui ne sont pas contenues dans
la loi, mais qui sont encore plus importantes - que les gens qui administrent
les organismes publics changent leur mentalité, leur comportement et
leurs habitudes. Cela ne s'inscrit pas dans une loi. Cela ne s'écrit pas
dans un texte juridique. Cela suppose la bonne volonté de ceux et celles
qui auront à vivre avec la réforme que nous soumettons à
l'attention de l'Assemblée nationale.
Il s'agit d'un droit fondamental, d'un droit du public à
l'information qui dans le fond lui appartient, à lui autant qu'à
nous, tellement il est vrai que nous sommes fiduciaires des documents et des
renseignements que nous détenons. Ces renseignements doivent être,
dans toute la mesure du possible, partagés avec l'ensemble de la
population. Il s'agit d'un droit aussi fondamental que le droit de vote et d'un
droit aussi fondamental que le droit à un procès
équitable. En d'autres mots, il s'agit d'un droit consacré dans
la Charte des droits et libertés de la personne ici même, au
Québec, mais qui doit pouvoir se concrétiser ensuite dans des
projets de loi comme celui que nous soumettons à l'attention de
l'Assemblée nationale.
Dans ce contexte, il nous faudra faire en sorte que les dirigeants, que
les administrateurs et que les autorités
constituées se mettent maintenant dans la tête que plus
rien ne sera pareil, que plus rien ne sera comme ce que nous connaissons
aujourd'hui, c'est-à-dire la tradition du secret, la tradition des
cachotteries et la tradition des documents qui ne sont finalement, que la
propriété de ceux et celles qui, pour un certain temps,
détiennent l'autorité. Même s'il y a des exceptions,
même s'il y a des restrictions à ce droit d'accès, il faut
que dans l'ensemble le principe reconnu et appliqué dans les
administrations publiques soit celui de la plus grande ouverture possible, du
respect du droit du public à l'information, donc de
l'accessibilité aux documents et aux renseignements que nous
détenons.
M. le Président, les gens sont en droit de se demander s'ils ont
effectivement en main les renseignements et les documents dont ils devraient
disposer pour évaluer les décisions que nous prenons, pour
évaluer les mesures que nous décidons de mettre en application.
Par exemple, les gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale
ont-ils le sentiment d'avoir en main les renseignements qui leur permettent de
bien comprendre sur la base de quoi, sur la base de quelles analyses et sur la
base de quels documents les décisions ont été prises,
décisions qui les concernent très directement? Les gens qui sont
détenteurs de permis, par exemple, les permis de camionneurs, les permis
d'alcool et les permis de pourvoyeurs, savent-ils sur la base de quoi, sur
quelles analyses, sur quelles études et sur quels documents des
décisions ont été prises qui les concernent directement?
Je pense que c'est un droit fondamental.
M. le Président, les citoyens ne sont-ils pas en droit de
connaître les règles de procédure et les règles
d'interprétation qui ont été trop souvent uniquement
connues ou administrées par les fonctionnaires, alors que l'ensemble des
gens pour qui ces règles de procédure et d'interprétation
ont été préparées n'en est même pas
informé? C'est un droit fondamental et il faut que nous puissions
fournir des réponses à ces gens qui nous demandent d'avoir
accès aux documents. Là-dessus, je voudrais simplement citer, M.
le Président, une partie du mémoire qui nous a été
soumis par la commission Paré pour indiquer à quel point il
s'agit là d'un changement fondamental dans la mesure où on passe
d'une situation où, effectivement, tout était, à toutes
fins utiles, inaccessible à une situation où tout doit, au moins
au niveau des principes, devenir accessible à moins d'exceptions,
à moins de restrictions bien précises.
Je cite ici le rapport Paré qui dit: "L'opération
envisagée n'est pas une simple opération technique. Il ne faut
pas sous-estimer les forces passives qui s'opposent à la publication et
à la diffusion des documents détenus par les organismes publics.
Le secret actuel n'est pas que le fruit d'une simple habitude, il s'agit d'une
pratique universelle et séculaire qui repose, autant que sur un
sentiment profond, sur un ensemble de directives et de textes
législatifs. Clauses de confidentialité, serments de
discrétion, règlements de la fonction publique, le tout a
forgé une mentalité profondément ancrée non
seulement chez les hommes publics qui se perçoivent comme les gardiens
de ce secret mais chez les fonctionnaires qui considèrent les dossiers
qu'ils ont compilés, écrits, conservés comme leurs
dossiers et à qui leur diffusion apparaîtra quelquefois comme
inutile, au mieux néfaste, au pire certainement coûteuse,
même chez les citoyens. Donc, les citoyens souhaitent avoir accès
à l'information, mais ils ne sont pas pour autant convaincus qu'ils ont
le droit d'avoir accès à cette information." C'est pourquoi je
considère, M. le Président, qu'il faut que nous,
législateurs, ici à l'Assemblée nationale, nous indiquions
maintenant que ce droit à l'information, il existe et il existe pour
environ 5000 organismes que nous avons l'intention de toucher par le
présent projet de loi.
En effet, le gouvernement, ses ministères, les organismes
où le gouvernement nomme la majorité des membres, les organismes
où le gouvernement nomme la majorité des employés qui ont
des statuts de fonctionnaire, Régie du logement, Conseil du statut de la
femme et combien d'autres organismes - on pourrait en dénombrer environ
65 qui correspondent à ce qu'on pourrait appeler les ministères
et les organismes qui en relèvent - eh bien, ces organismes
gouvernementaux, les ministères devront rendre accessibles des milliers
de documents qui, jusqu'à maintenant, ne l'étaient pas. Je pense
aux organismes dont les responsables sont désignés par le
gouvernement. Il s'agit d'environ une cinquantaine d'organismes. Il s'agit,
entre autres, d'organismes dont les fonds et les activités sont publics
et dont les fonds proviennent, pour la plupart du temps, essentiellement de
deniers versés par la collectivité.
Donc, nous allons couvrir des sociétés d'État, des
organismes comme Hydro-Québec, SOQUIP, SOQUEM, SOQUIA, la Caisse de
dépôt, dans un contexte, malgré tout, M. le
Président, où ces organismes, qui sont des sociétés
d'État, sont placés dans une situation de concurrence avec
l'industrie privée. C'est pourquoi d'ailleurs j'y reviendrai.
Nous avons prévu certaines restrictions, certaines exceptions,
plus particulièrement dans le cas de ces sociétés
d'État, parce qu'il n'est pas question pour un gouvernement d'être
assez naïf pour tout à coup dire à
ces sociétés d'État: Ouvrez complètement vos
portes; laissez entrer n'importe qui, même vos concurrents. Donnez-leur
tous vos documents et placez-les dans une situation privilégiée
alors que vous, société d'État, parce que les industries
privées, parce que le secteur privé n'est pas couvert par la loi,
vous n'aurez pas la possibilité de faire la même chose,
c'est-à-dire que vous n'aurez pas accès aux documents qui sont
détenus par l'industrie privée, par le secteur privé.
Dans un contexte comme celui-là, il est bien évident, M.
le Président, qu'il nous faut prévoir un certain nombre de
restrictions. J'y reviendrai tout à l'heure.
Il y a aussi - c'est une des recommandations qui nous étaient
soumises par la commission Paré - les municipalités. S'il y a des
administrations qui, sur le plan des principes, sur le plan même de leur
fonctionnement, sont censées être les plus proches des citoyens,
ce sont bien les municipalités. Or, M. le Président, il est
évident que si on veut qu'il y ait véritablement
possibilité pour les citoyens de participer de plein droit à la
vie municipale, à la vie politique municipale, il faut que les citoyens
et citoyennes aient accès aux documents qui sont détenus par les
organismes municipaux. C'est pourquoi nous avons décidé de les
assujettir à la Loi sur l'accès aux documents des organismes
publics et sur la protection des renseignements personnels. Comme aussi, pour
les mêmes raisons, les organismes scolaires, les commissions scolaires
locales, les commissions scolaires régionales, le Conseil scolaire de
l'île de Montréal, l'Université du Québec, les
cégeps, et même le secteur privé subventionné
à plus de 50% par l'État. (16 h 20)
Dans la mesure où des organismes scolaires sont financés
à plus de 50% par l'État, je dis qu'ils deviennent, dans le vrai
sens du terme, des organismes publics ou, en tout cas, dont la vocation et la
mission sont tellement publiques qu'il faut que nous puissions aussi les placer
sous l'autorité de cette loi d'accès à l'information.
Donc, l'ensemble des universités du Québec, même celles qui
ont des chartes privées, seront couvertes par la loi d'accès
à l'information.
Au niveau du réseau des affaires sociales, les hôpitaux,
les CLSC, les CRSSS, les CSS, enfin tout ce qui apparaît à
l'évidence comme étant du secteur public sera couvert par la
présente Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et
sur la protection des renseignements personnels. Plus de 5000 organismes. C'est
donc vous dire l'ampleur, l'étendue de la réforme, en tout cas,
en ce qui a trait aux organismes qui seront rejoints par l'application d'une
telle loi.
Bien sûr, ces organismes publics évoluent dans des
situations différentes. Il y a un contexte de diversité dont il
nous faut tenir compte. Donc, dans ce contexte, il n'est pas question pour le
gouvernement d'appliquer le même jour, à la même heure, sur
le coup de minuit, la loi aux 5000 organismes. Il est bien évident, si
on veut que la réforme soit ratée, en pratique, qu'il s'agit de
décider, à l'Assemblée nationale, que nous appliquerons au
même jour, en même temps, à tout le monde, et le volet de
l'accès à l'information et le volet de la protection des
renseignements personnels. Je crois qu'il s'agit de tenir compte de situations
diversifiées et de faire en sorte qu'on puisse, selon un calendrier
d'implantation qui nous sera soumis par la Commission d'accès à
l'information, prévoir un étalement dans le temps de la
couverture de ces organismes.
Là-dessus, bien sûr, je serai tout à fait
disposé à recevoir les suggestions positives et constructives de
mes collègues de l'Opposition. Encore là, il nous faudra agir et
ne pas dire à ces organismes publics que nous n'avons pas l'intention de
les couvrir. Il faut que l'ensemble des organismes publics au Québec se
mettent véritablement à l'heure de la transparence et respectent
ce droit fondamental du public à l'information.
Quant aux restrictions prévues à l'accès à
l'information, bien sûr, il y en a. Là-dessus, je voudrais
simplement indiquer que, dans le rapport même de la commission
Paré, lorsqu'on a pris connaissance de la proposition de loi, on a vu
qu'il y avait des restrictions prévues, par exemple, pour les relations
intergouvernementales, pour les négociations entre organismes publics,
pour les renseignements à incidence économique, pour les
renseignements ayant des incidences sur l'administration de la justice et la
sécurité publique, pour les renseignements à incidence
politique, pour les renseignements reliés à la prise de
décision au sein des organismes publics. Partout, pendant à peu
près une trentaine d'articles, on retrouve toute une série de
propositions où la commission nous dit: "Un organisme public peut
refuser", "Le Conseil exécutif peut refuser", "Un organisme
gouvernemental peut refuser", ainsi de suite.
Cela peut apparaître étrange à première vue,
quand on a lu certains articles qui, au départ... Par exemple, à
l'article 9, on dit: "Toute personne qui en fait la demande a le droit
d'accès aux documents d'un organisme public." En fait, quand on lit la
proposition de loi contenue dans le rapport Paré, il y a moins
d'articles qui font référence au principe général
de l'accès qu'il y a d'articles qui font référence
à ce qu'on pourrait appeler les restrictions à l'accès. Je
pense que les commissaires ont fait un choix judicieux en établissant de
façon claire, le principe, mais, par la suite, en ne se dérobant
pas à cette responsabilité qui était
de préciser le plus clairement possible sur la base de quels
critères, dans quelles conditions et pour quels types de document il y
aurait un certain nombre de restrictions. C'est pour cette raison qu'on
retrouve un certain nombre d'articles qui sont spécifiques relativement
à ces exceptions qui sont faites à l'accès à
l'information qui est détenue par l'ensemble des organismes publics.
Nous avons, M. le Président, pour l'essentiel, retenu uniquement
les propositions qui nous étaient faites par la commission Paré
relativement à ces restrictions - en d'autres mots, les mêmes
têtes de chapitre, les mêmes critères dans l'ensemble, les
mêmes situations, à peu près les mêmes
catégories de document - et cela nous apparaît important parce que
le projet de loi doit pouvoir, de façon claire, définie et de
façon à empêcher qu'il y ait trop d'arbitraire je dirais
même qu'il y ait quelque arbitraire que ce soit, lorsque les
fonctionnaires auront à prendre des décisions - servir,
jusqu'à un certain point, de guide officiel, de guide législatif
pour l'application de la loi dans un contexte qui nous permette
véritablement d'en arriver à une réforme applicable,
à une réforme opérationnelle.
Ces restrictions touchent les affaires intergouvernementales pour la
protection, entre autres, des informations qui peuvent nous venir de
gouvernements étrangers, cela va de soi. Il y a là des
conventions internationales normales, comprises de tous et de toutes, et pour
lesquelles un gouvernement, à mon avis - cela tombe sous le sens - doit
pouvoir refuser l'accès à certains documents.
Il y a tout le contexte des négociations qui ont lieu, par
exemple, entre l'État et l'ensemble des employés des secteurs
public et parapublic. Mais, encore là, on le voit, tout cela est
balisé parce qu'il y a des délais qui sont fixés et,
au-delà de ces délais, des documents qui n'étaient pas
accessibles pendant une certaine période le deviennent parce que le
législateur l'a prévu. Il faut, à mon avis, effectivement,
qu'on définisse ces choses-là le plus clairement possible dans le
projet de loi.
Il y a aussi des restrictions sur tous ces renseignements à
caractère économique: taxation, impôt, secrets de
fabrication, informations économiques que les organismes peuvent
recevoir de ce qu'on appelle les tiers, c'est-à-dire des gens ou des
groupes qui, de bonne foi, ont transmis, à des organismes publics, des
informations, mais qui demandent au moins à être informés
sur la décision qui est prise par un organisme public de divulguer, de
rendre publics certains documents.
Aussi, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure,
il va de soi que les sociétés d'État, qui sont
placées dans un contexte de compétitivité, de concurrence
avec le secteur privé, doivent pouvoir être
protégées dans ces éléments qui sont fondamentaux
et sans lesquels il n'est pas possible d'imaginer que notre collectivité
voie les sociétés d'État fonctionner dans un contexte
normal. On n'est quand même pas dans un régime
nord-américain de type socialiste où toutes les entreprises sont
publiques. L'entreprise privée, c'est la règle sur le continent
nord-américain et nous dirions même que nous faisons affaires avec
un ensemble de pays où la règle, c'est l'entreprise
privée, la libre entreprise. Au nom même de l'intérêt
public, je crois, M. le Président, qu'il faut protéger les
sociétés d'État et ne pas les empêcher de
fonctionner dans ce contexte de concurrence et de
compétitivité.
Une voix: ...
M. Bertrand: C'est un mot très long. M. le
Président, je voudrais aussi indiquer qu'il y a certaines restrictions
au plan de l'administration de la justice et au plan de ce qu'on appelle notre
système policier. Bien sûr - on le comprend - pour des raisons qui
peuvent toucher aux méthodes d'enquête, pour des raisons qui
peuvent toucher à toutes ces dispositions qui sont prévues dans
d'autres lois et qui sont relatives à la prévention du crime,
à la répression du crime, il faut pouvoir protéger
certaines informations qui sont détenues dans le cadre de
l'administration de la justice. (16 h 30)
II y a aussi tout ce chapitre relatif à la prise de
décision sur le plan administratif, sur le plan politique. Il y a
là des renseignements, des informations, des documents qui, dans
certains cas, seront accessibles dans un temps bien défini, dans
d'autres cas dans un temps plus long, dans d'autres cas moins long, dans
certains cas avec possibilité d'accès immédiat. J'en veux
comme exemple quelque chose qui, à mon avis, va devenir très
important. Dès qu'une décision aura été prise au
Conseil des ministres et aura été rendue publique, les analyses
et même le mémoire, excluant la partie uniquement des
recommandations ou avis, pourront être rendus publics.
Quand on sait ce qui a toujours été le lot des organismes
publics chaque fois qu'une décision était prise de ne pas
permettre à la population d'avoir accès à des analyses qui
ont présidé à la préparation de ces
décisions, je pense qu'il s'agit là d'un élément
majeur. Mais il y a des restrictions prévues; elles sont
définies, elles sont énoncées et elles sont aussi, bien
sûr, discutables et débattables. Comme chacune de ces restrictions
m'apparaît d'abord justifiée, ensuite claire et aussi
limitée au minimum, un minimum qui m'apparaît fixé en
fonction de l'intérêt public à protéger, je crois
que
nous avons, dans l'ensemble, un projet de loi qui, au niveau de
l'accès à l'information et des restrictions qui y sont tout de
même prévues, non seulement colle de façon convenable aux
propositions qui nous étaient soumises par la commission Paré,
mais aussi est une approche suffisamment progressiste et, en même temps,
suffisamment réaliste pour que nous puissions considérer qu'il
s'agit d'un bon point de départ.
Je ne dis pas qu'il s'agit d'un point d'arrivée, M. le
Président; je dis qu'il s'agit d'un point de départ. C'est une
réforme perfectible et comme toutes les réformes, le temps
permettra de l'améliorer. Encore faut-il commencer quelque part, et la
meilleure façon de commencer quelque part, c'est d'adopter un projet de
loi. Dans ce contexte-là, je suis convaincu qu'ici, à
l'Assemblée nationale, nous ne tomberons pas dans le piège qui a
été celui de la Chambre des communes avec le projet de loi
C-43.
Je voudrais aussi indiquer que, pour la population, l'accès
à ces documents sera gratuit. Les gens pourront venir les consulter sur
place. Bien sûr, il pourra y avoir, dans certains cas, des frais qui
devront être assumés par la personne qui aura accès aux
documents, s'il s'agit, par exemple, de faire reproduire un document de 300
pages ou quatre analyses. Enfin, on peut imaginer des situations où,
à l'évidence, les frais devraient être assumés par
la personne qui a accès aux documents. Nous retenons exactement la
proposition qui nous a été faite par la commission Paré et
nous nous limiterons, forcément, aux seuls frais directs encourus et non
pas, bien sûr, à tous ces frais indirects comme le travail de la
personne qui sera responsable de l'accès dans chacun des organismes
publics.
Il y aura nécessité d'avoir des listes de classement, de
publier annuellement un répertoire faisant connaître les titres,
adresses, numéros de téléphone des personnes qui, dans
chacun des 5000 organismes, seront responsables de l'accès à
l'information.
Je dis qu'il s'agit, là aussi, d'un élément fort
important. Il y a des organismes publics - je dirai que c'est le cas de la
majorité des 5000 - qui en sont encore à l'âge de pierre
dans le domaine de la gestion de l'information, à l'âge de pierre
dans le domaine de la gestion documentaire. Un des effets
bénéfiques de ce projet de loi sera d'amener des organismes
publics à enfin comprendre qu'aujourd'hui, en 1982, la gestion de
l'information est une question importante. Il y a des organismes où -
allez-y voir, M. le Président - vous auriez toutes les
difficultés du monde à retracer des documents. Il y a des
organismes qui ont fait de grands pas en avant. Je n'en veux comme exemple que
le ministère des Affaires sociales qui, grâce à
l'intégration de nouvelles technologies, a réussi, par exemple,
à fermer trois entrepôts sur quatre, à Québec, qui
contenaient des documents, non seulement cela, mais à réduire le
personnel qui s'occupait de la gestion documentaire. On dit très souvent
que c'est un projet de loi qui demandera l'engagement de personnel additionnel.
C'est le contraire, c'est une loi qui, si elle est appliquée
correctement par les organismes publics, devrait leur permettre
d'épargner de l'argent parce que, premièrement, ils modifieraient
leurs pratiques administratives et trouveraient des façons modernes de
gérer leur information, de gérer leurs documents et,
deuxièmement, on pourrait arriver à diminuer du personnel. C'est
tellement vrai qu'au ministère des Affaires sociales on a réussi
à réduire de 67 à 17 le nombre de personnes responsables
de la gestion documentaire, de la gestion de l'information.
S'il y a là-dedans un élément intéressant,
c'est celui qui va provoquer au sein des organismes publics une modification
profonde des pratiques administratives et forcer les organismes publics
à se mettre à l'heure juste, à l'ère moderne et
à intégrer les technologies nouvelles pour se rendre compte qu'on
peut, en appliquant une réforme, épargner de l'argent,
réduire le personnel et, en même temps, permettre au public
d'avoir accès à l'information. Parce que, justement, on pourra
repérer des documents qui, autrement, étaient
éparpillés un peu partout dans les organismes, sans aucun
contrôle et sans aucune volonté d'y mettre de l'ordre.
Pour les citoyens, cela permettra, par exemple, d'avoir accès aux
méthodes de calcul des loyers que détient la Régie du
logement, et ce n'est pas rien. Cela permettra d'avoir accès - prenons
des situations innombrables - à des dossiers sur des produits qui ont
fait l'objet d'analyses de la part de l'Office de la protection du
consommateur. Cela n'est pas négligeable quand on sait à quel
point, aujourd'hui, les gens veulent savoir si les produits qu'ils
achètent ont été analysés, étudiés,
examinés.
Cela permettra d'avoir accès à des documents relatifs au
dossier de la pollution. Dieu sait que s'il y a quelque chose qui peut
intéresser les citoyens, c'est bien de savoir si le lac où ils
ont construit un chalet a fait l'objet d'analyses, d'études, si des
documents ont été produits pour en évaluer la
qualité quant au caractère plus ou moins polluant.
Qu'on pense à des dossiers d'arbitrage, par exemple, dans des
conflits de travail. Il y a là tout un secteur où des documents
pourraient devenir accessibles. C'est la loi qui va permettre
concrètement que le principe puisse être appliqué en
pratique.
Il y a un deuxième aspect à cette loi -je le disais tout
à l'heure - qui, quant à moi, est aussi fondamental sinon plus
que le premier, c'est de s'assurer que les hommes
et les femmes du Québec qui donnent des renseignements à
des organismes puissent d'abord savoir pourquoi on a recueilli ces
renseignements sur leur personne, à quoi vont servir ces renseignements,
quels sont les objectifs poursuivis par l'organisme, au nom de quelle vocation
ou mission, au nom de quel organisme public on est allé demander
à Mme Unetelle, à M. Untel: Votre nom, votre âge, votre
numéro d'assurance sociale et bien d'autres renseignements qui, dans
certains cas, n'ont peut-être rien à voir avec la vocation et la
mission de l'organisme public.
Là-dessus, la loi, à mon avis, comporte des
éléments très forts pour s'assurer de la
confidentialité des renseignements qui sont détenus par les
organismes publics. La loi va déterminer qui aura accès à
ces renseignements personnels. La loi va aussi permettre, et c'est normal, aux
personnes, au député de Westmount, vous permettre à vous,
M. le Président, permettre au député de Saint-Jean,
permettre à quelque citoyen que ce soit de savoir quels sont les
renseignements qu'on détient sur sa personne, d'avoir accès
à son dossier, quand un fichier a été constitué
dans un organisme, pour aller vérifier si les informations qui y sont
conservées sont exactes, pour même aller demander que certaines
informations soient retirées quand on aura jugé que ces
informations n'ont pas été recueillies pour correspondre à
l'objectif de l'organisme ou correspondre à la mission de l'organisme
qui les a recueillies. Cela est tout à fait normal. (16 h 40)
II y aura donc contrôle et surveillance des fichiers, des
organismes publics, de telle sorte qu'avec les pouvoirs accordés
à la commission d'accès à l'information, pas un seul
fichier, administré par un organisme public, ne pourra fonctionner si un
certificat n'a pas été délivré par la commission
d'accès à l'information. Les personnes se sentiront mieux
protégées. Le caractère de confidentialité sera
mieux protégé et la sécurité de ces fichiers, de
ces banques de données sera assurée. Cela, M. le
Président, m'apparaît être un des éléments les
plus importants de toute la réforme.
Pour l'application de cette loi, nous avons décidé de
créer une commission d'accès à l'information. J'avais
moi-même dit, en septembre dernier, en commission parlementaire, que dans
le contexte actuel, contexte budgétaire, tenant compte aussi du fait
que, trop facilement, nous sommes portés, chaque fois qu'une
réforme apparaît, qu'une responsabilité nouvelle revient
dans les mains du gouvernement ou des organismes publics, à créer
un nouvel organisme, j'avais indiqué, en commission parlementaire, et je
pourrais aujourd'hui reprendre les mêmes propos, que nous tenterions de
voir s'il n'y avait pas un organisme existant qui pourrait assumer la
responsabilité de l'application de cette réforme. Ce travail
avait déjà été fait par la commission Paré.
Le président nous avait dit: On a aussi regardé cela. On a aussi
évalué la possibilité de confier l'application de la loi
à un organisme existant. On a fait le travail. Pourquoi le gouvernement
le reprend-il? Nous l'avons repris parce que nous sentions que c'était
notre devoir de le faire. J'ai demandé aux gens de mon ministère
de comparer quatre possibilités et de voir s'il n'y avait pas une
alternative. On a comparé la Régie des services publics du
Québec, la Commission des droits de la personne, le bureau du Protecteur
du citoyen et la commission qui nous était proposée par la
commission Paré. Cela, malgré le fait que le président de
la commission, à la suite des commentaires que j'avais émis en
commission parlementaire avait dit: Si on laisse tomber la nouvelle commission,
si on laisse tomber cette commission de l'accès à l'information,
c'est la clef de voûte de la réforme qui se trouve à
être laissée de côté par le gouvernement. Donc, la
réforme ne sera finalement qu'un voeu pieux parce que le gouvernement
n'aura pas permis d'ajouter à cette réforme ce qui nous
apparaît être sa clé de voûte, à savoir la
création d'une nouvelle commission.
J'indique aujourd'hui, M. le Président, et là-dessus en
commission parlementaire, on y reviendra, que ce travail a été
fait de long en large, de bas en haut, en prenant en considération
plusieurs éléments: par exemple, la nature et la
compétence des organismes existants, le champ de juridiction des
organismes existants, la faisabilité administrative de transfert de
cette réforme à un organisme existant.
Nous avons aussi considéré la question des coûts,
qui était probablement un des éléments importants, sinon
parmi les plus importants. En prenant en considération toute cette
série de critères, en prenant en considération, je crois,
M. le Président, au-delà de sept ou huit critères bien
précis et en faisant une comparaison, organisme par organisme, incluant
les coûts, nous en sommes venus à la conclusion, étant
donné l'importance de la réforme, étant donné le
champ précis de la réforme, étant donné la
couverture de la réforme, l'étendue de la réforme - 5000
organismes - étant donné l'accès à des documents
qui va demander un suivi quotidien, permanent, de la façon dont les
organismes publics vont modifier leurs pratiques administratives, étant
donné ce chapitre tout aussi important de la protection des
renseignements personnels qui va amener l'organisme à faire une foule de
choses dont, entre autres, s'assurer que les fichiers vont véritablement
être administrés, en tenant compte de tous les
éléments et de toutes les modalités d'application qui sont
prévus à la loi, en tenant compte de tous ces
éléments et de tous ces critères, j'en
suis venu à la conclusion - et cela a été ma
recommandation au comité ministériel permanent du
développement culturel l'automne dernier, cela a été ma
recommandation au Conseil des ministres et c'est ma recommandation à
l'Assemblée nationale du Québec, que soit créée une
commission d'accès à l'information. Je crois maintenant, M. le
Président, que c'est la meilleure façon, c'est la façon la
plus correcte et la façon la plus sûre d'assurer que cette
réforme ne sera pas un voeu pieux, mais qu'elle sera
véritablement mise en application. D'autant plus que cette commission
aura un statut d'indépendance et d'autonomie. Elle relèvera de
l'Assemblée nationale. Les commissaires, au nombre de trois, seront
nommés par les deux tiers des membres de l'Assemblée nationale
et, dans ce contexte, je crois que la décision que nous avons prise est
justifiable et défendable. Je serai tout à fait disposé,
lors de l'étude article par article en commission parlementaire,
à répondre à toutes les questions que l'Opposition voudra
bien formuler sur le choix que le gouvernement du Québec a fait en
décidant de créer une commission d'accès à
l'information.
J'indique, M. le Président, que cette commission, avec les
pouvoirs qui seront les siens, aura aussi la possibilité de soumettre
annuellement, bien sûr, son rapport à l'Assemblée
nationale, mais elle comparaîtra aussi devant la commission de
l'Assemblée nationale pour que les parlementaires puissent poser des
questions. Non seulement cela, mais il y a un élément de
réforme parlementaire intéressant ici: la commission pourra
d'elle-même demander à se faire entendre par la commission de
l'Assemblée nationale, lorsqu'elle le jugera à propos.
Donc, dans un contexte comme celui-là, en ajoutant aussi un autre
aspect qui n'est pas négligeable, à savoir que cette commission
n'ira pas puiser dans le fonds consolidé comme les autres organismes qui
relèvent de l'Assemblée nationale avaient le privilège de
le faire jusqu'à maintenant, quant à moi, c'est une
réforme qu'il nous faut apporter le plus rapidement possible pour
s'assurer que même les organismes qui relèvent de
l'Assemblée nationale puissent faire évaluer leurs
prévisions budgétaires et que les décisions puissent
être prises par les membres de l'Assemblée nationale et que cesse
cette pratique du recours au fonds consolidé. Ici, dans ce projet de
loi, nous avons introduit un article spécifique pour faire mention que,
justement, ces questions d'engagement de personnel - en d'autres mots, le fait
qu'on soit lié par la Loi de la fonction publique et par la Loi de
l'administration financière, et que les budgets puissent être
discutés à l'Assemblée nationale, cela soit
déjà inscrit et prévu dans la loi. Cette loi aura
préséance sur toutes les autres lois, M. le Président, qui
lui seront postérieures et il faudra que nous arrivions au cours des
prochaines années à voir quelles sont les lois qui sont
inconciliables avec la loi d'accès aux documents des organismes publics
et la loi qui, dans l'avenir, protégera la vie privée des
citoyens.
M. le Président, je voudrais conclure par une invitation que
j'adresse non seulement aux collègues de l'Opposition, mais à mes
collègues ministériels. Vous aurez noté - et
j'espère que ce sera de nature à donner une indication de
l'état d'esprit qui m'anime -que j'ai voulu pendant cette heure ne pas
avoir sur cette question et ne pas adopter sur cette question de quelque
façon que ce soit une attitude partisane. Je veux, M. le
Président, dialoguer, discuter et échanger avec mes
collègues parlementaires sur cette réforme. J'indique à
l'avance que j'écouterai avec beaucoup d'attention les exposés,
les remarques et les suggestions - positives et constructives, je n'en doute
pas - qui seront faites par mes collègues parlementaires. Il s'agit de
droit nouveau. Il s'agit d'une réforme importante. Il s'agit pour nous,
parlementaires, de décider que nous voulons passer à l'action.
(16 h 50)
Je suis convaincu, malgré qu'il s'agisse d'un champ nouveau,
très ouvert et difficile à explorer, d'un champ dont on ne fera
jamais finalement le tour complet, qu'à un moment donné, il
faudra qu'on parte ensemble avec quelque chose. Justement, le projet de loi,
à mon avis, inclut une clause de sagesse qui est la clause
crépusculaire communément appelée la "sunset clause", qui
permet au bout de cinq ans, de réviser la présente loi et de
faire en sorte que nous puissions l'adapter, la modifier, la changer. Parce
qu'il va se développer une jurisprudence au cours des prochaines
années; il va se développer toute une série de
décisions et il va arriver ou que des organismes publics ou que la
commission d'accès auront à faire des représentations pour
bonifier la loi; mais je dis qu'il faut partir avec quelque chose.
Si nous sommes tous animés par le désir d'améliorer
le fonctionnement démocratique de notre société, des
organismes publics, d'aller de l'avant avec un projet de loi qui, dans le fond,
s'inspire d'une volonté de plus grande transparence au sein de
l'administration publique, d'aller de l'avant avec une réforme
progressiste, généreuse, ouverte mais aussi marquée au
coin d'un certain réaliste si nous voulons, ensemble, dans un climat
serein, dans un climat non partisan, faire en sorte que d'ici au 21 juin la
population du Québec puisse enfin sentir que son droit à
l'information est davantage assuré, est bien inscrit dans le projet de
loi, que son droit à la protection
de sa vie privée est maintenant assuré et bien inscrit
dans un projet de loi, je crois que nous aurons rempli notre mission de
législateurs et que nous aurons donné suite au voeu
exprimé par la commission Paré et qui était le suivant:
Faire en sorte que le projet de loi sur l'accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels
protège et garantisse en même temps trois droits fondamentaux dans
notre société, le droit à l'information, le droit à
la protection de la vie privée et le droit au bon gouvernement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, c'est simplement une question
que je veux poser en vertu de l'article 100, si le ministre me le permet, pour
démontrer la collaboration qu'il trouvera de notre part tout au long de
l'étude non partisane de ce projet de loi. J'aimerais lui poser la
question suivante. On sait que la Commission des droits de la personne examine
chaque projet de loi qui est déposé par le gouvernement de sa
propre initiative, et communique au gouvernement ses avis. Je voudrais demander
au ministre s'il a reçu un tel avis de la Commission des droits de la
personne du Québec sur ce projet de loi no 65.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre et leader
du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, non, nous n'avons
reçu ni d'ailleurs demandé à la Commission des droits de
la personne un avis sur le projet de loi. Je voudrais simplement signaler...
par contre, je ne voudrais surtout pas me tromper dans l'information que je
vais donner au député. Je suis en train de vérifier
l'annexe au rapport de la commission Paré relative aux organismes et aux
individus qui ont fait parvenir un mémoire à la commission, afin
de voir si la Commission des droits de la personne avait fait parvenir un
mémoire à la commission Paré.
Si vous voulez, je vais prendre en note la question que vous m'avez
posée et prendre information pour savoir s'il y a eu demande de
rencontre de la Commission des droits de la personne ou si la commission
elle-même a pris l'initiative d'envoyer un mémoire à la
commission Paré, et vous donner aussi d'autres indications, à
savoir si cet organisme aurait été un des 65 ou 70 que mon
ministère aurait consultés dans la préparation du projet
de loi. Mais, d'après les informations dont je dispose en ce moment, ma
réponse à la question du député est
négative.
M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas revenir sur la
commission Paré et la commission parlementaire. C'est sur les projets de
loi concrets déposés par le gouvernement que la Commission des
droits de la personne se penche. J'aimerais seulement demander au ministre
d'abord, de s'informer si la commission a l'intention de communiquer un avis au
gouvernement et, deuxièmement, de le communiquer à
l'Assemblée et aux membres de la commission parlementaire, en
particulier, qui va être appelée à étudier le projet
de loi article par article, si possible avant que l'étude article par
article ne commence.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre et leader
du gouvernement.
M. Bertrand: Je remercie le député de
Marguerite-Bourgeoys. En se levant, il m'a donné le temps de parcourir
l'annexe et, effectivement, à la page 159 du rapport Paré, on lit
que la Commission des droits de la personne a fait parvenir un mémoire
à la commission Paré. Ce que je peux faire pour les fins de notre
discussion, c'est retracer ce mémoire et voir - cela peut être
très intéressant à lire - ce que la Commission des droits
de la personne disait au moment où la commission Paré a
reçu son mémoire. Je crois qu'à partir de là, on
pourrait peut-être regarder plus avant s'il y a lieu de poursuivre une
autre démarche au niveau de la Commission des droits de la personne,
parce que dès qu'un mémoire a été transmis à
la commission Paré, je pense qu'il s'agit de considérer que c'est
un document qui existe et qui a été produit par ladite
commission.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: M. le Président, en tant que porte-parole
officiel du Parti libéral en matière de communication, il me fait
plaisir d'intervenir à ce moment-ci du débat pour informer le
Parti gouvernemental que c'est le désir de l'Opposition d'approuver ce
projet de loi en deuxième lecture. Il est évident que
l'Opposition sera très active au niveau de la commission parlementaire
des communications pour, d'une part, bonifier le projet de loi, car nous y
trouvons beaucoup plus d'exemptions au principe général de
l'accès à l'information que nous n'en trouvions dans le rapport
de la commission Paré...
M. Bertrand: Le même nombre.
M. Bissonnet: M. le ministre, je ne vous ai pas interrompu
tantôt. Je voudrais quand même que vous me laissiez le choix
d'intervenir au nom de ma formation
politique qui étudie le dossier depuis très longtemps.
Donc, nous serons très actifs au niveau de la commission parlementaire
pour apporter plusieurs amendements au niveau du droit d'exemption quant au
principe général de l'accès à l'information.
D'autre part, également, nous discuterons de façon très
exhaustive à la commission parlementaire de la nouvelle commission qui
est proposée dans le projet de loi.
Le Parti libéral, dès le dépôt du rapport de
la commission Paré, s'est montré des plus enthousiastes à
la suite de ce rapport d'une commission qui avait été
formée par le gouvernement du Parti québécois. Bien des
raisons expliquent un accueil qui était aussi enthousiaste et quasi
unanime de la part de la presse parlée et de la presse écrite au
rapport de la commission Paré. Les commissaires ont été
mentionnés par M. le ministre: M. Paré, M. Beauséjour, M.
Brière, M. Larocque, M. Pépin, Mme Pestieau et M. Vadeboncoeur.
L'Opposition se joint au gouvernement pour les féliciter du travail
qu'ils ont accompli à l'intérieur du mandat qui leur a
été confié par le gouvernement du Parti
québécois, le gouvernement du Québec.
Il semble tout d'abord que les commissaires de la commission Paré
aient réussi à éviter, contrairement au projet de loi
fédéral C-43 qui est en discussion depuis plus de deux ans
à l'instance fédérale du Canada, l'écueil qui
consiste à stipuler tellement d'exceptions, en matière
d'accès à l'information gouvernementale, que le principe qu'on
est censé reconnaître se retrouve nié de facto.
Ici, nous sommes à l'étude de ce projet de loi en
deuxième lecture et nous passerons en commission parlementaire
après l'adoption de cette deuxième lecture. Je pense que le
projet de loi, avec les modifications que l'Opposition y apportera en
commission parlementaire, sera quand même peut-être l'un des
meilleurs projets de loi en Amérique du Nord en ce qui a trait à
l'accès à l'information et à la protection des
citoyens.
Lors de la première étude en commission parlementaire, je
voudrais souligner qu'il y a quand même eu une participation de toute la
population du Québec qui est venue informer les membres de la commission
parlementaire des communications de sa réaction au rapport de la
commission Paré et au projet de loi qui y était inclus. (17
heures)
Cette commission a siégé les 1, 2, et 3 septembre et je me
permets de souligner à cette Chambre les noms des intervenants qui sont
venus informer les membres de la commission parlementaire et les informations
que nous avons eues à la suite du dépôt du projet de loi en
deuxième lecture. Il est de notre intention d'apporter certains
correctifs à la commission parlementaire qui siégera probablement
dans deux semaines pour appuyer certaines positions de certains mémoires
présentés à la commission.
Je veux souligner ces personnes et ces organismes pour démontrer
que c'est une participation quand même totale de la société
québécoise à la commission des communications: la Chambre
de commerce de la province de Québec, le Centre pour le journalisme
d'enquête, Hydro-Québec, la Société d'énergie
de la Baie James, l'organisme STOP, l'Office des personnes handicapées
du Québec, la Ligue des droits et libertés, l'Office de
radio-télédiffusion du Québec, Radio-Québec,
l'Union des municipalités, qui a certaines réserves quant
à l'application de cette loi dans certaines municipalités, la
Corporation des secrétaires municipaux du Québec, l'Union des
conseils de comté et des municipalités locales du Québec,
le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, la Caisse de
dépôt et placement, le Directeur général des
élections, la Fédération de l'informatique du
Québec, le Barreau du Québec, le Conseil du patronat du
Québec, le Conseil central des usagers de services sociaux,
l'Association des parents et amis des malades mentaux et émotionnels,
qui fait des revendications pour avoir les mêmes services que les autres
citoyens, la Commission des valeurs mobilières du Québec, la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec, le
Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec.
Durant trois jours, mon collègue, le député de
Westmount, a été très vigilant à l'écoute
des commentaires qui ont été apportés par tous ces
organismes, et il fera part de ses observations dans les prochaines semaines au
sujet de tous les mémoires qui ont été
présentés à cette commission.
Quant à nous, cela fait quelques années maintenant que
nous revendiquons l'accès du citoyen à l'information
gouvernementale et à la protection des renseignements personnels. Des
propositions à cette fin se trouvent, sans être d'un esprit
partisan, dans le programme de notre parti politique, le Parti libéral
du Québec, qui croit à la nécessité de favoriser
l'accès à l'information gouvernementale. Lors des
dernières élections nous le proposions à la population, et
c'est pourquoi nous acceptons le principe en deuxième lecture de ce
projet de loi. Nous voulons le bonifier en commission parlementaire, mais nous
ne garantissons pas notre appui au projet de loi en troisième lecture;
tout dépendra de la façon qu'on recevra les propositions de
l'Opposition. J'ai entendu le ministre tout à l'heure, qui semble
très disposé à entendre nos propositions, qui ne sont pas
partisanes dans l'esprit du projet de loi.
En 1981, dans son livre rouge, le Parti libéral s'engageait
à veiller à ce que la
publicité et l'information gouvernementales obéissent
à des normes d'objectivité élevées et soient
dénuées de tout caractère politique, à intensifier
les efforts en vue de rendre l'information gouvernementale accessible à
tous les citoyens en adoptant une loi d'accès à l'information
gouvernementale, en particulier aux documents publics, en procédant
à une réduction et à une simplification des formulaires
administratifs par lesquels les citoyens s'adressent à l'État -
on se retrouve toujours avec un paquet de paperasses à
l'intérieur du gouvernement, ce qui élève le coût
d'administration du gouvernement - en adaptant dans toute la mesure du possible
les techniques d'information gouvernementale pour les rendre accessibles aux
personnes handicapées: sourds-muets, aveugles et autres, en harmonisant
davantage les politiques d'information gouvernementale dans certains domaines,
en particulier avec les gouvernements des provinces limitrophes et le
gouvernement fédéral, et en favorisant la consultation
intergouvernementale en ces matières.
Je tiens à lire à mes concitoyens le préambule de
ce projet de loi. Il faut vraiment s'attacher à tous les mots de ce
préambule. Il s'agit de la loi sur l'accès aux documents des
organismes publics, tous les organismes publics au Québec, et dans les
dispositions du projet de loi, il y a d'autres organismes qui sont inclus et
qui, à 50%, sont de caractère public.
Sur la protection des renseignements personnels, "considérant -
c'est le préambule du projet de loi - que les droits et libertés
de la personne constituent le fondement d'une société
démocratique, considérant que la Charte des droits et
libertés de la personne affirme solennellement le droit de toute
personne au respect de sa vie privée -ce qui est très important -
et le droit à l'information dans les mesures prévues par la loi,
considérant que le droit à l'information suppose l'accès
aux documents détenus par les organismes publics, considérant que
le droit au respect de la vie privée suppose la protection des
renseignements personnels détenus par les organismes publics,
considérant qu'il y a lieu de préciser la portée de ces
droits en tenant compte des exigences du fonctionnement des institutions
démocratiques..."
M. le Président, dans le rapport Paré, nous trouvons des
énoncés de principe sur le droit à l'information. Je cite
le rapport Paré: "Ce qui appartient à tous doit être
disponible à tous. Comme les biens matériels de l'État,
les renseignements dont il dispose sont propriété collective.
Cette justification apparaît cependant limitée. La
propriété collective n'est pas la propriété de
chacun et les biens de l'État ne sont pas distribués aux
individus. "Le droit à l'information est surtout un droit politique. Il
apparaît comme un corollaire de la liberté d'expression. "Ici, au
Québec, le droit à l'information est reconnu à l'article
44 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui a
été adoptée en 1975: il est assuré par la
liberté de presse et d'opinion, par le droit à l'instruction
gratuite et obligatoire."
Également, dans le rapport Paré, il y a certains
énoncés de principe sur le rôle de l'État. Je cite
le rapport Paré à cet effet: "La croissance de l'action
économique et sociale de l'État, l'expansion des communications
qui a ajouté, aux rapports de forces économiques et politiques,
des rapports d'information, et enfin l'augmentation des exigences des citoyens
consécutivement à la diffusion de la connaissance par la
scolarisation universelle et par les médias." La fonction publique a
connu - tout le monde le sait - une expansion colossale, devenant, dans les
faits, de véritables dépositaires des données de la
gestion publique et disputant aux élus le pouvoir réel. "Dans une
société ouverte, l'ensemble des systèmes ne fonctionne
efficacement, comme celui du marché, que si l'information est libre." Je
crois que l'accès de toute personne à tout document public
constitue une nécessité, davantage un droit, mais sûrement
pas dans une société où le gouvernement et les organismes
sous sa juridiction sont les plus importants détenteurs d'informations
d'intérêt public. Je soutiens que la reconnaissance
éventuelle au plan législatif des recommandations contenues dans
le rapport Paré entraînera de façon inévitable une
évolution des mentalités au sein de l'appareil
politico-administratif. C'est ce que le ministre disait tantôt,
c'est-à-dire qu'il y a une évolution à faire chez les
employés de tout organisme public à cet effet. Elle marquera
aussi un progrès important pour une société qui se veut
démocratique.
Il faut en finir avec le secret. Il faut faire véritablement,
avec ce projet de loi, il faut assurément que ce soit plus que
transparent. Les exceptions au principe général d'accès
méritent un examen plus approfondi. Où il y a une
différence actuellement entre les recommandations du rapport Paré
et le projet de loi qui est présentement devant cette Chambre, c'est
qu'on a ajouté beaucoup d'exceptions au principe général
et, en particulier, pour n'en mentionner que quelques-unes, les articles 32, 37
et 38. Nous y reviendrons à la commission parlementaire pour expliciter
davantage ce sujet puisque c'est un peu technique pour ceux qui sont à
l'écoute aujourd'hui. (17 h 10)
Les exceptions au principe général
d'accès méritent, comme je l'ai mentionné, un
examen plus approfondi, car c'est là vraiment que se situe le noeud du
fonctionnement d'un régime de liberté de l'information. Les
exceptions doivent se limiter aux besoins réels de
l'intérêt public, de la confidentialité gouvernementale et
ne pas se prêter aux abus qui peuvent tenter un homme politique ou un
fonctionnaire, M. le Président.
Je tiens à ce que cette réforme soit accomplie sans aucune
augmentation budgétaire - c'est ce qu'on avait mentionné, M. le
Président - aux crédits actuellement alloués aux
Communications ou ailleurs à l'intérieur du gouvernement. Nous
nous proposons de discuter longuement, lors de l'étude en commission
parlementaire, du rôle qu'on veut confier à la commission
d'accès à l'information.
Je voudrais conclure. L'Opposition et le Parti libéral du
Québec appuient le principe de ce projet de loi et nous proposerons,
lors de la commission parlementaire qui siégera pour étudier ce
projet de loi article par article, plusieurs amendements qui auront pour effet
de réduire les exceptions au principe général
d'accès à l'information pour tous les citoyens, car nous voulons
que cette loi en permette l'accès à tous les citoyens, à
moins de considérations tout à fait spéciales où il
pourrait être possible qu'il y ait une exemption. L'Opposition va
sûrement reconnaître qu'à différents niveaux des
exemptions seraient permises, mais, à d'autres niveaux, nous voulons,
à l'intérieur de cette loi, cette grande transparence, M. le
Président. On dit très régulièrement: Nous
négocions, nous gouvernons dans la transparence. Il est temps de
retrouver également dans ce projet de loi cet effet de transparence pour
que cette loi permette à tous les citoyens de connaître les
informations dont ils ont besoin à l'intérieur des organismes
publics.
Selon la commission Paré, ces rares exceptions viseront des
renseignements bien déterminés portant, notamment, sur des
questions relevant du domaine des relations intergouvernementales, de la
sécurité publique ou mettant en cause le processus
décisionnel à l'intérieur d'un organisme public. Tel que
l'a mentionné le ministre, sur ces exemptions, nous sommes d'accord,
mais, quant à d'autres exemptions qui ont été
ajoutées à l'intérieur du projet de loi, nous ferons
valoir notre point de vue lors de la commission parlementaire.
L'application du projet de loi à toutes les institutions
visées dans le projet de loi. Il s'agit d'établir des
échéanciers spécifiques: que la réforme s'applique
au gouvernement du Québec en premier lieu et elle pourra graduellement,
M. le Président, dans le temps, s'appliquer aux autres organismes
déjà mentionnés, telles les municipalités, les
commissions scolaires, etc. Nous porterons une attention particulière
à tout ce qui a trait à la protection de la vie privée de
nos concitoyens.
Pour résumer, nous accueillons en deuxième lecture, M. le
Président, très favorablement ce projet de loi, mais nous ne
garantissons pas notre appui en troisième lecture. Tout dépendra,
évidemment, de la réception des amendements que nous voulons
proposer à la commission parlementaire pour que ce projet de loi puisse
être bonifié dans l'intérêt de la communauté,
de tous les Québécois et Québécoises du
Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement et député du Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, le rapport de la commission
Paré, qui est à l'origine de ce projet de loi que nous
étudions présentement, cite une phrase fort pertinente, qui est
tirée d'un rapport ontarien sur le même sujet et qui, en quelques
mots, exprime avec humour toute la problématique qui se retrouve au
coeur du projet de loi no 65. "Les citoyens veulent tout savoir sur autrui et
que l'on ne sache rien sur eux." C'est une façon humoristique de nous
rappeler l'existence, dans une seule phrase, de deux droits fondamentaux
détenus par les citoyens vivant dans une société libre et
démocratique, deux droits fondamentaux -je pense qu'il est important de
le souligner -qui sont d'ailleurs inscrits, reconnus par la Charte des droits
et libertés de la personne du Québec de façon très
explicite.
Ces deux droits sont d'abord, M. le Président, le droit au
respect de la vie privée, que l'on retrouve à l'article 5 de la
Charte des droits et libertés de la personne. C'est également le
droit à l'information, que l'on retrouve à l'article 44 de la
même charte. Ce sont, je le répète, deux droits
fondamentaux.
Tout citoyen a le droit au respect de sa vie privée ce qui
signifie, entre autres choses, que les multiples renseignements personnels que
détiennent sur lui un grand nombre d'organismes publics ne soient pas
accessibles à tout le monde et, pourrait-on dire, dispersés aux
quatre vents. Mais le même citoyen peut invoquer le droit à
l'information pour exiger que lui soient accessibles les documents
détenus par le gouvernement et les divers organismes publics. On sait
l'importance de ce droit à l'information pour la santé d'une
démocratie, car que deviennent et que deviendraient la liberté
d'opinion et la liberté de choix de nos gouvernants s'il y avait trop
d'entraves et trop d'obstacles à l'exercice du droit à
l'information?
Or, comme l'indiquait la commission Paré, et je cite: "Aucun de
ces deux droits n'est subordonné à l'autre. La Charte des droits
affirme les deux. Il arrive qu'ils s'opposent avec d'autant plus de force que
les citoyens attachent à chacun une grande importance. Quelquefois,
poursuit le rapport, l'accès doit être limité par
l'intérêt public ou l'intérêt d'une autre personne.
Inversement, la protection de la vie privée doit parfois céder au
bien commun. Il nous apparaît plus facile de concilier ces deux droits en
une démarche unique à l'intérieur d'une seule et
même loi".
Telle était la vision des choses de la commission Paré. Je
suis fort heureux de constater que le gouvernement a décidé de
faire sienne cette vision des choses et qu'il a donc aussi décidé
de présenter une seule loi qui porte sur ces deux droits fondamentaux:
le droit d'accès des citoyens aux documents des organismes publics, qui
est en quelque sorte un avatar ou une des formes concrètes que
revêt le droit à l'information, et le droit à la protection
des renseignements personnels qui est une des formes du droit au respect de la
vie privée. C'est la meilleure façon, je pense, de concilier ces
droits et de réduire au minimum les possibilités de conflit,
d'opposition entre ces deux droits fondamentaux.
L'importance et la grosseur, je dirais, de l'appareil de l'État
et le rôle majeur joué par l'administration publique dans notre
société et dans la vie quotidienne de chaque citoyen
entraînent comme conséquences inévitables la mise en place,
la constitution de nombreux fichiers gouvernementaux contenant de multiples
renseignements d'ordre personnel. Les fichiers, dont beaucoup sont
informatisés, constituent la progéniture nombreuse des
bureaucraties. Les bureaucraties et les technocraties sont très
fécondes; elles engendrent sans répit paperasses et fichiers.
Je voudrais, à cet égard, citer le rapport de la
commission Paré qui dit ceci à ce sujet: "Chaque fois qu'un
citoyen leur laisse - parlant des bureaucraties - un renseignement: nom,
adresse, âge, état civil, caractéristiques physiques ou
économiques, ce fragment de sa personnalité constitue la base ou
le complément d'un dossier quelque part. Que l'on soit
arrêté pour une infraction au Code de la route, que l'on demande
un emploi, un permis, un passeport, que l'on obtienne des soins
médicaux, une subvention, de l'assistance, on s'en va augmenter le
peuple innombrable des fichiers des organismes publics. Il existe des dossiers
sur tout: les candidats aux postes publics, par ministère, par
spécialité, par continent, les tenanciers, les
propriétaires d'armes à feu ou de roulottes, les
électeurs, les emprunteurs, les traducteurs, les tumeurs, les faillis,
les victimes de viol, les trappeurs, les griefs. La liste étonne,
souligne le rapport." (17 h 20)
M. le Président, vous êtes malade, vous êtes
fiché, vous suivez un cours... Je parlais d'un citoyen, M. le
Président. S'il arrive que vous êtes malade, vous allez être
fiché. Vous suivez un cours à l'université ou ailleurs,
vous allez être fiché. Vous chassez l'orignal, vous allez
être fiché. Vous allez pêcher la truite ou le saumon, vous
allez être fiché, n'est-ce pas, M. le secrétaire
général adjoint? Vous brûlez un feu rouge, vous êtes
aussi fiché. Vous avez un accident de travail, évidemment, vous
apparaissez dans un fichier. Une bonne partie de nos actions quotidiennes, vous
le savez, se retrouvent, dans une société moderne comme la
nôtre, dans des fichiers gouvernementaux. Il existe des centaines et des
centaines de fichiers contenant une quantité énorme,
considérable de renseignements personnels sur des millions de
citoyens.
On retrouve, au niveau fédéral, par exemple, à peu
près 1400 fichiers gouvernementaux dans lesquels sont compilées
des informations sur les citoyens. Au Québec, on dénombre 1300
fichiers gouvernementaux, dont plus de 200 sont informatisés. Imaginez,
les citoyens québécois peuvent retrouver des renseignements
personnels les concernant dans au moins 2700 fichiers gouvernementaux relevant
d'organismes publics, soit fédéraux ou québécois.
C'est assez consternant, vous en conviendrez, 2700 fichiers.
Il suffit d'ailleurs de parcourir l'annexe 4 du rapport Paré pour
prendre conscience de la présence énorme des fichiers
gouvernementaux dans la vie de la société
québécoise. Au ministère du Revenu, 9 fichiers; à
la Régie des rentes, 6 fichiers; au ministère de
l'Éducation, 18 fichiers; au ministère des Transports, 14
fichiers; au ministère de l'Énergie et des Ressources, 7
fichiers; au ministère de l'Agriculture, 12 fichiers, etc.
Chaque citoyen québécois peut d'ailleurs faire
lui-même personnellement la preuve qu'il a un dossier dans un grand
nombre de fichiers. À l'occasion de l'étude de cette loi, j'ai
fait moi-même l'expérience en consultant mes cartes dans mon
portefeuille. J'ai découvert que mon nom et des renseignements
personnels sur mon propre compte, forcément, apparaissaient dans au
moins sept fichiers importants. Au ministère du Tourisme, de la Chasse
et de la Pêche, j'ai un certificat pour avoir suivi un cours sur le
maniement des armes à few, ce qui me permet d'aller à la chasse,
l'automne. J'ai un dossier à l'Hôtel-Dieu d'Alma, dans ma
circonscription. J'ai ma carte soleil, la carte de la Régie de
l'assurance-maladie, la carte du Bureau des véhicules automobiles, mon
permis de conduire, mon certificat
d'immatriculation à la Régie de l'assurance automobile. Je
suis allé au CHUL et je suis devenu, évidemment, "fiché"
au CHUL, au Centre hospitalier de l'Université Laval. J'ai ma carte
d'assurance sociale. Cela exclut les cartes qui apparaissent dans les fichiers
privés; je vous ferai grâce de mes cartes de crédit, de ma
carte du Parti québécois. Remarquez que c'est déjà
connu, du moins, de la GRC. Je ne peux malheureusement pas vous
présenter ma carte de l'OCQ, c'est extrêmement difficile à
obtenir.
Pierre Goulet, journaliste au Soleil, en février 1981, signalait
que pas moins de 79 fichiers informatisés du Québec utilisent le
numéro d'assurance sociale comme clef, ce qui veut dire qu'avec votre
numéro d'assurance sociale, on peut alimenter et interroger sur votre
compte au moins 79 fichiers gouvernementaux. II y a plus grave encore, il faut
signaler qu'aucune loi n'interdit aux administrateurs de ces fichiers de
s'échanger des données, ce qui fait que certains même
voient se profiler à l'horizon le spectre de ce que Pierre Boulet
appelle le dossier social cumulatif; vous me permettrez de le citer dans un
article de janvier 1980. Il dit: "Un dossier social cumulatif, c'est la
centralisation de toutes les données concernant un citoyen, de sa
naissance jusqu'à sa mort: dossier scolaire, dossier social, dossier
judiciaire, s'il y a lieu, dossier de santé, dossier du revenu. Un
dossier social cumulatif, c'est la possibilité, pour les gestionnaires
des banques de données de l'État, d'effectuer certains
recoupements à travers plusieurs dossiers d'un même individu:
contexte familial, caractère, intelligence, contribution à des
caisses électorales, déficiences physiques ou mentales, etc. Un
dossier social cumulatif, c'est la possibilité, pour ces mêmes
gestionnaires, de remettre sous le nez d'un citoyen, 30 ans plus tard, une
évaluation négative inscrite dans son dossier scolaire.
Hypothèse farfelue, alarmiste? s'interroge Pierre Boulet.
Peut-être. En tout cas, aucune loi, aucun règlement, aucune
politique officielle n'interdit au gouvernement, si jamais il le désire,
de se munir d'un système aussi sophistiqué et aussi dangereux.
Aucune loi non plus ne protège les citoyens contre un éventuel
recours gouvernemental à un tel procédé." Pierre Boulet
disait, en janvier 1980: "Aucune loi ne nous protège contre ce danger,
contre cette menace, cette espèce de monstruosité bureaucratique
qu'il appelle un dossier social cumulatif."
Ce n'est plus vrai maintenant, M. le Président. Il en existe une,
du moins il en existera une lorsque le projet de loi no 65 que nous
étudions présentement sera adopté. Par ce projet de loi,
le caractère confidentiel des renseignements personnels est
désormais assuré, garanti. Par ce projet de loi, la collecte, la
conservation et l'utilisation des renseignements personnels sont rigoureusement
balisées, encadrées, réglementées, de façon
à éviter des abus et à limiter efficacement le pouvoir
bureaucratique. Par ce projet de loi, nous imposons des normes
sévères relativement au transfert des données
personnelles. C'est ainsi que tout échange ou transfert de
renseignements personnels entre organismes publics - par exemple, cela se fait
présentement, le ministère des Affaires sociales demande au
Bureau des véhicules automobiles des renseignements pour repérer
des assistés sociaux qui ont une dette au ministère des Affaires
sociales - sera régi d'après ce projet de loi, devra être
régi par une entente entre les organismes publics. Cette entente devra
être l'objet d'un avis de la commission d'accès. Cette entente
devra être approuvée par le gouvernement et elle devra, ensuite,
être enfin déposée à l'Assemblée nationale.
Cette procédure devrait - on le verra, en tout cas, à l'usage -
limiter, contrôler et mieux surveiller les transferts des données
entre organismes publics.
Par ce projet de loi, M. le Président, la mise en place d'un
fichier devra être autorisée par un certificat émis par la
commission et l'organisme devra se conformer aux règles
édictées par cette commission. Par ce projet de loi, enfin, le
droit pour toute personne de prendre connaissance des renseignements que
possède un organisme à son sujet et le droit de faire corriger
les renseignements erronés à son sujet sont clairement reconnus
et proclamés. Leur exercice est donc rendu possible et facilité
par le projet de loi no 65.
M. le Président, un grand démocrate français,
Édouard Herriot, disait un jour qu'on ne pouvait consolider la
démocratie qu'en la maintenant sans cesse en mouvement,
c'est-à-dire en la développant, et c'est vrai. La
démocratie, on peut dire que c'est toujours une oeuvre inachevée.
Il y a toujours place pour l'amélioration du caractère
démocratique de notre société. On peut dire que le
gouvernement du Parti québécois, depuis 1976, a contribué,
par diverses lois, à consolider, à approfondir, à
élargir, à revigorer la démocratie
québécoise. On n'a qu'à penser - je ne veux pas être
exhaustif, M. le Président - à la Loi sur le financement des
partis politiques, à la Loi sur la consultation populaire, à la
radio-télédiffusion de nos débats parlementaires, à
la Loi sur l'environnement, qui permet maintenant des audiences publiques sur
des problèmes d'environnement, à la Loi sur la démocratie
municipale, à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme qui
crée les municipalités régionales de comté,
à la tenue de sommets économiques qui permettent la concertation
des agents socio-économiques, etc. On pourrait, évidemment, en
ajouter
d'autres. (17 h 30)
Et le projet de loi no 65 qui est devant nous constituera lui aussi un
progrès, un développement de la démocratie parce qu'il
protège mieux, en les précisant davantage, en les
renforçant, deux droits fondamentaux qu'on retrouve dans la Charte des
droits et libertés de la personne, mais qui sont mieux
précisés et renforcés par le projet de loi no 65,
c'est-à-dire le droit à l'information et le droit au respect de
la vie privée, droits, vous en conviendrez avec moi, sans lesquels il
n'y a pas de démocratie possible. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de débuter
votre intervention, M. le député de Westmount, j'aimerais d'abord
savoir si vous parlez au nom du parti de l'Opposition et, compte tenu du temps,
est-ce que vous partagez votre intervention en deux: une partie avant 18 heures
et la seconde après 20 heures?
M. French: M. le Président, l'entente qui a
été prise des deux côtés de la Chambre est que je
parlerais jusqu'aux alentours de 18 heures. Si j'ai quelques mots additionnels
à dire, je les dirai très vite et on terminera. Sinon, si j'ai un
bout significatif, je recommencerai à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Parfait. M. le
député de Westmount.
M. Richard D. French
M. French: M. le Président, il y a au moins trois grandes
raisons qui justifient le droit d'accès pour la population aux documents
détenus dans les bureaux et fichiers de l'État. D'abord, la
population ne peut pas participer à la prise de décisions
relatives aux questions publiques de l'heure, sans avoir accès aux
renseignements contenus dans les documents publics. En deuxième lieu, un
tel accès sert d'élément de discipline pour les
fonctionnaires dans leur comportement par rapport aux normes et standards que
la population est en droit d'attendre d'eux. En troisième lieu, c'est la
population qui a payé pour la création des documents et dossiers
publics et elle a donc le droit de les utiliser.
Par contre, il existe aussi trois grandes raisons pour lesquelles la
population ne doit pas avoir accès à tous les documents de
l'État. D'abord, tout citoyen a droit à la protection de sa vie
privée et à la confidentialité des données qu'il
partage avec les instances spécifiques de son gouvernement. En
deuxième lieu, si certaines informations détenues par les
instances publiques étaient accessibles, elles conféreraient un
avantage indu à un individu, un organisme ou un groupe quelconque par
rapport à la collectivité ou par rapport aux autres individus,
organismes ou groupes. Troisièmement - c'est un peu plus difficile
à saisir, mais c'est également important, M. le Président,
et je suis convaincu que nous allons entendre le ministre là-dessus -
l'accès systématique et immédiat aux attitudes, opinions,
Conseil des ministres ou des hauts fonctionnaires, de l'intérieur du
processus décisionnel au sein de l'Exécutif dans notre
système de gouvernement, paralyserait cette prise de décisions au
grand désavantage de la population.
Le test de la qualité d'un projet de loi sur l'accès aux
documents publics est donc sa capacité d'établir un
équilibre entre les trois grandes raisons motivant un plus grand
accès et les trois grandes raisons tendant à limiter cet
accès. Cette réconciliation n'est pas facile à faire.
D'abord, il est un peu inusité, dans notre système de
gouvernement au moins, d'essayer d'accomplir cet équilibre par la voie
d'une loi. Auparavant, c'était la Législature qui était le
lieu privilégié pour établir l'accès du public aux
renseignements gouvernementaux, par des questions orales et écrites, par
des débats, et ainsi de suite, mais nous avons tous constaté le
déclin de la capacité des Parlements de contrôler
l'Exécutif, de contrôler le Conseil des ministres, de
contrôler les hauts fonctionnaires, de contrôler l'appareil
bureaucratique. Ce déclin trouve ses racines dans la croissance
extraordinaire des fonctions et responsabilités maintenant
confiées au secteur public ainsi que dans l'importance de la discipline
du parti pour chaque député.
Dans la mesure où les assemblées démocratiques
s'avèrent de moins en moins capables de contrôler les
Exécutifs gouvernant, on s'est penché sur des solutions qui
augmenteraient les contraintes sur l'Exécutif sans pour autant
nécessairement passer par l'Assemblée telle quelle, solutions
dont, évidemment, le droit d'accès aux documents publics. C'est
ainsi que des Parlements de type britannique, comme le nôtre, en sont
venus à étudier - j'ai bien dit à étudier - et
à adopter, dans certains rares cas, une loi sur le droit de
l'accès à l'information, type de loi qui, jusqu'ici, a surtout
fait ses preuves dans des contextes constitutionnels très
différents du nôtre. En Suède et aux États-Unis, par
exemple. Le ministre a donné d'autres exemples.
La loi sur l'accès aux documents du gouvernement ne s'est pas
greffée si facilement que cela à notre système
parlementaire. Le gouvernement du Canada a commencé à
étudier sérieusement le problème de
légiférer dans ce domaine il y a aussi longtemps qu'en septembre
1974. Nous voilà en mai 1982 et qui sait quand le Parlement du Canada se
dotera d'une loi fonctionnelle à ce sujet. Le gouvernement de
l'Ontario est également encore en train d'étudier le
problème quelques années après la soumission du rapport de
sa commission d'étude. C'est pourquoi l'Opposition va continuer
d'appuyer le gouvernement dans son cheminement vers l'implantation d'une loi
sur l'information gouvernementale.
Il va sans dire que nous allons faire notre possible afin
d'améliorer ce projet de loi. Nous prévoyons une étude
très minutieuse en commission parlementaire, nous prévoyons un
effort soutenu dans le but d'indiquer au gouvernement les endroits où il
a péché par excès de prudence. Mais, grosso modo, il faut
constater que l'excellent rapport de la commission Paré a laissé
au gouvernement une trame toute faite pour une loi efficace. Si le gouvernement
est en retard de six mois dans l'échéancier qu'a établi le
ministre à la suite de la commission Paré, il n'est quand
même pas en retard de six ans. Ce n'est que juste de dire que le
gouvernement semble avoir essayé de garder l'esprit du rapport
Paré, même si son courage a manqué à quelques
reprises. On parlera un peu plus tard, lors de l'étude article par
article, de ce manque de courage.
Nous appuyons le principe de ce projet de loi, d'autant plus que le
gouvernement -pour parler franchement - s'est avéré, au cours des
années, incapable de distinguer l'information neutre et à propos
de la communication axée sur des objectifs partisans. C'est un
gouvernement, enfin, plus transparent dans ses mots que dans ses actes. C'est
un gouvernement qui préfère la publicité à la
divulgation.
Il ne faudrait pas penser que le projet qui est devant nous cet
après-midi représente, en quelque sorte, l'antidote
rétrospectif de l'instinct du gouvernement contre la divulgation qu'on a
vu dans le passé. Soyons clairs là-dessus, ce projet de loi
n'ouvre pas de porte à l'histoire, même à l'histoire
relativement récente. Entre les articles permettant l'implantation
progressive et même extrêmement prudente, l'article 177, permettant
à un organisme public de refuser l'accès à un document -
et je cite -"daté de plus de dix ans", lors de l'entrée en
vigueur du projet de loi. Il n'y a pas de danger immédiat d'une
divulgation indue. Le moins qu'on puisse dire, M. le Président, c'est
que le gouvernement de la transparence adopte une attitude plutôt
prudente face à l'introduction de cette vertu par le biais de ce projet
de loi. (17 h 40)
C'est un projet de loi qui vise essentiellement l'avenir d'un
gouvernement qui n'ose pas trop nous permettre de regarder en arrière.
On a beau parler de 5000 organismes publics, l'application de la loi à
la plupart d'entre eux n'est pas pour demain ni même pour
après-demain. Néanmoins, si le gouvernement réussissait
à implanter le régime d'accès aux documents et la
protection des renseignements personnels aux ministères mêmes du
gouvernement, d'ici à deux ans, il y aurait là un début
assez honorable. On s'attend à ce que le ministre se prononce sur les
garanties qui existent pour qu'on puisse être assurés qu'un tel
progrès se réalisera.
Donc, tout en félicitant le ministre de son appétit
gargantuesque par rapport à la quantité d'organismes intimement
visés, on veut lui rappeler que manger un bon hors-d'oeuvre est meilleur
que rester immobile, en admiration devant la grandeur du repas. C'est dans la
section II du chapitre II du projet de loi que nous retrouvons la
réconciliation des principes contradictoires de l'accès et de la
confidentialité. Cette réconciliation est incarnée dans
une série de restrictions à l'accès public aux documents,
restrictions qui prennent, en somme, six pages et non moins de 24 articles dans
le projet de loi. C'est ironique que dans un projet de loi rédigé
pour donner un plus grand accès, ce qui nous frappe davantage, c'est la
protection que le gouvernement veut se donner. C'est peut-être
inévitable, mais cette quantité de restrictions d'accès,
ces six pages avec ces 24 articles nous amènent à nous demander
parfois quels documents deviendraient accessibles par le biais de ce projet de
loi.
Le ministre, dans son intervention tantôt, M. le Président,
avait évoqué quelques exemples de documents qui seraient
dorénavant accessibles, d'après lui, lorsque le projet de loi
entrera en vigueur. Je soulignerai tout simplement, à ce stade-ci, que
les documents auxquels faisait allusion le ministre étaient surtout des
documents de nature administrative, c'est-à-dire que le gouvernement est
tout près de bousculer quelque peu les fonctionnaires au grade
intermédiaire, les inspecteurs, les analystes dans les domaines
spécialisés, mais on verra que lorsqu'il s'agit de la prise de
décisions sur les politiques, sur les grandes questions
d'actualité, le gouvernement n'est pas si généreux que
cela.
Prenons quelques exemples, M. le Président, tirés non pas
totalement par hasard de la foule de cas où le gouvernement a poursuivi
ses tendances un peu antitransparentes. Le contrat de Pechiney, par exemple,
que le ministre de l'Énergie et des Ressources refuse de rendre public,
malgré tout le capital politique qu'on a essayé d'en tirer,
serait-il disponible, ce contrat dûment signé? Ne serait-il pas
refusé, M. le Président, en vertu de l'article 22 du projet de
loi, et je cite: "Un organisme public peut refuser de communiquer un secret
industriel." Le gouvernement va beaucoup plus loin dans la direction de la
protection de la restriction d'accès qu'allait la commission
Paré. Le
gouvernement ou Hydro-Québec n'auraient même pas à
démontrer un tort quelconque, un intérêt public ou
privé qui suivrait la divulgation d'un secret industriel, parce que la
restriction, telle qu'actuellement incarnée dans le projet de loi,
n'exige pas une telle démonstration.
Ne serait-il pas dans l'intérêt public de connaître
les communications - les communications écrites, au moins - entre le
ministre des Affaires intergouvernementales et le ministre de
l'Éducation au sujet de la distribution du dépliant Minute
Ottawa! à tous les professeurs d'histoire du Québec? Ces notes de
service ou ces lettres seraient-elles accessibles en vertu de ce projet de loi?
Non, parce que l'article 33, alinéa 2, se lit comme suit, et je cite:
"Ne peuvent être communiquées avant l'expiration d'un délai
de 30 ans de leur date les communications d'un membre du Conseil
exécutif à un autre membre de ce conseil, à moins que
l'auteur n'en décide autrement." C'est tout de suite un problème,
M. le Président, parce que l'un des deux auteurs de ces
prétendues communications ne siège plus au Conseil des ministres,
entre autres. On n'aurait même pas à argumenter dans un tel cas
que le sujet discuté est en soi un secret du Conseil des ministres.
Toute communication entre ministres est dorénavant automatiquement
investie par le projet de loi de la mystique de la confidentialité du
cabinet, est protégée pendant 30 ans. C'est une extension
illégitime de la confidentialité du Conseil des ministres.
Je vous donne un troisième exemple. Il y a environ un an, le
ministre de l'Éducation a fait circuler un projet sur l'éducation
sexuelle. C'était un projet tellement mal conçu, tellement
imbécile qu'il a donné à ceux qui veulent éviter
à tout prix l'éducation sexuelle dans nos écoles des armes
impressionnantes. Enfin, une bêtise épouvantable. Le ministre de
l'Éducation, comme c'est son habitude, a rejeté le blâme
sur un fonctionnaire anonyme et a ignoré la question par la suite. Avec
ce projet de loi, aurions-nous droit à l'accès aux documents
d'analyse, de recommandation ou d'évaluation faits au sein du
ministère de l'Éducation ou par des consultants au sujet de
l'éducation sexuelle? Non, parce que l'article 37 du projet de loi se
lit comme suit: "Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une
recommandation faits depuis dix ans par un de ses membres, un membre de son
personnel, un membre d'autres organismes publics ou un membre du personnel de
cet autre organisme dans l'exercice de leurs fonctions. Il peut
également - je cite toujours, M. le Président - refuser de
communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits
à sa demande depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un
conseiller, sur une matière de sa compétence." Une autre cause
perdue, M. le Président.
La réforme scolaire. Quel joli exemple, M. le Président,
de la distorsion et la manipulation de l'information publique. Le projet de loi
aiderait-il le citoyen dépourvu devant les fuites calculées du
ministre de l'Éducation? C'est douteux, M. le Président, parce
que les documents touchant cette question tomberaient fort probablement sous
l'étendue de l'article 32 du projet de loi qui se lit comme suit: "Un
organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation
risquerait - écoutez la généralité de ceci, M. le
Président - de compromettre sérieusement la réalisation
d'un projet en cours." Compromettre sérieusement la réalisation
d'un projet en cours. C'est quoi un projet? Qu'est-ce qui distingue un projet
en cours d'un projet qui ne l'est pas? Qu'est-ce que cela veut dire,
compromettre sérieusement ces réalisations? Autant de questions
sans réponse dans le projet de loi, et questions certaines de
créer les plus grandes difficultés et déceptions.
Si le projet de loi est accepté comme tel par l'Assemblée
nationale, je pourrai multiplier les exemples, M. le Président. Les
sondages faits à même les fonds publics seraient-ils accessibles?
Les contrats de services personnels abusifs seraient-ils disponibles? Les
études et évaluations de programmes, pourrait-on les voir? Enfin,
exactement, quand il s'agit de questions politiques de l'heure, de questions
d'actualité, quel genre de document pourrait être disponible avec
ce projet de loi? (17 h 50)
L'Opposition prendra tout le temps nécessaire pour étudier
ces questions à fond en commission parlementaire. Nous allons
démontrer au ministre, à maintes reprises, la
perfectibilité de son projet de loi, faisant acte de ses professions de
bonne foi. On est convaincu qu'il est sincère, mais encore faut-il agir
dans le sens d'améliorer le projet de loi pendant l'étude article
par article.
Le troisième chapitre du projet de loi, M. le Président,
régit la collecte, la conservation et l'utilisation de renseignements
personnels par les organismes publics. II donne le droit d'accès et de
rectification à la personne concernée. On sait, M. le
Président, vous dans votre neutralité et moi dans ma
non-partisanerie, comment l'État intervient dans nos affaires
personnelles et on connaît la maladie des formules de données
accumulées sur chacun de nous qui afflige les fonctionnaires.
L'Opposition a toujours essayé, parfois même avec succès,
de détourner le gouvernement de ses pires excès dans ce domaine.
Je pense à notre lutte contre le projet de loi no 3 qui envisageait un
fichier central de renseignements personnels. C'est donc avec beaucoup
d'intérêt que nous étudierons en
détail le chapitre III du projet de loi. Le manque de
précision ou les erreurs qui pourraient surgir dans un fichier de
renseignements personnels est un problème potentiellement très
sérieux pour l'individu affecté. Dans la mesure où
l'individu veille à ses propres intérêts et vérifie
les renseignements détenus par le gouvernement à son sujet, le
projet de loi offre des modalités fort utiles de rectification.
Un deuxième problème qui n'est pas contrôlable au
niveau de l'individu, c'est le transfert de renseignements personnels et de
banques de telles données entre organismes publics. Ce qui est
potentiellement dangereux et injuste dans de tels transferts, c'est d'abord que
les sujets ne sont pas informés du transfert, ne donnent pas leur
consentement et que les données auraient été recueillies
en premier lieu pour d'autres fins que celles préconisées par
l'organisme récipiendaire.
Il est inquiétant de voir que les articles 66 et 67 du projet de
loi permettent de tels transferts quoique assujettis à une certaine
exigence de publicité devant l'Assemblée nationale. Nous allons
examiner ces articles avec une très grande vigilance pour les
intérêts de la liberté de l'individu. Ce qui est plus
particulièrement dangereux dans cette section, dans ce chapitre du
projet de loi, c'est que l'article 66 permet au gouvernement du Québec
d'avoir accès à n'importe quelle banque de renseignements
personnels de n'importe quel des 5000 organismes publics à qui,
d'après le ministre, le régime édicté par la loi
s'appliquerait ultimement. Le seul contrôle là-dessus est un
dépôt subséquent à l'Assemblée nationale de
l'entente décrétée par le gouvernement à ce
sujet.
L'Opposition n'accepte pas cette façon tortueuse de distorsionner
la portée du projet de loi. Si les renseignements personnels sont requis
pour l'application d'une loi - je cite directement du projet de loi - c'est
l'organisme public chargé de l'application de la loi en question qui
devrait être habilité à les recueillir.
S'il faut absolument aller chercher d'un autre organisme les
renseignements personnels nécessaires, cela ne devrait pas se faire par
un décret du gouvernement qui le force, c'est plutôt la loi en
question qui devrait être amendée spécifiquement à
cette fin, afin de garantir un débat informé là-dessus
à l'Assemblée nationale. Ce débat informé n'est
nullement garanti par la rédaction actuelle de l'article 66.
Le chapitre IV du projet de loi a pour objet la mise sur pied d'une
commission d'accès à l'information, laquelle entendra les appels
des requérants déçus à la suite d'un refus d'un
organisme public, qu'il s'agisse de la divulgation d'un document ou de la
rectification de renseignements personnels.
Suivant les articles 124, 142, et 147, la commission détient le
pouvoir final - à l'exception de l'article 146 dont on parlera
tantôt - de trancher des litiges entre les organismes publics et les
requérants. En d'autres termes, la commission a le droit d'ordonner que
l'organisme public rende un document accessible, en dépit de la
conviction de la personne responsable au sein de l'organisme public en question
que ce document tombe sous une exemption.
Aucun droit d'appel à la cour n'est prévu sur le fond d'un
tel litige, mais seulement lorsqu'il s'agit d'une question de droit ou de
compétence. Maintenant, le ministre sait comme moi qu'il n'y a pas de
garantie que les cours respectent nécessairement ces articles privatifs
124, 147, et 148, mais cependant au moins les intentions du législateur
sont claires en ce qui a trait à cette question d'appel à la
cour.
La commission représente le dernier recours d'un
requérant. Elle a un pouvoir décisionnel. Elle devrait avoir
l'avantage d'être facilement accessible; son personnel prend la part du
requérant en l'aidant à formuler sa demande de révision
provenant d'une décision initiale rendue par un organisme public. Par
surcroît, elle est contrainte de réagir rapidement, elle a les
pouvoirs lui permettant de comparer à huis clos les documents en
question, les restrictions évoquées par l'organisme quant
à sa non-divulgation des documents, de même que l'argumentation du
gouvernement ou de l'organisme public en cette matière.
Ensuite, l'article 138 exige qu'une demande de révision expose
brièvement les raisons pour lesquelles la décision de l'organisme
public devrait être révisée. Afin de ne pas demander
l'impossible au requérant, cette exigence devient facultative.
Il y a deux points majeurs, fondamentaux, sur lesquels l'Opposition
tient à se prononcer sur le chapitre III, au sujet de la Commission
d'accès à l'information. Le premier, c'est le coût
additionnel et la paperasse qu'entraînerait inévitablement la
multitude de fonctions que recommandait la commission Paré et que
précise le gouvernement dans l'article 124 du projet de loi à la
commission d'accès. Je sais que le ministre a cherché en vain
d'autres solutions. Je ne veux pas remettre en cause sa bonne foi à cet
égard, mais ce sont les fonctions multiples que le projet de loi exige
de la commission qui nous font réfléchir. À bien y penser,
ce que le gouvernement, suivant la commission Paré, essaie de faire,
c'est de combiner les fonctions d'un tribunal parlementaire, d'une part, avec
les fonctions d'un coordonnateur administratif d'autre part. (18 heures)
Le gouvernement essaie de faire cette combinaison dans un seul
organisme. Or, il
faut s'interroger sur la pertinence d'une telle idée. Cette
interrogation doit se poursuivre dans une double optique, celle du coût
et celle de l'efficacité du tribunal. En voulant la doter des
responsabilités de publicité, de recommandations administratives,
de conseils préalables, ainsi de suite, il est inévitable que la
commission devienne une espèce de bureaucratie plus lourde, bien
au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour ses fonctions
quasi judiciaires, les fonctions qui sont le noyau de la raison d'être de
l'organisme qu'est la commission. Ces premières fonctions de
coordonnateur administratif incluses dans la plupart des alinéas de
l'article 125 devraient être plutôt la responsabilité de
l'exécutif, c'est-à-dire devraient être la
responsabilité d'un ministre désigné, tels le ministre des
Communications, le président du Conseil du trésor. Ce sont les
responsabilités, à proprement parler, qui incombent à
l'exécutif.
Ces premières fonctions de coordonnateur ne conviennent pas
très bien aux deuxièmes fonctions, celles d'agir de façon
quasi judiciaire. Les fonctions de coordination devraient être
financées en utilisant les crédits actuellement gaspillés
par le gouvernement dans la publicité gouvernementale, dans les films
produits par le ministre des Communications à l'égard de
Radio-Québec à même les effectifs, dans le domaine des
communications, qui sont déjà abandonnés. Il n'y a aucune
raison qui justifie qu'un gouvernement qui a fait monter ses dépenses
publicitaires du vingt-huitième rang jusque parmi les premiers rangs des
annonceurs au Canada se trouve dans l'impossibilité de réaffecter
ses ressources à l'accès à l'information. Il n'y a aucune
raison valable qui explique le besoin d'y allouer des crédits
additionnels, suivant l'application de ce projet de loi, lorsqu'on
connaît les habitudes de prodigalité du gouvernement.
Une fois ces remarques considérées, il ne resterait
à la commission que les fonctions quasi judiciaires conformes à
la nomination du Parlement. Le gouvernement répondrait ainsi à
une exigence de l'état précaire de ses finances publiques, soit
celle de diminuer les sommes additionnelles de 2 000 000 $ prévues par
le ministre.
La distinction entre le pouvoir législatif et le pouvoir
exécutif serait aussi beaucoup plus précise sur le plan des
responsabilités. Un exemple suffira. On demande à la commission,
à l'alinéa 6 de l'article 125, "de donner avis aux organismes
publics qui le requièrent sur toute matière relative à
l'application de la présente loi", mais on demande aussi à la
commission de juger les décisions de ces mêmes organismes publics,
de juger de l'administration de la loi par ces mêmes organismes
publics.
M. le Président, ces deux fonctions à propos du conseil,
d'une part, et du jugement, d'autre part, me semblent fondamentalement
inconciliables. Cette façon de procéder conduira
nécessairement à la confusion, diluant d'autant les avantages que
l'on désire soutirer de cette éventuelle loi.
Le deuxième point, qui nous paraît capital, a trait
à la porte que le gouvernement veut s'ouvrir à l'article 146 du
projet de loi. À l'article 146 du projet de loi, le gouvernement semble
nous dire qu'il a tenté de protéger adéquatement tous les
secrets dans les 6 pages et 24 articles de restrictions à l'accès
du public aux documents, mais il est possible qu'on se trompe. Après
coup, l'article 146 nous permet de décréter, malgré les
décisions contraires de notre propre commission d'accès à
l'information, qu'un organisme public ne doit pas se soumettre à cette
ordonnance de divulgation émise par la commission.
On va plutôt déposer le décret devant
l'Assemblée nationale dans les quinze jours qui suivent son adoption.
C'est donc une grande échappatoire que le gouvernement se donne. Il
donne non seulement cette chance à ses propres ministres et
ministères, à l'Exécutif du gouvernement du Québec,
mais il se donne aussi le pouvoir d'endosser les instincts cachottiers de
l'administration de n'importe quel des 5000 organismes publics qui seraient
assujettis à la loi.
Je termine. La commission Paré n'envisageait d'aucune
façon une telle répudiation des principes du projet de loi. Le
potentiel pour les cabales politiques est extraordinaire. Imaginez qu'un
citoyen se voie refuser un document par la ville de Montréal, par
l'Hydro-Québec ou par un cégep dans le comté du premier
ministre. Imaginez qu'il fasse appel à la commission d'accès qui
statue en sa faveur. Imaginez par la suite que le gouvernement du Québec
décrète un sursis pour une période de deux ans à
l'exécution de la décision de la commission. Comment voulez-vous
que les dispositions subséquentes du décret amènent un
véritable débat public à l'Assemblée nationale? Un
tel débat serait impossible en l'absence des administrateurs de
l'organisme public en question. L'article 146 est suffisamment nocif, dans
l'esprit de la loi, en ce qui a trait aux ministères dont les titulaires
siègent au moins à l'Assemblée nationale. Cet article nous
apparaît totalement inacceptable dans la mesure où il permet au
gouvernement d'intervenir dans un litige entre un citoyen et un organisme
public à l'extérieur de l'étendue normale des
responsabilités ministérielles.
Enfin, nous croyons que ce projet de loi crée un cadre utile pour
une commission d'accès à l'information. Il est évident que
non seulement ce projet de loi est perfectible, mais qu'il doit être
amélioré avant la troisième lecture.
La réforme que nous entreprenons dans ce projet de loi est
importante mais elle est aussi coûteuse en argent, en paperasse et en
bureaucratie. Elle se caractérise par un potentiel significatif à
alourdir l'appareil étatique et à encourir des dépenses
additionnelles. Le défi c'est d'accomplir un progrès sensible sur
le plan de l'accès à l'information et de la protection des
renseignements personnels sans créer un monstre bureaucratique. Ce
défi va demander beaucoup de réalisme et de pragmatisme. Nous
sommes prêts à bâtir sur les fondations solides de la
commission Paré. Nous sommes disposés à collaborer avec le
ministre dans la mesure où il sera prêt au moins à
considérer sérieusement nos suggestions et nos amendements.
Nous avons la possibilité d'effectuer une amélioration
importante dans l'accessibilité des documents publics et dans la
protection de la vie privée. Il ne faut pas rater cette occasion.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Fabre.
M. Leduc: Je demande l'ajournement du débat jusqu'à
20 heures, ce soir.
Le Vice-Président (M. Jolivet):
Suspension du débat jusqu'à 20 heures, ce soir. Cette
motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Nos travaux
sont suspendus jusqu'à 20 heures, ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 07)
(Reprise de la séance à 20 h 01)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
Nous en étions au débat de deuxième lecture du
projet de loi no 65, du ministre des Communications, Loi sur l'accès aux
documents des organismes publics et sur la protection des renseignements
personnels. La parole est au député de Fabre.
M. Michel Leduc
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Le projet de loi
no 65, qui est présentement devant nous, est une loi qu'on a
qualifiée, que plusieurs d'entre nous ont qualifiée de
fondamentale et, je pense, avec raison, que ce projet de loi est fondamental.
Il s'agit, M. le Président, d'une des lois les plus importantes que nous
ayons eues devant nous depuis de nombreuses années, car c'est une loi
qui renforce l'exercice de la démocratie au Québec.
Le Québec est déjà placé à
l'avant-garde des pays démocratiques grâce à une Loi sur le
financement des partis politiques, une loi qui a été
présentée par le gouvernement du Parti québécois,
une loi qui rejoint les objectifs de transparence de notre gouvernement, une
loi qui a atteint son objectif, car elle permet aux citoyens et aux citoyennes
du Québec d'avoir un contrôle et une connaissance du financement,
des revenus et des dépenses des partis politiques du Québec. En
démocratie, je pense qu'il y a une loi fondamentale, c'est que les
citoyens ont le droit de savoir, les citoyens ont un droit à la
connaissance de ce qui se passe au gouvernement, à la connaissance de ce
qui se passe dans les partis politiques et, en ce qui concerne le projet de loi
no 65, ils ont droit à une connaissance des documents publics. Le
Québec va faire un pas de plus dans le sens de la démocratie en
adoptant ce projet de loi sur l'accès à l'information qui est en
même temps une protection pour la vie privée des citoyens du
Québec.
La connaissance est une des sources de la liberté, M. le
Président. Je vais me permettre de citer le rapport Paré qui a
été déposé il y a déjà un an et qui a
servi de source d'inspiration directe au projet de loi no 65. Le rapport
Paré dit au sujet de la connaissance qu'elle est, bien sûr, une
des sources de la liberté. "De tout temps l'information a
été au coeur de la lutte pour le pouvoir. Les hommes y ont
reconnu l'arme privilégiée de la conquête de leur
liberté en même temps que l'instrument de la limitation de celle
de leurs semblables." Autrement dit, l'information est vitale au fonctionnement
d'une société qui se veut pleinement démocratique, mais en
même temps l'information, c'est à deux tranchants. Elle peut et
elle doit servir à la démocratie, mais elle peut servir
également à brimer les droits fondamentaux des citoyens.
Le projet de loi no 65 vise justement à contrôler
l'information que le gouvernement possède au sujet des citoyens et en
même temps à démocratiser l'information, la connaissance
que possèdent le gouvernement et les organismes publics qui sont
rattachés au gouvernement, connaissance fondamentale à l'exercice
de la liberté. "Le secret conduit à l'abus du pouvoir." C'est une
autre citation du rapport Paré qui est également très
vraie, car tout système démocratique se trouve amoindri
lorsqu'une société néglige d'assurer à ses citoyens
le droit à l'information contenue dans des documents publics.
Il y a toujours un risque en démocratie, c'est que le pouvoir
devienne l'apanage de quelques privilégiés qui, eux, ont
accès à
l'information refusée à l'ensemble de la population.
Malheureusement, c'est ce qui se passe présentement dans notre
société et c'est ce que veut contrer la loi 65. La
démocratie exige une ouverture, une transparence, c'est-à-dire la
libération de la connaissance. Je me permets de citer encore une fois le
rapport Paré: "Un État qui refuse aux individus l'accès
aux renseignements leur nie le droit de contrôler la chose publique comme
de participer à sa gestion." Autrement dit, l'information ouverte,
l'information libre est une condition de contrôle et de participation
à la vie démocratique de notre société.
Comme le notait le rapport Paré, c'est un droit politique et un
corollaire de la liberté d'expression. La liberté d'expression
est un des fondements de notre démocratie. On peut évoquer que
c'est en 1695, en Angleterre, à la suite de l'abolition de l'acte de
censure, qu'on a élevé la liberté de presse au rang des
droits fondamentaux et que le droit à la libre expression des opinions a
été réaffirmé aujourd'hui dans toutes les
démocraties. En 1948, les Nations Unies lui ont donné un
caractère universel.
Bien sûr, on ne discute plus aujourd'hui de la liberté de
presse car c'est un droit acquis, c'est un droit fondamental dans notre
démocratie. Le pas suivant, que les démocraties modernes devront
franchir, c'est un pas vers l'accès libre à l'information
publique. Au Québec, le droit à l'information est reconnu
à l'article 44 de la Charte des droits et libertés de la personne
qui a été adoptée en 1975. Mais ce droit, qui est reconnu
dans la charte, doit maintenant passer dans la pratique - c'est ce que vise la
loi 65 - en assurant l'accès aux documents détenus par le
gouvernement et les organismes publics, documents qui étaient
jusqu'à présent inaccessibles ou soumis à l'arbitraire
parfois du gouvernement, parfois des instances bureaucratiques. (20 h 10)
Les libertés politiques, une fois proclamées, doivent
s'exercer dans des conditions favorables, sinon elles deviennent des
caricatures, c'est-à-dire des mots vides de substance car pour juger les
dirigeants politiques, pour les choisir, pour les renvoyer, au besoin, il faut
disposer de l'information qui les amène à prendre des
décisions. Il faut disposer d'une information non
sélectionnée, non camouflée par les techniques de
communication contemporaines, non teintée de propagande. Autrement dit,
il faut que les citoyens aient accès aux documents qui ont conduit aux
prises de décisions importantes.
Aujourd'hui, M. le Président, la démocratie est
menacée de l'intérieur par un certain nombre de
phénomènes nouveaux qui sont reliés à la croissance
de l'État, à son action directe sur la société,
à sa démesure par rapport au citoyen. Le citoyen, aujourd'hui, a
de plus en plus l'impression d'être perdu dans les dédales
administratifs et bureaucratiques. Lorsque ce simple citoyen, devant
l'État, devant la bureaucratie, se permet de demander l'information qui
lui appartient, la réponse est, malheureusement, trop souvent: On ne
peut le produire ou on le produira lorsqu'on aura le temps.
L'État, M. le Président, aujourd'hui, intervient dans tous
les secteurs de la société, dans tous les aspects de la vie des
citoyens. Il n'y a pas un citoyen qui échappe aux visées,
à la croissance de l'État moderne. Pour fonctionner,
l'État aujourd'hui a recours à des spécialistes, à
de l'équipement informatique, à des moyens qui ne sont pas
à la portée des citoyens. Il faut donc que l'État
intervienne, non pas pour accroître son emprise sur le citoyen mais, au
contraire, pour permettre au citoyen de mieux comprendre ce qui passe dans cet
État, pour mieux pénétrer les secrets de l'État. La
révolution postindustrielle, M. le Président, consiste en grande
partie en stockage et en traitement de l'information qui permet à
l'État de contrôler l'information, c'est-à-dire qui conduit
aux prises de décisions qui façonnent toutes les
sociétés d'aujourd'hui. La soustraction des documents importants
à l'examen public ne peut que contribuer à renforcer le pouvoir
de l'État sur l'individu et conduire graduellement à un
État totalitaire avec une façade démocratique.
L'information libre ne règle malheureusement pas tous les
problèmes, mais répond tout de même à un besoin
d'oxygène pour la vie démocratique dans nos États modernes
car, si la croissance et la puissance de l'État correspondent à
une information plus considérable conduisant à des prises de
décisions, nous assistons aussi de la part des citoyens à une
scolarisation plus élevée, à un esprit critique beaucoup
plus développé et à une exigence accrue de la part des
élus, à un besoin de savoir, de connaître qui correspond
à ce que vise la loi 65. Il s'agit d'aider ce citoyen de plus en plus
scolarisé à répondre à un besoin de connaître
ce qui se passe et à un besoin de participer plus intensément
à la vie démocratique.
Les hommes et les femmes qui sont en politique sont contraints, M. le
Président, d'initier de plus en plus de citoyens aux grands dossiers
politiques et socio-économiques. C'est normal. Les citoyens sont devenus
plus exigeants. Ils demandent une transparence plus grande de la part du
gouvernement, une ouverture plus grande du côté de l'information
que l'État doit leur assurer, sous peine d'assister à une
sclérose de la vie politique et de la démocratie.
Par contre, les citoyens ont besoin
d'être protégés contre les abus que peut
entraîner la tendance de l'État moderne à emmagasiner des
informations sur la vie des citoyens.
Le deuxième volet de la loi 65, justement, veut assurer aux
citoyens cette protection. Quand circulent des renseignements infiniment plus
considérables qu'il y a une génération, informations qui
continuent de s'accroître de façon souvent
désordonnée, les techniques informatiques facilitant la collecte
des données, la protection des individus, dans les circonstances, est
devenue impérieuse. Par exemple, au Québec, on le mentionnait il
n'y a pas longtemps, il y a 1300 banques de données où sont
emmagasinées des informations sur les individus. Des dizaines de
millions de renseignements sur les Québécois et les
Québécoises et aucune loi qui n'interdit aux responsables des
fichiers d'échanger des informations ou d'interrelier les banques
informatisées. Aucune loi, M. le Président. Il n'existe pas au
gouvernement non plus une liste exhaustive des fichiers.
Une étude menée en 1975 révèle qu'il n'y a
aucune mesure garantissant la confidentialité des renseignements
personnels. Il n'y a aucune mesure qui garantit cette confidentialité,
et cette étude a été faite sur plus de 30% des banques de
données. Bien sûr, il y a la nécessité d'encadrer
toutes ces demandes d'information de la part des citoyens de critères
rigoureux. Nous exigeons que l'État respecte nos vies privées, il
importe donc de soumettre la constitution des dossiers personnels, la collecte
des données, leur usage et leur contrôle à des
critères rigoureux, le tout surveillé par une commission qui
serait à l'épreuve des critiques et des doutes. Le nombre
d'informations, leur pertinence, l'usage qu'on en fait doivent aussi être
limités et justifiés, M. le Président.
Il y a un autre aspect dans cette loi qui est extrêmement
intéressant, c'est qu'elle encourage l'intervention et la participation
des citoyens. Ceci est prévu dans la loi, car ce sont les citoyens qui
se prennent en main qui peuvent être la meilleure garantie de la vie
démocratique dans un pays. Les citoyens peuvent, selon la loi,
vérifier dans quel dossier se trouvent des renseignements les
concernant. Ils peuvent demander des corrections s'il y a lieu. Ils peuvent
même en appeler des abus qui sont faits les concernant, ce qui est
présentement impossible. Pour cela, il faut connaître l'existence
de ces fichiers, il faut connaître leur rôle, il faut y avoir
accès, il faut pouvoir disposer de recours contre les pouvoirs publics.
Tout ceci est prévu dans la loi 65. (20 h 20)
Tout à l'heure le député de Westmount s'attaquait
aux restrictions qui sont prévues dans la loi. Je pense que cette loi
est perfectible. Il s'agit d'une première loi. Cette possibilité
d'amélioration est même prévue dans la loi 65, sauf qu'il
faut bien comprendre que si ces documents publics sont la
propriété de la population, il y a une nécessité
aussi, c'est que le gouvernement doit fonctionner pour le bien-être des
citoyens.
Prenons l'exemple de ce Parlement qui est un endroit public; pourtant il
y a des lieux où la population ne peut* aller, et c'est tout à
fait normal. Il y a des endroits qui sont prévus pour que la population
assiste aux débats mais je ne pense pas que le député de
Westmount pas plus que les autres députés ne permettraient aux
citoyens d'entrer dans les bureaux ou dans cette Chambre, car une telle
permission nuirait tout simplement au fonctionnement du Parlement et aussi
à l'efficacité du travail des députés. Ces
restrictions sont prévues dans la loi pour, encore une fois, permettre
au gouvernement de fonctionner de façon normale.
En terminant, je voudrais rappeler que le but de la loi, c'est le droit
à l'information, le droit à la vie privée, le droit au bon
gouvernement, c'est-à-dire le droit pour une société comme
la nôtre d'accéder à une démocratie de
qualité. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Projet no 65, deuxième lecture.
Mes électeurs - moi je représente un comté de gens
simples, Québécois, Québécoises, travailleurs,
travailleuses m'ont demandé: Qu'est-ce qu'il présente encore, ce
péquiste? Peux-tu expliquer cela? Qu'est-ce que ça veut dire, ce
projet de loi no 65. J'ai donné la réponse suivante: voici, Nous,
on est gouverné, on est contrôlé, du berceau à la
mort, par les régies, les commissions, les règlements, les lois,
les statuts; donc, cela prend une autre loi pour nous protéger contre ce
qu'ils demandent. J'ai entendu, j'étais ici, j'écoutais le
ministre, les députés, j'écoute toujours, j'apprends de
vous autres, et j'ai vu le député de Lac-Saint-Jean qui a
montré cinq, six cartes, et il a dit: Je me trouve dans un fichier
personnel quelque part; donc, on a besoin d'un organisme pour nous
protéger contre cela. On est rendu loin quand on sait que ce projet de
loi va s'appliquer à 5000 organismes publics; 5000. Le pays d'où
je viens, où il y a autant de population qu'à Québec, a
1000 organismes et on dit que c'est déjà trop, là-bas.
Qu'est-ce que le ministre nous donne
dans ce projet de loi? J'ai lu attentivement les communiqués de
presse, commentaires, conférences de presse. Je reçois le
document et je le lis. Mon monde m'a appelé: Maximilien, c'est
présenté par le ministre Bertrand; il est beau, il est fin, il
est jeune. Mais, je dis: Cela ne veut pas dire que le projet de loi... Il faut
analyser cela en toute objectivité. Qu'est-ce qu'il nous promet, ce
ministre-là? Le ministre est très habile, il dit: Voici, la
population, je vous promets trois droits que vous n'avez jamais eus, moi je les
promets: droit à l'information, droit à la vie privée, et
droit au bon gouvernement. Là, j'ai dit: II est à peu près
temps que je commence à étudier le projet de loi. J'ai
travaillé avec mon chef d'équipe dans ce dossier, le
député de Jeanne-Mance, deux nuits, presque, on a pris ce projet
de loi-là; 200 articles qu'on a étudiés.
M. le ministre, je peux débattre ce projet de loi n'importe
quand, n'importe où, chaque article, je le connais. Qu'est-ce qu'il
donne? Droit à l'information: On vous donne accès aux documents
des organismes publics. C'est bon, je suis tout à fait d'accord avec
cela, je n'ai rien contre cela.
Deuxième droit: droit à la vie privée, protection
des renseignements personnels. Mais là, ça devient grave, il
donne le droit au bon gouvernement, comme l'a dit le communiqué de
presse. C'est à peu près le temps qu'on ait droit au bon
gouvernement parce depuis que je suis là, je n'ai jamais vu de bon
gouvernement du tout. Mais, le droit au bon gouvernement, où ça
se trouve dans le projet de loi? On ne trouve pas les mots "droit au bon
gouvernement", on trouve les mots "les restrictions au droit d'accès".
Là, j'ai constaté que le troisième droit, c'est
l'exception au premier droit. Le premier droit, c'est un droit à
l'information, et le troisième, c'est une série d'exceptions. Il
ne reste presque plus rien du droit numéro un; donc, ne donnez pas un
troisième droit quand le troisième enlève ce que j'obtiens
au premier.
Donc, j'ai étudié la catégorie des exceptions, j'ai
foncé là-dedans, j'ai dit: Ce n'est pas possible, on va
étudier cela un peu plus en profondeur; j'ai trouvé quinze
restrictions à ce fameux droit à l'information. Dans le projet de
loi, il y a trois articles qui disent: Le droit à l'information, n'ayez
pas peur, citoyens, allez-y, vous l'aurez; trois articles.
Maintenant, on a 23 articles, de 18 à 41, qui nous donnent des
exceptions. Je vais vous les dire rapidement, M. le Président, parce que
je ne suis pas la grande vedette qui a le droit de parler une demi-heure. Juste
vingt minutes. Mais voici, rapidement, ce qu'on nous enlève. Le droit
numéro un, c'est le droit sacré, mais là le droit
numéro trois, c'est une exception. Ce n'est pas un droit, c'est une
exception. Rapidement, on nous enlève, premièrement, les
renseignements des relations intergouvernementales; entre les gouvernements, on
n'a pas besoin de les avoir. Conseil exécutif pas besoin de les donner,
c'est le "bunker", c'est intéressant ce qui se passe là-bas, de
l'autre côté de la rue, on n'a pas besoin de savoir! Conseil du
trésor, les sous! On ne donne pas de renseignements non plus, on n'est
pas obligé. Entrave dans les négociations, c'est
intéressant. C'est intéressant, le climat des
négociations, la convention collective. Vous connaissez cela, M. le
Président, vous êtes vous-même un ancien enseignant
syndicalisé, vous connaissez la matière. Vous n'avez pas le droit
de donner des renseignements, quatrième exception!
Cinquièmement, les incidences sur l'économie, je me suis
dit: Ce n'est pas possible. Chaque geste qu'on pose chaque jour, c'est une
incidence sur l'économie. J'ai mangé ce soir avec le
député de Jeanne-Mance au Saint-Honoré, cela a une
incidence sur l'économie. Dans ce cas, pas besoin de savoir quelque
chose! Imposition de taxes sur Hydro-Québec et l'essence. Vous vous
rappelez les choses dont on a discuté ici, on n'a pas le droit de
savoir. J'aimerais bien savoir le rapport que M. Parizeau a reçu avant
d'imposer sa taxe. Non, on ne touche pas à cela. C'est seulement la
cinquième exception, il y en a quinze.
Sixième exception: tout renseignement financier, commercial -
article 22 - qui peut entraver des négociations ou causer une perte
à l'organisme. Donc, l'organisme public va dire: Je ne donne pas ce
renseignement, cela peut causer une perte, de la manière dont on perd de
l'argent, personne ne peut obliger quelqu'un à donner un
renseignement.
Septième exception: Renseignement fourni par un tiers. C'est
intéressant. Il y a des tierces personnes qui envoient une lettre, comme
chose intéressante, mémo révélant telle et telle
chose. Non, on ne peut pas révéler cela, si cela peut causer une
perte aux tiers.
Huitième exception: Négociation des conventions
collectives. Pendant douze ans, il y a eu des négociations de
conventions collectives, et douze ans après, on ne peut pas
révéler la nature de celles-ci.
Neuvième exception: Incidences sur l'administration de la justice
et de la sécurité publique. Je l'ai lu, il y a beaucoup de
détails qui sont corrects, ce sont les tribunaux.
Dixième exception. À l'article 30, le Conseil du
trésor encore. M. Bérubé dit-on ne touche pas à
cela, ce qu'on discute, les mémos, vous n'aurez jamais le droit d'avoir
cela.
Onzième exception: Opinions juridiques. C'est un projet de texte
législatif réglementaire. On paie pour ces opinions. On a
payé pour les opinions que M. Laurin a
reçues, les opinions qui disent: Vos règlements, cela ne
vaut pas la peine, parce que c'est ultra vires. On aimerait bien en savoir le
contenu. On paie pour cela, tout le monde, la population. C'est défendu,
à l'article 31.
Douzième exception. C'est intéressant, parce que le
ministre a donné onze exceptions. Pour bien se couvrir, il arrive avec
une douzième exception, qui est de caractère
général, au cas où il aurait oublié quelque chose.
Qu'est-ce qu'il dit dans la douzième? À l'article 32, un
organisme public peut refuser de communiquer une analyse - qu'est-ce qu'il veut
dire par une analyse? J'imagine que c'est une analyse verbale, un rapport,
n'importe quoi - lorsque la divulgation risquerait de compromettre la
réalisation d'un projet en cours. J'ai déjà
été vice-président d'une commission scolaire. Je sais
comment hésiter à répondre sur un projet. On va simplement
dire: Nous autres -la commission scolaire - on prépare un plan
quinquennal de 1982 à 1987. C'est un projet en cours. Si vous voulez
avoir des renseignements, je ne vous les donne pas à cause de l'article
42. (20 h 30)
Treizième exception. Pendant dix ans, version préliminaire
du projet, je continue, je suis rendu à la treizième exception.
L'article 37 est intéressant, cela va loin. Un organisme public - cela
veut dire n'importe quel des 5000 organismes - peut refuser de communiquer un
avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses
membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou
un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs
fonctions." Donc on prend un organisme et tous ceux qui y travaillent, qui
émettent une opinion dans l'exercice de leurs fonctions, en vertu de
l'article 37, ne sont pas obligés de la révéler.
Le dernier, c'est l'article 39, le refus d'une analyse, s'il y avait
recommandation sur une période de cinq ans.
M. le Président, j'ai analysé les exceptions. Il y en a
quinze. Qu'est-ce qui reste? Je me demande vraiment où se trouve ce
droit d'accès à l'information, parce que les exceptions sont
tellement bien décrites et au cas où on en aurait oublié,
on a trois articles tellement généraux qu'ils couvrent presque
tout. Là, je me dis: Qu'est-ce qui arrive avec ce fameux droit?
M. le Président, de temps en temps je dors mal à
Québec, j'ai des cauchemars. J'ai eu un cauchemar il y a quelques jours.
Je me voyais poursuivi par des fonctionnaires, des milliers de fonctionnaires
couraient après moi. Je vais t'avoir, etc. Je me suis
réveillé. C'était avant la présentation du projet
de loi, à peu près dix jours avant. Avec le projet de loi, mes
cauchemars sont revenus.
Ce que j'avais rêvé moi-même dans mes cauchemars se
trouve dans le projet de loi. C'est ce que j'appelle la lourdeur de l'appareil
administratif, parce qu'ici on ne sais pas encore où cela peut
aller.
Rapidement, qu'est-ce qu'on demande? Je parle de l'appareil
administratif. De par l'article 16, on force les gens, non pas le gouvernement,
mais tous ces pauvres organismes, comme les commissions scolaires, qui n'ont
pas d'argent, qui ont des coûts énormes à la suite des
coupures budgétaires, à avoir un responsable, un petit monsieur
chargé des répertoires, des inventaires, qui doit répondre
à toutes les lettres, les classer de A à Z et voir à y
répondre dans les vingt jours. S'il ne répond pas ou s'il dit: Je
refuse l'accès à cette information à cause des exceptions
que Maximilien m'a énumérées, le 15, on va en appel. Je
vais en appel et vous, messieurs les fonctionnaires, vous allez me suivre, on
va avoir une enquête. C'est encore une journée de perdue pour le
pauvre fonctionnaire. Tous ces organismes vont dire: C'est impossible.
Où est-ce qu'on va? Qu'est-ce qu'on demande?
On nous dit dans le projet de loi: "Un organisme public doit classer ses
documents de manière à en faciliter le repérage." Le
ministre dit: Classez donc de A à Z. C'est important, le savez-vous?
Le ministre nous dit ensuite, à l'article 17: Annuellement, il y
a un répertoire dans la province de Québec. Voici, les citoyens,
un répertoire haut comme cela, épais comme cela, de trois
couleurs, comme ceux qu'on reçoit chaque jour. Cela coûte de
l'argent, cela coûte cher à la population. On va vous dire
à qui vous adresser pour les renseignements; non seulement cela, on va
faire la promotion pour avoir les renseignements. On a une commission et une
des fonctions de la commission est justement de dire: Population, connaissez
vos droits. Voici la brochure signée par Bertrand, parce qu'il est beau,
doux et fin. Adressez-vous à telle et telle commission pour aller en
appel si un des 5000 organismes refuse de vous répondre.
Une voix: Ce n'est pas possible!
M. Polak: Ce n'est pas possible, c'est vrai cela. Qui paie pour
tout cela? Selon l'article 43, le pauvre responsable, ce n'est pas un
ministère du gouvernement, ce sont les régions, les commissions
scolaires, les municipalités, tous ces petits groupes qui se forcent
à faire le travail de deux ou trois personnes avec seulement une, parce
que vous coupez à l'os. Là encore, il faudra nommer un
responsable.
On a un fichier de renseignements personnels. Ah oui! encore un autre
fichier de renseignements personnels! Un certificat. Là, une commission
vient nous dire: Vous
autres, les 5000, vous devez avoir un certificat attestant que vous avez
satisfait aux exigences de la loi. Encore un autre certificat! Ce n'est pas
possible!
II n'y a pas seulement cela. Si quelqu'un vient consulter le fichier,
cela doit être enregistré, la loi le dit à l'article 77 et,
au cours du mois de juin de chaque année, 5000 organismes doivent
publier une liste de leurs fichiers avec les types de renseignements et
catégories d'usagers. Regardez le projet de loi à l'article 79,
tout se trouve là-dedans.
Il y a ensuite la commission d'accès à l'information avec
trois commissaires et un président. Je prévois déjà
qu'il y aura un président, un vice-président, un directeur
général, un adjoint au directeur général, un
directeur général régional, un adjoint au directeur
général régional, un secrétaire. Je vois un
appareil monstrueux. C'est le danger. Rien dans le projet de loi ne dit qu'il
n'y aura pas cela.
M. le Président, je pense que mon temps achève.
Une voix: Non...
Des voix: Consentement.
M. Polak: M. le Président, un de mes coéquipiers me
donne une petite note: Job pour "tablettés", mais même tous les
tablettés qu'on a ne seront pas capables de satisfaire aux exigences de
cette loi. Savez-vous, c'est cela mon cauchemar et c'est cela qui va devenir
une réalité. Qu'est-ce que le ministre nous dit à la fin?
Il est très habile ce ministre. Il nous dit devant la population: Je
n'exige pas cette loi tout de suite. Tout ce que je vous demande, c'est de
voter pour la loi, elle va être en vigueur le 1er août. Il n'y a
pas d'article en vigueur, rien. Le seul article qui sera en vigueur est un
article qui dit: II y aura une commission. Pour le reste, on va voir dans un
an, et à ce moment on va établir un échéancier.
M. le Président, si on vote pour ce projet de loi, on ne peut pas
revenir plus tard pour dire: Une minute! Au lieu de prendre une année,
peut-être qu'il faut prendre dix ans, cinq ans, ou on ne sait quoi, parce
qu'on est lié déjà. Que dit-il ensuite le ministre? Il
appelle cela la belle clause. Dans cinq ans, après qu'elle aura
été mise en vigueur, on va avoir vraiment la chance de dire:
Regardez, est-ce qu'il faut maintenir cela en vigueur? M. le ministre,
avez-vous jamais vu une commission qui dit: Moi, je pense que je ne dois pas
continuer d'exister. Je pense que je dois m'abolir, parce qu'à ce moment
l'appareil lourd de mon conjoint, les centaines de fonctionnaires qui me
poursuivent sont prêts à m'aider pour me protéger contre
d'autres ennemis du gouvernement. Elle dit: Minute, je ne veux pas perdre mon
emploi.
Donc, M. le ministre, vous avez une loi, vous avez une commission, pas
d'article de la loi en vigueur, rien... Je vous dis: Simplifiez votre affaire,
d'abord pour dire que cela s'applique peut-être aux organismes
gouvernementaux de notre gouvernement du Québec. Ne touchez pas aux
municipalités, aux commissions scolaires, au secteur parapublic, et tous
les autres, pas encore, là. Commencez ici, à Québec
même. On va voir comment cela marche. Vous commencerez, comme on le
disait, "d'un pas très lent sur la lune". N'envoyez pas des "rockets"
avec quinze gars là-dedans, pas encore. Juste une année pour
voir, si cela marche. On verra, mais ne commencez pas avec vos organismes parce
qu'en troisième lecture, on ne votera jamais pour.
Merci beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement et ministre des Communications.
M. Bertrand: M. le Président, en vertu de l'article 100 de
notre règlement, je pourrais peut-être faire mon commentaire en
posant une question au député. Si le député me le
permet, j'aimerais lui poser une brève question. Je voudrais savoir si
son discours avait pour conséquence de dire qu'il était favorable
ou défavorable au projet.
Deuxièmement, est-ce que je comprends bien l'intervention du
député à savoir que finalement il reconnaît que le
ministre des Communications a fait preuve de beaucoup d'audace et veut aller
beaucoup trop loin au goût du député de Sainte-Anne?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Je réponds avec plaisir même si mon avion
m'attend, un avion où je paie mon propre billet, vous savez. J'ai deux
réponses. Je suis évidemment pour le principe d'une telle loi, je
n'ai rien contre cela, c'est bien normal, mais je ne pense pas qu'on ait besoin
d'une "bebelle" comme cela; de deux cents articles avec un appareil
monstrueux.
Une deuxième question. Pour les détails, on va aller en
commission parlementaire. Le ministre a dit cet après-midi,
j'étais ici: On veut approcher cela d'une manière non partisane.
Je suis non partisan. J'ai pratiqué le droit, M. le Président,
pendant 25 ans. J'ai déjà demandé des renseignements aux
instances gouvernementales. Dans neuf cas sur dix j'ai eu la réponse.
Vous seriez surpris. Je n'avais pas besoin de cette loi. Donc, je dis:
Commencez tranquillement, on verra. On est
pour cela mais pas avec ce que vous présentez. L'économie
est plus importante qu'encore un autre organisme.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Le député
de Trois-Rivières.
M. Denis Vaugeois
M. Vaugeois: Je regrette que l'honorable député
nous quitte. Il a servi sa salade et maintenant il ne nous donnera pas
l'occasion...
M. Polak: M. le Président, sur une question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Une question de
privilège.
M. Polak: Je proteste contre le fait qu'on dise que mes discours,
c'est de la salade. S'il vous plaît, c'est la viande, ce n'est pas juste
la salade. Quand le député dit qu'il me voit partir, c'est parce
que j'ai un avion à prendre, autrement je serais resté. Je vais
lire la semaine prochaine ce qu'il dit ce soir...
Des voix: Cela ne vaut pas la peine.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député des Trois-Rivières.
M. Vaugeois: M. le Président, la lecture ne sera pas la
même chose. La présence du député m'aurait un peu
stimulé. Ses propos qui retentissent encore un peu dans cette Chambre
vont suffire, je crois, à m'inspirer un petit peu. Il a
été plein de contradictions et j'aurais aimé le lui dire
de vive voix en l'ayant en face de moi. Comme il a maintenant quitté
cette enceinte, je vais reprendre les propos que j'avais pensé livrer
aux membres de cette Assemblée, et dans l'ordre, à peu
près, où je les avais préparés. (20 h 40)
D'abord, contrairement à l'orateur précédent,
plutôt à l'exemple des autres qui m'ont
précédé ailleurs dans cette Chambre, je voudrais
féliciter l'actuel ministre des Communications. Je voudrais lui
souhaiter, entre autres, d'être là assez longtemps pour voir
l'aboutissement et les effets de sa loi. Le député faisait
allusion au fait que M. Bertrand - il l'a nommé par son nom -aurait
peut-être à signer des autorisations. J'espère vraiment que
le ministre actuel aura l'occasion, dans ce ministère des
Communications, d'être en place pour voir les premières
applications de cette loi.
Le ministre des Communications, en déposant ce projet de loi, a
réalisé un vieux rêve de bien de ses
prédécesseurs qui, d'ailleurs, ont été du parti qui
est en face. Des ministres qui ont appartenu au Parti libéral ont
rêvé de déposer ce projet de loi. Nous savons que plusieurs
députés de cette formation politique continuent d'adhérer
aux principes de base qui sont dans ce projet de loi.
Pour ma part, pendant le peu de temps où j'ai été
ministre des Communications, j'ai contribué à faire passer ce
mémoire au Conseil des ministres et à provoquer la formation de
la commission Paré. C'est la première fois ce soir que j'ai
l'occasion de remercier les membres de cette commission et de les
féliciter pour avoir travaillé bien rapidement et avec une
qualité assez étonnante. Le rapport qu'ils ont produit est
presque devenu un modèle du genre. Aujourd'hui, quand on pense rapport,
on se réfère souvent à ce modèle de la commission
Paré.
La question qu'on peut se poser, qu'on s'est posée et à
laquelle le projet de loi veut répondre, c'est: Pourquoi l'accès
à l'information? Bien sûr, on répond: Le droit du public.
Quant à moi, ce soir, je voudrais développer un aspect
peut-être un peu particulier. Au-delà du droit du public de savoir
ce qui se passe au gouvernement, ce qui se passe dans l'État le
concernant, les décisions le concernant et pouvant l'affecter, il y a,
je crois, pour les élus, un début de sagesse, des occasions
additionnelles de prudence et également une occasion de
responsabilité qui découle du fait que le public a un droit accru
à l'information.
C'est dans cet esprit, je crois bien, que le premier ministre, M.
Lévesque, a insisté personnellement, à plusieurs reprises,
pour que ce projet de loi soit enfin entre nos mains. M. Lévesque, ce
faisant, rejoignait une préoccupation de sa formation politique, une
préoccupation que ce gouvernement a énoncée dès le
début, celle d'une certaine transparence aussi grande que possible.
À partir du moment où les citoyens ont accès à la
plus grande information possible sur ce qui fonde les décisions d'un
gouvernement, c'est certain que ceux qui prennent les décisions sont
conscients que, ayant à rencontrer des gens qui connaissent les choix
qui leur étaient possibles, ils sont davantage prudents dans le choix
qu'ils arrêteront. C'est un des grands mérites d'une loi comme
celle-là que de rendre les hommes politiques, je crois, plus sages et
plus prudents.
Également, c'est peut-être l'occasion de rendre les gens
responsables à d'autres niveaux qu'au niveau ministériel. Nous
sommes dans un système parlementaire britannique où,
traditionnellement, on impute au ministre toutes les responsabilités.
Nous l'avons vu encore aujourd'hui à la période des questions,
quant aux gestes posés par des administrations locales, par des
administrations de centres d'accueil, d'hôpitaux, de CRSSS, ainsi de
suite, les gestes de ces administrateurs qui ont des
pouvoirs considérables sont imputés au ministre.
Le projet de loi invite des gens qui sont au niveau municipal, dans des
organismes décentralisés avec des pouvoirs réels, à
imiter le gouvernement en rendant accessibles le plus d'informations possible.
Le député, en face, nous a fait un beau discours pour nous dire
qu'il y avait beaucoup de restrictions dans le projet de loi. L'instant
d'après, il propose des restrictions. Il voudrait que la loi ne touche
pas les institutions municipales, les institutions décentralisées
qui sont quand même des institutions publiques où des gens ont
été élus et où, à mon avis, ils ont des
comptes à rendre. Un tel projet de loi, avec la portée qu'il a
actuellement, une portée fort raisonnable, est susceptible, à mon
avis, d'accroître la responsabilité à des niveaux où
la responsabilité devrait se trouver.
Nous sommes, ces jours-ci, d'ailleurs, au Québec, en train de
réfléchir grâce, entre autres, à une commission qui
amène un de nos collègues, M. Bisaillon, et d'autres
députés de cette Chambre - je l'appelle par son nom puisqu'on s'y
réfère comme à la commission Bisaillon. Cette commission a
fait ressortir une notion qui ne nous est pas très familière,
celle de l'imputabilité. L'imputabilité, c'est l'occasion de
rendre des comptes. Cela veut dire qu'on sait qui a fait quoi, on sait qui a
proposé quoi, on sait ce sur quoi se fondait une décision. Plus
d'informations nous avons à cet égard mieux les
responsabilités peuvent être distribuées.
Là où je serais peut-être un peu d'accord avec le
député, c'est sur la liste des restrictions qui sont dans le
projet de loi. Comme tous ceux en cette Chambre qui croient à
l'accès à l'information, nous voulons cette liste la plus courte
possible. Mais si nous voulons être sérieux, en examinant la liste
des restrictions, on se rend d'abord compte que la commission Paré, qui
est une commission neutre composée de gens compétents, avait une
liste au moins aussi longue, sinon même un peu plus longue, que celle qui
est conservée dans le projet de loi. Donc, sur ce plan, on ne peut pas
dire que le gouvernement a eu peur. Il est allé plus loin, en termes de
restrictions, que ce qui lui était proposé.
Maintenant, si on regarde autour de nous, en Angleterre, par exemple, ce
sont les parlementaires qui, pour l'essentiel, assurent l'accès à
l'information, mais il s'agit d'un Parlement qui a évolué
davantage ces dernières années que le nôtre. Le jour
où le Parlement fera vraiment son travail, il est probable que la loi
jouera moins, mais, en attendant, où faut-il aller chercher nos
exemples? On pourrait éventuellement aller chercher du côté
du gouvernement fédéral, mais j'invite le député
qui m'a précédé à examiner la liste des exceptions
qui se trouvent dans le projet de loi fédéral qui est devant la
Chambre, je crois - peut-être que le ministre pourrait m'aider - depuis
deux ans. Cela fait deux ans que les parlementaires d'Ottawa ont ce projet de
loi sous les yeux. Il a été commenté par maints experts
et, en général, les experts le trouvent assez décevant
justement à cause d'une liste, mais vraiment, cette fois-là,
interminable d'exceptions.
Nous avons une liste d'exceptions qui est considérable. Nous
aurons l'occasion, en commission parlementaire, de nous arrêter sur cette
liste d'exceptions et de l'examiner. Je serai parmi ceux-là.
J'examinerai les exceptions une par une et, s'il y a moyen d'en enlever, je
serai parmi ceux qui proposeront d'en enlever. Mais je serais
étonné que le député soit d'accord pour qu'on
dévoile des informations qui pourraient faciliter l'évasion d'un
détenu. Quand on a ce genre de restriction, cela m'étonnerait que
le député trouve cette réserve excessive.
Il y a un certain nombre de telles réserves sur lesquelles nous
nous entendrons tous. Il y en a d'autres qui concernent, par exemple, ce qui a
fondé des décisions politiques: délibérations du
Conseil des ministres et tout ce qui a précédé,
délibérations du Conseil du trésor et tout ce qui a
précédé, etc. Là, on peut se poser des questions.
On peut se demander, par exemple, si la prescription de 30 ans est souhaitable.
Ceux qui ont lu le rapport Paré savent que, dans le rapport Paré,
on proposait 20 ans. Cela m'intéresse, comme parlementaire, de
connaître le point de vue des députés d'en face, en
commission parlementaire. Ils nous diront s'ils souhaitent la période de
20 ans. Notre gouvernement nous propose 30 ans, mais il avait des raisons -
nous le savons - qui concernaient autant les gens de l'Opposition que les gens
du côté ministériel. Nous pourrions étudier cet
aspect comme parlementaires. Le ministre nous dira ce qu'il en pense. Le
gouvernement nous fait une proposition, mais, après tout, les
législateurs, semble-t-il, c'est encore nous. Nous aurons l'occasion,
à ce moment-là, de nous prononcer.
Mais je ne me fais pas trop d'illusion parce que notre histoire nous
révèle que les hommes politiques, ici, sont bien prudents. Ils
sont bien discrets. Ils sont bien cachottiers. Ils sont bien avares pour donner
des renseignements sur eux-mêmes. J'ai eu la curiosité, avant de
me rendre en cette Chambre, ce soir, de faire une communication aux Archives
nationales du Québec qui, soit dit en passant, sont dans des locaux
merveilleux, des locaux spacieux, des locaux qui peuvent vraiment faciliter les
activités des chercheurs et assurer une conservation adéquate,
convenable des documents qui leur sont confiés. J'ai demandé aux
archivistes: Combien d'hommes
politiques vous ont confié une partie de leurs documents? Depuis
1791, puisque ce Parlement siège depuis 1792 grâce à l'Acte
constitutionnel de 1791, alors qu'une scène des premiers débats
nous est rappelée ici, il serait passé à peu près
1800 hommes politiques en cette enceinte. D'après vous -je le demande
à mes collègues de droite -combien d'hommes politiques
québécois ont confié aux archives, volontairement ou par
le biais de leur successeur, des documents les concernant? (20 h 50)
Une voix: Une vingtaine.
M. Vaugeois: Vous êtes plus conservateur que ceux qui vous
ont précédé. Je pense qu'une couple de mes
collègues étaient un peu absorbés par d'autres questions.
Je leur rappelle qu'il y a quand même 1800 parlementaires qui sont
passés en cette Chambre. Sur les 1800, on me dit qu'il y a des documents
pour à peu près une centaine d'entre eux et, sur la centaine,
pour 70 qui ont été parlementaires avant 1867. Donc, depuis la
Confédération, on aurait encore plus de choses à cacher
parce qu'il y en aurait une trentaine à peu près qui auraient
confié - et je suis de ceux-là à part ça - aux
archives nationales du Québec des documents les concernant. Encore que
sur la centaine... Vous aviez peut-être raison, au fond, de dire moins
que 100. Je n'ose même pas rappeler le chiffre que vous m'avez
suggéré parce que j'en aurais honte. Je suis un parlementaire et
solidaire de ceux qui m'ont précédé. De toute
façon, il semble que dans la documentation remise aux archives il y a
généralement davantage de papiers de famille et fort peu de
documents relatifs à l'activité politique.
Puisque notre ministre des
Communications est lui-même fils d'un premier ministre, je lui
dirai que parmi les premiers ministres du Québec - il y en a à
peu près 27, je crois - il y en a cinq qui ont confié des papiers
aux archives. Un sixième premier ministre a des archives
constituées qui peut-être un jour seront confiées aux
Archives nationales. Pour les autres, les archivistes s'emploient actuellement
à convaincre les descendants de confier aux Archives nationales la
documentation qu'ils possèdent, mais ils ne sont pas très
très chanceux dans leurs démarches.
Regardez notre projet de loi; c'est là que nous ferons vraiment
le test avec les parlementaires. C'est là que mon ami qui m'a
précédé me montrera s'il est sérieux, si
lui-même, comme homme politique, est prêt à m'appuyer pour
modifier, par exemple, la rédaction de l'article 34. La règle,
c'est que ce qui se passe dans nos bureaux, ce qui concerne notre
activité politique, en principe, ce n'est pas accessible. Un document du
bureau d'un membre de l'Assemblée nationale du Québec n'est pas
accessible, à moins que le membre ne le juge opportun. Et ça
continue sur ce ton-là.
D'ailleurs, il y a beaucoup de restrictions qui sont sur ce ton. La
règle, c'est que ce n'est pas accessible, ce qu'on fait comme
député ou comme ministre. Apparemment, on serait un peu naïf
quand on souhaite le contraire, c'est-à-dire qu'on veuille rendre ces
documents accessibles. Pour ma part, j'ai été naïf le matin
où j'ai eu à quitter mon ministère des Affaires
culturelles, et j'ai fait la même chose au ministère des
Communications. À cet égard, d'ailleurs, je n'ai pas agi
autrement qu'un député qui fut ministre du côté
libéral. Il y a au moins un ex-ministre que je connais qui, en quittant
son bureau comme ministre, à l'élection de 1976, a laissé
ses documents. Pour ma part, je peux dire publiquement ce soir que le matin
où j'ai eu à quitter ce bureau, celui des Affaires culturelles
parce que j'y avais été plus longtemps et j'avais
évidemment beaucoup plus de documentation sur des questions qui avaient
été parfois très délicates et difficiles pour moi,
j'ai demandé aux gens de mon cabinet de ne pas toucher à un seul
document. J'ai immédiatement communiqué avec le personnel des
archives et je les ai invités à venir eux-mêmes, à
partir de leur compétence et de leur discrétion, chercher ce
qu'ils croyaient utile pour la conservation.
Je crois qu'il n'y a qu'une seule personne qui peut être
habilitée à détruire des documents et c'est l'archiviste
du Québec. Son personnel a donc réuni mes documents et
aujourd'hui ils se trouvent aux Archives nationales. Le jour où je
voudrai les consulter, j'irai les consulter aux archives nationales. Je sais
que certains de mes collègues, entre autres, le ministre actuel des
Affaires intergouvernementales, auraient posé le même geste ou
seraient sur le point de le poser pour une partie de la documentation qu'ils
ont conservée. Je crois que nous montrerons notre sérieux le jour
où nous croirons que les gestes que nous posons comme parlementaires,
comme députés ou comme ministres, qui aboutissent à des
documents, premièrement, doivent être conservés et,
deuxièmement, le plus tôt possible, doivent être
accessibles.
Les restrictions dans le projet de loi, la plupart du temps sinon
toujours sont en fait une question de délai, et c'est ce qui me
paraît important. Nous sommes bien d'accord que des documents qui
concernent des questions économiques, des questions de
négociations dans le secteur public, que des documents d'affaires
internationales puissent faire l'objet d'une prescription de quelques
années, mais il ne faudrait quand même pas exagérer.
Les archives de guerre ont été rendues accessibles assez
tôt après la dernière
guerre. Si on le fait pour des papiers de guerre, où les
responsabilités sont partagées par ceux qui étudient ces
documents, à plus forte raison pourrions-nous avoir accès assez
rapidement à des documents de caractère commercial,
échanges diplomatiques, ainsi de suite. Pour moi, ce qui est important,
c'est un délai le plus court possible et, en attendant, l'assurance que
les documents seront conservés.
Vous me permettrez, M. le Président, de dire au ministre des
Communications que c'est peut-être sur ce plan que je diminuerais
d'enthousiasme quant au projet de loi, encore que je sache fort bien qu'il
n'est pas de sa compétence de régler cette question. Son projet
de loi va aussi loin que lui le peut, et il le sait très bien. Ce soir,
je l'invite publiquement à soutenir son collègue des Affaires
culturelles pour que le plus tôt possible cette Chambre ait, à
côté du projet de loi sur l'accès à l'information,
un projet de loi sur les archives pour que ce projet de loi nous donne
accès, le plus rapidement possible, au plus grand nombre de documents
possible.
Notre préoccupation, comme parlementaires, est de nous assurer
que les règles de conservation sont également connues et
publiques. Ce que je souhaite, c'est qu'avant qu'on arrive à
l'étape ultime de ce projet de loi, nous ayons entre les mains comme
législateurs le projet de loi sur les archives pour que nous sachions
quelles sont les conditions de conservation, à quelles conditions un
document peut être détruit et dans quelles conditions il est
conservé, etc. Cela me paraît fondamental pour que tout cela soit
sérieux.
Autrement, avec l'esprit que je connais à certains hommes
politiques, ce projet de loi peut être finalement plutôt dangereux
que bénéfique. Nous l'avons vu aux États-Unis où
une loi semblable existe. Aux États-Unis, les fonctionnaires ont
cessé d'écrire certaines choses; il y eut des notes qui ne
s'écrivaient plus, des analyses qui ne faisaient plus; les gens
écrivaient des choses un peu banales, avec des données
très générales et disaient: Si vous en voulez davantage,
vous viendrez me parler, en espérant que les propos, eux, ne puissent
pas être conservés. Soit dit en passant, aujourd'hui, on a
même les moyens de conserver tout cela sur bande magnétique, sur
bande d'ordinateur, etc. Les archives se sont modernisées pour tenir
compte des moyens nouveaux, des nouveaux supports pour la documentation.
Quoi qu'il en soit, j'invite donc les membres de cette Chambre à
considérer le projet de loi sous cet angle et à souhaiter avec
moi que nous ayons l'autre instrument qui nous manque à ce moment-ci. Le
ministre des Communications souhaite sans doute comme nous - je l'invite
à nous donner des indications là-dessus quand il le pourra - que
le plus tôt possible nous ayons cet autre outil qui nous donnerait des
garanties quant à la conservation.
Je m'inquiète beaucoup de l'absence totale de certains dossiers
sur des questions majeures. Je ne veux pas être indiscret, mais comme
d'autres dans cette Chambre je sais que sur des questions majeures, qui se sont
posées à nous ces dernières années, il n'existe pas
de documents, il n'existe pas de dossiers. Dans ces cas, nous sommes coupables
de ne pas avoir su, pour l'administration et pour la continuité de
l'administration, conserver les choses.
J'ai toujours trouvé absolument odieux la photo qui nous montre
un ministre quittant son cabinet avec, à côté de lui, un
camion qui charge ses dossiers. J'ai encore à l'esprit cette image d'un
ministre important, qui avait été à la tête d'un
ministère névralgique pour l'administration du Québec, se
faisant photographier, au moment de son départ, avec des gens qui
chargeaient ses documents dans des camions, pour aller où? Et le
ministre qui lui succède? On me dira qu'il y a un partage qui a
été fait entre les documents de l'administration publique et les
documents qui le regardaient personnellement. Quels sont les documents qui nous
regardent personnellement quand on est un homme politique? Qu'est-ce qu'on a
à cacher? À la limite, nous avons à protéger des
tiers. Là-dessus, les délais de prescription sont à
étudier encore, à mon avis. Au moins, on devrait avoir
l'assurance que tout cela sera conservé et qu'un jour, sinon tout de
suite, on pourra rendre des comptes.
Les mérites principaux de ce projet de loi ont déjà
été dits et d'autres orateurs auront à en parler. Avant de
terminer, M. le Président, je veux reprendre mes propos du début
et rendre hommage au ministre d'avoir réussi cette étape que ses
prédécesseurs lui envient, finalement, et je suis parmi
ceux-là. Je veux lui souhaiter de mener à terme ce projet de loi,
de voir fonctionner cette commission et en apprécier les
résultats.
Ce n'est pas un leurre que d'avoir un délai de cinq ans, parce
qu'il est possible, si nous faisons bien notre travail de parlementaires, si
nous savons réformer cette institution, que cette clause de cinq ans ne
soit pas futile. De toute façon, cela faisait longtemps qu'on attendait
des projets de loi avec semblable clause; ce projet de loi nous l'amène.
À plusieurs égards, il faut dire: Félicitations au
gouvernement et au ministre. Et pour ce qui ne nous satisfait pas, pour ce qui
peut être à rediscuter, entre autres, en ce qui nous concerne,
comme hommes politiques, nous en ferons notre affaire en commission
parlementaire. Merci, M. le Président. (21 heures)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. Je suis d'accord avec le
député de Trois-Rivières sur les points fondamentaux qu'il
a soulignés: premièrement, que nous sommes pour une loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et, deuxièmement,
sur le point qu'il a souligné à quelques reprises durant son
discours, que le projet de loi devant la Chambre est perfectible.
C'est-à-dire qu'on va travailler en commission - le ministre, je suis
sûr, est bien ouvert aux modifications, aux changements - pour
améliorer son projet de loi, parce que nous sommes d'accord sur le
principe qu'il faut avoir accès aux documents publics.
Vous savez, M. le Président, que les organismes de l'État
et les ministères produisent beaucoup de rapports, beaucoup
d'études, beaucoup de sondages et ainsi de suite, et souvent, les
députés mêmes et le public en général n'ont
pas accès à ces documents. Adopter un projet de loi tel que celui
qui est présenté à la Chambre veut dire que nous sommes
pour un gouvernement plus ouvert, pour un gouvernement plus
démocratique. Je pense que pour gouverner d'une façon
démocratique, il est essentiel que les députés et le
public en général aient accès à la plus vaste
information possible. Adopter un tel projet de loi, c'est peut-être
changer notre façon de gouverner, c'est-à-dire que ce serait
possible pour tout le monde d'avoir accès à plus d'information.
Cela peut être plus difficile pour certains ministres et pour certains
organismes de fonctionner comme ils aimeraient le faire.
Il ne faut pas oublier que ce projet de loi va lier aussi le prochain
gouvernement, et on sait que le prochain gouvernement ne sera pas un
gouvernement péquiste. Donc, l'Opposition, en travaillant sur ce projet
de loi, pense aussi au moment où l'Opposition prendra le pouvoir. C'est
un projet de loi qui va lier tous les gouvernements, et nous allons agir d'une
façon responsable, pas seulement dans un intérêt partisan,
mais dans l'intérêt de toute la société, et dans
l'intérêt de l'Assemblée nationale.
Le député de Westmount a donné un certain nombre de
raisons pour lesquelles il est utile d'avoir un tel projet de loi. J'aimerais
m'arrêter sur deux de ces raisons. Premièrement, il a dit que le
public a le droit d'être informé pour que ce soit possible de
participer aux débats publics d'une façon bien renseignée.
Deuxièmement, il a dit que les citoyens ont payé pour ces
rapports, ces études, ces sondages et que les citoyens, parce qu'ils ont
payé pour tous ces documents, ont le droit de consulter ces
documents.
Il va sans dire qu'il faut avoir un certain nombre de restrictions. On
ne peut pas s'attendre que tout soit ouvert au public. Je me demande si on ne
va pas trop loin dans les restrictions qu'on trouve dans le projet de loi. Par
exemple, l'article 32, auquel un bon nombre de députés ont
déjà fait allusion, prévoit qu'un organisme public peut
refuser de communiquer une analyse lorsque sa divulgation risquerait
vraisemblablement d'avoir un effet sur une procédure judiciaire ou de
compromettre sérieusement la réalisation d'un projet en cours.
Comme les Américains diraient: One could drive a truck through this
exception. On a souvent l'impression, en faisant la lecture de ce projet de
loi, qu'on va avoir l'accès à tout, mais ce n'est pas vrai. Cela
prendra une permission et ce sera difficile d'avoir la permission. Donc,
j'aimerais dire que c'est un projet de loi perfectible. Il faut que les membres
de l'Assemblée nationale travaillent à améliorer ce projet
de loi.
Le ministre a dit cet après-midi qu'il y avait 5000 organismes
publics au Québec. J'aimerais discuter pendant quelques minutes de mes
expériences avec certains de ces organismes quand j'ai voulu avoir
certains documents. Prenons pour commencer mes expériences avec les
organismes qui visent à l'application de la loi 101. Vous savez, M. le
Président, qu'il y a quatre organismes, sans parler de la commission de
surveillance. Il y a la commission d'appel, qui a déjà entendu
deux causes en appel depuis cinq ans. Je ne vais pas parler de cette commission
non plus, mais j'aimerais parler des pratiques de l'Office de la langue
française et du Conseil de la langue française. Savez-vous, M. le
Président, que ces organismes dépensent au-delà de 1 000
000 $ - j'en suis sûr - pour faire toutes sortes de rapports, des
études, des sondages et ainsi de suite? L'autre jour, quelqu'un m'a
téléphoné à mon bureau de comté. Il ne m'a
pas donné son nom, mais il m'a parlé de ces deux organismes. Il
m'a expliqué comment, dans ces organismes, on joue à cache-cache
avec les documents pour que les documents ne sortent pas.
J'aimerais vous parler surtout de mes expériences avec les
rapports, les études et ainsi de suite de ces organismes qui traitent
des infirmières et des infirmières auxiliaires, surtout ces
femmes et ces hommes qui ont échoué aux examens de l'Office de la
langue française. En 1979, l'Office de la langue française a fait
faire un rapport par ses chercheurs qu'on appelle le rapport Martin Pires. On
trouve dans ce rapport que les auteurs ont conclu que les tests ne sont pas
appropriés pour les infirmières et les infirmières
auxiliaires. C'était en 1979. Ce rapport n'a jamais été
rendu public. La seule façon dont j'ai pu prendre connaissance de ce
rapport, c'est à la suite d'une fuite d'un journaliste.
Prenons un autre document, un
document du Conseil de la langue française de cette année.
Cela a été refilé au Devoir. Ce document touche les tests.
Dans le rapport du Conseil de la langue française, on y voit que le
conseil a conclu que l'évaluation des connaissances de la langue
française des infirmières et des infirmières auxiliaires
est injuste. Le conseil a dit aussi que les tests étaient de mauvais
instruments, parce qu'ils ne mesurent pas ce qu'ils sont censés mesurer.
Finalement, le conseil a dit que les tests actuels et les nouveaux tests en
préparation ne répondaient pas à l'exigence de l'article
35 de la loi 101, qui prévoit une connaissance fonctionnelle de la
langue française.
Qu'a fait le ministre de l'Éducation, responsable du conseil et
de l'office? Il a donné une conférence de presse après la
fuite de documents, il y a rendu publique une version épurée de
ce document, une version épurée à son goût, comme
les Américains disent: "a sanitized version" de cette étude.
Entre parenthèses, M. le Président, à l'étude de ce
rapport, l'éditorialiste du Devoir, Jean-Pierre Proulx a écrit
deux éditoriaux pour demander au ministre de déclarer un
moratoire aux tests, parce qu'il a dit que c'était un scandale. Le 31
mars 1982, l'éditorialiste a écrit dans le Devoir "La
façon curieuse dont le rapport est parvenu au Devoir porte à
croire que, là aussi, des intérêts étaient en jeu."
Je vais revenir sur ce point, que des intérêts étaient en
jeu. Hier et aujourd'hui, il y a eu une autre fuite, cette fois une fuite du
Conseil de la langue française au Journal de Québec, à la
Gazette et au canal 12. Apparemment, le ministre, par le biais du Conseil de la
langue française ou le Conseil de la langue française
lui-même, a demandé une étude sur la validité des
règlements adoptés en vertu de la Charte de la langue
française. J'ai moi-même, M. le Président, demandé
au ministre de l'Éducation, le 7 avril, s'il a eu connaissance d'une
étude semblable. Il a dit: Oui, je l'étudie à mon tour. Je
lui ai demandé de déposer ce rapport. Il a dit: Je vais penser
à cela. Cela n'a jamais été déposé. La seule
façon dont on a pu prendre connaissance de ce rapport, c'est par la
fuite que j'ai mentionnée il y a une minute. (21 h 10)
C'est une étude légale qui a été faite par
le doyen, Yves Ouellette, de la faculté de droit de l'Université
de Montréal. Le doyen Ouellette est un expert en droit administratif et
j'imagine que c'est pourquoi on a demandé à Me Ouellette de faire
cette étude. Il faut se demander, premièrement, pourquoi le
gouvernement a demandé au doyen Ouellette de faire une étude sur
la validité des règlements adoptés en vertu de la loi 101.
Peut-être que le gouvernement a des doutes sur la validité de ces
règlements, mais peu importe.
Le doyen Ouellette a écrit dans son rapport que beaucoup de
règlements de l'office sont d'une légalité douteuse et il
a dit, en ce qui concerne d'autres règlements, que les règlements
sont carrément illégaux. Je vais vous donner un exemple. Il a
écrit que le règlement sur les fameux tests est illégal,
donc que les tests eux-mêmes sont illégaux. Pour résumer
tout ce qu'il a dit dans une phrase, il a dit que l'Office de la langue
française ne respecte pas la loi 101. Cela est fort! L'office ne
respecte pas la loi 101. J'aimerais vous lire sa conclusion, M. le
Président, et je cite: "D'un point de vue strictement technique, la loi
101 ne saurait être considérée comme un modèle de
rigueur et de bonne rédaction. On a donc tenté d'en corriger les
déficiences et les lacunes par voie réglementaire et c'est
là que se situe le fond du problème. Pour cette raison, une
révision des textes réglementaires devrait nécessairement
s'accompagner d'une révision de la loi 101 elle-même, car on
serait en droit de s'attendre que des textes aussi importants soient
techniquement impeccables."
Vous savez pourquoi la loi 101 n'est pas impeccable? C'est simple, c'est
parce que cela a été rédigé par des psychologues,
des sociologues, des psychiatres et ainsi de suite. On ne peut pas demander aux
psychiatres, aux sociologues et aux psychologues de rédiger des lois.
Pour rédiger des lois, il faut engager des juristes. On a beaucoup de
bons juristes au Québec mais, malheureusement, pour cette loi on a
engagé d'autres spécialistes parce que c'était voulu
à l'époque.
Pourquoi le ministre de l'Éducation n'a-t-il pas rendu publics
ses rapports? Cela a été demandé à maintes
reprises. Pourquoi a-t-il caché ses rapports? C'est très simple,
c'est parce qu'il a voulu et il veut encore protéger ses fonctionnaires
qui ont mal fait leur travail. Ce que le ministre fait, c'est mettre ses
intérêts politiques avant la justice, au lieu de mettre la justice
avant ses intérêts politiques. Il met ses intérêts
politiques avant l'accès à l'information gouvernementale, au lieu
de mettre l'accès à l'information gouvernementale au-delà
de ses intérêts politiques. De mon expérience, je trouve
que ce gouvernement et peut-être des gouvernements
précédents ont caché des documents, des rapports, des
études et des sondages pour protéger des fonctionnaires et ainsi
se protéger eux-mêmes.
J'aimerais vous donner une autre petite expérience que j'ai
vécue durant des semaines assez récentes. J'ai rendu public un
rapport, il y a quelques jours, qui est intitulé: Les lenteurs de la
justice, une injustice. Vous savez, M. le Président, j'ai demandé
au ministre de la Justice à maintes reprises, en commission
parlementaire, au salon bleu, en conversation privée, de me
rendre accessibles un certain nombre de documents pour qu'il soit
possible pour moi de vraiment faire une étude de fond, une étude
qui se tienne. Il a toujours refusé de me fournir des documents qui sont
pourtant -comment dirais-je - assez ordinaires. Par exemple, chaque palais de
justice au Québec a remis un rapport au ministre sur l'efficacité
de ses travaux. Je ne pense pas qu'il y ait des secrets dans ces rapports. Ce
sont seulement des statistiques: combien de minutes on a utilisées les
salles d'audience par jour, combien de juges il y a dans un district, s'il
manque de juges dans un district, s'il y en a trop dans un autre, et ainsi de
suite. C'était seulement de l'information normale. Il m'a refusé
tout cela. Il n'a pas voulu me rendre quoi que ce soit accessible. Mais s'il y
a un étudiant qui va travailler au ministère pendant quelques
mois pour faire une étude de maîtrise ou de doctorat,
peut-être que cet étudiant aura plus de possibilité d'avoir
accès à ces documents qu'un député qui essaie de
faire son travail et les études qui s'imposent.
Je peux vous citer d'autres exemples de mon expérience avec le
ministre de la Justice. Quand j'ai fait la tournée des prisons au
Québec et publié mon rapport sur les prisons, j'ai demandé
au ministre d'avoir accès à un certain nombre de documents. Mais
non, il m'a dit: Non, c'est impossible; on ne le fait pas, et ainsi de suite.
Il y a bien sûr les rapports annuels des ministères. Mais
avez-vous jamais lu de tels rapports? Il n'y a rien là-dedans. On ne
peut pas trouver d'information pertinente pour faire une étude
sérieuse, par exemple, sur une direction d'un ministère.
En terminant, je trouve qu'un député qui veut faire son
travail d'une façon sérieuse a besoin de l'accès à
plus de documents que ce qu'on a aujourd'hui. Il faut que le gouvernement
s'ouvre un peu, que le gouvernement devienne un peu plus transparent. On ne
veut pas voir tous les grands secrets d'État, on veut seulement voir les
documents assez ordinaires pour qu'on puisse faire des analyses, des
études, pour qu'on puisse poser des questions aux ministres, pour
pouvoir aider les ministres lors d'études en commission d'un projet de
loi, et ainsi de suite.
Il me semble que le projet de loi devant nous peut être de
beaucoup amélioré, parce que si le projet de loi reste tel quel,
les ministres vont me dire: Non, vous ne pouvez pas avoir accès aux
documents de l'Office de la langue française, aux documents du Conseil
de la langue française, aux documents du ministère de la Justice,
et ainsi de suite. Ce sera la même chose. Mon travail ne sera pas plus
simple si on adopte ce projet de loi. Je suis d'accord avec les
députés qui m'ont précédé pour qu'on
améliore ce projet de loi et pour qu'on garde une certaine ouverture
pour que les gouvernements, non seulement celui-ci, mais les gouvernements
à venir, soient plus transparents.
En terminant, j'espère que le ministre va travailler en
commission parlementaire avec un esprit ouvert comme toujours et qu'il
acceptera des améliorations à ce projet de loi pour le rendre
plus efficace et plus utile pour nous tous. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de
l'Opposition.
M. Pagé: M. le Président, je me lève
à ce moment-ci pour soulever une question de privilège à
la suite d'une information que je viens de recevoir. (21 h 20)
On se rappellera que mardi dernier, à juste titre, je pense, le
leader du gouvernement, par une déclaration qu'il a faite au
début de nos travaux a formulé le voeu que le parlementarisme,
notre Assemblée nationale, que l'ensemble des députés des
deux côtés de la Chambre, membres du gouvernement ou de
l'Opposition, qu'on soit plus sensibles à cette obligation qu'on a,
comme parlementaires, d'être respectueux de la Chambre et des
parlementaires.
On sait que la tradition parlementaire veut - et cela, le
député de Trois-Rivières qui est près du leader du
gouvernement pourra certainement en convenir - que les députés
soient associés non seulement à la fonction législative du
Parlement, mais que ces députés, comme représentants de la
population, puissent bénéficier de tous les
éléments, de toutes les procédures et de toutes les
dispositions du règlement, en somme, pour pouvoir interroger le
gouvernement sur les gestes qu'il pose.
Or, vous n'êtes pas sans savoir que depuis le sommet
économique qui s'est tenu à Québec, le gouvernement, par
la voix de ses ministres, et plus particulièrement par la voix du
premier ministre, a fait référence, à quelques occasions,
à toute cette question des négociations dans le secteur public et
parapublic. Le premier ministre du Québec, M. Lévesque, cet
après-midi, dans une réponse qu'il donnait à une question
que je lui posais, mettant en relief le rôle important des
parlementaires, me disait: Je ne peux répondre à la question du
député parce qu'il reste différentes étapes de
consultation, notamment celles m'obligeant, comme chef de gouvernement, comme
chef d'un parti politique, à consulter les membres de mon caucus. Cela,
je présume, témoigne chez lui de l'importance qu'il donne au
rôle des parlementaires.
J'ai posé des questions au premier ministre cet
après-midi. J'ai réitéré les questions qu'on a
posées depuis le début de
la semaine qui visaient essentiellement à demander au
gouvernement, une fois que la réponse négative des syndicats sur
la réouverture des conventions eut été donnée, ce
que le gouvernement allait faire à partir des trois ou quatre choix qui
se dégagent de ce débat depuis déjà quelques
semaines. Je pense que c'est le rôle et la responsabilité des
députés, de quel côté qu'on soit de cette Chambre,
non seulement de se tenir aux aguets de la politique que décidera le
gouvernement, de l'avenue que prendra le gouvernement pour régler le
problème qu'il rencontre, mais c'est aussi le rôle des
députés de poser des questions et d'être les premiers
informés sur la position adoptée par le gouvernement du
Québec sur le sujet, pour qu'on puisse véhiculer finalement les
opinions dans chacun de nos comtés.
Or, le premier ministre du Québec, M. Lévesque, cet
après-midi, de son siège, me dit que le Conseil des ministres
s'est réuni et que, même s'il a étudié cette
question-là hier, il n'a pas de position définitive; que le
gouvernement, le Conseil des ministres est encore à étudier
différentes possibilités; que le gouvernement, avant de rendre
publique quelque décision que ce soit, devra retourner au Conseil des
ministres consulter son caucus et vérifier d'autres informations avant
de rendre publique la position du gouvernement. Cela se passait vers 16 heures
cet après-midi. J'aurais pu me prévaloir de l'article 174 de
notre règlement qui prévoyait, cet après-midi avant 18
heures, la possibilité de soulever un mini-débat pour que le
premier ministre vienne ce soir, à 22 heures, répondre à
des questions additionnelles que j'aurais pu lui poser.
Or, le premier ministre et son équipe ont attendu à 18 h
08, huit minutes après la tombée de l'application de l'article
174, et à quelques heures de l'ajournement de nos travaux jusqu'à
mardi prochain... M. le Président, je vous demanderais de faire
respecter l'article 100. Que le jeune député, là-bas,
écoute, c'est assez important pour les contribuables du Québec.
Si cela ne vous...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député.
M. Pagé: Si cela ne vous intéresse pas, vous pouvez
allègrement vous en aller chez vous.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député.
M. Bertrand: M. le Président, question de
règlement. Je pense qu'on a été quand même assez
large pour laisser le député de Portneuf pendant quelques
minutes, même quelques bonnes minutes, introduire, par une forme de
préambule, ce qu'on ne sait pas exactement. Je pense que c'est
très important parce que le député de Portneuf va
probablement ajouter un certain nombre de choses en préambule, et
ensuite en venir à la raison pour laquelle il se lève.
Paraît-il que c'est une question de privilège.
Alors, peut-être serait-il important que, dans un premier temps,
vous puissiez vraiment savoir s'il s'agit là d'une question de
privilège. Vous allez me répondre: II faut d'abord que j'entende
le député, et que le député me fasse savoir un
certain nombre de choses pour que je puisse statuer. Vous savez ce qui arrive,
M. le Président, vous nous l'avez dit vous-même, c'est que le
discours a été fait, les remarques ont été faites,
et puis, une fois que les remarques ont été faites, vous vous
levez et vous dites: II ne s'agissait pas d'une question de privilège.
Comme on est en plein débat, comme on n'est pas à la
période des affaires courantes, comme on n'est pas à la
période de l'article 34, comme on n'en est pas à la
période des questions, M. le Président, tout ce que je vous
demande, c'est beaucoup de vigilance et de prudence - je sais qu'on n'a pas
besoin de vous le demander, vous êtes toujours vigilant et prudent, -
parce que le député s'avance sur un terrain extrêmement
glissant en faisant un discours de cette nature et en interrompant ainsi nos
débats, je me demande sur quelle base exactement de notre
règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Sur la question de
règlement. Allez, M. le député de Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, sur la question de
règlement, je vous ramène à l'article 49.2 strictement et
uniquement, en vertu duquel j'ai le droit, dès que des faits sont
portés à ma connaissance, de soulever une question de
privilège. J'arrivais à l'essentiel de la question de
privilège et j'entends bien continuer.
Le Vice-Président (M. Jolivet):
Justement, j'ai souvent rappelé à cette Assemblée
qu'il y a des questions de privilège parfois qui n'en sont pas. Il y en
a d'autres qui sont peut-être longues à introduire. Je l'ai fait
cet après-midi pour un député qui, pour la première
occasion, avait à présenter une motion non annoncée, je
lui ai rappelé, à la fin de son intervention, qu'il aurait mieux
valu qu'il lise d'abord la motion et qu'il se serve des attendus dans son
argumentation.
Il est évident que, dans une question de privilège comme
celle qui est soulevée, compte tenu de ce que peut sous-tendre la
question de privilège, j'ai été, comme le disait le leader
du gouvernement, un peu large, il est vrai, mais, pour bien comprendre la
teneur de la question de privilège, j'avais quand même besoin de
savoir pourquoi elle a
été introduite. Je demanderais tout de même au
député, puisque j'en ai pas mal entendu sur ce que devait
être l'ensemble de ces éléments qui amenaient la question
de privilège, d'arriver le plus rapidement possible à la question
de privilège.
M. Pagé: M. le Président, essentiellement, c'est
que le premier ministre M. Lévesque a démontré clairement
qu'il avait manqué de respect envers le Parlement pour les motifs
suivants...
M. Bertrand: M. le Président...
M. Pagé: ... cet après-midi. J'en viens à ma
question de privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. le député de Portneuf, je n'ai pas besoin de vous
rappeler les éléments du règlement, les parties du
règlement qui, quand même, doivent éviter de porter
atteinte à quelque personne que ce soit. Je vous demanderais d'en
arriver à la question de privilège pour que je puisse enfin
statuer.
M. Pagé: Très brièvement, le premier
ministre m'indique cet après-midi qu'il ne peut répondre à
ma question, parce que la décision n'est pas prise. Or, le premier
ministre confirme à 18 h 08 la convocation d'une conférence de
presse. J'ai ici la copie du document: Gouvernement du Québec, cabinet
du premier ministre, convocation à une conférence de presse,
sujet: négociations.
C'est ce dont on a parlé cet après-midi. Le premier
ministre M. René Lévesque donnera une conférence de
presse, demain, le vendredi 14 mai 1982, à 11 h 30, à la salle
122 de l'édifice Pamphile-Lemay, conférence convoquée par
les soins de Mme Catherine Rudel-Tessier, 643-5321. C'est donc dire - et c'est
ce contre quoi je m'élève et ai le droit de m'élever - que
le premier ministre du Québec a déclaré cet
après-midi que la position gouvernementale n'était pas connue,
premièrement; et, deuxièmement, à 18 h 08, quelques heures
après, on convoque la conférence de presse pour annoncer la
position gouvernementale, alors que la Chambre ne siège pas et alors que
le premier ministre sera absent toute la semaine prochaine, évitant
ainsi de répondre aux questions de l'Opposition...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, il est très
important, à la suite - quant à moi - de cette fausse question de
privilège qui vient d'être soulevée par le
député de Portneuf, de replacer les choses dans leur juste
contexte. Cet après-midi, effectivement, le député de
Portneuf a posé au premier ministre la question suivante: "M. le
Président, est-ce que le chef du gouvernement peut nous confirmer qu'il
exclut cette possibilité de briser la signature du gouvernement et de
rouvrir par une loi les conventions collectives, d'une part?
Deuxièmement, est-ce que le premier ministre pourrait nous indiquer s'il
fait bon accueil à la proposition des syndicats qui se sont
montrés disposés à commencer les négociations au
début du mois de juin?" Le premier ministre répond: "M. le
Président, je dois dire à regret au député ce que
j'ai déjà dit au chef de l'Opposition. Je n'avais pas dit que je
donnerais des nouvelles précises aujourd'hui." Je pense que le premier
ministre, à ce point de vue, a, comme l'ensemble des ministres et des
parlementaires à l'Assemblée nationale, le droit de se
prévaloir des travaux de l'Assemblée nationale pour
répondre à une question qui est posée par l'Opposition.
J'ajoute ce qui est dit... (21 h 30)
M. Lalonde: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): On ne commencera pas un
débat de procédure. S'il vous plaît! J'ai laissé le
député de Portneuf expliquer assez largement la raison pour
laquelle il pensait avoir une question de privilège. Le leader du
gouvernement, sur une question de règlement, demande de rectifier des
faits.
Comme la personne qui a été mise en cause dans le
débat n'est pas présente et comme le leader du gouvernement a
quand même le droit de rectifier, dans les plus brefs délais, s'il
le désire, au nom de la personne, je lui laisse...
Je disais que j'avais donné la parole au leader du gouvernement.
Vous demandez d'intervenir sur la question de règlement. M. le
député de Marguerite-Bourgeoys et leader adjoint de l'Opposition,
vous savez très bien que je dois d'abord écouter la question de
règlement et ensuite voir...
À votre niveau, je sais que c'est sur cette question, mais,
normalement, la question étant, j'aimerais quand même entendre
cette question de règlement avant de pouvoir vous accorder la
parole.
M. Lalonde: Je vais alors vous demander un directive, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Allez-y.
M. Lalonde: Vous savez que, d'après notre
règlement, une question de privilège ne peut pas engendrer de
débat. J'ai entendu le leader du gouvernement, dans une tentative de
rectifier les faits, citer le journal des Débats. Je ne l'ai pas
interrompu. Après cela, il s'est lancé dans une
argumentation,
une défense. À ce moment-là, M. le
Président, je pense que le règlement ne lui permet pas de se
lancer dans un débat sur la question de privilège du
député de Portneuf.
Une voix: C'est cela, très bien.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint, vous
avez raison quand vous dites qu'une question de privilège ne doit pas
engendrer de débat, mais je sais aussi qu'en vertu du règlement,
quand une personne n'est pas ici présente pour rectifier des faits sur
ce qu'elle a dit au courant de la journée, une personne qui est du
même parti politique et, en particulier, le leader du gouvernement, peut
au moins prendre la première occasion qui lui est offerte pour faire
cette correction.
À l'Assemblée nationale, c'est arrivé à
quelques occasions qu'une chose semblable se soit produite. M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, comme leader parlementaire
du gouvernement, surtout au moment où le député de
Portneuf pose une question et fait un certain nombre de remarques qui
s'adressent directement au premier ministre, en l'absence du premier ministre
à l'Assemblée nationale, je pense que je dois assumer mes
responsabilités de leader parlementaire du gouvernement et indiquer, au
nom du gouvernement, dans le fond, pourquoi il me faut à ce moment-ci
invoquer le privilège du premier ministre et répondre à la
question qui a été posée par le député de
Portneuf.
J'y répondais et je cite à nouveau textuellement ce que
disait le premier ministre cet après-midi à une question
posée par le député de Portneuf que j'ai cité
aussi, je pense, au texte. Le premier ministre disait: "M. le Président,
je dois dire, à regret, au député ce que j'ai
déjà dit au chef de l'Opposition." C'était mardi. "Je
n'avais pas dit que je donnerais des nouvelles précises aujourd'hui." Le
premier ministre avait bien le droit de dire cela. "J'ai dit que, pendant cette
semaine, y compris la réunion du Conseil des ministres hier
-effectivement, nous en avons parlé - jusque très tard -
effectivement, cela s'est terminé plutôt tard - on examinerait et
que, possiblement, on prendrait des décisions. Je dois également
souligner qu'ayant la responsabilité de ce côté-ci, ce qui
n'exclut d'aucune façon la responsabilité comme critique et aussi
comme collaborateur, à l'occasion, de l'Opposition, des
décisions, c'est entre nous, d'abord, au Conseil des ministres et au
caucus des députés et des ministériels, que ces choses
doivent être mises en place le mieux possible."
Or, qu'est-il survenu, M. le Président? Effectivement, le Conseil
des ministres s'est réuni hier. Nous avons, bien sûr - le premier
ministre n'en a pas fait cachette, puisque cela va de soi par les temps qui
courent -discuté de cette question des négociations et nous
avions ce soir une rencontre des députés ministériels, un
caucus des députés ministériels qui a duré de 18
heures à 20 heures où, effectivement - on ne le cachera pas non
plus, c'est l'accès à l'information -il a été
question de ce dossier des négociations, du dossier de la politique
salariale, du budget, en d'autres mots, de sujets qui, à cette
époque, sont tout à fait à l'ordre du jour, et au Conseil
des ministres et au caucus des députés. Le premier ministre ayant
donc consulté et travaillé avec ces deux instances qui sont le
Conseil des ministres et le caucus des députés, à partir
de maintenant si le premier ministre décide qu'il veut rencontrer la
presse pour dire un certain nombre de choses relativement à ce dossier,
il n'y a rien là. C'est la responsabilité normale de tout
élu de décider à un moment donné qu'il veut
rencontrer la presse pour donner des informations relativement à des
dossiers qui sont de sa compétence. Je ne pense pas que cela brime les
droits des parlementaires. Je ne pense pas que cela va empêcher le
député de Portneuf mardi prochain de se lever à
l'Assemblée nationale et de poser des questions au ministre des
Finances, au président du Conseil du trésor, au ministre de
l'Éducation, au ministre des Affaires sociales, au vice-premier ministre
ou à quelque ministre que ce soit. En d'autres mots, le
député de Portneuf se comporte comme si, en dehors de
l'Assemblée nationale, il n'y avait rien qui se faisait et que le
premier ministre n'avait pas le droit en dehors de l'Assemblée nationale
de rencontrer son caucus, de rencontrer des journalistes, de rencontrer des
groupes dans la population et de leur faire part d'un certain nombre d'opinions
qui sont celles du Conseil des ministres et qui sont celles du caucus des
députés.
M. le Président, je pense qu'il s'agissait simplement de replacer
les choses dans leur juste contexte. Je crois que le Parlement à ce
point de vue est tout à fait respecté puisque, effectivement,
lors de la reprise de nos travaux, mardi, je pense que les
députés pourront poser des questions sur un ensemble de
déclarations qui auront pu être faites d'ici ce temps par quelque
membre du Conseil des ministres que ce soit.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, c'est une question de
privilège que je soulève dans la même ligne de
pensée que celle soulevée par le député de
Portneuf. J'ai laissé le leader du gouvernement terminer son
intervention après avoir soulevé la question de
règlement
que vous savez.
Il a confirmé que le premier ministre, après la
réunion du Conseil des ministres hier soir, après la
réunion de son caucus entre 18 heures et 20 heures ce soir, en est venu
à des conclusions quant à la politique sur les
négociations relativement aux conventions collectives.
Il est assez symptomatique de savoir...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Une question
de règlement, le ministre des Transports.
M. Clair: Visiblement il n'y a aucune question de
privilège dans les propos que tient le député de
Marguerite-Bourgeoys. C'est la première fois qu'on voit un
député commencer à soulever une question de
privilège sur un communiqué pour convoquer la presse à une
conférence de presse. Je pense que le député de
Marguerite-Bourgeoys et le député de Portneuf essaient simplement
de distraire l'attention de l'Assemblée nationale par des...
M. Pagé: Une question de privilège, aussi.
Très brièvement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Portneuf.
M. Pagé: Le ministre des Transports m'impute des motifs.
Ce que j'ai voulu dénoncer, c'est le fait que le gouvernement et le
premier ministre auraient dû informer la Chambre en premier, plutôt
que de se sauver comme il le fait, une semaine en vacances et pas de
période de...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys et leader adjoint de l'Opposition sur votre question de
privilège.
M. Lalonde: M. le Président, l'article 49, deuxième
paragraphe, permet à un député de soulever une question de
privilège immédiatement après que les
événements se soient produits. C'est ce que le
député de Portneuf a fait. Là je soulève ma
question de privilège à la suite des affirmations du leader du
gouvernement, à savoir que la politique du gouvernement en ce qui
concerne les négociations a été déterminée
au caucus du Parti québécois. Nous nous sommes réunis ici
ce soir, il est 21 h 40, jeudi, nous nous sommes réunis à 20
heures. Il était tout à fait loisible au premier ministre de
demander un consentement que nous lui aurions donné pour annoncer
à l'Assemblée nationale d'abord...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, je vais vous interrompre. J'ai une demande de directive
de la part du député de Terrebonne.
M. Blais: Comme directive, j'aimerais savoir si d'un
côté ou de l'autre de la Chambre, deux personnes ont le droit
consécutivement de soulever au nom de leur formation, la même
question de privilège, si elle existe. (21 h 40)
M. Lalonde: M. le Président, ce n'est pas la même
question de privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, je dois vous dire, malheureusement, que ce dans quoi on a
été entraîné par les circonstances, c'est une forme
de débat à partir d'une question de privilège. Cependant,
je dois vous dire que si j'ai accepté, de part et d'autre, une
première intervention, je savais dans quel bateau je m'embarquais, mais
je pensais qu'il était normal qu'en l'absence d'une personne le leader
du gouvernement puisse rectifier certains faits. D'un autre côté,
à la suite de cette rectification, sachant que je fais preuve de
largesse au moment où je vous parle, le leader adjoint de l'Opposition a
soulevé une question de privilège sur la question de
règlement du leader du gouvernement.
M. Lalonde: M. le Président, c'est justement sur les
révélations du leader du gouvernement que je soulève ma
question de privilège, qui est différente de celle du
député de Portneuf. La politique du gouvernement a
été arrêtée ce soir à 20 heures,
d'après ce que le leader du gouvernement nous a dit. Il est raisonnable
de penser que le chef du gouvernement peut annoncer ce soir sa politique en ce
qui concerne les négociations. Nous sommes ici depuis presque deux
heures, à l'Assemblée nationale, et il aurait été
loisible au premier ministre de nous demander un consentement - il sait bien
que nous le lui aurions donné -pour nous annoncer sa politique, ici
à l'Assemblée nationale. C'est une injure au privilège des
députés de la part du premier ministre, alors que son voisin
présente un projet de loi sur l'information.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Sur le projet de loi no
65, M. le député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. Je pense qu'il y a des
députés ministériels qui sont un peu excités par
les révélations que vient de faire le député de
Portneuf. J'espère que ça ne les empêchera pas...
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît! M. le député, je reconnais que vous manquez
d'expérience en
cette Assemblée, mais le sujet sur lequel nous sommes maintenant
en délibération, M. le député de
Louis-Hébert, c'est la loi 65.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): II n'y a pas de question
de règlement, je n'en ai pas soulevé, j'ai simplement
demandé au député de Louis-Hébert de s'en tenir au
projet de loi no 65.
M. Lalonde: Je soulève une question de règlement,
c'est pour ça que je disais "sur la question de règlement". On
sait que le projet de loi no 65 est un projet de loi qui veut que la population
obtienne le plus d'informations possible. Comme le député de
D'Arcy McGee, qui n'a pas été interrompu du tout, ni par la
présidence, a fait une intervention il y a quelques minutes à
savoir quelles sont les frustrations...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, je ne voudrais pas que cette fin de soirée
devienne plus gâtée qu'elle ne l'est. J'ai tout simplement
demandé au député de Louis-Hébert de s'en tenir au
projet de loi no 65.
M. Doyon: Merci, M. le Président, je tiendrai compte de
votre directive. Mes paroles n'étaient pas dans le but de mettre en
doute quoi que ce soit, elles n'étaient pas non plus exactement un
manque d'expérience, je pensais que certaines explications pouvaient
être données au début d'une intervention et que
c'était normal de le faire en certaines circonstances. À partir
de là, je vais vous indiquer un peu ce que l'Opposition, en tout cas le
député de Louis-Hébert récemment élu, peut
avoir à dire sur le projet de loi que nous présente le ministre
des Communications.
On en fait grand cas. On se gargarise très fort et on s'imagine
qu'avec ce projet de loi, on a découvert l'Amérique une
deuxième fois. Je regrette beaucoup, mais ce n'est pas le cas. On est en
train de défoncer des portes ouvertes. On est en train de donner des
coups de pied et j'ai peur que le ministre s'enfarge et se retrouve en pleine
figure très rapidement. C'est un peu dans ce sens-là que je
voudrais donner certains avertissements.
Il y a certaines choses qui se sont déjà faites avant le
gouvernement du Parti québécois et il y a certaines choses qui,
heureusement - c'est là que le travail nous attend - devront surtout se
faire après le passage du Parti québécois.
Quand on parle de documents publics, quand on parle d'information, on
parle, en fait, de pouvoir, parce que qui détient l'information
détient le pouvoir. Posons-nous la question. Comment le gouvernement
agit-il en ce qui concerne l'information vis-à-vis de certains
organismes? Demandons-nous où se situe le pouvoir et comment le
gouvernement agit en ce qui concerne l'information que détiennent ces
organismes ou ces parties de l'appareil gouvernemental qui détiennent le
pouvoir. Regardons quelles sont les exceptions dont peut se prévaloir le
Conseil des ministres en ce qui concerne l'information.
On s'aperçoit qu'à toutes fins utiles, le Conseil des
ministres est exclu de l'obligation de fournir aux citoyens l'information dont
ils peuvent avoir besoin pour savoir comment ils sont gouvernés, de
quelle façon et en vertu de quels principes et selon quels
critères. Le Conseil des ministres n'a pas besoin de nous dire cela. Le
Conseil des ministres est au-dessus de cela. Pourquoi? Rappelons-nous toujours
le principe que l'information, c'est le pouvoir. Or, le pouvoir, en grande
partie, dans le système qui nous gouverne, c'est au Conseil des
ministres qu'il se situe.
Une autre partie du pouvoir est détenue par le Conseil du
trésor. Si on regarde les articles d'exclusion, les articles
d'exemption, on s'aperçoit que, là encore, le Conseil du
trésor est exempt, à toutes fins utiles, de l'obligation qui est
faite à n'importe qui qui, curieusement, détient moins de
pouvoirs que le Conseil du trésor. Des gens qui détiennent moins
de pouvoirs ont plus d'obligation à donner des informations, alors que,
dans le projet de loi qui nous est présenté, si on lit entre les
lignes, plus on détient de pouvoirs, moins on a d'obligation de donner
aux citoyens l'information. N'est-ce pas là une drôle de
situation, M. le Président? N'est-ce pas là le signe d'un
gouvernement qui tente de gouverner avec le secret? N'est-ce pas là le
signe d'un gouvernement qui n'est pas capable de justifier ses actes, de dire
pourquoi il pose tel geste, pourquoi il décide de faire telle chose
plutôt que telle autre? N'est-il pas un peu surprenant de voir que plus
on monte dans l'échelle du pouvoir moins on a d'obligations d'informer
le citoyen, moins on est obligé de répondre à ses
questions? Si on remonte plus loin, on s'aperçoit qu'ici même
à l'Assemblée nationale où est finalement le bout de la
pyramide du pouvoir pour la province de Québec, c'est peut-être
là - que ma courte expérience de parlementaire m'a permis de m'en
rendre compte - c'est encore là, dis-je, qu'on donne le moins
d'informations. J'en veux pour exemple Pechiney. J'en veux pour exemple la
réponse du leader du gouvernement, alors qu'il a dit textuellement:
"L'Opposition pose les questions qu'elle veut et le ministre donne les
réponses qu'il veut." Est-ce que c'est ça, l'information que nous
promet le projet de loi qui nous vient justement du ministre des
Communications?
C'est drôlement inquiétant.
Si c'est le genre de projet de loi sur lequel on a cogité, qui
nous arrive comme ça avec beaucoup de bonnes intentions, et qu'on doit
mettre ça en parallèle avec les paroles qui ont été
prononcées cette semaine en cette Chambre, alors qu'on nous a dit:
"Posez les questions que vous voulez, vous autres, on vous donnera quand
même les réponses que nous voulons bien vous donner", cela est
inquiétant et je pense qu'on fait fausse route. On doit donner
l'exemple. On doit ajuster ses gestes avec ses paroles. Le reste, ça
s'appelle de l'hypocrisie. C'est vouloir nous faire prendre des vessies pour
des lanternes et les gens voient plus clair que ça.
J'agite le drapeau rouge pour le bien du ministre des Communications,
dans l'espoir qu'il rajustera son tir, qu'il fera des efforts qui pourront nous
amener à le croire quand il nous expliquera certaines choses ou quand il
fera état des beaux principes qui sous-tendent le projet de loi qu'il
nous présente aujourd'hui et avec lequel, fondamentalement, l'Opposition
doit se dire d'accord, bien sûr.
Est-ce qu'on ne doit pas s'inquiéter du fait que le pouvoir est
considérable, moins on a d'obligation de donner de l'information? Est-ce
qu'on ne doit pas s'inquiéter de ça? Je vous pose la question.
Est-ce qu'on ne doit pas s'inquiéter de paroles qui sont
consignées dans le journal des Débats quand elles rapportent que
l'information qu'on vous donne, c'est l'information qu'on veut bien vous
donner? Cela m'inquiète drôlement. (21 h 50)
Je pense, M. le Président, que nous, de l'Opposition, avons le
devoir d'avertir que nous ne croyons pas sur parole toutes les choses qui nous
sont dites, que nous ne prenons pas pour du "cash" tout ce qui nous vient de
l'autre côté de la Chambre. Nous en avons vu d'autres et nous
sommes assez vieux et assez éveillés pour essayer d'attacher le
grelot quelque part.
Nous aurions préféré parler d'autre chose que d'un
problème qui est réel, mais qui est moins urgent que celui de la
personne qui est en chômage. Il est utile que la personne qui est en
chômage ou qui reçoit l'aide sociale puisse possiblement savoir ce
qu'il y a dans son dossier, puisse possiblement savoir pourquoi on ne lui donne
pas telle subvention ou telle allocation. Mais je pense qu'il est encore plus
important qu'il y ait le moins de personnes possible en chômage, le moins
de personnes possible à l'aide sociale. Alors, ces personnes auront
peut-être moins besoin d'information pour savoir pourquoi on leur donne
ceci et pourquoi on ne leur donne pas cela.
Je pense que c'est important. Nous aurions préféré
parler de cela ici, en Chambre mais on nous amène des projets de loi qui
sont devenus nécessaires parce qu'il y a de plus en plus de gens qui se
posent des questions et se disent: Pourquoi n'ai-je pas droit à ceci?
Pourquoi est-ce que je n'aurais pas droit à cela? Tous les gens
maintenant, de plus en plus, en sont venus à dépendre, par
l'inaction du gouvernement, de la bonne volonté de fonctionnaires
gouvernementaux qui agissent selon des directives du gouvernement et qui sont
obligés de prendre des décisions quotidiennes à savoir si
quelqu'un a le droit d'avoir tel ou tel montant, d'avoir tel ou tel soin.
Cela est inquiétant. On aurait pu parler de la cause du
problème, on préfère ici en cette Chambre, parce que le
gouvernement est maître des travaux, nous présenter des solutions
qui font qu'aux gens qui vivent de l'assistance sociale - c'est à peu
près le discours qu'on peut nous tenir - au moins on dira pourquoi on ne
leur donne pas tel avantage ou pourquoi on le leur donne, si ces gens le
demandent.
Tout le monde devrait reconnaître que c'est inquiétant
quand on est obligé d'avoir recours à un projet de loi pour
satisfaire les gens, alors que ceux-ci sont suffisamment nombreux pour
sensibiliser un gouvernement qui n'est pas reconnu comme étant
particulièrement sensible aux préoccupations de la population. Si
le gouvernement est obligé d'agir au moyen d'un projet de loi
là-dessus, je me dis que c'est parce que la situation est rendue
à un tel point qu'il se sent obligé de donner l'impression de
faire quelque chose. Au lieu d'agir, c'est très clair que le
gouvernement s'active, mais ne nous méprenons pas, les résultats
ne sont pas les mêmes du tout.
Si on veut que la population puisse profiter des bienfaits potentiels,
éventuels, mais non assurés du projet de loi, il faut tout
d'abord qu'il y ait une volonté de la part des dirigeants politiques de
donner cette information à la population. Il faut que nous-mêmes,
ici, dans cette Chambre, puissions donner l'exemple et surtout avoir l'exemple
du gouvernement sur un certain nombre de points.
M. le Président, vous faisiez allusion tout à l'heure,
à juste titre, à mon inexpérience comme parlementaire. Je
reconnais la justesse de vos propos. Cette inexpérience du
parlementarisme a quand même certains avantages, dont celui de continuer
à se poser certaines questions parce qu'on n'a pas toutes les
réponses; c'est le fruit de l'expérience qui permettra
d'acquérir ces réponses peu à peu. La question que je me
suis posée, à titre de parlementaire inexpérimenté,
a été lors de mon passage à une commission parlementaire
dernièrement où j'ai vu l'aréopage de fonctionnaires qui
appuyaient la ministre dans la défense de ses crédits à la
fonction publique, plus particulièrement. J'ai été
très
impressionné car elle avait amené tout son monde.
C'était très bien.
Je me suis tourné et j'ai regardé derrière moi pour
voir qui allait me soutenir comme parlementaire mandaté par la
population pour poser des questions. Je n'avais personne parce que je n'avais
pas de ministère derrière moi, je n'avais pas de sous-ministre en
titre, je n'avais pas de sous-ministre adjoint, je n'avais pas de directeur
général, je n'avais pas de directeur des communications, je
n'avais pas de président de la fonction publique, je n'avais personne de
ces gens-là, et je tentais quand même de faire mon boulot. Est-ce
qu'on ne devrait pas équilibrer les forces un peu? Est-ce qu'on ne
devrait pas permettre à l'Opposition probablement que c'est mon
inexpérience de parlementaire qui parle encore - d'avoir accès
à cette information de façon que nous puissions questionner le
gouvernement, le mettre au pied du mur, parce qu'un gouvernement qui se sent
surveillé, c'est un meilleur gouvernement? Cela sera toujours. Mais pour
qu'on puisse surveiller un gouvernement, il faut avoir les moyens de le
surveiller, il faut avoir le moyen de donner la frousse au gouvernement. C'est
simplement comme ça qu'on va réussir à faire notre
travail, notre boulot, ce pourquoi on a été élu. On le
fait avec des moyens trop limités, des moyens qui n'ont aucune commune
mesure avec ce dont disposent les ministres. Nous n'avons que quelques
recherchistes, nous n'avons pas de cabinets structurés avec des chefs de
cabinets, des secrétaires adjoints et toute la pyramide. Nous n'avons
rien de tout cela. Nous n'avons pas le fonctionnarisme derrière
nous.
Je pense que le gouvernement pourrait nous rassurer. Moi, à titre
de parlementaire inexpérimenté, j'aimerais entendre le
gouvernement me dire: Mon cher monsieur, vous avez besoin de renseignements
auprès de nos fonctionnaires? Allez les voir, vous êtes le
bienvenu. J'aimerais entendre le gouvernement me dire ça. Vous avez
besoin d'information? Nos fonctionnaires sont là pour vous servir. Que
le gouvernement ne me dise pas cela seulement à moi. Qu'il dise à
ses fonctionnaires: Quand le député de Louis-Hébert, quand
le député de Portneuf, quand le député de
Jeanne-Mance ira vous voir, donnez-lui les renseignements, de la même
façon que si c'était le ministre qui vous les demandait, avec
autant d'honnêteté, avec autant de précision, avec autant
de spontanéité, avec autant de désir de servir le public
que si c'était un député ministériel ou un ministre
qui les demandait. Je pense que j'aimerais entendre cela. J'aimerais que ce
soit dit et qu'il y ait une directive qui soit envoyée aux
fonctionnaires où on dise que les députés, qu'ils soient
de l'Opposition ou qu'ils soient du parti ministériel, sont les
bienvenus dans les bureaux des fonctionnaires, qu'ils peuvent poser des
questions, obtenir les documents dont ils ont besoin. C'est à ce compte,
c'est avec ces renseignements, M. le Président, qu'on réussira
à faire notre travail. Sans ça, peine perdue.
L'exemple doit venir de haut, M. le Président. L'exemple doit
partir de l'Assemblée nationale, et s'il ne part pas d'ici,
l'Assemblée nationale n'aura pas rempli sont rôle et nous serons
à la remorque de gens qu'on forcera, par des lois, à faire des
choses. On dira: Vous en êtes des beaux, vous autres, les
législateurs. Vous nous dites, par des lois que vous imprimez, que vous
distribuez et que vous mettez dans les tablettes, de faire des choses, et c'est
bien dommage, on vous a regardés cet après-midi à
l'Assemblée nationale, à la télévision, on a vu
comment vous donniez l'information à vos collègues, à vos
semblables. Merci beaucoup. Quand vous donnerez l'exemple, nous, on suivra vos
paroles. En attendant, vous repasserez. Ce sont les inquiétudes que
j'ai. Je pense que le ministre reconnaîtra qu'il y a là
matière à réflexion, qu'on peut améliorer les
choses, qu'on peut le faire sans imprimer trop de projets de loi, qu'on peut le
faire tout simplement en disant aux gens: Vous êtes les bienvenus. Vous
pouvez nous poser des questions. On n'est pas là pour se défiler.
On est là pour donner non pas les réponses qu'on veut vous
donner, mais les réponses qui sont la vérité, les
réponses qui s'imposent, les réponses qui vont vous
éclairer et qui vont éclairer la population. Je pense qu'on doit
commencer là.
À ce niveau-ci, ce sont les seules remarques que j'avais à
faire, M. le Président, sur le projet de loi sur l'accès à
l'information. Je pense que nous aurons l'occasion d'en reparler en commission
parlementaire. Nous le ferons au moyen d'amendements que nous aurons l'occasion
de proposer et j'espère que ces suggestions seront reçues dans le
même esprit qu'elles seront faites, c'est-à-dire pour
l'amélioration du projet de loi en général pour permettre
à la majorité des citoyens de profiter des objectifs du projet de
loi. C'est dans ce sens que seront faites les suggestions et les observations
que j'aurai l'occasion de proposer, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Lalonde: Je demande l'ajournement du débat.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
M. Bertrand: Adopté, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, c'est une bonne
journée, je pense bien, et j'espère que le député
de Louis-Hébert, après avoir prononcé son discours, s'est
réjoui de lire l'article no 5.
Une voix: ...
M. Bertrand: Non, c'est simplement parce que je crois que cela
lui fait plaisir. J'espère qu'il est heureux de ce petit paragraphe,
entre autres, qui dit: "Les organismes couverts comprennent la
Communauté urbaine de Québec. Sur ce, M. le Président,
comme je suis à l'encontre du règlement, je vous demanderais
d'accueillir ma motion pour que nous ajournions nos travaux à mardi
prochain, 14 heures, pour la période des questions.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Ajournement
de nos travaux à mardi, 14 heures.
(Fin de la séance à 22 heures)