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(Dix heures deux minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.
Visite du consul général de
Grande-Bretagne à Montréal
J'aimerais souligner la présence dans nos galeries aujourd'hui du
nouveau consul général de Grande-Bretagne à
Montréal, M. Lintorn Simmons.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais souligner la
présence dans les rangs de l'Opposition aujourd'hui du
député de Jean-Talon, M. Jean-Claude Rivest.
Le Président: Affaires courantes. Déclarations
ministérielles. Dépôt de documents. Dépôt de
rapports de commissions élues.
Mme la députée de Dorion.
Étude du projet de loi no 69
Mme Lachapelle: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer le rapport de la commission élue permanente de la
présidence du conseil et de la constitution qui a siégé le
lundi 7 juin 1982 aux fins d'étudier article par article le projet de
loi no 69 concernant le recensement des électeurs pour l'année
1982 et l'a adopté sans amendement.
Le Président: Rapport déposé. Mme la
députée de Johnson.
Étude des projets de loi nos 233, 213, 243,
257, 219, 210,
194, 191, 225 et 190
Mme Juneau: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer le rapport de la commission élue permanente de la justice
qui a siégé le 7 juin 1982 aux fins d'étudier article par
article les projets de loi privés suivants: 233, Loi concernant certains
terrains donnés à Horace Bérubé; 213, Loi
concernant la Fabrique de la paroisse du Sacré-Coeur-de-Jésus;
243, Loi concernant la succession de Edward Scallon; 257, Loi concernant
certains lots du cadastre de la paroisse de Saint-Augustin, division
d'enregistrement de Portneuf; 219, Loi concernant la succession de Maurice
Jolicoeur; 210, Loi concernant la succession de Louis Fortier; 194, Loi
concernant des terrains de la Fabrique de la paroisse de Saint-Adrien
d'Irlande, et les a adoptés avec des amendements. Le projet de loi no
191, Loi modifiant la Loi concernant la ville d'Acton Vale, a été
adopté sans amendement. Le projet de loi no 225, Loi concernant Max
Dubois, a été rejeté et le projet de loi no 190, Loi sur
la commune de la seigneurie d'Yamaska, a été reporté
à une séance ultérieure. Merci.
Une voix: Sauf pour les projets de loi publics.
Le Président: Sauf pour les projets de loi publics, est-ce
que le rapport sera adopté? Adopté.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom des gouvernements.
Des voix: Ah! Ah!
Le Président: Plutôt "du gouvernement".
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
Période des questions orales des députés. M. le
député de Maskinongé.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
M. Picotte: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au premier ministre. Doit-il être présent sous peu?
M. Bertrand: II ne devrait pas tarder.
M. Picotte: Après la deuxième question? Je vais
attendre le premier ministre, M. le Président.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président: M. le député de Gatineau.
M. Gratton: ... ma question s'adresse également au premier
ministre. Je la retiendrai donc jusqu'à son arrivée.
M. Rivest: On peut suspendre la séance, M. le
Président, jusqu'à ce qu'il arrive.
Le Président: M. le député de Richmond.
M. Vallières: M. le Président...
Le Président: M. le député de Louis-
Hébert.
M. Doyon: M. le Président, j'aurais une
question...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous noterez
avec moi qu'on peut commencer à temps, mais je pense bien qu'il est
important que tous les membres du cabinet qui sont susceptibles d'avoir des
questions soient, autant que possible, présents.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, il y a treize ministres
présents en Chambre et le premier ministre arrivant à
l'instant...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Maskinongé.
Les indemnités de départ
M. Picotte: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
donc au premier ministre. Hier, au dépôt de documents, le premier
ministre a déposé un règlement qui va faire en sorte
qu'à l'avenir on va légaliser le patronage éhonté
péquiste. On va légaliser aussi la mauvaise administration de ce
gouvernement. On a même vu, M. le Président, dans le document qui
a été déposé avec les neuf noms, qu'un individu
comme M. Robert Nelson, seulement trois mois après son renouvellement de
contrat, avait bénéficié d'un montant de 63 700 $ de
même qu'il y avait un autre cas où un individu, seulement un mois
avant de terminer son contrat, avait reçu lui aussi un montant de 63 000
$.
M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre de la
façon suivante: Le premier ministre s'était engagé
à me fournir la liste de tous ceux qui avaient reçu des primes de
séparation et des indemnités de départ surtout dans le
réseau des affaires sociales parce que c'était là l'objet
de mes questions. Le premier ministre ne m'a remis aucun de ces documents. Il a
préféré me donner neuf noms, pensant qu'on ne reviendrait
plus à la charge. Je n'étais pas ici hier, mais j'ai pu prendre
connaissance du journal des Débats. On a parlé de six autres cas
du côté de la fonction publique, des personnes à qui on
avait acheté la permanence. Est-ce que le premier ministre pourrait me
déposer ces six cas le plus rapidement possible, en plus des neuf cas?
Pourquoi n'apparaît pas sur la liste le cas de M. Raymond Gosselin,
président de l'Office de la langue française, à qui on a
donné une indemnité de départ, une indemnité de
retraite au montant de 116 000 $, prématurément, pour quitter son
poste? Par la suite, on l'a nommé délégué
général du Québec à New York. Est-ce que le premier
ministre pourrait me dire combien de cas, dans toute la fonction publique du
Québec, il a cachés à cette Chambre et pour combien de
centaines de milliers de dollars, indépendamment de ceux qu'il m'a
fournis hier?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, tout ce qui
était disponible hier a été fourni. Pour ce qui est de M.
Nelson, peu de temps après le renouvellement de son contrat, il est
tombé malade. La raison est relativement simple. Troisièmement,
en ce qui concerne les allocations de départ du réseau des
affaires sociales où jamais, d'aucune façon, il n'y a eu de
critère sous aucun gouvernement, on a révisé les
critères, il y en a maintenant. Pour ce qui est de la liste
éventuelle, est-ce que le ministre des Affaires sociales pourrait dire
un mot?
Le Président: M. le ministre des Affaires sociales. (10 h
10)
M. Johnson (Anjou): M. le Président, en effet, comme vient
de le dire le premier ministre, on se rappellera que dans le réseau des
affaires sociales, pendant 20 ans, il n'y a eu aucune règle
spécifique. Il n'y a eu qu'une espèce d'encadrement
général que fournissait le ministère, mais qui
n'était pas nécessairement respecté par les
établissements qui, encore une fois, légalement, étaient
investis du pouvoir de faire ce qu'ils voulaient à cet égard.
Nous avons mis fin à cette liberté, en proposant dans la loi 27,
qui a été adoptée à l'unanimité au mois de
décembre, le pouvoir donné au Conseil des ministres de fixer des
règles très précises au niveau des cadres quant à
leurs conditions de travail, y compris leurs conditions de départ. C'est
ce qui a amené le premier ministre à les rendre publiques hier.
Je l'avais évoqué en commission parlementaire, le Conseil des
ministres a approuvé la semaine dernière, sur ma recommandation,
une règle qui dit que d'ores et déjà, dans l'ensemble des
établissements du réseau des affaires sociales, en lieu de la
sécurité d'emploi, les primes de départ qui sont
consenties et qui amènent un consentement mutuel des parties ne devront
pas excéder un mois par année de service, jusqu'à un
maximum de six mois et, dans le cas des personnes qui ont plus de dix ans de
service, jusqu'à un maximum de dix mois.
Je rappellerai, pour donner des ordres de grandeur, que, cette
année, nous avons
des réserves de moins de 1 000 000 $ dans les crédits,
pour de tels départs. Je rappellerai qu'un cadre supérieur a
environ 60 000 $ par année, qu'on serait obligé de garder et de
garder en sécurité d'emploi jusqu'à l'âge de sa
retraite, peut coûter jusqu'à 1 000 000 $, alors qu'avec cette
somme de 1 000 000 $, on peut mettre fin effectivement à l'emploi de
dizaines de personnes. En ce sens, je pense que c'est une économie
appréciable et importante pour les contribuables que cette
procédure de prime de séparation.
J'en profiterai ici pour revenir sur la question concernant le Centre
hospitalier régional de la Mauricie, au sujet duquel le
député a adressé une question, la semaine dernière,
au premier ministre. Effectivement, une personne... Est-ce qu'on me permettra
ici de taire les noms? Je peux bien les donner, je les ai devant moi, mais il
s'agit d'une enquête qui n'a pas été faite en vertu de la
Loi sur les commissions d'enquête ou qui n'a pas fait l'objet de
procédure complète devant les tribunaux. Si on désire que
je donne les noms, je les donnerai - je voudrais que ce soit à la
demande explicite du député - ou je référerai
simplement à des personnes. Est-ce que le député veut que
je donne les noms des personnes dont il est question?
M. Picotte: On en reparlera.
Le Président: M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Ah bon! Puisque le député ne
l'exige pas, je dirai qu'il y avait trois personnes impliquées dans ces
problèmes au Centre hospitalier de la Mauricie dont une qui était
à l'origine d'ailleurs de l'enquête, et l'enquête a permis
de découvrir que cette personne aurait subtilisé des fonds
d'environ 40 000 $.
Effectivement, c'est mon collègue, je crois, lors de
l'élection de 1976, qui avait demandé qu'une telle enquête
soit tenue au Centre hospitalier régional de la Mauricie.
Lors des premiers constats dans cette enquête, la personne
dépêchée par mon prédécesseur, le Dr Barkun,
avait choisi de ne pas aller au-delà de la constatation qui était
faite que quelqu'un avait pris de l'argent, puisque cela devenait sub judice,
que des poursuites avaient été prises par le Procureur
général pour fraude. Il semble que ces poursuites se soient
terminées de la façon suivante: L'individu a effectivement remis
l'ensemble des montants impliqués et la conclusion du substitut du
procureur de la couronne, je présume, l'a amené à faire un
retrait de la poursuite par la suite, étant donné qu'aucun
préjudice n'avait été causé à
l'établissement.
C'est cependant avec une certaine surprise que j'ai appris que cette
même personne s'est retrouvée dans un centre d'accueil de la
région et, encore une fois, embauchée par un conseil
d'administration local. Je vous dis, en même temps, que le nouveau
règlement de la loi no 27 donnera maintenant aux représentants du
ministre des Affaires sociales le droit d'exiger que le consentement du
ministre des Affaires sociales soit accordé dans l'embauche d'un cadre
aux niveaux supérieurs. Cette personne s'est retrouvée, en
juillet 1978, sans concours, comme directeur adjoint d'un établissement
où, par la suite, elle a occupé et elle continuerait d'occuper
maintenant le poste de directeur général par intérim.
Quant aux deux autres personnes, il s'agissait des personnes de la haute
direction de l'établissement. L'une a demandé une paie de
séparation, à ce moment-là, de quelque 140 000 $.
L'établissement aurait refusé et lui aurait accordé
environ l'équivalent d'une année. Les raisons du départ
étaient pour "mauvaise gestion", à la suite du rapport du Dr
Barkun. Cependant, le ministère a fait savoir, à ce
moment-là, au Centre hospitalier de la Mauricie qu'il considérait
que ce montant était nettement trop élevé. Le centre
hospitalier a quand même choisi de verser une somme de 60 000 $ à
cette personne qui, par ailleurs, pour deux ans, alla pratiquer son
métier de gestionnaire en Ontario pour revenir, en 1979-1980, dans un
autre établissement des secteurs public et parapublic au Québec.
Elle occupe, en ce moment, le poste de directeur général d'un
établissement de santé de la région
montréalaise.
Quant à une autre personne de la haute direction du Centre
hospitalier de la Mauricie, à la suite d'une maladie et des
problèmes de gestion importants constatés à cet
établissement en 1977-1978, la personne en question obtint une prime de
séparation de 17 000 $, ce qui rentrait dans les "normes", entre
guillemets du ministère, même si ces normes ne pouvaient
connaître d'application obligatoire. Maintenant, elles pourront
connaître une application obligatoire dans la mesure où il y a un
consentement des deux parties. Les limites de ce consentement devront se faire
à l'intérieur d'un mois par année de service
jusqu'à un maximum de six mois ou de dix mois dans le cas des gens qui
ont plus de dix ans de service.
Quant à la liste, je dirai que nous sommes à la
confectionner. Je rappellerai, cependant, à l'Opposition qu'il
n'existait pas au ministère des Affaires sociales, avant la venue du
gouvernement actuel en 1976, de direction générale des cadres, de
telle sorte que le fouillis administratif dans lequel était toute cette
question de la gestion des effectifs-cadres dans le réseau des affaires
sociales était tel qu'il est encore, à ce jour, impossible
d'avoir un bilan complet du genre
de mauvaise gestion du personnel qu'il y a eu jusqu'à 1976.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Johnson (Anjou): Les données que nous avons
jusqu'à 1976, alors que les gens d'en face...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'avais donc
demandé, il y a quelques semaines, aux fonctionnaires, à la suite
d'une question de l'Opposition, de me faire le bilan des paies de
séparation et des conditions de départ d'une série de
cadres du réseau des affaires sociales depuis 1970. On me répond:
On pourra recenser depuis 1976, c'est une opération qui implique des
communications avec une série d'établissements et conseils
régionaux, ça prend du temps et c'est beaucoup de papier, mais on
le fera quand même.
Avant 1976, vous vous étiez bien gardés de savoir
exactement ce qui se passait et on ne peut pas le savoir.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Maskinongé.
M. Picotte: Si vous le permettez, M. le Président, on
reviendra demain là-dessus ou dans 48 heures, à propos des
renseignements additionnels que vient de me donner le ministre des Affaires
sociales. Il y a d'autres informations erronées qu'il vient de me donner
et je vous démontrerai ça d'ici 48 heures. Ne perdons pas de vue
les centaines de milliers de dollars que le premier ministre a camouflés
volontairement et qui ont été donnés en primes de
séparation. Qu'arrive-t-il - et j'aimerais entendre le premier ministre
m'en parler - du cas de M. Raymond Gosselin à qui on a donné 116
000 $ pour le nommer délégué général du
Québec à New York? On l'a nommé volontairement le
lendemain. Et les six cas de la fonction publique pour acheter des permanences.
Est-ce que le premier ministre pourrait être plus volubile
là-dessus et me parler des centaines de milliers de dollars, sinon des
millions de dollars, qui ont été dépensés de
façon éhontée par sa mauvaise administration?
Une voix: Très bien!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): D'abord, je ferai remarquer que les
mouvements divers, comme on dit parfois, qu'on a entendus de l'autre
côté quand, il y a un instant, le ministre des Affaires sociales
évoquait ce qu'on a trouvé en 1976...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): Cela me paraît encore
justifié parce qu'il y a plein d'éminents survivants de cette
belle époque qui sont là devant nous et qui ont quand même
participé à ça.
La clef de tout ce qui est impliqué, depuis cinq ans et plus
maintenant, dans ce secteur des allocations de départ, pour autant que
le gouvernement en ait eu le contrôle, ce qui n'était pas le cas
ni dans le réseau des affaires sociales jusqu'à récemment,
ni dans celui de l'éducation, jusqu'à un certain point, en
particulier, du côté des universités. Mais la clef de ce
qui a été fait, c'était exactement dans le sens de ce que
disait le ministre des Affaires sociales tout à l'heure. (10 h 20)
De toute façon, il y a une sacrée économie pour les
contribuables, vu la sécurité d'emploi; il y a un recours
possible aux tribunaux dans les cas où il n'y en a pas, mais il s'agit
de contractuels. Il y a une sacrée économie pour les
contribuables quand on peut éviter des centaines de milliers de dollars
de dépenses, parfois, cela peut aller jusqu'à des millions, en
achetant, en négociant des départs qui paraissent
indiqués.
Cela étant dit, je prends avis des questions du
député tout en lui soulignant une chose. Je ne suis pas pour en
faire une question de privilège, mais ce qu'on dépose ici, en
Chambre, pour autant que ce soit prêt, que cela ait pu être
vérifié, cela, au moins, vous pouvez vous y fier. On ne camoufle
pas de millions, on ne camoufle pas toutes sortes de tripotages comme cela se
faisait dans le passé.
Des voix: Oh! Oh! Oh!
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de Maskinongé.
M. Picotte: Dernière question additionnelle, M. le
Président. J'aimerais demander au premier ministre ce qui suit:
Pourrait-il vérifier attentivement, d'ici 24 heures - cela ne sera pas
tellement long, il n'y a pas tellement de pages - l'arrêté en
conseil 1315-80 avec le contrat annexé et me dire si M. Gosselin avait
droit à 116 000 $ selon le contrat qu'il avait signé initialement
avec le gouvernement du Québec? Il va s'apercevoir qu'il n'avait pas
droit à ces 116 000 $.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je vais vérifier, en tenant
compte du fait que le député de Maskinongé, comme d'autres
- mais lui spécialement - dit n'importe quoi sous la couverture de la
Chambre.
Des voix: Oh! Oh!
Le Président: M. le député de
Maskinongé, question de privilège.
M. Picotte: Question de privilège. Je ne dis pas n'importe
quoi, tout ce que j'ai dit au premier ministre a été
prouvé...
Le Président: Question principale, M. le
député de Gatineau.
M. Picotte: Même "mon oncle" n'a pas convoqué la
commission!
Les présidents d'élection
M. Gratton: Justement, en parlant de tripotages, M. le
Président, on sait que, depuis son arrivée au pouvoir, le
gouvernement actuel a remplacé à peu près tous les
présidents d'élection qui étaient en poste avant 1976 par
de nouvelles personnes qui ont pour qualité commune d'être des
sympathisants péquistes reconnus. Chaque fois que nous avons
interrogé le premier ministre à ce sujet, il a toujours
prétendu que les seuls critères applicables dans le choix de ces
personnes étaient la disponibilité et la compétence. On
sait également que ces critères ne l'avaient pas cependant
empêché de nommer un résident de l'Ontario comme
président d'élection du comté de Hull en 1978. Quoi qu'il
en soit, on sait que la procédure est maintenant pour le Directeur
général des élections, de tenir des concours publics,
après concours oraux et écrits, de retenir trois candidatures
dont les noms sont soumis au cabinet du premier ministre qui procède au
choix d'une de ces trois personnes. Je suppose que le critère de
disponibilité ne fait plus de problème. Ce que je voudrais
demander au premier ministre, ce matin, c'est de nous donner l'assurance que
parmi les trois noms qui lui sont soumis par le Directeur général
des élections, il choisit généralement, sinon toujours, le
plus compétent des trois et de nous dire par quels mécanismes il
s'en assure.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, l'occasion
étant propice, on a beaucoup parlé des présidents
d'élection au moment où j'ai défendu les crédits du
Conseil exécutif. Cela passionnait le chef de l'Opposition ou
plutôt le député de Jean-Talon. La même chose est
revenue quand il s'est agi des crédits du ministre d'État
à la Réforme électorale et maintenant voici la
troisième étape. Non, ce n'est pas un sujet qui me
déplaît dans l'ensemble. Je dirai ça pour le
député de Marguerite-Bourgeoys, qui a vécu le
système qui était là quand on est arrivé.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Dans le régime auquel vous
présidiez, M. le député de Marguerite-Bourgeoys et les
autres qui ont fait partie de cet éminent système qu'il a fallu
nettoyer quelque peu, le seul critère, c'était le patronage
à l'état pur et le seul mode...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): ... de décision,
c'était l'arbitraire total pour les nominations ou pour les destitutions
à part ça. Aujourd'hui...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! On
parle des deux côtés. M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Aujourd'hui, M. le
Président, ce qui est quand même une étape assez
importante, il y a un concours. Ce concours est public. Tous les candidats ou
toutes les candidates peuvent s'y présenter. Le résultat qu'on
reçoit, par ordre alphabétique, trois personnes qui sont
censées, toutes les trois, être recommandables au point de vue de
la compétence, au point de vue de la disponibilité, et tout
ça, jugé non pas par nous, mais par le Directeur
général des élections. Quant à nous, il nous reste
à les nommer. Il arrive qu'il y ait un certain nombre de gens du Parti
québécois, c'est terriblement extraordinaire...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je pense
que je peux citer... C'était ici entre nous, vous pouvez vérifier
et il y a bien d'autres exemples. L'autre jour, on a réussi à
défiler, sauf erreur, dans deux séances de crédits, 22 cas
où - ô crime! ô honte! - il s'agissait de gens qui avaient
déjà fait de l'action politique pour le Parti
québécois, sur 122. On me dit, à côté ici,
que, si vous vérifiez le comté de Vanier, c'est une bonne
libérale assidue qui a été maintenue comme
présidente d'élection.
Une voix: Un bon libéral.
M. Lévesque (Taillon): Je m'excuse, un bon libéral
assidu qui a été maintenu comme président
d'élection. Tout cela pour dire quoi? Pour dire que,
premièrement, des gens qui ont fait de l'action politique peuvent avoir
des éléments de compétence. Ils peuvent être
libéraux, ils peuvent avoir été de l'Union Nationale, ils
peuvent être du Parti québécois, mais c'est quand
même un des éléments d'une nomination. On essaie de le
suivre à partir des décisions du Directeur général
des élections qui nous arrivent, encore une fois, normalement, par ordre
alphabétique. Il n'y a pas de un, deux, trois officiellement
indiqué. Deuxièmement, désormais, vous le savez, on n'a
plus un mot à dire sur les destitutions. Une fois qu'ils sont
nommés, c'est le Directeur général des élections et
lui seul qui décide si les critères sont respectés et si
ces gens font leur travail convenablement. Je dois dire que, par rapport
à la poutine dont on a hérité, je suis assez fier de cette
étape, M. le Président.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Gatineau, sans préambule, s'il vous
plaît!
M. Gratton: M. le Président, sûrement que le premier
ministre ne fait pas allusion à la poutine entre les années
soixante et soixante-six où il était lui-même membre de ce
gouvernement.
Une voix: II était là, il ne s'en plaignait
pas!
Une voix: II en profitait.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Gratton: Sûrement que son départ a
automatiquement dégradé la situation. M. le Président, ce
que je voudrais savoir du premier ministre, parce qu'il n'a pas répondu
à ma question à ma satisfaction... Lors de l'étude des
crédits, le ministre de la Justice, responsable de la réforme
électorale, a déposé par erreur une fiche qui touche la
circonscription...
M. Pagé: Ce n'est pas la première erreur.
Une voix: II a mordu!
Le Président: M. le ministre de la Justice, sur une
question de privilège.
M. Bédard: Une très courte question de
privilège. Le député de Gatineau est en train, lui, de
commettre une erreur, parce que l'erreur qu'il m'attribue concernant le
dépôt d'une certaine fiche n'est pas de moi. Le Directeur
général des élections a lui-même dit...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: ... en commission parlementaire que
c'était une erreur de sa part. Si le député de Gatineau
avait été là pour la défense des crédits, il
ne commencerait pas sa question de cette façon. (10 h 30)
Le Président: M. le député de Gatineau,
question additionnelle, sans préambule, s'il vous plaît!
M. Gratton: En effet, M. le Président, je m'imaginais que
le ministre était responsable de la réforme électorale
à l'Assemblée nationale. Si ce n'est pas le cas, je m'en
excuse.
M. le Président, j'ai la fiche pour la circonscription
d'Arthabaska. La question est très simple. Il ne s'agit pas de faire le
procès des 20 dernières années. On y indique des notes
qui, je le suppose, résultent d'examens écrits, aussi bien que
d'examens oraux. Effectivement, les noms sont en ordre alphabétique,
mais on voit que, dans un cas, la note est de 197 sur 300, dans l'autre, 240 et
dans l'autre, 210. Il y a sûrement un écart au point de vue de la
compétence entre le bonhomme qui a 240, et celui qui a 197. Le premier
ministre a-t-il une façon quelconque de s'assurer qu'il choisit celui
des trois qui est le plus compétent?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Non. C'est par erreur... Je pense,
encore une fois, que cela ne sert à rien de le répéter,
mais le député aurait dû tenir compte du fait que le
Directeur général des élections lui-même a dit que
ce genre de fiche n'est pas communiqué normalement, on le comprend,
pourvu que, pour lui... Moi, je ne l'ai pas...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): Si, dans le jugement du Directeur
général des élections, il y a trois personnes qui sont
compétentes -c'est terriblement important, parce que cela revient
périodiquement, en particulier une fois par année, quand il y a
le recensement - qui sont disponibles pour faire le travail et qui ne le font
pas faire par n'importe qui à leur place, comme une couverture, à
partir de ce moment, on nomme une des trois. À partir de ce moment
aussi, ce qui arrive par la suite est totalement remis à la
responsabilité du Directeur général des élections.
Dans ce cas, il y a eu une erreur. Lui-même l'a admis, mais ce n'est pas
le genre de renseignements ni qu'on reçoit, ni qu'on demande non plus.
C'est sa responsabilité de juger les gens.
M. Gratton: M. le Président, très
brièvement.
Le Président: M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Je me pose toujours la question, je la pose à
nouveau. Si le premier ministre a envie de se fâcher, je lui dis tout de
suite: Ne répondez pas. Comment s'assure-t-on, dans le choix... On a une
responsabilité au gouvernement. On veut choisir la personne la plus
compétente et on a effectivement des moyens de mesurer la
compétence de chacun des trois candidats qui apparaissent sur une liste.
Quels critères emploie-t-on si on ne connaît pas
théoriquement les personnes dont les noms sont soumis, soit par leur
allégeance politique ou soit autrement? On sait qu'ils sont disponibles,
ils ont passé un concours. De quelle façon, si on ne
connaît pas les notes qui résultent des examens, s'assure-t-on
qu'on choisit le plus compétent?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est
très simple, on consulte.
Des voix: Ah!
Le Président: Question principale, M. le
député de Portneuf.
Les licenciements collectifs
M. Pagé: Merci, M. le Président. J'apprécie
beaucoup l'aveu flagrant du premier ministre sur la question
précédente en ce qui concerne les consultations
téléphoniques. Ma question va porter aussi sur un sujet qui est
bien important et qui amène beaucoup d'appréhension dans
plusieurs milieux au Québec actuellement. Le premier ministre a souvent
déclaré la difficulté dans laquelle le secteur de
l'industrie et le secteur privé se retrouvaient au Québec
actuellement. D'ailleurs, cela a été un des arguments
invoqués pour justifier la loi 70 qui vient couper les salaires de
façon rétroactive dans les secteurs public et parapublic.
M. le Président, j'ai été informé que le
gouvernement, et plus particulièrement le Conseil des ministres ou un
comité du Conseil des ministres, est présentement à
étudier un projet de loi qui vient modifier la Loi sur les normes du
travail et qui porte sur les licenciements collectifs où, entre autres,
serait introduit un préavis de licenciement collectif avec des avis de
10 à 26 semaines de la part de l'employeur, où une entreprise qui
prévoit licencier collectivement un certain nombre d'employés
pourrait faire l'objet d'une enquête de la part d'un enquêteur
investi des pouvoirs d'un enquêteur nommé en vertu de la Loi sur
les commissions d'enquête du Québec, avec comme mandat
d'étudier la situation économique pour voir si le licenciement
est justifié, faire rapport au ministre et faire rapport au syndicat qui
est à l'intérieur de la boîte, avec aussi comme disposition
l'introduction d'un congé de recherche d'emploi selon lequel
l'employeur, pendant la période couverte par le préavis de
licenciement, devrait payer une demi-journée par deux semaines à
l'employé pour aller se chercher un travail en dehors de l'entreprise,
et enfin une indemnité pure et simple de licenciement si l'entreprise
ferme. Je voudrais demander au premier ministre... On connaît la
situation combien difficile dans laquelle se retrouve l'entreprise
privée au Québec actuellement avec les fermetures d'usines, les
fermetures d'entreprises, les faillites et un gouvernement qui se
préoccupe beaucoup plus de son image et de la question
constitutionnelle...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Pagé: ... que d'économie dans le moment.
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Pagé: Est-ce que le premier ministre pourrait s'engager
à déposer dans les plus brefs délais l'étude des
effets, l'étude coûts-bénéfices d'un tel projet, si
le projet de loi est déposé et adopté à
l'Assemblée nationale du Québec? On sait que vous pouvez le faire
adopter, si c'est là votre volonté, vous avez la
majorité.
Deuxième chose, le premier ministre pourrait-il nous indiquer si
le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ou le ministre
d'État au Développement économique ou quiconque à
l'intérieur du Conseil des ministres ou du gouvernement a
préparé une étude d'impact sur les entreprises pour savoir
l'impact que cela aurait eu pour ces entreprises si elles étaient
assujetties à une telle loi?
On sait qu'actuellement, M. le Président, des entreprises doivent
fermer leurs portes, et je termine là-dessus.
Le Président: Question, s'il vous plaît!
M. Pagé: Je termine là-dessus. Le premier ministre
se rappellera que des entreprises doivent donner des avis de licenciement de
quelques mois et fermer sur une base temporaire actuellement. Le premier
ministre ne croit-il pas que l'application d'une telle loi pourrait impliquer,
dans ces cas, la fermeture et la faillite pure et simple de ces entreprises, si
elles sont assujetties à cette loi?
Une voix: Très bien.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): J'adore ces questions
hypothétiques, M. le Président, avec lesquelles on essaie de voir
s'il n'y a pas moyen de faire mijoter un peu de panique additionnelle dans un
paysage qui déjà est assez tourmenté en ce moment au point
de vue économique.
Je voudrais seulement noter la réaction amusante que j'ai eue
tout à l'heure, parce qu'elle trahit le climat intérieur de nos
amis d'en face...
Une voix: Oui.
M. Lévesque (Taillon): ... quand j'ai dit qu'on
consultait, en ce qui concerne le choix entre les trois candidats à la
présidence d'élection. Je sais qu'aucun de ces messieurs ou de
ces dames le croirait en fonction de ce qu'on sait de leur façon de
procéder, le "crois ou meurs" qui était la règle...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): Qu'ils le croient ou non...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre. M. le
député de Gatineau, sur une question de règlement.
M. Gratton: Est-ce que l'effort de rattrapage que fait le premier
ministre sur la question des présidents d'élection...
M. Bertrand: Question de règlement, M. le
Président.
M. Gratton: Est-ce qu'on me permettra une question
additionnelle?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, quand on
fait de fausses questions de privilège, de fausses questions de
règlement, c'est qu'on veut empêcher certains faits ou certaines
vérités pures et simples d'être énoncés
convenablement. Je répète simplement que n'étant pas dans
une période de crois ou meurs et d'intolérance partisane comme
celle...
M. Pagé: Question de privilège.
Le Président: M. le whip, sur une question de
privilège.
M. Pagé: J'ai posé une question au premier ministre
sur les licenciements collectifs et leur effet chez les entreprises.
Si le premier ministre s'est mis les pieds dans les plats tantôt,
ce n'est pas mon problème. Répondez donc à ma
question.
M. Bertrand: M. le Président, tout de même, cela
suffit!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): ... comme c'est justement ce beau
tandem qui a joué sur ces deux questions successivement, je vais
reprendre doucement ce que j'avais à dire. Si on consulte et que les
résultats sont, à l'occasion et même plus souvent que vous
ne le pensez, des anciens de l'Union Nationale, des anciens libéraux et
qu'il arrive également qu'on reconnaisse que les péquistes ont le
droit de vivre aussi, ce qui n'existait pas avant, c'est qu'on est sorti du
mieux qu'on pouvait d'une période qui était inqualifiable au
point de vue d'un minimum de tolérance démocratique des croyances
des gens...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je dois dire, pour laisser ce
sujet, à moins qu'on tienne à continuer, que, quand on voit les
réactions de nos amis d'en face et quand on voit combien ça
mijote encore à l'intérieur du Parti libéral, je
plaindrais le Québec le jour où, dans l'état où il
est en ce moment, le Parti libéral serait en charge des affaires
publiques au Québec. On reculerait. (10 h 40)
Cela dit, M. le Président, à la question du
député relative aux hypothèses de travail, toutes plus
catastrophiques les unes que les autres, je dois dire ceci: II n'y a pas eu
jusqu'ici, il n'y a pas en ce moment de mémoire, quel qu'il soit,
prélégislatif, c'est-à-dire de mémoire de
décision. En fait, il n'y a pas eu de mémoire concrètement
destiné à traiter de ce sujet des fermetures d'usines parce qu'il
n'est pas nécessairement acquis que cela demande de la
législation. Mais pour ce qui est des implications de tout ce que le
député a mis sur la table, il y a quelques instants, sous forme
d'hypothèses, de rumeurs, de qu'en-dira-t-on, je demanderai à mon
collègue, le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu, de mettre le député au courant
de ce qui peut être donné de façon pertinente.
Le Président: M. le ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
M. Marois: Je voudrais, très
rapidement, M. le Président, à la...
M. Brouillet: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Chauveau,
question de privilège.
Des voix: Ah!
M. Brouillet: Étant donné les allégations du
député de Gatineau, en tant que député, je me sens
concerné et je tiens à dire que la consultation à laquelle
le premier ministre a fait allusion tantôt...
Une voix: Ce n'est pas une question de privilège.
M. Brouillet: ... a donné comme résultat, dans
notre comté, que le président des élections qui fut
reconduit est un libéral reconnu.
Des voix: Ah!
Le Président: M. le ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
Une voix: Arrêtez donc!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: Question de privilège.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Chauveau, puis-je... S'il vous plaît! Puis-je
vous dire...
M. Lévesque (Taillon): ...
Le Président: II n'y a pas beaucoup de personnes qui
donnent l'exemple ce matin. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Chauveau, il ne s'agissait pas d'une question de
privilège.
M. le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
M. Marois: M. le Président.
M. Gratton: Question de privilège.
Le Président: M. le député de Gatineau,
question de privilège.
M. Marois: M. le Président, je... Une voix: ...
M. Gratton: Vous verrez, M. le Président, que, dans mon
cas, il s'agit bien d'une question de privilège. Le député
de Chauveau a mentionné des allusions que j'aurais faites. Je n'ai fait
aucune allusion.
J'ai posé une question. Mais je dirai, M. le Président,
que, chez nous, on a nommé un péquiste, et moi non plus, je n'ai
pas été consulté.
Des voix: Ah!
Le Président: M. le ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
M. Marois: M. le Président, je disais donc qu'en ce qui
concerne la première question du député de Portneuf, la
réponse, c'est non. Il n'y a aucun projet de loi, ni aucun
mémoire qui fait présentement l'objet d'étude ou d'examen
au Conseil des ministres. Deuxièmement, c'est un secret de polichinelle
- je l'ai moi-même dit publiquement à plusieurs reprises - que
toute une série d'hypothèses sont présentement à
l'étude au ministère concernant l'ensemble du dossier des
fermetures d'usines, des licenciements collectifs. Il va de soi que quelque
hypothèse que ce soit qui pourrait être retenue sera
accompagnée, forcément, d'une étude d'impact
économique parce que l'objectif fondamental, c'est de resituer une
politique comme celle-là dans une perspective dynamique d'emploi et non
pas de contribuer à amplifier des coins où il y a des situations
désastreuses pour les hommes et les femmes qui sont au travail. Il me
semble que cela va de soi.
Une voix: Question principale, M. le Président.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: Brièvement, M. le Président. Le
ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu me confirme, ce matin, qu'il n'y a aucun mémoire...
Le Président: Sans préambule, s'il vous
plaît!
Une voix: Voyons donc, M. le Président!
M. Pagé: Oui, M. le Président. Ma question
s'adresse au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu. Dois-je comprendre que même s'il n'y a
actuellement aucun mémoire ou document définitif
présentement au Conseil des ministres, le ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu me confirme, par ce
qu'il vient de me dire, que parmi les hypothèses qui sont actuellement
étudiées au ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu, il y a un projet de loi qui pourrait
être la loi sur la protection de l'emploi? Si tel est le cas,
pouvez-vous
donner l'assurance à la Chambre qu'avant que ce projet de loi
soit déposé à l'Assemblée nationale du
Québec, nous pourrons avoir en même temps toutes les études
d'impact sur l'entreprise québécoise? Cela va coûter
combien, vos affaires? C'est ça que je veux savoir.
Une voix: Très bien!
Le Président: M. le ministre.
M. Marois: M. le Président, je ne vais pas répondre
à des questions hypothétiques. Je viens de dire qu'il n'y a aucun
mémoire, aucun projet de loi présentement à l'étude
au Conseil des ministres. Oui, nous étudions l'ensemble de la question
au ministère du Travail. Oui, forcément, en examinant chacune des
hypothèses possibles, nous tentons d'évaluer et de cerner le
mieux possible les impacts économiques de chacune des hypothèses.
En temps et lieu, si tant est qu'il en ressort des projets que nous pourrons
soumettre au Conseil des ministres, ils seront accompagnés des
études pertinentes. À la suite des décisions qui seront
prises au Conseil des ministres, on verra si cela implique le
dépôt d'un projet de loi. À ce moment-là, on pourra
répondre de façon correcte, sérieuse et pertinente
à la question posée.
M. de Bellefeuille: Question principale.
Le Président: M. le député de
Deux-Montagnes, question principale.
Le problème des optométristes
M. de Bellefeuille: M. le Président, je désire
poser une question au ministre de l'Éducation, responsable des
corporations professionnelles, au sujet du problème des
optométristes. Le 12 mai, le gouvernement a adopté quatre
décrets au sujet des optométristes et de leur profession. Je ne
vais pas entrer dans le détail de ces questions qui sont assez
techniques. Je veux surtout insister sur le fait que les optométristes,
qui ont fait des représentations auprès d'un grand nombre de
députés, soutiennent qu'ils n'ont pas été
suffisamment entendus et que l'opinion publique n'a pas été, non
plus, suffisamment éclairée sur leur situation.
Je voudrais demander au ministre s'il envisagerait de suspendre
l'application des décrets afin de permettre aux optométristes de
se faire entendre de façon plus complète.
Le Président: M. le ministre de l'Éducation,
brièvement, s'il vous plaît, parce qu'il ne reste que deux minutes
à la période des questions.
M. Laurin: M. le Président, c'est un débat qui a
commencé il y a déjà six ans. Il convient donc de lui
apporter un terme à un moment donné. Mon
prédécesseur a rencontré l'Association des
optométristes et surtout la Corporation des optométristes
à plusieurs reprises. Il a, de même, rencontré à
plusieurs reprises, la Corporation des opticiens, qui sont
intéressés, évidemment, par ce règlement. L'Office
des professions a émis des avis, des recommandations à la suite
de rencontres répétées également avec les divers
organismes.
Depuis mon entrée en fonctions, j'ai moi-même
rencontré la Corporation des optométristes à quatre
reprises pour un très grand nombre d'heures où nous avons
passé en revue, en détail, chacune des questions qui fait l'objet
du règlement. J'ai aussi rencontré à quelques reprises la
Corporation des opticiens du Québec. Je me crois donc suffisamment
informé, j'ai entendu le pour et le contre sur chacun des points qui
étaient soulevés dans ce règlement et je pense que la
recommandation que j'ai faite au Conseil des ministres, en passant par le
Comité ministériel permanent du développement social,
comportait toutes les garanties de justice et d'équité à
l'endroit du public, puisque les corporations ont d'abord pour but de
protéger le public. Je ne sache pas que le droit à l'autogestion
qui leur est consenti en grande partie doive limiter en rien et les droits du
public et les droits des membres des autres corporations.
Je pense donc qu'après avoir entendu tous les participants
à plusieurs reprises les recommandations qui ont été
faites et qui ont été adoptées visent ce que le bien
commun et ce que l'intérêt public exigent. Même si je peux
rencontrer à nouveau les diverses corporations pour des modifications,
des amendements de détails, je ne crois pas qu'il soit opportun de
surseoir à l'application de ce règlement, ni de le modifier
substantiellement.
Le Président: Merci.
M. O'Gallagher: Question additionnelle, M. le
Président.
Le Président: Courte question additionnelle, M. le
député de Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Ma question s'adresse au ministre responsable des
professions. Comment pouvez-vous expliquer que les optométristes ne
soient pas du tout satisfaits de la manière dont ils ont
été traités et pourquoi n'avez-vous pas fait entendre tous
les participants à une commission parlementaire dans ce cas
précis?
Le Président: M. le ministre de
l'Éducation.
M. Laurin: M. le Président, je pense que c'est La Fontaine
qui pourrait le mieux répondre à la question du
député de Robert Baldwin, quand il a dit qu'il était bien
difficile de satisfaire à la fois tout le monde et son père,
particulièrement lorsqu'il s'agit de conflits entre corporations, qui
perdurent depuis des années et que chacun entretient à l'aide
d'arguments qu'on répète un peu partout et dont on prend bien
soin de ne dire que ceux qui vont à l'appui des recommandations que l'on
fait.
Je ne sache pas qu'il soit tellement facile de concilier des
intérêts divergents entre corporations et c'est la raison pour
laquelle, malheureusement, quelquefois, le gouvernement, en s'appuyant sur le
Code des professions et sur l'autorité qui lui a été
impartie de par ce code, est obligé d'opter pour des solutions qui, tout
en s'approchant du compromis, ne constituent pas des compromis parfaits et qui
indiquent quand même une direction qu'il faut prendre en raison, encore
une fois, du bien public et de l'intérêt commun.
Le Président: Fin de la période des questions.
Je suis informé que le premier ministre aurait un
complément de réponse à fournir. M. le premier
ministre.
Commission parlementaire sur les projets de loi nos 68
et 70
M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président,
très brièvement. Le chef de l'Opposition a évoqué
hier le télégramme conjoint des trois chefs syndicaux du front
commun, c'est-à-dire les présidents de la FTQ, de la CSN et de la
CEQ, qui demandaient très brièvement dans leur
télégramme, soit le retrait - évidemment, c'est ce qui
leur paraît préférable - des lois 68 et 70, concernant les
régimes de retraite et la rémunération dans le secteur
public, ou alors, à défaut de retrait, qu'il y ait une commission
parlementaire sur ces sujets.
Après l'avoir lu d'abord, bien sûr, et en avoir
discuté avec le comité de négociation du gouvernement et
aussi, forcément, avec le leader parlementaire, la meilleure
réponse à vous donner, je pense, serait de lire le
télégramme que j'envoie en réponse aux trois chefs
syndicaux. "En réponse à votre télex du 7 juin, je dois
vous dire que le gouvernement ne peut pas retirer les projets de loi nos 68 et
70. En fait, à cause des contraintes du calendrier parlementaire, la
deuxième lecture du projet de loi no 68 aura lieu demain, mercredi le 9.
D'autre part, je suis heureux de vous informer que le gouvernement accepte la
tenue d'une commission parlementaire sur les mêmes projets de loi,
commission parlementaire qui aurait lieu jeudi. Le bureau du leader du
gouvernement, M. Bertrand, vous communiquera les informations pertinentes
à la tenue de cette commission."
En fait, ce qu'on prévoit, normalement, c'est toute la
journée du jeudi si, évidemment, nos interlocuteurs syndicaux
sont d'accord, c'est-à-dire le matin, le midi et le soir.
Le Président: Une courte question additionnelle, M. le
chef de l'Opposition.
M. Ryan: Est-ce que, en plus des représentants des trois
centrales syndicales, il y aura d'autres témoins qui pourront être
appelés, en particulier, peut-être des témoins du Bureau de
la recherche sur la rémunération du Conseil du trésor?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Si, d'une façon qui est
justifiable... On sait qu'il y a quand même des unités syndicales
importantes qui sont indépendantes; je pense, en particulier, au
Syndicat des fonctionnaires. C'est pour cela qu'on veut prendre toute la
journée, parce qu'il peut y avoir d'autres intervenants, non pas
seulement les trois que j'ai mentionnés.
D'autre part, en ce qui concerne les experts, si on veut, que le chef de
l'Opposition vient de mentionner, il est évident que le président
du Conseil du trésor - ce sont des gens qui font partie de son
équipe - s'entourera de ceux qui lui paraîtront indiqués et
il est évident qu'il les consultera et qu'on pourra aussi leur poser des
questions.
Visite de M. Bertrand Goulet
Le Président: Merci. Avant de passer aux motions non
annoncées, il me fait plaisir de souligner la présence dans les
galeries, à ma droite, d'un de nos anciens collègues, l'ancien
député de Bellechasse, M. Bertrand Goulet.
Motions non annoncées.
M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Félicitations à M. Gerry Poitras et au
club Tuktu Inc.
M. Biron: M. le Président, je propose une motion non
annoncée pour rendre hommage à une entreprise
québécoise qui, à cause de la qualité de ses
services, a mérité un titre mondial dernièrement. Elle est
devenue une source de fierté pour d'autres entreprises
québécoises.
Que cette Assemblée nationale offre ses félicitations
à M. Gerry Poitras et aux
membres du club Tuktu Inc., de Schefferville, pour avoir remporté
le titre de meilleur pourvoyeur au monde décerné par le Safari
Club International.
Le Président: Y a-t-il consentement unanime?
Consentement.
Est-ce que cette motion sera adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le député de
Nelligan.
Félicitations à M. Tony Le
Sauteur
M. Lincoln: M. le Président, j'aurais voulu proposer une
motion félicitant M. Tony Le Sauteur, à qui vient d'être
remis le prix Margaret N. Vernon Heaslip 1982, à Calgary, le 4 juin
1982, pour le rôle exceptionnel qu'il a joué au sein de
l'environnement, au nom des citoyens du Québec.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement unanime?
Consentement?
M. Léger: M. le Président, je voudrais ajouter
à la déclaration que vient de faire le député de
Nelligan, c'est une personne de mon ministère qui joue un rôle
extraordinaire.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Est-ce que vous avez terminé, M. le député de
Nelligan?
M. Lincoln: J'ai quelques notes, s'il vous plaît!
Le Président: D'accord, M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Je voulais donner quelques informations. Je pense que
la meilleure chose que je pourrais faire, c'est de lire le très bref
communiqué de ceux qui ont proposé de la nomination de M. Le
Sauteur, soit la Fédération québécoise de la faune.
M. Tony Le Sauteur ardent défenseur de l'environnement, vient de
mériter le prix Margaret N. Vernon Heaslip 1982 pour la qualité
de son leadership et le rôle exceptionnel qu'il a joué
auprès des citoyens du Québec durant les seize dernières
années dans le domaine de l'environnement. Le prix lui a
été remis à Calgary le 4 juin 1982 lors de la
clôture d'un symposium national sur l'environnement organisé par
le National Survival Institute. Cet organisme, fondé en 1973, a pour
objectif la promotion des principes adoptés par les différentes
nations qui assistaient au colloque mondial des Nations Unies sur
l'environnement humain à Stockholm, en 1962. Le prix Heaslip est une
médaille d'argent des Nations Unies frappée pour
commémorer le dixième anniversaire de ce grand
événement.
M. Le Sauteur est à la fois un animateur, un conseiller, un
leader, un spécialiste et un militant de l'environnement. La candidature
de M. Le Sauteur fut présentée par M. Noël Laurin,
président de la Fédération québécoise de la
faune, et, que je sache, c'est la première fois qu'un
Québécois se voit décerner ce prix d'un tel prestige.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion ayant
été adoptée, M. le... Sur le même sujet?
M. Lazure: Non, M. le Président, sur la motion.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la motion, M. le
ministre.
M. Lazure: C'est à titre de député de
Bertrand, comté où se trouve la ville de Boucherville, que
j'interviens rapidement pour me joindre à la motion du
député de Nelligan. M. Le Sauteur, de sa résidence de
Boucherville, dans le comté de Bertrand, a notamment contribué
à l'amélioration de l'environnement du Québec en
élaborant son projet Un fleuve, un parc. Il me fait plaisir aujourd'hui,
à titre de député du comté de Bertrand, de rendre
cet hommage particulier à un citoyen très émérite
et valeureux de Boucherville, du comté de Bertrand.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: C'est une motion non annoncée qui va
sûrement recevoir l'appui unanime de cette Chambre. Je vais la lire: Que
cette Assemblée félicite les participants qui, à la table
de concertation du projet Archipel tenu la semaine dernière, ont
plaidé en faveur de la protection des rapides de Lachine et invite le
gouvernement à tenir compte du désir du milieu de protéger
l'intégrité de ce site naturel.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a
consentement?
Des voix: Non.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Pas de consentement.
Enregistrement des noms sur les votes en suspens. Qu'on appelle les
députés. (10 h 59)
Mise aux voix de la motion du
gouvernement s'opposant aux
pouvoirs fédéraux proposés
par
le projet de loi C-108
(11 h 04)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît!
Mise aux voix de la motion du ministre de l'Énergie et des
Ressources: "L'Assemblée nationale du Québec, rappelant: - son
autorité quant à l'intégrité du territoire
québécois et ses attributions en matière de
propriété et de droits civils et en matière de gestion des
terres publiques; - sa compétence exclusive à l'égard des
richesses naturelles du Québec, notamment l'exploitation et le transport
de l'hydroélectricité sur son territoire, de même que la
vente de cette énergie; s'oppose à l'élargissement des
pouvoirs du gouvernement fédéral et de l'Office national de
l'énergie tel que proposé par le projet de loi C-108, Loi
modifiant la Loi de l'Office national de l'énergie; condamne
l'ingérence du gouvernement fédéral susceptible de rendre
inopérants plusieurs lois et règlements du Québec,
notamment en ce qui concerne: le réseau de transmission,
l'échange et la vente de l'hydroélectricité,
l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement et des
terres agricoles et la distribution du gaz naturel; réclame des membres
du Parlement fédéral qu'ils apportent au projet de loi C-108 les
modifications suivantes: 1. le retrait de toute disposition ayant pour objet de
permettre, par voie d'expropriation de son territoire et sans le plein accord
du Québec, la construction de corridors pour la vente, l'exportation et
le transport d'énergie hydroélectrique à un point
situé à l'extérieur du Québec; 2.
l'élimination de toute possibilité pour l'Office national de
l'énergie de révoquer ou suspendre une licence d'exportation
d'énergie hydroélectrique lorsque les conditions et
modalités rattachées à sa délivrance sont
respectées; 3. le maintien des pouvoirs actuels de l'Office national de
l'énergie et du gouvernement fédéral quant aux conditions
et modalités de délivrance de certificats pour un pipeline ou une
ligne internationale de transmission d'électricité et quant au
contrôle du transport du pétrole et du gaz naturel et de la
transmission d'électricité."
Que ceux et celles qui sont pour cette motion veuillent bien se
lever.
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Bertrand, Jolivet, Mme Marois, MM. Bédard, Parizeau, Morin, Laurin,
Johnson, Bérubé, Landry, Lazure, Gendron, Mme LeBlanc-Bantey, MM.
Lessard, Marcoux, Biron, Godin, de Bellefeuille, Léger, Clair,
Chevrette, Fréchette, Marois, Duhaime...
Des voix: Bravo!
Le Secrétaire adjoint: MM. Tardif,
Léonard, Martel, Baril (Arthabaska), Proulx, Mme Lachapelle, MM.
Brassard, Dean, Paquette, Gagnon, Guay, Desbiens, Mme Juneau, MM.
Grégoire, Bordeleau, Leduc (Fabre), Marquis, Charbonneau, Boucher, Mme
Harel, MM. Beauséjour, Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), Champagne,
Perron, Blais, Blouin, Gauthier, Gravel, Laplante, Lavigne, Brouillet,
Payne, Beaumier, Tremblay, LeBlanc, Lafrenière, Paré, Lachance,
Dupré.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Que ceux et celles qui
sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Que ceux et celles qui s'abstiennent... Abstentions?
Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque
(Bonaventure)...
Des voix: Oh!
Le Secrétaire adjoint: MM. O'Gallagher,
Scowen, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM.
Lalonde, Mailloux, Vaillancourt (Orford), Mme
Bacon, MM. Marx, Bélanger, Bourbeau, Blank...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Caron, Mathieu,
Vallières, Mme Dougherty, MM. Lincoln, Paradis, Johnson
(Vaudreuil-Soulanges), Picotte, Pagé, Gratton, Rivest, Rocheleau,
Bissonnet, Maciocia, Cusano, Dubois, Sirros, Saintonge, French, Doyon, Houde,
Middlemiss, Hains, Leduc (Saint-Laurent).
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Le Secrétaire: Pour: 64
Contre: 0
Abstentions: 38
Le Vice-Président (M. Rancourt): Motion adoptée.
(11 h 10)
M. le whip.
Une voix: Leur nom est personne.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Chevrette: Je voudrais demander le consentement du leader de
l'Opposition ou de l'Opposition pour enregistrer les votes de trois de nos
collègues qui sont présentement
en mission pour rencontrer les caucus NPD et conservateur à
Ottawa. Il s'agit des députés de Gouin, de Vimont et de
Beauce-Nord.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Y a-t-il
consentement?
M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure); M. le Président, ce n'est pas
que nous ayons des objections. Cependant, ceci créera sans doute un
précédent. Souvent, nous avons fait des demandes semblables et on
nous a fait comprendre qu'il est bien difficile de demander qu'on enregistre
les noms de certains députés alors qu'ils ne sont pas ici. Je
n'ai pas d'objection, mais je pense que cela devrait peut-être être
pris en délibéré par la présidence.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je pense que la proposition
du leader de l'Opposition est intéressante. Nous ne considérons
pas que c'est une règle qu'on instaure. C'est une situation
exceptionnelle. Je pense que le dossier est exceptionnel aussi. Comme il s'agit
de trois députés qui sont allés à Ottawa pour
discuter et défendre les intérêts du Québec, il me
semble que ce serait normal qu'on puisse sur cette question accepter leur
vote.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saint-Louis.
M. Blank: M. le Président, je pense que c'est un
précédent trop dangereux. Parfois, on accepte des gens qui
arrivent en retard. Ils sont ici, au moins pour dire comment ils votent. Si on
demande le droit de vote par "proxy", c'est contre tous les règlements
parlementaires.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je constate qu'il n'y a
pas de consentement. Mme la députée de L'Acadie.
Recours à l'article 34
Mme Lavoie-Roux: En vertu de l'article 34, j'aimerais demander
ceci au leader du gouvernement. Le premier ministre vient d'annoncer une
commission parlementaire pour les projets de loi 68 et 70. Il a reçu
également une demande du président de l'Association des
hôpitaux du Québec, touchant la possibilité d'être
entendu dans une commission parlementaire restreinte sur le projet de loi no 72
qui, lui, touche les services essentiels. Est-ce que le leader pourrait nous
dire s'il est dans les intentions du premier ministre d'accéder à
cette demande, de la même façon qu'il vient d'accéder
à la demande des syndicats d'être entendus au sujet des projets de
loi nos 68 et 70?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je dois dire à Mme la
députée de L'Acadie qu'elle a bon souvenir, puisqu'elle
était de cette commission parlementaire qui a siégé
l'automne dernier. Si je me rappelle bien -je pourrais me tromper de quelques
heures ou de quelques groupes - il me semble que c'est un travail de plus de 56
heures, et même peut-être davantage, qui a été
consacré à écouter, à entendre environ 56 groupes,
plus d'une soixantaine de mémoires. Il y a donc eu beaucoup de
consultations. Il y avait, vous le savez, vous vous le rappelez, un spectre de
propositions, de solutions qui ont été acheminées aux
membres de la commission parlementaire. À un moment donné, il
fallait que le gouvernement fasse son lit sur cette question et dépose
un projet de loi. C'est ce que nous avons fait. Maintenant, nous
considérons que la consultation a été si largement
poussée qu'il n'y a pas lieu de revenir à cette étape.
C'est vraiment le moment de passer à l'action, d'indiquer
là-dessus quelles sont nos couleurs et de permettre que le débat
se fasse maintenant ici, à l'Assemblée nationale.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: J'aimerais faire remarquer au leader du
gouvernement que la commission parlementaire qui a été tenue
portait sur les services essentiels en temps de conflit ou sur le droit de
grève, mais ce que nous avons devant nous présentement, c'est un
nouveau projet de loi, c'est un projet de loi sur lequel personne n'a
été entendu. Si j'insiste, c'est pour dire au gouvernement que,
selon l'Association des hôpitaux du Québec, par la voix de son
président, selon un grand nombre d'autres organismes, associations,
syndicats et autres, et même selon la population, ce projet de loi est
tout à fait insatisfaisant.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je pense que Mme la
députée de L'Acadie vient d'indiquer effectivement qu'il y a des
possibilités pour des groupes de faire connaître leurs opinions.
Elle fait état ici d'un télégramme. Elle fait état
de la position de l'AHPQ. Il y a d'autres groupes aussi. Le ministre du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu m'a
indiqué que, depuis même l'automne dernier,
il a reçu d'autres communications relativement à ce
dossier des services essentiels; depuis le dépôt du projet de loi,
il a reçu un certain nombre de télégrammes, de lettres, de
communications téléphoniques et probablement qu'en cours de
discussion, il continuera d'en recevoir.
En d'autres mots, le processus permettant à des gens de faire
connaître leurs opinions n'est pas arrêté dès lors
qu'une commission parlementaire, qui a pourtant siégé très
longtemps, a terminé ses travaux l'automne dernier. Je dis à Mme
la députée de L'Acadie que ces gens peuvent utiliser de multiples
recours pour faire connaître leurs opinions, mais qu'à ce
stade-ci, il importe maintenant pour le gouvernement de faire débattre
sa proposition devant l'Assemblée nationale et ensuite de la faire
adopter en commission parlementaire lors de l'étude article par
article.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais faire
remarquer au leader du gouvernement - il le sait fort bien - que les
télégrammes et tout cela, ce sont des moyens de dernier recours,
que la vraie consultation et la façon pour la population de participer
à l'amélioration d'un projet de loi, c'est par le processus des
commissions parlementaires. C'est cela le véritable outil, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, le rôle de tous les
députés de l'Assemblée nationale, qu'ils soient du
côté ministériel ou du côté de l'Opposition,
c'est de travailler d'abord en indiquant quelles sont leurs positions sur le
fond de la question en deuxième lecture et ensuite, lors de la
commission parlementaire, lors de l'étude article par article du projet
de loi, sur la base des communications que les parlementaires peuvent avoir
reçues des deux côtés de la Chambre, c'est de travailler
à bonifier un projet de loi. Je pense que, là-dessus, nous allons
fonctionner dans le plus grand respect de notre système
démocratique en n'empêchant pas ces groupes de faire
connaître leurs opinions et aux parlementaires de les faire valoir en
commission.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: En vertu de l'article 34, est-ce que le leader
parlementaire pourrait nous dire quand le gouvernement va annoncer les
détails précis et la mise en application de son programme de
relance de la construction. C'est un programme qui a été
annoncé le 25 mai par le ministre des Finances. Il nous avait dit
à ce moment-là que, dans quelques jours, soit lui ou soit le
ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur serait en mesure
d'annoncer le programme. Le leader parlementaire pourrait-il nous dire quand ce
programme va finalement être annoncé définitivement, d'une
façon précise, pour que la population puisse y être admise
et tirer avantage du programme qui a été annoncé par le
ministre, mais dont les détails n'ont pas été
complètement donnés?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Dès cette semaine, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): En vertu de l'article 34,
M. le député de Hull.
M. Rocheleau: En vertu de l'article 34, M. le Président.
Nous avons entendu hier soir, tenant compte du projet de loi 37, la fusion
forcée de Baie-Comeau et de Hauterive, les intervenants qui ont
participé au comité conjoint. De ces intervenants, j'aimerais
avoir une précision de la part du leader du gouvernement. Au
deuxième paragraphe de la lettre que faisait parvenir le juge Richard
Beaulieu, président de la Commission municipale du Québec, au
ministre des Affaires municipales, le juge Beaulieu mentionne: "Ce rapport
unanime a été préparé avec la participation de
trois membres de la Commission municipale." J'aimerais savoir du leader du
gouvernement s'il est possible, étant donné qu'hier soir on a
accepté de prolonger et de permettre encore durant deux heures
d'entendre le comité conjoint, de faire venir, ce matin, les membres de
la commission municipale du Québec qui sont partie au dossier du
comité conjoint, entre autres les commissaires MM. Boucher et Harvey. Ce
dernier, je pense, est à l'extérieur du pays, mais M. Boucher
semble être dans les environs. Y aurait-il cette possibilité
étant donné qu'il peut y avoir des questions pertinentes au
dossier de Baie-Comeau-Hauterive? Jusqu'à présent, M. le
Président, on doit dire que... Je veux remercier le leader du
gouvernement qui nous permet d'aller en profondeur dans un dossier qui fait de
plus en plus réaliser au gouvernement qu'il est en train de faire une
erreur magistrale.
M. Bertrand: Ce n'est plus des questions en vertu de l'article
34.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement
indiquer au député de Hull qu'effectivement, hier soir, comme les
gens de Baie-Comeau et de Hauterive sont arrivés vers 23 heures, nous
avons commencé les audiences vers 23 h 15 et nous avons travaillé
à peu près une heure - ce que j'avais d'ailleurs indiqué,
hier, à l'Assemblée nationale - pour poser les questions
appropriées à ces représentants de Baie-Comeau et de
Hauterive.
D'un commun accord, nous en sommes finalement venus à la
décision qu'il serait souhaitable pour les parlementaires que, ce matin,
trois commissions puissent siéger, dont celle des affaires municipales,
pour continuer d'entendre, jusqu'à 13 heures, les représentants
du comité conjoint. (11 h 20)
Vous vous rappellerez qu'hier soir le président de la Commission
municipale du Québec, M. Beaulieu, était présent à
la commission parlementaire et le ministre qui, évidemment, est en
relation avec le président de la Commission municipale du Québec
peut, à tout moment, s'il le désire, lui demander de dire
quelques mots en réponse à des questions. Il n'y a rien là
qui soit un accroc, je crois, à nos règlements. Dans le fond, il
s'agit aussi de rappeler au député de Hull - le ministre l'a bien
indiqué hier soir -qu'il y a des experts qui ont été
prêtés, qui ont été...
Une voix: ...
M. Bertrand: Oui, mais qui ont été
prêtés, mais qui ne sont...
Une voix: La participation.
M. Bertrand: D'accord, mais qui ne forment pas le comité
conjoint Baie-Comeau-Hauterive. La demande qui m'avait été faite
hier, c'était de rencontrer les cosignataires du comité conjoint
de Baie-Comeau et de Hauterive.
En commission parlementaire, tout à l'heure, je crois qu'avec les
deux heures de travail qu'il vous reste encore vous pourrez poser toutes les
questions aux cosignataires du comité conjoint. Si la commission
décidait qu'il était opportun de poser des questions au
président de la Commission municipale du Québec, je pense que le
ministre ne sera certainement pas fermé à cette
possibilité.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Avis à la Chambre.
M. le leader du gouvernement.
Travaux des commissions
M. Bertrand: Des motions, M. le Président, pour
aujourd'hui, le mardi 8 juin 1982. De 11 h 30 à 13 heures, il y a trois
commissions parlementaires: d'abord, au salon rouge, la commission
parlementaire des communications, pour étudier le projet de loi no 65
article par article; à la salle 81-A, la commission parlementaire des
transports, pour étudier le projet de loi no 48 article par article
concernant les taxis; à la salle 91-A, la commission parlementaire des
affaires municipales, pour étudier le projet de loi no 37 article par
article et aussi pour continuer d'entendre les cosignataires du groupe qui a
travaillé sur le dossier de la fusion de Baie-Comeau et de
Hauterive.
Cet après-midi, de 15 heures à 18 heures, deux commissions
parlementaires, celle des communications, au salon rouge, pour la poursuite de
l'étude article par article du projet de loi no 65, et à 81-A,
celle de la justice, pour l'étude article par article du projet de loi
no 62. Ce soir, deux commissions parlementaires: au salon rouge, celle des
communications, de 20 heures à 24 heures, pour étudier le projet
de loi no 65, et à 81-A, la commission du revenu, pour l'étude
article par article du projet de loi no 74. Dès que cette commission du
revenu aura terminé l'étude du projet de loi no 74, ce qui ne
devrait pas prendre beaucoup de temps, la commission parlementaire permanente
de l'agriculture, à la même salle 81-A, entreprendra
l'étude du projet de loi no 77 sur la mise en marché des produits
agricoles.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que ces motions
seront adoptées?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Les
affaires du jour, M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais vous indiquer
que nous étudierons aujourd'hui en deuxième lecture le projet de
loi no 72 sur les services essentiels au nom du ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu. Nous allons voir quel
sera l'agencement et si, oui ou non, ce sera retenu en cours de discussion,
mais il y a une possibilité d'appeler la troisième lecture du
projet de loi no 46 selon l'évolution du débat sur le projet de
loi no 72 aussi. Là-dessus, tout à l'heure, j'aimerais avoir des
indications de l'Opposition sur ce qu'on attend comme participation de son
côté comme du nôtre sur ce projet de loi no 72.
Nous pourrons revenir plus tard aujourd'hui, bien sûr, sur la
motion au nom du ministre des Finances, relativement au budget.
Projet de loi no 72 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 72, Loi
modifiant le Code du travail, le Code de procédure civile et
d'autres dispositions législatives. M. le ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
M. Pierre Marois
M. Marois: M. le Président, selon la formule
consacrée, l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce
projet de loi et il en recommande l'étude à la Chambre.
Nous abordons aujourd'hui l'étude en deuxième lecture du
projet de loi no 72. Il est bon de le rappeler, voici un projet de loi qui vise
essentiellement à consacrer dans les faits la primauté du droit
des citoyens à des services jugés essentiels en période de
négociation, en période de conflit, et ce, pour tous les
établissements du réseau des services de santé ou des
services sociaux, mais également - ce qui est tout à fait nouveau
- dans certains services publics qui seront concrètement
déterminés par des décrets qui seront adoptés par
le gouvernement du Québec.
Quand un projet de loi, comme c'est le cas présentement, suscite
de la part des éditorialistes l'utilisation de qualificatifs aussi
opposés et émotifs que ceux de lâcheté, dans un cas,
et à l'autre extrême, de courage dans l'autre cas, le minimum
qu'on peut dire, c'est qu'il s'agit, sans aucun doute - toute cette question
des services essentiels - d'un sujet qui est à la fois complexe, mais
aussi et surtout qui touche au coeur même, aux fibres mêmes de ce
qui fait qu'une société est ou n'est pas civilisée, qui
permet aussi de mesurer à quel point on est capable comme
société, comme citoyens et comme citoyennes, de se donner des
pratiques qui soient conformes à une échelle de valeurs qui place
l'humain au premier rang et particulièrement les malades, les
handicapés, les personnes âgées, les plus démunis
dans la société.
Bien sûr, ceci étant dit, demeure entière la
question de savoir comment on y arrive dans le concret, comment on arrive
à consacrer dans les faits la primauté du droit des citoyens
à obtenir des services qui sont jugés essentiels. Tout à
l'heure, le leader du gouvernement l'a évoqué: tout ou à
peu près a été dit et écrit sur la question du
droit de grève et des services essentiels. On se souviendra des travaux
de la commission parlementaire l'automne dernier; 55 groupes, si ma
mémoire est fidèle, on été entendus. Les travaux de
la commission ont duré plus de 56 heures. Également, les citoyens
et les citoyennes du Québec, par le biais de sondages qui sont revenus
à des époques régulières et encore
récemment, ont fait parvenir aux législateurs, aux
parlementaires, au gouvernement des messages, me semble-t-il, qui sont
fondamentalement clairs et qui, au fond, traduisent clairement la
préoccupation, que tous les hommes et les femmes de bonne foi dans cette
Chambre, je crois, partagent, de chercher une solution qui permette de traduire
dans le concret cette primauté.
C'est presque comme si - et c'est personnellement ce que je
décode des sondages - les citoyens et les citoyennes du Québec,
quand on parle de la question du droit de grève, quand on parle des
services essentiels, nous disaient: Est-ce qu'il y aurait moyen qu'on ait la
paix? Est-ce qu'il y aurait moyen qu'on puisse nous garantir qu'on va obtenir
les services fondamentaux dont on a besoin et auxquels on a droit? En
période de conflit, est-ce qu'il y aurait moyen aussi qu'on tienne
compte du fait que nous, les citoyens, nous existons et qu'il y ait des mesures
de prises pour nous garantir ces services?
Donc, comment y arriver? Il y a eu toutes sortes de propositions
fondamentales, mais un certain nombre méritent qu'on s'y arrête.
Les uns ont proposé l'abolition du droit de grève. En cas de
débrayage illégal ou de grève illégale,
malgré le fait que quelque code ou quelque loi que ce soit
prévoirait des sanctions extrêmement sévères durant
cette période d'un débrayage illégal, d'une grève
illégale, comment assure-t-on les services de base nécessaires?
En d'autres termes, comment traduit-on dans le concret ce principe de la
primauté du droit des citoyens d'obtenir des services essentiels? Il me
semble que poser la question, c'est y répondre. (11 h 30)
D'autres ont plutôt proposé qu'on opte pour une forme
d'abolition sélective du droit de grève. Certains ont
proposé l'abolition sélective dans certains
établissements. D'autres ont ajouté, non seulement dans certains
établissements, mais également dans certaines unités ou
dans certains départements de ce qu'on appelle les centres hospitaliers
à vocations multiples. Arrêtons-nous quelques instants sur cette
double option. Dans le cas où une loi procéderait à
l'abolition sélective concernant certains établissements,
pensons, par exemple, à des centres qui hébergent les personnes
âgées, les malades chroniques, comment va-t-on justifier,
expliquer et soutenir en toute justice que, dans le cas de certains
établissements comme tels, on puisse en arriver à abolir le droit
de grève alors que, pour les mêmes personnes souffrant des
mêmes types de problèmes qui se trouvent dans des unités ou
dans des établissements, dans des départements de centres
hospitaliers à vocations multiples, il y ait deux poids, deux mesures?
Comment va-t-on justifier que, dans le cas de certains établissements,
on abolisse le droit de grève, que, dans le cas de personnes souffrant
des mêmes
problèmes, se trouvant dans un centre hospitalier à
vocations multiples, pour ces gens, ce soient d'autres règles, d'autres
mesures qui s'appliquent? Sans compter le fond du problème qui demeure
le même dans ce cas.
Parce qu'il y a abolition, quelque sélective qu'elle soit,
forcément, en cas de débrayages illégaux, quelque
sévères que puissent être les sanctions prises durant la
période d'une grève illégale, comment assure-t-on, comment
garantit-on, comment traduit-on dans le concret pour les citoyens ce principe
de la primauté du droit des citoyens d'avoir accès à leurs
services essentiels? Lorsqu'on y ajoute en plus la dimension d'une abolition
sélective qui pourrait toucher même certaines unités ou
certains départements dans un hôpital, comment, dans la pratique,
traduit-on le principe? Au quatrième étage nord de tel
hôpital, il n'y aurait pas de droit de grève. Au quatrième
étage sud du même hôpital, il y aurait droit de
grève. À l'intérieur de certaines unités
d'accréditation, certains hommes, certaines femmes qui y travaillent et
qui sont syndiqués auraient droit de grève; d'autres n'auraient
pas droit de grève. Comment pourrait-on, en toute conscience, demander
à des gens d'administrer, dans de telles conditions, de façon
à répondre aux besoins fondamentaux des citoyens, des services
qui, par ailleurs, sont jugés fondamentaux, sont jugés
essentiels? Cela pourrait, je crois, mener à des situations absolument
aberrantes, à partir, à première vue, d'une idée
qui semble généreuse.
Nous avons choisi plutôt de capitaliser sur l'acquis. Tout n'est
pas et tout n'a pas été que négatif par le passé.
Loin de là. Il me semble important de le rappeler. Il y a eu des abus
aussi bien du côté du comportement et des pratiques syndicales que
du côté du comportement et de certaines pratiques patronales. Ces
abus ont été, sont et demeureront toujours inacceptables. Il faut
trouver le moyen d'y mettre un terme. On en a eu des illustrations
concrètes en commission parlementaire. On en a eu aussi des
témoignages éloquents à partir des rapports qui nous sont
parvenus des experts qui ont eu à procéder à l'examen,
à l'étude de certains problèmes qui ont été
soulevés, de certaines plaintes qui ont été portées
par des citoyens dans la dernière ronde de négociations des
secteurs public et parapublic. Il y a eu aussi, à côté de
ces cas d'abus, des choses qu'il importe de rappeler, que ce soit par entente
ou par liste dans la pratique, il y a eu aussi des cas où presque 100%
des services ont été donnés lorsqu'ils étaient
requis, et cela doit être signalé. Nous comptons capitaliser sur
l'acquis. Il nous semble qu'investir dans la confiance -non pas une confiance
aveugle, et j'y reviendrai - est susceptible de nous permettre comme
société de récolter un fruit qui soit de plus en plus
à l'image d'un comportement responsable, mature, adulte. Il faut
replacer les valeurs dans une véritable échelle des valeurs, avec
l'humain au premier rang. Encore une fois, une confiance, mais non pas aveugle,
en gardant l'oeil bien ouvert et en se donnant les moyens de faire en sorte que
les abus cessent.
Les parties pourront convenir d'ententes. À défaut
d'entente, la partie syndicale pourra présenter une liste, mais il n'y
aura plus - je tiens à le redire, le texte de loi est spécifique
là-dessus et c'est important que ce soit très clair - ce qu'on
appelait le principe de la responsabilité ultime entre les mains des
syndicats pour établir la liste de ce qu'il est convenu d'appeler ces
services fondamentaux, ces services essentiels qui doivent être
assurés aux citoyens. Sera établi un Conseil des services
essentiels sur une base permanente, composée de huit personnes, dont
deux issues du milieu syndical, nommées par le gouvernement, deux issues
du milieu patronal, toujours nommées par le gouvernement, après
consultation d'un certain nombre de groupes, trois représentant le
public et ayant comme mandat précis de s'assurer, justement, que se
traduit dans le concret ce principe de fond que j'ai évoqué
depuis le début de mon intervention sur le projet de loi 72, et un
président disposant, le cas échéant, d'un vote
prépondérant. La responsabilité ultime d'évaluer la
suffisance ou la non-suffisance des services qui seraient prévus, que ce
soit une liste, que ce soit une entente, sera confiée à un tiers,
le Conseil des services essentiels, et ultimement au gouvernement du
Québec.
Le projet de loi prévoit que toute liste, toute entente doit
être soumise au Conseil des services essentiels et qu'en cas
d'insuffisance des services à maintenir ou de non-respect du maintien
des services essentiels le gouvernement pourra suspendre le droit de
grève et ce, jusqu'à ce qu'il soit démontré qu'en
cas de grève les services essentiels seront maintenus de façon
suffisante. En d'autres termes, le Conseil des services essentiels pourra aider
les parties, pourra déléguer des médiateurs et pourra
susciter des réévaluations à la hausse des ententes ou des
listes, mais, ultimement, il devra soumettre un rapport au gouvernement. Dans
le cas où il sera clairement évalué que les services
proposés, par entente ou par liste - tant mieux si c'est par une
entente, tant mieux si c'est par une liste qui permet de traduire dans le
concret, au niveau local, dans un établissement donné, le
principe évoqué au point de départ... C'est pourquoi je
dis: Nous capitalisons sur l'acquis en nous donnant, le cas
échéant, les moyens d'intervenir avec la rapidité qui
s'impose pour faire en sorte que se traduise ce
principe de fond que j'ai évoqué et qui est la
primauté du droit des citoyens d'obtenir les services essentiels. (11 h
40)
Le conseil disposera de pouvoirs nouveaux, disposera de moyens nouveaux
pour intervenir et devra remplir les tâches suivantes: d'abord,
sensibiliser... et tout cela, avant que ne soit acquis le droit de
grève. Cette évaluation concernant la suffisance ou
l'insuffisance et le rapport, par voie de conséquence, qui sera
retransmis au gouvernement et la décision que, le cas
échéant, le gouvernement pourra prendre de suspendre pour une
période indéterminée, en cas de rapport qui indique que
les services ne seraient pas suffisamment maintenus, tout cela devra se faire
et intervenir avant que ne soit acquis le droit de grève. Je disais donc
que le conseil devra remplir les tâches suivantes: dans un premier temps,
sensibiliser les parties et le public en général à toute
la question du maintien des services essentiels, notamment - c'est une chose
absolument importante et nouvelle qui est inscrite dans la loi - en
élaborant ce qu'il est convenu d'appeler dans le jargon, un
protocole-cadre, ou si on veut, un cadre local de référence qui
constituera une sorte d'entente maîtresse, portant sur le contenu
éventuel des ententes et des listes à être
déposées et qui servira aussi de grille d'analyse, quand viendra
le moment d'évaluer la suffisance ou la non-suffisance des services qui
doivent être maintenus par les citoyens.
Deuxièmement, encourager les parties locales à conclure
des ententes en offrant des services extérieurs de médiation.
Troisièmement, recevoir, analyser, évaluer quant à
leur suffisance les ententes et les listes déposées.
Quatrièmement, le conseil disposera d'un pouvoir
général d'information du public. Informer le public
également sur une base régionale du rôle que la loi lui
assigne, ainsi que la nature des services prévus aux ententes et aux
listes.
Cinquièmement, en cas d'insuffisance des ententes et des listes,
le conseil aura à aviser les parties en défaut ou fautives;
l'avis officiel transmis au ministre expliquera qu'une grève qui serait
déclarée dans de telles conditions ferait l'objet d'une
dénonciation publique. Ce qui veut dire concrètement qu'en plus
de son pouvoir d'information générale, de son pouvoir
d'information sur une situation locale, régionale, lorsque le conseil
évaluera - et ce, avant que ne soit acquis, encore une fois, le droit de
grève - que les services proposés seraient insuffisants, le
rapport que le conseil transmettra au ministre sera retransmis publiquement, le
rapport sera public, ce qui prendra la forme d'une dénonciation
publique.
Par voie de conséquence, le projet de loi 72 prévoit que
le gouvernement, sur recommandation du ministre, pourra décréter
la suspension du droit de grève dans un établissement
précis, bien désigné, pour une période
indéterminée, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'un nouveau
rapport soit soumis à l'attention du gouvernement, indiquant que les
services fondamentaux pourront être vraiment, dans le concret,
assurés pour les citoyens.
Pendant l'exercice du droit de grève, lorsqu'il sera acquis, dans
le cadre et avec les balises que je viens d'expliquer, le conseil devra
recevoir les plaintes et les doléances des citoyens relatives à
l'insuffisance des services maintenus, vérifier le respect des listes et
des ententes, dénoncer publiquement les parties fautives, le cas
échéant, inciter les parties à réviser à la
hausse les ententes et les listes quand celles-ci se révèlent
insuffisantes ou lorsque des changements incontrôlables se
produisent.
Neuvièmement, aviser le gouvernement de la gravité des
situations pouvant se produire lorsque le conseil dénote des
écarts qui peuvent être substantiels entre ses propres
évaluations et les listes qui sont effectivement appliquées, de
même qu'au cas de violation de listes et d'ententes.
Comme ce conseil sera établi sur une base permanente,
après ces fameuses rondes de négociation, le conseil dressera un
bilan complet du déroulement des opérations, mettra à jour
les données factuelles en rapport avec le maintien des services dans les
établissements du réseau et verra à améliorer le
contenu et la détermination des paramètres apparaissant au
protocole-cadre.
Le projet de loi prévoit - il me semble important de le signaler,
M. le Président -que ce protocole-cadre, qui va tracer avec l'aide du
conseil les éléments essentiels qui devront être contenus
dans une entente ou une liste qui devra être traduite avec toute sa
coloration locale pour répondre véritablement aux besoins
concrets d'un établissement ou d'une série
d'établissements dans une localité, dans une région, si
tant est que c'est nécessaire, le gouvernement du Québec pourra,
par règlement, ultimement le décréter, établir les
éléments clefs contenus dans toute entente ou dans toute liste
pour répondre véritablement aux besoins des citoyens.
Par exemple, mentionnons le droit fondamental d'accès des
bénéficiaires aux établissements, la
nécessité d'avoir constamment un comité qui puisse
rajuster à la hausse ou à la baisse, parce que les situations ne
sont pas stables, fixes dans certains établissements. Pensons, en
particulier, à certains centres hospitaliers à vocations
multiples. Notamment, mais pas exclusivement, dans les grands centres urbains,
les situations fluctuent, sont changeantes d'une journée à
l'autre, d'une
semaine à l'autre. Il faut que les choses puissent s'ajuster
rapidement. C'est déjà une pratique qui est acquise dans un
pourcentage extrêmement important de cas. Il nous faut capitaliser
là-dessus, miser sur le sens des responsabilités, sur la
confiance de base mais, encore une fois, non pas de façon naïve ou
aveugle, en gardant l'oeil ouvert et en se donnant, se conservant ultimement
les moyens de faire en sorte que cessent les cas d'abus qui ont pu être
décelés par le passé.
Certains ont laissé entendre que le projet de loi que nous
étudions aujourd'hui avait un caractère bureaucratique, lourd. Il
me semble important de souligner à cet égard les
éléments suivants, qui, me semble-t-il, vont plutôt dans un
sens contraire, opposé à la lourdeur. Il est en effet
prévu, d'une part, que la possibilité de négocier sur le
plan local est maintenue. Nous sommes conscients que, dans une très
forte majorité de cas, comme dans le passé, d'ailleurs, il y aura
entente au niveau local sur les services essentiels à maintenir en cas
de conflit. Il faut, dans ce sens, faire confiance - mais, encore une fois, non
pas d'une façon aveugle ou naïve - à la maturité des
intervenants et à leur sens des valeurs à ce sujet.
Deuxièmement - c'est là qu'on voit comment peut se faire
et s'établir le joint -un protocole-cadre assurera une certaine
uniformité à l'échelle nationale, ce qui forcément
va venir réduire les besoins variés d'intervention du conseil,
mais, en même temps, une flexibilité qui permettra, à
l'intérieur de ce protocole-cadre, la mise sur pied, dans chaque
établissement, par exemple, comme je le disais, d'un comité ad
hoc pour vérifier quotidiennement, chaque jour, l'état de la
situation et réviser, le cas échéant, les services
à la hausse, lorsque le besoin sera là, s'en fera sentir et sera
forcément un besoin pressant auquel il importera de répondre et
ce, rapidement. (11 h 50)
Dans ce contexte - je crois que cela doit être dit tel que c'est -
les parties syndicale et patronale vont savoir et doivent savoir qu'il ne
servira à rien, qu'il ne servira plus à rien, à l'avenir,
de déposer que ce soit une entente négociée ou une liste
qui ne répondrait pas véritablement aux exigences prévues
par le protocole-cadre, une entente négociée ou une liste qui ne
répondrait pas véritablement aux besoins de services auxquels ont
droit les citoyens. Si tel devait être le cas, le conseil,
forcément, conclura à l'insuffisance de l'entente
négociée ou de la liste et, par voie de conséquence,
soumettra un rapport dans ce sens-là, publiquement, au ministre, ce qui
signifiera clairement que le gouvernement exercera les pouvoirs qu'il aura en
vertu du projet de loi no 72, c'est-à-dire de suspendre, dans un
établissement donné, le droit de grève pour une
période indéterminée jusqu'à ce que les
problèmes qui ont été constatés soient
réglés et que le droit des citoyens soit respecté.
Je suis confiant que les cas - je me base sur l'expérience
passée - qui pourraient se présenter dans ce sens-là -
c'est ce que je souhaite fortement et je crois que c'est ce que tous les
citoyens et toutes les citoyennes souhaitent aussi - seront peu nombreux. Ils
ont été peu nombreux, mais, quel que soit le nombre, un cas,
c'est un cas de trop. Une société qui se respecte doit faire en
sorte que cela ne se présente plus.
Il est important aussi de noter la mise à contribution du ou des
- si on veut -conseils régionaux de la santé et des services
sociaux qui vont pouvoir servir de courroie de transmission entre les
bénéficiaires et le Conseil des services essentiels pour
s'assurer que, lorsque des citoyens sont justifiés de porter des
plaintes, les interventions sont faites et que les interventions sont faites
dans un délai extrêmement court, c'est-à-dire le plus
rapidement possible.
Il me semble que c'est là un certain nombre de facteurs - je
pourrais en énumérer d'autres - qui devraient empêcher
normalement le Conseil des services essentiels de devenir une espèce de
machine bureaucratique lourde et inaccessible aux parties et à la
population, sans compter que le projet de loi prévoit bien que le
conseil aura et pourra se donner ses propres antennes régionales,
recevoir lui-même directement aussi les plaintes des citoyens et
intervenir, le cas échéant.
Il y a aussi un élément nouveau, me semble-t-il,
extrêmement important qui se retrouve maintenant dans le projet de loi no
72. C'est le fait qu'une place est maintenant reconnue à ceux et celles,
à leurs porte-parole, qui sont les citoyens qui, justement, ont droit
à cette primauté des services essentiels. Par le projet de loi no
72, les citoyens auront désormais, eux aussi, une place dans tout le
processus qui les concerne au premier chef, ce qui n'était absolument
pas le cas par le passé.
D'une part, ils seront représentés au Conseil des services
essentiels. D'autre part, l'accès à l'information sera
généralisée, d'une part, par le pouvoir
général d'information du conseil sur les situations à
l'échelle nationale, à l'échelle du Québec,
également à l'échelle régionale et locale. D'autre
part, par le fait, également, que les rapports constatent une
insuffisance des services essentiels avant même que le droit de
grève soit acquis pour éliminer au maximum les cas possibles
d'abus, ces rapports seront rendus publics et prendront donc la forme d'une
dénonciation publique, et les citoyens continueront d'avoir
accès, pour loger leurs plaintes, aussi bien aux conseils
régionaux des services de santé et des services sociaux, mais
également au Conseil des services essentiels.
À cela s'ajoute également une autre dimension et d'autres
moyens additionnels sont aussi donnés aux citoyens. D'une part, se
trouve reconduite la règle qui était déjà au Code
du travail et qui prévoit que, pour mettre en marche les
procédures qui mènent à des sanctions pénales, tout
intéressé peut intervenir et entamer des procédures. Je
laisserai là-dessus mon collègue le ministre de la Justice,
développer le sujet et intervenir plus amplement, puisque c'est avec sa
coopération et sa collaboration qu'il a été possible
d'introduire dans le présent projet de loi un certain nombre
d'amendements qui concernent une procédure importante pour les citoyens,
qui est celle du recours collectif. Cette procédure dans le projet de
loi se trouve également rendue plus accessible, et son exercice se
trouve grandement allégé, facilité, bien sûr pas
uniquement sur cette question-là, puisqu'il s'agit de modifications qui
concernent aussi bien la Loi sur le recours collectif que le Code de
procédure civile comme tel, mais elles peuvent et pourraient aussi
être utilisées, le cas échéant, lorsque des citoyens
et des citoyennes sont fondés à exercer un recours civil auquel
ils ont droit.
S'ajoute à cela une chose, et je pense que tout le monde en
conviendra, il y a au moins là-dessus, me semble-t-il, un consensus qui
se dégage chez les éditorialistes, que chacun et chacune d'entre
nous avons pu lire, où l'on admet que le projet de loi sur le maintien
des services essentiels élargit la portée de cette notion pour
l'introduire maintenant dans ce qu'il est convenu d'appeler les services
publics.
Le projet de loi prévoit en effet que le gouvernement pourra, par
voie de décret, assujettir un service public et la liste des services
publics au sens large. C'est revu, modernisé, remis à jour dans
le projet de loi. C'est-à-dire, par exemple, une corporation municipale,
des entreprises de transport en commun, la distribution de gaz, de
l'électricité, l'enlèvement des ordures
ménagères, le transport par ambulance. Mais cela devra se faire
de façon très concrète et précise. Il faudra
désigner, c'est-à-dire nommer par décret, un service
public qui a l'obligation de maintenir des services essentiels, et, encore une
fois, dans le cas des services publics, avant que ne soit acquis le droit de
grève.
Concrètement, sur rapport d'un conciliateur que forcément
reçoit régulièrement un ministre du Travail, sur
recommandation du ministre, le gouvernement pourra émettre un tel
décret si un arrêt de travail apparaît probable d'une part,
et qu'il apparaît également nécessaire de maintenir des
services essentiels pour ne pas mettre en danger la santé et la
sécurité publique. La notion de santé ou de
sécurité publique faisant partie intégrale du
décret gouvernemental, cela ne prêterait pas, me semble-t-il, bien
que je sois prêt à examiner cette question de façon
très serrée, très étroite, à ce que d'aucuns
ont évoqué publiquement, c'est-à-dire qu'on pourrait, en
droit, contester une telle notion par rapport à ce qu'on appelle la
notion d'intérêt public. J'ouvrais simplement ici une
parenthèse, quitte à y revenir lors d'un examen plus approfondi
en commission parlementaire article par article. (12 heures)
Ce décret entrerait en vigueur le jour de son adoption, qui doit
forcément précéder d'au moins quinze jours la date
d'acquisition du droit de grève, et il aurait pour effet de soumettre
les parties au même mécanisme d'évaluation d'une entente ou
d'une liste de services essentiels établie par le Conseil des services
essentiels et, par voie de conséquence, si tant est que les services
nécessaires, requis, sont assurés, le droit de grève
pourra s'exercer normalement. Mais si le conseil devait conclure, sur la base
des rapports, des expertises qui seront fournis, à l'insuffisance des
services, dans ce cas-là, de la même façon, le gouvernement
conserve le pouvoir de suspendre, pour une période
indéterminée, le droit de grève.
Je voudrais rapidement, en terminant, M. le Président, insister
sur quelques points précis. Le droit de grève se trouve maintenu.
Le projet de loi capitalise sur l'acquis, fait appel au sens des
responsabilités des parties mais ne demeure pas et n'entend pas
être un appel naïf, ce qui veut dire concrètement que le
droit de grève, se trouvant maintenu, se trouvera également
étroitement surveillé. On aura noté qu'au chapitre des
sanctions pénales, les amendes ont non seulement été
augmentées de façon substantielle, mais graduées selon
qu'il s'agit d'individus, de responsables syndicaux ou patronaux, selon qu'il
s'agit d'associations. De nouvelles sanctions ont également
été introduites, notamment, dans le cas d'entrave aux travaux du
conseil. Tout cela dans le but d'encadrer l'exercice de ce droit et de
s'assurer que dans le concret chaque partie prendra pleinement ses
responsabilités.
Quand je dis "chaque partie prendra pleinement ses
responsabilités", cela n'exclut pas, loin de là, le gouvernement,
bien au contraire. On pourrait, par analogie, puisque c'est aussi une chose qui
est présentement largement discutée à la suite de
l'entrée en vigueur des modifications qui ont été
apportées au Code de la route... Chacun et chacune d'entre nous qui
sommes au volant d'une automobile tenons pour acquis, au point de
départ, que notre conduite va forcément être une conduite
responsable; nous tenons aussi souvent pour acquis, au point de départ,
que la conduite des autres va être aussi une conduite responsable. Nous
misons tous et toutes sur cette bonne conduite, mais
tout cela dans le cadre d'un régime de signalisation et dans le
cadre d'un régime de sanctions. En d'autres termes, dans le cadre d'un
régime qui est basé sur la confiance, mais non pas une confiance
naïve.
En terminant, je voudrais simplement dire ceci. À partir du
moment où un tel projet de loi sera adopté, l'avenir du droit de
grève, particulièrement dans le secteur des affaires sociales, va
reposer entre les mains de ceux et de celles qui vont décider, le cas
échéant, de l'exercer. Je me permets de rappeler que la
grève, particulièrement dans des secteurs comme ceux-là,
n'est pas, ne peut pas être un rituel, demeure une arme ultime et
ponctuelle. Ce ne peut faire autrement, selon le témoignage même
entendu en commission parlementaire de porte-parole syndicaux, qu'être
symbolique dans certains coins, parce que les besoins essentiels qui, dans
certains cas, peuvent largement dépasser 90% de l'effectif requis
doivent être là. Ce fut ainsi dans un fort pourcentage de cas par
le passé. Si tant est que les parties continuent à le faire dans
ce sens, tant mieux, mais s'il devait y avoir un cas d'abus il faudrait que
ça cesse. C'est ce que prévoit ce projet de loi, parce que,
ultimement, il s'agit non pas de biens qui sont produits en série, mais
d'être des humains. M. le Président, voilà pourquoi, en
terminant, j'invite les membres de cette Assemblée nationale à
adopter en deuxième lecture le projet de loi no 72.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jean-Talon.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, la loi 72 vise à
modifier le Code du travail pour traiter d'une des questions sans doute les
plus complexes et probablement les plus importantes dans le domaine des
relations du travail au Québec, c'est-à-dire le maintien des
services essentiels dans les services public et parapublic en cas de conflit.
Dès le départ, M. le Président, je voudrais vous dire
très clairement que l'Opposition votera contre le projet de loi no 72
pour la raison fondamentale suivante: savoir que nous croyons que la
législation gouvernementale doit reconnaître en fait, et non
simplement au niveau des intentions, la priorité absolue des droits
humains, des droits de la personne sur tout autre droit légitime, sans
doute, et reconnu à d'autres catégories de nos citoyens et, en
particulier, les travailleurs en cause.
Cette affirmation de la primauté des droits humains, nous avons
voulu la traduire d'une façon très concrète en affirmant
et en soutenant - et nous le ferons, M. le Président, au moment de
l'étude article par article - que pour ce qui est des personnes vivant
dans des centres d'accueil, personnes âgées, personnes
handicapées, pour ce qui est des bénéficiaires de soins
psychiatriques et pour ce qui est des malades chroniques qui vivent dans les
établissements du réseau des affaires sociales, en aucune
circonstance, ces gens non seulement ne doivent être frappés d'une
diminution quelconque des services qui leur sont offerts et auxquels ils ont
droit, mais en aucune circonstance non plus ils ne doivent risquer de vivre
dans cette anxiété d'une grève appréhendée
qui risque de les rejoindre cruellement, à certains égards.
Donc, M. le Président, la position de notre formation politique,
du Parti libéral du Québec - et c'est cette position que les
membres de l'Opposition veulent traduire en cette Assemblée - notre
objection fondamentale au projet de loi du gouvernement - elle se situe d'abord
et avant tout à ce niveau. À cet égard, on me permettra de
dire tout d'abord que cette position a été rendue publique
dès le début de janvier, ou en février, et que - nous en
sommes très heureux - elle a reçu, de la part des milieux
concernés tout autant d'ailleurs que des observateurs et analystes de la
scène politique, un appui très large. (12 h 10)
Je voudrais, M. le Président, pour illustrer cette position, vous
donner lecture d'un très court paragraphe d'un éditorial de M.
Jean-Louis Roy, dans le Devoir, qui disait ceci: "L'Opposition cherchera
vraisemblablement à obtenir des amendements à ce projet de loi."
Et je viens de vous l'indiquer, M. le Président. M. Roy poursuit: "Si
l'Opposition proposait notamment une formule d'extension des conditions
négociées ailleurs pour les travailleurs dans les centres
hospitaliers de soins prolongés et de soins psychiatriques, pour les
centres d'accueil, de réadaptation et d'hébergement, l'Opposition
devrait obtenir l'appui de tous ceux-là qui répudient la prise
d'otages des personnes les plus démunies." Et M. Roy ajoutait: "II est
répugnant, immoral et antisocial de dissoudre, même
momentanément, les relais obligés pour nos concitoyens les plus
fragiles sans égard pour leur dépendance extrême et la
faiblesse, sinon l'absence, de toute ressource."
Fondamentalement, M. le Président, c'est là la position
que l'Opposition et le Parti libéral entendent prendre dans le
débat. Non pas que nous ignorions les difficultés pratiques ou
même techniques que la mise en place de cette orientation majeure puisse
soulever. Nous aurons l'occasion, M. le Président, au moment de
l'étude article par article, de discuter de ces modalités avec le
ministre. Non pas que nous ne nous souciions pas de ce qui arrivera aux
travailleurs concernés, puisque ce que nous proposons, au fond, c'est
d'enlever, finalement, le droit de grève à des travailleurs,
probablement les deux tiers des institutions du réseau des
affaires sociales et des services de santé. Pour ces
travailleurs, nous proposons ce que l'on appelle la clause-remorque,
c'est-à-dire que ces travailleurs et ces travailleuses
bénéficieraient des conditions de travail absolument
automatiques, des mêmes conditions de travail que celles d'autres
travailleurs oeuvrant dans un secteur analogue, par exemple les hôpitaux
de soins aigus, des conditions, dis-je, que ces travailleurs auraient obtenues
en négociant librement leur convention collective avec, eux, le moyen de
pression exercé ou non, c'est-à-dire le droit de grève.
Donc, il y aurait un mécanisme d'automatisme qui permettrait aux
travailleurs de n'être nullement pénalisés du fait que ces
travailleurs dans les institutions pour lesquelles nous suspendrions le droit
de grève auraient négocié sans avoir le droit de
grève.
Pour les clauses qui sont difficilement transférables, on pense,
par exemple, à la charge de travail d'une infirmière dans un
hôpital de soins aigus par rapport à la charge d'une
infirmière dans un établissement de soins psychiatriques, nous
prévoyons les mécanismes connus et éprouvés
d'arbitrage ou la formule également des dernières offres finales.
Nous ne sommes absolument pas doctrinaires sur cette modalité. Je pense
qu'il y aurait moyen de rendre justice aux travailleurs. Nous aurions au moins,
comme société, convenu ensemble de protéger ceux de nos
concitoyens qui, dans une situation de grève dans les secteurs public et
parapublic, sont les plus vulnérables et les plus démunis, tout
en garantissant aux travailleurs, aux gens qui travaillent dans ces
établissements des conditions de travail justes et raisonnables avec des
moyens d'exprimer leurs légitimes revendications qui seraient tout
à fait comparables et analogues à ceux-là qui, dans le
secteur public, auraient le privilège ou le droit d'exercer le droit de
grève.
M. le Président, ce sont les propos que mes collègues et
moi allons tenir au cours de ce débat. C'est la raison pour laquelle je
commence mon intervention en la situant exactement dans la perspective qui est
nôtre. Je pense que, d'une façon générale, nos
concitoyens ont très bien compris la position défendue par notre
formation politique sur ce sujet extrêmement important et complexe. Le
ministre y a fait allusion, parce que la société
québécoise a un vécu dans ce domaine de l'exercice du
droit de grève dans les secteurs public et parapublic, et un
vécu, aux yeux de nos concitoyens, qui est loin d'être positif. Il
y a eu, bien sûr, toute la séquence des commissions
parlementaires, des expressions d'intention par le premier ministre au niveau
de son message inaugural, mais j'aurais bien aimé que, d'une part, le
ministre du Travail nous dise les efforts qu'il a faits en dehors du contexte
des négociations ou du renouvellement des conventions collectives, avec
les représentants des travailleurs non pas dans le cadre formel d'une
commission parlementaire, pour discuter des moyens très concrets
à prendre pour garantir la protection minimale qui doit être
offerte aux personnes dans le cas d'une grève dans les secteurs public
et parapublic.
C'est dommage, mais je pense qu'il aurait été
extrêmement intéressant d'entendre le ministre du Travail dire:
Nous avons rencontré telle ou telle catégorie de
représentants des travailleurs. Nous avons ensemble, avec les services
du ministère du Travail et de la Main-d'Oeuvre, examiné ce
vécu des quinze ou vingt dernières années du Québec
dans ce domaine. Nous avons constaté qu'au niveau de certains
établissements, il n'y a pas eu de problèmes majeurs pour les
bénéficiaires. Nous avons constaté que, dans d'autres cas,
moins nombreux - tout le monde en conviendra - il y a eu des problèmes.
Nous avons essayé ensemble d'identifier cela, non seulement dans le
système hospitalier ou dans le réseau des affaires sociales, mais
également, puisque ce projet de loi concerne ce domaine, dans le
transport en commun, dans le domaine de l'électricité,
d'Hydro-Québec, enfin des services publics au sens large, tels que
définis.
Il y a une expertise au niveau de la notion même des services
essentiels. Pourtant, nulle part il n'en est fait mention dans le projet de
loi, puisque le gouvernement décide, après une commission
parlementaire qui a eu lieu au mois de septembre l'an dernier, d'arriver
finalement avec un projet de loi. D'ailleurs, il n'y a strictement, dans aucun
domaine, de définition ou de tentative de définition de ce que
sont les services essentiels pour la population dans le domaine des secteurs
public et parapublic. Or, pour prendre un exemple très simple, le
transport en commun - Dieu sait qu'aujourd'hui, nous pouvons citer cet exemple,
dans la mesure où, encore une fois, les Montréalais sont
privés de l'usage de leur métro aujourd'hui même au moment
où on se parle - tout le monde a dit - mon collègue de
Sainte-Marie a été le premier en cette Chambre à en parler
- que, dans le cas d'une grève du transport en commun à
Montréal, les services essentiels pouvaient consister - tout le monde
était d'accord là-dessus - dans la fourniture des services du
transport en commun aux heures de pointe pour les travailleurs.
Il n'y a pourtant pas grand monde, même pas les syndicats, qui ont
remis en cause cette notion. Ou ce peut-être encore, le transport en
commun pour les personnes handicapées. Voilà deux domaines
très précis où il y a un consensus général
et où même, au moment du conflit dans le transport en
commun au mois de janvier, les syndicats nous ont dit que si le
gouvernement ou les services du ministère du Travail avaient pris
l'initiative de discuter de cette question avec eux avant la période de
la confrontation, il y aurait eu moyen de s'entendre avec les autorités
de la commission de transport pour convenir ensemble de la fourniture des
services essentiels.
Le projet de loi arrive et, là-dedans, il n'y a strictement rien
qui prend acte de ce vécu, qui le met sur la table et qui le soumet
d'ailleurs à l'analyse et à l'expertise d'une rencontre
informelle avec les représentants des travailleurs où je suis
convaincu, on aurait pu, à peu près dans tous les domaines des
services publics, savoir exactement d'où on part et là où
on veut aller. Je pense que si cet exercice avait été fait par
les services du ministère du Travail d'une façon sérieuse,
avec une volonté politique de faire avancer ce dossier, on n'aurait pas
eu ce vide absolument incroyable qui s'est produit entre la commission
parlementaire de septembre dernier jusqu'au moment de la présentation de
ce projet de loi, dans un contexte - il faut rappeler cela aussi - social
extrêmement tendu, puisque, retardant ses échéances et sa
décision de jour en jour, de semaine en semaine et de mois en mois, le
gouvernement a été en quelque sorte pris par sa propre
stratégie ou sa propre indécision. (12 h 20)
Voilà que, dans la perception syndicale, c'est maintenant une
accumulation de lois, comme le projet de loi no 70 qui est débattu
devant cette Assemblée et qui concerne les salaires des gens de la
fonction publique et des autres services, ainsi que le projet de loi sur les
régimes de retraite. Voilà qu'on est obligé de discuter
d'une question éminemment importante pour l'ensemble des citoyens du
Québec et pour les travailleurs concernés, dans un climat de
confrontation, dans un climat se suspicion entre le gouvernement et les
représentants, les principaux porte-parole des travailleurs. Cela, il
faut le regretter, M. le Président, parce que nous demeurons convaincus
que, si le gouvernement ne s'était pas, comme on dit,
traîné les pieds comme il l'a fait sur cette question des services
essentiels, il me semble qu'il y aurait eu moyen de faire beaucoup plus de
progrès qu'on en fait avec le projet de loi no 72. Il y aurait eu moyen
de convenir d'un nombre de choses extrêmement importantes qui auraient
donné à cet appareil bureaucratique et, finalement, assez
technocratique que comporte le projet de loi no 72 quelque chose comme un
contenu, un contenu qu'on aurait senti et que la population aurait perçu
comme étant un pas extrêmement décisif dans la voie du
maintien des services essentiels en cas de conflit dans les secteurs public et
parapublic.
Le ministre n'a pas à être surpris et le gouvernement non
plus des réactions des commentateurs. Évidemment, les centrales
syndicales, dans ce climat de conflit et de confrontation avec le gouvernement,
n'étaient certainement pas pour accepter, au moins dans leur discours,
d'emblée et très facilement un tel projet de loi, mais il y a
plus que cela. Il y a, par exemple, M. Brunet, du comité des malades,
qui a dit sa déception. Il y a le monde des affaires, le Conseil du
patronat, la Chambre de commerce qui ont également exprimé leur
déception. Il y a l'Association des hôpitaux qui a
également exprimé sa déception face au projet de loi. Il y
a l'ensemble des éditorialistes. Je pense à
l'éditorialiste du Soleil qui a semblé assez ouverte aux
propositions gouvernementales, mais, par ailleurs, M. Michel Roy, dans la
Presse, dit: "Hélas, après tout ce temps et tous ces efforts, le
projet de loi déposé tardivement en fin de session - M. le
Président, en plus -ne répond pas aux véritables attentes
de la grande majorité des citoyens." Il y a, je l'ai signalé
tantôt, dans le Devoir: "Un projet de loi incomplet", de M. Jean-Louis
Roy. Il y a, dans la Presse, de nouveau, M. Vincent Prince: "Un projet de loi
décevant".
M. le Président, sur tout ce climat, sur tout ce qui a
entouré cette question des services essentiels, je pense que c'est notre
devoir et notre responsabilité de dire - j'en ai la conviction - au nom
de l'immense majorité de nos concitoyens, notre déception d'avoir
vu le gouvernement du Parti québécois manquer un autre
rendez-vous avec les promesses et les engagements qu'il avait pris depuis quand
même fort longtemps.
Je me rappelle très bien, 1976, lorsque le chef du Parti
québécois faisait face, dans un débat radiophonique, en
pleine campagne électorale, au premier ministre d'alors, M. Bourassa,
sur les ondes de Télémédia. J'écoutais M.
René Lévesque dire: - à ce moment-là,
j'étais en studio avec le premier ministre - compte tenu des
difficultés considérables que l'ancien gouvernement avait eues
dans le domaine des négociations dans les secteurs public et parapublic
et des problèmes que la population avait dû malheureusement subir:
Nous, du Parti québécois, compte tenu de nos rapports avec les
milieux syndicaux où le climat de confiance qui va exister à la
suite de notre élection permettra de résoudre ou enfin
d'améliorer considérablement le climat de négociation dans
les secteurs public et parapublic, c'est cela notre solution, nous allons
rétablir un climat de confiance.
Or, M. le Président, nous avons vu le déroulement des
différents renouvellements de convention collective qui sont loin
d'avoir été marqués au signe de la confiance, au signe du
respect mutuel, et loin d'avoir fourni à nos concitoyens une
protection
adéquate en termes de services essentiels. L'expérience
des six dernières années du gouvernement actuel n'a absolument
pas été concluante dans le sens d'un progrès, bien au
contraire, et on le constate assez brutalement aujourd'hui avec les
problèmes budgétaires et financiers et les projets de loi
déposés par ce gouvernement.
Il y a bien eu, M. le Président, un effort, en 1978 - parce qu'on
entretenait encore, en 1978, un certain préjugé que l'on disait
avoir pour les travailleurs - cet effort de la loi 59 dans le domaine des
services de santé et des services sociaux. À ce moment-là,
le Parti québécois a quand même été assez
fidèle à son programme électoral, à ce qui a
été décidé à ses congrès. Il a
simplement donné aux syndicats le pouvoir d'établir, d'une
façon définitive, la liste syndicale. En cas de mésentente
entre les administrateurs d'un établissement de santé ou de
services sociaux et le représentant du syndicat, le gouvernement du
Parti québécois a donné aux syndicats le pouvoir de dire:
Nous n'arrivons pas à nous entendre, nous décidons simplement et
voilà, nous, les syndicats, disons que les services essentiels, c'est
ceci et cela, sans appel aucun.
Cette expérience a été tentée - je pense que
le projet de loi no 72 en est la conclusion, la preuve que ce que j'affirme est
tout à fait vrai - et a été absolument non concluante
puisque le gouvernement a maintenant l'expression "liste syndicale",
probablement pour calmer certaines appréhensions dans les milieux
syndicaux. Maintenant, ça aurait très bien pu être la liste
patronale. Voilà maintenant qu'un conseil va vérifier si la liste
syndicale est suffisamment complète et, ultimement, le gouvernement.
Donc, M. le Président, par rapport à l'expérience de 1978,
c'est un retrait, le constat et l'admission de la part du gouvernement d'un
échec de faire progresser le dossier.
De la même manière, sur le plan des négociations -
il faut quand même être assez réaliste - on parle d'une
amélioration. Je ne doute pas, M. le Président, de cette
expérience de la société québécoise du
degré - c'est assez ironique qu'on doive parler en ces termes - de
brutalité des confrontations dans les secteurs public et parapublic. Il
y a eu sans doute, si on part de 1968, toujours une certaine
décroissance dans la brutalité des conflits, de la part des
administrateurs publics comme de la part, sans doute, des travailleurs en
milieu hospitalier. Il y a eu une certaine maturité qui s'est
développée et dont on doit prendre acte. Le ministre, je pense, y
a fait allusion et, là-dessus, on en est parfaitement conscient. C'est
sûr que, dans un établissement, ce qui arrive, c'est que les
administrateurs comme les travailleurs ne sont pas des gens qui veulent ou qui
recherchent, d'une façon maladive ou mesquine, à nuire ou
à frapper inutilement les bénéficiaires des services de
santé et des services sociaux. Mais les uns comme les autres, les
travailleurs en cause comme les administrateurs, sont pris par l'inertie
combien brutale d'une machine à négociation, cette espèce
de grand rendez-vous que la société québécoise a
plus ou moins institutionnalisé dans les 20 dernières
années, un affrontement majeur entre les appareils syndicaux et
l'appareil gouvernemental.
Les travailleurs sont embarqués, pour ainsi dire, dans cette
dynamique et, en fin de compte, il en résulte qu'il y a des gens, des
bénéficiaires des services de santé et des services
sociaux ainsi que des services publics qui doivent payer la note de cette
confrontation majeure qui existe malheureusement. On a discuté quand
même pas mal de cela en commission parlementaire, je me le rappelle, dans
le domaine de l'éducation, dans le domaine des services de santé
et des services sociaux.
Le projet de loi no 72 ne modifie en rien, n'améliore en rien les
appareils bureaucratiques, qu'ils soient d'ordre syndical ou d'ordre
gouvernemental, qui s'affrontent périodiquement à tous les trois
ou quatre ans, au moment du renouvellement des conventions collectives. Pas un
mot sur le caractère hautement centralisé des négociations
dans le projet de loi no 72, pas un mot pour améliorer les
mécanismes de négociation. (12 h 30)
M. le Président, c'est bien sympathique d'entendre le ministre du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu nous
dire qu'il veut affirmer la primauté des droits humains sur les autres
droits. Très bien, on veut bien croire ses intentions, mais
malheureusement, à ce deuxième chapitre, le projet de loi ne fait
strictement rien qui puisse éviter de permettre aux deux appareils
bureaucratiques de frapper d'une façon très brutale les
bénéficiaires des services de santé et des services
sociaux.
C'est sûr qu'il ne faut quand même pas exagérer
l'ampleur des problèmes vécus par les gens, mais il reste
également que le bilan du Parti québécois... Par exemple,
dans le domaine du secteur public, on voit que les progrès sont quand
même très peu perceptibles puisque, d'après les chiffres du
ministère du Travail, en 1976 le nombre de jours-hommes perdus dans le
secteur public était de 1 394 159. En 1980, il y a probablement eu une
certaine augmentation des effectifs, c'était 1 003 000 ou 1 004 000.
Donc, la situation, dans l'ensemble des services publics, a été
sensiblement la même.
Le gouvernement a eu cette responsabilité. En 1976, en tout cas
dans le verdict de la population, c'était sans doute une question
extrêmement importante et je
pense que les gens exprimaient une volonté d'améliorer les
choses, et on se retrouve, après cinq ou six ans d'administration de ce
gouvernement, avec un projet de loi que tout le monde dit décevant, un
projet de loi qui passe littéralement à côté de la
question, qui passe certainement à côté d'une question
très fondamentale qui est celle des personnes âgées, des
personnes handicapées, des malades psychiatriques et des malades
chroniques ou des gens qui sont dans les institutions. Là-dessus, on
n'arrive même pas à régler ce problème, à
donner à ces gens-là la sécurité, et le projet de
loi, malheureusement, ne le fait absolument pas, malgré, d'ailleurs, les
promesses répétées du premier ministre.
J'ai des citations du premier ministre qui sont assez évidentes.
Par exemple, en 1980, le premier ministre disait: "II n'y a pas beaucoup de
Québécois qui soient satisfaits de la tournure qu'a encore prise
la dernière ronde de négociation dans le secteur public." Le
premier ministre lui-même parlait de sa propre performance comme chef de
gouvernement dans le secteur public et de la perception que les gens en
avaient. "Même si les perturbations et les dégâts n'ont pas
atteint l'ampleur des rondes précédentes, ces grèves
répétées et apparemment inévitables dans des
services aussi vitaux que les hôpitaux, les maisons d'hébergement,
les centres d'accueil et les écoles ont vraiment pris l'allure, chez
nous, d'un mal incurable."
En regardant le projet de loi du ministre qui vient d'une façon
tellement tardive - et je pose la question à nos concitoyens comme
à l'ensemble du public -compte tenu de l'histoire et du vécu au
cours des quinze ou vingt dernières années de la
société québécoise dans ce domaine-là, tout
cet appareil que l'on met en place et qui manque la cible sur des affaires
où tout le monde pourrait convenir que cela n'a pas de bon sens, des
grèves quand ce sont les personnes âgées, les
handicapés, les malades chroniques qui sont affectés, est-ce
qu'on peut dire honnêtement que le projet de loi no 72 constitue un
remède pour le mal que le premier ministre disait incurable en 1980?
Honnêtement, je ne pense pas que l'on puisse dire ça et tout le
monde l'a affirmé avec nous au sujet du projet de loi.
Le ministre a fait allusion à son projet de loi. Ce projet de loi
a au moins un mérite, c'est de chercher à embrasser l'ensemble
des services publics et parapublics, à soumettre autant le domaine de la
santé des services sociaux que les autres services publics dans un
certain cadre juridique. Là-dessus on ne contestera pas le mérite
du projet de loi no 72, mais tout n'est pas, face à un problème
extrêmement important, d'établir le cadre ou d'en convenir. Il
faut qu'il y ait, à l'intérieur de cela, quelque chose à
donner, à offrir. On voit, simplement dans le domaine de la santé
et des services sociaux, qu'on revient avec un conseil du maintien des services
de santé qui, dans le fond, est exactement, en version amoindrie au
niveau de la liste syndicale, l'expérience de 1978 lors du
dépôt de la loi de l'actuel ministre des Affaires sociales qui,
à ce moment-là, était ministre du Travail. Finalement,
c'est exactement la même chose. C'est un conseil où on retrouve
des représentants des administrateurs et des représentants
syndicaux, donc, un conseil qui va, au fond, créer un lieu où la
confrontation qui va exister sur le terrain, dans la mesure où il y a
une négociation et où il y a conflit, va se transposer au niveau
d'un tel conseil, avec trois représentants des
bénéficiaires qui, en quelque sorte, vont agir comme
arbitres.
Notre prétention, sur le maintien des services essentiels,
était justement - et nous l'avons dit et répété en
commission parlementaire - de faire en sorte de sortir du champ de rapport de
forces que comporte toute négociation de convention collective la
question des services essentiels, parce que c'est une valeur profonde qui ne
doit être négociée de quelque façon que ce soit ou
soumise à un rapport de forces. Ce sont des choses dont on doit convenir
et qui sont évidentes parce qu'elles traduisent les valeurs profondes
d'une société et son attachement aux valeurs du respect des
personnes et du respect des gens.
Là, on institutionnalise, en quelque sorte, la question
d'assujettir la détermination des services essentiels au rapport de
forces. Ce conseil, qui n'est même pas en place, qui n'existe que sur
papier, au niveau du projet de loi, car personne n'y est nommé, va
devoir se mettre en place pour arriver à vérifier le
caractère suffisant ou insuffisant des ententes ou des listes avant le
30 septembre prochain, puisque les conventions collectives expirent le 31
décembre. Durant la période de l'été, tous les
établissements devront commencer le processus de négociation des
ententes; en cas de non-entente, on arrivera avec la liste syndicale qui sera
vérifiée par un conseil qui doit, dit-on, s'assurer de son
caractère suffisant ou insuffisant.
Nulle part il n'est même dit - et l'Assemblée nationale
aura l'occasion de le dire au conseil - sur quels critères il devra
vérifier ce caractère suffisant ou insuffisant. Au moins, je
crois que, dans le rapport Picard, dans l'ancien conseil, on avait parlé
d'un protocole cadre, de certaines choses essentielles que devaient comporter
les ententes. On ne retrouve pas cela dans le projet de loi. Je sais, pour en
avoir causé avec le ministre, que le fait d'inclure des critères
dans la loi, cela peut donner prise à une certaine judiciarisation du
processus et ouvrir des recours aux gens qui disent que le
conseil n'a pas... Nous pourrons en discuter avec le ministre, mais il
me semble que ce serait l'occasion. Il y a quand même un critère
inclus et qui est sans doute valable, celui de l'accès aux
établissements. Voilà, il y en a un.
On connaît les problèmes qui sont survenus. Je me rappelle
la commission parlementaire. Dans la région d'Arthabaska, par exemple,
les parents, à un hôpital qui offrait des services de
pédiatrie, se voyaient refuser l'accès à
l'établissement pour aller visiter leurs enfants, sous prétexte
qu'il y avait des lignes de piquetage, etc. On a inclus celui-là. Si on
inclut celui-là, pourquoi ne pas en inclure d'autres qui nous paraissent
très essentiels? Nous aurons l'occasion d'en discuter avec le
ministre.
Il y a aussi le principe, autant dans le service public que dans le
service parapublic, dans le domaine de la santé, de l'intervention
finale du gouvernement. Bien sûr, on n'a pas donné au conseil des
pouvoirs judiciaires ou quasi judiciaires, c'est-à-dire le pouvoir de
décider. Le conseil ne fera rapport qu'au gouvernement. En cela, nous
pouvons reconnaître que le gouvernement fait un choix. Nous pensons - en
tout cas, c'est notre programme électoral, c'est l'essentiel de la
position que l'on a adoptée -nous croyons, nous aussi, que le
gouvernement, à cet égard, doit assumer ses
responsabilités. (12 h 40)
La difficulté du projet de loi, c'est la distance et ce sont les
délais, avant qu'une action gouvernementale puisse être faite. Il
y aura négociation d'une entente des services essentiels. En cas de
mésentente, ce sera la liste syndicale. La liste syndicale prendra le
chemin du conseil qui est créé, qui vérifiera si c'est
suffisant ou pas suffisant, qui portera un certain jugement, donnera un avis au
gouvernement et, finalement, le gouvernement, au Conseil des ministres,
décidera. Voyez tout l'espace de temps qui risque d'exister entre un
problème vécu par des bénéficiaires et une action
du gouvernement qui doit s'avérer efficace parce que ce sont des
situations inadmissibles qu'on a à traiter. M. le Président, pour
ces raisons, moi et d'autres de mes collègues nous aurons l'occasion de
nous exprimer sur ce projet de loi pour dire notre insatisfaction de la
législation que le gouvernement finalement a apportée
après quatre ou cinq ans de tergiversations; après les six
derniers mois d'inaction du gouvernement, arriver avec un pareil projet de loi
dans un contexte de confrontation avec les syndicats, ce n'est certainement pas
une bonne chose. Cela ne peut que nuire à la discussion sereine par les
parties en cause d'un tel projet de loi et que nuire à son
efficacité.
Deuxièmement, M. le Président, je réaffirme, parce
que c'est extrêmement important, à notre point de vue, que dans un
certain sens, et dans un sens d'ailleurs plus que certain, le projet de loi
constitue à mon avis un acte de démission de la part du
gouvernement, un acte de démission face aux personnes
âgées, face aux personnes handicapées, face aux malades
psychiatriques, face aux gens qui vivent dans les établissements de
soins prolongés. Je le réitère en terminant. Je crois que
le gouvernement a très gravement manqué à ses
responsabilités en n'ayant pas le courage de dire que sur ce minimum
humain nous aurions pu convenir d'assurer à ces gens une protection
adéquate. Malheureusement, la loi ne leur accorde pas une protection.
C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous voterons contre ce
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre de la
Justice.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, comme vous j'ai entendu
le député de Jean-Talon parier abondamment des attentes de la
population. À entendre parler le député de Jean-Talon
maintenant qu'il est dans l'Opposition, il donne l'impression que tout cela
semble tellement facile de régler le problème fondamental des
services essentiels dans le domaine des relations du travail. C'est
plutôt surprenant de l'entendre. Lui-même a évoqué
qu'il a déjà été membre du cabinet du premier
ministre Bourassa. Dans ce temps, les problèmes auxquels nous sommes
confrontés présentement existaient. Il s'est bien gardé de
dire que même si ces problèmes existaient à ce moment, rien
n'a été fait par le Parti libéral qui assumait la
responsabilité gouvernementale, pour essayer justement
d'améliorer ce respect fondamental des services essentiels, surtout
concernant les personnes qui sont frappées, qui sont les plus
démunies lorsque des problèmes se posent au niveau des relations
du travail ou des négociations. Le député de Jean-Talon,
tout en disant que ce projet de loi constitue une amélioration
importante - il a, d'ailleurs, évoqué que nous avions
déjà agi dans certaines circonstances, il y a quelques
années, comme gouvernement; c'est un autre projet de loi qui va dans le
sens d'une amélioration, nous le soutenons, très importante et
qui essaie de concilier, ce qui n'est pas facile, tous les
intérêts en cause -annonce du même souffle que son parti
s'apprête à voter contre cette amélioration, alors qu'il
nous semble qu'une attitude responsable aurait été de se
déclarer d'accord, quand même, en fonction des
améliorations, quitte à y aller de propositions positives qui
soient susceptibles d'être analysées par le gouvernement. Nous
n'avons pas, au niveau du discours fait par le député
de Jean-Talon, entendu tellement de suggestions qui, peut-être,
seraient de nature...
Le député de Jean-Talon nous fait des signes. Je pense
qu'il a essentiellement la même préoccupation que le gouvernement,
celle d'améliorer l'ensemble des relations du travail, surtout lorsqu'on
parle de négociations dans les secteurs public et parapublic, en
fonction des plus démunis. Quand même, je crois que l'opposition
qui semble s'annoncer face au projet de loi est plutôt surprenante, parce
qu'il y a toujours possibilité d'améliorations et, sur cela, le
gouvernement et le ministre du Travail sont ouverts.
M. le Président, comme mon collègue, le ministre du
Travail, a abordé l'ensemble du projet de loi, sa philosophie et ses
objectifs, j'aborderai d'une façon spéciale, tel qu'il l'a
indiqué dans son discours, la partie du projet de loi qui traite des
améliorations qui sont apportées pour l'exercice du recours
collectif, des amendements qui - je tiens à le mentionner - s'appliquent
non seulement dans le domaine des relations du travail en fonction du respect
des services essentiels, mais s'appliquent aussi dans tous les recours pour
l'ensemble des Québécois et des Québécoises.
Effectivement, M. le Président, le projet de loi que nous
étudions présentement comporte une série de modifications
importantes visant à élargir et à améliorer
l'utilisation d'un recours judiciaire qui, déjà depuis trois ans,
est venu combler un besoin fondamental des justiciables
québécois, à savoir le recours collectif. S'inspirant de
la philosophie même d'un recours collectif, qui est de permettre à
un regroupement de citoyens et de citoyennes de faire valoir une
prétention à un droit et d'obtenir justice, ce projet de loi
ajoute une dimension importante aux possibilités d'une telle
procédure en facilitant l'exercice de ce recours aux
bénéficiaires de services de santé et de services sociaux
qui auraient subi un préjudice à la suite du non-respect de la
loi visant à assurer - ce qui est notre préoccupation - le
maintien des services essentiels dans ces domaines vitaux.
Effectivement, M. le Président, après trois ans d'usage,
il nous est apparu nécessaire de parfaire certains mécanismes,
d'assouplir certaines procédures, bref d'apporter des
améliorations très importantes que l'expérience commandait
et que les utilisateurs du recours collectif avaient sollicitées du
gouvernement.
En effet, depuis son instauration en janvier 1979, le recours collectif
a fait la preuve de son utilité, a démontré, par le nombre
des requêtes inscrites, qu'il correspondait aux attentes de la
population. Cependant, il est clair que l'usage a permis de déceler
certaines failles qu'il convient de corriger, ce que nous faisons par le projet
de loi qui est à l'étude présentement.
Cinq principales difficultés qui entraveraient le bon
fonctionnement du recours collectif nous ont été
signalées. C'est à les éliminer que s'emploie le projet de
loi qui est devant nous aujourd'hui, pour la partie qui traite
particulièrement du recours collectif, tout en ajoutant que ces
améliorations valent généralement pour tous les
justiciables du Québec.
Un des obstacles reliés à l'exercice du recours collectif
concerne le montant des honoraires judiciaires que peut être
appelé à payer le demandeur. En effet, en raison du montant de
l'action, l'application de la règle dite du 1%, à l'article 23 du
tarif des honoraires judiciaires d'avocat, risquait d'entraîner pour le
requérant l'obligation de rembourser une somme disproportionnée
eu égard à sa capacité de payer et à l'avantage
personnel qu'il peut en retirer, de sorte que cette situation avait un effet
dissuasif pour les représentants éventuels. (12 h 50)
Afin de résoudre - c'est dans le projet de loi que nous avons
à étudier présentement - ce problème et, par le
fait même, de favoriser davantage l'exercice de ce recours, le projet de
loi contient une modification au Code de procédure civile qui vise
à soustraire l'application de l'article 23 du tarif des avocats. En
effet, lorsqu'il y a condamnation aux dépens, les honoraires judiciaires
seront calculés comme s'il s'agissait d'une action dont la valeur en
litige se situe entre 1000 $ et 3000 $ exclusivement. Conformément aux
tarifs, des honoraires spéciaux tenant compte de l'importance de la
cause et sans égard à la participation financière du fonds
d'aide pourront être accordés sur présentation d'une
requête du procureur, requête qui sera signifiée à la
partie adverse au fonds d'aide et qui sera signifiée également au
fonds d'aide lorsque ce dernier s'est conformé à l'obligation de
déposer au greffe de la cour le dispositif de la décision qui
attribue l'aide telle que prévue à la Loi sur le recours
collectif.
M. le Président, un autre problème -c'est dans le projet
de loi que nous étudions présentement - se posait concernant
l'utilisation du recours collectif. En effet, il est apparu à l'usage
que la décision autorisant le recours collectif a presque
systématiquement fait l'objet d'appel. L'expérience tend à
démontrer que cette procédure d'appel fut utilisée,
à toutes fins utiles, comme moyen dilatoire de la part du
défendeur. En raison des délais qui en découlent
s'ensuivent des retards indus dans l'appréciation de la demande sur le
fond qui tendent à décourager les requérants, à les
désintéresser de la cause et qui, finalement, peuvent les
conduire à abandonner un recours utile. Il nous semble donc important
et
opportun de modifier les règles actuelles de l'appel en cette
matière. Ainsi, l'appel n'est maintenu que lors du refus de la demande
d'autorisation d'exercer le recours collectif. Dans ce cas, en effet, la
décision équivaut à un jugement final et il importe donc
que les parties bénéficient de tous les recours. Dans le cas
où la demande est accueillie, le droit d'appel apparaît moins
nécessaire, puisque le défendeur pourra toujours faire valoir ses
moyens de défense sur la demande elle-même.
M. le Président, un autre point nous semblait susceptible
d'amélioration. Tout cela est contenu dans le projet de loi contre
lequel semble vouloir voter l'Opposition. En effet, comme on le sait, la
situation actuelle permet à un représentant, avant qu'il ne soit
autorisé ou avant qu'il ne forme sa demande, de poser certains actes
susceptibles de compromettre les droits des membres du groupe dont il fait
partie.
Ainsi, ce représentant peut accepter des offres du
défendeur, accepter une confession partielle de jugement, se
désister, renoncer à son statut ou même laisser tomber la
demande ou la laisser se périmer. De telles situations peuvent
être avantageusement exploitées par le défendeur, car les
garanties prévues actuellement dans la loi à l'égard des
membres du groupement ne valent que si la demande a été
formée. C'est pourquoi il y a dans le projet de loi une modification qui
vise à encadrer les règles relatives à l'abandon par le
représentant pour éviter justement que cela ne se fasse à
l'encontre des intérêts de tous les autres membres qui
appartiennent au groupe.
M. le Président, le projet de loi précise et
élargit également la possibilité du recours de la part des
groupements. Actuellement, les critères d'admissibilité au statut
de représentant pour les groupements sont très restrictifs. En
effet, en plus de limiter ce droit aux corporations sans but lucratif et aux
associations de salariés, la loi exige que le groupement existe au
moment où naît le droit que l'on désire faire valoir.
Or, on le sait très bien, le domaine des relations du travail
peut être un exemple, surtout lorsqu'on parle de négociation, qui
illustre très bien l'obligation d'apporter une amélioration. Dans
certaines situations, il peut arriver que des personnes décident de se
regrouper en raison du préjudice subi étant, à toutes fins
utiles, dans l'impossibilité de le faire auparavant. Je crois que cela
peut s'appliquer d'une façon particulière dans le domaine des
relations du travail ou des négociations lorsque celles-ci sont en
difficulté.
Il nous a donc paru essentiel d'étendre le droit des
représentants aux associations coopératives et que ce statut
puisse être obtenu par des groupements formés même
après la naissance du droit à faire valoir. Cette modification
aura donc pour effet d'élargir la portée de l'exercice du recours
collectif et d'en favoriser l'usage. Encore une fois, M. le Président,
ces dispositions ne s'appliquent pas seulement en fonction de l'objet du
présent projet de loi concernant les relations du travail, mais
s'appliquent également - je le dis pour l'ensemble des justiciables
québécois - dans tous les domaines.
Enfin, M. le Président, comme vous le savez, les pouvoirs
financiers du fonds d'aide sont actuellement fort limités. Par exemple,
celui-ci ne peut contracter un emprunt ou prendre des engagements financiers
dont le montant dépasse, dans un exercice financier, la valeur des
sommes mises à sa disposition pour ce même exercice. Ces limites
compliquent la tâche du fonds d'aide et paraissent peu compatibles avec
ses obligations et l'objectif qui est justement de favoriser l'utilisation du
recours collectif par les justiciables, tant dans le domaine des relations du
travail que dans tous les autres domaines. Il s'avère donc essentiel de
modifier la loi et c'est ce que nous faisons par ce projet de loi. Il
s'avérait essentiel de modifier la Loi sur le recours collectif de
façon à assouplir les dispositions relatives aux pouvoirs
financiers du fonds d'aide pour lui permettre de remplir plus
adéquatement sa tâche qui est d'assurer le financement des recours
collectifs.
M. le Président, ce sont les cinq points très importants
que je voulais souligner et sur lesquels des améliorations sont
apportées dont pourront se prévaloir tous les justiciables du
Québec. En guise de conclusion, je veux réaffirmer que le recours
collectif est un instrument de progrès social au Québec et on
sait jusqu'à quel point l'actuel ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu en a été
un des premiers promoteurs. Je crois que le recours collectif a reçu un
très bon accueil puisque, depuis janvier 1979, 82 requêtes pour
autorisation d'intenter un recours collectif ont été
déposées devant la Cour supérieure. De ce nombre, 40
dossiers étaient encore en instance au 31 mars 1982, alors qu'en
Ontario, entre 1975 et 1980, seulement 15 recours ont été
acceptés et que les tribunaux en refusaient 10 autres, pour un total de
25 déposés.
À ce jour, au Québec, M. le Président, quatre
jugements ont accueilli les recours collectifs, mais aucun d'entre eux n'a
encore été exécuté. Il y a eu quelques
règlements hors cours, cependant, qui ont fait suite au
dépôt de requêtes en recours collectif, dont un
règlement de 140 000 $ que plusieurs membres de cette Chambre peuvent
avoir à l'esprit, surtout lorsqu'on parle des relations du travail. Au
total, le fonds d'aide au recours collectif a attribué 177 000 $.
Tout cela démontre, je pense, la nécessité
d'assurer la continuité et le développement harmonieux de ce
moyen moderne d'obtenir justice auquel, d'ailleurs, a contribué le
ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu lorsqu'il s'est agi de traduire tout cela dans un projet de loi.
En terminant, j'aimerais rappeler que les amendements que nous proposons
aujourd'hui au Code de procédure civile et à la Loi sur le
recours collectif, tels l'assouplissement apporté aux règles de
l'appel et des honoraires judiciaires, l'élargissement de la notion du
statut représentant une meilleure protection des intérêts
des membres pour un encadrement de l'abandon par le représentant et les
améliorations apportées au pouvoir financier du fonds d'aide,
sont autant de mesures qui, en facilitant l'exercice du recours et en en
améliorant l'accès, vont sûrement en favoriser une plus
grande utilisation. J'espère que cela contribuera à faire du
recours collectif non seulement un moyen plus efficace entre les mains des
justiciables, surtout les plus démunis, pour exiger le respect des
services essentiels auxquels ils ont droit, mais, également, un moyen
efficace entre les mains de tous les justiciables québécois dans
tous les autres domaines qui peuvent donner ouverture à ce genre de
recours devant nos tribunaux. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de
l'Opposition.
M. Pagé: M. le Président, au nom de ma
collègue, Mme la députée de L'Acadie, je voudrais demander
la suspension du débat.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Brassard: Suspension de nos travaux jusqu'à 15 heures,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Suspension
de nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 01) (Reprise de la
séance à 15 h 01)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! Veuillez vous asseoir. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Brassard: On reprend le débat, M. le Président,
sur le projet de loi no 72.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Reprise du débat sur le projet de loi no 72, Loi modifiant le
Code du travail, le Code de procédure civile et d'autres dispositions
législatives.
Mme la députée de L'Acadie, vous avez la parole.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Le projet de loi
no 72 est probablement, à mon point de vue et aux yeux de la population,
le projet de loi le plus important qu'un gouvernement puisse adopter puisqu'il
mesure la volonté politique d'un gouvernement de respecter et de faire
respecter l'intégrité physique, psychologique et morale des
citoyens.
Nous attendions depuis longtemps ce projet de loi qui devait remplacer
la loi 59, laquelle prévoyait les mesures à prendre en cas de
conflit quant aux services essentiels à assurer à la population.
Nous avons eu droit, après bien des tergiversations, à une
commission parlementaire qui avait été annoncée au moins
un an et demi avant qu'elle ne soit tenue. Depuis que cette commission
parlementaire a été tenue, à l'automne, nous attendions ce
projet de loi, sentant que l'échéance se rapprochait de plus en
plus, compte tenu que, dès le mois de décembre, les conventions
collectives seront échues et que les syndicats acquerront au mois de
janvier, le droit de grève.
Inutile d'insister sur le retard du gouvernement à agir dans ce
domaine. Il est fort évident que le gouvernement, pour ses lenteurs
à agir, mérite certainement un blâme sévère
qui s'adresse, d'une façon plus particulière, au ministre du
Travail et auquel on ne peut soustraire non plus le ministre des Affaires
sociales qui, pourtant, lors des dernières négociations,
était ministre du Travail. Il a été mis au courant des
problèmes sérieux et très graves auxquels les centres
hospitaliers, les centres d'accueil ont dû faire face durant les
dernières négociations. En dépit de tout cela, il a
observé un silence difficilement explicable et, aujourd'hui, nous nous
retrouvons avec ce projet de loi.
Ce projet de loi, tel que les notes explicatives l'indiquent, a pour
objet de consacrer la primauté du droit des citoyens de continuer
à bénéficier de services jugés essentiels, lorsque
les travailleurs exercent leur droit de grève dans les services de
santé, dans les services sociaux et dans
certains services publics. M. le Président, nous nous inscrivons
en faux contre une telle affirmation qui apparaît aux notes explicatives.
Hors de tout doute, compte tenu de l'expérience que nous avons
vécue, non seulement durant la dernière négociation, mais
les négociations antérieures, il est fort évident que
l'outil dont veut se doter le gouvernement par cette loi sera totalement
inefficace pour assurer les services essentiels à la population en temps
de conflit dans le monde hospitalier.
Pourquoi la loi sera-t-elle inefficace? D'abord, parce qu'il faut bien
l'admettre, je pense que c'est fort évident, elle diffère
très peu de la loi 59 qui, on le sait, a fait ses preuves d'une
façon convaincante quant à son inefficacité pour assurer
les services essentiels. J'ai vécu, M. le Président, depuis 1979,
les effets de la loi 59 qui devaient assurer les services essentiels à
travers toute la ronde des dernières négociations et même
depuis, à l'occasion de conflits plus sporadiques dans certaines
institutions. Il est fort évident que nous sommes presque toujours au
point zéro quant à la possibilité d'assurer vraiment d'une
façon efficace les services essentiels. D'abord, le gouvernement confie
à un conseil, appelé Conseil des services essentiels, de la
même façon que dans la loi 59, le droit d'examiner les listes de
services essentiels qui auront été établies par la partie
patronale et par la partie syndicale à l'intérieur des
institutions et, dans le cas où celles-ci ne s'entendraient pas,
lui-même présentera une liste de services qu'il juge essentiels et
qui serait entérinée par décret par le gouvernement.
M. le Président, c'est porter à un haut taux
d'inefficacité le fonctionnement de ce qui devrait être un
procédé simple pour établir les services essentiels. Il
faut se rappeler de quelle façon a fonctionné le conseil des
services essentiels durant la dernière négociation. On sait fort
bien que tout, en temps de grève, se passe d'une façon
extrêmement rapide dans les centres hospitaliers. Avec le projet de loi
qu'on nous présente, on retourne à la même formule: la
partie patronale et la partie syndicale à l'intérieur des
institutions établissent une liste de services essentiels. Au cas
où on ne s'entend pas, c'est finalement le syndicat qui établit
la liste des services essentiels, laquelle sera soumise au jugement du conseil
qui, lui, n'a aucun pouvoir pour faire appliquer une nouvelle liste de services
essentiels. Il n'a aucun pouvoir. Il peut simplement faire des recommandations
au Conseil des ministres. On sait fort bien quelle est l'attitude d'attentisme
qui a caractérisé le gouvernement actuel lors des
dernières négociations. Je pense que personne n'a oublié
l'espèce de torpeur qui frappait le ministre du Travail et plus
particulièrement le ministre des Affaires sociales du temps qui, chaque
fois que des situations extrêmement graves lui étaient
apportées, que ce soit en cette Chambre ou à l'extérieur,
par les représentants des malades, par les représentants des
administrations hospitalières, de tous les professionnels de la
santé, disait: Tous les services essentiels sont assurés. Si bien
que quand, finalement, on a décidé d'agir par une loi
spéciale, parce que la situation, globalement, échappait à
son contrôle depuis déjà plusieurs mois, dans la
région de Québec en particulier, les malades avaient
été l'objet de privations et la population, en
général, avait été privée des services que
notre Loi sur les services de santé et les services sociaux lui
permet.
M. le Président, je m'étonne, à la suite de la
commission parlementaire que nous avons tenue où il est devenu
évident, hors de tout doute, que les patients sont soumis à des
privations et à des risques élevés, que le gouvernement se
cantonne dans une attitude qui m'apparaît tout à fait
irresponsable, une attitude bureaucratique, une attitude qui nous
présente un mode de fonctionnement qui n'allégera rien et qui, au
contraire, alourdira davantage la prise de décisions. (15 h 10)
Je vais vous donner un exemple concret. Il y a environ un an, à
l'Hôpital Rivière-des-Prairies - on n'était pas dans un
contexte de négociation, mais dans un contexte de grève
illégale - il a fallu six jours avant que le ministre des Affaires
sociales actuel en arrive finalement à décider que si les
employés ne retournaient pas au travail, on prendrait les grands moyens,
alors que, durant la grève précédente, c'est-à-dire
une année ou deux ans auparavant, à l'Hôpital de
Rivière-des-Prairies, on avait dit, que si la grève continuait
plus de 48 heures, les enfants seraient mis en danger. Pourtant, même si
c'était une grève illégale, il a fallu six jours de
grève avant que le gouvernement intervienne d'une façon un peu
plus rigoureuse, de telle sorte que, finalement, les employés sont
retournés au travail.
M. le Président, je voudrais dire aussi que je ne crois pas que
la primauté du droit des citoyens de continuer à
bénéficier des services essentiels sera assurée par cette
loi, telle qu'elle nous est présentée, car elle fait fi,
particulièrement dans le cas des personnes âgées et des
enfants, de ce qui est prévu à notre Charte des droits et
libertés de la personne. On peut y lire à l'article 39: "Tout
enfant a droit à la protection, à la sécurité et
à l'attention que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui
en tiennent lieu." On peut également lire à l'article 48: "Toute
personne âgée ou toute personne handicapée a droit
d'être protégée contre toute forme d'exploitation. Toute
personne a aussi droit à la protection et à la
sécurité
que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent
lieu." On pourrait également lire dans la loi 65 sur les services de
santé et services sociaux que "le ministre exerce les pouvoirs que la
présente loi lui confère de façon à rendre
accessible à toute personne, d'une façon continue et pendant
toute sa vie, la gamme complète des services de santé et des
services sociaux, y compris la prévention et la réadaptation, de
façon à répondre à ses besoins aux plans physique,
psychique et social."
M. le Président, quand on voit qu'on va devoir se fier à
une structure bureaucratique qui n'aura aucun pouvoir, qui va devoir faire face
forcément à des délais considérables pour assurer
non seulement les services généraux, mais les services
essentiels, je pense qu'on peut accuser le gouvernement de ne pas faire face
à ses responsabilités et, encore une fois, de soumettre aux
aléas des conflits de travail la santé et la
sécurité des personnes. Ceci est d'autant plus grave dans le cas
des enfants et des personnes âgées qui sont soit dans les centres
hospitaliers de soins prolongés, soit dans les centres d'accueil, soit
dans les centres d'accueil pour enfants, parce que ces populations sont des
populations captives. Ce sont des centres qui sont occupés, on le sait
fort bien, à des taux de 95%, 100% et des fois 110%,
particulièrement souvent dans les hôpitaux psychiatriques, et ces
personnes sont vraiment sous la responsabilité presque totale de
l'État. Leur foyer, c'est l'hôpital, c'est le centre d'accueil. Ce
n'est pas le type de personnes qui peuvent être retirées de
l'hôpital ou qui peuvent être retirées du centre d'accueil
pour être remises à la famille dans la très grande
majorité des cas. Si bien qu'à ce moment-là, compte tenu
aussi des conditions physiques ou de l'état physique extrêmement
difficile, particulièrement dans les centres de soins prolongés,
de la grande dépendance de ces personnes vis-à-vis du personnel
qui s'en occupe, même la notion de services essentiels s'estompe devant
la nécessité de leur apporter, à toute heure du jour et de
la nuit, les services dont elles ont besoin.
M. le Président, ce Conseil des services essentiels, nous en
avons fait l'expérience lors de la dernière négociation,
sera composé de personnes aux intérêts divergents. Si, la
dernière fois, le conseil sur le maintien des services essentiels a si
peu fonctionné, une des raisons, cela a été justement la
divergence des intérêts à l'intérieur de ce conseil,
d'un côté la partie syndicale, d'un autre côté la
partie patronale, qui doivent évaluer - vous vous imaginez, M. le
Président - le maintien effectif des services essentiels lors d'une
grève. Ce conseil devra également décider, dans telle ou
telle grève, quand un service pourra avoir pour effet de mettre en
danger la santé ou la sécurité publique. Comment
allez-vous établir cela dans une institution pour malades chroniques, M.
le Président? C'est ce qui d'ailleurs avait ralenti le fonctionnement du
conseil sur le maintien des services essentiels lors de la dernière
négociation. Comme on ne parvenait pas à s'entendre à
l'intérieur de ce conseil - le ministre le sait fort bien - on a rendu
publics des rapports qui ne faisaient pas état de toutes les conditions
dans lesquelles se déroulait la vie des institutions au moment des
derniers conflits, lors de la négociation dans les secteurs public et
parapublic.
M. le Président, le ministre, avec raison, disait: II faut faire
confiance aux syndiqués. Je pense que notre loi est basée sur cet
appel à la confiance, à la bonne foi des deux parties, et nous en
sommes.
Il ne s'agit pas ici de culpabiliser soit les syndiqués, soit la
partie patronale ou soit les administrateurs. Ce qu'il faut bien comprendre,
c'est que, dans une négociation, c'est un rapport de forces et, dans le
cas particulier qui nous occupe, celui des malades, c'est le malade
lui-même qui devient le tampon ou l'objet de ce rapport de forces entre
la partie syndicale et la partie patronale. C'est dans ce sens-là
qu'avec raison la Coalition pour le droit des malades dit que, dans ces
circonstances, les malades eux-mêmes deviennent les otages entre la
partie patronale et la partie syndicale.
Ajoutons à ceci, M. le Président, le fait - c'est fort
bien connu - que, d'un côté, les administrateurs et le
gouvernement et, de l'autre, les syndiqués doivent ménager
l'opinion publique. Il y a une espèce de connivence qui s'établit
entre les deux parties pour ne pas présenter une image trop
négative de leur comportement, si bien que toute la vérité
ne réussit jamais à sortir. Ceux qui sont sans défense,
sans pouvoir de réaction à ce qui se passe à
l'intérieur des établissements demeurent toujours les
victimes.
Le ministre ajoute cette possibilité de recours collectif pour
les patients, pour ceux qui seraient victimes d'injustices. Je m'étonne
qu'il ait même songé à introduire ceci dans le
présent projet de loi comme étant une panacée à des
problèmes aussi importants que ceux dont on parle. Le recours collectif,
c'est bien. On sait que, déjà, la population s'en est servi, des
groupes s'en sont servi et que, même dans un cas, le président de
la Coalition pour le droit des malades, M. Claude Brunet, s'en est servi et a
eu gain de cause, si bien qu'il y a eu un règlement hors cour pour
réparer les injustices qui étaient survenues lors d'un
arrêt de travail. Mais, M. le Président, dans les centres de soins
prolongés, dans les centres hospitaliers pour malades psychiatriques,
dans les centres d'accueil où
se retrouve de plus en plus une population très lourde que l'on
catalogue dans notre jargon de A-3 et de A-4, enfin une population qui se
rapproche de plus en plus de la population des hôpitaux et des centres
hospitaliers de soins prolongés, comment pouvons-nous penser que ces
personnes auront d'abord les énergies nécessaires, les
connaissances techniques et la force, uniquement la force physique, de pouvoir
passer à travers toutes ces procédures où, en plus, elles
seront elles-mêmes appelées à établir la preuve, ce
qui est, à toutes fins utiles, complètement irréaliste?
(15 h 20)
Vous voulez que je termine, M. le Président. Je dirai que le
gouvernement doit être blâmé pour le retard qu'il a
apporté à présenter ce projet de loi, qu'il l'apporte
à un moment où lui-même a créé, avec les
syndicats, un climat de confrontation, un climat d'agressivité en posant
des gestes unilatéraux à l'égard des conventions
collectives, comme c'est le cas avec la loi 70, et qu'il n'a pas eu le courage
de répondre aux attentes de la population.
J'aimerais citer ici ce que M. Brunet disait, lors d'une
conférence de presse du Comité provincial des malades, à
l'occasion de ses réactions aux coupures budgétaires dont les
centres hospitaliers sont victimes: "L'impact des coupures actuelles est
tellement inhumain et destructeur que la seule explication à cela c'est
peut-être qu'il y a justement une coupure, c'est le cas de le dire, une
coupure très profonde pour ne pas dire béante entre le
gouvernement et la population."
Je pense que la même déclaration pourrait être faite
au sujet du projet de loi qui est devant nous et qui prétend assurer les
services essentiels à la population en cas de conflit de travail. Le
gouvernement n'a pas entendu la voix de la population. Il a fait la sourde
oreille à tout ce qui a été présenté en
commission parlementaire ou à peu près. Il refuse de prendre ses
responsabilités. Dans quelques mois, il ne pourra que cueillir ce qu'il
aura lui-même semé, c'est-à-dire des situations
pénibles et plus pénibles que jamais les gouvernants ne veulent
l'avouer, que jamais les administrateurs ou les syndiqués ne veulent
l'avouer, parce qu'il n'aura pas voulu entendre ce que l'ensemble de la
population espérait.
Ce que nous avons proposé nous-mêmes, du côté
du Parti libéral, c'est justement d'au moins permettre que les plus
faibles, ceux qui sont le plus facilement victimes de tout ce chaos social qui
intervient malheureusement chaque fois qu'il est question de conventions
collectives, soient protégés dans les centres de soins
prolongés, les centres d'accueil et les centres d'accueil pour
enfants.
Nous ne pouvons que voter, en deuxième lecture, contre ce projet
de loi marqué au coin de la faiblesse et de l'irresponsabilité du
geste que fait ce gouvernement pour se soustraire à ses obligations
vis-à-vis de la population qui en a le plus besoin. Je vous remercie, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la ministre
d'État à la Condition féminine et députée de
La Peltrie.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci, M. le Président. Le projet de loi no 72
que nous étudions aujourd'hui en deuxième lecture constitue,
à ce jour, le meilleur moyen d'assurer à la fois le maintien du
droit légitime de la population - je suis d'accord avec la
députée de L'Acadie - d'avoir accès aux services
essentiels en cas de conflit de travail dans le réseau
québécois des services de santé et des services sociaux et
aussi, d'autre part, du droit qu'ont les syndiqués de faire la
grève, droit qui leur a incidemment été accordé par
cette même Assemblée dans laquelle nous siégeons
maintenant.
Ce projet de loi ne se limite, évidemment, pas aux conflits de
travail dans le réseau des affaires sociales; il s'intéresse
à toute la gamme des services publics dont l'interruption ne saurait,
évidemment, être envisagée sans que soient assurés
d'une façon ou d'une autre les services jugés essentiels à
la santé et à la sécurité du public. Je m'en
tiendrai, toutefois, au domaine de la santé où l'objectif premier
est de permettre l'exercice d'un droit fondamental reconnu par nos institutions
et faisant maintenant partie de nos traditions, soit le droit de grève,
et ce, dans le respect des droits de la collectivité, dans un climat de
liberté et de sérénité.
Je suis convaincue, à l'instar de mes collègues, que le
projet de loi no 72 rend cet objectif accessible et ce, n'en déplaise
à tous les prophètes de malheur ou, je dirais même, les
alarmistes qui nous annoncent la fin du monde à la veille de chaque
négociation dans le réseau des affaires sociales.
Évidemment, personne, que ce soit dans cette enceinte, dans les diverses
institutions du réseau ou dans la population en général,
ne souhaite que la prochaine ronde de négociation aboutisse à des
affrontements aussi bien à l'échelle nationale que locale. Je
demeure fermement persuadée que les deux parties directement
impliquées dans cette négociation, tant patronale que syndicale,
sont les premières à souhaiter un règlement sans
perturbation dans les services publics.
Aucune éventualité ne peut toutefois être
écartée sous prétexte que personne ne
le désire a priori. Il appartient tout particulièrement
à un gouvernement qui se veut responsable de s'assurer que, s'il devait
y avoir conflit, les services jugés essentiels puissent être
dispensés tant aux bénéficiaires actuels qu'aux personnes
qui pourraient devoir faire appel aux ressources du réseau durant un
arrêt de travail. C'est le but visé par le projet de loi
présentement à l'étude, projet de loi qui a
été élaboré en se fondant sur l'expérience
vécue lors des négociations en 1979 et ce, sous l'empire de
l'ex-loi 59.
Les opposants au projet de loi no 72 oublient trop facilement, et je
pense qu'on l'oublie trop facilement, la principale conclusion du rapport du
conseil du maintien des services de santé et des services sociaux: "La
situation n'a jamais été dramatique pour la santé et la
sécurité du public." Loin de moi toute propension à
l'angélisme et, je dirais, toute tentation de croire qu'un cadre
législatif comme la loi 59, qui prévalait en matière de
services essentiels lors de la précédente négociation, ne
soit pas perfectible. Tout est perfectible, M. le Président, dans notre
société. La volonté du gouvernement est cependant claire:
assurer de façon encore plus efficace que par le passé le
maintien des services essentiels tout en ne cédant pas à ceux et
à celles qui croient trop facilement que le simple fait de retirer
d'autorité le droit de grève, que ce soit en tout ou en partie,
aux travailleuses et aux travailleurs du réseau des affaires sociales
réglerait vraiment le problème.
Il est bien connu que l'abolition ou même l'absence du droit de
faire la grève n'a jamais empêché l'éclatement de
conflits et je dirais même la détérioration du climat de
travail. Or, cet élément est pourtant essentiel à
l'accès à des services de qualité. Je persiste à
croire, M. le Président, qu'il est toujours préférable
pour le gouvernement de donner une nouvelle chance aux parties d'assumer leurs
responsabilités plutôt que de s'y substituer. Sur ce dernier
point, je me permets de souligner à nos amis d'en face, je dirais, une
plate incohérence. Toujours soucieux de faire parfois de
l'électoralisme, parfois et malheureusement la petite semaine, nos amis
d'en face ne ratent pas, je dirais, une occasion de reprocher à
l'État son ingérence dans tous les secteurs pour mieux se
retourner et l'accuser de ne pas en faire assez. Qu'est-ce qu'on fait? Il est
rare que la voix de la mesure et de la sérénité se fasse
entendre dans ce genre de débat forcément et fortement
teinté d'émotions, et il ne peut en être autrement, M. le
Président. (15 h 30)
J'aimerais, pour le bénéfice de l'Opposition, rappeler la
substance de l'intervention de l'AFEAS, cette grande association de femmes qui
a fait tellement de choses au Québec et qui continue d'en faire,
l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, qui s'est
présentée devant la commission permanente du travail et de la
main-d'oeuvre le 23 septembre dernier. Cette organisation - je le rappelle -
regroupe 35 000 membres qui sont en majorité des femmes qui travaillent
au foyer. À ce moment-là, l'association avait mis les
parlementaires en garde - c'est l'AFEAS qui avait fait cela - contre toute
mesure ayant pour effet d'enlever le droit de grève, et je la cite:
"Enlever le droit de grève soulignaient les représentantes -
inciterait à la désobéissance civile - souhaite-t-on cela?
engendrerait des grèves illégales ou sauvages, augmenterait la
tension entre l'État employeur et les employés des secteurs
public et parapublic." L'AFEAS avait profité de l'occasion pour
souligner - et je suis d'accord avec elle - la solidarité des femmes au
foyer avec les travailleuses du réseau des affaires sociales et de la
santé qui forment la majorité des effectifs de ce réseau.
On signalait, évidemment, que ces dernières, ces femmes
impliquées dans le réseau, sont surtout regroupées dans
les emplois les moins bien rémunérés, M. le
Président, et qu'elles auraient sans doute le plus à souffrir de
la perte d'un important levier de négociation pour améliorer
leurs conditions de travail comme femmes. L'AFEAS souhaitait, en conclusion,
que l'on développe, et je cite, encore une fois: "...tant chez les
membres du gouvernement que chez les membres du syndicat le sens des
responsabilités collectives."
Pourrait-on me dire, M. le Président, en quoi la suppression du
droit de grève permettrait de développer le sens des
responsabilités collectives chez les syndiqués, autant chez les
hommes que chez les femmes? Comment devient-on plus responsable en se voyant
dépouillé de ses droits, en perdant toute possibilité
d'exercer ce sens des responsabilités qu'on attend de nous? Non, cette
solution draconienne n'en est pas une tant que les parties en cause n'ont pas
démontré, hors de tout doute, qu'elles sont absolument incapables
- ces parties en cause - d'utiliser intelligemment leurs prérogatives.
Contrairement à ceux qui nous promettaient la catastrophe, le Conseil
sur le maintien des services essentiels et des services sociaux a
démontré dans son rapport que cette preuve était encore
à faire et ce, à la suite de la négociation de 1979. La
preuve n'est pas faite, M. le Président. Ceux qui
préféreraient que le gouvernement élimine purement et
simplement le droit de grève passent trop facilement sous silence le
fait que lors de la dernière ronde de négociation, en 1979,
plusieurs centaines d'ententes ont été signées entre les
syndicats et les institutions concernées et que plusieurs centaines de
listes ont été déposées et respectées par
les syndicats qui avaient la
responsabilité de les établir, M. le Président.
Comme je le soulignais plus tôt, la loi 59, qui nous régit
jusqu'à maintenant et encore, était perfectible. Elle demeure
perfectible. Mon collègue, le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu, y a apporté les modifications
nécessaires pour que cette loi soit améliorée et ce, en
commençant par créer un conseil permanent des services
essentiels. La députée de L'Acadie tout à l'heure
soulignait: Se fier aux aléas d'une structure bureaucratique. Je ne
pense pas que ce soit se fier aux aléas d'une structure bureaucratique
que de penser que des gens responsables, ayant vécu des
expériences très concrètes, très immédiates
même, puissent nous amener à prendre des décisions qui ne
respecteraient pas les grandes règles du jeu qu'on se donne comme
société. C'est cela qu'on attend de ce nouveau service qu'on met
en place. Ce ne sont pas les aléas d'une bureaucratie qu'on imagine
mettre en place. On imagine nommer et identifier des gens responsables, des
gens qui vont peut-être croire encore avec nous que quelque chose est
possible dans la société du Québec de maintenant, de ce
qu'on vit maintenant.
Vous savez, les pouvoirs et les moyens de cet organisme sont nettement
plus étendus, plus importants que ceux qu'on avait confiés
à l'organisme qui l'a précédé. Même si ce
conseil ne dispose pas de cette autorité absolue que d'aucuns lui
auraient volontiers conférée, est-ce qu'on ne
préfère pas peut-être, dans certains cas, l'imposition de
la force, alors qu'on pourrait souhaiter que la conciliation, que la
concertation soit encore possible maintenant au Québec?
Évidemment, le conseil pourra analyser, à l'aide d'un
protocole-cadre local qu'il aura préparé, et ce, trois mois avant
l'expiration des conventions collectives, ce conseil pourra analyser, dis-je,
les ententes conclues entre les parties ou, s'il y a mésentente, la
liste des salariés nécessaires pour assurer le maintien des
services essentiels, et ce, selon l'association accréditée.
M. le Président, l'expérience acquise en 1979 ne sera
certainement pas inutile et permettra de mettre à profit ce délai
de trois mois - c'est quand même important -pour identifier les cas
problèmes, tenter d'y remédier, et au besoin, puisque c'est comme
cela que la loi le prévoit, en référer au ministre
responsable qui pourra à son tour en saisir le Conseil des
ministres.
Le gouvernement actuel a refusé de se donner tous les pouvoirs en
se substituant aux parties. Il ne faudrait pas cependant s'y méprendre.
L'expérience récente a démontré clairement que le
gouvernement peut agir avec célérité lorsque le besoin
s'en fait sentir. Son comportement ne serait pas différent dans le cas
qui nous préoccupe, dans la loi que nous étudions maintenant. Si
les mesures dissuasives - elles sont importantes - je pense aux amendes
haussées, de façon substantielle, ne devaient pas suffire, nous
ne laisserons planer aucune équivoque sur la volonté
gouvernementale d'assurer la primauté des citoyens en matière de
services essentiels. Le caractère permanent de la structure mise sur
pied par ce projet de loi offre par ailleurs des garanties de continuité
pour l'avenir afin de raffiner le processus d'élaboration des ententes
ou des listes de services essentiels, de manière à arriver, dans
les meilleurs délais, à civiliser la négociation et
l'exercice du droit de grève en découlant, non seulement dans les
services de santé et les services sociaux, mais également dans
l'ensemble des services publics qui sont visés par la loi, et ce, dans
le but de protéger la population que nous représentons tous, tant
d'un côté que de l'autre de cette Assemblée nationale. (15
h 40)
L'objectif ultime de cette loi est évidemment de faire en sorte
que l'exercice de droits individuels, de droits de groupe, ou de droits
collectifs jamais ne vienne rendre caducs ceux de la population dans son
ensemble et, tout particulièrement dans le cas qui nous occupe, je
dirais les droits des bénéficiaires des services dispensés
par le réseau des affaires sociales. C'est, d'ailleurs, la raison pour
laquelle il a été décidé de faciliter
l'accès au recours collectif et ce, afin que ceux et celles qui se
sentiront lésés, même parmi les plus démunis,
puissent obtenir justice et que l'on se débarrasse enfin de cette notion
de prise d'otages à laquelle faisait référence,
d'ailleurs, ma collègue de L'Acadie tout à l'heure, cette notion
de prise d'otages qui est malheureusement et, je trouve, de façon
injuste associée actuellement à la négociation dans le
secteur de la santé et des services sociaux au Québec.
Un fait demeure toutefois: toutes ces mesures, exercice du droit de
grève, poursuites en recours collectif, amendes ou suspension du droit
de grève, doivent demeurer l'exception si nous voulons vraiment voir
arriver le jour où les relations du travail dans le secteur public et,
à plus forte raison, dans le secteur de la santé et des services
sociaux ne seront plus marquées à l'enseigne de l'affrontement,
mais à celle de la conciliation et de la concertation. Est-ce qu'on ne
peut pas encore en rêver, M. le Président? Pour moi, ce n'est pas
une utopie, c'est quelque chose qui pourra se réaliser. Je dirais que
c'est l'essentiel des raisons qui vont faire en sorte que je vais voter en
faveur de ce projet de loi qui est déposé devant nous
aujourd'hui. C'est l'essentiel des raisons pour lesquelles je vais inviter, je
vais inciter mes collègues, tant ceux de ce côté-ci que de
l'autre côté de la Chambre, de
l'Assemblée, à choisir la voie de la mesure et la voie de
la sérénité, M. le Président. Je vais les inviter
à se joindre au gouvernement afin d'atteindre l'objectif ultime, puisque
nous n'avons et nous ne partageons que cet objectif, j'imagine, dans le cas
présent: la civilisation permanente des relations du travail dans le
secteur des services publics au Québec. Merci, M. le
Président.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition et député d'Argenteuil.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, c'est un spectacle
intéressant d'entendre les orateurs de l'autre côté de la
Chambre; quand ils parlent du projet de loi no 72 et quand ils parlent du
projet de loi no 70, on a l'impression d'entendre deux groupes
différents. C'était la même chose quand ils étaient
dans l'Opposition, ils tenaient un langage complètement différent
de celui qu'on entend aujourd'hui. Je pense que cela permet de les
connaître sous leur vrai visage. Par-delà tous ces changements
d'attitude, nous allons essayer, nous autres, de continuer à
défendre la voie de la responsabilité et du bon sens que nous
avons toujours essayé de mettre de l'avant.
Le projet de loi que nous discutons actuellement affecte au premier chef
deux catégories de citoyens, des citoyens travaillant dans des
établissements qui offrent à la population des services qu'on est
accoutumé de juger comme essentiels et, deuxièmement, des
citoyens qui bénéficient de ces services dispensés par des
établissements de bien-être social, de soins hospitaliers,
d'éducation, de transport en commun, etc. Les citoyens qui oeuvrent dans
des services jugés essentiels en tout ou en partie sont - je tiens
à l'affirmer avec beaucoup de netteté - des citoyens au
même titre que les autres. Ce ne sont pas des citoyens inférieurs
ou de deuxième classe. Ce sont des citoyens au même titre que les
autres et qui, par conséquent, ont accès et doivent se faire
reconnaître les mêmes droits, les mêmes privilèges,
les mêmes libertés que l'ensemble de leurs concitoyens.
Quand les gouvernements libéraux des dernières
années ont décidé de réformer l'appareil de
l'administration publique de manière à l'asseoir sur le
critère de la compétence et, non plus, sur le critère du
patronage ou des petites faveurs personnelles, ils contractaient en même
temps l'obligation de considérer ces travailleurs qui oeuvrent dans les
services essentiels, publics ou privés, comme des citoyens égaux
au même titre que les autres et, par conséquent, comme des
citoyens à qui on n'a pas le droit de retirer d'une main ce qu'on est
obligé de leur donner de l'autre, à qui on n'a pas le droit
d'interrompre en cours de route leur convention collective pour des motifs qui
tiennent beaucoup plus à la mauvaise gestion du gouvernement qu'à
des problèmes objectifs. Dans ce cas-ci, nous leur avons reconnu
naguère le droit d'association et les corollaires qui en
découlent, c'est-à-dire le droit à la libre
négociation de leurs conditions de travail, le droit de recourir
à des moyens de pression pour faire comprendre leur point de vue et
faire valoir leurs intérêts pouvant aller jusqu'à
l'exercice du droit de grève.
Je tiens à souligner que, lorsque la société
québécoise a connu ses droits, elle n'a pas fait de faveur
à qui que ce soit. Il y en a beaucoup qui discutent aujourd'hui comme si
on avait fait une immense faveur aux citoyens qui oeuvrent dans les services de
santé, de l'éducation, de transport en commun, etc., en
reconnaissant leur droit d'association. C'est absolument faux. C'est aussi bien
d'en prendre notre parti dès maintenant. Ils ont droit, comme tous les
autres, aux libertés fondamentales que reconnaissent nos grandes
déclarations de droits et, en particulier, la Charte constitutionnelle
des droits du Canada à laquelle le gouvernement du Québec se
soustrait malheureusement, encore une fois, par ce projet de loi-ci et à
laquelle je souhaite que, dans les plus brefs délais, un autre
gouvernement permette aux citoyens canadiens du Québec d'avoir
accès comme ceux de toutes les autres provinces du Canada.
Ceci étant dit, encore une fois, il n'est pas question de
privilège ou de faveur à l'endroit d'aucune catégorie de
citoyens que ce soit.
M. de Belleval: ...
Une voix: Assieds-toi donc!
Une voix: La politesse.
M. de Belleval: Je ne veux pas interrompre le chef de
l'Opposition...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Question de règlement, M. le député de Charlesbourg.
M. de Belleval: Est-ce que le chef de l'Opposition me permet de
lui poser une question tout de suite ou après son discours sur ce qu'il
vient de dire?
Des voix: Non.
Le Vice-Président (M. Rancourt): En vertu de l'article
100, vous demandez l'autorisation de poser une question. M. le
chef de l'Opposition, acceptez-vous une question du
député? Après. Cela va.
M. Ryan: De l'autre côté, M. le Président, il
y a les citoyens qui bénéficient des services offerts par les
hôpitaux, les centres d'accueil et toutes les autres institutions de
bien-être social, de santé ou d'éducation que nous avons
dans notre milieu. Ces citoyens ont le droit strict d'avoir accès
à ces services. D'abord, ils paient pour les avoir et,
deuxièmement, ces services ont été jugés tellement
essentiels par l'ensemble de la société qu'il a été
décidé de les offrir sur une base collective et non pas
uniquement d'en laisser l'accès à l'initiative individuelle de
chaque citoyen.
Dans une société stable, dans une société
relativement tranquille, il ne devrait pas y avoir de conflits entre les droits
de ces deux catégories de citoyens. Les droits de chacun devraient
s'harmoniser au contact de la réalité canadienne et les rapports
devraient se traduire dans des équations civilisées comme le
disait, tantôt, Mme la ministre d'État à la Condition
féminine. Je pense que nous convenons tous que ce devrait être la
situation normale, une situation devant laquelle il ne serait pas
nécessaire d'intervenir par voie de législation.
Mais, pour des raisons qui seraient trop longues à analyser
aujourd'hui et dont certaines tiennent à l'ensemble de la
réalité sociale, culturelle, économique et politique du
Québec, nous avons été les témoins, ces
dernières années, d'un très grand nombre de conflits
ouverts, aigus, très coûteux et parfois entachés de
violence et d'illégalité entre l'exercice des droits de la
première catégorie de citoyens et le droit des seconds à
l'accès à des services jugés essentiels. Le gouvernement
actuel, au temps où il était dans l'Opposition, s'était
vanté de mettre de l'ordre dans ces choses parce qu'il avait l'oreille
des syndicats, à l'époque du moins. On va voir, jeudi, s'il l'a
conservée, à l'occasion des auditions de la commission
parlementaire sur le projet de loi no 70. Mais, à l'époque...
Une voix: Vendredi.
M. Ryan: Je vous comprends de prendre 24 heures de plus. Vous en
avez besoin.
À ce moment-là, il se vantait d'avoir l'oreille des
syndicats. On verra ces jours-ci.
Mais, dans le cas des services de santé et des services sociaux,
le bilan parle par lui-même. Dans les années qu'il a
été au pouvoir, le gouvernement a fait face seulement à
une ronde de négociation, et le bilan des jours-personnes perclus, en
raison d'arrêts de travail dans les services de santé, les
services sociaux et les services publics en général, a
été, entre 1977 et 1980, de 692 533 par année. Entre 1970
et 1976, il avait été de 621 530 jours-personnes perdus en raison
d'arrêts de travail pendant une année moyenne. C'est-à-dire
que votre moyenne, votre performance à vous autres, qui étiez les
experts en relations du travail, a été de 70 000 jours-personnes
perdus de plus par année en raison d'arrêts de travail dans les
services que nous discutons aujourd'hui. (15 h 50)
Nous avons eu des grèves dans des centres d'accueil, dans des
centres de réadaptation, dans les hôpitaux, dans les
résidences de toutes sortes, dans les écoles, dans les
cégeps, dans les universités, dans le transport en commun. Il n'y
a pas beaucoup de domaines qui aient été épargnés
ces dernières années et, de l'avis général, le
moment est venu de faire certains choix difficiles, mais qui nous permettront
de franchir un pas réel.
Voici ce que nous regrettons avec le projet de loi no 72. Le
gouvernement est d'accord avec nous quant à l'objectif que
définissent les notes explicatives, mais j'aurais aimé qu'on
l'inscrive dans le texte même du projet de loi en guise de
préambule, de manière que l'intention solennelle et ferme de la
société québécoise soit clairement affirmée
d'assurer la primauté du droit des malades en particulier, du droit des
citoyens dans le besoin aux services qui sont indispensables pour le maintien
de leur intégrité physique, psychologique et morale.
Mais, indépendamment de cette carence qui pourrait être
corrigée, je conviens que l'intention du gouvernement est la même
que de ce côté-ci de la Chambre et je n'entends point instituer de
procès d'intention de ce côté. C'est quand nous arrivons au
chapitre des moyens que nous avons des désaccords sérieux avec le
gouvernement.
Nous avons commencé de ce côté-ci de la Chambre, il
y a à peu près un an, par le point où en est rendu le
gouvernement aujourd'hui. Dans le livre rouge que nous avons mis au point avant
la dernière élection, nous préconisions une orientation
générale qui était assez proche de ce qu'on trouve dans le
projet de loi. Quand on enlève tous les mécanismes
compliqués mais sans pouvoirs réels pour en venir au coeur
même du pouvoir de décision dans le projet de loi, il n'y a pas de
différence essentielle entre ce que le gouvernement envisage aujourd'hui
et ce qui était défini il y a à peu près un an et
demi dans le programme du Parti libéral du Québec. Mais, depuis
ce temps-là, nous avons écouté nos concitoyens. J'admets
qu'ils nous ont donné un peu plus de temps pour le faire qu'ils ne vous
en ont peut-être donné à vous autres en vous reportant au
pouvoir, mais nous les avons écoutés avec attention, nous avons
suivi en particulier
avec beaucoup d'intérêt les séances de travail qu'a
tenues la commission parlementaire l'automne dernier. Après avoir
entendu les témoignages des organismes compétents et de personnes
versées dans ces matières, nous en sommes venus à la
conclusion très ferme qu'en ce qui touche un certain nombre
d'institutions, en particulier les centres d'accueil pour personnes
âgées, les centres de réadaptation pour personnes de tous
âges, en particulier pour les jeunes, les centres de soins pour malades
chroniques, les centres de soins psychiatriques et les unités de soins
qui correspondent à ces fonctions dans les hôpitaux à
vocations multiples, ce serait beaucoup plus honnête, beaucoup plus
franc, beaucoup plus réaliste d'interdire tout simplement le droit de
grève, pour des raisons qui sont évidentes.
Dans un centre d'accueil, ce sont des personnes, par définition,
qui sont dépendantes sur presque toute la ligne de la qualité des
soins qu'elles recevront et qui ont besoin d'une très grande
stabilité, d'une très grande continuité dans la jouissance
des services auxquels elles ont droit. Nous ne pouvons pas concevoir que dans
un centre d'accueil on décide qu'on va couper la moitié du
personnel pour faire droit à l'exercice de la grève pendant un
certain temps. Vous perturbez l'atmosphère de l'institution, vous
créez des complications, vous créez une atmosphère trouble
et confuse, une atmosphère d'agitation qui est absolument contraire au
but poursuivi par ces institutions.
Nous disons donc avec beaucoup de fermeté, et nous sommes
appuyés en cela par le témoignage de la grande majorité
des témoins qui ont comparu devant la commission parlementaire, que
mieux vaudrait être franc et direct et dire aux travailleurs de ces
institutions que leur cas constitue une catégorie tout à fait
spéciale, au même titre que les gardiens de la paix, que les
pompiers, que les agents de police également. Ce n'est pas une honte, au
contraire, c'est un honneur d'être invité par la
société à entrer dans cette catégorie très
spéciale, très exceptionnelle de citoyens qui doivent renoncer
à l'exercice pratique de droits qui leur appartiennent fondamentalement
en raison de la mission tout à fait spéciale, tout à fait
extraordinaire qu'ils sont appelés à remplir dans la
société.
Au lieu de faire ce choix courageux, nous avons des appréhensions
et nous sommes loin d'être assurés qu'éventuellement la
société ne sera pas conduite à l'interdiction du droit de
grève, ne serait-ce qu'à cause des ressources énormes que
nous dépensons quand nous pensons au coût d'un seul lit moyen dans
un hôpital. Est-ce que nous avons le droit d'accepter qu'il soit
empêché de fonctionner pendant des périodes plus ou moins
longues? Nonobstant ces appréhensions, nous reconnaissons que certains
services des hôpitaux... Un grand hôpital, aujourd'hui, c'est un
peu comme un magasin à rayons; tous les services n'ont pas la même
qualité d'urgence, de nécessité immédiate. Il peut
arriver qu'on consente à l'interruption d'un service pendant une
certaine période sans que le droit fondamental des citoyens, à
l'intégrité de leur santé et à la protection de
leur personne, soit atteint d'une manière irrémédiable.
Nous donnons tout le bénéfice du doute - je pense que la ministre
à la Condition féminine parlait de ce principe tantôt et
j'y souscris entièrement - à ce secteur pour que la preuve soit
encore plus claire à l'avenir.
Dans le cas des institutions que j'ai mentionnées - je les
mentionne encore pour que ce soit parfaitement clair - des centres d'accueil
pour personnes âgées, que nous avons tous visités et que
nous visitons régulièrement, il est impensable de concevoir qu'on
puisse décemment y admettre l'exercice du droit de grève.
Les centres de réhabilitation pour jeunes. J'en ai un dans mon
comté. C'est absolument impensable, quand vous visitez une institution
comme celle-là, d'accepter qu'on y exerce le droit de grève comme
on le fait dans une entreprise ordinaire ou dans un service qui offre surtout
du travail de bureau.
Dans un centre de soins psychiatriques, il me semble que cela saute aux
yeux que ces personnes ont besoin de l'attention continue et complète
que peut seul fournir un service en plein fonctionnement et non pas en
état de demi-paralysie. Ces établissements, si mes renseignements
sont exacts - le ministre, qui se prépare à intervenir ensuite,
comme je crois comprendre, pourra me corriger si j'ai tort -de même que
les services spécialisés qui leur correspondent dans les
hôpitaux à vocation générale, représentent
environ les deux tiers des établissements et des services dont nous
discutons aujourd'hui sous le titre général des services de
santé et de bien-être. Je pense que le gouvernement rate une
chance très importante de se mettre à l'heure d'aujourd'hui dans
ce domaine.
Avec la politique qu'il envisage, je crois qu'il va continuer de
retarder sur les événements comme il l'a fait sans cesse au cours
des dernières années. Je crains qu'il ne soit obligé de
revenir plus souvent qu'il ne le prévoit actuellement à
l'Assemblée nationale avec des lois spéciales. Exercer
directement le pouvoir qu'on veut donner au gouvernement, je pense que le
gouvernement aura peur de le faire et se sentira obligé par la pression
de l'opinion publique de revenir devant l'Assemblée nationale. Quand on
pense aux malades, aux personnes âgées, aux jeunes qui ont besoin
de soins de réadaptation et
qui devront attendre des jours et des jours pendant que ces messieurs et
dames du gouvernement délibéreront, pendant que nous autres, ici,
étudierons des projets de loi, il aurait été beaucoup plus
efficace et beaucoup plus civilisé, pour reprendre les propos de la
ministre à la Condition féminine, de prendre tout de suite la
décision qui s'imposait.
On s'étonne également de constater que dans le projet de
loi - mon collègue de Jean-Talon l'a signalé ce matin - on n'ait
nulle part de définition des services essentiels. On flotte sur cette
notion comme sur une notion dont on aurait peur. On vous parle des services
essentiels. À une couple d'endroits, dans le projet de loi, on parle de
la santé et de la sécurité publique, mais vous conviendrez
avec moi, M. le Président, qu'il s'agit là de deux notions
extrêmement élastiques, qui ne peuvent pas suffire en
elles-mêmes à nous faire voir clair dans les intentions
véritables du gouvernement. Je pense que le gouvernement y gagnerait
à préciser certains critères, certains
éléments de jugement qui permettront aux différentes
instances prévues dans le projet de loi d'intervenir avec toute la
pertinence et tout l'impact souhaitable. C'est une carence que je souligne
également à l'attention du gouvernement. (16 heures)
En ce qui concerne les mécanismes prévus par le
gouvernement, mes collègues qui sont intervenus avant moi en ont
parlé, dans la position que notre parti prenait l'automne dernier, il y
avait quelque chose de beaucoup plus simple, de beaucoup plus fonctionnel, de
beaucoup moins lourd. Nous disions: D'un côté, c'est bon, nous
reconnaissons le besoin d'un organisme qui fournira de l'information objective
et impartiale autant au gouvernement qu'à l'Assemblée nationale
et à la population en général. Nous disions: Formons un
organisme indépendant composé de citoyens impartiaux, qui pourra
agir vite et efficacement. Je pense, aujourd'hui encore, qu'au lieu de
créer une vaste superstructure, de multiplier encore les inspecteurs de
toutes sortes, le gouvernement aurait peut-être intérêt
à se servir davantage dans les régions de nos CRSSS, de nos
centres régionaux de services sociaux et sanitaires qui sont très
bien placés à mon point de vue, du moins dans les régions
rurales pour faire un examen très rapide de ces questions et fournir
tous les renseignements dont le gouvernement a besoin en dedans de 24 ou de 48
heures. Avec tous les exercices que vous leur avez infligés en
matière de compressions budgétaires depuis un an, je peux vous
assurer que les CRSSS que je connais sont beaucoup mieux informés de la
réalité interne des établissements qu'ils ne
l'étaient auparavant.
On pourrait assurer ce service d'information de base en région
à travers une structure qui existe déjà. Cela ne serait
pas nécessaire d'intervenir là-dedans. Avec M. Untel qui
représente le syndicat, Mme Unetelle qui représente la direction,
etc., des citoyens qui sont déjà en place, vous pouvez avoir un
comité central composé de personnes impartiales qui pourraient
assurer la collecte centrale des données et leur transmission à
qui de droit. Il me semble que le gouvernement devrait viser, surtout dans une
période comme celle-ci, à recourir à un appareil le plus
leste, le plus alerte, le plus léger possible. Nous avons en place,
à mon point de vue, des éléments pour le faire.
En ce qui touche la partie syndicale et la partie patronale, elles ont
un intérêt spécial, un intérêt
indéniable à voir à ce que toute cette politique des
services essentiels soit appliquée avec vérité, avec
justice, avec efficacité. Nous autres, nous prévoyons un
comité paritaire, aux différents niveaux; il peut y en avoir un
au niveau provincial, si vous voulez, mais il faudrait qu'il y en ait un
surtout au niveau de chaque établissement. Ce comité veillera
à ce que les services définis comme essentiels soient
respectés. S'il y a des violations, s'il y a des abus, il les signale
tout de suite au Conseil des services essentiels ou à l'attention du
ministre. Les parties peuvent mettre sur pied un comité paritaire. Cela
ne coûte pas de dépenses additionnelles à personne. Elles
vont prendre, évidemment, des employés permanents ou des
officiers élus d'un côté ou de l'autre. Tout cela peut se
faire en utilisant au maximum les structures et les mécanismes dont nous
disposons déjà. Je mets par conséquent, le ministre en
garde contre cette propension, qui est tellement naturelle au gouvernement
actuel, qui le porte à créer, chaque fois qu'il est en face d'un
besoin, des structures ou des mécanismes nouveaux qui accroissent le
coût des services publics d'une manière souvent difficile à
justifier.
Dans ceci comme dans tout le reste, le facteur majeur, c'est la
volonté politique. Il faut que le gouvernement veuille faire des choses
pour que les choses se fassent. Le gouvernement s'était
déjà donné par la loi 59 le pouvoir d'intervenir dans des
conflits réels ou appréhendés qui, à son jugement,
mettaient en danger la santé publique. Il ne l'a jamais fait de
mémoire d'homme. C'était très difficile de passer à
l'action. Il y avait des contraintes dont on parlera peut-être
tantôt, mais dont moi, je n'ai pas le temps de traiter à ce
moment-ci. Ce que nous constatons, c'est que cette structure trop simple a
conduit à des résultats à peu près nuls. Il est
encore temps pour le gouvernement de se raviser et nous serions ravis de
pouvoir souscrire à l'incitation qu'on nous faisait tantôt de
voter en faveur du
projet de loi, si seulement le gouvernement voulait y mettre un peu plus
de contenu en ce qui concerne la primauté vécue, la
primauté efficace du droit des malades à des services absolument
indispensables dans leur cas et s'il voulait, d'un autre côté,
faire preuve d'un peu de bonne volonté quand il s'agit d'éviter
de multiplier les développements de structures et de mécanismes
qui vont coûter de l'argent pour des résultats...
On parlait tantôt de l'ancien conseil des services essentiels. Il
nous a donné de bonnes choses deux mois après que le feu
était éteint. On n'a pas été avancé
personne. On a appris ces bonnes choses quand le feu était
éteint. Moi, j'ai gardé la conviction qu'il y a bien des choses
dont ce conseil n'avait pas été saisi, qu'il y avait bien des
éléments de la réalité qui avaient
échappé à sa perception parce que ceux qui en avaient
souffert, qui n'ont pas pu entrer dans les hôpitaux, qui ont
été sortis des hôpitaux pendant les grèves n'ont pas
pris le chemin, ils n'ont même pas demandé l'adresse de M.
Gérard Picard ou des officiers du comité des services essentiels.
Ils sont retournés chez eux en souhaitant discrètement, comme le
font 99% des citoyens, que, la prochaine fois, cela marche un peu mieux. Je
pense qu'on ne devrait pas se servir trop de l'expérience de ce conseil
pour justifier l'inaction dans laquelle semble vouloir s'enfoncer le
gouvernement actuel. Mieux vaudrait consulter les personnes qui ont souffert et
celles qui sont venues témoigner à la commission parlementaire.
On arriverait à des conclusions plus réalistes.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Charlesbourg et adjoint parlementaire au ministre des Finances.
M. de Belleval: Oui, ma question au chef de l'Opposition est la
suivante. Au tout début de son intervention, il a indiqué que
nous n'avions pas de mérite à avoir concédé le
droit de grève aux employés du secteur public, parce qu'il
s'agissait là d'une liberté fondamentale reconnue, d'ailleurs,
par la Charte des droits et libertés de la personne du Canada. Le chef
de l'Opposition est-il au courant que non seulement il ne s'agit pas d'une
liberté fondamentale reconnue par la Charte des droits et
libertés de la personne du Canada, mais qu'en fait, cinq provinces ont
aboli ou n'ont pas donné entièrement ou presque
entièrement le droit de grève à leurs employés du
secteur public? Dans ces circonstances, veut-il nuancer l'affirmation qu'il a
faite au tout début de son exposé?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Le député de Charlesbourg m'a mal compris,
M. le Président. J'ai dit qu'était reconnu dans la Charte
canadienne des droits de la personne le droit d'association d'où
découlent, comme corollaire logique, le droit de former et de diriger
des syndicats, le droit de négocier librement des conventions
collectives et le droit de recourir aux moyens de pression appropriés
pour faire valoir ces intérêts. J'ai ajouté plus loin dans
mon exposé que, lorsque l'exercice de ce droit vient en conflit avec
l'exercice d'un droit non moins fondamental et encore plus fondamental en
pratique, celui des malades, à l'intégrité de leur
santé et de leur personne physique et morale, à ce
moment-là, il y a un droit qui doit prendre préséance sur
l'autre, ce qui ne nie pas ni n'efface ni n'élimine le premier, mais en
conditionne l'exercice pratique. C'est la même chose pour la
liberté de parole qui est reconnue par la charte canadienne des droits,
mais, si je m'en sers pour vous salir, vous avez des recours contre moi et je
serai obligé de me l'interdire la fois suivante.
Une voix: D'autres questions?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Prévost et adjoint parlementaire au ministre du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
M. Robert Dean
M. Dean: Merci, M. le Président. En écoutant le
chef de l'Opposition, je me suis posé des questions au début de
son intervention, à savoir s'il ne s'était pas trompé de
débat et s'il ne débattait pas la question de la loi 70 ou de la
loi 72. Tout en disant qu'il défendait le droit de grève, il
propose et son parti propose de l'enlever sélectivement. C'est un peu
typique de la confusion permanente dans laquelle semble fonctionner le Parti
libéral du Québec.
Je pense, M. le Président, qu'il faut situer le débat et
cela peut être utile de situer le débat sur le projet de loi no 72
dans sa perspective historique. On appelle révolution tranquille cette
époque qui a commencé au début des années soixante
au Québec et où le Québec a évolué
probablement plus rapidement que tout autre pays au monde de son état de
société traditionnelle à l'état d'une
société moderne. À cette époque, on a remis en
question presque tout dans la vie collective: les valeurs, la culture, la vie
économique, sociale et politique. On a effectué des grandes
réformes dans plusieurs domaines. Depuis quelques années, on
remet aussi en question les effets de ces réformes. On les
évalue. On ajuste nos tirs et on propose de nouvelles étapes de
réforme. Il en est ainsi, M. le Président, pour ce qui regarde le
droit de grève dans les secteurs public et
parapublic et le système de négociation collective.
(16 h 10)
Je suis assez âgé pour avoir vécu l'époque du
début des années soixante où un premier ministre de
l'époque a dit que l'État ne négociait pas avec ses
sujets. J'ai vécu les revendications pour le droit de grève dans
le secteur public et l'époque où ce droit a été
accordé par un premier ministre du Parti libéral. J'ai
vécu cette époque avant le droit de grève et de
véritables négociations. Les employés des secteurs public
et parapublic connaissaient des salaires de famine, peut-être certains
petits privilèges par ci et par là, mais au fond des salaires de
famine et vivaient constamment dans une atmosphère d'arbitraire patronal
et politique.
Après que le droit de grève eut été
accordé aux employés du secteur public, j'ai pu vivre les
premières négociations à HydroQuébec en 1966, 1967,
1968 après l'acquisition du droit de grève. De retour dans le
secteur privé, à compter de 1968, j'ai pu suivre et vivre avec
les citoyens et citoyennes du Québec les négociations du secteur
public de 1969, de 1972, de 1976, de 1979. Je dois souligner que, de 1964
à 1976, ce n'était sûrement pas le Parti
québécois qui était au pouvoir. Il y eut certaines
expériences désastreuses de négociation qu'on voudrait
traiter ou considérer désastreuses - du secteur public, surtout
à l'époque du front commun de 1972, où la
société québécoise était à l'envers.
Je dois souligner que c'était le gouvernement du Parti libéral
qui était au pouvoir et dont faisait partie le député de
Jean-Talon, pas comme décideur politique, mais comme faisant partie de
l'équipe gouvernementale de l'époque, de 1972 à 1976. Ce
fut le gouvernement de la grande attente, de la grande indécision qui ne
faisait rien ou peu pour modifier ou faire évoluer la législation
qui gouverne l'exercice du droit de grève dans le secteur public.
Pendant ce temps, dès le début de ce processus, j'ai
vécu avec bien d'autres citoyens et citoyennes québécois
la période de développement d'une conviction qu'au Québec
on cherche à faire les choses à notre façon, mais parfois
nos choix ne sont pas les meilleurs. On a effectivement transposé dans
le secteur public les mentalités, les comportements syndicalistes du
secteur privé, mais on n'avait pas fait la distinction que, dans le
secteur public, l'objet du travail, ce sont des êtres humains, ce sont
des hommes et des femmes qui ont besoin de services, surtout dans le domaine de
la santé, des êtres humains sous leur aspect le plus fragile, le
plus vulnérable, le plus démuni.
J'ai aussi constaté avec bien d'autres à cette
époque que des syndicalistes, aussi valables que les syndicalistes
québécois, aussi militants, aussi convaincus, dans d'autres pays
progressistes et moins progressistes du monde, avaient trouvé la
façon, sans être contraints par une loi, d'exercer le droit de
grève. Dans leur conscience humaine et dans leur conscience syndicale,
ils avaient trouvé des façons d'exercer leur droit de
revendication, leur droit de négociation, leur droit de grève
même, sans priver les citoyens, les hommes et les femmes, surtout les
plus fragiles, des services et des soins essentiels à leur santé
ou à leur survie.
Un dernier constat de cette époque: On a constaté que la
reine, qui n'avait pas voulu négocier au début avec ses sujets,
avait non seulement négocié, mais avait laissé en cours de
route sa couronne, ses bijoux et, en bien des cas, les clés du
royaume.
Cela nous mène à un constat de la société
québécoise. Même si, en 1979, la situation était
meilleure que toutes les autres années, aveugle serait celui qui dit
qu'il n'y a pas un consensus auprès des citoyens et citoyennes du
Québec qui s'exprime comme ceci: On a aussi droit à des services,
à des soins, on paie des taxes, on paie des tarifs, on veut nos soins,
on veut la paix, on veut un bout de sécurité dans ce qui est, je
le répète, notre état quand on est le plus fragile, le
plus vulnérable, atteint de la maladie, de la vieillesse, des handicaps
physiques ou mentaux.
C'est cette conviction de la population, M. le Président, qui a
débouché sur la campagne électorale de l'année
dernière. Durant la campagne électorale, dans mon comté de
Prévost, j'ai reçu de nombreuses demandes, lors des rencontres et
des assemblées publiques, relatives à la position du candidat et
du Parti québécois sur la question du droit de grève. On a
dit honnêtement et franchement qu'on proposait de maintenir le droit de
grève pour les employés des secteurs public et parapublic, mais
de faire en sorte que l'exercice de ce droit soit conditionné au
maintien des services et des soins essentiels à la population. Cette
réponse du candidat et de son parti, le Parti québécois, a
été satisfaisante à toutes celles et tous ceux qui m'ont
posé des questions durant la campagne. J'ai compris, du fait que j'ai
été élu, qu'il faisait partie de mon mandat de
député du Parti québécois de faire en sorte que cet
engagement électoral soit respecté. M. le Président, le
projet de loi no 72 constitue le respect de la part du Parti
québécois d'un engagement électoral et j'en suis fier.
J'ai eu l'honneur, M. le Président, de participer à ce
long cheminement - le député de Jean-Talon et d'autres le
trouvent trop long, tout en admettant que la question est à la fois
complexe et chargée d'émotions -de réflexion interne, de
travail de comités, de députés ministériels et
surtout de la commission parlementaire où 55 groupes, non
seulement les parties impliquées dans les conflits, les parties
patronales et syndicales, mais de nombreux groupes de citoyens et de citoyennes
qui n'avaient pas de parti pris dans le domaine technique des relations du
travail, la plupart de ces groupes manifestaient une
sérénité et une maturité éclatante face
à ce problème angoissant de conciliation du droit de grève
avec le droit des citoyens aux services essentiels. S'il y avait un consensus
pour la plupart de ces groupes, c'était qu'en 1979, grâce à
un projet de loi adopté par le gouvernement du Parti
québécois, la situation était meilleure qu'au cours des
années précédentes. Beaucoup d'ententes valables,
satisfaisantes et acceptables ont été conclues entre les parties
dans les établissements locaux. Beaucoup de listes ont été
adéquates. Dans la majorité des cas, les services essentiels ont
été maintenus, mais il y a eu des cas inadmissibles d'exception
à cette règle générale et tout le monde a
été d'accord, et nous le sommes, que même un cas
inadmissible est de trop.
Donc, M. le Président, le projet de loi no 72 n'est pas un projet
de loi qui veut tout chambarder, mais un projet qui veut prendre ce qui est bon
dans ce qui existe actuellement, qui veut corriger ce qui ne fonctionne pas de
façon assez adéquate et assurer en bout de piste que cela
fonctionne comme il se doit. C'est cela que le gouvernement a fait avec le
projet de loi no 72.
Il y a d'abord le principe qui existait déjà,
l'implication des parties patronale et syndicale sur le plan local et sur le
plan national, l'implication et la responsabilité, mais une implication
et une responsabilité surveillées, influencées par un
tiers et sanctionnées, punies par des sanctions si la
responsabilité et l'implication ne sont pas exercées de
façon acceptable. Le projet de loi est donc bâti sur le principe
que, s'il y a bonne foi, bon sens et maturité, le meilleur endroit pour
assurer les services, c'est dans chaque établissement selon sa nature et
ses particularités par ceux et celles qui y vivent tous les jours, qui
ont comme mission, comme profession, comme vocation d'assurer des services
essentiels dans le domaine de la santé, mais aussi par ceux et celles
qui oeuvrent dans d'autres secteurs des services publics et qui assurent
d'autres services essentiels à la population.
S'il n'y a pas d'entente, pour une raison ou pour une autre, M. le
Président, il y a une liste syndicale. Comme ce sont les travailleurs et
les travailleuses impliqués qui doivent, effectivement, tôt ou
tard, fournir ces services, de toute façon, ils peuvent, par la liste,
déterminer une façon adéquate d'assurer le respect des
besoins des citoyens et des citoyennes là où ils travaillent. Que
ce soit par une entente ou par une liste -là, c'est nouveau; c'est cela
que le projet de loi no 72 apporte à la structure qui existe
déjà - cette liste ou cette entente n'est plus finale. Cette
liste ou cette entente est soumise au Conseil des services essentiels qui
devient permanent, tandis qu'auparavant c'était un conseil ad hoc.
Maintenant, on ajoute une participation de représentants et de
représentantes de la population qui a droit à ces services et qui
les paie avec ses taxes. C'est ce conseil qui a le droit maintenant, au
début, avant même que les négociations soient entreprises,
de déterminer, après consultation, et d'adopter par décret
un protocole-cadre qui va délimiter, donner de forts indices et
même des indications très précises, sur les services
à assurer et la façon de s'assurer que, dans chaque
établissement, les services essentiels soient maintenus.
Concernant un protocole-cadre, le chef de l'Opposition a parlé de
comité paritaire dans les établissements. Mon Dieu! M. le
Président, à la dernière ronde de négociation, dans
les établissements où il y avait des ententes entre les parties
patronale et syndicale, là où il y avait des listes,
c'était effectivement cela qui existait, des comités conjoints
pour faire respecter, dans son état d'évolution quasiment de jour
en jour ou d'heure en heure, le maintien des services. Aussi, dans ce
protocole-cadre, il y aurait des indications assez précises sur le genre
de services et la façon dont ces services devraient être
assurés.
À la suite de l'établissement de ce protocole, le conseil
recevrait des ententes et des listes, et les jugerait quant à leur
suffisance ou non. Si elles ne sont pas suffisantes, il fera, d'abord, une
dénonciation publique du groupe en question et un rapport au ministre.
Le projet de loi no 72 donne au gouvernement le droit, le pouvoir de suspendre
l'exercice du droit de grève tant et aussi longtemps que les services
essentiels ne sont pas maintenus à sa satisfaction. Donc, une fonction
évaluation, conseil, conciliateur, qui est le conseil, et, finalement,
là où cela doit être, dans les mains du gouvernement, la
responsabilité ultime de décider de suspendre le droit de
grève dans tel établissement parce que les services essentiels ne
sont pas maintenus.
M. le Président, ce conseil aurait tous les pouvoirs
nécessaires pour dire que, dans tel type d'établissement ou dans
telle unité de soins, messieurs et mesdames, les services essentiels,
c'est 100% du personnel, c'est 99% du personnel, c'est 98% du personnel. Si ces
services ne sont pas maintenus, le conseil le dénonce et le rapport est
fait au gouvernement qui peut suspendre le droit de grève. Tout ceci est
appuyé de sanctions plus sévères et d'améliorations
au recours collectif destinées à établir plus solidement
la responsabilité de ceux qui oeuvrent dans le domaine des services
essentiels de rendre
compte de leurs actes devant la population.
Mme la députée de L'Acadie a parlé d'une
grève illégale à Rivière-des-Prairies et des
conséquences de cette grève illégale. M. le
Président, il y a quelque chose qui me mystifie dans l'attitude de
l'Opposition. Si tout le monde dans le milieu, tant travailleur que patronal,
est irresponsable, sauvage et sans conscience, il n'y a aucune loi au monde qui
assurera le maintien des services essentiels. Cela va prendre l'armée,
ça va prendre la mitraillette, toutes sortes de mesures
répressives. Je pense que, dans les cas de grèves
illégales, la loi prévoit l'injonction, des mesures
disciplinaires, des actions en dommage.
Le député de Jean-Talon dit que tout le monde est
déçu de ce projet de loi, mais qu'est-ce qu'ils attendaient, tous
ces gens? Est-ce qu'ils n'attendaient pas la solution-miracle, la baguette
magique? Il n'y a pas de solution-miracle, M. le Président, dans ce
domaine complexe de relations et de dignité humaines.
Le Parti libéral préconise, dans son document de
février 1982, que, dans les centres hospitaliers de soins
prolongés, psychiatriques, les centres d'accueil, ainsi que dans les
unités de services correspondantes, soins prolongés,
psychiatriques, les établissements hospitaliers multiclientèles,
le droit de grève soit remplacé par un mécanisme
alternatif, arbitrage sur des offres finales ou prolongation des
conditions.
Dans quelle sorte de situation est-ce que cela pourrait nous mettre?
Dans un établissement de soins psychiatriques, pas de droit de
grève, même si les travailleurs de cet hôpital soumettaient
comme liste ou comme entente 100% des services moins le peintre d'entretien,
moins la secrétaire, moins la comptabilité, moins un concierge
sur 25, même si un syndicat soumettait ça comme liste, on dirait:
Vous n'avez pas le droit ni la dignité d'exercer votre
responsabilité de cette façon-là, on vous oblige.
Dans les hôpitaux à soins multiples, quel fouillis. Telle
aile psychiatrique n'a pas le droit de grève, arbitrage. Telle autre
aile de soins ordinaires, droit de grève, négociation. Telle
autre aile, personnes âgées, pas de droit de grève,
arbitrage. Arbitrage de quoi? Est-ce qu'on aura cinq conventions collectives
dans le même établissement?
Le Vice-Président (M. Jolivet): En terminant, M. le
député.
M. Dean: En terminant, pourquoi enlèverait-on, par ce
projet de loi, le droit des travailleurs d'exercer leur dignité, leur
responsabilité, leur conscience professionnelle dans les cas où
ils l'exercent de façon acceptable, civilisée, comme l'a fait
effectivement, en 1979, la vaste majorité des syndiqués dans le
secteur public?
Le but de ce projet de loi n'est pas de forcer ceux qui ont bien fait,
ils ont déjà bien fait, mais c'est d'amener les quelques cas, les
cas inacceptables d'exception à cette règle à faire de
même. C'est ça le but du projet de loi no 72. Ce n'est pas un
projet de loi antisyndical comme voudraient le dire d'autres personnes, c'est
un projet de loi destiné à amener les syndiqués à
exercer leur droit de grève de façon humaine, de façon
digne, de façon respectueuse des autres êtres humains avec
lesquels ils vivent et travaillent tous les jours. Tout syndicaliste digne de
ce nom est profondément et foncièrement humain, il est
concerné par les droits et les besoins humains, il est concerné
par ses droits et ses besoins, mais, s'il est syndicaliste digne de ce nom, il
est concerné aussi par les besoins et les droits des autres êtres
humains, y compris et surtout les êtres humains faibles,
vulnérables et démunis qui font l'objet de son travail quotidien.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys et leader adjoint de l'Opposition. (16 h 30)
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: Merci, M. le Président. Nous étudions
le projet de loi no 72 qui se veut la solution du gouvernement au
problème crucial du maintien des services essentiels dans les services
au public, non seulement lors de négociations, mais en tout temps.
J'entendais l'adjoint parlementaire au ministre du Travail affirmer,
tout à l'heure, qu'il n'y avait pas de solution miracle. C'est exact, M.
le Président, mais il y a des solutions qui sont plus faciles à
expliquer. Il y a des solutions où l'on voit une volonté
politique. Il y a des solutions qui sont moins pénibles à tenter
de faire comprendre à la population. Il est bon, M. le Président,
de rappeler un peu la toile de fond de cette question qui inquiète
beaucoup de nos concitoyens, surtout à l'approche des
négociations.
Il s'agit, M. le Président, de l'affrontement inévitable
des employés des secteurs public et parapublic avec leur employeur,
l'État et ses composantes, les réseaux, en tout temps, oui, mais
surtout au moment de la négociation de nouvelles conventions collectives
tous les trois ans. Cet affrontement inévitable a toujours
perturbé le fonctionnement des établissements qui doivent
prodiguer au public les services auxquels il a droit. Ces services couvrent
toute une gamme d'activités, toutes très importantes, mais
dont certaines touchent de plus près les citoyens dans leur vie
même. Il s'agit des hôpitaux et autres établissements de
santé et à caractère social.
Dans le passé, M. le Président, et cela aussi il est bon
de se le rappeler, le Québec s'est vu confronté avec des
grèves qui ont littéralement fermé des hôpitaux et
autres établissements. Nous commencions alors à vivre les
conséquences de la modernisation de l'État
québécois et nous avons été collectivement pris au
dépourvu devant la gravité des conséquences
découlant de ces situations nouvelles.
Il appartenait donc au gouvernement, l'ultime responsable du bon
fonctionnement de la société et de la protection des droits des
personnes, d'intervenir pour assurer aux citoyens le respect de leurs droits
à un minimum de services de santé ou d'autres services dans les
moments d'affrontement entre employeurs de l'État et ses
employés. C'est ce qu'on appelle des services essentiels.
Voyons un peu le bilan de ces années de maturation politique au
Québec, et je réfère au document publié par mon
collègue, le député de Jean-Talon, en février 1982,
qui, à titre de porte-parole du parti, a rendu publique la position du
Parti libéral quant à cette question. Je cite: Les faits
révèlent que, chaque fois que l'État employeur et ses
salariés syndiqués négocient, le tout tourne beaucoup trop
souvent à la confrontation. C'est particulièrement vrai pour les
années soixante-dix où les rondes de négociations tenues
successivement en 1972, 1976, 1979 et 1980 se sont traduites par plus d'un
million de jours-personnes perdus.
Quand on parle de jours-personnes perdus, on parle des travailleurs, on
ne parle pas des malades. Plus de 200 000 travailleurs et travailleuses du
secteur public ont suspendu leurs activités à la suite de
grèves ou de lock-out pour des durées moyennes
évaluées à 8,4 jours en 1972, 6,5 jours en 1976, 8,8 jours
en 1979 et 13,5 jours en 1980.
Il est bon de le rappeler - on nous a dit que l'ancien gouvernement
était le champion des grèves et des jours perdus par ses
confrontations - on voit qu'en 1972 c'était 8,4 jours en moyenne, en
1976, cela a baissé à 6,5, monté à 8,8 en 1979 et
à 13,5 jours en 1980. Qui est le champion? C'est vous, messieurs, les
champions des grèves.
Au début des années soixante-dix, les effectifs publics au
Québec se comptaient par près de 250 000 personnes et
actuellement ils se situent autour de 300 000. L'absence, même
temporaire, de 200 000 d'entre eux a gêné considérablement
le fonctionnement et la fourniture des services essentiels à la
population. À près de 20 reprises, l'Assemblée nationale a
dû intervenir pour suspendre l'exercice du droit de grève et
affirmer ainsi le principe de la primauté du bien général
sur les intérêts particuliers. M. le Président, les
conséquences sur les malades, les handicapés ont
été telles que tous s'accordent maintenant pour dire qu'un
gouvernement responsable doit empêcher que les abus du passé se
répètent. Déjà, dans un premier temps, et sans
parler des mesures qui avaient été adoptées par les
anciens gouvernements, le gouvernement actuel, en 1979, a tenté de
régler ce problème. Malgré nos avertissements, le PQ a
fait adopter une loi qui encadrait la ronde de négociations des
années 1979-1980. À cet égard, on peut dire qu'au niveau
de l'établissement - c'était la mesure, la solution
proposée par le PQ d'alors - et du maintien des services essentiels, les
dispositions du Parti québécois étaient entre autres
caractérisées par, premièrement, la constitution pour la
période de négociations d'un conseil sur le maintien des services
de santé et des services sociaux en cas de conflit de travail;
deuxièmement, l'application de la liste syndicale en cas de non-entente
au niveau local quant à l'établissement des services
essentiels.
Quel fut le bilan de ces négociations? Plusieurs personnes,
analystes, observateurs et porte-parole gouvernementaux statuèrent
à une amélioration prodigieuse par rapport à ce que nous
avions connu auparavant. Or, à notre avis, bien que moins spectaculaire
en rapport avec ce que nous avions vécu particulièrement en 1972,
la ronde de négociations de 1979-1980 n'a pas permis d'exclure
totalement ce qui confère à toute grève dans les services
publics son caractère inacceptable à savoir un lot, dans la
mesure où on peut l'évaluer, de situations intenables et surtout,
le risque que l'on fait courir aux usagers des services publics,
particulièrement, dans la santé et les services sociaux.
Pour s'en convaincre, examinons les faits suivants. Premièrement,
le bilan des deux dernières négociations s'établit comme
suit. En 1976, nombre de jours-personnes perdus, 1 394 000. En 1980, 1 438 000.
Qu'est-ce que votre solution miracle de 1978 a réglé? Absolument
rien. Qu'est-ce qu'on nous propose pour régler la situation qu'on
voulait régler en 1978, que l'ancien ministre du Travail maintenant
ministre des Affaires sociales nous avait promis comme étant la solution
qui réglerait le problème? On nous propose plus que la même
chose. La même chose en plus. C'est tellement décevant. Cette
solution plus bureaucrate a été accueillie par la presse de la
façon suivante. Ce n'est pas l'Opposition qui parle, ce sont les
observateurs indépendants.
Je cite, par exemple, M. Michel Roy, de la Presse, qui dit ceci: "Le
régime que le ministre met en place tend à perpétuer les
affrontements des parties syndicales et
patronales, fait appel à un conseil qui pourrait être
permanent et mieux équilibré que l'organisme créé
en 1979 - c'est déjà une petite critique de ce que faisait
l'ancien ministre - s'expose aux mêmes difficultés et à la
même inefficacité." Il poursuit: "La solution est ailleurs.
L'Assemblée nationale devrait, comme l'a suggéré le Parti
libéral du Québec, suspendre l'exercice du droit de grève
dans les établissements de malades chroniques, soins prolongés,
dans les centres psychiatriques et dans les centres d'accueil pour personnes
âgées, ces lieux où se retrouvent des clientèles
captives à l'égard desquelles une grève est un acte de
terrorisme."
De quoi avez-vous peur? Pourquoi ne prenez-vous pas vos
responsabilités? Est-ce que ce n'est pas clair, après les 56
heures de commission parlementaire que nous avons tenues de façon tout
à fait non partisane, est-ce qu'il n'est pas clair que dans ces
établissements, il est inhumain de prendre ces usagers en otage? Est-ce
qu'il n'est pas clair que tous les services, 24 heures par jour, dans un centre
psychiatrique, dans un hôpital pour enfants, sont essentiels? Qu'est-ce
que vous attendez pour l'affirmer? De quoi avez-vous peur? J'aimerais qu'on
m'en fasse la démonstration. (16 h 40)
M. le Président, un autre observateur, M. Jean-Louis Roy du
Devoir, parle d'un projet incomplet et lui aussi invite le gouvernement
à suivre la voie qui lui était tracée par le Parti
libéral du Québec depuis déjà plusieurs mois,
depuis février dernier. Je cite M. Roy dans le Devoir du mercredi 2
juin: "L'Opposition cherchera vrai- semblablement à obtenir des
amendements à ce projet de loi. Si elle -l'Opposition - proposait,
notamment, une formule d'extension des conditions négociées
ailleurs pour les travailleurs des centres hospitaliers de soins
prolongés et de soins psychiatriques, pour les centres d'accueil, de
réadaptation et d'hébergement, elle devrait obtenir l'appui de
tous ceux qui répudient la prise en otage des personnes les plus
démunies."
Est-ce assez clair? Quand on parle d'extension des conditions
négociées, cela veut dire qu'il n'y a pas de grève
à l'endroit où on fait l'extension. C'est la suspension du droit
de grève. Pourquoi attendre le fonctionnement lourd, à peine
compréhensible? J'écoutais attentivement tout à l'heure
l'adjoint au ministre nous l'expliquer, mais combien pénible, cette
explication! Pourquoi l'imposer pour en arriver aux mêmes
résultats que dans ces établissements? Il est inhumain, de l'avis
de tous, de tolérer une réduction des services. "Un projet de loi
décevant", dit Vincent Prince, dans la Presse du mercredi 2 juin. Je le
cite à la fin, et je m'excuse auprès des éditorialistes;
il est toujours injuste de ne citer qu'une partie, mais on n'a pas le temps de
tout citer. J'attire l'attention de mes collègues et aussi de ceux qui
nous écoutent pour qu'ils relisent ces articles qui sont
extrêmement intéressants. Il dit: "Le ministre du Travail proclame
que sa grande préoccupation, en le rédigeant - il parlait du
projet de loi - a été "de consacrer la primauté du droit
des citoyens de continuer à bénéficier de services
jugés essentiels, lorsque les travailleurs exercent leur droit de
grève". Il y a fortement lieu de craindre que tout cela, encore une
fois, demeure un simple voeu pieux."
C'est ce qu'on a entendu tout à l'heure dans la bouche des
intervenants. J'entendais Mme la ministre à la Condition
féminine. Elle nous accuse, d'un côté, de faire de
l'alarmisme, de crier à la catastrophe et, du même souffle, elle
dit qu'on ne peut plus tolérer - et là, elle élève
la voix, un peu comme le ministre - la prise d'otages associée à
la négociation. S'il est exact qu'il s'agit d'une prise en otage des
plus démunis, de ceux qui ne peuvent pas prendre soin d'eux-mêmes,
à ce moment-là, pourquoi nous accuser d'alarmisme et pourquoi ne
pas suivre la proposition que nous avons faite?
Je vais vous citer, M. le Président, Mme Lysiane Gagnon dans la
Presse du samedi 5 juin. Il serait intéressant de lire tout cet article.
Je ne lirai que la dernière partie: "Le ministre Marois affirme "faire
confiance au sens de la responsabilité des parties, c'est-à-dire
des grévistes." Je cite toujours: "Le ministre Johnson, en
présentant il y a trois ans la loi qui a présidé aux abus
de 1979 disait exactement la même chose." On n'apprend pas vite, de ce
côté-là de la Chambre. Je continue la citation de
l'article, M. le Président: "Voici donc pour la deuxième fois en
quatre ans, sans compter les fois précédentes sous d'autres
régimes -il ne s'agit pas d'oublier ce qui s'est passé avant - un
autre test, un test qui ressemble à une partie de poker dont l'enjeu
serait la santé et même la vie d'un nombre
indéterminé d'individus, partie de poker au terme de laquelle, en
cas de dégâts irréparables, de blessures
irrémédiables ou d'humiliations intolérables, les victimes
ou leurs proches pourront toujours intenter, a posteriori, une fois le mal
fait, des procédures en recoure collectif comme le ministre les y
convie. Comme cynisme, on a rarement vu mieux." Je cite toujours l'article de
Mme Gagnon. Elle termine en disant ceci: "Qu'est-ce donc que cette
social-démocratie qui cède devant les plus forts qui
écrase les faibles parce que leurs voix ne portent pas loin et qu'ils
sont déjà réduits à l'impuissance? Sous l'apparente
naïveté de ce projet de loi perce autre chose: la
lâcheté." Ce n'est pas un méchant député de
l'Opposition que j'ai cité, ce sont des
observateurs indépendants, intéressés à la
question.
C'est ainsi que le ministre et ses collègues clament bien haut la
primauté du droit fondamental à la santé sur le droit de
grève, mais ils ont peur, ils n'ont pas le courage de faire suivre leurs
discours de gestes semblables. Un geste vaut mieux que vingt discours. Le
ministre aura beau crier qu'il faut que les abus cessent, Mme la ministre
d'Etat à la Condition féminine pourra toujours dire qu'il est
inconcevable, inacceptable de prendre en otage des gens lors des
négociations, prise d'otages qu'elle a mentionnée, les discours
ne feront rien à moins qu'on ait une volonté politique de faire
suivre le discours dans le texte de loi. Or, qu'est-ce qu'on a? C'est de la
bureaucratie. C'est un fonctionnement lourd. On voit beaucoup de bureaucratie,
mais peu de courage.
M. le Président, c'est faux de dire que le gouvernement assure la
primauté du droit à la santé. Il la confie plutôt
à une structure lourde et inefficace. C'est là la
lâcheté que mentionnait Mme Gagnon. Le gouvernement a peur
d'affirmer et d'assumer la responsabilité de ce droit à la
santé, que vous dites devoir primer et précéder le droit
de grève. D'ailleurs, le ministre a tellement peu confiance dans les
mesures qu'il nous propose dans son projet de loi - M. le Président, je
termine là-dessus - qu'il prévoit que les victimes des abus
auront droit de réparation par voie de recours collectif. Est-ce qu'on a
vu pire en fait de ridicule? C'est vrai, c'est déjà arrivé
qu'un groupe de malades ait eu recours à ce recours collectif justement
pour tenter d'avoir réparation. Ils ont eu quelque cent dollars chacun.
Est-ce qu'on peut réparer les dommages faits à la santé ou
à la vie par la suspension des services de santé? Est-ce que cela
se répare? On n'a bien fait d'écrire qu'il s'agit d'un cynisme
comme on en a jamais vu auparavant. D'ailleurs, que dire de la contribution du
ministre de la Justice? J'aurais pensé que le ministre de la Justice,
qui est responsable de l'application de la Charte des droits et libertés
de la personne, se serait levé pour affirmer le droit à la
santé. Mais non, il est venu faire un petit discours technique comme
quoi le recours collectif sera changé pour permettre cette espèce
de farce qu'on nous propose.
M. le Président, en conclusion, comment un gouvernement a-t-il pu
produire un projet aussi minable? Je vais vous le dire: c'est un gouvernement
qui nage dans l'incohérence, qui est divisé, mais que le
gouvernement ne s'attende pas que le Parti libéral le suive dans cette
voie. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Affaires sociales.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, traiter du droit de
grève en matière de santé et de services sociaux est
probablement un des sujets les plus épineux, les plus importants, en
même temps que les plus troublants qu'il soit demandé à des
hommes et des femmes politiques de traiter dans une société comme
la nôtre. Une grève dans un hôpital, c'est
intrinsèquement et profondément intolérable. C'est d'abord
et avant tout difficile, parfois pénible, et cela a été,
dans le passé, à l'occasion, mortel pour des personnes. Cela
comporte également des dangers. C'est également pour les
citoyens, au moment où notre société s'aligne, comme
à tous les deux ou trois ans depuis vingt ans, vers le grand
affrontement entre l'État et les structures qui représentent les
salariés de l'État. C'est une source d'anxiété,
d'inquiétude, d'inconfort qui va au-delà du simple ennui ou de
l'inconvénient, mais qui atteint assez profondément les
êtres humains dans leur sécurité. (16 h 50)
Si ces aspects sont fondamentaux, ils le resteront toujours
au-delà des lois et au-delà de l'intérêt et des
discours que nous pourrons faire, hommes politiques, représentants
syndicaux, représentants patronaux ou même structures
représentatives de la population. Il y a derrière le
phénomène du droit de grève, dans les hôpitaux au
Québec, profondément aussi l'ennui que représente pour les
hommes politiques de faire face à ce qui est un miroir de la
société, une société sans consensus, M. le
Président, une société où on a réussi depuis
20 ans, à toutes sortes d'occasions, à reléguer un peu
trop rapidement quelques valeurs, à se dispenser aussi un peu trop
rapidement de l'humanité des comportements collectifs, une
société qui, depuis 20 ans, de plus en plus valorise les
mécanismes, les appareils, les "apparatchiks", les structures, une
société qui, systématiquement d'ailleurs, malgré
tous les progrès extraordinaires qu'elle a accomplis, a,
malheureusement, à l'égard de beaucoup de problèmes de
fond, connu une fuite en avant au niveau des structures, une
société où on a aussi résumé très
rapidement, peut-être trop rapidement, le conflit intrinsèque qui
existe entre les droits individuels et les droits collectifs, tantôt le
droit à la santé et à celui des conséquences de la
liberté d'association.
Une grève dans un hôpital, M. le Président, c'est
brutal. Peut-être faut-il voir un peu ce qui s'est passé depuis 20
ans. Le début des années soixante a été
marqué par la reconnaissance de ce droit de grève dans les
systèmes de santé et les services sociaux, comme dans l'ensemble
de la fonction publique. Le droit de grève a été pour
la
première fois, dans notre passé récent,
encadré lors du second mandat du gouvernement de Jean Lesage, au
début des années soixante.
Cette période a été marquée par
également des épisodes encore une fois d'une brutalité
incroyable. Je me souviens de 1966. Les élections ont eu lieu au mois de
juin. Une grève a duré littéralement des semaines dans les
hôpitaux, qui s'est terminée, on se le rappellera, par la mise en
tutelle de l'ensemble du système hospitalier au Québec et la
centralisation des négociations et le début de la confusion,
à cause de la centralisation des négociations, entre les notions
intrinsèques relevant du droit d'association à l'égard de
la revendication des intérêts économiques et l'exercice du
droit de grève.
Cette période - il faut aussi le dire - a été
marquée par des progrès importants quant aux conditions de
travail de l'ensemble des travailleurs des secteurs public et parapublic au
Québec.
Les années qui suivirent furent également marquées
par encore une amélioration considérable des conditions de
travail, dans le secteur hospitalier, dans le secteur de l'éducation,
comme dans celui de la fonction publique et dans celui des services
sociaux.
Au fur et à mesure que les infirmières sont passées
d'une des catégories de travail les moins payées au niveau de
l'État québécois à l'une des catégories de
travail, en termes relatifs, si on se compare en relativité interne
comme par rapport à des sociétés semblables aux
nôtres, adéquatement rémunérée, au fur et
à mesure que ces conditions de travail se sont améliorées
pour les travailleurs, les conventions collectives ont épaissi, et de
bien des façons, au point d'ailleurs où elles sont souvent
incompréhensibles, où elles sont inapplicables, où elles
sont parfois carrément injustes pour les travailleurs eux-mêmes
dans l'application de ce qu'on appelle le "bumping" et d'autres
éléments.
La période qui a donc suivi le début des années
soixante a donné lieu encore une fois à des affrontements qui se
sont traduits par des arrêts de services dans les hôpitaux
notamment, avec moins de brutalité, dans la mesure où la
brutalité est une chose qui se quantifie. Au-delà de
l'anxiété que cela suscite constamment chez les citoyens et,
notamment, les citoyens les plus démunis, il y a eu des cas importants
de conséquences irréversibles, de conséquences
regrettables ou de conséquences ennuyeuses, selon le degré de
gravité, chez des citoyens, des bénéficiaires du
réseau.
Je vois ce que je connais, depuis un certain temps, de ce réseau,
pour y avoir circulé depuis un an, pour y avoir oeuvré pendant un
certain nombre d'années également. Il y a des cas issus de
l'insouciance, issus de l'abdication des responsabilités, issus de la
"déresponsabilisation", notamment, à travers "l'apparatchik"
syndical ou la structure incarnant l'absence de responsabilités des
personnes.
L'encadrement législatif est devenu de plus en plus important, de
plus en plus lourd, de plus en plus complexe. On a assisté à une
sédimentation législative comme dans d'autres secteurs. On a fait
face à une complication de ces quelques lignes dans le Code du travail
qui, en 1964, conférait le droit de grève, par un simple
amendement qui supprimait quelques mots au code. Alors, on l'a remplacé
par, littéralement, des pages, non pas cette année, mais depuis
20 ans.
Tout cela a été assez largement marqué par une
tendance à l'obsession de passer du particulier au général
plutôt que le contraire. Tout cela dans un contexte où on a
banalisé, dangereusement, dans cette société, d'une
façon désincarnée, le recours à la force. Mais nous
ne vivons pas dans un monde idéal, M. le Président. Qui mieux que
nous le sait, surtout ceux qui ont à exercer la responsabilité
gouvernementale en cette période difficile.
Une société idéale, c'est une société
où il n'y aurait pas de grève dans les hôpitaux. Pas une
société où il n'y a pas de droit de grève dans les
hôpitaux. Une société où il n'y a pas de
grève dans les hôpitaux. Une société idéale,
ce serait même une collectivité qui accepterait que, quand les
citoyens, notamment les plus démunis de notre société,
sont ébranlés, que ce soit dans le cadre des rapports collectifs
entre les employés de l'État et le gouvernement qui incarne la
puissance de l'Etat d'une façon transitoire ou plus ou moins permanente,
une société idéale, ce serait une collectivité qui,
idéalement, devrait s'assurer qu'il y a une amélioration de la
qualité des services dans le secteur des services sociaux et de la
santé.
Je ne prétends pas qu'il s'agit d'une société
idéale, mais ce qu'ont vécu récemment les Polonais
était assez remarquable à cet égard, alors qu'un vent de
liberté a soufflé dans cette collectivité relativement
oppressée par les structures politiques, où des hommes et des
femmes revendiquent, au nom de la solidarité, le pouvoir de s'exprimer,
où ils ont fait des grèves générales. L'ancien
président de la CSN, Norbert Rodrigue, me disait que, lors de son
séjour en Pologne, il a été frappé de voir
qu'à l'occasion d'une grève générale dans ce pays,
le mot d'ordre que se donnaient les syndiqués et les syndicats,
c'était d'augmenter les services dans les hôpitaux et dans les
services sociaux. Mais c'étaient des hommes et des femmes qui le
faisaient. C'étaient des êtres humains qui
prenaient en main des responsabilités. Ce n'était pas
laissé à un pouvoir réglementaire ou à un appareil
désincarné. Il faut que les conditions d'un comportement
idéal, dans une société normale et qui n'est pas
idéale, se créent. L'échec que nous connaissons
systématiquement au Québec dans ce domaine depuis 20 ans n'est
pas l'échec des lois. Il est l'échec de la réalité.
Il est le constat difficile, mais nécessaire que nous devons faire comme
Québécois, que cette maturation du comportement des individus
comme des collectivités syndicales n'est pas encore terminé. Il
est le constat difficile que nous confondons encore dans l'activité
syndicale l'accessoire avec le principal, le fondamental avec ce qui est moins
essentiel. Il est le constat qu'il nous arrive même dans cette
Assemblée, de part et d'autre, de confondre les attributs avec la
fonction. (17 heures)
La question qui se pose n'en est donc pas une que de droit. Elle en est
une de réalité. Il est facile pour l'Opposition de dire ou de
laisser entendre dans chacun des discours que j'ai entendus depuis tout
à l'heure, y compris celui du chef de l'Opposition, qu'abolir le droit
de grève abolirait les grèves. De la même façon, il
serait extrêmement facile pour le gouvernement de prétendre que,
puisqu'en abolissant le droit de grève, on n'abolira pas
nécessairement la réalité qu'est l'arrêt de travail,
on se cantonne à conserver le statu quo.
Ces deux positions, de part et d'autre, seraient issues d'un formalisme
inacceptable quand on parle d'une chose aussi fondamentale que la santé
et, je dirais même, le confort des citoyens. Ce qu'il faut rechercher par
tous les moyens possibles dans cette société, à partir des
contraintes de la réalité et de l'expérience historique
que nous avons vécue comme peuple depuis 20 ans dans ce domaine, ce sont
les conditions qui feront enfin qu'ici, comme dans d'autres
sociétés civilisées, l'expression de la revendication
collective se fasse d'une façon symbolique et que l'État accepte
aussi de réagir devant le symbole et de ne pas attendre que ce soit une
masse qui s'abatte sur les citoyens.
Ce projet, qui est imparfait comme le seront toujours tous les projets
à cet égard, ne va pas aussi loin que beaucoup de gens l'auraient
souhaité, et des gens qui ont réfléchi. Mais dans la
solution qui consisterait carrément à abolir purement et
simplement le droit de grève, il faut voir qu'il y a aussi un risque
énorme, un risque qu'il faudra peut-être prendre un jour comme
société, et peut-être plus tôt qu'on ne le pense,
celui de faire face, comme société, à une situation
où tout le monde est en marge de la loi.
Le projet de loi présenté par mon collègue vient
rendre plus difficile l'exercice de ce droit en obligeant le tamisage des
propositions syndicales à travers l'opinion, le jugement d'un tiers
qu'on voudrait le plus éclairé possible, en obligeant à
des avis plus complexes pour la structure syndicale et plus exigeants dans le
temps, en soumettant le droit de grève à la possibilité de
se voir suspendu le droit de grève dans un cas particulier, là
où l'exercice collectif du pouvoir syndical appréhendé ou
réel, selon qu'ils sont en grève, serait inadéquat pour
protéger au maximum les citoyens. Finalement, M. le Président, ce
projet de loi rendra également la vie plus difficile à ceux qui
exercent un droit collectif, en introduisant des sanctions de nature collective
où, enfin, le droit dans sa nature, au niveau des sanctions, rejoint
l'exercice.
Le ministre du Travail ne prétend pas que ce projet garantira la
paix aux citoyens. Aucune loi, dans une société aussi
divisée que la nôtre, ne garantira jamais la paix. Cependant, la
solution proposée par ces gens qui ont réfléchi et par une
partie de nos collègues de l'Opposition ne peut pas, non plus, garantir
la paix. Pas plus ici qu'ailleurs ne doit-on négliger l'analyse de la
réalité et je dirai beaucoup plus ici qu'ailleurs, puisqu'il
s'agit de la vie, de la souffrance et de l'anxiété pour les
citoyens, devons-nous tenir compte de ce qu'une loi reflète non pas ce
qu'on idéalise mais ce qui existe et le déroulement très
dur et l'apprentissage que nous devons faire de vingt ans de
réalité dans ce domaine?
Cette loi ne prétend rien garantir, elle prétend
protéger au maximum. Cette loi aussi, comme la réalité,
nous rappellera, chaque fois que nous aurons à la considérer, que
nous aurons à vivre cette réalité que, comme
société, nous continuerons, pendant un certain temps, à
devoir serrer les dents devant certains problèmes que nous
connaissons.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laurier.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, M. le Président. Il serait
peut-être intéressant de rappeler que celui qui m'a
précédé était, il y a quatre ans, le ministre du
Travail qui a en quelque sorte mis de l'avant le principe qui a causé
tous les problèmes qu'on a connus dans les services essentiels depuis ce
temps-là.
Le principe qui a été mis de l'avant à cette
époque voulait que certains services soient considérés
essentiels et d'autres non essentiels dans le domaine de la santé, entre
autres. L'établissement de ces services essentiels était
laissé entièrement à la discrétion d'une des
parties en cause et devenait finalement un instrument de
pression dans les négociations. Les services essentiels
étaient laissés à la discrétion des syndicats qui
en établissaient une liste. Tout ce qui s'est passé depuis ce
temps-là, quand on a connu les grèves dans le domaine des
affaires sociales, c'étaient des situations où il n'y avait pas
de services assurés aux malades dans le domaine des soins
psychiatriques, aux centres d'accueil pour les personnes
âgées.
On a trouvé des gens qui étaient effectivement pris en
otage, comme l'ont fait remarquer presque tous les orateurs qui m'ont
précédé. C'est aux orateurs du parti ministériel
justement qu'incombe aujourd'hui la tâche de corriger cette situation
d'une façon claire, nette et précise dans le cas de ces
populations qui sont prises en otage lors des grèves.
Au lieu de le faire, au lieu de dire clairement que la population a un
droit prioritaire aux services de santé et aux services sociaux, le
gouvernement a essayé de faire le jeu des deux parties, de faire de
beaux discours devant les caméras, comme on vient d'en entendre, pour
dire qu'on veut assurer la primauté des services essentiels, mais dans
le concret, dans les gestes qui pourraient effectivement assurer ces services
essentiels, il n'a rien fait. Il a mis de l'avant un mécanisme
technocratique où les services essentiels, si on peut parler ainsi dans
le cas des personnes âgées qui, finalement, vivent en institution
d'une façon complètement dépendante des employés et
de l'État... Les gens qui vivent dans ces centres d'accueil sont, de
plus en plus, des gens qui sont alités, qui ne peuvent pas pourvoir
à leurs propres besoins, des gens qui ont entièrement besoin de
ce que nous, les gens de l'extérieur, tenons pour acquis tous les jours.
Les gens qui peuvent leur fournir ces services sont des gens qui travaillent
effectivement dans ce réseau.
Celui qui finance ce réseau, c'est l'État. L'État a
donc une responsabilité immédiate envers ces gens qui vivent
d'une façon complètement dépendante. On ne peut pas,
à mon point de vue, parler de services qui sont non essentiels quand on
parle de gens qui sont complètement dépendants, de gens qui ne
peuvent pas manger seuls, de gens qui ne peuvent pas se laver seuls, de gens,
par exemple, dans des institutions psychiatriques, qui sont là
certainement pour une raison. Comment va-t-on définir ce qui est un
service essentiel pour les gens qui sont complètement démunis par
rapport à une vie normale? Pourtant, il semble que le gouvernement croit
qu'il y a des services qui ne sont pas essentiels pour ces personnes. Encore
une fois, on prend la notion de service essentiel et on fait en sorte qu'encore
une fois on négocie les services essentiels entre la partie syndicale et
la partie patronale et encore une fois d'une façon
institutionnalisée le rapport de forces autour d'une question tellement
fondamentale que je pense que s'il y a une chose qui a fait l'unanimité
à travers le Québec ces jours-ci, ce temps-ci, c'est bien le fait
que la population du Québec a le droit, d'avoir une garantie surtout en
ce qui concerne les services de santé. (17 h 10)
On a ici devant nous un projet de loi qui prend une approche encore une
fois technocratique, qui met la notion des services essentiels encore une fois
en négociation entre la partie patronale et la partie syndicale, dans le
cas où elles ne sont pas capables de s'entendre toutes les deux. On
doutera bien qu'elles ne peuvent s'entendre même si le ministre fait
appel à leur sens de la responsabilité, etc., pour fins de
discours, M. le Président, parce qu'on a vécu dans le
passé et cela n'a pas marché dans le passé. Elles ne se
sont pas entendues dans le passé.
Cette fois-ci, encore une fois, le syndicat peut établir les
services essentiels, sauf que, maintenant, le conseil qui est constitué
aura à évaluer cette liste pour prendre la décision
à savoir si c'est vraiment suffisant comme services essentiels ou non.
Encore une fois, M. le Président, cela va plus loin, parce que, si ce
conseil trouve que ce n'est pas suffisant et qu'il n'arrive pas à
corriger la situation, il va falloir à ce moment que le gouvernement
intervienne. On a augmenté les délais, c'est quelque chose
d'incroyable, en mettant sur pied une structure tellement technocratique, dont
la mentalité tient tellement peu compte de la réalité que
les gens sont effectivement pris en otage dans une grève de ce genre;
c'est ce qu'ils vivent. On n'a nullement considéré la
réalité humaine. On a perdu, M. le Président, toute
cohérence de ce côté-ci. Il y a quelques jours, on nous a
déposé un autre projet de loi, le projet de loi no 70, tout en
parlant ici dans le projet de loi no 72 de la bonne foi des personnes, du sens
des responsabilités qu'auront les parties en cause.
Il y a un ou deux jours, on nous a présenté un projet de
loi où les syndicats sont visés d'une façon
unilatérale, voués à des réductions de salaires. Ce
serait extraordinaire, si les gens peuvent subir des coupures de salaires, M.
le Président, et manifester de la bonne volonté face aux
mêmes patrons qui viennent tout juste de leur dire que, de façon
unilatérale, ils sont dans un bordel financier incroyable. "On va vous
utiliser pour éponger ce qu'on a créé nous-mêmes.
Laissez faire le fait qu'on a signé il y a deux ans et demi les
mêmes conventions. On les change dorénavant."
Deux jours plus tard, on vient ici avec un projet de loi sur les
services essentiels pour nous dire qu'on va se fier sur un climat
de paix, sur un climat où le sens de la responsabilité va
régner. C'est une farce, M. le Président, une telle farce que
presque l'ensemble des éditorialistes du Québec se sont mis
d'accord pour dire effectivement que ça, c'est une farce. "C'est un
projet incomplet, un projet de loi décevant", dit la Presse de
Montréal, le 2 juin. "Un projet incomplet", dit le Devoir. Lysiane
Gagnon écrit: "Un autre pari risqué." On parlait de risque tout
à l'heure, M. le Président, pour nous dire que les risques
étaient trop grands pour vraiment faire ce qu'il fallait faire. Mais
cela, c'est vraiment quelque chose, quand on est en train de parler de la
santé de personnes qui sont complètement dépendantes de
l'État et qu'on nous dit qu'on ne peut pas faire ce qu'il fallait faire
parce que les risques sont trop grands. Pour moi, il sera dit que le
gouvernement n'a pas le courage de tenir, dans des gestes concrets, les
discours qu'il tient pour les caméras ici, M. le Président. C'est
tout.
M. le Président, ce n'est pas un projet de loi pour assurer les
services essentiels. C'est un projet de loi qui, finalement, est là pour
l'image et c'est tout. Si on le lit, on nous dit que ce projet de loi a pour
objet de consacrer la primauté du droit des citoyens de continuer
à bénéficier des services jugés essentiels. Si on
va plus loin, on nous dit aussi que, dans les cas où les services
essentiels devront être maintenus, les parties en cause devront, avec
l'aide du Conseil des services essentiels, le cas échéant,
s'entendre sur ces services. À défaut d'entente, le syndicat
devra établir une liste des services essentiels qu'il entend maintenir.
La suffisance, comme je l'ai dit tout à l'heure, de ces services sera
jugée par le conseil, qui, lui, va entrer dans ce litige et qui, s'il
n'arrive pas à le régler, le soumettra au gouvernement qui,
finalement, sera appelé un jour à assumer ses
responsabilités. Peut-être que c'est parce qu'il a vu que,
finalement, cette situation, M. le Président, va mener à un
manque de services de santé pour des gens qu'ils ont aussi introduit
dans le projet de loi, comme le ministre de la Justice nous disait tout
à l'heure, le fait que dorénavant on va faciliter le recours
collectif pour les gens qui ont été privés de ces
services.
M. le Président, je ne sais pas comment on va mettre un prix sur
la vie des gens, sur la santé des gens et sur le bien-être de gens
qui, finalement, dans le cas des personnes âgées, par exemple,
vivent en quelque sorte leurs derniers jours, dépendant
entièrement de l'État. On va leur dire: Si vos droits, qu'on
déclare ici être essentiels et avoir la primauté, M. le
Président, sont bafoués par des grèves, etc., vous aurez
plus tard l'occasion de redresser les torts en vous adressant aux tribunaux.
C'est cynique, M. le Président, et rien 'd'autre. C'est exactement ce
que Lysiane Gagnon disait aussi dans la
Presse. Comme cynisme, on n'a pas vu mieux. On vient nous dire qu'il y a
un prix, qu'il y a un dédommagement qui peut être obtenu
après que le tort a été commis, pas un tort dans le sens
où vous et moi pouvons l'entendre, étant donné que nous
sommes des gens qui vivent d'une façon normale, mais un tort aux gens
qui sont, sinon des otages, du moins des gens qui ne peuvent pas pourvoir
eux-mêmes à leurs besoins. Si ce n'était le fait que
même le gouvernement s'attend que cela ne marche pas, pour quelle raison
a-t-il introduit cette affaire?
M. le Président, on a vu - en tout cas, moi, j'ai vu, depuis un
an que je suis ici -des projets de loi qui ne font que parler pour l'image, qui
évitent continuellement de faire face aux vrais problèmes qu'on
connaît ici au Québec et qui cherchent finalement à
camoufler la situation qu'on vit ici. Tout ce que j'ai entendu jusqu'à
maintenant sur ce projet de loi, c'est que c'est la faute du
fédéral ou de quelqu'un d'autre. Je suis certain que quelqu'un va
probablement se lever tantôt et dire que c'est la faute de quelqu'un
d'autre, tout ce qu'on a connu ici en termes de relations du travail, parce que
pour tous les autres problèmes dont on discute ici à
l'Assemblée nationale, il y a toujours quelqu'un d'autre qui en est
responsable. Le lundi, généralement, ce sont les Anglais. Le
mardi, généralement, c'est le gouvernement fédéral.
Le mercredi, je ne sais pas trop qui, mais on trouve continuellement quelqu'un.
Cela va probablement être ma faute, parce qu'on est en train de trop
faire ressortir le fait que ce gouvernement est incapable d'assumer ses
responsabilités de façon mature, adulte et responsable. Faites
toutes les grimaces que vous voulez de l'autre côté. Les
députés de l'autre côté trouvent peut-être
cela achalant, mais c'est vrai, et la façon la plus claire de le voir,
c'est en ce qui concerne les services essentiels, M. le Président. Quand
on a devant nous un projet de loi qui veut parler de la primauté des
services essentiels et qui, dans les faits, ne lève même pas le
petit doigt pour corriger vraiment la situation, c'est là un aveu
d'irresponsabilité et d'un manque de courage flagrant.
On nous dit souvent, M. le Président: Mais vous, qu'auriez-vous
fait? C'est clair. Nous disons que dans un projet de loi qui vise le maintien
des services essentiels, tout d'abord, on ne mettrait pas sur le même
pied le droit à la santé, les services de santé et toutes
les autres grèves qu'il peut y avoir dans le secteur public. Ce n'est
pas la même chose si un hôpital ou un centre d'accueil pour
personnes âgées ou un centre hospitalier de soins prolongés
connaît une grève que si on connaît une grève, par
exemple, à Hydro-Québec ou dans le transport, etc. Il y a lieu
d'examiner cela et de regarder cela de près pour assurer des
services essentiels à la population, mais ce n'est pas la
même chose quand on parle de santé que quand on parle de
téléphone ou d'Hydro-Québec. C'est la première
chose qu'on aurait faite, une distinction nette, claire et précise entre
ce qui est des droits fondamentaux à la santé pour des citoyens
de cette province et tout le reste. C'est la première chose.
La deuxième chose, M. le Président, c'est que dans toutes
les institutions où nous avons des populations captives,
c'est-à-dire les populations qui ne peuvent pas faire autrement
qu'être là: les départements de psychiatrie des
hôpitaux, les centres d'accueil pour personnes âgées, les
centres d'accueil pour les jeunes, les centres hospitaliers de soins
prolongés, toutes les institutions où les populations sont
captives, ne peuvent pas se lever et s'en aller en disant bye-bye - dans tous
ces endroits, il ne faut pas parler des services essentiels. Il faut parler de
services, point. Dans toutes ces institutions, il n'y a pas lieu de parler de
liste de services essentiels. Il n'y a pas lieu de faire en sorte que le
syndicat et le patron vont s'asseoir pour établir une liste qui sera
jugée par le conseil qui sera, lui, jugé par le gouvernement, si
cela ne tient pas. Il s'agit là de dire carrément: Pas de
grève, c'est tout, pas de grève dans cela. (17 h 20)
Je suis certain que les syndiqués comprendront, parce que ce
n'est pas n'importe qui qui est dans ces institutions. Ce sont tous des gens
dépendants. On a tous éventuellement un jour un parent ou un
proche qui pourra passer par là. Ce n'est pas quelque chose que les gens
ne comprendraient pas. Je suis convaincu, si le gouvernement avait le courage
de le faire, de donner l'exemple, qu'il y aurait un paquet de gens qui
pourraient dire: Cela a du bon sens que, dans tous les endroits où il y
a des populations captives, il n'y ait pas de grève.
Est-ce qu'on est une société civilisée, oui ou non?
Le gouvernement est en train de nous dire qu'on ne l'est pas, parce qu'il a eu
peur de faire ce qu'il fallait faire. Où est la confiance qu'il a dans
la population québécoise? Il n'en a pas. Il est en train de nous
dire finalement que la population québécoise est un gang de gens
qui ne voient qu'eux, je ne sais pas pourquoi, que leur avancement personnel.
Les risques sont trop grands, disait le ministre des Affaires sociales. Le
même ministre qui doit gérer, qui est responsable de tout ce
réseau des Affaires sociales, est en train de nous dire qu'il ne peut
pas dire qu'il ne devrait pas y avoir de grève dans les hôpitaux
de soins prolongés, dans les centres d'accueil pour personnes
âgées, dans des centres psychiatriques, parce que les risques sont
trop grands. Où est sa confiance dans la population
québécoise? Où est sa confiance dans les syndiqués
qui oeuvrent dans ces milieux? Il n'y en a pas. C'est effectivement une
démission du gouvernement face à un droit primordial qu'ont les
citoyens de s'attendre que cette société leur maintienne des
services de santé en tout temps, grève ou pas grève.
Nous, on aurait fait cela. On aurait soumis les travailleurs de ce
secteur à un mécanisme qui leur aurait permis d'avoir des
avantages que leurs collègues ou leurs cotravailleurs dans d'autres
secteurs comparables auraient pu avoir. Je suis certain qu'ils auraient compris
qu'il ne s'agit pas, pour une société qui se veut
civilisée, de prendre en otage les personnes âgées, les
malades psychiatriques, les jeunes en centres d'accueil.
Si vous n'avez pas compris, il aurait fallu, à ce moment, que le
gouvernement se tienne debout du côté des plus faibles, du
côté des gens qui ne peuvent pas eux-mêmes se
défendre, non pas venir leur dire par après qu'ils vont avoir le
droit à un recours collectif, quand le dommage a été fait,
après qu'ils auront connu une situation absolument aberrante dans ces
endroits, et leur dire simplement après: Regardez, vous avez le droit
à un recours collectif, vous pouvez amener les mauvais syndicats devant
les tribunaux et les faire payer pour le tort qui vous a été
fait.
C'est cynique, effectivement! 60 $ d'amende! Est-ce cela que cela
coûte? Est-ce comme cela qu'on évalue le droit à une vie
décente? Est-ce comme cela qu'on évalue le droit à des
services? Pas des services de luxe! On nous dit même qu'ils sont rendus
à des services de Volkswagen, comme on a dit tout à l'heure. Ce
sont des services pour une bonne partie de la population qui vit dans ces
situations, c'est leur maison, c'est leur vie entière, à 100%.
Ils sont là entre les murs de cette institution. Nous, comme
société, n'avons pas eu le courage de dire que, dans ces
secteurs, il n'y aurait pas de grève. On aurait pu faire appel au sens
des responsabilités des syndiqués dans ce sens. Demandons aux
syndicats comment ils peuvent se justifier de faire la grève dans de
pareilles institutions. Ce n'est pas justifiable et ce n'est pas
défendable. C'est ce qu'aurait dû faire le gouvernement, avoir le
courage de demander cela aux syndicats. Je reste convaincu que les
syndiqués, les travailleurs qui oeuvrent dans ces institutions,
connaissent leurs malades, les patients qui vivent là. Ce ne sont pas
que des numéros. Quand on vit tous les jours et qu'on travaille tous les
jours avec ces gens, ils arrivent à avoir un personnalité,
même s'ils sont alités. Je suis convaincu que les travailleurs qui
sont là auraient eu le sens des responsabilités de dire: Oui,
d'accord, nous, comme mouvement syndical, ne pouvons pas nous permettre de
tenir en otage des
gens qui sont incapables de pourvoir eux-mêmes à leurs
propres besoins et qui ont besoin de nous comme travailleurs. Je ne peux pas
croire que les oreilles de ces gens auraient été bouchées,
M. le Président, mais je suis encore plus incrédule face à
cette démission du gouvernement dans ce secteur-ci.
Pour ne pas parler de l'incohérence de la politique
gouvernementale globale, demain, on donnera la claque aux syndicats avec la loi
70 et, d'un autre côté, on vient leur dire: Vous avez
sûrement le sens des responsabilités et vous serez gentils durant
les grèves. On leur fait du chantage d'un côté et on leur
dit, de l'autre côté: On se fie à vous. C'est naïf, M.
le Président. Peut-on le qualifier autrement? C'est un discours qu'ils
ont de la difficulté à lâcher, qu'ils ont commencé
il y a quatre ou cinq ans par l'établissement des listes syndicales et
qu'ils ont énormément de peine à lâcher, parce que,
face aux constatations des trois ou quatre dernières années,
c'est clair que cette affaire ne marche pas. Si c'est si clair, M. le
Président, il aurait été beaucoup mieux que le
gouvernement soit clair en disant carrément: Dans tel et tel services,
il n'y a pas de grève. On fait confiance au sens des
responsabilités des syndiqués, des Québécois pour
qu'il n'y ait pas de grève dans ces secteurs.
Qu'on ne vienne pas, par après, nous parler de risques
énormes, comme justification, pour lesquels ils n'ont pas osé le
faire. Ce n'est pas en termes de risques, M. le Président, c'est parce
qu'ils ont perdu la face avec le discours sur les travailleurs qui avait
été mis de l'avant en 1978, avec la loi 59. C'est difficile
d'avouer cela après. On essaie de le faire en disant des paroles qu'il
faut bien dire devant les caméras et en essayant de faire passer de
façon inaperçue quelque chose qui ressemble étrangement
à ce qui était là en 1978 avec le projet de loi 69. Comme
le soulignait Lysiane Gagnon: "Le ministre Marois affirme faire confiance au
sens des responsabilités des parties, c'est-à-dire des
grévistes. Le ministre Johnson, en présentant, il y a trois ans,
la loi qui a présidé aux abus de 1979 disait exactement la
même chose."
Une voix: Ah!
M. Sirros: C'est le même principe, M. le Président.
Ils n'ont pas eu le courage d'avouer qu'ils ont eu tort, qu'ils ont fait une
erreur grave, qu'ils ont, pour leur malheur, fait payer des gens qui
étaient dans ces institutions. Ils n'ont pas eu le courage d'avouer que
ce fut une gaffe en 1978.
Le dommage dans tout cela, M. le Président, c'est qu'ils
répètent la gaffe. Ils font la même erreur encore une fois,
essayant cette fois-ci de faire croire que les services essentiels ont
primauté sur le droit de grève. Ce n'est pas si difficile, si
vraiment on le croit, si vraiment on veut que ce soit ainsi, de
légiférer dans ce sens. C'est tout, c'est aussi simple que
cela.
Une voix: Merci.
M. Sirros: Si vous voulez d'autres recommandations, venez de ce
côté-ci et on vous dira quoi faire, parce que, de plus en plus,
vous êtes incapables de gouverner, incapables de gérer une
société où, de plus en plus, les différences
deviennent de plus en plus cristallisées, et vous accentuez de
façon presque volontaire les différences qui existent dans cette
société.
Le dommage, c'est que nous aurons tous à vivre ensemble un jour,
qu'on le veuille ou non... Si on n'arrive pas à gérer et à
gouverner de façon à rapprocher les forces sociales plutôt
qu'à les diviser, mon Dieu! je m'inquiète, d'autant plus quand je
vois des choses pareilles, quand on se lève continuellement de l'autre
côté pour nous dire comment il faut absolument maintenir les
services essentiels, etc., et qu'on nous présente des choses qui n'ont
rien à voir avec cette affaire, M. le Président. Un certain
degré d'honnêteté intellectuelle aiderait
énormément à aller loin, dans cette province-ci. Merci, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement et député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Merci, M. le Président. (17 h 30)
M. Jacques Brassard
M. le Président, dans le message inaugural de novembre 1981, le
premier ministre prenait l'engagement suivant: "Pour donner suite à
cette commission - il faisait allusion à la commission parlementaire qui
avait entendu toute une série de mémoires sur le sujet
débattu actuellement - et aux réflexions qu'elle a
suscitées, le gouvernement a décidé de vous proposer
certains amendements aux mécanismes de la négociation, mais aussi
et surtout une formule pour assurer, une fois pour toutes, la primauté
du droit des personnes à recevoir les services essentiels,
particulièrement dans le secteur si névralgique de la
santé. Car il faut bien finir par résoudre ce qui est apparu
jusqu'ici comme la quadrature du cercle, c'est-à-dire le maintien d'un
droit de grève qui apprenne à s'exercer, lorsqu'on croit devoir
le faire, d'une manière vraiment humaine et civilisée."
Voilà ce qu'affirmait le premier ministre en novembre 1981. Cette
préoccupation se reflète, bien sûr, dans le projet de loi
no 72 que nous étudions présentement.
Ce qu'affirmait le premier ministre, au fond, M. le Président,
c'est qu'en matière de droits fondamentaux il peut survenir des conflits
de droits et, dans ces cas-là, il faut décider, comme
société et comme gouvernement représentant cette
société, quel droit prime sur tel autre.
Dans le cas qui nous intéresse, quels sont les droits qui sont en
cause, M. le Président? Il y en a plusieurs. Je peux vous en citer un
certain nombre. Il y en a certains qu'on retrouve, par exemple, dans la Charte
des droits et libertés de la personne. L'article 2: "Tout être
humain dont la vie est en péril a droit au secours. Toute personne doit
porter secours à celui dont la vie est en péril, personnellement
ou en obtenant du secours, en lui apportant l'aide physique nécessaire
et immédiate." L'article 48 de la même charte: "Toute personne
âgée ou toute personne handicapée a droit d'être
protégée contre toute forme d'exploitation. Toute personne a
aussi droit à la protection et à la sécurité que
doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu."
L'article 39 de la Charte des droits et libertés de la personne: "Tout
enfant a droit à la protection, à la sécurité et
à l'attention que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui
en tiennent lieu."
Je pourrais aussi citer la Loi sur les services de santé et les
services sociaux. L'article 4: "Toute personne a droit de recevoir des services
de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à
la fois scientifique, humain et social, avec continuité et de
façon personnalisée, compte tenu de l'organisation et des
ressources des établissements qui dispensent ces services."
On pourrait aussi ajouter un certain nombre de droits 'que l'on retrouve
dans le Code du travail: le droit d'association et aussi, bien sûr, le
droit de grève pour les syndicats, pour les associations de
travailleurs.
Lors de la commission parlementaire qui a étudié ce
problème, on a vu défiler un grand nombre d'organismes qui ont
déposé des mémoires à cette commission. Certains de
ces organismes disaient, en somme, en substance: Le droit de grève doit
disparaître, doit être aboli dans les services publics, en
particulier dans les services de santé et dans les services sociaux.
C'était le cas - je m'en souviens - du Comité provincial des
malades, entre autres, mais également d'autres organismes. L'abolition
du droit de grève, bien sûr, au profit du droit des citoyens aux
services de santé et aux services sociaux.
D'autres organismes, par contre, se sont présentés devant
la commission et ont érigé le droit de grève en absolu, il
faut bien le reconnaître. Je relisais dernièrement le
mémoire de la Centrale de l'enseignement du Québec, la CEQ, je
vous en cite certains extraits, M. le Président, et vous allez voir:
"C'est en se servant de l'alibi des services essentiels à assurer aux
usagers que l'on attaque le droit de grève." Remarquez l'expression, M.
le Président: "alibi des services essentiels". Autre citation du
même mémoire: "En quoi le fait que nos services soient essentiels
devrait-il nous empêcher d'établir un rapport de force visant
à nous situer d'égal à égal avec nos employeurs?"
Autre citation du même mémoire de la Centrale de l'enseignement du
Québec: "Le progrès social et le développement de nouveaux
services, fruits des luttes des travailleurs, nous commandent de combattre non
seulement toute tentative de restrictions accrues de l'exercice du droit de
grève, mais d'en revendiquer son élargissement et la
possibilité d'y recourir quand la nature des problèmes
rencontrés le nécessite." Ce qui rejoignait l'une des
revendications, toujours devant la même commission, du front commun des
centrales syndicales, qui réclamait le droit de grève permanent,
en tout temps, y compris dans les services publics et les services sociaux.
M. le Président, face à ces divergences - parce que ceux
qui ont participé aux travaux de cette commission, et j'en étais,
ont bien dû constater qu'il y avait des divergences profondes, des
oppositions de points de vue - et à ces oppositions, le gouvernement a
pris ses responsabilités, en tant que gardien de l'intérêt
public, en assurant de la façon la moins équivoque possible la
primauté du droit des personnes à des services essentiels,
primauté de ce droit sur tout autre droit qu'on retrouve dans le Code du
travail et en particulier le droit de grève. Cette primauté est
assurée de diverses façons dans le projet de loi no 72.
Je voudrais mettre l'accent en particulier sur ce qui m'apparaît
les trois principes fondamentaux de ce projet de loi, qu'on retrouve d'ailleurs
dans le rapport Martin-Bouchard, de la commission d'étude sur la
révision du régime des négociations collectives dans les
secteurs public et parapublic qui avait été mise sur pied en
1978. Ces trois principes fondamentaux dont je voudrais parler quelque peu, M.
le Président, ce sont d'abord la primauté de la
négociation locale en matière de services essentiels;
deuxièmement, la nécessité d'un contrôle externe;
et, troisièmement, la responsabilité de l'État en cette
matière.
Premier principe, la primauté de la négociation locale. Je
vous cite un paragraphe du rapport Martin-Bouchard: "Le respect des rôles
assignés à chacun doit se traduire par l'obligation de
négocier en vue de conclure une entente sur les services essentiels et
la façon de les maintenir. C'est d'abord là et avant tout que les
parties, syndicale et patronale, auront l'occasion de manifester le sens des
responsabilités qu'elles revendiquent. Le niveau local est le forum
tout indiqué pour de telles négociations."
Je pense que tout le monde convient à ce sujet-là que
c'est d'abord à ce niveau qu'il faut tenter d'en arriver à une
entente sur ce sujet si délicat des services essentiels. Il faut d'abord
donner aux parties la possibilité d'en arriver à une entente
à la fois sur la quantité et la qualité des services
à maintenir en cas de conflit ou en cas de grève. Je pense que
là-dessus il y a un consensus général. Donc,
primauté de la négociation locale. On retrouvait d'ailleurs ce
principe-là dans la loi actuelle et on le retrouve de nouveau aussi dans
le projet de loi no 72.
Deuxième principe important, qu'on retrouve aussi dans le rapport
Martin-Bouchard, c'est la nécessité d'un contrôle externe.
C'est un autre principe fondamental qui doit être appliqué dans ce
domaine si l'on veut, de façon concrète, assurer cette
primauté des services essentiels et ce droit du public à des
services essentiels. (17 h 40)
Je pense, M. le Président, qu'on ne peut pas, s'il n'y a pas
entente au niveau local sur des services essentiels, honnêtement laisser
à la partie syndicale le soin et le pouvoir ultimes de déterminer
la liste des services essentiels. Les raisons que le rapport Martin-Bouchard
invoquait à ce sujet-là sont toujours valables. Encore une fois
je me permets de citer le rapport Martin-Bouchard. "La commission est
convaincue de la sincérité de l'intention des salariés en
général de ne pas permettre qu'une grève mette en
péril ou compromette de façon irrémédiable la vie
et la sécurité de la population. Mais les difficultés
inhérentes à la définition des services essentiels se
posent aussi pour les salariés. Ils n'ont pas forcément
l'expertise requise, par exemple, pour porter des jugements de nature
médicale. De plus, ils sont en conflit d'intérêts; moins
ils maintiennent de services, plus leur grève est efficace. Enfin, les
négociations, lorsqu'elles se durcissent et surtout lorsqu'elles
dégénèrent en conflits, provoquent des comportements de
plus en plus émotifs. On voit mal, concluait la commission, comment des
décisions aussi délicates et importantes pour le public peuvent
être valablement prises, d'une façon finale, dans un tel
climat."
Je pense que l'expérience a démontré que la
commission Martin-Bouchard avait raison, voyait juste. Lors de la
dernière ronde des négociations, le nombre des
dépôts de listes syndicales était nettement
supérieur au nombre d'ententes entre les parties. Dans le secteur des
affaires sociales - c'est le plus important, bien sûr - dans l'ensemble
du réseau des affaires sociales, il y a eu 509 ententes de conclues lors
de la dernière ronde et 720 listes de déposées.
Quant aux listes, il y a eu, en tout, 46 établissements où
le syndicat a déposé une liste à zéro. 720
dépôts de listes, cela veut dire que dans 720
établissements, lors de la dernière ronde, c'est la partie
syndicale seule qui déterminait les services essentiels. Le syndicat
déposait une liste et acquérait ainsi le droit de grève,
sans contrôle externe, sans jugement porté, sans évaluation
sérieuse sur la suffisance ou l'insuffisance de cette liste de services
essentiels déposée par la partie syndicale. Il y avait là
- en tout cas, c'est mon opinion - une carence indéniable de la loi
59.
Évidemment, vous comprendrez que je n'ai pas examiné les
720 listes déposées pour voir s'il y avait suffisance ou
insuffisance en matière de services essentiels, mais l'Association des
centres d'accueil, qui a déposé elle aussi un mémoire
devant la commission, a fait, dans son secteur, en tout cas, une enquête,
je pense, sérieuse pour voir qu'est-ce que donnait le système du
dépôt de la liste syndicale. Dans son mémoire, en page 73,
l'association a fait une enquête s'appuyant sur des critères
rigoureux, en novembre 1979, et dans les 88 centres d'accueil où se
trouvait la presque totalité des 96 unités d'accréditation
ayant déposé unilatéralement la liste des salariés
devant assurer les services essentiels, faute d'entente entre les parties, il
n'y a pas eu d'entente. 27 établissements, de ces 88 où il n'y a
pas eu d'entente - il y a eu des dépôts de listes -
prévoyaient se trouver dans une situation critique si la grève se
prolongeait au-delà de 48 heures. De ce nombre, on dénombrait
onze établissements du secteur de réadaptation et seize du
secteur d'hébergement. Les onze établissements concernés
assumaient la responsabilité de handicapés physiques ou de
handicapés mentaux très dépendants. Dans d'autres cas, il
s'agissait d'établissements offrant des services d'hébergement
sécuritaires et dont le mandat était de prendre en charge les
enfants qui leur étaient confiés. Dans les seize centres
d'hébergement, la situation était tout aussi dramatique. Les
bénéficiaires étant en majorité classifiés
A-3, A-4 - dans le jargon des affaires sociales, ce sont des personnes presque
sans autonomie - leur état de santé requérait des soins
constants. En conséquence, les gestionnaires ne pouvaient envisager une
diminution des taux d'occupation que dans des proportions infimes. 34 autres
établissements envisageaient la situation comme pénible pour
leurs bénéficiaires.
Ainsi, 70% des établissements ayant fait l'objet d'un
dépôt unilatéral d'une liste de salariés requis pour
maintenir un service essentiel, se retrouvaient dans une situation jugée
par l'association inacceptable. Je pense qu'on doit prendre son opinion comme
sérieuse. Vous savez que dans ces secteurs, public et parapublic, on
parle souvent des
patrons. Les patrons, ce ne sont pas des multinationales qui habitent je
ne sais où. Généralement, non pas seulement
généralement, c'est du monde comme nous autres. Ce sont des
administrateurs qui vivent dans le milieu et qui connaissent aussi le
fonctionnement et ce qui se passe dans leur établissement. C'est
ça la situation.
Donc, le gouvernement en est arrivé à la conclusion qu'il
y avait nécessité d'un contrôle externe. Le contrôle
sera fait par le conseil des services essentiels dont on prévoit la
création dans le projet de loi no 72 et qui sera permanent et dont la
responsabilité ultime sera d'évaluer la suffisance ou
l'insuffisance des services essentiels, qu'il y ait entente ou pas, M. le
Président. C'est cela qui est important aussi. Le conseil des services
essentiels ne fera pas qu'évaluer la liste syndicale. Il va aussi
évaluer les ententes. Même s'il y a entente, il y aura
évaluation et jugement porté sur les ententes. S'il y a
insuffisance, "Le conseil doit faire rapport - c'est l'article 111.10.2 - au
ministre lorsque les services essentiels prévus à une entente ou
à une liste sont insuffisants ou ne sont pas rendus lors d'une
grève. Ce rapport doit préciser en quoi les services essentiels
prévus ou effectivement rendus sont insuffisants et dans quelle mesure
cela constitue un danger pour la santé ou la sécurité
publique."
Troisième principe, tout aussi important, c'est la
responsabilité de l'État, car l'État, c'est-à-dire
le gouvernement, a un rôle précis à jouer pour assurer la
primauté du droit aux services essentiels sur l'exercice du droit de
grève, d'abord, en conservant ce qu'il avait déjà: le
droit de suspendre l'exercice du droit de grève. C'est un article
prévu dans le projet de loi qui fait que lorsque le conseil des services
essentiels fait rapport et juge qu'il y a insuffisance en matière de
services essentiels, le gouvernement peut, par décret, suspendre le
droit de grève dans tel ou tel établissement. Ensuite, le
gouvernement a aussi un rôle précis en faisant en sorte que des
paramètres, des balises prenant en considération l'état de
dépendance physique ou mentale des bénéficiaires, la
vocation de l'établissement, le type de services dispensés, les
taux d'occupation, paramètres, balises et protocoles-cadres soient
précisés par le Conseil des services essentiels en consultation
avec les parties impliquées, mais aussi qu'ils soient approuvés
et modifiés, si nécessaire, par le gouvernement. Je pense que le
gouvernement assume ainsi ses responsabilités. Je ne vois pas comment
l'Opposition peut dire que le gouvernement n'exerce pas ou n'assume pas ses
responsabilités en cette matière.
En guise de conclusion, M. le Président, je voudrais vous citer
un paragraphe du rapport du Conseil d'information sur les négociations
dans les secteurs public et parapublic; avant de mourir, il disparaît, il
n'existera plus. Je le cite: "II semble exister une croyance à l'effet
qu'une loi ou qu'un amendement législatif va être le remède
à tous les maux. Pourtant, rarement est-ce le cas. Loin de nous
l'idée de suggérer de ne pas chercher du côté
législatif les ébauches de solutions. Les théories sur la
gestion des conflits aussi bien que le sens commun nous enseignent l'importance
du cadre structurel, mais ce cadre n'est qu'un des aspects.
Indépendamment des modifications apportées au régime des
négociations collectives, le climat ne changera pas tant que les parties
ne manifesteront pas une volonté commune de le changer."
Je conclus là-dessus, M. le Président, en vous disant
ceci: Ce projet de loi, même s'il n'est pas parfait, constitue une
amélioration par rapport à ce qui existait auparavant, mais il
faudra que ce progrès législatif soit relayé par un
progrès au niveau des mentalités, au niveau de la conscience
sociale de la collectivité, car cette primauté qu'on veut assurer
du droit à des services essentiels ne doit pas seulement s'inscrire dans
un texte de loi, M. le Président. Cette primauté devra aussi
s'installer, je dirais, dans nos consciences et même dans notre
inconscient collectif. Alors, on pourra peut-être atteindre cet objectif
que fixait le premier ministre dans son message inaugural: maintien d'un droit
de grève qui apprenne à s'exercer lorsqu'on croit devoir le faire
d'une manière vraiment humaine et civilisée.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: C'est strictement sur une question de
règlement, si vous voulez. Le député de
Louis-Hébert peut commencer son intervention maintenant, si on nous
permet de déborder au-delà de 18 heures, ou peut-être
préférez-vous qu'il commence à 20 heures? Il pourrait
demander maintenant l'ajournement ou la suspension du débat.
Le Vice-Président (M. Rancourt): La suspension du
débat.
M. Brassard: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Brassard: ... je pense qu'il peut demander plutôt
l'ajournement du débat, parce qu'il y a une entente intervenue avec
l'Opposition pour qu'à 20 heures, avant de reprendre le débat
là-dessus, on dispose de la troisième lecture du projet de loi no
46. Ajournement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Je vais demander l'ajournement du débat, compte
tenu des remarques qu'a faites le leader adjoint du gouvernement.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion
d'ajournement est-elle adoptée?
M. Brassard: Suspension de nos travaux, M. le Président,
à 20 heures. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de
suspension est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont
suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 52)
(Reprise de la séance à 20 h 01)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! Vous
pouvez vous asseoir.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, comme convenu, nous
entreprenons la troisième lecture du projet de loi no 46. C'est à
l'article 4 du feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi no 46 Troisième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Article 4.
Troisième lecture du projet de loi no 46,
Loi modifiant la Loi de la Communauté urbaine de
Montréal.
M. le ministre des Affaires municipales.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: M. le Président, nous voici rendus
à l'heure de consacrer près de trois ans de travail et de
consultation sur la grande métropole économique et culturelle du
Québec, sur l'agglomération de Montréal. Il s'agit donc du
projet de loi no 46 sur la Communauté urbaine de Montréal. Il
s'agit d'un projet de loi avec lequel nous voulions rendre plus dynamique et
plus moderne l'élan qui était déjà inscrit dans la
vie quotidienne de la communauté urbaine par les élus municipaux
et par les contribuables. Le dilemme n'était pas simple. Il fallait
décider de quel genre d'organisation voulaient se servir
dorénavant les élus des 29 villes de l'île de
Montréal pour régler leurs enjeux communs, des autobus communs
pour le territoire d'ensemble, des patrouilles policières communes pour
le territoire d'ensemble, un plan d'utilisation du terrain commun pour un
territoire d'ensemble et des installations d'eau potable communes pour un
territoire d'ensemble, etc.
Évidemment, on peut envisager diverses solutions, mais il nous
semble que la communauté est la meilleure d'entre toutes. Diverses
solutions. Il y avait par exemple des offices ou des régies
gouvernementales, parce que cela existe ailleurs. En commission parlementaire,
il y a eu unanimité contre. Lors des consultations antérieures
à la préparation du projet de loi, tous les élus
municipaux de l'île ont dit non à une telle solution. Une autre
solution non choisie, celle des fusions, celles des arrondissements, parce
qu'il en a été question aussi. Une autre solution qui n'a pas
été retenue, une ville mandataire. Cette alternative n'avait rien
qui puisse respecter nos traditions démocratiques et n'allait pas dans
le sens des dernières législations municipales du Québec.
La solution qui a été retenue - c'était l'avis unanime en
commission parlementaire - c'est celle d'une communauté urbaine
où chacune des villes serait au chapitre et contribuerait, selon son
poids démographique, par quote-part, à l'effort de
l'ensemble.
Ailleurs, au Québec, on apprend depuis trois ou quatre ans
à vivre la réalité de la coopération
intermunicipale, d'abord par les ententes intermunicipales qui sont venues de
par la loi 74 en ce qui concerne l'économie, les défis des
problèmes communs qui ont forgé ce type d'organisation, ensuite,
par les municipalités régionales de comté. Il y en a
déjà 77 d'inscrites dans le paysage. La
complémentarité des municipalités au sujet de l'industrie,
de l'agriculture, du territoire, de la population, la
complémentarité ville-campagne, la complémentarité
des municipalités, dis-je, et leur implication dans une région
identifiée comme communautaire, communautaire régionale, ont
suscité ce type d'organisation pour l'aménagement.
La réussite de ce type d'entente, de cette sorte d'organisation
vient de la responsabilité intégrale la plus respectée des
représentants élus qui y travaillent et de l'équilibre
entre les parties composantes.
Sur l'île de Montréal, cependant, une mentalité
commune est en émergence et il y a nécessité de
réagir à de très grands défis communs où le
retard, il nous semble, coûterait cher en ce qui concerne
l'aménagement, le transport en commun, l'assainissement des eaux, la
promotion industrielle et commerciale. Il s'agit de 2 000 000, ou de
près de 2 000 000 de citoyens sur le territoire de la CUM, contre
quelque 4 000 000 ailleurs au Québec, sur un ensemble de 6 000 000 de
Québécois.
Il y a des comparaisons frappantes sur
les implantations culturelles et industrielles. Par exemple, dans toute
cette communauté urbaine, il y a, comme dans les autres
municipalités du Québec, une volonté unanime de moderniser
la structure existante, soit en partie, soit dans son entier.
La Communauté urbaine de Montréal existe depuis treize
ans. Elle dépense annuellement 600 000 000 $ et il a fallu faire aussi,
au bout de ces treize années de vie, un constat sur sa relative
inefficacité. Par exemple, depuis cinq ans, ses budgets ont
augmenté de 115%, ce qui est une augmentation considérable. Il y
a des services en double. Il y a des élus qui ne trouvaient pas leur
responsabilité reconnue et inscrite suffisamment dans la structure
existante, en particulier, en ce qui concerne la Commission de transport de la
Communauté urbaine de Montréal et les services de la police.
Nous avons aussi fait un constat sur l'indifférence et surtout la
méconnaissance des citoyens contribuables devant la structure existante.
Le mouvement de contestation des taxes est neuf et révélateur
à ce sujet. On a demandé plus de visibilité, plus de
lumière sur les prises de décision au niveau lointain de
l'intermunicipal. On a aussi fait un constat sur la frustration d'une partie
des membres de la communauté, et qui n'était pas neuve, au moment
où nous nous en sommes parlé récemment. Il y a eu des
grèves, une quote-part, notamment, tout au long de cette vie de treize
ans de la communauté urbaine. Il y avait eu, auparavant, plusieurs
tentatives à la recherche d'un meilleur équilibre. En 1955,
c'était le rapport Paquette; en 1958, le comité Croteau; en 1964,
le rapport Blier; en 1973, le rapport Hanigan, pour ne citer que
ceux-là.
Notre solution est issue de toute cette histoire, de toute la vie
quotidienne de la plus importante communauté urbaine du Québec
qui a, à son actif - nous devons en féliciter les acteurs dont
surtout ceux de la ville centrale, Montréal, qui en ont supporté
un grand poids jusqu'à présent - plus de réussites que de
défaites. L'assainissement des eaux est en bonne voie. Le schéma
d'aménagement est commencé enfin. Un service de transport en
commun y est de plus en plus intégré. Il s'agit de poursuivre, je
pense, l'efficacité de la machine, simplifier l'administration. Il
fallait aussi rendre plus ouvertes l'administration et des décisions aux
citoyens de toute l'île. Il fallait aussi, à leur propre demande,
augmenter la responsabilité des élus des 29 villes qui composent
la communauté.
Nous croyons, M. le Président, que nous avons atteint ces
objectifs demandés par la population, ses représentants,
demandés aussi par son évolution et exigés aussi par son
territoire.
Nous avons mis dans ce projet de loi un certain nombre d'outils, par
exemple, un nouvel équilibre qui n'est pas l'équilibre entre deux
communautés, mais qui est un nouvel équilibre à
l'intérieur d'une communauté. Le nouveau conseil, par exemple,
respectera, à mon avis, davantage le poids démographique tant
dans ses modes de vote que chez ses représentants. Son pouvoir en sort
renouvelé et grandi et, en particulier, c'est le nouveau conseil qui
décide des grandes orientations de la Communauté urbaine de
Montréal, alors que l'exécution de ces orientations est
confiée, elle, au comité exécutif dont on connaît
maintenant la composition. (20 h 10)
La nouvelle mentalité, ce sera largement l'ouverture des
mouvements de la communauté aux gens de l'île, au monde de
l'île. Un conseil va siéger en public, qui annoncera d'ailleurs
ses décisions; il y aura des commissions sur chacune des grandes
responsabilités dévolues à la communauté, qui
siégeront en public, qui annonceront à l'avance leurs
réunions. Il y aura effectivement, sur un sujet de l'heure qui nous
occupe beaucoup, la commission de l'évaluation foncière et des
finances qui va entendre les citoyens sur toutes les questions de
l'évaluation foncière.
La nouvelle mentalité sera aussi créée par une plus
grande surface de responsabilités aux élus communautaires soit
par l'adoption du budget selon certains degrés d'entente, par tranches
trimestrielles ou par parties que nous voulons adopter au début, avant
l'exercice financier, soit par un discours sur le budget, comme dans les autres
municipalités du Québec, qui va comporter un rapport sur la
situation financière de la Communauté urbaine de Montréal,
comme, aussi, ses perspectives sur l'année qui va suivre. On aura des
tarifs de la Commission de transport de la Communauté urbaine de
Montréal qui seront autorisés par le conseil. Il y aura une
période de questions orales. Tout cela, ce sont des dispositifs qui vont
donner plus de surface de responsabilités aux élus municipaux de
l'île, qui vont amener une nouvelle mentalité.
Cette nouvelle mentalité, ce sera aussi le souci à
l'interne de donner un meilleur niveau de services, selon la capacité de
payer du contribuable de la communauté. Nous avons simplifié, il
me semble, l'administration de la police, la ligne d'autorité de la
police. Il y a des décisions, quant aux services de la CUM, qui seront
mieux et plus connues parce que les procès-verbaux de la Commission de
transport de la communauté urbaine seront publics, transmis au conseil,
donc, rendus publics. Les compétences de la Communauté urbaine de
Montréal sont d'ailleurs plus explicites
qu'avant, plus nettes, plus précises. Il ne reste d'ailleurs,
dans la description de ces compétences, que les domaines exclusifs et
obligatoires, proprement communautaires.
Donc, nous avons voulu non seulement respecter tous les citoyens, leurs
élus, nous avons voulu moderniser et dynamiser, impliquer aussi les
citoyens, créer une communauté qui a des défis qui
n'existaient pas à un tel niveau d'intensité au moment de sa
création, parce que nous avons là un budget, tant au niveau local
qu'au niveau de la CUM, qui représente la moitié des
dépenses municipales du Québec.
Nous avons aussi sur l'île de Montréal un
phénomène de banlieue qui a conservé sur l'île ce
que la ville de Montréal a perdu jusqu'à un certain point, mais
qui aujourd'hui vit les mêmes problèmes de décroissance
démographique que la ville centrale. Nous avons aussi un
phénomène d'aménagement qui est semblable à celui
de tous les grands ensembles d'Amérique qui repensent leur organisation
territoriale, qui serrent leurs rangs, pour revivifier le centre de leur
communauté, de leur territoire tant pour des questions d'énergie,
de vie commerciale, que pour des questions d'habitation. De Tocqueville en
1831, à son premier voyage en Amérique, a eu des remarques sur
notre système politique qu'il a décrit comme suit: Un pouvoir
détaillé, régulier, prévoyant et doux qui travaille
au bonheur des citoyens, pourvoit à leur sécurité et
assure leurs besoins, facilite leur plaisir et dirige leur industrie. Que ne
peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de
vivre! Je ne pense pas, M. le Président, que ce soit le cas des
Montréalais de l'agglomération de Montréal ni des
élus de la communauté.
Une structure n'est pas une panacée. Ici, plutôt, c'est une
possibilité de se dépasser et de dépasser la structure,
pour des hommes et des femmes, devant les exigences du milieu et la concurrence
d'ailleurs que nous avons voulu donner aux Montréalais. Que reste-t-il
à faire maintenant, M. le Président? Je pense qu'il reste aux
citoyens à suivre leur communauté, à infléchir ses
mouvements vers ce qu'ils conçoivent de l'avenir d'une grande
métropole francophone d'Amérique. Ils auront à se
prononcer maintenant, surtout, par exemple, dans le cas du schéma
d'aménagement où la consultation est maintenant commencée.
Que reste-t-il aussi à faire aux élus municipaux? Je pense qu'il
leur reste à améliorer encore et beaucoup la capacité
d'attraction du Grand Montréal et de la ville de Montréal,
puisqu'il s'agit d'un tout complémentaire, en ce qui concerne
l'habitation, l'industrie, les équipements, et qui vit de plus en plus
les mêmes problèmes, en particulier au niveau de la
démographie en termes qualité de vie, en termes
d'aménagement par rapport à ces équipements. Un seul
exemple, celui des pistes cyclables, est drôlement significatif.
Il reste aux élus municipaux à améliorer encore de
l'intérieur - ça c'est vraiment notre souhait - leur vie
communautaire. Une commission peut, par exemple, étudier les limites
territoriales des entités municipales par rapport à la dynamique
communautaire. Il leur reste d'améliorer toujours le rapport services
communautaires par rapport aux taxes communautaires avec l'aide des
contribuables en ce qui concerne la tarification et l'évaluation. Il
leur faudra orienter des services communs à toutes les villes vers la
concurrence d'envergure internationale. Toronto et Calgary ne tirent pas leur
force du contrôle qu'elles exercent sur la communauté dont elles
sont membres, mais tirent leur force du fait qu'elles soient membres d'un grand
ensemble urbain novateur. 70% des inventions industrielles, des groupes de
recherche de toutes sortes, musique autant que littérature, chimie
autant qu'électricité, industrie de la mode autant que celle des
transports, sont issues de ces grands ensembles urbains novateurs en
Amérique, d'où l'importance, M. le Président, que le Grand
Montréal maintienne et accroisse son importance.
L'agglomération de Montréal détient des
installations uniques en termes de sport et en termes d'industries; elle
détient une situation géographique unique aussi par son port, par
le Saint-Laurent, par ses deux aéroports; elle détient une
situation géographique touristique unique par l'archipel, par la
francophonie, par le centre des congrès dont on a vu les engagements,
récemment, au sujet du congrès de la Fédération
mondiale des villes jumelées. Montréal détient des atouts
uniques qu'il faut exploiter. Il faut donc consolider, avec les moyens que ce
projet de loi peut offrir, la croissance de l'agglomération de
Montréal. Cela est vital pour le Québec et, de plus, le monde
syndical et le monde des affaires ont appuyé ce projet de loi. C'est une
confirmation que nos objectifs coïncident avec l'avenir du Grand
Montréal.
Nous n'aurions pas envisagé un tel équilibre, une telle
interaction entre les élus municipaux des 29 villes si nous n'avions pas
eu confiance ici, à Québec, dans l'imagination et la vie de
Montréal, des Montréalais et de leurs élus.
Montréal doit se définir avec tous les atouts que lui
confère aussi la banlieue. La banlieue est aujourd'hui forcée de
s'aider de la ville centrale, si elle veut participer aux retombées de
l'ensemble, mais nous sommes convaincus qu'il y a assez de défis communs
sur l'île pour que l'île de Montréal soit une seule et
même communauté. Il s'agit d'une nouvelle mentalité qui
était prête à émerger,
celle d'une grande métropole de 2 000 000 d'habitants,
majoritairement francophones, audacieuse et reconnue mondialement. Nous voulons
voir servir, avec un nouveau conseil, de nouvelles commissions et un nouvel
exécutif travaillant en pleine lumière, des citoyens qui ont
choisi de vivre le plus possible sur l'île de Montréal.
La démocratie de ce projet de loi est exigeante, M. le
Président. Le dialogue d'une communauté est exigeant, M. le
Président. C'est le prix d'un milieu moderne et contemporain qui est
destiné à tous. Alors, je souhaite longue vie à
Montréal, longue vie à la Communauté urbaine de
Montréal.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le chef de
l'Opposition.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, nous arrivons ce soir à
la dernière étape avant le vote en troisième lecture du
projet de loi qui vise à bonifier la Communauté urbaine de
Montréal. Nous avons suivi avec intérêt, du commencement
jusqu'à ce moment-ci, le déroulement des différentes
étapes qui nous achemine vers une décision finale. Ainsi que nous
l'avons manifesté par notre vote de deuxième lecture, nous sommes
en accord avec le gouvernement quant à l'intention que véhicule
le projet de loi no 46 de bonifier la Communauté urbaine de
Montréal dans le sens d'un équilibre plus satisfaisant entre la
grande ville de Montréal et les villes de banlieue qui forment ensemble
la Communauté urbaine de Montréal. Il n'est point question et il
n'a jamais été question dans notre esprit de former une ville
unique sur l'île de Montréal, il n'est pas question non plus de
retourner au régime d'anarchie, d'individualisme qui a prévalu
trop longtemps. Nous voulons une forme de gouvernement de type
fédératif modéré. (20 h 20)
Le gouvernement que nous avions eu jusqu'à maintenant sous la
forme de la communauté urbaine était trop biaisé en faveur
de la ville de Montréal. Les banlieues se sentaient
écrasées, elles avaient la conviction, confirmée par une
assez longue expérience, que l'influence dans les décisions
reposait trop unilatéralement du côté de la grande ville de
Montréal. Tout en reconnaissant les réalités à la
fois économiques, démographiques, sociologiques et culturelles
qui donnent à la ville de Montréal une place unique, une place
prépondérante dans la vie de l'ensemble de la communauté
urbaine et de toute la région de Montréal, bien au-delà
des frontières de la communauté urbaine qui se limitent à
l'île de Montréal, nous considérions qu'il était
normal, si nous voulons qu'un esprit communautaire se développe sur
l'île de
Montréal, qu'une révision des structures soit
envisagée. Le projet de loi no 46 va en ce sens et c'est pourquoi nous
fûmes très heureux de voter en faveur du projet de loi en
deuxième lecture.
Nous considérions que les dispositions du projet de loi allaient
peut-être un peu trop loin, dans le sens d'une neutralisation de la ville
de Montréal qui se serait traduite en fin de compte par un danger
d'intervention et implicitement de domination plus grande de Québec sur
les affaires de Montréal. Nous considérons qu'il faut
éviter ce danger à tout prix parce que Montréal est une
réalité unique dans l'ensemble du Québec. La ville de
Montréal, dans le grand paysage montréalais, est la
réalité qui donne à tout le reste son sens. Je ne
prétends pas qu'il n'y a pas de choses très intéressantes
dans les 28 villes de banlieue qui entourent Montréal et qui sont
situées parfois à l'intérieur même du grand
territoire de la ville de Montréal, mais, tout compte fait, si ce
n'était pas de la grande ville de Montréal, cette
réalité unique dans le paysage québécois, dans
l'ensemble de la réalité québécoise ne serait pas
là.
Nous avons eu l'occasion de le dire en deuxième lecture. Il ne
s'agit pas de reprendre tous ces discours, mais Montréal est vraiment la
plaque tournante qui fait de la province de Québec un pivot de la vie
canadienne. C'est la plaque tournante qui nous met en contact directement et
quotidiennement à toutes les heures du jour avec la
réalité économique, sociale et culturelle avec tout le
continent nord-américain, même de l'ensemble du monde. C'est
pourquoi elle doit être traitée d'une manière toute
spéciale, avec énormément d'égards et de
considération. Elle ne peut pas être traitée à la
manière d'autrefois qui consistait à se dire: On prend une
décision à Québec et que les gens s'inclinent à
Montréal. Cela prend des politiques beaucoup plus empreintes de
compréhension et de respect, et je dirais aussi, de courtoisie que
celles qui ont existé autrefois.
Je me rappelle un jour, au temps de M. Duplessis; je vais vous raconter
ce petit souvenir, parce que je suis sûr que le ministre actuel n'agirait
jamais de la sorte, ni même le premier ministre. Le premier ministre
s'était amené à Montréal un samedi matin, M.
Drapeau était au début de son mandat, si mes souvenirs sont bons.
Il s'amène à la salle du comité exécutif pour une
rencontre avec les dirigeants de Montréal. Il était arrivé
avant les autres parce que c'était un homme qui était ponctuel et
même matinal, comme on s'en souvient. Il s'installe au fauteuil du maire.
Le maire arrive - M. Drapeau était jeune maire - et s'oriente pour
prendre le fauteuil. M. Duplessis lui a dit: Asseyez-vous là, c'est moi
qui m'assois là ce matin, en voulant dire
que c'est Québec qui dirige les affaires de Montréal, et
par conséquent, prenez la place qui vous revient. Lundi matin, vous
pourrez occuper votre siège, mais, pour aujourd'hui, sachez où
est l'autorité. Ce réflexe est profondément
implanté dans la mémoire des Montréalais. C'est un exemple
que j'apporte. Je pourrais en apporter des douzaines d'autres. C'est ce que
nous voulons éviter. Quand nous discutons de l'avenir de la
communauté urbaine, nous ne voulons pas que se confirme l'impression que
certains à Québec ont l'impression qu'il suffit que Québec
parle pour que Montréal marche. Dans ce sens, même malgré
certains caractères de son style qu'on peut discuter, le maire de
Montréal incarne une mentalité qui est très
profondément répandue dans sa ville. Ce n'est pas pour rien qu'il
est réélu aussi souvent depuis une vingtaine d'années.
C'est parce qu'il traduit des réflexes et des instincts profonds de ses
concitoyens.
Nous avons essayé, au stade de l'étude en commission, de
bonifier le projet de loi de manière qu'il réalise une
synthèse plus heureuse, plus complète et plus harmonieuse entre
ces réalités dont j'ai essayé de parler et l'écart
que nous trouvions dans le projet de loi par rapport à ses
réalités. Nous avons insisté en particulier sur un point
qui est très important. Dans le projet du ministre, les
représentants des banlieues et les représentants de
Montréal s'en vont au conseil de la communauté urbaine et
là, le premier geste qu'ils seront appelés à faire sous le
nouveau régime décrit dans le projet de loi 46, ce sera de voter
pour la formation d'un nouvel exécutif et le choix d'un
président. La formation d'un nouvel exécutif doit se faire sur la
base de trois représentants des villes de banlieue et de trois
représentants de la ville de Montréal. Nous n'avons pas
d'objection à cette règle, nous l'avons dit, nous favorisons
assez curieusement - c'est une expression qui va faire sourire les amateurs de
formule simple - une parité relative entre les banlieues et
Montréal et nous favorisons aussi une prépondérance
modérée de Montréal dans les affaires de
l'exécutif. La formule que nous avions proposée au ministre pour
en arriver à ce but, j'y reviendrai tantôt. Je voudrais tout
d'abord dire où nous en sommes avec les décisions qu'a prises le
ministre, appuyé par les députés péquistes
représentant la région de Montréal qui ont
révélé une attitude beaucoup plus faible en commission
parlementaire que quand ils donnent des conférences de presse pour se
donner l'allure de défenseurs de Montréal.
La formule du ministre consiste à dire: Trois
représentants de Montréal à l'exécutif et trois
représentants des banlieues, et le président doit être
choisi par une majorité des deux camps, c'est-à-dire une
majorité des représentants des banlieues au conseil, une
majorité des représentants de Montréal.
En cas d'impasse, le président sera choisi par un vote des deux
tiers et, si un vote des deux tiers ne suffit pas à choisir un
président, le ministre, qui siège à Québec, pourra,
du haut de son trône, désigner le président et même
le choisir en dehors des membres du Conseil de la Communauté urbaine de
Montréal. Nous trouvons que c'est une formule qui présente de
nombreuses faiblesses. Pour remédier à ces faiblesses, nous avons
présenté un amendement qui nous paraissait très logique et
inspiré d'une philosophie démocratique incontestable. Nous avons
dit: Que le président soit choisi suivant la règle de la double
majorité, nous n'avons pas d'objection, mais, en cas d'impasse, revenons
à la règle de la majorité simple.
Au conseil, vous avez une représentation fondée sur le
principe d'un représentant par 1000 têtes de population. Cela veut
dire que vous avez une véritable démocratie. Ce n'est pas pour
rien qu'on a pris ce critère pour définir la
représentation au conseil, c'est parce qu'on voulait mettre un
élément de démocratie véritable.
Nous avons dit: En suivant la logique de ce critère, si on ne
peut pas avoir la double majorité, ayons la majorité simple dans
laquelle devront nécessairement se retrouver une majorité de ceux
qui siègent démocratiquement au conseil de la communauté
urbaine représentant chacun 1000 unités de population. Nous
étions très intéressés à observer la
réaction des députés qui représentent le
gouvernement. Nous avions observé le ministre quand la commission a
entendu les témoins de la ville de Montréal et des banlieues.
Nous l'avions trouvé d'une aménité irréprochable.
Je l'ai dit avec plaisir dans mon discours de deuxième lecture. Cette
aménité nous avait fait espérer un peu de souplesse de sa
part. Nous n'avons point trouvé cette souplesse au stade de
l'étude en commission et, sur cet amendement que nous avons
présenté, le ministre a exprimé son opposition. Il n'a pas
voulu accepter l'amendement. (20 h 30)
Nous n'attendions pas qu'il sacrifie un élément, qu'il
considère sûrement essentiel de son projet de loi, de
manière facile, mais nous attendions un peu d'appui de ces grands
croisés comme la députée de Maisonneuve, le
député de Saint-Jacques et le député de Rosemont,
les grands défenseurs de Montréal, de la
prépondérance de Montréal, qui nous ont fait des discours
magnifiques. Nous nous disions: Au moins, sur un amendement comme
celui-là, nous pourrons compter sur leur collaboration. Ce sont des gens
sincères qui se sont prononcés contre leur ministre, contre leur
gouvernement. C'est dur, cela! Nous les attendions, M. le Président,
avec infiniment d'intérêt. Ils se sont écroulés
comme des moutons. Ils se sont écrasés comme des
véritables brebis dociles. Quand l'amendement a été soumis
au vote, qu'est-ce qui s'est produit? Ces messieurs qui avaient des convictions
tellement fortes, des opinions tellement arrêtées que, nous
autres, nous nous trouvions timides dans nos positions, nous trouvions que nous
y allions avec infiniment de prudence... Mais quand même sur les
principes, c'était clair. Le principe était d'un
côté. Il ne peut pas être des deux en même temps.
C'est malheureux pour ceux qui veulent tout concilier. À un moment
donné, le principe va d'un bord. Le député de
Prévost en apprend quelque chose ces temps-ci, d'ailleurs.
Des voix: Ah!
M. Ryan: Nous avons dit que, sur le principe, nous penchons de ce
côté-là. C'était difficile. Il y a des membres dans
notre groupe qui ont d'autres opinions et c'est leur droit. Nous les
respectons. Mais nous avons présenté un amendement, comme groupe
parlementaire de l'Opposition, demandant que le président de
l'exécutif soit choisi, en cas d'impasse, par une majorité
simple, ce qui aurait évité au ministre l'obligation d'intervenir
dans une décision aussi importante.
Alors, nos députés que nous espérons entendre plus
tard dans ce débat, nos députés péquistes de l'est
de Montréal, les défenseurs de l'autonomie de Montréal se
sont piteusement abstenus. Il y en a un d'entre eux qui a
présenté un amendement par la suite, une audace terrible, une
audace à renverser le mont Royal, la règle de l'alternance. On
est passé par cette tentation, M. le député de Rosemont.
On l'a laissé tomber en cours de route parce qu'on s'est dit que cela ne
réglait rien. J'en avais parlé, d'ailleurs, avec le ministre qui
m'avait opposé de très bons arguments à cette formule et
je lui avais dit: Franchement, je pense que je comprends et je n'en ferai pas
une grosse bataille.
Alors, nous l'avons fait au nom du principe bien simple que voici: au
cas où il y aurait un très bon homme qui viendrait de la ville de
Montréal ou des banlieues pour la deuxième fois, nous ne voulions
pas que cet excellent candidat soit éliminé au profit d'une
règle qui repose sur un automatisme aveugle. Nous voulions qu'en tout
temps la communauté urbaine ait la faculté de choisir, comme son
président, le meilleur homme ou la meilleure femme, le meilleur candidat
possible. C'est pourquoi nous avons renoncé à la règle de
l'alternance pour proposer une formule qui, évidemment, allait d'un
côté, mais on nous est arrivé avec cela et je n'ai pas
entendu d'autres éclats de voix des membres de ce mini-caucus qui est,
d'ailleurs, devenu extrêmement discret depuis ce temps-là.
C'est un regret profond que nous éprouvons en présence du
projet de loi qu'on nous présente dans sa forme finale et je tiens
à souligner que cela nous inspire beaucoup de souci pour l'avenir.
J'espère que, malgré nos appréhensions, le ministre ne
sera point obligé d'intervenir et que les intéressés
trouveront eux-mêmes une solution en ce qui touche le choix de leur
président.
Le ministre a dit, en commission parlementaire, au premier stade - il
l'a laissé tomber vers la fin pour apaiser les critiques très
virulentes qui s'élevaient contre lui - "Ne vous inquiétez pas!
Le premier président, si je suis appelé à le nommer, sera
un représentant de la ville de Montréal." Je trouve cela assez
déplorable. Une décision aussi importante, on nous la communique
sans cérémonie comme un petit biscuit à la fin d'une
réception. "Ne vous inquiétez pas! Tout ce que nous avons
discuté, on va vous donner cela quand même. Je ne peux pas le
mettre dans mon projet de loi; je n'ai pas assez de conviction pour cela, mais
je vais vous le donner quand même. Ne me faites pas de peine jusqu'aux
prochaines élections."
Des voix: Ah!
M. Ryan: Ce n'est pas sérieux. Le ministre est beaucoup
plus sérieux que cela. Il est capable de nous présenter des
choses beaucoup plus responsables. Je ne sais pas où il en est. Je ne
sais pas s'il a eu des pourparlers avec les autorités de la ville de
Montréal ou avec les membres de son caucus. Je ne sais pas s'il a pu les
apaiser avec cela, mais je maintiens fermement ce que nous avons défini
jusqu'à maintenant, ce que nous avons présenté en
commission parlementaire, et c'est la position que notre parti aurait voulu
voir inscrite dans le texte final du projet de loi.
Nous avions insisté sur un autre besoin qui nous paraît
évident, un gros problème qui s'est posé à la
communauté urbaine. Ce n'est pas à propos du métro. Le
métro, les gens trouvent que ça marche. Cela coûte cher, et
tout, mais c'est entré dans la machine à décision, la
réalisation et il n'y a pas de question majeure qui se pose
là-dessus. Les autres décisions, la plupart d'ailleurs,
échappent à la perception des citoyens des différentes
villes qui forment la Communauté urbaine de Montréal.
Le gros point par lequel la communauté urbaine est
présente dans chacun des foyers de la région de Montréal,
autant de la ville de Montréal que des 28 villes de banlieue, c'est le
compte de taxes qui arrive chaque année, le fameux compte de taxes qui a
connu une ascension vertigineuse au cours des dernières années,
dont j'ai donné des exemples et dont plusieurs de mes
collègues
ont donné des exemples. D'ailleurs, le ministre n'en avait pas
besoin, il est très familier avec cette situation.
Nous avions dit au gouvernement, qui, d'habitude, est fort sur les
symboles, sur ces aspects de la réalité politique qui sont
plutôt de l'univers des symboles, nous lui avions dit que c'est ce qui
préoccupe surtout les contribuables, et si vous voulez les
intéresser à la vie de la communauté urbaine et essayer de
les entendre directement en vue d'améliorer leur condition de
contribuables, donnez-leur donc une commission spéciale parmi les
commissions permanentes que vous instituerez au sein du conseil de la
communauté urbaine qui sera chargée spécialement de
l'étude des problèmes de l'évaluation. Créez une
commission distincte de la commission des finances qui aura beaucoup d'autres
soucis: les emprunts, l'équilibre des budgets, les problèmes
financiers de l'ensemble de la communauté urbaine. Il y en a beaucoup
pour l'occuper, tellement, même, que nous croyons qu'elle ne pourra pas
donner aux problèmes d'évaluation toute l'attention qu'ils
méritent à l'heure actuelle. Il y a un dégoût, un
désenchantement profond des citoyens à l'endroit de ces charges
fiscales extrêmement alourdies auxquelles ils doivent faire face.
Parfois, j'entends le ministre des Finances nous dire: Le fardeau
fiscal, on l'avait réduit au début et, là, il a
augmenté de nouveau depuis deux ans, après les élections,
évidemment, et après le référendum. S'il prenait
l'ensemble du fardeau fiscal, y compris celui auquel doivent faire face les
contribuables au niveau municipal, au niveau de la communauté urbaine,
il serait obligé d'admettre que les taxes ont joliment augmenté
depuis six ans au Québec.
Nous aurions voulu une commission spéciale qui eût
été chargée de l'étude des problèmes
d'évaluation dans un climat de consultation et de dialogue avec les
citoyens. Nous la voulions pour une deuxième raison, cette commission.
L'addition d'une sixième commission aurait permis d'assurer un
équilibre intéressant entre les villes de banlieue et la ville de
Montréal dans le partage des charges. Il aurait très bien pu
être prévu dans le projet de loi que trois présidences de
commission auraient été occupées par des
représentants de villes de banlieue, trois présidences par des
représentants de la ville de Montréal, et nous aurions eu la
parité dans ce domaine des responsabilités orientées vers
la consultation et le dialogue avec les citoyens, au lieu de cinq commissions
dont nous ne savons pas comment l'élection de leurs dirigeants se fera,
à quel résultat il aboutira parce que tout cela sera
abandonné à des jeux de coulisses et de calculs qui peuvent
donner des résultats beaucoup plus fortement pondérés en
faveur de Montréal que ce n'aurait été le cas sous l'autre
système.
C'était un amendement qui nous paraissait quand même
intéressant, un amendement propre, un amendement logique. Refusé!
Aucune espèce de considération pour cet amendement que nous
avions proposé et aucune espèce d'aide, à ma connaissance,
ne nous est venue. Je n'ai pas pu être tout le temps à la
commission, malheureusement; j'y ai été pendant un certain temps,
mais j'ai été remplacé par des collègues ensuite.
Je ne crois pas que nous ayons eu beaucoup d'aide dans cet effort pour
rétablir un meilleur équilibre de la part des
députés du Parti québécois.
Il y a un point, on nous a donné la période de questions
orales. On a même refusé d'inscrire dans la loi qu'elle devrait
durer au moins trente minutes, ce qui laisse au conseil de la communauté
urbaine le soin de décider; s'il veut que la période dure
seulement dix minutes, il sera libre de le faire. En tout cas. Je mentionne ces
faits. Mes collègues qui interviendront après moi y reviendront
sans doute aussi pour exprimer notre déception de la manière dont
le ministre a réagi à nos suggestions, après avoir, en
première étape, adopté une attitude très courtoise
et très réceptive. (20 h 40)
Nous déciderons au moment du vote de l'attitude que nous
prendrons. Le vote interviendra demain, si je comprends bien. Nous ferons part
de nos intentions à ce moment. Nous allons continuer à
réfléchir ensemble parce que nous voulons prendre une
décision qui soit la meilleure possible pour l'avenir de la
communauté urbaine. Mais j'assure le ministre et nos concitoyens que si
on avait tenu compte davantage des suggestions éminemment constructives
de l'Opposition, on aurait un meilleur texte de loi.
Souvent le gouvernement nous dit: Vous critiquez toujours, vous
êtes toujours négatifs, vous avez toujours du
mécontentement à exprimer à propos de tel ou tel sujet.
Là, nous avons exprimé des critiques, mais nous avons
formulé en même temps des suggestions et, comme c'est
arrivé la plupart du temps, quand nous l'avons fait dans cette Chambre,
ou en commission, nos voeux n'ont point été
écoutés. Malgré ces remarques, malgré ce
désappointement que moi-même et la très grande
majorité de mes collègues éprouvons au sujet des
conclusions auxquelles en est venu le gouvernement, nous formulons des voeux
pour le succès de la Communauté urbaine de Montréal
nouvelle manière. Nous formulons des voeux très honnêtement
pour que le choix du président puisse se faire au premier stade,
c'est-à-dire suivant la règle de la double majorité et,
à défaut de ce résultat, suivant la règle des deux
tiers, qui est restée inscrite dans le
projet de loi et, si on peut franchir cette procédure de
manière constructive, de manière réussie, je pense qu'il y
aura des choses intéressantes à envisager pour l'avenir.
Nous n'en sommes évidemment qu'au début. Je l'ai
souligné en deuxième lecture et je tiens à le rappeler
à ce moment-ci, M. le Président, pour que personne ne nourrisse
d'illusion quant à la portée réelle du projet de loi.
C'est un changement de mécanique un petit peu secondaire à mon
point de vue. Ce n'est pas une réforme en profondeur comme celle que
nous attendions tous. Il faudra qu'un jour un gouvernement beaucoup plus
courageux, beaucoup plus vigoureux que ne l'est le gouvernement actuel accepte
de se pencher franchement sur le problème des frontières des 29
villes qui composent la Communauté urbaine de Montréal. Il
faudrait qu'on se rende compte que certaines enclaves historiques, qui existent
toujours, n'ont été touchées par aucun gouvernement depuis
une vingtaine d'années. On parle de ces choses. On tourne autour du
problème. Il faudra qu'un jour un gouvernement ait le courage de
regarder ce problème en face et de doter enfin Montréal d'une
délimitation de frontières adaptée à la
véritable réalité économique, sociologique,
culturelle du grand Montréal de 1982, des années quatre-vingt-dix
et bientôt du XXIe siècle.
Je ne sais pas si on pourrait faire cette suggestion au ministre des
Affaires municipales. Je ne sais pas si, lorsque seront terminés tous
les travaux relatifs à la mise en oeuvre, à la mise en route du
projet de loi no 46, il ne pourrait pas créer un groupe de travail le
plus autonome possible, qui ferait un travail de longue haleine sur cette
question, sans que le gouvernement soit nécessairement engagé par
les conclusions auxquelles en viendrait le groupe. Je pense que ce serait une
excellente façon de préparer l'avenir en dehors des sentiers
battus dans lesquels nous sommes trop portés à rester
emprisonnés comme parlementaires et comme gouvernement.
Une deuxième suggestion que je voudrais faire à
l'intention du ministre concerne l'avenir de la coordination intermunicipale
à l'échelon de toute la région du grand Montréal.
Il faut bien se rappeler que la communauté urbaine n'embrasse que
Montréal et les 28 villes qui sont situées sur le territoire de
l'île de Montréal. Mais il y a Longueuil et les
municipalités de la rive sud juste de l'autre côté du pont
Jacques-Cartier. On y va maintenant par le métro qui appartient à
la Communauté urbaine de Montréal et auquel se raccrochent, oui,
quand il marche évidemment, ce n'est pas tous les jours ces temps-ci,
les villes qui sont du côté de Laval, les populations qui sont du
côté de la ville de Laval, au-delà de 350 000 si mes
souvenirs sont exacts, tout près de 350 000 en tout cas. La
députée de Chomedey va me corriger si je diminue l'importance de
cette ville.
Il y a toutes sortes de problèmes d'intérêt commun
qui se posent avec Montréal, dans le domaine des transports, par
exemple, et nous attendons toujours les décisions du gouvernement en
matière de coordination des systèmes épars et trop
dispersés qui existent encore aujourd'hui. En matière de lutte
contre la pollution, c'est évident qu'une usine qui fait beaucoup de
fumée dans l'est de Montréal, les jours où le vent vient
du nord-ouest, envoie sa fumée du côté de Varennes,
Verchères et Boucherville. Et l'inverse est également vrai quand
le vent vient du sud. Il y a toutes sortes de problèmes qui se posent,
des problèmes d'aménagement des eaux, d'aménagement des
rives. Les cours d'eau qui entourent Montréal sont des problèmes
considérables. Les problèmes d'habitation, on ne peut pas les
envisager uniquement à l'échelle de la communauté urbaine.
Il faut des politiques qui embrassent plus large. J'ose espérer que dans
une prochaine étape le gouvernement nous saisira de projets concrets
d'intervention à ce niveau plus large qui permettra à toutes les
régions de l'agglomération de Montréal d'évoluer
dans l'avenir d'une manière coordonnée, d'une manière
intégrée qui respecte la liberté et le caractère
distinctif des municipalités qui constituent la diversité du
paysage et qui assurent, en même temps, un minimum de
rationalité.
Je souhaite, encore une fois, que la communauté urbaine puisse
continuer à se développer dans un esprit d'harmonie. Nous avons
vu en commission parlementaire, M. le Président, des spectacles que
j'appellerais regrettables, des gens qui sont venus se prendre aux cheveux en
commission parlementaire quand nous pensions un peu naïvement qu'ils
étaient beaucoup plus proches à la suite du travail qu'ils ont
fait ensemble au cours des dernières années. J'ose espérer
que les scènes déplorables que nous avons vues ne se
répéteront pas à l'avenir et que les structures qui
découleront du projet de loi no 46 permettront un rapprochement non
seulement au niveau des comportements extérieurs, mais au niveau des
attitudes, au niveau des décisions et des manières d'agir. II y a
quelque chose qui ne fonctionnait pas de ce côté-là. Je
pense qu'il fallait une intervention. Je doute qu'elle soit suffisante, mais
notre collaboration est acquise.
Je voudrais dire aux villes de banlieue, dont plusieurs sont
représentées dans cette Chambre par des députés
libéraux, que nous avons beaucoup d'admiration pour le travail qu'elles
font, que nous sommes convaincus qu'elles ont apporté au
développement de la région montréalaise une contribution
très précieuse et qu'elles peuvent encore dans
l'avenir apporter une contribution extrêmement
intéressante. Aux dirigeants, aux conseillers municipaux et aux citoyens
de Montréal, nous rappelons que nous avons essayé, nous, du Parti
libéral, de tenir compte de la réalité de la ville de
Montréal dans l'étude de ce projet de loi. Il fallait des
accommodements, parce que vous n'aurez jamais un système qui marche
quand une partie est constamment écrasée par l'autre.
Là-dessus, je partageais pleinement les motifs de certains de mes
collègues des villes de banlieue qui sont intervenus avec vigueur pour
seconder certains aspects et l'esprit du projet de loi. Je pense que nous
sommes pris pour vivre ensemble, à la fois les villes de banlieue et la
ville de Montréal. Je pense que dans la mesure où se sentent une
destinée, une vocation commune et dans la mesure où une juste
perception des intérêts et des responsabilités que tous les
citoyens de l'île de Montréal ont en commun sera acceptée
de part et d'autre, dans la même mesure, nous aurons une
communauté urbaine qui fonctionnera de manière dynamique et des
villes qui seront heureuses d'en faire partie et de collaborer à son
travail.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole
au député de Rosemont, j'aimerais vous rappeler que nous sommes
en troisième lecture et que les autres intervenants, en vertu de
l'article 126, ont droit à dix minutes d'intervention. M. le
député de Rosemont.
M. Gilbert Paquette
M. Paquette: M. le Président, nous arrivons au terme d'un
long débat qui, pour nous, les députés du caucus de
Montréal, a commencé dès l'automne dernier, bien avant les
sorties publiques de l'administration municipale de Montréal ou du parti
de l'Opposition qui, pour une fois, étaient unanimes sur un principe qui
nous apparaît toujours extrêmement important, celui de la
prépondérance de Montréal, mais non pas une
prépondérance mitigée. Je me demande ce qu'est une
prépondérance mitigée. Il y a une
prépondérance ou il n'y en a pas. (20 h 50)
Nous, ce dont on parlait, c'était d'une
prépondérance de la ville de Montréal, mais compatible
avec une vie communautaire. Là-dessus, on était d'accord avec ces
aspects du projet présenté par le ministre et on est toujours
d'accord. On pense, comme le ministre, que la Communauté urbaine de
Montréal est un facteur important du rayonnement de Montréal dans
son ensemble et de la ville de Montréal, en particulier, que c'est un
instrument d'avancement pour Montréal, les Montréalais et les
Montréalaises. C'est vrai que partout, dans les grandes villes du monde,
les agglomérations urbaines sont rarement composées d'une seule
ville. Ces agglomérations tirent leur force de la collaboration des
différentes villes qui composent l'agglomération urbaine et qui
lui donnent tout son sens, quand on sait les liens très étroits
au niveau de l'économie, de la culture et l'entraide qui doit exister
entre tous les résidents de l'île de Montréal.
Également, nous pensons toujours que ce projet est excellent sur
le plan de la démocratisation des institutions municipales. On sait que
la communauté urbaine apparaît aux citoyens de Montréal
comme très loin; maintenant, ils auront la possibilité de
participer, à l'intérieur de commissions démocratiques,
aux affaires de la communauté. Il y a également des
améliorations au niveau de l'adoption du budget et, grâce aux
pressions que nous avons faites sur le ministre, un amendement permet une
période publique de questions au conseil de la communauté
urbaine.
Cependant, nous devons maintenir en troisième lecture, comme en
deuxième lecture et comme nous le maintenons depuis l'automne dernier,
notre opposition sur un point qui nous apparaît très important,
celui de la représentation de Montréal au comité
exécutif. Nous pensons que le fait que Montréal puisse être
potentiellement minoritaire au comité exécutif, dépendant
du choix du président du comité exécutif, ne correspond
pas à la réalité de la ville de Montréal. Il est
vrai que, par exemple, à Toronto, il existe une représentation
à la communauté urbaine où la ville de Toronto n'est pas
majoritaire, mais c'est tout à fait normal puisque cette ville ne
représente - si je me rappelle bien - que 35% à 38% de la
population. Il y a une autre ville qui représente 23% de la population
et les autres villes représentant entre 5% et 15% de la population; il y
a six villes en tout. Alors, la situation est très
différente.
Sur l'île de Montréal, nous avons la ville de
Montréal qui représente 55% de la population - peut-être un
peu plus bientôt -et 28 municipalités très
diversifiées. Il y a des municipalités qui sont
véritablement, à toutes fins utiles, rurales; il y en a d'autres
qui sont des villes dortoirs où il n'y a pratiquement pas d'industries
et où tous les gens viennent travailler à Montréal; il y
en a d'autres qui sont vraiment en continuité avec les quartiers
montréalais. On traite, dans le projet de loi, la ville de
Montréal et l'ensemble de ces 28 municipalités comme si
c'étaient deux entités équivalentes, À notre avis,
c'est un non-respect de la réalité montréalaise.
D'autre part, nous trouvons difficilement acceptable qu'au niveau du
comité exécutif, où s'élaborent les grandes
politiques, Montréal soit en quelque sorte
privé de son rôle moteur, de son rôle initiateur.
Nous sommes conscients que, parfois, l'initiative doit venir et vient
effectivement des villes de banlieue, mais Montréal, par son importance
démographique, culturelle et économique, par son rôle de
centre international, a nécessairement à assumer la plupart du
temps l'initiative des politiques communautaires. Il nous semblait et il nous
semble toujours important qu'une majorité de membres soit assurée
à Montréal, au niveau du comité exécutif. Les
améliorations apportées par le projet de loi, avec la
possibilité d'un veto suspensif des membres de la banlieue au
comité exécutif, feront en sorte que toutes les questions
importantes seront discutées au conseil, donc, seront publiques. Les
banlieues ont un instrument pour éviter - ce qui a été
trop souvent le cas par le passé - la domination de Montréal sur
les banlieues. Nous sommes favorables à la prépondérance
de Montréal, mais non à sa domination sur les banlieues.
J'ai été très surpris d'entendre les remarques du
chef de l'Opposition sur le travail des six députés de
Montréal - cinq de mes collègues et moi-même - qui se sont
opposés et qui ont fait, tout au long de ce processus, une série
de suggestions au ministre des Affaires municipales pour ajuster ce projet de
loi qui, en voulant corriger un déséquilibre, en crée un
autre qui peut potentiellement être dangereux pour l'ensemble des
Montréalais.
M. le Président, je vous avoue que j'ai de la difficulté
à suivre le chef de l'Opposition dans son cheminement, à un point
tel que le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui est assis
à côté de lui... On faisait une émission,
après la deuxième lecture, au réseau CBC, au réseau
anglais, et le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui a son
comté dans Montréal, défendait le projet de loi, et moi,
qui suis député ministériel, j'étais contre le
projet de loi, à un point tel que l'animateur disait: Écoutez,
c'est le monde à l'envers. Il y a le député de
l'Opposition qui défend le projet de loi du gouvernement, et le
député ministériel qui est contre. Je pense que le
député s'est laissé prendre par la position de son parti
en deuxième lecture et, peut-être, les tensions qu'il y avait dans
le caucus libéral à ce moment, et qui se disait: La position de
mon parti, à ce moment, cela doit être qu'on est pour. J'imagine
qu'en troisième lecture, il va voter contre le projet de loi, parce que
le chef semble indiquer que les députés vont voter contre.
M. Scowen: Question de privilège!
M. Paquette: À moins que le chef de l'Opposition nous
dise...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, juste un instant. J'ai une question de privilège
à ma gauche.
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: C'est évident que celui qui parle et a
mentionné mon nom m'a prêté des intentions. La population
qui m'a écouté a le droit à sa propre
interprétation.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, question de règlement du whip du gouvernement.
M. Chevrette: Le député de
Notre-Dame-de-Grâce aura ses dix minutes pour exprimer toutes ses belles
intentions.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Joliette et whip du gouvernement, il y a peut-être juste une chose que
je ne sais pas, et je ne peux pas prêter d'intention au
député de Notre-Dame-de-Grâce. Est-ce qu'il a l'intention
d'intervenir en troisième lecture ou pas? S'il a l'intention
d'intervenir en troisième lecture, je pense qu'il aura dix minutes pour
expliquer sa position, mais s'il n'a pas l'intention - on le verra d'intervenir
en troisième lecture, il a le droit d'intervenir en vertu d'une question
de privilège. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Malheureusement, il y a tant de demandes de la part de
mes collègues pour intervenir en troisième lecture que je ne
pouvais pas trouver une place sur la liste. C'est la seule occasion que j'aurai
d'exprimer la fausseté que le député de Rosemont vient de
dire. Je n'ai pas pris position pendant cette émission de radio. J'ai
essayé d'écouter. La seule chose que je peux dire en terminant,
pour corriger les faits, c'est que le député de Rosemont est venu
dans mon comté il y a quelques semaines. Il a défendu sa position
contre l'évaluation foncière, mais il l'a défendue dans le
sens contraire deux semaines après. Le député de Rosemont
est dans une situation de contradiction flagrante. J'aimerais qu'il retire ses
paroles.
M. Chevrette: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Juste avant de vous
accorder la parole, sans que votre temps ne soit enlevé, les mots que
vous avez le droit de prononcer, je dois dire au député de
Notre-Dame-de-Grâce que j'ai été large en
l'écoutant, mais je dois dire que c'est une intervention qu'il a faite
et non pas une question de privilège.
M. le député de Rosemont.
M. Paquette: Oui, M. le Président, je constate que le
député de Notre-Dame-de-Grâce n'a pas nié les faits
que j'ai rapportés
pour la bonne raison qu'il ne peut pas les nier puisqu'ils sont vrais.
Je n'ai pas d'objection à ce que le député ait une telle
position. Je dis simplement que lui aussi, comme moi, a peut-être de la
difficulté à suivre, dans les méandres de ses positions
successives, le chef de son parti. S'il y a des divergences dans le groupe
parlementaire libéral, tel que le chef l'a exprimé, je ne sais
pas si on va avoir un vote libre en troisième lecture, je suis bien
curieux de voir cela. Le chef de l'Opposition nous a dit qu'on avait eu une
attitude plus faible en commission parlementaire que dans nos
conférences de presse. Je tiens à dire que c'est totalement faux
et dénué de fondement. Il suffit de regarder le journal des
Débats. (21 heures)
J'ai ici tous les débats sur l'amendement du chef de
l'Opposition, l'amendement que j'ai présenté, l'intervention de
mes collègues. Je tiens à vous dire que l'Opposition a
passé autant de temps sur la question de la séparation de la
commission des finances en deux commissions que sur la
prépondérance mitigée, comme elle dit, de la ville de
Montréal sur le comité exécutif. Elle a passé
autant de temps à savoir si on devait discuter séparément
de la question des revenus et des dépenses de la communauté
urbaine à la même commission ou de faire cela en deux commissions.
Lorsque nous avons discuté de la prépondérance de
Montréal, M. le Président, on a passé à peu
près le même temps qu'elle à exprimer nos positions.
Cependant, ce que nous avons dit - je pense que c'est le rôle d'un
député ministériel - c'est que nous n'allions pas mettre
le ministre en minorité. Les membres qui votaient à la commission
se sont abstenus, car à quoi aurait-il servi de mettre le ministre en
minorité et de le forcer à faire la démarche de ramener
ses amendements en troisième lecture en s'alliant sur un amendement de
l'Opposition, qui, de plus, ne nous satisfaisait pas entièrement, M. le
Président? Mais, cependant, nous avons dit clairement à cette
occasion que nous pensons qu'une majorité de représentants de
Montréal doivent siéger à l'exécutif de la
communauté urbaine.
Le chef de l'Opposition a choisi de dénaturer l'amendement que
j'ai présenté en le réduisant à une question
d'alternance. Ce que j'ai proposé, M. le Président, c'est que la
présidence aille alternativement à Montréal et à la
banlieue de façon que l'image de la communauté urbaine ne soit
pas concentrée uniquement sur la ville de Montréal, mais que,
parmi les autres membres, Montréal ait toujours une majorité au
comité exécutif et que, d'autre part, cette règle
d'alternance soit assez souple pour qu'on puisse reconduire le mandat d'un
président qui ferait l'affaire de tout le monde. Je pense que le chef de
l'Opposition a voulu dénaturer mon amendement et je pense toujours que
cet amendement aurait permis de faire en sorte que la banlieue se sente
à l'aise dans la communauté, tout en respectant la
prépondérance de Montréal.
M. le Président, c'est avec regret que je devrai voter en
troisième lecture comme j'ai voté en deuxième lecture,
parce que, pour moi, la prépondérance de Montréal, c'est
une question de principe. Je comprends que le Parti libéral ne
considérait pas que c'était une question de principe, puisqu'il a
voté pour le projet de loi en deuxième lecture. Je pense que
c'est un principe qu'il fallait ajouter au projet de loi et qu'on était
justifié de le faire au moment des amendements en commission
parlementaire.
C'est une question, M. le Président, de respect du rôle
moteur de Montréal, comme centre économique, qui respecte
également le fait que, sur le territoire de la ville de Montréal,
la plupart des quartiers défavorisés que nous représentons
à l'Assemblée nationale sont sur le territoire de la ville de
Montréal et doivent avoir une voix majoritaire à
l'exécutif de la communauté urbaine où se prennent les
décisions sur les taxes municipales, où se prennent des
décisions sur le transport, sur les services de police et sur des
services qui touchent la qualité de vie des Montréalais et nous
voulions avoir l'assurance que Montréal soit majoritaire au
comité exécutif.
Nos démarches ont permis au ministre d'assurer les
Montréalais que le prochain président serait de Montréal.
Cela ne nous satisfait pas, M. le Président, parce qu'on se demande ce
qui va arriver après et, si c'était un autre ministre, ce qui
arriverait. Il aurait fallu, à notre avis, inscrire cela dans la loi et
c'est avec regret, M. le Président, que je devrai me prononcer contre ce
projet de loi en troisième lecture. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Verdun.
M. Lucien Caron
M. Caron: M. le Président, il me fait plaisir d'avoir
quelque dix minutes pour parler sur le projet de loi no 46.
Je suis l'un de ceux qui, dans cette Chambre, à maintes reprises
ont demandé au gouvernement, au leader du temps, le député
de Saint-Jacques, quand on aurait l'occasion d'avoir à discuter et
à adopter un projet de loi, comme le projet de loi no 46, pour
réorganiser la Communauté urbaine de Montréal. Cela fait
au moins deux ans, M. le Président, et je sais qu'à un certain
moment, le projet de loi n'était pas déposé,
n'était pas prêt, parce que le maire de la ville de
Montréal et le premier ministre du Québec n'avaient pas eu
l'occasion de se rencontrer pour en discuter.
Soyez assuré, M. le Président, que ce que je vous dis est
vrai. C'est probablement normal parce que Montréal est la grande ville
et nous, du Parti libéral, nous respectons cela. J'ai voté, en
deuxième lecture, pour le projet de loi et j'étais fier de voter.
Mais j'avais dit au ministre, à ce moment-là, qu'il avait du
courage malgré ce que le député de Rosemont et d'autres
avaient dit. On a vu de grands articles dans les journaux disant qu'ils
étaient contre leur parti.
Une voix: Contre le ministre.
M. Caron: Contre le ministre. C'était bien effrayant de
voir comme c'était séparé. Mais je l'ai vécu en
commission parlementaire et ce n'était pas si séparé que
cela, M. le Président. C'est normal, peut-être, parce que si on
avait été trop loin, on aurait coupé un petit voyage, on
aurait coupé quelques petites subventions ou quelques HLM. J'ai
vécu cela, M. le Président, moi aussi. J'ai été au
pouvoir. Cela continue. On en a une preuve: le premier ministre du
Québec, ce matin, concernant les présidents d'élection. On
l'a vécu et on le vivra encore.
Nous du Parti libéral, on sait que, depuis 1969, nous devons
vivre avec la communauté urbaine. On n'a pas le choix. Il faut vivre
avec elle et il faut l'améliorer, comme ce sont les intentions du
ministre de l'améliorer. Mais son caucus le mange, M. le
Président, pour changer les bonnes structures qu'il y avait au
début. Nous lui avons présenté des solutions pour essayer
de réunir les deux groupes. Je pense que les 28 villes de banlieue sont
aussi importantes que la ville de Montréal. Souvent, le président
du comité exécutif a dit: Les villes de banlieue, si, par hasard,
le gouvernement leur donnait plus de pouvoirs, les citoyens deviendraient des
citoyens de deuxième classe. Je m'excuse, M. le Président, mais
pour autant que cela me concerne, tous les concitoyens de l'île de
Montréal doivent être sur le même pied. Il n'y a pas de
première ou de deuxième classe.
On a eu des rencontres. On a essayé d'influencer le ministre. Je
pense qu'il a été influencé, pas en commission
parlementaire, mais par des téléphones. Vous savez, M. le
Président, il y a souvent des choses qui se font en arrière.
Même ici, parfois, on a eu l'occasion de voir des choses qui se sont
faites en arrière du trône.
Une voix: Quoi?
M. Caron: Nous, du Parti libéral, n'acceptons pas
l'article 3. Le chef de l'Opposition vous l'a dit et je vous le redis en tant
que maire de banlieue. Je suis heureux d'être maire de banlieue et
d'avoir l'occasion de travailler pour les maires de banlieue et aussi pour la
ville de Montréal, parce que je sais que la ville de Montréal
domine et elle doit dominer. Elle doit être la grande ville sur
l'île de Montréal, mais elle doit respecter aussi les villes de
banlieue.
Nous avons proposé, à l'article 3, un amendement: Si aucun
candidat ne recueille la majorité des deux tiers des voix lors de cette
assemblée, le président est nommé à la
majorité des voix. M. le Président, de notre côté,
trois étaient pour; de l'autre côté, quatre étaient
contre; des abstentions, il y en avait trois. Le député de
Rosemont qui est ici et les autres. Je ne les vois pas. Alors, je ne voudrais
pas parler des absents parce qu'ils ne peuvent pas se défendre.
Des voix: Intervenant.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Caron: C'est pour ces raisons...
Une voix: II préparait sa candidature. (21 h 10)
M. Caron: Dix minutes, cela ne me donne pas grand temps pour
parler. Je voudrais aussi, M. le Président, prendre la part des gens de
l'Île-Bizard. Le maire de l'Île-Bizard est venu ici nous expliquer,
en commission parlementaire, que son territoire est zoné agricole
à 81%. Imaginez! Il n'y a plus rien qu'on puisse faire. Il y a 19% de
résidentiel dans cette petite municipalité, et elle a
demandé d'être retirées de la communauté urbaine. Le
conseil des maires de l'île ne s'y oppose pas, le président de la
communauté urbaine de s'y oppose pas. Nous avons proposé, par le
biais de mon collègue, le député de Mont-Royal, qui a fait
un excellent travail en commission parlementaire - et je l'en remercie - que la
paroisse de Saint-Raphaël-de-l'Île-Bizard soit retirée du
territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Ont voté
pour, trois - encore les gens de notre côté, on est en
minorité -contre, six, et une abstention.
Il y a un grand problème à Montréal, celui de
l'évaluation. Les villes de banlieue, majoritairement, sont
évaluées plus fortement que la ville de Montréal. Nous
avons proposé, nous, du Parti libéral, la résolution
suivante: Qu'il y ait une commission d'évaluation et des finances pour
entendre non pas le cas d'un type dont les biens sont évalués 500
$ ou 5000 $ de plus, mais les gens qui auraient des suggestions à faire
au comité exécutif pour une plus grande justice envers tous les
petits propriétaires de l'île de Montréal. De l'autre
côté, on l'a refusée.
Je ne dis pas que les gens qui sont en place ne font pas un bon travail,
ils se réfèrent à la loi 44 de l'évaluation. On
donne tous les pouvoirs aux responsables de l'évaluation. Nous aurions
voulu que ce soit élargi, qu'on puisse entendre les gens et justifier
les évaluations. Le député de Mont-Royal, lors d'un
débat du mercredi, en a discuté deux mercredis de suite; les gens
d'en face n'ont pas réussi à nous prouver qu'il avait tort.
À la commission parlementaire, on aurait voulu séparer cela. On
n'a pas voulu. Il y a eu des rencontres en coulisses et ce sont des choses que
je n'aime pas.
Un autre point touche le budget. Nous avions proposé, à
l'article 77, une motion qui se lit comme suit: Nous proposons que soient
biffées les dispositions relatives à l'adoption provisoire d'un
quart des crédits du budget pour une période de trois mois. Je
sais que mon droit de parole achève. Je ne sais pas exactement quelle
attitude prendront mes collègues, ils sont assez grands pour en
décider eux-mêmes. Mais si le ministre avait voulu
réellement... On sera obligé d'y revenir dans un certain laps de
temps, le plus vite possible, parce qu'il faut vivre avec et on continuera
à vivre avec.
On aurait aussi voulu qu'à la Commission de transport de la
Communauté urbaine de Montréal il y ait des représentants,
des gens élus. En général, siègent sur des
commissions des gens élus, des gens qui vont suivre les dossiers et qui
seront plus près de la population. Quand ce sont des hauts
fonctionnaires, ce sont des gens qui sont là en permanence. On a encore
entendu ce matin - vendredi ou hier, je n'étais pas ici - que...
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Veuillez conclure, s'il vous plaît.
M. Caron: Oui, M. le Président. Si on veut se
débarrasser des hauts fonctionnaires pour une raison ou une autre, on
leur donne un certain montant en leur demandant de s'en aller. Si ce sont des
gens élus et que la population n'est pas satisfaite de ces gens, elle
votera contre eux.
M. le Président, pour toutes ces raisons, j'espère que le
ministre, dans les dernières minutes qui restent, admettra que nous
avons été de bonne foi dans l'étude du projet de loi no
46; nous avons essayé d'étudier ce projet de loi dans
l'intérêt de tous les contribuables de l'île de
Montréal. Nous ne voulons pas faire de clôture entre une ville et
une autre, M. le Président. Pour toutes ces raisons, je demande encore
au ministre, en qui j'ai confiance, de ne pas se laisser influencer par
quelques collègues qui ont eu de grandes pages de publicité, mais
de penser à l'intérêt de tous les contribuables de
l'île de Montréal.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. On reconnaît la
nécessité...
Une voix: C'est trop tard. Vas-y, le whip.
M. Ciaccia: Non, c'est correct. L'alternance, M. le
Président, cela va me faire...
Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai reconnu la
première personne qui s'est levée. Écoutez, ça va.
D'accord. La parole est à Mme la députée... S'il vous
plaît.
Mme Louise Harel Mme Harel: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, ce doit être assez
inusité, dans les annales parlementaires, qu'un chef de l'Opposition
reproche à des députés ministériels de ne pas avoir
donné suffisamment d'éclat à leur Opposition lors d'une
commission parlementaire. M. le Président, loin de moi l'intention de
faire de la surenchère partisane sur une question qui m'apparaît
beaucoup trop importante, qui est la question de la prépondérance
de Montréal, mais je ne pense pas qu'on ait de leçons à
recevoir ni du chef de l'Opposition, ni de sa formation politique. Je pense
que, dans ce débat sur la loi 46, le chef de l'Opposition lui-même
a pratiqué la confusion des positions. Je vais m'expliquer
rapidement.
Quand le chef de l'Opposition réclamait un vote à la
majorité simple, en conférence de presse, au début
d'avril, le critique en matière d'affaires municipales, le
député de Mont-Royal, disait ici même devant cette
Assemblée, lors du débat de deuxième lecture, qu'il
était satisfait. Je reprends ses propos: Je crois que c'est une formule,
la prépondérance, qui peut répondre à la fois aux
demandes de Montréal et qui pourrait répondre aussi aux demandes
des banlieues parce qu'il va falloir qu'il y ait une coopération entre
les deux.
C'est donc dire qu'il y a un détournement qui se fait
actuellement pour masquer les propres divergences qu'on retrouve au sein de la
formation politique libérale. M. le Président, je dois vous dire
qu'en ce qui nous concerne, en ce qui me concerne, comme députée
de Maisonneuve, et en ce qui concerne mes collègues de Montréal,
depuis le début, que ce soit dans le cadre de conversations
privées, dans le cadre de rencontres privées au sein de notre
formation politique, ou que ce soit lors du débat en
deuxième lecture ou à titre d'intervenante, - je n'étais
pas membre de la commission des affaires municipales mais j'ai attentivement
suivi les débats sur la loi 46 -il reste que notre position a toujours
été la même. Il ne s'agissait pas pour nous d'une simple
majorité des votes au conseil, il s'agissait dès le départ
d'une majorité au sein de l'exécutif de la Communauté
urbaine de Montréal. Pour les techniciens des projets de loi, il ne
s'agissait pas de l'article 3 mais, en l'occurrence, de l'article 14, celui
qui, indépendamment du poids démographique de l'île de
Montréal, lui assurait une majorité au sein du conseil
exécutif de la communauté urbaine.
M. le Président, c'est évident que nous avons souscrit
à bien des modifications qu'on retrouve dans cette réforme, qui
est la première réforme d'envergure depuis 1969. Nous l'avons
fait avec parfois beaucoup de satisfaction, et je pense notamment à la
création des commissions permanentes du conseil de la communauté.
On sait que ces commissions permanentes vont permettre à des citoyens de
se faire entendre. Elles seront publiques. Il s'agira des commissions sur
l'aménagement, l'environnement, les finances et l'évaluation, la
sécurité publique et la commission des transports en commun. Il y
a donc des modifications extrêmement importantes, notamment quant au mode
d'adoption du budget, qui assurent maintenant un processus qui ne le rend plus
automatique. C'est donc dire que bien des modifications qui ont
été apportées par ce projet de loi 46 répondaient
au voeu des députés montréalais. (21 h 20)
Ce qui est resté, ce qui fait difficulté et ce qui
m'amènera à voter en troisième lecture comme je l'ai fait
en deuxième lecture, c'est évidemment la question centrale. Ce
qui fait problème, c'est la représentation majoritaire au sein de
l'exécutif. C'est dès le départ, M. le Président,
que nous avons, en toute logique, estimé que cette majorité
devait être détenue par la ville de Montréal et que,
conséquemment, le président devait être nommé sur
recommandation de la ville centrale, c'est-à-dire de Montréal,
pour la communauté urbaine. M. le Président, cette position,
enfin, s'appuie sur la place qu'occupe Montréal au sein de la
communauté urbaine. Que l'on pense au territoire de la ville de
Montréal, qui regroupe l'immense majorité des services qui sont
consommés par l'ensemble des habitants de la région
métropolitaine, qu'ils soient banlieusards, qu'ils habitent des petites
municipalités dont la plus importante en banlieue occupe à peine
le dizième de l'importance de Montréal, que l'on pense aux
services gouvernementaux, hospitaliers, éducationnels et aux
institutions financières, l'ensemble de ces appareils sont
concentrés en quasi totalité sur le territoire de la ville de
Montréal. L'ensemble des activités culturelles,
récréatives et sportives se déroulent
généralement à Montréal et c'est évident
qu'on peut étendre ces quelques exemples à tous les aspects de la
vie d'une région métropolitaine comme Montréal, mais la
concentration d'activités sur le territoire d'une seule
municipalité qui est Montréal lui confère, en plus du
poids démographique, des responsabilités qui, évidemment,
ne souffrent absolument aucune comparaison avec celles des autres villes de la
communauté urbaine. Les coûts qui sont engendrés par
l'activité métropolitaine sont très largement encourus par
la ville de Montréal. Ces obligations financières et sociales qui
incombent à Montréal, nous considérons qu'elles doivent se
traduire par l'obtention d'une voix particulière dans les
décisions de la communauté et, évidemment, nous le savons,
ces décisions ont des conséquences directes sur le
développement et sur l'affectation des ressources pour l'ensemble du
territoire de l'île. Pour nous, depuis le début, cette voix
particulière aurait dû s'exprimer par une majorité à
l'exécutif.
M. le Président, nous considérons ne pas avoir obtenu
satisfaction et, en fait, ce que nous souhaitions, évidemment, ce n'est
pas que les Québécois et leur gouvernement reconnaissent
Montréal comme ville centrale, un peu comme on reconnaît que le
jour suit la nuit et que l'hiver précède le printemps -c'est un
fait, on le constate - mais on s'attendait à beaucoup plus de la part de
Québec. On s'attend toujours que ce soit avec enthousiasme et avec
dynamisme qu'on veuille faire de Montréal la ville internationale du
Québec, qu'on veuille lui donner la place prépondérante
qui lui revient et qu'on veuille faire le rattrapage qui est nécessaire
dans la conjoncture actuelle. On s'attend finalement, M. le Président,
que les Québécois et leur gouvernement soient aussi fiers de
Montréal que les Montréalais sont fiers de leur origine
gaspésienne ou sont fiers, à l'occasion, de faire le tour du
Québec. On sait très bien, nous qui sommes des
représentants de Montréal, combien les Montréalais aiment
les diverses régions du Québec et ce qu'on souhaite, c'est que
les Québécois aussi aiment Montréal. Pour toutes ces
raisons, M. le Président, ce qu'on peut souhaiter, dans ce débat
de troisième lecture, c'est que le ministre des Affaires municipales
mette en vigueur les propos qu'il a tenus lors de son exposé à
l'ouverture des travaux de la commission parlementaire au printemps
dernier.
À ce sujet, j'aimerais simplement rappeler qu'à cette
occasion, le ministre des Affaires municipales énonçait
l'affirmation suivante: "Le gouvernement devra privilégier la ville de
Montréal avant quiconque parce
que dans la conjoncture actuelle, c'est elle qui a le plus besoin
d'être protégée, c'est elle qui a porté, depuis dix
ans, le plus lourd fardeau en termes de perte de population et d'usure de sa
trame urbaine." En l'occurrence, le ministre des Affaires municipales
s'engageait, si tant est qu'il pouvait être amené à devoir
nommer le président de la communauté urbaine, en fait à
nommer un Montréalais. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: M. le Président, dans le projet de loi no 46
de la Communauté urbaine de Montréal, il y a trois
problèmes principaux. Premièrement, la question du rôle de
Montréal, la démographie de Montréal, le rôle
prépondérant, le rôle économique de Montréal
comme métropole. Le deuxième problème est le rôle
des banlieues et la frustration des contribuables des banlieues qui se voyaient
imposer un budget automatique à chaque année fiscale et qui
n'avaient aucun contrôle sur ce budget. Le troisième
problème, c'est la question de l'évaluation foncière. La
loi no 57 a imposé un système d'évaluation dont toutes les
banlieues et même certains secteurs de Montréal, les principaux
secteurs de Montréal se plaignent que cela cause un
déséquilibre, qu'il y a des problèmes et des
iniquités.
Le Parti libéral a fait des propositions pour affronter ces trois
problèmes et trouver des solutions. On a fait une proposition pour la
question des budgets. On a dit: Cela ne devrait pas être automatique; le
ministre ne devrait pas avoir le droit d'imposer un budget aux banlieues ou
à Montréal, faire en sorte que les banlieues et que la ville de
Montréal doivent, individuellement, accepter les budgets. Si elles ne
peuvent pas s'entendre sur les budgets, qu'elles mettent en vigueur le budget
de l'année précédente, sujet à certaines ententes
collectives. On voulait enlever le rôle du ministre, le droit du ministre
d'imposer un budget. Le ministre a accepté cette proposition.
Deuxième problème, la question de la
prépondérance de Montréal. Vraiment, je suis perplexe
d'entendre les interventions du député de Rosemont et de la
députée de Maisonneuve. Franchement! Vous dites des choses ici,
à cette Assemblée, devant la caméra et vous dites
absolument... Vous agissez de façon complètement contraire
à ce que vous avez fait en commission parlementaire, c'est absolument
honteux! Je vais rappeler au député de Rosemont et à ma
collègue, la députée de Maisonneuve, ce qui s'est produit
en commission parlementaire. Vous vous gargarisez ici avec la
prépondérance de Montréal, vous voulez donner la
prépondérance à Montréal, vos mots sont
enregistrés à la télévision et vous allez voter
contre en troisième lecture. Pourquoi? Parce que vous voulez
protéger Montréal. La même chose pour la
députée de Maisonneuve, en troisième lecture, elle va
voter contre pour protéger Montréal. Vous savez que votre vote en
troisième lecture n'aura aucun effet, excepté pour la galerie.
Où votre vote aurait été efficace et où il aurait
eu un résultat, c'est en commission parlementaire, et là, vous
avez refusé de reconnaître la prépondérance de
Montréal.
Des voix: Bravo!
Mme Harel: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Maisonneuve, question de privilège.
Mme Harel: M. le Président, je voudrais simplement faire
rétablir mon droit; je n'avais pas droit de vote à cette
commission parlementaire.
Des voix: Ah!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je vais en venir à cela, je vais l'expliquer
qu'elle avait... C'est vrai, elle était intervenante. Elle aurait pu se
faire nommer comme membre pour avoir le droit de vote, comme moi qui me suis
fait nommer comme membre pour avoir le droit de vote. Le député
de Rosemont aurait pu faire la même chose. Ils se sont convenablement
faits inscrire comme intervenants, comme cela ils peuvent dire aujourd'hui: Je
n'avais pas le droit de vote. Cela fait des années qu'on est ici, on
connaît ces trucs. On les connaît. (21 h 30)
Le chef de l'Opposition, le député d'Argenteuil, a
présenté un amendement très clair. Le chef de l'Opposition
n'a pas attendu pour faire un amendement après la deuxième
lecture. C'est une position que le chef de l'Opposition avait prise le 27 avril
1982, une position sur la prépondérance de Montréal. Quand
on est arrivé en commission parlementaire pour donner un effet concret
au voeu et aux recommandations qui avaient été faites
publiquement, le député d'Argenteuil, le chef de l'Opposition a
présenté un amendement, à savoir que le président
du comité exécutif soit nommé par le conseil. Puisque
Montréal a une majorité au conseil, cela veut dire
automatiquement qu'on donnerait la prépondérance à
Montréal. Là, comme mon collègue, le député
de
Verdun, l'a très bien expliqué, trois des membres du Parti
québécois se sont abstenus. Si ces trois membres ne
s'étaient pas abstenus, s'ils avaient voté avec nous, au lieu
d'être quatre pour et trois contre, cela aurait été six
pour et quatre contre, et on aurait établi finalement la
prépondérance de Montréal. Ce n'est pas cela que vous avez
fait.
M. le Président, hier, le député de Joliette s'est
levé après mon intervention et il m'a accusé d'avoir
charrié. Il a dit que le principe de la loi avait été
établi en deuxième lecture et qu'on ne pouvait pas faire des
changements en commission parlementaire. En plus, il a dit que l'amendement du
chef de l'Opposition, c'était seulement dans le but de donner
prépondérance à Montréal aussi longtemps que
Montréal avait plus de population, tandis que les députés
ministériels voulaient donner prépondérance à
Montréal pour toujours, malgré la démographie.
Exactement. Je suis content que le député de Rosemont ait
répété cela, parce que je voulais porter à
l'attention de cette Chambre l'amendement du député de Rosemont.
Le député de Rosemont, qui s'est fait inscrire comme intervenant,
ne pouvait pas voter. L'amendement du chef de l'Opposition a été
battu. On a pris avantage d'un autre truc du règlement. On a introduit
un autre amendement pour dire la même chose que ce que disait
l'amendement du chef de l'Opposition. Naturellement, l'amendement du
député de Rosemont était irrecevable, parce que l'autre
avait déjà été battu, mais cela donnait
l'impression que le député de Rosemont voulait défendre
Montréal. Savez-vous ce que l'amendement du député de
Rosemont disait?
M. Paquette: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Question de privilège, M. le député de Rosemont.
S'il vous plaît!
M. Paquette: Le député de Mont-Royal fait son
cinéma. Je veux bien le laisser faire. Je pense qu'il est en train de
nous prêter des intentions. Depuis quand, lorsqu'une proposition est
battue et qu'une autre est censée faire la même chose, cela la
rend-elle irrecevable? L'autre avait été reçue. Je ne
voyais pas pourquoi la mienne ne pouvait pas être reçue.
Normalement, elle aurait dû être reçue, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, j'admets les aveux du
député de Rosemont. Le député de Rosemont
connaît son règlement mieux que cela. Il sait bien que, si une
proposition est recevable et qu'elle est battue, on ne peut introduire une
autre proposition dans le même sens durant la même
séance.
M. Paquette: M. le Président, question de directive.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de directive, M.
le député de Rosemont.
M. Paquette: Je pense que le député de Mont-Royal
est en train de dénaturer gravement notre règlement. Si une
proposition - je demande votre avis là-dessus - d'amendement à un
projet de loi est reçue et qu'elle est battue en commission
parlementaire, un député peut présenter une proposition
ayant un objet similaire ou le même objet avec des modalités
différentes. L'amendement n'est pas irrecevable à cause de cela.
Je voudrais avoir votre avis là-dessus.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je vais prendre votre
question en délibéré et je vous répondrai à
la première occasion.
M. Ciaccia: Très bien, M. le Président, mais, pour
votre information, l'amendement du député de Rosemont a
été déclaré irrecevable.
M. Paquette: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: Mon amendement n'a pas été
déclaré irrecevable à cause de cela, M. le
Président. Le président de la commission...
M. Ciaccia: Ce n'est pas une question de règlement.
M. Paquette: Je tiens à rétablir les faits, je
pense que c'est important.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Lalonde: Sur la question de règlement, naturellement,
M. le maire, enfin l'ex-candidat maire est un peu nerveux, je comprends. Il est
démasqué actuellement, mais est-ce que le temps qu'il a pris pour
faire ses pseudo...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
J'ai dit que je prenais en considération la demande et que je
rendrais
une réponse. Le député de Mont-Royal a maintenant
la parole et je verrai la meilleure possibilité...
M. Ciaccia: Très bien, merci, M. le Président.
Allons au deuxième point que le député de Joliette avait
soulevé hier, en ce sens que les députés
ministériels voulaient donner prépondérance à
Montréal pour toujours, c'est pour cela qu'il n'avait pas pu voter pour
l'amendement du chef de l'Opposition.
M. le Président, l'amendement du député de
Rosemont, qui a été déclaré irrecevable, va dans le
sens que le président du comité exécutif doit être
choisi parmi les représentants de la ville de Montréal, pour ce
qui est du premier mandat suivant l'entrée en vigueur de la loi. Dans le
premier mandat, on le sait tous, Montréal a une
prépondérance parmi la population. Cela reflète la
démographie et cela va selon la question de
représentativité.
Continuons l'amendement, M. le Président. Le président
doit être choisi parmi les représentants des autres
municipalités puis de la ville de Montréal, suivant le principe
de l'alternance, à moins que le conseil ne décide de renouveler
le mandat du président sortant. M. le Président, le conseil,
c'est le même organisme qui était contenu dans la proposition du
chef de l'Opposition. Montréal aura prépondérance au
conseil aussi longtemps que la population sera plus nombreuse que celle des
banlieues. Quand la population sera moins nombreuse, Montréal ne
contrôlera plus le conseil.
M. le député de Joliette, les propos que vous avez tenus
hier ne sont pas exacts. Le député de Rosemont, dans sa
proposition - je termine, M. le Président - n'a pas dit que
Montréal devra toujours avoir la prépondérance, il a
limité la prépondérance de Montréal en termes du
conseil, ce qui veut dire tant et aussi longtemps que la population de
Montréal sera plus nombreuse que celle des banlieues.
M. le Président, il y a des contradictions flagrantes - en
terminant -entre...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Ciaccia: ... les positions du député de Rosemont
et de la députée de Maisonneuve ici à l'Assemblée
nationale, devant les caméras, et celles qu'ils prennent sur le vote des
articles, des recommandations et des amendements qui sont soumis en commission
parlementaire.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Ciaccia: M. le Président, il faut démasquer
cette approche, et on doit dénoncer les pirouettes du
député de Rosemont et de la députée de Maisonneuve
en ce qui concerne le projet de loi 4. Merci.
M. Paquette: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, c'est en vertu de l'article
96. Je pense qu'il faut rectifier les propos du député de
Mont-Royal qui n'a lu qu'une partie de l'amendement que j'ai
présenté. Par conséquent, il m'attribue des propos et des
intentions que je n'ai pas tenus. En fait, en commission parlementaire, M. le
Président, mon amendement visait à instaurer un principe
d'alternance à la présidence...
M. Lalonde: Question de règlement.
M. Paquette: ... mais également à faire en sorte
qu'il y ait sept membres de Montréal...
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le leader...
M. Brassard: M. le Président... Une voix: Cela va
être très long.
Le Vice-Président (M. Rancourt): ... de l'Opposition, sur
une question de règlement.
M. Lalonde: Oui, M. le Président. Je ne pense pas que
l'article 96 permette au député...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Lalonde: ... de contester ou de discuter de choses qui se sont
passées devant une commission parlementaire. La seule chose que le
député peut faire, en vertu de l'article 96, c'est de rectifier
les propos d'un autre député à l'égard d'un
discours qu'il aurait tenu ici à l'Assemblée nationale, ce qui
est tout à fait différent. (21 h 40)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Brassard: Avant de céder la parole au
député de Joliette, je veux simplement aviser les membres de
cette Chambre qui en font partie que la commission parlementaire de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation va siéger
à la salle 81-A pour
l'étude article par article du projet de loi no 77.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que c'est un avis
à la Chambre, M. le leader adjoint?
M. Brassard: Non. La motion a déjà
été adoptée, M. le Président. C'est pour aviser les
membres de se rendre à la salle 81-A.
Le Vice-Président (M. Rancourt): C'est bien. M. le
député de Joliette.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais aussi
rétablir certains faits. Depuis le début du débat en
troisième lecture, les seuls qui sont intervenus sur le fond sont du
côté ministériel. Le député de Mont-Royal a
effleuré les problèmes, mais les autres ont cherché
à trouver des moyens de ne pas dire s'ils sont pour ou s'ils sont
contre. On ne sait pas trop. On ne sait pas trop s'ils sont pour ou s'ils sont
contre.
Une voix: Eux autres non plus ne le savent pas.
M. Chevrette: Ils ne le savent pas trop. Ils n'ont pas eu de
caucus immédiatement avant. Il aurait fallu qu'entre 18 heures et 20
heures, il y ait un caucus et, s'ils avaient vu que c'était
déchiré, soit 50-50, ils se seraient abstenus. Le caucus n'ayant
pas eu lieu, il faut qu'ils flâsent. Vous allez flâser
jusqu'à je ne sais pas quelle heure. On saura demain, à votre
caucus, comment vous voterez.
C'est drôle, j'ai entendu de très bons discours. J'ai
entendu le député de Verdun, en deuxième lecture, dire que
le ministre était courageux de présenter un tel projet de loi. Il
a dit comment cela prenait du courage, malgré que certains de ses
collègues défendaient avec droit les intérêts de
Montréal. Comme maire de banlieue - il a deux chapeaux, à la fois
maire et député - il a félicité le ministre pour
son acte courageux, son dynamisme à vouloir faire de la
communauté urbaine quelque chose qui reflétait l'idée d'un
peu tout le monde.
Ce ministre si courageux, ce soir, est remis en doute. Le
député de Verdun donne raison aux banlieues par rapport aux gens
de Montréal. Il ne sait plus s'il va voter pour ou s'il va voter contre.
Imaginez-vous si c'est brillant! On essaie de ridiculiser nos collègues
qui, en deuxième lecture, se sont abstenus. Vous savez pertinemment que
tout le débat de deuxième lecture qui s'est fait en cette Chambre
a porté sur la prépondérance de la ville de
Montréal. Vous le saviez. Vous en avez vous-mêmes discuté.
Même si, de notre côté, on avait des collègues qui
préconisaient la prépondérance à la ville de
Montréal, nous avons tranché la question et nous avons
voté parce qu'on considérait que c'était un principe. Je
pense que c'est beaucoup plus honnête pour des gars d'équipe de
maintenir leur droit à la dissension, mais pas pour le plaisir
d'assister à un petit spectacle que les libéraux auraient voulu
se payer. Imaginez-vous! Trois ou quatre de nos députés auraient
été avec vous pour se payer le luxe de revenir en
troisième lecture avec un rapport qui remettait en question ce qu'on
avait discuté en deuxième lecture et qu'on avait tranché.
C'est cela que vous faites et vous ne parlez même pas sur le fond. Vous
ne savez même pas, au moment où on se parle, où vous allez
vous brancher. Le maire de Verdun va-t-il...
M. Ciaccia: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Le député de Joliette dit qu'on a remis
en question, en deuxième lecture, le principe du projet de loi. Je veux
rectifier l'erreur du député de Joliette. Le fait que
l'amendement du chef de l'Opposition ait été
déclaré recevable, cela doit répondre aux propos du
député de Joliette. Il était recevable. Cela ne veut pas
dire qu'il était inacceptable.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Le député de Mont-Royal essaie, bien
sûr, de m'interrompre parce qu'il ne voudrait pas que j'aille toucher la
fibre encore plus sensible. Votre chef s'est lui-même levé
tantôt, mais qu'est-ce qu'il a dit pendant une demi-heure? Il a eu de la
misère à dire qu'encore là, il ne savait pas trop comment
vous alliez vous brancher. C'est ce qu'on a entendu, à toutes fins
utiles. Le maire de Verdun, avec toute l'amitié que je lui
témoigne, qu'est-ce qu'il a dit? Ministre courageux, ministre correct,
mais vous n'avez pas accepté nos amendements. Imaginez-vous! C'est quoi,
cette formation politique là, M. le Président?
M. Caron: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Verdun, question de privilège.
M. Caron: Si le député de Joliette et whip en chef
du parti ministériel relit les propos que j'ai tenus en deuxième
lecture, il
verra que c'est vrai que j'ai félicité le ministre et que
j'ai dit que le ministre des Affaires municipales avait du courage. Mais, M. le
Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. le député de Verdun, vous avez pu vous exprimer. S'il
vous plaît! M. le député de Joliette.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais remercier le
député de Verdun.
M. Caron: M. le Président, question de directive.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de directive, M.
le député de Verdun.
M. Caron: Le député de Joliette a dit des choses et
selon le règlement, j'aurais l'occasion de rétablir les faits
à la fin de son intervention ou de le faire immédiatement. Si le
député de Joliette relit exactement ce que j'ai dit, il va voir
que je sais où je m'en vais. Le problème est le suivant. J'ai
dit, en deuxième lecture, que le ministre avait du courage, mais je
voulais qu'il accepte les amendements que nous, du Parti libéral, lui
proposions.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Joliette, si vous voulez poursuivre.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je voudrais remercier
immédiatement le député de Verdun d'avoir confirmé
que j'avais bien lu ce qu'il avait dit, soit qu'il avait qualifié le
ministre de courageux. Il vient de confirmer également qu'ils ne savent
pas encore comment...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Bédard: C'est incroyable! C'est
épouvantable!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Je
crois que cette Assemblée est un lieu où on peut intervenir et le
député de Joliette utilisait son droit d'intervention. Je lui
cède la parole.
M. Brassard: M. le Président, on pourrait suspendre
pendant quelques instants pour leur permettre de se brancher.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Joliette.
M. Chevrette: Je réitère mes remerciements envers
le député de Verdun qui a confirmé deux des choses que
j'avais dites, à savoir qu'il avait lui-même reconnu le courage du
ministre et, deuxièmement, par sa dernière phrase - au moment
où vous vous êtes levé, M. le Président, je ne suis
pas certain que les auditeurs ont compris - le député a
confirmé que demain, on verrait comment ils voteraient. Donc, c'est
à la suite de votre caucus, ce qui confirme que vous n'êtes
vraiment pas branchés.
Je n'en reviens pas que du côté de l'Opposition, qui doit,
en troisième lecture, faire valoir des arguments de fond pour influencer
un vote, on s'en prenne exclusivement à un argument, à savoir que
trois membres se sont abstenus a une commission. En quoi cela va-t-il
influencer la population qui nous écoute? En quoi cela peut-il
influencer un ministre? En quoi cela peut-il influencer le vote de mes
collègues pour ou contre le projet de loi qu'il y ait trois personnes
qui se soient abstenues en commission et qu'on en fasse un gros plat, qu'on en
fasse l'argument de fond depuis le début de vos interventions en
troisième lecture? En deuxième lecture, on a fait connaître
nos points de vue; il y en a qui ont assumé la cohérence de leurs
propos au niveau de la commission et qui vont l'assumer au niveau de leur vote,
c'est leur droit.
J'aime sacrement mieux appartenir à une équipe parmi
laquelle cinq ou six personnes vont se lever demain pour dire qu'elles sont
contre le projet de loi, que M. le greffier inscrira contre le projet de loi,
qu'un groupe de personnes qui n'ont même pas le courage de se brancher
elles-mêmes avant de faire un débat de fond sur un projet de loi
aussi important. Quand on a des maires de banlieue qui ne sont pas encore
branchés face à ce projet de loi, cela prouve une chose: que les
tiraillements internes vont jusqu'au point d'étouffer leur jugement.
Merci.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, cela m'a
intéressé d'entendre la députée de Maisonneuve nous
dire qu'elle n'avait pas le droit de vote à la commission parlementaire
parce qu'elle n'était qu'intervenante. Or, selon les informations que
nous avons obtenues - et je suis sûr que ce sont des informations
correctes - le 27 mai 1982, la députée de Maisonneuve
s'était fait inscrire comme membre de cette commission. Qu'est-ce qui
est arrivé entre le 27 mai 1982 et le temps de la commission?
Mme Harel: M. le Président...
(21 h 50)
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Maisonneuve, sur une question de...
Mme Harel: ... cela va me permettre de soulever la question de
privilège que je voulais faire au moment où il en a
été question. On ne choisit pas, contrairement à ce qu'on
a laissé entendre à cette Assemblée, d'être
intervenant. Ce n'est pas un choix personnel que l'on fait d'être membre
à part entière, avec droit de vote, à une commission ou de
n'être qu'intervenant. On n'a pas le choix, comme parlementaire, d'aller
à une commission et de décider qu'on est membre à part
entière ou qu'on n'est qu'intervenant. Je ne suis pas membre de la
commission parlementaire des affaires municipales. J'ai eu l'occasion de
participer à ses travaux parce que des collègues m'ont
laissé leur place lors des auditions des groupes, des organismes qui se
sont présentés devant la commission, mais cela n'a pas
été le cas, malheureusement. Je l'ai beaucoup regretté. Je
l'aurais souhaité. Je n'étais qu'intervenante, malheureusement,
et je n'avais donc pas droit de vote. J'ai, par ailleurs, suivi attentivement
tous les travaux de la commission.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la question de
règlement, M. le leader adjoint de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, je pense qu'il y a quelques
précisions à apporter. D'après les propos de la
députée de Maisonneuve, aucun député n'aurait le
choix de faire partie de commissions parlementaires, on ne choisit pas si on
est intervenant ou membre. Or, vérification faite dans les
procès-verbaux, il appert, d'après nos informations, qu'à
compter du 27 mai 1982 Mme la députée de Maisonneuve était
membre à part entière de la commission des affaires municipales.
Si elle a choisi de devenir intervenante pour cette séance, c'est son
choix ou, enfin, c'est le whip ou le leader du gouvernement qui en a
décidé ainsi. Il me semble, M. le Président, qu'il ne faut
quand même pas laisser une impression fausse à ceux qui nous
écoutent. Chaque député a le choix de décider
à quelle commission il veut bien appartenir.
Mme Harel: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Vous me permettez? Oui, je vous remercie. Là,
vraiment, il y a certainement une opinion fausse qui est répandue par le
député de Marguerite-Bourgeoys. Je pense que je pourrais le
mettre au défi de me faire connaître la motion de
l'Assemblée. Je suis membre de la commission de l'industrie, du commerce
et du tourisme depuis le 27 mai, ayant demandé le transfert de la
commission des affaires intergouvernementales à la commission de
l'industrie, du commerce et du tourisme. C'est ça, en fait. Cela n'a
rien à voir avec les affaires municipales.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint.
M. Lalonde: ... pour n'induire personne en erreur, nous allons
faire les vérifications que j'ai tenté de faire avant
l'intervention du député de Nelligan. Les informations qui
venaient du secrétariat sont à savoir que Mme la
députée de Maisonneuve est membre à part entière de
la commission des affaires municipales depuis le 27 mai. Maintenant, s'il en
est autrement, on se conformera aux informations qu'on nous donnera.
M. Brassard: Question de règlement, M. le
Président.
Mme Harel: Question de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.
Mme Harel: Le règlement a préséance sur le
privilège ou le privilège sur le règlement?
M. Brassard: M. le Président, Mme la députée
de Maisonneuve vient d'affirmer une chose; selon notre règlement, tous
les membres de cette Assemblée devraient accepter la parole de la
députée. Exactement. Oui.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Lalonde: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Je
crois qu'on peut avoir des opinions. On peut vérifier,
évidemment, mais pour l'instant, Mme la députée de
Maisonneuve, vous pourrez rectifier suivant les événements.
Alors, la parole est au député de Nelligan, à moins que
vous n'ayez une question de privilège.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Je souhaite simplement
que vérification soit faite et que l'information soit donnée
à la
présente Assemblée avant l'ajournement du débat.
J'aurais préféré que le député de
Marguerite-Bourgeoys vérifie avant de faire son affirmation.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège.
M. Lalonde: M. le Président, sur la question de
privilège. Une vérification a été faite avant que
l'affirmation soit faite par le député de Nelligan. Maintenant,
puisque la députée de Maisonneuve met en doute l'information qui
nous est communiquée, nous allons encore vérifier, mais il ne
faut quand même pas... Enfin, je suis prêt à prendre sa
parole, mais j'aime mieux vérifier auprès des documents de
l'Assemblée nationale.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous ferons les
vérifications. Pour l'instant, la parole est au député de
Nelligan, à moins qu'on ne me les fournisse. M. le député
de Nelligan, vous avez la parole.
M. Lincoln: M. le Président, tout ce que je voulais faire
ressortir, c'est que les paroles de la députée de Maisonneuve,
qui a commencé par...
M. Lalonde: M. le Président, je m'excuse auprès de
mon collègue, le député de Nelligan...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Lalonde: ... mais on me communique à ce moment-ci le
procès-verbal de la séance du mercredi 26 mai 1982 de la
commission élue permanente de l'Assemblée nationale, il y a
à peine quelques jours, et on y voit comme membres de la commission des
affaires municipales, et je vais les nommer comme on les énumère:
M. Fallu (Groulx), Mme Harel (Maisonneuve), etc.
Des voix: Ah!
M. Lalonde: Je pense, M. le Président, que l'information
que j'avais communiquée et que le député de Nelligan avait
communiquée était conforme. Je laisse à la
députée de Maisonneuve le soin de faire les excuses
nécessaires.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président, vous allez me permettre
de vérifier, c'est la première nouvelle que j'en ai
moi-même.
Des voix: Oh!
Mme Harel: Absolument. Ayant demandé au whip de ma
formation politique de pouvoir être membre de la commission parlementaire
de l'industrie, du commerce et du tourisme, je n'ai aucunement suivi
l'étude des crédits de la commission des affaires municipales, ne
sachant pas que j'en étais membre, et j'ai très attentivement
suivi l'étude des crédits de la commission de l'industrie et du
commerce. Il y a certainement eu erreur, M. le whip, et je n'en suis absolument
pas responsable. Je ne le savais même pas. Ceci étant dit, je
voudrais rappeler à cette Assemblée, M. le Président, que
la commission parlementaire qui a étudié article par article la
loi no 46 a siégé... À quelle date? J'aimerais qu'on me le
précise.
Une voix: À partir du 18 mai jusqu'au...
M. Chevrette: M. le Président, question de...
Mme Harel: La commission parlementaire qui a fait l'étude
article par article de la loi no 46 a siégé avant que j'aie
été ou que j'aurais pu être nommée à cette
commission.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip du
gouvernement.
M. Chevrette: Je confirme de mon siège les avancés
de la députée de Maisonneuve. C'est tout dernièrement
à peine que les nouvelles listes... et c'est après,
véritablement, que la commission... Je peux le certifier de mon propre
siège.
M. Caron: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Verdun, question de...?
M. Caron: Question de privilège ou demande de directive.
M. le Président, je voudrais dire au whip du parti ministériel,
qui m'a attaqué tout à l'heure en disant qu'on ne se consultait
pas de ce côté-ci, que j'espère qu'on va se consulter de
l'autre côté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le whip du gouvernement.
M. Chevrette: Là-dessus, je vais rectifier. On s'est
entendu entre les whips pour arriver à un dépôt des listes
des commissions. C'est une entente entre les partis. Il ne faudrait quand
même pas charrier, M. le député de Verdun. On s'est entendu
pour procéder à un renouvellement
de nos membres des commissions parlementaires. C'est là qu'on a
procédé à des consultations, mais ces consultations qui
ont commencé vers la mi-mai se sont terminées vers le 25 ou le 26
mai. On s'était entendu pour déposer les listes par la suite.
Donc, c'est d'un commun accord avec le whip, mon vis-à-vis, M. le
député de Verdun, que cette opération s'est faite et je
vous demanderais, s'il vous plaît, de respecter autant votre
collègue que moi-même.
M. Caron: M. le Président, question de
privilège.
Mme Lachapelle: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la
députée de Dorion.
Mme Lachapelle: M. le Président, j'aimerais apporter
quelques précisions, parce que j'étais là lors de
l'échange des membres et intervenants. Il n'a nullement
été question que Mme Harel soit membre de cette commission, mais
intervenante, et j'ai cédé moi-même ma place comme membre
à M. le député de Saint-Jacques à titre de membre.
Quant à moi, j'étais intervenante à ce
moment-là.
M. Caron: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Verdun, sur une...
M. Caron: ... il est important de dire que, dans notre formation
politique, nous nous consultons avant de nommer des membres...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement, rapidement, s'il vous plaît. (22 heures)
M. Brassard: M. le Président, j'ai ici entre les mains le
procès-verbal du mercredi 26 mai. On peut y lire: "À la salle 91,
la commission de l'Assemblée nationale - dont je fais partie - pourra
apporter des modifications à la liste des membres des commissions
permanentes et approuver également des décisions de la
régie interne." Donc, les changements se sont faits au niveau de la
composition des commissions, cela s'est fait après l'étude
article par article du projet de loi no 46.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je voudrais seulement rectifier les propos de la
députée de Dorion affirmant qu'elle n'était pas membre de
la commission. Sur l'amendement en question... Non! J'ai rectifié -
question de règlement -l'amendement du chef de l'Opposition, il est
clairement démontré à la page 10 du rapport que Mme
Lachapelle (Dorion) était membre de la commission.
M. Bissonnet: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: Sur la question de règlement, j'ai devant
moi la feuille de la commission qui a été tenue le 18 mai et Mme
Lachapelle était effectivement membre et c'est le député
de Saint-Jacques qui a remplacé le député de
Beauce-Nord.
Des voix: Ah! Ah!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, Mme la députée de Dorion.
Mme Lachapelle: Je m'excuse, c'est une erreur.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
Mme Lachapelle: Je voudrais dire qu'il y a eu des ententes la
veille...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
Une voix: Laissez parler la députée de Dorion.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! La parole est au député
de Nelligan.
Des voix: Bravo!
M. Lincoln: M. le Président, je ne savais pas que j'allais
lâcher le chat parmi les pigeons. Je suis content d'un
côté... Je m'excuse envers la députée de Maisonneuve
quant aux dates, mais, en même temps, je suis content d'avoir fait une
petite intervention selon les informations que m'avait données mon
collègue de Marguerite-Bourgeoys, parce que cela montrera, contrairement
à ce que soulignait la députée de Maisonneuve, quand elle
a commencé, en parlant de la confusion générale dans le
Parti libéral - j'ai été enchanté de le voir
-qu'elle-même ne savait pas qu'elle était membre de la commission
des affaires municipales le 27 mai, qu'il y avait une confusion totale à
une telle commission et
qu'elle l'a même admis. Dans notre parti, on n'a pas le choix
d'être intervenant ou membre, dans notre parti...
Une voix: Arrive en ville!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, un instant, s'il vous plaît! Les incidents
étant clos, je vous demanderais de parler sur la proposition qui est en
cours, c'est-à-dire la troisième lecture du projet de loi qui est
en cours actuellement. Je vous rappellerais... S'il vous plaît! Le
débat sur la motion de troisième lecture d'un projet de loi est
restreint à son contenu. M. le député de Nelligan.
Une voix: Est-ce que c'est compris?
M. Lincoln: J'espère que je ne suis pas le seul à
m'en tenir à cela. Je suis sûr que le ministre de la Justice va
maintenant être satisfait. Cela va. Je sais que cela a dû l'ennuyer
de penser qu'il y a tellement de confusion au sein de son parti.
M. Bédard: Vous faites erreur. M. le Président...
La seule chose...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
ministre, pour que cela puisse être enregistré. C'est simplement
pour ramener un peu de calme pour les gens qui nous regardent à la
télévision et dans l'assistance, en rappelant que le
décorum est permis en cette salle.
M. le ministre, en vertu d'une question? Non?
M. Bédard: M. le Président, la seule chose qui
m'ennuie, c'est de voir une formation politique, qui est l'Opposition, ne pas
être capable de...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, n'ouvrez
pas la boîte...
Une voix: ... de Pandore! Une voix:Ferme ta
boîte!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Bien entendu, la
boîte de Pandore.
M. le député de Nelligan, s'il vous plaît, sur le
contenu.
M. Lincoln: Oui, le juge a toujours raison. M. le
Président, dans mon comté, nous avons deux grosses industries
pharmaceutiques établies à Kirkland. Dans mon comté, il y
a aussi une grosse manufacture d'ordinateurs. Je suis sûr qu'il n'y en a
pas dans le comté de mon ami là-bas. Dans mon comté, il y
a aussi une firme de télécommunications spatiales qui a produit
le Canada Arm. Ces industries - ce sont les exemples de deux ou trois - quand
elles se sont établies à Kirkland ou à
Sainte-Anne-de-Bellevue, est-ce qu'elles se sont établies vraiment dans
la banlieue ou à Montréal? C'est la question fondamentale. Est-ce
que Montréal commence aux frontières tout à fait
arbitraires de la ville de Montréal ou est-ce toute
l'agglomération de Montréal? L'aéroport de Dorval, est-ce
que cela appartient à Dorval comme banlieue ou est-ce l'aéroport
de tous les citoyens de Montréal qui s'en servent de jour en jour?
Le fait, c'est que nous sommes tous, nous qui habitons l'île de
Montréal, de Montréal, qu'on soit de la banlieue ou de la ville
même de Montréal. Les frontières fictives qui ont
été bâties au cours des années sont des
frontières arbitraires qui ne changent pas la vie des citoyens, qui ne
changent pas le comportement des citoyens. Un citoyen qui
déménagerait d'Outremont, soi-disant la banlieue, pour aller
vivre à quelques mètres de là, dans la ville de
Montréal, change-t-il fondamentalement de situation comme citoyen
lorsqu'il déménage au-delà de sa petite frontière
tout à fait arbitraire et fictive? J'entendais un des
députés, le député de Rosemont, dire: Le maire sera
de Montréal, cette fois-ci, selon la loi, mais qu'est-ce qui va arriver
après? Qu'est-ce que cela peut faire, ce qui arrivera après? Si
un citoyen de la soi-disant banlieue devenait président de la
Communauté urbaine de Montréal, est-ce que cela veut dire que ce
citoyen ne serait pas aussi méritant, aussi bon président de la
Communauté urbaine de Montréal que ne le serait quelqu'un qui est
citoyen de la ville de Montréal? En fait, le président actuel de
la Communauté urbaine de Montréal vient de la banlieue. Il n'est
pas moins montréalais, il n'est pas moins de Montréal, il n'a pas
moins en vue l'esprit de la Communauté urbaine de Montréal que
s'il habitait à quelques mètres de là dans la ville de
Montréal? Cette espèce d'esprit de clocher qui voudrait nous
séparer jusqu'au point où il serait inadmissible qu'un
président de la Communauté urbaine de Montréal vienne de
la banlieue, c'est un esprit de clocher que justement cette loi essaie de
changer.
On parle de prépondérance de la ville de Montréal,
et la loi va la consacrer, c'est sûr. Selon la loi maintenant, ce serait
impensable qu'un président vienne de la banlieue, mais quelqu'un a
dit:
Prépondérance, non, mais pas de domination. C'est vraiment
un genre de domination qui a existé jusqu'ici, parce que nous, de la
banlieue, qui sommes des citoyens de Montréal à part
entière, nous n'avons pas les mêmes droits aux services que les
Montréalais, et pourtant nous payons presque la moitié des taxes
que paient la ville de Montréal et les citoyens de la ville de
Montréal. C'est exactement ce que nous
avons cherché depuis des années, une espèce
d'esprit d'équilibre, un esprit de plus grande ouverture et de justice
qui nous donnerait une voie plus équilibrée au sein de la
Communauté urbaine de Montréal. Pour nous, les petites
frontières de villes, de cités ou de banlieues par rapport
à celles de la ville de Montréal comptent de moins en moins. On
veut espérer que la Communauté urbaine de Montréal sera
une communauté vivante, prospère pour tous, qu'ils soient de la
banlieue ou de la ville de Montréal et que plus tard, un jour, ce sera
une grande ville de Montréal qui saura oublier ses petites
frontières.
Donc, ce projet de loi no 46, quoiqu'il ne soit peut-être pas
parfait, est certainement un pas en avant, un pas de meilleur équilibre.
C'est sûr, comme l'a fait remarquer le chef de l'Opposition, qu'il
faudrait bientôt une révision fondamentale de tout le principe de
ces frontières des 28 petites villes de banlieue et de la ville de
Montréal, réorganiser tout cela dans un aspect beaucoup plus
logique que ce n'est le cas maintenant. Cela viendra avec le temps.
Entre-temps, je pense que le projet de loi no 46 est un pas en avant pour un
meilleur équilibre, pour une meilleure ouverture, pour une meilleure
équité et, personnellement, je trouve que ce pas est un avantage.
(22 h 10)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Gouin.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Merci, M. le Président. Je désire
prendre seulement quelques minutes dans ce débat de troisième
lecture sur le projet de loi no 46 pour rappeler mes positions sur ce projet de
loi qui réforme la Communauté urbaine de Montréal,
positions qui sont les mêmes, quant à moi, depuis le tout
début de l'étude du projet de loi no 46.
Tout d'abord, M. le Président, quant à moi, il importe de
reconnaître l'effort très positif que j'ai appuyé et que je
continue d'appuyer quant à une plus grande démocratisation des
structures de la Communauté urbaine de Montréal, quant a une plus
grande association des citoyens et des groupes communautaires à cette
communauté, quant à une plus grande responsabilisation des
élus qui composent l'ensemble du conseil de cette communauté et
quant au rôle beaucoup plus grand qui est reconnu, qui est accordé
aux municipalités de la banlieue de Montréal dans tout le
processus décisionnel que nous connaissons à l'intérieur
de cette nouvelle communauté.
Je veux toutefois, M. le Président, aussi rappeler mon opposition
fondamentale à une des dispositions qui constitue finalement la pierre
angulaire du projet de loi no 46, disposition qui fait perdre à
Montréal la prépondérance qui lui avait été
reconnue dans le projet de loi qui a constitué la communauté en
1969. Cette disposition, comme je le disais, rend le projet de loi no 46, non
seulement à mes yeux de Montréalais, mais de député
de l'Assemblée nationale du Québec, absolument inacceptable et
c'est pour cette raison que je continue à m'opposer à ce projet
de loi.
Finalement, sur le projet de loi, je veux aussi souligner ma très
grande déception de voir que nous refusons toujours de nous attaquer au
problème fondamental des structures de cette communauté qui
maintient, avec le projet de loi no 46, tel que nous le connaissons à
l'heure actuelle, une communauté qui est composée de 29
municipalités, dont 28 en banlieue, qui sont des municipalités
vraiment très différentes les unes les autres, qui vont de 95 000
habitants à 1280 habitants, qui font en sorte que nous soyons
obligés de reconnaître à la banlieue exactement la
même situation que si la banlieue constituait une seule
municipalité, alors que nous savons très bien que ces
municipalités sont très différentes et que c'est quelque
chose de très artificiel de les considérer comme si elles
constituaient un bloc. C'est pourquoi j'aurais souhaité, tel que je
l'avais demandé dans mon discours en deuxième lecture, que nous
acceptions en commission parlementaire de donner le mandat à
l'exécutif de la communauté urbaine d'étudier des projets
de regroupement de municipalités possibles pour faire en sorte que nous
nous attaquions au problème de fond des structures de cette
communauté.
Quant à la position du Parti libéral du Québec, et
particulièrement quant à l'amendement qui a été
présenté en commission par le chef de l'Opposition et qui a
été défendu par le député de Mont-Royal et
certains de ses collègues, je dirai pourquoi cette proposition
n'était absolument pas satisfaisante pour les intérêts
vitaux des Montréalais. J'expliquerai donc en même temps pourquoi
je me suis abstenu, moi qui étais membre de cette commission, sur cette
question.
Je crois qu'il est absolument insensé de lier uniquement la
prépondérance de Montréal au facteur démographique.
C'est ce que la proposition du chef de l'Opposition avançait. Lier la
prépondérance de Montréal au facteur démographique,
c'est oublier le rôle moteur, économique de Montréal, non
seulement à l'intérieur de la communauté urbaine, mais
à l'intérieur de tout le Québec. C'est aussi maintenir une
structure de relation qui met toujours en opposition et en confrontation
Montréal et l'ensemble des municipalités de banlieue, ce qui est
absolument inacceptable et ce qui aurait dû être corrigé par
ce projet de loi. C'est, d'autre part, associer la notion de
prépondérance de Montréal au sein de la communauté
au rôle de président de
cette communauté. Quant à moi, il y a moyen, exactement
comme dans la loi de 1969, celle qui prévaut à l'heure où
nous nous parlons, de reconnaître la prépondérance de
Montréal au sein de la Communauté urbaine de Montréal sans
obligatoirement confier la présidence de la communauté à
un Montréalais, exactement comme nous le vivons à l'heure
actuelle, alors que Montréal a la prépondérance à
l'exécutif de la communauté, mais que cette communauté est
présidée par un maire de banlieue, soit le maire d'Outremont.
Finalement, M. le Président, je tiens à rappeler que la
proposition de l'Opposition sur la question de la prépondérance
de la ville de Montréal faisait en sorte que, dans la structure actuelle
de 29 municipalités, Montréal et 28 villes de banlieue,
Montréal aurait pu, à partir du moment où sa population
diminuait à 49% de la population de l'ensemble de la communauté,
perdre sa prépondérance au sein de la communauté alors
qu'elle aurait continué non seulement d'être la
municipalité la plus importante, et de loin, des 28 municipalités
de banlieue, mais qu'elle aurait aussi continué à être la
municipalité la plus importante de tout le Québec.
M. le Président, c'est pour cette raison que je n'ai pas
appuyé cette proposition, mais, parce qu'elle allait quand même un
peu plus dans le sens des positions que j'avais énoncées, je n'ai
pas voulu non plus voter contre cette proposition. C'est pour cette raison que
je me suis abstenu de voter.
M. le Président, ma position a toujours été claire.
Il n'est pas question d'accorder une demi-prépondérance à
la ville de Montréal. Il n'est pas question d'accorder trois quarts
d'une prépondérance de la ville de Montréal au sein de la
communauté. Ce que nous souhaitons, c'est que nous reconnaissions
véritablement, de façon définitive et permanente, la
prépondérance à la ville de Montréal au sein de la
Communauté urbaine de Montréal. D'ailleurs, M. le
Président, c'est la position que l'ensemble des députés du
caucus de Montréal qui se sont opposés à ce projet de loi
avaient exposée dès l'ouverture de la commission parlementaire,
après la première lecture du projet de loi, au cours de laquelle
nous avons entendu les mémoires des différents organismes. Nous
avions proposé qu'à l'exécutif, nous retrouvions sept
représentants de Montréal et six de l'ensemble des
municipalités de banlieue.
M. le Président, voilà ma position sur la question de la
prépondérance de Montréal au sein de la communauté.
Voilà ma position que je réitère ici comme je l'ai fait en
commission parlementaire sur la proposition d'amendement du Parti
libéral du Québec. Voilà, M. le Président,
l'ensemble des raisons qui font que je voterai, en troisième lecture,
comme je l'ai fait en deuxième lecture, contre ce projet de loi. Je
dirai au chef de l'Opposition, qui est absent actuellement de
l'Assemblée nationale, que je peux énoncer immédiatement
ma position sur ce projet de loi et que je n'ai pas besoin de convoquer un
caucus de mes députés pour essayer de prendre une décision
alors que les discours auront tous été prononcés ici. Je
n'ai jamais eu besoin de faire des caucus de l'ensemble des
députés pour savoir de quelle façon on pouvait
défendre les véritables intérêts de Montréal
à l'Assemblée nationale du Québec et j'invite ces
collègues qui n'ont pas encore parlé à exprimer
immédiatement de quelle façon ils voteront sur ce projet de loi
no 46. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laurier.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord
féliciter le député de Gouin pour la promotion qu'il a
eue. Il peut dorénavant convoquer ses députés à un
caucus. Cela n'a pas été annoncé comme tel.
M. le Président, il y a une règle fondamentale en
démocratie qui dit que la représentation des gens se fait sur la
base de la population représentée. Le député de
Gouin et d'autres membres du parti ministériel ont voté contre le
projet de loi no 46 en deuxième lecture, mais, pour des raisons de
stratégie pour certains et pour des raisons qu'on vient d'énoncer
pour d'autres, ils se sont abstenus, en commission parlementaire, de voter dans
le sens d'un amendement qui aurait donné une prépondérance
à la ville de Montréal. À ma connaissance, le
président fait partie de l'exécutif, et, quand un exécutif
est composé de sept membres d'un côté et de six de l'autre,
cela veut dire qu'il y a une prépondérance à
l'exécutif. Effectivement, le président y joue un rôle
important. L'amendement qu'on a proposé en commission parlementaire
disait exactement ce qui suit, il disait que le conseil de la CUM pourrait
décider à majorité simple qui serait le président
du comité exécutif. (22 h 20)
Quand on sait que Montréal, à l'heure actuelle,
représente 54% ou 55% de l'ensemble de la population de la CUM, la
Communauté urbaine de Montréal, il est clair que Montréal
aurait eu la prépondérance à l'exécutif. C'est
contre cela que des députés du parti ministériel ont
voté, concernant leur propre projet de loi, et ils nous annoncent qu'ils
vont voter contre en troisième lecture, c'est ce qu'ils disent
souhaiter, c'est ce qu'ils disent qu'ils voudraient voir. Sauf que, comme cela
a été souligné amplement ce soir, ils ont tous dit cela
devant les
caméras. En commission parlementaire, où il n'y a pas de
caméra, où les citoyens ne suivent pas de très près
ce qui se passe aux commissions parlementaires, il y en a quelques-uns qui se
sont arrangés pour devenir intervenants et non pas membres; la logique
de ceux qui étaient membres étaient à peu près
celle-ci.
En anglais, il y a un proverbe qui dit: "Cut off my nose to spite my
face". Cela veut dire à peu près: Coupez mon nez pour bouder mon
visage. Cela veut dire qu'on refuse, par une logique un peu étrange et
distorsionnée un amendement qui aurait comme effet de donner la
prépondérance à Montréal, chose qu'on nous
réclame ici depuis le début de ce débat. On nous dit qu'on
n'aurait pas dû lier la prépondérance de Montréal
à la démographie de l'ensemble. C'est un point de vue.
Par contre, il y a un autre principe qui, selon moi, est plus important
que cela. C'est effectivement le principe que si, un jour, les banlieues
arrivent à représenter plus de population que la ville de
Montréal, ce serait le conseil de la CUM, encore par majorité
simple, donc, l'ensemble des banlieues, si jamais il arrive qu'elles
représentent plus de gens que Montréal, qui pourrait nommer le
président.
Je ne veux pas revenir sur l'histoire qui veut que le parti
ministériel dise des choses devant les caméras et fasse autre
chose, on l'a vu dans d'autres projets de loi aussi. On l'a vu, par exemple,
dans le projet de loi sur les services essentiels. On a dit une chose devant
les caméras et on a fait toute autre chose dans les gestes concrets.
J'aimerais effectivement dire qu'il est vrai que Montréal a une
place unique dans l'ensemble de la Communauté urbaine de
Montréal. C'est effectivement le moteur de toute cette affaire. Dans
toute cette mosaïque qu'est la communauté urbaine, Montréal
est la pièce centrale, la pièce qui ressort d'un coup d'oeil sur
la carte. C'est une ville qui compte 1 000 000 d'habitants tandis que, parmi
les 28 autres municipalités de banlieue, la plus grande d'entre elles
n'a que 10% de la population de Montréal.
On nous dit qu'on cherche aussi à trouver un nouvel
équilibre dans les relations entre les banlieues et la ville de
Montréal après dix ou onze ans de fonctionnement de la CUM. Je
crois qu'on n'impose pas la coopération entre les gens. Quand on formule
des projets de loi, on n'évite pas la réalité. La
réalité, c'est cela, Montréal est une ville qui n'est pas
comme les 28 autres, c'est une ville différente, c'est une ville unique,
c'est une ville qui a un rôle primordial à jouer dans le
développement économique du Québec, dans le visage
culturel et sociologique du Québec. Le gouvernement et le ministre
auraient dû le reconnaître dans le projet de loi et faire une
place, dans le sens de l'amendement qu'on a proposé à la
commission parlementaire, pour assurer qu'aussi longtemps que Montréal
occupera cette place de ville représentante de la grande majorité
de la population de l'ensemble de la CUM, elle aura sa
prépondérance dans la composition de l'exécutif de la
CUM.
En ce qui concerne le reste du projet de loi no 46, il y a eu des
arguments, comme l'a souligné mon collègue de Nelligan, qui sont
positifs, entre autres le fait que, dorénavant, le budget, par exemple,
ne sera pas adopté de façon automatique; mais que cela prendra un
vote à majorité double au conseil, ce qui permettra finalement
aux banlieues et aux citoyens des banlieues d'avoir un certain contrôle,
un droit de regard sur les dépenses qui se font là-bas.
Effectivement, depuis un certain temps, tous les contribuables de l'île
ont constaté que cela coûte cher et que leurs taxes
foncières ont augmenté de façon assez dramatique depuis
quelques années.
C'est important que les élus du peuple qui viennent des banlieues
aient un droit de regard là-dedans, que ce ne soit pas un rapport de
forces entre Montréal et les banlieues où, finalement, le pendule
ne penche que d'un côté. C'est pour cela qu'on favorise certaines
choses existant dans le projet de loi no 46 qui permettent le
rétablissement d'un équilibre, sauf qu'il aurait fallu
reconnaître que l'équilibre qu'on cherche ne peut pas être
quelque chose qu'on va imposer de haut en bas. C'est un équilibre qui
doit venir de l'intérieur, c'est un équilibre qui doit venir de
la constatation et de l'acceptation de la réalité qu'est la CUM.
Cela veut dire de permettre à Montréal de jouer son rôle
primordial, reconnaître qu'il devrait y avoir une
prépondérance de Montréal en ce qui concerne
l'exécutif du conseil de la CUM.
Il y a autre chose que j'ai une certaine difficulté à
comprendre dans le projet de loi, dans le sens de sa logique. Si ma
mémoire est bonne, on a décidé que l'exécutif du
conseil serait composé par les présidents et
vice-présidents des commissions permanentes qui sont
créées, ce qui en soi est un autre bon pas dans la bonne
direction et qui ouvre un peu le débat à la CUM, permettant un
plus grand éclairage pour les citoyens et peut-être une
participation un peu plus réelle. De là à décider
que ce seront uniquement les gens qui président ou les
vice-présidents de ces commissions qui formeront l'exécutif, il
me semble qu'il y a là, M. le Président, une certaine
centralisation du pouvoir entre les mains d'un nombre assez restreint de
gens.
Vous me faites signe qu'il reste deux minutes, M. le Président,
j'achève. En général, je trouve qu'après douze ans
d'existence il aurait fallu faire un certain
réaménagement. Je trouve aussi, M. le Président,
qu'il faut, quand on adopte un projet de loi comme celui-là, aller un
peu plus loin dans la reconnaissance des choses et appeler les choses par leur
nom. Montréal, ce n'est pas une ville comme les autres. Cela devrait
être clairement indiqué dans le projet de loi et le ministre
aurait dû accepter l'amendement qu'on avait proposé et, chicanes
à part, les députés qui vraiment disent qu'ils
étaient contre cela auraient dû simplement et honnêtement
voter pour cet amendement, M. le Président, et ne pas trouver d'autre
manière de se défiler. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip du
gouvernement, sur une question de privilège.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais, sur une
question de privilège, déposer les deux copies de toute la brique
que j'avais déposée et indiquer l'erreur qu'il y a dedans. Si
vous me permettez, à la commission des affaires municipales, nous avons
droit à sept membres et cinq intervenants en ce qui concerne le parti
ministériel. Aux affaires municipales, nous en avions huit et la
huitième est Mme Louise Harel, députée de Maisonneuve.
À la commission des affaires sociales où elle est membre, elle
n'est pas inscrite et nous en avons six. Donc, j'apporte la correction et je la
dépose ainsi que la brique pour montrer que l'erreur est purement
technique.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M.
le leader adjoint de l'Opposition, sur une question de règlement.
M. Lalonde: M. le Président, sur une question de
règlement parce que la rectification apportée par le whip
pourrait laisser penser que nous avons fait erreur en prétendant que la
députée de Maisonneuve était membre de la commission des
affaires municipales. Je crois que le rapport officiel de la commission de
l'Assemblée nationale indique bien que la députée de
Maisonneuve est membre des affaires municipales. Ce rapport a été
déposé en Chambre et le moment d'en discuter est passé
depuis déjà un bon moment. Il aurait été loisible
au whip de regarder le rapport et tous les députés, et d'indiquer
qu'il y avait eu erreur. Je pense qu'à ce moment-ci on n'a aucun
reproche à faire aux membres de l'Opposition.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de
règlement, M. le whip.
M. Chevrette: Ce n'est pas une question de blâme à
qui que ce soit. Je viens de constater une erreur technique. À huit
membres, on n'a pas droit. Vous autres mêmes, vous vous y seriez
opposés parce que c'est sept le nombre maximal, tandis qu'aux affaires
sociales, nous n'avions que six membres. Je ne blâme personne. Je
considère que c'est une erreur technique. J'ai demandé au
greffier qu'il me dise... Quand le nom est marqué, nous, nous tenons
pour acquis qu'il est membre, indépendamment de l'erreur technique.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de céder la
parole au député de Bourassa, puisqu'il l'a demandée,
parce que j'étais présent et membre de la commission de
l'Assemblée nationale, je voudrais dire simplement, pour bien clarifier
la situation, que l'erreur technique dont vient de faire mention le whip en est
une autre de l'autre côté puisque l'ancien député de
Saint-Laurent, le député Forget, est encore membre de la
commission des comptes publics après vérification du rapport. Je
voudrais aussi pour les besoins de la cause dire que Mme la
députée de Maisonneuve, eu égard au fait que la commission
de l'Assemblée nationale a siégé après
l'étude article par article de la commission des affaires municipales...
pour essayer de clore le débat sur cette partie de correction de part et
d'autre. (23 h 30)
M. Lalonde: M. le Président, il ne faudrait pas oublier
d'inviter l'ancien député de Saint-Laurent à la prochaine
réunion de la commission. Je vous ferai remarquer, sans vous faire de
querelle sur l'heure ou les minutes, que la commission des affaires municipales
a siégé, sur le projet de loi 46, du 18 au 26 mai, le jour
même où les remplacements ont été faits.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de Maisonneuve, pour clore le débat.
Mme Harel: Rapidement, M. le Président, pour
réaffirmer encore le fait que ma bonne foi est totale. Je n'ai jamais eu
connaissance de cette erreur technique et je n'ai jamais, en fait,
siégé en tant que membre à la commission parlementaire des
affaires municipales. Je verrai donc avec vous, M. le Président,
à ce que correction soit faite le plus tôt possible.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Le
député de Bourassa a maintenant la parole sur la troisième
lecture.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: Merci, M. le Président. Lorsqu'on est venu me
demander, lorsqu'on est venu me chercher à mon travail au salon rouge
où je présidais la commission parlementaire sur l'étude,
article par article, du projet de loi 65, Loi sur l'accès à
l'information, quel ne fut pas mon étonnement d'apprendre que la
troisième lecture du projet de loi 46 n'était pas terminée
et qu'on était encore à en parler! On m'a rapporté aussi,
M. le Président, que l'Opposition, depuis le début, depuis 20
heures, répète ses discours de deuxième lecture et
répète aussi ses discours de la présentation ou de la
considération du rapport après l'étude article par article
en commission parlementaire. Je trouve drôle une telle situation, M. le
Président, mais je voudrais vous faire un bref historique, depuis le
dépôt du projet de loi 46, avec l'Opposition.
Si on prend le projet de loi 46, lorsqu'il a été
déposé en première lecture, ce fut d'une façon
unanime qu'on a adopté le principe de ce projet de loi.
Différents discours ont suivi, autant du parti ministériel que de
l'Opposition. Au vote de deuxième lecture, l'Opposition, en bloc, a
voté pour le projet de loi 46. À ce moment-ci, je ne voudrais pas
apporter de confusion non plus; six députés du parti
ministériel représentant des comtés de la ville de
Montréal - et non pas le caucus de Montréal - ont voté
contre cela, suivant ce qu'ils croyaient le mieux. En commission parlementaire,
on me dit qu'on a beaucoup parlé aussi du comportement de ces six
députés. Aujourd'hui, l'Opposition se veut le défenseur de
la prépondérance de Montréal, mais lorsque le chef de
l'Opposition accusait nos six députés de ne pas s'être
battus avec éclat pour Montréal, je lui ferai remarquer qu'il est
venu s'inscrire à la commission parlementaire et qu'il n'y a
assisté qu'une seule fois, soit lors de l'étude de l'article 3
qui était l'article fondamental, M. le Président, du projet de
loi. On n'a pas vu le député de Saint-Henri qui, pourtant, est un
député de Montréal, représentant la ville de
Montréal. Le député de Laurier s'est levé avant
moi. Qu'avez-vous fait pour prendre la défense de la
prépondérance de Montréal, M. le député de
Laurier? Rien. Vous avez brillé par une absence complète à
la commission parlementaire. M. le député de Viau...
M. Sirros: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Bourassa! Un instant, M. le député de Bourassa! J'ai une
question de privilège de la part du député de Laurier.
M. Sirros: M. le Président, le député de
Crémazie...
Une voix: Bourassa.
M. Sirros: Excusez-moi. Le député de Bourassa
devrait être au courant que depuis environ trois mois, on siège
à une commission select spéciale de l'Assemblée nationale
qui nous occupe environ cinq jours par semaine pour les derniers deux mois
à peu près et environ une dizaine d'heures par jour. Donc, ne
parlons pas de briller par l'absence, M. le Président, parce qu'on est
assez présent ailleurs.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Bourassa.
M. Laplante: M. le Président...
M. Lalonde: J'aurais une question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de
règlement de la part du leader adjoint de l'Opposition.
M. Lalonde: J'ai attendu que le député de Bourassa
s'avance un peu plus dans le chemin rocailleux de son propos parce que je pense
qu'en toute justice - et je fais appel à sa bonne foi - pour tous les
membres de cette Assemblée, il devrait reconnaître qu'un grand
nombre de membres sont occupés à d'autres commissions, à
d'autres débats à l'Assemblée nationale. Il y en a qui ne
sont même pas ici ce soir, occupés à d'autres commissions,
et que le député de Bourassa pourrait mentionner. Je fais appel
à sa bonne foi, à sa gentilhommerie pour faire porter son propos
sur le fond de la question et non pas sur ce qui s'est passé à la
commission parlementaire qui ne serait peut-être même pas
acceptable ici.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Bourassa, avant de vous permettre de continuer, comme vous êtes
président de commissions - vous en avez fait mention au commencement de
votre intervention - vous devez savoir qu'en troisième lecture - je le
rappelle encore une fois pour les besoins de la cause - l'article 126, pour
bien vous le citer dit que "Le débat sur la motion de troisième
lecture d'un projet de loi est restreint à son contenu." J'ai
essayé, quand je suis arrivé à ce siège, d'inviter
les gens à le faire, puisqu'on avait pris une tangente qui
n'était pas correcte, à mon avis, sur les débats qui
avaient eu lieu avant. Simplement pour vous dire, par rapport à la
question de règlement que soulèvent le député de
Marguerite-Bourgeoys et leader adjoint de l'Opposition, ainsi que le
député de Laurier, qu'il y a peut-être des gens qui sont
obligés de faire d'autres travaux en cette Assemblée, ici ou
ailleurs, et qu'il faudrait les respecter, même s'ils n'ont pas eu -comme
ils ne sont pas nécessairement membres - l'obligation d'assister
à la commission parlementaire des affaires municipales.
M. le député de Bourassa.
M. Laplante: M. le Président, je trouve drôle la
remarque qui se fait actuellement lorsque je réfère à la
députée de Dorion qui, alors qu'ils étaient à une
commission similaire, a trouvé le tour de venir défendre les
intérêts de la ville de Montréal.
À 20 heures, j'ai écouté un discours qui s'est fait
ici également et souvent, on ne s'en est pas tenu seulement à la
troisième lecture, mais on a parlé de choses et d'autres qui
s'étaient passées en commission parlementaire. Sur la
défense du projet de loi no 46, j'y reviens tout de suite. À la
commission parlementaire à laquelle on a abondamment fait allusion,
l'Opposition s'est contentée de faire une motion d'amendement à
l'article 3, par le député d'Argenteuil que l'on n'a pas vu une
seule fois par la suite durant la commission. Par contre, de toutes les autres
motions...
M. Ciaccia: Question de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, M. le Président, le
député de Bourassa vient de dire qu'il n'a pas vu le chef de
l'Opposition une seule fois à la commission. Question de
règlement, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement.
M. Ciaccia: Votre prédécesseur vient, justement, de
rappeler à l'ordre le député de Bourassa. Il lui a
cité l'article du règlement qui dit qu'en troisième
lecture on doit se restreindre à parler sur le fond. Est-ce que vous
pourriez rappeler une autre fois le député de Bourassa à
l'ordre pour qu'il parle sur le fond? Au lieu de critiquer...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Ciaccia: ... ceux qui n'étaient pas à la
commission parlementaire, qu'il critique donc le comportement de ceux qui
étaient là.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
J'ai entendu celui qui m'a précédé citer l'article 126 qui
demande, en fait, de parler sur le fond. Évidemment, je ne peux faire
autre chose que de réitérer ce que mon prédécesseur
a demandé de faire.
M. le député de Bourassa.
M. Laplante: On va continuer à parler sur le fond, M. le
Président, dans le sens des amendements qui ont été
apportés en commission parlementaire. Les amendements qui ont
été apportés sont au nombre de sept et l'Opposition en a
apporté des minimes.
Mais on aurait dit que plus vite le projet de loi était
adopté, plus cela faisait l'affaire de l'Opposition. La preuve de cela -
il y a beaucoup de témoins, je ne suis pas le seul à avoir pu le
constater - c'est que, tout au long de la commission, vous avez eu le
président des maires de banlieue qui a suivi la commission dans tous ses
travaux. Vous avez eu le président de la Communauté urbaine de
Montréal qui a suivi tous les travaux pendant au moins une
journée, lui aussi. Vous avez eu les représentants de la
Fraternité des policiers de Montréal qui ont été
assidus à cette commission. Vous avez eu en plus le syndicat des
fonctionnaires de la ville de Montréal qui a passé plusieurs
jours avec nous pour l'étude article par article du projet de loi 46.
(22 h 40)
Ce qui est surprenant dans tout cela, c'est qu'après avoir
voté pour en deuxième lecture, à la prise en
considération du rapport, voilà que l'Opposition nous annonce
tout bonnement qu'elle votera contre. Je prends a témoin le
député de Jeanne-Mance qui nous a avoué qu'il voterait
contre le projet de loi no 46. Pourtant, le député de
Marguerite-Bourgeoys disait aussi: Ce que j'aime dans le projet de loi, c'est
que, là où il y avait une correction qui devait se faire pour que
je puisse voter pour, c'était au niveau des budgets... Il y a des
amendements dans l'étude du budget de la Communauté urbaine de
Montréal qui font mon affaire, qui bonifient le projet de loi et qui me
le rendent sympathique. J'ai hâte de voir, au vote de la troisième
lecture, quel sera le comportement de l'Opposition. Est-ce que le
député de Laurier votera contre? Est-ce que le
député de Saint-Henri votera contre? Est-ce que le
député de Viau votera contre? Un seul s'est prononcé. Ce
n'est même pas un ancien maire en plus.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Je
demande la collaboration de cette Assemblée pour que chaque intervenant
ait la possibilité de prononcer son discours.
M. le député de Bourassa, il vous reste deux minutes.
M. Laplante: J'espère, M. le Président, que vous
m'avez réservé le temps qui m'a été enlevé
par l'Opposition.
Le Vice-Président (M. Rancourt): J'ai calculé le
temps.
M. Laplante: Je parlais justement du député de
Jeanne-Mance et j'ai trouvé que, comme ancien maire d'une ville de
banlieue, il n'a pas été capable de prendre position lors de
l'étude du projet de loi article par article.
M. Bissonnet: Question de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le député de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: Je veux dire au député de Bourassa
que j'ai pris position lors de l'étude article par article, que j'ai
également pris position en deuxième lecture et que je vais
prendre position en troisième lecture, demain; ne soyez pas inquiet de
cela.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Bourassa.
M. Laplante: S'il m'avait laissé finir ce que j'avais
à dire, c'est qu'il n'a même pas été capable, comme
maire d'une ville comme Saint-Léonard, de prendre la défense
d'une ville de banlieue pour au moins obtenir une juste répartition des
pouvoirs.
M. Bissonnet: Question de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député de Jeanne-Mance sur une question de
privilège.
M. Bissonnet: En tant que citoyen de la communauté
urbaine, il était dans mon intérêt de défendre les
intérêts de toute la Communauté urbaine de
Montréal.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Bourassa, s'il vous plaît, vous pouvez
continuer.
M. Laplante: Merci, M. le Président. On pourra dire que
cela a été un discours qui a été entrecoupé
par des gens qui n'ont pas d'idée de ce qu'est la Communauté
urbaine de Montréal.
M. Bissonnet: Question de privilège, M. le
Président.
M. Laplante: Ils n'en ont pas, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Jeanne-Mance, véritablement, sur une question de
privilège?
Excusez-moi, M. le député de Jeanne-Mance, quand
j'étais debout, il n'y avait aucun enregistrement. Sur votre question de
privilège, M. le député.
M. Bissonnet: Question de privilège, M. le
Président. Sur les propos que vient de tenir encore le
député de Bourassa, je pense que tous les membres de
l'Assemblée nationale doivent avoir un intérêt particulier
pour toute la Communauté urbaine de Montréal.
M. Brassard: Cela fait trois fois, M. le Président, que le
député de Jeanne-Mance se lève sur de fausses questions de
privilège et interroge le député de Bourassa.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Bourassa.
M. Laplante: Voyez-vous, M. le Président, le
sérieux que ces gens peuvent avoir dans l'étude d'un tel projet
de loi pour former justement une communauté urbaine pour le Grand
Montréal? Tout ce que j'espère, M. le Président, c'est que
ces gens se retrouvent, au moment du vote de troisième lecture, et
qu'ils montrent leurs vraies couleurs, non pas dans un spectacle de
télévision comme celui qu'ils veulent faire depuis le
début de la soirée et celui qu'ils ont fait sur la
réception du rapport, qu'ils prennent de vraies décisions, qu'ils
prennent une décision sur une Communauté urbaine de
Montréal au service du peuple montréalais. C'est tout ce qu'on
demande, c'est cela leur responsabilité, M. le Président.
Merci.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Premièrement, M. le Président, je ne
sais pas si les députés de Bourassa, de Rosemont et de
Maisonneuve sont conscients que, quand ils disent qu'ils vont prendre la
position de défendre les vrais intérêts des gens de
Montréal, ils font quelque chose de très grave, parce qu'ils
disent explicitement que, d'après eux, le ministre des Affaires
municipales n'est pas capable de défendre les intérêts de
Montréal dans ce projet de loi, que le premier ministre du
Québec, qui va voter pour, demain, n'est pas capable de défendre
les intérêts de Montréal, que le leader parlementaire n'est
pas capable de défendre les intérêts de Montréal,
que, dans ce projet de loi...
M. Tremblay: M. le Président, sur une question de
directive.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le député de Chambly, sur une question de directive.
M. Tremblay: Tout à l'heure, le député de
Notre-Dame-de-Grâce s'est levé sur une question de
privilège. Le président lui a demandé s'il aurait
l'occasion, lors de ce débat, de s'exprimer. Il a dit qu'il ne
s'exprimerait pas, puisque d'autres de ses collègues allaient le faire
suffisamment, en nombre suffisant.
Je me demande si, maintenant, il a le droit de s'exprimer, puisqu'il a
déjà eu...
M. Lalonde: M. le Président, question de directive.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur une question de
directive, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Sur la question de directive, M. le Président,
il est exact que le député de Notre-Dame-de-Grâce, de la
façon dont il me l'a expliqué après, n'avait pas
l'intention de s'exprimer, mais, devant le caractère insipide des
arguments des ministériels, il a décidé, comme il a le
droit de le faire, d'utiliser son droit de parole pour s'exprimer lors de la
troisième lecture de ce projet de loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Pour bien comprendre la
situation, je crois que j'ai reconnu le député de
Notre-Dame-de-Grâce, quand il s'est levé, et c'est le
député de Notre-Dame-de-Grâce qui a maintenant la
parole.
Des voix: Bravo!
M. Scowen: C'est vrai, M. le Président, que je n'avais pas
l'intention de parler. C'est vrai également ce que le leader de
l'Opposition vient de dire. Devant la situation où nous nous trouvons ce
soir, je me suis dit qu'il était essentiel de dire quelque chose pour au
moins essayer d'établir une certaine cohérence dans les
déclarations des gens d'en face.
Ce que je voulais dire, M. le Président, c'est que, même
s'ils essaient de se moquer de nous, les députés qui ont
l'intention de voter contre leur parti, demain, sont en train de prendre une
décision très grave et très sérieuse. Je pense
qu'ils doivent s'en rendre compte. Ils disent - soit le député de
Rosemont et les autres députés qui vont voter contre ce projet de
loi de leur gouvernement - que le ministre des Affaires municipales n'a pas
à coeur les intérêts de Montréal, qu'il n'est pas
capable de défendre les intérêts de Montréal. Ils
disent, effectivement - je le répète - que le premier ministre,
le ministre des Finances et tous les autres ministres qui vont voter pour le
projet de loi de ce...
M. Paquette: Question de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le député de Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, je pense que le
député est en train de dénaturer l'intervention de
plusieurs de mes collègues et la mienne en particulier. Très
brièvement, je voudrais simplement lui dire que nous ne prêtons
aucune intention au ministre, quelle qu'elle soit. C'est simplement que
certains d'entre nous divergent d'opinions sur la question de la
prépondérance à la ville de Montréal.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Comme mon prédécesseur l'a mentionné tantôt, ce
soir, nous intervenons en vertu de l'article 126 de notre règlement et
je le lis de nouveau: "Le débat sur la motion de troisième
lecture d'un projet de loi est restreint à son contenu." M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce, sur le contenu. (22 h
50)
M. Scowen: M. le Président, je vous remercie. Je pense que
je parlais du contenu, parce que c'est un projet de loi avancé et
proposé par le gouvernement du Québec qui, je l'espère, a
à coeur l'intérêt des gens de Montréal, comme base
fondamentale des principes énoncés dans le projet de loi.
Peut-être allez-vous me permettre une dernière fois de le
répéter, M. le Président, parce qu'on vit cette situation,
des deux côtés de la Chambre. Le fait, pour un
député membre d'un caucus, de poser un geste d'opposition
à un projet de loi du gouvernement, c'est un geste très
important, un geste qui dit exactement que vous ne réalisez pas les
objectifs que vous voulez atteindre dans ce projet de loi. Votre projet de loi
est contre les intérêts des gens de Montréal. Voilà
ce que les opposants sont en train de dire.
Nous n'avons aucune honte ni aucune crainte - en tout cas, je n'ai
aucune honte ni aucune crainte - de dire qu'il y a du bon, des deux
côtés, dans cet argument. On a entendu, ce soir, des discours,
à savoir que tout ce que le ministre proposait était mauvais. Il
l'a entendu de ses propres collègues. On a entendu d'autres discours,
à savoir que c'était bon. C'est extrêmement
compliqué. Il n'y a pas de vérité absolue
là-dedans. Je pense que, du point de vue de la population de
Montréal, les gens ont, premièrement, à coeur
l'idée qu'ils veulent être représentés
véritablement dans la CUM. Le problème qui est arrivé
depuis longtemps à Montréal, c'est que les contribuables, les
citoyens de Montréal qui paient des taxes, se sentent
éloignés de cette organisation qu'ils appellent la
Communauté urbaine de Montréal. Les gens se retrouvent avec des
élus municipaux qui sont leurs propres élus, mais avec un autre
gouvernement qui dépense 600 000 000 $ par année et qui est loin
de ceux qui sont obligés de payer le compte.
Je suis persuadé que le ministre a essayé de faire face
à ce problème en rendant la Communauté urbaine de
Montréal plus responsable, plus près de la population qui doit
payer les frais. Je suis prêt à dire
ce soir que ses intentions sont bonnes, qu'il y a des choses qui sont
très bonnes dans le projet de loi. Nous avons dit exactement cela dans
nos discours en deuxième lecture de ce projet de loi. Le chef de
l'Opposition et mes collègues ont tous parlé sur les
détails, les arguments de base de ce projet de loi et nous avons
voté pour.
Lors de l'étude article par article, le chef de l'Opposition a
proposé trois ou quatre amendements très importants à ce
projet de loi qui visaient à corriger quelque chose que nous, de
l'Opposition, avons vu comme étant un problème. Le
problème est qu'il faut - je pense que même les gens de banlieue
reconnaissent le bien-fondé de cet argument - reconnaître le fait
qu'il y a plus de monde à Montréal que dans le total des 28
autres municipalités qui l'entourent. Est-ce juste, à ce
moment-ci, de donner la majorité à un groupe qui n'a pas
effectivement la majorité des votes? Je pense que c'est un argument qui
a du bon et du mauvais.
Par exemple, vous pouvez dire qu'en regard de 28 municipalités
contre une, les 28 doivent avoir 28 votes contre 1. Ce serait ridicule,
évidemment. Mais cela ne va pas de soi que ça doit aller dans le
sens contraire, que ça doit être sur la base absolue d'une
majorité numérique. Nous avons étudié l'affaire
à fond et nous avons proposé une solution que je trouvais
excellente, proposée par notre chef de l'Opposition, qui l'a fait d'une
façon, je pense, très responsable. Je le répète, ce
n'était pas la seule solution possible, mais c'était une solution
mitoyenne et intelligente devant une situation extrêmement
compliquée. C'était une solution qui pouvait répondre,
j'en suis certain, à 90% des revendications des députés de
Montréal qui s'opposent à leur propre projet de loi.
Il est essentiel de le répéter parce que les gens d'en
face essaient, ce soir, de cacher qu'il est vrai - le député de
Rosemont a été obligé de l'admettre ce soir - que pendant
la commission parlementaire, devant une motion de notre part pour renforcer la
position de Montréal dans cette affaire, ces députés qui
prétendent prendre la défense des intérêts de
Montréal se sont abstenus. Ils n'ont pas voté pour un amendement
qui aurait donné à cette loi la qualité qu'ils
recherchaient. C'est à eux-mêmes de se défendre devant le
maire de Montréal et les autres commissaires qui seront certainement
conscients de cette abstention à un moment critique dans le
débat. Ils seront obligés de le faire. Ils peuvent bien brandir
les débats qu'ils vont faire ce soir pour prouver qu'en
réalité c'était un lapsus de leur part. Ils vont trouver
les moyens de l'expliquer, mais c'est la vérité que je dis.
On arrive à un moment critique dans l'affaire. Je sais
très bien, M. le Président, que vous allez voir que notre parti
ne sera pas divisé sur cette question. On sait exactement où on
va et on n'a pas du tout l'obligation de dire au gouvernement ce soir,
divisé comme il est, quelles sont nos intentions. Je vous
préviens, M. le Président, et je préviens tout le monde
que demain ou après-demain, quand le vote sera appelé, vous allez
voir un parti uni sur cette question.
En terminant, M. le Président, je veux retourner au point de
départ dans ce débat parce que je pense que tout le monde, et
vous aussi, doit reconnaître le geste qui est posé ce soir et
pendant ce débat par les députés ministériels qui
disent: Nous autres, on s'oppose à ce projet de loi parce qu'on veut
défendre les vrais intérêts des gens de Montréal.
C'est un geste posé directement contre leurs propres collègues,
leur propre ministre, leur propre Conseil de ministres qui eux aussi, je pense,
peuvent et veulent dire: On veut défendre les intérêts de
Montréal avec ce projet de loi.
S'ils choisissent de trahir leurs collègues qui de bonne foi
essaient d'adopter un projet de loi dans les intérêts de
Montréal, ils doivent l'admettre. Ils sont en contradiction flagrante
avec leurs propres collègues. J'imagine que c'est très
pénible pour le ministre qui est obligé de subir cette affaire.
Implicitement, on dit à ce ministre: On pense, M. le ministre, que vous
ne savez pas comment défendre les intérêts de
Montréal. Je pense que, si j'étais un ministre dans cette
situation, je trouverais cela assez pénible. Je suis certain que c'est
le cas du ministre des Affaires municipales. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Marie, avant de vous reconnaître,
j'aimerais, s'il vous plaît, demander à nouveau la collaboration
de cette Assemblée pour qu'on parle beaucoup plus mollo. J'ai beaucoup
de difficulté parfois à entendre les intervenants et je crois que
chacun dans cette Assemblée a le droit d'être entendu de tous et
de chacun. M. le député de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: M. le Président, cela faciliterait beaucoup
ma tâche si vous permettiez que le chef des pages de cette
Assemblée soit protégé par le député qui
court après lui depuis le début de la session. Cela me
permettrait peut-être de faire mon intervention de façon plus
calme.
M. le Président, on se retrouve en troisième lecture du
projet de loi 46 après avoir vécu deux commissions
parlementaires, une commission parlementaire qui a reçu les
différents intervenants de la Communauté urbaine de
Montréal et une commission parlementaire qui a étudié le
projet de loi,
article par article. Dès le départ, un certain nombre de
députés de l'île de Montréal ont fait remarquer, au
niveau de la commission parlementaire qui recevait les intervenants, que
certains aspects du projet de loi et en particulier celui qui visait, à
"minoriser" la ville de Montréal, malgré le fait que l'ensemble
des députés était d'accord pour reconnaître qu'il
fallait changer l'équilibre des forces qui pouvait exister entre la
banlieue et la ville de Montréal... Il nous semblait - et nous l'avons
fait remarquer dès ce moment - que la ville de Montréal risquait,
par ce projet de loi, sous sa forme actuelle, d'être "minorisée".
(23 heures)
Nous n'avons donc pas attendu, M. le Président, que le projet de
loi soit déposé, même en première lecture. Nous
avons indiqué nos intentions avant même que ce projet de loi
arrive à l'Assemblée nationale. Par la suite, le projet de loi en
première lecture - et je voudrais profiter de l'occasion, M. le
Président, si vous me le permettez, pour corriger une impression
qu'aurait laissée mon collègue de Bourassa, lorsqu'il a dit: Le
projet de loi a quand même été adopté à
l'unanimité en première lecture. M. le Président, cela
fait six ans que je siège dans cette Chambre et, à ma
connaissance, c'est arrivé seulement une fois qu'un projet de loi ait
reçu un vote négatif en première lecture. Le vote de
première lecture, c'est un vote d'accueil à l'Assemblée
nationale pour permettre sa discussion et c'est ce que nous avons fait. Les
députés de Montréal qui s'opposaient au moment de la
deuxième lecture, n'avaient pas d'objection que cette question se
discute entre l'ensemble des parlementaires de l'Assemblée nationale. Il
me semble que cela va de soi. Mais ce vote de première lecture ne peut
pas, comme l'a laissé entendre mon collègue de Bourassa,
présager un vote unanime de l'Assemblée nationale.
En deuxième lecture, les députés de Montréal
ont voulu encore indiquer au ministre un certain nombre d'amendements. En fait,
M. le Président, un amendement qu'ils souhaitaient voir annoncé
avant le vote de deuxième lecture. Car, M. le Président, ce dont
il s'agissait - je pense que si on veut parler du fond, c'est à ce
moment-ci qu'on doit en parler - c'était une question de principe et
c'est cela qu'on vote en deuxième lecture. L'aspect fondamental, pour
nous, du projet de loi qui avait pour but d'empêcher la minorisation de
la ville de Montréal à l'intérieur de la communauté
urbaine. Cet outil, pour nous, indispensable, essentiel, nous demandions, au
moment du discours de deuxième lecture au ministre, de l'annoncer avant
la deuxième lecture. Parce que, pour nous, la deuxième lecture
étant faite, le principe étant voté, le gouvernement
devait piloter, par la suite, son projet de loi en fonction des principes
votés par l'Assemblée nationale.
M. le Président, c'est ce que nous avons marqué. Je dois
vous avouer, M. le Président, qu'à ce moment-là, nous
avons été fort étonnés de voir que le vote de
l'Opposition était favorable au principe du projet de loi no 46, donc,
aux articles qui visaient à "minoriser" la ville de Montréal,
selon nous, à tort ou à raison. Ce qu'il faut bien saisir, c'est
que quand nous arrivons en commission parlementaire, article par article, il
est normal que plus une force de pression s'exerce au niveau de
l'Assemblée nationale, au niveau de la volonté du Parlement, il
est normal que la volonté gouvernementale, par la suite, cherche
à faire des compromis. Cela n'a pas été le cas, M. le
Président. Il faut bien reconnaître qu'en deuxième lecture
seulement six députés se sont opposés à l'adoption
des principes tels que décrits dans le projet de loi comme ils
étaient présentés. On ne peut donc pas nous reprocher,
aujourd'hui, d'en être là encore, au même niveau où
on en était, au moment où on a voté la deuxième
lecture.
Cependant, lorsqu'on a pris position, on l'a fait honnêtement,
sincèrement, sans chercher à tromper ni les représentants
de la ville de Montréal, ni les représentants de banlieues. On
l'a fait honnêtement, sincèrement, sans chercher à tromper,
non plus, la population que nous représentons, de même que la
population de la Communauté urbaine de Montréal. Aujourd'hui, M.
le Président, personnellement, je tiens à ce qu'on garde la
même attitude. Ce qui s'est passé en commission parlementaire,
cela répondait aussi - et je ne vois pas pourquoi on le cacherait
à la population - à une volonté des députés
de Montréal de dire: Si l'Opposition n'a pas voulu marquer son
opposition au projet de loi en deuxième lecture, il ne nous appartient
pas, à nous seuls, de bloquer la volonté gouvernementale. Nous
avons indiqué les dangers que la volonté gouvernementale s'exerce
et si nous avons raison, le gouvernement corrigera.
Cela a été notre attitude, M. le Président, et il
n'y a pas de cachette, et ce n'est pas non plus du louvoiement, comme plusieurs
pourraient être portés à le penser. C'est une position
claire, franche, honnête qui dit: On a indiqué notre position,
c'est maintenant au gouvernement à poser les gestes qu'il
considère devoir être posés. Ce n'est pas à nous,
six députés de l'Opposition de Montréal, voulant
défendre les intérêts de Montréal, des
Montréalais et ceux aussi de la communauté urbaine, ce n'est pas
à nous à prendre cette question sur nos seules épaules.
L'Opposition avait un rôle à jouer; ces gens-là ont fait,
eux aussi, une analyse, à tort ou à raison. Je prétends
qu'ils auraient dû, plutôt que de prendre l'attitude à
laquelle on assiste actuellement, voter contre en deuxième
lecture, nous donner plus de force pour améliorer le projet de
loi au moment de la troisième lecture et si, en bout de course, cela ne
faisait pas leur affaire ou si cela les satisfaisait, bien, au moins, l'adopter
en troisième lecture. C'est habituellement le cheminement normal qui est
remarqué ici à cette Assemblée.
Quant à moi, je tenais à ce qu'on précise que notre
attitude par rapport à la population, par rapport aussi au Parlement, et
donc à l'ensemble des parlementaires de la ville de Montréal, et
par rapport au gouvernement et au ministre qui présentent le projet de
loi, on l'a voulue franche, honnête et sincère. C'est dans ce sens
que je n'ai aucune espèce d'objection à reconnaître
qu'effectivement, après la deuxième lecture, on s'est dit: Que le
gouvernement fasse son lit, qu'il décide et si plus tard cela
crée des problèmes, on les corrigera comme normalement on doit le
faire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Saint-Henri.
M. Roma Hains
M. Hains: M. le Président, je me dois aujourd'hui
d'affirmer à nouveau ma conviction que le projet de loi no 46 sera
préjudiciable à la ville de Montréal, que nous
considérons tous comme le coeur et le moteur de l'activité
culturelle, économique et sociale québécoise. C'est
vraiment décevant que presque tous les amendements demandés par
l'Opposition aient été rejetés et ignorés par le
ministre des Affaires municipales, surtout la demande qui aurait assuré
la prédominance de Montréal pour le choix du président de
l'exécutif. Revenant un peu sur mes interventions
précédentes, j'insiste sur le caractère
antidémocratique de ce projet de loi. Montréal a 200 000 voix de
plus que toutes les banlieues ensemble. Bientôt, toute la population de
Pointe-aux-Trembles viendra grossir son pouvoir de
représentativité. Pourtant, malgré cette majorité
écrasante, Montréal sera classé en parité avec les
banlieues. C'est vraiment injuste.
Qu'adviendra-t-il de tout cela? Nous assisterons probablement à
des affrontements car nous ne pouvons blâmer Montréal de regimber
et de se révolter d'être ainsi dépossédée de
sa juste représentation.
Une métropole qui comptera bientôt plus d'un million
d'habitants ne peut souffrir d'être négligée, affaiblie et
divisée. C'est un manque de démocratie et ce sera probablement le
talon d'Achille de la loi et du ministre des Affaires municipales d'avoir voulu
ainsi niveler la métropole au rang d'une banlieue.
Sous un angle différent, ce projet de loi ressemble quelque peu
au projet de loi no 37 sur la fusion de Baie-Comeau et de Hauterive. Dans
chacun des cas, on va contre la voix de la majorité. On impose, on
décrète, on légifère et c'est vraiment la
période des mariages forcés. Ici, c'est l'alliance de
Montréal et de la banlieue avec égalité de pouvoir et de
devoir devant le ministre et devant les hommes. Il est étrange de voir
le gouvernement, chevalier de l'indépendance à
l'extérieur, devenir créateur de l'assujettissement à
l'intérieur car, malgré toutes les demandes d'amendements, la loi
tombe maintenant comme un couperet au plus grand dommage de la
démocratie. (23 h 10)
En 1974, nos ministériels d'aujourd'hui étaient dans
l'Opposition, ils s'étaient fait les champions de la démocratie.
Je ne donnerai qu'une seule déclaration du ministre de la Justice, M.
Marc-André Bédard, qui disait en 1974: La fusion doit être
le fruit du consentement des populations qui ont l'occasion de s'exprimer
majoritairement. Ici, évidemment on me dira que ce n'est pas une fusion,
mais c'est vraiment une confusion où l'on mélange sans vergogne
majorité et minorité, métropole et banlieue, et où
la voix majoritaire n'est nullement écoutée.
À la suite de ce manque de démocratie, on procède
au rouleau compresseur pour aplanir et niveler toutes les têtes et toutes
les voix discordantes. On dirait, comme j'ai dit à maintes occasions,
que ce gouvernement ne semble pas être capable de souffrir la
contradiction. Pourtant Montréal a toujours été la
fierté de la province et du Canada. Sous l'habile direction de son maire
et de sa brillante équipe, cette ville s'est acquis une
réputation mondiale et elle est le centre, maintenant, de maintes
manifestations internationales. On dirait que Montréal porte ombrage au
gouvernement et qu'il veut la réduire à une taille de plus en
plus modeste. Montréal, pourtant, ne peut pas et ne doit pas être
traitée comme une banlieue et, au lieu de vouloir obstruer son
rayonnement, il faudrait au contraire augmenter son influence car elle est un
levain qui provoque la concurrence et la prospérité dans les
alentours. Je sais qu'on a apporté de nombreux amendements, mais le
désir essentiel, l'amélioration tant attendue des édiles
montréalais a été rejetée du revers de la main et
la métropole a ainsi perdu son droit d'aînesse et sa
suprématie. Même quelques députés péquistes
avaient compris cette condition essentielle au développement
métropolitain et six d'entre eux avaient voté contre le projet en
deuxième lecture. À la commission parlementaire, cet appui semble
pourtant s'être évanoui.
Le député de Sainte-Marie avait affirmé, et je le
cite: "Les membres du
groupe parlementaire du Parti québécois de l'île de
Montréal souhaitent faire connaître leur inquiétude, sinon
leur désaccord, sur un aspect du projet de réforme, soit celui de
la représentation au niveau du comité exécutif." Et,
maintenant, plus rien; ce silence suspect et ce changement d'attitude en
commission parlementaire fut vraiment décevant. Je profite de la
circonstance pour dire au député de Bourassa que je ne faisais
pas partie de la commission des affaires municipales et que son attaque
antérieure, je la trouve inutile et plutôt basse.
Personne ne blâmera le ministre d'avoir établi la
collaboration entre Montréal et ses banlieues et de vouloir
éliminer le rapport de forces. Le problème cependant va demeurer,
celui de la rivalité de certains antagonistes de part et d'autre
où personne ne semble vouloir céder comme si
l'intérêt de l'un provoquait fatalement celui de l'autre. C'est
dans ce dualisme inquiétant que la CUM va reprendre sa carrière.
Que nous réserve l'avenir? Nul ne saurait le prédire. L'important
c'est que Montréal conserve sa situation de prestige, son titre de
métropole et sa cote de ville internationale. Tout ce que nous savons
c'est qu'il y aura beaucoup d'amertume, d'une part, et peut-être aussi du
triomphalisme, de l'autre. Sera-t-il possible de surmonter ce ressentiment et
de créer un idéal commun et une démarche unanime? C'est
notre but, certes, et celui du ministre des Affaires municipales, mais, si un
jour la discorde éclate à la communauté urbaine, le
ministre pourra se frapper la poitrine et ne chercher aucun autre bouc
émissaire que son propre entêtement. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Chambly.
M. Luc Tremblay
M. Tremblay: M. le Président, je dirai en
commençant que, si c'est vrai qu'il n'y a que les fous qui ne changent
pas d'idée, nos amis de l'Opposition ont mis les bouchées doubles
dans ce cas-ci pour en faire la preuve. Personnellement, j'ai suivi avec
attention tout le débat sur le projet de loi no 46 en deuxième
lecture à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire en
première lecture et en commission parlementaire, lors de l'étude
article par article. J'ai pu constater que cette loi a été
étudiée d'une façon très sérieuse, autant
par les membres de l'Opposition que par ceux du côté
ministériel. Donc, on peut dire qu'un travail honnête a
été fait par tout le monde sur ce projet de loi, ce qui a
apporté plusieurs modifications entre la première et la
deuxième lecture lors de la commission parlementaire alors que l'on
étudiait la loi article par article. Il y a donc eu un très grand
nombre de modifications qui ont été faites à la suite des
consultations.
J'ai dit dans mon discours de deuxième lecture que cette loi ne
réglerait pas tous les problèmes, ce n'est pas la perfection;
c'est ce que je croyais à cette époque. Mais depuis, grâce
à ces contacts que j'ai eus avec des membres de la ville de
Montréal, avec des gens des villes de banlieue qui assistaient à
des commissions parlementaires et avec mes collègues du Parti
québécois, du caucus de Montéal, qui sont en
désaccord avec une partie de cette loi, j'ai cheminé. Je suis
maintenant plus convaincu que jamais que la solution qui a été
choisie par le ministre des Affaires municipales pour régler les
problèmes de la ville de Montréal est la meilleure dans les
circonstances. En guise d'explication, je voudrais vous rappeler le noeud du
débat. Il y aura dorénavant, à l'exécutif de la
Communauté urbaine de Montréal, treize membres dont six choisis
parmi les villes de banlieue, six choisis par la ville de Montréal, et
le président sera choisi à même les membres du conseil qui
sont les conseillers de la ville de Montréal ainsi que les maires des
villes de banlieue. Parmi ces gens, on choisira une personne qui sera le
président de l'exécutif et elle devra démissionner de son
poste. J'ai essayé de voir quelle serait l'attitude de cette personne
une fois qu'elle sera choisie. C'est là le problème. Le seul et
unique problème dans ce mécanisme, à mon avis, est que
cette personne puisse être choisie par le conseil ou par les maires de
banlieue ou par 66% ou les deux tiers des membres du conseil.
Mais une fois cette étape cruciale, plus difficile,
passée, j'ai essayé d'imaginer quelle serait l'attitude d'une
personne qui serait choisie comme président de l'exécutif. Je me
suis dit que cette personne désirera établir sa
crédibilité et, pour ce faire, elle devra démontrer
qu'elle n'est pas attachée ni à une banlieue, si elle provient
des banlieues, ni à la ville de Montréal, si elle est issue de la
ville de Montréal. Elle devra donc faire en sorte que les personnes qui
siégeront au conseil discutent, s'entendent. Elle devra agir comme
arbitre, si elle veut que sa propre crédibilité soit acquise,
soit respectée et si elle veut jouer son rôle
équitablement. (23 h 20)
C'est pour cela, M. le Président, que c'est avec plaisir que je
vais voter pour le projet de loi no 46 en troisième lecture. J'encourage
et j'invite tous les membres de cette Assemblée à faire de
même. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet M. Bissonnet: M. le Président, j'ai
été
présent à la commission parlementaire pour écouter
mes ex-collègues, le maire de la ville de Montréal, le maire de
la ville d'Anjou et le maire d'Outremont, relativement à ce projet de
réforme de la Communauté urbaine de Montréal.
J'ai également participé à la commission
parlementaire de façon active. Je suis intervenu en deuxième
lecture, je suis intervenu hier soir à cet effet et j'interviens
aujourd'hui. Je pense qu'effectivement le député de Bourassa a
mentionné tantôt dans son allocution que j'étais l'ex-maire
de la ville de Saint-Léonard, maire de ville de banlieue. Je suis
convaincu d'une chose, c'est que tous les citoyens qui demeurent à
l'intérieur de la ville de Saint-Léonard sont conscients d'une
chose. Ils sont conscients qu'un député à
l'Assemblée nationale qui représente le comté de
Sainte-Marie rapporte en impôt foncier, en impôt de taxe
provinciale au gouvernement un montant, à titre d'exemple, de 50 000 000
$ par tous les citoyens qui demeurent à l'intérieur du
comté de Sainte-Marie.
Les citoyens qui demeurent dans le comté de Westmount payent au
gouvernement en taxes, peut-être 500 000 000 $. Il reste une chose, c'est
que le député de Sainte-Marie et le député de
Westmount représentent à l'Assemblée nationale chacun
d'entre eux un comté, ils ont chacun une voix. À
l'intérieur de la Communauté urbaine de Montréal nous
avons évidemment une municipalité qui a une population d'à
peu près 1 000 000 de personnes et 28 autres qui ont une population de
790 000 habitants.
Les deux groupements, en bloc, villes de banlieue et ville de
Montréal, représentent à peu près le même
impôt foncier qui va à la Communauté urbaine de
Montréal. Il y a une différence extrême de plus de 200 000
de population à l'intérieur de ce bloc. Lorsque la ville de
Montréal a soumis son mémoire à la commission
parlementaire, on a parlé du rapport de la population quant à la
représentativité à l'intérieur du comité
exécutif de la Communauté urbaine de Montréal. Je pense
que cet argument est l'argument le plus logique et c'est l'argument qui touche
le problème conscient, soit la nomination du responsable, du
président, du maître d'oeuvre de la Communauté urbaine de
Montréal.
Pour ces raisons, je me dois objectivement de considérer la
motion du chef de l'Opposition qui a été faite en commission
parlementaire; je la lis, cette proposition: Si aucun candidat ne recueille la
majorité des deux tiers des voix... Pourquoi les deux tiers des voix?
Parce que nous, membres de l'Opposition, nous voulons dans un premier temps que
les maires de banlieue et les représentants de la ville de
Montréal puissent négocier et en arriver à proposer un
candidat qui soit élu par eux. Advenant le cas où il n'y aurait
pas d'entente, l'Opposition pense qu'à la Communauté urbaine de
Montréal, les élus peuvent prendre leurs responsabilités.
Le président du comité exécutif de la Communauté
urbaine de Montréal n'a pas à être nommé par le
ministre des Affaires municipales. Ces gens sont capables eux-mêmes de
prendre leurs responsabilités et c'est là que le rapport de
population d'un vote par mille habitants dans toutes les parties de l'île
de Montréal représente une équité pour tout le
monde. Nous avons proposé, par le chef de l'Opposition, que le
président soit nommé à la majorité des voix, s'il
n'y a pas entente sur les deux tiers des voix. Je pense que cette proposition
est une proposition qui convient à toute la population. On nous a
relaté - et c'est exact - qu'il n'y a pas d'identité à
l'intérieur de la communauté urbaine. Les gens de
Dollard-des-Ormeaux, les gens de Montréal ne s'associent pas à la
Communauté urbaine de Montréal. Les gens s'associent à
leur ville respective. Le citoyen qui est de Saint-Léonard, c'est un
gars de Saint-Léonard; le gars qui est de Montréal-Nord, c'est un
gars de Montréal-Nord et le gars qui est de Montréal, c'est un
gars de Montréal. Il arrive, en plus, M. le Président, que tous
ceux qui résident dans les municipalités de banlieue travaillent
en grande majorité dans Montréal. C'est un fait acquis, M. le
Président.
J'ai été très surpris à la commission
parlementaire. J'ai écouté avec attention un député
qu'on ne voit pas souvent dans cette Chambre, qu'on a vu à la commission
parlementaire. J'aimerais, à titre de député, qu'il soit
plus présent dans cette Chambre. On ne le voit jamais, M. le
Président, sauf à quelques reprises, c'est le
député de Saint-Jacques.
Le député de Saint-Jacques a déclaré ceci en
ce qui a trait à la Communauté urbaine de Montréal. Je
cite ses paroles dans le journal des Débats du 18 mai à 16 h 55:
"On entend parler de la communauté urbaine deux fois par année.
Une fois quand elle refuse de se mouiller les mains dans le conflit du
transport..." À cet effet, l'Opposition a proposé que les
élus soient plus impliqués à l'intérieur de la
commission de transport pour qu'ils prennent les affaires en main. Le Parti
québécois aime cela; il faut se prendre en main. On veut que les
élus à l'intérieur de la commission de transport se
prennent en main et soient responsables des décisions à
l'intérieur du poste de commissaire; un pour la ville de
Montréal, un pour les villes de banlieue.
Je cite le député de Saint-Jacques toujours: "... de se
mouiller les mains dans le conflit du transport, où elle fait semblant
de ne pas exister, même s'il y a là des élus de la
population, disant: Loin de moi ce calice; et elle nous passe la patate
à l'Assemblée
nationale". Propos du député de Saint-Jacques, M. le
Président. "L'autre fois, c'est lorsque la foire "poigne", vers la fin
de décembre, au moment de l'adoption du budget". Le député
de Saint-Jacques dit au ministre des Affaires municipales qui était
présent: "La raison de ma dissidence, telle que je l'ai exprimée,
c'est que je ne crois pas, selon mon analyse, je la confronte à celle du
ministre et je m'inclinerai devant la sienne et celle de la majorité de
mes collègues."
Après tous ces propos, il a dit, de plus: "Je respecte la
décision de la majorité et, en conséquence, je ne
prêterai pas mon vote à un renversement de la décision de
cette majorité. Quand vous soumettrez la motion du chef de l'Opposition
au vote, je m'abstiendrai." Le député de Saint-Jacques
reconnaît explicitement, d'après le journal des Débats de
la commission parlementaire, qu'il est pour la proposition du chef de
l'Opposition, mais il s'est abstenu pour ne pas renverser le ministre à
l'intérieur de la commission parlementaire.
Je pourrais parler très longtemps. Nous avons soumis plusieurs
motions, M. le Président, dans le but de bonifier ce projet de loi. Il
est exact que, pour les municipalités de banlieue, pour nous
banlieusards, et j'en fais partie, ce projet de loi améliore notre
situation puisqu'au comité exécutif nous avons 6
représentants d'assurés sur 13. Si la décision est
minoritaire, nous reviendrons devant le conseil et ce sera un débat
public où la population pourra se prononcer.
M. le Président, nous faisons une réforme et cela fait
treize ans que la population de la communauté urbaine, pour l'existence
de la communauté urbaine et sa survie, attend un projet de loi qui soit
à l'heure de ses besoins. Nous avons soumis -je termine la-dessus - des
motions plus qu'importantes et le ministre n'a pas accepté nos motions.
Je vais dire à la population quelles sont les motions que nous avons
faites. Vous savez, vous avez une grève du transport dans le
métro, vous avez des grèves de transport. On a proposé
qu'à l'intérieur de cette commission de transport, il y ait un
élu de la ville de Montréal et des villes de banlieue.
Refusé, M. le Président. Nous avons proposé que
l'Île Bizard, qui a 81% de terres agricoles, ce n'est pas une ville, ne
soit pas dans la communauté urbaine. Cela n'a pas de bon sens. Ils
auraient dû mettre l'Ile Perrault. Ils ont joué entre les deux.
Refusé, M. le Président.
Permettez-moi de conclure, ce ne sera pas long. Commission permanente du
conseil. Les gens de banlieue et les gens de Montréal, de quoi
parlent-ils quand ils parlent de la communauté urbaine? Ils parlent de
leurs taxes, ils parlent de leur évaluation. On propose une commission
d'évaluation pour que les organismes se fassent entendre. On met cela
avec les finances. On n'entendra pas les personnes, ni les organismes dans
l'organisme voulu pour le faire.
La question du budget, M. le Président. On a un budget qui sera
adopté par la communauté et on propose dans le projet de loi
qu'on fasse des petits budgets de trois mois. On ne veut pas, car cela peut
augmenter les dépenses de la communauté urbaine, M. le
Président. (23 h 30)
Période de questions, M. le Président. On est venu
à bout d'indiquer le mot "orales" pour permettre aux citoyens d'aller
à la communauté urbaine. Vous le savez, à Montréal,
il y a cinq personnes qui assistent aux assemblées une fois par deux
mois. J'ai été là pendant deux ans et demi. M. le
Président, on demande un minimum de 30 minutes et on nous le refuse.
Pour ces considérations, je ferai valoir mon opinion en temps
voulu; vous la connaîtrez, mais vous la connaissez depuis longtemps, M.
le Président. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Viger.
M. Cosmo Maciocia
M. Maciocia: Merci, M. le Président. Je veux intervenir
sur le projet de loi no 46, seulement pour une raison. Je ne voulais pas
intervenir tout à l'heure, mais je suis obligé d'intervenir.
C'est pour démontrer, encore une fois, la mesquinerie et l'hypocrisie de
ce gouvernement qui a le culot aujourd'hui, dans des discours, de nous
reprocher d'avoir voté pour ce projet de loi en deuxième lecture.
On a voté pour en deuxième lecture, mais on a mis en garde le
ministre des Affaires municipales et le gouvernement en leur disant qu'on avait
des amendements à proposer en troisième lecture et que, si ces
amendements n'étaient pas acceptés, on voterait contre en
troisième lecture. On avait bien mis en garde le gouvernement que, si
les amendements proposés par l'Opposition libérale
n'étaient pas acceptés, on voterait contre le projet de loi en
troisième lecture.
Alors, que certaines gens de l'autre côté ne viennent pas
nous reprocher d'avoir voté pour en deuxième lecture, alors
qu'aujourd'hui, on se ravise et qu'on va voter contre, probablement, le projet
de loi en troisième lecture. On les avait mis en garde très
clairement en leur disant qu'on avait des amendements à proposer. Ces
amendements, on les a proposés en commission, lors de l'étude
article par article. M. le Président, je n'ai pas été
très souvent à cette commission, parce que j'avais d'autres
commissions, mais je me
rappelle que, la journée où j'étais présent,
il y avait, du côté ministériel, comme membres de cette
commission: M. Fallu (Groulx), M. Laplante (Bourassa), Mme Lachapelle (Dorion),
M. Charron (Saint-Jacques), M. Rochefort (Gouin) et M. Tremblay (Chambly).
M. le Président, quand je me vois aujourd'hui reprocher, par le
prétendant maire de Montréal à la prochaine
élection, le député de Rosemont, et par la
députée de Maisonneuve d'avoir voté pour en
deuxième lecture, alors qu'eux autres étaient seulement
intervenants à cette commission, je voudrais que la population sache que
c'est vrai qu'ils étaient seulement intervenants à ce
moment-là, mais c'est très courant à l'intérieur
des commissions de se faire remplacer, spécialement lorsqu'on pense
qu'on a vraiment quelque chose à défendre à
l'intérieur de ce projet de loi. On peut changer avec un
collègue, d'intervenant à membre.
M. le Président, quand Mme la députée de
Maisonneuve et le député de Rosemont étaient
présents comme intervenants, il y avait deux députés qui
ne faisaient même pas partie de la Communauté urbaine de
Montréal et ce sont les députés de Groulx et de Chambly.
Pourquoi le député de Rosemont et la députée de
Maisonneuve n'ont-ils pas demandé à leurs deux collègues
d'être intervenants pour agir, eux, comme membres de cette commission
pour défendre la ville de Montréal s'ils voulaient vraiment
défendre la ville de Montréal? C'était en commission
parlementaire, ce n'était pas devant la télévision, M. le
Président, qu'on a dit qu'on voulait défendre les
intérêts de Montréal. En réalité, ils se sont
seulement prononcés et, quand le vote est arrivé, il y en avait
trois qui avaient le droit de vote et ils se sont abstenus. Mme Lachapelle
(Dorion), M. Charron (Saint-Jacques) et M. Rochefort (Gouin) se sont abstenus.
On aurait pu avoir cinq députés de la ville de Montréal
qui auraient voté contre ce projet de loi et renversé le
ministre, à ce moment-la, sur l'amendement qu'on voulait apporter
à l'article 3, c'est-à-dire la prépondérance de
Montréal, avec le choix du président qui revenait automatiquement
à la ville de Montréal.
Alors, se faire reprocher aujourd'hui, par des commentaires, par une
éloquence... Parce qu'on ne peut pas dire qu'ils ne sont pas
éloquents; devant la télévision, ils sont des
maîtres, mais, quand vraiment on devrait défendre les
intérêts de la population, on se cache, parce qu'on ne veut pas
que le gouvernement soit renversé. On ne veut pas qu'on puisse lui dire
qu'il est hypocrite. D'accord, il fait une loi qui ne va pas dans
l'intérêt de la population, absolument pas.
Aujourd'hui, Mme la députée de Maisonneuve,
spécialement, et M. le député de Rosemont disent: Mais,
nous n'avions pas le droit de vote; on ne pouvait rien faire. C'est tellement
clair que, s'ils voulaient vraiment défendre les intérêts
de la ville de Montréal, comme nous l'avons fait à
l'intérieur de la commission parlementaire, ils auraient pu le faire en
se faisant nommer membres et en votant contre le projet de loi du ministre des
Affaires municipales. À ce moment-là, on aurait pu vraiment
défendre Montréal et la population de Montréal à
l'intérieur du projet de loi no 46. Je voulais faire cette
précision parce que la population doit être mise au courant du
déroulement de la commission parlementaire, c'est-à-dire qu'on a
eu et qu'on avait cette possibilité. C'est justement à cause de
l'hypocrisie de ces gens qui ont prétendu défendre la ville de
Montréal qu'aujourd'hui, on se trouve face à l'adoption d'un
projet de loi auquel les autres disent ne pas croire; mais vraiment, ceux qui
n'y croient pas, qui veulent défendre la ville de Montréal, ce
sont seulement les membres de l'Opposition. Merci, M. le Président.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de Jacques-Cartier. M. le député de
Sainte-Marie.
M. BisailIon: Question de privilège, M. le
Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de
privilège.
M. Bisaillon: ... qui sera très courte et je ne veux
pas... Je m'excuse auprès de la députée. C'est juste pour
rectifier certaines impressions qu'aurait pu laisser l'intervention du
député. Si la démonstration qu'il a tenté de faire
était exacte, autrement dit, si le ministre avait été
renversé en commission parlementaire, ce qui est exact, ce qui aurait pu
être possible, il aurait fallu que le député ajoute que le
règlement prévoit que le ministre pouvait, ici en Chambre,
ramener son texte original, malgré un vote unanime de la commission
parlementaire allant à l'encontre de son projet de loi, et, au moment de
la prise en considération, faire voter l'ensemble de la Chambre sur son
amendement, ce qui aurait donné le même résultat. Je pense
que c'était utile de le préciser.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Viger.
M. Maciocia: J'ai bien dit et clairement, M. le Président,
que ceux qui prétendaient défendre la ville de Montréal,
la seule occasion qu'ils avaient de le faire était justement à
l'intérieur de l'étude article par article en commission
parlementaire; même,
tout à l'heure, il a eu le courage de le faire et de renverser le
ministre à...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: M. le Président, après toute la
confusion de ce soir, ma position est non équivoque, je suis en faveur
du projet de loi no 46. Depuis sa création, la Communauté urbaine
de Montréal a fait l'objet d'études, de recherches et de
commentaires émanant de divers milieux. Le gouvernement, les
autorités politiques locales concernées, certains universitaires,
les partis politiques, des groupes de citoyens ainsi que des journalistes ont
examiné et commenté le fonctionnement de la communauté.
Les consultations ont également mis en lumière un certain nombre
de problèmes dont beaucoup de gens perçoivent l'importance.
La majorité des intervenants ont réclamé des
changements majeurs concernant l'équilibre des forces au sein de la
communauté, la composition des organes décisionnels, le
contrôle politique de la gestion des services ainsi que la
démocratisation et une meilleure efficacité de son
fonctionnement. (23 h 40)
In order to assess the very suggestions that have been put forward for
improving the functioning of the MUC, I think it is essential, first of all, to
recognize the real nature and the purpose of the MUC. What kind of a body is
it? The Montreal Urban Community is not a higher authority elected by all of
the people with direct taxing powers which would give direct accountability to
all the people on the Island of Montreal. It is not a super-regional government
created to rule over the 28 municipalities and the City of Montreal which make
up its territory.
On the contrary, it is an intermunicipal administration, an
administrative structure which reflects the reality of the interdependence of
28 autonomist municipalities and the City of Montreal. In other words, the MUC
is a coming together of autonomist municipalities for the purpose of realizing
mutually advantageous objectives which cannot be realized individually, such as
islandwide public transport and police services.
Therefore, the MUC was not created and should not allow itself to become
a substitute for its participating municipal partners. There are some, however,
such as the City of Montreal, whose analysis of the most appropriate MUC
decision-making process is based on the assumption that the major consideration
to be taken into account in establishing the structures and voting powers of
the MUC should be the relative weight of the suburban versus the City of
Montreal populations and the relative weight of their respective tax bases.
In other words, those who reason that way conclude that it is perfectly
legitimate, indeed it is logical, that the majority should rule and the richer
should dominate. I think it is important to note that at the moment, at this
moment, in 1982, the City of Montreal has the majority population and also has
the edge in the tax base. But a few years down the road, the situation is going
to change. Both the population and the tax base will favour the suburbs.
Therefore, to reason this way, that is that the majority should rule and the
richer should dominate, to me it is to miss the very nature of the MUC and
condemn it to an endless we-they struggle, to a sterile and destructive
polarization of the suburbs versus the City of Montreal which would be
eternally to the detriment of all the citizens of the MUC territory.
The challenge, therefore, which Bill 46 attempts to meet is to improve
the functioning of the MUC while respecting the nature of the Montreal Urban
Community, which is an administrative partnership designed to provide mutually
beneficial services through shared decision-making and shared financial
resources.
I think it is obvious that you cannot legislate goodwill. At least, it
certainly cannot be assured by legislation. But, what you can do is to create
structures and powers and processes which at least are supportive and conducive
to facilitating sensible compromise and cooperative action for the good of all
the citizens of the MUC territory.
The changes recommended in Bill 46 are, in my view, a positive step in
the right direction. I think that the key change is in the makeup of the
Executive and how it is chosen. The Executive will have equal representation
from the suburbs and the City of Montreal, plus a president who will be chosen
by a two thirds vote of the Council.
I think this is a major step. It is a big improvement over the former
Executive structure which, unfortunately, institutionalized an adversary
relationship between the suburbs and the City of Montreal since it reinforced
Montreal's position as the dominant partner in decision-making. The former
setup assumed that the suburbs were a monolithic group who had objectives that
were exclusive and, necessarily, in conflict with those of the City of
Montreal. I think that it was a totally false assumption. The new formula, the
two thirds majority required will be much more likely to encourage a spirit of
partnership and interdependence of interests and a climate of negotiation
necessary for
the healthy functioning of the entire MUC territory.
En résumé M. le Président je crois que le projet de
loi no 46 reconnaît - je cite M. Corbeil, ancien président
à la Conférence des maires de banlieue - que la communauté
urbaine ne doit plus être une structure basée sur le pouvoir au
sein de laquelle on a pour objectif la domination d'un bloc sur l'autre.
L'avenir fructueux et prospère de la CUM doit viser le
dépassement d'une telle vision étroite pour s'orienter vers la
concertation et la réalisation d'objectifs communs exaltants. Merci M.
le Président.
Le Président (M. Rancourt): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci M. le Président. On parle en
troisième lecture du projet de loi no 46 concernant la réforme de
la Communauté urbaine de Montréal. Je me rappelle très
bien, j'étais là, lors de la commission parlementaire, quand tous
ces groupements sont venus présenter leur mémoire. On
commençait à 10 heures le matin jusqu'à minuit le soir. Le
ministre était là, il les a écoutés. Il
était très poli, il riait, il les remerciait pour leur
mémoire, mais on n'avançait jamais. Les députés ont
commencé, de la part de l'Opposition, à faire le point sur cette
affaire très importante, c'est-à-dire une certaine
prépondérance pour la ville de Montréal. Par quel moyen?
Par justement la présidence du comité exécutif. Je me
rappelle très bien, le chef de l'Opposition a parlé exactement
sur ce point. Il l'a expliqué; le ministre a parlé avant lui, il
a donné ses vues et j'ai été surpris parce que qui
était le prochain? Une autre opposition, le député de
Sainte-Marie. Je me rappelle très bien, il était très
sérieux, il a dit, au nom d'un groupe de députés de
Montréal, je veux faire le point suivant. Le député de
Sainte-Marie a parlé pendant dix à quinze minutes. Il a
parlé de la prépondérance de Montréal, du coeur de
Montréal, le moteur économique et social, Montréal ne doit
sûrement pas être une banlieue comme les autres... et il a dit que
le principe: un citoyen un vote prime, quant à lui,
social-démocrate qu'il est. Il a fait tout un discours là-dessus
de dix, quinze minutes. Il n'a pas dit: Je parle moi-même comme
député de Sainte-Marie. Il a dit: Je parle au nom d'un groupe. Le
lendemain, grandes manchettes dans les journaux: Opposition péquiste
à un projet de ministre, parce qu'il y en avait six qui parlaient comme
cela et cela semble être les gens sérieux qui avaient pour
objectif de défendre la prépondérance de Montréal.
Il a même dit: On ne donnera pas notre appui à ce projet de loi
tel quel, il faut que le ministre fasse un amendement. Et j'ai pris en note les
noms de ceux qui ont parlé. Je vais commencer par les dames, par
politesse. La députée de Maisonneuve a parlé. La
députée de Maisonneuve, qui est connue comme péquiste,
militante, l'aile gauche, une femme qui a des convictions, qui ne reprend pas
sa parole, elle a parlé dans le même sens que le
député de Sainte-Marie. En fait, la députée de
Maisonneuve est tellement connue comme une femme honnête, qui croit en
ses idées, qu'elle n'aurait pas peur de voter même contre son
propre gouvernement. Il y a une expression dans la communauté anglophone
qui se dit comme suit de nos jours. Au jeune enfant qui ne veut pas se coucher
le soir, on dit: Tu es mieux de te coucher, autrement je t'envoie Mme Harel. Je
vais vous traduire cela en anglais. If a little kid of ten years old will not
sleep at night, I tell him: If you do not want to go to bed, you want to watch
TV, I am going to send Harel after you. Et cela, c'est grave.
Savez-vous, M. le Président, une autre dame a parlé. Elle
est là ce soir, parce que je note qu'il y en a au moins quatre
présents des six qui sont intéressés dans le débat.
La députée de Dorion a parlé aussi, c'est une femme
peut-être un peu moins militante que la députée de
Maisonneuve mais tout de même elle a parlé de son comté
dans la ville de Montréal, elle a dit: Mon comté se trouve dans
la ville de Montréal, je crois à la prépondérance,
je suis pour ça, M. le ministre, il faut qu'un changement soit fait.
Cela veut dire qu'il faut déterminer, de quelque manière que ce
soit, la prépondérance de la ville de Montréal, justement
par la présidence du conseil exécutif. On n'accepte pas votre
projet de loi tel quel. (23 h 50)
Je regardais le ministre, il disait: Je me suis dit: cela va bien,
l'Opposition, elle, elle commence à nous rejoindre, et le ministre
riait, il ne parlait pas beaucoup, il était doux parce que c'est un
homme au visage sympathique, savez-vous? Il vient du comté de Labelle.
Je demandais l'autre jour où se trouvait ce comté-là parce
que je ne connais pas toute la province. On m'a dit: Mont-Laurier et j'en ai
pris note. Mont-Laurier, c'est un beau petit village, une belle petite ville;
c'est vrai que c'est une belle petite ville, mais ce n'est pas Montréal,
et je dis: M. le ministre, tout de même, vous qui êtes un homme qui
a étudié en France, qui a connu un peu et vu le monde, ne
comprenez-vous pas l'idée de la prépondérance de
Montréal?
Savez-vous, M. le Président, qu'il y a d'autres
députés qui ont parlé? Je vais les nommer un par un. Le
député de Rosemont, le professeur, le mathématicien,
l'homme raisonné, calme - on a même mentionné son nom comme
candidat au siège de maire,
peut-être, contre M. Drapeau; on ne le sait pas - il a
parlé dans le même sens que les autres: On n'acceptera pas cela,
on appuie la position du député de Sainte-Marie.
Ensuite, à un moment donné, il y a eu le
député de Saint-Jacques qui a parlé. Je me le rappelle
très bien, les journaux disaient: Pour la première fois depuis
l'incident malheureux qu'il a subi, on a eu un discours du député
de Saint-Jacques sur la Communauté urbaine de Montréal.
J'étais ici le matin qu'il a parlé; c'était un discours
merveilleux, c'était très bon, il a parlé avec son coeur,
ses sentiments, sa passion, et il a parlé encore de la
prépondérance de Montréal.
Il y en a d'autres. Je donnerai les noms ici. Le député de
Gouin, il est là maintenant à gauche de moi; ce soir, il a dit
exactement la même chose. Ensuite, je ne veux rien oublier. Oui, ces six
députés ont parlé. Ensuite, la grande manchette dans les
journaux. Ils sont bons dans cela, les péquistes, ils disent: Nous
autres, nous n'avons pas peur de nos opinions, de nos convictions, nous
exigeons du ministre des amendements. Je me le rappelle, grande manchette.
Là, on a demandé une commission parlementaire; eux autres sont
venus là, et l'Opposition, c'est notre chef qui a écrit un
document sur notre position; c'est un document merveilleux; c'est un document
raisonnable qui demandait une certaine prépondérance et on croit
à cela, même si peut-être un ou deux demain vont être
absents lors du vote. Je ne sais pas, mais je veux vous dire: Moi, je veux
voter contre ce projet de loi; aucun problème.
Savez-vous cela, M. le Président? On a parlé de cela, le
chef de l'Opposition a fait l'amendement pour avoir justement la certitude que
le président du conseil exécutif sera montréalais; c'est
cela que l'amendement disait. Qu'est-ce qui est arrivé en commission
parlementaire? Les gens se sont abstenus. J'appelle cela de la
lâcheté. Le député de Sainte-Marie, ce soir, parce
qu'il avait peur quand ça a été dit par le
député de Viger, disait: Savez-vous que cela n'aurait fait aucune
différence parce qu'en Chambre on aurait pu reprendre le vote?
Écoutez donc, si vous avez vos convictions comme Mme la
députée de Maisonneuve que les Anglais ont peur d'eux autres,
comme on dit aux petits enfants qui ne veulent pas dormir, je vous envoie Mme
Harel. Ayez donc le courage de vos opinions quand on vote en troisième
lecture. Vous autres, les six, je vous demande donc, je demande au
député de Saint-Jacques qui n'est pas ici ce soir, au
député de Rosemont qui est ici tout le temps, à la
députée de Dorion, au député de Sainte-Marie, au
député de Gouin, à la députée de
Maisonneuve, comment ils vont voter en troisième lecture quand le vote
sera pris? Aurez-vous le courage de vos opinions?
Aurez-vous le courage de suivre la grande manchette que vous avez
cherchée parce que vous êtes bons en publicité? Il n'y a
pas de doute là-dessus: allez donc voter avec nous contre ce projet de
loi. Ou, encore mieux, je suis le dernier qui parle là-dessus, M. le
ministre, changez donc ce projet de loi pour la prépondérance de
Montréal. C'est tout ce qu'on demande, parce qu'eux autres, les
députés qui ont parlé, ne viennent pas de Montréal.
Moi, savez-vous, M. le Président, que je représente le
comté qui est moitié Montréal, moitié Verdun? Je
suis objectif, je n'ai aucune peur vis-à-vis de mon électorat, de
dire: On exige une certaine prépondérance de la ville de
Montréal.
Donc, est-ce que j'ai encore une minute? Deux minutes. M. le
Président, on a parlé des ministres parce que les ministres, je
ne les ai pas vus en commission parlementaire; le seul ministre qui est venu,
c'était le député de Crémazie, il était
là à la deuxième rangée de chaises, pas en avant,
un peu en arrière mais au moins, il est venu et il écoutait.
Mais, je demande ceci parce que j'analyse cela et je connais aussi des
péquistes à Québec. Je parle avec eux autres et je dis:
Qu'est-ce qui arrive avec les ministres? Ils ont dit: Prenez donc note de la
manière qu'ils vont voter, parce qu'ils seront là en
troisième lecture. Le ministre député de Crémazie,
le ministre député de Mercier - ce sont des comtés de
Montréal -j'aimerais bien voir s'il sera ici pour voter ou non,
j'aimerais bien voir cela. Le ministre des Affaires sociales,
député d'Anjou, qui a une bonne partie du territoire de
Montréal. J'aimerais bien voir. Le ministre député de
Bourget, grand psychologue, psychiatre, j'aimerais bien voir comment il va
résoudre ce problème. Le ministre député de
Sauvé, un autre ministre, le grand voyageur, se promenant partout dans
le monde, la Californie, n'importe où. Il faut qu'il vote
là-dessus. Il y a une forte population montréalaise dans son
comté. J'aimerais voir. Je n'ai pas encore fini avec les ministres, je
crois qu'il y en a un autre. Le ministre député du comté
de Lafontaine. M. le Président, vous me faites signe; c'est malheureux,
car je pensais avoir droit à vingt minutes et j'essaie de convaincre le
ministre des Affaires municipales.
M. le ministre, vous avez fait des erreurs avec Baie-Comeau. C'est
difficile de vous convaincre. Ici, écoutez donc, les six et nous autres
et quels que soient les ministres dont on parle. Changez votre projet de loi
sur la prépondérance et nous voterons tous pour. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Affaires municipales.
M. Jacques Léonard (réplique)
M. Léonard: M. le Président, nous sommes au terme
de débats fort longs, et surtout ce soir, où il y a eu toutes
sortes d'accusations lancées de part et d'autre: ne pas avoir bien
défendu les intérêts de Montréal. Je pense qu'au
départ, cela reflète qu'on a encore du chemin à faire dans
la compréhension de ce projet de loi parce qu'il s'agit, finalement, de
former une communauté où on essaie d'éliminer le plus
possible les affrontements. Je pense que l'Assemblée nationale a
donné le spectacle de débats qui pouvaient en receler encore
beaucoup d'autres. Je pense qu'au terme de tout cela, le projet de loi est sur
la table, il sera adopté bientôt par l'Assemblée nationale,
j'espère bien.
Je poserais peut-être une question, M. le Président. Si
l'on faisait confiance aux élus municipaux de l'île de
Montréal? Je pense que cela c'est fondamental. Si on faisait confiance
à M. Desmarais, qui est actuellement président de la
Communauté urbaine de Montréal, qui a une longue
expérience politique. Si on faisait confiance à MM. Drapeau et
Lamarre qui ont, eux aussi, une bonne expérience en politique. Si on
faisait confiance à M. Corbeil et à tous les élus
municipaux de l'île de Montréal pour faire fonctionner la nouvelle
Communauté urbaine de Montréal? Je pense que nous aurons
peut-être bien de bonnes surprises au bout de quelque temps. C'est le
pari que nous faisons.
Nous ne voulons pas que ce soit fait, élaboré,
appliqué dans un climat d'affrontement. Je pense qu'il faut maintenant
s'appliquer à ce que tout le monde travaille ensemble pour solutionner
des problèmes des questions qui vont se soulever sur le territoire qui,
immanquablement, vont surgir au cours des prochaines années, et je pense
que c'est cela le contexte qu'on veut voir s'établir sur l'île de
Montréal.
Je crois que tout le monde doit travailler dans ce sens-là,
à régler les problèmes de la Commission de transport de la
Communauté urbaine de Montréal. Nous aurons l'occasion d'en
rediscuter puisque le gouvernement lui-même fera sa réflexion. Il
y aura aussi les questions qui vont être reliées à
l'évaluation foncière. La commission d'évaluation
foncière et des finances va pouvoir siéger, entendre le public
avec ses élus pour régler ces questions.
M. le chef de l'Opposition mentionnait, tout à l'heure, qu'on
devrait étudier la délimitation des municipalités du
territoire des municipalités sur l'île de Montréal. Je
pense que les mieux placés pour faire cela, ce sont les élus
municipaux de Montréal, avant de créer une commission en
provenance de Québec pour le faire. La commission d'aménagement
de la Communauté urbaine de Montréal pourra fort bien s'attaquer
à ce problème-là, à ces questions-là. Je
pense que c'est dans ce sens qu'il faut aller. S'il faut, à un moment
donné, en termes d'aménagement, essayer de voir plus grand que
l'île de Montréal, à ce moment le gouvernement peut
s'impliquer, mais, au fond, il ne peut pas régler toutes ces questions
d'aménagement, à moins que les élus municipaux de
l'île de Montréal et de la région de Montréal ne s'y
engagent aussi. (minuit)
Je pense que le projet de loi fait ce pari que les élus
municipaux vont travailler à résoudre les questions et les
problèmes qui vont se poser sur l'île de Montréal. Je pense
aussi que le projet de loi fait un autre pari, c'est celui de l'ouverture
à la démocratie dans les structures des institutions
intermunicipales de l'île de Montréal, en particulier à la
CUM et dans ses commissions. C'est pour cela qu'il y aura une période de
questions que nous n'avons pas voulu réglementer. On aurait pu dire:
minimum de 30 minutes, on aurait pu tout réglementer. Mais je pense que
ce n'est pas l'objectif; l'objectif, c'est de donner des possibilités
aux citoyens de se faire entendre et de donner aussi la liberté aux
élus municipaux de l'île de Montréal de statuer sur la
réglementation qui va les entourer.
M. le Président, on a parlé de prépondérance
de la ville de Montréal. On a même mentionné qu'on
"minorisait" la ville de Montréal selon le projet de loi, qu'on pourrait
miner le développement économique de l'île de
Montréal. Je pense qu'il s'agit d'exagérations très larges
et qu'il est important de rétablir ces choses. Au fond, il s'agit d'une
communauté, il s'agit de responsabilités qui touchent les
citoyens de toute l'île de Montréal. Je vois mal comment on peut
donner à une seule ville un pouvoir dépassant la majorité
sur les décisions majeures. Si on parle de communauté, on doit
admettre que les décisions qui touchent la communauté ne soient
pas prises par un seul des partenaires dans une communauté, mais que les
décisions doivent être prises, au minimum, par quelques-uns des
partenaires. C'est ce qu'il y a dans le projet de loi.
Évidemment, une bonne partie des discussions ont tourné
autour de la composition de l'exécutif, de la façon de nommer le
président de l'exécutif. Je rappellerai, à la suite de M.
Luc Tremblay, le rôle du président de l'exécutif qui en est
un de président communautaire conciliateur, de médiateur. Je
pense que, là-dessus, il faut faire confiance aux élus de la
Communauté urbaine de Montréal.
Je pense qu'il y a des mécanismes dans le projet de loi qui
amènent graduellement cet esprit communautaire. Les décisions
sont
prises au conseil à la double majorité; l'élection
du président aussi se fait d'abord à la double majorité.
Si on ne s'entend pas, c'est au vote des deux tiers. Je rappelle que dès
que le vote des deux tiers est appelé, M, le Président, il n'y a
pas de vote des deux tiers qui pourrait être gagné sans l'appui de
Montréal, sans que la ville de Montréal soit impliquée de
quelque façon dans ce vote. Donc, il faut qu'il y ait une partie
importante des élus de la ville de Montréal qui votent sur un
vote aux deux tiers pour qu'une décision soit adoptée.
Le gouvernement interviendrait dans le processus de nomination du
président en tout dernier lieu. Ce n'est pas parce qu'il est
intéressé à intervenir. Mais je pense que, s'il y avait un
blocage, il faudrait quand même se ménager cette porte de sortie.
Je pense qu'elle est encore supérieure à celle du vote de la
simple majorité comme il a été proposé, parce que
cela revient à donner le pouvoir à un seul des partenaires
à l'heure actuelle. Je rappelle que, si on vit dans une
communauté, il ne faut pas qu'un seul des partenaires prenne les
décisions. Je pense que c'est fondamental, simplement à cause de
la définition d'une communauté.
Je pense que le projet de loi a comme objectif d'essayer de créer
cet esprit communautaire, d'amener des gens à prendre ensemble des
décisions. Je suis convaincu que l'avenir va nous donner raison, que les
décisions vont se prendre à plus qu'un, que les décisions
vont se prendre aussi dans le sens des intérêts de la
communauté, que la prépondérance de Montréal va se
manifester nécessairement dès qu'il va y avoir un vote aux deux
tiers, c'est-à-dire dès qu'il y aura une décision le
moindrement contestée. Finalement, dans ce vote aux deux tiers, il y a
un veto pratique, concret de la ville de Montréal.
En terminant, M. le Président, je voudrais simplement dire merci
à tous ceux qui ont participé à ce débat, à
tous les gens, les élus municipaux, notamment, qui ont envoyé des
mémoires au ministre des Affaires municipales en 1980 et avec qui j'ai
eu l'occasion de discuter longuement, souvent, de toutes les questions touchant
la Communauté urbaine de Montréal. Je voudrais remercier tous
ceux qui sont venus à la commission parlementaire du mois de mars. Je
voudrais remercier aussi mes collègues qui ont participé à
ce débat, qui m'appuieront sûrement au cours du vote en
troisième lecture et qui, sûrement, seront là aussi pour
aider le gouvernement, aider surtout les élus municipaux de la
Communauté urbaine de Montréal à remplir leur tâche.
Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la
troisième lecture du projet de loi no 46, Loi modifiant la Loi de la
Communauté urbaine de Montréal, sera adoptée?
M. Lalonde: Non, ce n'est pas maintenant, c'est remis.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Vote
enregistré.
M. Brassard: M. le Président, je vous demande de le
reporter à la période prévue à cette fin à
la séance d'aujourd'hui, de ce matin.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Brassard: On peut reprendre, M. le Président, le
débat en deuxième lecture sur le projet de loi no 72.
Reprise du débat sur la deuxième lecture
du projet de loi no 72
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, reprise du
débat sur le projet de loi no 72, Loi modifiant le Code du travail, le
Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives.
La parole était au député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. À écouter
les députés ministériels nous parler du projet de loi no
72, j'ai l'impression qu'on vit dans un monde irréel où les mots
ne représentent plus la réalité des choses. On entend une
verbosité qui n'a d'égal que le manque de volonté
politique d'ajuster à la verbosité, aux mots, aux paroles, des
actes concrets qui auront pour effet d'assurer efficacement une protection qui
est due aux gens qui sont les plus démunis, les plus susceptibles de
souffrir de l'exercice d'un droit qui existe, mais qui peut constituer, dans
certaines circonstances, un danger pour ces personnes.
Un gouvernement doit tout d'abord avoir comme tâche principale
d'assurer la protection des administrés, des plus faibles, des plus
exposés à être mis en péril dans des situations de
grève; le gouvernement a le devoir premier de protéger ces
personnes. Il est impossible de croire qu'avec la loi qui nous est
proposée, avec la loi que le gouvernement voudrait que
l'Assemblée nationale adopte, nous pourrons même rêver
d'atteindre ces buts. Je crois qu'il faut bien réaliser que, lorsqu'on
parle de services essentiels, on parle de choses dont une société
civilisée ne peut pas se passer. Il est impensable que le gouvernement
doive se retrancher derrière un conseil qui jugera d'une liste
proposée par les syndicats et que ce conseil soit l'instance qui
protège le
gouvernement des pressions qui seraient faites sur lui pour lui
permettre de se retirer et de s'en remettre aux avis d'un conseil qui, dans sa
structure même, sera le reflet des déchirements que l'on rencontre
à l'intérieur de la société quand on doit vivre des
moments de grève. On dirait que le gouvernement a tenté de faire
de ce conseil un microcosme de ce qu'est notre société
québécoise dans les moments de crise qui sont vécus alors
qu'on a des grèves dans les services essentiels. Le gouvernement aurait
voulu calquer d'une façon plus directe et donc, amener à une
impasse absolument inévitable ce conseil qu'il n'aurait pas agi
autrement. C'est à croire que le gouvernement, en établissant ce
conseil, a eu un but, c'est de tuer le temps, c'est de faire patienter tout le
monde, en espérant que, tôt ou tard, le conseil promettant d'agir,
le conseil devant agir, cette solution que le gouvernement espère, une
solution qui prend sa source très souvent dans la souffrance humaine,
cette solution, dis-je, sera amenée par un conseil qui sert de tampon au
gouvernement pour l'exempter de prendre ses responsabilités comme il
devrait les prendre. Un gouvernement qui s'affiche comme étant
social-démocrate a une première responsabilité. Ce n'est
pas, quoi qu'on nous fasse croire, la distribution de la richesse. Ce n'est pas
non plus la création de la richesse, c'est plus profondément que
cela, la protection des malades, des gens qui ne sont pas capables de s'occuper
d'eux-mêmes, des gens qui ne sont pas autonomes; tout ce qui ne prend pas
immédiatement sa source là-dedans ne peut donner comme fruit la
social-démocratie parce que la social-démocratie c'est une
réalité que le gouvernement veut nous faire accepter comme
étant la sienne, alors qu'il n'est pas capable de prendre la
responsabilité première qui est celle d'assurer que les services
essentiels soient protégés et fournis en toute circonstance. Le
gouvernement qui ne fait pas cela manque à sa vocation, manque à
son devoir. (0 h 10)
Je crois que le gouvernement s'est lui-même enfermé dans un
dilemme dont il ne peut absolument pas sortir. Un gouvernement ne peut pas
prendre d'autres engagements que celui d'agir en fonction et exclusivement en
fonction du bien commun, et le bien commun ne doit avoir aucune coloration, il
ne doit même pas avoir la coloration du préjugé favorable
aux syndiqués et aux syndicats. Le bien commun est indivisible; il est
un et il ne doit pas être favorable à qui que ce soit. Un
gouvernement qui s'est dit en faveur des syndicats et qui a
énoncé un préjugé favorable aux syndicats a en
même temps renoncé à faire passer avant tout le bien commun
de la société; ça c'est grave, ça c'est
sérieux. La population a droit à autre chose que cela.
Quand un gouvernement agit comme cela et quand les députés
ministériels nous tiennent des discours semblables à ceux qu'ils
nous ont tenus, on croirait qu'ils n'ont pas la majorité à
l'intérieur de cette Chambre; on croirait à les entendre qu'ils
sont pour que la population profite des services de santé, que les
malades psychiatriques soient soignés, qu'ils soient
protégés contre eux-mêmes et contre les autres, à
les entendre on se rend bien compte de cela, mais on se dit que c'est donc
dommage qu'ils ne puissent pas le faire. C'est la réflexion qui nous
vient automatiquement quand on entend leurs discours. On se dit: Comment
peuvent-ils tenir ce discours-là et ne pas le traduire dans des actes
concrets? La seule explication qui nous vienne à l'esprit, M. le
Président, à entendre ces gens qui sont si pleins de bonne
volonté, qui ont de si bonnes idées, qui ont des paroles
tellement compatissantes, réconfortantes pour les malades, pour les gens
qui ont besoin de protection, c'est que c'est donc dommage que ces gens si
pleins de bonne volonté ne disposent pas d'une majorité
confortable en Chambre. Si ces gens avaient la confortable majorité
qu'ils méritent, que nous serions donc bien protégés.
Cependant, si l'on regarde la composition de l'Assemblée
nationale, et on s'aperçoit qu'ils disposent d'une majorité plus
que confortable dont ils se servent quand ils veulent, à leur
volonté, et pour des lois qui ne méritent pas notre vote. Ils ne
se gênent pas pour cela, ils ont une majorité de 79 à 43.
C'est assez fort pour faire adopter toutes les lois qu'ils veulent. Quelles
conclusions doit-on tirer? On ne doit tirer qu'une seule conclusion et elle
s'impose d'elle-même, c'est que les gens qui parlent ne croient pas en
leur parole et ne sont pas capables d'ajuster leurs actes à leurs
paroles. Un gouvernement qui fait cela ne mérite plus la confiance qu'il
a acquise de la population il a moins d'un an.
J'entends des paroles compatissantes et réconfortantes, comme je
le disais tout à l'heure, mais je constate l'absence d'actes concrets
pour traduire ces paroles en gestes qui serviraient au bien-être de la
population des malades, au bien-être de la population qui a besoin de
soins. Je me dis que les gens d'en face, ce sont les gens qui nous gouvernent
et qui gouvernent le Québec actuellement; c'est personne d'autre qui
gouverne le Québec, ce sont les gens d'en face qui gouvernent, et ces
gens-là ont une responsabilité c'est de voir à ce que les
services essentiels soient assurés partout dans notre
société. Quand je vois cette absence de gestes concrets, je me
dis qu'ils ont oublié, ils n'ont pas été en contact avec
la maladie récemment, ils n'ont pas connu le désarroi des gens
qui sont couchés et qui attendent dans la souffrance. Cela n'est pas
abstrait, ça existe la souffrance humaine, ça existe des
gens qui sont angoissés, ça existe actuellement des gens qui en
regardant ce que le gouvernement nous propose comme projet de loi sont
angoissés parce qu'ils se disent: Je sais que je suis un malade
chronique, je sais que je suis susceptible d'avoir besoin de certains soins
hospitaliers. Je me fierais normalement sur le gouvernement pour les en
assurer, mais en regardant le projet de loi qui nous est soumis, la population
du Québec, qui va juger le gouvernement, doit se rendre compte qu'elle
n'aura aucune assurance que ces services lui seront rendus.
Je fais appel au gouvernement pour qu'en aucune façon il ne
permette à des gens qui disposent d'un droit qui est, en certaines
circonstances, abusif, que des gens qui disposent d'un droit de grève
puissent s'en servir pour faire souffrir des semblables, d'autres êtres
humains. Il n'y a pas si longtemps, on obtenait supposément justice dans
les cours au moyen d'aveux qui étaient obtenus sous l'effet de la
torture. Dans certaines circonstances, on obtient des avantages
matériels que le gouvernement ne devrait pas permettre au moyen de la
souffrance humaine. À mon avis, c'est une autre forme de torture. Le
gouvernement n'a pas le droit de permettre que la souffrance humaine serve de
levier à des groupes qui vont s'en servir pour retirer des avantages qui
leur sont propres. Le respect de la vie humaine doit commencer par le respect
de la souffrance d'autrui; tout le reste n'est qu'hypocrisie, n'est que fausse
parole, n'est que mensonge; si on respecte la vie humaine, on doit respecter ce
qui va avec, c'est-à-dire la souffrance. Qu'on réalise du
côté du gouvernement que quand il y a des gens qui ne peuvent pas
être soignés, quand il y a des gens qui ont besoin de transfusion
sanguine, qui ont besoin d'avoir certaines injections de quelque nature que ce
soit, qui ont besoin d'entrer d'urgence à l'hôpital et qui ne
peuvent le faire, il est évident qu'un gouvernement qui n'a pas le
courage de monter ses vraies couleurs, qui se cache derrière un conseil
tampon qui ne servira finalement qu'à éloigner une
éventuelle prise de responsabilité par le gouvernement, ce
gouvernement ne remplit pas son rôle.
On a, en créant ce conseil, enlevé à
l'Assemblée nationale, une partie de sa souveraineté. Tous, tant
que nous sommes, les députés ministériels aussi bien que
les députés de l'Opposition, nous avons été
élus ici pour prendre la défense des populations qui nous ont
élus; elles nous ont donné comme mandat de voir à ce que
la protection la plus élémentaire leur soit assurée. Voici
la question que je me pose: Comment peut-on ici, à l'Assemblée
nationale, pouvoir accepter que le gouvernement puisse se réfugier, se
cacher derrière de faux-fuyants qui n'ont finalement pour effet que de
rendre impossible, à toutes fins utiles, la protection qu'en paroles,
semblent vouloir accorder les députés ministériels?
Il est certain qu'un projet de loi doit être jugé d'une
façon réaliste et par les fruits qu'il doit produire. Je suis
convaincu que la plupart des députés ministériels, sinon
tous, savent très bien qu'il est impossible, avec les mécanismes
tortueux, rocailleux qui nous sont proposés pour solutionner le
problème des services essentiels lors de grèves, que les services
essentiels vont être respectés, accordés dans nos
hôpitaux, dans nos asiles psychiatriques, dans nos centres d'accueil pour
malades chroniques. C'est impossible. (0 h 20)
D'ailleurs, j'en veux pour preuve cet aveu que le gouvernement fait
lui-même dans sa loi, quand il dit que, s'il y a des dommages qui sont
subis par des gens qui normalement auraient droit aux services essentiels, il
leur facilitera le paiement de certains dommages et intérêts au
moyen du recours collectif. N'y a t-il pas plus bel aveu de la part du
gouvernement, qu'il n'espère absolument pas obtenir avec son projet de
loi, les résultats prétendument recherchés? Le seul fait
que le gouvernement nous mette quelques articles dans la loi qui permettent aux
gens qui n'auront pas bénéficié des services essentiels -
le gouvernement le reconnaît donc - de pouvoir se servir du recours
collectif pour obtenir le paiement de certains dommages et
intérêts, alors qu'on sait qu'il est impossible de monnayer, de
mettre un montant pour la souffrance humaine...
En même temps, le gouvernement nous dit: "De toute façon,
ne vous inquiétez pas". Ne vous inquiétez pas messieurs les
malades, ne vous inquiétez pas, messieurs les alités, mesdames
les alitées. Ne vous inquiétez pas, vous qui souffrez. Si vous
souffrez parce que l'on ne vous accorde pas des services essentiels, on vous
facilitera un recours collectif contre ceux qui auront été
responsables de cette privation des services essentiels dont vous aurez
été victimes.
En même temps que le gouvernement avoue donc que les services
essentiels ne seront pas accordés, il pousse l'outrecuidance
jusqu'à tenter de convaincre la population qu'à tout
événement, on pourra obtenir réparation financière
pour cela.
Je regrette beaucoup M. le Président, nous de l'Opposition, nous
ne sommes pas du genre à monnayer la souffrance humaine. Nous croyons
que la souffrance humaine doit être diminuée et par tous les
moyens. Jamais, nous n'admettrons qu'on puisse faire accepter à la
population avec l'accord de l'Opposition qu'à tout
événement, si jamais il y a des souffrances qui sont subies
par
quelqu'un, elles seront compensées au moyen de certains paiements
financiers. C'est absolument inacceptable.
Je pense qu'il faut avoir vécu pendant un certain temps
auprès d'êtres qui nous sont chers, d'êtres auxquels on est
profondément attaché, d'êtres auxquels on tient par
amitié ou par parenté et les avoir vu souffrir dans leur corps et
dans leur âme pour savoir qu'il est inacceptable dans notre
société que le gouvernement ne prenne pas les moyens et tous les
moyens nécessaires pour empêcher cette souffrance d'être
augmentée. Ce n'est pas cela que le gouvernement fait et ce n'est pas
cela que le gouvernement cherche à faire. Ce ne sont pas les
résultats que le projet de loi no 72 va nous donner. Je sais qu'il y a
des paroles qui sont dites à l'effet contraire, des paroles
sympathisantes, réconfortantes comme je disais au début de mon
intervention, ces paroles malheureusement... C'est là toute la
différence du monde. Ce n'est pas un détail. S'il y a quelque
chose d'essentiel puisqu'on parle de services essentiels, c'est cela. Ce ne
sont pas les paroles qui sont dites, ce n'est pas le réconfort qu'on
tente d'apporter avant coup en disant: On sait bien, on est avec vous, on
regrette que vous soyez malades, que vous ayez besoin des services essentiels.
On dit tout cela. Ce qui est essentiel, c'est ce que l'on fait pratiquement. Ce
que l'on fait pratiquement, c'est de dire: Les syndicats se serviront de la
liste syndicale, la proposeront au conseil qui va l'évaluer et faire des
recommandations par après aux parties pour leur demander de s'entendre.
Sinon, il fera des recommandations au gouvernement qui devra juger et accepter
ces recommandations."
On sait, et j'en connais, que certaines personnes attachées au
service des gens qui doivent profiter des services essentiels sont
dévouées. Ce sont des personnes qui font preuve d'un renoncement
extraordinaire dans leur travail. Ce qui arrive, c'est que ces personnes sont
utilisées comme fer de lance par d'autres parties militantes des
syndicats auxquels elles appartiennent, de façon que leurs actions
puissent servir.
Je sais pour l'avoir vérifié moi-même qu'un
très grand nombre de ces personnes accepteraient très facilement
de se faire mettre par le gouvernement dans une situation où on ne
puisse plus les utiliser et qu'elles pourraient continuer le dévouement
dont elles font preuve à tous les jours de l'année. Ce qui
arrive, c'est que ces personnes servent de fer de lance, comme je le disais.
Ces personnes n'ont pas d'autre choix que d'agir comme cela. Le gouvernement
doit protection à ces gens qui sont très souvent forcés de
se fermer les yeux devant certains abus, pour que l'action syndicale ait des
résultats dans l'espèce d'affrontement inévitable dans
lequel le gouvernement pose les parties lors d'un conflit syndical. Je pense
que ces personnes désirent continuer leur bon travail et je dis que
c'est le devoir du gouvernement de permettre à tout le monde de faire
son travail honnêtement, avec dévouement et renoncement en
même temps que d'accorder la protection aux gens qui en ont le plus
besoin dans notre société.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Rosemont.
M. Gilbert Paquette
M. Paquette: M. le Président. Après avoir
écouté attentivement le député de
Louis-Hébert, je dois constater que seuls les députés
libéraux se préoccupent du sort que peuvent subir les malades et
les personnes qui reçoivent des services dans les établissements
de santé, et que nous, nous sommes insensibles. Vous voyez, ces
collègues applaudissent, nous, nous sommes insensibles à la
misère humaine et eux sont les défenseurs de la misère
humaine.
Dans toutes les sociétés, on a justifié la pire
absence de réalisme et même les abus les plus flagrants en
dépeignant certains comme étant noirs et les autres comme
étant blancs. Je trouve ce procédé inqualifiable et je
constate que le député ne nous a pas dit qu'elle était sa
solution, ce qu'il propose en remplacement du projet de loi et je constate
qu'il ne nous a pas dit ce qu'il y avait, non plus, dans le projet de loi. Il a
passé ses quinze minutes à dire que nous étions
insensibles au sort des malades et des personnes qui reçoivent des soins
des services publics. Je trouve cela inqualifiable.
Au début de son exposé et à la fin,
également, le député trouve le moyen de dire qu'on
était irréalistes; après nous avoir dit tout cela,
après ne nous avoir rien proposé et après avoir fait une
série d'énoncés généraux, et à
l'occasion démagogiques, également comme ceux que je viens de
vous mentionner.
M. le Président, je pense que le réalisme dans les
relations du travail dans les secteurs public et parapublic ne passe pas par
les solutions simplistes qu'envisage le député, mais qu'il n'a
pas mentionnées. Par exemple, on constate que dans des
sociétés où le droit de grève n'est pas reconnu
dans les services public et parapublic, on a des grèves sauvages
où les services essentiels ne sont nullement assurés. On en a eu
en Ontario encore récemment et une autre dans une province maritime; je
ne me rappelle plus laquelle, au moment même où en commission
parlementaire - je pense que c'est en Saskatchewan - on étudiait la
question du droit de grève, l'année dernière.
D'autre part, il y a des sociétés où le droit de
grève dans les services public et parapublic est reconnu en tout temps.
Je
pense à la France, en particulier, où non seulement, comme
ici, le droit de grève n'est reconnu qu'à la fin de la convention
collective, au moment du renouvellement des conventions collectives. En France,
le droit de grève peut être acquis en tout temps, même
pendant la durée des conventions collectives, et pourtant ce droit de
grève est exercé très rarement et avec
énormément de responsabilité. C'est peut-être, M. le
Président, que le droit de grève dans les secteurs public et
parapublic est relativement jeune et qu'il a commencé avec la
révolution tranquille et où les syndiqués des secteurs
public et parapublic ont eu à faire face à des affrontements
extrêmement durs d'un gouvernement qui voulait, à certaines
occasions, abattre les syndicats.
Malheureusement, on a dû constater qu'en 1972 et en 1976, il y a
eu des affrontements, notamment dans le secteur hospitalier qui ont fait en
sorte qu'à un moment donné dans une région donnée,
les services d'urgence étaient presque complètement
paralysés partout.
Quand le député dit: Vous n'avez jamais eu personne qui a
souffert de cela, je tiens à lui dire qu'en 1976, cela m'est
arrivé et j'ai eu à amener mon épouse à
l'hôpital et j'ai réussi dans la région de Montréal
après plusieurs démarches à trouver un hôpital qui
pouvait la recevoir et c'était sous le gouvernement qui nous a
précédés, en 1976. (0 h 30)
C'est vrai qu'il y a eu des difficultés et c'est vrai que la
population a raison de demander au gouvernement d'assurer les services
essentiels. Je disais, M. le Président, que la solution est bien
davantage dans l'apprentissage des responsabilités, dans le fait que
nous puissions collectivement civiliser le droit au travail.
Je vous rappellerai qu'à la suite des événements
que je viens de mentionner en 1972 et en 1976, le gouvernement, dès le
début de son mandat, a mis sur pied la commission Martin-Bouchard qui
disait notamment ceci, à la page 22 de son rapport, justement
après de longues consultations, en faisant preuve de réalisme:
"Formulées avec un souci constant de réalisme et de
fidélité au consensus se dégageant des consultations, ces
propositions..." Je vous signale que les propositions de la commission
Martin-Bouchard étaient justement l'intervention, l'implication d'un
tiers dans le maintien des services essentiels et le fait que le gouvernement
puisse, en définitive, suspendre le droit de grève et prendre des
mesures lorsque les services essentiels ne seraient pas respectés, ce
qui est, en gros, l'esprit du projet de loi qui est devant nous.
La commission Martin-Bouchard continuait en disant: "Nos propositions ne
conduisent pas, on le constatera, à une révision de fond en
comble du régime des négociations dans les secteurs public et
parapublic. Elles incitent, cependant, les parties en cause à
adhérer à des règles de jeu minimales de nature à
concilier à la fois les exigences de l'intérêt public et
les actions légitimes qui découlent de droits désormais
fermement acquis." Et elle terminait en disant: "Mieux vaut chercher à
définir un cadre souple et réaliste à l'intérieur
duquel le processus de la négociation sera vraiment, ainsi qu'on en a
souvent exprimé le voeu, une démarche civilisée."
Voilà l'objectif de ce projet de loi, M. le Président: civiliser
l'exercice des moyens de pression que doivent, à l'occasion, prendre les
syndiqués et l'exercice du droit de grève.
Je vous signale, M. le Président, qu'à la
négociation de 1979, même s'il y a eu des problèmes dans
les services publics, en appliquant une partie des recommandations du rapport
Martin-Bouchard, on a réussi, non pas complètement, non pas
à notre goût, à civiliser davantage les relations du
travail dans les secteurs public et parapublic.
À la dernière élection, M. le Président, je
tiens à vous dire que cela n'a pas été facile pour les
membres de ce parti. On aurait bien pu afficher une attitude irresponsable ou
ambiguë ou louvoyante comme celle qu'a affichée, le Parti
libéral à l'occasion de l'élection. Sachant à quel
point le public tient, avec raison, aux services essentiels, ou aurait pu
appuyer l'opinion générale que cela pourrait être atteint
en supprimant le droit de grève, alors qu'on a toutes les
évidences que, lorsque le droit de grève est prohibé,
très souvent il s'exerce sans maintien des services essentiels. On a
voulu faire preuve de responsabilité, non pas comme l'a dit le
député de Louis-Hébert, parce qu'on fait passer un
quelconque préjugé syndical avant le bien commun, mais, au
contraire, parce qu'on fait passer le bien commun avant les
intérêts particuliers. Tout le long de la campagne
électorale, on s'est engagé à civiliser encore davantage
le droit de grève, à améliorer les mécanismes de
négociation et à assurer la mise sur pied, le maintien et le
respect des services essentiels, ce qui est exactement l'objectif de ce projet
de loi.
M. le Président, au-delà de la démagogie que fait
le député de Louis-Hébert, du sentiment et de la crainte
justifiée parfois dans le public quant au maintien des services
essentiels qu'il exploite, je pense qu'il faut regarder les faits tels qu'ils
sont. Il y a eu des problèmes à la dernière
négociation, mais il y a eu également de nettes
améliorations. Je vais vous citer le rapport-synthèse - on a tous
les rapports des établissements qui ont été
évalués lors de la négociation de 1979 - du Conseil sur le
maintien des services de santé et des services sociaux que nous avions
créé,
justement, pour surveiller le maintien des services essentiels. Le
rapport dit ceci: "Les conflits de travail ont été le plus
souvent sporadiques et de courte durée." Il y a eu des manchettes
alarmistes dans les journaux qui ont été alimentées par
l'Opposition à ce moment-là, mais, en fait, il y a eu sept dates,
où à l'occasion, il y a eu problème: le 28 mars 1979, le
25 octobre, les 19, 20, 21, 22 et 23 novembre. Dans chaque cas, il s'agissait
de grèves de courte durée, de grèves d'avertissement, mais
peut-être pas dans quatre établissements; dans tous les autres,
maintien des services essentiels, nous ont dit à la fois les services et
les syndicats. Dans quatre établissements dont j'ai la liste ici - je ne
pense pas qu'il soit nécessaire de les mentionner - les dirigeants des
institutions affirment que les services essentiels n'auraient pas
été respectés. On pense qu'il y a eu des cas où les
services essentiels n'ont pas été respectés. Comme le
disait l'adjoint parlementaire au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et
de la Sécurité du revenu, un cas, c'est un cas de trop.
En ce sens, tout nous indique qu'on doit continuer à aller dans
la même direction; non pas abolir le droit de grève, ce qui
rendrait un mauvais service au public et ne nous assurerait aucunement du
maintien des services essentiels, mais aller dans le sens de civiliser
davantage. À la commission parlementaire, la majorité des
organismes a appuyé cette approche. J'ai ici le résumé des
principaux mémoires à la commission parlementaire à
laquelle j'ai participé très activement.
Évidemment, personne ne va se surprendre que les organismes
syndicaux étaient en faveur du maintien du droit de grève.
Cependant, il est étonnant de constater que le Conseil du patronat du
Québec, par exemple, s'est dit d'accord pour le maintien du droit de
grève à condition que les services essentiels dans les
établissements dispensant des services de santé, la fourniture
d'électricité et de gaz et la distribution de l'eau potable
soient maintenus. C'est l'objectif du projet de loi.
L'Association des centres d'accueil du Québec, donc les
dirigeants de ces institutions dans le réseau de la santé, se
prononcent également pour le droit de grève à la condition
que cela ne remette pas en cause l'accessibilité et la continuité
des services; même réaction de la Fédération des
CLSC. Le comité de parents du territoire des Vieilles Forges, où
l'on a eu un conflit de travail très difficile qui a
nécessité une loi spéciale à l'Assemblée et
qui a duré deux mois - je pense que le député de
Trois-Rivières s'en souvient - se déclare quand même pour
le maintien du droit de grève. Est-ce que tous ces gens, suivant le
député de Louis-Hébert, seraient irresponsables et
feraient passer les droits des syndicats avec le bien commun alors qu'ils sont
les premiers impliqués et les premiers touchés? Ce sont des
citoyens qui parlent. La Fédération des commissions scolaires
dit: Maintien du droit de grève dans un processus plus encadré et
plus réglementé. La Fédération des commissions
scolaires également, et cela continue comme cela, l'Association des
consommateurs du Québec, l'Association des directeurs
généraux des commissions scolaires sont pour le maintien du droit
de grève. Également la Fédération des AFEAS se
prononce pour le droit de grève, mais avec un meilleur encadrement. Il y
a des exceptions. Il y a des gens qui nous ont dit: II faudrait abolir le droit
de grève. Cependant, la majorité des organismes en dehors du
monde syndical se prononcent pour continuer la démarche, simplement
parce qu'on a eu de meilleurs résultats en 1979; il y a eu quelques
problèmes sporadiques et il s'agit de les éliminer.
Dans ce sens, je voudrais simplement vous mentionner cinq points du
projet de loi qui témoignent de bien d'autres choses que cette
abdication dont parlait le député de Louis-Hébert face aux
responsabilités du gouvernement. Pas du tout, on a un projet de loi qui
déplaît aux centrales syndicales, elles l'ont dit. Nous pensons
quand même qu'il est nécessaire de resserrer l'exercice du droit
de grève sans le supprimer.
Le conseil sur le maintien des services essentiels était
temporaire et il sera maintenant permanent, avec des représentants du
public. Le conseil aura un rôle étendu - vous savez que le
conseil, en 1979, n'avait pas de pouvoir, il constatait et il pouvait informer
le public - maintenant, le conseil devra sensibiliser les parties sur la
nécessité d'assurer le maintien des services essentiels et
informer le public. Dans le cas des établissements du réseau des
affaires sociales, il doit déterminer, par règlement,
après avoir consulté les parties, la forme d'une entente ou d'une
liste ainsi que les éléments qu'elle doit contenir, notamment le
libre accès d'un bénéficiaire à un
établissement. Donc, un encadrement de la définition des services
essentiels. (0 h 40)
Le conseil peut recourir aux services de personnes pour aider les
parties; on fait confiance aux parties sur le plan local. Il n'y a pas une
situation qui est pareille, on ne peut pas définir uniformément
les services essentiels, mais on donnera le soutien de personnes, le support de
médiateurs pour fournir l'établissement d'une liste
adéquate qui va assurer le maintien des services essentiels.
Également, on allonge les délais de façon à
éloigner le plus possible la négociation, la discussion au sujet
des services essentiels pour que tout soit établi
au moment où les négociations commenceront et le droit de
grève deviendra effectif. C'est donc trois mois avant l'expiration des
conventions collectives que les ententes ou les listes décrivant les
services essentiels devront être déposées, et le conseil
devra évaluer la suffisance des services essentiels. Il pourra faire aux
parties les recommandations qu'il juge appropriées et faire rapport au
ministre du Travail, et ce rapport au ministre du Travail sera rendu public, le
public sera au courant; alors, le gouvernement n'abdique pas ses
responsabilités. S'il n'y a pas moyen de s'entendre sur les services
essentiels, ce sera rapporté au gouvernement, ce sera public, et le
gouvernement devra prendre ses responsabilités comme c'est son
devoir.
Un dernier point, concernant la question du recours collectif. On nous a
dit qu'on avait tellement peu confiance aux autres mécanismes qu'on
voulait prévoir, pour les personnes qui pouvaient être
lésées, un droit au recours collectif. Toutes les dispositions
sont là pour éviter qu'on en vienne à ce recours
collectif, mais je vous signalerai que la simple présence de cet article
dans ce projet de loi de faciliter les recours collectifs au cas où les
gens pourraient être lésés a un effet dissuasif important,
parce que si jamais des syndiqués n'étaient pas responsables ils
pourraient se voir poursuivre pour dommages et intérêts. Donc, les
gens ont tout intérêt à définir et à
maintenir les services essentiels.
Je pense que ce projet de loi nous permettra de civiliser davantage les
relations du travail; c'est la voix du réalisme basée sur des
faits, basée sur l'expérience que nous avons vécue au
Québec, sur ce qui se passe ailleurs dans d'autres
sociétés. On peut espérer que cette loi, dans cinq ans,
dans dix ans, et si possible plus rapidement, n'aura pu être
utilisée parce qu'elle nous aura appris, dans les services publics
à civiliser nos relations du travail et à maintenir les services
essentiels du public. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. M. le Président,
en fin de semaine, j'étais avec ma femme dans un centre d'accueil de mon
comté, et j'y ai rencontré des personnes âgées,
femmes et hommes. Certains étaient en fauteuil roulant; d'autres
étaient plus ou moins hospitalisés. Ils m'ont demandé: M.
le député, est-ce que c'est vrai... M. le Président,
excusez-moi, on commence à rire, est-ce qu'on commence à rire
parce que je parle de centre d'accueil?
M. Bisaillon: Les gens étaient plus ou moins
hospitalisés, on a trouvé cela un peu...
M. Polak: Excusez-moi. Peut-être que le
député de Sainte-Marie trouve cela plus ou moins amusant; moi, je
ne trouve rien d'amusant dans quelqu'un qui est hospitalisé
sérieusement ou moins sérieusement, c'est cela que je veux dire,
vous avez bien compris.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Un
instant. M. le député. Cela va là, tranquille. M. le
député.
M. Polak: Merci, M. le Président qu'ils soient devenus un
peu plus tranquilles.
Ces personnes-là m'ont demandé si c'est vrai que M. Marois
finalement nous protège, qu'on n'aura plus les problèmes comme on
en a eu auparavant, ces grèves-là. Parce que certains
étaient dans les hôpitaux et ont été victimes de
grève; pas seulement de grève, ils m'ont parlé de
l'angoisse qui précède une grève où soudainement
l'attitude de l'infirmière, un mois, deux mois avant une grève,
change totalement. Cela, c'est l'angoisse qui précède. Ils m'ont
demandé de parler; donc, j'ai répondu: Non, ces gens ne vous
protègent pas. C'est un projet de loi faible; c'est une projet de loi
lâche. Cela ne règle aucunement le problème. Ils n'ont pas
eu le courage politique de prendre une décision selon l'opinion
publique, selon ce que le public veut. C'est cela qu'ils auraient dû
faire. Et je vais m'expliquer.
On nous donne maintenant un conseil permanent des services essentiels
formé de huit membres. Il y en a deux qui représentent les
salariés, dont un des services publics et l'autre du secteur de la
santé et des services sociaux. Il y a deux membres qui
représentent les employeurs, trois qui représentent le public et
un huitième, le président.
Il est bien connu, on n'a qu'à lire le projet de loi, que le
conseil n'a aucun pouvoir décisionnel. Le conseil ne fait que prendre la
méthode péquiste, évaluer, étudier, faire un
rapport au ministre, au public mais il n'y a rien de concret, de positif et de
décisionnel là-dedans.
Il faut suivre un peu la bureaucratie de cet appareil. Qu'est-ce que la
loi prévoit? Dans le domaine des services de santé et des
services sociaux, voici le système. La loi dit: Les services essentiels
devront être maintenus en tout temps. Nous sommes d'accord
là-dessus, pas de problème, il faut que ce soit maintenu. Mais de
quelle manière? Voici l'appareil administratif lourd. Six étapes.
Première étape: d'abord, les parties - cela veut dire patrons,
syndicats -doivent négocier pour essayer d'arriver à une entente
pour déterminer les services essentiels. Deuxième étape:
si cela ne
marche pas, le syndicat doit soumettre sa liste syndicale disant combien
d'employés vont travailler pour les services essentiels pour les
garantir. Cela ne marche pas? Troisième étape. La liste est
déposée, donc le conseil doit évaluer la qualité,
la suffisance des services. Le conseil va étudier cela. Quatrième
étape, le conseil, après avoir étudié cette liste,
peut suggérer des modifications, rien qui ne lie, il peut
suggérer des modifications. Cinquième étape, si le service
est considéré insuffisant par le conseil, le conseil fera un
rapport au ministre et avisera le public. Là, on est déjà
rendu à la cinquième étape. Entre-temps, la pauvre
personne dans un centre d'accueil ou dans un hôpital suit tous ces
développements. Les gens savent ce qui se passe d'étape en
étape. Cela augmente l'angoisse et sixième étape, le
gouvernement aura le droit de suspendre le droit de grève. Finalement,
le chat sort du sac. Le gouvernement aura le droit de suspendre le droit de
grève après cinq autres étapes de lourdeur administrative,
de discussions, de rapports, etc., pour finalement dire: On aura le droit de
suspendre.
Dans certains services publics, on suit un peu la même
méthode sauf qu'on dit ici que le gouvernement par décret peut
ordonner de maintenir les services essentiels, en cas de grève,
là où il y a un danger de santé ou de
sécurité publique; c'est cela que le projet dit. Services
publics, cela veut dire dans le projet de loi, téléphone, gaz,
électricité, transports en commun, ambulance, enlèvement
des ordures ménagères.
J'étais à Montréal aujourd'hui, j'avais eu la
permission d'y aller parce que deux de mes enfants sont gradués de
l'université. J'étais là et j'ai vu ce qui est
arrivé avec la Commission de transport de la Communauté urbaine
de Montréal aujourd'hui à Montréal parce que le
métro ne marchait pas; les autobus marchaient. J'ai fait monter dans mon
automobile quelqu'un de Montréal qui travaille à Anjou, qui m'a
dit qu'en métro, ça lui prend à peu près une
demi-heure pour s'y rendre. Avec les autobus, ça lui prend, si l'autobus
existe pour se rendre là, deux heures ou plus. Je l'ai fait monter,
parce qu'il m'a dit: II y a possibilité que je perde mon emploi. On ne
parle pas de cela, on parle ici de santé et sécurité
publique. Comme, en janvier, on a mis fin à la grève des
chauffeurs d'autobus de la Communauté urbaine de Montréal parce
que c'était le mois de janvier, là, nous sommes au mois de juin;
nous n'avons plus ce problème. Ne parlons plus de cela. Il n'y a rien;
il n'y a aucune mesure par le gouvernement pour arrêter ce qui se passe.
0 h 50)
Vous savez très bien qu'il y a des commentaires sur ce projet de
loi. Il y a un journaliste qui a suggéré: Pourquoi pas faire
aussi appliquer cela dans le cas de graves perturbations économiques ou
de graves perturbations sociales? Cela arrive. Aujourd'hui, c'était
déjà une perturbation économique, je vous le jure, parce
qu'il y avait des gens qui n'étaient pas capables de se rendre à
leur travail ou qui arrivaient trop tard. Demain, ce sera l'inverse: le
métro marchera, l'autobus ne marchera pas. La semaine dernière,
il y a eu une journée de grève totale et, la semaine prochaine,
on ne sait pas ce qui va arriver. Entre-temps, on continue ici à
parler.
À la fin du projet de loi, on dit: Si l'affaire ne marche pas,
vous, pauvres victimes, vous aurez toujours votre droit au recours collectif.
On a facilité le recours collectif. En facilitant cela, on
prévoit déjà la possibilité que l'arrangement
proposé ne marchera pas.
Le gouvernement n'a pas eu le courage politique suffisant pour corriger
une situation inacceptable. C'est le premier ministre, le chef de votre
équipe, qui a dit il n'y a pas longtemps, parlant du secteur des
services sociaux et des hôpitaux: "Ce secteur si névralgique
où l'on joue avec la vie et la mort." Il faut régler cela une
fois pour toutes. Lui, il pensait à ce moment différemment. Il y
en a parmi vos les députés qui ne pensent pas du tout que cela
suffit, le système suggéré, qui pensent à une
abolition de ce droit de grève ou, au moins, à un droit de
grève sélectif ou restreint. On sait très bien que les
sondages - les péquistes aiment bien les sondages, ils les suivent tout
le temps - disent clairement que l'immense majorité du public...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. le député de Sainte-Anne.
M. Polak: Est-ce que le ministre de l'Agriculture - je sais qu'il
ne connaît pas beaucoup ce domaine des services essentiels - veut dire
quelque chose? Qu'il se lève donc pour interrompre, s'il veut.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Anne, vous avez la parole.
M. Polak: Vous ne me regardez pas, mais, si vous avez quelque
chose à dire, dites-le donc. Levez-vous sur une question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. le député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président et M. le ministre de
l'Agriculture, je vous remercie de m'accorder le droit de continuer à
parler. Merci.
Selon les sondages, l'immense majorité
du public et même des syndiqués est en faveur de cesser la
grève dans les hôpitaux, c'est connu. Cela va même dans les
hôpitaux jusqu'à 85%. Nous, on n'a pas peur. On a pris une
position, pas il y a une semaine ou deux, mais déjà au mois de
janvier. Je me rappelle très bien quand le député de
Jean-Talon a expliqué la position du Parti libéral. Savez-vous ce
qu'on a suggéré? Le gouvernement aurait dû nous
écouter et nous suivre. On avait suggéré que dans les
centres hospitaliers de soins prolongés et de soins psychiatriques, dans
les centres d'accueil, ainsi que dans les unités de services
correspondants: soins prolongés, soins psychiatriques, le droit de
grève soit remplacé par un mécanisme alternatif. En
d'autres termes, le gouvernement aurait dû suivre cela. C'est cela que
l'opinion publique veut. C'est cela que les gens veulent et même les
syndiqués. Même les infirmières que j'ai rencontrées
en fin de semaine dans un centre d'accueil m'ont dit: Nous, on est en faveur de
restreindre ce droit de grève; nous aimerions avoir un droit de
grève sélectif. Le système suggéré, c'est
une attitude de lâcheté, c'est une attitude qui ne va jamais
régler le problème, sauf qu'on va finir avec un beau recours
collectif. Cela va prendre deux ans devant la Cour supérieure. On va
aller en appel. Cela coûtera des milliers de dollars, même si on
réduit les frais, et cela n'aboutira à rien.
C'est cela qu'on avait suggéré. Ici, encore une fois, on
essaie de venir avec des solutions. Voici ce que le ministre du Travail avait
dit à l'automne quand on était devant la commission
parlementaire: II faut respecter le droit de grève, cela existe, on ne
l'abolit pas. En même temps, il faut garantir les services essentiels.
Les chefs syndicaux avaient bien raison quand ils avaient dit: Selon nous, une
grève pour réussir pour être efficace, doit faire du mal.
Si on garantit les services essentiels, si cela marche très bien, on
n'aura pas de grève parce que la grève ne sera pas efficace.
C'est cela, votre dilemme. Vous, vous êtes encore restés
dans le même dilemme. Vous n'avez rien réglé. Vous avez
essayé de trouver une solution pour plaire aux chefs syndicaux et, en
même temps, vous voulez plaire au public en disant: On va vous garantir
les services essentiels.
M. le Président, il n'y a aucune réponse de
trouvée, c'est une solution qui ne règle absolument rien; c'est
une lâcheté de ne pas avoir le courage politique de prendre une
décision que la population attend de vous. Pas encore une autre mesure
administrative avec cinq ou six étapes, comme cela se fait; le
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
fonctionne comme cela et on n'a pas trop de problèmes, parce que la
population ne souffre pas trop. On est au courant de cela. Les services
essentiels dans les hôpitaux, c'est une tout autre affaire. Vous devez
prendre votre responsabilité, avoir le courage de restreindre le droit
de grève pour le rendre sélectif.
M. le Président, ce ne sont pas juste les francophones qui sont
intéressés par ce projet de loi no 72. Je voudrais terminer en
citant un article d'un journal anglais, parce que, tout de même, la
population anglophone est également très intéressée
à ce débat. Les écrits du journal, je vais les citer,
parce que je les accepte totalement. Je cite: "An essentially weak law. One is
left wondering, what will happen to patients in hospitals while all this heavy
machinery is gearing up. Would it not have been much better for the Government
to withdraw the right to strike for anyone directly involved in patient care?
Surely, nearly all services are essential in hospitals, homes for the aged, the
chronically ill and the handicapped. The assumption that these people can do
with less during a strike is inhuman. "If there is a transit strike or a Hydro
strike, the Government may see fit to issue an order that certain undefined
essential services be maintained. But only if such a strike endangers public
health or safety. "That is just not good enough. This timorous and untenable
piece of legislation needs drastic strengthening. Without that, it will remain
a mockery of its stated purpose of affirming citizens' "fondamental right to
essential services."
M. le Président, je remercie surtout le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour m'avoir
écouté religieusement. J'espère qu'il a appris quelque
chose, parce que je suis certain que, dans son comté, il y a des
institutions, des hôpitaux et des centres d'accueil. Quand il va
rencontrer ces gens plus tard, il pourra s'expliquer. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.
M. Pierre Marois (réplique)
M. Marois: M. le Président, j'avais mentionné, au
début de mon intervention hier matin, qu'à peu près tout
avait été dit et écrit sur ce sujet absolument fondamental
qui concerne, au premier chef, les citoyens. Je pense bien que, tout au long de
cette journée, les principaux arguments de fond ont été
repris de part et d'autre. Encore une fois, je pense bien que tout a
été dit. Après avoir écouté, quand
même religieusement, le député de Louis-Hébert, non
seulement tout a été dit, mais aussi n'importe quoi dans certains
cas.
Excluant l'intervention, que je m qualifierais même pas, du
député de Louis
Hébert et une certaine partie de l'intervention du
député de Sainte-Anne, je reviens aux interventions plus
substantielles des membres de l'équipe ministérielle et des
députés de l'Opposition. Nous sommes tous d'accord,
fondamentalement, sur ceci: Le moment est venu au Québec de consacrer
dans les faits le droit des citoyens à la primauté des services
essentiels; au premier chef dans les services sociaux et dans les services de
santé, mais également - et c'est une dimension
complètement nouvelle - dans les services publics. (1 heure)
Nous divergeons d'opinions, nos amis d'en face et nous-mêmes,
quant aux moyens à prendre pour y arriver. Nous, de ce
côté-ci, proposons fondamentalement de capitaliser sur l'acquis,
sur l'expérience vécue de la société
québécoise en corrigeant les lacunes importantes qui y ont
été décelées, en faisant tout ce qui est
humainement possible pour que cessent les cas d'abus qui ont pu se produire, en
faisant en sorte également qu'on instaure un contrôle externe
permanent, ce qui prend la forme du conseil des services essentiels dont la
composition et les pouvoirs sont modifiés, changés de
façon substantielle, comme vient de nouveau de l'évoquer il y a
quelques instants, mon collègue le député de Rosemont.
Tout cela supposant aussi - et il est important de le rappeler, parce que les
députés de l'Opposition ont souvent passé cela facilement
sous silence, balancé cela du revers de la main - que l'État
québécois, que le gouvernement du Québec assume, lui
aussi, pleinement ses responsabilités, étant au premier chef
chargé de l'intérêt public.
Le député de Jean-Talon, dans son intervention, a dit que
le projet de loi constituait une amélioration. C'est déjà
une admission intéressante et j'en prends acte. De l'autre
côté, en face, on pense possible d'y arriver, d'atteindre cet
objectif fondamental par l'abolition sélective du droit de grève
dans certains établissements où se trouvent des
bénéficiaires, notamment parmi ceux qui sont les plus
démunis, on doit l'admettre. Par l'abolition sélective du droit
de grève également, dans certaines unités ou services
d'hôpitaux à vocation multiple. Le député de
Jean-Talon lui-même, dans son intervention, a dit que leur propre
proposition d'abolition sélective n'était pas facile
d'application, et c'est évident; je le cite, il a dit:
"Fondamentalement, c'est là la position que l'Opposition et le Parti
libéral entendent prendre dans le débat, ayant expliqué
cette abolition sélective. Et il a ajouté: Non pas que nous
ignorions les difficultés pratiques ou même techniques que la mise
en place de cette orientation majeure puisse soulever." C'est
l'évidence; une telle proposition d'abolition sélective suppose
des problèmes d'application d'envergure. Je l'ai moi-même
évoqué dans ma première intervention ce matin. Le
député admet qu'il y a donc des problèmes d'application
technique, pratique, a-t-il dit, et j'ajoute: d'envergure. Mais c'est
là, de toute manière, une deuxième admission de la part de
l'Opposition et celle-là commence à être un peu plus de
taille.
J'enchaînerai en rappelant cette vérité
fondamentale: Quand on a le sens du concret, on ne perd jamais de vue
qu'ultimement, ce qui est en cause, ce sont des êtres humains,
malgré ce qu'a dit le député de Louis-Hébert; ce
qu'évoquait mon collègue, le ministre de Affaires sociales, et
c'est ceci: Abolir un peu beaucoup ou passionnément un droit n'a pas
pour effet automatiquement d'abolir la réalité. La nuance est de
taille parce que les faits et la réalité sont là.
Nous avons, les Québécois et les
Québécoises, encore un long cheminement à faire pour
atteindre, en ces matières, un niveau de conscience et de
responsabilité sociales, pour atteindre un niveau de maturité
qu'on a déjà pu noter dans certains pays européens et qui
fait que lorsque le droit de grève s'exerce, notamment dans des services
de santé, dans des services sociaux et même dans des services
publics, cet exercice est toujours accompagné d'un très haut
degré de reconnaissance du droit des hommes et des femmes de ces pays
d'obtenir les services fondamentaux auxquels ils ont droit. Ce long
cheminement, il ne nous faut pas le bloquer par des chambardements à
première vue généreux, mais terriblement risqués.
Il nous faut, au contraire, le favoriser en misant sur la confiance. Mais,
encore une fois, contrairement à ce que les députés de
l'Opposition ont dit, non pas une confiance aveugle, mais en gardant l'oeil
ouvert de façon vigilante, en misant sur le sens des
responsabilités. Encore une fois, et contrairement à ce que les
députés de l'Opposition ont dit, non pas une
responsabilité laissée ultimement entre les mains des syndicats,
une responsabilité surveillée tant et si bien que si des cas
d'abus se présentent ou risquent de se présenter qu'il soit
possible d'y pallier avant que le droit de grève soit acquis. Je me
permets de le rappeler notamment au député de Sainte-Anne, c'est
écrit textuellement dans le texte de loi, et c'est important de le
rappeler.
Si cela devait se produire en période de grève, qu'il soit
possible d'intervenir de façon rapide par des moyens souples, efficaces.
Mais le bouquet de ce que j'ai entendu de la part de l'Opposition - et
ça m'étonne que ce soit venu de la députée de
L'Acadie - c'est cette affirmation concernant le recours collectif. Elle a dit
que nous l'introduisions comme une panacée et ce fut repris par le
député de Marguerite-Bourgeoys qui, lui, a dit: C'est cynique. La
cassette a
été, par la suite, reprise par d'autres
députés laissant entendre en tenant compte de la façon
dont c'est introduit dans le projet de loi que le gouvernement, n'étant
pas sûr de son coup, se débarrassait de ses
responsabilités, balançait cela du côté des
citoyens.
Non seulement c'est le bouquet, une telle affirmation, mais ça
permet de déceler et de mettre le doigt sur la faiblesse et la faille
majeure de la position adoptée par l'Opposition. D'une part parce que
c'est inexact; il ne s'agit absolument pas - et ceux et celles qui se donnent
la peine de lire le projet de loi le savent fort bien - par des amendements
à la loi sur le recours collectif, de s'en remettre aux citoyens pour
l'application de la loi; le projet de loi contient déjà
suffisamment d'éléments nouveaux qui ont du mordant pour
démontrer la détermination du gouvernement du Québec
à appliquer ses lois. Il faut plutôt y voir un
élément additionnel qui aura comme effet de dissuader des
comportements irresponsables, et si cela devait se produire, de punir les
coupables par d'autres moyens - et j'insiste -qui s'ajoutent aux
pénalités déjà augmentées, individuelles,
collectives qui s'ajoutent dans le projet de loi et qui seront incluses dans le
code. Ces amendements à propos du recours collectif visent à
rendre simplement applicables, plus expéditifs, plus efficaces les
recours en vertu de cette loi, et à exposer réellement les
contrevenants à l'obligation de dédommager - comme c'est
prévu dans notre droit - les personnes lésées par
l'interruption illégale de services.
Il nous est apparu important dans cette réforme, qui touche
d'aussi près les citoyens de les associer, je me permets de le rappeler
- ce qui est aussi nouveau - à l'application du nouveau régime.
Ceci est fait de trois façons: d'une part, par leur
représentation sur le conseil des services essentiels,
deuxièmement, en leur fournissant toute l'information qui leur est
nécessaire, et, enfin, par des modifications à la loi sur le
recours collectif. Et lorsque je dis que c'est le bouquet, regardons
concrètement les deux moyens proposés pour atteindre l'objectif:
le moyen proposé par l'Opposition et le moyen proposé par le
gouvernement; mais regardons cela dans le concret, pas à travers du
placotage, pas à travers du verbiage. (1 h 10)
Prenons un exemple bien concret pour qu'on se comprenne. Prenons le cas,
justement, d'un de ces établissements où se retrouvent certains
de nos collègues et des citoyens lourdement hypothéqués
qui ont peu ou pas d'autonomie personnelle et qui sont justement parmi les plus
démunis. Selon la proposition contenue dans le projet de loi du
gouvernement, il y aurait une entente ou une liste établie sur une base
locale, à la lumière de ce qui va servir d'encadrement qui serait
le protocole-cadre. Prenons la pire des hypothèses; imaginons un instant
que dans cet établissement très concret, très
précis, cette liste serait insuffisante, considérée comme
telle, avant - je le répète - que le droit de grève ne
soit acquis. Le conseil interviendrait, le soulignerait aux parties,
interviendrait par médiation pour aider les parties à corriger la
situation, avant que le droit de grève ne soit acquis. Il ne
réussit pas. Prenons toujours la pire des hypothèses. Un rapport
est fait et un rapport public au ministre du Travail, les données seront
étalées au grand jour. Les citoyens auront accès à
cette information. Le gouvernement prendra ses responsabilités, la loi
est claire, le gouvernement suspend par décret le droit de grève
pour une période indéterminée. Prenons encore la pire des
hypothèses. On voit bien que tout le mécanisme prévoit que
le processus est mis dans un entonnoir pour faire en sorte qu'en fin de compte,
ce soit là des cas purement d'exception, parce que toutes les mesures
possibles et imaginables, tous les efforts humainement possibles auront
été faits pour limiter au maximum ces cas possibles.
Prenons le pire. Un débrayage illégal se produit. À
ce moment, toute la batterie des mesures prévues sera utilisée,
ce qui implique l'injonction, le pouvoir est prévu dans la loi, les
sanctions pénales, individuelles et collectives qui ont
été haussées de façon substantielle, des mesures
disciplinaires peuvent être prises par les responsables d'un
établissement. Et on nous dit que ce serait cynique, que c'est une
panacée que de faciliter une procédure qui est le recours
collectif, qui permet simplement à des hommes et à des femmes,
à des citoyens, de pouvoir exercer légitimement un droit qui leur
est reconnu par le Code civil au Québec et qui demeurait un droit de
papier. L'Opposition nous dit qu'elle est contre cela, que c'est un
détail, que ça remplace tout le reste, fait semblant que tout le
reste n'existe pas, qu'il n'y a que cela, que c'est cynique de
reconnaître ce droit aux citoyens, je ne crois pas. C'est un droit
reconnu par le Code civil, et il est normal que le gouvernement prenne les
moyens pour faire en sorte que ce recours, le droit des hommes et des femmes
d'obtenir un dédommagement quand c'est légitimement fondé
en droit, ils puissent l'obtenir de façon rapide, efficace et que le
recours collectif devienne encore plus accessible.
On vient de prendre, à partir d'un exemple concret, le
déroulement du mécanisme prévu par le projet de loi no 72.
Regardons maintenant l'application du moyen qui nous est proposé par
l'Opposition: abolition sélective dans le même
établissement où se trouve la même clientèle,
où se trouvent ces gens qui ont peu
ou pas d'autonomie parmi les plus démunis. Abolition
sélective, ne jouons pas sur les mots, elle est sélective tant
qu'on voudra, mais c'est l'abolition. Comme j'ai dit, l'abolition d'un droit,
comme le rappelait aussi mon collègue avec justesse, n'équivaut
pas automatiquement à l'abolition d'une réalité. Prenons
toujours - l'Opposition aime les scénarios du pire - le scénario
du pire. Le droit de grève est aboli. Il n'y a pas de droit de
grève. Arrive le pire, s'il n'y a pas de droit de grève quand
arrive le pire, un débrayage illégal, exercice illégal du
droit de grève. Ce qui s'est produit d'ailleurs dans d'autres provinces,
pas besoin d'aller chercher bien loin. Quand ça a débrayé
en Ontario où le droit de grève était illégal, on a
vu ce que ça a donné. Quand ça a débrayé, il
n'y a pas si longtemps, dans une province maritime, on a vu ce que ça a
donné comme résultat. Le droit de grève était
illégal, quand cela s'est produit dans l'Ouest il n'y a pas si
longtemps, on a vu ce que ça a donné. Et si on veut remonter un
peu plus loin, que je sache, les pompiers à Montréal en 1961, si
ma mémoire est bonne, quand s'est produit le fameux week-end rouge, tout
le monde se souviendra que les pompiers n'avaient pas le droit de grève,
que je sache. Ne jouons pas sur les mots, ne trompons pas les citoyens
derrière une idée qui semble à première vue
généreuse: s'il n'y a pas de droit de grève lorsqu'il y a
un débrayage illégal, par définition ne me parlez pas de
services essentiels, il n'y en a pas. Là, c'est dans tous les cas. Il
n'y a pas de processus de prévu, il n'y a pas d'encadrement de
prévu, il n'y a pas de balises, il n'y a aucun mécanisme qui a
mis tout cela dans l'entonnoir pour limiter au maximum les cas possibles
d'abus. C'est l'abolition sélective, il n'y a plus de droit de
grève. Donc, par définition, il n'y a pas de services essentiels.
Imaginons même- mais l'Opposition ne nous l'a même pas
proposé- qu'ils auraient prévu dans leur proposition toute la
batterie des sanctions pénales individuelles, collectives qui sont
prévues dans le projet de loi no 72, mais ils ne nous les ont pas
proposées. Ils vont même se prononcer contre le projet de loi,
donc forcément contre ce qu'il contient. On verra les détails en
commission parlementaire. Ce n'était pas contenu dans leur proposition,
que je sache. Imaginons qu'ils l'auraient même prévu et que toute
la gamme, toute la batterie des sanctions se met en marche. On nous dit que ce
serait cynique, que c'est une panacée. Bien sûr, ils ne l'ont pas
prévu, ils ne l'ont pas proposé, ils n'avaient même pas
pensé avant nous à l'introduction du principe du recours
collectif au Québec. C'est nous qui l'avons fait, c'est nous qui
proposons de l'améliorer. Ils ne nous proposent pas cela; ils nous
disent que c'est une panacée et que c'est cynique. Ils se prononcent
contre. Alors, quoi? Ce serait cynique, ce serait une panacée et
même dans l'hypothèse du pire dans leur proposition - on voit
à quel point et où elle pourrait mener sur le plan strictement
des faits de la réalité, non pas du placotage - ce ne serait pas
un droit normal pour les citoyens de pouvoir, encore une fois, exercer leurs
recours légitimes et d'obtenir ce à quoi ils ont droit de
dédommagement. Je crois que c'est autre chose que d'être cyniques,
que c'est autre chose qu'une panacée. Non, vraiment, cela mène
à un cul-de-sac.
Je pense que nous avons pris le temps qu'il fallait pour aboutir non pas
sur quelque chose qui aurait la prétention d'être la solution
absolue; jamais, je n'affirmerais une chose comme celle-là. On ne
prétend certainement pas être le département des miracles,
on laisse cela à d'autres.
Je voudrais, en passant, remercier mes collègues de ce
côté-ci de la Chambre qui ont travaillé avec moi pendant
des mois et des mois pour essayer de mettre au point la meilleure formule
possible, capitalisant sur l'acquis pour faire en sorte de traduire dans le
concret le principe de la primauté du droit des hommes et des femmes du
Québec d'avoir leurs services essentiels.
Nous avons préféré aller au-delà de ce qui
peut paraître alléchant, tape-à-l'oeil, spectaculaire
à première vue pour aller plutôt au fond du
problème, en se basant sur les faits, sur la réalité, sur
les préoccupations légitimes et fondées des citoyens du
Québec.
Je réitère en terminant, M. le Président, mon appel
à la bonne foi de base et au sens des responsabilités des
parties. Je sais qu'elle existe, les faits sont là pour nous le prouver.
Elle existe et nous entendons en faciliter le développement. Nous sommes
aussi déterminés comme gouvernement à faire en sorte que
tout ce qui est humainement possible soit fait pour que se traduise dans les
faits cette primauté du droit des citoyens d'obtenir leurs services
essentiels. Nous voulons le faire avec les parties patronales, avec les parties
syndicales. Nous voulons aussi y associer les citoyens et les citoyennes du
Québec. Mais par ce projet de loi, nous nous donnons aussi le cas
échéant, si nécessaire, les outils requis pour faire en
sorte que l'intérêt public prévale, en souhaitant que ce ne
sera pas nécessaire de recourir à ces moyens ou, en tout cas,
purement de façon exceptionnelle. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la
deuxième lecture de ce projet de loi no 72 est adopté?
M. Brassard: M. le Président, nous voudrions un vote
enregistré que nous vous demandons, par la même occasion, de
reporter à la séance de ce matin.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, à la
prochaine séance, qui sera celle de ce matin, le 9.
M. Brassard: Je propose l'ajournement de nos travaux à 10
heures ce matin.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont
ajournés à ce matin 10 heures.
(Fin de la séance à 1 h 21)