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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mardi 8 juin 1982 - Vol. 26 N° 69

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures deux minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

Visite du consul général de Grande-Bretagne à Montréal

J'aimerais souligner la présence dans nos galeries aujourd'hui du nouveau consul général de Grande-Bretagne à Montréal, M. Lintorn Simmons.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais souligner la présence dans les rangs de l'Opposition aujourd'hui du député de Jean-Talon, M. Jean-Claude Rivest.

Le Président: Affaires courantes. Déclarations ministérielles. Dépôt de documents. Dépôt de rapports de commissions élues.

Mme la députée de Dorion.

Étude du projet de loi no 69

Mme Lachapelle: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution qui a siégé le lundi 7 juin 1982 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 69 concernant le recensement des électeurs pour l'année 1982 et l'a adopté sans amendement.

Le Président: Rapport déposé. Mme la députée de Johnson.

Étude des projets de loi nos 233, 213, 243, 257, 219, 210,

194, 191, 225 et 190

Mme Juneau: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de la commission élue permanente de la justice qui a siégé le 7 juin 1982 aux fins d'étudier article par article les projets de loi privés suivants: 233, Loi concernant certains terrains donnés à Horace Bérubé; 213, Loi concernant la Fabrique de la paroisse du Sacré-Coeur-de-Jésus; 243, Loi concernant la succession de Edward Scallon; 257, Loi concernant certains lots du cadastre de la paroisse de Saint-Augustin, division d'enregistrement de Portneuf; 219, Loi concernant la succession de Maurice Jolicoeur; 210, Loi concernant la succession de Louis Fortier; 194, Loi concernant des terrains de la Fabrique de la paroisse de Saint-Adrien d'Irlande, et les a adoptés avec des amendements. Le projet de loi no 191, Loi modifiant la Loi concernant la ville d'Acton Vale, a été adopté sans amendement. Le projet de loi no 225, Loi concernant Max Dubois, a été rejeté et le projet de loi no 190, Loi sur la commune de la seigneurie d'Yamaska, a été reporté à une séance ultérieure. Merci.

Une voix: Sauf pour les projets de loi publics.

Le Président: Sauf pour les projets de loi publics, est-ce que le rapport sera adopté? Adopté.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom des gouvernements.

Des voix: Ah! Ah!

Le Président: Plutôt "du gouvernement".

Présentation de projets de loi au nom des députés.

Période des questions orales des députés. M. le député de Maskinongé.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

M. Picotte: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre. Doit-il être présent sous peu?

M. Bertrand: II ne devrait pas tarder.

M. Picotte: Après la deuxième question? Je vais attendre le premier ministre, M. le Président.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: ... ma question s'adresse également au premier ministre. Je la retiendrai donc jusqu'à son arrivée.

M. Rivest: On peut suspendre la séance, M. le Président, jusqu'à ce qu'il arrive.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président...

Le Président: M. le député de Louis-

Hébert.

M. Doyon: M. le Président, j'aurais une question...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous noterez avec moi qu'on peut commencer à temps, mais je pense bien qu'il est important que tous les membres du cabinet qui sont susceptibles d'avoir des questions soient, autant que possible, présents.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, il y a treize ministres présents en Chambre et le premier ministre arrivant à l'instant...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Maskinongé.

Les indemnités de départ

M. Picotte: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse donc au premier ministre. Hier, au dépôt de documents, le premier ministre a déposé un règlement qui va faire en sorte qu'à l'avenir on va légaliser le patronage éhonté péquiste. On va légaliser aussi la mauvaise administration de ce gouvernement. On a même vu, M. le Président, dans le document qui a été déposé avec les neuf noms, qu'un individu comme M. Robert Nelson, seulement trois mois après son renouvellement de contrat, avait bénéficié d'un montant de 63 700 $ de même qu'il y avait un autre cas où un individu, seulement un mois avant de terminer son contrat, avait reçu lui aussi un montant de 63 000 $.

M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre de la façon suivante: Le premier ministre s'était engagé à me fournir la liste de tous ceux qui avaient reçu des primes de séparation et des indemnités de départ surtout dans le réseau des affaires sociales parce que c'était là l'objet de mes questions. Le premier ministre ne m'a remis aucun de ces documents. Il a préféré me donner neuf noms, pensant qu'on ne reviendrait plus à la charge. Je n'étais pas ici hier, mais j'ai pu prendre connaissance du journal des Débats. On a parlé de six autres cas du côté de la fonction publique, des personnes à qui on avait acheté la permanence. Est-ce que le premier ministre pourrait me déposer ces six cas le plus rapidement possible, en plus des neuf cas? Pourquoi n'apparaît pas sur la liste le cas de M. Raymond Gosselin, président de l'Office de la langue française, à qui on a donné une indemnité de départ, une indemnité de retraite au montant de 116 000 $, prématurément, pour quitter son poste? Par la suite, on l'a nommé délégué général du Québec à New York. Est-ce que le premier ministre pourrait me dire combien de cas, dans toute la fonction publique du Québec, il a cachés à cette Chambre et pour combien de centaines de milliers de dollars, indépendamment de ceux qu'il m'a fournis hier?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, tout ce qui était disponible hier a été fourni. Pour ce qui est de M. Nelson, peu de temps après le renouvellement de son contrat, il est tombé malade. La raison est relativement simple. Troisièmement, en ce qui concerne les allocations de départ du réseau des affaires sociales où jamais, d'aucune façon, il n'y a eu de critère sous aucun gouvernement, on a révisé les critères, il y en a maintenant. Pour ce qui est de la liste éventuelle, est-ce que le ministre des Affaires sociales pourrait dire un mot?

Le Président: M. le ministre des Affaires sociales. (10 h 10)

M. Johnson (Anjou): M. le Président, en effet, comme vient de le dire le premier ministre, on se rappellera que dans le réseau des affaires sociales, pendant 20 ans, il n'y a eu aucune règle spécifique. Il n'y a eu qu'une espèce d'encadrement général que fournissait le ministère, mais qui n'était pas nécessairement respecté par les établissements qui, encore une fois, légalement, étaient investis du pouvoir de faire ce qu'ils voulaient à cet égard. Nous avons mis fin à cette liberté, en proposant dans la loi 27, qui a été adoptée à l'unanimité au mois de décembre, le pouvoir donné au Conseil des ministres de fixer des règles très précises au niveau des cadres quant à leurs conditions de travail, y compris leurs conditions de départ. C'est ce qui a amené le premier ministre à les rendre publiques hier. Je l'avais évoqué en commission parlementaire, le Conseil des ministres a approuvé la semaine dernière, sur ma recommandation, une règle qui dit que d'ores et déjà, dans l'ensemble des établissements du réseau des affaires sociales, en lieu de la sécurité d'emploi, les primes de départ qui sont consenties et qui amènent un consentement mutuel des parties ne devront pas excéder un mois par année de service, jusqu'à un maximum de six mois et, dans le cas des personnes qui ont plus de dix ans de service, jusqu'à un maximum de dix mois.

Je rappellerai, pour donner des ordres de grandeur, que, cette année, nous avons

des réserves de moins de 1 000 000 $ dans les crédits, pour de tels départs. Je rappellerai qu'un cadre supérieur a environ 60 000 $ par année, qu'on serait obligé de garder et de garder en sécurité d'emploi jusqu'à l'âge de sa retraite, peut coûter jusqu'à 1 000 000 $, alors qu'avec cette somme de 1 000 000 $, on peut mettre fin effectivement à l'emploi de dizaines de personnes. En ce sens, je pense que c'est une économie appréciable et importante pour les contribuables que cette procédure de prime de séparation.

J'en profiterai ici pour revenir sur la question concernant le Centre hospitalier régional de la Mauricie, au sujet duquel le député a adressé une question, la semaine dernière, au premier ministre. Effectivement, une personne... Est-ce qu'on me permettra ici de taire les noms? Je peux bien les donner, je les ai devant moi, mais il s'agit d'une enquête qui n'a pas été faite en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête ou qui n'a pas fait l'objet de procédure complète devant les tribunaux. Si on désire que je donne les noms, je les donnerai - je voudrais que ce soit à la demande explicite du député - ou je référerai simplement à des personnes. Est-ce que le député veut que je donne les noms des personnes dont il est question?

M. Picotte: On en reparlera.

Le Président: M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Ah bon! Puisque le député ne l'exige pas, je dirai qu'il y avait trois personnes impliquées dans ces problèmes au Centre hospitalier de la Mauricie dont une qui était à l'origine d'ailleurs de l'enquête, et l'enquête a permis de découvrir que cette personne aurait subtilisé des fonds d'environ 40 000 $.

Effectivement, c'est mon collègue, je crois, lors de l'élection de 1976, qui avait demandé qu'une telle enquête soit tenue au Centre hospitalier régional de la Mauricie.

Lors des premiers constats dans cette enquête, la personne dépêchée par mon prédécesseur, le Dr Barkun, avait choisi de ne pas aller au-delà de la constatation qui était faite que quelqu'un avait pris de l'argent, puisque cela devenait sub judice, que des poursuites avaient été prises par le Procureur général pour fraude. Il semble que ces poursuites se soient terminées de la façon suivante: L'individu a effectivement remis l'ensemble des montants impliqués et la conclusion du substitut du procureur de la couronne, je présume, l'a amené à faire un retrait de la poursuite par la suite, étant donné qu'aucun préjudice n'avait été causé à l'établissement.

C'est cependant avec une certaine surprise que j'ai appris que cette même personne s'est retrouvée dans un centre d'accueil de la région et, encore une fois, embauchée par un conseil d'administration local. Je vous dis, en même temps, que le nouveau règlement de la loi no 27 donnera maintenant aux représentants du ministre des Affaires sociales le droit d'exiger que le consentement du ministre des Affaires sociales soit accordé dans l'embauche d'un cadre aux niveaux supérieurs. Cette personne s'est retrouvée, en juillet 1978, sans concours, comme directeur adjoint d'un établissement où, par la suite, elle a occupé et elle continuerait d'occuper maintenant le poste de directeur général par intérim.

Quant aux deux autres personnes, il s'agissait des personnes de la haute direction de l'établissement. L'une a demandé une paie de séparation, à ce moment-là, de quelque 140 000 $. L'établissement aurait refusé et lui aurait accordé environ l'équivalent d'une année. Les raisons du départ étaient pour "mauvaise gestion", à la suite du rapport du Dr Barkun. Cependant, le ministère a fait savoir, à ce moment-là, au Centre hospitalier de la Mauricie qu'il considérait que ce montant était nettement trop élevé. Le centre hospitalier a quand même choisi de verser une somme de 60 000 $ à cette personne qui, par ailleurs, pour deux ans, alla pratiquer son métier de gestionnaire en Ontario pour revenir, en 1979-1980, dans un autre établissement des secteurs public et parapublic au Québec. Elle occupe, en ce moment, le poste de directeur général d'un établissement de santé de la région montréalaise.

Quant à une autre personne de la haute direction du Centre hospitalier de la Mauricie, à la suite d'une maladie et des problèmes de gestion importants constatés à cet établissement en 1977-1978, la personne en question obtint une prime de séparation de 17 000 $, ce qui rentrait dans les "normes", entre guillemets du ministère, même si ces normes ne pouvaient connaître d'application obligatoire. Maintenant, elles pourront connaître une application obligatoire dans la mesure où il y a un consentement des deux parties. Les limites de ce consentement devront se faire à l'intérieur d'un mois par année de service jusqu'à un maximum de six mois ou de dix mois dans le cas des gens qui ont plus de dix ans de service.

Quant à la liste, je dirai que nous sommes à la confectionner. Je rappellerai, cependant, à l'Opposition qu'il n'existait pas au ministère des Affaires sociales, avant la venue du gouvernement actuel en 1976, de direction générale des cadres, de telle sorte que le fouillis administratif dans lequel était toute cette question de la gestion des effectifs-cadres dans le réseau des affaires sociales était tel qu'il est encore, à ce jour, impossible d'avoir un bilan complet du genre

de mauvaise gestion du personnel qu'il y a eu jusqu'à 1976.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Johnson (Anjou): Les données que nous avons jusqu'à 1976, alors que les gens d'en face...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'avais donc demandé, il y a quelques semaines, aux fonctionnaires, à la suite d'une question de l'Opposition, de me faire le bilan des paies de séparation et des conditions de départ d'une série de cadres du réseau des affaires sociales depuis 1970. On me répond: On pourra recenser depuis 1976, c'est une opération qui implique des communications avec une série d'établissements et conseils régionaux, ça prend du temps et c'est beaucoup de papier, mais on le fera quand même.

Avant 1976, vous vous étiez bien gardés de savoir exactement ce qui se passait et on ne peut pas le savoir.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Si vous le permettez, M. le Président, on reviendra demain là-dessus ou dans 48 heures, à propos des renseignements additionnels que vient de me donner le ministre des Affaires sociales. Il y a d'autres informations erronées qu'il vient de me donner et je vous démontrerai ça d'ici 48 heures. Ne perdons pas de vue les centaines de milliers de dollars que le premier ministre a camouflés volontairement et qui ont été donnés en primes de séparation. Qu'arrive-t-il - et j'aimerais entendre le premier ministre m'en parler - du cas de M. Raymond Gosselin à qui on a donné 116 000 $ pour le nommer délégué général du Québec à New York? On l'a nommé volontairement le lendemain. Et les six cas de la fonction publique pour acheter des permanences. Est-ce que le premier ministre pourrait être plus volubile là-dessus et me parler des centaines de milliers de dollars, sinon des millions de dollars, qui ont été dépensés de façon éhontée par sa mauvaise administration?

Une voix: Très bien!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): D'abord, je ferai remarquer que les mouvements divers, comme on dit parfois, qu'on a entendus de l'autre côté quand, il y a un instant, le ministre des Affaires sociales évoquait ce qu'on a trouvé en 1976...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): Cela me paraît encore justifié parce qu'il y a plein d'éminents survivants de cette belle époque qui sont là devant nous et qui ont quand même participé à ça.

La clef de tout ce qui est impliqué, depuis cinq ans et plus maintenant, dans ce secteur des allocations de départ, pour autant que le gouvernement en ait eu le contrôle, ce qui n'était pas le cas ni dans le réseau des affaires sociales jusqu'à récemment, ni dans celui de l'éducation, jusqu'à un certain point, en particulier, du côté des universités. Mais la clef de ce qui a été fait, c'était exactement dans le sens de ce que disait le ministre des Affaires sociales tout à l'heure. (10 h 20)

De toute façon, il y a une sacrée économie pour les contribuables, vu la sécurité d'emploi; il y a un recours possible aux tribunaux dans les cas où il n'y en a pas, mais il s'agit de contractuels. Il y a une sacrée économie pour les contribuables quand on peut éviter des centaines de milliers de dollars de dépenses, parfois, cela peut aller jusqu'à des millions, en achetant, en négociant des départs qui paraissent indiqués.

Cela étant dit, je prends avis des questions du député tout en lui soulignant une chose. Je ne suis pas pour en faire une question de privilège, mais ce qu'on dépose ici, en Chambre, pour autant que ce soit prêt, que cela ait pu être vérifié, cela, au moins, vous pouvez vous y fier. On ne camoufle pas de millions, on ne camoufle pas toutes sortes de tripotages comme cela se faisait dans le passé.

Des voix: Oh! Oh! Oh!

Le Président: Dernière question additionnelle, M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Dernière question additionnelle, M. le Président. J'aimerais demander au premier ministre ce qui suit: Pourrait-il vérifier attentivement, d'ici 24 heures - cela ne sera pas tellement long, il n'y a pas tellement de pages - l'arrêté en conseil 1315-80 avec le contrat annexé et me dire si M. Gosselin avait droit à 116 000 $ selon le contrat qu'il avait signé initialement avec le gouvernement du Québec? Il va s'apercevoir qu'il n'avait pas droit à ces 116 000 $.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je vais vérifier, en tenant compte du fait que le député de Maskinongé, comme d'autres - mais lui spécialement - dit n'importe quoi sous la couverture de la Chambre.

Des voix: Oh! Oh!

Le Président: M. le député de Maskinongé, question de privilège.

M. Picotte: Question de privilège. Je ne dis pas n'importe quoi, tout ce que j'ai dit au premier ministre a été prouvé...

Le Président: Question principale, M. le député de Gatineau.

M. Picotte: Même "mon oncle" n'a pas convoqué la commission!

Les présidents d'élection

M. Gratton: Justement, en parlant de tripotages, M. le Président, on sait que, depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement actuel a remplacé à peu près tous les présidents d'élection qui étaient en poste avant 1976 par de nouvelles personnes qui ont pour qualité commune d'être des sympathisants péquistes reconnus. Chaque fois que nous avons interrogé le premier ministre à ce sujet, il a toujours prétendu que les seuls critères applicables dans le choix de ces personnes étaient la disponibilité et la compétence. On sait également que ces critères ne l'avaient pas cependant empêché de nommer un résident de l'Ontario comme président d'élection du comté de Hull en 1978. Quoi qu'il en soit, on sait que la procédure est maintenant pour le Directeur général des élections, de tenir des concours publics, après concours oraux et écrits, de retenir trois candidatures dont les noms sont soumis au cabinet du premier ministre qui procède au choix d'une de ces trois personnes. Je suppose que le critère de disponibilité ne fait plus de problème. Ce que je voudrais demander au premier ministre, ce matin, c'est de nous donner l'assurance que parmi les trois noms qui lui sont soumis par le Directeur général des élections, il choisit généralement, sinon toujours, le plus compétent des trois et de nous dire par quels mécanismes il s'en assure.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, l'occasion étant propice, on a beaucoup parlé des présidents d'élection au moment où j'ai défendu les crédits du Conseil exécutif. Cela passionnait le chef de l'Opposition ou plutôt le député de Jean-Talon. La même chose est revenue quand il s'est agi des crédits du ministre d'État à la Réforme électorale et maintenant voici la troisième étape. Non, ce n'est pas un sujet qui me déplaît dans l'ensemble. Je dirai ça pour le député de Marguerite-Bourgeoys, qui a vécu le système qui était là quand on est arrivé.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Dans le régime auquel vous présidiez, M. le député de Marguerite-Bourgeoys et les autres qui ont fait partie de cet éminent système qu'il a fallu nettoyer quelque peu, le seul critère, c'était le patronage à l'état pur et le seul mode...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): ... de décision, c'était l'arbitraire total pour les nominations ou pour les destitutions à part ça. Aujourd'hui...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! On parle des deux côtés. M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Aujourd'hui, M. le Président, ce qui est quand même une étape assez importante, il y a un concours. Ce concours est public. Tous les candidats ou toutes les candidates peuvent s'y présenter. Le résultat qu'on reçoit, par ordre alphabétique, trois personnes qui sont censées, toutes les trois, être recommandables au point de vue de la compétence, au point de vue de la disponibilité, et tout ça, jugé non pas par nous, mais par le Directeur général des élections. Quant à nous, il nous reste à les nommer. Il arrive qu'il y ait un certain nombre de gens du Parti québécois, c'est terriblement extraordinaire...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense que je peux citer... C'était ici entre nous, vous pouvez vérifier et il y a bien d'autres exemples. L'autre jour, on a réussi à défiler, sauf erreur, dans deux séances de crédits, 22 cas où - ô crime! ô honte! - il s'agissait de gens qui avaient déjà fait de l'action politique pour le Parti québécois, sur 122. On me dit, à côté ici, que, si vous vérifiez le comté de Vanier, c'est une bonne libérale assidue qui a été maintenue comme présidente d'élection.

Une voix: Un bon libéral.

M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse, un bon libéral assidu qui a été maintenu comme président d'élection. Tout cela pour dire quoi? Pour dire que, premièrement, des gens qui ont fait de l'action politique peuvent avoir des éléments de compétence. Ils peuvent être libéraux, ils peuvent avoir été de l'Union Nationale, ils peuvent être du Parti québécois, mais c'est quand même un des éléments d'une nomination. On essaie de le suivre à partir des décisions du Directeur général des élections qui nous arrivent, encore une fois, normalement, par ordre alphabétique. Il n'y a pas de un, deux, trois officiellement indiqué. Deuxièmement, désormais, vous le savez, on n'a plus un mot à dire sur les destitutions. Une fois qu'ils sont nommés, c'est le Directeur général des élections et lui seul qui décide si les critères sont respectés et si ces gens font leur travail convenablement. Je dois dire que, par rapport à la poutine dont on a hérité, je suis assez fier de cette étape, M. le Président.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Gatineau, sans préambule, s'il vous plaît!

M. Gratton: M. le Président, sûrement que le premier ministre ne fait pas allusion à la poutine entre les années soixante et soixante-six où il était lui-même membre de ce gouvernement.

Une voix: II était là, il ne s'en plaignait pas!

Une voix: II en profitait.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: Sûrement que son départ a automatiquement dégradé la situation. M. le Président, ce que je voudrais savoir du premier ministre, parce qu'il n'a pas répondu à ma question à ma satisfaction... Lors de l'étude des crédits, le ministre de la Justice, responsable de la réforme électorale, a déposé par erreur une fiche qui touche la circonscription...

M. Pagé: Ce n'est pas la première erreur.

Une voix: II a mordu!

Le Président: M. le ministre de la Justice, sur une question de privilège.

M. Bédard: Une très courte question de privilège. Le député de Gatineau est en train, lui, de commettre une erreur, parce que l'erreur qu'il m'attribue concernant le dépôt d'une certaine fiche n'est pas de moi. Le Directeur général des élections a lui-même dit...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: ... en commission parlementaire que c'était une erreur de sa part. Si le député de Gatineau avait été là pour la défense des crédits, il ne commencerait pas sa question de cette façon. (10 h 30)

Le Président: M. le député de Gatineau, question additionnelle, sans préambule, s'il vous plaît!

M. Gratton: En effet, M. le Président, je m'imaginais que le ministre était responsable de la réforme électorale à l'Assemblée nationale. Si ce n'est pas le cas, je m'en excuse.

M. le Président, j'ai la fiche pour la circonscription d'Arthabaska. La question est très simple. Il ne s'agit pas de faire le procès des 20 dernières années. On y indique des notes qui, je le suppose, résultent d'examens écrits, aussi bien que d'examens oraux. Effectivement, les noms sont en ordre alphabétique, mais on voit que, dans un cas, la note est de 197 sur 300, dans l'autre, 240 et dans l'autre, 210. Il y a sûrement un écart au point de vue de la compétence entre le bonhomme qui a 240, et celui qui a 197. Le premier ministre a-t-il une façon quelconque de s'assurer qu'il choisit celui des trois qui est le plus compétent?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Non. C'est par erreur... Je pense, encore une fois, que cela ne sert à rien de le répéter, mais le député aurait dû tenir compte du fait que le Directeur général des élections lui-même a dit que ce genre de fiche n'est pas communiqué normalement, on le comprend, pourvu que, pour lui... Moi, je ne l'ai pas...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): Si, dans le jugement du Directeur général des élections, il y a trois personnes qui sont compétentes -c'est terriblement important, parce que cela revient périodiquement, en particulier une fois par année, quand il y a le recensement - qui sont disponibles pour faire le travail et qui ne le font pas faire par n'importe qui à leur place, comme une couverture, à partir de ce moment, on nomme une des trois. À partir de ce moment aussi, ce qui arrive par la suite est totalement remis à la responsabilité du Directeur général des élections. Dans ce cas, il y a eu une erreur. Lui-même l'a admis, mais ce n'est pas le genre de renseignements ni qu'on reçoit, ni qu'on demande non plus. C'est sa responsabilité de juger les gens.

M. Gratton: M. le Président, très brièvement.

Le Président: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je me pose toujours la question, je la pose à nouveau. Si le premier ministre a envie de se fâcher, je lui dis tout de suite: Ne répondez pas. Comment s'assure-t-on, dans le choix... On a une responsabilité au gouvernement. On veut choisir la personne la plus compétente et on a effectivement des moyens de mesurer la compétence de chacun des trois candidats qui apparaissent sur une liste. Quels critères emploie-t-on si on ne connaît pas théoriquement les personnes dont les noms sont soumis, soit par leur allégeance politique ou soit autrement? On sait qu'ils sont disponibles, ils ont passé un concours. De quelle façon, si on ne connaît pas les notes qui résultent des examens, s'assure-t-on qu'on choisit le plus compétent?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est très simple, on consulte.

Des voix: Ah!

Le Président: Question principale, M. le député de Portneuf.

Les licenciements collectifs

M. Pagé: Merci, M. le Président. J'apprécie beaucoup l'aveu flagrant du premier ministre sur la question précédente en ce qui concerne les consultations téléphoniques. Ma question va porter aussi sur un sujet qui est bien important et qui amène beaucoup d'appréhension dans plusieurs milieux au Québec actuellement. Le premier ministre a souvent déclaré la difficulté dans laquelle le secteur de l'industrie et le secteur privé se retrouvaient au Québec actuellement. D'ailleurs, cela a été un des arguments invoqués pour justifier la loi 70 qui vient couper les salaires de façon rétroactive dans les secteurs public et parapublic.

M. le Président, j'ai été informé que le gouvernement, et plus particulièrement le Conseil des ministres ou un comité du Conseil des ministres, est présentement à étudier un projet de loi qui vient modifier la Loi sur les normes du travail et qui porte sur les licenciements collectifs où, entre autres, serait introduit un préavis de licenciement collectif avec des avis de 10 à 26 semaines de la part de l'employeur, où une entreprise qui prévoit licencier collectivement un certain nombre d'employés pourrait faire l'objet d'une enquête de la part d'un enquêteur investi des pouvoirs d'un enquêteur nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête du Québec, avec comme mandat d'étudier la situation économique pour voir si le licenciement est justifié, faire rapport au ministre et faire rapport au syndicat qui est à l'intérieur de la boîte, avec aussi comme disposition l'introduction d'un congé de recherche d'emploi selon lequel l'employeur, pendant la période couverte par le préavis de licenciement, devrait payer une demi-journée par deux semaines à l'employé pour aller se chercher un travail en dehors de l'entreprise, et enfin une indemnité pure et simple de licenciement si l'entreprise ferme. Je voudrais demander au premier ministre... On connaît la situation combien difficile dans laquelle se retrouve l'entreprise privée au Québec actuellement avec les fermetures d'usines, les fermetures d'entreprises, les faillites et un gouvernement qui se préoccupe beaucoup plus de son image et de la question constitutionnelle...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Pagé: ... que d'économie dans le moment.

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Pagé: Est-ce que le premier ministre pourrait s'engager à déposer dans les plus brefs délais l'étude des effets, l'étude coûts-bénéfices d'un tel projet, si le projet de loi est déposé et adopté à l'Assemblée nationale du Québec? On sait que vous pouvez le faire adopter, si c'est là votre volonté, vous avez la majorité.

Deuxième chose, le premier ministre pourrait-il nous indiquer si le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ou le ministre d'État au Développement économique ou quiconque à l'intérieur du Conseil des ministres ou du gouvernement a préparé une étude d'impact sur les entreprises pour savoir l'impact que cela aurait eu pour ces entreprises si elles étaient assujetties à une telle loi?

On sait qu'actuellement, M. le Président, des entreprises doivent fermer leurs portes, et je termine là-dessus.

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Pagé: Je termine là-dessus. Le premier ministre se rappellera que des entreprises doivent donner des avis de licenciement de quelques mois et fermer sur une base temporaire actuellement. Le premier ministre ne croit-il pas que l'application d'une telle loi pourrait impliquer, dans ces cas, la fermeture et la faillite pure et simple de ces entreprises, si elles sont assujetties à cette loi?

Une voix: Très bien.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): J'adore ces questions hypothétiques, M. le Président, avec lesquelles on essaie de voir s'il n'y a pas moyen de faire mijoter un peu de panique additionnelle dans un paysage qui déjà est assez tourmenté en ce moment au point de vue économique.

Je voudrais seulement noter la réaction amusante que j'ai eue tout à l'heure, parce qu'elle trahit le climat intérieur de nos amis d'en face...

Une voix: Oui.

M. Lévesque (Taillon): ... quand j'ai dit qu'on consultait, en ce qui concerne le choix entre les trois candidats à la présidence d'élection. Je sais qu'aucun de ces messieurs ou de ces dames le croirait en fonction de ce qu'on sait de leur façon de procéder, le "crois ou meurs" qui était la règle...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): Qu'ils le croient ou non...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre. M. le député de Gatineau, sur une question de règlement.

M. Gratton: Est-ce que l'effort de rattrapage que fait le premier ministre sur la question des présidents d'élection...

M. Bertrand: Question de règlement, M. le Président.

M. Gratton: Est-ce qu'on me permettra une question additionnelle?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, quand on fait de fausses questions de privilège, de fausses questions de règlement, c'est qu'on veut empêcher certains faits ou certaines vérités pures et simples d'être énoncés convenablement. Je répète simplement que n'étant pas dans une période de crois ou meurs et d'intolérance partisane comme celle...

M. Pagé: Question de privilège.

Le Président: M. le whip, sur une question de privilège.

M. Pagé: J'ai posé une question au premier ministre sur les licenciements collectifs et leur effet chez les entreprises.

Si le premier ministre s'est mis les pieds dans les plats tantôt, ce n'est pas mon problème. Répondez donc à ma question.

M. Bertrand: M. le Président, tout de même, cela suffit!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): ... comme c'est justement ce beau tandem qui a joué sur ces deux questions successivement, je vais reprendre doucement ce que j'avais à dire. Si on consulte et que les résultats sont, à l'occasion et même plus souvent que vous ne le pensez, des anciens de l'Union Nationale, des anciens libéraux et qu'il arrive également qu'on reconnaisse que les péquistes ont le droit de vivre aussi, ce qui n'existait pas avant, c'est qu'on est sorti du mieux qu'on pouvait d'une période qui était inqualifiable au point de vue d'un minimum de tolérance démocratique des croyances des gens...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je dois dire, pour laisser ce sujet, à moins qu'on tienne à continuer, que, quand on voit les réactions de nos amis d'en face et quand on voit combien ça mijote encore à l'intérieur du Parti libéral, je plaindrais le Québec le jour où, dans l'état où il est en ce moment, le Parti libéral serait en charge des affaires publiques au Québec. On reculerait. (10 h 40)

Cela dit, M. le Président, à la question du député relative aux hypothèses de travail, toutes plus catastrophiques les unes que les autres, je dois dire ceci: II n'y a pas eu jusqu'ici, il n'y a pas en ce moment de mémoire, quel qu'il soit, prélégislatif, c'est-à-dire de mémoire de décision. En fait, il n'y a pas eu de mémoire concrètement destiné à traiter de ce sujet des fermetures d'usines parce qu'il n'est pas nécessairement acquis que cela demande de la législation. Mais pour ce qui est des implications de tout ce que le député a mis sur la table, il y a quelques instants, sous forme d'hypothèses, de rumeurs, de qu'en-dira-t-on, je demanderai à mon collègue, le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, de mettre le député au courant de ce qui peut être donné de façon pertinente.

Le Président: M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Marois: Je voudrais, très

rapidement, M. le Président, à la...

M. Brouillet: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: M. le député de Chauveau, question de privilège.

Des voix: Ah!

M. Brouillet: Étant donné les allégations du député de Gatineau, en tant que député, je me sens concerné et je tiens à dire que la consultation à laquelle le premier ministre a fait allusion tantôt...

Une voix: Ce n'est pas une question de privilège.

M. Brouillet: ... a donné comme résultat, dans notre comté, que le président des élections qui fut reconduit est un libéral reconnu.

Des voix: Ah!

Le Président: M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Une voix: Arrêtez donc!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: Question de privilège.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Chauveau, puis-je... S'il vous plaît! Puis-je vous dire...

M. Lévesque (Taillon): ...

Le Président: II n'y a pas beaucoup de personnes qui donnent l'exemple ce matin. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Chauveau, il ne s'agissait pas d'une question de privilège.

M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Marois: M. le Président.

M. Gratton: Question de privilège.

Le Président: M. le député de Gatineau, question de privilège.

M. Marois: M. le Président, je... Une voix: ...

M. Gratton: Vous verrez, M. le Président, que, dans mon cas, il s'agit bien d'une question de privilège. Le député de Chauveau a mentionné des allusions que j'aurais faites. Je n'ai fait aucune allusion.

J'ai posé une question. Mais je dirai, M. le Président, que, chez nous, on a nommé un péquiste, et moi non plus, je n'ai pas été consulté.

Des voix: Ah!

Le Président: M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Marois: M. le Président, je disais donc qu'en ce qui concerne la première question du député de Portneuf, la réponse, c'est non. Il n'y a aucun projet de loi, ni aucun mémoire qui fait présentement l'objet d'étude ou d'examen au Conseil des ministres. Deuxièmement, c'est un secret de polichinelle - je l'ai moi-même dit publiquement à plusieurs reprises - que toute une série d'hypothèses sont présentement à l'étude au ministère concernant l'ensemble du dossier des fermetures d'usines, des licenciements collectifs. Il va de soi que quelque hypothèse que ce soit qui pourrait être retenue sera accompagnée, forcément, d'une étude d'impact économique parce que l'objectif fondamental, c'est de resituer une politique comme celle-là dans une perspective dynamique d'emploi et non pas de contribuer à amplifier des coins où il y a des situations désastreuses pour les hommes et les femmes qui sont au travail. Il me semble que cela va de soi.

Une voix: Question principale, M. le Président.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Brièvement, M. le Président. Le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu me confirme, ce matin, qu'il n'y a aucun mémoire...

Le Président: Sans préambule, s'il vous plaît!

Une voix: Voyons donc, M. le Président!

M. Pagé: Oui, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Dois-je comprendre que même s'il n'y a actuellement aucun mémoire ou document définitif présentement au Conseil des ministres, le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu me confirme, par ce qu'il vient de me dire, que parmi les hypothèses qui sont actuellement étudiées au ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, il y a un projet de loi qui pourrait être la loi sur la protection de l'emploi? Si tel est le cas, pouvez-vous

donner l'assurance à la Chambre qu'avant que ce projet de loi soit déposé à l'Assemblée nationale du Québec, nous pourrons avoir en même temps toutes les études d'impact sur l'entreprise québécoise? Cela va coûter combien, vos affaires? C'est ça que je veux savoir.

Une voix: Très bien!

Le Président: M. le ministre.

M. Marois: M. le Président, je ne vais pas répondre à des questions hypothétiques. Je viens de dire qu'il n'y a aucun mémoire, aucun projet de loi présentement à l'étude au Conseil des ministres. Oui, nous étudions l'ensemble de la question au ministère du Travail. Oui, forcément, en examinant chacune des hypothèses possibles, nous tentons d'évaluer et de cerner le mieux possible les impacts économiques de chacune des hypothèses. En temps et lieu, si tant est qu'il en ressort des projets que nous pourrons soumettre au Conseil des ministres, ils seront accompagnés des études pertinentes. À la suite des décisions qui seront prises au Conseil des ministres, on verra si cela implique le dépôt d'un projet de loi. À ce moment-là, on pourra répondre de façon correcte, sérieuse et pertinente à la question posée.

M. de Bellefeuille: Question principale.

Le Président: M. le député de Deux-Montagnes, question principale.

Le problème des optométristes

M. de Bellefeuille: M. le Président, je désire poser une question au ministre de l'Éducation, responsable des corporations professionnelles, au sujet du problème des optométristes. Le 12 mai, le gouvernement a adopté quatre décrets au sujet des optométristes et de leur profession. Je ne vais pas entrer dans le détail de ces questions qui sont assez techniques. Je veux surtout insister sur le fait que les optométristes, qui ont fait des représentations auprès d'un grand nombre de députés, soutiennent qu'ils n'ont pas été suffisamment entendus et que l'opinion publique n'a pas été, non plus, suffisamment éclairée sur leur situation.

Je voudrais demander au ministre s'il envisagerait de suspendre l'application des décrets afin de permettre aux optométristes de se faire entendre de façon plus complète.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation, brièvement, s'il vous plaît, parce qu'il ne reste que deux minutes à la période des questions.

M. Laurin: M. le Président, c'est un débat qui a commencé il y a déjà six ans. Il convient donc de lui apporter un terme à un moment donné. Mon prédécesseur a rencontré l'Association des optométristes et surtout la Corporation des optométristes à plusieurs reprises. Il a, de même, rencontré à plusieurs reprises, la Corporation des opticiens, qui sont intéressés, évidemment, par ce règlement. L'Office des professions a émis des avis, des recommandations à la suite de rencontres répétées également avec les divers organismes.

Depuis mon entrée en fonctions, j'ai moi-même rencontré la Corporation des optométristes à quatre reprises pour un très grand nombre d'heures où nous avons passé en revue, en détail, chacune des questions qui fait l'objet du règlement. J'ai aussi rencontré à quelques reprises la Corporation des opticiens du Québec. Je me crois donc suffisamment informé, j'ai entendu le pour et le contre sur chacun des points qui étaient soulevés dans ce règlement et je pense que la recommandation que j'ai faite au Conseil des ministres, en passant par le Comité ministériel permanent du développement social, comportait toutes les garanties de justice et d'équité à l'endroit du public, puisque les corporations ont d'abord pour but de protéger le public. Je ne sache pas que le droit à l'autogestion qui leur est consenti en grande partie doive limiter en rien et les droits du public et les droits des membres des autres corporations.

Je pense donc qu'après avoir entendu tous les participants à plusieurs reprises les recommandations qui ont été faites et qui ont été adoptées visent ce que le bien commun et ce que l'intérêt public exigent. Même si je peux rencontrer à nouveau les diverses corporations pour des modifications, des amendements de détails, je ne crois pas qu'il soit opportun de surseoir à l'application de ce règlement, ni de le modifier substantiellement.

Le Président: Merci.

M. O'Gallagher: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: Courte question additionnelle, M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Ma question s'adresse au ministre responsable des professions. Comment pouvez-vous expliquer que les optométristes ne soient pas du tout satisfaits de la manière dont ils ont été traités et pourquoi n'avez-vous pas fait entendre tous les participants à une commission parlementaire dans ce cas précis?

Le Président: M. le ministre de

l'Éducation.

M. Laurin: M. le Président, je pense que c'est La Fontaine qui pourrait le mieux répondre à la question du député de Robert Baldwin, quand il a dit qu'il était bien difficile de satisfaire à la fois tout le monde et son père, particulièrement lorsqu'il s'agit de conflits entre corporations, qui perdurent depuis des années et que chacun entretient à l'aide d'arguments qu'on répète un peu partout et dont on prend bien soin de ne dire que ceux qui vont à l'appui des recommandations que l'on fait.

Je ne sache pas qu'il soit tellement facile de concilier des intérêts divergents entre corporations et c'est la raison pour laquelle, malheureusement, quelquefois, le gouvernement, en s'appuyant sur le Code des professions et sur l'autorité qui lui a été impartie de par ce code, est obligé d'opter pour des solutions qui, tout en s'approchant du compromis, ne constituent pas des compromis parfaits et qui indiquent quand même une direction qu'il faut prendre en raison, encore une fois, du bien public et de l'intérêt commun.

Le Président: Fin de la période des questions.

Je suis informé que le premier ministre aurait un complément de réponse à fournir. M. le premier ministre.

Commission parlementaire sur les projets de loi nos 68 et 70

M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président, très brièvement. Le chef de l'Opposition a évoqué hier le télégramme conjoint des trois chefs syndicaux du front commun, c'est-à-dire les présidents de la FTQ, de la CSN et de la CEQ, qui demandaient très brièvement dans leur télégramme, soit le retrait - évidemment, c'est ce qui leur paraît préférable - des lois 68 et 70, concernant les régimes de retraite et la rémunération dans le secteur public, ou alors, à défaut de retrait, qu'il y ait une commission parlementaire sur ces sujets.

Après l'avoir lu d'abord, bien sûr, et en avoir discuté avec le comité de négociation du gouvernement et aussi, forcément, avec le leader parlementaire, la meilleure réponse à vous donner, je pense, serait de lire le télégramme que j'envoie en réponse aux trois chefs syndicaux. "En réponse à votre télex du 7 juin, je dois vous dire que le gouvernement ne peut pas retirer les projets de loi nos 68 et 70. En fait, à cause des contraintes du calendrier parlementaire, la deuxième lecture du projet de loi no 68 aura lieu demain, mercredi le 9. D'autre part, je suis heureux de vous informer que le gouvernement accepte la tenue d'une commission parlementaire sur les mêmes projets de loi, commission parlementaire qui aurait lieu jeudi. Le bureau du leader du gouvernement, M. Bertrand, vous communiquera les informations pertinentes à la tenue de cette commission."

En fait, ce qu'on prévoit, normalement, c'est toute la journée du jeudi si, évidemment, nos interlocuteurs syndicaux sont d'accord, c'est-à-dire le matin, le midi et le soir.

Le Président: Une courte question additionnelle, M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Est-ce que, en plus des représentants des trois centrales syndicales, il y aura d'autres témoins qui pourront être appelés, en particulier, peut-être des témoins du Bureau de la recherche sur la rémunération du Conseil du trésor?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Si, d'une façon qui est justifiable... On sait qu'il y a quand même des unités syndicales importantes qui sont indépendantes; je pense, en particulier, au Syndicat des fonctionnaires. C'est pour cela qu'on veut prendre toute la journée, parce qu'il peut y avoir d'autres intervenants, non pas seulement les trois que j'ai mentionnés.

D'autre part, en ce qui concerne les experts, si on veut, que le chef de l'Opposition vient de mentionner, il est évident que le président du Conseil du trésor - ce sont des gens qui font partie de son équipe - s'entourera de ceux qui lui paraîtront indiqués et il est évident qu'il les consultera et qu'on pourra aussi leur poser des questions.

Visite de M. Bertrand Goulet

Le Président: Merci. Avant de passer aux motions non annoncées, il me fait plaisir de souligner la présence dans les galeries, à ma droite, d'un de nos anciens collègues, l'ancien député de Bellechasse, M. Bertrand Goulet.

Motions non annoncées.

M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Félicitations à M. Gerry Poitras et au club Tuktu Inc.

M. Biron: M. le Président, je propose une motion non annoncée pour rendre hommage à une entreprise québécoise qui, à cause de la qualité de ses services, a mérité un titre mondial dernièrement. Elle est devenue une source de fierté pour d'autres entreprises québécoises.

Que cette Assemblée nationale offre ses félicitations à M. Gerry Poitras et aux

membres du club Tuktu Inc., de Schefferville, pour avoir remporté le titre de meilleur pourvoyeur au monde décerné par le Safari Club International.

Le Président: Y a-t-il consentement unanime? Consentement.

Est-ce que cette motion sera adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le député de Nelligan.

Félicitations à M. Tony Le Sauteur

M. Lincoln: M. le Président, j'aurais voulu proposer une motion félicitant M. Tony Le Sauteur, à qui vient d'être remis le prix Margaret N. Vernon Heaslip 1982, à Calgary, le 4 juin 1982, pour le rôle exceptionnel qu'il a joué au sein de l'environnement, au nom des citoyens du Québec.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement unanime? Consentement?

M. Léger: M. le Président, je voudrais ajouter à la déclaration que vient de faire le député de Nelligan, c'est une personne de mon ministère qui joue un rôle extraordinaire.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que vous avez terminé, M. le député de Nelligan?

M. Lincoln: J'ai quelques notes, s'il vous plaît!

Le Président: D'accord, M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Je voulais donner quelques informations. Je pense que la meilleure chose que je pourrais faire, c'est de lire le très bref communiqué de ceux qui ont proposé de la nomination de M. Le Sauteur, soit la Fédération québécoise de la faune. M. Tony Le Sauteur ardent défenseur de l'environnement, vient de mériter le prix Margaret N. Vernon Heaslip 1982 pour la qualité de son leadership et le rôle exceptionnel qu'il a joué auprès des citoyens du Québec durant les seize dernières années dans le domaine de l'environnement. Le prix lui a été remis à Calgary le 4 juin 1982 lors de la clôture d'un symposium national sur l'environnement organisé par le National Survival Institute. Cet organisme, fondé en 1973, a pour objectif la promotion des principes adoptés par les différentes nations qui assistaient au colloque mondial des Nations Unies sur l'environnement humain à Stockholm, en 1962. Le prix Heaslip est une médaille d'argent des Nations Unies frappée pour commémorer le dixième anniversaire de ce grand événement.

M. Le Sauteur est à la fois un animateur, un conseiller, un leader, un spécialiste et un militant de l'environnement. La candidature de M. Le Sauteur fut présentée par M. Noël Laurin, président de la Fédération québécoise de la faune, et, que je sache, c'est la première fois qu'un Québécois se voit décerner ce prix d'un tel prestige.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion ayant été adoptée, M. le... Sur le même sujet?

M. Lazure: Non, M. le Président, sur la motion.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la motion, M. le ministre.

M. Lazure: C'est à titre de député de Bertrand, comté où se trouve la ville de Boucherville, que j'interviens rapidement pour me joindre à la motion du député de Nelligan. M. Le Sauteur, de sa résidence de Boucherville, dans le comté de Bertrand, a notamment contribué à l'amélioration de l'environnement du Québec en élaborant son projet Un fleuve, un parc. Il me fait plaisir aujourd'hui, à titre de député du comté de Bertrand, de rendre cet hommage particulier à un citoyen très émérite et valeureux de Boucherville, du comté de Bertrand.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est une motion non annoncée qui va sûrement recevoir l'appui unanime de cette Chambre. Je vais la lire: Que cette Assemblée félicite les participants qui, à la table de concertation du projet Archipel tenu la semaine dernière, ont plaidé en faveur de la protection des rapides de Lachine et invite le gouvernement à tenir compte du désir du milieu de protéger l'intégrité de ce site naturel.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Non.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Pas de consentement. Enregistrement des noms sur les votes en suspens. Qu'on appelle les députés. (10 h 59)

Mise aux voix de la motion du

gouvernement s'opposant aux

pouvoirs fédéraux proposés par

le projet de loi C-108

(11 h 04)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À

l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Mise aux voix de la motion du ministre de l'Énergie et des Ressources: "L'Assemblée nationale du Québec, rappelant: - son autorité quant à l'intégrité du territoire québécois et ses attributions en matière de propriété et de droits civils et en matière de gestion des terres publiques; - sa compétence exclusive à l'égard des richesses naturelles du Québec, notamment l'exploitation et le transport de l'hydroélectricité sur son territoire, de même que la vente de cette énergie; s'oppose à l'élargissement des pouvoirs du gouvernement fédéral et de l'Office national de l'énergie tel que proposé par le projet de loi C-108, Loi modifiant la Loi de l'Office national de l'énergie; condamne l'ingérence du gouvernement fédéral susceptible de rendre inopérants plusieurs lois et règlements du Québec, notamment en ce qui concerne: le réseau de transmission, l'échange et la vente de l'hydroélectricité, l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement et des terres agricoles et la distribution du gaz naturel; réclame des membres du Parlement fédéral qu'ils apportent au projet de loi C-108 les modifications suivantes: 1. le retrait de toute disposition ayant pour objet de permettre, par voie d'expropriation de son territoire et sans le plein accord du Québec, la construction de corridors pour la vente, l'exportation et le transport d'énergie hydroélectrique à un point situé à l'extérieur du Québec; 2. l'élimination de toute possibilité pour l'Office national de l'énergie de révoquer ou suspendre une licence d'exportation d'énergie hydroélectrique lorsque les conditions et modalités rattachées à sa délivrance sont respectées; 3. le maintien des pouvoirs actuels de l'Office national de l'énergie et du gouvernement fédéral quant aux conditions et modalités de délivrance de certificats pour un pipeline ou une ligne internationale de transmission d'électricité et quant au contrôle du transport du pétrole et du gaz naturel et de la transmission d'électricité."

Que ceux et celles qui sont pour cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Bertrand, Jolivet, Mme Marois, MM. Bédard, Parizeau, Morin, Laurin, Johnson, Bérubé, Landry, Lazure, Gendron, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Lessard, Marcoux, Biron, Godin, de Bellefeuille, Léger, Clair, Chevrette, Fréchette, Marois, Duhaime...

Des voix: Bravo!

Le Secrétaire adjoint: MM. Tardif,

Léonard, Martel, Baril (Arthabaska), Proulx, Mme Lachapelle, MM. Brassard, Dean, Paquette, Gagnon, Guay, Desbiens, Mme Juneau, MM. Grégoire, Bordeleau, Leduc (Fabre), Marquis, Charbonneau, Boucher, Mme Harel, MM. Beauséjour, Lévesque

(Kamouraska-Témiscouata), Champagne,

Perron, Blais, Blouin, Gauthier, Gravel, Laplante, Lavigne, Brouillet, Payne, Beaumier, Tremblay, LeBlanc, Lafrenière, Paré, Lachance, Dupré.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Que ceux et celles qui s'abstiennent... Abstentions?

Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure)...

Des voix: Oh!

Le Secrétaire adjoint: MM. O'Gallagher,

Scowen, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM.

Lalonde, Mailloux, Vaillancourt (Orford), Mme

Bacon, MM. Marx, Bélanger, Bourbeau, Blank...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Caron, Mathieu, Vallières, Mme Dougherty, MM. Lincoln, Paradis, Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Picotte, Pagé, Gratton, Rivest, Rocheleau, Bissonnet, Maciocia, Cusano, Dubois, Sirros, Saintonge, French, Doyon, Houde, Middlemiss, Hains, Leduc (Saint-Laurent).

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

Le Secrétaire: Pour: 64

Contre: 0

Abstentions: 38

Le Vice-Président (M. Rancourt): Motion adoptée. (11 h 10)

M. le whip.

Une voix: Leur nom est personne.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Chevrette: Je voudrais demander le consentement du leader de l'Opposition ou de l'Opposition pour enregistrer les votes de trois de nos collègues qui sont présentement

en mission pour rencontrer les caucus NPD et conservateur à Ottawa. Il s'agit des députés de Gouin, de Vimont et de Beauce-Nord.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Y a-t-il consentement?

M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure); M. le Président, ce n'est pas que nous ayons des objections. Cependant, ceci créera sans doute un précédent. Souvent, nous avons fait des demandes semblables et on nous a fait comprendre qu'il est bien difficile de demander qu'on enregistre les noms de certains députés alors qu'ils ne sont pas ici. Je n'ai pas d'objection, mais je pense que cela devrait peut-être être pris en délibéré par la présidence.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je pense que la proposition du leader de l'Opposition est intéressante. Nous ne considérons pas que c'est une règle qu'on instaure. C'est une situation exceptionnelle. Je pense que le dossier est exceptionnel aussi. Comme il s'agit de trois députés qui sont allés à Ottawa pour discuter et défendre les intérêts du Québec, il me semble que ce serait normal qu'on puisse sur cette question accepter leur vote.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: M. le Président, je pense que c'est un précédent trop dangereux. Parfois, on accepte des gens qui arrivent en retard. Ils sont ici, au moins pour dire comment ils votent. Si on demande le droit de vote par "proxy", c'est contre tous les règlements parlementaires.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je constate qu'il n'y a pas de consentement. Mme la députée de L'Acadie.

Recours à l'article 34

Mme Lavoie-Roux: En vertu de l'article 34, j'aimerais demander ceci au leader du gouvernement. Le premier ministre vient d'annoncer une commission parlementaire pour les projets de loi 68 et 70. Il a reçu également une demande du président de l'Association des hôpitaux du Québec, touchant la possibilité d'être entendu dans une commission parlementaire restreinte sur le projet de loi no 72 qui, lui, touche les services essentiels. Est-ce que le leader pourrait nous dire s'il est dans les intentions du premier ministre d'accéder à cette demande, de la même façon qu'il vient d'accéder à la demande des syndicats d'être entendus au sujet des projets de loi nos 68 et 70?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je dois dire à Mme la députée de L'Acadie qu'elle a bon souvenir, puisqu'elle était de cette commission parlementaire qui a siégé l'automne dernier. Si je me rappelle bien -je pourrais me tromper de quelques heures ou de quelques groupes - il me semble que c'est un travail de plus de 56 heures, et même peut-être davantage, qui a été consacré à écouter, à entendre environ 56 groupes, plus d'une soixantaine de mémoires. Il y a donc eu beaucoup de consultations. Il y avait, vous le savez, vous vous le rappelez, un spectre de propositions, de solutions qui ont été acheminées aux membres de la commission parlementaire. À un moment donné, il fallait que le gouvernement fasse son lit sur cette question et dépose un projet de loi. C'est ce que nous avons fait. Maintenant, nous considérons que la consultation a été si largement poussée qu'il n'y a pas lieu de revenir à cette étape. C'est vraiment le moment de passer à l'action, d'indiquer là-dessus quelles sont nos couleurs et de permettre que le débat se fasse maintenant ici, à l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais faire remarquer au leader du gouvernement que la commission parlementaire qui a été tenue portait sur les services essentiels en temps de conflit ou sur le droit de grève, mais ce que nous avons devant nous présentement, c'est un nouveau projet de loi, c'est un projet de loi sur lequel personne n'a été entendu. Si j'insiste, c'est pour dire au gouvernement que, selon l'Association des hôpitaux du Québec, par la voix de son président, selon un grand nombre d'autres organismes, associations, syndicats et autres, et même selon la population, ce projet de loi est tout à fait insatisfaisant.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je pense que Mme la députée de L'Acadie vient d'indiquer effectivement qu'il y a des possibilités pour des groupes de faire connaître leurs opinions. Elle fait état ici d'un télégramme. Elle fait état de la position de l'AHPQ. Il y a d'autres groupes aussi. Le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu m'a indiqué que, depuis même l'automne dernier,

il a reçu d'autres communications relativement à ce dossier des services essentiels; depuis le dépôt du projet de loi, il a reçu un certain nombre de télégrammes, de lettres, de communications téléphoniques et probablement qu'en cours de discussion, il continuera d'en recevoir.

En d'autres mots, le processus permettant à des gens de faire connaître leurs opinions n'est pas arrêté dès lors qu'une commission parlementaire, qui a pourtant siégé très longtemps, a terminé ses travaux l'automne dernier. Je dis à Mme la députée de L'Acadie que ces gens peuvent utiliser de multiples recours pour faire connaître leurs opinions, mais qu'à ce stade-ci, il importe maintenant pour le gouvernement de faire débattre sa proposition devant l'Assemblée nationale et ensuite de la faire adopter en commission parlementaire lors de l'étude article par article.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais faire remarquer au leader du gouvernement - il le sait fort bien - que les télégrammes et tout cela, ce sont des moyens de dernier recours, que la vraie consultation et la façon pour la population de participer à l'amélioration d'un projet de loi, c'est par le processus des commissions parlementaires. C'est cela le véritable outil, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, le rôle de tous les députés de l'Assemblée nationale, qu'ils soient du côté ministériel ou du côté de l'Opposition, c'est de travailler d'abord en indiquant quelles sont leurs positions sur le fond de la question en deuxième lecture et ensuite, lors de la commission parlementaire, lors de l'étude article par article du projet de loi, sur la base des communications que les parlementaires peuvent avoir reçues des deux côtés de la Chambre, c'est de travailler à bonifier un projet de loi. Je pense que, là-dessus, nous allons fonctionner dans le plus grand respect de notre système démocratique en n'empêchant pas ces groupes de faire connaître leurs opinions et aux parlementaires de les faire valoir en commission.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: En vertu de l'article 34, est-ce que le leader parlementaire pourrait nous dire quand le gouvernement va annoncer les détails précis et la mise en application de son programme de relance de la construction. C'est un programme qui a été annoncé le 25 mai par le ministre des Finances. Il nous avait dit à ce moment-là que, dans quelques jours, soit lui ou soit le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur serait en mesure d'annoncer le programme. Le leader parlementaire pourrait-il nous dire quand ce programme va finalement être annoncé définitivement, d'une façon précise, pour que la population puisse y être admise et tirer avantage du programme qui a été annoncé par le ministre, mais dont les détails n'ont pas été complètement donnés?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Dès cette semaine, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): En vertu de l'article 34, M. le député de Hull.

M. Rocheleau: En vertu de l'article 34, M. le Président. Nous avons entendu hier soir, tenant compte du projet de loi 37, la fusion forcée de Baie-Comeau et de Hauterive, les intervenants qui ont participé au comité conjoint. De ces intervenants, j'aimerais avoir une précision de la part du leader du gouvernement. Au deuxième paragraphe de la lettre que faisait parvenir le juge Richard Beaulieu, président de la Commission municipale du Québec, au ministre des Affaires municipales, le juge Beaulieu mentionne: "Ce rapport unanime a été préparé avec la participation de trois membres de la Commission municipale." J'aimerais savoir du leader du gouvernement s'il est possible, étant donné qu'hier soir on a accepté de prolonger et de permettre encore durant deux heures d'entendre le comité conjoint, de faire venir, ce matin, les membres de la commission municipale du Québec qui sont partie au dossier du comité conjoint, entre autres les commissaires MM. Boucher et Harvey. Ce dernier, je pense, est à l'extérieur du pays, mais M. Boucher semble être dans les environs. Y aurait-il cette possibilité étant donné qu'il peut y avoir des questions pertinentes au dossier de Baie-Comeau-Hauterive? Jusqu'à présent, M. le Président, on doit dire que... Je veux remercier le leader du gouvernement qui nous permet d'aller en profondeur dans un dossier qui fait de plus en plus réaliser au gouvernement qu'il est en train de faire une erreur magistrale.

M. Bertrand: Ce n'est plus des questions en vertu de l'article 34.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement indiquer au député de Hull qu'effectivement, hier soir, comme les gens de Baie-Comeau et de Hauterive sont arrivés vers 23 heures, nous avons commencé les audiences vers 23 h 15 et nous avons travaillé à peu près une heure - ce que j'avais d'ailleurs indiqué, hier, à l'Assemblée nationale - pour poser les questions appropriées à ces représentants de Baie-Comeau et de Hauterive.

D'un commun accord, nous en sommes finalement venus à la décision qu'il serait souhaitable pour les parlementaires que, ce matin, trois commissions puissent siéger, dont celle des affaires municipales, pour continuer d'entendre, jusqu'à 13 heures, les représentants du comité conjoint. (11 h 20)

Vous vous rappellerez qu'hier soir le président de la Commission municipale du Québec, M. Beaulieu, était présent à la commission parlementaire et le ministre qui, évidemment, est en relation avec le président de la Commission municipale du Québec peut, à tout moment, s'il le désire, lui demander de dire quelques mots en réponse à des questions. Il n'y a rien là qui soit un accroc, je crois, à nos règlements. Dans le fond, il s'agit aussi de rappeler au député de Hull - le ministre l'a bien indiqué hier soir -qu'il y a des experts qui ont été prêtés, qui ont été...

Une voix: ...

M. Bertrand: Oui, mais qui ont été prêtés, mais qui ne sont...

Une voix: La participation.

M. Bertrand: D'accord, mais qui ne forment pas le comité conjoint Baie-Comeau-Hauterive. La demande qui m'avait été faite hier, c'était de rencontrer les cosignataires du comité conjoint de Baie-Comeau et de Hauterive.

En commission parlementaire, tout à l'heure, je crois qu'avec les deux heures de travail qu'il vous reste encore vous pourrez poser toutes les questions aux cosignataires du comité conjoint. Si la commission décidait qu'il était opportun de poser des questions au président de la Commission municipale du Québec, je pense que le ministre ne sera certainement pas fermé à cette possibilité.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Avis à la Chambre. M. le leader du gouvernement.

Travaux des commissions

M. Bertrand: Des motions, M. le Président, pour aujourd'hui, le mardi 8 juin 1982. De 11 h 30 à 13 heures, il y a trois commissions parlementaires: d'abord, au salon rouge, la commission parlementaire des communications, pour étudier le projet de loi no 65 article par article; à la salle 81-A, la commission parlementaire des transports, pour étudier le projet de loi no 48 article par article concernant les taxis; à la salle 91-A, la commission parlementaire des affaires municipales, pour étudier le projet de loi no 37 article par article et aussi pour continuer d'entendre les cosignataires du groupe qui a travaillé sur le dossier de la fusion de Baie-Comeau et de Hauterive.

Cet après-midi, de 15 heures à 18 heures, deux commissions parlementaires, celle des communications, au salon rouge, pour la poursuite de l'étude article par article du projet de loi no 65, et à 81-A, celle de la justice, pour l'étude article par article du projet de loi no 62. Ce soir, deux commissions parlementaires: au salon rouge, celle des communications, de 20 heures à 24 heures, pour étudier le projet de loi no 65, et à 81-A, la commission du revenu, pour l'étude article par article du projet de loi no 74. Dès que cette commission du revenu aura terminé l'étude du projet de loi no 74, ce qui ne devrait pas prendre beaucoup de temps, la commission parlementaire permanente de l'agriculture, à la même salle 81-A, entreprendra l'étude du projet de loi no 77 sur la mise en marché des produits agricoles.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que ces motions seront adoptées?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Les affaires du jour, M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais vous indiquer que nous étudierons aujourd'hui en deuxième lecture le projet de loi no 72 sur les services essentiels au nom du ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Nous allons voir quel sera l'agencement et si, oui ou non, ce sera retenu en cours de discussion, mais il y a une possibilité d'appeler la troisième lecture du projet de loi no 46 selon l'évolution du débat sur le projet de loi no 72 aussi. Là-dessus, tout à l'heure, j'aimerais avoir des indications de l'Opposition sur ce qu'on attend comme participation de son côté comme du nôtre sur ce projet de loi no 72.

Nous pourrons revenir plus tard aujourd'hui, bien sûr, sur la motion au nom du ministre des Finances, relativement au budget.

Projet de loi no 72 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture du projet de loi no 72, Loi

modifiant le Code du travail, le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives. M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Pierre Marois

M. Marois: M. le Président, selon la formule consacrée, l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre.

Nous abordons aujourd'hui l'étude en deuxième lecture du projet de loi no 72. Il est bon de le rappeler, voici un projet de loi qui vise essentiellement à consacrer dans les faits la primauté du droit des citoyens à des services jugés essentiels en période de négociation, en période de conflit, et ce, pour tous les établissements du réseau des services de santé ou des services sociaux, mais également - ce qui est tout à fait nouveau - dans certains services publics qui seront concrètement déterminés par des décrets qui seront adoptés par le gouvernement du Québec.

Quand un projet de loi, comme c'est le cas présentement, suscite de la part des éditorialistes l'utilisation de qualificatifs aussi opposés et émotifs que ceux de lâcheté, dans un cas, et à l'autre extrême, de courage dans l'autre cas, le minimum qu'on peut dire, c'est qu'il s'agit, sans aucun doute - toute cette question des services essentiels - d'un sujet qui est à la fois complexe, mais aussi et surtout qui touche au coeur même, aux fibres mêmes de ce qui fait qu'une société est ou n'est pas civilisée, qui permet aussi de mesurer à quel point on est capable comme société, comme citoyens et comme citoyennes, de se donner des pratiques qui soient conformes à une échelle de valeurs qui place l'humain au premier rang et particulièrement les malades, les handicapés, les personnes âgées, les plus démunis dans la société.

Bien sûr, ceci étant dit, demeure entière la question de savoir comment on y arrive dans le concret, comment on arrive à consacrer dans les faits la primauté du droit des citoyens à obtenir des services qui sont jugés essentiels. Tout à l'heure, le leader du gouvernement l'a évoqué: tout ou à peu près a été dit et écrit sur la question du droit de grève et des services essentiels. On se souviendra des travaux de la commission parlementaire l'automne dernier; 55 groupes, si ma mémoire est fidèle, on été entendus. Les travaux de la commission ont duré plus de 56 heures. Également, les citoyens et les citoyennes du Québec, par le biais de sondages qui sont revenus à des époques régulières et encore récemment, ont fait parvenir aux législateurs, aux parlementaires, au gouvernement des messages, me semble-t-il, qui sont fondamentalement clairs et qui, au fond, traduisent clairement la préoccupation, que tous les hommes et les femmes de bonne foi dans cette Chambre, je crois, partagent, de chercher une solution qui permette de traduire dans le concret cette primauté.

C'est presque comme si - et c'est personnellement ce que je décode des sondages - les citoyens et les citoyennes du Québec, quand on parle de la question du droit de grève, quand on parle des services essentiels, nous disaient: Est-ce qu'il y aurait moyen qu'on ait la paix? Est-ce qu'il y aurait moyen qu'on puisse nous garantir qu'on va obtenir les services fondamentaux dont on a besoin et auxquels on a droit? En période de conflit, est-ce qu'il y aurait moyen aussi qu'on tienne compte du fait que nous, les citoyens, nous existons et qu'il y ait des mesures de prises pour nous garantir ces services?

Donc, comment y arriver? Il y a eu toutes sortes de propositions fondamentales, mais un certain nombre méritent qu'on s'y arrête. Les uns ont proposé l'abolition du droit de grève. En cas de débrayage illégal ou de grève illégale, malgré le fait que quelque code ou quelque loi que ce soit prévoirait des sanctions extrêmement sévères durant cette période d'un débrayage illégal, d'une grève illégale, comment assure-t-on les services de base nécessaires? En d'autres termes, comment traduit-on dans le concret ce principe de la primauté du droit des citoyens d'obtenir des services essentiels? Il me semble que poser la question, c'est y répondre. (11 h 30)

D'autres ont plutôt proposé qu'on opte pour une forme d'abolition sélective du droit de grève. Certains ont proposé l'abolition sélective dans certains établissements. D'autres ont ajouté, non seulement dans certains établissements, mais également dans certaines unités ou dans certains départements de ce qu'on appelle les centres hospitaliers à vocations multiples. Arrêtons-nous quelques instants sur cette double option. Dans le cas où une loi procéderait à l'abolition sélective concernant certains établissements, pensons, par exemple, à des centres qui hébergent les personnes âgées, les malades chroniques, comment va-t-on justifier, expliquer et soutenir en toute justice que, dans le cas de certains établissements comme tels, on puisse en arriver à abolir le droit de grève alors que, pour les mêmes personnes souffrant des mêmes types de problèmes qui se trouvent dans des unités ou dans des établissements, dans des départements de centres hospitaliers à vocations multiples, il y ait deux poids, deux mesures? Comment va-t-on justifier que, dans le cas de certains établissements, on abolisse le droit de grève, que, dans le cas de personnes souffrant des mêmes

problèmes, se trouvant dans un centre hospitalier à vocations multiples, pour ces gens, ce soient d'autres règles, d'autres mesures qui s'appliquent? Sans compter le fond du problème qui demeure le même dans ce cas.

Parce qu'il y a abolition, quelque sélective qu'elle soit, forcément, en cas de débrayages illégaux, quelque sévères que puissent être les sanctions prises durant la période d'une grève illégale, comment assure-t-on, comment garantit-on, comment traduit-on dans le concret pour les citoyens ce principe de la primauté du droit des citoyens d'avoir accès à leurs services essentiels? Lorsqu'on y ajoute en plus la dimension d'une abolition sélective qui pourrait toucher même certaines unités ou certains départements dans un hôpital, comment, dans la pratique, traduit-on le principe? Au quatrième étage nord de tel hôpital, il n'y aurait pas de droit de grève. Au quatrième étage sud du même hôpital, il y aurait droit de grève. À l'intérieur de certaines unités d'accréditation, certains hommes, certaines femmes qui y travaillent et qui sont syndiqués auraient droit de grève; d'autres n'auraient pas droit de grève. Comment pourrait-on, en toute conscience, demander à des gens d'administrer, dans de telles conditions, de façon à répondre aux besoins fondamentaux des citoyens, des services qui, par ailleurs, sont jugés fondamentaux, sont jugés essentiels? Cela pourrait, je crois, mener à des situations absolument aberrantes, à partir, à première vue, d'une idée qui semble généreuse.

Nous avons choisi plutôt de capitaliser sur l'acquis. Tout n'est pas et tout n'a pas été que négatif par le passé. Loin de là. Il me semble important de le rappeler. Il y a eu des abus aussi bien du côté du comportement et des pratiques syndicales que du côté du comportement et de certaines pratiques patronales. Ces abus ont été, sont et demeureront toujours inacceptables. Il faut trouver le moyen d'y mettre un terme. On en a eu des illustrations concrètes en commission parlementaire. On en a eu aussi des témoignages éloquents à partir des rapports qui nous sont parvenus des experts qui ont eu à procéder à l'examen, à l'étude de certains problèmes qui ont été soulevés, de certaines plaintes qui ont été portées par des citoyens dans la dernière ronde de négociations des secteurs public et parapublic. Il y a eu aussi, à côté de ces cas d'abus, des choses qu'il importe de rappeler, que ce soit par entente ou par liste dans la pratique, il y a eu aussi des cas où presque 100% des services ont été donnés lorsqu'ils étaient requis, et cela doit être signalé. Nous comptons capitaliser sur l'acquis. Il nous semble qu'investir dans la confiance -non pas une confiance aveugle, et j'y reviendrai - est susceptible de nous permettre comme société de récolter un fruit qui soit de plus en plus à l'image d'un comportement responsable, mature, adulte. Il faut replacer les valeurs dans une véritable échelle des valeurs, avec l'humain au premier rang. Encore une fois, une confiance, mais non pas aveugle, en gardant l'oeil bien ouvert et en se donnant les moyens de faire en sorte que les abus cessent.

Les parties pourront convenir d'ententes. À défaut d'entente, la partie syndicale pourra présenter une liste, mais il n'y aura plus - je tiens à le redire, le texte de loi est spécifique là-dessus et c'est important que ce soit très clair - ce qu'on appelait le principe de la responsabilité ultime entre les mains des syndicats pour établir la liste de ce qu'il est convenu d'appeler ces services fondamentaux, ces services essentiels qui doivent être assurés aux citoyens. Sera établi un Conseil des services essentiels sur une base permanente, composée de huit personnes, dont deux issues du milieu syndical, nommées par le gouvernement, deux issues du milieu patronal, toujours nommées par le gouvernement, après consultation d'un certain nombre de groupes, trois représentant le public et ayant comme mandat précis de s'assurer, justement, que se traduit dans le concret ce principe de fond que j'ai évoqué depuis le début de mon intervention sur le projet de loi 72, et un président disposant, le cas échéant, d'un vote prépondérant. La responsabilité ultime d'évaluer la suffisance ou la non-suffisance des services qui seraient prévus, que ce soit une liste, que ce soit une entente, sera confiée à un tiers, le Conseil des services essentiels, et ultimement au gouvernement du Québec.

Le projet de loi prévoit que toute liste, toute entente doit être soumise au Conseil des services essentiels et qu'en cas d'insuffisance des services à maintenir ou de non-respect du maintien des services essentiels le gouvernement pourra suspendre le droit de grève et ce, jusqu'à ce qu'il soit démontré qu'en cas de grève les services essentiels seront maintenus de façon suffisante. En d'autres termes, le Conseil des services essentiels pourra aider les parties, pourra déléguer des médiateurs et pourra susciter des réévaluations à la hausse des ententes ou des listes, mais, ultimement, il devra soumettre un rapport au gouvernement. Dans le cas où il sera clairement évalué que les services proposés, par entente ou par liste - tant mieux si c'est par une entente, tant mieux si c'est par une liste qui permet de traduire dans le concret, au niveau local, dans un établissement donné, le principe évoqué au point de départ... C'est pourquoi je dis: Nous capitalisons sur l'acquis en nous donnant, le cas échéant, les moyens d'intervenir avec la rapidité qui s'impose pour faire en sorte que se traduise ce

principe de fond que j'ai évoqué et qui est la primauté du droit des citoyens d'obtenir les services essentiels. (11 h 40)

Le conseil disposera de pouvoirs nouveaux, disposera de moyens nouveaux pour intervenir et devra remplir les tâches suivantes: d'abord, sensibiliser... et tout cela, avant que ne soit acquis le droit de grève. Cette évaluation concernant la suffisance ou l'insuffisance et le rapport, par voie de conséquence, qui sera retransmis au gouvernement et la décision que, le cas échéant, le gouvernement pourra prendre de suspendre pour une période indéterminée, en cas de rapport qui indique que les services ne seraient pas suffisamment maintenus, tout cela devra se faire et intervenir avant que ne soit acquis le droit de grève. Je disais donc que le conseil devra remplir les tâches suivantes: dans un premier temps, sensibiliser les parties et le public en général à toute la question du maintien des services essentiels, notamment - c'est une chose absolument importante et nouvelle qui est inscrite dans la loi - en élaborant ce qu'il est convenu d'appeler dans le jargon, un protocole-cadre, ou si on veut, un cadre local de référence qui constituera une sorte d'entente maîtresse, portant sur le contenu éventuel des ententes et des listes à être déposées et qui servira aussi de grille d'analyse, quand viendra le moment d'évaluer la suffisance ou la non-suffisance des services qui doivent être maintenus par les citoyens.

Deuxièmement, encourager les parties locales à conclure des ententes en offrant des services extérieurs de médiation.

Troisièmement, recevoir, analyser, évaluer quant à leur suffisance les ententes et les listes déposées.

Quatrièmement, le conseil disposera d'un pouvoir général d'information du public. Informer le public également sur une base régionale du rôle que la loi lui assigne, ainsi que la nature des services prévus aux ententes et aux listes.

Cinquièmement, en cas d'insuffisance des ententes et des listes, le conseil aura à aviser les parties en défaut ou fautives; l'avis officiel transmis au ministre expliquera qu'une grève qui serait déclarée dans de telles conditions ferait l'objet d'une dénonciation publique. Ce qui veut dire concrètement qu'en plus de son pouvoir d'information générale, de son pouvoir d'information sur une situation locale, régionale, lorsque le conseil évaluera - et ce, avant que ne soit acquis, encore une fois, le droit de grève - que les services proposés seraient insuffisants, le rapport que le conseil transmettra au ministre sera retransmis publiquement, le rapport sera public, ce qui prendra la forme d'une dénonciation publique.

Par voie de conséquence, le projet de loi 72 prévoit que le gouvernement, sur recommandation du ministre, pourra décréter la suspension du droit de grève dans un établissement précis, bien désigné, pour une période indéterminée, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'un nouveau rapport soit soumis à l'attention du gouvernement, indiquant que les services fondamentaux pourront être vraiment, dans le concret, assurés pour les citoyens.

Pendant l'exercice du droit de grève, lorsqu'il sera acquis, dans le cadre et avec les balises que je viens d'expliquer, le conseil devra recevoir les plaintes et les doléances des citoyens relatives à l'insuffisance des services maintenus, vérifier le respect des listes et des ententes, dénoncer publiquement les parties fautives, le cas échéant, inciter les parties à réviser à la hausse les ententes et les listes quand celles-ci se révèlent insuffisantes ou lorsque des changements incontrôlables se produisent.

Neuvièmement, aviser le gouvernement de la gravité des situations pouvant se produire lorsque le conseil dénote des écarts qui peuvent être substantiels entre ses propres évaluations et les listes qui sont effectivement appliquées, de même qu'au cas de violation de listes et d'ententes.

Comme ce conseil sera établi sur une base permanente, après ces fameuses rondes de négociation, le conseil dressera un bilan complet du déroulement des opérations, mettra à jour les données factuelles en rapport avec le maintien des services dans les établissements du réseau et verra à améliorer le contenu et la détermination des paramètres apparaissant au protocole-cadre.

Le projet de loi prévoit - il me semble important de le signaler, M. le Président -que ce protocole-cadre, qui va tracer avec l'aide du conseil les éléments essentiels qui devront être contenus dans une entente ou une liste qui devra être traduite avec toute sa coloration locale pour répondre véritablement aux besoins concrets d'un établissement ou d'une série d'établissements dans une localité, dans une région, si tant est que c'est nécessaire, le gouvernement du Québec pourra, par règlement, ultimement le décréter, établir les éléments clefs contenus dans toute entente ou dans toute liste pour répondre véritablement aux besoins des citoyens.

Par exemple, mentionnons le droit fondamental d'accès des bénéficiaires aux établissements, la nécessité d'avoir constamment un comité qui puisse rajuster à la hausse ou à la baisse, parce que les situations ne sont pas stables, fixes dans certains établissements. Pensons, en particulier, à certains centres hospitaliers à vocations multiples. Notamment, mais pas exclusivement, dans les grands centres urbains, les situations fluctuent, sont changeantes d'une journée à l'autre, d'une

semaine à l'autre. Il faut que les choses puissent s'ajuster rapidement. C'est déjà une pratique qui est acquise dans un pourcentage extrêmement important de cas. Il nous faut capitaliser là-dessus, miser sur le sens des responsabilités, sur la confiance de base mais, encore une fois, non pas de façon naïve ou aveugle, en gardant l'oeil ouvert et en se donnant, se conservant ultimement les moyens de faire en sorte que cessent les cas d'abus qui ont pu être décelés par le passé.

Certains ont laissé entendre que le projet de loi que nous étudions aujourd'hui avait un caractère bureaucratique, lourd. Il me semble important de souligner à cet égard les éléments suivants, qui, me semble-t-il, vont plutôt dans un sens contraire, opposé à la lourdeur. Il est en effet prévu, d'une part, que la possibilité de négocier sur le plan local est maintenue. Nous sommes conscients que, dans une très forte majorité de cas, comme dans le passé, d'ailleurs, il y aura entente au niveau local sur les services essentiels à maintenir en cas de conflit. Il faut, dans ce sens, faire confiance - mais, encore une fois, non pas d'une façon aveugle ou naïve - à la maturité des intervenants et à leur sens des valeurs à ce sujet.

Deuxièmement - c'est là qu'on voit comment peut se faire et s'établir le joint -un protocole-cadre assurera une certaine uniformité à l'échelle nationale, ce qui forcément va venir réduire les besoins variés d'intervention du conseil, mais, en même temps, une flexibilité qui permettra, à l'intérieur de ce protocole-cadre, la mise sur pied, dans chaque établissement, par exemple, comme je le disais, d'un comité ad hoc pour vérifier quotidiennement, chaque jour, l'état de la situation et réviser, le cas échéant, les services à la hausse, lorsque le besoin sera là, s'en fera sentir et sera forcément un besoin pressant auquel il importera de répondre et ce, rapidement. (11 h 50)

Dans ce contexte - je crois que cela doit être dit tel que c'est - les parties syndicale et patronale vont savoir et doivent savoir qu'il ne servira à rien, qu'il ne servira plus à rien, à l'avenir, de déposer que ce soit une entente négociée ou une liste qui ne répondrait pas véritablement aux exigences prévues par le protocole-cadre, une entente négociée ou une liste qui ne répondrait pas véritablement aux besoins de services auxquels ont droit les citoyens. Si tel devait être le cas, le conseil, forcément, conclura à l'insuffisance de l'entente négociée ou de la liste et, par voie de conséquence, soumettra un rapport dans ce sens-là, publiquement, au ministre, ce qui signifiera clairement que le gouvernement exercera les pouvoirs qu'il aura en vertu du projet de loi no 72, c'est-à-dire de suspendre, dans un établissement donné, le droit de grève pour une période indéterminée jusqu'à ce que les problèmes qui ont été constatés soient réglés et que le droit des citoyens soit respecté.

Je suis confiant que les cas - je me base sur l'expérience passée - qui pourraient se présenter dans ce sens-là - c'est ce que je souhaite fortement et je crois que c'est ce que tous les citoyens et toutes les citoyennes souhaitent aussi - seront peu nombreux. Ils ont été peu nombreux, mais, quel que soit le nombre, un cas, c'est un cas de trop. Une société qui se respecte doit faire en sorte que cela ne se présente plus.

Il est important aussi de noter la mise à contribution du ou des - si on veut -conseils régionaux de la santé et des services sociaux qui vont pouvoir servir de courroie de transmission entre les bénéficiaires et le Conseil des services essentiels pour s'assurer que, lorsque des citoyens sont justifiés de porter des plaintes, les interventions sont faites et que les interventions sont faites dans un délai extrêmement court, c'est-à-dire le plus rapidement possible.

Il me semble que c'est là un certain nombre de facteurs - je pourrais en énumérer d'autres - qui devraient empêcher normalement le Conseil des services essentiels de devenir une espèce de machine bureaucratique lourde et inaccessible aux parties et à la population, sans compter que le projet de loi prévoit bien que le conseil aura et pourra se donner ses propres antennes régionales, recevoir lui-même directement aussi les plaintes des citoyens et intervenir, le cas échéant.

Il y a aussi un élément nouveau, me semble-t-il, extrêmement important qui se retrouve maintenant dans le projet de loi no 72. C'est le fait qu'une place est maintenant reconnue à ceux et celles, à leurs porte-parole, qui sont les citoyens qui, justement, ont droit à cette primauté des services essentiels. Par le projet de loi no 72, les citoyens auront désormais, eux aussi, une place dans tout le processus qui les concerne au premier chef, ce qui n'était absolument pas le cas par le passé.

D'une part, ils seront représentés au Conseil des services essentiels. D'autre part, l'accès à l'information sera généralisée, d'une part, par le pouvoir général d'information du conseil sur les situations à l'échelle nationale, à l'échelle du Québec, également à l'échelle régionale et locale. D'autre part, par le fait, également, que les rapports constatent une insuffisance des services essentiels avant même que le droit de grève soit acquis pour éliminer au maximum les cas possibles d'abus, ces rapports seront rendus publics et prendront donc la forme d'une dénonciation publique, et les citoyens continueront d'avoir accès, pour loger leurs plaintes, aussi bien aux conseils régionaux des services de santé et des services sociaux, mais également au Conseil des services essentiels.

À cela s'ajoute également une autre dimension et d'autres moyens additionnels sont aussi donnés aux citoyens. D'une part, se trouve reconduite la règle qui était déjà au Code du travail et qui prévoit que, pour mettre en marche les procédures qui mènent à des sanctions pénales, tout intéressé peut intervenir et entamer des procédures. Je laisserai là-dessus mon collègue le ministre de la Justice, développer le sujet et intervenir plus amplement, puisque c'est avec sa coopération et sa collaboration qu'il a été possible d'introduire dans le présent projet de loi un certain nombre d'amendements qui concernent une procédure importante pour les citoyens, qui est celle du recours collectif. Cette procédure dans le projet de loi se trouve également rendue plus accessible, et son exercice se trouve grandement allégé, facilité, bien sûr pas uniquement sur cette question-là, puisqu'il s'agit de modifications qui concernent aussi bien la Loi sur le recours collectif que le Code de procédure civile comme tel, mais elles peuvent et pourraient aussi être utilisées, le cas échéant, lorsque des citoyens et des citoyennes sont fondés à exercer un recours civil auquel ils ont droit.

S'ajoute à cela une chose, et je pense que tout le monde en conviendra, il y a au moins là-dessus, me semble-t-il, un consensus qui se dégage chez les éditorialistes, que chacun et chacune d'entre nous avons pu lire, où l'on admet que le projet de loi sur le maintien des services essentiels élargit la portée de cette notion pour l'introduire maintenant dans ce qu'il est convenu d'appeler les services publics.

Le projet de loi prévoit en effet que le gouvernement pourra, par voie de décret, assujettir un service public et la liste des services publics au sens large. C'est revu, modernisé, remis à jour dans le projet de loi. C'est-à-dire, par exemple, une corporation municipale, des entreprises de transport en commun, la distribution de gaz, de l'électricité, l'enlèvement des ordures ménagères, le transport par ambulance. Mais cela devra se faire de façon très concrète et précise. Il faudra désigner, c'est-à-dire nommer par décret, un service public qui a l'obligation de maintenir des services essentiels, et, encore une fois, dans le cas des services publics, avant que ne soit acquis le droit de grève.

Concrètement, sur rapport d'un conciliateur que forcément reçoit régulièrement un ministre du Travail, sur recommandation du ministre, le gouvernement pourra émettre un tel décret si un arrêt de travail apparaît probable d'une part, et qu'il apparaît également nécessaire de maintenir des services essentiels pour ne pas mettre en danger la santé et la sécurité publique. La notion de santé ou de sécurité publique faisant partie intégrale du décret gouvernemental, cela ne prêterait pas, me semble-t-il, bien que je sois prêt à examiner cette question de façon très serrée, très étroite, à ce que d'aucuns ont évoqué publiquement, c'est-à-dire qu'on pourrait, en droit, contester une telle notion par rapport à ce qu'on appelle la notion d'intérêt public. J'ouvrais simplement ici une parenthèse, quitte à y revenir lors d'un examen plus approfondi en commission parlementaire article par article. (12 heures)

Ce décret entrerait en vigueur le jour de son adoption, qui doit forcément précéder d'au moins quinze jours la date d'acquisition du droit de grève, et il aurait pour effet de soumettre les parties au même mécanisme d'évaluation d'une entente ou d'une liste de services essentiels établie par le Conseil des services essentiels et, par voie de conséquence, si tant est que les services nécessaires, requis, sont assurés, le droit de grève pourra s'exercer normalement. Mais si le conseil devait conclure, sur la base des rapports, des expertises qui seront fournis, à l'insuffisance des services, dans ce cas-là, de la même façon, le gouvernement conserve le pouvoir de suspendre, pour une période indéterminée, le droit de grève.

Je voudrais rapidement, en terminant, M. le Président, insister sur quelques points précis. Le droit de grève se trouve maintenu. Le projet de loi capitalise sur l'acquis, fait appel au sens des responsabilités des parties mais ne demeure pas et n'entend pas être un appel naïf, ce qui veut dire concrètement que le droit de grève, se trouvant maintenu, se trouvera également étroitement surveillé. On aura noté qu'au chapitre des sanctions pénales, les amendes ont non seulement été augmentées de façon substantielle, mais graduées selon qu'il s'agit d'individus, de responsables syndicaux ou patronaux, selon qu'il s'agit d'associations. De nouvelles sanctions ont également été introduites, notamment, dans le cas d'entrave aux travaux du conseil. Tout cela dans le but d'encadrer l'exercice de ce droit et de s'assurer que dans le concret chaque partie prendra pleinement ses responsabilités.

Quand je dis "chaque partie prendra pleinement ses responsabilités", cela n'exclut pas, loin de là, le gouvernement, bien au contraire. On pourrait, par analogie, puisque c'est aussi une chose qui est présentement largement discutée à la suite de l'entrée en vigueur des modifications qui ont été apportées au Code de la route... Chacun et chacune d'entre nous qui sommes au volant d'une automobile tenons pour acquis, au point de départ, que notre conduite va forcément être une conduite responsable; nous tenons aussi souvent pour acquis, au point de départ, que la conduite des autres va être aussi une conduite responsable. Nous misons tous et toutes sur cette bonne conduite, mais

tout cela dans le cadre d'un régime de signalisation et dans le cadre d'un régime de sanctions. En d'autres termes, dans le cadre d'un régime qui est basé sur la confiance, mais non pas une confiance naïve.

En terminant, je voudrais simplement dire ceci. À partir du moment où un tel projet de loi sera adopté, l'avenir du droit de grève, particulièrement dans le secteur des affaires sociales, va reposer entre les mains de ceux et de celles qui vont décider, le cas échéant, de l'exercer. Je me permets de rappeler que la grève, particulièrement dans des secteurs comme ceux-là, n'est pas, ne peut pas être un rituel, demeure une arme ultime et ponctuelle. Ce ne peut faire autrement, selon le témoignage même entendu en commission parlementaire de porte-parole syndicaux, qu'être symbolique dans certains coins, parce que les besoins essentiels qui, dans certains cas, peuvent largement dépasser 90% de l'effectif requis doivent être là. Ce fut ainsi dans un fort pourcentage de cas par le passé. Si tant est que les parties continuent à le faire dans ce sens, tant mieux, mais s'il devait y avoir un cas d'abus il faudrait que ça cesse. C'est ce que prévoit ce projet de loi, parce que, ultimement, il s'agit non pas de biens qui sont produits en série, mais d'être des humains. M. le Président, voilà pourquoi, en terminant, j'invite les membres de cette Assemblée nationale à adopter en deuxième lecture le projet de loi no 72.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, la loi 72 vise à modifier le Code du travail pour traiter d'une des questions sans doute les plus complexes et probablement les plus importantes dans le domaine des relations du travail au Québec, c'est-à-dire le maintien des services essentiels dans les services public et parapublic en cas de conflit. Dès le départ, M. le Président, je voudrais vous dire très clairement que l'Opposition votera contre le projet de loi no 72 pour la raison fondamentale suivante: savoir que nous croyons que la législation gouvernementale doit reconnaître en fait, et non simplement au niveau des intentions, la priorité absolue des droits humains, des droits de la personne sur tout autre droit légitime, sans doute, et reconnu à d'autres catégories de nos citoyens et, en particulier, les travailleurs en cause.

Cette affirmation de la primauté des droits humains, nous avons voulu la traduire d'une façon très concrète en affirmant et en soutenant - et nous le ferons, M. le Président, au moment de l'étude article par article - que pour ce qui est des personnes vivant dans des centres d'accueil, personnes âgées, personnes handicapées, pour ce qui est des bénéficiaires de soins psychiatriques et pour ce qui est des malades chroniques qui vivent dans les établissements du réseau des affaires sociales, en aucune circonstance, ces gens non seulement ne doivent être frappés d'une diminution quelconque des services qui leur sont offerts et auxquels ils ont droit, mais en aucune circonstance non plus ils ne doivent risquer de vivre dans cette anxiété d'une grève appréhendée qui risque de les rejoindre cruellement, à certains égards.

Donc, M. le Président, la position de notre formation politique, du Parti libéral du Québec - et c'est cette position que les membres de l'Opposition veulent traduire en cette Assemblée - notre objection fondamentale au projet de loi du gouvernement - elle se situe d'abord et avant tout à ce niveau. À cet égard, on me permettra de dire tout d'abord que cette position a été rendue publique dès le début de janvier, ou en février, et que - nous en sommes très heureux - elle a reçu, de la part des milieux concernés tout autant d'ailleurs que des observateurs et analystes de la scène politique, un appui très large. (12 h 10)

Je voudrais, M. le Président, pour illustrer cette position, vous donner lecture d'un très court paragraphe d'un éditorial de M. Jean-Louis Roy, dans le Devoir, qui disait ceci: "L'Opposition cherchera vraisemblablement à obtenir des amendements à ce projet de loi." Et je viens de vous l'indiquer, M. le Président. M. Roy poursuit: "Si l'Opposition proposait notamment une formule d'extension des conditions négociées ailleurs pour les travailleurs dans les centres hospitaliers de soins prolongés et de soins psychiatriques, pour les centres d'accueil, de réadaptation et d'hébergement, l'Opposition devrait obtenir l'appui de tous ceux-là qui répudient la prise d'otages des personnes les plus démunies." Et M. Roy ajoutait: "II est répugnant, immoral et antisocial de dissoudre, même momentanément, les relais obligés pour nos concitoyens les plus fragiles sans égard pour leur dépendance extrême et la faiblesse, sinon l'absence, de toute ressource."

Fondamentalement, M. le Président, c'est là la position que l'Opposition et le Parti libéral entendent prendre dans le débat. Non pas que nous ignorions les difficultés pratiques ou même techniques que la mise en place de cette orientation majeure puisse soulever. Nous aurons l'occasion, M. le Président, au moment de l'étude article par article, de discuter de ces modalités avec le ministre. Non pas que nous ne nous souciions pas de ce qui arrivera aux travailleurs concernés, puisque ce que nous proposons, au fond, c'est d'enlever, finalement, le droit de grève à des travailleurs, probablement les deux tiers des institutions du réseau des

affaires sociales et des services de santé. Pour ces travailleurs, nous proposons ce que l'on appelle la clause-remorque, c'est-à-dire que ces travailleurs et ces travailleuses bénéficieraient des conditions de travail absolument automatiques, des mêmes conditions de travail que celles d'autres travailleurs oeuvrant dans un secteur analogue, par exemple les hôpitaux de soins aigus, des conditions, dis-je, que ces travailleurs auraient obtenues en négociant librement leur convention collective avec, eux, le moyen de pression exercé ou non, c'est-à-dire le droit de grève. Donc, il y aurait un mécanisme d'automatisme qui permettrait aux travailleurs de n'être nullement pénalisés du fait que ces travailleurs dans les institutions pour lesquelles nous suspendrions le droit de grève auraient négocié sans avoir le droit de grève.

Pour les clauses qui sont difficilement transférables, on pense, par exemple, à la charge de travail d'une infirmière dans un hôpital de soins aigus par rapport à la charge d'une infirmière dans un établissement de soins psychiatriques, nous prévoyons les mécanismes connus et éprouvés d'arbitrage ou la formule également des dernières offres finales. Nous ne sommes absolument pas doctrinaires sur cette modalité. Je pense qu'il y aurait moyen de rendre justice aux travailleurs. Nous aurions au moins, comme société, convenu ensemble de protéger ceux de nos concitoyens qui, dans une situation de grève dans les secteurs public et parapublic, sont les plus vulnérables et les plus démunis, tout en garantissant aux travailleurs, aux gens qui travaillent dans ces établissements des conditions de travail justes et raisonnables avec des moyens d'exprimer leurs légitimes revendications qui seraient tout à fait comparables et analogues à ceux-là qui, dans le secteur public, auraient le privilège ou le droit d'exercer le droit de grève.

M. le Président, ce sont les propos que mes collègues et moi allons tenir au cours de ce débat. C'est la raison pour laquelle je commence mon intervention en la situant exactement dans la perspective qui est nôtre. Je pense que, d'une façon générale, nos concitoyens ont très bien compris la position défendue par notre formation politique sur ce sujet extrêmement important et complexe. Le ministre y a fait allusion, parce que la société québécoise a un vécu dans ce domaine de l'exercice du droit de grève dans les secteurs public et parapublic, et un vécu, aux yeux de nos concitoyens, qui est loin d'être positif. Il y a eu, bien sûr, toute la séquence des commissions parlementaires, des expressions d'intention par le premier ministre au niveau de son message inaugural, mais j'aurais bien aimé que, d'une part, le ministre du Travail nous dise les efforts qu'il a faits en dehors du contexte des négociations ou du renouvellement des conventions collectives, avec les représentants des travailleurs non pas dans le cadre formel d'une commission parlementaire, pour discuter des moyens très concrets à prendre pour garantir la protection minimale qui doit être offerte aux personnes dans le cas d'une grève dans les secteurs public et parapublic.

C'est dommage, mais je pense qu'il aurait été extrêmement intéressant d'entendre le ministre du Travail dire: Nous avons rencontré telle ou telle catégorie de représentants des travailleurs. Nous avons ensemble, avec les services du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, examiné ce vécu des quinze ou vingt dernières années du Québec dans ce domaine. Nous avons constaté qu'au niveau de certains établissements, il n'y a pas eu de problèmes majeurs pour les bénéficiaires. Nous avons constaté que, dans d'autres cas, moins nombreux - tout le monde en conviendra - il y a eu des problèmes. Nous avons essayé ensemble d'identifier cela, non seulement dans le système hospitalier ou dans le réseau des affaires sociales, mais également, puisque ce projet de loi concerne ce domaine, dans le transport en commun, dans le domaine de l'électricité, d'Hydro-Québec, enfin des services publics au sens large, tels que définis.

Il y a une expertise au niveau de la notion même des services essentiels. Pourtant, nulle part il n'en est fait mention dans le projet de loi, puisque le gouvernement décide, après une commission parlementaire qui a eu lieu au mois de septembre l'an dernier, d'arriver finalement avec un projet de loi. D'ailleurs, il n'y a strictement, dans aucun domaine, de définition ou de tentative de définition de ce que sont les services essentiels pour la population dans le domaine des secteurs public et parapublic. Or, pour prendre un exemple très simple, le transport en commun - Dieu sait qu'aujourd'hui, nous pouvons citer cet exemple, dans la mesure où, encore une fois, les Montréalais sont privés de l'usage de leur métro aujourd'hui même au moment où on se parle - tout le monde a dit - mon collègue de Sainte-Marie a été le premier en cette Chambre à en parler - que, dans le cas d'une grève du transport en commun à Montréal, les services essentiels pouvaient consister - tout le monde était d'accord là-dessus - dans la fourniture des services du transport en commun aux heures de pointe pour les travailleurs.

Il n'y a pourtant pas grand monde, même pas les syndicats, qui ont remis en cause cette notion. Ou ce peut-être encore, le transport en commun pour les personnes handicapées. Voilà deux domaines très précis où il y a un consensus général et où même, au moment du conflit dans le transport en

commun au mois de janvier, les syndicats nous ont dit que si le gouvernement ou les services du ministère du Travail avaient pris l'initiative de discuter de cette question avec eux avant la période de la confrontation, il y aurait eu moyen de s'entendre avec les autorités de la commission de transport pour convenir ensemble de la fourniture des services essentiels.

Le projet de loi arrive et, là-dedans, il n'y a strictement rien qui prend acte de ce vécu, qui le met sur la table et qui le soumet d'ailleurs à l'analyse et à l'expertise d'une rencontre informelle avec les représentants des travailleurs où je suis convaincu, on aurait pu, à peu près dans tous les domaines des services publics, savoir exactement d'où on part et là où on veut aller. Je pense que si cet exercice avait été fait par les services du ministère du Travail d'une façon sérieuse, avec une volonté politique de faire avancer ce dossier, on n'aurait pas eu ce vide absolument incroyable qui s'est produit entre la commission parlementaire de septembre dernier jusqu'au moment de la présentation de ce projet de loi, dans un contexte - il faut rappeler cela aussi - social extrêmement tendu, puisque, retardant ses échéances et sa décision de jour en jour, de semaine en semaine et de mois en mois, le gouvernement a été en quelque sorte pris par sa propre stratégie ou sa propre indécision. (12 h 20)

Voilà que, dans la perception syndicale, c'est maintenant une accumulation de lois, comme le projet de loi no 70 qui est débattu devant cette Assemblée et qui concerne les salaires des gens de la fonction publique et des autres services, ainsi que le projet de loi sur les régimes de retraite. Voilà qu'on est obligé de discuter d'une question éminemment importante pour l'ensemble des citoyens du Québec et pour les travailleurs concernés, dans un climat de confrontation, dans un climat se suspicion entre le gouvernement et les représentants, les principaux porte-parole des travailleurs. Cela, il faut le regretter, M. le Président, parce que nous demeurons convaincus que, si le gouvernement ne s'était pas, comme on dit, traîné les pieds comme il l'a fait sur cette question des services essentiels, il me semble qu'il y aurait eu moyen de faire beaucoup plus de progrès qu'on en fait avec le projet de loi no 72. Il y aurait eu moyen de convenir d'un nombre de choses extrêmement importantes qui auraient donné à cet appareil bureaucratique et, finalement, assez technocratique que comporte le projet de loi no 72 quelque chose comme un contenu, un contenu qu'on aurait senti et que la population aurait perçu comme étant un pas extrêmement décisif dans la voie du maintien des services essentiels en cas de conflit dans les secteurs public et parapublic.

Le ministre n'a pas à être surpris et le gouvernement non plus des réactions des commentateurs. Évidemment, les centrales syndicales, dans ce climat de conflit et de confrontation avec le gouvernement, n'étaient certainement pas pour accepter, au moins dans leur discours, d'emblée et très facilement un tel projet de loi, mais il y a plus que cela. Il y a, par exemple, M. Brunet, du comité des malades, qui a dit sa déception. Il y a le monde des affaires, le Conseil du patronat, la Chambre de commerce qui ont également exprimé leur déception. Il y a l'Association des hôpitaux qui a également exprimé sa déception face au projet de loi. Il y a l'ensemble des éditorialistes. Je pense à l'éditorialiste du Soleil qui a semblé assez ouverte aux propositions gouvernementales, mais, par ailleurs, M. Michel Roy, dans la Presse, dit: "Hélas, après tout ce temps et tous ces efforts, le projet de loi déposé tardivement en fin de session - M. le Président, en plus -ne répond pas aux véritables attentes de la grande majorité des citoyens." Il y a, je l'ai signalé tantôt, dans le Devoir: "Un projet de loi incomplet", de M. Jean-Louis Roy. Il y a, dans la Presse, de nouveau, M. Vincent Prince: "Un projet de loi décevant".

M. le Président, sur tout ce climat, sur tout ce qui a entouré cette question des services essentiels, je pense que c'est notre devoir et notre responsabilité de dire - j'en ai la conviction - au nom de l'immense majorité de nos concitoyens, notre déception d'avoir vu le gouvernement du Parti québécois manquer un autre rendez-vous avec les promesses et les engagements qu'il avait pris depuis quand même fort longtemps.

Je me rappelle très bien, 1976, lorsque le chef du Parti québécois faisait face, dans un débat radiophonique, en pleine campagne électorale, au premier ministre d'alors, M. Bourassa, sur les ondes de Télémédia. J'écoutais M. René Lévesque dire: - à ce moment-là, j'étais en studio avec le premier ministre - compte tenu des difficultés considérables que l'ancien gouvernement avait eues dans le domaine des négociations dans les secteurs public et parapublic et des problèmes que la population avait dû malheureusement subir: Nous, du Parti québécois, compte tenu de nos rapports avec les milieux syndicaux où le climat de confiance qui va exister à la suite de notre élection permettra de résoudre ou enfin d'améliorer considérablement le climat de négociation dans les secteurs public et parapublic, c'est cela notre solution, nous allons rétablir un climat de confiance.

Or, M. le Président, nous avons vu le déroulement des différents renouvellements de convention collective qui sont loin d'avoir été marqués au signe de la confiance, au signe du respect mutuel, et loin d'avoir fourni à nos concitoyens une protection

adéquate en termes de services essentiels. L'expérience des six dernières années du gouvernement actuel n'a absolument pas été concluante dans le sens d'un progrès, bien au contraire, et on le constate assez brutalement aujourd'hui avec les problèmes budgétaires et financiers et les projets de loi déposés par ce gouvernement.

Il y a bien eu, M. le Président, un effort, en 1978 - parce qu'on entretenait encore, en 1978, un certain préjugé que l'on disait avoir pour les travailleurs - cet effort de la loi 59 dans le domaine des services de santé et des services sociaux. À ce moment-là, le Parti québécois a quand même été assez fidèle à son programme électoral, à ce qui a été décidé à ses congrès. Il a simplement donné aux syndicats le pouvoir d'établir, d'une façon définitive, la liste syndicale. En cas de mésentente entre les administrateurs d'un établissement de santé ou de services sociaux et le représentant du syndicat, le gouvernement du Parti québécois a donné aux syndicats le pouvoir de dire: Nous n'arrivons pas à nous entendre, nous décidons simplement et voilà, nous, les syndicats, disons que les services essentiels, c'est ceci et cela, sans appel aucun.

Cette expérience a été tentée - je pense que le projet de loi no 72 en est la conclusion, la preuve que ce que j'affirme est tout à fait vrai - et a été absolument non concluante puisque le gouvernement a maintenant l'expression "liste syndicale", probablement pour calmer certaines appréhensions dans les milieux syndicaux. Maintenant, ça aurait très bien pu être la liste patronale. Voilà maintenant qu'un conseil va vérifier si la liste syndicale est suffisamment complète et, ultimement, le gouvernement. Donc, M. le Président, par rapport à l'expérience de 1978, c'est un retrait, le constat et l'admission de la part du gouvernement d'un échec de faire progresser le dossier.

De la même manière, sur le plan des négociations - il faut quand même être assez réaliste - on parle d'une amélioration. Je ne doute pas, M. le Président, de cette expérience de la société québécoise du degré - c'est assez ironique qu'on doive parler en ces termes - de brutalité des confrontations dans les secteurs public et parapublic. Il y a eu sans doute, si on part de 1968, toujours une certaine décroissance dans la brutalité des conflits, de la part des administrateurs publics comme de la part, sans doute, des travailleurs en milieu hospitalier. Il y a eu une certaine maturité qui s'est développée et dont on doit prendre acte. Le ministre, je pense, y a fait allusion et, là-dessus, on en est parfaitement conscient. C'est sûr que, dans un établissement, ce qui arrive, c'est que les administrateurs comme les travailleurs ne sont pas des gens qui veulent ou qui recherchent, d'une façon maladive ou mesquine, à nuire ou à frapper inutilement les bénéficiaires des services de santé et des services sociaux. Mais les uns comme les autres, les travailleurs en cause comme les administrateurs, sont pris par l'inertie combien brutale d'une machine à négociation, cette espèce de grand rendez-vous que la société québécoise a plus ou moins institutionnalisé dans les 20 dernières années, un affrontement majeur entre les appareils syndicaux et l'appareil gouvernemental.

Les travailleurs sont embarqués, pour ainsi dire, dans cette dynamique et, en fin de compte, il en résulte qu'il y a des gens, des bénéficiaires des services de santé et des services sociaux ainsi que des services publics qui doivent payer la note de cette confrontation majeure qui existe malheureusement. On a discuté quand même pas mal de cela en commission parlementaire, je me le rappelle, dans le domaine de l'éducation, dans le domaine des services de santé et des services sociaux.

Le projet de loi no 72 ne modifie en rien, n'améliore en rien les appareils bureaucratiques, qu'ils soient d'ordre syndical ou d'ordre gouvernemental, qui s'affrontent périodiquement à tous les trois ou quatre ans, au moment du renouvellement des conventions collectives. Pas un mot sur le caractère hautement centralisé des négociations dans le projet de loi no 72, pas un mot pour améliorer les mécanismes de négociation. (12 h 30)

M. le Président, c'est bien sympathique d'entendre le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu nous dire qu'il veut affirmer la primauté des droits humains sur les autres droits. Très bien, on veut bien croire ses intentions, mais malheureusement, à ce deuxième chapitre, le projet de loi ne fait strictement rien qui puisse éviter de permettre aux deux appareils bureaucratiques de frapper d'une façon très brutale les bénéficiaires des services de santé et des services sociaux.

C'est sûr qu'il ne faut quand même pas exagérer l'ampleur des problèmes vécus par les gens, mais il reste également que le bilan du Parti québécois... Par exemple, dans le domaine du secteur public, on voit que les progrès sont quand même très peu perceptibles puisque, d'après les chiffres du ministère du Travail, en 1976 le nombre de jours-hommes perdus dans le secteur public était de 1 394 159. En 1980, il y a probablement eu une certaine augmentation des effectifs, c'était 1 003 000 ou 1 004 000. Donc, la situation, dans l'ensemble des services publics, a été sensiblement la même.

Le gouvernement a eu cette responsabilité. En 1976, en tout cas dans le verdict de la population, c'était sans doute une question extrêmement importante et je

pense que les gens exprimaient une volonté d'améliorer les choses, et on se retrouve, après cinq ou six ans d'administration de ce gouvernement, avec un projet de loi que tout le monde dit décevant, un projet de loi qui passe littéralement à côté de la question, qui passe certainement à côté d'une question très fondamentale qui est celle des personnes âgées, des personnes handicapées, des malades psychiatriques et des malades chroniques ou des gens qui sont dans les institutions. Là-dessus, on n'arrive même pas à régler ce problème, à donner à ces gens-là la sécurité, et le projet de loi, malheureusement, ne le fait absolument pas, malgré, d'ailleurs, les promesses répétées du premier ministre.

J'ai des citations du premier ministre qui sont assez évidentes. Par exemple, en 1980, le premier ministre disait: "II n'y a pas beaucoup de Québécois qui soient satisfaits de la tournure qu'a encore prise la dernière ronde de négociation dans le secteur public." Le premier ministre lui-même parlait de sa propre performance comme chef de gouvernement dans le secteur public et de la perception que les gens en avaient. "Même si les perturbations et les dégâts n'ont pas atteint l'ampleur des rondes précédentes, ces grèves répétées et apparemment inévitables dans des services aussi vitaux que les hôpitaux, les maisons d'hébergement, les centres d'accueil et les écoles ont vraiment pris l'allure, chez nous, d'un mal incurable."

En regardant le projet de loi du ministre qui vient d'une façon tellement tardive - et je pose la question à nos concitoyens comme à l'ensemble du public -compte tenu de l'histoire et du vécu au cours des quinze ou vingt dernières années de la société québécoise dans ce domaine-là, tout cet appareil que l'on met en place et qui manque la cible sur des affaires où tout le monde pourrait convenir que cela n'a pas de bon sens, des grèves quand ce sont les personnes âgées, les handicapés, les malades chroniques qui sont affectés, est-ce qu'on peut dire honnêtement que le projet de loi no 72 constitue un remède pour le mal que le premier ministre disait incurable en 1980? Honnêtement, je ne pense pas que l'on puisse dire ça et tout le monde l'a affirmé avec nous au sujet du projet de loi.

Le ministre a fait allusion à son projet de loi. Ce projet de loi a au moins un mérite, c'est de chercher à embrasser l'ensemble des services publics et parapublics, à soumettre autant le domaine de la santé des services sociaux que les autres services publics dans un certain cadre juridique. Là-dessus on ne contestera pas le mérite du projet de loi no 72, mais tout n'est pas, face à un problème extrêmement important, d'établir le cadre ou d'en convenir. Il faut qu'il y ait, à l'intérieur de cela, quelque chose à donner, à offrir. On voit, simplement dans le domaine de la santé et des services sociaux, qu'on revient avec un conseil du maintien des services de santé qui, dans le fond, est exactement, en version amoindrie au niveau de la liste syndicale, l'expérience de 1978 lors du dépôt de la loi de l'actuel ministre des Affaires sociales qui, à ce moment-là, était ministre du Travail. Finalement, c'est exactement la même chose. C'est un conseil où on retrouve des représentants des administrateurs et des représentants syndicaux, donc, un conseil qui va, au fond, créer un lieu où la confrontation qui va exister sur le terrain, dans la mesure où il y a une négociation et où il y a conflit, va se transposer au niveau d'un tel conseil, avec trois représentants des bénéficiaires qui, en quelque sorte, vont agir comme arbitres.

Notre prétention, sur le maintien des services essentiels, était justement - et nous l'avons dit et répété en commission parlementaire - de faire en sorte de sortir du champ de rapport de forces que comporte toute négociation de convention collective la question des services essentiels, parce que c'est une valeur profonde qui ne doit être négociée de quelque façon que ce soit ou soumise à un rapport de forces. Ce sont des choses dont on doit convenir et qui sont évidentes parce qu'elles traduisent les valeurs profondes d'une société et son attachement aux valeurs du respect des personnes et du respect des gens.

Là, on institutionnalise, en quelque sorte, la question d'assujettir la détermination des services essentiels au rapport de forces. Ce conseil, qui n'est même pas en place, qui n'existe que sur papier, au niveau du projet de loi, car personne n'y est nommé, va devoir se mettre en place pour arriver à vérifier le caractère suffisant ou insuffisant des ententes ou des listes avant le 30 septembre prochain, puisque les conventions collectives expirent le 31 décembre. Durant la période de l'été, tous les établissements devront commencer le processus de négociation des ententes; en cas de non-entente, on arrivera avec la liste syndicale qui sera vérifiée par un conseil qui doit, dit-on, s'assurer de son caractère suffisant ou insuffisant.

Nulle part il n'est même dit - et l'Assemblée nationale aura l'occasion de le dire au conseil - sur quels critères il devra vérifier ce caractère suffisant ou insuffisant. Au moins, je crois que, dans le rapport Picard, dans l'ancien conseil, on avait parlé d'un protocole cadre, de certaines choses essentielles que devaient comporter les ententes. On ne retrouve pas cela dans le projet de loi. Je sais, pour en avoir causé avec le ministre, que le fait d'inclure des critères dans la loi, cela peut donner prise à une certaine judiciarisation du processus et ouvrir des recours aux gens qui disent que le

conseil n'a pas... Nous pourrons en discuter avec le ministre, mais il me semble que ce serait l'occasion. Il y a quand même un critère inclus et qui est sans doute valable, celui de l'accès aux établissements. Voilà, il y en a un.

On connaît les problèmes qui sont survenus. Je me rappelle la commission parlementaire. Dans la région d'Arthabaska, par exemple, les parents, à un hôpital qui offrait des services de pédiatrie, se voyaient refuser l'accès à l'établissement pour aller visiter leurs enfants, sous prétexte qu'il y avait des lignes de piquetage, etc. On a inclus celui-là. Si on inclut celui-là, pourquoi ne pas en inclure d'autres qui nous paraissent très essentiels? Nous aurons l'occasion d'en discuter avec le ministre.

Il y a aussi le principe, autant dans le service public que dans le service parapublic, dans le domaine de la santé, de l'intervention finale du gouvernement. Bien sûr, on n'a pas donné au conseil des pouvoirs judiciaires ou quasi judiciaires, c'est-à-dire le pouvoir de décider. Le conseil ne fera rapport qu'au gouvernement. En cela, nous pouvons reconnaître que le gouvernement fait un choix. Nous pensons - en tout cas, c'est notre programme électoral, c'est l'essentiel de la position que l'on a adoptée -nous croyons, nous aussi, que le gouvernement, à cet égard, doit assumer ses responsabilités. (12 h 40)

La difficulté du projet de loi, c'est la distance et ce sont les délais, avant qu'une action gouvernementale puisse être faite. Il y aura négociation d'une entente des services essentiels. En cas de mésentente, ce sera la liste syndicale. La liste syndicale prendra le chemin du conseil qui est créé, qui vérifiera si c'est suffisant ou pas suffisant, qui portera un certain jugement, donnera un avis au gouvernement et, finalement, le gouvernement, au Conseil des ministres, décidera. Voyez tout l'espace de temps qui risque d'exister entre un problème vécu par des bénéficiaires et une action du gouvernement qui doit s'avérer efficace parce que ce sont des situations inadmissibles qu'on a à traiter. M. le Président, pour ces raisons, moi et d'autres de mes collègues nous aurons l'occasion de nous exprimer sur ce projet de loi pour dire notre insatisfaction de la législation que le gouvernement finalement a apportée après quatre ou cinq ans de tergiversations; après les six derniers mois d'inaction du gouvernement, arriver avec un pareil projet de loi dans un contexte de confrontation avec les syndicats, ce n'est certainement pas une bonne chose. Cela ne peut que nuire à la discussion sereine par les parties en cause d'un tel projet de loi et que nuire à son efficacité.

Deuxièmement, M. le Président, je réaffirme, parce que c'est extrêmement important, à notre point de vue, que dans un certain sens, et dans un sens d'ailleurs plus que certain, le projet de loi constitue à mon avis un acte de démission de la part du gouvernement, un acte de démission face aux personnes âgées, face aux personnes handicapées, face aux malades psychiatriques, face aux gens qui vivent dans les établissements de soins prolongés. Je le réitère en terminant. Je crois que le gouvernement a très gravement manqué à ses responsabilités en n'ayant pas le courage de dire que sur ce minimum humain nous aurions pu convenir d'assurer à ces gens une protection adéquate. Malheureusement, la loi ne leur accorde pas une protection. C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous voterons contre ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de la Justice.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, comme vous j'ai entendu le député de Jean-Talon parier abondamment des attentes de la population. À entendre parler le député de Jean-Talon maintenant qu'il est dans l'Opposition, il donne l'impression que tout cela semble tellement facile de régler le problème fondamental des services essentiels dans le domaine des relations du travail. C'est plutôt surprenant de l'entendre. Lui-même a évoqué qu'il a déjà été membre du cabinet du premier ministre Bourassa. Dans ce temps, les problèmes auxquels nous sommes confrontés présentement existaient. Il s'est bien gardé de dire que même si ces problèmes existaient à ce moment, rien n'a été fait par le Parti libéral qui assumait la responsabilité gouvernementale, pour essayer justement d'améliorer ce respect fondamental des services essentiels, surtout concernant les personnes qui sont frappées, qui sont les plus démunies lorsque des problèmes se posent au niveau des relations du travail ou des négociations. Le député de Jean-Talon, tout en disant que ce projet de loi constitue une amélioration importante - il a, d'ailleurs, évoqué que nous avions déjà agi dans certaines circonstances, il y a quelques années, comme gouvernement; c'est un autre projet de loi qui va dans le sens d'une amélioration, nous le soutenons, très importante et qui essaie de concilier, ce qui n'est pas facile, tous les intérêts en cause -annonce du même souffle que son parti s'apprête à voter contre cette amélioration, alors qu'il nous semble qu'une attitude responsable aurait été de se déclarer d'accord, quand même, en fonction des améliorations, quitte à y aller de propositions positives qui soient susceptibles d'être analysées par le gouvernement. Nous n'avons pas, au niveau du discours fait par le député

de Jean-Talon, entendu tellement de suggestions qui, peut-être, seraient de nature...

Le député de Jean-Talon nous fait des signes. Je pense qu'il a essentiellement la même préoccupation que le gouvernement, celle d'améliorer l'ensemble des relations du travail, surtout lorsqu'on parle de négociations dans les secteurs public et parapublic, en fonction des plus démunis. Quand même, je crois que l'opposition qui semble s'annoncer face au projet de loi est plutôt surprenante, parce qu'il y a toujours possibilité d'améliorations et, sur cela, le gouvernement et le ministre du Travail sont ouverts.

M. le Président, comme mon collègue, le ministre du Travail, a abordé l'ensemble du projet de loi, sa philosophie et ses objectifs, j'aborderai d'une façon spéciale, tel qu'il l'a indiqué dans son discours, la partie du projet de loi qui traite des améliorations qui sont apportées pour l'exercice du recours collectif, des amendements qui - je tiens à le mentionner - s'appliquent non seulement dans le domaine des relations du travail en fonction du respect des services essentiels, mais s'appliquent aussi dans tous les recours pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Effectivement, M. le Président, le projet de loi que nous étudions présentement comporte une série de modifications importantes visant à élargir et à améliorer l'utilisation d'un recours judiciaire qui, déjà depuis trois ans, est venu combler un besoin fondamental des justiciables québécois, à savoir le recours collectif. S'inspirant de la philosophie même d'un recours collectif, qui est de permettre à un regroupement de citoyens et de citoyennes de faire valoir une prétention à un droit et d'obtenir justice, ce projet de loi ajoute une dimension importante aux possibilités d'une telle procédure en facilitant l'exercice de ce recours aux bénéficiaires de services de santé et de services sociaux qui auraient subi un préjudice à la suite du non-respect de la loi visant à assurer - ce qui est notre préoccupation - le maintien des services essentiels dans ces domaines vitaux.

Effectivement, M. le Président, après trois ans d'usage, il nous est apparu nécessaire de parfaire certains mécanismes, d'assouplir certaines procédures, bref d'apporter des améliorations très importantes que l'expérience commandait et que les utilisateurs du recours collectif avaient sollicitées du gouvernement.

En effet, depuis son instauration en janvier 1979, le recours collectif a fait la preuve de son utilité, a démontré, par le nombre des requêtes inscrites, qu'il correspondait aux attentes de la population. Cependant, il est clair que l'usage a permis de déceler certaines failles qu'il convient de corriger, ce que nous faisons par le projet de loi qui est à l'étude présentement.

Cinq principales difficultés qui entraveraient le bon fonctionnement du recours collectif nous ont été signalées. C'est à les éliminer que s'emploie le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui, pour la partie qui traite particulièrement du recours collectif, tout en ajoutant que ces améliorations valent généralement pour tous les justiciables du Québec.

Un des obstacles reliés à l'exercice du recours collectif concerne le montant des honoraires judiciaires que peut être appelé à payer le demandeur. En effet, en raison du montant de l'action, l'application de la règle dite du 1%, à l'article 23 du tarif des honoraires judiciaires d'avocat, risquait d'entraîner pour le requérant l'obligation de rembourser une somme disproportionnée eu égard à sa capacité de payer et à l'avantage personnel qu'il peut en retirer, de sorte que cette situation avait un effet dissuasif pour les représentants éventuels. (12 h 50)

Afin de résoudre - c'est dans le projet de loi que nous avons à étudier présentement - ce problème et, par le fait même, de favoriser davantage l'exercice de ce recours, le projet de loi contient une modification au Code de procédure civile qui vise à soustraire l'application de l'article 23 du tarif des avocats. En effet, lorsqu'il y a condamnation aux dépens, les honoraires judiciaires seront calculés comme s'il s'agissait d'une action dont la valeur en litige se situe entre 1000 $ et 3000 $ exclusivement. Conformément aux tarifs, des honoraires spéciaux tenant compte de l'importance de la cause et sans égard à la participation financière du fonds d'aide pourront être accordés sur présentation d'une requête du procureur, requête qui sera signifiée à la partie adverse au fonds d'aide et qui sera signifiée également au fonds d'aide lorsque ce dernier s'est conformé à l'obligation de déposer au greffe de la cour le dispositif de la décision qui attribue l'aide telle que prévue à la Loi sur le recours collectif.

M. le Président, un autre problème -c'est dans le projet de loi que nous étudions présentement - se posait concernant l'utilisation du recours collectif. En effet, il est apparu à l'usage que la décision autorisant le recours collectif a presque systématiquement fait l'objet d'appel. L'expérience tend à démontrer que cette procédure d'appel fut utilisée, à toutes fins utiles, comme moyen dilatoire de la part du défendeur. En raison des délais qui en découlent s'ensuivent des retards indus dans l'appréciation de la demande sur le fond qui tendent à décourager les requérants, à les désintéresser de la cause et qui, finalement, peuvent les conduire à abandonner un recours utile. Il nous semble donc important et

opportun de modifier les règles actuelles de l'appel en cette matière. Ainsi, l'appel n'est maintenu que lors du refus de la demande d'autorisation d'exercer le recours collectif. Dans ce cas, en effet, la décision équivaut à un jugement final et il importe donc que les parties bénéficient de tous les recours. Dans le cas où la demande est accueillie, le droit d'appel apparaît moins nécessaire, puisque le défendeur pourra toujours faire valoir ses moyens de défense sur la demande elle-même.

M. le Président, un autre point nous semblait susceptible d'amélioration. Tout cela est contenu dans le projet de loi contre lequel semble vouloir voter l'Opposition. En effet, comme on le sait, la situation actuelle permet à un représentant, avant qu'il ne soit autorisé ou avant qu'il ne forme sa demande, de poser certains actes susceptibles de compromettre les droits des membres du groupe dont il fait partie.

Ainsi, ce représentant peut accepter des offres du défendeur, accepter une confession partielle de jugement, se désister, renoncer à son statut ou même laisser tomber la demande ou la laisser se périmer. De telles situations peuvent être avantageusement exploitées par le défendeur, car les garanties prévues actuellement dans la loi à l'égard des membres du groupement ne valent que si la demande a été formée. C'est pourquoi il y a dans le projet de loi une modification qui vise à encadrer les règles relatives à l'abandon par le représentant pour éviter justement que cela ne se fasse à l'encontre des intérêts de tous les autres membres qui appartiennent au groupe.

M. le Président, le projet de loi précise et élargit également la possibilité du recours de la part des groupements. Actuellement, les critères d'admissibilité au statut de représentant pour les groupements sont très restrictifs. En effet, en plus de limiter ce droit aux corporations sans but lucratif et aux associations de salariés, la loi exige que le groupement existe au moment où naît le droit que l'on désire faire valoir.

Or, on le sait très bien, le domaine des relations du travail peut être un exemple, surtout lorsqu'on parle de négociation, qui illustre très bien l'obligation d'apporter une amélioration. Dans certaines situations, il peut arriver que des personnes décident de se regrouper en raison du préjudice subi étant, à toutes fins utiles, dans l'impossibilité de le faire auparavant. Je crois que cela peut s'appliquer d'une façon particulière dans le domaine des relations du travail ou des négociations lorsque celles-ci sont en difficulté.

Il nous a donc paru essentiel d'étendre le droit des représentants aux associations coopératives et que ce statut puisse être obtenu par des groupements formés même après la naissance du droit à faire valoir. Cette modification aura donc pour effet d'élargir la portée de l'exercice du recours collectif et d'en favoriser l'usage. Encore une fois, M. le Président, ces dispositions ne s'appliquent pas seulement en fonction de l'objet du présent projet de loi concernant les relations du travail, mais s'appliquent également - je le dis pour l'ensemble des justiciables québécois - dans tous les domaines.

Enfin, M. le Président, comme vous le savez, les pouvoirs financiers du fonds d'aide sont actuellement fort limités. Par exemple, celui-ci ne peut contracter un emprunt ou prendre des engagements financiers dont le montant dépasse, dans un exercice financier, la valeur des sommes mises à sa disposition pour ce même exercice. Ces limites compliquent la tâche du fonds d'aide et paraissent peu compatibles avec ses obligations et l'objectif qui est justement de favoriser l'utilisation du recours collectif par les justiciables, tant dans le domaine des relations du travail que dans tous les autres domaines. Il s'avère donc essentiel de modifier la loi et c'est ce que nous faisons par ce projet de loi. Il s'avérait essentiel de modifier la Loi sur le recours collectif de façon à assouplir les dispositions relatives aux pouvoirs financiers du fonds d'aide pour lui permettre de remplir plus adéquatement sa tâche qui est d'assurer le financement des recours collectifs.

M. le Président, ce sont les cinq points très importants que je voulais souligner et sur lesquels des améliorations sont apportées dont pourront se prévaloir tous les justiciables du Québec. En guise de conclusion, je veux réaffirmer que le recours collectif est un instrument de progrès social au Québec et on sait jusqu'à quel point l'actuel ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu en a été un des premiers promoteurs. Je crois que le recours collectif a reçu un très bon accueil puisque, depuis janvier 1979, 82 requêtes pour autorisation d'intenter un recours collectif ont été déposées devant la Cour supérieure. De ce nombre, 40 dossiers étaient encore en instance au 31 mars 1982, alors qu'en Ontario, entre 1975 et 1980, seulement 15 recours ont été acceptés et que les tribunaux en refusaient 10 autres, pour un total de 25 déposés.

À ce jour, au Québec, M. le Président, quatre jugements ont accueilli les recours collectifs, mais aucun d'entre eux n'a encore été exécuté. Il y a eu quelques règlements hors cours, cependant, qui ont fait suite au dépôt de requêtes en recours collectif, dont un règlement de 140 000 $ que plusieurs membres de cette Chambre peuvent avoir à l'esprit, surtout lorsqu'on parle des relations du travail. Au total, le fonds d'aide au recours collectif a attribué 177 000 $.

Tout cela démontre, je pense, la nécessité d'assurer la continuité et le développement harmonieux de ce moyen moderne d'obtenir justice auquel, d'ailleurs, a contribué le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu lorsqu'il s'est agi de traduire tout cela dans un projet de loi.

En terminant, j'aimerais rappeler que les amendements que nous proposons aujourd'hui au Code de procédure civile et à la Loi sur le recours collectif, tels l'assouplissement apporté aux règles de l'appel et des honoraires judiciaires, l'élargissement de la notion du statut représentant une meilleure protection des intérêts des membres pour un encadrement de l'abandon par le représentant et les améliorations apportées au pouvoir financier du fonds d'aide, sont autant de mesures qui, en facilitant l'exercice du recours et en en améliorant l'accès, vont sûrement en favoriser une plus grande utilisation. J'espère que cela contribuera à faire du recours collectif non seulement un moyen plus efficace entre les mains des justiciables, surtout les plus démunis, pour exiger le respect des services essentiels auxquels ils ont droit, mais, également, un moyen efficace entre les mains de tous les justiciables québécois dans tous les autres domaines qui peuvent donner ouverture à ce genre de recours devant nos tribunaux. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: M. le Président, au nom de ma collègue, Mme la députée de L'Acadie, je voudrais demander la suspension du débat.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Suspension de nos travaux jusqu'à 15 heures, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Suspension de nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 01) (Reprise de la séance à 15 h 01)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez vous asseoir. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: On reprend le débat, M. le Président, sur le projet de loi no 72.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Reprise du débat sur le projet de loi no 72, Loi modifiant le Code du travail, le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives.

Mme la députée de L'Acadie, vous avez la parole.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Le projet de loi no 72 est probablement, à mon point de vue et aux yeux de la population, le projet de loi le plus important qu'un gouvernement puisse adopter puisqu'il mesure la volonté politique d'un gouvernement de respecter et de faire respecter l'intégrité physique, psychologique et morale des citoyens.

Nous attendions depuis longtemps ce projet de loi qui devait remplacer la loi 59, laquelle prévoyait les mesures à prendre en cas de conflit quant aux services essentiels à assurer à la population. Nous avons eu droit, après bien des tergiversations, à une commission parlementaire qui avait été annoncée au moins un an et demi avant qu'elle ne soit tenue. Depuis que cette commission parlementaire a été tenue, à l'automne, nous attendions ce projet de loi, sentant que l'échéance se rapprochait de plus en plus, compte tenu que, dès le mois de décembre, les conventions collectives seront échues et que les syndicats acquerront au mois de janvier, le droit de grève.

Inutile d'insister sur le retard du gouvernement à agir dans ce domaine. Il est fort évident que le gouvernement, pour ses lenteurs à agir, mérite certainement un blâme sévère qui s'adresse, d'une façon plus particulière, au ministre du Travail et auquel on ne peut soustraire non plus le ministre des Affaires sociales qui, pourtant, lors des dernières négociations, était ministre du Travail. Il a été mis au courant des problèmes sérieux et très graves auxquels les centres hospitaliers, les centres d'accueil ont dû faire face durant les dernières négociations. En dépit de tout cela, il a observé un silence difficilement explicable et, aujourd'hui, nous nous retrouvons avec ce projet de loi.

Ce projet de loi, tel que les notes explicatives l'indiquent, a pour objet de consacrer la primauté du droit des citoyens de continuer à bénéficier de services jugés essentiels, lorsque les travailleurs exercent leur droit de grève dans les services de santé, dans les services sociaux et dans

certains services publics. M. le Président, nous nous inscrivons en faux contre une telle affirmation qui apparaît aux notes explicatives. Hors de tout doute, compte tenu de l'expérience que nous avons vécue, non seulement durant la dernière négociation, mais les négociations antérieures, il est fort évident que l'outil dont veut se doter le gouvernement par cette loi sera totalement inefficace pour assurer les services essentiels à la population en temps de conflit dans le monde hospitalier.

Pourquoi la loi sera-t-elle inefficace? D'abord, parce qu'il faut bien l'admettre, je pense que c'est fort évident, elle diffère très peu de la loi 59 qui, on le sait, a fait ses preuves d'une façon convaincante quant à son inefficacité pour assurer les services essentiels. J'ai vécu, M. le Président, depuis 1979, les effets de la loi 59 qui devaient assurer les services essentiels à travers toute la ronde des dernières négociations et même depuis, à l'occasion de conflits plus sporadiques dans certaines institutions. Il est fort évident que nous sommes presque toujours au point zéro quant à la possibilité d'assurer vraiment d'une façon efficace les services essentiels. D'abord, le gouvernement confie à un conseil, appelé Conseil des services essentiels, de la même façon que dans la loi 59, le droit d'examiner les listes de services essentiels qui auront été établies par la partie patronale et par la partie syndicale à l'intérieur des institutions et, dans le cas où celles-ci ne s'entendraient pas, lui-même présentera une liste de services qu'il juge essentiels et qui serait entérinée par décret par le gouvernement.

M. le Président, c'est porter à un haut taux d'inefficacité le fonctionnement de ce qui devrait être un procédé simple pour établir les services essentiels. Il faut se rappeler de quelle façon a fonctionné le conseil des services essentiels durant la dernière négociation. On sait fort bien que tout, en temps de grève, se passe d'une façon extrêmement rapide dans les centres hospitaliers. Avec le projet de loi qu'on nous présente, on retourne à la même formule: la partie patronale et la partie syndicale à l'intérieur des institutions établissent une liste de services essentiels. Au cas où on ne s'entend pas, c'est finalement le syndicat qui établit la liste des services essentiels, laquelle sera soumise au jugement du conseil qui, lui, n'a aucun pouvoir pour faire appliquer une nouvelle liste de services essentiels. Il n'a aucun pouvoir. Il peut simplement faire des recommandations au Conseil des ministres. On sait fort bien quelle est l'attitude d'attentisme qui a caractérisé le gouvernement actuel lors des dernières négociations. Je pense que personne n'a oublié l'espèce de torpeur qui frappait le ministre du Travail et plus particulièrement le ministre des Affaires sociales du temps qui, chaque fois que des situations extrêmement graves lui étaient apportées, que ce soit en cette Chambre ou à l'extérieur, par les représentants des malades, par les représentants des administrations hospitalières, de tous les professionnels de la santé, disait: Tous les services essentiels sont assurés. Si bien que quand, finalement, on a décidé d'agir par une loi spéciale, parce que la situation, globalement, échappait à son contrôle depuis déjà plusieurs mois, dans la région de Québec en particulier, les malades avaient été l'objet de privations et la population, en général, avait été privée des services que notre Loi sur les services de santé et les services sociaux lui permet.

M. le Président, je m'étonne, à la suite de la commission parlementaire que nous avons tenue où il est devenu évident, hors de tout doute, que les patients sont soumis à des privations et à des risques élevés, que le gouvernement se cantonne dans une attitude qui m'apparaît tout à fait irresponsable, une attitude bureaucratique, une attitude qui nous présente un mode de fonctionnement qui n'allégera rien et qui, au contraire, alourdira davantage la prise de décisions. (15 h 10)

Je vais vous donner un exemple concret. Il y a environ un an, à l'Hôpital Rivière-des-Prairies - on n'était pas dans un contexte de négociation, mais dans un contexte de grève illégale - il a fallu six jours avant que le ministre des Affaires sociales actuel en arrive finalement à décider que si les employés ne retournaient pas au travail, on prendrait les grands moyens, alors que, durant la grève précédente, c'est-à-dire une année ou deux ans auparavant, à l'Hôpital de Rivière-des-Prairies, on avait dit, que si la grève continuait plus de 48 heures, les enfants seraient mis en danger. Pourtant, même si c'était une grève illégale, il a fallu six jours de grève avant que le gouvernement intervienne d'une façon un peu plus rigoureuse, de telle sorte que, finalement, les employés sont retournés au travail.

M. le Président, je voudrais dire aussi que je ne crois pas que la primauté du droit des citoyens de continuer à bénéficier des services essentiels sera assurée par cette loi, telle qu'elle nous est présentée, car elle fait fi, particulièrement dans le cas des personnes âgées et des enfants, de ce qui est prévu à notre Charte des droits et libertés de la personne. On peut y lire à l'article 39: "Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu." On peut également lire à l'article 48: "Toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation. Toute personne a aussi droit à la protection et à la sécurité

que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu." On pourrait également lire dans la loi 65 sur les services de santé et services sociaux que "le ministre exerce les pouvoirs que la présente loi lui confère de façon à rendre accessible à toute personne, d'une façon continue et pendant toute sa vie, la gamme complète des services de santé et des services sociaux, y compris la prévention et la réadaptation, de façon à répondre à ses besoins aux plans physique, psychique et social."

M. le Président, quand on voit qu'on va devoir se fier à une structure bureaucratique qui n'aura aucun pouvoir, qui va devoir faire face forcément à des délais considérables pour assurer non seulement les services généraux, mais les services essentiels, je pense qu'on peut accuser le gouvernement de ne pas faire face à ses responsabilités et, encore une fois, de soumettre aux aléas des conflits de travail la santé et la sécurité des personnes. Ceci est d'autant plus grave dans le cas des enfants et des personnes âgées qui sont soit dans les centres hospitaliers de soins prolongés, soit dans les centres d'accueil, soit dans les centres d'accueil pour enfants, parce que ces populations sont des populations captives. Ce sont des centres qui sont occupés, on le sait fort bien, à des taux de 95%, 100% et des fois 110%, particulièrement souvent dans les hôpitaux psychiatriques, et ces personnes sont vraiment sous la responsabilité presque totale de l'État. Leur foyer, c'est l'hôpital, c'est le centre d'accueil. Ce n'est pas le type de personnes qui peuvent être retirées de l'hôpital ou qui peuvent être retirées du centre d'accueil pour être remises à la famille dans la très grande majorité des cas. Si bien qu'à ce moment-là, compte tenu aussi des conditions physiques ou de l'état physique extrêmement difficile, particulièrement dans les centres de soins prolongés, de la grande dépendance de ces personnes vis-à-vis du personnel qui s'en occupe, même la notion de services essentiels s'estompe devant la nécessité de leur apporter, à toute heure du jour et de la nuit, les services dont elles ont besoin.

M. le Président, ce Conseil des services essentiels, nous en avons fait l'expérience lors de la dernière négociation, sera composé de personnes aux intérêts divergents. Si, la dernière fois, le conseil sur le maintien des services essentiels a si peu fonctionné, une des raisons, cela a été justement la divergence des intérêts à l'intérieur de ce conseil, d'un côté la partie syndicale, d'un autre côté la partie patronale, qui doivent évaluer - vous vous imaginez, M. le Président - le maintien effectif des services essentiels lors d'une grève. Ce conseil devra également décider, dans telle ou telle grève, quand un service pourra avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique. Comment allez-vous établir cela dans une institution pour malades chroniques, M. le Président? C'est ce qui d'ailleurs avait ralenti le fonctionnement du conseil sur le maintien des services essentiels lors de la dernière négociation. Comme on ne parvenait pas à s'entendre à l'intérieur de ce conseil - le ministre le sait fort bien - on a rendu publics des rapports qui ne faisaient pas état de toutes les conditions dans lesquelles se déroulait la vie des institutions au moment des derniers conflits, lors de la négociation dans les secteurs public et parapublic.

M. le Président, le ministre, avec raison, disait: II faut faire confiance aux syndiqués. Je pense que notre loi est basée sur cet appel à la confiance, à la bonne foi des deux parties, et nous en sommes.

Il ne s'agit pas ici de culpabiliser soit les syndiqués, soit la partie patronale ou soit les administrateurs. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que, dans une négociation, c'est un rapport de forces et, dans le cas particulier qui nous occupe, celui des malades, c'est le malade lui-même qui devient le tampon ou l'objet de ce rapport de forces entre la partie syndicale et la partie patronale. C'est dans ce sens-là qu'avec raison la Coalition pour le droit des malades dit que, dans ces circonstances, les malades eux-mêmes deviennent les otages entre la partie patronale et la partie syndicale.

Ajoutons à ceci, M. le Président, le fait - c'est fort bien connu - que, d'un côté, les administrateurs et le gouvernement et, de l'autre, les syndiqués doivent ménager l'opinion publique. Il y a une espèce de connivence qui s'établit entre les deux parties pour ne pas présenter une image trop négative de leur comportement, si bien que toute la vérité ne réussit jamais à sortir. Ceux qui sont sans défense, sans pouvoir de réaction à ce qui se passe à l'intérieur des établissements demeurent toujours les victimes.

Le ministre ajoute cette possibilité de recours collectif pour les patients, pour ceux qui seraient victimes d'injustices. Je m'étonne qu'il ait même songé à introduire ceci dans le présent projet de loi comme étant une panacée à des problèmes aussi importants que ceux dont on parle. Le recours collectif, c'est bien. On sait que, déjà, la population s'en est servi, des groupes s'en sont servi et que, même dans un cas, le président de la Coalition pour le droit des malades, M. Claude Brunet, s'en est servi et a eu gain de cause, si bien qu'il y a eu un règlement hors cour pour réparer les injustices qui étaient survenues lors d'un arrêt de travail. Mais, M. le Président, dans les centres de soins prolongés, dans les centres hospitaliers pour malades psychiatriques, dans les centres d'accueil où

se retrouve de plus en plus une population très lourde que l'on catalogue dans notre jargon de A-3 et de A-4, enfin une population qui se rapproche de plus en plus de la population des hôpitaux et des centres hospitaliers de soins prolongés, comment pouvons-nous penser que ces personnes auront d'abord les énergies nécessaires, les connaissances techniques et la force, uniquement la force physique, de pouvoir passer à travers toutes ces procédures où, en plus, elles seront elles-mêmes appelées à établir la preuve, ce qui est, à toutes fins utiles, complètement irréaliste? (15 h 20)

Vous voulez que je termine, M. le Président. Je dirai que le gouvernement doit être blâmé pour le retard qu'il a apporté à présenter ce projet de loi, qu'il l'apporte à un moment où lui-même a créé, avec les syndicats, un climat de confrontation, un climat d'agressivité en posant des gestes unilatéraux à l'égard des conventions collectives, comme c'est le cas avec la loi 70, et qu'il n'a pas eu le courage de répondre aux attentes de la population.

J'aimerais citer ici ce que M. Brunet disait, lors d'une conférence de presse du Comité provincial des malades, à l'occasion de ses réactions aux coupures budgétaires dont les centres hospitaliers sont victimes: "L'impact des coupures actuelles est tellement inhumain et destructeur que la seule explication à cela c'est peut-être qu'il y a justement une coupure, c'est le cas de le dire, une coupure très profonde pour ne pas dire béante entre le gouvernement et la population."

Je pense que la même déclaration pourrait être faite au sujet du projet de loi qui est devant nous et qui prétend assurer les services essentiels à la population en cas de conflit de travail. Le gouvernement n'a pas entendu la voix de la population. Il a fait la sourde oreille à tout ce qui a été présenté en commission parlementaire ou à peu près. Il refuse de prendre ses responsabilités. Dans quelques mois, il ne pourra que cueillir ce qu'il aura lui-même semé, c'est-à-dire des situations pénibles et plus pénibles que jamais les gouvernants ne veulent l'avouer, que jamais les administrateurs ou les syndiqués ne veulent l'avouer, parce qu'il n'aura pas voulu entendre ce que l'ensemble de la population espérait.

Ce que nous avons proposé nous-mêmes, du côté du Parti libéral, c'est justement d'au moins permettre que les plus faibles, ceux qui sont le plus facilement victimes de tout ce chaos social qui intervient malheureusement chaque fois qu'il est question de conventions collectives, soient protégés dans les centres de soins prolongés, les centres d'accueil et les centres d'accueil pour enfants.

Nous ne pouvons que voter, en deuxième lecture, contre ce projet de loi marqué au coin de la faiblesse et de l'irresponsabilité du geste que fait ce gouvernement pour se soustraire à ses obligations vis-à-vis de la population qui en a le plus besoin. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la ministre d'État à la Condition féminine et députée de La Peltrie.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Le projet de loi no 72 que nous étudions aujourd'hui en deuxième lecture constitue, à ce jour, le meilleur moyen d'assurer à la fois le maintien du droit légitime de la population - je suis d'accord avec la députée de L'Acadie - d'avoir accès aux services essentiels en cas de conflit de travail dans le réseau québécois des services de santé et des services sociaux et aussi, d'autre part, du droit qu'ont les syndiqués de faire la grève, droit qui leur a incidemment été accordé par cette même Assemblée dans laquelle nous siégeons maintenant.

Ce projet de loi ne se limite, évidemment, pas aux conflits de travail dans le réseau des affaires sociales; il s'intéresse à toute la gamme des services publics dont l'interruption ne saurait, évidemment, être envisagée sans que soient assurés d'une façon ou d'une autre les services jugés essentiels à la santé et à la sécurité du public. Je m'en tiendrai, toutefois, au domaine de la santé où l'objectif premier est de permettre l'exercice d'un droit fondamental reconnu par nos institutions et faisant maintenant partie de nos traditions, soit le droit de grève, et ce, dans le respect des droits de la collectivité, dans un climat de liberté et de sérénité.

Je suis convaincue, à l'instar de mes collègues, que le projet de loi no 72 rend cet objectif accessible et ce, n'en déplaise à tous les prophètes de malheur ou, je dirais même, les alarmistes qui nous annoncent la fin du monde à la veille de chaque négociation dans le réseau des affaires sociales. Évidemment, personne, que ce soit dans cette enceinte, dans les diverses institutions du réseau ou dans la population en général, ne souhaite que la prochaine ronde de négociation aboutisse à des affrontements aussi bien à l'échelle nationale que locale. Je demeure fermement persuadée que les deux parties directement impliquées dans cette négociation, tant patronale que syndicale, sont les premières à souhaiter un règlement sans perturbation dans les services publics.

Aucune éventualité ne peut toutefois être écartée sous prétexte que personne ne

le désire a priori. Il appartient tout particulièrement à un gouvernement qui se veut responsable de s'assurer que, s'il devait y avoir conflit, les services jugés essentiels puissent être dispensés tant aux bénéficiaires actuels qu'aux personnes qui pourraient devoir faire appel aux ressources du réseau durant un arrêt de travail. C'est le but visé par le projet de loi présentement à l'étude, projet de loi qui a été élaboré en se fondant sur l'expérience vécue lors des négociations en 1979 et ce, sous l'empire de l'ex-loi 59.

Les opposants au projet de loi no 72 oublient trop facilement, et je pense qu'on l'oublie trop facilement, la principale conclusion du rapport du conseil du maintien des services de santé et des services sociaux: "La situation n'a jamais été dramatique pour la santé et la sécurité du public." Loin de moi toute propension à l'angélisme et, je dirais, toute tentation de croire qu'un cadre législatif comme la loi 59, qui prévalait en matière de services essentiels lors de la précédente négociation, ne soit pas perfectible. Tout est perfectible, M. le Président, dans notre société. La volonté du gouvernement est cependant claire: assurer de façon encore plus efficace que par le passé le maintien des services essentiels tout en ne cédant pas à ceux et à celles qui croient trop facilement que le simple fait de retirer d'autorité le droit de grève, que ce soit en tout ou en partie, aux travailleuses et aux travailleurs du réseau des affaires sociales réglerait vraiment le problème.

Il est bien connu que l'abolition ou même l'absence du droit de faire la grève n'a jamais empêché l'éclatement de conflits et je dirais même la détérioration du climat de travail. Or, cet élément est pourtant essentiel à l'accès à des services de qualité. Je persiste à croire, M. le Président, qu'il est toujours préférable pour le gouvernement de donner une nouvelle chance aux parties d'assumer leurs responsabilités plutôt que de s'y substituer. Sur ce dernier point, je me permets de souligner à nos amis d'en face, je dirais, une plate incohérence. Toujours soucieux de faire parfois de l'électoralisme, parfois et malheureusement la petite semaine, nos amis d'en face ne ratent pas, je dirais, une occasion de reprocher à l'État son ingérence dans tous les secteurs pour mieux se retourner et l'accuser de ne pas en faire assez. Qu'est-ce qu'on fait? Il est rare que la voix de la mesure et de la sérénité se fasse entendre dans ce genre de débat forcément et fortement teinté d'émotions, et il ne peut en être autrement, M. le Président. (15 h 30)

J'aimerais, pour le bénéfice de l'Opposition, rappeler la substance de l'intervention de l'AFEAS, cette grande association de femmes qui a fait tellement de choses au Québec et qui continue d'en faire, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, qui s'est présentée devant la commission permanente du travail et de la main-d'oeuvre le 23 septembre dernier. Cette organisation - je le rappelle - regroupe 35 000 membres qui sont en majorité des femmes qui travaillent au foyer. À ce moment-là, l'association avait mis les parlementaires en garde - c'est l'AFEAS qui avait fait cela - contre toute mesure ayant pour effet d'enlever le droit de grève, et je la cite: "Enlever le droit de grève soulignaient les représentantes - inciterait à la désobéissance civile - souhaite-t-on cela? engendrerait des grèves illégales ou sauvages, augmenterait la tension entre l'État employeur et les employés des secteurs public et parapublic." L'AFEAS avait profité de l'occasion pour souligner - et je suis d'accord avec elle - la solidarité des femmes au foyer avec les travailleuses du réseau des affaires sociales et de la santé qui forment la majorité des effectifs de ce réseau. On signalait, évidemment, que ces dernières, ces femmes impliquées dans le réseau, sont surtout regroupées dans les emplois les moins bien rémunérés, M. le Président, et qu'elles auraient sans doute le plus à souffrir de la perte d'un important levier de négociation pour améliorer leurs conditions de travail comme femmes. L'AFEAS souhaitait, en conclusion, que l'on développe, et je cite, encore une fois: "...tant chez les membres du gouvernement que chez les membres du syndicat le sens des responsabilités collectives."

Pourrait-on me dire, M. le Président, en quoi la suppression du droit de grève permettrait de développer le sens des responsabilités collectives chez les syndiqués, autant chez les hommes que chez les femmes? Comment devient-on plus responsable en se voyant dépouillé de ses droits, en perdant toute possibilité d'exercer ce sens des responsabilités qu'on attend de nous? Non, cette solution draconienne n'en est pas une tant que les parties en cause n'ont pas démontré, hors de tout doute, qu'elles sont absolument incapables - ces parties en cause - d'utiliser intelligemment leurs prérogatives. Contrairement à ceux qui nous promettaient la catastrophe, le Conseil sur le maintien des services essentiels et des services sociaux a démontré dans son rapport que cette preuve était encore à faire et ce, à la suite de la négociation de 1979. La preuve n'est pas faite, M. le Président. Ceux qui préféreraient que le gouvernement élimine purement et simplement le droit de grève passent trop facilement sous silence le fait que lors de la dernière ronde de négociation, en 1979, plusieurs centaines d'ententes ont été signées entre les syndicats et les institutions concernées et que plusieurs centaines de listes ont été déposées et respectées par les syndicats qui avaient la

responsabilité de les établir, M. le Président.

Comme je le soulignais plus tôt, la loi 59, qui nous régit jusqu'à maintenant et encore, était perfectible. Elle demeure perfectible. Mon collègue, le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, y a apporté les modifications nécessaires pour que cette loi soit améliorée et ce, en commençant par créer un conseil permanent des services essentiels. La députée de L'Acadie tout à l'heure soulignait: Se fier aux aléas d'une structure bureaucratique. Je ne pense pas que ce soit se fier aux aléas d'une structure bureaucratique que de penser que des gens responsables, ayant vécu des expériences très concrètes, très immédiates même, puissent nous amener à prendre des décisions qui ne respecteraient pas les grandes règles du jeu qu'on se donne comme société. C'est cela qu'on attend de ce nouveau service qu'on met en place. Ce ne sont pas les aléas d'une bureaucratie qu'on imagine mettre en place. On imagine nommer et identifier des gens responsables, des gens qui vont peut-être croire encore avec nous que quelque chose est possible dans la société du Québec de maintenant, de ce qu'on vit maintenant.

Vous savez, les pouvoirs et les moyens de cet organisme sont nettement plus étendus, plus importants que ceux qu'on avait confiés à l'organisme qui l'a précédé. Même si ce conseil ne dispose pas de cette autorité absolue que d'aucuns lui auraient volontiers conférée, est-ce qu'on ne préfère pas peut-être, dans certains cas, l'imposition de la force, alors qu'on pourrait souhaiter que la conciliation, que la concertation soit encore possible maintenant au Québec? Évidemment, le conseil pourra analyser, à l'aide d'un protocole-cadre local qu'il aura préparé, et ce, trois mois avant l'expiration des conventions collectives, ce conseil pourra analyser, dis-je, les ententes conclues entre les parties ou, s'il y a mésentente, la liste des salariés nécessaires pour assurer le maintien des services essentiels, et ce, selon l'association accréditée.

M. le Président, l'expérience acquise en 1979 ne sera certainement pas inutile et permettra de mettre à profit ce délai de trois mois - c'est quand même important -pour identifier les cas problèmes, tenter d'y remédier, et au besoin, puisque c'est comme cela que la loi le prévoit, en référer au ministre responsable qui pourra à son tour en saisir le Conseil des ministres.

Le gouvernement actuel a refusé de se donner tous les pouvoirs en se substituant aux parties. Il ne faudrait pas cependant s'y méprendre. L'expérience récente a démontré clairement que le gouvernement peut agir avec célérité lorsque le besoin s'en fait sentir. Son comportement ne serait pas différent dans le cas qui nous préoccupe, dans la loi que nous étudions maintenant. Si les mesures dissuasives - elles sont importantes - je pense aux amendes haussées, de façon substantielle, ne devaient pas suffire, nous ne laisserons planer aucune équivoque sur la volonté gouvernementale d'assurer la primauté des citoyens en matière de services essentiels. Le caractère permanent de la structure mise sur pied par ce projet de loi offre par ailleurs des garanties de continuité pour l'avenir afin de raffiner le processus d'élaboration des ententes ou des listes de services essentiels, de manière à arriver, dans les meilleurs délais, à civiliser la négociation et l'exercice du droit de grève en découlant, non seulement dans les services de santé et les services sociaux, mais également dans l'ensemble des services publics qui sont visés par la loi, et ce, dans le but de protéger la population que nous représentons tous, tant d'un côté que de l'autre de cette Assemblée nationale. (15 h 40)

L'objectif ultime de cette loi est évidemment de faire en sorte que l'exercice de droits individuels, de droits de groupe, ou de droits collectifs jamais ne vienne rendre caducs ceux de la population dans son ensemble et, tout particulièrement dans le cas qui nous occupe, je dirais les droits des bénéficiaires des services dispensés par le réseau des affaires sociales. C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle il a été décidé de faciliter l'accès au recours collectif et ce, afin que ceux et celles qui se sentiront lésés, même parmi les plus démunis, puissent obtenir justice et que l'on se débarrasse enfin de cette notion de prise d'otages à laquelle faisait référence, d'ailleurs, ma collègue de L'Acadie tout à l'heure, cette notion de prise d'otages qui est malheureusement et, je trouve, de façon injuste associée actuellement à la négociation dans le secteur de la santé et des services sociaux au Québec.

Un fait demeure toutefois: toutes ces mesures, exercice du droit de grève, poursuites en recours collectif, amendes ou suspension du droit de grève, doivent demeurer l'exception si nous voulons vraiment voir arriver le jour où les relations du travail dans le secteur public et, à plus forte raison, dans le secteur de la santé et des services sociaux ne seront plus marquées à l'enseigne de l'affrontement, mais à celle de la conciliation et de la concertation. Est-ce qu'on ne peut pas encore en rêver, M. le Président? Pour moi, ce n'est pas une utopie, c'est quelque chose qui pourra se réaliser. Je dirais que c'est l'essentiel des raisons qui vont faire en sorte que je vais voter en faveur de ce projet de loi qui est déposé devant nous aujourd'hui. C'est l'essentiel des raisons pour lesquelles je vais inviter, je vais inciter mes collègues, tant ceux de ce côté-ci que de l'autre côté de la Chambre, de

l'Assemblée, à choisir la voie de la mesure et la voie de la sérénité, M. le Président. Je vais les inviter à se joindre au gouvernement afin d'atteindre l'objectif ultime, puisque nous n'avons et nous ne partageons que cet objectif, j'imagine, dans le cas présent: la civilisation permanente des relations du travail dans le secteur des services publics au Québec. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition et député d'Argenteuil.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, c'est un spectacle intéressant d'entendre les orateurs de l'autre côté de la Chambre; quand ils parlent du projet de loi no 72 et quand ils parlent du projet de loi no 70, on a l'impression d'entendre deux groupes différents. C'était la même chose quand ils étaient dans l'Opposition, ils tenaient un langage complètement différent de celui qu'on entend aujourd'hui. Je pense que cela permet de les connaître sous leur vrai visage. Par-delà tous ces changements d'attitude, nous allons essayer, nous autres, de continuer à défendre la voie de la responsabilité et du bon sens que nous avons toujours essayé de mettre de l'avant.

Le projet de loi que nous discutons actuellement affecte au premier chef deux catégories de citoyens, des citoyens travaillant dans des établissements qui offrent à la population des services qu'on est accoutumé de juger comme essentiels et, deuxièmement, des citoyens qui bénéficient de ces services dispensés par des établissements de bien-être social, de soins hospitaliers, d'éducation, de transport en commun, etc. Les citoyens qui oeuvrent dans des services jugés essentiels en tout ou en partie sont - je tiens à l'affirmer avec beaucoup de netteté - des citoyens au même titre que les autres. Ce ne sont pas des citoyens inférieurs ou de deuxième classe. Ce sont des citoyens au même titre que les autres et qui, par conséquent, ont accès et doivent se faire reconnaître les mêmes droits, les mêmes privilèges, les mêmes libertés que l'ensemble de leurs concitoyens.

Quand les gouvernements libéraux des dernières années ont décidé de réformer l'appareil de l'administration publique de manière à l'asseoir sur le critère de la compétence et, non plus, sur le critère du patronage ou des petites faveurs personnelles, ils contractaient en même temps l'obligation de considérer ces travailleurs qui oeuvrent dans les services essentiels, publics ou privés, comme des citoyens égaux au même titre que les autres et, par conséquent, comme des citoyens à qui on n'a pas le droit de retirer d'une main ce qu'on est obligé de leur donner de l'autre, à qui on n'a pas le droit d'interrompre en cours de route leur convention collective pour des motifs qui tiennent beaucoup plus à la mauvaise gestion du gouvernement qu'à des problèmes objectifs. Dans ce cas-ci, nous leur avons reconnu naguère le droit d'association et les corollaires qui en découlent, c'est-à-dire le droit à la libre négociation de leurs conditions de travail, le droit de recourir à des moyens de pression pour faire comprendre leur point de vue et faire valoir leurs intérêts pouvant aller jusqu'à l'exercice du droit de grève.

Je tiens à souligner que, lorsque la société québécoise a connu ses droits, elle n'a pas fait de faveur à qui que ce soit. Il y en a beaucoup qui discutent aujourd'hui comme si on avait fait une immense faveur aux citoyens qui oeuvrent dans les services de santé, de l'éducation, de transport en commun, etc., en reconnaissant leur droit d'association. C'est absolument faux. C'est aussi bien d'en prendre notre parti dès maintenant. Ils ont droit, comme tous les autres, aux libertés fondamentales que reconnaissent nos grandes déclarations de droits et, en particulier, la Charte constitutionnelle des droits du Canada à laquelle le gouvernement du Québec se soustrait malheureusement, encore une fois, par ce projet de loi-ci et à laquelle je souhaite que, dans les plus brefs délais, un autre gouvernement permette aux citoyens canadiens du Québec d'avoir accès comme ceux de toutes les autres provinces du Canada.

Ceci étant dit, encore une fois, il n'est pas question de privilège ou de faveur à l'endroit d'aucune catégorie de citoyens que ce soit.

M. de Belleval: ...

Une voix: Assieds-toi donc!

Une voix: La politesse.

M. de Belleval: Je ne veux pas interrompre le chef de l'Opposition...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Question de règlement, M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet de lui poser une question tout de suite ou après son discours sur ce qu'il vient de dire?

Des voix: Non.

Le Vice-Président (M. Rancourt): En vertu de l'article 100, vous demandez l'autorisation de poser une question. M. le

chef de l'Opposition, acceptez-vous une question du député? Après. Cela va.

M. Ryan: De l'autre côté, M. le Président, il y a les citoyens qui bénéficient des services offerts par les hôpitaux, les centres d'accueil et toutes les autres institutions de bien-être social, de santé ou d'éducation que nous avons dans notre milieu. Ces citoyens ont le droit strict d'avoir accès à ces services. D'abord, ils paient pour les avoir et, deuxièmement, ces services ont été jugés tellement essentiels par l'ensemble de la société qu'il a été décidé de les offrir sur une base collective et non pas uniquement d'en laisser l'accès à l'initiative individuelle de chaque citoyen.

Dans une société stable, dans une société relativement tranquille, il ne devrait pas y avoir de conflits entre les droits de ces deux catégories de citoyens. Les droits de chacun devraient s'harmoniser au contact de la réalité canadienne et les rapports devraient se traduire dans des équations civilisées comme le disait, tantôt, Mme la ministre d'État à la Condition féminine. Je pense que nous convenons tous que ce devrait être la situation normale, une situation devant laquelle il ne serait pas nécessaire d'intervenir par voie de législation.

Mais, pour des raisons qui seraient trop longues à analyser aujourd'hui et dont certaines tiennent à l'ensemble de la réalité sociale, culturelle, économique et politique du Québec, nous avons été les témoins, ces dernières années, d'un très grand nombre de conflits ouverts, aigus, très coûteux et parfois entachés de violence et d'illégalité entre l'exercice des droits de la première catégorie de citoyens et le droit des seconds à l'accès à des services jugés essentiels. Le gouvernement actuel, au temps où il était dans l'Opposition, s'était vanté de mettre de l'ordre dans ces choses parce qu'il avait l'oreille des syndicats, à l'époque du moins. On va voir, jeudi, s'il l'a conservée, à l'occasion des auditions de la commission parlementaire sur le projet de loi no 70. Mais, à l'époque...

Une voix: Vendredi.

M. Ryan: Je vous comprends de prendre 24 heures de plus. Vous en avez besoin.

À ce moment-là, il se vantait d'avoir l'oreille des syndicats. On verra ces jours-ci.

Mais, dans le cas des services de santé et des services sociaux, le bilan parle par lui-même. Dans les années qu'il a été au pouvoir, le gouvernement a fait face seulement à une ronde de négociation, et le bilan des jours-personnes perclus, en raison d'arrêts de travail dans les services de santé, les services sociaux et les services publics en général, a été, entre 1977 et 1980, de 692 533 par année. Entre 1970 et 1976, il avait été de 621 530 jours-personnes perdus en raison d'arrêts de travail pendant une année moyenne. C'est-à-dire que votre moyenne, votre performance à vous autres, qui étiez les experts en relations du travail, a été de 70 000 jours-personnes perdus de plus par année en raison d'arrêts de travail dans les services que nous discutons aujourd'hui. (15 h 50)

Nous avons eu des grèves dans des centres d'accueil, dans des centres de réadaptation, dans les hôpitaux, dans les résidences de toutes sortes, dans les écoles, dans les cégeps, dans les universités, dans le transport en commun. Il n'y a pas beaucoup de domaines qui aient été épargnés ces dernières années et, de l'avis général, le moment est venu de faire certains choix difficiles, mais qui nous permettront de franchir un pas réel.

Voici ce que nous regrettons avec le projet de loi no 72. Le gouvernement est d'accord avec nous quant à l'objectif que définissent les notes explicatives, mais j'aurais aimé qu'on l'inscrive dans le texte même du projet de loi en guise de préambule, de manière que l'intention solennelle et ferme de la société québécoise soit clairement affirmée d'assurer la primauté du droit des malades en particulier, du droit des citoyens dans le besoin aux services qui sont indispensables pour le maintien de leur intégrité physique, psychologique et morale.

Mais, indépendamment de cette carence qui pourrait être corrigée, je conviens que l'intention du gouvernement est la même que de ce côté-ci de la Chambre et je n'entends point instituer de procès d'intention de ce côté. C'est quand nous arrivons au chapitre des moyens que nous avons des désaccords sérieux avec le gouvernement.

Nous avons commencé de ce côté-ci de la Chambre, il y a à peu près un an, par le point où en est rendu le gouvernement aujourd'hui. Dans le livre rouge que nous avons mis au point avant la dernière élection, nous préconisions une orientation générale qui était assez proche de ce qu'on trouve dans le projet de loi. Quand on enlève tous les mécanismes compliqués mais sans pouvoirs réels pour en venir au coeur même du pouvoir de décision dans le projet de loi, il n'y a pas de différence essentielle entre ce que le gouvernement envisage aujourd'hui et ce qui était défini il y a à peu près un an et demi dans le programme du Parti libéral du Québec. Mais, depuis ce temps-là, nous avons écouté nos concitoyens. J'admets qu'ils nous ont donné un peu plus de temps pour le faire qu'ils ne vous en ont peut-être donné à vous autres en vous reportant au pouvoir, mais nous les avons écoutés avec attention, nous avons suivi en particulier

avec beaucoup d'intérêt les séances de travail qu'a tenues la commission parlementaire l'automne dernier. Après avoir entendu les témoignages des organismes compétents et de personnes versées dans ces matières, nous en sommes venus à la conclusion très ferme qu'en ce qui touche un certain nombre d'institutions, en particulier les centres d'accueil pour personnes âgées, les centres de réadaptation pour personnes de tous âges, en particulier pour les jeunes, les centres de soins pour malades chroniques, les centres de soins psychiatriques et les unités de soins qui correspondent à ces fonctions dans les hôpitaux à vocations multiples, ce serait beaucoup plus honnête, beaucoup plus franc, beaucoup plus réaliste d'interdire tout simplement le droit de grève, pour des raisons qui sont évidentes.

Dans un centre d'accueil, ce sont des personnes, par définition, qui sont dépendantes sur presque toute la ligne de la qualité des soins qu'elles recevront et qui ont besoin d'une très grande stabilité, d'une très grande continuité dans la jouissance des services auxquels elles ont droit. Nous ne pouvons pas concevoir que dans un centre d'accueil on décide qu'on va couper la moitié du personnel pour faire droit à l'exercice de la grève pendant un certain temps. Vous perturbez l'atmosphère de l'institution, vous créez des complications, vous créez une atmosphère trouble et confuse, une atmosphère d'agitation qui est absolument contraire au but poursuivi par ces institutions.

Nous disons donc avec beaucoup de fermeté, et nous sommes appuyés en cela par le témoignage de la grande majorité des témoins qui ont comparu devant la commission parlementaire, que mieux vaudrait être franc et direct et dire aux travailleurs de ces institutions que leur cas constitue une catégorie tout à fait spéciale, au même titre que les gardiens de la paix, que les pompiers, que les agents de police également. Ce n'est pas une honte, au contraire, c'est un honneur d'être invité par la société à entrer dans cette catégorie très spéciale, très exceptionnelle de citoyens qui doivent renoncer à l'exercice pratique de droits qui leur appartiennent fondamentalement en raison de la mission tout à fait spéciale, tout à fait extraordinaire qu'ils sont appelés à remplir dans la société.

Au lieu de faire ce choix courageux, nous avons des appréhensions et nous sommes loin d'être assurés qu'éventuellement la société ne sera pas conduite à l'interdiction du droit de grève, ne serait-ce qu'à cause des ressources énormes que nous dépensons quand nous pensons au coût d'un seul lit moyen dans un hôpital. Est-ce que nous avons le droit d'accepter qu'il soit empêché de fonctionner pendant des périodes plus ou moins longues? Nonobstant ces appréhensions, nous reconnaissons que certains services des hôpitaux... Un grand hôpital, aujourd'hui, c'est un peu comme un magasin à rayons; tous les services n'ont pas la même qualité d'urgence, de nécessité immédiate. Il peut arriver qu'on consente à l'interruption d'un service pendant une certaine période sans que le droit fondamental des citoyens, à l'intégrité de leur santé et à la protection de leur personne, soit atteint d'une manière irrémédiable. Nous donnons tout le bénéfice du doute - je pense que la ministre à la Condition féminine parlait de ce principe tantôt et j'y souscris entièrement - à ce secteur pour que la preuve soit encore plus claire à l'avenir.

Dans le cas des institutions que j'ai mentionnées - je les mentionne encore pour que ce soit parfaitement clair - des centres d'accueil pour personnes âgées, que nous avons tous visités et que nous visitons régulièrement, il est impensable de concevoir qu'on puisse décemment y admettre l'exercice du droit de grève.

Les centres de réhabilitation pour jeunes. J'en ai un dans mon comté. C'est absolument impensable, quand vous visitez une institution comme celle-là, d'accepter qu'on y exerce le droit de grève comme on le fait dans une entreprise ordinaire ou dans un service qui offre surtout du travail de bureau.

Dans un centre de soins psychiatriques, il me semble que cela saute aux yeux que ces personnes ont besoin de l'attention continue et complète que peut seul fournir un service en plein fonctionnement et non pas en état de demi-paralysie. Ces établissements, si mes renseignements sont exacts - le ministre, qui se prépare à intervenir ensuite, comme je crois comprendre, pourra me corriger si j'ai tort -de même que les services spécialisés qui leur correspondent dans les hôpitaux à vocation générale, représentent environ les deux tiers des établissements et des services dont nous discutons aujourd'hui sous le titre général des services de santé et de bien-être. Je pense que le gouvernement rate une chance très importante de se mettre à l'heure d'aujourd'hui dans ce domaine.

Avec la politique qu'il envisage, je crois qu'il va continuer de retarder sur les événements comme il l'a fait sans cesse au cours des dernières années. Je crains qu'il ne soit obligé de revenir plus souvent qu'il ne le prévoit actuellement à l'Assemblée nationale avec des lois spéciales. Exercer directement le pouvoir qu'on veut donner au gouvernement, je pense que le gouvernement aura peur de le faire et se sentira obligé par la pression de l'opinion publique de revenir devant l'Assemblée nationale. Quand on pense aux malades, aux personnes âgées, aux jeunes qui ont besoin de soins de réadaptation et

qui devront attendre des jours et des jours pendant que ces messieurs et dames du gouvernement délibéreront, pendant que nous autres, ici, étudierons des projets de loi, il aurait été beaucoup plus efficace et beaucoup plus civilisé, pour reprendre les propos de la ministre à la Condition féminine, de prendre tout de suite la décision qui s'imposait.

On s'étonne également de constater que dans le projet de loi - mon collègue de Jean-Talon l'a signalé ce matin - on n'ait nulle part de définition des services essentiels. On flotte sur cette notion comme sur une notion dont on aurait peur. On vous parle des services essentiels. À une couple d'endroits, dans le projet de loi, on parle de la santé et de la sécurité publique, mais vous conviendrez avec moi, M. le Président, qu'il s'agit là de deux notions extrêmement élastiques, qui ne peuvent pas suffire en elles-mêmes à nous faire voir clair dans les intentions véritables du gouvernement. Je pense que le gouvernement y gagnerait à préciser certains critères, certains éléments de jugement qui permettront aux différentes instances prévues dans le projet de loi d'intervenir avec toute la pertinence et tout l'impact souhaitable. C'est une carence que je souligne également à l'attention du gouvernement. (16 heures)

En ce qui concerne les mécanismes prévus par le gouvernement, mes collègues qui sont intervenus avant moi en ont parlé, dans la position que notre parti prenait l'automne dernier, il y avait quelque chose de beaucoup plus simple, de beaucoup plus fonctionnel, de beaucoup moins lourd. Nous disions: D'un côté, c'est bon, nous reconnaissons le besoin d'un organisme qui fournira de l'information objective et impartiale autant au gouvernement qu'à l'Assemblée nationale et à la population en général. Nous disions: Formons un organisme indépendant composé de citoyens impartiaux, qui pourra agir vite et efficacement. Je pense, aujourd'hui encore, qu'au lieu de créer une vaste superstructure, de multiplier encore les inspecteurs de toutes sortes, le gouvernement aurait peut-être intérêt à se servir davantage dans les régions de nos CRSSS, de nos centres régionaux de services sociaux et sanitaires qui sont très bien placés à mon point de vue, du moins dans les régions rurales pour faire un examen très rapide de ces questions et fournir tous les renseignements dont le gouvernement a besoin en dedans de 24 ou de 48 heures. Avec tous les exercices que vous leur avez infligés en matière de compressions budgétaires depuis un an, je peux vous assurer que les CRSSS que je connais sont beaucoup mieux informés de la réalité interne des établissements qu'ils ne l'étaient auparavant.

On pourrait assurer ce service d'information de base en région à travers une structure qui existe déjà. Cela ne serait pas nécessaire d'intervenir là-dedans. Avec M. Untel qui représente le syndicat, Mme Unetelle qui représente la direction, etc., des citoyens qui sont déjà en place, vous pouvez avoir un comité central composé de personnes impartiales qui pourraient assurer la collecte centrale des données et leur transmission à qui de droit. Il me semble que le gouvernement devrait viser, surtout dans une période comme celle-ci, à recourir à un appareil le plus leste, le plus alerte, le plus léger possible. Nous avons en place, à mon point de vue, des éléments pour le faire.

En ce qui touche la partie syndicale et la partie patronale, elles ont un intérêt spécial, un intérêt indéniable à voir à ce que toute cette politique des services essentiels soit appliquée avec vérité, avec justice, avec efficacité. Nous autres, nous prévoyons un comité paritaire, aux différents niveaux; il peut y en avoir un au niveau provincial, si vous voulez, mais il faudrait qu'il y en ait un surtout au niveau de chaque établissement. Ce comité veillera à ce que les services définis comme essentiels soient respectés. S'il y a des violations, s'il y a des abus, il les signale tout de suite au Conseil des services essentiels ou à l'attention du ministre. Les parties peuvent mettre sur pied un comité paritaire. Cela ne coûte pas de dépenses additionnelles à personne. Elles vont prendre, évidemment, des employés permanents ou des officiers élus d'un côté ou de l'autre. Tout cela peut se faire en utilisant au maximum les structures et les mécanismes dont nous disposons déjà. Je mets par conséquent, le ministre en garde contre cette propension, qui est tellement naturelle au gouvernement actuel, qui le porte à créer, chaque fois qu'il est en face d'un besoin, des structures ou des mécanismes nouveaux qui accroissent le coût des services publics d'une manière souvent difficile à justifier.

Dans ceci comme dans tout le reste, le facteur majeur, c'est la volonté politique. Il faut que le gouvernement veuille faire des choses pour que les choses se fassent. Le gouvernement s'était déjà donné par la loi 59 le pouvoir d'intervenir dans des conflits réels ou appréhendés qui, à son jugement, mettaient en danger la santé publique. Il ne l'a jamais fait de mémoire d'homme. C'était très difficile de passer à l'action. Il y avait des contraintes dont on parlera peut-être tantôt, mais dont moi, je n'ai pas le temps de traiter à ce moment-ci. Ce que nous constatons, c'est que cette structure trop simple a conduit à des résultats à peu près nuls. Il est encore temps pour le gouvernement de se raviser et nous serions ravis de pouvoir souscrire à l'incitation qu'on nous faisait tantôt de voter en faveur du

projet de loi, si seulement le gouvernement voulait y mettre un peu plus de contenu en ce qui concerne la primauté vécue, la primauté efficace du droit des malades à des services absolument indispensables dans leur cas et s'il voulait, d'un autre côté, faire preuve d'un peu de bonne volonté quand il s'agit d'éviter de multiplier les développements de structures et de mécanismes qui vont coûter de l'argent pour des résultats...

On parlait tantôt de l'ancien conseil des services essentiels. Il nous a donné de bonnes choses deux mois après que le feu était éteint. On n'a pas été avancé personne. On a appris ces bonnes choses quand le feu était éteint. Moi, j'ai gardé la conviction qu'il y a bien des choses dont ce conseil n'avait pas été saisi, qu'il y avait bien des éléments de la réalité qui avaient échappé à sa perception parce que ceux qui en avaient souffert, qui n'ont pas pu entrer dans les hôpitaux, qui ont été sortis des hôpitaux pendant les grèves n'ont pas pris le chemin, ils n'ont même pas demandé l'adresse de M. Gérard Picard ou des officiers du comité des services essentiels. Ils sont retournés chez eux en souhaitant discrètement, comme le font 99% des citoyens, que, la prochaine fois, cela marche un peu mieux. Je pense qu'on ne devrait pas se servir trop de l'expérience de ce conseil pour justifier l'inaction dans laquelle semble vouloir s'enfoncer le gouvernement actuel. Mieux vaudrait consulter les personnes qui ont souffert et celles qui sont venues témoigner à la commission parlementaire. On arriverait à des conclusions plus réalistes.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Charlesbourg et adjoint parlementaire au ministre des Finances.

M. de Belleval: Oui, ma question au chef de l'Opposition est la suivante. Au tout début de son intervention, il a indiqué que nous n'avions pas de mérite à avoir concédé le droit de grève aux employés du secteur public, parce qu'il s'agissait là d'une liberté fondamentale reconnue, d'ailleurs, par la Charte des droits et libertés de la personne du Canada. Le chef de l'Opposition est-il au courant que non seulement il ne s'agit pas d'une liberté fondamentale reconnue par la Charte des droits et libertés de la personne du Canada, mais qu'en fait, cinq provinces ont aboli ou n'ont pas donné entièrement ou presque entièrement le droit de grève à leurs employés du secteur public? Dans ces circonstances, veut-il nuancer l'affirmation qu'il a faite au tout début de son exposé?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Le député de Charlesbourg m'a mal compris, M. le Président. J'ai dit qu'était reconnu dans la Charte canadienne des droits de la personne le droit d'association d'où découlent, comme corollaire logique, le droit de former et de diriger des syndicats, le droit de négocier librement des conventions collectives et le droit de recourir aux moyens de pression appropriés pour faire valoir ces intérêts. J'ai ajouté plus loin dans mon exposé que, lorsque l'exercice de ce droit vient en conflit avec l'exercice d'un droit non moins fondamental et encore plus fondamental en pratique, celui des malades, à l'intégrité de leur santé et de leur personne physique et morale, à ce moment-là, il y a un droit qui doit prendre préséance sur l'autre, ce qui ne nie pas ni n'efface ni n'élimine le premier, mais en conditionne l'exercice pratique. C'est la même chose pour la liberté de parole qui est reconnue par la charte canadienne des droits, mais, si je m'en sers pour vous salir, vous avez des recours contre moi et je serai obligé de me l'interdire la fois suivante.

Une voix: D'autres questions?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Prévost et adjoint parlementaire au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Robert Dean

M. Dean: Merci, M. le Président. En écoutant le chef de l'Opposition, je me suis posé des questions au début de son intervention, à savoir s'il ne s'était pas trompé de débat et s'il ne débattait pas la question de la loi 70 ou de la loi 72. Tout en disant qu'il défendait le droit de grève, il propose et son parti propose de l'enlever sélectivement. C'est un peu typique de la confusion permanente dans laquelle semble fonctionner le Parti libéral du Québec.

Je pense, M. le Président, qu'il faut situer le débat et cela peut être utile de situer le débat sur le projet de loi no 72 dans sa perspective historique. On appelle révolution tranquille cette époque qui a commencé au début des années soixante au Québec et où le Québec a évolué probablement plus rapidement que tout autre pays au monde de son état de société traditionnelle à l'état d'une société moderne. À cette époque, on a remis en question presque tout dans la vie collective: les valeurs, la culture, la vie économique, sociale et politique. On a effectué des grandes réformes dans plusieurs domaines. Depuis quelques années, on remet aussi en question les effets de ces réformes. On les évalue. On ajuste nos tirs et on propose de nouvelles étapes de réforme. Il en est ainsi, M. le Président, pour ce qui regarde le droit de grève dans les secteurs public et

parapublic et le système de négociation collective.

(16 h 10)

Je suis assez âgé pour avoir vécu l'époque du début des années soixante où un premier ministre de l'époque a dit que l'État ne négociait pas avec ses sujets. J'ai vécu les revendications pour le droit de grève dans le secteur public et l'époque où ce droit a été accordé par un premier ministre du Parti libéral. J'ai vécu cette époque avant le droit de grève et de véritables négociations. Les employés des secteurs public et parapublic connaissaient des salaires de famine, peut-être certains petits privilèges par ci et par là, mais au fond des salaires de famine et vivaient constamment dans une atmosphère d'arbitraire patronal et politique.

Après que le droit de grève eut été accordé aux employés du secteur public, j'ai pu vivre les premières négociations à HydroQuébec en 1966, 1967, 1968 après l'acquisition du droit de grève. De retour dans le secteur privé, à compter de 1968, j'ai pu suivre et vivre avec les citoyens et citoyennes du Québec les négociations du secteur public de 1969, de 1972, de 1976, de 1979. Je dois souligner que, de 1964 à 1976, ce n'était sûrement pas le Parti québécois qui était au pouvoir. Il y eut certaines expériences désastreuses de négociation qu'on voudrait traiter ou considérer désastreuses - du secteur public, surtout à l'époque du front commun de 1972, où la société québécoise était à l'envers. Je dois souligner que c'était le gouvernement du Parti libéral qui était au pouvoir et dont faisait partie le député de Jean-Talon, pas comme décideur politique, mais comme faisant partie de l'équipe gouvernementale de l'époque, de 1972 à 1976. Ce fut le gouvernement de la grande attente, de la grande indécision qui ne faisait rien ou peu pour modifier ou faire évoluer la législation qui gouverne l'exercice du droit de grève dans le secteur public.

Pendant ce temps, dès le début de ce processus, j'ai vécu avec bien d'autres citoyens et citoyennes québécois la période de développement d'une conviction qu'au Québec on cherche à faire les choses à notre façon, mais parfois nos choix ne sont pas les meilleurs. On a effectivement transposé dans le secteur public les mentalités, les comportements syndicalistes du secteur privé, mais on n'avait pas fait la distinction que, dans le secteur public, l'objet du travail, ce sont des êtres humains, ce sont des hommes et des femmes qui ont besoin de services, surtout dans le domaine de la santé, des êtres humains sous leur aspect le plus fragile, le plus vulnérable, le plus démuni.

J'ai aussi constaté avec bien d'autres à cette époque que des syndicalistes, aussi valables que les syndicalistes québécois, aussi militants, aussi convaincus, dans d'autres pays progressistes et moins progressistes du monde, avaient trouvé la façon, sans être contraints par une loi, d'exercer le droit de grève. Dans leur conscience humaine et dans leur conscience syndicale, ils avaient trouvé des façons d'exercer leur droit de revendication, leur droit de négociation, leur droit de grève même, sans priver les citoyens, les hommes et les femmes, surtout les plus fragiles, des services et des soins essentiels à leur santé ou à leur survie.

Un dernier constat de cette époque: On a constaté que la reine, qui n'avait pas voulu négocier au début avec ses sujets, avait non seulement négocié, mais avait laissé en cours de route sa couronne, ses bijoux et, en bien des cas, les clés du royaume.

Cela nous mène à un constat de la société québécoise. Même si, en 1979, la situation était meilleure que toutes les autres années, aveugle serait celui qui dit qu'il n'y a pas un consensus auprès des citoyens et citoyennes du Québec qui s'exprime comme ceci: On a aussi droit à des services, à des soins, on paie des taxes, on paie des tarifs, on veut nos soins, on veut la paix, on veut un bout de sécurité dans ce qui est, je le répète, notre état quand on est le plus fragile, le plus vulnérable, atteint de la maladie, de la vieillesse, des handicaps physiques ou mentaux.

C'est cette conviction de la population, M. le Président, qui a débouché sur la campagne électorale de l'année dernière. Durant la campagne électorale, dans mon comté de Prévost, j'ai reçu de nombreuses demandes, lors des rencontres et des assemblées publiques, relatives à la position du candidat et du Parti québécois sur la question du droit de grève. On a dit honnêtement et franchement qu'on proposait de maintenir le droit de grève pour les employés des secteurs public et parapublic, mais de faire en sorte que l'exercice de ce droit soit conditionné au maintien des services et des soins essentiels à la population. Cette réponse du candidat et de son parti, le Parti québécois, a été satisfaisante à toutes celles et tous ceux qui m'ont posé des questions durant la campagne. J'ai compris, du fait que j'ai été élu, qu'il faisait partie de mon mandat de député du Parti québécois de faire en sorte que cet engagement électoral soit respecté. M. le Président, le projet de loi no 72 constitue le respect de la part du Parti québécois d'un engagement électoral et j'en suis fier.

J'ai eu l'honneur, M. le Président, de participer à ce long cheminement - le député de Jean-Talon et d'autres le trouvent trop long, tout en admettant que la question est à la fois complexe et chargée d'émotions -de réflexion interne, de travail de comités, de députés ministériels et surtout de la commission parlementaire où 55 groupes, non

seulement les parties impliquées dans les conflits, les parties patronales et syndicales, mais de nombreux groupes de citoyens et de citoyennes qui n'avaient pas de parti pris dans le domaine technique des relations du travail, la plupart de ces groupes manifestaient une sérénité et une maturité éclatante face à ce problème angoissant de conciliation du droit de grève avec le droit des citoyens aux services essentiels. S'il y avait un consensus pour la plupart de ces groupes, c'était qu'en 1979, grâce à un projet de loi adopté par le gouvernement du Parti québécois, la situation était meilleure qu'au cours des années précédentes. Beaucoup d'ententes valables, satisfaisantes et acceptables ont été conclues entre les parties dans les établissements locaux. Beaucoup de listes ont été adéquates. Dans la majorité des cas, les services essentiels ont été maintenus, mais il y a eu des cas inadmissibles d'exception à cette règle générale et tout le monde a été d'accord, et nous le sommes, que même un cas inadmissible est de trop.

Donc, M. le Président, le projet de loi no 72 n'est pas un projet de loi qui veut tout chambarder, mais un projet qui veut prendre ce qui est bon dans ce qui existe actuellement, qui veut corriger ce qui ne fonctionne pas de façon assez adéquate et assurer en bout de piste que cela fonctionne comme il se doit. C'est cela que le gouvernement a fait avec le projet de loi no 72.

Il y a d'abord le principe qui existait déjà, l'implication des parties patronale et syndicale sur le plan local et sur le plan national, l'implication et la responsabilité, mais une implication et une responsabilité surveillées, influencées par un tiers et sanctionnées, punies par des sanctions si la responsabilité et l'implication ne sont pas exercées de façon acceptable. Le projet de loi est donc bâti sur le principe que, s'il y a bonne foi, bon sens et maturité, le meilleur endroit pour assurer les services, c'est dans chaque établissement selon sa nature et ses particularités par ceux et celles qui y vivent tous les jours, qui ont comme mission, comme profession, comme vocation d'assurer des services essentiels dans le domaine de la santé, mais aussi par ceux et celles qui oeuvrent dans d'autres secteurs des services publics et qui assurent d'autres services essentiels à la population.

S'il n'y a pas d'entente, pour une raison ou pour une autre, M. le Président, il y a une liste syndicale. Comme ce sont les travailleurs et les travailleuses impliqués qui doivent, effectivement, tôt ou tard, fournir ces services, de toute façon, ils peuvent, par la liste, déterminer une façon adéquate d'assurer le respect des besoins des citoyens et des citoyennes là où ils travaillent. Que ce soit par une entente ou par une liste -là, c'est nouveau; c'est cela que le projet de loi no 72 apporte à la structure qui existe déjà - cette liste ou cette entente n'est plus finale. Cette liste ou cette entente est soumise au Conseil des services essentiels qui devient permanent, tandis qu'auparavant c'était un conseil ad hoc. Maintenant, on ajoute une participation de représentants et de représentantes de la population qui a droit à ces services et qui les paie avec ses taxes. C'est ce conseil qui a le droit maintenant, au début, avant même que les négociations soient entreprises, de déterminer, après consultation, et d'adopter par décret un protocole-cadre qui va délimiter, donner de forts indices et même des indications très précises, sur les services à assurer et la façon de s'assurer que, dans chaque établissement, les services essentiels soient maintenus.

Concernant un protocole-cadre, le chef de l'Opposition a parlé de comité paritaire dans les établissements. Mon Dieu! M. le Président, à la dernière ronde de négociation, dans les établissements où il y avait des ententes entre les parties patronale et syndicale, là où il y avait des listes, c'était effectivement cela qui existait, des comités conjoints pour faire respecter, dans son état d'évolution quasiment de jour en jour ou d'heure en heure, le maintien des services. Aussi, dans ce protocole-cadre, il y aurait des indications assez précises sur le genre de services et la façon dont ces services devraient être assurés.

À la suite de l'établissement de ce protocole, le conseil recevrait des ententes et des listes, et les jugerait quant à leur suffisance ou non. Si elles ne sont pas suffisantes, il fera, d'abord, une dénonciation publique du groupe en question et un rapport au ministre. Le projet de loi no 72 donne au gouvernement le droit, le pouvoir de suspendre l'exercice du droit de grève tant et aussi longtemps que les services essentiels ne sont pas maintenus à sa satisfaction. Donc, une fonction évaluation, conseil, conciliateur, qui est le conseil, et, finalement, là où cela doit être, dans les mains du gouvernement, la responsabilité ultime de décider de suspendre le droit de grève dans tel établissement parce que les services essentiels ne sont pas maintenus.

M. le Président, ce conseil aurait tous les pouvoirs nécessaires pour dire que, dans tel type d'établissement ou dans telle unité de soins, messieurs et mesdames, les services essentiels, c'est 100% du personnel, c'est 99% du personnel, c'est 98% du personnel. Si ces services ne sont pas maintenus, le conseil le dénonce et le rapport est fait au gouvernement qui peut suspendre le droit de grève. Tout ceci est appuyé de sanctions plus sévères et d'améliorations au recours collectif destinées à établir plus solidement la responsabilité de ceux qui oeuvrent dans le domaine des services essentiels de rendre

compte de leurs actes devant la population.

Mme la députée de L'Acadie a parlé d'une grève illégale à Rivière-des-Prairies et des conséquences de cette grève illégale. M. le Président, il y a quelque chose qui me mystifie dans l'attitude de l'Opposition. Si tout le monde dans le milieu, tant travailleur que patronal, est irresponsable, sauvage et sans conscience, il n'y a aucune loi au monde qui assurera le maintien des services essentiels. Cela va prendre l'armée, ça va prendre la mitraillette, toutes sortes de mesures répressives. Je pense que, dans les cas de grèves illégales, la loi prévoit l'injonction, des mesures disciplinaires, des actions en dommage.

Le député de Jean-Talon dit que tout le monde est déçu de ce projet de loi, mais qu'est-ce qu'ils attendaient, tous ces gens? Est-ce qu'ils n'attendaient pas la solution-miracle, la baguette magique? Il n'y a pas de solution-miracle, M. le Président, dans ce domaine complexe de relations et de dignité humaines.

Le Parti libéral préconise, dans son document de février 1982, que, dans les centres hospitaliers de soins prolongés, psychiatriques, les centres d'accueil, ainsi que dans les unités de services correspondantes, soins prolongés, psychiatriques, les établissements hospitaliers multiclientèles, le droit de grève soit remplacé par un mécanisme alternatif, arbitrage sur des offres finales ou prolongation des conditions.

Dans quelle sorte de situation est-ce que cela pourrait nous mettre? Dans un établissement de soins psychiatriques, pas de droit de grève, même si les travailleurs de cet hôpital soumettaient comme liste ou comme entente 100% des services moins le peintre d'entretien, moins la secrétaire, moins la comptabilité, moins un concierge sur 25, même si un syndicat soumettait ça comme liste, on dirait: Vous n'avez pas le droit ni la dignité d'exercer votre responsabilité de cette façon-là, on vous oblige.

Dans les hôpitaux à soins multiples, quel fouillis. Telle aile psychiatrique n'a pas le droit de grève, arbitrage. Telle autre aile de soins ordinaires, droit de grève, négociation. Telle autre aile, personnes âgées, pas de droit de grève, arbitrage. Arbitrage de quoi? Est-ce qu'on aura cinq conventions collectives dans le même établissement?

Le Vice-Président (M. Jolivet): En terminant, M. le député.

M. Dean: En terminant, pourquoi enlèverait-on, par ce projet de loi, le droit des travailleurs d'exercer leur dignité, leur responsabilité, leur conscience professionnelle dans les cas où ils l'exercent de façon acceptable, civilisée, comme l'a fait effectivement, en 1979, la vaste majorité des syndiqués dans le secteur public?

Le but de ce projet de loi n'est pas de forcer ceux qui ont bien fait, ils ont déjà bien fait, mais c'est d'amener les quelques cas, les cas inacceptables d'exception à cette règle à faire de même. C'est ça le but du projet de loi no 72. Ce n'est pas un projet de loi antisyndical comme voudraient le dire d'autres personnes, c'est un projet de loi destiné à amener les syndiqués à exercer leur droit de grève de façon humaine, de façon digne, de façon respectueuse des autres êtres humains avec lesquels ils vivent et travaillent tous les jours. Tout syndicaliste digne de ce nom est profondément et foncièrement humain, il est concerné par les droits et les besoins humains, il est concerné par ses droits et ses besoins, mais, s'il est syndicaliste digne de ce nom, il est concerné aussi par les besoins et les droits des autres êtres humains, y compris et surtout les êtres humains faibles, vulnérables et démunis qui font l'objet de son travail quotidien. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys et leader adjoint de l'Opposition. (16 h 30)

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: Merci, M. le Président. Nous étudions le projet de loi no 72 qui se veut la solution du gouvernement au problème crucial du maintien des services essentiels dans les services au public, non seulement lors de négociations, mais en tout temps.

J'entendais l'adjoint parlementaire au ministre du Travail affirmer, tout à l'heure, qu'il n'y avait pas de solution miracle. C'est exact, M. le Président, mais il y a des solutions qui sont plus faciles à expliquer. Il y a des solutions où l'on voit une volonté politique. Il y a des solutions qui sont moins pénibles à tenter de faire comprendre à la population. Il est bon, M. le Président, de rappeler un peu la toile de fond de cette question qui inquiète beaucoup de nos concitoyens, surtout à l'approche des négociations.

Il s'agit, M. le Président, de l'affrontement inévitable des employés des secteurs public et parapublic avec leur employeur, l'État et ses composantes, les réseaux, en tout temps, oui, mais surtout au moment de la négociation de nouvelles conventions collectives tous les trois ans. Cet affrontement inévitable a toujours perturbé le fonctionnement des établissements qui doivent prodiguer au public les services auxquels il a droit. Ces services couvrent toute une gamme d'activités, toutes très importantes, mais

dont certaines touchent de plus près les citoyens dans leur vie même. Il s'agit des hôpitaux et autres établissements de santé et à caractère social.

Dans le passé, M. le Président, et cela aussi il est bon de se le rappeler, le Québec s'est vu confronté avec des grèves qui ont littéralement fermé des hôpitaux et autres établissements. Nous commencions alors à vivre les conséquences de la modernisation de l'État québécois et nous avons été collectivement pris au dépourvu devant la gravité des conséquences découlant de ces situations nouvelles.

Il appartenait donc au gouvernement, l'ultime responsable du bon fonctionnement de la société et de la protection des droits des personnes, d'intervenir pour assurer aux citoyens le respect de leurs droits à un minimum de services de santé ou d'autres services dans les moments d'affrontement entre employeurs de l'État et ses employés. C'est ce qu'on appelle des services essentiels.

Voyons un peu le bilan de ces années de maturation politique au Québec, et je réfère au document publié par mon collègue, le député de Jean-Talon, en février 1982, qui, à titre de porte-parole du parti, a rendu publique la position du Parti libéral quant à cette question. Je cite: Les faits révèlent que, chaque fois que l'État employeur et ses salariés syndiqués négocient, le tout tourne beaucoup trop souvent à la confrontation. C'est particulièrement vrai pour les années soixante-dix où les rondes de négociations tenues successivement en 1972, 1976, 1979 et 1980 se sont traduites par plus d'un million de jours-personnes perdus.

Quand on parle de jours-personnes perdus, on parle des travailleurs, on ne parle pas des malades. Plus de 200 000 travailleurs et travailleuses du secteur public ont suspendu leurs activités à la suite de grèves ou de lock-out pour des durées moyennes évaluées à 8,4 jours en 1972, 6,5 jours en 1976, 8,8 jours en 1979 et 13,5 jours en 1980.

Il est bon de le rappeler - on nous a dit que l'ancien gouvernement était le champion des grèves et des jours perdus par ses confrontations - on voit qu'en 1972 c'était 8,4 jours en moyenne, en 1976, cela a baissé à 6,5, monté à 8,8 en 1979 et à 13,5 jours en 1980. Qui est le champion? C'est vous, messieurs, les champions des grèves.

Au début des années soixante-dix, les effectifs publics au Québec se comptaient par près de 250 000 personnes et actuellement ils se situent autour de 300 000. L'absence, même temporaire, de 200 000 d'entre eux a gêné considérablement le fonctionnement et la fourniture des services essentiels à la population. À près de 20 reprises, l'Assemblée nationale a dû intervenir pour suspendre l'exercice du droit de grève et affirmer ainsi le principe de la primauté du bien général sur les intérêts particuliers. M. le Président, les conséquences sur les malades, les handicapés ont été telles que tous s'accordent maintenant pour dire qu'un gouvernement responsable doit empêcher que les abus du passé se répètent. Déjà, dans un premier temps, et sans parler des mesures qui avaient été adoptées par les anciens gouvernements, le gouvernement actuel, en 1979, a tenté de régler ce problème. Malgré nos avertissements, le PQ a fait adopter une loi qui encadrait la ronde de négociations des années 1979-1980. À cet égard, on peut dire qu'au niveau de l'établissement - c'était la mesure, la solution proposée par le PQ d'alors - et du maintien des services essentiels, les dispositions du Parti québécois étaient entre autres caractérisées par, premièrement, la constitution pour la période de négociations d'un conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux en cas de conflit de travail; deuxièmement, l'application de la liste syndicale en cas de non-entente au niveau local quant à l'établissement des services essentiels.

Quel fut le bilan de ces négociations? Plusieurs personnes, analystes, observateurs et porte-parole gouvernementaux statuèrent à une amélioration prodigieuse par rapport à ce que nous avions connu auparavant. Or, à notre avis, bien que moins spectaculaire en rapport avec ce que nous avions vécu particulièrement en 1972, la ronde de négociations de 1979-1980 n'a pas permis d'exclure totalement ce qui confère à toute grève dans les services publics son caractère inacceptable à savoir un lot, dans la mesure où on peut l'évaluer, de situations intenables et surtout, le risque que l'on fait courir aux usagers des services publics, particulièrement, dans la santé et les services sociaux.

Pour s'en convaincre, examinons les faits suivants. Premièrement, le bilan des deux dernières négociations s'établit comme suit. En 1976, nombre de jours-personnes perdus, 1 394 000. En 1980, 1 438 000. Qu'est-ce que votre solution miracle de 1978 a réglé? Absolument rien. Qu'est-ce qu'on nous propose pour régler la situation qu'on voulait régler en 1978, que l'ancien ministre du Travail maintenant ministre des Affaires sociales nous avait promis comme étant la solution qui réglerait le problème? On nous propose plus que la même chose. La même chose en plus. C'est tellement décevant. Cette solution plus bureaucrate a été accueillie par la presse de la façon suivante. Ce n'est pas l'Opposition qui parle, ce sont les observateurs indépendants.

Je cite, par exemple, M. Michel Roy, de la Presse, qui dit ceci: "Le régime que le ministre met en place tend à perpétuer les affrontements des parties syndicales et

patronales, fait appel à un conseil qui pourrait être permanent et mieux équilibré que l'organisme créé en 1979 - c'est déjà une petite critique de ce que faisait l'ancien ministre - s'expose aux mêmes difficultés et à la même inefficacité." Il poursuit: "La solution est ailleurs. L'Assemblée nationale devrait, comme l'a suggéré le Parti libéral du Québec, suspendre l'exercice du droit de grève dans les établissements de malades chroniques, soins prolongés, dans les centres psychiatriques et dans les centres d'accueil pour personnes âgées, ces lieux où se retrouvent des clientèles captives à l'égard desquelles une grève est un acte de terrorisme."

De quoi avez-vous peur? Pourquoi ne prenez-vous pas vos responsabilités? Est-ce que ce n'est pas clair, après les 56 heures de commission parlementaire que nous avons tenues de façon tout à fait non partisane, est-ce qu'il n'est pas clair que dans ces établissements, il est inhumain de prendre ces usagers en otage? Est-ce qu'il n'est pas clair que tous les services, 24 heures par jour, dans un centre psychiatrique, dans un hôpital pour enfants, sont essentiels? Qu'est-ce que vous attendez pour l'affirmer? De quoi avez-vous peur? J'aimerais qu'on m'en fasse la démonstration. (16 h 40)

M. le Président, un autre observateur, M. Jean-Louis Roy du Devoir, parle d'un projet incomplet et lui aussi invite le gouvernement à suivre la voie qui lui était tracée par le Parti libéral du Québec depuis déjà plusieurs mois, depuis février dernier. Je cite M. Roy dans le Devoir du mercredi 2 juin: "L'Opposition cherchera vrai- semblablement à obtenir des amendements à ce projet de loi. Si elle -l'Opposition - proposait, notamment, une formule d'extension des conditions négociées ailleurs pour les travailleurs des centres hospitaliers de soins prolongés et de soins psychiatriques, pour les centres d'accueil, de réadaptation et d'hébergement, elle devrait obtenir l'appui de tous ceux qui répudient la prise en otage des personnes les plus démunies."

Est-ce assez clair? Quand on parle d'extension des conditions négociées, cela veut dire qu'il n'y a pas de grève à l'endroit où on fait l'extension. C'est la suspension du droit de grève. Pourquoi attendre le fonctionnement lourd, à peine compréhensible? J'écoutais attentivement tout à l'heure l'adjoint au ministre nous l'expliquer, mais combien pénible, cette explication! Pourquoi l'imposer pour en arriver aux mêmes résultats que dans ces établissements? Il est inhumain, de l'avis de tous, de tolérer une réduction des services. "Un projet de loi décevant", dit Vincent Prince, dans la Presse du mercredi 2 juin. Je le cite à la fin, et je m'excuse auprès des éditorialistes; il est toujours injuste de ne citer qu'une partie, mais on n'a pas le temps de tout citer. J'attire l'attention de mes collègues et aussi de ceux qui nous écoutent pour qu'ils relisent ces articles qui sont extrêmement intéressants. Il dit: "Le ministre du Travail proclame que sa grande préoccupation, en le rédigeant - il parlait du projet de loi - a été "de consacrer la primauté du droit des citoyens de continuer à bénéficier de services jugés essentiels, lorsque les travailleurs exercent leur droit de grève". Il y a fortement lieu de craindre que tout cela, encore une fois, demeure un simple voeu pieux."

C'est ce qu'on a entendu tout à l'heure dans la bouche des intervenants. J'entendais Mme la ministre à la Condition féminine. Elle nous accuse, d'un côté, de faire de l'alarmisme, de crier à la catastrophe et, du même souffle, elle dit qu'on ne peut plus tolérer - et là, elle élève la voix, un peu comme le ministre - la prise d'otages associée à la négociation. S'il est exact qu'il s'agit d'une prise en otage des plus démunis, de ceux qui ne peuvent pas prendre soin d'eux-mêmes, à ce moment-là, pourquoi nous accuser d'alarmisme et pourquoi ne pas suivre la proposition que nous avons faite?

Je vais vous citer, M. le Président, Mme Lysiane Gagnon dans la Presse du samedi 5 juin. Il serait intéressant de lire tout cet article. Je ne lirai que la dernière partie: "Le ministre Marois affirme "faire confiance au sens de la responsabilité des parties, c'est-à-dire des grévistes." Je cite toujours: "Le ministre Johnson, en présentant il y a trois ans la loi qui a présidé aux abus de 1979 disait exactement la même chose." On n'apprend pas vite, de ce côté-là de la Chambre. Je continue la citation de l'article, M. le Président: "Voici donc pour la deuxième fois en quatre ans, sans compter les fois précédentes sous d'autres régimes -il ne s'agit pas d'oublier ce qui s'est passé avant - un autre test, un test qui ressemble à une partie de poker dont l'enjeu serait la santé et même la vie d'un nombre indéterminé d'individus, partie de poker au terme de laquelle, en cas de dégâts irréparables, de blessures irrémédiables ou d'humiliations intolérables, les victimes ou leurs proches pourront toujours intenter, a posteriori, une fois le mal fait, des procédures en recoure collectif comme le ministre les y convie. Comme cynisme, on a rarement vu mieux." Je cite toujours l'article de Mme Gagnon. Elle termine en disant ceci: "Qu'est-ce donc que cette social-démocratie qui cède devant les plus forts qui écrase les faibles parce que leurs voix ne portent pas loin et qu'ils sont déjà réduits à l'impuissance? Sous l'apparente naïveté de ce projet de loi perce autre chose: la lâcheté." Ce n'est pas un méchant député de l'Opposition que j'ai cité, ce sont des

observateurs indépendants, intéressés à la question.

C'est ainsi que le ministre et ses collègues clament bien haut la primauté du droit fondamental à la santé sur le droit de grève, mais ils ont peur, ils n'ont pas le courage de faire suivre leurs discours de gestes semblables. Un geste vaut mieux que vingt discours. Le ministre aura beau crier qu'il faut que les abus cessent, Mme la ministre d'Etat à la Condition féminine pourra toujours dire qu'il est inconcevable, inacceptable de prendre en otage des gens lors des négociations, prise d'otages qu'elle a mentionnée, les discours ne feront rien à moins qu'on ait une volonté politique de faire suivre le discours dans le texte de loi. Or, qu'est-ce qu'on a? C'est de la bureaucratie. C'est un fonctionnement lourd. On voit beaucoup de bureaucratie, mais peu de courage.

M. le Président, c'est faux de dire que le gouvernement assure la primauté du droit à la santé. Il la confie plutôt à une structure lourde et inefficace. C'est là la lâcheté que mentionnait Mme Gagnon. Le gouvernement a peur d'affirmer et d'assumer la responsabilité de ce droit à la santé, que vous dites devoir primer et précéder le droit de grève. D'ailleurs, le ministre a tellement peu confiance dans les mesures qu'il nous propose dans son projet de loi - M. le Président, je termine là-dessus - qu'il prévoit que les victimes des abus auront droit de réparation par voie de recours collectif. Est-ce qu'on a vu pire en fait de ridicule? C'est vrai, c'est déjà arrivé qu'un groupe de malades ait eu recours à ce recours collectif justement pour tenter d'avoir réparation. Ils ont eu quelque cent dollars chacun. Est-ce qu'on peut réparer les dommages faits à la santé ou à la vie par la suspension des services de santé? Est-ce que cela se répare? On n'a bien fait d'écrire qu'il s'agit d'un cynisme comme on en a jamais vu auparavant. D'ailleurs, que dire de la contribution du ministre de la Justice? J'aurais pensé que le ministre de la Justice, qui est responsable de l'application de la Charte des droits et libertés de la personne, se serait levé pour affirmer le droit à la santé. Mais non, il est venu faire un petit discours technique comme quoi le recours collectif sera changé pour permettre cette espèce de farce qu'on nous propose.

M. le Président, en conclusion, comment un gouvernement a-t-il pu produire un projet aussi minable? Je vais vous le dire: c'est un gouvernement qui nage dans l'incohérence, qui est divisé, mais que le gouvernement ne s'attende pas que le Parti libéral le suive dans cette voie. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des Affaires sociales.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): M. le Président, traiter du droit de grève en matière de santé et de services sociaux est probablement un des sujets les plus épineux, les plus importants, en même temps que les plus troublants qu'il soit demandé à des hommes et des femmes politiques de traiter dans une société comme la nôtre. Une grève dans un hôpital, c'est intrinsèquement et profondément intolérable. C'est d'abord et avant tout difficile, parfois pénible, et cela a été, dans le passé, à l'occasion, mortel pour des personnes. Cela comporte également des dangers. C'est également pour les citoyens, au moment où notre société s'aligne, comme à tous les deux ou trois ans depuis vingt ans, vers le grand affrontement entre l'État et les structures qui représentent les salariés de l'État. C'est une source d'anxiété, d'inquiétude, d'inconfort qui va au-delà du simple ennui ou de l'inconvénient, mais qui atteint assez profondément les êtres humains dans leur sécurité. (16 h 50)

Si ces aspects sont fondamentaux, ils le resteront toujours au-delà des lois et au-delà de l'intérêt et des discours que nous pourrons faire, hommes politiques, représentants syndicaux, représentants patronaux ou même structures représentatives de la population. Il y a derrière le phénomène du droit de grève, dans les hôpitaux au Québec, profondément aussi l'ennui que représente pour les hommes politiques de faire face à ce qui est un miroir de la société, une société sans consensus, M. le Président, une société où on a réussi depuis 20 ans, à toutes sortes d'occasions, à reléguer un peu trop rapidement quelques valeurs, à se dispenser aussi un peu trop rapidement de l'humanité des comportements collectifs, une société qui, depuis 20 ans, de plus en plus valorise les mécanismes, les appareils, les "apparatchiks", les structures, une société qui, systématiquement d'ailleurs, malgré tous les progrès extraordinaires qu'elle a accomplis, a, malheureusement, à l'égard de beaucoup de problèmes de fond, connu une fuite en avant au niveau des structures, une société où on a aussi résumé très rapidement, peut-être trop rapidement, le conflit intrinsèque qui existe entre les droits individuels et les droits collectifs, tantôt le droit à la santé et à celui des conséquences de la liberté d'association.

Une grève dans un hôpital, M. le Président, c'est brutal. Peut-être faut-il voir un peu ce qui s'est passé depuis 20 ans. Le début des années soixante a été marqué par la reconnaissance de ce droit de grève dans les systèmes de santé et les services sociaux, comme dans l'ensemble de la fonction publique. Le droit de grève a été pour la

première fois, dans notre passé récent, encadré lors du second mandat du gouvernement de Jean Lesage, au début des années soixante.

Cette période a été marquée par également des épisodes encore une fois d'une brutalité incroyable. Je me souviens de 1966. Les élections ont eu lieu au mois de juin. Une grève a duré littéralement des semaines dans les hôpitaux, qui s'est terminée, on se le rappellera, par la mise en tutelle de l'ensemble du système hospitalier au Québec et la centralisation des négociations et le début de la confusion, à cause de la centralisation des négociations, entre les notions intrinsèques relevant du droit d'association à l'égard de la revendication des intérêts économiques et l'exercice du droit de grève.

Cette période - il faut aussi le dire - a été marquée par des progrès importants quant aux conditions de travail de l'ensemble des travailleurs des secteurs public et parapublic au Québec.

Les années qui suivirent furent également marquées par encore une amélioration considérable des conditions de travail, dans le secteur hospitalier, dans le secteur de l'éducation, comme dans celui de la fonction publique et dans celui des services sociaux.

Au fur et à mesure que les infirmières sont passées d'une des catégories de travail les moins payées au niveau de l'État québécois à l'une des catégories de travail, en termes relatifs, si on se compare en relativité interne comme par rapport à des sociétés semblables aux nôtres, adéquatement rémunérée, au fur et à mesure que ces conditions de travail se sont améliorées pour les travailleurs, les conventions collectives ont épaissi, et de bien des façons, au point d'ailleurs où elles sont souvent incompréhensibles, où elles sont inapplicables, où elles sont parfois carrément injustes pour les travailleurs eux-mêmes dans l'application de ce qu'on appelle le "bumping" et d'autres éléments.

La période qui a donc suivi le début des années soixante a donné lieu encore une fois à des affrontements qui se sont traduits par des arrêts de services dans les hôpitaux notamment, avec moins de brutalité, dans la mesure où la brutalité est une chose qui se quantifie. Au-delà de l'anxiété que cela suscite constamment chez les citoyens et, notamment, les citoyens les plus démunis, il y a eu des cas importants de conséquences irréversibles, de conséquences regrettables ou de conséquences ennuyeuses, selon le degré de gravité, chez des citoyens, des bénéficiaires du réseau.

Je vois ce que je connais, depuis un certain temps, de ce réseau, pour y avoir circulé depuis un an, pour y avoir oeuvré pendant un certain nombre d'années également. Il y a des cas issus de l'insouciance, issus de l'abdication des responsabilités, issus de la "déresponsabilisation", notamment, à travers "l'apparatchik" syndical ou la structure incarnant l'absence de responsabilités des personnes.

L'encadrement législatif est devenu de plus en plus important, de plus en plus lourd, de plus en plus complexe. On a assisté à une sédimentation législative comme dans d'autres secteurs. On a fait face à une complication de ces quelques lignes dans le Code du travail qui, en 1964, conférait le droit de grève, par un simple amendement qui supprimait quelques mots au code. Alors, on l'a remplacé par, littéralement, des pages, non pas cette année, mais depuis 20 ans.

Tout cela a été assez largement marqué par une tendance à l'obsession de passer du particulier au général plutôt que le contraire. Tout cela dans un contexte où on a banalisé, dangereusement, dans cette société, d'une façon désincarnée, le recours à la force. Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal, M. le Président. Qui mieux que nous le sait, surtout ceux qui ont à exercer la responsabilité gouvernementale en cette période difficile.

Une société idéale, c'est une société où il n'y aurait pas de grève dans les hôpitaux. Pas une société où il n'y a pas de droit de grève dans les hôpitaux. Une société où il n'y a pas de grève dans les hôpitaux. Une société idéale, ce serait même une collectivité qui accepterait que, quand les citoyens, notamment les plus démunis de notre société, sont ébranlés, que ce soit dans le cadre des rapports collectifs entre les employés de l'État et le gouvernement qui incarne la puissance de l'Etat d'une façon transitoire ou plus ou moins permanente, une société idéale, ce serait une collectivité qui, idéalement, devrait s'assurer qu'il y a une amélioration de la qualité des services dans le secteur des services sociaux et de la santé.

Je ne prétends pas qu'il s'agit d'une société idéale, mais ce qu'ont vécu récemment les Polonais était assez remarquable à cet égard, alors qu'un vent de liberté a soufflé dans cette collectivité relativement oppressée par les structures politiques, où des hommes et des femmes revendiquent, au nom de la solidarité, le pouvoir de s'exprimer, où ils ont fait des grèves générales. L'ancien président de la CSN, Norbert Rodrigue, me disait que, lors de son séjour en Pologne, il a été frappé de voir qu'à l'occasion d'une grève générale dans ce pays, le mot d'ordre que se donnaient les syndiqués et les syndicats, c'était d'augmenter les services dans les hôpitaux et dans les services sociaux. Mais c'étaient des hommes et des femmes qui le faisaient. C'étaient des êtres humains qui

prenaient en main des responsabilités. Ce n'était pas laissé à un pouvoir réglementaire ou à un appareil désincarné. Il faut que les conditions d'un comportement idéal, dans une société normale et qui n'est pas idéale, se créent. L'échec que nous connaissons systématiquement au Québec dans ce domaine depuis 20 ans n'est pas l'échec des lois. Il est l'échec de la réalité. Il est le constat difficile, mais nécessaire que nous devons faire comme Québécois, que cette maturation du comportement des individus comme des collectivités syndicales n'est pas encore terminé. Il est le constat difficile que nous confondons encore dans l'activité syndicale l'accessoire avec le principal, le fondamental avec ce qui est moins essentiel. Il est le constat qu'il nous arrive même dans cette Assemblée, de part et d'autre, de confondre les attributs avec la fonction. (17 heures)

La question qui se pose n'en est donc pas une que de droit. Elle en est une de réalité. Il est facile pour l'Opposition de dire ou de laisser entendre dans chacun des discours que j'ai entendus depuis tout à l'heure, y compris celui du chef de l'Opposition, qu'abolir le droit de grève abolirait les grèves. De la même façon, il serait extrêmement facile pour le gouvernement de prétendre que, puisqu'en abolissant le droit de grève, on n'abolira pas nécessairement la réalité qu'est l'arrêt de travail, on se cantonne à conserver le statu quo.

Ces deux positions, de part et d'autre, seraient issues d'un formalisme inacceptable quand on parle d'une chose aussi fondamentale que la santé et, je dirais même, le confort des citoyens. Ce qu'il faut rechercher par tous les moyens possibles dans cette société, à partir des contraintes de la réalité et de l'expérience historique que nous avons vécue comme peuple depuis 20 ans dans ce domaine, ce sont les conditions qui feront enfin qu'ici, comme dans d'autres sociétés civilisées, l'expression de la revendication collective se fasse d'une façon symbolique et que l'État accepte aussi de réagir devant le symbole et de ne pas attendre que ce soit une masse qui s'abatte sur les citoyens.

Ce projet, qui est imparfait comme le seront toujours tous les projets à cet égard, ne va pas aussi loin que beaucoup de gens l'auraient souhaité, et des gens qui ont réfléchi. Mais dans la solution qui consisterait carrément à abolir purement et simplement le droit de grève, il faut voir qu'il y a aussi un risque énorme, un risque qu'il faudra peut-être prendre un jour comme société, et peut-être plus tôt qu'on ne le pense, celui de faire face, comme société, à une situation où tout le monde est en marge de la loi.

Le projet de loi présenté par mon collègue vient rendre plus difficile l'exercice de ce droit en obligeant le tamisage des propositions syndicales à travers l'opinion, le jugement d'un tiers qu'on voudrait le plus éclairé possible, en obligeant à des avis plus complexes pour la structure syndicale et plus exigeants dans le temps, en soumettant le droit de grève à la possibilité de se voir suspendu le droit de grève dans un cas particulier, là où l'exercice collectif du pouvoir syndical appréhendé ou réel, selon qu'ils sont en grève, serait inadéquat pour protéger au maximum les citoyens. Finalement, M. le Président, ce projet de loi rendra également la vie plus difficile à ceux qui exercent un droit collectif, en introduisant des sanctions de nature collective où, enfin, le droit dans sa nature, au niveau des sanctions, rejoint l'exercice.

Le ministre du Travail ne prétend pas que ce projet garantira la paix aux citoyens. Aucune loi, dans une société aussi divisée que la nôtre, ne garantira jamais la paix. Cependant, la solution proposée par ces gens qui ont réfléchi et par une partie de nos collègues de l'Opposition ne peut pas, non plus, garantir la paix. Pas plus ici qu'ailleurs ne doit-on négliger l'analyse de la réalité et je dirai beaucoup plus ici qu'ailleurs, puisqu'il s'agit de la vie, de la souffrance et de l'anxiété pour les citoyens, devons-nous tenir compte de ce qu'une loi reflète non pas ce qu'on idéalise mais ce qui existe et le déroulement très dur et l'apprentissage que nous devons faire de vingt ans de réalité dans ce domaine?

Cette loi ne prétend rien garantir, elle prétend protéger au maximum. Cette loi aussi, comme la réalité, nous rappellera, chaque fois que nous aurons à la considérer, que nous aurons à vivre cette réalité que, comme société, nous continuerons, pendant un certain temps, à devoir serrer les dents devant certains problèmes que nous connaissons.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Laurier.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Il serait peut-être intéressant de rappeler que celui qui m'a précédé était, il y a quatre ans, le ministre du Travail qui a en quelque sorte mis de l'avant le principe qui a causé tous les problèmes qu'on a connus dans les services essentiels depuis ce temps-là.

Le principe qui a été mis de l'avant à cette époque voulait que certains services soient considérés essentiels et d'autres non essentiels dans le domaine de la santé, entre autres. L'établissement de ces services essentiels était laissé entièrement à la discrétion d'une des parties en cause et devenait finalement un instrument de

pression dans les négociations. Les services essentiels étaient laissés à la discrétion des syndicats qui en établissaient une liste. Tout ce qui s'est passé depuis ce temps-là, quand on a connu les grèves dans le domaine des affaires sociales, c'étaient des situations où il n'y avait pas de services assurés aux malades dans le domaine des soins psychiatriques, aux centres d'accueil pour les personnes âgées.

On a trouvé des gens qui étaient effectivement pris en otage, comme l'ont fait remarquer presque tous les orateurs qui m'ont précédé. C'est aux orateurs du parti ministériel justement qu'incombe aujourd'hui la tâche de corriger cette situation d'une façon claire, nette et précise dans le cas de ces populations qui sont prises en otage lors des grèves.

Au lieu de le faire, au lieu de dire clairement que la population a un droit prioritaire aux services de santé et aux services sociaux, le gouvernement a essayé de faire le jeu des deux parties, de faire de beaux discours devant les caméras, comme on vient d'en entendre, pour dire qu'on veut assurer la primauté des services essentiels, mais dans le concret, dans les gestes qui pourraient effectivement assurer ces services essentiels, il n'a rien fait. Il a mis de l'avant un mécanisme technocratique où les services essentiels, si on peut parler ainsi dans le cas des personnes âgées qui, finalement, vivent en institution d'une façon complètement dépendante des employés et de l'État... Les gens qui vivent dans ces centres d'accueil sont, de plus en plus, des gens qui sont alités, qui ne peuvent pas pourvoir à leurs propres besoins, des gens qui ont entièrement besoin de ce que nous, les gens de l'extérieur, tenons pour acquis tous les jours. Les gens qui peuvent leur fournir ces services sont des gens qui travaillent effectivement dans ce réseau.

Celui qui finance ce réseau, c'est l'État. L'État a donc une responsabilité immédiate envers ces gens qui vivent d'une façon complètement dépendante. On ne peut pas, à mon point de vue, parler de services qui sont non essentiels quand on parle de gens qui sont complètement dépendants, de gens qui ne peuvent pas manger seuls, de gens qui ne peuvent pas se laver seuls, de gens, par exemple, dans des institutions psychiatriques, qui sont là certainement pour une raison. Comment va-t-on définir ce qui est un service essentiel pour les gens qui sont complètement démunis par rapport à une vie normale? Pourtant, il semble que le gouvernement croit qu'il y a des services qui ne sont pas essentiels pour ces personnes. Encore une fois, on prend la notion de service essentiel et on fait en sorte qu'encore une fois on négocie les services essentiels entre la partie syndicale et la partie patronale et encore une fois d'une façon institutionnalisée le rapport de forces autour d'une question tellement fondamentale que je pense que s'il y a une chose qui a fait l'unanimité à travers le Québec ces jours-ci, ce temps-ci, c'est bien le fait que la population du Québec a le droit, d'avoir une garantie surtout en ce qui concerne les services de santé. (17 h 10)

On a ici devant nous un projet de loi qui prend une approche encore une fois technocratique, qui met la notion des services essentiels encore une fois en négociation entre la partie patronale et la partie syndicale, dans le cas où elles ne sont pas capables de s'entendre toutes les deux. On doutera bien qu'elles ne peuvent s'entendre même si le ministre fait appel à leur sens de la responsabilité, etc., pour fins de discours, M. le Président, parce qu'on a vécu dans le passé et cela n'a pas marché dans le passé. Elles ne se sont pas entendues dans le passé.

Cette fois-ci, encore une fois, le syndicat peut établir les services essentiels, sauf que, maintenant, le conseil qui est constitué aura à évaluer cette liste pour prendre la décision à savoir si c'est vraiment suffisant comme services essentiels ou non. Encore une fois, M. le Président, cela va plus loin, parce que, si ce conseil trouve que ce n'est pas suffisant et qu'il n'arrive pas à corriger la situation, il va falloir à ce moment que le gouvernement intervienne. On a augmenté les délais, c'est quelque chose d'incroyable, en mettant sur pied une structure tellement technocratique, dont la mentalité tient tellement peu compte de la réalité que les gens sont effectivement pris en otage dans une grève de ce genre; c'est ce qu'ils vivent. On n'a nullement considéré la réalité humaine. On a perdu, M. le Président, toute cohérence de ce côté-ci. Il y a quelques jours, on nous a déposé un autre projet de loi, le projet de loi no 70, tout en parlant ici dans le projet de loi no 72 de la bonne foi des personnes, du sens des responsabilités qu'auront les parties en cause.

Il y a un ou deux jours, on nous a présenté un projet de loi où les syndicats sont visés d'une façon unilatérale, voués à des réductions de salaires. Ce serait extraordinaire, si les gens peuvent subir des coupures de salaires, M. le Président, et manifester de la bonne volonté face aux mêmes patrons qui viennent tout juste de leur dire que, de façon unilatérale, ils sont dans un bordel financier incroyable. "On va vous utiliser pour éponger ce qu'on a créé nous-mêmes. Laissez faire le fait qu'on a signé il y a deux ans et demi les mêmes conventions. On les change dorénavant."

Deux jours plus tard, on vient ici avec un projet de loi sur les services essentiels pour nous dire qu'on va se fier sur un climat

de paix, sur un climat où le sens de la responsabilité va régner. C'est une farce, M. le Président, une telle farce que presque l'ensemble des éditorialistes du Québec se sont mis d'accord pour dire effectivement que ça, c'est une farce. "C'est un projet incomplet, un projet de loi décevant", dit la Presse de Montréal, le 2 juin. "Un projet incomplet", dit le Devoir. Lysiane Gagnon écrit: "Un autre pari risqué." On parlait de risque tout à l'heure, M. le Président, pour nous dire que les risques étaient trop grands pour vraiment faire ce qu'il fallait faire. Mais cela, c'est vraiment quelque chose, quand on est en train de parler de la santé de personnes qui sont complètement dépendantes de l'État et qu'on nous dit qu'on ne peut pas faire ce qu'il fallait faire parce que les risques sont trop grands. Pour moi, il sera dit que le gouvernement n'a pas le courage de tenir, dans des gestes concrets, les discours qu'il tient pour les caméras ici, M. le Président. C'est tout.

M. le Président, ce n'est pas un projet de loi pour assurer les services essentiels. C'est un projet de loi qui, finalement, est là pour l'image et c'est tout. Si on le lit, on nous dit que ce projet de loi a pour objet de consacrer la primauté du droit des citoyens de continuer à bénéficier des services jugés essentiels. Si on va plus loin, on nous dit aussi que, dans les cas où les services essentiels devront être maintenus, les parties en cause devront, avec l'aide du Conseil des services essentiels, le cas échéant, s'entendre sur ces services. À défaut d'entente, le syndicat devra établir une liste des services essentiels qu'il entend maintenir. La suffisance, comme je l'ai dit tout à l'heure, de ces services sera jugée par le conseil, qui, lui, va entrer dans ce litige et qui, s'il n'arrive pas à le régler, le soumettra au gouvernement qui, finalement, sera appelé un jour à assumer ses responsabilités. Peut-être que c'est parce qu'il a vu que, finalement, cette situation, M. le Président, va mener à un manque de services de santé pour des gens qu'ils ont aussi introduit dans le projet de loi, comme le ministre de la Justice nous disait tout à l'heure, le fait que dorénavant on va faciliter le recours collectif pour les gens qui ont été privés de ces services.

M. le Président, je ne sais pas comment on va mettre un prix sur la vie des gens, sur la santé des gens et sur le bien-être de gens qui, finalement, dans le cas des personnes âgées, par exemple, vivent en quelque sorte leurs derniers jours, dépendant entièrement de l'État. On va leur dire: Si vos droits, qu'on déclare ici être essentiels et avoir la primauté, M. le Président, sont bafoués par des grèves, etc., vous aurez plus tard l'occasion de redresser les torts en vous adressant aux tribunaux. C'est cynique, M. le Président, et rien 'd'autre. C'est exactement ce que Lysiane Gagnon disait aussi dans la

Presse. Comme cynisme, on n'a pas vu mieux. On vient nous dire qu'il y a un prix, qu'il y a un dédommagement qui peut être obtenu après que le tort a été commis, pas un tort dans le sens où vous et moi pouvons l'entendre, étant donné que nous sommes des gens qui vivent d'une façon normale, mais un tort aux gens qui sont, sinon des otages, du moins des gens qui ne peuvent pas pourvoir eux-mêmes à leurs besoins. Si ce n'était le fait que même le gouvernement s'attend que cela ne marche pas, pour quelle raison a-t-il introduit cette affaire?

M. le Président, on a vu - en tout cas, moi, j'ai vu, depuis un an que je suis ici -des projets de loi qui ne font que parler pour l'image, qui évitent continuellement de faire face aux vrais problèmes qu'on connaît ici au Québec et qui cherchent finalement à camoufler la situation qu'on vit ici. Tout ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant sur ce projet de loi, c'est que c'est la faute du fédéral ou de quelqu'un d'autre. Je suis certain que quelqu'un va probablement se lever tantôt et dire que c'est la faute de quelqu'un d'autre, tout ce qu'on a connu ici en termes de relations du travail, parce que pour tous les autres problèmes dont on discute ici à l'Assemblée nationale, il y a toujours quelqu'un d'autre qui en est responsable. Le lundi, généralement, ce sont les Anglais. Le mardi, généralement, c'est le gouvernement fédéral. Le mercredi, je ne sais pas trop qui, mais on trouve continuellement quelqu'un. Cela va probablement être ma faute, parce qu'on est en train de trop faire ressortir le fait que ce gouvernement est incapable d'assumer ses responsabilités de façon mature, adulte et responsable. Faites toutes les grimaces que vous voulez de l'autre côté. Les députés de l'autre côté trouvent peut-être cela achalant, mais c'est vrai, et la façon la plus claire de le voir, c'est en ce qui concerne les services essentiels, M. le Président. Quand on a devant nous un projet de loi qui veut parler de la primauté des services essentiels et qui, dans les faits, ne lève même pas le petit doigt pour corriger vraiment la situation, c'est là un aveu d'irresponsabilité et d'un manque de courage flagrant.

On nous dit souvent, M. le Président: Mais vous, qu'auriez-vous fait? C'est clair. Nous disons que dans un projet de loi qui vise le maintien des services essentiels, tout d'abord, on ne mettrait pas sur le même pied le droit à la santé, les services de santé et toutes les autres grèves qu'il peut y avoir dans le secteur public. Ce n'est pas la même chose si un hôpital ou un centre d'accueil pour personnes âgées ou un centre hospitalier de soins prolongés connaît une grève que si on connaît une grève, par exemple, à Hydro-Québec ou dans le transport, etc. Il y a lieu d'examiner cela et de regarder cela de près pour assurer des

services essentiels à la population, mais ce n'est pas la même chose quand on parle de santé que quand on parle de téléphone ou d'Hydro-Québec. C'est la première chose qu'on aurait faite, une distinction nette, claire et précise entre ce qui est des droits fondamentaux à la santé pour des citoyens de cette province et tout le reste. C'est la première chose.

La deuxième chose, M. le Président, c'est que dans toutes les institutions où nous avons des populations captives, c'est-à-dire les populations qui ne peuvent pas faire autrement qu'être là: les départements de psychiatrie des hôpitaux, les centres d'accueil pour personnes âgées, les centres d'accueil pour les jeunes, les centres hospitaliers de soins prolongés, toutes les institutions où les populations sont captives, ne peuvent pas se lever et s'en aller en disant bye-bye - dans tous ces endroits, il ne faut pas parler des services essentiels. Il faut parler de services, point. Dans toutes ces institutions, il n'y a pas lieu de parler de liste de services essentiels. Il n'y a pas lieu de faire en sorte que le syndicat et le patron vont s'asseoir pour établir une liste qui sera jugée par le conseil qui sera, lui, jugé par le gouvernement, si cela ne tient pas. Il s'agit là de dire carrément: Pas de grève, c'est tout, pas de grève dans cela. (17 h 20)

Je suis certain que les syndiqués comprendront, parce que ce n'est pas n'importe qui qui est dans ces institutions. Ce sont tous des gens dépendants. On a tous éventuellement un jour un parent ou un proche qui pourra passer par là. Ce n'est pas quelque chose que les gens ne comprendraient pas. Je suis convaincu, si le gouvernement avait le courage de le faire, de donner l'exemple, qu'il y aurait un paquet de gens qui pourraient dire: Cela a du bon sens que, dans tous les endroits où il y a des populations captives, il n'y ait pas de grève.

Est-ce qu'on est une société civilisée, oui ou non? Le gouvernement est en train de nous dire qu'on ne l'est pas, parce qu'il a eu peur de faire ce qu'il fallait faire. Où est la confiance qu'il a dans la population québécoise? Il n'en a pas. Il est en train de nous dire finalement que la population québécoise est un gang de gens qui ne voient qu'eux, je ne sais pas pourquoi, que leur avancement personnel. Les risques sont trop grands, disait le ministre des Affaires sociales. Le même ministre qui doit gérer, qui est responsable de tout ce réseau des Affaires sociales, est en train de nous dire qu'il ne peut pas dire qu'il ne devrait pas y avoir de grève dans les hôpitaux de soins prolongés, dans les centres d'accueil pour personnes âgées, dans des centres psychiatriques, parce que les risques sont trop grands. Où est sa confiance dans la population québécoise? Où est sa confiance dans les syndiqués qui oeuvrent dans ces milieux? Il n'y en a pas. C'est effectivement une démission du gouvernement face à un droit primordial qu'ont les citoyens de s'attendre que cette société leur maintienne des services de santé en tout temps, grève ou pas grève.

Nous, on aurait fait cela. On aurait soumis les travailleurs de ce secteur à un mécanisme qui leur aurait permis d'avoir des avantages que leurs collègues ou leurs cotravailleurs dans d'autres secteurs comparables auraient pu avoir. Je suis certain qu'ils auraient compris qu'il ne s'agit pas, pour une société qui se veut civilisée, de prendre en otage les personnes âgées, les malades psychiatriques, les jeunes en centres d'accueil.

Si vous n'avez pas compris, il aurait fallu, à ce moment, que le gouvernement se tienne debout du côté des plus faibles, du côté des gens qui ne peuvent pas eux-mêmes se défendre, non pas venir leur dire par après qu'ils vont avoir le droit à un recours collectif, quand le dommage a été fait, après qu'ils auront connu une situation absolument aberrante dans ces endroits, et leur dire simplement après: Regardez, vous avez le droit à un recours collectif, vous pouvez amener les mauvais syndicats devant les tribunaux et les faire payer pour le tort qui vous a été fait.

C'est cynique, effectivement! 60 $ d'amende! Est-ce cela que cela coûte? Est-ce comme cela qu'on évalue le droit à une vie décente? Est-ce comme cela qu'on évalue le droit à des services? Pas des services de luxe! On nous dit même qu'ils sont rendus à des services de Volkswagen, comme on a dit tout à l'heure. Ce sont des services pour une bonne partie de la population qui vit dans ces situations, c'est leur maison, c'est leur vie entière, à 100%. Ils sont là entre les murs de cette institution. Nous, comme société, n'avons pas eu le courage de dire que, dans ces secteurs, il n'y aurait pas de grève. On aurait pu faire appel au sens des responsabilités des syndiqués dans ce sens. Demandons aux syndicats comment ils peuvent se justifier de faire la grève dans de pareilles institutions. Ce n'est pas justifiable et ce n'est pas défendable. C'est ce qu'aurait dû faire le gouvernement, avoir le courage de demander cela aux syndicats. Je reste convaincu que les syndiqués, les travailleurs qui oeuvrent dans ces institutions, connaissent leurs malades, les patients qui vivent là. Ce ne sont pas que des numéros. Quand on vit tous les jours et qu'on travaille tous les jours avec ces gens, ils arrivent à avoir un personnalité, même s'ils sont alités. Je suis convaincu que les travailleurs qui sont là auraient eu le sens des responsabilités de dire: Oui, d'accord, nous, comme mouvement syndical, ne pouvons pas nous permettre de tenir en otage des

gens qui sont incapables de pourvoir eux-mêmes à leurs propres besoins et qui ont besoin de nous comme travailleurs. Je ne peux pas croire que les oreilles de ces gens auraient été bouchées, M. le Président, mais je suis encore plus incrédule face à cette démission du gouvernement dans ce secteur-ci.

Pour ne pas parler de l'incohérence de la politique gouvernementale globale, demain, on donnera la claque aux syndicats avec la loi 70 et, d'un autre côté, on vient leur dire: Vous avez sûrement le sens des responsabilités et vous serez gentils durant les grèves. On leur fait du chantage d'un côté et on leur dit, de l'autre côté: On se fie à vous. C'est naïf, M. le Président. Peut-on le qualifier autrement? C'est un discours qu'ils ont de la difficulté à lâcher, qu'ils ont commencé il y a quatre ou cinq ans par l'établissement des listes syndicales et qu'ils ont énormément de peine à lâcher, parce que, face aux constatations des trois ou quatre dernières années, c'est clair que cette affaire ne marche pas. Si c'est si clair, M. le Président, il aurait été beaucoup mieux que le gouvernement soit clair en disant carrément: Dans tel et tel services, il n'y a pas de grève. On fait confiance au sens des responsabilités des syndiqués, des Québécois pour qu'il n'y ait pas de grève dans ces secteurs.

Qu'on ne vienne pas, par après, nous parler de risques énormes, comme justification, pour lesquels ils n'ont pas osé le faire. Ce n'est pas en termes de risques, M. le Président, c'est parce qu'ils ont perdu la face avec le discours sur les travailleurs qui avait été mis de l'avant en 1978, avec la loi 59. C'est difficile d'avouer cela après. On essaie de le faire en disant des paroles qu'il faut bien dire devant les caméras et en essayant de faire passer de façon inaperçue quelque chose qui ressemble étrangement à ce qui était là en 1978 avec le projet de loi 69. Comme le soulignait Lysiane Gagnon: "Le ministre Marois affirme faire confiance au sens des responsabilités des parties, c'est-à-dire des grévistes. Le ministre Johnson, en présentant, il y a trois ans, la loi qui a présidé aux abus de 1979 disait exactement la même chose."

Une voix: Ah!

M. Sirros: C'est le même principe, M. le Président. Ils n'ont pas eu le courage d'avouer qu'ils ont eu tort, qu'ils ont fait une erreur grave, qu'ils ont, pour leur malheur, fait payer des gens qui étaient dans ces institutions. Ils n'ont pas eu le courage d'avouer que ce fut une gaffe en 1978.

Le dommage dans tout cela, M. le Président, c'est qu'ils répètent la gaffe. Ils font la même erreur encore une fois, essayant cette fois-ci de faire croire que les services essentiels ont primauté sur le droit de grève. Ce n'est pas si difficile, si vraiment on le croit, si vraiment on veut que ce soit ainsi, de légiférer dans ce sens. C'est tout, c'est aussi simple que cela.

Une voix: Merci.

M. Sirros: Si vous voulez d'autres recommandations, venez de ce côté-ci et on vous dira quoi faire, parce que, de plus en plus, vous êtes incapables de gouverner, incapables de gérer une société où, de plus en plus, les différences deviennent de plus en plus cristallisées, et vous accentuez de façon presque volontaire les différences qui existent dans cette société.

Le dommage, c'est que nous aurons tous à vivre ensemble un jour, qu'on le veuille ou non... Si on n'arrive pas à gérer et à gouverner de façon à rapprocher les forces sociales plutôt qu'à les diviser, mon Dieu! je m'inquiète, d'autant plus quand je vois des choses pareilles, quand on se lève continuellement de l'autre côté pour nous dire comment il faut absolument maintenir les services essentiels, etc., et qu'on nous présente des choses qui n'ont rien à voir avec cette affaire, M. le Président. Un certain degré d'honnêteté intellectuelle aiderait énormément à aller loin, dans cette province-ci. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement et député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Merci, M. le Président. (17 h 30)

M. Jacques Brassard

M. le Président, dans le message inaugural de novembre 1981, le premier ministre prenait l'engagement suivant: "Pour donner suite à cette commission - il faisait allusion à la commission parlementaire qui avait entendu toute une série de mémoires sur le sujet débattu actuellement - et aux réflexions qu'elle a suscitées, le gouvernement a décidé de vous proposer certains amendements aux mécanismes de la négociation, mais aussi et surtout une formule pour assurer, une fois pour toutes, la primauté du droit des personnes à recevoir les services essentiels, particulièrement dans le secteur si névralgique de la santé. Car il faut bien finir par résoudre ce qui est apparu jusqu'ici comme la quadrature du cercle, c'est-à-dire le maintien d'un droit de grève qui apprenne à s'exercer, lorsqu'on croit devoir le faire, d'une manière vraiment humaine et civilisée." Voilà ce qu'affirmait le premier ministre en novembre 1981. Cette préoccupation se reflète, bien sûr, dans le projet de loi no 72 que nous étudions présentement.

Ce qu'affirmait le premier ministre, au fond, M. le Président, c'est qu'en matière de droits fondamentaux il peut survenir des conflits de droits et, dans ces cas-là, il faut décider, comme société et comme gouvernement représentant cette société, quel droit prime sur tel autre.

Dans le cas qui nous intéresse, quels sont les droits qui sont en cause, M. le Président? Il y en a plusieurs. Je peux vous en citer un certain nombre. Il y en a certains qu'on retrouve, par exemple, dans la Charte des droits et libertés de la personne. L'article 2: "Tout être humain dont la vie est en péril a droit au secours. Toute personne doit porter secours à celui dont la vie est en péril, personnellement ou en obtenant du secours, en lui apportant l'aide physique nécessaire et immédiate." L'article 48 de la même charte: "Toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation. Toute personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu." L'article 39 de la Charte des droits et libertés de la personne: "Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu."

Je pourrais aussi citer la Loi sur les services de santé et les services sociaux. L'article 4: "Toute personne a droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée, compte tenu de l'organisation et des ressources des établissements qui dispensent ces services."

On pourrait aussi ajouter un certain nombre de droits 'que l'on retrouve dans le Code du travail: le droit d'association et aussi, bien sûr, le droit de grève pour les syndicats, pour les associations de travailleurs.

Lors de la commission parlementaire qui a étudié ce problème, on a vu défiler un grand nombre d'organismes qui ont déposé des mémoires à cette commission. Certains de ces organismes disaient, en somme, en substance: Le droit de grève doit disparaître, doit être aboli dans les services publics, en particulier dans les services de santé et dans les services sociaux. C'était le cas - je m'en souviens - du Comité provincial des malades, entre autres, mais également d'autres organismes. L'abolition du droit de grève, bien sûr, au profit du droit des citoyens aux services de santé et aux services sociaux.

D'autres organismes, par contre, se sont présentés devant la commission et ont érigé le droit de grève en absolu, il faut bien le reconnaître. Je relisais dernièrement le mémoire de la Centrale de l'enseignement du Québec, la CEQ, je vous en cite certains extraits, M. le Président, et vous allez voir: "C'est en se servant de l'alibi des services essentiels à assurer aux usagers que l'on attaque le droit de grève." Remarquez l'expression, M. le Président: "alibi des services essentiels". Autre citation du même mémoire: "En quoi le fait que nos services soient essentiels devrait-il nous empêcher d'établir un rapport de force visant à nous situer d'égal à égal avec nos employeurs?" Autre citation du même mémoire de la Centrale de l'enseignement du Québec: "Le progrès social et le développement de nouveaux services, fruits des luttes des travailleurs, nous commandent de combattre non seulement toute tentative de restrictions accrues de l'exercice du droit de grève, mais d'en revendiquer son élargissement et la possibilité d'y recourir quand la nature des problèmes rencontrés le nécessite." Ce qui rejoignait l'une des revendications, toujours devant la même commission, du front commun des centrales syndicales, qui réclamait le droit de grève permanent, en tout temps, y compris dans les services publics et les services sociaux.

M. le Président, face à ces divergences - parce que ceux qui ont participé aux travaux de cette commission, et j'en étais, ont bien dû constater qu'il y avait des divergences profondes, des oppositions de points de vue - et à ces oppositions, le gouvernement a pris ses responsabilités, en tant que gardien de l'intérêt public, en assurant de la façon la moins équivoque possible la primauté du droit des personnes à des services essentiels, primauté de ce droit sur tout autre droit qu'on retrouve dans le Code du travail et en particulier le droit de grève. Cette primauté est assurée de diverses façons dans le projet de loi no 72.

Je voudrais mettre l'accent en particulier sur ce qui m'apparaît les trois principes fondamentaux de ce projet de loi, qu'on retrouve d'ailleurs dans le rapport Martin-Bouchard, de la commission d'étude sur la révision du régime des négociations collectives dans les secteurs public et parapublic qui avait été mise sur pied en 1978. Ces trois principes fondamentaux dont je voudrais parler quelque peu, M. le Président, ce sont d'abord la primauté de la négociation locale en matière de services essentiels; deuxièmement, la nécessité d'un contrôle externe; et, troisièmement, la responsabilité de l'État en cette matière.

Premier principe, la primauté de la négociation locale. Je vous cite un paragraphe du rapport Martin-Bouchard: "Le respect des rôles assignés à chacun doit se traduire par l'obligation de négocier en vue de conclure une entente sur les services essentiels et la façon de les maintenir. C'est d'abord là et avant tout que les parties, syndicale et patronale, auront l'occasion de manifester le sens des responsabilités qu'elles revendiquent. Le niveau local est le forum

tout indiqué pour de telles négociations."

Je pense que tout le monde convient à ce sujet-là que c'est d'abord à ce niveau qu'il faut tenter d'en arriver à une entente sur ce sujet si délicat des services essentiels. Il faut d'abord donner aux parties la possibilité d'en arriver à une entente à la fois sur la quantité et la qualité des services à maintenir en cas de conflit ou en cas de grève. Je pense que là-dessus il y a un consensus général. Donc, primauté de la négociation locale. On retrouvait d'ailleurs ce principe-là dans la loi actuelle et on le retrouve de nouveau aussi dans le projet de loi no 72.

Deuxième principe important, qu'on retrouve aussi dans le rapport Martin-Bouchard, c'est la nécessité d'un contrôle externe. C'est un autre principe fondamental qui doit être appliqué dans ce domaine si l'on veut, de façon concrète, assurer cette primauté des services essentiels et ce droit du public à des services essentiels. (17 h 40)

Je pense, M. le Président, qu'on ne peut pas, s'il n'y a pas entente au niveau local sur des services essentiels, honnêtement laisser à la partie syndicale le soin et le pouvoir ultimes de déterminer la liste des services essentiels. Les raisons que le rapport Martin-Bouchard invoquait à ce sujet-là sont toujours valables. Encore une fois je me permets de citer le rapport Martin-Bouchard. "La commission est convaincue de la sincérité de l'intention des salariés en général de ne pas permettre qu'une grève mette en péril ou compromette de façon irrémédiable la vie et la sécurité de la population. Mais les difficultés inhérentes à la définition des services essentiels se posent aussi pour les salariés. Ils n'ont pas forcément l'expertise requise, par exemple, pour porter des jugements de nature médicale. De plus, ils sont en conflit d'intérêts; moins ils maintiennent de services, plus leur grève est efficace. Enfin, les négociations, lorsqu'elles se durcissent et surtout lorsqu'elles dégénèrent en conflits, provoquent des comportements de plus en plus émotifs. On voit mal, concluait la commission, comment des décisions aussi délicates et importantes pour le public peuvent être valablement prises, d'une façon finale, dans un tel climat."

Je pense que l'expérience a démontré que la commission Martin-Bouchard avait raison, voyait juste. Lors de la dernière ronde des négociations, le nombre des dépôts de listes syndicales était nettement supérieur au nombre d'ententes entre les parties. Dans le secteur des affaires sociales - c'est le plus important, bien sûr - dans l'ensemble du réseau des affaires sociales, il y a eu 509 ententes de conclues lors de la dernière ronde et 720 listes de déposées.

Quant aux listes, il y a eu, en tout, 46 établissements où le syndicat a déposé une liste à zéro. 720 dépôts de listes, cela veut dire que dans 720 établissements, lors de la dernière ronde, c'est la partie syndicale seule qui déterminait les services essentiels. Le syndicat déposait une liste et acquérait ainsi le droit de grève, sans contrôle externe, sans jugement porté, sans évaluation sérieuse sur la suffisance ou l'insuffisance de cette liste de services essentiels déposée par la partie syndicale. Il y avait là - en tout cas, c'est mon opinion - une carence indéniable de la loi 59.

Évidemment, vous comprendrez que je n'ai pas examiné les 720 listes déposées pour voir s'il y avait suffisance ou insuffisance en matière de services essentiels, mais l'Association des centres d'accueil, qui a déposé elle aussi un mémoire devant la commission, a fait, dans son secteur, en tout cas, une enquête, je pense, sérieuse pour voir qu'est-ce que donnait le système du dépôt de la liste syndicale. Dans son mémoire, en page 73, l'association a fait une enquête s'appuyant sur des critères rigoureux, en novembre 1979, et dans les 88 centres d'accueil où se trouvait la presque totalité des 96 unités d'accréditation ayant déposé unilatéralement la liste des salariés devant assurer les services essentiels, faute d'entente entre les parties, il n'y a pas eu d'entente. 27 établissements, de ces 88 où il n'y a pas eu d'entente - il y a eu des dépôts de listes - prévoyaient se trouver dans une situation critique si la grève se prolongeait au-delà de 48 heures. De ce nombre, on dénombrait onze établissements du secteur de réadaptation et seize du secteur d'hébergement. Les onze établissements concernés assumaient la responsabilité de handicapés physiques ou de handicapés mentaux très dépendants. Dans d'autres cas, il s'agissait d'établissements offrant des services d'hébergement sécuritaires et dont le mandat était de prendre en charge les enfants qui leur étaient confiés. Dans les seize centres d'hébergement, la situation était tout aussi dramatique. Les bénéficiaires étant en majorité classifiés A-3, A-4 - dans le jargon des affaires sociales, ce sont des personnes presque sans autonomie - leur état de santé requérait des soins constants. En conséquence, les gestionnaires ne pouvaient envisager une diminution des taux d'occupation que dans des proportions infimes. 34 autres établissements envisageaient la situation comme pénible pour leurs bénéficiaires.

Ainsi, 70% des établissements ayant fait l'objet d'un dépôt unilatéral d'une liste de salariés requis pour maintenir un service essentiel, se retrouvaient dans une situation jugée par l'association inacceptable. Je pense qu'on doit prendre son opinion comme sérieuse. Vous savez que dans ces secteurs, public et parapublic, on parle souvent des

patrons. Les patrons, ce ne sont pas des multinationales qui habitent je ne sais où. Généralement, non pas seulement généralement, c'est du monde comme nous autres. Ce sont des administrateurs qui vivent dans le milieu et qui connaissent aussi le fonctionnement et ce qui se passe dans leur établissement. C'est ça la situation.

Donc, le gouvernement en est arrivé à la conclusion qu'il y avait nécessité d'un contrôle externe. Le contrôle sera fait par le conseil des services essentiels dont on prévoit la création dans le projet de loi no 72 et qui sera permanent et dont la responsabilité ultime sera d'évaluer la suffisance ou l'insuffisance des services essentiels, qu'il y ait entente ou pas, M. le Président. C'est cela qui est important aussi. Le conseil des services essentiels ne fera pas qu'évaluer la liste syndicale. Il va aussi évaluer les ententes. Même s'il y a entente, il y aura évaluation et jugement porté sur les ententes. S'il y a insuffisance, "Le conseil doit faire rapport - c'est l'article 111.10.2 - au ministre lorsque les services essentiels prévus à une entente ou à une liste sont insuffisants ou ne sont pas rendus lors d'une grève. Ce rapport doit préciser en quoi les services essentiels prévus ou effectivement rendus sont insuffisants et dans quelle mesure cela constitue un danger pour la santé ou la sécurité publique."

Troisième principe, tout aussi important, c'est la responsabilité de l'État, car l'État, c'est-à-dire le gouvernement, a un rôle précis à jouer pour assurer la primauté du droit aux services essentiels sur l'exercice du droit de grève, d'abord, en conservant ce qu'il avait déjà: le droit de suspendre l'exercice du droit de grève. C'est un article prévu dans le projet de loi qui fait que lorsque le conseil des services essentiels fait rapport et juge qu'il y a insuffisance en matière de services essentiels, le gouvernement peut, par décret, suspendre le droit de grève dans tel ou tel établissement. Ensuite, le gouvernement a aussi un rôle précis en faisant en sorte que des paramètres, des balises prenant en considération l'état de dépendance physique ou mentale des bénéficiaires, la vocation de l'établissement, le type de services dispensés, les taux d'occupation, paramètres, balises et protocoles-cadres soient précisés par le Conseil des services essentiels en consultation avec les parties impliquées, mais aussi qu'ils soient approuvés et modifiés, si nécessaire, par le gouvernement. Je pense que le gouvernement assume ainsi ses responsabilités. Je ne vois pas comment l'Opposition peut dire que le gouvernement n'exerce pas ou n'assume pas ses responsabilités en cette matière.

En guise de conclusion, M. le Président, je voudrais vous citer un paragraphe du rapport du Conseil d'information sur les négociations dans les secteurs public et parapublic; avant de mourir, il disparaît, il n'existera plus. Je le cite: "II semble exister une croyance à l'effet qu'une loi ou qu'un amendement législatif va être le remède à tous les maux. Pourtant, rarement est-ce le cas. Loin de nous l'idée de suggérer de ne pas chercher du côté législatif les ébauches de solutions. Les théories sur la gestion des conflits aussi bien que le sens commun nous enseignent l'importance du cadre structurel, mais ce cadre n'est qu'un des aspects. Indépendamment des modifications apportées au régime des négociations collectives, le climat ne changera pas tant que les parties ne manifesteront pas une volonté commune de le changer."

Je conclus là-dessus, M. le Président, en vous disant ceci: Ce projet de loi, même s'il n'est pas parfait, constitue une amélioration par rapport à ce qui existait auparavant, mais il faudra que ce progrès législatif soit relayé par un progrès au niveau des mentalités, au niveau de la conscience sociale de la collectivité, car cette primauté qu'on veut assurer du droit à des services essentiels ne doit pas seulement s'inscrire dans un texte de loi, M. le Président. Cette primauté devra aussi s'installer, je dirais, dans nos consciences et même dans notre inconscient collectif. Alors, on pourra peut-être atteindre cet objectif que fixait le premier ministre dans son message inaugural: maintien d'un droit de grève qui apprenne à s'exercer lorsqu'on croit devoir le faire d'une manière vraiment humaine et civilisée.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: C'est strictement sur une question de règlement, si vous voulez. Le député de Louis-Hébert peut commencer son intervention maintenant, si on nous permet de déborder au-delà de 18 heures, ou peut-être préférez-vous qu'il commence à 20 heures? Il pourrait demander maintenant l'ajournement ou la suspension du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): La suspension du débat.

M. Brassard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: ... je pense qu'il peut demander plutôt l'ajournement du débat, parce qu'il y a une entente intervenue avec l'Opposition pour qu'à 20 heures, avant de reprendre le débat là-dessus, on dispose de la troisième lecture du projet de loi no 46. Ajournement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Je vais demander l'ajournement du débat, compte tenu des remarques qu'a faites le leader adjoint du gouvernement.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion d'ajournement est-elle adoptée?

M. Brassard: Suspension de nos travaux, M. le Président, à 20 heures. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de suspension est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 52)

(Reprise de la séance à 20 h 01)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! Vous pouvez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, comme convenu, nous entreprenons la troisième lecture du projet de loi no 46. C'est à l'article 4 du feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi no 46 Troisième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): Article 4. Troisième lecture du projet de loi no 46,

Loi modifiant la Loi de la Communauté urbaine de Montréal.

M. le ministre des Affaires municipales.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, nous voici rendus à l'heure de consacrer près de trois ans de travail et de consultation sur la grande métropole économique et culturelle du Québec, sur l'agglomération de Montréal. Il s'agit donc du projet de loi no 46 sur la Communauté urbaine de Montréal. Il s'agit d'un projet de loi avec lequel nous voulions rendre plus dynamique et plus moderne l'élan qui était déjà inscrit dans la vie quotidienne de la communauté urbaine par les élus municipaux et par les contribuables. Le dilemme n'était pas simple. Il fallait décider de quel genre d'organisation voulaient se servir dorénavant les élus des 29 villes de l'île de Montréal pour régler leurs enjeux communs, des autobus communs pour le territoire d'ensemble, des patrouilles policières communes pour le territoire d'ensemble, un plan d'utilisation du terrain commun pour un territoire d'ensemble et des installations d'eau potable communes pour un territoire d'ensemble, etc.

Évidemment, on peut envisager diverses solutions, mais il nous semble que la communauté est la meilleure d'entre toutes. Diverses solutions. Il y avait par exemple des offices ou des régies gouvernementales, parce que cela existe ailleurs. En commission parlementaire, il y a eu unanimité contre. Lors des consultations antérieures à la préparation du projet de loi, tous les élus municipaux de l'île ont dit non à une telle solution. Une autre solution non choisie, celle des fusions, celles des arrondissements, parce qu'il en a été question aussi. Une autre solution qui n'a pas été retenue, une ville mandataire. Cette alternative n'avait rien qui puisse respecter nos traditions démocratiques et n'allait pas dans le sens des dernières législations municipales du Québec. La solution qui a été retenue - c'était l'avis unanime en commission parlementaire - c'est celle d'une communauté urbaine où chacune des villes serait au chapitre et contribuerait, selon son poids démographique, par quote-part, à l'effort de l'ensemble.

Ailleurs, au Québec, on apprend depuis trois ou quatre ans à vivre la réalité de la coopération intermunicipale, d'abord par les ententes intermunicipales qui sont venues de par la loi 74 en ce qui concerne l'économie, les défis des problèmes communs qui ont forgé ce type d'organisation, ensuite, par les municipalités régionales de comté. Il y en a déjà 77 d'inscrites dans le paysage. La complémentarité des municipalités au sujet de l'industrie, de l'agriculture, du territoire, de la population, la complémentarité ville-campagne, la complémentarité des municipalités, dis-je, et leur implication dans une région identifiée comme communautaire, communautaire régionale, ont suscité ce type d'organisation pour l'aménagement.

La réussite de ce type d'entente, de cette sorte d'organisation vient de la responsabilité intégrale la plus respectée des représentants élus qui y travaillent et de l'équilibre entre les parties composantes.

Sur l'île de Montréal, cependant, une mentalité commune est en émergence et il y a nécessité de réagir à de très grands défis communs où le retard, il nous semble, coûterait cher en ce qui concerne l'aménagement, le transport en commun, l'assainissement des eaux, la promotion industrielle et commerciale. Il s'agit de 2 000 000, ou de près de 2 000 000 de citoyens sur le territoire de la CUM, contre quelque 4 000 000 ailleurs au Québec, sur un ensemble de 6 000 000 de Québécois.

Il y a des comparaisons frappantes sur

les implantations culturelles et industrielles. Par exemple, dans toute cette communauté urbaine, il y a, comme dans les autres municipalités du Québec, une volonté unanime de moderniser la structure existante, soit en partie, soit dans son entier.

La Communauté urbaine de Montréal existe depuis treize ans. Elle dépense annuellement 600 000 000 $ et il a fallu faire aussi, au bout de ces treize années de vie, un constat sur sa relative inefficacité. Par exemple, depuis cinq ans, ses budgets ont augmenté de 115%, ce qui est une augmentation considérable. Il y a des services en double. Il y a des élus qui ne trouvaient pas leur responsabilité reconnue et inscrite suffisamment dans la structure existante, en particulier, en ce qui concerne la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal et les services de la police.

Nous avons aussi fait un constat sur l'indifférence et surtout la méconnaissance des citoyens contribuables devant la structure existante. Le mouvement de contestation des taxes est neuf et révélateur à ce sujet. On a demandé plus de visibilité, plus de lumière sur les prises de décision au niveau lointain de l'intermunicipal. On a aussi fait un constat sur la frustration d'une partie des membres de la communauté, et qui n'était pas neuve, au moment où nous nous en sommes parlé récemment. Il y a eu des grèves, une quote-part, notamment, tout au long de cette vie de treize ans de la communauté urbaine. Il y avait eu, auparavant, plusieurs tentatives à la recherche d'un meilleur équilibre. En 1955, c'était le rapport Paquette; en 1958, le comité Croteau; en 1964, le rapport Blier; en 1973, le rapport Hanigan, pour ne citer que ceux-là.

Notre solution est issue de toute cette histoire, de toute la vie quotidienne de la plus importante communauté urbaine du Québec qui a, à son actif - nous devons en féliciter les acteurs dont surtout ceux de la ville centrale, Montréal, qui en ont supporté un grand poids jusqu'à présent - plus de réussites que de défaites. L'assainissement des eaux est en bonne voie. Le schéma d'aménagement est commencé enfin. Un service de transport en commun y est de plus en plus intégré. Il s'agit de poursuivre, je pense, l'efficacité de la machine, simplifier l'administration. Il fallait aussi rendre plus ouvertes l'administration et des décisions aux citoyens de toute l'île. Il fallait aussi, à leur propre demande, augmenter la responsabilité des élus des 29 villes qui composent la communauté.

Nous croyons, M. le Président, que nous avons atteint ces objectifs demandés par la population, ses représentants, demandés aussi par son évolution et exigés aussi par son territoire.

Nous avons mis dans ce projet de loi un certain nombre d'outils, par exemple, un nouvel équilibre qui n'est pas l'équilibre entre deux communautés, mais qui est un nouvel équilibre à l'intérieur d'une communauté. Le nouveau conseil, par exemple, respectera, à mon avis, davantage le poids démographique tant dans ses modes de vote que chez ses représentants. Son pouvoir en sort renouvelé et grandi et, en particulier, c'est le nouveau conseil qui décide des grandes orientations de la Communauté urbaine de Montréal, alors que l'exécution de ces orientations est confiée, elle, au comité exécutif dont on connaît maintenant la composition. (20 h 10)

La nouvelle mentalité, ce sera largement l'ouverture des mouvements de la communauté aux gens de l'île, au monde de l'île. Un conseil va siéger en public, qui annoncera d'ailleurs ses décisions; il y aura des commissions sur chacune des grandes responsabilités dévolues à la communauté, qui siégeront en public, qui annonceront à l'avance leurs réunions. Il y aura effectivement, sur un sujet de l'heure qui nous occupe beaucoup, la commission de l'évaluation foncière et des finances qui va entendre les citoyens sur toutes les questions de l'évaluation foncière.

La nouvelle mentalité sera aussi créée par une plus grande surface de responsabilités aux élus communautaires soit par l'adoption du budget selon certains degrés d'entente, par tranches trimestrielles ou par parties que nous voulons adopter au début, avant l'exercice financier, soit par un discours sur le budget, comme dans les autres municipalités du Québec, qui va comporter un rapport sur la situation financière de la Communauté urbaine de Montréal, comme, aussi, ses perspectives sur l'année qui va suivre. On aura des tarifs de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal qui seront autorisés par le conseil. Il y aura une période de questions orales. Tout cela, ce sont des dispositifs qui vont donner plus de surface de responsabilités aux élus municipaux de l'île, qui vont amener une nouvelle mentalité.

Cette nouvelle mentalité, ce sera aussi le souci à l'interne de donner un meilleur niveau de services, selon la capacité de payer du contribuable de la communauté. Nous avons simplifié, il me semble, l'administration de la police, la ligne d'autorité de la police. Il y a des décisions, quant aux services de la CUM, qui seront mieux et plus connues parce que les procès-verbaux de la Commission de transport de la communauté urbaine seront publics, transmis au conseil, donc, rendus publics. Les compétences de la Communauté urbaine de Montréal sont d'ailleurs plus explicites

qu'avant, plus nettes, plus précises. Il ne reste d'ailleurs, dans la description de ces compétences, que les domaines exclusifs et obligatoires, proprement communautaires.

Donc, nous avons voulu non seulement respecter tous les citoyens, leurs élus, nous avons voulu moderniser et dynamiser, impliquer aussi les citoyens, créer une communauté qui a des défis qui n'existaient pas à un tel niveau d'intensité au moment de sa création, parce que nous avons là un budget, tant au niveau local qu'au niveau de la CUM, qui représente la moitié des dépenses municipales du Québec.

Nous avons aussi sur l'île de Montréal un phénomène de banlieue qui a conservé sur l'île ce que la ville de Montréal a perdu jusqu'à un certain point, mais qui aujourd'hui vit les mêmes problèmes de décroissance démographique que la ville centrale. Nous avons aussi un phénomène d'aménagement qui est semblable à celui de tous les grands ensembles d'Amérique qui repensent leur organisation territoriale, qui serrent leurs rangs, pour revivifier le centre de leur communauté, de leur territoire tant pour des questions d'énergie, de vie commerciale, que pour des questions d'habitation. De Tocqueville en 1831, à son premier voyage en Amérique, a eu des remarques sur notre système politique qu'il a décrit comme suit: Un pouvoir détaillé, régulier, prévoyant et doux qui travaille au bonheur des citoyens, pourvoit à leur sécurité et assure leurs besoins, facilite leur plaisir et dirige leur industrie. Que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre! Je ne pense pas, M. le Président, que ce soit le cas des Montréalais de l'agglomération de Montréal ni des élus de la communauté.

Une structure n'est pas une panacée. Ici, plutôt, c'est une possibilité de se dépasser et de dépasser la structure, pour des hommes et des femmes, devant les exigences du milieu et la concurrence d'ailleurs que nous avons voulu donner aux Montréalais. Que reste-t-il à faire maintenant, M. le Président? Je pense qu'il reste aux citoyens à suivre leur communauté, à infléchir ses mouvements vers ce qu'ils conçoivent de l'avenir d'une grande métropole francophone d'Amérique. Ils auront à se prononcer maintenant, surtout, par exemple, dans le cas du schéma d'aménagement où la consultation est maintenant commencée. Que reste-t-il aussi à faire aux élus municipaux? Je pense qu'il leur reste à améliorer encore et beaucoup la capacité d'attraction du Grand Montréal et de la ville de Montréal, puisqu'il s'agit d'un tout complémentaire, en ce qui concerne l'habitation, l'industrie, les équipements, et qui vit de plus en plus les mêmes problèmes, en particulier au niveau de la démographie en termes qualité de vie, en termes d'aménagement par rapport à ces équipements. Un seul exemple, celui des pistes cyclables, est drôlement significatif.

Il reste aux élus municipaux à améliorer encore de l'intérieur - ça c'est vraiment notre souhait - leur vie communautaire. Une commission peut, par exemple, étudier les limites territoriales des entités municipales par rapport à la dynamique communautaire. Il leur reste d'améliorer toujours le rapport services communautaires par rapport aux taxes communautaires avec l'aide des contribuables en ce qui concerne la tarification et l'évaluation. Il leur faudra orienter des services communs à toutes les villes vers la concurrence d'envergure internationale. Toronto et Calgary ne tirent pas leur force du contrôle qu'elles exercent sur la communauté dont elles sont membres, mais tirent leur force du fait qu'elles soient membres d'un grand ensemble urbain novateur. 70% des inventions industrielles, des groupes de recherche de toutes sortes, musique autant que littérature, chimie autant qu'électricité, industrie de la mode autant que celle des transports, sont issues de ces grands ensembles urbains novateurs en Amérique, d'où l'importance, M. le Président, que le Grand Montréal maintienne et accroisse son importance.

L'agglomération de Montréal détient des installations uniques en termes de sport et en termes d'industries; elle détient une situation géographique unique aussi par son port, par le Saint-Laurent, par ses deux aéroports; elle détient une situation géographique touristique unique par l'archipel, par la francophonie, par le centre des congrès dont on a vu les engagements, récemment, au sujet du congrès de la Fédération mondiale des villes jumelées. Montréal détient des atouts uniques qu'il faut exploiter. Il faut donc consolider, avec les moyens que ce projet de loi peut offrir, la croissance de l'agglomération de Montréal. Cela est vital pour le Québec et, de plus, le monde syndical et le monde des affaires ont appuyé ce projet de loi. C'est une confirmation que nos objectifs coïncident avec l'avenir du Grand Montréal.

Nous n'aurions pas envisagé un tel équilibre, une telle interaction entre les élus municipaux des 29 villes si nous n'avions pas eu confiance ici, à Québec, dans l'imagination et la vie de Montréal, des Montréalais et de leurs élus. Montréal doit se définir avec tous les atouts que lui confère aussi la banlieue. La banlieue est aujourd'hui forcée de s'aider de la ville centrale, si elle veut participer aux retombées de l'ensemble, mais nous sommes convaincus qu'il y a assez de défis communs sur l'île pour que l'île de Montréal soit une seule et même communauté. Il s'agit d'une nouvelle mentalité qui était prête à émerger,

celle d'une grande métropole de 2 000 000 d'habitants, majoritairement francophones, audacieuse et reconnue mondialement. Nous voulons voir servir, avec un nouveau conseil, de nouvelles commissions et un nouvel exécutif travaillant en pleine lumière, des citoyens qui ont choisi de vivre le plus possible sur l'île de Montréal.

La démocratie de ce projet de loi est exigeante, M. le Président. Le dialogue d'une communauté est exigeant, M. le Président. C'est le prix d'un milieu moderne et contemporain qui est destiné à tous. Alors, je souhaite longue vie à Montréal, longue vie à la Communauté urbaine de Montréal.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, nous arrivons ce soir à la dernière étape avant le vote en troisième lecture du projet de loi qui vise à bonifier la Communauté urbaine de Montréal. Nous avons suivi avec intérêt, du commencement jusqu'à ce moment-ci, le déroulement des différentes étapes qui nous achemine vers une décision finale. Ainsi que nous l'avons manifesté par notre vote de deuxième lecture, nous sommes en accord avec le gouvernement quant à l'intention que véhicule le projet de loi no 46 de bonifier la Communauté urbaine de Montréal dans le sens d'un équilibre plus satisfaisant entre la grande ville de Montréal et les villes de banlieue qui forment ensemble la Communauté urbaine de Montréal. Il n'est point question et il n'a jamais été question dans notre esprit de former une ville unique sur l'île de Montréal, il n'est pas question non plus de retourner au régime d'anarchie, d'individualisme qui a prévalu trop longtemps. Nous voulons une forme de gouvernement de type fédératif modéré. (20 h 20)

Le gouvernement que nous avions eu jusqu'à maintenant sous la forme de la communauté urbaine était trop biaisé en faveur de la ville de Montréal. Les banlieues se sentaient écrasées, elles avaient la conviction, confirmée par une assez longue expérience, que l'influence dans les décisions reposait trop unilatéralement du côté de la grande ville de Montréal. Tout en reconnaissant les réalités à la fois économiques, démographiques, sociologiques et culturelles qui donnent à la ville de Montréal une place unique, une place prépondérante dans la vie de l'ensemble de la communauté urbaine et de toute la région de Montréal, bien au-delà des frontières de la communauté urbaine qui se limitent à l'île de Montréal, nous considérions qu'il était normal, si nous voulons qu'un esprit communautaire se développe sur l'île de

Montréal, qu'une révision des structures soit envisagée. Le projet de loi no 46 va en ce sens et c'est pourquoi nous fûmes très heureux de voter en faveur du projet de loi en deuxième lecture.

Nous considérions que les dispositions du projet de loi allaient peut-être un peu trop loin, dans le sens d'une neutralisation de la ville de Montréal qui se serait traduite en fin de compte par un danger d'intervention et implicitement de domination plus grande de Québec sur les affaires de Montréal. Nous considérons qu'il faut éviter ce danger à tout prix parce que Montréal est une réalité unique dans l'ensemble du Québec. La ville de Montréal, dans le grand paysage montréalais, est la réalité qui donne à tout le reste son sens. Je ne prétends pas qu'il n'y a pas de choses très intéressantes dans les 28 villes de banlieue qui entourent Montréal et qui sont situées parfois à l'intérieur même du grand territoire de la ville de Montréal, mais, tout compte fait, si ce n'était pas de la grande ville de Montréal, cette réalité unique dans le paysage québécois, dans l'ensemble de la réalité québécoise ne serait pas là.

Nous avons eu l'occasion de le dire en deuxième lecture. Il ne s'agit pas de reprendre tous ces discours, mais Montréal est vraiment la plaque tournante qui fait de la province de Québec un pivot de la vie canadienne. C'est la plaque tournante qui nous met en contact directement et quotidiennement à toutes les heures du jour avec la réalité économique, sociale et culturelle avec tout le continent nord-américain, même de l'ensemble du monde. C'est pourquoi elle doit être traitée d'une manière toute spéciale, avec énormément d'égards et de considération. Elle ne peut pas être traitée à la manière d'autrefois qui consistait à se dire: On prend une décision à Québec et que les gens s'inclinent à Montréal. Cela prend des politiques beaucoup plus empreintes de compréhension et de respect, et je dirais aussi, de courtoisie que celles qui ont existé autrefois.

Je me rappelle un jour, au temps de M. Duplessis; je vais vous raconter ce petit souvenir, parce que je suis sûr que le ministre actuel n'agirait jamais de la sorte, ni même le premier ministre. Le premier ministre s'était amené à Montréal un samedi matin, M. Drapeau était au début de son mandat, si mes souvenirs sont bons. Il s'amène à la salle du comité exécutif pour une rencontre avec les dirigeants de Montréal. Il était arrivé avant les autres parce que c'était un homme qui était ponctuel et même matinal, comme on s'en souvient. Il s'installe au fauteuil du maire. Le maire arrive - M. Drapeau était jeune maire - et s'oriente pour prendre le fauteuil. M. Duplessis lui a dit: Asseyez-vous là, c'est moi qui m'assois là ce matin, en voulant dire

que c'est Québec qui dirige les affaires de Montréal, et par conséquent, prenez la place qui vous revient. Lundi matin, vous pourrez occuper votre siège, mais, pour aujourd'hui, sachez où est l'autorité. Ce réflexe est profondément implanté dans la mémoire des Montréalais. C'est un exemple que j'apporte. Je pourrais en apporter des douzaines d'autres. C'est ce que nous voulons éviter. Quand nous discutons de l'avenir de la communauté urbaine, nous ne voulons pas que se confirme l'impression que certains à Québec ont l'impression qu'il suffit que Québec parle pour que Montréal marche. Dans ce sens, même malgré certains caractères de son style qu'on peut discuter, le maire de Montréal incarne une mentalité qui est très profondément répandue dans sa ville. Ce n'est pas pour rien qu'il est réélu aussi souvent depuis une vingtaine d'années. C'est parce qu'il traduit des réflexes et des instincts profonds de ses concitoyens.

Nous avons essayé, au stade de l'étude en commission, de bonifier le projet de loi de manière qu'il réalise une synthèse plus heureuse, plus complète et plus harmonieuse entre ces réalités dont j'ai essayé de parler et l'écart que nous trouvions dans le projet de loi par rapport à ses réalités. Nous avons insisté en particulier sur un point qui est très important. Dans le projet du ministre, les représentants des banlieues et les représentants de Montréal s'en vont au conseil de la communauté urbaine et là, le premier geste qu'ils seront appelés à faire sous le nouveau régime décrit dans le projet de loi 46, ce sera de voter pour la formation d'un nouvel exécutif et le choix d'un président. La formation d'un nouvel exécutif doit se faire sur la base de trois représentants des villes de banlieue et de trois représentants de la ville de Montréal. Nous n'avons pas d'objection à cette règle, nous l'avons dit, nous favorisons assez curieusement - c'est une expression qui va faire sourire les amateurs de formule simple - une parité relative entre les banlieues et Montréal et nous favorisons aussi une prépondérance modérée de Montréal dans les affaires de l'exécutif. La formule que nous avions proposée au ministre pour en arriver à ce but, j'y reviendrai tantôt. Je voudrais tout d'abord dire où nous en sommes avec les décisions qu'a prises le ministre, appuyé par les députés péquistes représentant la région de Montréal qui ont révélé une attitude beaucoup plus faible en commission parlementaire que quand ils donnent des conférences de presse pour se donner l'allure de défenseurs de Montréal.

La formule du ministre consiste à dire: Trois représentants de Montréal à l'exécutif et trois représentants des banlieues, et le président doit être choisi par une majorité des deux camps, c'est-à-dire une majorité des représentants des banlieues au conseil, une majorité des représentants de Montréal.

En cas d'impasse, le président sera choisi par un vote des deux tiers et, si un vote des deux tiers ne suffit pas à choisir un président, le ministre, qui siège à Québec, pourra, du haut de son trône, désigner le président et même le choisir en dehors des membres du Conseil de la Communauté urbaine de Montréal. Nous trouvons que c'est une formule qui présente de nombreuses faiblesses. Pour remédier à ces faiblesses, nous avons présenté un amendement qui nous paraissait très logique et inspiré d'une philosophie démocratique incontestable. Nous avons dit: Que le président soit choisi suivant la règle de la double majorité, nous n'avons pas d'objection, mais, en cas d'impasse, revenons à la règle de la majorité simple.

Au conseil, vous avez une représentation fondée sur le principe d'un représentant par 1000 têtes de population. Cela veut dire que vous avez une véritable démocratie. Ce n'est pas pour rien qu'on a pris ce critère pour définir la représentation au conseil, c'est parce qu'on voulait mettre un élément de démocratie véritable.

Nous avons dit: En suivant la logique de ce critère, si on ne peut pas avoir la double majorité, ayons la majorité simple dans laquelle devront nécessairement se retrouver une majorité de ceux qui siègent démocratiquement au conseil de la communauté urbaine représentant chacun 1000 unités de population. Nous étions très intéressés à observer la réaction des députés qui représentent le gouvernement. Nous avions observé le ministre quand la commission a entendu les témoins de la ville de Montréal et des banlieues. Nous l'avions trouvé d'une aménité irréprochable. Je l'ai dit avec plaisir dans mon discours de deuxième lecture. Cette aménité nous avait fait espérer un peu de souplesse de sa part. Nous n'avons point trouvé cette souplesse au stade de l'étude en commission et, sur cet amendement que nous avons présenté, le ministre a exprimé son opposition. Il n'a pas voulu accepter l'amendement. (20 h 30)

Nous n'attendions pas qu'il sacrifie un élément, qu'il considère sûrement essentiel de son projet de loi, de manière facile, mais nous attendions un peu d'appui de ces grands croisés comme la députée de Maisonneuve, le député de Saint-Jacques et le député de Rosemont, les grands défenseurs de Montréal, de la prépondérance de Montréal, qui nous ont fait des discours magnifiques. Nous nous disions: Au moins, sur un amendement comme celui-là, nous pourrons compter sur leur collaboration. Ce sont des gens sincères qui se sont prononcés contre leur ministre, contre leur gouvernement. C'est dur, cela! Nous les attendions, M. le Président, avec infiniment d'intérêt. Ils se sont écroulés

comme des moutons. Ils se sont écrasés comme des véritables brebis dociles. Quand l'amendement a été soumis au vote, qu'est-ce qui s'est produit? Ces messieurs qui avaient des convictions tellement fortes, des opinions tellement arrêtées que, nous autres, nous nous trouvions timides dans nos positions, nous trouvions que nous y allions avec infiniment de prudence... Mais quand même sur les principes, c'était clair. Le principe était d'un côté. Il ne peut pas être des deux en même temps. C'est malheureux pour ceux qui veulent tout concilier. À un moment donné, le principe va d'un bord. Le député de Prévost en apprend quelque chose ces temps-ci, d'ailleurs.

Des voix: Ah!

M. Ryan: Nous avons dit que, sur le principe, nous penchons de ce côté-là. C'était difficile. Il y a des membres dans notre groupe qui ont d'autres opinions et c'est leur droit. Nous les respectons. Mais nous avons présenté un amendement, comme groupe parlementaire de l'Opposition, demandant que le président de l'exécutif soit choisi, en cas d'impasse, par une majorité simple, ce qui aurait évité au ministre l'obligation d'intervenir dans une décision aussi importante.

Alors, nos députés que nous espérons entendre plus tard dans ce débat, nos députés péquistes de l'est de Montréal, les défenseurs de l'autonomie de Montréal se sont piteusement abstenus. Il y en a un d'entre eux qui a présenté un amendement par la suite, une audace terrible, une audace à renverser le mont Royal, la règle de l'alternance. On est passé par cette tentation, M. le député de Rosemont. On l'a laissé tomber en cours de route parce qu'on s'est dit que cela ne réglait rien. J'en avais parlé, d'ailleurs, avec le ministre qui m'avait opposé de très bons arguments à cette formule et je lui avais dit: Franchement, je pense que je comprends et je n'en ferai pas une grosse bataille.

Alors, nous l'avons fait au nom du principe bien simple que voici: au cas où il y aurait un très bon homme qui viendrait de la ville de Montréal ou des banlieues pour la deuxième fois, nous ne voulions pas que cet excellent candidat soit éliminé au profit d'une règle qui repose sur un automatisme aveugle. Nous voulions qu'en tout temps la communauté urbaine ait la faculté de choisir, comme son président, le meilleur homme ou la meilleure femme, le meilleur candidat possible. C'est pourquoi nous avons renoncé à la règle de l'alternance pour proposer une formule qui, évidemment, allait d'un côté, mais on nous est arrivé avec cela et je n'ai pas entendu d'autres éclats de voix des membres de ce mini-caucus qui est, d'ailleurs, devenu extrêmement discret depuis ce temps-là.

C'est un regret profond que nous éprouvons en présence du projet de loi qu'on nous présente dans sa forme finale et je tiens à souligner que cela nous inspire beaucoup de souci pour l'avenir. J'espère que, malgré nos appréhensions, le ministre ne sera point obligé d'intervenir et que les intéressés trouveront eux-mêmes une solution en ce qui touche le choix de leur président.

Le ministre a dit, en commission parlementaire, au premier stade - il l'a laissé tomber vers la fin pour apaiser les critiques très virulentes qui s'élevaient contre lui - "Ne vous inquiétez pas! Le premier président, si je suis appelé à le nommer, sera un représentant de la ville de Montréal." Je trouve cela assez déplorable. Une décision aussi importante, on nous la communique sans cérémonie comme un petit biscuit à la fin d'une réception. "Ne vous inquiétez pas! Tout ce que nous avons discuté, on va vous donner cela quand même. Je ne peux pas le mettre dans mon projet de loi; je n'ai pas assez de conviction pour cela, mais je vais vous le donner quand même. Ne me faites pas de peine jusqu'aux prochaines élections."

Des voix: Ah!

M. Ryan: Ce n'est pas sérieux. Le ministre est beaucoup plus sérieux que cela. Il est capable de nous présenter des choses beaucoup plus responsables. Je ne sais pas où il en est. Je ne sais pas s'il a eu des pourparlers avec les autorités de la ville de Montréal ou avec les membres de son caucus. Je ne sais pas s'il a pu les apaiser avec cela, mais je maintiens fermement ce que nous avons défini jusqu'à maintenant, ce que nous avons présenté en commission parlementaire, et c'est la position que notre parti aurait voulu voir inscrite dans le texte final du projet de loi.

Nous avions insisté sur un autre besoin qui nous paraît évident, un gros problème qui s'est posé à la communauté urbaine. Ce n'est pas à propos du métro. Le métro, les gens trouvent que ça marche. Cela coûte cher, et tout, mais c'est entré dans la machine à décision, la réalisation et il n'y a pas de question majeure qui se pose là-dessus. Les autres décisions, la plupart d'ailleurs, échappent à la perception des citoyens des différentes villes qui forment la Communauté urbaine de Montréal.

Le gros point par lequel la communauté urbaine est présente dans chacun des foyers de la région de Montréal, autant de la ville de Montréal que des 28 villes de banlieue, c'est le compte de taxes qui arrive chaque année, le fameux compte de taxes qui a connu une ascension vertigineuse au cours des dernières années, dont j'ai donné des exemples et dont plusieurs de mes collègues

ont donné des exemples. D'ailleurs, le ministre n'en avait pas besoin, il est très familier avec cette situation.

Nous avions dit au gouvernement, qui, d'habitude, est fort sur les symboles, sur ces aspects de la réalité politique qui sont plutôt de l'univers des symboles, nous lui avions dit que c'est ce qui préoccupe surtout les contribuables, et si vous voulez les intéresser à la vie de la communauté urbaine et essayer de les entendre directement en vue d'améliorer leur condition de contribuables, donnez-leur donc une commission spéciale parmi les commissions permanentes que vous instituerez au sein du conseil de la communauté urbaine qui sera chargée spécialement de l'étude des problèmes de l'évaluation. Créez une commission distincte de la commission des finances qui aura beaucoup d'autres soucis: les emprunts, l'équilibre des budgets, les problèmes financiers de l'ensemble de la communauté urbaine. Il y en a beaucoup pour l'occuper, tellement, même, que nous croyons qu'elle ne pourra pas donner aux problèmes d'évaluation toute l'attention qu'ils méritent à l'heure actuelle. Il y a un dégoût, un désenchantement profond des citoyens à l'endroit de ces charges fiscales extrêmement alourdies auxquelles ils doivent faire face.

Parfois, j'entends le ministre des Finances nous dire: Le fardeau fiscal, on l'avait réduit au début et, là, il a augmenté de nouveau depuis deux ans, après les élections, évidemment, et après le référendum. S'il prenait l'ensemble du fardeau fiscal, y compris celui auquel doivent faire face les contribuables au niveau municipal, au niveau de la communauté urbaine, il serait obligé d'admettre que les taxes ont joliment augmenté depuis six ans au Québec.

Nous aurions voulu une commission spéciale qui eût été chargée de l'étude des problèmes d'évaluation dans un climat de consultation et de dialogue avec les citoyens. Nous la voulions pour une deuxième raison, cette commission. L'addition d'une sixième commission aurait permis d'assurer un équilibre intéressant entre les villes de banlieue et la ville de Montréal dans le partage des charges. Il aurait très bien pu être prévu dans le projet de loi que trois présidences de commission auraient été occupées par des représentants de villes de banlieue, trois présidences par des représentants de la ville de Montréal, et nous aurions eu la parité dans ce domaine des responsabilités orientées vers la consultation et le dialogue avec les citoyens, au lieu de cinq commissions dont nous ne savons pas comment l'élection de leurs dirigeants se fera, à quel résultat il aboutira parce que tout cela sera abandonné à des jeux de coulisses et de calculs qui peuvent donner des résultats beaucoup plus fortement pondérés en faveur de Montréal que ce n'aurait été le cas sous l'autre système.

C'était un amendement qui nous paraissait quand même intéressant, un amendement propre, un amendement logique. Refusé! Aucune espèce de considération pour cet amendement que nous avions proposé et aucune espèce d'aide, à ma connaissance, ne nous est venue. Je n'ai pas pu être tout le temps à la commission, malheureusement; j'y ai été pendant un certain temps, mais j'ai été remplacé par des collègues ensuite. Je ne crois pas que nous ayons eu beaucoup d'aide dans cet effort pour rétablir un meilleur équilibre de la part des députés du Parti québécois.

Il y a un point, on nous a donné la période de questions orales. On a même refusé d'inscrire dans la loi qu'elle devrait durer au moins trente minutes, ce qui laisse au conseil de la communauté urbaine le soin de décider; s'il veut que la période dure seulement dix minutes, il sera libre de le faire. En tout cas. Je mentionne ces faits. Mes collègues qui interviendront après moi y reviendront sans doute aussi pour exprimer notre déception de la manière dont le ministre a réagi à nos suggestions, après avoir, en première étape, adopté une attitude très courtoise et très réceptive. (20 h 40)

Nous déciderons au moment du vote de l'attitude que nous prendrons. Le vote interviendra demain, si je comprends bien. Nous ferons part de nos intentions à ce moment. Nous allons continuer à réfléchir ensemble parce que nous voulons prendre une décision qui soit la meilleure possible pour l'avenir de la communauté urbaine. Mais j'assure le ministre et nos concitoyens que si on avait tenu compte davantage des suggestions éminemment constructives de l'Opposition, on aurait un meilleur texte de loi.

Souvent le gouvernement nous dit: Vous critiquez toujours, vous êtes toujours négatifs, vous avez toujours du mécontentement à exprimer à propos de tel ou tel sujet. Là, nous avons exprimé des critiques, mais nous avons formulé en même temps des suggestions et, comme c'est arrivé la plupart du temps, quand nous l'avons fait dans cette Chambre, ou en commission, nos voeux n'ont point été écoutés. Malgré ces remarques, malgré ce désappointement que moi-même et la très grande majorité de mes collègues éprouvons au sujet des conclusions auxquelles en est venu le gouvernement, nous formulons des voeux pour le succès de la Communauté urbaine de Montréal nouvelle manière. Nous formulons des voeux très honnêtement pour que le choix du président puisse se faire au premier stade, c'est-à-dire suivant la règle de la double majorité et, à défaut de ce résultat, suivant la règle des deux tiers, qui est restée inscrite dans le

projet de loi et, si on peut franchir cette procédure de manière constructive, de manière réussie, je pense qu'il y aura des choses intéressantes à envisager pour l'avenir.

Nous n'en sommes évidemment qu'au début. Je l'ai souligné en deuxième lecture et je tiens à le rappeler à ce moment-ci, M. le Président, pour que personne ne nourrisse d'illusion quant à la portée réelle du projet de loi. C'est un changement de mécanique un petit peu secondaire à mon point de vue. Ce n'est pas une réforme en profondeur comme celle que nous attendions tous. Il faudra qu'un jour un gouvernement beaucoup plus courageux, beaucoup plus vigoureux que ne l'est le gouvernement actuel accepte de se pencher franchement sur le problème des frontières des 29 villes qui composent la Communauté urbaine de Montréal. Il faudrait qu'on se rende compte que certaines enclaves historiques, qui existent toujours, n'ont été touchées par aucun gouvernement depuis une vingtaine d'années. On parle de ces choses. On tourne autour du problème. Il faudra qu'un jour un gouvernement ait le courage de regarder ce problème en face et de doter enfin Montréal d'une délimitation de frontières adaptée à la véritable réalité économique, sociologique, culturelle du grand Montréal de 1982, des années quatre-vingt-dix et bientôt du XXIe siècle.

Je ne sais pas si on pourrait faire cette suggestion au ministre des Affaires municipales. Je ne sais pas si, lorsque seront terminés tous les travaux relatifs à la mise en oeuvre, à la mise en route du projet de loi no 46, il ne pourrait pas créer un groupe de travail le plus autonome possible, qui ferait un travail de longue haleine sur cette question, sans que le gouvernement soit nécessairement engagé par les conclusions auxquelles en viendrait le groupe. Je pense que ce serait une excellente façon de préparer l'avenir en dehors des sentiers battus dans lesquels nous sommes trop portés à rester emprisonnés comme parlementaires et comme gouvernement.

Une deuxième suggestion que je voudrais faire à l'intention du ministre concerne l'avenir de la coordination intermunicipale à l'échelon de toute la région du grand Montréal. Il faut bien se rappeler que la communauté urbaine n'embrasse que Montréal et les 28 villes qui sont situées sur le territoire de l'île de Montréal. Mais il y a Longueuil et les municipalités de la rive sud juste de l'autre côté du pont Jacques-Cartier. On y va maintenant par le métro qui appartient à la Communauté urbaine de Montréal et auquel se raccrochent, oui, quand il marche évidemment, ce n'est pas tous les jours ces temps-ci, les villes qui sont du côté de Laval, les populations qui sont du côté de la ville de Laval, au-delà de 350 000 si mes souvenirs sont exacts, tout près de 350 000 en tout cas. La députée de Chomedey va me corriger si je diminue l'importance de cette ville.

Il y a toutes sortes de problèmes d'intérêt commun qui se posent avec Montréal, dans le domaine des transports, par exemple, et nous attendons toujours les décisions du gouvernement en matière de coordination des systèmes épars et trop dispersés qui existent encore aujourd'hui. En matière de lutte contre la pollution, c'est évident qu'une usine qui fait beaucoup de fumée dans l'est de Montréal, les jours où le vent vient du nord-ouest, envoie sa fumée du côté de Varennes, Verchères et Boucherville. Et l'inverse est également vrai quand le vent vient du sud. Il y a toutes sortes de problèmes qui se posent, des problèmes d'aménagement des eaux, d'aménagement des rives. Les cours d'eau qui entourent Montréal sont des problèmes considérables. Les problèmes d'habitation, on ne peut pas les envisager uniquement à l'échelle de la communauté urbaine. Il faut des politiques qui embrassent plus large. J'ose espérer que dans une prochaine étape le gouvernement nous saisira de projets concrets d'intervention à ce niveau plus large qui permettra à toutes les régions de l'agglomération de Montréal d'évoluer dans l'avenir d'une manière coordonnée, d'une manière intégrée qui respecte la liberté et le caractère distinctif des municipalités qui constituent la diversité du paysage et qui assurent, en même temps, un minimum de rationalité.

Je souhaite, encore une fois, que la communauté urbaine puisse continuer à se développer dans un esprit d'harmonie. Nous avons vu en commission parlementaire, M. le Président, des spectacles que j'appellerais regrettables, des gens qui sont venus se prendre aux cheveux en commission parlementaire quand nous pensions un peu naïvement qu'ils étaient beaucoup plus proches à la suite du travail qu'ils ont fait ensemble au cours des dernières années. J'ose espérer que les scènes déplorables que nous avons vues ne se répéteront pas à l'avenir et que les structures qui découleront du projet de loi no 46 permettront un rapprochement non seulement au niveau des comportements extérieurs, mais au niveau des attitudes, au niveau des décisions et des manières d'agir. II y a quelque chose qui ne fonctionnait pas de ce côté-là. Je pense qu'il fallait une intervention. Je doute qu'elle soit suffisante, mais notre collaboration est acquise.

Je voudrais dire aux villes de banlieue, dont plusieurs sont représentées dans cette Chambre par des députés libéraux, que nous avons beaucoup d'admiration pour le travail qu'elles font, que nous sommes convaincus qu'elles ont apporté au développement de la région montréalaise une contribution très précieuse et qu'elles peuvent encore dans

l'avenir apporter une contribution extrêmement intéressante. Aux dirigeants, aux conseillers municipaux et aux citoyens de Montréal, nous rappelons que nous avons essayé, nous, du Parti libéral, de tenir compte de la réalité de la ville de Montréal dans l'étude de ce projet de loi. Il fallait des accommodements, parce que vous n'aurez jamais un système qui marche quand une partie est constamment écrasée par l'autre. Là-dessus, je partageais pleinement les motifs de certains de mes collègues des villes de banlieue qui sont intervenus avec vigueur pour seconder certains aspects et l'esprit du projet de loi. Je pense que nous sommes pris pour vivre ensemble, à la fois les villes de banlieue et la ville de Montréal. Je pense que dans la mesure où se sentent une destinée, une vocation commune et dans la mesure où une juste perception des intérêts et des responsabilités que tous les citoyens de l'île de Montréal ont en commun sera acceptée de part et d'autre, dans la même mesure, nous aurons une communauté urbaine qui fonctionnera de manière dynamique et des villes qui seront heureuses d'en faire partie et de collaborer à son travail.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole au député de Rosemont, j'aimerais vous rappeler que nous sommes en troisième lecture et que les autres intervenants, en vertu de l'article 126, ont droit à dix minutes d'intervention. M. le député de Rosemont.

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: M. le Président, nous arrivons au terme d'un long débat qui, pour nous, les députés du caucus de Montréal, a commencé dès l'automne dernier, bien avant les sorties publiques de l'administration municipale de Montréal ou du parti de l'Opposition qui, pour une fois, étaient unanimes sur un principe qui nous apparaît toujours extrêmement important, celui de la prépondérance de Montréal, mais non pas une prépondérance mitigée. Je me demande ce qu'est une prépondérance mitigée. Il y a une prépondérance ou il n'y en a pas. (20 h 50)

Nous, ce dont on parlait, c'était d'une prépondérance de la ville de Montréal, mais compatible avec une vie communautaire. Là-dessus, on était d'accord avec ces aspects du projet présenté par le ministre et on est toujours d'accord. On pense, comme le ministre, que la Communauté urbaine de Montréal est un facteur important du rayonnement de Montréal dans son ensemble et de la ville de Montréal, en particulier, que c'est un instrument d'avancement pour Montréal, les Montréalais et les Montréalaises. C'est vrai que partout, dans les grandes villes du monde, les agglomérations urbaines sont rarement composées d'une seule ville. Ces agglomérations tirent leur force de la collaboration des différentes villes qui composent l'agglomération urbaine et qui lui donnent tout son sens, quand on sait les liens très étroits au niveau de l'économie, de la culture et l'entraide qui doit exister entre tous les résidents de l'île de Montréal.

Également, nous pensons toujours que ce projet est excellent sur le plan de la démocratisation des institutions municipales. On sait que la communauté urbaine apparaît aux citoyens de Montréal comme très loin; maintenant, ils auront la possibilité de participer, à l'intérieur de commissions démocratiques, aux affaires de la communauté. Il y a également des améliorations au niveau de l'adoption du budget et, grâce aux pressions que nous avons faites sur le ministre, un amendement permet une période publique de questions au conseil de la communauté urbaine.

Cependant, nous devons maintenir en troisième lecture, comme en deuxième lecture et comme nous le maintenons depuis l'automne dernier, notre opposition sur un point qui nous apparaît très important, celui de la représentation de Montréal au comité exécutif. Nous pensons que le fait que Montréal puisse être potentiellement minoritaire au comité exécutif, dépendant du choix du président du comité exécutif, ne correspond pas à la réalité de la ville de Montréal. Il est vrai que, par exemple, à Toronto, il existe une représentation à la communauté urbaine où la ville de Toronto n'est pas majoritaire, mais c'est tout à fait normal puisque cette ville ne représente - si je me rappelle bien - que 35% à 38% de la population. Il y a une autre ville qui représente 23% de la population et les autres villes représentant entre 5% et 15% de la population; il y a six villes en tout. Alors, la situation est très différente.

Sur l'île de Montréal, nous avons la ville de Montréal qui représente 55% de la population - peut-être un peu plus bientôt -et 28 municipalités très diversifiées. Il y a des municipalités qui sont véritablement, à toutes fins utiles, rurales; il y en a d'autres qui sont des villes dortoirs où il n'y a pratiquement pas d'industries et où tous les gens viennent travailler à Montréal; il y en a d'autres qui sont vraiment en continuité avec les quartiers montréalais. On traite, dans le projet de loi, la ville de Montréal et l'ensemble de ces 28 municipalités comme si c'étaient deux entités équivalentes, À notre avis, c'est un non-respect de la réalité montréalaise.

D'autre part, nous trouvons difficilement acceptable qu'au niveau du comité exécutif, où s'élaborent les grandes politiques, Montréal soit en quelque sorte

privé de son rôle moteur, de son rôle initiateur. Nous sommes conscients que, parfois, l'initiative doit venir et vient effectivement des villes de banlieue, mais Montréal, par son importance démographique, culturelle et économique, par son rôle de centre international, a nécessairement à assumer la plupart du temps l'initiative des politiques communautaires. Il nous semblait et il nous semble toujours important qu'une majorité de membres soit assurée à Montréal, au niveau du comité exécutif. Les améliorations apportées par le projet de loi, avec la possibilité d'un veto suspensif des membres de la banlieue au comité exécutif, feront en sorte que toutes les questions importantes seront discutées au conseil, donc, seront publiques. Les banlieues ont un instrument pour éviter - ce qui a été trop souvent le cas par le passé - la domination de Montréal sur les banlieues. Nous sommes favorables à la prépondérance de Montréal, mais non à sa domination sur les banlieues.

J'ai été très surpris d'entendre les remarques du chef de l'Opposition sur le travail des six députés de Montréal - cinq de mes collègues et moi-même - qui se sont opposés et qui ont fait, tout au long de ce processus, une série de suggestions au ministre des Affaires municipales pour ajuster ce projet de loi qui, en voulant corriger un déséquilibre, en crée un autre qui peut potentiellement être dangereux pour l'ensemble des Montréalais.

M. le Président, je vous avoue que j'ai de la difficulté à suivre le chef de l'Opposition dans son cheminement, à un point tel que le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui est assis à côté de lui... On faisait une émission, après la deuxième lecture, au réseau CBC, au réseau anglais, et le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui a son comté dans Montréal, défendait le projet de loi, et moi, qui suis député ministériel, j'étais contre le projet de loi, à un point tel que l'animateur disait: Écoutez, c'est le monde à l'envers. Il y a le député de l'Opposition qui défend le projet de loi du gouvernement, et le député ministériel qui est contre. Je pense que le député s'est laissé prendre par la position de son parti en deuxième lecture et, peut-être, les tensions qu'il y avait dans le caucus libéral à ce moment, et qui se disait: La position de mon parti, à ce moment, cela doit être qu'on est pour. J'imagine qu'en troisième lecture, il va voter contre le projet de loi, parce que le chef semble indiquer que les députés vont voter contre.

M. Scowen: Question de privilège!

M. Paquette: À moins que le chef de l'Opposition nous dise...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, juste un instant. J'ai une question de privilège à ma gauche.

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: C'est évident que celui qui parle et a mentionné mon nom m'a prêté des intentions. La population qui m'a écouté a le droit à sa propre interprétation.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, question de règlement du whip du gouvernement.

M. Chevrette: Le député de Notre-Dame-de-Grâce aura ses dix minutes pour exprimer toutes ses belles intentions.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Joliette et whip du gouvernement, il y a peut-être juste une chose que je ne sais pas, et je ne peux pas prêter d'intention au député de Notre-Dame-de-Grâce. Est-ce qu'il a l'intention d'intervenir en troisième lecture ou pas? S'il a l'intention d'intervenir en troisième lecture, je pense qu'il aura dix minutes pour expliquer sa position, mais s'il n'a pas l'intention - on le verra d'intervenir en troisième lecture, il a le droit d'intervenir en vertu d'une question de privilège. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Malheureusement, il y a tant de demandes de la part de mes collègues pour intervenir en troisième lecture que je ne pouvais pas trouver une place sur la liste. C'est la seule occasion que j'aurai d'exprimer la fausseté que le député de Rosemont vient de dire. Je n'ai pas pris position pendant cette émission de radio. J'ai essayé d'écouter. La seule chose que je peux dire en terminant, pour corriger les faits, c'est que le député de Rosemont est venu dans mon comté il y a quelques semaines. Il a défendu sa position contre l'évaluation foncière, mais il l'a défendue dans le sens contraire deux semaines après. Le député de Rosemont est dans une situation de contradiction flagrante. J'aimerais qu'il retire ses paroles.

M. Chevrette: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Juste avant de vous accorder la parole, sans que votre temps ne soit enlevé, les mots que vous avez le droit de prononcer, je dois dire au député de Notre-Dame-de-Grâce que j'ai été large en l'écoutant, mais je dois dire que c'est une intervention qu'il a faite et non pas une question de privilège.

M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Oui, M. le Président, je constate que le député de Notre-Dame-de-Grâce n'a pas nié les faits que j'ai rapportés

pour la bonne raison qu'il ne peut pas les nier puisqu'ils sont vrais. Je n'ai pas d'objection à ce que le député ait une telle position. Je dis simplement que lui aussi, comme moi, a peut-être de la difficulté à suivre, dans les méandres de ses positions successives, le chef de son parti. S'il y a des divergences dans le groupe parlementaire libéral, tel que le chef l'a exprimé, je ne sais pas si on va avoir un vote libre en troisième lecture, je suis bien curieux de voir cela. Le chef de l'Opposition nous a dit qu'on avait eu une attitude plus faible en commission parlementaire que dans nos conférences de presse. Je tiens à dire que c'est totalement faux et dénué de fondement. Il suffit de regarder le journal des Débats. (21 heures)

J'ai ici tous les débats sur l'amendement du chef de l'Opposition, l'amendement que j'ai présenté, l'intervention de mes collègues. Je tiens à vous dire que l'Opposition a passé autant de temps sur la question de la séparation de la commission des finances en deux commissions que sur la prépondérance mitigée, comme elle dit, de la ville de Montréal sur le comité exécutif. Elle a passé autant de temps à savoir si on devait discuter séparément de la question des revenus et des dépenses de la communauté urbaine à la même commission ou de faire cela en deux commissions. Lorsque nous avons discuté de la prépondérance de Montréal, M. le Président, on a passé à peu près le même temps qu'elle à exprimer nos positions.

Cependant, ce que nous avons dit - je pense que c'est le rôle d'un député ministériel - c'est que nous n'allions pas mettre le ministre en minorité. Les membres qui votaient à la commission se sont abstenus, car à quoi aurait-il servi de mettre le ministre en minorité et de le forcer à faire la démarche de ramener ses amendements en troisième lecture en s'alliant sur un amendement de l'Opposition, qui, de plus, ne nous satisfaisait pas entièrement, M. le Président? Mais, cependant, nous avons dit clairement à cette occasion que nous pensons qu'une majorité de représentants de Montréal doivent siéger à l'exécutif de la communauté urbaine.

Le chef de l'Opposition a choisi de dénaturer l'amendement que j'ai présenté en le réduisant à une question d'alternance. Ce que j'ai proposé, M. le Président, c'est que la présidence aille alternativement à Montréal et à la banlieue de façon que l'image de la communauté urbaine ne soit pas concentrée uniquement sur la ville de Montréal, mais que, parmi les autres membres, Montréal ait toujours une majorité au comité exécutif et que, d'autre part, cette règle d'alternance soit assez souple pour qu'on puisse reconduire le mandat d'un président qui ferait l'affaire de tout le monde. Je pense que le chef de l'Opposition a voulu dénaturer mon amendement et je pense toujours que cet amendement aurait permis de faire en sorte que la banlieue se sente à l'aise dans la communauté, tout en respectant la prépondérance de Montréal.

M. le Président, c'est avec regret que je devrai voter en troisième lecture comme j'ai voté en deuxième lecture, parce que, pour moi, la prépondérance de Montréal, c'est une question de principe. Je comprends que le Parti libéral ne considérait pas que c'était une question de principe, puisqu'il a voté pour le projet de loi en deuxième lecture. Je pense que c'est un principe qu'il fallait ajouter au projet de loi et qu'on était justifié de le faire au moment des amendements en commission parlementaire.

C'est une question, M. le Président, de respect du rôle moteur de Montréal, comme centre économique, qui respecte également le fait que, sur le territoire de la ville de Montréal, la plupart des quartiers défavorisés que nous représentons à l'Assemblée nationale sont sur le territoire de la ville de Montréal et doivent avoir une voix majoritaire à l'exécutif de la communauté urbaine où se prennent les décisions sur les taxes municipales, où se prennent des décisions sur le transport, sur les services de police et sur des services qui touchent la qualité de vie des Montréalais et nous voulions avoir l'assurance que Montréal soit majoritaire au comité exécutif.

Nos démarches ont permis au ministre d'assurer les Montréalais que le prochain président serait de Montréal. Cela ne nous satisfait pas, M. le Président, parce qu'on se demande ce qui va arriver après et, si c'était un autre ministre, ce qui arriverait. Il aurait fallu, à notre avis, inscrire cela dans la loi et c'est avec regret, M. le Président, que je devrai me prononcer contre ce projet de loi en troisième lecture. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Verdun.

M. Lucien Caron

M. Caron: M. le Président, il me fait plaisir d'avoir quelque dix minutes pour parler sur le projet de loi no 46.

Je suis l'un de ceux qui, dans cette Chambre, à maintes reprises ont demandé au gouvernement, au leader du temps, le député de Saint-Jacques, quand on aurait l'occasion d'avoir à discuter et à adopter un projet de loi, comme le projet de loi no 46, pour réorganiser la Communauté urbaine de Montréal. Cela fait au moins deux ans, M. le Président, et je sais qu'à un certain moment, le projet de loi n'était pas déposé, n'était pas prêt, parce que le maire de la ville de

Montréal et le premier ministre du Québec n'avaient pas eu l'occasion de se rencontrer pour en discuter.

Soyez assuré, M. le Président, que ce que je vous dis est vrai. C'est probablement normal parce que Montréal est la grande ville et nous, du Parti libéral, nous respectons cela. J'ai voté, en deuxième lecture, pour le projet de loi et j'étais fier de voter. Mais j'avais dit au ministre, à ce moment-là, qu'il avait du courage malgré ce que le député de Rosemont et d'autres avaient dit. On a vu de grands articles dans les journaux disant qu'ils étaient contre leur parti.

Une voix: Contre le ministre.

M. Caron: Contre le ministre. C'était bien effrayant de voir comme c'était séparé. Mais je l'ai vécu en commission parlementaire et ce n'était pas si séparé que cela, M. le Président. C'est normal, peut-être, parce que si on avait été trop loin, on aurait coupé un petit voyage, on aurait coupé quelques petites subventions ou quelques HLM. J'ai vécu cela, M. le Président, moi aussi. J'ai été au pouvoir. Cela continue. On en a une preuve: le premier ministre du Québec, ce matin, concernant les présidents d'élection. On l'a vécu et on le vivra encore.

Nous du Parti libéral, on sait que, depuis 1969, nous devons vivre avec la communauté urbaine. On n'a pas le choix. Il faut vivre avec elle et il faut l'améliorer, comme ce sont les intentions du ministre de l'améliorer. Mais son caucus le mange, M. le Président, pour changer les bonnes structures qu'il y avait au début. Nous lui avons présenté des solutions pour essayer de réunir les deux groupes. Je pense que les 28 villes de banlieue sont aussi importantes que la ville de Montréal. Souvent, le président du comité exécutif a dit: Les villes de banlieue, si, par hasard, le gouvernement leur donnait plus de pouvoirs, les citoyens deviendraient des citoyens de deuxième classe. Je m'excuse, M. le Président, mais pour autant que cela me concerne, tous les concitoyens de l'île de Montréal doivent être sur le même pied. Il n'y a pas de première ou de deuxième classe.

On a eu des rencontres. On a essayé d'influencer le ministre. Je pense qu'il a été influencé, pas en commission parlementaire, mais par des téléphones. Vous savez, M. le Président, il y a souvent des choses qui se font en arrière. Même ici, parfois, on a eu l'occasion de voir des choses qui se sont faites en arrière du trône.

Une voix: Quoi?

M. Caron: Nous, du Parti libéral, n'acceptons pas l'article 3. Le chef de l'Opposition vous l'a dit et je vous le redis en tant que maire de banlieue. Je suis heureux d'être maire de banlieue et d'avoir l'occasion de travailler pour les maires de banlieue et aussi pour la ville de Montréal, parce que je sais que la ville de Montréal domine et elle doit dominer. Elle doit être la grande ville sur l'île de Montréal, mais elle doit respecter aussi les villes de banlieue.

Nous avons proposé, à l'article 3, un amendement: Si aucun candidat ne recueille la majorité des deux tiers des voix lors de cette assemblée, le président est nommé à la majorité des voix. M. le Président, de notre côté, trois étaient pour; de l'autre côté, quatre étaient contre; des abstentions, il y en avait trois. Le député de Rosemont qui est ici et les autres. Je ne les vois pas. Alors, je ne voudrais pas parler des absents parce qu'ils ne peuvent pas se défendre.

Des voix: Intervenant.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Caron: C'est pour ces raisons...

Une voix: II préparait sa candidature. (21 h 10)

M. Caron: Dix minutes, cela ne me donne pas grand temps pour parler. Je voudrais aussi, M. le Président, prendre la part des gens de l'Île-Bizard. Le maire de l'Île-Bizard est venu ici nous expliquer, en commission parlementaire, que son territoire est zoné agricole à 81%. Imaginez! Il n'y a plus rien qu'on puisse faire. Il y a 19% de résidentiel dans cette petite municipalité, et elle a demandé d'être retirées de la communauté urbaine. Le conseil des maires de l'île ne s'y oppose pas, le président de la communauté urbaine de s'y oppose pas. Nous avons proposé, par le biais de mon collègue, le député de Mont-Royal, qui a fait un excellent travail en commission parlementaire - et je l'en remercie - que la paroisse de Saint-Raphaël-de-l'Île-Bizard soit retirée du territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Ont voté pour, trois - encore les gens de notre côté, on est en minorité -contre, six, et une abstention.

Il y a un grand problème à Montréal, celui de l'évaluation. Les villes de banlieue, majoritairement, sont évaluées plus fortement que la ville de Montréal. Nous avons proposé, nous, du Parti libéral, la résolution suivante: Qu'il y ait une commission d'évaluation et des finances pour entendre non pas le cas d'un type dont les biens sont évalués 500 $ ou 5000 $ de plus, mais les gens qui auraient des suggestions à faire au comité exécutif pour une plus grande justice envers tous les petits propriétaires de l'île de Montréal. De l'autre côté, on l'a refusée.

Je ne dis pas que les gens qui sont en place ne font pas un bon travail, ils se réfèrent à la loi 44 de l'évaluation. On donne tous les pouvoirs aux responsables de l'évaluation. Nous aurions voulu que ce soit élargi, qu'on puisse entendre les gens et justifier les évaluations. Le député de Mont-Royal, lors d'un débat du mercredi, en a discuté deux mercredis de suite; les gens d'en face n'ont pas réussi à nous prouver qu'il avait tort. À la commission parlementaire, on aurait voulu séparer cela. On n'a pas voulu. Il y a eu des rencontres en coulisses et ce sont des choses que je n'aime pas.

Un autre point touche le budget. Nous avions proposé, à l'article 77, une motion qui se lit comme suit: Nous proposons que soient biffées les dispositions relatives à l'adoption provisoire d'un quart des crédits du budget pour une période de trois mois. Je sais que mon droit de parole achève. Je ne sais pas exactement quelle attitude prendront mes collègues, ils sont assez grands pour en décider eux-mêmes. Mais si le ministre avait voulu réellement... On sera obligé d'y revenir dans un certain laps de temps, le plus vite possible, parce qu'il faut vivre avec et on continuera à vivre avec.

On aurait aussi voulu qu'à la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal il y ait des représentants, des gens élus. En général, siègent sur des commissions des gens élus, des gens qui vont suivre les dossiers et qui seront plus près de la population. Quand ce sont des hauts fonctionnaires, ce sont des gens qui sont là en permanence. On a encore entendu ce matin - vendredi ou hier, je n'étais pas ici - que...

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Veuillez conclure, s'il vous plaît.

M. Caron: Oui, M. le Président. Si on veut se débarrasser des hauts fonctionnaires pour une raison ou une autre, on leur donne un certain montant en leur demandant de s'en aller. Si ce sont des gens élus et que la population n'est pas satisfaite de ces gens, elle votera contre eux.

M. le Président, pour toutes ces raisons, j'espère que le ministre, dans les dernières minutes qui restent, admettra que nous avons été de bonne foi dans l'étude du projet de loi no 46; nous avons essayé d'étudier ce projet de loi dans l'intérêt de tous les contribuables de l'île de Montréal. Nous ne voulons pas faire de clôture entre une ville et une autre, M. le Président. Pour toutes ces raisons, je demande encore au ministre, en qui j'ai confiance, de ne pas se laisser influencer par quelques collègues qui ont eu de grandes pages de publicité, mais de penser à l'intérêt de tous les contribuables de l'île de Montréal.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. On reconnaît la nécessité...

Une voix: C'est trop tard. Vas-y, le whip.

M. Ciaccia: Non, c'est correct. L'alternance, M. le Président, cela va me faire...

Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai reconnu la première personne qui s'est levée. Écoutez, ça va. D'accord. La parole est à Mme la députée... S'il vous plaît.

Mme Louise Harel Mme Harel: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: M. le Président, ce doit être assez inusité, dans les annales parlementaires, qu'un chef de l'Opposition reproche à des députés ministériels de ne pas avoir donné suffisamment d'éclat à leur Opposition lors d'une commission parlementaire. M. le Président, loin de moi l'intention de faire de la surenchère partisane sur une question qui m'apparaît beaucoup trop importante, qui est la question de la prépondérance de Montréal, mais je ne pense pas qu'on ait de leçons à recevoir ni du chef de l'Opposition, ni de sa formation politique. Je pense que, dans ce débat sur la loi 46, le chef de l'Opposition lui-même a pratiqué la confusion des positions. Je vais m'expliquer rapidement.

Quand le chef de l'Opposition réclamait un vote à la majorité simple, en conférence de presse, au début d'avril, le critique en matière d'affaires municipales, le député de Mont-Royal, disait ici même devant cette Assemblée, lors du débat de deuxième lecture, qu'il était satisfait. Je reprends ses propos: Je crois que c'est une formule, la prépondérance, qui peut répondre à la fois aux demandes de Montréal et qui pourrait répondre aussi aux demandes des banlieues parce qu'il va falloir qu'il y ait une coopération entre les deux.

C'est donc dire qu'il y a un détournement qui se fait actuellement pour masquer les propres divergences qu'on retrouve au sein de la formation politique libérale. M. le Président, je dois vous dire qu'en ce qui nous concerne, en ce qui me concerne, comme députée de Maisonneuve, et en ce qui concerne mes collègues de Montréal, depuis le début, que ce soit dans le cadre de conversations privées, dans le cadre de rencontres privées au sein de notre

formation politique, ou que ce soit lors du débat en deuxième lecture ou à titre d'intervenante, - je n'étais pas membre de la commission des affaires municipales mais j'ai attentivement suivi les débats sur la loi 46 -il reste que notre position a toujours été la même. Il ne s'agissait pas pour nous d'une simple majorité des votes au conseil, il s'agissait dès le départ d'une majorité au sein de l'exécutif de la Communauté urbaine de Montréal. Pour les techniciens des projets de loi, il ne s'agissait pas de l'article 3 mais, en l'occurrence, de l'article 14, celui qui, indépendamment du poids démographique de l'île de Montréal, lui assurait une majorité au sein du conseil exécutif de la communauté urbaine.

M. le Président, c'est évident que nous avons souscrit à bien des modifications qu'on retrouve dans cette réforme, qui est la première réforme d'envergure depuis 1969. Nous l'avons fait avec parfois beaucoup de satisfaction, et je pense notamment à la création des commissions permanentes du conseil de la communauté. On sait que ces commissions permanentes vont permettre à des citoyens de se faire entendre. Elles seront publiques. Il s'agira des commissions sur l'aménagement, l'environnement, les finances et l'évaluation, la sécurité publique et la commission des transports en commun. Il y a donc des modifications extrêmement importantes, notamment quant au mode d'adoption du budget, qui assurent maintenant un processus qui ne le rend plus automatique. C'est donc dire que bien des modifications qui ont été apportées par ce projet de loi 46 répondaient au voeu des députés montréalais. (21 h 20)

Ce qui est resté, ce qui fait difficulté et ce qui m'amènera à voter en troisième lecture comme je l'ai fait en deuxième lecture, c'est évidemment la question centrale. Ce qui fait problème, c'est la représentation majoritaire au sein de l'exécutif. C'est dès le départ, M. le Président, que nous avons, en toute logique, estimé que cette majorité devait être détenue par la ville de Montréal et que, conséquemment, le président devait être nommé sur recommandation de la ville centrale, c'est-à-dire de Montréal, pour la communauté urbaine. M. le Président, cette position, enfin, s'appuie sur la place qu'occupe Montréal au sein de la communauté urbaine. Que l'on pense au territoire de la ville de Montréal, qui regroupe l'immense majorité des services qui sont consommés par l'ensemble des habitants de la région métropolitaine, qu'ils soient banlieusards, qu'ils habitent des petites municipalités dont la plus importante en banlieue occupe à peine le dizième de l'importance de Montréal, que l'on pense aux services gouvernementaux, hospitaliers, éducationnels et aux institutions financières, l'ensemble de ces appareils sont concentrés en quasi totalité sur le territoire de la ville de Montréal. L'ensemble des activités culturelles, récréatives et sportives se déroulent généralement à Montréal et c'est évident qu'on peut étendre ces quelques exemples à tous les aspects de la vie d'une région métropolitaine comme Montréal, mais la concentration d'activités sur le territoire d'une seule municipalité qui est Montréal lui confère, en plus du poids démographique, des responsabilités qui, évidemment, ne souffrent absolument aucune comparaison avec celles des autres villes de la communauté urbaine. Les coûts qui sont engendrés par l'activité métropolitaine sont très largement encourus par la ville de Montréal. Ces obligations financières et sociales qui incombent à Montréal, nous considérons qu'elles doivent se traduire par l'obtention d'une voix particulière dans les décisions de la communauté et, évidemment, nous le savons, ces décisions ont des conséquences directes sur le développement et sur l'affectation des ressources pour l'ensemble du territoire de l'île. Pour nous, depuis le début, cette voix particulière aurait dû s'exprimer par une majorité à l'exécutif.

M. le Président, nous considérons ne pas avoir obtenu satisfaction et, en fait, ce que nous souhaitions, évidemment, ce n'est pas que les Québécois et leur gouvernement reconnaissent Montréal comme ville centrale, un peu comme on reconnaît que le jour suit la nuit et que l'hiver précède le printemps -c'est un fait, on le constate - mais on s'attendait à beaucoup plus de la part de Québec. On s'attend toujours que ce soit avec enthousiasme et avec dynamisme qu'on veuille faire de Montréal la ville internationale du Québec, qu'on veuille lui donner la place prépondérante qui lui revient et qu'on veuille faire le rattrapage qui est nécessaire dans la conjoncture actuelle. On s'attend finalement, M. le Président, que les Québécois et leur gouvernement soient aussi fiers de Montréal que les Montréalais sont fiers de leur origine gaspésienne ou sont fiers, à l'occasion, de faire le tour du Québec. On sait très bien, nous qui sommes des représentants de Montréal, combien les Montréalais aiment les diverses régions du Québec et ce qu'on souhaite, c'est que les Québécois aussi aiment Montréal. Pour toutes ces raisons, M. le Président, ce qu'on peut souhaiter, dans ce débat de troisième lecture, c'est que le ministre des Affaires municipales mette en vigueur les propos qu'il a tenus lors de son exposé à l'ouverture des travaux de la commission parlementaire au printemps dernier.

À ce sujet, j'aimerais simplement rappeler qu'à cette occasion, le ministre des Affaires municipales énonçait l'affirmation suivante: "Le gouvernement devra privilégier la ville de Montréal avant quiconque parce

que dans la conjoncture actuelle, c'est elle qui a le plus besoin d'être protégée, c'est elle qui a porté, depuis dix ans, le plus lourd fardeau en termes de perte de population et d'usure de sa trame urbaine." En l'occurrence, le ministre des Affaires municipales s'engageait, si tant est qu'il pouvait être amené à devoir nommer le président de la communauté urbaine, en fait à nommer un Montréalais. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: M. le Président, dans le projet de loi no 46 de la Communauté urbaine de Montréal, il y a trois problèmes principaux. Premièrement, la question du rôle de Montréal, la démographie de Montréal, le rôle prépondérant, le rôle économique de Montréal comme métropole. Le deuxième problème est le rôle des banlieues et la frustration des contribuables des banlieues qui se voyaient imposer un budget automatique à chaque année fiscale et qui n'avaient aucun contrôle sur ce budget. Le troisième problème, c'est la question de l'évaluation foncière. La loi no 57 a imposé un système d'évaluation dont toutes les banlieues et même certains secteurs de Montréal, les principaux secteurs de Montréal se plaignent que cela cause un déséquilibre, qu'il y a des problèmes et des iniquités.

Le Parti libéral a fait des propositions pour affronter ces trois problèmes et trouver des solutions. On a fait une proposition pour la question des budgets. On a dit: Cela ne devrait pas être automatique; le ministre ne devrait pas avoir le droit d'imposer un budget aux banlieues ou à Montréal, faire en sorte que les banlieues et que la ville de Montréal doivent, individuellement, accepter les budgets. Si elles ne peuvent pas s'entendre sur les budgets, qu'elles mettent en vigueur le budget de l'année précédente, sujet à certaines ententes collectives. On voulait enlever le rôle du ministre, le droit du ministre d'imposer un budget. Le ministre a accepté cette proposition.

Deuxième problème, la question de la prépondérance de Montréal. Vraiment, je suis perplexe d'entendre les interventions du député de Rosemont et de la députée de Maisonneuve. Franchement! Vous dites des choses ici, à cette Assemblée, devant la caméra et vous dites absolument... Vous agissez de façon complètement contraire à ce que vous avez fait en commission parlementaire, c'est absolument honteux! Je vais rappeler au député de Rosemont et à ma collègue, la députée de Maisonneuve, ce qui s'est produit en commission parlementaire. Vous vous gargarisez ici avec la prépondérance de Montréal, vous voulez donner la prépondérance à Montréal, vos mots sont enregistrés à la télévision et vous allez voter contre en troisième lecture. Pourquoi? Parce que vous voulez protéger Montréal. La même chose pour la députée de Maisonneuve, en troisième lecture, elle va voter contre pour protéger Montréal. Vous savez que votre vote en troisième lecture n'aura aucun effet, excepté pour la galerie. Où votre vote aurait été efficace et où il aurait eu un résultat, c'est en commission parlementaire, et là, vous avez refusé de reconnaître la prépondérance de Montréal.

Des voix: Bravo!

Mme Harel: M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve, question de privilège.

Mme Harel: M. le Président, je voudrais simplement faire rétablir mon droit; je n'avais pas droit de vote à cette commission parlementaire.

Des voix: Ah!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je vais en venir à cela, je vais l'expliquer qu'elle avait... C'est vrai, elle était intervenante. Elle aurait pu se faire nommer comme membre pour avoir le droit de vote, comme moi qui me suis fait nommer comme membre pour avoir le droit de vote. Le député de Rosemont aurait pu faire la même chose. Ils se sont convenablement faits inscrire comme intervenants, comme cela ils peuvent dire aujourd'hui: Je n'avais pas le droit de vote. Cela fait des années qu'on est ici, on connaît ces trucs. On les connaît. (21 h 30)

Le chef de l'Opposition, le député d'Argenteuil, a présenté un amendement très clair. Le chef de l'Opposition n'a pas attendu pour faire un amendement après la deuxième lecture. C'est une position que le chef de l'Opposition avait prise le 27 avril 1982, une position sur la prépondérance de Montréal. Quand on est arrivé en commission parlementaire pour donner un effet concret au voeu et aux recommandations qui avaient été faites publiquement, le député d'Argenteuil, le chef de l'Opposition a présenté un amendement, à savoir que le président du comité exécutif soit nommé par le conseil. Puisque Montréal a une majorité au conseil, cela veut dire automatiquement qu'on donnerait la prépondérance à Montréal. Là, comme mon collègue, le député de

Verdun, l'a très bien expliqué, trois des membres du Parti québécois se sont abstenus. Si ces trois membres ne s'étaient pas abstenus, s'ils avaient voté avec nous, au lieu d'être quatre pour et trois contre, cela aurait été six pour et quatre contre, et on aurait établi finalement la prépondérance de Montréal. Ce n'est pas cela que vous avez fait.

M. le Président, hier, le député de Joliette s'est levé après mon intervention et il m'a accusé d'avoir charrié. Il a dit que le principe de la loi avait été établi en deuxième lecture et qu'on ne pouvait pas faire des changements en commission parlementaire. En plus, il a dit que l'amendement du chef de l'Opposition, c'était seulement dans le but de donner prépondérance à Montréal aussi longtemps que Montréal avait plus de population, tandis que les députés ministériels voulaient donner prépondérance à Montréal pour toujours, malgré la démographie.

Exactement. Je suis content que le député de Rosemont ait répété cela, parce que je voulais porter à l'attention de cette Chambre l'amendement du député de Rosemont. Le député de Rosemont, qui s'est fait inscrire comme intervenant, ne pouvait pas voter. L'amendement du chef de l'Opposition a été battu. On a pris avantage d'un autre truc du règlement. On a introduit un autre amendement pour dire la même chose que ce que disait l'amendement du chef de l'Opposition. Naturellement, l'amendement du député de Rosemont était irrecevable, parce que l'autre avait déjà été battu, mais cela donnait l'impression que le député de Rosemont voulait défendre Montréal. Savez-vous ce que l'amendement du député de Rosemont disait?

M. Paquette: M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Question de privilège, M. le député de Rosemont. S'il vous plaît!

M. Paquette: Le député de Mont-Royal fait son cinéma. Je veux bien le laisser faire. Je pense qu'il est en train de nous prêter des intentions. Depuis quand, lorsqu'une proposition est battue et qu'une autre est censée faire la même chose, cela la rend-elle irrecevable? L'autre avait été reçue. Je ne voyais pas pourquoi la mienne ne pouvait pas être reçue. Normalement, elle aurait dû être reçue, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, j'admets les aveux du député de Rosemont. Le député de Rosemont connaît son règlement mieux que cela. Il sait bien que, si une proposition est recevable et qu'elle est battue, on ne peut introduire une autre proposition dans le même sens durant la même séance.

M. Paquette: M. le Président, question de directive.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de directive, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Je pense que le député de Mont-Royal est en train de dénaturer gravement notre règlement. Si une proposition - je demande votre avis là-dessus - d'amendement à un projet de loi est reçue et qu'elle est battue en commission parlementaire, un député peut présenter une proposition ayant un objet similaire ou le même objet avec des modalités différentes. L'amendement n'est pas irrecevable à cause de cela. Je voudrais avoir votre avis là-dessus.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je vais prendre votre question en délibéré et je vous répondrai à la première occasion.

M. Ciaccia: Très bien, M. le Président, mais, pour votre information, l'amendement du député de Rosemont a été déclaré irrecevable.

M. Paquette: M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Mon amendement n'a pas été déclaré irrecevable à cause de cela, M. le Président. Le président de la commission...

M. Ciaccia: Ce n'est pas une question de règlement.

M. Paquette: Je tiens à rétablir les faits, je pense que c'est important.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Lalonde: Sur la question de règlement, naturellement, M. le maire, enfin l'ex-candidat maire est un peu nerveux, je comprends. Il est démasqué actuellement, mais est-ce que le temps qu'il a pris pour faire ses pseudo...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! J'ai dit que je prenais en considération la demande et que je rendrais

une réponse. Le député de Mont-Royal a maintenant la parole et je verrai la meilleure possibilité...

M. Ciaccia: Très bien, merci, M. le Président. Allons au deuxième point que le député de Joliette avait soulevé hier, en ce sens que les députés ministériels voulaient donner prépondérance à Montréal pour toujours, c'est pour cela qu'il n'avait pas pu voter pour l'amendement du chef de l'Opposition.

M. le Président, l'amendement du député de Rosemont, qui a été déclaré irrecevable, va dans le sens que le président du comité exécutif doit être choisi parmi les représentants de la ville de Montréal, pour ce qui est du premier mandat suivant l'entrée en vigueur de la loi. Dans le premier mandat, on le sait tous, Montréal a une prépondérance parmi la population. Cela reflète la démographie et cela va selon la question de représentativité.

Continuons l'amendement, M. le Président. Le président doit être choisi parmi les représentants des autres municipalités puis de la ville de Montréal, suivant le principe de l'alternance, à moins que le conseil ne décide de renouveler le mandat du président sortant. M. le Président, le conseil, c'est le même organisme qui était contenu dans la proposition du chef de l'Opposition. Montréal aura prépondérance au conseil aussi longtemps que la population sera plus nombreuse que celle des banlieues. Quand la population sera moins nombreuse, Montréal ne contrôlera plus le conseil.

M. le député de Joliette, les propos que vous avez tenus hier ne sont pas exacts. Le député de Rosemont, dans sa proposition - je termine, M. le Président - n'a pas dit que Montréal devra toujours avoir la prépondérance, il a limité la prépondérance de Montréal en termes du conseil, ce qui veut dire tant et aussi longtemps que la population de Montréal sera plus nombreuse que celle des banlieues.

M. le Président, il y a des contradictions flagrantes - en terminant -entre...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: ... les positions du député de Rosemont et de la députée de Maisonneuve ici à l'Assemblée nationale, devant les caméras, et celles qu'ils prennent sur le vote des articles, des recommandations et des amendements qui sont soumis en commission parlementaire.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: M. le Président, il faut démasquer cette approche, et on doit dénoncer les pirouettes du député de Rosemont et de la députée de Maisonneuve en ce qui concerne le projet de loi 4. Merci.

M. Paquette: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, c'est en vertu de l'article 96. Je pense qu'il faut rectifier les propos du député de Mont-Royal qui n'a lu qu'une partie de l'amendement que j'ai présenté. Par conséquent, il m'attribue des propos et des intentions que je n'ai pas tenus. En fait, en commission parlementaire, M. le Président, mon amendement visait à instaurer un principe d'alternance à la présidence...

M. Lalonde: Question de règlement.

M. Paquette: ... mais également à faire en sorte qu'il y ait sept membres de Montréal...

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le leader...

M. Brassard: M. le Président... Une voix: Cela va être très long.

Le Vice-Président (M. Rancourt): ... de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Lalonde: Oui, M. le Président. Je ne pense pas que l'article 96 permette au député...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Lalonde: ... de contester ou de discuter de choses qui se sont passées devant une commission parlementaire. La seule chose que le député peut faire, en vertu de l'article 96, c'est de rectifier les propos d'un autre député à l'égard d'un discours qu'il aurait tenu ici à l'Assemblée nationale, ce qui est tout à fait différent. (21 h 40)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Avant de céder la parole au député de Joliette, je veux simplement aviser les membres de cette Chambre qui en font partie que la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation va siéger à la salle 81-A pour

l'étude article par article du projet de loi no 77.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que c'est un avis à la Chambre, M. le leader adjoint?

M. Brassard: Non. La motion a déjà été adoptée, M. le Président. C'est pour aviser les membres de se rendre à la salle 81-A.

Le Vice-Président (M. Rancourt): C'est bien. M. le député de Joliette.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais aussi rétablir certains faits. Depuis le début du débat en troisième lecture, les seuls qui sont intervenus sur le fond sont du côté ministériel. Le député de Mont-Royal a effleuré les problèmes, mais les autres ont cherché à trouver des moyens de ne pas dire s'ils sont pour ou s'ils sont contre. On ne sait pas trop. On ne sait pas trop s'ils sont pour ou s'ils sont contre.

Une voix: Eux autres non plus ne le savent pas.

M. Chevrette: Ils ne le savent pas trop. Ils n'ont pas eu de caucus immédiatement avant. Il aurait fallu qu'entre 18 heures et 20 heures, il y ait un caucus et, s'ils avaient vu que c'était déchiré, soit 50-50, ils se seraient abstenus. Le caucus n'ayant pas eu lieu, il faut qu'ils flâsent. Vous allez flâser jusqu'à je ne sais pas quelle heure. On saura demain, à votre caucus, comment vous voterez.

C'est drôle, j'ai entendu de très bons discours. J'ai entendu le député de Verdun, en deuxième lecture, dire que le ministre était courageux de présenter un tel projet de loi. Il a dit comment cela prenait du courage, malgré que certains de ses collègues défendaient avec droit les intérêts de Montréal. Comme maire de banlieue - il a deux chapeaux, à la fois maire et député - il a félicité le ministre pour son acte courageux, son dynamisme à vouloir faire de la communauté urbaine quelque chose qui reflétait l'idée d'un peu tout le monde.

Ce ministre si courageux, ce soir, est remis en doute. Le député de Verdun donne raison aux banlieues par rapport aux gens de Montréal. Il ne sait plus s'il va voter pour ou s'il va voter contre. Imaginez-vous si c'est brillant! On essaie de ridiculiser nos collègues qui, en deuxième lecture, se sont abstenus. Vous savez pertinemment que tout le débat de deuxième lecture qui s'est fait en cette Chambre a porté sur la prépondérance de la ville de Montréal. Vous le saviez. Vous en avez vous-mêmes discuté. Même si, de notre côté, on avait des collègues qui préconisaient la prépondérance à la ville de Montréal, nous avons tranché la question et nous avons voté parce qu'on considérait que c'était un principe. Je pense que c'est beaucoup plus honnête pour des gars d'équipe de maintenir leur droit à la dissension, mais pas pour le plaisir d'assister à un petit spectacle que les libéraux auraient voulu se payer. Imaginez-vous! Trois ou quatre de nos députés auraient été avec vous pour se payer le luxe de revenir en troisième lecture avec un rapport qui remettait en question ce qu'on avait discuté en deuxième lecture et qu'on avait tranché. C'est cela que vous faites et vous ne parlez même pas sur le fond. Vous ne savez même pas, au moment où on se parle, où vous allez vous brancher. Le maire de Verdun va-t-il...

M. Ciaccia: M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Le député de Joliette dit qu'on a remis en question, en deuxième lecture, le principe du projet de loi. Je veux rectifier l'erreur du député de Joliette. Le fait que l'amendement du chef de l'Opposition ait été déclaré recevable, cela doit répondre aux propos du député de Joliette. Il était recevable. Cela ne veut pas dire qu'il était inacceptable.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Le député de Mont-Royal essaie, bien sûr, de m'interrompre parce qu'il ne voudrait pas que j'aille toucher la fibre encore plus sensible. Votre chef s'est lui-même levé tantôt, mais qu'est-ce qu'il a dit pendant une demi-heure? Il a eu de la misère à dire qu'encore là, il ne savait pas trop comment vous alliez vous brancher. C'est ce qu'on a entendu, à toutes fins utiles. Le maire de Verdun, avec toute l'amitié que je lui témoigne, qu'est-ce qu'il a dit? Ministre courageux, ministre correct, mais vous n'avez pas accepté nos amendements. Imaginez-vous! C'est quoi, cette formation politique là, M. le Président?

M. Caron: M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Verdun, question de privilège.

M. Caron: Si le député de Joliette et whip en chef du parti ministériel relit les propos que j'ai tenus en deuxième lecture, il

verra que c'est vrai que j'ai félicité le ministre et que j'ai dit que le ministre des Affaires municipales avait du courage. Mais, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. le député de Verdun, vous avez pu vous exprimer. S'il vous plaît! M. le député de Joliette.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais remercier le député de Verdun.

M. Caron: M. le Président, question de directive.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de directive, M. le député de Verdun.

M. Caron: Le député de Joliette a dit des choses et selon le règlement, j'aurais l'occasion de rétablir les faits à la fin de son intervention ou de le faire immédiatement. Si le député de Joliette relit exactement ce que j'ai dit, il va voir que je sais où je m'en vais. Le problème est le suivant. J'ai dit, en deuxième lecture, que le ministre avait du courage, mais je voulais qu'il accepte les amendements que nous, du Parti libéral, lui proposions.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Joliette, si vous voulez poursuivre.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je voudrais remercier immédiatement le député de Verdun d'avoir confirmé que j'avais bien lu ce qu'il avait dit, soit qu'il avait qualifié le ministre de courageux. Il vient de confirmer également qu'ils ne savent pas encore comment...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Bédard: C'est incroyable! C'est épouvantable!

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Je crois que cette Assemblée est un lieu où on peut intervenir et le député de Joliette utilisait son droit d'intervention. Je lui cède la parole.

M. Brassard: M. le Président, on pourrait suspendre pendant quelques instants pour leur permettre de se brancher.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Joliette.

M. Chevrette: Je réitère mes remerciements envers le député de Verdun qui a confirmé deux des choses que j'avais dites, à savoir qu'il avait lui-même reconnu le courage du ministre et, deuxièmement, par sa dernière phrase - au moment où vous vous êtes levé, M. le Président, je ne suis pas certain que les auditeurs ont compris - le député a confirmé que demain, on verrait comment ils voteraient. Donc, c'est à la suite de votre caucus, ce qui confirme que vous n'êtes vraiment pas branchés.

Je n'en reviens pas que du côté de l'Opposition, qui doit, en troisième lecture, faire valoir des arguments de fond pour influencer un vote, on s'en prenne exclusivement à un argument, à savoir que trois membres se sont abstenus a une commission. En quoi cela va-t-il influencer la population qui nous écoute? En quoi cela peut-il influencer un ministre? En quoi cela peut-il influencer le vote de mes collègues pour ou contre le projet de loi qu'il y ait trois personnes qui se soient abstenues en commission et qu'on en fasse un gros plat, qu'on en fasse l'argument de fond depuis le début de vos interventions en troisième lecture? En deuxième lecture, on a fait connaître nos points de vue; il y en a qui ont assumé la cohérence de leurs propos au niveau de la commission et qui vont l'assumer au niveau de leur vote, c'est leur droit.

J'aime sacrement mieux appartenir à une équipe parmi laquelle cinq ou six personnes vont se lever demain pour dire qu'elles sont contre le projet de loi, que M. le greffier inscrira contre le projet de loi, qu'un groupe de personnes qui n'ont même pas le courage de se brancher elles-mêmes avant de faire un débat de fond sur un projet de loi aussi important. Quand on a des maires de banlieue qui ne sont pas encore branchés face à ce projet de loi, cela prouve une chose: que les tiraillements internes vont jusqu'au point d'étouffer leur jugement. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, cela m'a intéressé d'entendre la députée de Maisonneuve nous dire qu'elle n'avait pas le droit de vote à la commission parlementaire parce qu'elle n'était qu'intervenante. Or, selon les informations que nous avons obtenues - et je suis sûr que ce sont des informations correctes - le 27 mai 1982, la députée de Maisonneuve s'était fait inscrire comme membre de cette commission. Qu'est-ce qui est arrivé entre le 27 mai 1982 et le temps de la commission?

Mme Harel: M. le Président...

(21 h 50)

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve, sur une question de...

Mme Harel: ... cela va me permettre de soulever la question de privilège que je voulais faire au moment où il en a été question. On ne choisit pas, contrairement à ce qu'on a laissé entendre à cette Assemblée, d'être intervenant. Ce n'est pas un choix personnel que l'on fait d'être membre à part entière, avec droit de vote, à une commission ou de n'être qu'intervenant. On n'a pas le choix, comme parlementaire, d'aller à une commission et de décider qu'on est membre à part entière ou qu'on n'est qu'intervenant. Je ne suis pas membre de la commission parlementaire des affaires municipales. J'ai eu l'occasion de participer à ses travaux parce que des collègues m'ont laissé leur place lors des auditions des groupes, des organismes qui se sont présentés devant la commission, mais cela n'a pas été le cas, malheureusement. Je l'ai beaucoup regretté. Je l'aurais souhaité. Je n'étais qu'intervenante, malheureusement, et je n'avais donc pas droit de vote. J'ai, par ailleurs, suivi attentivement tous les travaux de la commission.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la question de règlement, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, je pense qu'il y a quelques précisions à apporter. D'après les propos de la députée de Maisonneuve, aucun député n'aurait le choix de faire partie de commissions parlementaires, on ne choisit pas si on est intervenant ou membre. Or, vérification faite dans les procès-verbaux, il appert, d'après nos informations, qu'à compter du 27 mai 1982 Mme la députée de Maisonneuve était membre à part entière de la commission des affaires municipales. Si elle a choisi de devenir intervenante pour cette séance, c'est son choix ou, enfin, c'est le whip ou le leader du gouvernement qui en a décidé ainsi. Il me semble, M. le Président, qu'il ne faut quand même pas laisser une impression fausse à ceux qui nous écoutent. Chaque député a le choix de décider à quelle commission il veut bien appartenir.

Mme Harel: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Vous me permettez? Oui, je vous remercie. Là, vraiment, il y a certainement une opinion fausse qui est répandue par le député de Marguerite-Bourgeoys. Je pense que je pourrais le mettre au défi de me faire connaître la motion de l'Assemblée. Je suis membre de la commission de l'industrie, du commerce et du tourisme depuis le 27 mai, ayant demandé le transfert de la commission des affaires intergouvernementales à la commission de l'industrie, du commerce et du tourisme. C'est ça, en fait. Cela n'a rien à voir avec les affaires municipales.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint.

M. Lalonde: ... pour n'induire personne en erreur, nous allons faire les vérifications que j'ai tenté de faire avant l'intervention du député de Nelligan. Les informations qui venaient du secrétariat sont à savoir que Mme la députée de Maisonneuve est membre à part entière de la commission des affaires municipales depuis le 27 mai. Maintenant, s'il en est autrement, on se conformera aux informations qu'on nous donnera.

M. Brassard: Question de règlement, M. le Président.

Mme Harel: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.

Mme Harel: Le règlement a préséance sur le privilège ou le privilège sur le règlement?

M. Brassard: M. le Président, Mme la députée de Maisonneuve vient d'affirmer une chose; selon notre règlement, tous les membres de cette Assemblée devraient accepter la parole de la députée. Exactement. Oui.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Lalonde: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Je crois qu'on peut avoir des opinions. On peut vérifier, évidemment, mais pour l'instant, Mme la députée de Maisonneuve, vous pourrez rectifier suivant les événements. Alors, la parole est au député de Nelligan, à moins que vous n'ayez une question de privilège.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Je souhaite simplement que vérification soit faite et que l'information soit donnée à la

présente Assemblée avant l'ajournement du débat. J'aurais préféré que le député de Marguerite-Bourgeoys vérifie avant de faire son affirmation.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de privilège. Une vérification a été faite avant que l'affirmation soit faite par le député de Nelligan. Maintenant, puisque la députée de Maisonneuve met en doute l'information qui nous est communiquée, nous allons encore vérifier, mais il ne faut quand même pas... Enfin, je suis prêt à prendre sa parole, mais j'aime mieux vérifier auprès des documents de l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous ferons les vérifications. Pour l'instant, la parole est au député de Nelligan, à moins qu'on ne me les fournisse. M. le député de Nelligan, vous avez la parole.

M. Lincoln: M. le Président, tout ce que je voulais faire ressortir, c'est que les paroles de la députée de Maisonneuve, qui a commencé par...

M. Lalonde: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue, le député de Nelligan...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Lalonde: ... mais on me communique à ce moment-ci le procès-verbal de la séance du mercredi 26 mai 1982 de la commission élue permanente de l'Assemblée nationale, il y a à peine quelques jours, et on y voit comme membres de la commission des affaires municipales, et je vais les nommer comme on les énumère: M. Fallu (Groulx), Mme Harel (Maisonneuve), etc.

Des voix: Ah!

M. Lalonde: Je pense, M. le Président, que l'information que j'avais communiquée et que le député de Nelligan avait communiquée était conforme. Je laisse à la députée de Maisonneuve le soin de faire les excuses nécessaires.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président, vous allez me permettre de vérifier, c'est la première nouvelle que j'en ai moi-même.

Des voix: Oh!

Mme Harel: Absolument. Ayant demandé au whip de ma formation politique de pouvoir être membre de la commission parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme, je n'ai aucunement suivi l'étude des crédits de la commission des affaires municipales, ne sachant pas que j'en étais membre, et j'ai très attentivement suivi l'étude des crédits de la commission de l'industrie et du commerce. Il y a certainement eu erreur, M. le whip, et je n'en suis absolument pas responsable. Je ne le savais même pas. Ceci étant dit, je voudrais rappeler à cette Assemblée, M. le Président, que la commission parlementaire qui a étudié article par article la loi no 46 a siégé... À quelle date? J'aimerais qu'on me le précise.

Une voix: À partir du 18 mai jusqu'au...

M. Chevrette: M. le Président, question de...

Mme Harel: La commission parlementaire qui a fait l'étude article par article de la loi no 46 a siégé avant que j'aie été ou que j'aurais pu être nommée à cette commission.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip du gouvernement.

M. Chevrette: Je confirme de mon siège les avancés de la députée de Maisonneuve. C'est tout dernièrement à peine que les nouvelles listes... et c'est après, véritablement, que la commission... Je peux le certifier de mon propre siège.

M. Caron: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Verdun, question de...?

M. Caron: Question de privilège ou demande de directive. M. le Président, je voudrais dire au whip du parti ministériel, qui m'a attaqué tout à l'heure en disant qu'on ne se consultait pas de ce côté-ci, que j'espère qu'on va se consulter de l'autre côté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le whip du gouvernement.

M. Chevrette: Là-dessus, je vais rectifier. On s'est entendu entre les whips pour arriver à un dépôt des listes des commissions. C'est une entente entre les partis. Il ne faudrait quand même pas charrier, M. le député de Verdun. On s'est entendu pour procéder à un renouvellement

de nos membres des commissions parlementaires. C'est là qu'on a procédé à des consultations, mais ces consultations qui ont commencé vers la mi-mai se sont terminées vers le 25 ou le 26 mai. On s'était entendu pour déposer les listes par la suite. Donc, c'est d'un commun accord avec le whip, mon vis-à-vis, M. le député de Verdun, que cette opération s'est faite et je vous demanderais, s'il vous plaît, de respecter autant votre collègue que moi-même.

M. Caron: M. le Président, question de privilège.

Mme Lachapelle: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: M. le Président, j'aimerais apporter quelques précisions, parce que j'étais là lors de l'échange des membres et intervenants. Il n'a nullement été question que Mme Harel soit membre de cette commission, mais intervenante, et j'ai cédé moi-même ma place comme membre à M. le député de Saint-Jacques à titre de membre. Quant à moi, j'étais intervenante à ce moment-là.

M. Caron: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Verdun, sur une...

M. Caron: ... il est important de dire que, dans notre formation politique, nous nous consultons avant de nommer des membres...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement, rapidement, s'il vous plaît. (22 heures)

M. Brassard: M. le Président, j'ai ici entre les mains le procès-verbal du mercredi 26 mai. On peut y lire: "À la salle 91, la commission de l'Assemblée nationale - dont je fais partie - pourra apporter des modifications à la liste des membres des commissions permanentes et approuver également des décisions de la régie interne." Donc, les changements se sont faits au niveau de la composition des commissions, cela s'est fait après l'étude article par article du projet de loi no 46.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je voudrais seulement rectifier les propos de la députée de Dorion affirmant qu'elle n'était pas membre de la commission. Sur l'amendement en question... Non! J'ai rectifié - question de règlement -l'amendement du chef de l'Opposition, il est clairement démontré à la page 10 du rapport que Mme Lachapelle (Dorion) était membre de la commission.

M. Bissonnet: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Sur la question de règlement, j'ai devant moi la feuille de la commission qui a été tenue le 18 mai et Mme Lachapelle était effectivement membre et c'est le député de Saint-Jacques qui a remplacé le député de Beauce-Nord.

Des voix: Ah! Ah!

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: Je m'excuse, c'est une erreur.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Mme Lachapelle: Je voudrais dire qu'il y a eu des ententes la veille...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

Une voix: Laissez parler la députée de Dorion.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La parole est au député de Nelligan.

Des voix: Bravo!

M. Lincoln: M. le Président, je ne savais pas que j'allais lâcher le chat parmi les pigeons. Je suis content d'un côté... Je m'excuse envers la députée de Maisonneuve quant aux dates, mais, en même temps, je suis content d'avoir fait une petite intervention selon les informations que m'avait données mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, parce que cela montrera, contrairement à ce que soulignait la députée de Maisonneuve, quand elle a commencé, en parlant de la confusion générale dans le Parti libéral - j'ai été enchanté de le voir -qu'elle-même ne savait pas qu'elle était membre de la commission des affaires municipales le 27 mai, qu'il y avait une confusion totale à une telle commission et

qu'elle l'a même admis. Dans notre parti, on n'a pas le choix d'être intervenant ou membre, dans notre parti...

Une voix: Arrive en ville!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, un instant, s'il vous plaît! Les incidents étant clos, je vous demanderais de parler sur la proposition qui est en cours, c'est-à-dire la troisième lecture du projet de loi qui est en cours actuellement. Je vous rappellerais... S'il vous plaît! Le débat sur la motion de troisième lecture d'un projet de loi est restreint à son contenu. M. le député de Nelligan.

Une voix: Est-ce que c'est compris?

M. Lincoln: J'espère que je ne suis pas le seul à m'en tenir à cela. Je suis sûr que le ministre de la Justice va maintenant être satisfait. Cela va. Je sais que cela a dû l'ennuyer de penser qu'il y a tellement de confusion au sein de son parti.

M. Bédard: Vous faites erreur. M. le Président... La seule chose...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le ministre, pour que cela puisse être enregistré. C'est simplement pour ramener un peu de calme pour les gens qui nous regardent à la télévision et dans l'assistance, en rappelant que le décorum est permis en cette salle.

M. le ministre, en vertu d'une question? Non?

M. Bédard: M. le Président, la seule chose qui m'ennuie, c'est de voir une formation politique, qui est l'Opposition, ne pas être capable de...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, n'ouvrez pas la boîte...

Une voix: ... de Pandore! Une voix:Ferme ta boîte!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Bien entendu, la boîte de Pandore.

M. le député de Nelligan, s'il vous plaît, sur le contenu.

M. Lincoln: Oui, le juge a toujours raison. M. le Président, dans mon comté, nous avons deux grosses industries pharmaceutiques établies à Kirkland. Dans mon comté, il y a aussi une grosse manufacture d'ordinateurs. Je suis sûr qu'il n'y en a pas dans le comté de mon ami là-bas. Dans mon comté, il y a aussi une firme de télécommunications spatiales qui a produit le Canada Arm. Ces industries - ce sont les exemples de deux ou trois - quand elles se sont établies à Kirkland ou à Sainte-Anne-de-Bellevue, est-ce qu'elles se sont établies vraiment dans la banlieue ou à Montréal? C'est la question fondamentale. Est-ce que Montréal commence aux frontières tout à fait arbitraires de la ville de Montréal ou est-ce toute l'agglomération de Montréal? L'aéroport de Dorval, est-ce que cela appartient à Dorval comme banlieue ou est-ce l'aéroport de tous les citoyens de Montréal qui s'en servent de jour en jour?

Le fait, c'est que nous sommes tous, nous qui habitons l'île de Montréal, de Montréal, qu'on soit de la banlieue ou de la ville même de Montréal. Les frontières fictives qui ont été bâties au cours des années sont des frontières arbitraires qui ne changent pas la vie des citoyens, qui ne changent pas le comportement des citoyens. Un citoyen qui déménagerait d'Outremont, soi-disant la banlieue, pour aller vivre à quelques mètres de là, dans la ville de Montréal, change-t-il fondamentalement de situation comme citoyen lorsqu'il déménage au-delà de sa petite frontière tout à fait arbitraire et fictive? J'entendais un des députés, le député de Rosemont, dire: Le maire sera de Montréal, cette fois-ci, selon la loi, mais qu'est-ce qui va arriver après? Qu'est-ce que cela peut faire, ce qui arrivera après? Si un citoyen de la soi-disant banlieue devenait président de la Communauté urbaine de Montréal, est-ce que cela veut dire que ce citoyen ne serait pas aussi méritant, aussi bon président de la Communauté urbaine de Montréal que ne le serait quelqu'un qui est citoyen de la ville de Montréal? En fait, le président actuel de la Communauté urbaine de Montréal vient de la banlieue. Il n'est pas moins montréalais, il n'est pas moins de Montréal, il n'a pas moins en vue l'esprit de la Communauté urbaine de Montréal que s'il habitait à quelques mètres de là dans la ville de Montréal? Cette espèce d'esprit de clocher qui voudrait nous séparer jusqu'au point où il serait inadmissible qu'un président de la Communauté urbaine de Montréal vienne de la banlieue, c'est un esprit de clocher que justement cette loi essaie de changer.

On parle de prépondérance de la ville de Montréal, et la loi va la consacrer, c'est sûr. Selon la loi maintenant, ce serait impensable qu'un président vienne de la banlieue, mais quelqu'un a dit:

Prépondérance, non, mais pas de domination. C'est vraiment un genre de domination qui a existé jusqu'ici, parce que nous, de la banlieue, qui sommes des citoyens de Montréal à part entière, nous n'avons pas les mêmes droits aux services que les Montréalais, et pourtant nous payons presque la moitié des taxes que paient la ville de Montréal et les citoyens de la ville de Montréal. C'est exactement ce que nous

avons cherché depuis des années, une espèce d'esprit d'équilibre, un esprit de plus grande ouverture et de justice qui nous donnerait une voie plus équilibrée au sein de la Communauté urbaine de Montréal. Pour nous, les petites frontières de villes, de cités ou de banlieues par rapport à celles de la ville de Montréal comptent de moins en moins. On veut espérer que la Communauté urbaine de Montréal sera une communauté vivante, prospère pour tous, qu'ils soient de la banlieue ou de la ville de Montréal et que plus tard, un jour, ce sera une grande ville de Montréal qui saura oublier ses petites frontières.

Donc, ce projet de loi no 46, quoiqu'il ne soit peut-être pas parfait, est certainement un pas en avant, un pas de meilleur équilibre. C'est sûr, comme l'a fait remarquer le chef de l'Opposition, qu'il faudrait bientôt une révision fondamentale de tout le principe de ces frontières des 28 petites villes de banlieue et de la ville de Montréal, réorganiser tout cela dans un aspect beaucoup plus logique que ce n'est le cas maintenant. Cela viendra avec le temps. Entre-temps, je pense que le projet de loi no 46 est un pas en avant pour un meilleur équilibre, pour une meilleure ouverture, pour une meilleure équité et, personnellement, je trouve que ce pas est un avantage. (22 h 10)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Gouin.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Merci, M. le Président. Je désire prendre seulement quelques minutes dans ce débat de troisième lecture sur le projet de loi no 46 pour rappeler mes positions sur ce projet de loi qui réforme la Communauté urbaine de Montréal, positions qui sont les mêmes, quant à moi, depuis le tout début de l'étude du projet de loi no 46.

Tout d'abord, M. le Président, quant à moi, il importe de reconnaître l'effort très positif que j'ai appuyé et que je continue d'appuyer quant à une plus grande démocratisation des structures de la Communauté urbaine de Montréal, quant a une plus grande association des citoyens et des groupes communautaires à cette communauté, quant à une plus grande responsabilisation des élus qui composent l'ensemble du conseil de cette communauté et quant au rôle beaucoup plus grand qui est reconnu, qui est accordé aux municipalités de la banlieue de Montréal dans tout le processus décisionnel que nous connaissons à l'intérieur de cette nouvelle communauté.

Je veux toutefois, M. le Président, aussi rappeler mon opposition fondamentale à une des dispositions qui constitue finalement la pierre angulaire du projet de loi no 46, disposition qui fait perdre à Montréal la prépondérance qui lui avait été reconnue dans le projet de loi qui a constitué la communauté en 1969. Cette disposition, comme je le disais, rend le projet de loi no 46, non seulement à mes yeux de Montréalais, mais de député de l'Assemblée nationale du Québec, absolument inacceptable et c'est pour cette raison que je continue à m'opposer à ce projet de loi.

Finalement, sur le projet de loi, je veux aussi souligner ma très grande déception de voir que nous refusons toujours de nous attaquer au problème fondamental des structures de cette communauté qui maintient, avec le projet de loi no 46, tel que nous le connaissons à l'heure actuelle, une communauté qui est composée de 29 municipalités, dont 28 en banlieue, qui sont des municipalités vraiment très différentes les unes les autres, qui vont de 95 000 habitants à 1280 habitants, qui font en sorte que nous soyons obligés de reconnaître à la banlieue exactement la même situation que si la banlieue constituait une seule municipalité, alors que nous savons très bien que ces municipalités sont très différentes et que c'est quelque chose de très artificiel de les considérer comme si elles constituaient un bloc. C'est pourquoi j'aurais souhaité, tel que je l'avais demandé dans mon discours en deuxième lecture, que nous acceptions en commission parlementaire de donner le mandat à l'exécutif de la communauté urbaine d'étudier des projets de regroupement de municipalités possibles pour faire en sorte que nous nous attaquions au problème de fond des structures de cette communauté.

Quant à la position du Parti libéral du Québec, et particulièrement quant à l'amendement qui a été présenté en commission par le chef de l'Opposition et qui a été défendu par le député de Mont-Royal et certains de ses collègues, je dirai pourquoi cette proposition n'était absolument pas satisfaisante pour les intérêts vitaux des Montréalais. J'expliquerai donc en même temps pourquoi je me suis abstenu, moi qui étais membre de cette commission, sur cette question.

Je crois qu'il est absolument insensé de lier uniquement la prépondérance de Montréal au facteur démographique. C'est ce que la proposition du chef de l'Opposition avançait. Lier la prépondérance de Montréal au facteur démographique, c'est oublier le rôle moteur, économique de Montréal, non seulement à l'intérieur de la communauté urbaine, mais à l'intérieur de tout le Québec. C'est aussi maintenir une structure de relation qui met toujours en opposition et en confrontation Montréal et l'ensemble des municipalités de banlieue, ce qui est absolument inacceptable et ce qui aurait dû être corrigé par ce projet de loi. C'est, d'autre part, associer la notion de prépondérance de Montréal au sein de la communauté au rôle de président de

cette communauté. Quant à moi, il y a moyen, exactement comme dans la loi de 1969, celle qui prévaut à l'heure où nous nous parlons, de reconnaître la prépondérance de Montréal au sein de la Communauté urbaine de Montréal sans obligatoirement confier la présidence de la communauté à un Montréalais, exactement comme nous le vivons à l'heure actuelle, alors que Montréal a la prépondérance à l'exécutif de la communauté, mais que cette communauté est présidée par un maire de banlieue, soit le maire d'Outremont.

Finalement, M. le Président, je tiens à rappeler que la proposition de l'Opposition sur la question de la prépondérance de la ville de Montréal faisait en sorte que, dans la structure actuelle de 29 municipalités, Montréal et 28 villes de banlieue, Montréal aurait pu, à partir du moment où sa population diminuait à 49% de la population de l'ensemble de la communauté, perdre sa prépondérance au sein de la communauté alors qu'elle aurait continué non seulement d'être la municipalité la plus importante, et de loin, des 28 municipalités de banlieue, mais qu'elle aurait aussi continué à être la municipalité la plus importante de tout le Québec.

M. le Président, c'est pour cette raison que je n'ai pas appuyé cette proposition, mais, parce qu'elle allait quand même un peu plus dans le sens des positions que j'avais énoncées, je n'ai pas voulu non plus voter contre cette proposition. C'est pour cette raison que je me suis abstenu de voter.

M. le Président, ma position a toujours été claire. Il n'est pas question d'accorder une demi-prépondérance à la ville de Montréal. Il n'est pas question d'accorder trois quarts d'une prépondérance de la ville de Montréal au sein de la communauté. Ce que nous souhaitons, c'est que nous reconnaissions véritablement, de façon définitive et permanente, la prépondérance à la ville de Montréal au sein de la Communauté urbaine de Montréal. D'ailleurs, M. le Président, c'est la position que l'ensemble des députés du caucus de Montréal qui se sont opposés à ce projet de loi avaient exposée dès l'ouverture de la commission parlementaire, après la première lecture du projet de loi, au cours de laquelle nous avons entendu les mémoires des différents organismes. Nous avions proposé qu'à l'exécutif, nous retrouvions sept représentants de Montréal et six de l'ensemble des municipalités de banlieue.

M. le Président, voilà ma position sur la question de la prépondérance de Montréal au sein de la communauté. Voilà ma position que je réitère ici comme je l'ai fait en commission parlementaire sur la proposition d'amendement du Parti libéral du Québec. Voilà, M. le Président, l'ensemble des raisons qui font que je voterai, en troisième lecture, comme je l'ai fait en deuxième lecture, contre ce projet de loi. Je dirai au chef de l'Opposition, qui est absent actuellement de l'Assemblée nationale, que je peux énoncer immédiatement ma position sur ce projet de loi et que je n'ai pas besoin de convoquer un caucus de mes députés pour essayer de prendre une décision alors que les discours auront tous été prononcés ici. Je n'ai jamais eu besoin de faire des caucus de l'ensemble des députés pour savoir de quelle façon on pouvait défendre les véritables intérêts de Montréal à l'Assemblée nationale du Québec et j'invite ces collègues qui n'ont pas encore parlé à exprimer immédiatement de quelle façon ils voteront sur ce projet de loi no 46. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laurier.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord féliciter le député de Gouin pour la promotion qu'il a eue. Il peut dorénavant convoquer ses députés à un caucus. Cela n'a pas été annoncé comme tel.

M. le Président, il y a une règle fondamentale en démocratie qui dit que la représentation des gens se fait sur la base de la population représentée. Le député de Gouin et d'autres membres du parti ministériel ont voté contre le projet de loi no 46 en deuxième lecture, mais, pour des raisons de stratégie pour certains et pour des raisons qu'on vient d'énoncer pour d'autres, ils se sont abstenus, en commission parlementaire, de voter dans le sens d'un amendement qui aurait donné une prépondérance à la ville de Montréal. À ma connaissance, le président fait partie de l'exécutif, et, quand un exécutif est composé de sept membres d'un côté et de six de l'autre, cela veut dire qu'il y a une prépondérance à l'exécutif. Effectivement, le président y joue un rôle important. L'amendement qu'on a proposé en commission parlementaire disait exactement ce qui suit, il disait que le conseil de la CUM pourrait décider à majorité simple qui serait le président du comité exécutif. (22 h 20)

Quand on sait que Montréal, à l'heure actuelle, représente 54% ou 55% de l'ensemble de la population de la CUM, la Communauté urbaine de Montréal, il est clair que Montréal aurait eu la prépondérance à l'exécutif. C'est contre cela que des députés du parti ministériel ont voté, concernant leur propre projet de loi, et ils nous annoncent qu'ils vont voter contre en troisième lecture, c'est ce qu'ils disent souhaiter, c'est ce qu'ils disent qu'ils voudraient voir. Sauf que, comme cela a été souligné amplement ce soir, ils ont tous dit cela devant les

caméras. En commission parlementaire, où il n'y a pas de caméra, où les citoyens ne suivent pas de très près ce qui se passe aux commissions parlementaires, il y en a quelques-uns qui se sont arrangés pour devenir intervenants et non pas membres; la logique de ceux qui étaient membres étaient à peu près celle-ci.

En anglais, il y a un proverbe qui dit: "Cut off my nose to spite my face". Cela veut dire à peu près: Coupez mon nez pour bouder mon visage. Cela veut dire qu'on refuse, par une logique un peu étrange et distorsionnée un amendement qui aurait comme effet de donner la prépondérance à Montréal, chose qu'on nous réclame ici depuis le début de ce débat. On nous dit qu'on n'aurait pas dû lier la prépondérance de Montréal à la démographie de l'ensemble. C'est un point de vue.

Par contre, il y a un autre principe qui, selon moi, est plus important que cela. C'est effectivement le principe que si, un jour, les banlieues arrivent à représenter plus de population que la ville de Montréal, ce serait le conseil de la CUM, encore par majorité simple, donc, l'ensemble des banlieues, si jamais il arrive qu'elles représentent plus de gens que Montréal, qui pourrait nommer le président.

Je ne veux pas revenir sur l'histoire qui veut que le parti ministériel dise des choses devant les caméras et fasse autre chose, on l'a vu dans d'autres projets de loi aussi. On l'a vu, par exemple, dans le projet de loi sur les services essentiels. On a dit une chose devant les caméras et on a fait toute autre chose dans les gestes concrets.

J'aimerais effectivement dire qu'il est vrai que Montréal a une place unique dans l'ensemble de la Communauté urbaine de Montréal. C'est effectivement le moteur de toute cette affaire. Dans toute cette mosaïque qu'est la communauté urbaine, Montréal est la pièce centrale, la pièce qui ressort d'un coup d'oeil sur la carte. C'est une ville qui compte 1 000 000 d'habitants tandis que, parmi les 28 autres municipalités de banlieue, la plus grande d'entre elles n'a que 10% de la population de Montréal.

On nous dit qu'on cherche aussi à trouver un nouvel équilibre dans les relations entre les banlieues et la ville de Montréal après dix ou onze ans de fonctionnement de la CUM. Je crois qu'on n'impose pas la coopération entre les gens. Quand on formule des projets de loi, on n'évite pas la réalité. La réalité, c'est cela, Montréal est une ville qui n'est pas comme les 28 autres, c'est une ville différente, c'est une ville unique, c'est une ville qui a un rôle primordial à jouer dans le développement économique du Québec, dans le visage culturel et sociologique du Québec. Le gouvernement et le ministre auraient dû le reconnaître dans le projet de loi et faire une place, dans le sens de l'amendement qu'on a proposé à la commission parlementaire, pour assurer qu'aussi longtemps que Montréal occupera cette place de ville représentante de la grande majorité de la population de l'ensemble de la CUM, elle aura sa prépondérance dans la composition de l'exécutif de la CUM.

En ce qui concerne le reste du projet de loi no 46, il y a eu des arguments, comme l'a souligné mon collègue de Nelligan, qui sont positifs, entre autres le fait que, dorénavant, le budget, par exemple, ne sera pas adopté de façon automatique; mais que cela prendra un vote à majorité double au conseil, ce qui permettra finalement aux banlieues et aux citoyens des banlieues d'avoir un certain contrôle, un droit de regard sur les dépenses qui se font là-bas. Effectivement, depuis un certain temps, tous les contribuables de l'île ont constaté que cela coûte cher et que leurs taxes foncières ont augmenté de façon assez dramatique depuis quelques années.

C'est important que les élus du peuple qui viennent des banlieues aient un droit de regard là-dedans, que ce ne soit pas un rapport de forces entre Montréal et les banlieues où, finalement, le pendule ne penche que d'un côté. C'est pour cela qu'on favorise certaines choses existant dans le projet de loi no 46 qui permettent le rétablissement d'un équilibre, sauf qu'il aurait fallu reconnaître que l'équilibre qu'on cherche ne peut pas être quelque chose qu'on va imposer de haut en bas. C'est un équilibre qui doit venir de l'intérieur, c'est un équilibre qui doit venir de la constatation et de l'acceptation de la réalité qu'est la CUM. Cela veut dire de permettre à Montréal de jouer son rôle primordial, reconnaître qu'il devrait y avoir une prépondérance de Montréal en ce qui concerne l'exécutif du conseil de la CUM.

Il y a autre chose que j'ai une certaine difficulté à comprendre dans le projet de loi, dans le sens de sa logique. Si ma mémoire est bonne, on a décidé que l'exécutif du conseil serait composé par les présidents et vice-présidents des commissions permanentes qui sont créées, ce qui en soi est un autre bon pas dans la bonne direction et qui ouvre un peu le débat à la CUM, permettant un plus grand éclairage pour les citoyens et peut-être une participation un peu plus réelle. De là à décider que ce seront uniquement les gens qui président ou les vice-présidents de ces commissions qui formeront l'exécutif, il me semble qu'il y a là, M. le Président, une certaine centralisation du pouvoir entre les mains d'un nombre assez restreint de gens.

Vous me faites signe qu'il reste deux minutes, M. le Président, j'achève. En général, je trouve qu'après douze ans d'existence il aurait fallu faire un certain

réaménagement. Je trouve aussi, M. le Président, qu'il faut, quand on adopte un projet de loi comme celui-là, aller un peu plus loin dans la reconnaissance des choses et appeler les choses par leur nom. Montréal, ce n'est pas une ville comme les autres. Cela devrait être clairement indiqué dans le projet de loi et le ministre aurait dû accepter l'amendement qu'on avait proposé et, chicanes à part, les députés qui vraiment disent qu'ils étaient contre cela auraient dû simplement et honnêtement voter pour cet amendement, M. le Président, et ne pas trouver d'autre manière de se défiler. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip du gouvernement, sur une question de privilège.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais, sur une question de privilège, déposer les deux copies de toute la brique que j'avais déposée et indiquer l'erreur qu'il y a dedans. Si vous me permettez, à la commission des affaires municipales, nous avons droit à sept membres et cinq intervenants en ce qui concerne le parti ministériel. Aux affaires municipales, nous en avions huit et la huitième est Mme Louise Harel, députée de Maisonneuve. À la commission des affaires sociales où elle est membre, elle n'est pas inscrite et nous en avons six. Donc, j'apporte la correction et je la dépose ainsi que la brique pour montrer que l'erreur est purement technique.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le leader adjoint de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Lalonde: M. le Président, sur une question de règlement parce que la rectification apportée par le whip pourrait laisser penser que nous avons fait erreur en prétendant que la députée de Maisonneuve était membre de la commission des affaires municipales. Je crois que le rapport officiel de la commission de l'Assemblée nationale indique bien que la députée de Maisonneuve est membre des affaires municipales. Ce rapport a été déposé en Chambre et le moment d'en discuter est passé depuis déjà un bon moment. Il aurait été loisible au whip de regarder le rapport et tous les députés, et d'indiquer qu'il y avait eu erreur. Je pense qu'à ce moment-ci on n'a aucun reproche à faire aux membres de l'Opposition.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de règlement, M. le whip.

M. Chevrette: Ce n'est pas une question de blâme à qui que ce soit. Je viens de constater une erreur technique. À huit membres, on n'a pas droit. Vous autres mêmes, vous vous y seriez opposés parce que c'est sept le nombre maximal, tandis qu'aux affaires sociales, nous n'avions que six membres. Je ne blâme personne. Je considère que c'est une erreur technique. J'ai demandé au greffier qu'il me dise... Quand le nom est marqué, nous, nous tenons pour acquis qu'il est membre, indépendamment de l'erreur technique.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de céder la parole au député de Bourassa, puisqu'il l'a demandée, parce que j'étais présent et membre de la commission de l'Assemblée nationale, je voudrais dire simplement, pour bien clarifier la situation, que l'erreur technique dont vient de faire mention le whip en est une autre de l'autre côté puisque l'ancien député de Saint-Laurent, le député Forget, est encore membre de la commission des comptes publics après vérification du rapport. Je voudrais aussi pour les besoins de la cause dire que Mme la députée de Maisonneuve, eu égard au fait que la commission de l'Assemblée nationale a siégé après l'étude article par article de la commission des affaires municipales... pour essayer de clore le débat sur cette partie de correction de part et d'autre. (23 h 30)

M. Lalonde: M. le Président, il ne faudrait pas oublier d'inviter l'ancien député de Saint-Laurent à la prochaine réunion de la commission. Je vous ferai remarquer, sans vous faire de querelle sur l'heure ou les minutes, que la commission des affaires municipales a siégé, sur le projet de loi 46, du 18 au 26 mai, le jour même où les remplacements ont été faits.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de Maisonneuve, pour clore le débat.

Mme Harel: Rapidement, M. le Président, pour réaffirmer encore le fait que ma bonne foi est totale. Je n'ai jamais eu connaissance de cette erreur technique et je n'ai jamais, en fait, siégé en tant que membre à la commission parlementaire des affaires municipales. Je verrai donc avec vous, M. le Président, à ce que correction soit faite le plus tôt possible.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Le député de Bourassa a maintenant la parole sur la troisième lecture.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: Merci, M. le Président. Lorsqu'on est venu me demander, lorsqu'on est venu me chercher à mon travail au salon rouge où je présidais la commission parlementaire sur l'étude, article par article, du projet de loi 65, Loi sur l'accès à

l'information, quel ne fut pas mon étonnement d'apprendre que la troisième lecture du projet de loi 46 n'était pas terminée et qu'on était encore à en parler! On m'a rapporté aussi, M. le Président, que l'Opposition, depuis le début, depuis 20 heures, répète ses discours de deuxième lecture et répète aussi ses discours de la présentation ou de la considération du rapport après l'étude article par article en commission parlementaire. Je trouve drôle une telle situation, M. le Président, mais je voudrais vous faire un bref historique, depuis le dépôt du projet de loi 46, avec l'Opposition.

Si on prend le projet de loi 46, lorsqu'il a été déposé en première lecture, ce fut d'une façon unanime qu'on a adopté le principe de ce projet de loi. Différents discours ont suivi, autant du parti ministériel que de l'Opposition. Au vote de deuxième lecture, l'Opposition, en bloc, a voté pour le projet de loi 46. À ce moment-ci, je ne voudrais pas apporter de confusion non plus; six députés du parti ministériel représentant des comtés de la ville de Montréal - et non pas le caucus de Montréal - ont voté contre cela, suivant ce qu'ils croyaient le mieux. En commission parlementaire, on me dit qu'on a beaucoup parlé aussi du comportement de ces six députés. Aujourd'hui, l'Opposition se veut le défenseur de la prépondérance de Montréal, mais lorsque le chef de l'Opposition accusait nos six députés de ne pas s'être battus avec éclat pour Montréal, je lui ferai remarquer qu'il est venu s'inscrire à la commission parlementaire et qu'il n'y a assisté qu'une seule fois, soit lors de l'étude de l'article 3 qui était l'article fondamental, M. le Président, du projet de loi. On n'a pas vu le député de Saint-Henri qui, pourtant, est un député de Montréal, représentant la ville de Montréal. Le député de Laurier s'est levé avant moi. Qu'avez-vous fait pour prendre la défense de la prépondérance de Montréal, M. le député de Laurier? Rien. Vous avez brillé par une absence complète à la commission parlementaire. M. le député de Viau...

M. Sirros: Question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa! Un instant, M. le député de Bourassa! J'ai une question de privilège de la part du député de Laurier.

M. Sirros: M. le Président, le député de Crémazie...

Une voix: Bourassa.

M. Sirros: Excusez-moi. Le député de Bourassa devrait être au courant que depuis environ trois mois, on siège à une commission select spéciale de l'Assemblée nationale qui nous occupe environ cinq jours par semaine pour les derniers deux mois à peu près et environ une dizaine d'heures par jour. Donc, ne parlons pas de briller par l'absence, M. le Président, parce qu'on est assez présent ailleurs.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: M. le Président...

M. Lalonde: J'aurais une question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de règlement de la part du leader adjoint de l'Opposition.

M. Lalonde: J'ai attendu que le député de Bourassa s'avance un peu plus dans le chemin rocailleux de son propos parce que je pense qu'en toute justice - et je fais appel à sa bonne foi - pour tous les membres de cette Assemblée, il devrait reconnaître qu'un grand nombre de membres sont occupés à d'autres commissions, à d'autres débats à l'Assemblée nationale. Il y en a qui ne sont même pas ici ce soir, occupés à d'autres commissions, et que le député de Bourassa pourrait mentionner. Je fais appel à sa bonne foi, à sa gentilhommerie pour faire porter son propos sur le fond de la question et non pas sur ce qui s'est passé à la commission parlementaire qui ne serait peut-être même pas acceptable ici.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Bourassa, avant de vous permettre de continuer, comme vous êtes président de commissions - vous en avez fait mention au commencement de votre intervention - vous devez savoir qu'en troisième lecture - je le rappelle encore une fois pour les besoins de la cause - l'article 126, pour bien vous le citer dit que "Le débat sur la motion de troisième lecture d'un projet de loi est restreint à son contenu." J'ai essayé, quand je suis arrivé à ce siège, d'inviter les gens à le faire, puisqu'on avait pris une tangente qui n'était pas correcte, à mon avis, sur les débats qui avaient eu lieu avant. Simplement pour vous dire, par rapport à la question de règlement que soulèvent le député de Marguerite-Bourgeoys et leader adjoint de l'Opposition, ainsi que le député de Laurier, qu'il y a peut-être des gens qui sont obligés de faire d'autres travaux en cette Assemblée, ici ou ailleurs, et qu'il faudrait les respecter, même s'ils n'ont pas eu -comme ils ne sont pas nécessairement membres - l'obligation d'assister à la commission parlementaire des affaires municipales.

M. le député de Bourassa.

M. Laplante: M. le Président, je trouve drôle la remarque qui se fait actuellement lorsque je réfère à la députée de Dorion qui, alors qu'ils étaient à une commission similaire, a trouvé le tour de venir défendre les intérêts de la ville de Montréal.

À 20 heures, j'ai écouté un discours qui s'est fait ici également et souvent, on ne s'en est pas tenu seulement à la troisième lecture, mais on a parlé de choses et d'autres qui s'étaient passées en commission parlementaire. Sur la défense du projet de loi no 46, j'y reviens tout de suite. À la commission parlementaire à laquelle on a abondamment fait allusion, l'Opposition s'est contentée de faire une motion d'amendement à l'article 3, par le député d'Argenteuil que l'on n'a pas vu une seule fois par la suite durant la commission. Par contre, de toutes les autres motions...

M. Ciaccia: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, M. le Président, le député de Bourassa vient de dire qu'il n'a pas vu le chef de l'Opposition une seule fois à la commission. Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement.

M. Ciaccia: Votre prédécesseur vient, justement, de rappeler à l'ordre le député de Bourassa. Il lui a cité l'article du règlement qui dit qu'en troisième lecture on doit se restreindre à parler sur le fond. Est-ce que vous pourriez rappeler une autre fois le député de Bourassa à l'ordre pour qu'il parle sur le fond? Au lieu de critiquer...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Ciaccia: ... ceux qui n'étaient pas à la commission parlementaire, qu'il critique donc le comportement de ceux qui étaient là.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! J'ai entendu celui qui m'a précédé citer l'article 126 qui demande, en fait, de parler sur le fond. Évidemment, je ne peux faire autre chose que de réitérer ce que mon prédécesseur a demandé de faire.

M. le député de Bourassa.

M. Laplante: On va continuer à parler sur le fond, M. le Président, dans le sens des amendements qui ont été apportés en commission parlementaire. Les amendements qui ont été apportés sont au nombre de sept et l'Opposition en a apporté des minimes.

Mais on aurait dit que plus vite le projet de loi était adopté, plus cela faisait l'affaire de l'Opposition. La preuve de cela - il y a beaucoup de témoins, je ne suis pas le seul à avoir pu le constater - c'est que, tout au long de la commission, vous avez eu le président des maires de banlieue qui a suivi la commission dans tous ses travaux. Vous avez eu le président de la Communauté urbaine de Montréal qui a suivi tous les travaux pendant au moins une journée, lui aussi. Vous avez eu les représentants de la Fraternité des policiers de Montréal qui ont été assidus à cette commission. Vous avez eu en plus le syndicat des fonctionnaires de la ville de Montréal qui a passé plusieurs jours avec nous pour l'étude article par article du projet de loi 46. (22 h 40)

Ce qui est surprenant dans tout cela, c'est qu'après avoir voté pour en deuxième lecture, à la prise en considération du rapport, voilà que l'Opposition nous annonce tout bonnement qu'elle votera contre. Je prends a témoin le député de Jeanne-Mance qui nous a avoué qu'il voterait contre le projet de loi no 46. Pourtant, le député de Marguerite-Bourgeoys disait aussi: Ce que j'aime dans le projet de loi, c'est que, là où il y avait une correction qui devait se faire pour que je puisse voter pour, c'était au niveau des budgets... Il y a des amendements dans l'étude du budget de la Communauté urbaine de Montréal qui font mon affaire, qui bonifient le projet de loi et qui me le rendent sympathique. J'ai hâte de voir, au vote de la troisième lecture, quel sera le comportement de l'Opposition. Est-ce que le député de Laurier votera contre? Est-ce que le député de Saint-Henri votera contre? Est-ce que le député de Viau votera contre? Un seul s'est prononcé. Ce n'est même pas un ancien maire en plus.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Je demande la collaboration de cette Assemblée pour que chaque intervenant ait la possibilité de prononcer son discours.

M. le député de Bourassa, il vous reste deux minutes.

M. Laplante: J'espère, M. le Président, que vous m'avez réservé le temps qui m'a été enlevé par l'Opposition.

Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai calculé le temps.

M. Laplante: Je parlais justement du député de Jeanne-Mance et j'ai trouvé que, comme ancien maire d'une ville de banlieue, il n'a pas été capable de prendre position lors de l'étude du projet de loi article par article.

M. Bissonnet: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le député de Jeanne-Mance.

M. Bissonnet: Je veux dire au député de Bourassa que j'ai pris position lors de l'étude article par article, que j'ai également pris position en deuxième lecture et que je vais prendre position en troisième lecture, demain; ne soyez pas inquiet de cela.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: S'il m'avait laissé finir ce que j'avais à dire, c'est qu'il n'a même pas été capable, comme maire d'une ville comme Saint-Léonard, de prendre la défense d'une ville de banlieue pour au moins obtenir une juste répartition des pouvoirs.

M. Bissonnet: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Jeanne-Mance sur une question de privilège.

M. Bissonnet: En tant que citoyen de la communauté urbaine, il était dans mon intérêt de défendre les intérêts de toute la Communauté urbaine de Montréal.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Bourassa, s'il vous plaît, vous pouvez continuer.

M. Laplante: Merci, M. le Président. On pourra dire que cela a été un discours qui a été entrecoupé par des gens qui n'ont pas d'idée de ce qu'est la Communauté urbaine de Montréal.

M. Bissonnet: Question de privilège, M. le Président.

M. Laplante: Ils n'en ont pas, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Jeanne-Mance, véritablement, sur une question de privilège?

Excusez-moi, M. le député de Jeanne-Mance, quand j'étais debout, il n'y avait aucun enregistrement. Sur votre question de privilège, M. le député.

M. Bissonnet: Question de privilège, M. le Président. Sur les propos que vient de tenir encore le député de Bourassa, je pense que tous les membres de l'Assemblée nationale doivent avoir un intérêt particulier pour toute la Communauté urbaine de Montréal.

M. Brassard: Cela fait trois fois, M. le Président, que le député de Jeanne-Mance se lève sur de fausses questions de privilège et interroge le député de Bourassa.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Voyez-vous, M. le Président, le sérieux que ces gens peuvent avoir dans l'étude d'un tel projet de loi pour former justement une communauté urbaine pour le Grand Montréal? Tout ce que j'espère, M. le Président, c'est que ces gens se retrouvent, au moment du vote de troisième lecture, et qu'ils montrent leurs vraies couleurs, non pas dans un spectacle de télévision comme celui qu'ils veulent faire depuis le début de la soirée et celui qu'ils ont fait sur la réception du rapport, qu'ils prennent de vraies décisions, qu'ils prennent une décision sur une Communauté urbaine de Montréal au service du peuple montréalais. C'est tout ce qu'on demande, c'est cela leur responsabilité, M. le Président. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Premièrement, M. le Président, je ne sais pas si les députés de Bourassa, de Rosemont et de Maisonneuve sont conscients que, quand ils disent qu'ils vont prendre la position de défendre les vrais intérêts des gens de Montréal, ils font quelque chose de très grave, parce qu'ils disent explicitement que, d'après eux, le ministre des Affaires municipales n'est pas capable de défendre les intérêts de Montréal dans ce projet de loi, que le premier ministre du Québec, qui va voter pour, demain, n'est pas capable de défendre les intérêts de Montréal, que le leader parlementaire n'est pas capable de défendre les intérêts de Montréal, que, dans ce projet de loi...

M. Tremblay: M. le Président, sur une question de directive.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le député de Chambly, sur une question de directive.

M. Tremblay: Tout à l'heure, le député de Notre-Dame-de-Grâce s'est levé sur une question de privilège. Le président lui a demandé s'il aurait l'occasion, lors de ce débat, de s'exprimer. Il a dit qu'il ne s'exprimerait pas, puisque d'autres de ses collègues allaient le faire suffisamment, en nombre suffisant.

Je me demande si, maintenant, il a le droit de s'exprimer, puisqu'il a déjà eu...

M. Lalonde: M. le Président, question de directive.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur une question de directive, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Sur la question de directive, M. le Président, il est exact que le député de Notre-Dame-de-Grâce, de la façon dont il me l'a expliqué après, n'avait pas l'intention de s'exprimer, mais, devant le caractère insipide des arguments des ministériels, il a décidé, comme il a le droit de le faire, d'utiliser son droit de parole pour s'exprimer lors de la troisième lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Pour bien comprendre la situation, je crois que j'ai reconnu le député de Notre-Dame-de-Grâce, quand il s'est levé, et c'est le député de Notre-Dame-de-Grâce qui a maintenant la parole.

Des voix: Bravo!

M. Scowen: C'est vrai, M. le Président, que je n'avais pas l'intention de parler. C'est vrai également ce que le leader de l'Opposition vient de dire. Devant la situation où nous nous trouvons ce soir, je me suis dit qu'il était essentiel de dire quelque chose pour au moins essayer d'établir une certaine cohérence dans les déclarations des gens d'en face.

Ce que je voulais dire, M. le Président, c'est que, même s'ils essaient de se moquer de nous, les députés qui ont l'intention de voter contre leur parti, demain, sont en train de prendre une décision très grave et très sérieuse. Je pense qu'ils doivent s'en rendre compte. Ils disent - soit le député de Rosemont et les autres députés qui vont voter contre ce projet de loi de leur gouvernement - que le ministre des Affaires municipales n'a pas à coeur les intérêts de Montréal, qu'il n'est pas capable de défendre les intérêts de Montréal. Ils disent, effectivement - je le répète - que le premier ministre, le ministre des Finances et tous les autres ministres qui vont voter pour le projet de loi de ce...

M. Paquette: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, je pense que le député est en train de dénaturer l'intervention de plusieurs de mes collègues et la mienne en particulier. Très brièvement, je voudrais simplement lui dire que nous ne prêtons aucune intention au ministre, quelle qu'elle soit. C'est simplement que certains d'entre nous divergent d'opinions sur la question de la prépondérance à la ville de Montréal.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Comme mon prédécesseur l'a mentionné tantôt, ce soir, nous intervenons en vertu de l'article 126 de notre règlement et je le lis de nouveau: "Le débat sur la motion de troisième lecture d'un projet de loi est restreint à son contenu." M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, sur le contenu. (22 h 50)

M. Scowen: M. le Président, je vous remercie. Je pense que je parlais du contenu, parce que c'est un projet de loi avancé et proposé par le gouvernement du Québec qui, je l'espère, a à coeur l'intérêt des gens de Montréal, comme base fondamentale des principes énoncés dans le projet de loi. Peut-être allez-vous me permettre une dernière fois de le répéter, M. le Président, parce qu'on vit cette situation, des deux côtés de la Chambre. Le fait, pour un député membre d'un caucus, de poser un geste d'opposition à un projet de loi du gouvernement, c'est un geste très important, un geste qui dit exactement que vous ne réalisez pas les objectifs que vous voulez atteindre dans ce projet de loi. Votre projet de loi est contre les intérêts des gens de Montréal. Voilà ce que les opposants sont en train de dire.

Nous n'avons aucune honte ni aucune crainte - en tout cas, je n'ai aucune honte ni aucune crainte - de dire qu'il y a du bon, des deux côtés, dans cet argument. On a entendu, ce soir, des discours, à savoir que tout ce que le ministre proposait était mauvais. Il l'a entendu de ses propres collègues. On a entendu d'autres discours, à savoir que c'était bon. C'est extrêmement compliqué. Il n'y a pas de vérité absolue là-dedans. Je pense que, du point de vue de la population de Montréal, les gens ont, premièrement, à coeur l'idée qu'ils veulent être représentés véritablement dans la CUM. Le problème qui est arrivé depuis longtemps à Montréal, c'est que les contribuables, les citoyens de Montréal qui paient des taxes, se sentent éloignés de cette organisation qu'ils appellent la Communauté urbaine de Montréal. Les gens se retrouvent avec des élus municipaux qui sont leurs propres élus, mais avec un autre gouvernement qui dépense 600 000 000 $ par année et qui est loin de ceux qui sont obligés de payer le compte.

Je suis persuadé que le ministre a essayé de faire face à ce problème en rendant la Communauté urbaine de Montréal plus responsable, plus près de la population qui doit payer les frais. Je suis prêt à dire

ce soir que ses intentions sont bonnes, qu'il y a des choses qui sont très bonnes dans le projet de loi. Nous avons dit exactement cela dans nos discours en deuxième lecture de ce projet de loi. Le chef de l'Opposition et mes collègues ont tous parlé sur les détails, les arguments de base de ce projet de loi et nous avons voté pour.

Lors de l'étude article par article, le chef de l'Opposition a proposé trois ou quatre amendements très importants à ce projet de loi qui visaient à corriger quelque chose que nous, de l'Opposition, avons vu comme étant un problème. Le problème est qu'il faut - je pense que même les gens de banlieue reconnaissent le bien-fondé de cet argument - reconnaître le fait qu'il y a plus de monde à Montréal que dans le total des 28 autres municipalités qui l'entourent. Est-ce juste, à ce moment-ci, de donner la majorité à un groupe qui n'a pas effectivement la majorité des votes? Je pense que c'est un argument qui a du bon et du mauvais.

Par exemple, vous pouvez dire qu'en regard de 28 municipalités contre une, les 28 doivent avoir 28 votes contre 1. Ce serait ridicule, évidemment. Mais cela ne va pas de soi que ça doit aller dans le sens contraire, que ça doit être sur la base absolue d'une majorité numérique. Nous avons étudié l'affaire à fond et nous avons proposé une solution que je trouvais excellente, proposée par notre chef de l'Opposition, qui l'a fait d'une façon, je pense, très responsable. Je le répète, ce n'était pas la seule solution possible, mais c'était une solution mitoyenne et intelligente devant une situation extrêmement compliquée. C'était une solution qui pouvait répondre, j'en suis certain, à 90% des revendications des députés de Montréal qui s'opposent à leur propre projet de loi.

Il est essentiel de le répéter parce que les gens d'en face essaient, ce soir, de cacher qu'il est vrai - le député de Rosemont a été obligé de l'admettre ce soir - que pendant la commission parlementaire, devant une motion de notre part pour renforcer la position de Montréal dans cette affaire, ces députés qui prétendent prendre la défense des intérêts de Montréal se sont abstenus. Ils n'ont pas voté pour un amendement qui aurait donné à cette loi la qualité qu'ils recherchaient. C'est à eux-mêmes de se défendre devant le maire de Montréal et les autres commissaires qui seront certainement conscients de cette abstention à un moment critique dans le débat. Ils seront obligés de le faire. Ils peuvent bien brandir les débats qu'ils vont faire ce soir pour prouver qu'en réalité c'était un lapsus de leur part. Ils vont trouver les moyens de l'expliquer, mais c'est la vérité que je dis.

On arrive à un moment critique dans l'affaire. Je sais très bien, M. le Président, que vous allez voir que notre parti ne sera pas divisé sur cette question. On sait exactement où on va et on n'a pas du tout l'obligation de dire au gouvernement ce soir, divisé comme il est, quelles sont nos intentions. Je vous préviens, M. le Président, et je préviens tout le monde que demain ou après-demain, quand le vote sera appelé, vous allez voir un parti uni sur cette question.

En terminant, M. le Président, je veux retourner au point de départ dans ce débat parce que je pense que tout le monde, et vous aussi, doit reconnaître le geste qui est posé ce soir et pendant ce débat par les députés ministériels qui disent: Nous autres, on s'oppose à ce projet de loi parce qu'on veut défendre les vrais intérêts des gens de Montréal. C'est un geste posé directement contre leurs propres collègues, leur propre ministre, leur propre Conseil de ministres qui eux aussi, je pense, peuvent et veulent dire: On veut défendre les intérêts de Montréal avec ce projet de loi.

S'ils choisissent de trahir leurs collègues qui de bonne foi essaient d'adopter un projet de loi dans les intérêts de Montréal, ils doivent l'admettre. Ils sont en contradiction flagrante avec leurs propres collègues. J'imagine que c'est très pénible pour le ministre qui est obligé de subir cette affaire. Implicitement, on dit à ce ministre: On pense, M. le ministre, que vous ne savez pas comment défendre les intérêts de Montréal. Je pense que, si j'étais un ministre dans cette situation, je trouverais cela assez pénible. Je suis certain que c'est le cas du ministre des Affaires municipales. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Marie, avant de vous reconnaître, j'aimerais, s'il vous plaît, demander à nouveau la collaboration de cette Assemblée pour qu'on parle beaucoup plus mollo. J'ai beaucoup de difficulté parfois à entendre les intervenants et je crois que chacun dans cette Assemblée a le droit d'être entendu de tous et de chacun. M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, cela faciliterait beaucoup ma tâche si vous permettiez que le chef des pages de cette Assemblée soit protégé par le député qui court après lui depuis le début de la session. Cela me permettrait peut-être de faire mon intervention de façon plus calme.

M. le Président, on se retrouve en troisième lecture du projet de loi 46 après avoir vécu deux commissions parlementaires, une commission parlementaire qui a reçu les différents intervenants de la Communauté urbaine de Montréal et une commission parlementaire qui a étudié le projet de loi,

article par article. Dès le départ, un certain nombre de députés de l'île de Montréal ont fait remarquer, au niveau de la commission parlementaire qui recevait les intervenants, que certains aspects du projet de loi et en particulier celui qui visait, à "minoriser" la ville de Montréal, malgré le fait que l'ensemble des députés était d'accord pour reconnaître qu'il fallait changer l'équilibre des forces qui pouvait exister entre la banlieue et la ville de Montréal... Il nous semblait - et nous l'avons fait remarquer dès ce moment - que la ville de Montréal risquait, par ce projet de loi, sous sa forme actuelle, d'être "minorisée". (23 heures)

Nous n'avons donc pas attendu, M. le Président, que le projet de loi soit déposé, même en première lecture. Nous avons indiqué nos intentions avant même que ce projet de loi arrive à l'Assemblée nationale. Par la suite, le projet de loi en première lecture - et je voudrais profiter de l'occasion, M. le Président, si vous me le permettez, pour corriger une impression qu'aurait laissée mon collègue de Bourassa, lorsqu'il a dit: Le projet de loi a quand même été adopté à l'unanimité en première lecture. M. le Président, cela fait six ans que je siège dans cette Chambre et, à ma connaissance, c'est arrivé seulement une fois qu'un projet de loi ait reçu un vote négatif en première lecture. Le vote de première lecture, c'est un vote d'accueil à l'Assemblée nationale pour permettre sa discussion et c'est ce que nous avons fait. Les députés de Montréal qui s'opposaient au moment de la deuxième lecture, n'avaient pas d'objection que cette question se discute entre l'ensemble des parlementaires de l'Assemblée nationale. Il me semble que cela va de soi. Mais ce vote de première lecture ne peut pas, comme l'a laissé entendre mon collègue de Bourassa, présager un vote unanime de l'Assemblée nationale.

En deuxième lecture, les députés de Montréal ont voulu encore indiquer au ministre un certain nombre d'amendements. En fait, M. le Président, un amendement qu'ils souhaitaient voir annoncé avant le vote de deuxième lecture. Car, M. le Président, ce dont il s'agissait - je pense que si on veut parler du fond, c'est à ce moment-ci qu'on doit en parler - c'était une question de principe et c'est cela qu'on vote en deuxième lecture. L'aspect fondamental, pour nous, du projet de loi qui avait pour but d'empêcher la minorisation de la ville de Montréal à l'intérieur de la communauté urbaine. Cet outil, pour nous, indispensable, essentiel, nous demandions, au moment du discours de deuxième lecture au ministre, de l'annoncer avant la deuxième lecture. Parce que, pour nous, la deuxième lecture étant faite, le principe étant voté, le gouvernement devait piloter, par la suite, son projet de loi en fonction des principes votés par l'Assemblée nationale.

M. le Président, c'est ce que nous avons marqué. Je dois vous avouer, M. le Président, qu'à ce moment-là, nous avons été fort étonnés de voir que le vote de l'Opposition était favorable au principe du projet de loi no 46, donc, aux articles qui visaient à "minoriser" la ville de Montréal, selon nous, à tort ou à raison. Ce qu'il faut bien saisir, c'est que quand nous arrivons en commission parlementaire, article par article, il est normal que plus une force de pression s'exerce au niveau de l'Assemblée nationale, au niveau de la volonté du Parlement, il est normal que la volonté gouvernementale, par la suite, cherche à faire des compromis. Cela n'a pas été le cas, M. le Président. Il faut bien reconnaître qu'en deuxième lecture seulement six députés se sont opposés à l'adoption des principes tels que décrits dans le projet de loi comme ils étaient présentés. On ne peut donc pas nous reprocher, aujourd'hui, d'en être là encore, au même niveau où on en était, au moment où on a voté la deuxième lecture.

Cependant, lorsqu'on a pris position, on l'a fait honnêtement, sincèrement, sans chercher à tromper ni les représentants de la ville de Montréal, ni les représentants de banlieues. On l'a fait honnêtement, sincèrement, sans chercher à tromper, non plus, la population que nous représentons, de même que la population de la Communauté urbaine de Montréal. Aujourd'hui, M. le Président, personnellement, je tiens à ce qu'on garde la même attitude. Ce qui s'est passé en commission parlementaire, cela répondait aussi - et je ne vois pas pourquoi on le cacherait à la population - à une volonté des députés de Montréal de dire: Si l'Opposition n'a pas voulu marquer son opposition au projet de loi en deuxième lecture, il ne nous appartient pas, à nous seuls, de bloquer la volonté gouvernementale. Nous avons indiqué les dangers que la volonté gouvernementale s'exerce et si nous avons raison, le gouvernement corrigera.

Cela a été notre attitude, M. le Président, et il n'y a pas de cachette, et ce n'est pas non plus du louvoiement, comme plusieurs pourraient être portés à le penser. C'est une position claire, franche, honnête qui dit: On a indiqué notre position, c'est maintenant au gouvernement à poser les gestes qu'il considère devoir être posés. Ce n'est pas à nous, six députés de l'Opposition de Montréal, voulant défendre les intérêts de Montréal, des Montréalais et ceux aussi de la communauté urbaine, ce n'est pas à nous à prendre cette question sur nos seules épaules. L'Opposition avait un rôle à jouer; ces gens-là ont fait, eux aussi, une analyse, à tort ou à raison. Je prétends qu'ils auraient dû, plutôt que de prendre l'attitude à laquelle on assiste actuellement, voter contre en deuxième

lecture, nous donner plus de force pour améliorer le projet de loi au moment de la troisième lecture et si, en bout de course, cela ne faisait pas leur affaire ou si cela les satisfaisait, bien, au moins, l'adopter en troisième lecture. C'est habituellement le cheminement normal qui est remarqué ici à cette Assemblée.

Quant à moi, je tenais à ce qu'on précise que notre attitude par rapport à la population, par rapport aussi au Parlement, et donc à l'ensemble des parlementaires de la ville de Montréal, et par rapport au gouvernement et au ministre qui présentent le projet de loi, on l'a voulue franche, honnête et sincère. C'est dans ce sens que je n'ai aucune espèce d'objection à reconnaître qu'effectivement, après la deuxième lecture, on s'est dit: Que le gouvernement fasse son lit, qu'il décide et si plus tard cela crée des problèmes, on les corrigera comme normalement on doit le faire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Saint-Henri.

M. Roma Hains

M. Hains: M. le Président, je me dois aujourd'hui d'affirmer à nouveau ma conviction que le projet de loi no 46 sera préjudiciable à la ville de Montréal, que nous considérons tous comme le coeur et le moteur de l'activité culturelle, économique et sociale québécoise. C'est vraiment décevant que presque tous les amendements demandés par l'Opposition aient été rejetés et ignorés par le ministre des Affaires municipales, surtout la demande qui aurait assuré la prédominance de Montréal pour le choix du président de l'exécutif. Revenant un peu sur mes interventions précédentes, j'insiste sur le caractère antidémocratique de ce projet de loi. Montréal a 200 000 voix de plus que toutes les banlieues ensemble. Bientôt, toute la population de Pointe-aux-Trembles viendra grossir son pouvoir de représentativité. Pourtant, malgré cette majorité écrasante, Montréal sera classé en parité avec les banlieues. C'est vraiment injuste.

Qu'adviendra-t-il de tout cela? Nous assisterons probablement à des affrontements car nous ne pouvons blâmer Montréal de regimber et de se révolter d'être ainsi dépossédée de sa juste représentation.

Une métropole qui comptera bientôt plus d'un million d'habitants ne peut souffrir d'être négligée, affaiblie et divisée. C'est un manque de démocratie et ce sera probablement le talon d'Achille de la loi et du ministre des Affaires municipales d'avoir voulu ainsi niveler la métropole au rang d'une banlieue.

Sous un angle différent, ce projet de loi ressemble quelque peu au projet de loi no 37 sur la fusion de Baie-Comeau et de Hauterive. Dans chacun des cas, on va contre la voix de la majorité. On impose, on décrète, on légifère et c'est vraiment la période des mariages forcés. Ici, c'est l'alliance de Montréal et de la banlieue avec égalité de pouvoir et de devoir devant le ministre et devant les hommes. Il est étrange de voir le gouvernement, chevalier de l'indépendance à l'extérieur, devenir créateur de l'assujettissement à l'intérieur car, malgré toutes les demandes d'amendements, la loi tombe maintenant comme un couperet au plus grand dommage de la démocratie. (23 h 10)

En 1974, nos ministériels d'aujourd'hui étaient dans l'Opposition, ils s'étaient fait les champions de la démocratie. Je ne donnerai qu'une seule déclaration du ministre de la Justice, M. Marc-André Bédard, qui disait en 1974: La fusion doit être le fruit du consentement des populations qui ont l'occasion de s'exprimer majoritairement. Ici, évidemment on me dira que ce n'est pas une fusion, mais c'est vraiment une confusion où l'on mélange sans vergogne majorité et minorité, métropole et banlieue, et où la voix majoritaire n'est nullement écoutée.

À la suite de ce manque de démocratie, on procède au rouleau compresseur pour aplanir et niveler toutes les têtes et toutes les voix discordantes. On dirait, comme j'ai dit à maintes occasions, que ce gouvernement ne semble pas être capable de souffrir la contradiction. Pourtant Montréal a toujours été la fierté de la province et du Canada. Sous l'habile direction de son maire et de sa brillante équipe, cette ville s'est acquis une réputation mondiale et elle est le centre, maintenant, de maintes manifestations internationales. On dirait que Montréal porte ombrage au gouvernement et qu'il veut la réduire à une taille de plus en plus modeste. Montréal, pourtant, ne peut pas et ne doit pas être traitée comme une banlieue et, au lieu de vouloir obstruer son rayonnement, il faudrait au contraire augmenter son influence car elle est un levain qui provoque la concurrence et la prospérité dans les alentours. Je sais qu'on a apporté de nombreux amendements, mais le désir essentiel, l'amélioration tant attendue des édiles montréalais a été rejetée du revers de la main et la métropole a ainsi perdu son droit d'aînesse et sa suprématie. Même quelques députés péquistes avaient compris cette condition essentielle au développement métropolitain et six d'entre eux avaient voté contre le projet en deuxième lecture. À la commission parlementaire, cet appui semble pourtant s'être évanoui.

Le député de Sainte-Marie avait affirmé, et je le cite: "Les membres du

groupe parlementaire du Parti québécois de l'île de Montréal souhaitent faire connaître leur inquiétude, sinon leur désaccord, sur un aspect du projet de réforme, soit celui de la représentation au niveau du comité exécutif." Et, maintenant, plus rien; ce silence suspect et ce changement d'attitude en commission parlementaire fut vraiment décevant. Je profite de la circonstance pour dire au député de Bourassa que je ne faisais pas partie de la commission des affaires municipales et que son attaque antérieure, je la trouve inutile et plutôt basse.

Personne ne blâmera le ministre d'avoir établi la collaboration entre Montréal et ses banlieues et de vouloir éliminer le rapport de forces. Le problème cependant va demeurer, celui de la rivalité de certains antagonistes de part et d'autre où personne ne semble vouloir céder comme si l'intérêt de l'un provoquait fatalement celui de l'autre. C'est dans ce dualisme inquiétant que la CUM va reprendre sa carrière. Que nous réserve l'avenir? Nul ne saurait le prédire. L'important c'est que Montréal conserve sa situation de prestige, son titre de métropole et sa cote de ville internationale. Tout ce que nous savons c'est qu'il y aura beaucoup d'amertume, d'une part, et peut-être aussi du triomphalisme, de l'autre. Sera-t-il possible de surmonter ce ressentiment et de créer un idéal commun et une démarche unanime? C'est notre but, certes, et celui du ministre des Affaires municipales, mais, si un jour la discorde éclate à la communauté urbaine, le ministre pourra se frapper la poitrine et ne chercher aucun autre bouc émissaire que son propre entêtement. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Luc Tremblay

M. Tremblay: M. le Président, je dirai en commençant que, si c'est vrai qu'il n'y a que les fous qui ne changent pas d'idée, nos amis de l'Opposition ont mis les bouchées doubles dans ce cas-ci pour en faire la preuve. Personnellement, j'ai suivi avec attention tout le débat sur le projet de loi no 46 en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire en première lecture et en commission parlementaire, lors de l'étude article par article. J'ai pu constater que cette loi a été étudiée d'une façon très sérieuse, autant par les membres de l'Opposition que par ceux du côté ministériel. Donc, on peut dire qu'un travail honnête a été fait par tout le monde sur ce projet de loi, ce qui a apporté plusieurs modifications entre la première et la deuxième lecture lors de la commission parlementaire alors que l'on étudiait la loi article par article. Il y a donc eu un très grand nombre de modifications qui ont été faites à la suite des consultations.

J'ai dit dans mon discours de deuxième lecture que cette loi ne réglerait pas tous les problèmes, ce n'est pas la perfection; c'est ce que je croyais à cette époque. Mais depuis, grâce à ces contacts que j'ai eus avec des membres de la ville de Montréal, avec des gens des villes de banlieue qui assistaient à des commissions parlementaires et avec mes collègues du Parti québécois, du caucus de Montéal, qui sont en désaccord avec une partie de cette loi, j'ai cheminé. Je suis maintenant plus convaincu que jamais que la solution qui a été choisie par le ministre des Affaires municipales pour régler les problèmes de la ville de Montréal est la meilleure dans les circonstances. En guise d'explication, je voudrais vous rappeler le noeud du débat. Il y aura dorénavant, à l'exécutif de la Communauté urbaine de Montréal, treize membres dont six choisis parmi les villes de banlieue, six choisis par la ville de Montréal, et le président sera choisi à même les membres du conseil qui sont les conseillers de la ville de Montréal ainsi que les maires des villes de banlieue. Parmi ces gens, on choisira une personne qui sera le président de l'exécutif et elle devra démissionner de son poste. J'ai essayé de voir quelle serait l'attitude de cette personne une fois qu'elle sera choisie. C'est là le problème. Le seul et unique problème dans ce mécanisme, à mon avis, est que cette personne puisse être choisie par le conseil ou par les maires de banlieue ou par 66% ou les deux tiers des membres du conseil.

Mais une fois cette étape cruciale, plus difficile, passée, j'ai essayé d'imaginer quelle serait l'attitude d'une personne qui serait choisie comme président de l'exécutif. Je me suis dit que cette personne désirera établir sa crédibilité et, pour ce faire, elle devra démontrer qu'elle n'est pas attachée ni à une banlieue, si elle provient des banlieues, ni à la ville de Montréal, si elle est issue de la ville de Montréal. Elle devra donc faire en sorte que les personnes qui siégeront au conseil discutent, s'entendent. Elle devra agir comme arbitre, si elle veut que sa propre crédibilité soit acquise, soit respectée et si elle veut jouer son rôle équitablement. (23 h 20)

C'est pour cela, M. le Président, que c'est avec plaisir que je vais voter pour le projet de loi no 46 en troisième lecture. J'encourage et j'invite tous les membres de cette Assemblée à faire de même. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Michel Bissonnet M. Bissonnet: M. le Président, j'ai été

présent à la commission parlementaire pour écouter mes ex-collègues, le maire de la ville de Montréal, le maire de la ville d'Anjou et le maire d'Outremont, relativement à ce projet de réforme de la Communauté urbaine de Montréal.

J'ai également participé à la commission parlementaire de façon active. Je suis intervenu en deuxième lecture, je suis intervenu hier soir à cet effet et j'interviens aujourd'hui. Je pense qu'effectivement le député de Bourassa a mentionné tantôt dans son allocution que j'étais l'ex-maire de la ville de Saint-Léonard, maire de ville de banlieue. Je suis convaincu d'une chose, c'est que tous les citoyens qui demeurent à l'intérieur de la ville de Saint-Léonard sont conscients d'une chose. Ils sont conscients qu'un député à l'Assemblée nationale qui représente le comté de Sainte-Marie rapporte en impôt foncier, en impôt de taxe provinciale au gouvernement un montant, à titre d'exemple, de 50 000 000 $ par tous les citoyens qui demeurent à l'intérieur du comté de Sainte-Marie.

Les citoyens qui demeurent dans le comté de Westmount payent au gouvernement en taxes, peut-être 500 000 000 $. Il reste une chose, c'est que le député de Sainte-Marie et le député de Westmount représentent à l'Assemblée nationale chacun d'entre eux un comté, ils ont chacun une voix. À l'intérieur de la Communauté urbaine de Montréal nous avons évidemment une municipalité qui a une population d'à peu près 1 000 000 de personnes et 28 autres qui ont une population de 790 000 habitants.

Les deux groupements, en bloc, villes de banlieue et ville de Montréal, représentent à peu près le même impôt foncier qui va à la Communauté urbaine de Montréal. Il y a une différence extrême de plus de 200 000 de population à l'intérieur de ce bloc. Lorsque la ville de Montréal a soumis son mémoire à la commission parlementaire, on a parlé du rapport de la population quant à la représentativité à l'intérieur du comité exécutif de la Communauté urbaine de Montréal. Je pense que cet argument est l'argument le plus logique et c'est l'argument qui touche le problème conscient, soit la nomination du responsable, du président, du maître d'oeuvre de la Communauté urbaine de Montréal.

Pour ces raisons, je me dois objectivement de considérer la motion du chef de l'Opposition qui a été faite en commission parlementaire; je la lis, cette proposition: Si aucun candidat ne recueille la majorité des deux tiers des voix... Pourquoi les deux tiers des voix? Parce que nous, membres de l'Opposition, nous voulons dans un premier temps que les maires de banlieue et les représentants de la ville de Montréal puissent négocier et en arriver à proposer un candidat qui soit élu par eux. Advenant le cas où il n'y aurait pas d'entente, l'Opposition pense qu'à la Communauté urbaine de Montréal, les élus peuvent prendre leurs responsabilités. Le président du comité exécutif de la Communauté urbaine de Montréal n'a pas à être nommé par le ministre des Affaires municipales. Ces gens sont capables eux-mêmes de prendre leurs responsabilités et c'est là que le rapport de population d'un vote par mille habitants dans toutes les parties de l'île de Montréal représente une équité pour tout le monde. Nous avons proposé, par le chef de l'Opposition, que le président soit nommé à la majorité des voix, s'il n'y a pas entente sur les deux tiers des voix. Je pense que cette proposition est une proposition qui convient à toute la population. On nous a relaté - et c'est exact - qu'il n'y a pas d'identité à l'intérieur de la communauté urbaine. Les gens de Dollard-des-Ormeaux, les gens de Montréal ne s'associent pas à la Communauté urbaine de Montréal. Les gens s'associent à leur ville respective. Le citoyen qui est de Saint-Léonard, c'est un gars de Saint-Léonard; le gars qui est de Montréal-Nord, c'est un gars de Montréal-Nord et le gars qui est de Montréal, c'est un gars de Montréal. Il arrive, en plus, M. le Président, que tous ceux qui résident dans les municipalités de banlieue travaillent en grande majorité dans Montréal. C'est un fait acquis, M. le Président.

J'ai été très surpris à la commission parlementaire. J'ai écouté avec attention un député qu'on ne voit pas souvent dans cette Chambre, qu'on a vu à la commission parlementaire. J'aimerais, à titre de député, qu'il soit plus présent dans cette Chambre. On ne le voit jamais, M. le Président, sauf à quelques reprises, c'est le député de Saint-Jacques.

Le député de Saint-Jacques a déclaré ceci en ce qui a trait à la Communauté urbaine de Montréal. Je cite ses paroles dans le journal des Débats du 18 mai à 16 h 55: "On entend parler de la communauté urbaine deux fois par année. Une fois quand elle refuse de se mouiller les mains dans le conflit du transport..." À cet effet, l'Opposition a proposé que les élus soient plus impliqués à l'intérieur de la commission de transport pour qu'ils prennent les affaires en main. Le Parti québécois aime cela; il faut se prendre en main. On veut que les élus à l'intérieur de la commission de transport se prennent en main et soient responsables des décisions à l'intérieur du poste de commissaire; un pour la ville de Montréal, un pour les villes de banlieue.

Je cite le député de Saint-Jacques toujours: "... de se mouiller les mains dans le conflit du transport, où elle fait semblant de ne pas exister, même s'il y a là des élus de la population, disant: Loin de moi ce calice; et elle nous passe la patate à l'Assemblée

nationale". Propos du député de Saint-Jacques, M. le Président. "L'autre fois, c'est lorsque la foire "poigne", vers la fin de décembre, au moment de l'adoption du budget". Le député de Saint-Jacques dit au ministre des Affaires municipales qui était présent: "La raison de ma dissidence, telle que je l'ai exprimée, c'est que je ne crois pas, selon mon analyse, je la confronte à celle du ministre et je m'inclinerai devant la sienne et celle de la majorité de mes collègues."

Après tous ces propos, il a dit, de plus: "Je respecte la décision de la majorité et, en conséquence, je ne prêterai pas mon vote à un renversement de la décision de cette majorité. Quand vous soumettrez la motion du chef de l'Opposition au vote, je m'abstiendrai." Le député de Saint-Jacques reconnaît explicitement, d'après le journal des Débats de la commission parlementaire, qu'il est pour la proposition du chef de l'Opposition, mais il s'est abstenu pour ne pas renverser le ministre à l'intérieur de la commission parlementaire.

Je pourrais parler très longtemps. Nous avons soumis plusieurs motions, M. le Président, dans le but de bonifier ce projet de loi. Il est exact que, pour les municipalités de banlieue, pour nous banlieusards, et j'en fais partie, ce projet de loi améliore notre situation puisqu'au comité exécutif nous avons 6 représentants d'assurés sur 13. Si la décision est minoritaire, nous reviendrons devant le conseil et ce sera un débat public où la population pourra se prononcer.

M. le Président, nous faisons une réforme et cela fait treize ans que la population de la communauté urbaine, pour l'existence de la communauté urbaine et sa survie, attend un projet de loi qui soit à l'heure de ses besoins. Nous avons soumis -je termine la-dessus - des motions plus qu'importantes et le ministre n'a pas accepté nos motions. Je vais dire à la population quelles sont les motions que nous avons faites. Vous savez, vous avez une grève du transport dans le métro, vous avez des grèves de transport. On a proposé qu'à l'intérieur de cette commission de transport, il y ait un élu de la ville de Montréal et des villes de banlieue. Refusé, M. le Président. Nous avons proposé que l'Île Bizard, qui a 81% de terres agricoles, ce n'est pas une ville, ne soit pas dans la communauté urbaine. Cela n'a pas de bon sens. Ils auraient dû mettre l'Ile Perrault. Ils ont joué entre les deux. Refusé, M. le Président.

Permettez-moi de conclure, ce ne sera pas long. Commission permanente du conseil. Les gens de banlieue et les gens de Montréal, de quoi parlent-ils quand ils parlent de la communauté urbaine? Ils parlent de leurs taxes, ils parlent de leur évaluation. On propose une commission d'évaluation pour que les organismes se fassent entendre. On met cela avec les finances. On n'entendra pas les personnes, ni les organismes dans l'organisme voulu pour le faire.

La question du budget, M. le Président. On a un budget qui sera adopté par la communauté et on propose dans le projet de loi qu'on fasse des petits budgets de trois mois. On ne veut pas, car cela peut augmenter les dépenses de la communauté urbaine, M. le Président. (23 h 30)

Période de questions, M. le Président. On est venu à bout d'indiquer le mot "orales" pour permettre aux citoyens d'aller à la communauté urbaine. Vous le savez, à Montréal, il y a cinq personnes qui assistent aux assemblées une fois par deux mois. J'ai été là pendant deux ans et demi. M. le Président, on demande un minimum de 30 minutes et on nous le refuse.

Pour ces considérations, je ferai valoir mon opinion en temps voulu; vous la connaîtrez, mais vous la connaissez depuis longtemps, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Viger.

M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Je veux intervenir sur le projet de loi no 46, seulement pour une raison. Je ne voulais pas intervenir tout à l'heure, mais je suis obligé d'intervenir. C'est pour démontrer, encore une fois, la mesquinerie et l'hypocrisie de ce gouvernement qui a le culot aujourd'hui, dans des discours, de nous reprocher d'avoir voté pour ce projet de loi en deuxième lecture. On a voté pour en deuxième lecture, mais on a mis en garde le ministre des Affaires municipales et le gouvernement en leur disant qu'on avait des amendements à proposer en troisième lecture et que, si ces amendements n'étaient pas acceptés, on voterait contre en troisième lecture. On avait bien mis en garde le gouvernement que, si les amendements proposés par l'Opposition libérale n'étaient pas acceptés, on voterait contre le projet de loi en troisième lecture.

Alors, que certaines gens de l'autre côté ne viennent pas nous reprocher d'avoir voté pour en deuxième lecture, alors qu'aujourd'hui, on se ravise et qu'on va voter contre, probablement, le projet de loi en troisième lecture. On les avait mis en garde très clairement en leur disant qu'on avait des amendements à proposer. Ces amendements, on les a proposés en commission, lors de l'étude article par article. M. le Président, je n'ai pas été très souvent à cette commission, parce que j'avais d'autres commissions, mais je me

rappelle que, la journée où j'étais présent, il y avait, du côté ministériel, comme membres de cette commission: M. Fallu (Groulx), M. Laplante (Bourassa), Mme Lachapelle (Dorion), M. Charron (Saint-Jacques), M. Rochefort (Gouin) et M. Tremblay (Chambly).

M. le Président, quand je me vois aujourd'hui reprocher, par le prétendant maire de Montréal à la prochaine élection, le député de Rosemont, et par la députée de Maisonneuve d'avoir voté pour en deuxième lecture, alors qu'eux autres étaient seulement intervenants à cette commission, je voudrais que la population sache que c'est vrai qu'ils étaient seulement intervenants à ce moment-là, mais c'est très courant à l'intérieur des commissions de se faire remplacer, spécialement lorsqu'on pense qu'on a vraiment quelque chose à défendre à l'intérieur de ce projet de loi. On peut changer avec un collègue, d'intervenant à membre.

M. le Président, quand Mme la députée de Maisonneuve et le député de Rosemont étaient présents comme intervenants, il y avait deux députés qui ne faisaient même pas partie de la Communauté urbaine de Montréal et ce sont les députés de Groulx et de Chambly. Pourquoi le député de Rosemont et la députée de Maisonneuve n'ont-ils pas demandé à leurs deux collègues d'être intervenants pour agir, eux, comme membres de cette commission pour défendre la ville de Montréal s'ils voulaient vraiment défendre la ville de Montréal? C'était en commission parlementaire, ce n'était pas devant la télévision, M. le Président, qu'on a dit qu'on voulait défendre les intérêts de Montréal. En réalité, ils se sont seulement prononcés et, quand le vote est arrivé, il y en avait trois qui avaient le droit de vote et ils se sont abstenus. Mme Lachapelle (Dorion), M. Charron (Saint-Jacques) et M. Rochefort (Gouin) se sont abstenus. On aurait pu avoir cinq députés de la ville de Montréal qui auraient voté contre ce projet de loi et renversé le ministre, à ce moment-la, sur l'amendement qu'on voulait apporter à l'article 3, c'est-à-dire la prépondérance de Montréal, avec le choix du président qui revenait automatiquement à la ville de Montréal.

Alors, se faire reprocher aujourd'hui, par des commentaires, par une éloquence... Parce qu'on ne peut pas dire qu'ils ne sont pas éloquents; devant la télévision, ils sont des maîtres, mais, quand vraiment on devrait défendre les intérêts de la population, on se cache, parce qu'on ne veut pas que le gouvernement soit renversé. On ne veut pas qu'on puisse lui dire qu'il est hypocrite. D'accord, il fait une loi qui ne va pas dans l'intérêt de la population, absolument pas.

Aujourd'hui, Mme la députée de Maisonneuve, spécialement, et M. le député de Rosemont disent: Mais, nous n'avions pas le droit de vote; on ne pouvait rien faire. C'est tellement clair que, s'ils voulaient vraiment défendre les intérêts de la ville de Montréal, comme nous l'avons fait à l'intérieur de la commission parlementaire, ils auraient pu le faire en se faisant nommer membres et en votant contre le projet de loi du ministre des Affaires municipales. À ce moment-là, on aurait pu vraiment défendre Montréal et la population de Montréal à l'intérieur du projet de loi no 46. Je voulais faire cette précision parce que la population doit être mise au courant du déroulement de la commission parlementaire, c'est-à-dire qu'on a eu et qu'on avait cette possibilité. C'est justement à cause de l'hypocrisie de ces gens qui ont prétendu défendre la ville de Montréal qu'aujourd'hui, on se trouve face à l'adoption d'un projet de loi auquel les autres disent ne pas croire; mais vraiment, ceux qui n'y croient pas, qui veulent défendre la ville de Montréal, ce sont seulement les membres de l'Opposition. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de Jacques-Cartier. M. le député de Sainte-Marie.

M. BisailIon: Question de privilège, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de privilège.

M. Bisaillon: ... qui sera très courte et je ne veux pas... Je m'excuse auprès de la députée. C'est juste pour rectifier certaines impressions qu'aurait pu laisser l'intervention du député. Si la démonstration qu'il a tenté de faire était exacte, autrement dit, si le ministre avait été renversé en commission parlementaire, ce qui est exact, ce qui aurait pu être possible, il aurait fallu que le député ajoute que le règlement prévoit que le ministre pouvait, ici en Chambre, ramener son texte original, malgré un vote unanime de la commission parlementaire allant à l'encontre de son projet de loi, et, au moment de la prise en considération, faire voter l'ensemble de la Chambre sur son amendement, ce qui aurait donné le même résultat. Je pense que c'était utile de le préciser.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Viger.

M. Maciocia: J'ai bien dit et clairement, M. le Président, que ceux qui prétendaient défendre la ville de Montréal, la seule occasion qu'ils avaient de le faire était justement à l'intérieur de l'étude article par article en commission parlementaire; même,

tout à l'heure, il a eu le courage de le faire et de renverser le ministre à...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: M. le Président, après toute la confusion de ce soir, ma position est non équivoque, je suis en faveur du projet de loi no 46. Depuis sa création, la Communauté urbaine de Montréal a fait l'objet d'études, de recherches et de commentaires émanant de divers milieux. Le gouvernement, les autorités politiques locales concernées, certains universitaires, les partis politiques, des groupes de citoyens ainsi que des journalistes ont examiné et commenté le fonctionnement de la communauté. Les consultations ont également mis en lumière un certain nombre de problèmes dont beaucoup de gens perçoivent l'importance.

La majorité des intervenants ont réclamé des changements majeurs concernant l'équilibre des forces au sein de la communauté, la composition des organes décisionnels, le contrôle politique de la gestion des services ainsi que la démocratisation et une meilleure efficacité de son fonctionnement. (23 h 40)

In order to assess the very suggestions that have been put forward for improving the functioning of the MUC, I think it is essential, first of all, to recognize the real nature and the purpose of the MUC. What kind of a body is it? The Montreal Urban Community is not a higher authority elected by all of the people with direct taxing powers which would give direct accountability to all the people on the Island of Montreal. It is not a super-regional government created to rule over the 28 municipalities and the City of Montreal which make up its territory.

On the contrary, it is an intermunicipal administration, an administrative structure which reflects the reality of the interdependence of 28 autonomist municipalities and the City of Montreal. In other words, the MUC is a coming together of autonomist municipalities for the purpose of realizing mutually advantageous objectives which cannot be realized individually, such as islandwide public transport and police services.

Therefore, the MUC was not created and should not allow itself to become a substitute for its participating municipal partners. There are some, however, such as the City of Montreal, whose analysis of the most appropriate MUC decision-making process is based on the assumption that the major consideration to be taken into account in establishing the structures and voting powers of the MUC should be the relative weight of the suburban versus the City of Montreal populations and the relative weight of their respective tax bases.

In other words, those who reason that way conclude that it is perfectly legitimate, indeed it is logical, that the majority should rule and the richer should dominate. I think it is important to note that at the moment, at this moment, in 1982, the City of Montreal has the majority population and also has the edge in the tax base. But a few years down the road, the situation is going to change. Both the population and the tax base will favour the suburbs. Therefore, to reason this way, that is that the majority should rule and the richer should dominate, to me it is to miss the very nature of the MUC and condemn it to an endless we-they struggle, to a sterile and destructive polarization of the suburbs versus the City of Montreal which would be eternally to the detriment of all the citizens of the MUC territory.

The challenge, therefore, which Bill 46 attempts to meet is to improve the functioning of the MUC while respecting the nature of the Montreal Urban Community, which is an administrative partnership designed to provide mutually beneficial services through shared decision-making and shared financial resources.

I think it is obvious that you cannot legislate goodwill. At least, it certainly cannot be assured by legislation. But, what you can do is to create structures and powers and processes which at least are supportive and conducive to facilitating sensible compromise and cooperative action for the good of all the citizens of the MUC territory.

The changes recommended in Bill 46 are, in my view, a positive step in the right direction. I think that the key change is in the makeup of the Executive and how it is chosen. The Executive will have equal representation from the suburbs and the City of Montreal, plus a president who will be chosen by a two thirds vote of the Council.

I think this is a major step. It is a big improvement over the former Executive structure which, unfortunately, institutionalized an adversary relationship between the suburbs and the City of Montreal since it reinforced Montreal's position as the dominant partner in decision-making. The former setup assumed that the suburbs were a monolithic group who had objectives that were exclusive and, necessarily, in conflict with those of the City of Montreal. I think that it was a totally false assumption. The new formula, the two thirds majority required will be much more likely to encourage a spirit of partnership and interdependence of interests and a climate of negotiation necessary for

the healthy functioning of the entire MUC territory.

En résumé M. le Président je crois que le projet de loi no 46 reconnaît - je cite M. Corbeil, ancien président à la Conférence des maires de banlieue - que la communauté urbaine ne doit plus être une structure basée sur le pouvoir au sein de laquelle on a pour objectif la domination d'un bloc sur l'autre. L'avenir fructueux et prospère de la CUM doit viser le dépassement d'une telle vision étroite pour s'orienter vers la concertation et la réalisation d'objectifs communs exaltants. Merci M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci M. le Président. On parle en troisième lecture du projet de loi no 46 concernant la réforme de la Communauté urbaine de Montréal. Je me rappelle très bien, j'étais là, lors de la commission parlementaire, quand tous ces groupements sont venus présenter leur mémoire. On commençait à 10 heures le matin jusqu'à minuit le soir. Le ministre était là, il les a écoutés. Il était très poli, il riait, il les remerciait pour leur mémoire, mais on n'avançait jamais. Les députés ont commencé, de la part de l'Opposition, à faire le point sur cette affaire très importante, c'est-à-dire une certaine prépondérance pour la ville de Montréal. Par quel moyen? Par justement la présidence du comité exécutif. Je me rappelle très bien, le chef de l'Opposition a parlé exactement sur ce point. Il l'a expliqué; le ministre a parlé avant lui, il a donné ses vues et j'ai été surpris parce que qui était le prochain? Une autre opposition, le député de Sainte-Marie. Je me rappelle très bien, il était très sérieux, il a dit, au nom d'un groupe de députés de Montréal, je veux faire le point suivant. Le député de Sainte-Marie a parlé pendant dix à quinze minutes. Il a parlé de la prépondérance de Montréal, du coeur de Montréal, le moteur économique et social, Montréal ne doit sûrement pas être une banlieue comme les autres... et il a dit que le principe: un citoyen un vote prime, quant à lui, social-démocrate qu'il est. Il a fait tout un discours là-dessus de dix, quinze minutes. Il n'a pas dit: Je parle moi-même comme député de Sainte-Marie. Il a dit: Je parle au nom d'un groupe. Le lendemain, grandes manchettes dans les journaux: Opposition péquiste à un projet de ministre, parce qu'il y en avait six qui parlaient comme cela et cela semble être les gens sérieux qui avaient pour objectif de défendre la prépondérance de Montréal. Il a même dit: On ne donnera pas notre appui à ce projet de loi tel quel, il faut que le ministre fasse un amendement. Et j'ai pris en note les noms de ceux qui ont parlé. Je vais commencer par les dames, par politesse. La députée de Maisonneuve a parlé. La députée de Maisonneuve, qui est connue comme péquiste, militante, l'aile gauche, une femme qui a des convictions, qui ne reprend pas sa parole, elle a parlé dans le même sens que le député de Sainte-Marie. En fait, la députée de Maisonneuve est tellement connue comme une femme honnête, qui croit en ses idées, qu'elle n'aurait pas peur de voter même contre son propre gouvernement. Il y a une expression dans la communauté anglophone qui se dit comme suit de nos jours. Au jeune enfant qui ne veut pas se coucher le soir, on dit: Tu es mieux de te coucher, autrement je t'envoie Mme Harel. Je vais vous traduire cela en anglais. If a little kid of ten years old will not sleep at night, I tell him: If you do not want to go to bed, you want to watch TV, I am going to send Harel after you. Et cela, c'est grave.

Savez-vous, M. le Président, une autre dame a parlé. Elle est là ce soir, parce que je note qu'il y en a au moins quatre présents des six qui sont intéressés dans le débat. La députée de Dorion a parlé aussi, c'est une femme peut-être un peu moins militante que la députée de Maisonneuve mais tout de même elle a parlé de son comté dans la ville de Montréal, elle a dit: Mon comté se trouve dans la ville de Montréal, je crois à la prépondérance, je suis pour ça, M. le ministre, il faut qu'un changement soit fait. Cela veut dire qu'il faut déterminer, de quelque manière que ce soit, la prépondérance de la ville de Montréal, justement par la présidence du conseil exécutif. On n'accepte pas votre projet de loi tel quel. (23 h 50)

Je regardais le ministre, il disait: Je me suis dit: cela va bien, l'Opposition, elle, elle commence à nous rejoindre, et le ministre riait, il ne parlait pas beaucoup, il était doux parce que c'est un homme au visage sympathique, savez-vous? Il vient du comté de Labelle. Je demandais l'autre jour où se trouvait ce comté-là parce que je ne connais pas toute la province. On m'a dit: Mont-Laurier et j'en ai pris note. Mont-Laurier, c'est un beau petit village, une belle petite ville; c'est vrai que c'est une belle petite ville, mais ce n'est pas Montréal, et je dis: M. le ministre, tout de même, vous qui êtes un homme qui a étudié en France, qui a connu un peu et vu le monde, ne comprenez-vous pas l'idée de la prépondérance de Montréal?

Savez-vous, M. le Président, qu'il y a d'autres députés qui ont parlé? Je vais les nommer un par un. Le député de Rosemont, le professeur, le mathématicien, l'homme raisonné, calme - on a même mentionné son nom comme candidat au siège de maire,

peut-être, contre M. Drapeau; on ne le sait pas - il a parlé dans le même sens que les autres: On n'acceptera pas cela, on appuie la position du député de Sainte-Marie.

Ensuite, à un moment donné, il y a eu le député de Saint-Jacques qui a parlé. Je me le rappelle très bien, les journaux disaient: Pour la première fois depuis l'incident malheureux qu'il a subi, on a eu un discours du député de Saint-Jacques sur la Communauté urbaine de Montréal. J'étais ici le matin qu'il a parlé; c'était un discours merveilleux, c'était très bon, il a parlé avec son coeur, ses sentiments, sa passion, et il a parlé encore de la prépondérance de Montréal.

Il y en a d'autres. Je donnerai les noms ici. Le député de Gouin, il est là maintenant à gauche de moi; ce soir, il a dit exactement la même chose. Ensuite, je ne veux rien oublier. Oui, ces six députés ont parlé. Ensuite, la grande manchette dans les journaux. Ils sont bons dans cela, les péquistes, ils disent: Nous autres, nous n'avons pas peur de nos opinions, de nos convictions, nous exigeons du ministre des amendements. Je me le rappelle, grande manchette. Là, on a demandé une commission parlementaire; eux autres sont venus là, et l'Opposition, c'est notre chef qui a écrit un document sur notre position; c'est un document merveilleux; c'est un document raisonnable qui demandait une certaine prépondérance et on croit à cela, même si peut-être un ou deux demain vont être absents lors du vote. Je ne sais pas, mais je veux vous dire: Moi, je veux voter contre ce projet de loi; aucun problème.

Savez-vous cela, M. le Président? On a parlé de cela, le chef de l'Opposition a fait l'amendement pour avoir justement la certitude que le président du conseil exécutif sera montréalais; c'est cela que l'amendement disait. Qu'est-ce qui est arrivé en commission parlementaire? Les gens se sont abstenus. J'appelle cela de la lâcheté. Le député de Sainte-Marie, ce soir, parce qu'il avait peur quand ça a été dit par le député de Viger, disait: Savez-vous que cela n'aurait fait aucune différence parce qu'en Chambre on aurait pu reprendre le vote? Écoutez donc, si vous avez vos convictions comme Mme la députée de Maisonneuve que les Anglais ont peur d'eux autres, comme on dit aux petits enfants qui ne veulent pas dormir, je vous envoie Mme Harel. Ayez donc le courage de vos opinions quand on vote en troisième lecture. Vous autres, les six, je vous demande donc, je demande au député de Saint-Jacques qui n'est pas ici ce soir, au député de Rosemont qui est ici tout le temps, à la députée de Dorion, au député de Sainte-Marie, au député de Gouin, à la députée de Maisonneuve, comment ils vont voter en troisième lecture quand le vote sera pris? Aurez-vous le courage de vos opinions?

Aurez-vous le courage de suivre la grande manchette que vous avez cherchée parce que vous êtes bons en publicité? Il n'y a pas de doute là-dessus: allez donc voter avec nous contre ce projet de loi. Ou, encore mieux, je suis le dernier qui parle là-dessus, M. le ministre, changez donc ce projet de loi pour la prépondérance de Montréal. C'est tout ce qu'on demande, parce qu'eux autres, les députés qui ont parlé, ne viennent pas de Montréal. Moi, savez-vous, M. le Président, que je représente le comté qui est moitié Montréal, moitié Verdun? Je suis objectif, je n'ai aucune peur vis-à-vis de mon électorat, de dire: On exige une certaine prépondérance de la ville de Montréal.

Donc, est-ce que j'ai encore une minute? Deux minutes. M. le Président, on a parlé des ministres parce que les ministres, je ne les ai pas vus en commission parlementaire; le seul ministre qui est venu, c'était le député de Crémazie, il était là à la deuxième rangée de chaises, pas en avant, un peu en arrière mais au moins, il est venu et il écoutait. Mais, je demande ceci parce que j'analyse cela et je connais aussi des péquistes à Québec. Je parle avec eux autres et je dis: Qu'est-ce qui arrive avec les ministres? Ils ont dit: Prenez donc note de la manière qu'ils vont voter, parce qu'ils seront là en troisième lecture. Le ministre député de Crémazie, le ministre député de Mercier - ce sont des comtés de Montréal -j'aimerais bien voir s'il sera ici pour voter ou non, j'aimerais bien voir cela. Le ministre des Affaires sociales, député d'Anjou, qui a une bonne partie du territoire de Montréal. J'aimerais bien voir. Le ministre député de Bourget, grand psychologue, psychiatre, j'aimerais bien voir comment il va résoudre ce problème. Le ministre député de Sauvé, un autre ministre, le grand voyageur, se promenant partout dans le monde, la Californie, n'importe où. Il faut qu'il vote là-dessus. Il y a une forte population montréalaise dans son comté. J'aimerais voir. Je n'ai pas encore fini avec les ministres, je crois qu'il y en a un autre. Le ministre député du comté de Lafontaine. M. le Président, vous me faites signe; c'est malheureux, car je pensais avoir droit à vingt minutes et j'essaie de convaincre le ministre des Affaires municipales.

M. le ministre, vous avez fait des erreurs avec Baie-Comeau. C'est difficile de vous convaincre. Ici, écoutez donc, les six et nous autres et quels que soient les ministres dont on parle. Changez votre projet de loi sur la prépondérance et nous voterons tous pour. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des Affaires municipales.

M. Jacques Léonard (réplique)

M. Léonard: M. le Président, nous sommes au terme de débats fort longs, et surtout ce soir, où il y a eu toutes sortes d'accusations lancées de part et d'autre: ne pas avoir bien défendu les intérêts de Montréal. Je pense qu'au départ, cela reflète qu'on a encore du chemin à faire dans la compréhension de ce projet de loi parce qu'il s'agit, finalement, de former une communauté où on essaie d'éliminer le plus possible les affrontements. Je pense que l'Assemblée nationale a donné le spectacle de débats qui pouvaient en receler encore beaucoup d'autres. Je pense qu'au terme de tout cela, le projet de loi est sur la table, il sera adopté bientôt par l'Assemblée nationale, j'espère bien.

Je poserais peut-être une question, M. le Président. Si l'on faisait confiance aux élus municipaux de l'île de Montréal? Je pense que cela c'est fondamental. Si on faisait confiance à M. Desmarais, qui est actuellement président de la Communauté urbaine de Montréal, qui a une longue expérience politique. Si on faisait confiance à MM. Drapeau et Lamarre qui ont, eux aussi, une bonne expérience en politique. Si on faisait confiance à M. Corbeil et à tous les élus municipaux de l'île de Montréal pour faire fonctionner la nouvelle Communauté urbaine de Montréal? Je pense que nous aurons peut-être bien de bonnes surprises au bout de quelque temps. C'est le pari que nous faisons.

Nous ne voulons pas que ce soit fait, élaboré, appliqué dans un climat d'affrontement. Je pense qu'il faut maintenant s'appliquer à ce que tout le monde travaille ensemble pour solutionner des problèmes des questions qui vont se soulever sur le territoire qui, immanquablement, vont surgir au cours des prochaines années, et je pense que c'est cela le contexte qu'on veut voir s'établir sur l'île de Montréal.

Je crois que tout le monde doit travailler dans ce sens-là, à régler les problèmes de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal. Nous aurons l'occasion d'en rediscuter puisque le gouvernement lui-même fera sa réflexion. Il y aura aussi les questions qui vont être reliées à l'évaluation foncière. La commission d'évaluation foncière et des finances va pouvoir siéger, entendre le public avec ses élus pour régler ces questions.

M. le chef de l'Opposition mentionnait, tout à l'heure, qu'on devrait étudier la délimitation des municipalités du territoire des municipalités sur l'île de Montréal. Je pense que les mieux placés pour faire cela, ce sont les élus municipaux de Montréal, avant de créer une commission en provenance de Québec pour le faire. La commission d'aménagement de la Communauté urbaine de Montréal pourra fort bien s'attaquer à ce problème-là, à ces questions-là. Je pense que c'est dans ce sens qu'il faut aller. S'il faut, à un moment donné, en termes d'aménagement, essayer de voir plus grand que l'île de Montréal, à ce moment le gouvernement peut s'impliquer, mais, au fond, il ne peut pas régler toutes ces questions d'aménagement, à moins que les élus municipaux de l'île de Montréal et de la région de Montréal ne s'y engagent aussi. (minuit)

Je pense que le projet de loi fait ce pari que les élus municipaux vont travailler à résoudre les questions et les problèmes qui vont se poser sur l'île de Montréal. Je pense aussi que le projet de loi fait un autre pari, c'est celui de l'ouverture à la démocratie dans les structures des institutions intermunicipales de l'île de Montréal, en particulier à la CUM et dans ses commissions. C'est pour cela qu'il y aura une période de questions que nous n'avons pas voulu réglementer. On aurait pu dire: minimum de 30 minutes, on aurait pu tout réglementer. Mais je pense que ce n'est pas l'objectif; l'objectif, c'est de donner des possibilités aux citoyens de se faire entendre et de donner aussi la liberté aux élus municipaux de l'île de Montréal de statuer sur la réglementation qui va les entourer.

M. le Président, on a parlé de prépondérance de la ville de Montréal. On a même mentionné qu'on "minorisait" la ville de Montréal selon le projet de loi, qu'on pourrait miner le développement économique de l'île de Montréal. Je pense qu'il s'agit d'exagérations très larges et qu'il est important de rétablir ces choses. Au fond, il s'agit d'une communauté, il s'agit de responsabilités qui touchent les citoyens de toute l'île de Montréal. Je vois mal comment on peut donner à une seule ville un pouvoir dépassant la majorité sur les décisions majeures. Si on parle de communauté, on doit admettre que les décisions qui touchent la communauté ne soient pas prises par un seul des partenaires dans une communauté, mais que les décisions doivent être prises, au minimum, par quelques-uns des partenaires. C'est ce qu'il y a dans le projet de loi.

Évidemment, une bonne partie des discussions ont tourné autour de la composition de l'exécutif, de la façon de nommer le président de l'exécutif. Je rappellerai, à la suite de M. Luc Tremblay, le rôle du président de l'exécutif qui en est un de président communautaire conciliateur, de médiateur. Je pense que, là-dessus, il faut faire confiance aux élus de la Communauté urbaine de Montréal.

Je pense qu'il y a des mécanismes dans le projet de loi qui amènent graduellement cet esprit communautaire. Les décisions sont

prises au conseil à la double majorité; l'élection du président aussi se fait d'abord à la double majorité. Si on ne s'entend pas, c'est au vote des deux tiers. Je rappelle que dès que le vote des deux tiers est appelé, M, le Président, il n'y a pas de vote des deux tiers qui pourrait être gagné sans l'appui de Montréal, sans que la ville de Montréal soit impliquée de quelque façon dans ce vote. Donc, il faut qu'il y ait une partie importante des élus de la ville de Montréal qui votent sur un vote aux deux tiers pour qu'une décision soit adoptée.

Le gouvernement interviendrait dans le processus de nomination du président en tout dernier lieu. Ce n'est pas parce qu'il est intéressé à intervenir. Mais je pense que, s'il y avait un blocage, il faudrait quand même se ménager cette porte de sortie. Je pense qu'elle est encore supérieure à celle du vote de la simple majorité comme il a été proposé, parce que cela revient à donner le pouvoir à un seul des partenaires à l'heure actuelle. Je rappelle que, si on vit dans une communauté, il ne faut pas qu'un seul des partenaires prenne les décisions. Je pense que c'est fondamental, simplement à cause de la définition d'une communauté.

Je pense que le projet de loi a comme objectif d'essayer de créer cet esprit communautaire, d'amener des gens à prendre ensemble des décisions. Je suis convaincu que l'avenir va nous donner raison, que les décisions vont se prendre à plus qu'un, que les décisions vont se prendre aussi dans le sens des intérêts de la communauté, que la prépondérance de Montréal va se manifester nécessairement dès qu'il va y avoir un vote aux deux tiers, c'est-à-dire dès qu'il y aura une décision le moindrement contestée. Finalement, dans ce vote aux deux tiers, il y a un veto pratique, concret de la ville de Montréal.

En terminant, M. le Président, je voudrais simplement dire merci à tous ceux qui ont participé à ce débat, à tous les gens, les élus municipaux, notamment, qui ont envoyé des mémoires au ministre des Affaires municipales en 1980 et avec qui j'ai eu l'occasion de discuter longuement, souvent, de toutes les questions touchant la Communauté urbaine de Montréal. Je voudrais remercier tous ceux qui sont venus à la commission parlementaire du mois de mars. Je voudrais remercier aussi mes collègues qui ont participé à ce débat, qui m'appuieront sûrement au cours du vote en troisième lecture et qui, sûrement, seront là aussi pour aider le gouvernement, aider surtout les élus municipaux de la Communauté urbaine de Montréal à remplir leur tâche. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la troisième lecture du projet de loi no 46, Loi modifiant la Loi de la Communauté urbaine de Montréal, sera adoptée?

M. Lalonde: Non, ce n'est pas maintenant, c'est remis.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Vote enregistré.

M. Brassard: M. le Président, je vous demande de le reporter à la période prévue à cette fin à la séance d'aujourd'hui, de ce matin.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: On peut reprendre, M. le Président, le débat en deuxième lecture sur le projet de loi no 72.

Reprise du débat sur la deuxième lecture du projet de loi no 72

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, reprise du débat sur le projet de loi no 72, Loi modifiant le Code du travail, le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives. La parole était au député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. À écouter les députés ministériels nous parler du projet de loi no 72, j'ai l'impression qu'on vit dans un monde irréel où les mots ne représentent plus la réalité des choses. On entend une verbosité qui n'a d'égal que le manque de volonté politique d'ajuster à la verbosité, aux mots, aux paroles, des actes concrets qui auront pour effet d'assurer efficacement une protection qui est due aux gens qui sont les plus démunis, les plus susceptibles de souffrir de l'exercice d'un droit qui existe, mais qui peut constituer, dans certaines circonstances, un danger pour ces personnes.

Un gouvernement doit tout d'abord avoir comme tâche principale d'assurer la protection des administrés, des plus faibles, des plus exposés à être mis en péril dans des situations de grève; le gouvernement a le devoir premier de protéger ces personnes. Il est impossible de croire qu'avec la loi qui nous est proposée, avec la loi que le gouvernement voudrait que l'Assemblée nationale adopte, nous pourrons même rêver d'atteindre ces buts. Je crois qu'il faut bien réaliser que, lorsqu'on parle de services essentiels, on parle de choses dont une société civilisée ne peut pas se passer. Il est impensable que le gouvernement doive se retrancher derrière un conseil qui jugera d'une liste proposée par les syndicats et que ce conseil soit l'instance qui protège le

gouvernement des pressions qui seraient faites sur lui pour lui permettre de se retirer et de s'en remettre aux avis d'un conseil qui, dans sa structure même, sera le reflet des déchirements que l'on rencontre à l'intérieur de la société quand on doit vivre des moments de grève. On dirait que le gouvernement a tenté de faire de ce conseil un microcosme de ce qu'est notre société québécoise dans les moments de crise qui sont vécus alors qu'on a des grèves dans les services essentiels. Le gouvernement aurait voulu calquer d'une façon plus directe et donc, amener à une impasse absolument inévitable ce conseil qu'il n'aurait pas agi autrement. C'est à croire que le gouvernement, en établissant ce conseil, a eu un but, c'est de tuer le temps, c'est de faire patienter tout le monde, en espérant que, tôt ou tard, le conseil promettant d'agir, le conseil devant agir, cette solution que le gouvernement espère, une solution qui prend sa source très souvent dans la souffrance humaine, cette solution, dis-je, sera amenée par un conseil qui sert de tampon au gouvernement pour l'exempter de prendre ses responsabilités comme il devrait les prendre. Un gouvernement qui s'affiche comme étant social-démocrate a une première responsabilité. Ce n'est pas, quoi qu'on nous fasse croire, la distribution de la richesse. Ce n'est pas non plus la création de la richesse, c'est plus profondément que cela, la protection des malades, des gens qui ne sont pas capables de s'occuper d'eux-mêmes, des gens qui ne sont pas autonomes; tout ce qui ne prend pas immédiatement sa source là-dedans ne peut donner comme fruit la social-démocratie parce que la social-démocratie c'est une réalité que le gouvernement veut nous faire accepter comme étant la sienne, alors qu'il n'est pas capable de prendre la responsabilité première qui est celle d'assurer que les services essentiels soient protégés et fournis en toute circonstance. Le gouvernement qui ne fait pas cela manque à sa vocation, manque à son devoir. (0 h 10)

Je crois que le gouvernement s'est lui-même enfermé dans un dilemme dont il ne peut absolument pas sortir. Un gouvernement ne peut pas prendre d'autres engagements que celui d'agir en fonction et exclusivement en fonction du bien commun, et le bien commun ne doit avoir aucune coloration, il ne doit même pas avoir la coloration du préjugé favorable aux syndiqués et aux syndicats. Le bien commun est indivisible; il est un et il ne doit pas être favorable à qui que ce soit. Un gouvernement qui s'est dit en faveur des syndicats et qui a énoncé un préjugé favorable aux syndicats a en même temps renoncé à faire passer avant tout le bien commun de la société; ça c'est grave, ça c'est sérieux. La population a droit à autre chose que cela.

Quand un gouvernement agit comme cela et quand les députés ministériels nous tiennent des discours semblables à ceux qu'ils nous ont tenus, on croirait qu'ils n'ont pas la majorité à l'intérieur de cette Chambre; on croirait à les entendre qu'ils sont pour que la population profite des services de santé, que les malades psychiatriques soient soignés, qu'ils soient protégés contre eux-mêmes et contre les autres, à les entendre on se rend bien compte de cela, mais on se dit que c'est donc dommage qu'ils ne puissent pas le faire. C'est la réflexion qui nous vient automatiquement quand on entend leurs discours. On se dit: Comment peuvent-ils tenir ce discours-là et ne pas le traduire dans des actes concrets? La seule explication qui nous vienne à l'esprit, M. le Président, à entendre ces gens qui sont si pleins de bonne volonté, qui ont de si bonnes idées, qui ont des paroles tellement compatissantes, réconfortantes pour les malades, pour les gens qui ont besoin de protection, c'est que c'est donc dommage que ces gens si pleins de bonne volonté ne disposent pas d'une majorité confortable en Chambre. Si ces gens avaient la confortable majorité qu'ils méritent, que nous serions donc bien protégés.

Cependant, si l'on regarde la composition de l'Assemblée nationale, et on s'aperçoit qu'ils disposent d'une majorité plus que confortable dont ils se servent quand ils veulent, à leur volonté, et pour des lois qui ne méritent pas notre vote. Ils ne se gênent pas pour cela, ils ont une majorité de 79 à 43. C'est assez fort pour faire adopter toutes les lois qu'ils veulent. Quelles conclusions doit-on tirer? On ne doit tirer qu'une seule conclusion et elle s'impose d'elle-même, c'est que les gens qui parlent ne croient pas en leur parole et ne sont pas capables d'ajuster leurs actes à leurs paroles. Un gouvernement qui fait cela ne mérite plus la confiance qu'il a acquise de la population il a moins d'un an.

J'entends des paroles compatissantes et réconfortantes, comme je le disais tout à l'heure, mais je constate l'absence d'actes concrets pour traduire ces paroles en gestes qui serviraient au bien-être de la population des malades, au bien-être de la population qui a besoin de soins. Je me dis que les gens d'en face, ce sont les gens qui nous gouvernent et qui gouvernent le Québec actuellement; c'est personne d'autre qui gouverne le Québec, ce sont les gens d'en face qui gouvernent, et ces gens-là ont une responsabilité c'est de voir à ce que les services essentiels soient assurés partout dans notre société. Quand je vois cette absence de gestes concrets, je me dis qu'ils ont oublié, ils n'ont pas été en contact avec la maladie récemment, ils n'ont pas connu le désarroi des gens qui sont couchés et qui attendent dans la souffrance. Cela n'est pas

abstrait, ça existe la souffrance humaine, ça existe des gens qui sont angoissés, ça existe actuellement des gens qui en regardant ce que le gouvernement nous propose comme projet de loi sont angoissés parce qu'ils se disent: Je sais que je suis un malade chronique, je sais que je suis susceptible d'avoir besoin de certains soins hospitaliers. Je me fierais normalement sur le gouvernement pour les en assurer, mais en regardant le projet de loi qui nous est soumis, la population du Québec, qui va juger le gouvernement, doit se rendre compte qu'elle n'aura aucune assurance que ces services lui seront rendus.

Je fais appel au gouvernement pour qu'en aucune façon il ne permette à des gens qui disposent d'un droit qui est, en certaines circonstances, abusif, que des gens qui disposent d'un droit de grève puissent s'en servir pour faire souffrir des semblables, d'autres êtres humains. Il n'y a pas si longtemps, on obtenait supposément justice dans les cours au moyen d'aveux qui étaient obtenus sous l'effet de la torture. Dans certaines circonstances, on obtient des avantages matériels que le gouvernement ne devrait pas permettre au moyen de la souffrance humaine. À mon avis, c'est une autre forme de torture. Le gouvernement n'a pas le droit de permettre que la souffrance humaine serve de levier à des groupes qui vont s'en servir pour retirer des avantages qui leur sont propres. Le respect de la vie humaine doit commencer par le respect de la souffrance d'autrui; tout le reste n'est qu'hypocrisie, n'est que fausse parole, n'est que mensonge; si on respecte la vie humaine, on doit respecter ce qui va avec, c'est-à-dire la souffrance. Qu'on réalise du côté du gouvernement que quand il y a des gens qui ne peuvent pas être soignés, quand il y a des gens qui ont besoin de transfusion sanguine, qui ont besoin d'avoir certaines injections de quelque nature que ce soit, qui ont besoin d'entrer d'urgence à l'hôpital et qui ne peuvent le faire, il est évident qu'un gouvernement qui n'a pas le courage de monter ses vraies couleurs, qui se cache derrière un conseil tampon qui ne servira finalement qu'à éloigner une éventuelle prise de responsabilité par le gouvernement, ce gouvernement ne remplit pas son rôle.

On a, en créant ce conseil, enlevé à l'Assemblée nationale, une partie de sa souveraineté. Tous, tant que nous sommes, les députés ministériels aussi bien que les députés de l'Opposition, nous avons été élus ici pour prendre la défense des populations qui nous ont élus; elles nous ont donné comme mandat de voir à ce que la protection la plus élémentaire leur soit assurée. Voici la question que je me pose: Comment peut-on ici, à l'Assemblée nationale, pouvoir accepter que le gouvernement puisse se réfugier, se cacher derrière de faux-fuyants qui n'ont finalement pour effet que de rendre impossible, à toutes fins utiles, la protection qu'en paroles, semblent vouloir accorder les députés ministériels?

Il est certain qu'un projet de loi doit être jugé d'une façon réaliste et par les fruits qu'il doit produire. Je suis convaincu que la plupart des députés ministériels, sinon tous, savent très bien qu'il est impossible, avec les mécanismes tortueux, rocailleux qui nous sont proposés pour solutionner le problème des services essentiels lors de grèves, que les services essentiels vont être respectés, accordés dans nos hôpitaux, dans nos asiles psychiatriques, dans nos centres d'accueil pour malades chroniques. C'est impossible. (0 h 20)

D'ailleurs, j'en veux pour preuve cet aveu que le gouvernement fait lui-même dans sa loi, quand il dit que, s'il y a des dommages qui sont subis par des gens qui normalement auraient droit aux services essentiels, il leur facilitera le paiement de certains dommages et intérêts au moyen du recours collectif. N'y a t-il pas plus bel aveu de la part du gouvernement, qu'il n'espère absolument pas obtenir avec son projet de loi, les résultats prétendument recherchés? Le seul fait que le gouvernement nous mette quelques articles dans la loi qui permettent aux gens qui n'auront pas bénéficié des services essentiels - le gouvernement le reconnaît donc - de pouvoir se servir du recours collectif pour obtenir le paiement de certains dommages et intérêts, alors qu'on sait qu'il est impossible de monnayer, de mettre un montant pour la souffrance humaine...

En même temps, le gouvernement nous dit: "De toute façon, ne vous inquiétez pas". Ne vous inquiétez pas messieurs les malades, ne vous inquiétez pas, messieurs les alités, mesdames les alitées. Ne vous inquiétez pas, vous qui souffrez. Si vous souffrez parce que l'on ne vous accorde pas des services essentiels, on vous facilitera un recours collectif contre ceux qui auront été responsables de cette privation des services essentiels dont vous aurez été victimes.

En même temps que le gouvernement avoue donc que les services essentiels ne seront pas accordés, il pousse l'outrecuidance jusqu'à tenter de convaincre la population qu'à tout événement, on pourra obtenir réparation financière pour cela.

Je regrette beaucoup M. le Président, nous de l'Opposition, nous ne sommes pas du genre à monnayer la souffrance humaine. Nous croyons que la souffrance humaine doit être diminuée et par tous les moyens. Jamais, nous n'admettrons qu'on puisse faire accepter à la population avec l'accord de l'Opposition qu'à tout événement, si jamais il y a des souffrances qui sont subies par

quelqu'un, elles seront compensées au moyen de certains paiements financiers. C'est absolument inacceptable.

Je pense qu'il faut avoir vécu pendant un certain temps auprès d'êtres qui nous sont chers, d'êtres auxquels on est profondément attaché, d'êtres auxquels on tient par amitié ou par parenté et les avoir vu souffrir dans leur corps et dans leur âme pour savoir qu'il est inacceptable dans notre société que le gouvernement ne prenne pas les moyens et tous les moyens nécessaires pour empêcher cette souffrance d'être augmentée. Ce n'est pas cela que le gouvernement fait et ce n'est pas cela que le gouvernement cherche à faire. Ce ne sont pas les résultats que le projet de loi no 72 va nous donner. Je sais qu'il y a des paroles qui sont dites à l'effet contraire, des paroles sympathisantes, réconfortantes comme je disais au début de mon intervention, ces paroles malheureusement... C'est là toute la différence du monde. Ce n'est pas un détail. S'il y a quelque chose d'essentiel puisqu'on parle de services essentiels, c'est cela. Ce ne sont pas les paroles qui sont dites, ce n'est pas le réconfort qu'on tente d'apporter avant coup en disant: On sait bien, on est avec vous, on regrette que vous soyez malades, que vous ayez besoin des services essentiels. On dit tout cela. Ce qui est essentiel, c'est ce que l'on fait pratiquement. Ce que l'on fait pratiquement, c'est de dire: Les syndicats se serviront de la liste syndicale, la proposeront au conseil qui va l'évaluer et faire des recommandations par après aux parties pour leur demander de s'entendre. Sinon, il fera des recommandations au gouvernement qui devra juger et accepter ces recommandations."

On sait, et j'en connais, que certaines personnes attachées au service des gens qui doivent profiter des services essentiels sont dévouées. Ce sont des personnes qui font preuve d'un renoncement extraordinaire dans leur travail. Ce qui arrive, c'est que ces personnes sont utilisées comme fer de lance par d'autres parties militantes des syndicats auxquels elles appartiennent, de façon que leurs actions puissent servir.

Je sais pour l'avoir vérifié moi-même qu'un très grand nombre de ces personnes accepteraient très facilement de se faire mettre par le gouvernement dans une situation où on ne puisse plus les utiliser et qu'elles pourraient continuer le dévouement dont elles font preuve à tous les jours de l'année. Ce qui arrive, c'est que ces personnes servent de fer de lance, comme je le disais. Ces personnes n'ont pas d'autre choix que d'agir comme cela. Le gouvernement doit protection à ces gens qui sont très souvent forcés de se fermer les yeux devant certains abus, pour que l'action syndicale ait des résultats dans l'espèce d'affrontement inévitable dans lequel le gouvernement pose les parties lors d'un conflit syndical. Je pense que ces personnes désirent continuer leur bon travail et je dis que c'est le devoir du gouvernement de permettre à tout le monde de faire son travail honnêtement, avec dévouement et renoncement en même temps que d'accorder la protection aux gens qui en ont le plus besoin dans notre société.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Rosemont.

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: M. le Président. Après avoir écouté attentivement le député de Louis-Hébert, je dois constater que seuls les députés libéraux se préoccupent du sort que peuvent subir les malades et les personnes qui reçoivent des services dans les établissements de santé, et que nous, nous sommes insensibles. Vous voyez, ces collègues applaudissent, nous, nous sommes insensibles à la misère humaine et eux sont les défenseurs de la misère humaine.

Dans toutes les sociétés, on a justifié la pire absence de réalisme et même les abus les plus flagrants en dépeignant certains comme étant noirs et les autres comme étant blancs. Je trouve ce procédé inqualifiable et je constate que le député ne nous a pas dit qu'elle était sa solution, ce qu'il propose en remplacement du projet de loi et je constate qu'il ne nous a pas dit ce qu'il y avait, non plus, dans le projet de loi. Il a passé ses quinze minutes à dire que nous étions insensibles au sort des malades et des personnes qui reçoivent des soins des services publics. Je trouve cela inqualifiable.

Au début de son exposé et à la fin, également, le député trouve le moyen de dire qu'on était irréalistes; après nous avoir dit tout cela, après ne nous avoir rien proposé et après avoir fait une série d'énoncés généraux, et à l'occasion démagogiques, également comme ceux que je viens de vous mentionner.

M. le Président, je pense que le réalisme dans les relations du travail dans les secteurs public et parapublic ne passe pas par les solutions simplistes qu'envisage le député, mais qu'il n'a pas mentionnées. Par exemple, on constate que dans des sociétés où le droit de grève n'est pas reconnu dans les services public et parapublic, on a des grèves sauvages où les services essentiels ne sont nullement assurés. On en a eu en Ontario encore récemment et une autre dans une province maritime; je ne me rappelle plus laquelle, au moment même où en commission parlementaire - je pense que c'est en Saskatchewan - on étudiait la question du droit de grève, l'année dernière.

D'autre part, il y a des sociétés où le droit de grève dans les services public et parapublic est reconnu en tout temps. Je

pense à la France, en particulier, où non seulement, comme ici, le droit de grève n'est reconnu qu'à la fin de la convention collective, au moment du renouvellement des conventions collectives. En France, le droit de grève peut être acquis en tout temps, même pendant la durée des conventions collectives, et pourtant ce droit de grève est exercé très rarement et avec énormément de responsabilité. C'est peut-être, M. le Président, que le droit de grève dans les secteurs public et parapublic est relativement jeune et qu'il a commencé avec la révolution tranquille et où les syndiqués des secteurs public et parapublic ont eu à faire face à des affrontements extrêmement durs d'un gouvernement qui voulait, à certaines occasions, abattre les syndicats.

Malheureusement, on a dû constater qu'en 1972 et en 1976, il y a eu des affrontements, notamment dans le secteur hospitalier qui ont fait en sorte qu'à un moment donné dans une région donnée, les services d'urgence étaient presque complètement paralysés partout.

Quand le député dit: Vous n'avez jamais eu personne qui a souffert de cela, je tiens à lui dire qu'en 1976, cela m'est arrivé et j'ai eu à amener mon épouse à l'hôpital et j'ai réussi dans la région de Montréal après plusieurs démarches à trouver un hôpital qui pouvait la recevoir et c'était sous le gouvernement qui nous a précédés, en 1976. (0 h 30)

C'est vrai qu'il y a eu des difficultés et c'est vrai que la population a raison de demander au gouvernement d'assurer les services essentiels. Je disais, M. le Président, que la solution est bien davantage dans l'apprentissage des responsabilités, dans le fait que nous puissions collectivement civiliser le droit au travail.

Je vous rappellerai qu'à la suite des événements que je viens de mentionner en 1972 et en 1976, le gouvernement, dès le début de son mandat, a mis sur pied la commission Martin-Bouchard qui disait notamment ceci, à la page 22 de son rapport, justement après de longues consultations, en faisant preuve de réalisme: "Formulées avec un souci constant de réalisme et de fidélité au consensus se dégageant des consultations, ces propositions..." Je vous signale que les propositions de la commission Martin-Bouchard étaient justement l'intervention, l'implication d'un tiers dans le maintien des services essentiels et le fait que le gouvernement puisse, en définitive, suspendre le droit de grève et prendre des mesures lorsque les services essentiels ne seraient pas respectés, ce qui est, en gros, l'esprit du projet de loi qui est devant nous.

La commission Martin-Bouchard continuait en disant: "Nos propositions ne conduisent pas, on le constatera, à une révision de fond en comble du régime des négociations dans les secteurs public et parapublic. Elles incitent, cependant, les parties en cause à adhérer à des règles de jeu minimales de nature à concilier à la fois les exigences de l'intérêt public et les actions légitimes qui découlent de droits désormais fermement acquis." Et elle terminait en disant: "Mieux vaut chercher à définir un cadre souple et réaliste à l'intérieur duquel le processus de la négociation sera vraiment, ainsi qu'on en a souvent exprimé le voeu, une démarche civilisée." Voilà l'objectif de ce projet de loi, M. le Président: civiliser l'exercice des moyens de pression que doivent, à l'occasion, prendre les syndiqués et l'exercice du droit de grève.

Je vous signale, M. le Président, qu'à la négociation de 1979, même s'il y a eu des problèmes dans les services publics, en appliquant une partie des recommandations du rapport Martin-Bouchard, on a réussi, non pas complètement, non pas à notre goût, à civiliser davantage les relations du travail dans les secteurs public et parapublic.

À la dernière élection, M. le Président, je tiens à vous dire que cela n'a pas été facile pour les membres de ce parti. On aurait bien pu afficher une attitude irresponsable ou ambiguë ou louvoyante comme celle qu'a affichée, le Parti libéral à l'occasion de l'élection. Sachant à quel point le public tient, avec raison, aux services essentiels, ou aurait pu appuyer l'opinion générale que cela pourrait être atteint en supprimant le droit de grève, alors qu'on a toutes les évidences que, lorsque le droit de grève est prohibé, très souvent il s'exerce sans maintien des services essentiels. On a voulu faire preuve de responsabilité, non pas comme l'a dit le député de Louis-Hébert, parce qu'on fait passer un quelconque préjugé syndical avant le bien commun, mais, au contraire, parce qu'on fait passer le bien commun avant les intérêts particuliers. Tout le long de la campagne électorale, on s'est engagé à civiliser encore davantage le droit de grève, à améliorer les mécanismes de négociation et à assurer la mise sur pied, le maintien et le respect des services essentiels, ce qui est exactement l'objectif de ce projet de loi.

M. le Président, au-delà de la démagogie que fait le député de Louis-Hébert, du sentiment et de la crainte justifiée parfois dans le public quant au maintien des services essentiels qu'il exploite, je pense qu'il faut regarder les faits tels qu'ils sont. Il y a eu des problèmes à la dernière négociation, mais il y a eu également de nettes améliorations. Je vais vous citer le rapport-synthèse - on a tous les rapports des établissements qui ont été évalués lors de la négociation de 1979 - du Conseil sur le maintien des services de santé et des services sociaux que nous avions créé,

justement, pour surveiller le maintien des services essentiels. Le rapport dit ceci: "Les conflits de travail ont été le plus souvent sporadiques et de courte durée." Il y a eu des manchettes alarmistes dans les journaux qui ont été alimentées par l'Opposition à ce moment-là, mais, en fait, il y a eu sept dates, où à l'occasion, il y a eu problème: le 28 mars 1979, le 25 octobre, les 19, 20, 21, 22 et 23 novembre. Dans chaque cas, il s'agissait de grèves de courte durée, de grèves d'avertissement, mais peut-être pas dans quatre établissements; dans tous les autres, maintien des services essentiels, nous ont dit à la fois les services et les syndicats. Dans quatre établissements dont j'ai la liste ici - je ne pense pas qu'il soit nécessaire de les mentionner - les dirigeants des institutions affirment que les services essentiels n'auraient pas été respectés. On pense qu'il y a eu des cas où les services essentiels n'ont pas été respectés. Comme le disait l'adjoint parlementaire au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, un cas, c'est un cas de trop.

En ce sens, tout nous indique qu'on doit continuer à aller dans la même direction; non pas abolir le droit de grève, ce qui rendrait un mauvais service au public et ne nous assurerait aucunement du maintien des services essentiels, mais aller dans le sens de civiliser davantage. À la commission parlementaire, la majorité des organismes a appuyé cette approche. J'ai ici le résumé des principaux mémoires à la commission parlementaire à laquelle j'ai participé très activement.

Évidemment, personne ne va se surprendre que les organismes syndicaux étaient en faveur du maintien du droit de grève. Cependant, il est étonnant de constater que le Conseil du patronat du Québec, par exemple, s'est dit d'accord pour le maintien du droit de grève à condition que les services essentiels dans les établissements dispensant des services de santé, la fourniture d'électricité et de gaz et la distribution de l'eau potable soient maintenus. C'est l'objectif du projet de loi.

L'Association des centres d'accueil du Québec, donc les dirigeants de ces institutions dans le réseau de la santé, se prononcent également pour le droit de grève à la condition que cela ne remette pas en cause l'accessibilité et la continuité des services; même réaction de la Fédération des CLSC. Le comité de parents du territoire des Vieilles Forges, où l'on a eu un conflit de travail très difficile qui a nécessité une loi spéciale à l'Assemblée et qui a duré deux mois - je pense que le député de Trois-Rivières s'en souvient - se déclare quand même pour le maintien du droit de grève. Est-ce que tous ces gens, suivant le député de Louis-Hébert, seraient irresponsables et feraient passer les droits des syndicats avec le bien commun alors qu'ils sont les premiers impliqués et les premiers touchés? Ce sont des citoyens qui parlent. La Fédération des commissions scolaires dit: Maintien du droit de grève dans un processus plus encadré et plus réglementé. La Fédération des commissions scolaires également, et cela continue comme cela, l'Association des consommateurs du Québec, l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires sont pour le maintien du droit de grève. Également la Fédération des AFEAS se prononce pour le droit de grève, mais avec un meilleur encadrement. Il y a des exceptions. Il y a des gens qui nous ont dit: II faudrait abolir le droit de grève. Cependant, la majorité des organismes en dehors du monde syndical se prononcent pour continuer la démarche, simplement parce qu'on a eu de meilleurs résultats en 1979; il y a eu quelques problèmes sporadiques et il s'agit de les éliminer.

Dans ce sens, je voudrais simplement vous mentionner cinq points du projet de loi qui témoignent de bien d'autres choses que cette abdication dont parlait le député de Louis-Hébert face aux responsabilités du gouvernement. Pas du tout, on a un projet de loi qui déplaît aux centrales syndicales, elles l'ont dit. Nous pensons quand même qu'il est nécessaire de resserrer l'exercice du droit de grève sans le supprimer.

Le conseil sur le maintien des services essentiels était temporaire et il sera maintenant permanent, avec des représentants du public. Le conseil aura un rôle étendu - vous savez que le conseil, en 1979, n'avait pas de pouvoir, il constatait et il pouvait informer le public - maintenant, le conseil devra sensibiliser les parties sur la nécessité d'assurer le maintien des services essentiels et informer le public. Dans le cas des établissements du réseau des affaires sociales, il doit déterminer, par règlement, après avoir consulté les parties, la forme d'une entente ou d'une liste ainsi que les éléments qu'elle doit contenir, notamment le libre accès d'un bénéficiaire à un établissement. Donc, un encadrement de la définition des services essentiels. (0 h 40)

Le conseil peut recourir aux services de personnes pour aider les parties; on fait confiance aux parties sur le plan local. Il n'y a pas une situation qui est pareille, on ne peut pas définir uniformément les services essentiels, mais on donnera le soutien de personnes, le support de médiateurs pour fournir l'établissement d'une liste adéquate qui va assurer le maintien des services essentiels.

Également, on allonge les délais de façon à éloigner le plus possible la négociation, la discussion au sujet des services essentiels pour que tout soit établi

au moment où les négociations commenceront et le droit de grève deviendra effectif. C'est donc trois mois avant l'expiration des conventions collectives que les ententes ou les listes décrivant les services essentiels devront être déposées, et le conseil devra évaluer la suffisance des services essentiels. Il pourra faire aux parties les recommandations qu'il juge appropriées et faire rapport au ministre du Travail, et ce rapport au ministre du Travail sera rendu public, le public sera au courant; alors, le gouvernement n'abdique pas ses responsabilités. S'il n'y a pas moyen de s'entendre sur les services essentiels, ce sera rapporté au gouvernement, ce sera public, et le gouvernement devra prendre ses responsabilités comme c'est son devoir.

Un dernier point, concernant la question du recours collectif. On nous a dit qu'on avait tellement peu confiance aux autres mécanismes qu'on voulait prévoir, pour les personnes qui pouvaient être lésées, un droit au recours collectif. Toutes les dispositions sont là pour éviter qu'on en vienne à ce recours collectif, mais je vous signalerai que la simple présence de cet article dans ce projet de loi de faciliter les recours collectifs au cas où les gens pourraient être lésés a un effet dissuasif important, parce que si jamais des syndiqués n'étaient pas responsables ils pourraient se voir poursuivre pour dommages et intérêts. Donc, les gens ont tout intérêt à définir et à maintenir les services essentiels.

Je pense que ce projet de loi nous permettra de civiliser davantage les relations du travail; c'est la voix du réalisme basée sur des faits, basée sur l'expérience que nous avons vécue au Québec, sur ce qui se passe ailleurs dans d'autres sociétés. On peut espérer que cette loi, dans cinq ans, dans dix ans, et si possible plus rapidement, n'aura pu être utilisée parce qu'elle nous aura appris, dans les services publics à civiliser nos relations du travail et à maintenir les services essentiels du public. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci, M. le Président. M. le Président, en fin de semaine, j'étais avec ma femme dans un centre d'accueil de mon comté, et j'y ai rencontré des personnes âgées, femmes et hommes. Certains étaient en fauteuil roulant; d'autres étaient plus ou moins hospitalisés. Ils m'ont demandé: M. le député, est-ce que c'est vrai... M. le Président, excusez-moi, on commence à rire, est-ce qu'on commence à rire parce que je parle de centre d'accueil?

M. Bisaillon: Les gens étaient plus ou moins hospitalisés, on a trouvé cela un peu...

M. Polak: Excusez-moi. Peut-être que le député de Sainte-Marie trouve cela plus ou moins amusant; moi, je ne trouve rien d'amusant dans quelqu'un qui est hospitalisé sérieusement ou moins sérieusement, c'est cela que je veux dire, vous avez bien compris.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Un instant. M. le député. Cela va là, tranquille. M. le député.

M. Polak: Merci, M. le Président qu'ils soient devenus un peu plus tranquilles.

Ces personnes-là m'ont demandé si c'est vrai que M. Marois finalement nous protège, qu'on n'aura plus les problèmes comme on en a eu auparavant, ces grèves-là. Parce que certains étaient dans les hôpitaux et ont été victimes de grève; pas seulement de grève, ils m'ont parlé de l'angoisse qui précède une grève où soudainement l'attitude de l'infirmière, un mois, deux mois avant une grève, change totalement. Cela, c'est l'angoisse qui précède. Ils m'ont demandé de parler; donc, j'ai répondu: Non, ces gens ne vous protègent pas. C'est un projet de loi faible; c'est une projet de loi lâche. Cela ne règle aucunement le problème. Ils n'ont pas eu le courage politique de prendre une décision selon l'opinion publique, selon ce que le public veut. C'est cela qu'ils auraient dû faire. Et je vais m'expliquer.

On nous donne maintenant un conseil permanent des services essentiels formé de huit membres. Il y en a deux qui représentent les salariés, dont un des services publics et l'autre du secteur de la santé et des services sociaux. Il y a deux membres qui représentent les employeurs, trois qui représentent le public et un huitième, le président.

Il est bien connu, on n'a qu'à lire le projet de loi, que le conseil n'a aucun pouvoir décisionnel. Le conseil ne fait que prendre la méthode péquiste, évaluer, étudier, faire un rapport au ministre, au public mais il n'y a rien de concret, de positif et de décisionnel là-dedans.

Il faut suivre un peu la bureaucratie de cet appareil. Qu'est-ce que la loi prévoit? Dans le domaine des services de santé et des services sociaux, voici le système. La loi dit: Les services essentiels devront être maintenus en tout temps. Nous sommes d'accord là-dessus, pas de problème, il faut que ce soit maintenu. Mais de quelle manière? Voici l'appareil administratif lourd. Six étapes. Première étape: d'abord, les parties - cela veut dire patrons, syndicats -doivent négocier pour essayer d'arriver à une entente pour déterminer les services essentiels. Deuxième étape: si cela ne

marche pas, le syndicat doit soumettre sa liste syndicale disant combien d'employés vont travailler pour les services essentiels pour les garantir. Cela ne marche pas? Troisième étape. La liste est déposée, donc le conseil doit évaluer la qualité, la suffisance des services. Le conseil va étudier cela. Quatrième étape, le conseil, après avoir étudié cette liste, peut suggérer des modifications, rien qui ne lie, il peut suggérer des modifications. Cinquième étape, si le service est considéré insuffisant par le conseil, le conseil fera un rapport au ministre et avisera le public. Là, on est déjà rendu à la cinquième étape. Entre-temps, la pauvre personne dans un centre d'accueil ou dans un hôpital suit tous ces développements. Les gens savent ce qui se passe d'étape en étape. Cela augmente l'angoisse et sixième étape, le gouvernement aura le droit de suspendre le droit de grève. Finalement, le chat sort du sac. Le gouvernement aura le droit de suspendre le droit de grève après cinq autres étapes de lourdeur administrative, de discussions, de rapports, etc., pour finalement dire: On aura le droit de suspendre.

Dans certains services publics, on suit un peu la même méthode sauf qu'on dit ici que le gouvernement par décret peut ordonner de maintenir les services essentiels, en cas de grève, là où il y a un danger de santé ou de sécurité publique; c'est cela que le projet dit. Services publics, cela veut dire dans le projet de loi, téléphone, gaz, électricité, transports en commun, ambulance, enlèvement des ordures ménagères.

J'étais à Montréal aujourd'hui, j'avais eu la permission d'y aller parce que deux de mes enfants sont gradués de l'université. J'étais là et j'ai vu ce qui est arrivé avec la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal aujourd'hui à Montréal parce que le métro ne marchait pas; les autobus marchaient. J'ai fait monter dans mon automobile quelqu'un de Montréal qui travaille à Anjou, qui m'a dit qu'en métro, ça lui prend à peu près une demi-heure pour s'y rendre. Avec les autobus, ça lui prend, si l'autobus existe pour se rendre là, deux heures ou plus. Je l'ai fait monter, parce qu'il m'a dit: II y a possibilité que je perde mon emploi. On ne parle pas de cela, on parle ici de santé et sécurité publique. Comme, en janvier, on a mis fin à la grève des chauffeurs d'autobus de la Communauté urbaine de Montréal parce que c'était le mois de janvier, là, nous sommes au mois de juin; nous n'avons plus ce problème. Ne parlons plus de cela. Il n'y a rien; il n'y a aucune mesure par le gouvernement pour arrêter ce qui se passe. 0 h 50)

Vous savez très bien qu'il y a des commentaires sur ce projet de loi. Il y a un journaliste qui a suggéré: Pourquoi pas faire aussi appliquer cela dans le cas de graves perturbations économiques ou de graves perturbations sociales? Cela arrive. Aujourd'hui, c'était déjà une perturbation économique, je vous le jure, parce qu'il y avait des gens qui n'étaient pas capables de se rendre à leur travail ou qui arrivaient trop tard. Demain, ce sera l'inverse: le métro marchera, l'autobus ne marchera pas. La semaine dernière, il y a eu une journée de grève totale et, la semaine prochaine, on ne sait pas ce qui va arriver. Entre-temps, on continue ici à parler.

À la fin du projet de loi, on dit: Si l'affaire ne marche pas, vous, pauvres victimes, vous aurez toujours votre droit au recours collectif. On a facilité le recours collectif. En facilitant cela, on prévoit déjà la possibilité que l'arrangement proposé ne marchera pas.

Le gouvernement n'a pas eu le courage politique suffisant pour corriger une situation inacceptable. C'est le premier ministre, le chef de votre équipe, qui a dit il n'y a pas longtemps, parlant du secteur des services sociaux et des hôpitaux: "Ce secteur si névralgique où l'on joue avec la vie et la mort." Il faut régler cela une fois pour toutes. Lui, il pensait à ce moment différemment. Il y en a parmi vos les députés qui ne pensent pas du tout que cela suffit, le système suggéré, qui pensent à une abolition de ce droit de grève ou, au moins, à un droit de grève sélectif ou restreint. On sait très bien que les sondages - les péquistes aiment bien les sondages, ils les suivent tout le temps - disent clairement que l'immense majorité du public...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Est-ce que le ministre de l'Agriculture - je sais qu'il ne connaît pas beaucoup ce domaine des services essentiels - veut dire quelque chose? Qu'il se lève donc pour interrompre, s'il veut.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne, vous avez la parole.

M. Polak: Vous ne me regardez pas, mais, si vous avez quelque chose à dire, dites-le donc. Levez-vous sur une question de privilège.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président et M. le ministre de l'Agriculture, je vous remercie de m'accorder le droit de continuer à parler. Merci.

Selon les sondages, l'immense majorité

du public et même des syndiqués est en faveur de cesser la grève dans les hôpitaux, c'est connu. Cela va même dans les hôpitaux jusqu'à 85%. Nous, on n'a pas peur. On a pris une position, pas il y a une semaine ou deux, mais déjà au mois de janvier. Je me rappelle très bien quand le député de Jean-Talon a expliqué la position du Parti libéral. Savez-vous ce qu'on a suggéré? Le gouvernement aurait dû nous écouter et nous suivre. On avait suggéré que dans les centres hospitaliers de soins prolongés et de soins psychiatriques, dans les centres d'accueil, ainsi que dans les unités de services correspondants: soins prolongés, soins psychiatriques, le droit de grève soit remplacé par un mécanisme alternatif. En d'autres termes, le gouvernement aurait dû suivre cela. C'est cela que l'opinion publique veut. C'est cela que les gens veulent et même les syndiqués. Même les infirmières que j'ai rencontrées en fin de semaine dans un centre d'accueil m'ont dit: Nous, on est en faveur de restreindre ce droit de grève; nous aimerions avoir un droit de grève sélectif. Le système suggéré, c'est une attitude de lâcheté, c'est une attitude qui ne va jamais régler le problème, sauf qu'on va finir avec un beau recours collectif. Cela va prendre deux ans devant la Cour supérieure. On va aller en appel. Cela coûtera des milliers de dollars, même si on réduit les frais, et cela n'aboutira à rien.

C'est cela qu'on avait suggéré. Ici, encore une fois, on essaie de venir avec des solutions. Voici ce que le ministre du Travail avait dit à l'automne quand on était devant la commission parlementaire: II faut respecter le droit de grève, cela existe, on ne l'abolit pas. En même temps, il faut garantir les services essentiels. Les chefs syndicaux avaient bien raison quand ils avaient dit: Selon nous, une grève pour réussir pour être efficace, doit faire du mal. Si on garantit les services essentiels, si cela marche très bien, on n'aura pas de grève parce que la grève ne sera pas efficace.

C'est cela, votre dilemme. Vous, vous êtes encore restés dans le même dilemme. Vous n'avez rien réglé. Vous avez essayé de trouver une solution pour plaire aux chefs syndicaux et, en même temps, vous voulez plaire au public en disant: On va vous garantir les services essentiels.

M. le Président, il n'y a aucune réponse de trouvée, c'est une solution qui ne règle absolument rien; c'est une lâcheté de ne pas avoir le courage politique de prendre une décision que la population attend de vous. Pas encore une autre mesure administrative avec cinq ou six étapes, comme cela se fait; le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation fonctionne comme cela et on n'a pas trop de problèmes, parce que la population ne souffre pas trop. On est au courant de cela. Les services essentiels dans les hôpitaux, c'est une tout autre affaire. Vous devez prendre votre responsabilité, avoir le courage de restreindre le droit de grève pour le rendre sélectif.

M. le Président, ce ne sont pas juste les francophones qui sont intéressés par ce projet de loi no 72. Je voudrais terminer en citant un article d'un journal anglais, parce que, tout de même, la population anglophone est également très intéressée à ce débat. Les écrits du journal, je vais les citer, parce que je les accepte totalement. Je cite: "An essentially weak law. One is left wondering, what will happen to patients in hospitals while all this heavy machinery is gearing up. Would it not have been much better for the Government to withdraw the right to strike for anyone directly involved in patient care? Surely, nearly all services are essential in hospitals, homes for the aged, the chronically ill and the handicapped. The assumption that these people can do with less during a strike is inhuman. "If there is a transit strike or a Hydro strike, the Government may see fit to issue an order that certain undefined essential services be maintained. But only if such a strike endangers public health or safety. "That is just not good enough. This timorous and untenable piece of legislation needs drastic strengthening. Without that, it will remain a mockery of its stated purpose of affirming citizens' "fondamental right to essential services."

M. le Président, je remercie surtout le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour m'avoir écouté religieusement. J'espère qu'il a appris quelque chose, parce que je suis certain que, dans son comté, il y a des institutions, des hôpitaux et des centres d'accueil. Quand il va rencontrer ces gens plus tard, il pourra s'expliquer. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

M. Pierre Marois (réplique)

M. Marois: M. le Président, j'avais mentionné, au début de mon intervention hier matin, qu'à peu près tout avait été dit et écrit sur ce sujet absolument fondamental qui concerne, au premier chef, les citoyens. Je pense bien que, tout au long de cette journée, les principaux arguments de fond ont été repris de part et d'autre. Encore une fois, je pense bien que tout a été dit. Après avoir écouté, quand même religieusement, le député de Louis-Hébert, non seulement tout a été dit, mais aussi n'importe quoi dans certains cas.

Excluant l'intervention, que je m qualifierais même pas, du député de Louis

Hébert et une certaine partie de l'intervention du député de Sainte-Anne, je reviens aux interventions plus substantielles des membres de l'équipe ministérielle et des députés de l'Opposition. Nous sommes tous d'accord, fondamentalement, sur ceci: Le moment est venu au Québec de consacrer dans les faits le droit des citoyens à la primauté des services essentiels; au premier chef dans les services sociaux et dans les services de santé, mais également - et c'est une dimension complètement nouvelle - dans les services publics. (1 heure)

Nous divergeons d'opinions, nos amis d'en face et nous-mêmes, quant aux moyens à prendre pour y arriver. Nous, de ce côté-ci, proposons fondamentalement de capitaliser sur l'acquis, sur l'expérience vécue de la société québécoise en corrigeant les lacunes importantes qui y ont été décelées, en faisant tout ce qui est humainement possible pour que cessent les cas d'abus qui ont pu se produire, en faisant en sorte également qu'on instaure un contrôle externe permanent, ce qui prend la forme du conseil des services essentiels dont la composition et les pouvoirs sont modifiés, changés de façon substantielle, comme vient de nouveau de l'évoquer il y a quelques instants, mon collègue le député de Rosemont. Tout cela supposant aussi - et il est important de le rappeler, parce que les députés de l'Opposition ont souvent passé cela facilement sous silence, balancé cela du revers de la main - que l'État québécois, que le gouvernement du Québec assume, lui aussi, pleinement ses responsabilités, étant au premier chef chargé de l'intérêt public.

Le député de Jean-Talon, dans son intervention, a dit que le projet de loi constituait une amélioration. C'est déjà une admission intéressante et j'en prends acte. De l'autre côté, en face, on pense possible d'y arriver, d'atteindre cet objectif fondamental par l'abolition sélective du droit de grève dans certains établissements où se trouvent des bénéficiaires, notamment parmi ceux qui sont les plus démunis, on doit l'admettre. Par l'abolition sélective du droit de grève également, dans certaines unités ou services d'hôpitaux à vocation multiple. Le député de Jean-Talon lui-même, dans son intervention, a dit que leur propre proposition d'abolition sélective n'était pas facile d'application, et c'est évident; je le cite, il a dit: "Fondamentalement, c'est là la position que l'Opposition et le Parti libéral entendent prendre dans le débat, ayant expliqué cette abolition sélective. Et il a ajouté: Non pas que nous ignorions les difficultés pratiques ou même techniques que la mise en place de cette orientation majeure puisse soulever." C'est l'évidence; une telle proposition d'abolition sélective suppose des problèmes d'application d'envergure. Je l'ai moi-même évoqué dans ma première intervention ce matin. Le député admet qu'il y a donc des problèmes d'application technique, pratique, a-t-il dit, et j'ajoute: d'envergure. Mais c'est là, de toute manière, une deuxième admission de la part de l'Opposition et celle-là commence à être un peu plus de taille.

J'enchaînerai en rappelant cette vérité fondamentale: Quand on a le sens du concret, on ne perd jamais de vue qu'ultimement, ce qui est en cause, ce sont des êtres humains, malgré ce qu'a dit le député de Louis-Hébert; ce qu'évoquait mon collègue, le ministre de Affaires sociales, et c'est ceci: Abolir un peu beaucoup ou passionnément un droit n'a pas pour effet automatiquement d'abolir la réalité. La nuance est de taille parce que les faits et la réalité sont là.

Nous avons, les Québécois et les Québécoises, encore un long cheminement à faire pour atteindre, en ces matières, un niveau de conscience et de responsabilité sociales, pour atteindre un niveau de maturité qu'on a déjà pu noter dans certains pays européens et qui fait que lorsque le droit de grève s'exerce, notamment dans des services de santé, dans des services sociaux et même dans des services publics, cet exercice est toujours accompagné d'un très haut degré de reconnaissance du droit des hommes et des femmes de ces pays d'obtenir les services fondamentaux auxquels ils ont droit. Ce long cheminement, il ne nous faut pas le bloquer par des chambardements à première vue généreux, mais terriblement risqués. Il nous faut, au contraire, le favoriser en misant sur la confiance. Mais, encore une fois, contrairement à ce que les députés de l'Opposition ont dit, non pas une confiance aveugle, mais en gardant l'oeil ouvert de façon vigilante, en misant sur le sens des responsabilités. Encore une fois, et contrairement à ce que les députés de l'Opposition ont dit, non pas une responsabilité laissée ultimement entre les mains des syndicats, une responsabilité surveillée tant et si bien que si des cas d'abus se présentent ou risquent de se présenter qu'il soit possible d'y pallier avant que le droit de grève soit acquis. Je me permets de le rappeler notamment au député de Sainte-Anne, c'est écrit textuellement dans le texte de loi, et c'est important de le rappeler.

Si cela devait se produire en période de grève, qu'il soit possible d'intervenir de façon rapide par des moyens souples, efficaces. Mais le bouquet de ce que j'ai entendu de la part de l'Opposition - et ça m'étonne que ce soit venu de la députée de L'Acadie - c'est cette affirmation concernant le recours collectif. Elle a dit que nous l'introduisions comme une panacée et ce fut repris par le député de Marguerite-Bourgeoys qui, lui, a dit: C'est cynique. La cassette a

été, par la suite, reprise par d'autres députés laissant entendre en tenant compte de la façon dont c'est introduit dans le projet de loi que le gouvernement, n'étant pas sûr de son coup, se débarrassait de ses responsabilités, balançait cela du côté des citoyens.

Non seulement c'est le bouquet, une telle affirmation, mais ça permet de déceler et de mettre le doigt sur la faiblesse et la faille majeure de la position adoptée par l'Opposition. D'une part parce que c'est inexact; il ne s'agit absolument pas - et ceux et celles qui se donnent la peine de lire le projet de loi le savent fort bien - par des amendements à la loi sur le recours collectif, de s'en remettre aux citoyens pour l'application de la loi; le projet de loi contient déjà suffisamment d'éléments nouveaux qui ont du mordant pour démontrer la détermination du gouvernement du Québec à appliquer ses lois. Il faut plutôt y voir un élément additionnel qui aura comme effet de dissuader des comportements irresponsables, et si cela devait se produire, de punir les coupables par d'autres moyens - et j'insiste -qui s'ajoutent aux pénalités déjà augmentées, individuelles, collectives qui s'ajoutent dans le projet de loi et qui seront incluses dans le code. Ces amendements à propos du recours collectif visent à rendre simplement applicables, plus expéditifs, plus efficaces les recours en vertu de cette loi, et à exposer réellement les contrevenants à l'obligation de dédommager - comme c'est prévu dans notre droit - les personnes lésées par l'interruption illégale de services.

Il nous est apparu important dans cette réforme, qui touche d'aussi près les citoyens de les associer, je me permets de le rappeler - ce qui est aussi nouveau - à l'application du nouveau régime. Ceci est fait de trois façons: d'une part, par leur représentation sur le conseil des services essentiels, deuxièmement, en leur fournissant toute l'information qui leur est nécessaire, et, enfin, par des modifications à la loi sur le recours collectif. Et lorsque je dis que c'est le bouquet, regardons concrètement les deux moyens proposés pour atteindre l'objectif: le moyen proposé par l'Opposition et le moyen proposé par le gouvernement; mais regardons cela dans le concret, pas à travers du placotage, pas à travers du verbiage. (1 h 10)

Prenons un exemple bien concret pour qu'on se comprenne. Prenons le cas, justement, d'un de ces établissements où se retrouvent certains de nos collègues et des citoyens lourdement hypothéqués qui ont peu ou pas d'autonomie personnelle et qui sont justement parmi les plus démunis. Selon la proposition contenue dans le projet de loi du gouvernement, il y aurait une entente ou une liste établie sur une base locale, à la lumière de ce qui va servir d'encadrement qui serait le protocole-cadre. Prenons la pire des hypothèses; imaginons un instant que dans cet établissement très concret, très précis, cette liste serait insuffisante, considérée comme telle, avant - je le répète - que le droit de grève ne soit acquis. Le conseil interviendrait, le soulignerait aux parties, interviendrait par médiation pour aider les parties à corriger la situation, avant que le droit de grève ne soit acquis. Il ne réussit pas. Prenons toujours la pire des hypothèses. Un rapport est fait et un rapport public au ministre du Travail, les données seront étalées au grand jour. Les citoyens auront accès à cette information. Le gouvernement prendra ses responsabilités, la loi est claire, le gouvernement suspend par décret le droit de grève pour une période indéterminée. Prenons encore la pire des hypothèses. On voit bien que tout le mécanisme prévoit que le processus est mis dans un entonnoir pour faire en sorte qu'en fin de compte, ce soit là des cas purement d'exception, parce que toutes les mesures possibles et imaginables, tous les efforts humainement possibles auront été faits pour limiter au maximum ces cas possibles.

Prenons le pire. Un débrayage illégal se produit. À ce moment, toute la batterie des mesures prévues sera utilisée, ce qui implique l'injonction, le pouvoir est prévu dans la loi, les sanctions pénales, individuelles et collectives qui ont été haussées de façon substantielle, des mesures disciplinaires peuvent être prises par les responsables d'un établissement. Et on nous dit que ce serait cynique, que c'est une panacée que de faciliter une procédure qui est le recours collectif, qui permet simplement à des hommes et à des femmes, à des citoyens, de pouvoir exercer légitimement un droit qui leur est reconnu par le Code civil au Québec et qui demeurait un droit de papier. L'Opposition nous dit qu'elle est contre cela, que c'est un détail, que ça remplace tout le reste, fait semblant que tout le reste n'existe pas, qu'il n'y a que cela, que c'est cynique de reconnaître ce droit aux citoyens, je ne crois pas. C'est un droit reconnu par le Code civil, et il est normal que le gouvernement prenne les moyens pour faire en sorte que ce recours, le droit des hommes et des femmes d'obtenir un dédommagement quand c'est légitimement fondé en droit, ils puissent l'obtenir de façon rapide, efficace et que le recours collectif devienne encore plus accessible.

On vient de prendre, à partir d'un exemple concret, le déroulement du mécanisme prévu par le projet de loi no 72. Regardons maintenant l'application du moyen qui nous est proposé par l'Opposition: abolition sélective dans le même établissement où se trouve la même clientèle, où se trouvent ces gens qui ont peu

ou pas d'autonomie parmi les plus démunis. Abolition sélective, ne jouons pas sur les mots, elle est sélective tant qu'on voudra, mais c'est l'abolition. Comme j'ai dit, l'abolition d'un droit, comme le rappelait aussi mon collègue avec justesse, n'équivaut pas automatiquement à l'abolition d'une réalité. Prenons toujours - l'Opposition aime les scénarios du pire - le scénario du pire. Le droit de grève est aboli. Il n'y a pas de droit de grève. Arrive le pire, s'il n'y a pas de droit de grève quand arrive le pire, un débrayage illégal, exercice illégal du droit de grève. Ce qui s'est produit d'ailleurs dans d'autres provinces, pas besoin d'aller chercher bien loin. Quand ça a débrayé en Ontario où le droit de grève était illégal, on a vu ce que ça a donné. Quand ça a débrayé, il n'y a pas si longtemps, dans une province maritime, on a vu ce que ça a donné comme résultat. Le droit de grève était illégal, quand cela s'est produit dans l'Ouest il n'y a pas si longtemps, on a vu ce que ça a donné. Et si on veut remonter un peu plus loin, que je sache, les pompiers à Montréal en 1961, si ma mémoire est bonne, quand s'est produit le fameux week-end rouge, tout le monde se souviendra que les pompiers n'avaient pas le droit de grève, que je sache. Ne jouons pas sur les mots, ne trompons pas les citoyens derrière une idée qui semble à première vue généreuse: s'il n'y a pas de droit de grève lorsqu'il y a un débrayage illégal, par définition ne me parlez pas de services essentiels, il n'y en a pas. Là, c'est dans tous les cas. Il n'y a pas de processus de prévu, il n'y a pas d'encadrement de prévu, il n'y a pas de balises, il n'y a aucun mécanisme qui a mis tout cela dans l'entonnoir pour limiter au maximum les cas possibles d'abus. C'est l'abolition sélective, il n'y a plus de droit de grève. Donc, par définition, il n'y a pas de services essentiels. Imaginons même- mais l'Opposition ne nous l'a même pas proposé- qu'ils auraient prévu dans leur proposition toute la batterie des sanctions pénales individuelles, collectives qui sont prévues dans le projet de loi no 72, mais ils ne nous les ont pas proposées. Ils vont même se prononcer contre le projet de loi, donc forcément contre ce qu'il contient. On verra les détails en commission parlementaire. Ce n'était pas contenu dans leur proposition, que je sache. Imaginons qu'ils l'auraient même prévu et que toute la gamme, toute la batterie des sanctions se met en marche. On nous dit que ce serait cynique, que c'est une panacée. Bien sûr, ils ne l'ont pas prévu, ils ne l'ont pas proposé, ils n'avaient même pas pensé avant nous à l'introduction du principe du recours collectif au Québec. C'est nous qui l'avons fait, c'est nous qui proposons de l'améliorer. Ils ne nous proposent pas cela; ils nous disent que c'est une panacée et que c'est cynique. Ils se prononcent contre. Alors, quoi? Ce serait cynique, ce serait une panacée et même dans l'hypothèse du pire dans leur proposition - on voit à quel point et où elle pourrait mener sur le plan strictement des faits de la réalité, non pas du placotage - ce ne serait pas un droit normal pour les citoyens de pouvoir, encore une fois, exercer leurs recours légitimes et d'obtenir ce à quoi ils ont droit de dédommagement. Je crois que c'est autre chose que d'être cyniques, que c'est autre chose qu'une panacée. Non, vraiment, cela mène à un cul-de-sac.

Je pense que nous avons pris le temps qu'il fallait pour aboutir non pas sur quelque chose qui aurait la prétention d'être la solution absolue; jamais, je n'affirmerais une chose comme celle-là. On ne prétend certainement pas être le département des miracles, on laisse cela à d'autres.

Je voudrais, en passant, remercier mes collègues de ce côté-ci de la Chambre qui ont travaillé avec moi pendant des mois et des mois pour essayer de mettre au point la meilleure formule possible, capitalisant sur l'acquis pour faire en sorte de traduire dans le concret le principe de la primauté du droit des hommes et des femmes du Québec d'avoir leurs services essentiels.

Nous avons préféré aller au-delà de ce qui peut paraître alléchant, tape-à-l'oeil, spectaculaire à première vue pour aller plutôt au fond du problème, en se basant sur les faits, sur la réalité, sur les préoccupations légitimes et fondées des citoyens du Québec.

Je réitère en terminant, M. le Président, mon appel à la bonne foi de base et au sens des responsabilités des parties. Je sais qu'elle existe, les faits sont là pour nous le prouver. Elle existe et nous entendons en faciliter le développement. Nous sommes aussi déterminés comme gouvernement à faire en sorte que tout ce qui est humainement possible soit fait pour que se traduise dans les faits cette primauté du droit des citoyens d'obtenir leurs services essentiels. Nous voulons le faire avec les parties patronales, avec les parties syndicales. Nous voulons aussi y associer les citoyens et les citoyennes du Québec. Mais par ce projet de loi, nous nous donnons aussi le cas échéant, si nécessaire, les outils requis pour faire en sorte que l'intérêt public prévale, en souhaitant que ce ne sera pas nécessaire de recourir à ces moyens ou, en tout cas, purement de façon exceptionnelle. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la deuxième lecture de ce projet de loi no 72 est adopté?

M. Brassard: M. le Président, nous voudrions un vote enregistré que nous vous demandons, par la même occasion, de reporter à la séance de ce matin.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, à la prochaine séance, qui sera celle de ce matin, le 9.

M. Brassard: Je propose l'ajournement de nos travaux à 10 heures ce matin.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont ajournés à ce matin 10 heures.

(Fin de la séance à 1 h 21)

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