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(Dix heures dix minutes)
Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!
Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir. Affaires courantes.
Déclarations ministérielles. M. le ministre d'État...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de
règlement.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une
question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je voudrais
tout simplement attirer votre attention sur les dispositions de l'article 179
de notre règlement. Vous me permettrez de lire au moins le premier
paragraphe; je ne veux pas retarder les travaux de la Chambre. "Pendant au plus
cinq minutes, un ministre peut, sur un sujet d'intérêt public,
présenter une déclaration ministérielle." Ensuite, une
copie est envoyée aux chefs des partis. Je ne veux pas me plaindre du
fait que le ministre n'ait pas fait parvenir une copie de sa déclaration
ministérielle, nous l'avons reçue, nous en avons pris
connaissance. Mais je voudrais attirer l'attention de la présidence...
J'imagine que la présidence a dû en recevoir une copie.
Le Président: Jamais, en aucun moment je n'en
reçois.
M. Levesque (Bonaventure): Le président n'a pas...
Le Président: Ce privilège.
M. Levesque (Bonaventure): ... ce privilège. Mais je peux
lui faire parvenir ma copie. M. le Président, si vous vouliez en prendre
connaissance, vous verriez qu'il y a là, non pas dans sa forme du moins,
les éléments essentiels d'une déclaration
ministérielle. Vous avez là tout un chapitre, presque une partie
de Bâtir le Québec no 3, je ne sais pas quoi! À la lecture,
vous verrez qu'il y a à peu près 90% de cela qui ont
déjà été connus et annoncés.
Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que je suis
obligé, dans les circonstances, d'insister pour que le ministre, s'il
veut absolument en faire une déclaration ministérielle, s'en
tienne rigoureusement au règlement, c'est-à-dire qu'il prenne au
plus cinq minutes pour nous faire part de cette déclaration.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, il s'agit d'un sujet, vous
le noterez, puisque vous n'êtes pas encore au courant du contenu de la
déclaration ministérielle, d'une importance majeure. Je voudrais,
me prévalant des rires de l'Opposition, dire que, puisqu'il sera
question d'une déclaration ministérielle sur les questions
économiques, il ne s'agit pas d'un sujet majeur. Mais, malgré ces
rires, le ministre d'État au Développement économique,
prenant en considération certains éléments soulevés
par le leader de l'Opposition relatifs à l'article 179, fera tout en son
possible pour que sa déclaration ministérielle puisse
effectivement être contenue à l'intérieur des
paramètres fixés par l'article 179.
Je ne voudrais pas, pendant que la déclaration sera faite, qu'il
y ait un débat de procédure là-dessus, mais je crois
qu'à toute fins utiles, s'il devait y avoir quelques minutes
supplémentaires à cause de l'importance du sujet, on aura
évidemment la même attitude face au membre de l'Opposition qui
aura à répondre au ministre d'État au Développement
économique.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Si, dans une déclaration
ministérielle, on apporte des faits nouveaux, importants, une politique
nouvelle - c'est pour ça, une déclaration ministérielle -
je suis d'accord, et même, nous donnerions notre consentement pour
dépasser les cinq minutes; il n'y a rien là. Mais, si le ministre
nous lit cette déclaration, il ne se rendra pas au bout parce que,
après cinq minutes, il n'en aura pas lu la moitié. Il s'agit
là d'un catalogue de choses, de la philosophie, de l'historique, des
statistiques, du fédéral, toutes sortes de choses.
Le Président: Je prends acte des déclarations des
deux leaders et je voudrais dire à cette Assemblée qu'en aucun
moment la présidence ne reçoit, comme c'est le privilège
de l'Opposition, une copie de la déclaration ministérielle qu'un
ministre entend faire. Une chose qui serait peut-être
à améliorer dans notre règlement serait que la
présidence elle aussi reçoive cette déclaration
ministérielle pour qu'elle puisse juger éventuellement si cette
déclaration est conforme aux critères mentionnés à
l'article 179. Comme ce n'est pas le cas actuellement, je dois donc
présumer - c'est une présomption juris tantum - que cette
déclaration est conforme à l'article 179, mais je demande, si la
chose est possible, à l'avenir, de me faire parvenir copie de la
déclaration pour que la présidence puisse en prendre
confidentiellement connaissance. M. le ministre d'État...
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Très brièvement, je suis
sûr que j'aurai l'appui du leader parlementaire du gouvernement pour
faire motion formellement pour qu'à l'avenir - ceci pourra être
inclus dans les dispositions de notre règlement et dans les discussions
qui auront sans doute lieu dans les prochains mois à ce sujet - d'ici
à la fin de la session... Évidemment, on ne s'engage pas
tellement à ce moment-là, j'imagine, mais, s'il y en a qui
prennent l'exemple du ministre d'État au Développement
économique, ce serait peut-être pratique.
Je fais motion, M. le Président, pour qu'à l'avenir les
honorables membres du cabinet, lorsqu'ils ont une déclaration à
faire, ajoutent le nom du président dans la liste de ceux à qui
ils doivent faire parvenir copie de cette déclaration.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, sans problème aucun.
D'ailleurs, on pourra, lors de la réunion de la commission de
l'Assemblée nationale, cet été, procéder à
des améliorations de notre règlement et vous faire partager, avec
nous, les joies de lire les déclarations ministérielles avant
qu'elles ne soient communiquées à la population. Mais si, ce
matin, le leader de l'Opposition considérait qu'il y avait, à un
moment donné, un petit accroc à l'article 179, je crois
qu'effectivement il faudra, durant l'été, voir à
préciser davantage ce qu'est cet article 179, sa portée et ses
limites.
Le Président: Une dernière intervention, s'il vous
plaît! En ce qui concerne le temps alloué aux ministres et
à l'Opposition, je dois vous rappeler que la présidence a
toujours fait preuve d'une certaine tolérance pour le parti
ministériel et pour celui qui réplique en ce qui concerne le
nombre de minutes.
M. Levesque (Bonaventure): ...
Le Président: C'est peut-être plus grave. Je le
verrai tout à l'heure. Mais, de toute façon, on s'est souvent
rendu à six, sept ou huit minutes, de part et d'autre, et la
tolérance a toujours été de mise dans ces cas-là,
des deux côtés.
M. le ministre.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous me
permettrez simplement d'ajouter....
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): ... que cette tolérance est
toujours...
Une voix: Avec le consentement.
M. Levesque (Bonaventure): ... acceptée, de part et
d'autre. Mais, lorsqu'elle ne l'est pas, il n'y a plus de tolérance. Il
y a le règlement.
Le Président: M. le ministre d'État au
Développement économique.
M. Landry: M. le Président, quelques minutes sur une
question de règlement avant de passer au texte de la déclaration,
d'abord, pour vous remercier...
Des voix: ...
M. Landry: Question de règlement.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:
M. Landry: Je veux vous remercier de vos sages avis
préalables et vous dire que je suis très heureux si une
déclaration à caractère économique de cette nature
allait créer un précédent en cette Chambre et
établir solidement que la présidence en recevra le texte à
l'avenir.
Je remercie également le leader de. l'Opposition pour les
opinions qu'il m'avait si courtoisement communiquées avant l'ouverture
de la Chambre et les paroles empreintes de connaissance de l'esprit de nos
règles qu'il a adressées à la présidence.
Création d'emplois, aide à
l'entreprise et stimulation
de l'économie
M. Bernard Landry
Maintenant, je voudrais livrer, M. le Président, à vous et
à cette Chambre, le fond de ce dont il s'agit.
L'ensemble des pays industrialisés subissent en ce moment la pire
crise
économique qu'ils aient connue depuis près de un demi
siècle. Il y a actuellement 30 000 000 de chômeurs dans les pays
développés de l'Occident, dont plus de 10 000 000 aux
États-Unis d'Amérique.
Au Canada, la situation est pire encore en raison des effets de la
politique monétaire. Alors que nous vivons le taux
d'intérêt le plus élevé depuis 1948, nous subissons
également le plus haut taux de chômage depuis que nous avons des
statistiques. 1 250 000 Canadiens sont aujourd'hui en chômage, c'est
près de 50% de plus que l'an dernier à la même date.
Le Québec a été le premier à subir les
effets de la politique des taux d'intérêt élevés
à cause de sa structure industrielle, mais ces effets se
généralisent maintenant à l'ensemble du Canada. Selon les
dernières données de Statistique Canada, le nombre de
chômeurs a augmenté de 33% au Québec depuis douze mois,
alors qu'il augmentait de 46% dans le reste du Canada. En Alberta, le taux de
chômage a doublé depuis quelques mois.
Dans cette tourmente, le gouvernement du Québec ne peut se
résoudre à attendre que le vent tourne. Bien que dans le
régime actuel il ne dispose pas des principaux instruments de la
politique économique, notre gouvernement, tout en le déplorant,
n'en a jamais fait un prétexte pour ne rien faire. C'est si vrai que la
population a parfois à notre endroit des attentes qui ressemblent
étrangement à celles que les citoyens ont vis-à-vis d'un
gouvernement national.
C'est dans cet esprit que, depuis plusieurs mois, nous avons
cherché de notre mieux les moyens de pallier les effets de cette crise.
Tout d'abord, le 18 décembre dernier, nous avons tenté, lors de
la conférence annuelle sur l'état de l'économie, de lancer
un cri d'alarme aux autorités fédérales. En
février, nous avons proposé au gouvernement
fédéral, lors de la conférence des premiers ministres sur
l'économie, de s'associer à nous dans un programme d'urgence pour
soutenir l'économie.
Malgré nos efforts soutenus et des rencontres
ministérielles avec M. Lalonde en particulier, et par la suite avec
leurs fonctionnaires, nous avons essuyé pour l'essentiel un refus total.
À partir de ce moment, il fallait trouver les moyens, et il s'agit bien
de moyens au sens strict, c'est-à-dire l'argent pour agir seul.
Le budget déposé il y a deux semaines était le
résultat d'une démarche de concertation tenue au sommet de
Québec, au mois d'avril. Nous sommes donc aujourd'hui en mesure de
présenter un programme de création d'emplois, d'aide aux
entreprises et de stimulation de l'économie, qui, dans le court terme,
essaiera tout au moins de limiter le gâchis et les dégâts
que je viens de décrire et aussi d'ouvrir certaines voies de
progrès vers l'avenir.
Pratiquement la totalité de la marge de manoeuvre
dégagée par les diverses opérations qui ont
caractérisé le budget sera affectée à ce
programme-. Le programme est divisé en deux grands volets. Le premier
vise la création directe d'emplois. Un premier grand . bloc permettra de
consacrer 42 000 000 $ de crédits additionnels à la
création d'emplois essentiellement destinés à des
personnes hors du marché du travail depuis longtemps et dont bon nombre
sont réduites à l'aide sociale. Le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation consacrera 6 000 000 $
de plus afin de rembourser 50% des salaires des bénéficiaires
d'assistance sociale et des chômeurs qui seront embauchés cet
été par des producteurs agricoles.
Le ministère de l'Environnement consacrera 5 000 000 $
additionnels à des subventions aux municipalités et à des
organismes parrains. Le ministère des Travaux publics affectera 3 000
000 $ de plus à l'embauche de travailleurs pour divers travaux de
conservation du réseau routier en région. Le ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche dépensera 8 000 000 $ de plus
pour divers travaux d'entretien d'équipements de loisirs et
d'immobilisations. Le ministère des Affaires culturelles consacrera 2
000 000 $ additionnels à l'embauche de personnes pour diverses
tâches d'accueil, de classement et d'animation.
Le ministère de l'Énergie et des Ressources injectera,
pour sa part, 6 000 000 $ de plus dans le maintien des emplois en scierie et
dans divers travaux forestiers de mise en valeur. Le ministère du
Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, enfin,
ajoutera 12 000 000 $ de plus au nouveau programme Chantier-Québec pour
la réalisation de divers projets.
Ce premier bloc créera environ 12 400 emplois dont la
durée variera de quatre à six mois. Il s'agit, bien sûr,
d'emplois temporaires, mais dans le contexte actuel ce n'est pas
négligeable. Un deuxième bloc, à l'intérieur du
premier volet, s'adressera à des clientèles plus diverses et
permettra d'affecter 73 000 000 $ à la création d'emplois, dont
17 000 000 $ de crédits nouveaux par rapport au budget. Ce bloc contient
les crédits déjà annoncés pour le bon d'emploi pour
les jeunes diplômés sans travail, pour le programme de retour au
travail, pour le programme de services externes, etc. Si nos propositions sont
acceptées par le gouvernement fédéral, 8 000 000 $ de
crédits additionnels seront consacrés à des emplois
destinés à des chômeurs dans les secteurs de la
forêt, de la pêche et des mines.
Par ailleurs, 2 500 000 $ de crédits additionnels seront
affectés à l'Office des
personnes handicapées pour la création d'emplois en
centres de travail adaptés, pour faciliter l'intégration
professionnelle des handicapés par les employeurs et pour augmenter le
personnel des organismes de promotion de la personne handicapée. 2 500
000 $ de plus seront versés à certains organismes du
réseau des affaires sociales. 4 000 000 $ de crédits additionnels
seront affectés à la consolidation et au développement des
services de garderie.
Le deuxième grand volet du programme contient une série de
mesures d'aide à l'entreprise et de stimulation de l'économie. La
plus connue est le fonds d'aide aux PME gui leur garantit des prêts et
réduit les taux d'intérêt qui leur sont consentis. Des
crédits de 15 000 000 $ en 1982-1983 permettront d'injecter sur deux ans
environ 200 000 000 $. Le deuxième bloc important de ce volet concerne
la relance de la construction. Les grandes lignes en ont déjà
été communiquées, comme chacun le sait, par les
collègues intéressés hier. Un troisième bloc dans
le volet d'aide à l'entreprise permettra d'amorcer la mise en oeuvre
dès cette année des nouvelles orientations contenues dans Le
virage technologique qui constitue le programme d'action économique du
gouvernement pour les quatre prochaines années.
En plus de diverses mesures intégrées aux crédits
réguliers, des crédits additionnels de l'ordre de 28 000 000 $
seront affectés à cette fin, dont 2 000 000 $ pour
l'intégration de diplômés en administration dans les PME; 1
500 000 $ pour l'aide à la gestion-marketing; 10 000 000 $ pour le
nouveau programme d'innovation-recherche de la SDI et qui s'appliquera
notamment aux entreprises en électronique; 5 000 000 $ pour de nouveaux
programmes de développement des exportations, et près de 750 000
$ pour la création d'emplois liés à la recherche et au
développement. Également, des crédits additionnels de 3
000 000 $ pour la promotion touristique aux États-Unis et en Ontario.
Cette augmentation équivaut à 60% d'augmentation du budget de
promotion. Le bloc contient également des dépenses additionnelles
d'infrastructures et d'équipements de 2 500 000 $ en matière de
loisirs et de 3 000 000 $ de plus dans le fonds de développement
régional.
De plus, des montants extrabudgétaires seront investis par des
sociétés d'État.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys sur une question de règlement.
M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.
Je voudrais simplement, M. le Président, vous demander si vous avez
l'intention d'appliquer l'article 179.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, au-delà de la lettre du règlement, il y a
l'esprit et il y a également les traditions, les us et coutumes en cette
Chambre. Si on regarde l'article 179, paragraphe 2, alors que, dans le
paragraphe 1, on impose une limite de cinq minutes de temps à la
déclaration ministérielle du ministre, on parle, par contre,
d'une brève réplique, sans parler du nombre de minutes, pour
celui qui rétorque au nom de l'Opposition. Je sais fort bien, depuis un
an et demi que j'occupe cette fonction, que la réplique de l'Opposition
a été souvent au moins aussi longue que la déclaration
ministérielle et je l'ai toujours appliqué de cette façon.
Donc, en conséquence, il ne faudrait surtout pas appliquer à la
lettre l'article 179.1, mais l'interpréter en fonction des usages et
coutumes qui se sont établis en cette Chambre sur la réplique de
l'Opposition qui n'est pas limitée dans le temps, mais qui a toujours
été au moins égale au temps de la déclaration
ministérielle.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Mon collègue, le
député de Marguerite-Bourgeoys, vous a demandé si
l'article 179 s'appliquait encore, en d'autres termes. Si je comprends bien,
vous avez certaines hésitations à le faire appliquer d'une
façon - je n'ai pas terminé - stricte, M. le Président. Je
pense que le ministre d'État au Développement économique a
fait de grands efforts parce que, dans le fond, je suivais le texte et j'ai vu
qu'il a passé par-dessus de grands paragraphes; c'est un effort noble.
Je pense qu'il faudrait peut-être lui laisser terminer son intervention.
Je pense bien, M. le Président, qu'il aurait pu en échapper
encore quelques paragraphes et cela n'aurait pas été trop grave.
L'idée, là-dedans, M. le Président, et je ne veux pas en
faire un plat, l'idée, c'est que, la prochaine fois qu'un ministre aura
quelque chose d'inédit à dire, qu'il le dise dans les termes qui
sont nécessaires pour en faire part à l'Assemblée et non
pas nous livrer un autre volume. Comme on le sait, le gouvernement se
spécialise dans les livres, les volumes. En voici un autre.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je pense que c'était
une bonne idée pour le leader de l'Opposition de prendre deux minutes
pour souligner que le ministre d'État au Développement
économique en avait coupé quatre.
Le Président: M. le ministre d'État au
Développement économique.
M. Landry: De plus, M. le Président, des montants
extrabudgétaires seront investis par les sociétés
d'État en complément du programme. Dans le cadre de la
création directe d'emplois, Hydro-Québec et la
Société d'énergie de la Baie James affecteront 19 200 000
$ de plus dans des dépenses d'accélération de programmes
d'entretien, de réparation et de vérification d'infrastructures.
Pour sa part, au titre de l'aide à l'entreprise, la Caisse de
dépôt et placement injectera pour la première fois cette
année 40 000 000 $ dans le capital-actions des PME et réduira
ainsi leur recours à des emprunts catastrophiques étant
donné les taux d'intérêt. Au total, d'ici le 31 mars 1983,
le programme de création d'emplois, d'aide à l'entreprise et de
stimulation de l'économie contribuera à conserver et à
créer quelques dizaines de milliers d'emplois permanents ou temporaires.
Il prévoit des crédits budgétaires de 170 000 000 $ dont
100 000 000 $ sont des crédits additionnels par rapport au budget
déposé le 25 mai et devront faire l'objet d'un budget
supplémentaire à l'exception, toutefois, d'une réserve qui
est déjà prévue, mais non allouée, de 25 000 000 $.
Il représente aussi des dépenses extrabudgétaires
d'environ 60 000 000 $. Selon le succès du programme de relance de la
construction domiciliaire et du programme de garanties de prêt et de
réduction des taux d'intérêt aux PME, le programme pourrait
engendrer une augmentation de l'activité économique de 700 000
000 $ à 1 000 000 000 $ d'ici à la fin de l'année
fiscale.
Je comprends que j'ai peut-être créé un
précédent en dépassant de quelques minutes les cinq
minutes qui sont mentionnées au règlement, mais cette Chambre a
le strict devoir de considérer que la crise que nous vivons, elle, est
un précédent des 30 dernières années. (10 h 30)
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Reed Scowen
M. Scowen: Je ne prendrai certainement pas les douze minutes qu'a
prises le ministre d'État au Développement économique, M.
le Président, parce que, effectivement, après cette obstruction
ministérielle un peu pitoyable, on voit essentiellement et tristement
qu'il n'y a rien là. Effectivement, c'est un pot-pourri de la panique
conçu pour cacher un problème qui, malheureusement, est
extrêmement grave. Je veux simplement revenir un peu en arrière,
M. le Président, pour expliquer comment nous nous trouvons dans cette
situation aujourd'hui.
Cela fait maintenant cinq ans que nous avons souligné à la
population et au gouvernement l'affaiblissement économique du
Québec. Semble-t-il que c'est au mois de septembre passé,
d'après le ministre des Finances qui n'est pas ici aujourd'hui pour
écouter le discours du ministre des Finances no 2, que le gouvernement a
finalement pris connaissance de cette crise. C'est ce qu'il a dit dans son
discours sur le budget.
Depuis septembre 1981, il n'a rien fait. Au mois d'octobre, il y a eu
253 faillites ici au Québec et 17 000 emplois de perdus. Il n'a rien
fait. Au mois de novembre, il y a eu 372 faillites, 67 000 emplois perdus. Il
n'a rien fait. En décembre, il y a eu 305 faillites et 93 000 emplois
perdus. Il n'a rien fait. En janvier, il n'a rien fait. Il y a eu 353
faillites, 97 000 emplois perdus. En février, il n'a rien fait. On
n'était même pas en session, il y a eu 405 faillites, 130 000
emplois perdus, et j'en passe. Au mois de mars, il a commencé. Il nous a
donné un sommet économique, un mini-sommet économique,
avant-hier, sur l'habitation, deux motions de blâme contre le
gouvernement fédéral, un catalogue de réunions des
fonctionnaires coiffé d'un slogan qui date de 25 ans, Le virage
technologique, et c'est tout.
Aujourd'hui, dans un discours de douze minutes, qu'il n'a même pas
complété - ce fut un petit discours sur le budget s'inspirant du
ministre des Finances; on ne se comprend plus - il a proposé des
crédits additionnels. Dans ce grand document, effectivement, dans tout
ce que vous lisez là-dedans, essentiellement, ce que vous avez, c'est
une proposition de verser 60 000 000 $ ou 65 000 000 $ de crédits
additionnels dans les programmes d'emplois qui sont les plus temporaires,
très peu productifs, très à court terme et très
difficiles à évaluer. C'est effectivement la renaissance du vieux
programme OSE qui a été discrédité partout par la
population du Québec. C'est, si vous voulez, "OSE panique 1982" et,
malheureusement, cela ne va rien faire pour rétablir l'économie
du Québec.
On ne va pas parler en ce moment des détails du programme, parce
que je sais très bien qu'au moins nous autres nous devons respecter non
seulement le principe, mais la lettre de ce règlement. Je veux
simplement souligner deux ou trois points que je trouve très
importants.
Premièrement, dans son analyse - il faut le
répéter, parce que c'est une fausseté si évidente
que tout le monde doit en prendre connaissance - le ministre a dit que les
transferts du gouvernement fédéral vont baisser cette
année: "... les nouveaux arrangements fiscaux permettent au gouvernement
fédéral de réduire unilatéralement ses transferts
au Québec de 530 000 000 $, en 1982-1983..." C'est faux. D'après
les chiffres budgétaires de M. Parizeau lui-même, les transferts
fédéraux, l'année dernière, étaient de 4 568
000 000 $ et, cette année, ils seront de 4 918 000 000 $, donc une
augmentation de 350 000 000 $, non pas une baisse de 530 000 000 $ comme le
prétend le ministre. S'il n'a pas pris connaissance de cela, je peux lui
donner les chiffres contenus dans le discours sur le budget du ministre des
Finances.
En terminant, M. le Président, je veux simplement vous dire que
je pense que l'élément le plus symbolique de la tragédie
dans laquelle on se trouve aujourd'hui, c'est le dernier élément
du document du ministre où il propose que la Caisse de
dépôt et placement du Québec, qui est la gardienne de nos
fonds de retraite collectifs, soit appelée cette année, devant
cette crise, à investir les fonds des personnes qui prendront leur
retraite dans quelques années dans les actions de nos PME qui ne
paieront certainement pas des dividendes pour renflouer la caisse et qui sont
de nature très fragile, alors que, pour cela, nous avons
déjà des institutions québécoises capables de
relever le défi, notamment la Société de
développement industriel et la Société
générale de financement. Être obligé de descendre
aussi bas pour régler un problème que le gouvernement a
créé pendant cinq ans, je trouve cela honnêtement
tragique.
Des voix: Très bien.
Le Président: M. le ministre, une courte réplique,
s'il vous plaît!
M. Bernard Landry (réplique)
M. Landry: M. le Président, une des phrases les plus
méprisantes de l'histoire politique canadienne est attribuée
à C.D. Howe, et il avait dit: "What's a million:" Devant 70 000 000 $,
le député de Notre-Dame-de-Grâce, ce matin, vient de dire:
II n'y a rien là. Cela prouve que c'est pas mal mieux qu'il soit dans
l'Opposition que de côté-ci de la Chambre pour la sauvegarde de
l'économie. Il a aussi, malheureusement, ce qui n'aide pas à
régler la crise, tenté de revenir sur un vieux refrain que la
population a répudié. Tout le monde sait qu'entre 1976 et 1981
l'économie du Québec était dans une situation foudroyante
de rattrapage et que notre croissance a dépassé celle de
l'Ontario trois ans de suite, ce qui n'était jamais arrivé dans
l'histoire statistique du Québec.
Quand il parle de la Caisse de dépôt et qu'il
prétend que les 40 000 000 $ qui seront pris en équité
dans les PME québécoises mettent en péril les pensions
futures, le résultat net de ce qu'il dit, c'est un mépris
souverain, dont je l'ai toujours soupçonné d'ailleurs,
vis-à-vis de la PME québécoise. Comme si prendre des
actions dans une PME, c'était gaspiller de l'argent. Nous, de ce
côté-ci de la Chambre, on pense exactement le contraire, et c'est
pour ça que vous allez rester où vous êtes longtemps.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Landry: Une dernière phrase, M. le
Président.
Une voix: Cela fait mal.
M. Landry: Ce que nous venons de rendre public, c'est l'effort
d'un gouvernement provincial, un gros gouvernement provincial, mais qui n'a pas
les moyens d'un gouvernement national. Ce n'est pas notre faute si nous sommes
au statut provincial. Le jour où nous en sortirons, nous serons en
mesure d'agir beaucoup plus vigoureusement pour l'économie.
Le Président: Dépôt de documents.
Rapports annuels du Directeur
général
du financement des partis politiques
et du Directeur général
de la représentation
J'aimerais déposer, en deux copies, le rapport annuel 1981-1982
du Directeur général du financement des partis politiques, de
même que, en deux copies, le rapport annuel 1981 du Directeur
général de la représentation.
M. l'adjoint parlementaire au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu.
Rapport annuel de la CSST
M. Dean: M. le Président, conformément à la
loi, il me fait plaisir de déposer le rapport annuel 1981 de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail du
Québec.
Le Président: Rapport déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Mme la députée de Dorion.
Étude du projet de loi no 71
Mme Lachapelle: M. le Président, qu'il
me soit permis, conformément aux dispositions de notre
règlement, de déposer le rapport de la commission élue
permanente de la justice qui a siégé le 9 juin 1982 aux fins
d'étudier article par article le projet de loi no 71, Loi modifiant la
Loi sur l'aide juridique. Le projet de loi a été adopté
tel qu'amendé. Merci, M. le Président. (10 h 40)
Le Président: Rapport déposé.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
Présentation de projets de loi au nom des
députés.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: L'article c, M. le Président.
Projet de loi no 192 Première lecture
Le Président: M. le député de Groulx propose
la première lecture du projet de loi no 192, Loi modifiant la Loi
concernant La Confédération des caisses populaires et
d'économie Desjardins du Québec.
Est-ce que cette motion de première lecture sera
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Président: Deuxième lecture, prochaine
séance ou séance subséquente. Questions orales des
députés. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS Vegas 1 et
Vegas 2
M. Lalonde: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre de la Justice qui était à son siège il y a
quelques minutes. Est-ce qu'on pourrait m'indiquer s'il va nous rejoindre?
Bon!
M. le Président, le député de Joliette
était, il y a quelques années, membre d'une commission
d'enquête. Il était donc commissaire-enquêteur
assermenté pour enquêter sur une situation, tenu à la
confidentialité naturellement. Or, hier, au cours d'une période
des questions où des cas étaient soumis au gouvernement et qui
pouvaient toucher l'intégrité de ce gouvernement, dans une
intervention étonnante, l'ancien commissaire, qui est maintenant
député, s'est levé et, sous le couvert d'une demande de
directive à la présidence, a mentionné qu'il connaissait
un tas de choses qui pourraient être dangereuses pour certaines
personnes.
Une voix: Les libéraux.
M. Lalonde: Étant donné que cela se faisait au
moment où des députés libéraux posaient des
questions, de toute évidence, le but de l'intervention était de
laisser planer une menace ou des doutes sur l'intégrité
-l'intimidation, M. le Président, cela ne nous fait pas peur - de
membres de cette Assemblée. Le député terminait son
intervention douteuse de la façon suivante: "Sinon, je demanderai au
ministre de la Justice de déposer Vegas 1 et Vegas 2 et un certain
nombre de documents qui vont faire taire certaines personnes. Je laisse
à la population le soin de juger de la méthode, de la
qualité de la méthode."
Je demande au ministre de la Justice, premièrement, s'il a
déjà reçu une demande du député de Joliette
dans ce sens-là, de façon officielle. Deuxièmement,
peut-il nous dire ce que sont Vegas 1 et Vegas 2? Est-ce que ce sont des
opérations policières qui auraient dévoilé des
faits troublants sur des membres de cette Assemblée? S'il est en
possession de ces documents, de ces informations, comment se fait-il que,
depuis presque six ans qu'il est ministre de la Justice, il n'a pas pris les
mesures judiciaires nécessaires pour donner suite justement aux
accusations voilées du député de Joliette?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, je pense que, dans
l'art de laisser planer des doutes, le député de
Marguerite-Bourgeoys - c'est mon humble opinion - est passé beaucoup
plus maître dans ce domaine que le député...
M. Lalonde: M. le Président, question de
privilège.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, question de privilège.
M. Lalonde: Tout d'abord, en rappelant au ministre de la Justice
que c'est au Procureur général que je pose la question, M. le
Président. On a dit que le député deMarguerite-Bourgeoys laissait planer des doutes. Je me demande si on ne se
souvient pas du cas de Luc Cyr et de tout le scandale à la SHQ. Chaque
fois que j'ai porté une accusation ici, elle a été
prouvée et elle a été...
Le Président: M. le Procureur général et
ministre de la Justice.
M. Bédard: M. le Président, je n'ai pas à
répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. Le
député sait très bien à quoi je m'en tiens. Je
voudrais dire, en réponse à la première question du
député de Marguerite-Bourgeoys, que le député de
Joliette ne m'a jamais fait de demande dans le sens de celle qu'il a
évoquée.
Deuxièmement, concernant tout ce qui peut être des
enquêtes policières ou des enquêtes faites par des
commissions d'enquête, ma position a toujours été la
même et elle demeurera toujours la même, ce sont des documents, au
niveau des enquêtes, qui sont entre les mains du ministère de la
Justice. Lorsque des plaintes doivent d'être portées, elles le
sont et, quand il n'y en a pas de portées, c'est parce que l'analyse ne
permet pas qu'il en soit ainsi.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, en question additionnelle.
M. Lalonde: On parle de Vegas 1 et Vegas 2, ce ne sont quand
même pas des dossiers récents, c'est dans le temps où le
député de Joliette était membre de la commission Cliche en
1975, ça fait sept ans. Est-ce que le ministre de la Justice, depuis
près de six ans qu'il est là, peut quand même affirmer de
son siège que ces dossiers ne contiennent rien de troublant ou qui
pourrait entacher l'intégrité d'aucun des membres de cette
Chambre?
Le Président: M. le Procureur général.
M. Bédard: M. le Président, concernant ces
dossiers, je crois que des analyses ont été faites dans le temps
où nos amis d'en face occupaient la responsabilité
gouvernementale. Comme Procureur général, avec toutes les
responsabilités qui découlent de toutes les enquêtes qui se
font, je n'ai pas fait une analyse rétroactive de toutes les analyses
qui ont été faites du temps que nos honorables amis d'en face
étaient en place.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ... qu'est-ce qu'il y a de si terrible dans Vegas 1
et Vegas 2 qui pourrait faire trembler l'Opposition?
Le Président: M. le Procureur général.
M. Bédard: Peut-être que le député de
Marguerite-Bourgeoys pourrait le dire, mais il sait très bien qu'il y a
assez de travail à faire présentement concernant des
enquêtes en cours au niveau de l'ensemble du Québec, sans occuper
mes fonctions pour étudier rétroactivement des analyses qui ont
été faites sur des enquêtes et des dossiers qui avaient
cours lorsque l'Opposition occupait la responsabilité gouvernementale et
surtout lorsque le député de Marguerite-Bourgeoys occupait la
fonction de Procureur général. Est-ce qu'il m'invite à
revoir tout ça?
M. Lalonde: Peut-être.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Oui, j'invite le ministre d'abord, s'il accorde
quelque sérieux au député de Joliette, à revoir
tout ça et peut-être à rappeler au député de
Joliette qu'un commissaire-enquêteur, c'est un personnage sous serment
qui est tenu à la confidentialité et que son geste d'hier est une
preuve d'indignité et de manque d'éthique.
Le Président: M. le Procureur général.
M. Bédard: Si le député de Joliette a des
choses très précises à dire au Procureur
général, il sait qu'il a toujours la possibilité de le
faire et j'aviserai en conséquence selon le contenu. Je ne fais pas
d'étude rétroactive de toutes les décisions qui ont
été prises du temps que vous étiez là.
Le Président: Question principale, M. le
député de Gatineau.
La nomination des présidents
d'élection
M. Gratton: Merci, M. le Président. Le premier ministre,
faisant preuve hier de sa proverbiale générosité à
l'endroit de l'Opposition, répondait bien gentiment à ma question
sur la nomination des présidents d'élection lorsqu'il fut
malheureusement interrompu par des questions de privilège et de
procédure que soulevaient ses propos.
Je voudrais donc lui fournir une autre chance ce matin en lui
suggérant toutefois de rester calme, de façon à
éviter de passer à côté de la question, qui est fort
simple. Je demande simplement au premier ministre de m'expliquer comment, dans
le cas précis de L'Acadie en septembre 1981 - il ne s'agit pas de faire
le procès de l'histoire et remonter jusqu'à Adélard
Godbout - il en est arrivé à préférer M. Roland
Fortin pour remplacer le président sortant, M. Fernand Binet, alors que
ce dernier s'était mérité une note plus
élevée que M. Fortin aux concours oraux et écrits du
Directeur général des élections. Le premier ministre me
dira qu'il n'était pas informé des notes de ces examens, cela ne
change en rien le fait qu'il
ne pouvait quand même pas évoquer le manque de
compétence de M. Binet, qui était le président
d'élection sortant. De l'aveu du premier ministre mardi, dans une telle
situation, il consulte. (10 h 50)
J'aimerais tout simplement savoir du premier ministre, dans le cas
précis de L'Acadie, en 1981, qui il a consulté. A-t-il
parlé aux notables de l'endroit, au maire, au curé, aux
marguilliers, aux dames de Sainte-Anne ou aurait-il, à ma grande
surprise, demandé au personnel de son cabinet, peut-être bien
à l'homme de confiance du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin
lui-même, de vérifier la religion des candidats?
J'aimerais finalement savoir ce que ces supposées consultations
ont bien pu lui apprendre de plus que ce que le rapport du Directeur
général du financement des partis politiques ou les dossiers du
parti, dont il est le président et le chef même, lui ont appris,
c'est-à-dire que M. Fortin a versé une contribution de 150 $
à la campagne de financement du Parti québécois en
1980.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bertrand: On n'applaudit pas du tout.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais
vérifier. Je voudrais, en même temps, donner avis au
député que j'aimerais, si c'était possible, avoir,
peut-être au feuilleton, je ne sais pas, une liste de ces cas pour
voir...
Des voix: Ah!
M. Lévesque (Taillon): Après le
député de Maskinongé qui a fait son pèlerinage dans
les allocations de départ et qui nous promet un ou deux exemples par
semaine...
M. Picotte: Et ce n'est pas encore fini.
M. Lévesque (Taillon): ... là, maintenant, il y a
une espèce de nouvelle obsession...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): ... on voudrait faire le tour des
122 comtés. Je prends avis de la question. Je regarderai de quoi il
s'agit et on vérifiera.
M. Picotte: Je m'en vais à Sainte-Anne!
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Merci, M. le Président. Je me rends, comme
toujours, au voeu du premier ministre et je lui donne tout de suite un certain
nombre d'autres cas en lui demandant d'en prendre avis. Comté de Viau:
l'ex-agent officiel du Parti québécois a contribué trois
fois. Il semble que la somme de 150 $ revient toujours. J'imagine qu'il ne
s'agit pas d'un prix fixe.
M. Lalonde: C'est un code! Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Gratton: M. André Corneau a remplacé l'ancien
président avec quelques notes à peine de différence. On a
parlé du comté d'Arthabaska. On peut parler du comté de
Marguerite-Bourgeoys, représenté par ce noble personnage que le
premier ministre estime tant où le président d'élection
sortant a postulé, au premier concours...
Le Président: Question, s'il vous plaît!
Des voix: II répond à ce qu'on lui a
demandé.
M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.
Dois-je comprendre, de la demande que m'a faite le premier ministre, qu'on
devrait simplement faire cela entre nous, derrière le trône?
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Bertrand: M. le Président, question de
règlement.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je pense que tout le monde aura compris que le sens
de la demande du premier ministre indiquait que si le député
voulait effectivement obtenir des réponses à l'ensemble de toutes
ces questions relativement à toute une série de nominations, il
pouvait les inscrire au feuilleton. Le feuilleton, c'est public et il nous fera
plaisir de donner les réponses.
Le Président: J'ai également compris que
c'était le sens de l'intervention du premier ministre. Donc, question
additionnelle, M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je comprends mal que
l'étapisme soit si populaire de ce côté-là et qu'on
ne nous laisse pas nous-mêmes en profiter.
Laissons de côté les cas individuels, voici ce que je
demande au premier ministre. Est-ce que l'impossibilité dans laquelle il
se trouve de nous fournir des explications valables sur ces cas
spécifiques, ces cas d'espèce, ne révèle pas tout
simplement qu'il n'y a pas d'explication autre que de
constater que ce qu'il reprochait au gouvernement libéral
antérieurement...
Des voix: Question!
M. Gratton: ... il a une façon plus sophistiquée de
le faire pour en arriver exactement au même résultat? Je vous
ferai grâce de tout autre commentaire.
Le Président: S'il vous plaît!
Une voix: Cela suffit!
Le Président: M. le député de Gatineau, je
vous ai permis une question additionnelle et non pas une intervention. Question
additionnelle.
M. Gratton: Le premier ministre est-il au courant qu'en avril
1979 j'avais déposé un projet de loi qui portait le numéro
195 et dont les notes explicatives se lisent comme suit: "Ce projet a pour
objet de confier au Directeur général des élections la
nomination du président d'élection dans chaque district
électoral"?
Le premier ministre n'est-il pas d'accord pour dire que la meilleure
façon d'éviter ce genre de questions, ce serait simplement de se
retirer complètement du processus de nomination des directeurs de
scrutin et de laisser le Directeur général des élections,
qu'il a lui-même nommé, faire les nominations sans aucune pression
du gouvernement?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai bien
dit que c'était une étape, ce qu'on avait fait, qui, je crois,
est saprement plus respectable que ce qui prévalait comme tradition. Il
est évident qu'on ne sort pas complètement de certaines
habitudes, c'est sûr. Je dois dire au député que non
seulement je suis d'accord avec la perspective qu'il vient d'évoquer,
mais que c'est à cela qu'on vise d'arriver, et le plus vite possible,
à part cela.
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, je prends acte de l'intention
du premier ministre et je m'en réjouis. J'aimerais simplement lui
demander s'il ne nous accorde pas le mérite de l'avoir talonné
assez longtemps pour l'amener à pousser sa réflexion
jusque-là. Finalement, je veux lui demander, si effectivement il se rend
à ce souhait de ne plus avoir d'intervention politique quelconque dans
la nomination des directeurs de scrutin, s'il liera non pas seulement son
gouvernement à lui, mais les gouvernements ultérieurs qui
pourraient, je le souhaite, ne pas être péquistes.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, en cours de
route et bien avant que le député présente son
avant-projet de loi, on y avait pensé. Le ministre de la Justice
travaillait de ce côté.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Non seulement on y avait
pensé, mais c'est prévu comme la prochaine étape. Je pense
que cela a été mentionné récemment par le ministre
de la Justice. On a fait cette étape à partir d'un système
qui littéralement avait considéré depuis toujours, chaque
fois qu'un parti était au pouvoir dans la vieille tradition, que les
gens de l'Opposition devaient cesser, à toutes fins utiles, d'exister
dans des cas comme ça.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): II y avait un certain
rétablissement qui était nécessaire, mais plus vite on en
sortira, le plus je serai content, moi aussi.
Le Président: Question principale, M. le
député de Richmond.
L'acquisition de la mine d'amiante de Thetford
Mines
M. Vallières: M. le Président, ma question
s'adressera au premier ministre. J'aimerais bien qu'il ne se serve pas d'un
lanceur de relève, mais qu'il réponde lui-même à la
question que je vais lui poser. En tant que chef du gouvernement, en tant que
principalement intéressé dans la détermination des
priorités de son gouvernement, compte tenu des nombreux sacrifices que
le gouvernement que vous dirigez impose actuellement aux
Québécois, compte tenu du déficit de 1 300 000 $ de la
Société Asbestos Ltée pour l'année 1981 et du
déficit probable encore plus élevé en 1982, le premier
ministre pourrait-il nous indiquer s'il croit toujours que son gouvernement a
fait une bonne affaire en se portant acquéreur de la mine d'amiante
située à Thetford Mines pour y engloutir des dizaines de millions
de dollars sans créer un seul emploi?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, pour ce qui
est des questions de fait, je vais demander au ministre de l'Énergie et
des Ressources...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): Je répète encore une
fois ce que j'ai déjà dit, en dépit des glapissements
qu'on entend de l'autre côté à l'occasion. Formant une
équipe, il est normal que les ministres, nous, en tout cas...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît! M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Nous formons, M. le
Président, une équipe et il serait peut-être avantageux que
l'Opposition en prenne de la graine, quand on regarde ce qui se passe par les
temps qui courent.
Cela étant dit, avant de passer la parole, pour des
réponses en ce qui concerne la situation de fait, au responsable de ce
dossier qui est le ministre de l'Énergie et des Ressources, je vais
répondre sur le principe au député de Richmond. Oui, on
continue de croire que c'était une bonne chose. Dans un domaine
où les Québécois - y compris dans la région du
député de Richmond - ont eu comme vocation, à propos d'une
ressource stratégique où on est le deuxième,
troisième producteur du monde, de faire des trous et d'expédier
essentiellement la fibre à l'étranger après avoir
attrapé notre bonne part des maladies que ça peut donner, je
crois que c'était une bonne idée d'être partie prenante
dans l'exploitation de cette ressource d'un bout à l'autre. (11
heures)
II y a des difficultés actuellement qui sont dues au contexte
économique général, qui sont dues aussi à certaines
informations, si on veut, accompagnées de propagande, qui sont un peu
désuètes dans certains pays, surtout en Europe où on
marche avec l'état des choses tel que c'était quand on ne s'en
occupait pas et on croit, nous, que les perspectives, au contraire, à
mesure que la relance économique va venir - et elle doit venir
éventuellement - que les perspectives de l'amiante par rapport aux
substituts sont excellentes et qu'il s'avérera avant trop de temps que
c'était une sacrée bonne décision dans
l'intérêt général du Québec.
Pour ce qui est de la situation actuelle, je vais demander au ministre
de l'Énergie et des Ressources et, M. le Président, je crois que
c'est notre droit de compléter une réponse en demandant à
celui qui est responsable du dossier de la compléter.
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: Comme on dit dans une autre assemblée, "if you
feel it, stand up".
Des voix: Oh!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Duhaime: M. le Président, je ne sais pas si le
député de Richmond était intéressé aux
travaux de la commission parlementaire lorsqu'on a fait l'étude des
crédits du ministère de l'Énergie et des Ressources. Il a
été relayé par son collègue d'extrême gauche,
le député de Notre-Dame-de-Grâce, et cela nous a permis de
faire le point sur l'ensemble du dossier.
La Société Asbestos fait partie du groupe SNA avec la mine
Bell et je pense pouvoir dire, M. le Président, que, pour l'année
financière 1981 et possiblement l'année financière en
cours, la Société nationale de l'amiante affichera un bilan et
une performance financière probablement plus avantageux que ses propres
concurrents, dans une conjoncture mondiale, sur un marché international
- c'est le moins qu'on puisse dire - perturbé par une crise
économique. Je n'ajouterai pas que la situation des taux
d'intérêt met un frein à des programmes d'investissements
que des entreprises dans le secteur de l'amiante envisageaient.
Je voudrais cependant ajouter, M. le Président, puisque la
question porte sur le fond du dossier, sur la politique de l'amiante de notre
gouvernement, que la seule chose qu'on devrait tous déplorer ici
à l'Assemblée nationale, c'est que la mise en place de la SNA ait
été faite si tardivement. Cela aurait dû, de notre point de
vue, être réalisé il y a 30 ou 40 ans. Si le
député de Richmond veut se donner la peine de lire le programme
économique de son propre parti... J'ai l'habitude de l'avoir avec moi,
M. le Président. Je ne veux pas dire que c'est un livre qui accompagne
tous mes déplacements, mais c'est très intéressant, en
particulier sur l'amiante. Je l'aurai demain très certainement et je
vais le garder ici à l'Assemblée nationale. J'aurais aimé
pouvoir le citer. Je voudrais simplement rappeler, M. le Président, que,
si cette décision était à refaire, nous la referions avec
le regret de n'avoir pu le faire plus tôt. En aval, à l'heure
actuelle, grâce aux efforts de la SNA - et simplement de mémoire
ici - le projet MAGNAQ-1 de production d'oxyde de magnésium qui vient
d'être annoncé, les entreprises...
M. Vallières: J'ai une question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Richmond, sur
une question de règlement.
M. Vallières: Ma question très précise, M.
le Président, ne portait pas sur la Société nationale de
l'amiante et ce qu'il y a en aval et en amont. Elle portait sur l'achat d'une
mine située à Thetford Mines...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
S'il vous plaît! M. le ministre.
M. Duhaime: J'ai parlé de MAGNAQ-1. C'est la
première phase d'un projet de production d'oxyde de magnésium
d'une capacité de 6000 tonnes. Si la rentabilité fait ses
preuves, nous irons jusqu'à 60 000 tonnes d'ici à 18 mois dans le
projet phase 3. Je rappelle essentiellement la mise en place de l'usine FILAQ
à un mille de...
Une voix: À un mille de chez lui.
M. Landry: C'est une mauvaise décision de ma part.
M. Duhaime: Dans le comté de Richmond; la mise en place de
l'usine Lupel-Amiante, le nouveau consortium Descon International et, si
j'avais tout mon dossier ici, je pourrais continuer la liste; il y en a encore
trois ou quatre autres.
Ce que je veux faire ressortir, M. le Président, c'est que
l'arrivée de la SNA sur le marché de l'amiante a permis au
Québec des investissements en aval, ce qui ne s'était jamais fait
auparavant. Le deuxième élément, c'est que la SNA a
entrepris - et je dois saluer les efforts de mon prédécesseur -
un gigantesque effort de recherche et de développement depuis 1977 dans
le dossier de l'amiante au Québec, tant au centre de recherche de la SNA
qu'à l'IRDA, il s'est dépensé, à ce jour, une somme
cumulative de 10 000 000 $.
Avant 1977, sous le règne de nos amis d'en face, le montant de la
recherche et du développement était 4 , ce qui veut dire 0.
La troisième chose, M. le Président, tout récemment
avait lieu à Montréal, les 25, 26 et 27 mai, le premier Symposium
mondial sur l'amiante, organisé à l'instigation de notre
gouvernement, en collaboration étroite avec le gouvernement du Canada
que je salue, M. le Président, et en coopération avec la
Commission des communautés européennes, Bruxelles, Belgique, qui
a réuni au-delà de 700 participants de 49 pays différents,
des représentants syndicaux, des industriels, des médecins, des
scientifiques, des scientistes, des hommes de gouvernement. Il n'y a personne
qui a posé une question qui ressemble à celle du
député de Richmond...
M. Vallières: M. le Président, sur une question de
règlement.
M. Duhaime: ... qui consisterait à dire...
Le Président: M. le député de Richmond, sur
une question de règlement.
M. Vallières: M. le Président, j'invoque votre sens
du devoir pour indiquer au ministre s'il s'agit là d'une
déclaration ministérielle. J'ai posé une question
très simple, je n'ai pas eu de réponse encore. Je vous demande de
ramener le ministre à l'ordre et qu'il réponde aux questions
qu'on lui pose. S'il a des déclarations ministérielles à
faire, qu'il les fasse au début de nos séances, nous avons besoin
de cette période des questions.
Le Président: M. le ministre, brièvement, s'il vous
plaît;
M. Duhaime: M. le Président, tantôt mon
collègue faisait une déclaration ministérielle. On s'en
plaignait. On m'invite à en faire une. Faites-vous une idée.
Ce que je voudrais vous dire essentiellement pour terminer, à
partir du symposium mondial, j'ai proposé qu'on ait une table et un
suivi à l'échelon international. Cela a été
très bien accueilli. Nous croyons qu'à l'échelle du monde,
à partir du moment où le cap de la crise sera franchi, l'effet
d'entraînement va revenir aussi dans le secteur de l'amiante.
J'inviterais à nouveau le député de Richmond, au
lieu de profiter de la tribune de l'Assemblée nationale pour poser des
questions qui font tort à cette industrie, qui font tort à ces
travailleurs, de se rallier à cette politique de l'amiante qui
correspond à peu près, je ne dirais pas mot à mot, mais
à l'esprit du programme libéral, que vous auriez
intérêt à relire. Vous devriez nous appuyer dans nos
efforts. Merci, M. le Président.
Le Président: M. le député de Richmond,
question additionnelle.
M. Vallières: II va de soi, M. le Président, que ce
gouvernement ne nous convaincra pas d'acheter des mines d'amiante à un
moment où il coupe dans les services à la population, au moment
où il taxe les contribuables de façon éhontée, au
moment où il ne respecte pas la signature...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le député de Richmond, question additionnelle, s'il vous
plaît!
M. Vallières: Est-ce que, en pleine période de
crise, M. le Président, comme le mentionnait le superministre
d'État au Développement économique tout à l'heure,
ce gouvernement va avouer qu'il a posé un très mauvais geste en
se portant acquéreur de cette mine et...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Vallières: ... est-ce que ce mauvais choix de
priorités de ce gouvernement n'explique pas les déclarations de
panique du ministre de l'Énergie et des Ressources vis-à-vis des
représailles commerciales qu'il
entend prendre à l'endroit des pays utilisateurs d'amiante?
N'aurait-il pas mieux valu de convaincre ces utilisateurs qu'on pouvait se
servir de l'amiante sans danger à travers le monde plutôt que de
faire des représailles, des menaces et du chantage à ces
pays?
Une voix: Très bien.
Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des
Ressources.
M. Duhaime: Je comprends, M. le Président, que le Parti
libéral peut avoir beaucoup de difficultés à comprendre
que, de ce côté-ci de la Chambre, nous ayons pu nous entendre avec
les dirigeants d'une PME à l'échelle internationale qui s'appelle
la General Dynamics et qu'on ait pu s'entendre entre gentlemen pour faire une
transaction qui, à toutes fins utiles, a entraîné un
déboursé de l'ordre de 16 000 000 $...
M. Garon: Cela coûtait trop cher pour la caisse
électorale dans le temps des rouges.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Duhaime: ... par le biais d'une émission d'actions du
trésor de General Dynamics of Canada qui nous donnait automatiquement
accès à un montant de liquidité de 16 000 000 $ dans cette
entreprise, avec l'option également de payer les 65 000 000 $ avec les
taux d'intérêt au contrat. Cela vous fatigue, et je le comprends.
Vous auriez aimé mieux qu'on continue de se chicaner.
On a parlé de représailles, et je voudrais faire le point
là-dessus puisque le député m'y invite. Mon
collègue fédéral, M. Gray, a prononcé une
allocution au symposium - c'était à son tour de payer les agapes
ce midi-là - le 26 mai dernier. J'ai le texte de son discours et je
voudrais simplement lire la phrase clef de ce discours. C'est en anglais, je
m'excuse. Ce bout, il l'a dit en anglais, mais je dois dire que d'autres
parties de son discours étaient prononcées en français. "A
degree of consistency among the approaches of governments is clearly desirable.
For without it, and with the increasing importance and use of public policy in
the social and environmental fields, perception could evolve that such policies
would be increasingly used as instruments for economic protectionism rather
than saveguarding public health and safety."
Le lendemain, j'ai prononcé une allocution, c'était
à mon tour de recevoir tout le monde, c'était le 27 mai. Comme
ça m'arrive rarement, j'avais un texte écrit. Je voudrais lire le
pragraphe clef pour rejoindre les échos de la première page d'un
grand quotidien. Je m'excuse de me citer: "Nous nous inscrivons en faux contre
toute démarche consistant à bannir ce matériau pour le
voir remplacé par des produits de substitution souvent mal connus et,
dans tous les cas, non réglementés. Dans l'état actuel des
connaissances scientifiques, une mesure de bannissement nous apparaît
donc comme un geste de discrimination commerciale qui ne saurait demeurer sans
écho." Et je pourrais continuer.
Ce que je voudrais faire ressortir au député, c'est que
j'ai eu l'occasion de parler avec M. Gray, j'ai eu l'occasion de le revoir,
d'ailleurs, la semaine dernière, lundi, je crois, lorsque, à
l'IREQ, nous avons inauguré la première usine pilote de
fabrication d'hydrogène liquide - je comprends que ça
n'intéresse pas le député de Richmond - et je lui ai dit
que nous allions faire nous-mêmes des représentations
auprès des communautés économiques européennes,
à nouveau auprès du gouvernement de la République
fédérale d'Allemagne, comme je l'ai fait. Je peux dire que j'ai
eu le plaisir d'être accompagné par l'ambassadeur canadien
à Bonn, M. Goldschlag, lors de mon dernier séjour là-bas.
Nous irons également en Scandinavie...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre, veuillez conclure s'il vous plaît! À plusieurs
reprises, déjà, je vous ai invité à conclure et je
compte sur votre collaboration pour le faire cette fois-ci.
M. Duhaime: Je vous remercie, M. le Président, de votre
largeur de vues. Je voudrais terminer en disant essentiellement que ce serait
quand même un phénomène un peu curieux, alors que le niveau
des inventaires dans l'aluminium est à son seuil des plus
élevés depuis la dernière crise, alors que le prix du
cuivre est ce que vous connaissez, alors que le marché international du
fer et de la boulette est ce que vous connaissez, il y aurait seulement une
industrie...
Le Président: M. le ministre, s'il vous plaît!
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député de Richmond,
question additionnelle.
M. Vallières: C'est ma dernière question
additionnelle, M. le Président. Il faut constater que, pour ce
gouvernement, il est plus important d'engloutir des millions de dollars dans
l'achat d'une mine d'amiante que de prendre ses responsabilités
vis-à-vis de nos contribuables qui sont surtaxés
présentement. Je remercie le premier
ministre d'avoir contribué en corroborant les propos du ministre
de l'Énergie et des Ressources. C'est la preuve, à moins qu'il ne
me convainque du contraire, qu'il refuse de faire les bons choix, qu'il refuse
de venir en aide à nos contribuables. Le premier ministre pourrait
peut-être corroborer davantage les propos de son ministre, qui tente
actuellement de noyer le poisson, alors qu'il sait très bien que l'achat
de la mine située à Thetford Mines est un très mauvais
geste en période de crise économique.
Le Président: Je dirai aux membres de cette
Assemblée que, si j'ai permis au député de Richmond de
faire cette intervention, c'est qu'il y a eu, au préalable, un abus
flagrant du règlement sur une réponse qui a duré
au-delà de huit ou neuf minutes.
M. le ministre.
M. Duhaime: M. le Président, vous allez comprendre que je
ne pourrais pas invoquer une question de règlement à votre
endroit, mais je voudrais simplement vous signaler que j'ai été
interrompu à plusieurs reprises...
Des voix: Oh!
M. Duhaime: ... et que personne, de l'autre côté,
n'a soulevé de question quant à la longueur de ma réponse
parce qu'ils semblaient tous très intéressés, pour une
fois qu'on parle d'un dossier économique.
Je répondrai essentiellement ceci au député de
Richmond. Si j'avais dans ma poche 200 000 000 $, je n'aurais aucune
hésitation à envisager d'en affecter une part significative dans
le dossier de l'amiante, en particulier à Asbestos et aussi dans la
région de l'amiante, pour consolider nos positions.
Le premier ministre, tantôt, a indiqué que le Québec
était le premier ou le deuxième pays producteur. Dans la fibre
blanche, nous sommes le premier pays exportateur à l'échelle du
monde entier. Comme les Russes - vous les connaissez, M. le Président -
sont un peu cachottiers sur les comptes internationaux, ce n'est pas facile de
savoir combien ils peuvent vendre aux pays membres de la COMECON. Nous nous
considérons donc comme étant les premiers dans la fibre blanche,
dans les grades que nous expédions. Vous ne me ferez pas modifier mon
opinion sur la politique de l'amiante. J'aurais souhaité, cependant, que
vous nous appuyiez davantage lors du débat...
M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement.
Le Président: Question principale, M. le
député de Châteauguay.
Une voix: Question additionnelle.
Le Président: Question principale, M. le
député de Châteauguay.
Une voix: Trop tard.
Le projet Archipel
M. Dussault: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre d'État à l'Aménagement et à la
décentralisation. Il s'agit - je pense qu'on l'a deviné - du
projet Archipel. On sait que, jeudi et vendredi derniers, les 3 et 4 juin, se
tenait, à Montréal, une table de concertation sur le projet
Archipel. Cette table a donné lieu à des consensus qu'on peut
qualifier, à mon avis, de très positifs à l'égard
du projet, consensus, cependant, auxquels les articles de journaux, du moins
les titres qui les ont coiffés, n'ont pas tellement rendu justice.
Pour le bénéfice de l'Opposition qui n'a pas posé
de question là-dessus et pour le bénéfice de la
population, j'ai une question à deux volets. Je voudrais que le ministre
situe cette table de concertation par rapport à l'ensemble du
cheminement du projet Archipel et, deuxièmement, qu'il nous fasse part
des consensus constatés tout au long des travaux et qui ont
été vérifiés auprès des participants
à la fin des travaux.
Le Président: M. le ministre d'État à
l'Aménagement.
M. Gendron: Effectivement, M. le Président, se tenait, les
3 et 4 juin, à Montréal, la première table de concertation
du projet Archipel qui, comme tout le monde le sait, est un projet d'envergure,
un projet polyvalent intégré, donc un grand projet. Il est
important de prendre quelques minutes pour situer dans quel contexte se tenait
cette table de concertation.
On avait mentionné, vers la fin de l'été 1981,
qu'il était important de déposer, d'abord, un premier rapport
d'étape sur l'ensemble du projet Archipel, ce qui a été
fait. Par la suite, le comité ministériel Archipel, que je
préside, a décidé de s'entendre sur un
échéancier dans le temps pour savoir exactement où on s'en
allait avec ce projet. On a déterminé qu'à la suite de la
tenue d'une vaste consultation qui serait recueillie par un comité de
consultation spécialisé il y aurait lieu de tenir une
première table de concertation pour, effectivement, dégager
certains consensus afin que l'ensemble des Montréalais puisse en
connaître davantage sur un projet d'aussi grande envergure. C'est ce qui
a été fait.
Malheureusement, je pense que, dans l'ensemble, il est difficile de se
faire une idée exacte de ce qui s'est passé à la table de
concertation si on s'en tient uniquement au reflet de la presse. Je pense que
tous les
participants ont convenu que, sur au moins trois problèmes
fondamentaux ou trois questions fondamentales du projet Archipel, à
savoir la régulation des débits, l'accessibilité des rives
et, également, toute la question de l'amélioration de la
qualité de l'eau, il s'est dégagé un assez large
consensus. (11 h 20)
L'autre point qui a toujours été important dans le projet
Archipel, c'est de savoir si c'est, oui ou non, à la dimension d'une
production d'hydroélectricité dans les rapides de Lachine. Il est
exact que, pour ce qui est de cette dimension dans le projet Archipel, le
consensus était peut-être moins large, mais je tiens à vous
rappeler et à rappeler à tous les membres de cette Chambre qu'il
s'agit d'un projet polyvalent intégré qui fait appel à des
notions modernes de 1982 comme la qualité de l'eau,
l'amélioration de la qualité de vie pour les Montréalais.
Dans ce sens-là, je pense qu'il est peut-être important de
commencer à envisager de dépasser les analyses traditionnelles de
rentabilité coûts-bénéfices parce qu'il s'agit, pour
l'ensemble des citoyens de l'île de Montréal élargie, donc,
pour une population de presque la moitié du Québec, de leur
offrir ce dont ils n'ont jamais pu bénéficier, compte tenu qu'ils
ont quand même un site absolument extraordinaire qui s'appelle
l'Archipel, d'avoir un meilleur accès à leurs rives, ce qui n'est
pas le cas, d'avoir une eau de meilleure qualité et, une fois pour
toutes, peut-être, de régler toute la question des étiages,
des inondations. Il me semble que ce sont des valeurs importantes, M. le
Président, dont la génération qui nous pousse dans le dos
voudra qu'un gouvernement responsable tienne compte et c'est ça que la
table de concertation devait dégager.
Une voix: Bravo!
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Bourassa et, par la suite, M. le député
de Nelligan.
M. Laplante: Merci, M. le Président. Elle sera très
courte. À ce stade-ci des études du projet Archipel, M. le
ministre, est-ce que vous pouvez parler de rentabilité?
Le Président: M. le ministre d'État à
l'Aménagement.
M. Gendron: Assez rapidement, comme je l'ai mentionné...
D'ailleurs, je tiens à signaler que, contrairement à ce qui a
été affirmé dans les journaux, j'ai assisté
à la table de concertation parce que je la présidais. Mon
collègue Yves Duhaime, ministre de l'Énergie et des Ressources,
était présent. Je suis très heureux d'ailleurs de la
présence de l'ensemble de mes collègues à la table de
concertation du comité ministériel Archipel. Que je sache, mon
collègue du ministère de l'Énergie et des Ressources n'a
jamais mentionné ce qu'on a rapporté, à savoir que le
projet Archipel pris dans sa globalité était non rentable. Ce
qu'il a mentionné et qui est exact... À ce moment-ci, oui, on est
en mesure de mentionner que la production hydroélectrique, le
coût, entre autres, des kilowatts qui seraient produits dans les rapides
de Lachine, serait supérieur à ce que nous connaissons des
coûts de LG 2, de LG 3 ou d'ailleurs, mais, comme je l'ai
mentionné, jamais ce projet-là n'a été
exclusivement limité à une de ses dimensions qui est la
production hydroélectrique.
Dans ce sens-là, je pense que, quand on a à parler de la
rentabilité du projet Archipel, il faut tenir compte d'autres
coûts que, de toute façon, le gouvernement paie. Dans le programme
d'assainissement des eaux, le gouvernement du Québec a actuellement
au-delà de 2 000 000 000 $ d'engagés. La même chose au
niveau de l'amélioration de la qualité de l'eau, des berges, des
rives. Tout le programme du MLCP par une plus-value des territoires
inondés, ça aussi ça représente des coûts et,
si on regarde l'ensemble des coûts que le gouvernement doit payer de
toute façon, je ne suis pas en mesure de dire aujourd'hui que c'est un
projet non rentable. Au contraire, il m'apparaît qu'il offre une
très grande rentabilité, mais peut-être une
rentabilité plus socio-économique que strictement
économique.
Le Président: M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: On commence à avoir un petit virage
technologique; maintenant, ce ne sont plus les coûts rentables, ce sont
les coûts socio-économiques. N'est-il pas vrai qu'il y a deux
grands consensus qui se dégagent de la table de concertation?
Premièrement, le président d'Hydro-Québec, appuyé
en fait par le ministre de l'Énergie et des Ressources, a dit que le
coût du projet hydroélectrique du projet Archipel serait deux fois
le coût d'un projet similaire dans la région de la Baie-James.
Deuxièmement, votre rapport du comité ministériel dit
même ceci: "Selon les mêmes données, le comité
ministériel estime aussi que ce type d'intervention sur les eaux,
proposé par le projet Archipel, serait difficilement rentable sans sa
dimension hydroélectrique."
Troisièmement, est-ce qu'il n'y a pas un autre consensus qui se
dégage selon lequel il n'y a aucune intégration du projet
d'assainissement des eaux du ministère de l'Environnement à votre
projet Archipel, compte tenu que l'intercepteur sud de l'île de
Montréal n'a même pas encore été commencé et
est déjà bien en retard? N'est-
ce pas qu'il faut revoir toute votre affaire et arrêter de
dépenser des millions de dollars que vous allez mettre dans les projets
préliminaires, dans des espèces de projets fous et de
bebelles?
Le Président: M. le ministre d'État à
l'Aménagement.
M. Gendron: Vous savez qu'il y avait trois volets à sa
question. Comme je souhaite toujours, quand on me pose des questions, y
répondre, ça va prendre un peu plus de temps. La première
question: Est-ce que M. Bourbeau, président d'Hydro-Québec, a
mentionné que le coût de la production hydroélectrique
serait supérieur à ailleurs, aux rapides de Lachine, deux pour
un, oui. Un instantl M. Bourbeau a une responsabilité, il est
président d'une société d'État. Il y a un membre du
comité ministériel Archipel qui s'appelle le ministre de
l'Énergie et des Ressources, mais c'est la responsabilité
d'Hydro-Québec de venir à une table de concertation et, pour ce
qui la regarde, elle, Hydro-Québec, de donner son appréciation
sur le coût, c'est son job. Le membre du comité ministériel
Archipel, Yves Duhaime, doit apprécier l'ensemble du projet, je l'ai dit
tantôt. Je pense que la seule dimension touchant la production
hyroélectrique en est une, mais il faut tenir compte de l'ensemble des
autres dimensions.
Deuxième volet. M. le député de Nelligan a
mentionné que nous-mêmes, du comité ministériel
Archipel, avons parlé, dans notre rapport, de continuer, dans
l'appréciation de la valeur économique de ce projet, à
regarder la dimension de la production de l'hydroélectricité.
J'ai répondu: Oui, la table de concertation est toujours d'accord, mais
pour autant qu'on ne reste pas braqué que sur ce seul
critère.
Troisième volet. Le député de Nelligan parle d'une
meilleure intégration du programme d'assainissement des eaux versus les
gestes qui devront être posés pour améliorer les eaux de
l'archipel. Je dis que la table de concertation a convenu que le programme
d'assainissement des eaux est un programme qui déborde strictement les
interventions que nous allons faire dans les eaux de l'archipel, mais, pour
l'harmonisation qui doit exister entre les interventions du programme
d'assainissement des eaux et les interventions projetées pour
améliorer la qualité de l'eau dans l'archipel, il est important
d'avoir une très grande harmonisation pour que les coûts portent
à la même place.
Dernière facette de sa question... Je l'ai oubliée.
Le Président: La période des questions est
terminée et j'ai une demande de quatre questions additionnelles sur le
même sujet. À moins d'un consentement unanime... Si j'en reconnais
un, je reconnaîtrai les quatre. Il y en a deux du côté
gauche et deux du côté droit.
Des voix: Non.
Le Président: Absence de consentement.
Fin de la période des questions.
Motions non annoncées.
Enregistrement des noms sur les votes en suspens.
Qu'on appelle les députés! (11 h 30)
Mise aux voix de la deuxième lecture du projet
de loi no 68
(11 h 30)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Allez vous asseoir. Vous
pouvez vous asseoir. S'il vous plaît, si on veut que les commissions
puissent fonctionner rapidement. À l'ordre, à vos sièges!
M. le ministre!
La motion qui est mise aux voix est celle du ministre
délégué à l'Administration et président du
Conseil du trésor qui propose que le projet de loi no 68, Loi modifiant
diverses dispositions législatives concernant les régimes de
retraite, soit maintenant lu pour la deuxième fois. Que ceux et celles
qui sont pour veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon),
Bertrand, Mme Marois, MM. Bédard, Laurin, Johnson (Anjou),
Bérubé, Landry, Lazure, Gendron, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Lessard,
Marcoux, Biron, Godin, Rancourt, de Bellefeuille, Léger, Clair,
Chevrette, Fréchette, Marois, Duhaime, Garon, Tardif, Léonard,
Martel, Charron, Proulx, de Belleval, Mme Lachapelle, MM. Dean, Paquette,
Gagnon, Dussault, Vaugeois, Mme Juneau, MM. Fallu, Grégoire, Bordeleau,
Leduc (Fabre), Marquis, Charbonneau, Boucher, Mme Harel, MM. Beauséjour,
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Champagne, Perron, Blais,
Blouin, Gauthier, Gravel, Laplante, Lavigne, Brouillet, Rochefort, Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscaminque), LeMay, Payne, Beaumier, Tremblay,
LeBlanc, Lafrenière, Paré, Lachance, Dupré.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Que ceux et celles qui
sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure),
O'Gallagher, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Lalonde, Mailloux, Vaillancourt
(Orford), Mme Bacon, MM. Marx, Bélanger, Bourbeau, Blank, Caron, Assad,
Vallières, Mme Dougherty, MM. Lincoln, Paradis, Johnson
(Vaudreuil-Soulanges), Picotte, Pagé, Gratton, Rivest, Fortier,
Rocheleau, Bissonnet, Polak, Maciocia, Cusano, Dubois, Sirros, Saintonge,
Dauphin,
French, Doyon, Kehoe, Middlemiss, Hains, Leduc (Saint-Laurent).
Le Secrétaire: Pour 67
Contre: 40
Le Vice-Président (M. Jolivet): Motion adoptée. M.
le leader du gouvernement.
Renvoi à la commission des finances
M. Bertrand: M. le Président, je ferais motion pour
déférer le projet de loi no 68 à la commission
parlementaire permanente des finances.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Avis
à la Chambre. Motions, M. le leader.
Recours à l'article 34
M. Ciaccia: En vertu de l'article 34, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 34,
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, le leader parlementaire
pourrait-il nous dire quand il entend déposer le projet de loi omnibus
qui a été annoncé en conférence de presse par le
ministre de l'Habitation concernant le programme de relance de la
construction?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Au tout début de la semaine prochaine, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laprairie.
M. Saintonge: Le leader pourrait-il s'informer des progrès
de l'enquête du vérificateur en regard de l'administration de la
fête nationale au Saguenay-Lac-Saint-Jean et nous dire aussi s'il a des
indices quant à la date où le rapport sera finalement
déposé? Je pense qu'il serait éminemment souhaitable que
nous ayons ce rapport avant la fin de la présente session.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, comme il ne s'agit pas
vraiment de travaux parlementaires, je pourrais ne pas y répondre, mais
j'y répondrai tout de même et je rappellerai la réponse du
ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui a dit que, quant
à lui, il aurait aimé recevoir le rapport avant-hier, et c'est
comme cela chaque jour. Il est le premier à souhaiter que le rapport
puisse lui être transmis dans les plus brefs délais, mais il n'est
pas en mesure de dire quand le vérificateur pourra remettre son
rapport.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Verdun.
M. Caron: M. le Président, ma question s'adresse au leader
du gouvernement. Il semblerait que le premier ministre ait l'intention de
déposer un projet de loi dans le but d'être plus juste et plus
neutre dans le choix des présidents d'élection. Serait-il
possible de demander au leader qu'il y ait des prix conformes pour les
présidents, parce qu'à Verdun c'est, 80 $, 81 $, 200 $ et...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député! M. le député'. Ce n'est vraiment pas en
vertu de l'article 34. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, une question en vertu de
l'article 34. Il y a déjà plusieurs mois que le ministre de
l'Éducation nous promet un document sur la réforme scolaire et on
l'attend depuis sept ou huit mois. Le leader peut-il nous assurer que, s'il est
rendu public d'ici la fin ou la suspension de nos travaux, il sera rendu public
ici, à l'Assemblée nationale?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vais m'enquérir
auprès du ministre de l'Éducation du moyen qu'il entend choisir
pour rendre public le rapport, le mémoire ou le document en question. Je
voudrais simplement indiquer au député de Marguerite-Bourgeoys
qu'il faudrait d'abord, avant que le ministre de l'Éducation prenne une
décision relativement au moyen qu'il jugera approprié, que le
Conseil des ministres ait statué sur le projet de réforme.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Est-ce que je comprends des propos du leader qu'il
n'y a pas de décision finale qui a été prise sur cette
réforme? Pourrait-il nous donner une indication de la date où
cela sera décidé et déposé? Est-ce que cela va
être avant la fin de la session?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: C'est à l'ordre du jour du Conseil des
ministres de mercredi prochain, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, j'ai demandé au leader
hier s'il était possible d'avoir la réglementation qui accompagne
le projet de loi no 75, étant donné que le ministre m'avait fait
une promesse formelle à ce sujet lors de l'étude des
crédits qu'il déposerait ces règlements en même
temps que le projet de loi. J'ai su qu'elle ne sera pas prête avant
mardi. Pourrait-on demander, au moins, d'avoir une commission parlementaire
pour rencontrer le président de la SDI avant d'étudier le projet
de loi?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, que je sache, le
président de la SDI a été présent lors de
l'étude des crédits de la commission parlementaire permanente de
l'industrie et du commerce. Toutes les questions ont pu lui être
posées et le ministre n'a pas d'objection à ce qu'après le
débat en deuxième lecture, au moment de l'étude article
par article du projet de loi, le président de la SDI puisse être
présent.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Vous remarquerez, M. le Président, que nous
n'avions pas le projet de loi no 75 au moment de l'étude des
crédits, mais, si c'est pour rendre service au leader, on va se plier
à cette procédure.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Motions, M. le leader.
Travaux des commissions
M. Bertrand: M. le Président, aujourd'hui, de 11 h 45
à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, au salon rouge, la
commission des affaires municipales se réunira pour l'étude des
projets de loi privés dont je ne fais pas la nomenclature, et aussi de
20 heures à 24 heures, ce soir, alors toute la journée. À
la salle 81-A, la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de
la sécurité du revenu se réunira ce matin, de 11 heures
à 13 heures, et cet après-midi, de 15 heures à 18 heures,
avec possibilité, d'après ce qu'on croit savoir, que
l'étude puisse se terminer avant 18 heures - j'avais
présumé, M. le Président, d'une entente qui aurait pu
exister à ce point de vue - pour étudier le projet de loi no 72
article par article.
Si les travaux de cette commission étaient terminés
à 18 heures, ce soir, de 20 heures à 24 heures, la commission
parlementaire permanente des commu- nications se réunirait pour
étudier le projet de loi no 65 article par article. (11 h 40)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Ces motions sont-elles
adoptées? Adopté.
Affaires du jour.
M. le leader.
M. Bertrand: L'article 11 du feuilleton d'aujourd'hui, M. le
Président.
Projet de loi no 67 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture du
projet de loi no 67, Loi modifiant la Loi sur les procédures sommaires,
le Code de procédure civile et d'autres dispositions
législatives. La parole est au ministre de la Justice.
Nous allons donc permettre aux gens de quitter la Chambre pour
participer aux commissions. M. le ministre.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, le projet que nous
étudions aujourd'hui a pour principaux objectifs d'humaniser le
recouvrement des amendes imposées en vertu des lois du Québec et
de faciliter l'accès des citoyens à la justice dispensée
par les tribunaux. Ce projet de loi a également pour objet de modifier
diverses lois afin de favoriser une meilleure administration de la justice, une
administration plus humaine, M. le Président.
Comme le projet de loi est divisé en quatre sections, vous me
permettrez de les aborder les unes après les autres. Comme je viens de
le mentionner, ce projet de loi a pour objet d'humaniser le recouvrement des
amendes et suggère à cet égard une réforme que, je
crois, on peut qualifier de majeure et essentielle.
Avant de décrire les changements qui seront apportés, il
convient, je crois, de situer le contexte dans lequel la
nécessité de cette réforme s'est fait sentir. Comme vous
le savez, une des sanctions les plus courantes que l'on rencontre dans nos lois
est l'imposition d'une amende à la suite des infractions. C'est la Loi
sur les poursuites sommaires qui détermine la procédure à
suivre pour l'application de ces sanctions, ainsi que les pouvoirs du juge
lorsqu'il impose une sentence comportant amende.
Actuellement, la loi prévoit que, à défaut de
paiement d'amende immédiat ou dans un délai
déterminé par le juge, lequel délai est souvent variable,
le juge peut
ordonner la saisie des biens meubles du contrevenant ou peut ordonner
son emprisonnement. C'est la loi telle qu'elle existe présentement. En
pratique, on sait que les juges prévoient presque toujours, lors de
l'imposition de l'amende, une peine d'emprisonnement à être
purgée en cas de non-paiement de l'amende, plutôt que la saisie
civile. Or, il arrive effectivement qu'un certain nombre de contrevenants ne
paient pas l'amende et se retrouvent par conséquent automatiquement dans
un établissement de détention. En effet, ces contrevenants, ces
citoyens se retrouvent en prison soit parce qu'ils n'ont pas l'argent liquide
pour acquitter le montant de l'amende dans le délai fixé par le
juge, soit parce qu'ils ne possèdent pas de biens meubles en propre en
nombre suffisant pour acquitter le paiement de l'amende à laquelle ils
ont été condamnés.
Bien que le nombre des personnes emprisonnées par défaut
de paiement d'amende ne représente approximativement que 1% de
l'ensemble des personnes à qui une amende a été
imposée, en nombre absolu cela représente quand même plus
de 7000 dossiers, ce qui équivaut à plus de 43% des admissions
des personnes condamnées à purger une peine dans un
établissement de détention du Québec. Si l'on tient compte
de ce nombre et de la durée d'emprisonnement de ces personnes, cela
représente quand même un taux d'occupation des
établissements de détention d'environ 8% par année, ce qui
est très important.
L'emprisonnement est souvent la seule alternative au défaut de
paiement d'amende lorsque l'on considère la clientèle
visée qui compte souvent les gens les plus démunis de la
société. Une telle situation me paraît - je suis convaincu
que c'est aussi le cas des représentants de l'Opposition - injustifiable
sur le plan humain, d'autant plus qu'il n'existe pas actuellement, dans la loi,
de corrélation entre la gravité de l'infraction et la
durée des peines d'emprisonnement qui peuvent être
octroyées lors de condamnations. Une telle situation conduit
également à une utilisation irrationnelle de nos
établissements de détention puisqu'il n'y a pas de rapport, non
plus, entre la gravité de l'infraction et le caractère dangereux
de la personne qui pourrait justifier cet emprisonnement.
En effet, les infractions à l'origine de l'emprisonnement
à défaut de paiement d'amende sont de 60% à 70%
reliées à l'utilisation d'un véhicule à moteur,
donc concernent des personnes qui, en très grande proportion, n'ont pas
un caractère de criminalité ou encore de dangerosité qui
nous justifierait de ne pas faire les efforts nécessaires pour essayer
de trouver un autre système. Je pense qu'il n'est pas parfait, mais je
suis convaincu qu'il mérite qu'on en fasse un essai loyal.
Donc, étant donné le caractère de ces personnes, je
pense qu'on ne serait pas justifié de ne pas essayer de faire la
réflexion nécessaire pour- trouver le moyen de faire en sorte que
des personnes qui, pour la plupart, ne sont pas dangereuses pour la
société, ne soient pas emprisonnées parce qu'elles ne
peuvent payer une amende, mais qu'elles satisfassent, d'une manière ou
d'une autre, par des moyens très précis, à un jugement qui
aurait été rendu par un juge.
C'est pourquoi mon ministère s'est fortement
intéressé à cette question et créait, en juillet
1980, un groupe de travail chargé d'analyser d'autres solutions que
l'emprisonnement à défaut de paiement d'amende, de soumettre des
recommandations en vue de diminuer l'importance de ce phénomène
et d'en analyser les diverses implications. Le rapport de ce groupe de travail
a été déposé en novembre 1980 et transmis, par la
suite, à différents intervenants dont les juges en chef des
différentes cours, le Conseil consultatif de la justice et la
Conférence des juges du Québec.
Les modifications proposées sur les poursuites sommaires - les
consultations ayant été faites également, comme je l'ai
mentionné - ont donc pour but d'humaniser la justice en permettant
l'étude individuelle de chaque dossier et en appliquant au contrevenant,
après évaluation de sa situation financière
particulière, la meilleure alternative possible à
l'emprisonnement pour défaut de paiement d'amende. En outre, les
modifications auront pour effet d'établir une concordance entre la
gravité de l'infraction et la durée de l'emprisonnement.
Pour atteindre cet objectif, nous procédons à la
redéfinition des rôles du juge et de l'administration dans la
perception des amendes. Ainsi, une première mesure prévoira qu'un
juge de paix ne peut imposer l'emprisonnement ou la saisie à
défaut de paiement d'amende en même temps qu'il impose cette
amende, comme cela se fait actuellement. Ce faisant, le juge ne pourra donc
plus privilégier un mode d'exécution au détriment des
autres, car l'exécution de l'amende et le choix de la mesure la plus
propice à appliquer au contrevenant deviendront expressément une
responsabilité administrative qui échoira à un officier de
justice appelé percepteur. (11 h 50)
Le percepteur est, d'après ce projet de loi et l'ensemble de la
politique que nous voulons mettre en application, le personnage central du
nouveau système proposé. Il s'agit d'un officier de justice
désigné à ce titre par le ministre de la Justice et
chargé principalement de recevoir les paiements d'amende et de voir
à l'exécution des jugements. Dans le nouveau système
proposé,
le juge de paix, s'il ordonne dans son jugement le paiement d'une somme,
fixera un délai pour ce paiement qui, sauf si le défendeur y
renonce, ne devra en aucune façon être inférieur à
30 jours de la date de la décision. Le percepteur transmettra alors au
contrevenant un avis du jugement avec une demande de paiement de l'amende dans
le délai indiqué. Toutefois, en cas de non paiement dans le
délai fixé, parce qu'il peut arriver que des personnes bien
intentionnées, ayant été condamnées à une
amende, étant donné leur situation financière, ne puissent
satisfaire au paiement de l'amende dans les délais fixés, il y
aura la possibilité, pour le percepteur, d'étudier la situation
financière du contrevenant et de s'entendre avec lui, soit pour lui
accorder un délai additionnel, soit pour recevoir des paiements
différés ou encore convenir avec le contrevenant d'une
fréquence et d'une durée qui vont mener, à la satisfaction
du jugement, au paiement de l'amende. Donc, ce percepteur devra tenir compte de
la situation financière du contrevenant.
Si les délais sont épuisés ou si l'entente prise
avec le percepteur n'a pas été respectée, le percepteur
pourra alors, s'il le juge à propos, procéder, en qualité
de saisissant, à la saisie des biens meubles ou immeubles du
contrevenant. À noter qu'à l'avenir la saisie pourra s'exercer
aussi bien sur les salaires, traitements et gages du contrevenant, ainsi qu'en
main tierce, et que les procédures de saisie émaneront de la Cour
provinciale ou de la Cour supérieure selon les montants en cause.
Cependant, M. le Président, avant de procéder à une
saisie immobilière, le percepteur devra toutefois, étant
donné l'importance de ce geste, présenter une demande à un
juge de paix pour que celui-ci autorise ce type de saisie. Le juge à qui
une telle demande est formulée devra alors autoriser le percepteur
à procéder immédiatement à la saisie ou, dans des
circonstances exceptionnelles et s'il estime que l'intérêt de la
justice sera mieux servi, le juge pourra autoriser le percepteur à
procéder à la saisie, mais uniquement si le contrevenant refuse
ou néglige d'effectuer des travaux compensatoires qui lui auront
été offerts préalablement à la saisie.
Qu'en est-il de ces travaux compensatoires? Il s'agit, pour le
contrevenant, d'un moyen original d'acquitter sa peine en acceptant d'effectuer
gratuitement, pour le compte d'organismes divers, des travaux offerts par le
percepteur. Je rappelle qu'il existe déjà au-delà de 1500
organismes communautaires au Québec, reconnus par le ministère de
la Justice dans le cadre des programmes de travaux communautaires
déjà offerts depuis trois ans comme alternative aux sentences
d'emprisonnement décernées par nos tribunaux. Donc, toute la
structure ou tous les moyens sont déjà en place, toutes les
ressources, tant du point de vue administratif que du point de vue des
organismes communautaires, sont déjà en place pour pouvoir donner
suite à l'application de cette politique à partir du moment
où l'Assemblée nationale donnera le feu vert.
Les travaux compensatoires seront offerts au contrevenant lorsque les
moyens décrits précédemment n'auront pas permis de
recouvrer le montant de l'amende, c'est-à-dire la saisie et l'extension
de délai dans certaines circonstances. La durée des travaux
compensatoires sera fixée conformément à la table
d'équivalence établie dans une annexe à la Loi sur les
poursuites sommaires. Cette annexe établit la durée des travaux
compensatoires que devra effectuer un contrevenant en fonction du montant de
l'amende à laquelle il a été condamné. Un rapport
de l'exécution des travaux sera fait à un juge de paix; sur
signature du rapport par le juge de paix, le contrevenant sera alors
libéré du paiement de son amende, ayant effectué les
travaux compensatoires.
Nous avons tenu à ce que la loi contienne cette annexe qui permet
de ne pas tomber dans l'arbitraire, mais d'y aller avec des normes
précises. Je pense que c'est bien important, puisqu'on parle d'amende et
d'emprisonnement, que le législateur fasse tout en son pouvoir pour que
nous ne tombions pas dans le monde de l'arbitraire, ce qui risquerait
d'être plus négatif envers les citoyens et les citoyennes que le
système qui existe déjà.
Cependant, au moment d'offrir le paiement de la dette par le biais de
travaux compensatoires, le percepteur déterminera, suivant la
disponibilité des travaux et suivant les capacités et
l'habileté du contrevenant, la nature des travaux compensatoires que
celui-ci peut s'engager à exécuter. Quant aux modalités
relatives à ces travaux compensatoires, mentionnons que le projet de loi
prévoit qu'une unité de travail compensatoire équivaut
à trois heures de travail. Cependant, une personne ne peut s'engager
à exécuter plus de 500 unités de travail compensatoire,
c'est-à-dire plus de 1500 heures de travail.
L'intérêt de ces travaux compensatoires. D'une part, les
travaux compensatoires permettront de libérer des places dans les
établissements de détention; d'autre part, ils permettront aux
contrevenants, aux citoyens qui ont à faire face à la justice,
condamnés à une amende, de se comporter d'une façon utile
pour la société.
En outre, dans le but d'inciter le contrevenant à effectuer des
travaux compensatoires plutôt que de se laisser incarcérer, le
projet de loi prévoit que l'exécution des travaux va permettre
au
contrevenant d'acquitter toutes les amendes dues au moment de
l'engagement, quel qu'en soit le montant.
Le projet de loi prévoit également que les travaux
compensatoires devront être exécutés dans les douze mois de
l'engagement ou dans les 24 mois de celui-ci si le montant de l'amende est
supérieur à 10 000 $. Il est intéressant, je crois, de
noter que la plupart des lois relatives au travail ne s'appliqueront pas aux
personnes qui effectueront des travaux compensatoires car, alors que ces lois
s'appliquent habituellement à des personnes qui ont, entre elles, une
relation d'employeur à salarié et qui sont
rémunérées pour le travail effectué, on comprend
facilement qu'il n'en est pas de même pour des personnes qui
exécutent bénévolement des travaux compensatoires pour le
compte d'organismes avec qui cette relation d'employeur à salarié
n'existe pas. Cependant, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail en ce qui touche directement la
sécurité du travailleur et la Loi sur les accidents du travail
s'appliqueront quand même au contrevenant qui effectuera des travaux
compensatoires. (12 heures)
Enfin, le nouveau système prévoit qu'après
l'épuisement de tous les moyens déjà
énumérés (délai de paiement, paiement
différé, saisie, travaux compensatoires) le percepteur pourra
demander à un juge de paix que soit alors prononcée comme recours
ultime une peine d'emprisonnement si l'amende n'est toujours pas payée.
S'il y a emprisonnement - c'est une réforme très importante aussi
dans ce domaine - la durée de l'emprisonnement sera fixée par le
juge suivant une table d'équivalence établissant une relation -
ce qui n'existait pas auparavant - entre la durée de l'emprisonnement et
le montant de l'amende due. Il est à noter que la durée totale de
l'emprisonnement pour une même infraction, quel qu'en soit le montant, ne
pourra excéder deux ans moins un jour de façon à ne pas
obliger une personne à être incarcérée dans un
pénitencier fédéral dont la clientèle est
composée habituellement de personnes condamnées pour des actes
criminels graves.
Le projet de loi prévoit également que chaque peine
d'emprisonnement pour défaut de paiement d'amende devra être
purgée de façon consécutive pour éviter que le
défendeur, comme c'est souvent le cas, attende d'avoir un certain nombre
d'amendes non payées à son passif pour purger une peine
d'emprisonnement égale ou à peine supérieure à
celle qu'il avait purgée ou qu'il aurait à purger pour une seule
infraction. Cette mesure devrait, je crois, inciter le contrevenant à
payer son amende en argent ou en travail compensatoire plutôt qu'à
purger une peine d'emprisonnement. En effet, celle-ci risque d'être plus
longue en raison de la non-concurrence des peines et de la table
d'équivalence qui prévoit que le nombre de jours de
détention à purger est en rapport direct avec le montant des
amendes qui font l'objet de la condamnation.
M. le Président, c'est l'essentiel de toutes les dispositions qui
sont prévues dans cette réforme que je pense pouvoir qualifier de
majeure, de nécessaire. On n'a pas la prétention qu'elle est
parfaite, mais je crois qu'elle poursuit avec vigueur un but, un objectif qui
est celui d'humaniser la justice, qui est celui de faire en sorte que les gens
qui sont condamnés à des amendes et qui ne sont pas capables de
les acquitter ne soient pas automatiquement obligés d'aller en
prison.
D'autre part, cela permet aussi de faire en sorte - ce qui est tout
à fait normal -que tous les moyens soient pris pour qu'une personne
condamnée à l'amende paie cette amende quand elle en a les
moyens, plutôt que de s'y refuser obstinément et de décider
d'aller en prison, ce qui donne comme résultat que non seulement
l'amende n'est pas payée mais qu'en plus de cela le séjour en
prison est très onéreux pour l'ensemble des contribuables
puisqu'on sait que l'hébergement de toute personne dans une prison
représente un coût très important pour l'ensemble des
contribuables.
M. le Président, le présent projet de loi, dans une autre
section, contient des dispositions particulières pour les cours
municipales. En effet, à court terme, le nouveau système
s'appliquera - concernant l'ensemble de ce système par rapport aux cours
municipales, il y a quand même des dispositions particulières -
obligatoirement et uniquement aux municipalités désignées
par décret gouvernemental. Les autres continueront d'être
régies par le système actuel. Essentiellement, il s'agit de
municipalités où le nouveau système, basé sur
l'évaluation de chaque cas particulier pour l'exécution du
jugement, serait difficilement applicable immédiatement en raison d'un
fort volume d'infractions.
Progressivement, toutefois, le nouveau système s'appliquera aux
décisions rendues par l'ensemble des cours municipales, quoique rien
m'empêche une cour municipale qui le désire de se prévaloir
en tout temps du nouveau système. Lorsque l'emprisonnement sera
ordonné par un juge d'une cour municipale, sa durée sera
désormais établie conformément à la table
d'équivalence prévue par la loi. En outre, le projet de loi
prévoit la possibilité pour le directeur d'un
établissement de détention d'offrir au contrevenant,
malgré la délivrance d'un mandat de dépôt, de payer
sa dette par le biais de travaux compensatoires. M. le Président, il y a
lieu de noter qu'il existe une exception à l'application du nouveau
système. En effet, on a constaté qu'il existe souvent des
motifs raisonnables de croire que certaines personnes qui ont commis des
infractions se soustrairont ou tenteront de se soustraire à la justice.
On craint qu'il ne soit impossible de leur servir une sommation de
comparaître parce qu'elles auront soit quitté le Québec ou
encore, une fois condamnées, dans la très grande majorité
des cas, profité de l'octroi de tout délai de paiement de
l'amende pour fuir sans payer cette amende. Actuellement, ces personnes sont
mises sous arrêt en attendant leur comparution ou se font saisir certains
biens, comme leur véhicule ou leur arme, pour garantir leur
présence en cour.
Le projet de loi propose donc à cet égard une formule plus
souple qui permettra d'offrir à ces personnes de fournir un
cautionnement proportionnel à l'infraction, plutôt que
d'être détenues ou encore de voir l'un de leurs biens saisi. Cette
formule, inspirée du Code de la sécurité routière,
peut se résumer ainsi: le contrevenant se verra remettre au moment de
l'infraction un avis sommaire qui lui ordonnera de comparaître devant le
tribunal compétent aux temps et lieu indiqués. En même
temps que lui sera remis l'avis sommaire, il lui sera exigé par la
personne chargée de l'application de la loi un cautionnement dont le
montant fixé par règlement de la loi -règlement du
gouvernement - équivaudra habituellement au montant de l'amende et des
frais. Le contrevenant qui fournira le cautionnement sera libéré,
alors que celui qui refusera ou ne pourra le fournir sera détenu
jusqu'à sa comparution, comme c'est le cas habituellement.
Quant aux personnes qui fuient après jugement, le problème
vient surtout de ce que les jugements des tribunaux du Québec n'ont pas
d'application extraterritoriale. Or, si l'on désire que ceux qui peuvent
fuir le Québec respectent la loi, il est nécessaire que ces
jugements soient, malgré tout, exécutoires à leur
égard. Dans ce contexte, les diverses alternatives à
l'emprisonnement à défaut de paiement de l'amende prévue
par le présent projet de loi ne sauraient donc s'avérer
efficaces. C'est pourquoi la règle actuelle sera maintenue à
l'égard des personnes suspectées de vouloir se soustraire
à la justice, à savoir que si, une fois condamnées, elles
négligent de payer l'amende, elles devront alors subir l'emprisonnement
immédiatement. Quant a celles qui auront fui sans attendre leur
procès, leur cautionnement sera alors confisqué.
Enfin, ce projet de loi prévoit des pouvoirs plus
détaillés du gouvernement pour lui permettre, par voie
réglementaire, de déterminer les frais, ainsi que les honoraires
payables en vertu de la loi.
Telles sont, M. le Président, les modifications qui sont
proposées à la Loi sur les poursuites sommaires dans le projet de
loi no 67. Nous sommes convaincus que la mise en application de cette
série de mesures réduira notre population carcérale,
éliminera dans la plupart des cas l'incarcération comme moyen de
sanction pour les peines mineures et aura des incidences à la baisse sur
les coûts de la détention et, évidemment, aura pour effet
d'humaniser la justice. Certes, l'incarcération pour non-paiement
d'amende ne disparaîtra pas, mais demeurera plutôt un moyen ultime
si les solutions élaborées dans le projet de loi devaient
s'avérer non concluantes dans un cas particulier.
Il va de soi que la clientèle du secteur correctionnel soit
également l'objet de nos efforts d'humanisation. Je suis personnellement
convaincu, M. le Président, que notre société a tout
à gagner d'une plus grande humanisation dans l'application des lois,
ainsi que dans l'administration des sanctions imposées. (12 h 10)
Si les modifications que je viens de décrire en matière
d'emprisonnement à défaut de paiement d'amende constituent la
principale réforme apportée par ce projet de loi, il contient
également d'autres mesures tout aussi importantes pour
l'amélioration de la justice. C'est ainsi que, dans sa section 2, le
projet vise, au bénéfice des justiciables, à faciliter
leur accès à la justice notamment en réduisant les
délais dans le processus judiciaire civil. Dans les sections 3 et 4, des
modifications sont apportées à diverses lois afin de favoriser
une meilleure administration de la justice. Concernant les délais, M. le
Président, on sait qu'il arrive souvent que, quand les délais
sont trop longs, ceci équivaut presque à un déni de
justice. Nous avons mis tous les efforts nécessaires au ministère
de la Justice pour trouver des moyens de nature à diminuer la langueur
de ces délais en fonction d'une meilleure administration de la justice.
C'est ce que recèle la section 2 du projet de loi.
Concernant, par exemple, la réduction des délais, des
modifications sont proposées au niveau de la procédure
introductive d'appel afin de la simplifier. Essentiellement, la proposition
contenue dans le projet de loi à cet égard vise à
remplacer la procédure basée sur l'exposé de la cause, les
commentaires de l'intimé, le dossier conjoint et le mémoire,
à remplacer tout cela, qui comporte beaucoup de temps, de délais
et aussi d'argent pour les contribuables, par une procédure basée
sur les seuls mémoires des parties auxquels chacune devra joindre les
extraits de preuves et copies des pièces qu'elle juge pertinentes. Cette
nouvelle procédure aura pour effet de réduire de 210 jours
à 165 jours le déroulement de la procédure d'appel et
facilitera l'analyse du
dossier d'appel, permettant ainsi au juge d'être plus exigant dans
le respect des délais impartis.
Par ailleurs, afin de réduire les délais au niveau de
l'audition proprement dite devant la Cour d'appel, certaines mesures
concrètes sont proposées. C'est ainsi que le seuil des appels de
plein droit à la Cour d'appel des jugements de la Cour supérieure
passera de 6000 $ à 10 000 $. De plus, les jugements interlocutoires,
ainsi que ceux autorisant un bref d'évocation ne seront "appelables" que
sur permission. Ces changements, parce qu'ils diminueront le nombre de dossiers
à la Cour d'appel et élimineront plusieurs appels à
caractère malheureusement trop souvent dilatoire, permettront donc une
réduction des délais d'audition.
Enfin, au niveau de la première instance, notamment la Cour
supérieure, les délais se trouveront également
réduits par les mesures suivantes. Premièrement, il sera
prévu que dorénavant tout appel d'un jugement interlocutoire ne
suspendra pas l'audition de la cause en première instance. Il deviendra
donc impossible pour les parties de porter un tel jugement en appel uniquement
à des fins dilatoires. Deuxièmement, le montant accordé
par jugement en matière contractuelle ne portera plus
nécessairement intérêt au taux légal, puisque, comme
en matière délictuelle, le juge pourra accorder une
indemnité supplémentaire destinée à compenser la
différence entre les taux d'intérêt actuels du
marché et le taux d'intérêt légal qui, on le sait,
est toujours, au moment où on se parle, de 5%, situation, je pense,
qu'il faut corriger. Cette mesure, parce qu'elle incitera les débiteurs
à chercher un règlement plutôt qu'à faire
traîner les procédures, contribuera donc à décharger
les rôles et, par voie de conséquence, à réduire les
délais d'audition des autres causes. De plus, elle mettra fin à
une situation qui, dans notre contexte économique actuel, peut souvent
s'avérer inéquitable.
On sait que des personnes ou des corporations, souvent, parce qu'elles
ont plus de moyens financiers, peuvent se prévaloir de toutes les
procédures possibles - c'est leur droit - en appel ou autrement, et ceci
représente des délais. Quand ces mêmes personnes ou
corporations savent que le taux d'intérêt est
l'intérêt légal, c'est-à-dire seulement 5%, elles
peuvent avoir intérêt à faire traîner les
procédures. En fin de compte, c'est la personne qui, souvent, a le moins
de moyens qui est pénalisée. Je crois que ces mesures seront de
nature à corriger cette situation.
Sur un autre aspect, l'accès à la justice sera
également favorisé par des modifications importantes
apportées au niveau des petites créances. C'est ainsi que le
seuil de juridiction de la division des petites créances de la Cour
provinciale passera de 500 $ à 800 $ dès le mois de septembre
prochain. Lorsqu'on pense à toute l'importance de l'institution des
petites créances comme mécanisme d'accès à la
justice, il convenait de hausser le montant des créances admissibles
à cette procédure qui est simple, humaine et efficace afin
d'éviter que l'inflation n'ait pour effet de limiter l'accès des
justiciables à ces cours. La dernière hausse du seuil de
juridiction remontait, en effet, à 1977.
C'est également pour tenir compte de l'inflation que les montants
des frais de la requête, qui sont demeurés les mêmes depuis
1972, sont haussés de 5 $ à 10 $ et de 10 $ à 20 $, selon
que le montant en cause sera au-dessous ou au-dessus de 250 $. Ces frais, il
est important de le rappeler, sont remboursés au demandeur qui obtient
gain de cause. Il est aussi expressément prévu que les
bénéficiaires de l'aide sociale n'auront pas à payer ces
frais. Par ailleurs, un des problèmes affrontés par les
justiciables au niveau des petites créances vient du fait qu'il est
souvent fort difficile de faire exécuter le jugement. Cette situation
s'explique en bonne partie par le fait que le débiteur du jugement
n'encourt aucun frais d'exécution, ceux-ci étant assumés
par le ministère de la Justice. En ce sens, le défendeur n'est
donc pas incité à payer.
Le projet de loi propose donc que les frais du huissier, qui constituent
la plus grande partie des frais de l'exécution des jugements aux petites
créances, soient désormais à la charge du débiteur,
ce qui devrait l'inciter à exécuter volontairement le jugement
rendu contre lui. Également, toujours en vue de favoriser une plus
grande accessibilité des citoyens à la justice, le projet de loi
propose d'étendre le champ d'application de la Loi sur
l'exécution réciproque d'ordonnances alimentaires à
d'autres États que le Canada. Ainsi, la personne à qui est due
une pension alimentaire au Québec pourra désormais être
protégée contre les déplacements de son débiteur
à l'étranger, dans la mesure où un accord aura
été conclu entre le Québec et l'État où se
trouve ce débiteur.
Enfin, comme je l'ai mentionné précédemment, le
projet de loi amende plusieurs lois afin de favoriser une meilleure
administration de la justice. Ainsi, des modifications seront apportées
au Code civil afin de régler divers problèmes rencontrés
en matière de nantissement et d'enregistrement de l'avis d'adresse. Par
ailleurs, afin d'assurer une meilleure protection du public contre certains
abus commis par les huissiers, le projet de loi propose la création d'un
comité de discipline chargé d'entendre les plaintes du public. De
plus, la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques
sera modifiée afin de réprimer certains abus qui font que
des boissons alcooliques peuvent être consommées dans des locaux
publics sans qu'aucun contrôle ne soit possible. Enfin, une autre
modification aura pour effet de préciser les privilèges des juges
nommés par le gouvernement du Québec en les alignant sur ceux des
juges de la Cour supérieure. (12 h 20)
Telles sont, M. le Président, les principales modifications
proposées par ce projet de loi et, comme je l'ai dit
précédemment - j'espère que j'en ai fait la preuve -
l'ensemble de ce projet de loi et les diverses dispositions se situent dans un
désir, dans une optique à la fois d'humanisation de la justice,
d'accessibilité à la justice et aussi d'une meilleure
administration de la justice au profit de l'ensemble des contribuables
québécois. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: M. le Président, je suis d'accord avec les
grandes lignes de ce projet de loi et avec un grand nombre de mesures que le
ministre propose qu'on adopte, étant donné que le ministre donne
suite aux recommandations que j'ai formulées depuis un an. En tant que
porte-parole de l'Opposition en matière de justice, j'ai rendu publique
une série d'études sur l'efficacité, le coût et la
qualité de l'administration de la justice au Québec. La
première étude s'intitule La police au Québec, son
contrôle et son coût; la deuxième, Les conditions et les
coûts de la détention au Québec; la troisième, Les
lenteurs de la justice, une injustice. Comme je viens de le dire, le ministre
donne suite à un certain nombre de recommandations qui se trouvent dans
ces études.
Le projet de loi no 67 traite de modifications principalement dans deux
domaines. Premièrement, il y a le domaine que j'aime appeler l'abolition
de l'emprisonnement à défaut de paiement d'amende et,
deuxièmement, les modifications en matière de droit civil et de
procédure civile.
Commençons par les problèmes de l'emprisonnement pour le
non-paiement d'amende. En septembre 1981, j'ai commencé une
tournée des principaux centres de détention et de
prévention au Québec. Lors de mes visites de ces centres de
détention et de prévention, j'ai trouvé déplorable
l'état de certains de ces établissements. J'ai trouvé des
conditions inhumaines, parfois intolérables dans ces centres de
détention et de prévention. J'ai aussi trouvé, M. le
Président, que les coûts sont excessifs. J'aimerais vous donner un
exemple des conditions qui, à mon avis, sont inhumaines, des conditions
qui vont à rencontre des droits et des libertés qui se trouvent
dans la Charte des droits et libertés de la personne du
Québec.
J'ai visité le centre de détention à Sherbrooke et
j'ai parlé - je ne l'ai pas vu parce qu'on n'a pas voulu me le laisser
voir - à un détenu qui a passé 22 jours sur 45 en
isolement, dans une cellule de trois pieds sur sept pieds, où il y avait
ni eau courante, ni électricité. C'était une cellule qui
était à peine ventilée. Il y avait seulement un lit et,
pour ses besoins personnels, il y avait un seau. Ce détenu qui attendait
son procès a passé 23 heures sur 24 dans cette cellule.
Après avoir visité la prison, j'ai écrit au
ministre de la Justice et je lui ai demandé de faire quelque chose. J'ai
fait état de la situation. Savez-vous ce que j'ai eu comme
réponse, M. le Président? La réponse était
simplement une confirmation des faits. Le ministre n'a rien promis. Il n'a pas
dit: Je vais intervenir, je vais humaniser les conditions pour ce monsieur, je
vais humaniser les conditions de vie dans cette prison. Non, il n'a pas dit
ça. Dans la lettre que j'ai reçue de son cabinet, c'est
simplement un aveu que ce que j'ai dit est vrai et on n'a rien promis en ce qui
concerne l'amélioration de cette situation. Pourtant, le slogan du
ministre de la Justice qu'on vient d'entendre est le suivant, il a pour objet
d'humaniser l'administration de la justice au Québec. Je peux vous
assurer, M. le Président, qu'il n'a pas fait grand-chose pour humaniser
les conditions dans les prisons québécoises.
Après ces visites des principaux centres de détention et
de prévention, j'ai proposé la fermeture de certaines prisons, la
fermeture des prisons moyenâgeuses qui se trouvent à Sherbrooke et
à Trois-Rivières. J'ai aussi proposé la fermeture du
Centre de détention de la rue Parthenais à Montréal, parce
que les conditions y sont intolérables. Le ministre lui-même a
pris l'engagement par écrit en 1977 de fermer ce centre, donc il y a
plus de cinq ans. Il a pris l'engagement mais, bien sûr, le centre est
encore ouvert et il fonctionne. Je demande une autre fois au ministre de tenir
ses promesses et de fermer ce centre de détention.
Malheureusement, le ministre n'a pas donné suite à toutes
mes suggestions en ce qui concerne les conditions dans les centres de
détention au Québec. Il ne propose rien pour améliorer les
conditions dans les prisons. Il ne propose rien aujourd'hui, il n'a rien
proposé le mois dernier, ni depuis longtemps.
De plus, M. le Président, la vie du personnel dans les prisons
est très difficile. J'ai rencontré des gardiens dans les prisons
qui m'ont dit qu'eux aussi purgent une sentence parce que, là où
les conditions sont
intolérables, il y a une tension incroyable et c'est vraiment
difficile pour ce personnel de faire le travail. Je conclus sur ce point. Le
ministre ne propose rien pour améliorer les conditions dans nos prisons,
pour rendre le système plus efficace.
J'ai trouvé que les coûts d'exploitation dans ces prisons
sont excessifs. En 1975-1976, les coûts du système carcéral
au Québec étaient de presque 39 000 000 $ et, en 1980-1981, les
coûts ont augmenté à presque 75 000 000 $,
c'est-à-dire que les coûts ont presque doublé entre 1976 et
1980. J'ai fait une comparaison avec les coûts d'exploitation des prisons
entre le Québec et l'Ontario. J'ai trouvé qu'en 1979-1980 le
coût moyen pour garder quelqu'un en prison au Québec était
de 77,16 $ par jour, quoique le coût moyen en Ontario pour la même
période était de seulement 55,08 $ par jour. Les coûts sont
de 40% plus élevés au Québec qu'en Ontario et
peut-être qu'aujourd'hui c'est près de 50%, je n'ai pas les
chiffres de cette année. (12 h 30)
J'ai cité le coût moyen, mais je dois vous dire qu'il y a
des prisons où les coûts sont beaucoup plus élevés
que la moyenne. Par exemple, à Chicoutimi, dans le comté du
ministre de la Justice, le coût moyen par jour, par détenu, en
1979-1980, était de 119,63 $. Ce serait peut-être plus efficace
d'héberger ces détenus à l'hôtel Hilton du coin;
cela coûterait sûrement moins cher. Par exemple, au centre de
détention de Percé, en Gaspésie, le coût moyen par
jour, par détenu, était, en 1979-1980, de 256 $ par jour. Je
pense que ce serait moins coûteux de louer une suite pour les
détenus dans un hôtel Hilton du coin ou dans un autre bon
hôtel. Je ne veux pas donner d'autres statistiques, mais à
Sept-Îles, cela coûte à peu près 175 $ par jour et
les conditions, à Sept-Îles, sont très mauvaises.
J'ai dit que les coûts, pour garder quelqu'un en prison au
Québec, sont de 40% plus élevés que les coûts pour
garder quelqu'un en prison en Ontario. Si on réduit les coûts au
Québec au même niveau qu'en Ontario, on peut faire une
économie d'au moins 20 000 000 $. Je pense que cela incombe au ministre
de proposer un plan pour faire ces économies, étant donné
que nous sommes dans une période où on demande à tout le
monde de se serrer la ceinture.
Où le ministre va-t-il chercher l'argent? Le Conseil du
trésor a demandé au ministre de couper les dépenses de son
ministère; où va-t-il trouver l'argent? Dans les poches des
pauvres. Nous avons devant nous un projet de loi qui touche l'aide juridique.
Le ministre propose de modifier la Loi sur l'aide juridique pour qu'il y ait un
ticket modérateur, cela veut dire que les non assistés sociaux
seront appelés à payer des frais de 20 $ à 40 $ - le
ministre a dit que le ticket modérateur sera de 30 $ - pour avoir droit
à l'aide juridique.
La seule province canadienne où il y avait un ticket
modérateur, c'était au Manitoba. Il a été
instauré par un gouvernement conservateur. Quand le gouvernement NPD a
pris le pouvoir au Manitoba, ce gouvernement a aboli ce ticket
modérateur. Qu'est-ce qu'on fait ici, avec notre gouvernement
social-démocrate? On prévoit des tickets modérateurs. Le
ministre des Affaires sociales est ici; il a parlé des tickets
modérateurs il y a quelques mois, en ce qui concerne les frais
médicaux. Il a dit: Qu'est-ce qu'un ticket modérateur? C'est un
"Big Mac et un Coke", ce n'est rien.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de
privilège de la part du ministre des Affaires sociales.
M. Johnson (Anjou): M. le Président...
M. Marx: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de
règlement de la part du député de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, vous étiez ici il y a
deux jours. Vous m'avez dit, quand j'ai soulevé une question de
privilège, que je devais attendre la fin du discours du
député qui a la parole. Je vous demande d'appliquer le même
règlement envers le ministre des Affaires sociales.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, parce que je connais votre expérience
antérieure, je ne voudrais pas vous faire un cours de droit sur le
règlement de l'Assemblée nationale. Quand je vous ai
demandé d'intervenir en vertu de l'article 96, c'est parce que je savais
que vous étiez déjà intervenu et que le sujet qui
était en discussion, c'était que quelqu'un avait mis dans votre
bouche des paroles que vous n'aviez pas prononcées. Or, le
règlement, en vertu de l'article 96, dit: "Le député qui
prend la parole pour donner des explications sur le discours qu'il a
déjà prononcé ne peut le faire que lorsque le discours qui
les provoque est terminé." J'avais simplement dit que, dans votre cas
à vous, comme vous étiez déjà intervenu sur le
sujet, c'était l'article 96.
Au moment où nous nous parlons, le ministre des Affaires sociales
n'est pas intervenu dans le débat. Vous avez dit des choses qu'il semble
ne pas vouloir accepter mais je n'ai pas encore à présumer de
ce
qu'il va dire. C'est une question de règlement en vertu de
l'article 49.1; le ministre peut soulever une question de privilège
à n'importe quel moment, compte tenu que ce n'est pas en vertu de
l'article 96. La différence entre les deux est parfois minime, mais elle
est quand même là et le gouvernement le prévoit en
conséquence. M. le ministre des Affaires sociales.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je serai très
bref. Je ne veux pas ennuyer le député qui a un rythme un peu
enrayé, je pense, dans son discours. Je dirai qu'il n'a pas plus de
talent de comédien qu'il n'a de talent au niveau du discours qu'il
tient. Je pense qu'il a caricaturé d'une façon injuste les propos
que j'ai tenus à l'occasion de la possible instauration, de
l'hypothétique instauration de ce qu'on appelle un ticket
modérateur dans la santé. Je n'ai jamais pris l'attitude
désabusée, insouciante et méprisante qu'il semble vouloir
caricaturer.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'accepte votre décision, M. le Président,
mais je vois que, chaque fois que je me lève, chaque fois que cela
s'applique à moi, le règlement comporte un autre article qui
n'était pas prévu pour l'autre député. En ce qui
concerne le ministre des Affaires sociales, je n'ai pas
interprété ses propos. Tout ce que j'ai fait, j'ai
rapporté ses propos. Ses propos étaient qu'un ticket
modérateur, c'est un "Big Mac et un Coke", donc pas grand-chose. Je peux
vous dire, M. le Président, qu'il y a des personnes au Québec -
et il y en a beaucoup - qui ne peuvent pas se payer un ticket d'autobus pour
aller à l'hôpital, pour aller à la Commission des services
juridiques, qui ne se paient jamais le luxe d'un "Big Mac et d'un Coke", comme
le ministre le veut bien. J'insiste pour dire que le gouvernement et le
ministre de la Justice vont chercher de l'argent dans les poches des
économiquement défavorisés au lieu d'aller chercher de
l'argent en exigeant une plus grande efficacité, de couper les
coûts au ministère et de couper les coûts dans les services
de détention de son ministère. J'ai trouvé qu'il y avait
à peu près 50% des admissions dans les prisons du Québec
qui le sont pour le non-paiement d'une amende et, comme le ministre vient de le
dire, à peu près 8%...
M. Bédard: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, juste un
instant! Effectivement, le député de D'Arcy McGee aurait raison,
si je vous laissais intervenir, de me rappeler à l'ordre, s'il est
possible. Dans le cas du ministre des Affaires sociales, compte tenu qu'il
n'était pas intervenu dans le débat, il fallait, d'abord et avant
tout, que j'écoute pour savoir si c'était une question de
privilège. Je n'avais pas à juger avant qu'il intervienne si cela
en était une ou pas. Dans votre cas, M. le ministre, à moins que
le député n'accepte d'être interrompu, il y a une chose qui
est certaine, vous avez, en vertu de l'article 96, le même
privilège que le député de D'Arcy McGee de corriger ce
qu'il vient de dire, mais je ne voudrais pas que des divergences d'opinions qui
sont émises de part et d'autre deviennent des questions de
privilège, parce qu'effectivement elles n'en sont pas.
M- Bédard: M. le Président, j'attendrai la fin de
l'intervention. Le député de D'Arcy McGee me permettra de
constater que...
M. Marx: Merci. Non, je ne le permets pas. M. le
Président.
M. Bédard: Je n'ai même pas eu le temps de
m'exprimer que vous avez tranché. Je respecte votre...
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, je veux
simplement vous dire que je savais, à la suite du discours qui
était fait, parce que j'écoute attentivement ce qu'il dit, par
l'intervenant, que votre intervention avait trait au discours
déjà prononcé par le député de D'Arcy McGee
à qui je donne la parole maintenant. (12 h 40)
M. Marx: Merci, M. le Président.
M. Bédard: Si vous saviez que le député
errait, d'accord.
M. Marx: Je vois, M. le Président, qu'on a bien fait quand
on a voté unanimement pour que vous soyez élu
vice-président de l'Assemblée nationale, car vous traitez les
députés de façon égale.
Pour reprendre mes propos, avant d'être interrompu par le ministre
de la Justice à qui, j'imagine, je fais mal avec mes propos sur
l'efficacité de l'administration de la justice au Québec, j'ai
dit qu'environ 50% des admissions aux prisons québécoises sont
pour le non-paiement d'amende et, comme le ministre l'a dit, il y a quelques
minutes, environ 8%, peut-être même jusqu'à 10% des
personnes incarcérées sont en prison pour le non-paiement
d'amende Vous savez, M. le Président, qu'il y a un surpeuplement dans
les prisons du Québec. Il y a un surpeuplement impossible dans certaines
institutions et si on abolit l'emprisonnement pour le non-paiement d'amende en
général, cela va beaucoup dégager les prisons, au moins -
espérons-le - peut-être de 8%.
Vous savez que, souvent, quelqu'un ne
paie pas une amende de 100 $ et, après cela, il est
emprisonné pendant dix jours. Donc, pour le non-paiement d'une amende de
100 $ - peut-être pour une infraction au Code de la route - la personne
est incarcérée pendant dix jours, c'est-à-dire que
l'État va payer 1000 $ et plus pour garder quelqu'un en prison pour le
non-paiement d'une amende de 100 $. Cela n'a pas de bon sens. En effet, c'est
le contribuable québécois qui est puni et non pas celui qui a
commis l'infraction. C'est pourquoi, c'est plein de bon sens de proposer, comme
vient de le faire le ministre, un projet de loi où on va tenter
d'abolir, dans la mesure du possible, l'emprisonnement pour le non-paiement
d'amende. En 1978, le ministère de la Justice avait
déboursé environ 5 000 000 $ pour héberger des personnes
qui ont fait défaut de paiement d'amende totalisant 1 000 000 $, y
compris des frais. Donc, il y a des économies à faire en adoptant
la politique qui se trouve dans le projet de loi.
Dans cette étude sur les prisons qui a été rendue
publique en janvier 1982, j'ai proposé l'abolition de l'emprisonnement
pour le non-paiement d'amende et, à l'époque, cela a
été très bien reçu par les médias. Des
éditoriaux ont paru dans quelques journaux et les éditorialistes
ont dit que c'était une bonne idée. J'ai aussi participé
à des lignes ouvertes et j'ai parlé à la population. J'ai
trouvé que la population était très ouverte à une
telle amélioration de notre système d'administration de la
justice. Je pense que ce projet sera bien accepté par la population.
Tout le monde voit que ce serait vraiment faire un avancement dans
l'administration de la justice au Québec.
Cependant, le projet de loi no 67 prévoit comme
possibilités, dans le cas de non-paiement d'amende, pour ne pas envoyer
les personnes en prison, seulement la saisie des biens ou des travaux
compensatoires. Le ministre manque un peu d'imagination concernant les choix
possibles et j'aimerais en suggérer un ou deux. Peut-être que le
ministre pourra se pencher sur ces suggestions lors de la discussion article
par article de ce projet de loi.
Par exemple, un très grand nombre d'infractions sont des
infractions routières, de stationnement, et il arrive souvent que les
gens ne paient pas leur amende et se retrouvent en prison. Peut-être que,
dans le cas de ceux qui ne paient pas l'amende pour une infraction
routière, une infraction de stationnement, ou une infraction municipale,
qui est semblable à une infraction routière, on peut
prévoir le non-renouvellement du permis de conduire. Cela veut dire que,
si une personne commettait ce délit et ne payait pas son amende, son
permis de conduire ne serait pas renouvelé. On pourrait prévoir
aussi le non-renouvellement de l'immatriculation de la voiture en cas de
non-paiement d'amende. Il y a peut-être d'autres sanctions que la saisie
des biens ou les travaux compensatoires et j'aimerais demander au ministre de
penser à ces autres possibilités. Ce serait aussi très
facile d'administrer un programme comme celui du non-renouvellement du permis
de conduire pour quelqu'un qui n'a pas payé une amende imposée
à cause d'une infraction routière.
Peut-être peut-on discuter aussi, en commission parlementaire, des
amendes proportionnelles au revenu. Cela a été proposé
dans la Presse de ce matin par Jean-Claude Bernheim, de l'Office des droits des
détenu(e)s de la Ligue des droits et libertés. Je pense que c'est
une suggestion qui mérite d'être discutée en commission
parlementaire.
De plus, il semble, comme le ministre l'a dit, que ces dispositions en
ce qui concerne le nombre d'emprisonnements ne seront pas appliquées
partout au Québec en même temps, c'est-à-dire qu'il va y
avoir des cours municipales qui vont échapper à l'application de
ces améliorations, de ces modifications, et que ce sera possible - on
voit cela dans le projet de loi - pour le ministre de faire appliquer la loi
à ces cours municipales par décret. Il va donc y avoir deux
poids, deux mesures au Québec. Il va y avoir une inégalité
entre les Québécois et Québécoises. Supposons que
le projet de loi s'applique à Saint-Jérôme et à
Trois-Rivières, mais pas à Montréal, ce sera injuste pour
les Montréalais qui n'auront pas la possibilité de
bénéficier de ce projet de loi. Il ne faut pas oublier que, quand
il s'agit d'une amende en vertu d'une infraction municipale, c'est la ville qui
garde l'argent. Si la personne ne paie pas, elle va en prison et c'est la
province qui doit payer pour l'hébergement de cette personne.
J'insiste sur le fait que, si cette loi s'applique seulement dans
certaines municipalités, dans certaines cours municipales et pas partout
au Québec, il y aura une certaine inégalité entre
Québécois et je pense que c'est à éviter. Pourquoi
ne pas faire appliquer cette loi à Montréal, à
Québec et partout? Pourquoi soustraire certaines villes? Le ministre dit
que ça peut être difficile d'administrer les dispositions de la
loi dans certaines cours municipales, dans certaines municipalités, mais
c'est à lui de prendre ses responsabilités et de voir à ce
qu'il y ait une administration efficace de cette loi partout au
Québec.
Finalement, il y a une autre faille dans ce projet de loi, une faille
sérieuse quant à moi. J'ai suggéré, en janvier, que
la détention à la suite d'une arrestation pour une infraction
pour laquelle une peine d'emprisonnement n'est pas prévue soit abolie.
Si l'emprisonnement n'est pas prévu
pour une certaine peine, pourquoi mettre la personne
arrêtée en prison pour un jour ou pour la nuit, par exemple? (12 h
50)
J'aimerais vous donner un exemple. Il n'y a pas longtemps, une
ex-religieuse m'a téléphoné. Elle m'a dit qu'elle se
trouvait sur une rue à Montréal, un soir, et qu'un phare de sa
voiture était brûlé. Elle a été
arrêtée et le policier qui l'a arrêtée a vu que son
permis de conduire était expiré. Elle m'a expliqué qu'elle
n'avait pas reçu son chèque de pension à temps et qu'elle
n'avait pas renouvelé son permis de conduire. De toute façon,
deux policiers ont amené cette femme à la prison Tanguay
où elle a passé la nuit. Elle a été très
traumatisée par cette expérience. Elle a dit: Pourquoi m'a-t-on
amenée en prison avec des personnes qui ont commis des crimes alors que
je n'ai rien fait? De toute façon, elle a passé la nuit en prison
et je trouve que c'est très coûteux. Imaginez combien ça
coûte pour deux policiers d'amener une pauvre dame en prison, de faire
toute la paperasse, de garder la personne la nuit, tout cela. Cela coûte
des centaines de dollars. Pendant que les policiers font ce travail, ils ne
font pas la patrouille dans la ville, ainsi de suite.
Je trouve que c'est une amélioration importante de prévoir
que si quelqu'un est arrêté pour une infraction où
l'emprisonnement n'est pas exigé, cette personne ne soit pas
amenée en prison pour y passer une nuit ou même un jour ou deux.
J'espère que le ministre va se pencher sur cette recommandation.
En conclusion, sur cette partie du projet de loi, le ministre est sur la
bonne voie. Il va dans la bonne direction et on va l'appuyer. Il y a certaines
améliorations que j'ai suggérées quant au fond et à
la forme; j'espère que le ministre va demander à ses
fonctionnaires de reprendre cette partie du projet de loi, d'en revoir les
articles et de voir s'il y a possibilité de les améliorer dans le
sens que je viens de décrire.
Maintenant, en matière de droit civil et de procédure
civile, j'ai rendu public, au mois de mai, un rapport qui s'intitule Les
lenteurs de la justice, une injustice. Vous savez, M. le Président, il y
a des lenteurs de la justice, au Québec, qui sont vraiment impossibles.
Par exemple, prenons la Commission des droits de la personne. Savez-vous, M. le
Président, que si vous allez déposer une plainte à la
commission, cela peut prendre des mois, si ce n'est pas un an, avant qu'elle
puisse commencer une enquête. C'est une situation qui doit être
améliorée. La commission pourrait bien vous dire: Monsieur, vous
pouvez aller en cour si vous n'êtes pas satisfait des délais
à la Commission des droits de la personne; vous pouvez toujours aller
devant les tribunaux de droit commun. C'est vrai, M. le Président, mais
le recours n'est pas le même.
La Commission des droits de la personne a le pouvoir de faire une
enquête. Les tribunaux de droit commun n'ont pas le pouvoir de faire une
enquête. Les recours sont différents. S'il faut attendre des mois
et, parfois, un an avant que la Commission des droits de la personne commence
son enquête, je pense que c'est une injustice. C'est une injustice pour
beaucoup de gens et surtout pour les gens qui ne peuvent pas se défendre
d'une autre façon et qui n'ont que la commission comme
défenderesse de leurs droits.
J'ai aussi trouvé des délais inacceptables dans certains
districts judiciaires. J'ai trouvé qu'il y a un faible taux d'occupation
des salles d'audience dans certains districts judiciaires. En gros, en
général, le ministre donne l'exemple de quelqu'un qui ne sait pas
comment gérer, comment administrer de façon efficace le
système d'administration de la justice au Québec. Je ne sais pas
si le ministre a une politique globale en ce qui concerne la gestion,
l'administration des palais de justice et ainsi de suite. Je ne sais pas s'il a
des idées dans ce dossier. S'il a des idées, s'il a une vision
globale, il n'a jamais communiqué ses idées ou cette vision
à qui que ce soit, surtout pas à l'Opposition.
Il faut que je souligne que les juges en chef et les juges en chef
adjoints dans certains palais de justice ont apporté des
améliorations importantes, mais ils manquent en effet de juridiction, de
pouvoirs de tout faire parce qu'en fin de compte, ça relève du
ministre de la Justice de faire ces réformes afin de rendre le
système de l'administration de la justice plus efficace.
Parmi mes recommandations en ce qui concerne le droit civil et la
procédure civile, j'aimerais souligner les suivantes:
Premièrement, j'ai proposé que la juridiction de la Cour
provinciale pourrait être augmentée par exemple de 6000 $ à
8000 $ ou même à 10 000 $ et celle de sa division des petites
créances, de 500 $ à 800 $ ou même à 1000 $. Cette
mesure, tout en tenant compte des taux d'inflation enregistrés ces
dernières années, vise également à diminuer le
nombre de dossiers ouverts à la Cour supérieure. Le ministre
donne suite à une de ces recommandations. Je dois dire aussi que le
ministre a déjà annoncé cette suggestion il y a quelques
mois, il a dit qu'il le fera, c'est-à-dire qu'il augmentera la
juridiction de la Cour des petites créances de 500 $ à 800 $ et
il a effectivement proposé cela dans ce projet de loi; mais il n'a pas
donné suite aux autres recommandations. Peut-être peut-il
réfléchir à ces autres recommandations.
Deuxièmement, j'ai proposé que la somme accordée
par jugement, qui porte intérêt au taux légal de 5% depuis
la date
de l'institution de la demande en justice, soit révisée.
Le législateur québécois a prévu, à
l'article 1056-c du Code civil du Bas-Canada, qu'en matière
délictuelle, il peut être ajouté à ce taux une
indemnité qui varie selon les conditions du marché financier et
qui, actuellement, est fixée à environ 14%. Puisque rien ne
justifie le maintien du taux d'intérêt légal de 5% dans les
autres domaines, il est suggéré, par exemple, que l'article 1077
ou 1078 du Code civil soit modifié afin de prévoir, en
matière contractuelle, une indemnité semblable à celle que
l'on trouve à l'article 1056-c du Code civil, qui porterait le taux
d'intérêt à un niveau plus raisonnable et plus juste.
Aujourd'hui, en matière contractuelle, si vous savez que vous
n'allez payer que l'intérêt de 5%, vous pouvez avoir
intérêt à traîner une cause de 100 000 $ devant les
tribunaux, d'aller d'appel en appel parce que vous allez faire de l'argent.
Vous pouvez investir vos 100 000 $ portant un intérêt de 15% ou
à 20%; et un jour, quand vous serez condamné à payer les
100 000 $, le taux d'intérêt sera de seulement 5%. Donc, j'ai
proposé que ce taux légal de 5% soit augmenté par
l'institution d'une indemnité. Je suis heureux de voir que le ministre a
pensé donner suite à cette recommandation qui se trouve dans le
projet de loi no 67. (13 heures)
Troisièmement, j'ai aussi proposé que l'article 276 du
Code de procédure civile soit modifié afin que la confection des
rôles soit faite non pas en fonction de la date d'introduction de
l'instance, mais plutôt suivant la date d'acceptation du certificat
d'état de la cause. Ceci devrait encourager les parties à
procéder à une mise en état plus rapide de leur cause.
C'est un problème technique, et on peut améliorer notre
administration de la justice.
Quatrième recommandation, en matière pénale, comme
les procédures écrites sont peu nombreuses, il n'est pas possible
de parler de délais dus à la mise en état de la cause. En
somme, les délais sont presque exclusivement causés par
l'encombrement des rôles ou bien résultent de remises. J'ai
proposé que les juges se montrent plus sévères à
l'égard des demandes de remise et qu'ils puissent à l'occasion
forcer les parties à procéder plus rapidement comme c'est
maintenant le cas pour le juge d'appel. Il faut signaler ici...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse. J'ai
l'obligation, compte tenu du temps, de vous demander la permission pour
continuer au-delà de 13 heures puisque le règlement
prévoit qu'à ce moment-ci on devrait terminer. Est-ce qu'il y a
consentement? M. le député, vous pouvez continuer.
M. Marx: Merci, M. le Président, merci, messieurs et
mesdames les députés, pour me permettre de terminer. Je n'en ai
que pour quelques minutes encore. J'ai dit qu'il faut signaler que, dans
certains districts judiciaires, certaines cours, la justice pénale est
assez rapide. Prenons, par exemple, la Cour des sessions de la paix à
Montréal. Je pense que cela fonctionne très bien et j'imagine que
le juge en chef de cette cour a instauré un certain nombre
d'améliorations. J'ai trouvé, par aileurs, qu'à Longueuil
il y a un problème en ce qui concerne les cours qui rendent les
décisions en droit pénal. Longueuil c'est dans le comté du
premier ministre. On a déjà promis un palais de justice pour
Longueuil, mais apparemment c'est remis encore pour quelques années. Je
demande au ministre de la Justice de vraiment étudier le problème
à Longueuil et d'apporter certaines améliorations,
peut-être même dans le projet de loi qu'on est en train de
discuter.
Cinquième recommandation. Puisqu'un grand nombre de recours
à la Cour d'appel du Québec sont tout simplement dilatoires, des
mesures doivent être prises afin que le nombre de jugements sujets
à appel de plein droit devant la Cour d'appel soit diminué.
Notons que depuis 1975, la Cour suprême du Canada n'entend les appels, en
règle générale, que sur permission. J'ai été
heureux d'apprendre il y a quelques jours que le ministre a proposé
certaines mesures pour faire en sorte qu'il y ait moins de jugements qui iront
en Cour d'appel de plein droit. Je pense que c'est une amélioration.
Peut-être pourra-t-on trouver d'autres améliorations dans ce sens
quand on va étudier ce projet de loi article par article.
Par rapport à la première partie de ce projet de loi
où on voit vraiment un certain nombre de réformes importantes, en
matière de procédure civile et de droit civil, ce sont
plutôt des réformettes. Il serait bon de revoir ces articles pour
voir s'il y aurait encore des améliorations possibles.
En conclusion, le ministre propose certaines réformes
intéressantes. On pourrait les améliorer, les perfectionner en
commission parlementaire. Je suis sûr que le ministre va arriver en
commission parlementaire avec un esprit ouvert. Par ailleurs, il manque de
progrès, il manque d'amélioration en ce qui concerne le dossier
de la détention, les conditions et les coûts de la
détention au Québec. J'aimerais demander au ministre de se
pencher également sur ces problèmes. Il manque aussi de
réformes dans le domaine de l'administration des palais de justice au
Québec et en ce qui concerne aussi la procédure civile. On a un
projet de loi devant la Chambre qui peut être amélioré. Il
nous reste une semaine pour l'étudier. Malheureusement, cela vient en
fin de session. Peut-être était-ce planifié par le
ministre, parce qu'en fin de session, on peut faire adopter des lois en
paquets. On n'a pas le temps de vraiment les étudier. Toutes sortes de
choses passent en fin de session, mais j'aimerais demander au ministre de
prendre vraiment le temps, de demander à ses fonctionnaires de prendre
le temps d'étudier encore ce projet de loi et d'apporter certaines
améliorations que j'ai proposées et d'autres améliorations
qu'on va peut-être trouver ensemble lors de l'étude article par
article de ce projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: M. le Président, pourrais-je vous demander
d'ajourner les débats jusqu'à 15 heures, s'il vous
plaît?
Le Vice-Président (M. Jolivet): L'ajournement...
Mme Juneau: Du débat.
Le Vice-Président (M. Jolivet): ... du débat.
Mme Juneau: La suspension des débats.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Non, c'est l'ajournement.
J'ai bien compris l'ajournement, puisque, à 15 heures, sur mon horaire,
il y a autre chose. C'est cela, il y a autre chose. L'ajournement du
débat.
M. Marx: M. le Président, puis-je poser une question au
leader adjoint? À 15 heures, va-t-on continuer le débat sur ce
projet de loi? C'est ce que j'ai compris ce matin.
M. Brassard: C'est possible, oui, c'est cela.
M. Marx: C'est parce que je dois aviser les députés
s'ils vont parler ou non cet après-midi. Je ne peux pas leur dire
d'être sur le qui-vive tout l'après-midi et toute la nuit.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Seulement un instant. Pour
éviter quoi que ce soit, nous allons ajourner les débats, tel que
demandé, de façon à bien comprendre la situation, s'il
arrivait quelque chose. Mais si le leader peut le rappeler, il le rappellera
à 15 heures, comme prévu. La motion serait donc adoptée.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Brassard: Cela devrait être appelé de toute
façon aujourd'hui, M. le Président, y compris un projet de loi
sur le financement des partis politiques. Suspension jusqu'à 15
heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Suspension des travaux
jusqu'à 15 heures. Cette motion est-elle adoptée?
Adopté.
Il y a donc suspension des travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 09)
(Reprise de la séance à 15 h 10)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaftl
Veuillez vous asseoir.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Brassard: Toujours l'article 10 du feuilleton, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 66, Loi modifiant certaines dispositions
législatives en matière de financement des partis politiques et
en matière d'élections municipales.
La parole est à...
Mme Juneau: C'est le projet de loi no 67.
M. Brassard: Je m'excuse, M. le Président, il y a une
erreur. C'est l'article 11 du feuilleton.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 67, Loi modifiant la Loi sur les poursuites sommaires, le
Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives.
Mme la députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Lorsqu'on m'a
demandé d'intervenir sur le projet de loi no 67, je n'ai pas
tardé à accepter, et je vais vous expliquer pourquoi. Quand j'ai
décidé de me présenter comme députée
à l'Assemblée nationale, j'avais fait un choix bien particulier.
Comme vous le savez, j'ai été une mère de famille à
la maison pendant vingt ans pour éduquer mes six enfants. J'ai
passé toute ma vie à aider les autres, à humaniser tout ce
que je faisais en vue de rendre les autres plus heureux et plus joyeux. Quand
le ministre de la Justice a préparé cette loi, une loi qui
humanise, j'ai été tout de suite prête à embarquer,
à aider parce que cela visait justement le même but que celui que
je m'étais fixé en venant ici, à l'Assemblée
nationale.
Comme je vous le disais, M. le Président, quand on vit comme moi
à la maison, on essaie de simplifier ce qui est compliqué et on
ne complique jamais ce qui est simple. Le projet de loi no 67 a pour but
d'humaniser le recouvrement des amendes. Auparavant, les gens punis pour
un délit quelconque étaient obligés soit d'être
détenus quinze jours en prison ou de payer une amende tout de suite,
dès que le juge en décidait ainsi. Vous savez, quand
c'était une amende de 100 $ ou de 200 $ et que le type n'était
pas capable de payer, on l'envoyait en prison subito presto. J'ai
demandé à un de mes collègues ce qu'il en coûtait
pour garder une personne en prison une journée ou deux. Il m'a dit que
cela coûte environ 60 $ par jour. Pour la personne qui recevait une
sentence de quinze jours de prison, cela coûtait, à tous les
Québécois et Québécoises, environ 900 $ pour payer
une dette de 100 $ ou 200 $.
En humanisant, le projet de loi no 67 donne, à ces
gens-là, le privilège de payer leur dette autrement, soit par
paiement différé, c'est-à-dire une partie du montant
chaque semaine, ou autrement, cela leur donne la chance de ne pas être
incarcérés et cela va coûter moins cher à la
province aussi.
Lorsqu'une sentence est prononcée, il y a un délai de 30
jours pour l'exécution de cette sentence afin de donner la chance
à cette personne de se virer de bord et de voir ce qu'elle peut faire
pour payer sa dette. C'est bien, je pense, que le ministre de la Justice ait
fait ce projet de loi no 67.
Le projet de loi no 67 permettra aussi à une personne qui a
commis un délit de pouvoir payer sa dette d'une façon bien
spéciale. Il existe, dans la province de Québec, 1500 organismes
communautaires reconnus par le ministère de la Justice. De par ces 1500
organismes communautaires, les gens qui auront commis un délit mineur
pourront rembourser leur dette en travaillant dans un CSS, dans des garderies,
des fabriques, des centres de loisir, en faisant de l'entretien, de la
réparation ou de la peinture et, ainsi, ils pourront payer leur dette
à la société sans qu'il en coûte davantage à
la société.
De cette manière, le ministre de la Justice, quand on le
connaît comme je le connais et comme tout le monde le connaît, qui
est un grand humain, a pensé aider les gens à payer leur dette
sans faire trop de mal à personne. Il y aura, à ce
moment-là, un schéma, un tableau explicatif pour indiquer que
tant d'heures faites à l'entretien d'un organisme communautaire
équivaudront à rembourser la dette due au délit qui a
été commis.
Tant et aussi longtemps qu'ici, à l'Assemblée nationale,
les ministres travailleront dans le but d'humaniser les lois pour les rendre
plus accessibles, moins difficiles à avaler, je serai toujours de ce
côté-là puisque c'est le but que je m'étais
fixé en venant ici. Quand j'aurai pensé que j'ai terminé
ici, que j'ai aidé, par mon humble contribution, à
améliorer ces projets de loi, je pourrai retourner chez moi, refermer la
parenthèse et retrouver mes valeurs familiales, qui, pour moi, sont
prioritaires.
D'ici à ce temps-là, M. le Président, j'affirme que
je serai davantage présente et j'essaierai d'apporter ma contribution,
comme je vous l'ai dit tout à l'heure, pour que ces lois, quelles
qu'elles soient, deviennent plus abordables et plus en mesure d'aider les
Québécois et les Québécoises. Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Anne.
Une voix: Ah! lui, il est bon. Des voix: Bravo! Bravo!
M. Maximilien Polak
M. Polak: M. le Président, je vais commencer par
reconnaître les applaudissements du député de Frontenac.
Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais je pense qu'il commence finalement
à voir la lumière.
Je dois d'abord vous dire qu'en principe je suis d'accord avec ce projet
de loi parce que, avec tout le respect que je dois au ministre de la Justice,
beaucoup des idées qu'on y retrouve ont été
suggérées par le député de D'Arcy McGee, qui a fait
le tour de la province, des tribunaux, des prisons; il s'est même
retrouvé dans toutes sortes de trous de prison. C'est lui qui a eu la
grande manchette, pas parce qu'il la cherchait, mais parce qu'il croyait en une
cause. Il a fait des suggestions positives.
De temps en temps on est devant un projet de loi où on peut
parler en toute objectivité et oublier la partisanerie. On ne peut pas
blâmer le fédéral avec ce projet de loi; donc, nous sommes
d'accord pour dire que, si quelque chose peut améliorer le
système administratif de la justice, évidemment, nous en
acceptons le principe.
Cela ne veut pas dire tout de même que tout n'est que
beauté dans ce projet de loi. Comme je le disais hier soir, durant la
dernière semaine de la session, on nous présente des projets en
masse. J'ai compté, l'autre jour, 17 projets en deux semaines alors que,
pendant les trois mois précédents, il n'y en a eu que trois ou
quatre. On a eu bien des discussions, mais rien sur la table. (15 h 20)
En ce qui concerne ce projet de loi, que je qualifie d'omnibus, du
ministre de la Justice, évidemment, la grande amélioration se
retrouve dans le domaine de l'exécution des jugements rendus en
matière pénale provinciale. D'abord, la loi dit maintenant
carrément que tout débiteur aura un délai de
30 jours pour payer l'amende. J'ai été juge municipal
pendant dix ans en banlieue de Montréal et j'ai toujours accordé
30 jours ou 60 jours. J'ai toujours demandé au débiteur: Quelle
est votre situation? Travaillez-vous? Avez-vous des problèmes sur le
plan financier? Si oui, on fixe un délai. C'est vrai que c'était
bon de l'inscrire dans la loi, même si beaucoup de juges,
déjà, prenaient la liberté, étaient un peu plus
ouverts et donnaient une chance à l'individu concerné.
Maintenant, le projet de loi parle du percepteur. Je me demande ce que
le ministre a voulu dire par le mot "percepteur". Le percepteur, en vertu de ce
projet de loi, sera une personne désignée par le ministre de la
Justice. Est-ce qu'il va se servir des huissiers qui sont déjà en
place ou si ce sera un fonctionnaire du ministère de la Justice?
Peut-être qu'il serait préférable de choisir un huissier
parce que ces gens connaissent tout de même très bien le domaine.
En tout cas, plus tard, quand on étudiera le projet article par article,
on reverra cette idée de percepteur.
Quoi qu'il en soit, le percepteur pourra accorder un prolongement au
délai pour payer l'amende. Si tout cela n'est pas respecté, il
pourra procéder par une saisie. Si, selon son opinion, il n'est pas
possible de percevoir de l'argent même après une saisie, il pourra
- et cela, c'est un élément nouveau dont je voudrais discuter -
suivant le texte de la loi, "suivant la disponibilité des programmes de
travaux compensatoires, offrir au défendeur de payer celle-ci par le
biais de ces travaux". En d'autres termes, il pourra dire: M. Untel, Mme
Unetelle, vous étiez condamné à une amende de 150 $ plus
les frais. Vous n'êtes pas capable de payer après avoir
essayé d'obtenir l'argent. Je n'ai pas réussi. J'ai essayé
peut-être même de prolonger, je n'ai pas réussi. Je veux
donner une chance de travailler et, par le biais de travaux compensatoires,
vous allez purger votre sentence ou payer l'amende. Je suis en faveur du
principe. Je trouve cela très intéressant. Dans beaucoup de pays
d'Europe, cela existe déjà depuis longtemps. Qu'est-ce qu'on veut
dire par programme de travaux compensatoires? Je me le demande, parce que la
loi ne dit rien à cet égard. Je peux vous donner des exemples.
Peut-être que cela peut aider le ministre éventuellement. Disons
que quelqu'un double un autobus d'écoliers ou fait quelque chose de
grave en ce sens. Les amendes sont augmentées énormément.
Je suis en faveur de cela. À une personne qui n'aurait pas d'argent pour
payer son amende, peut-être que ce serait une bonne idée de dire:
Vous, monsieur ou madame, qui avez transgressé cette disposition de la
loi, vous allez travailler au coin de la rue où il y a des dames avec
les signes "arrêt" ou "stop" pour dire aux automobilistes, "ne passez
pas, les enfants traversent la rue", pour trois heures, six heures, sept
heures, parce que, selon la loi, ce travail équivaut à environ 10
$ l'heure. Je trouverais cela personnellement un moyen d'éduquer celui
qui a violé la loi et, en même temps, il paie le prix.
J'aimerais bien voir, par exemple, l'hiver quand il fait froid, le
coupable s'installer sur le coin d'une rue à Montréal où
il y a beaucoup de piétons, des enfants qui traversent la rue pour
justement purger sa sentence, payer son amende. La loi ne dit rien.
Une autre idée. En fin de semaine, j'étais dans mon
comté, le comté de Sainte-Anne. J'ai fait la visite de ce qu'on
appelle en anglais un "half-way house". Ce sont des ex-patients psychiatriques,
des gens qui ont été traités dans un hôpital pour
soins psychiatriques, qui ne sont pas encore prêts pour travailler
activement dans la société, qui ont besoin d'une place où
ils se rencontrent et discutent de leurs problèmes pour se
préparer à réintégrer la société.
J'étais frappé vraiment par la misère humaine qui existe,
comment ces gens sont frappés durement par l'appareil administratif pour
toutes sortes de raisons. Il y avait des jeunes, des personnes
âgées, des dames, des hommes, tout le monde était
là, francophones, anglophones, tous ensemble, ils avaient quelque chose
en commun. Ils ont peur de se réintégrer dans la vie. J'ai
été là une heure et ce qui m'a frappé, c'est que si
quelqu'un de l'extérieur venait justement pour rencontrer ces gens,
parler avec eux, peut-être mettre un peu de soleil dans leur vie... C'est
fantastique. Je pourrais facilement voir, comme travaux compensatoires, on va
dire à quelqu'un: Vous avez une certaine expérience, -
peut-être une femme qui était infirmière dans un
hôpital psychiatrique - vous avez fait telle ou telle chose, vous
n'êtes pas capable de payer l'amende, allez donc visiter tels et tels
gens pendant trois après-midi, le dimanche, par exemple, pour parler
quelques d'heures avec eux. D'après moi, ce seraient des travaux
compensatoires.
Je pense à une autre affaire. Par exemple, des travaux
compensatoires comme travailler au pic et à la pelle. Il y a des
personnes qui, physiquement, ne seraient peut-être pas du tout capables
de faire cela. Elles ne sont pas capables. Moi, par exemple, je ne suis pas un
gars très fort. Je n'aimerais pas travailler avec une pelle. Je ne suis
même pas capable de planter un clou dans le mur sans briser le mur. Donc,
pour moi, ce serait peut-être bon de faire des travaux compensatoires
comme visiter des personnes dans un hôpital. Pour d'autres, le travail
manuel est préférable. Donc, que prévoit-on? Je ne vois
rien dans le texte de la loi ni dans l'annexe, quoique l'annexe dise de quelle
manière on fait le calcul. On dit,
par exemple, pour ceux qui ont des amendes qui varient de 1 $
jusqu'à 5000 $, qu'on a des unités de valeur de 30 $. Une
unité de travail veut dire trois heures de travail et a une valeur de 30
$ dans le projet de loi. Cela veut dire que quelqu'un qui est condamné
à 90 $ d'amende, par exemple, doit donner trois unités de trois
heures -c'est la compensation - et cela veut dire qu'il travaille, trois fois
trois, neuf heures au total, dans ces travaux compensatoires. Mais quelle est
la nature des travaux compensatoires? Le projet de loi ne dit rien
là-dessus et je suggère fortement au ministre que, plus tard,
quand on étudiera le projet de loi article par article, il y aura des
suggestions quant aux catégories de travail qu'on prévoit.
Il y a une autre élément. Dans le projet de loi, on parle
de la disponibilité de ces programmes. En d'autres termes, si, dans
certaines régions, un tel programme n'est pas disponible, la pauvre
victime qui voulait bien travailler n'a même pas la chance de le faire et
elle va en prison, parce que le projet de loi dit plus loin... J'ai
déjà appris ma leçon ici. Quand je cite l'article de la
loi, on me dit: Vous n'avez pas le droit de le faire, parce qu'on parle sur le
principe, mais l'article, sans en mentionner le numéro, dit plus loin:
"S'il n'y a pas de travaux compensatoires disponibles ou qu'on refuse de faire
ces travaux, à ce moment-là, cela peut devenir l'emprisonnement."
Je trouve cela un peu bizarre qu'on donne une chance à quelqu'un de
travailler comme sentence ou de faire sa compensation vis-à-vis de la
société, mais s'il n'y a pas de programme disponible, on va lui
faire faire de la prison. Donc, je pense qu'il est très important qu'on
prenne soin que les travaux soient disponibles. Pour moi, il faut dire: Vous
allez visiter des victimes, peut-être des victimes d'un grave accident
d'automobile... C'est arrivé déjà, aux États-Unis,
vous le savez très bien. Ceux qui sont pris en délit de fuite
après un accident d'automobile ou à conduire en état
d'ébriété sont forcés de suivre des cours, de voir
des victimes d'accidents d'automobile, ce qui arrive avec tous les
détails assez cruels sur le plan médical, de visiter des gens
dans les hôpitaux. Cela doit être, je pense, la nature de ces
travaux compensatoires.
Si on accepte ma définition des travaux compensatoires, il n'y a
aucune raison de ne pas faire ces travaux; visiter les patients dans les
hôpitaux, il y a assez de patients dans les hôpitaux, il y a assez
d'enfants dans les écoles, il y a assez de travail à faire, si on
veut élargir la définition.
Un autre sujet, M. le Président, les petites créances.
Vous savez que le ministre suggère que la juridiction de la Cour
provinciale, division des petites créances, soit augmentée de 500
$ à 800 $. Encore une fois, je ne veux pas être dur envers le
ministre de la Justice, mais c'est exactement la suggestion faite par le
député de D'Arcy McGee. M. le ministre, vous me faites signe que
ce n'est pas vrai, vous êtes un peu triste, mais je me rappelle
très bien que c'est lui qui a parlé de cela, à moins qu'il
vous ait copié, je ne sais pas; mais vous êtes mieux de
l'expliquer dans votre réplique, parce que j'ai toujours compris que
c'était le député de D'Arcy McGee qui avait fait cette
suggestion.
Je n'ai rien contre cette augmentation. Je pense être en faveur de
cela. Je note, cependant, que les frais sont augmentés, que, pour une
somme de 250 $, les frais sont de 10 $ et que, pour plus de 250 $, ils sont de
20 $. Ils sont doublés, sauf dans le cas de ceux qui
bénéficient de l'aide sociale. (15 h 30)
On a parlé des 20 $ de la Régie du logement l'autre jour.
Ici, on double les frais. Il y a beaucoup de catégories de personnes qui
ne sont pas des bénéficiaires de l'aide sociale mais qui, sur le
plan pratique, vivent avec presque le même revenu. Il n'y a pas de
différence de revenu entre quelqu'un qui reçoit un chèque
de l'aide sociale de 300 $ et celui qui, par orgueil, parce qu'il ne veut pas
bénéficier de l'aide sociale, gagne 25 $ de plus. Cette personne
n'a pas non plus la possibilité de ne pas payer ces 20 $. 20 $ pour la
Régie du logement, comme j'en ai donné l'exemple l'autre jour;
pour deux dossiers, deux fois 20 $, cela fait 40 $. Ici, pour les petites
créances, c'est encore 20 $. Pour l'aide juridique, on n'a
peut-être même pas parlé de 20 $, on a parlé de 40 $.
Je me demande si c'est absolument nécessaire d'augmenter et de doubler
ces frais.
Un autre point un peu plus technique -je voudrais tout de même
féliciter le ministre pour les bons points de ce projet de loi - c'est
là où on stipule maintenant que l'intérêt au taux
légal, plus l'indemnité additionnelle qu'on retrouvait à
ce jour seulement en matière délictuelle et quasi
délictuelle... Pour ceux qui ne comprennent pas cela, je vais expliquer.
Disons qu'on prenait une action en dommages et intérêts contre
quelqu'un résultant d'un accident et qu'on demandait toujours à
la cour le taux légal de 5% plus l'indemnité additionnelle, soit
la différence entre 5% et le taux d'intérêt en vigueur. On
a élargi ce concept en disant que ça s'appliquerait
désormais à la matière commerciale. Le
député de D'Arcy McGee me fait signe que cette suggestion vient
aussi de lui. Je n'étais pas au courant, mais si tel est le cas, que
celui qui a fait cette suggestion reçoive tous les applaudissements,
parce que je pense que c'est une amélioration claire et nette.
Il y a une autre innovation concernant l'exécution des
ordonnances relatives aux
pensions alimentaires à la suite d'un divorce ou d'une
séparation de corps. À partir de la date où ce projet de
loi sera en vigueur, le Québec pourra négocier directement avec
un autre pays justement pour exécuter mutuellement ce jugement
concernant la pension alimentaire. Comme avocat pratiquant, je peux vous dire
qu'on devait en arriver là parce qu'il m'est arrivé très
souvent, alors que je représentais une femme, d'obtenir une
séparation de corps; le mari était condamné à payer
une certaine pension alimentaire, il est parti en Europe, d'où il
venait, et on n'était pas capable, par exemple en Italie, de courir
après ce monsieur. Il fallait recommencer la procédure
là-bas, ce qui, à toutes fins utiles, est presque impossible. Si,
entre un pays européen et le Québec, il y a une entente pour
respecter mutuellement la possibilité d'exécuter un jugement, au
moins, tout ce qu'on aura à faire, ce sera d'envoyer le jugement
directement à l'instance européenne et faire exécuter le
jugement là-bas pour obtenir la pension alimentaire à laquelle la
femme avait droit selon la décision de la Cour supérieure du
Québec.
Ayant lu et étudié ce projet de loi, je
répète... Combien de temps me reste-t-il, M. le
Président?
Le Vice-Président (M. Rancourt): II vous reste dix
minutes.
M. Polak: II me reste encore dix minutes? Ah bon! Je pourrais
faire le même discours en anglais.
As I said...
Le Vice-Président (M. Rancourt); Je m'excuse, c'est
plutôt cinq minutes.
M. Polak: Ah bon! As I said, Mr. President, for those of the
English language who perhaps have not followed the debate this morning, since
we are talking about a law which affects all the citizens of the Province of
Québec, I want to reiterate just a few principles. If I am entitled to
speak five minutes, I want to take my five minutes.
The projet de loi no 67, which is before us now, is the result of a lot
of work that has been done and prepared by the Member for D'Arcy McGee, who has
investigated the judicial system and the administrative operations who has
investigated the system concerning people who are in prison due to a small
fine, having violated the provincial statutes.
What we see now in this law is the following: Those who cannot afford to
pay the fine will have a chance to do "des travaux compensatoires" - I have not
seen the English text of the law - certain compensatory work. The law does not
state at all the exact meaning of this work. I have given examples. I can see
very well that the man who passes a school bus at great speed when the kids are
disembarking -there is now a minimum fine of 100 $ - if he does not have the
money to pay the fine, should go on the corner of the street with a traffic
guard for, let us say, ten hours, according to the law here, at 10 $ an hour,
and be there and see how the kids cross the street and learn a little bit about
safety.
I can see programs where people who are not able to pay a certain fine
should go and visit people who are very lonely, elderly people. I gave the
example of people under psychiatric care in a halfway house, who desperately
need to be in contact with people on the outside. Let those people who cannot
afford to pay the fine go there, meet the persons who have psychological
problems or psychiatric problems, talk to them and perhaps give them a little
bit of sunshine. That, to me, is a definition of what "travaux compensatoires"
should be. I hope that the Minister, when we go into study of this law article
by article, will give some definition of what the "travaux compensatoires"
mean.
For the rest, Mr. President, I just want to terminate by saying that not
every bill that has been presented has to be opposed because we are in the
Opposition and the Government presented it. This happens to be a bill in which
we feel that the principles are good. There are certain corrections to be made.
There are amendments to be made. But we feel that we have come up with
something good, and not only because it was suggested by the MNA for D'Arcy
McGee; even if the Minister himself had found all those cures to the problems,
we would have been in favour, in principle, of this bill. Thank you very
much.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, tel que convenu, on suspend
pour un moment le débat sur le projet de loi no 67.
M. Pagé: Qui demande la suspension de votre
côté?
M. Brassard: C'est ma collègue, ici, à
côté, qui demandera la suspension de ce débat.
M. Pagé: Demandez!
Mme Lachapelle: M. le Président, je propose l'ajournement
du débat.
Le Vice-Président (M. Rancourt): La suspension. Est-ce que
cette motion de suspension du débat est adoptée?
M. Brassard: Adopté, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader adjoint.
M. Brassard: Pour le moment, c'est vraiment l'article 10, M. le
Président.
Projet de loi no 66 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Deuxième lecture du projet de loi no 66, Loi modifiant certaines
dispositions législatives en matière de financement des partis
politiques et en matière d'élections municipales.
La parole est à M. le ministre de la Justice.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, nous abordons,
aujourd'hui, l'étude du projet de loi no 66, Loi modifiant certaines
dispositions législatives en matière de financement des partis
politiques et en matière d'élections municipales.
Quant à l'essentiel, ce projet de loi vise, sur la base d'un
consensus réalisé au sein du Conseil consultatif du financement
des partis politiques, à réaliser certaines dispositions de la
Loi régissant le financement des partis politiques que cette
Assemblée nationale a adoptée, à l'unanimité des
parlementaires, en août 1977.
Je voudrais profiter de cette période qui m'est allouée,
à titre de ministre d'État à la Réforme
électorale, pour dresser un premier bilan d'application de cette loi,
près de cinq ans après son adoption, de manière à
illustrer le fait que les dispositions du projet de loi que j'ai l'honneur de
soumettre à votre attention respectent dans leur
intégralité l'ensemble des principes démocratiques qui
sous-tendent la Loi régissant le financement des partis politiques.
Cinq principes sous-tendent la loi que nous sommes en train d'amender.
D'abord, permettre aux électeurs de contribuer au financement des partis
politiques; deuxièmement, assurer le contrôle de ce financement
par la divulgation des revenus et des déboursés des partis
politiques; troisièmement, encourager les contributions modestes et
diversifiées; quatrièmement, susciter la collaboration des partis
politiques et, cinquièmement, investir le Directeur
général du financement des partis politiques d'un double
rôle de contrôle et d'information.
Je crois, M. le Président, que nous pouvons dire que le Conseil
consultatif du financement des partis politiques - c'est tout à son
honneur - s'est carrément inscrit à l'intérieur de ces
principes pour proposer des modifications à la loi, conscient que
l'ensemble de ces principes ne peuvent plus, aujourd'hui, être remis en
question parce qu'ils ont été acceptés d'emblée par
la communauté démocratique du Québec. (15 h 40)
Ce conseil consultatif est formé - j'y reviendrai plus tard -
comme on le sait, de représentants des différents partis
politiques, tant au niveau d'attachés à ces partis politiques que
de représentants ici à l'Assemblée nationale qui ont
à faire un travail important et très positif. Il s'agit, pour en
avoir une idée en termes d'appréciation, de lire le rapport qui a
été déposé par le directeur général
du financement des partis politiques, M. Boucher, qui disait textuellement
ceci, en parlant du conseil consultatif: "Je m'en voudrais de ne pas revenir
ici sur des innovations essentielles, à mon sens, contenues dans la Loi
régissant le financement des partis politiques. "Le conseil consultatif.
L'expérience a démontré que ce fut sans doute parmi les
leviers mis à la disposition du directeur général, un des
plus importants. L'entière responsabilité et
l'intérêt manifesté par ses membres sont, bien sûr,
un élément essentiel de cette réussite. Mais il y a plus
que le nombre et la fréquence des séances. Chaque membre est
appelé, d'une part, à fournir une expertise indéniable,
et, d'autre part, représente un collaborateur précieux pour
l'institution chargée de mettre en oeuvre les volontés du
législateur." Il terminait en disant ceci: "Enfin, pour les partis
politiques et leurs militants, le conseil consultatif constitue un forum
permanent et de premier choix, non seulement pour être tenu
informé, mais aussi et surtout pour s'assurer de la cohérence et
du réalisme de la démarche suivie dans l'application de la
loi."
Je crois que ce témoignage à l'égard du conseil
consultatif rendu par le Directeur général du financement des
partis politiques méritait d'être mentionné.
M. le Président, près de cinq ans après l'adoption
de la Loi sur le financement des partis politiques, on ne peut que
fièrement constater que les électeurs québécois ont
accueilli avec enthousiasme la réforme du financement politique et
qu'ils s'en sont fait eux-mêmes les premiers et les plus fidèles
collaborateurs.
Il s'agit de laisser parler les chiffres. En 1978, les électeurs
ont versé 4 663 364 $ aux partis politiques oeuvrant sur la scène
nationale. En 1979, ce sont 6 581 199 $ que les seuls électeurs ont
versé pour financer les activités politiques aux échelons
national et municipal, tandis qu'en 1980, les partis politiques ont recueilli
la somme de 7 978 199 $ et que plus de 300 000 $ ont été
versés dans les fonds des comités nationaux à l'occasion
du référendum.
Enfin, en 1981, les électeurs ont
contribué 7 684 260 $ pour financer les activités
politiques dont 1 311 973 $ au seul échelon municipal. C'est dire qu'un
bilan populaire - je pense que c'est comme ça qu'il faut le qualifier -
de l'application de la loi peut révéler que depuis
l'entrée en vigueur de la loi, les électeurs
québécois ont prouvé hors de tout doute que les partis
politiques peuvent démocratiquement se passer des contributions en
provenance des personnes morales, qu'il s'agisse de compagnies ou de syndicats.
Dans un effort démocratique sans précédent et même,
on peut le dire, unique au monde, les électeurs québécois
ont versé plus de 27 000 000 $ au financement d'activités
politiques, soit près de 1.60 $ par année et par
électeur.
En se comportant ainsi, les électeurs ont entériné
populairement la décision de l'Assemblée nationale de mettre fin
à la tradition des caisses politiques occultes et financées par
des intérêts étrangers à ceux de l'électorat.
Ces électeurs ont consacré dans les faits le principe fondamental
de leur primauté absolue en matière de financement.
Qu'il me soit permis aussi de souligner à cette étape-ci
la collaboration féconde qui s'est instaurée depuis 1978 entre le
ministre des Affaires municipales et le ministre d'État à la
Réforme électorale et dont l'objectif était de faire
bénéficier de la réforme, en matière de financement
des activités politiques, les électeurs des municipalités
québécoises de 20 000 habitants et plus. Cette collaboration a
permis de rendre applicables à ces municipalités, mutatis
mutandis, les dispositions de la Loi régissant le financement des partis
politiques.
Là encore - et c'est la preuve que cette réforme
était souhaitée par la population - les électeurs
municipaux ont répondu de mieux en mieux, si bien qu'en 1981 ils ont
consacré, comme je l'ai déjà mentionné plus haut, 1
311 973 $ au financement de leurs partis et candidats. C'est pourquoi ce projet
de loi prévoit que l'ensemble des règles qui sont
modifiées dans la Loi régissant le financement des partis
politiques le sera aussi dans la Loi sur les élections dans certaines
municipalités.
De plus, comme plusieurs de nos concitoyens, notamment ceux de la ville
de Montréal, seront appelés à participer à des
élections municipales au cours de l'automne qui s'en vient, ce projet de
loi prévoit que certaines mesures de réforme contenues dans la
Loi électorale du Québec, et qui ont trouvé une
première application fructueuse en avril 1981, ces innovations ou ces
améliorations seront également étendues aux fins des
scrutins municipaux. L'ensemble de ces mesures vise à faciliter
l'exercice du droit de vote. Je laisserai à mon collègue,
l'adjoint parlementaire du ministre des Affaires municipales, le soin
d'expliciter cette partie du projet de loi no 66.
Dans le même ordre d'idées, je suis en mesure de souligner
que la collaboration entre le ministre des Affaires municipales et le ministre
d'État à la Réforme électorale se poursuit et
qu'elle a donné lieu à la création d'un groupe de travail
interministériel dont la première tâche est de nous
soumettre des recommandations quant aux orientations de base reliées aux
diverses facettes de l'harmonisation de l'ensemble de nos régimes
électoraux. Cette collaboration interministérielle, j'en suis
convaincu, permettra au Secrétariat général de la
réforme électorale de tenir compte, dans l'orientation de ses
projets, de l'évolution des travaux du groupe de travail interne que je
viens de mentionner et auquel participent les élus municipaux et leurs
officiers.
Nous sommes convaincus qu'une des premières façons de
reconnaître, dans les faits, la primauté absolue de
l'électeur dans le système électoral est de lui
reconnaître les mêmes droits et les mêmes devoirs dans tous
les champs du système électoral où il a à exercer
ses droits et devoirs d'électeur.
La Loi régissant le financement des partis politiques visait,
comme d'autres réformes telles que la télédiffusion des
débats, la Loi sur la consultation populaire, le projet de loi sur
l'accès aux documents des organismes publics, à renforcer le
contrôle populaire des électeurs sur leurs élus et leur
administration. Là encore, on peut dire que le bilan est positif. Ainsi,
en 1981, au seul niveau national, 5337 électeurs ont versé aux
partis politiques des contributions de 100 $ et plus et ont ainsi
accepté que leurs noms et adresses soient publiés. Je crois qu'il
faut les féliciter de ce geste éminemment civique.
D'autre part, depuis 1978, le Directeur général du
financement des partis politiques rend publics les rapports financiers qui lui
sont adressés par les partis politiques et leurs instances. Les rapports
qui sont publiés avec une diligence exemplaire, et dont copie est
versée, entre autres, aux bibliothèques du Québec,
fourmillent de renseignements sur les revenus des partis, les contributions,
les dons, les revenus d'inscription à des congrès ou à des
activités et également sur les adhésions. Je crois que les
rapports livrent aussi l'ampleur des déboursés effectués
par les partis. (15 h 50)
À l'instigation du Conseil consultatif sur le financement des
partis politiques, ce projet de loi s'inscrit dans la ligne du renforcement du
contrôle populaire sur les partis. Ainsi, les partis, avec ce projet de
loi, seront dorénavant tenus de présenter annuellement un
véritable rapport financier comportant un bilan, un état des
revenus et dépenses ainsi qu'un état de l'évolution de la
situation financière du parti préparés conformément
aux normes comptables
généralement reconnues. Cette modification permettra donc
aux électeurs de mieux évaluer la provenance des sommes
dépensées par les partis politiques et leur permettra aussi de
connaître clairement les actifs en possession des partis.
Une autre modification majeure de ce projet de loi vise à
consolider le contrôle populaire sur les partis, celle de
l'établissement d'un fonds électoral. L'existence de ce fonds,
qui sera alimenté à même les fonds légalement
détenus en vertu des dispositions du chapitre 1 de la loi, assurera que
les sommes d'argent qui servent à défrayer les dépenses
électorales ont été recueillies conformément au
chapitre 1. Ainsi l'agent officiel devra puiser uniquement à ce fonds
qui lui sera transmis par le représentant officiel pour défrayer
une dépense électorale.
Pour ceux et celles pour qui le resserrement des contrôles peut
apparaître bureaucratique et qui pourraient en être
inquiétés à juste titre, je rappellerai que les partis
politiques ne seront désormais tenus que de présenter un seul
rapport financier par année au lieu de deux tel que c'était
prévu auparavant. La qualité même des rapports qui seront
dorénavant soumis permet cet allégement des contrôles
administratifs, convaincus que nous sommes que c'est le contrôle
populaire qui en sort gagnant. Plusieurs mesures de la Loi régissant le
financement des partis politiques entendaient encourager les contributions
modestes et diversifiées des électeurs. D'abord, la loi
instaurait un système de crédit d'impôt applicable sur les
contributions des électeurs de 200 $ et moins. À ce chapitre, les
efforts démocratiques des électeurs auront, je crois,
dépassé l'espérance initiale. Un exemple seulement: En
1981, 184 533 reçus ont été émis pour des
contributions. De ce nombre, 179 196 reçus ont été
délivrés pour des contributions de moins de 100 $. La
contribution moyenne d'un électeur aura donc été de 29,15
$.
Afin de permettre à la population et encore plus aux militants
des partis politiques de connaître les efforts financiers de l'Etat pour
inciter les électeurs à se préoccuper du financement de la
vie politique et aussi pour assurer une certaine indépendance
financière des partis, qu'il me soit permis de souligner que le
système de crédit d'impôt a coûté au
trésor québécois, pour la seule année d'imposition
1980, plus de 1 800 000 $ répartis entre 94 000
électeurs-donateurs. M. le Président, en ces temps de
compressions budgétaires, on comprendra qu'il faille accueillir avec
respect la suggestion du Conseil consultatif du financement des partis
politiques, donc de membres désignés des deux partis
représentés en cette Chambre, de ne pas exiger de l'État
un effort financier sensiblement accru au chapitre du remboursement des
dépenses électorales.
En révisant dans un objectif de simplification, mais aussi compte
tenu qu'il avait été fixé à son niveau actuel en
1963, le plafond des dépenses électorales permises à un
candidat, les membres du conseil consultatif ont pris le soin de faire porter
le fardeau financier supplémentaire d'abord sur les partis politiques.
Ainsi, par rapport aux dépenses électorales que la loi fixait
à une moyenne de 0,49 $ par électeur et qui sera désormais
fixée à 0,70 $ par électeur, les remboursements exigibles
auprès de l'État passeraient, pour les partis qui s'y rendent
admissibles de près de 60% du total des dépenses engagées
à 50% des dépenses.
Enfin, M. le Président, alors qu'avant l'adoption de la loi des
contributions en provenance d'un électeur ou d'une personne
n'était soumise à aucun plafond, la loi a fixé un maximum
de 3000 $. En 1981, seulement quinze électeurs ont versé des
contributions qui ont atteint un maximum de 3000 $. Je m'empresse aussi de
noter qu'à l'échelon municipal, les contributions sont
limitées aux seuls électeurs et à l'intérieur d'un
plafond annuel de 500 $.
Voilà, M. le Président, autant de mesures qui visent
à encourager des contributions modestes et diversifiées et qui
sont maintenues dans le projet de loi qui est à l'étude
aujourd'hui. En instaurant, à l'exemple des commissions ontariennes et
californiennes, un Conseil consultatif du financement des partis politiques, la
loi adoptée en 1977 engageait entre les partis politiques
représentés à l'Assemblée nationale une
expérience fructueuse et stimulante de collaboration à
l'administration de la loi. En plus de ne pas laisser cette réforme
fondamentale de nos institutions démocratiques à la merci d'un
éventuel changement de gouvernement, cette expérience pouvait
permettre aux partis politiques de veiller à ce qu'une réforme
politique ne se traduise pas en réforme bureaucratique mal
adaptée au caractère militant et qu'elle soit axée sur le
bénévolat des partis politiques. La mise en place de ce conseil
consultatif a permis à la réforme d'être surtout
très bien assimilée par les partis. Non seulement ce conseil
s'est-il réuni à de nombreuses reprises pour s'acquitter de son
mandat, mais il a de plus permis au directeur général - il le
disait lui-même - d'adresser relativement à l'application de la
loi un ensemble de directives dont les partis politiques avaient pu auparavant
mesurer la pertinence et exprimer leur accord. De plus, ce projet de loi en
constitue un exemple probant, puisqu'il en est issu pour l'essentiel. Les
membres du conseil consultatif ont adopté à l'unanimité
des recommandations de modifications à la loi. Ces propositions trouvent
aujourd'hui leur
transcription législative et, dès l'adoption de ce projet
de loi, elles seront d'autant plus respectées par les partis politiques
et par les militants que ce sont eux, les partis politiques, qui les ont
formulées quant à l'essentiel. Sans oublier le travail abattu par
les représentants des partis politiques au sein du conseil consultatif
pour la période de 1977 à avril 1981, je m'en voudrais, M. le
Président, de ne pas mentionner et souligner l'apport
démocratique fourni aux travaux de ce conseil depuis les
dernières élections par M. Jean-Pierre Roy, par le
député de Portneuf, à titre de représentant du
Parti libéral du Québec, par M. Jean-Pierre Nepveu et par le
député de Gouin, à titre de représentant du Parti
québécois.
M. le Président, je n'entends pas aujourd'hui mettre beaucoup
d'emphase sur le rôle essentiel de contrôle du directeur
général, sauf pour souligner que les membres du conseil
consultatif ont voulu renforcer ce rôle de contrôleur en faisant en
sorte qu'il soit désormais clairement établi que les pouvoirs et
devoirs du directeur général s'étendent à
l'ensemble de la loi et non pas seulement à la première partie de
la loi, ce qui est très important. À l'instar de M. Robert Burns,
mon prédécesseur à la Réforme électorale,
j'aimerais souligner ceci et je cite: "Au-delà de cette fonction
assumée par le directeur général, ce sont les
électeurs qui doivent devenir les premiers contrôleurs du
financement des partis politiques. Les contrôles instaurés par ce
projet de loi ne peuvent constituer des fins en soi, ni une technique de
vengeance pour le passé, mais plutôt des moyens efficaces pour
assurer le seul contrôle vital, celui de l'examen public. Si les
contrôles comptables ne conduisent pas au contrôle public, on aura
renforcé la bureaucratie au lieu de la démocratie. (16
heures)
Pour avoir lu, M. le Président, les rapports annuels soumis avec
régularité aux membres de cette Assemblée, pour avoir
parcouru les nombreuses et diligentes publications éditées pour
rendre compte des rapports financiers des partis politiques ou encore pour
vulgariser les différentes lois, je sais que le Directeur
général du financement des partis politiques et son équipe
ont, eux aussi, je tiens à le souligner, comme l'ont fait et continuent
de le faire les membres du conseil consultatif, favorisé le renforcement
du contrôle populaire et démocratique de nos institutions
politiques. Tous ces gestes et bien d'autres ont permis d'asseoir
véritablement la réforme du financement politique sur des
électeurs bien informés et conscients de leurs devoirs et
privilèges exclusifs dans une société démocratique
comme la nôtre.
En terminant, M. le Président, je pense que c'est à
l'unanimité, comme ce fut le cas pour la loi 2, que cette
Assemblée devrait adopter ce projet de loi modifiant certaines
dispositions de la Loi régissant le financement des partis
politiques.
Je me permets, M. le Président, de présumer de
l'acceptation de ce projet de loi par nos collègues de l'Opposition, ce
qui n'empêche pas d'y aller de suggestions additionnelles, parce que je
sais qu'un de leurs principaux porte-parole était celui que j'ai
mentionné, le député de Portneuf, à
l'Assemblée nationale. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Portneuf et whip de l'Opposition.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
d'intervenir à ce moment-ci, au moment de la deuxième lecture du
projet de loi 66, qui constitue essentiellement pour le législateur,
pour les députés, la première occasion que nous avons de
revoir certaines dispositions applicables de la loi 2 - on s'en rappellera -
sur le financement des partis politiques qui avait été
adoptée, à l'unanimité de cette Chambre, au mois
d'août 1977.
Il est bon, je pense, M. le Président, avant d'aborder ou de
faire part de mes commentaires au nom de l'Opposition, de revoir pendant
quelques minutes ces dispositions de la loi 2 sur le financement des partis
politiques: le contexte dans lequel cette loi a été
adoptée, le vécu de cette loi dont nous avons été
témoins pendant ces cinq ans et l'obligation aujourd'hui de la revoir,
le pourquoi du projet de loi 66 qui nous convie à une réouverture
de la loi à certains égards.
M. le Président, vous vous rappellerez, parce que vous y
étiez, que la loi 2 sur le financement des partis politiques venait
consacrer quelques grands principes. Un de ceux-là était - nous y
avons souscrit, nous continuons à y souscrire - qu'à nos yeux le
financement des partis politiques au Québec doit se faire par
l'électeur purement et simplement et cela doit se limiter à
l'électeur. La trame ou le commun dénominateur qui guidait le
texte rédigé dans la loi 2, présenté par le
ministre d'État à la Réforme électorale du temps,
c'était que l'électeur, qui a finalement à choisir ses
députés, qui a à choisir son gouvernement, c'est à
lui que revient le privilège, le droit et, par conséquent,
l'obligation de financer les partis politiques au Québec. C'est encore
bien identifié dans la loi. Nous avons eu à vivre avec ce
principe pendant déjà cinq ans. Les conclusions que nous pouvons
apporter, c'est que, quant à nous, nous sommes satisfaits et nous y
souscrivons non pas encore aujourd'hui, mais davantage aujourd'hui, M. le
Président.
Un autre élément important lui aussi, qui apparaissait
dans la loi 2 sur le financement des partis politiques, c'était
l'obligation de divulgation. Les partis politiques, depuis 1977, sont
obligés de fournir des rapports au Directeur général du
financement des partis poliques et à ses adjoints. Ces partis sont
obligés d'indiquer la provenance de leurs fonds, d'où proviennent
leurs fonds, même leurs emprunts, etc. C'est donc dire que tout
électeur, tout citoyen du Québec qui a besoin d'information, qui
veut savoir qui alimente le Parti québécois, qui alimente le
Parti libéral du Québec, qui alimente l'Union Nationale, s'il y a
lieu, peut le savoir aisément en consultant les nombreux rapports
annuels ou les documents déposés au bureau du Directeur
général du financement des partis politiques.
Un autre élément, c'était le contrôle par la
création de ce bureau du Directeur général du financement
des partis politiques, qui est là pour faire administrer la loi, qui est
là pour assumer ce contrôle, qui est là pour fournir des
renseignements, pour faire respecter les articles auxquels on le convie dans
cette loi. Encore là, il va de soi qu'on ne pouvait adopter une loi
comme celle-là, une loi sur le financement avec toutes ses notions, ses
nouveaux principes, sans conférer le pouvoir à un directeur d'en
assumer le contrôle au chapitre de l'application.
Aujourd'hui, le ministre d'État à la Réforme
électorale, le ministre de la Justice, qui a comme "side-line" de
s'occuper de réforme électorale, malheureusement... On n'a
peut-être pas eu l'occasion de discuter cette question au comité
consultatif, mais je suis persuadé qu'avec la réforme
électorale au Québec, le financement des partis politiques et
tout ce qui s'en vient - on a parlé de vote proportionnel,
éventuellement, on a évoqué plusieurs possibilités
dans ce Parlement depuis quelques années au chapitre de la
réforme électorale - nous apprécierions que le premier
ministre, qui prévoit faire un remaniement bientôt, profite de la
fin de la session pour qu'on ait un ministre d'État à la
Réforme électorale à temps plein, sans reprocher quoi que
ce soit au ministre de la Justice; je comprends qu'il est bien occupé
avec les nombreuses enquêtes, etc.
M. le Président, le ministre de la Justice nous a fait sa
déclaration tout à l'heure. Tout d'abord, je dois lui
témoigner mon appréciation à l'endroit des commentaires
qu'il a formulés à l'égard du comité consultatif.
Le comité consultatif, comme vous le savez probablement, c'est un
comité formé de représentants des partis politiques
élus à l'Assemblée nationale du Québec. C'est donc
dire qu'actuellement il y a un représentant du Parti
québécois et un du Parti libéral du Québec. Ce
comité siège pour conseiller, à titre consultatif
seulement, il faut en convenir, le Directeur général du
financement des partis politiques et ses deux adjoints, les différents
officiers, finalement, qui ont à appliquer cette loi.
Ce comité s'est réuni à plusieurs reprises en 1982,
à quelques reprises en 1981 et il est vrai de prétendre que les
modifications actuellement apportées à cette loi ont
été faites dans un processus de consultation ouvert, de dialogues
et d'échanges. D'ailleurs, plusieurs des points sur lesquels nous en
sommes arrivés à un consensus apparaissent dans le projet de loi
aujourd'hui. Par contre, je veux bien faire comprendre au ministre que le
comité consultatif est là pour donner des avis purement et
simplement. Je pense que, lorsque le législateur, en 1977, a
prévu dans sa loi la création d'un comité consultatif, son
ultime objectif était véritablement la consultation. Aujourd'hui,
le projet de loi qui nous est présenté témoigne des
consensus qui se sont dégagés au comité consultatif, j'en
conviens, mais, d'autre part, c'est une loi présentée par le
ministre d'État à la Réforme électorale et
parlementaire. Il faut convenir qu'il y a certains sujets sur lesquels, au
comité consultatif, il n'y a pas eu accord. C'est peut-être
explicable, mais il faut convenir que la loi est présentée par le
ministre d'État à la Réforme électorale et
parlementaire et c'est lui qui aura à vivre avec la critique que nous
pourrons apporter de notre côté.
M. le Président, je n'ai point l'intention aujourd'hui de
reprendre chacun des sujets ou des points particuliers prévus dans ce
projet de loi. On n'a qu'à se référer aux notes
explicatives. Il y a certains articles qui sont modifiés pour assouplir,
arrondir certains coins qu'on a constatés à la lumière de
l'application de cette loi depuis cinq ans. Cette loi donne certains pouvoirs
additionnels au directeur général. Cette loi permet un
contrôle plus poussé, je pense, mais justifié à
l'égard des actifs des partis politiques au Québec et de la
provenance de ces actifs. L'expérience de cinq ans nous aura permis de
voir qu'il y avait peut-être quelques portes dans cette loi et nous
devons nous assurer qu'elles ne soient pas ouvertes, mais complètement
fermées. Il y a des dispositions dans le projet de loi dont on pourra
traiter spécifiquement lors de son étude article par article, en
commission parlementaire.
M. le Président, essentiellement, l'objectif de ce projet de loi
- j'y reviens parce que c'est important - c'est de s'assurer que, d'une part,
les partis politiques soient régis par des dispositions qui s'appliquent
à tout le monde, que ce soit un tiers parti, que ce soit un candidat,
que ce soit un parti qui existe depuis de nombreuses années ou un parti
qui est nouveau et qui est le résultat d'une action politique
spontanée dans un milieu, dans une région. L'essentiel des
objectifs de la loi no 2,
c'était de s'assurer que les règles du jeu soient les
mêmes pour tout le monde et ce, sous l'égide d'un commun
dénominateur qui était le fair-play.
Le ministre de la Justice, tout à l'heure, a fait
référence aux dépenses électorales et c'est
important. D'ailleurs, la loi de 1964 prévoyait des limitations de
dépenses pour les candidats à des élections
générales ou partielles. C'est un principe qui voulait que les
règles du jeu s'appliquent pour tout le monde, que ce soit franc-jeu
pour tout le monde et que chacun des candidats dans un comté puisse
avoir le même montant à dépenser.
Or, M. le Président, on sait que la loi prévoit des
limites. La loi prévoit, dans un comté comme celui que je
représente, que chacun des candidats a le droit de dépenser
environ 12 000 $ à 13 000 $. Le ministre a évoqué, tout
à l'heure, des modifications à cette loi. Je pense qu'elles sont
tout à fait fondées et justifiées, sauf qu'on sait chacun
des députés pourra en convenir - que la part importante de nos
budgets, des sommes qu'on dépense en campagne électorale, est
dirigée vers la publicité.
Je crois que le gouvernement du Parti québécois, par la
voix du ministre d'État à la Réforme électorale...
Ce gouvernement qui s'est déjà défini comme étant
un gouvernement social-démocrate, ce gouvernement qui profite toujours
de l'occasion qui lui est donnée pour vanter sa transparence, pour
vanter son honnêteté, pour vanter son intégrité, M.
le Président, vous êtes habitué d'entendre son vieux disque
78 tours qu'on entend jouer régulièrement, celui des membres du
gouvernement, des députés péquistes de cette Chambre:
transparence, honnêteté, intégrité. C'est le PQ.
Je me rappelle l'élection de 1981 et je me rappelle aussi la
campagne référendaire. Le ministre aurait dû profiter du
dépôt du projet de loi no 66 pour y prévoir une
modification que j'ai souhaitée au comité consultatif. J'ai eu
tôt fait de constater que cette proposition ne serait pas accueillie,
qu'il n'y aurait pas de consensus autour de cette proposition. C'est
l'obligation qu'aurait le gouvernement du Québec - j'en viens
directement au point - le Conseil des ministres, par la voix du ministre, s'il
veut être honnête, franc et loyal, de présenter un
amendement au projet de loi no 66 qui est déposé et qui
prévoira, nous l'espérons, que le gouvernement du Québec
sera soumis à l'application de ce projet de loi, et je m'explique.
Est-il franc, honnête, "fair", qu'en pleine campagne
électorale ou encore en campagne référendaire, le
gouvernement du Québec fasse de la publicité gouvernementale? M.
le Président, en 1975, le gouvernement du Québec
dépensait, au chapitre de la publicité gouvernementale, 4 000 000
$ par année. Il était alors au quinzième rang parmi ceux
qui font de la publicité. En 1977, il dépensait 4 801 000 $.
C'était la première année de mandat du gouvernement du
Parti québécois. Les élections s'en venaient, mais elles
étaient encore lointaines, à ce moment-là. En 1978, on se
dirigeait vers une campagne référendaire. On se rappelle que le
gouvernement du Parti québécois, le Parti québécois
comme formation politique, s'est engagé, en 1976, à tenir un
référendum sur l'indépendance politique du Québec.
Dès 1978, la publicité gouvernementale est arrivée. On est
parti d'un budget de 4 801 000 $ pour monter à 11 409 000 $ en 1978. En
1979, le tempo s'accélérait vers la campagne
référendaire et le gouvernement a dépensé à
même nos impôts, nos taxes -et Dieu sait si elles sont nombreuses
-14 291 000 $. En 1980, il est arrivé quelque chose, c'est le
référendum. Là, M. le Président, il fallait
susciter l'identité québécoise chez les
Québécois. On se rappelle "La personne avant toute chose". "On
s'attache au Québec", etc. La valse des fleurs de lis pendant
l'année 1980 a été assez aiguë et assez vivante. 16
919 000 $ en 1980, c'était l'année référendaire.
1981, année électorale, 12 047 581 $ de
dépensés.
Les membres du gouvernement, les membres de la majorité nous
diront: Écoutez, il est normal, il est explicable qu'un gouvernement
fasse de la publicité. On est justifié, comme gouvernement, de
faire connaître nos politiques, d'informer les contribuables, d'informer
les électeurs du Québec qu'ils ont droit à tel, tel ou tel
autre programme. On sait qu'on veut faciliter l'accès aux services
gouvernementaux, il est donc normal, et nous sommes justifiés, comme
gouvernement, de faire de la publicité.
L'essentiel de mon propos aujourd'hui n'est pas de demander au
gouvernement de bannir toute publicité. Je sais que le gouvernement se
doit, dans cette perspective de donner des services aux citoyens, de faire de
la publicité à un moment où l'autre de son mandat ou
à certaines périodes de l'année. Cela j'en conviens. Mais
là où le gouvernement manque d'honnêteté, de
transparence et de franc-jeu, c'est lorsqu'il se permet de faire de la
publicité en pleine campagne électorale. Afin d'éviter
tout écueil dans ce sens-là, afin d'éviter toute tentation
dans ce sens-là, le gouvernement devrait avoir l'honnêteté
et la franchise d'accepter l'amendement que nous allons proposer en commission
parlementaire au moment de l'étude du projet de loi article par article
et qui visera essentiellement à interdire toute publicité
gouvernementale à compter de l'émission du bref jusqu'au
lendemain du scrutin. Je suis persuadé que plusieurs des
députés de la majorité qui sont
inspirés par cette règle ou cette volonté de
franc-jeu, cette volonté de "fair-play" en campagne électorale,
sont d'accord pour que le gouvernement ne s'adonne pas à de la
publicité de cette nature parce que ça peut être trop
facile pour un gouvernement de succomber à la tentation
d'accroître les budgets de publicité pendant une campagne
électorale.
Des dispositions législatives analogues existe en Saskatchewan.
Le ministre pourra faire venir la loi sur les élections qui a
été adoptée par l'Assemblée législative de
la Saskatchewan en 1973 et, à l'article 229 il est clairement dit ceci -
je me permets de le citer - "À partir de la déclaration de
l'élection jusqu'au jour de l'élection, aucun département,
comité, commission, corporation, société d'État,
agence du gouvernement, ne peut, durant une élection
générale, publier de quelque manière que ce soit des
informations ou particularités sur les activités du
département, comité, commission, corporation,
société d'État ou agence, excepté dans les cas
d'une urgence où l'intérêt public demande la publication
d'une telle information." Par exemple, après communication avec le
bureau des élections et plus particulièrement avec M. Baily en
Saskatchewan, celui-ci me confirme que la publicité peut être
permise, même en campagne électorale, dans le cas d'une inondation
majeure ou dans des cas de force majeure ou d'une urgence comme dans les cas
où les services publics sont coupés à la population et
où on doit quand même donner des informations inhérentes
à l'état de fait qui entoure ce problème.
Je voudrais que le ministre prenne acte de notre intention de
présenter un amendement en commission parlementaire qui visera
essentiellement à ce que les règles du jeu soient les mêmes
pour tout le monde, à ce que les règles du jeu soient les
mêmes pour les partis politiques qui voudront se faire élire ou
qui voudront faire élire des candidats ici à l'Assemblée
nationale du Québec. Encore une fois, c'est trop facile de succomber
à cette tentation, lorsqu'on a à parler et à agir comme
gouvernement qui dispose de millions et de millions de dollars - les chiffres
sont là pour en témoigner - de parler en même temps comme
parti politique qui veut faire élire des candidats. Vous savez, les
vases communicants, c'est peut-être trop facile, à ce
moment-là. Cet amendement vise à ce que, dès la prochaine
élection générale au Québec, on n'ait plus de
publicité gouvernementale entre l'émission du bref et le jour du
scrutin, ce qui nous permettra, soit dit en passant, si on continue à
dépenser à un rythme de 15 000 000 $ ou 16 000 000 $ en
communications par année d'épargner au moins 1 200 000 $ pendant
cette période. (16 h 20)
II y a un autre élément aussi important que je n'ai pas eu
l'occasion d'aborder longuement au comité consultatif. Si je ne l'ai pas
abordé, si je n'ai pas présenté d'intention ferme dans ce
sens, c'est parce qu'elle sera précisée dans les jours qui
viendront. Nous sommes à évaluer actuellement la
possibilité de présenter des amendements qui interdiraient
à un parti politique provincial de financer un parti politique
fédéral.
Des voix: Ah! Bravo!
Une voix: Et vice versa?
M. Brassard: Et l'inverse également?
M. Pagé: L'inverse également? C'est bon ça.
Le leader adjoint du gouvernement qui me demande: Et l'inverse
également? Ce serait venu de n'importe quel autre député,
je lui aurais répondu, mais venant du leader adjoint du gouvernement,
qui est avocat... Vous ne savez pas ce qu'est la loi 2 sur le financement des
partis politiques adoptée en 1977?
M. Fréchette: ... des fédéraux.
M. Pagé: Le député de Sherbrooke, ministre
du Revenu par surcroît, devrait savoir qu'un parti politique
fédéral ne peut pas aider un parti politique provincial. Un parti
politique fédéral, ce n'est pas un électeur au
Québec.
M. Fréchette: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordrei M. le
ministre du Revenu.
M. Fréchette: Si le député de Portneuf me
permettait de préciser un peu ma pensée, je lui poserais la
question suivante: N'y aurait-il pas moyen, dans la loi qu'il discute
actuellement, d'interdire à un parti provincial d'accepter des
souscriptions d'un parti fédéral? Non pas empêcher un parti
fédéral de le faire, on ne le pourrait pas, c'est bien sûr,
mais d'empêcher un parti provincial d'en accepter.
M. Pagé: Je vais répondre à la question. Ce
que le ministre vient de me poser comme question, c'est hors de tout sens. Le
ministre dit qu'on ne peut pas empêcher, par une loi provinciale, un
parti politique fédéral de verser des sommes. Le ministre me dit:
Ne serait-il pas plus opportun d'empêcher un parti politique provincial
de recevoir des sommes? C'est ce que je vous ai dit tantôt. Un parti
politique provincial, quel qu'il soit, ne peut recevoir de dons, de
souscriptions ou d'argent venant d'un parti politique fédéral
parce que ce
parti politique fédéral n'est pas un électeur au
Québec.
Une voix: C'est hors la loi.
M. Pagé: Je comprends qu'il y a un problème
juridique sur l'identification juridique et légale d'un parti parce
qu'on sait qu'un parti, ce n'est pas une corporation au sens de la loi, ce
n'est pas formé en vertu de la Loi sur les compagnies, c'est une
association bona fide qui est reconnue comme cela.
Le ministre devrait le savoir. D'ailleurs, il peut demander des avis au
Directeur général du financement des partis politiques et
à ses adjoints; je l'invite à prendre quelques minutes
tantôt pour aller téléphoner. Il aura la réponse
tout de suite. La loi 2 - vous n'étiez pas là, j'en conviens,
vous étiez dans le purgatoire du PQ avant d'accéder au parti -
empêche une corporation ou une association de financer un parti politique
au Québec. C'est donc dire que chez nous, vous avez été
témoin à plusieurs reprises, M. le Président, combien de
fois en cette Chambre on entend, venant par surcroît, bien souvent, des
lieux obscurs et lointains où sont réfugiés quelques
députés d'arrière-ban de la majorité, des
références au fait que notre formation politique, le Parti
libéral du Québec, serait financée, associée, en
relation constante avec une autre formation politique du Québec qui
s'appelle le Parti libéral du Canada.
Je veux établir tout de suite - je pense que la loi qui
s'applique depuis cinq ans est là pour en témoigner - qu'avant de
choisir quel parti politique vous alliez appuyer, il y a probablement quelques
années, si vous aviez regardé nos statuts, règlements et
constitution, vous auriez été à même de constater
que le Parti libéral du Québec est régi par une
constitution, c'est un parti politique au Québec complètement
indépendant, complètement séparé de toute autre
formation politique et plus particulièrement du Parti libéral du
Canada. On sait qu'on a deux structures, deux constitutions, deux services,
deux bureaux; c'est complètement distinct, M. le Président. Je ne
sais même pas, moi, et je vais vous faire un aveu aujourd'hui, je ne
connais même pas l'adresse du bureau du Parti libéral du Canada,
ici dans la région de Québec. Je peux vous avouer aussi que je
vote libéral au fédéral et je suis bien honoré de
le faire. Moi, je ne me cache pas. M. le Président. Premier point, il y
a une démarcation très nette entre les partis politiques qui sont
présents à l'Assemblée nationale du Québec et les
partis politiques qui évoluent au niveau fédéral. Les lois
sont là pour le prévoir, M. le député de
Sherbrooke.
Mais là, M. le Président, il est question qu'on ait un
parti politique provincial qui a comme article 1 de son programme de faire
l'indépendance politique du Québec, de séparer le
Québec du reste du Canada et qui prévoit présenter des
députés, des candidats dans une prochaine élection
fédérale. Aucun problème, M. le Président. Je n'ai
aucune objection, quant à moi, que le premier ministre du Québec,
M. Lévesque, profite de cette résolution qui sera adoptée,
en fin de semaine au conseil général, pour mettre à la
retraite, donner un genre de prime de séparation à plusieurs de
ses députés ou de ses ministres. On sait, M. le Président,
que le député de Lafontaine et ministre de l'Environnement a
clairement indiqué sa volonté de se présenter au palier
fédéral bientôt. On sait que cela ferait probablement
l'affaire de plusieurs qu'il s'en aille là-bas. On connaît ses
intentions à cet égard. Le Parti québécois aura
à le décider en fin de semaine, et cela, c'est une
décision qui vous appartient. Vous aurez à le décider,
décidez-le vous-mêmes.
Or, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Pagé: C'est dans ce sens que je me suis demandé
si on devait présenter un amendement...
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre! M. le député.
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. le
Président, je demande votre protection. On sait que les membres du PQ
auront à décider en fin de semaine s'ils vont pousser l'aspect
loufoque de leur position depuis un certain temps jusqu'à
présenter des députés à Ottawa. Si vous voulez y
aller, allez-y, aucun problème. Une des appréhensions, une des
craintes que j'ai, si je présente un amendement qui vise à
interdire le droit pour un parti politique provincial de financer un parti
politique fédéral, c'est qu'on se fasse dire par l'autre
côté: Vous avez peur qu'on aille sur la scène
fédérale. M. le Président, je dois vous dire que j'y suis
franchement indifférent. Volée pour volée, que la
prochaine volée soit aux élections provinciales ou aux
élections fédérales, chez les péquistes, cela ne
m'inquiète pas, mais je sais que le premier contact que les
péquistes auront avec l'électorat va être une bonne, une
franche et une bonne volée de la part des électeurs.
Il y a un autre élément, M. le Président, c'est
que, s'il n'y a pas de modifications dans ce sens qui est apportée
à la Loi régissant le financement des partis politiques
provinciaux, cela pourra vouloir dire que cette relation de tuteur et de
pupille qui a été de nombreuses fois
dénoncée en cette Chambre par les péquistes
pourrait être créée et exister chez une seule formation
politique sur la scène politique provinciale et fédérale,
soit le Parti québécois. Qui serait le tuteur et qui serait le
pupille, et qui serait à quatre pattes devant l'autre; où serait
le grand frère et où serait le petit frère? M. le
Président, c'est une appréhension que j'ai et je dois vous dire
que nous sommes à voir actuellement si nous devons présenter un
amendement dans ce sens. Encore une fois, il faudrait présumer, et je
présumais et je continue à présumer à certains
égards, de l'honnêteté, la franchise, la transparence et le
franc-jeu du PQ. Si vous voulez être honnêtes, transparents et
respecter les règles du franc-jeu, vous devriez en fin de semaine,
lorsque vous allez créer votre aile fédérale, peu importe
comment vous l'appellerez, votre aile souverainiste siégeant à
Ottawa, vous devrez vous imposer, comme on l'a fait dès 1959, une nette
démarcation entre le parti politique provincial et le parti politique
fédéral.
Des voix: Oh!
M. Pagé: C'est ce que vous devrez faire, mais compte
tenu...
Des voix: Encore! Encorel
Consentement, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre! D'une façon ou d'une autre, je ne sais à quoi vous
voulez donner votre consentement puisqu'il a encore une demi-heure à sa
disposition.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet):
Cependant, ce que je voudrais avoir de votre part comme consentement,
c'est la possibilité pour le député, en vertu de l'article
100, de continuer, même s'il semble y avoir divergence d'opinions. M. le
whip de l'Opposition.
M. Pagé: Merci, M. le President. J'apprécie
beaucoup votre protection. Demandez donc au député de Frontenac
de demeurer sage, calme et serein.
M. Lalonde: II ne veut pas retourner au
fédéral.
M. Pagé: II ne veut pas retourner au
fédéral, lui. Je ne suis pas convaincu que ses collègues
veulent le garder ici, par exemple!
M. le Président, c'étaient deux points particuliers que je
voulais aborder cet après-midi dans le cadre de l'étude de ce
projet de loi. Tout d'abord, l'obligation qu'a ce gouvernement qui se dit
social-démocrate d'empêcher toute dépense gouvernementale
en matière de publicité pendant les campagnes électorales.
Le ministre pourra s'inspirer de la loi qui a été adoptée
en Saskatchewan par un gouvernement social-démocrate lui aussi. L'autre
élément, ce sont les amendements qui pourraient
ultérieurement empêcher le Parti québécois de
financer son aile fédérale, et nous allons voir d'ici à
quelques jours s'il est opportun de les présenter. Vous en prendrez
connaissance au moment de l'étude du projet de loi en commission
parlementaire.
M. le Président, je termine mes remarques là-dessus. Nous
aurons, évidemment, d'autres commentaires beaucoup plus
spécifiques lors de l'étude du projet de loi en deuxième
lecture, entre la deuxième et la troisième lecture. On va
discuter de tout cet aspect des dépenses électorales, ce qui
constitue ou non des dépenses électorales. On sait qu'un des
principes importants dans cette loi est de considérer comme
dépense électorale ce qui sert en campagne électorale pour
favoriser ou non l'élection d'un candidat. On sait qu'on a eu des
problèmes d'interprétation à cet égard, M. le
Président. On se rappelle les fameuses banderoles, pendant la campagne
référendaire, qui ont d'ailleurs servi en campagne
électorale. Il y a plusieurs choses qu'on va préciser et j'ose
espérer que le climat serein, ce climat d'ouverture, ce climat de
dialogue et ce climat d'échanges fructueux qui a toujours
caractérisé nos séances du comité consultatif
pourra continuer lors de l'étude du projet de loi article par article.
Je suis persuadé que c'est dans ce sens que le ministre d'État
à la Réforme électorale et député de
Chicoutimi va accepter d'emblée au nom du gouvernement du Québec
qu'au moins l'amendement ferme que je propose et dont je donne préavis
aujourd'hui sera adopté et que la majorité acceptera de limiter
les dépenses gouvernementales en matière de publicité en
campagne électorale.
M. le Président, il y a évidemment toutes ces dispositions
qui concernent les villes du Québec où la Loi régissant le
financement des partis politiques s'applique. On sait que certains aspects du
scrutin en campagne électorale municipale variaient par rapport à
une élection provinciale, que ce soit la forme du bulletin, la
façon de voter, les personnes qui sont présentes à un
bureau de scrutin lorsque le couperet de l'heure du scrutin tombe. Nous allons
avoir l'occasion de voir là aussi ces amendements en commission
parlementaire. Je peux annoncer que notre porte-parole en matière
d'affaires municipales - parce qu'on peut préciser que le projet de loi
no 37 sur la fusion de Baie-Comeau et de Hauterive va être retiré
en fin de semaine par une décision du Conseil national du PQ - M.
Rocheleau, sera présent
la semaine prochaine à l'Assemblée et sera disponible pour
venir en commission parlementaire faire part de ses remarques à
l'égard de ces aspects du projet de loi qui touchent les
municipalités au Québec.
M. le Président, nous sommes d'accord avec le principe du projet
de loi. Il y a certaines modifications à y apporter.
Je conclus en résumant que nous sommes d'accord avec les
principes du projet de loi. L'essentiel ou plusieurs des dispositions de ce
projet de loi sont le résultat du comité consultatif auquel notre
formation politique a participé - cela va de soi - et il y aura certains
amendements; ils ne sont pas mineurs, ils sont très importants; au moins
l'un d'eux sera présenté et, quand à un autre, on verra le
degré de franchise du PQ en fin de semaine. Par la suite, on verra s'il
est opportun ou non de le présenter. M. le Président, on va voter
pour et on espère que dès la semaine prochaine nous pourrons
étudier article par article de façon que le projet de loi soit
adopté avant la fin de nos travaux la semaine prochaine. Merci, M. le
Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Groulx.
M. Elie Fallu
M. Fallu: M. le Président, ce serait tentant de
répliquer, mais je sais que la réplique revient au ministre
d'État à la Réforme électorale.
Pour ma part, j'aimerais, en premier lieu, remercier, au nom du ministre
des Affaires municipales, le ministre d'État à la Réforme
électorale d'avoir accepté d'inclure dans sa loi sur la
réforme électorale un certain nombre d'amendements qui touchent
le Code municipal, la Loi sur les cités et villes et un certain nombre
de chartes de villes au Québec, dans le domaine justement de la
réforme électorale. Je l'en remercie. C'est une des
façons, entre autres, de simplifier pour la Chambre l'étude d'un
projet de loi.
En second lieu - je n'ai que trois messages à passer - j'aimerais
donner mon appréciation à l'Union des conseils de comté et
à l'Union des municipalités qui ont travaillé à la
réforme de la Loi électorale, du Code municipal depuis plus d'un
an maintenant et qui, à l'unanimité, nous ont demandé
d'apporter à l'Assemblée nationale quatre réformes
mineures, mais essentielles néanmoins pour le citoyen, pour
l'électeur avant même les élections de l'automne.
D'ailleurs, ce comité Québec-municipalités sur la
réforme électorale municipale continue son travail et, au
printemps prochain, vraisemblablement, nous pourrons arri- ver avec des
réformes plus en profondeur. Essayez d'imaginer, M. le Président,
qu'il est possible actuellement que quelqu'un aille à la chasse au mois
de novembre et revienne en étant élu maire d'une
municipalité, après avoir subi une élection sans
même avoir été au courant que sa candidature avait
été posée. Il y a encore un certain nombre de trous dans
la Loi électorale municipale qu'il va nous falloir corriger l'an
prochain.
Troisième message, il s'agit essentiellement d'ajustements de la
Loi électorale municipale à la loi générale, dans
le but de faciliter le vote. Le premier amendement consiste à marquer le
bulletin de la même façon qu'on le fait déjà lors
d'élections nationales. Au demeurant, la forme même du bulletin
épousera celle qui nous est connue maintenant depuis 1980.
Le troisième amendement a trait à la façon de
déposer son bulletin dans la boîte de scrutin, bref, pour que nos
habitudes de vote soient les mêmes.
Le quatrième amendement permet maintenant le vote par
anticipation où ce n'était pas déjà prévu
et, dans les municipalités de plus de 20 000 habitants, qu'on puisse
tenir une seule journée de vote par anticipation.
Pour les affaires municipales, M. le Président, c'est la
prolongation de la loi 105. C'est également un avant-propos à une
réforme en profondeur qui viendra d'ici à un an. Je vous
remercie, chers collègues, d'avoir accepté de m'écouter si
brièvement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre
droit de réplique.
M. Marc-André Bédard
(réplique)
M. Bédard: Très rapidement, M. le Président.
Tout d'abord, je voudrais simplement exprimer la satisfaction que j'ai de voir
que l'Opposition est d'accord avec le projet de loi qui, contrairement à
ce qu'a dit le député de Portneuf, ne représente pas
seulement substantiellement les recommandations du conseil consultatif, mais
représente entièrement les recommandations qui ont
été faites par le conseil consultatif.
Le député de Portneuf en a profité pour
évoquer, avec raison, que j'assumais la responsabilité du
ministère de la Justice et également du ministère
d'État à la Réforme électorale. M. le
Président, je peux l'assurer que tous les efforts nécessaires
sont faits quant à la réforme électorale puisque, depuis
moins de deux ans et demi, je crois, que j'assume cette responsabilité,
j'ai eu l'occasion de mener à terme l'adoption en cette Chambre de la
Loi sur la consultation populaire, également de mener à terme
l'adoption d'une nouvelle Loi électorale, qui a été
d'ailleurs mise à l'épreuve d'une façon très
positive lors des dernières élections. Je
ne parle pas du résultat, je sais que nos amis ne seraient pas
d'accord avec nous, mais au niveau de la loi. J'ai également eu
l'occasion de mener à terme l'adoption de la Loi sur la
représentation électorale, aujourd'hui, de déposer cette
loi qui apporte, je pense, des amendements importants au niveau de la Loi sur
le financement des partis politiques; également, de mener à terme
des réflexions concernant une réforme possible du mode de
scrutin, réflexions auxquelles, j'espère, s'associera le plus
rapidement l'Opposition.
M. le Président, c'est simplement pour dire que ceci me semble
être une vitesse de croisière normale, plus qu'acceptable, tenant
compte de la capacité des citoyens d'absorber des changements au niveau
de notre processus électoral. Le député de Portneuf avait
raison de dire que, comme j'assume d'autres responsabilités, je devais
consacrer du temps important au niveau du ministère de la Justice
concernant plusieurs enquêtes dans l'ensemble du territoire du
Québec. Je pourrais peut-être dire d'une façon tout
à fait particulière au député de Portneuf que ce
qui demande le plus de temps, souvent, en termes d'enquêtes, ce sont
surtout les enquêtes inutiles qu'on nous impose à partir
d'insinuations, à partir d'élucubrations qui peuvent, en fait,
originer... Je n'ai pas besoin, je crois, de faire de dessin au
député de Portneuf sur ce sujet.
J'étais très heureux de voir le député de
Portneuf, au nom de son parti, chanter les louanges de la Loi sur le
financement des partis politiques. C'étaient des principes bien simples,
on le voit; simplement de donner le plus possible un contrôle populaire
à l'ensemble des électeurs sur leurs partis politiques, sur le
financement de leurs partis politiques, pour être bien sûr que ces
partis politiques représentent vraiment les intérêts des
électeurs et non pas les intérêts de caisses occultes
financées à partir de compagnies et de dons très
importants de personnes anonymes. Il me semble que ce sont des principes
très simples. Je ne comprends pas pourquoi - le député de
Portneuf ne nous en a pas parlé l'Opposition, qui connaissait ces
principes fondamentaux en termes de fonctionnement de la démocratie, n'a
jamais eu le courage de faire quelque chose de très significatif dans ce
domaine, telle la Loi sur le financement des partis politiques. Il a fallu que
le Parti québécois assume le pouvoir pour y aller de toutes ces
réformes que je viens de mentionner.
Maintenant que l'Opposition, par la force des choses, a accepté
ces changements, qu'elle s'aperçoit même que ça fonctionne
très bien, et ce à l'avantage des citoyens et non pas des caisses
occultes, je comprends qu'elle y aille de nouvelles suggestions. J'ai pris en
note la suggestion du député de Portneuf que la loi 2 s'applique
au gouvernement également. Nous aurons l'occasion d'en discuter lors des
travaux de la commission parlementaire pour étudier le projet de loi
article par article.
J'ai également pris bonne note de sa suggestion, à savoir
qu'on devrait prévoir qu'un parti provincial ne peut financer un parti
sur la scène fédérale. Je ne sais pas si c'est le
résultat d'une inquiétude difficilement avouable de la part de
l'Opposition et de la part, peut-être, du Parti libéral
fédéral qui amène le député de Portneuf
à s'intéresser à ce problème particulier. Pourtant,
des ailes fédérales et des ailes provinciales, ça existe
depuis longtemps. Le Parti libéral en sait quelque chose, d'autant plus
qu'on a le spectacle tous les jours d'une aile provinciale assujettie à
l'aile fédérale, qui reçoit ses ordres, on le sait, d'une
façon régulière... Peut-être que le
député de Portneuf a été aidé dans sa
réflexion, au niveau de la suggestion qu'il nous a faite, par des ordres
qu'il a pu recevoir au téléphone ou autrement, je ne veux pas
préciser, du parti libéral fédéral.
M. Pagé: Question de privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, un
instant! C'est simplement pour vous avertir de la même façon que
je l'ai fait à l'endroit du député de D'Arcy McGee.
J'aimerais, en vertu de l'article 100, que vous permettiez au ministre de
terminer et que vous reveniez, à la fin, en vertu de l'article 96. M. le
ministre.
M. Bédard: Je sais que le député de Portneuf
a dit, dans son intervention, que sa suggestion n'était en aucune
façon le fruit d'une inquiétude de l'arrivée du Parti
québécois sur la scène fédérale. Il nous a
même dit d'une façon grandiloquente: Allez-y! Vous allez manger
une volée! Cela me rappelait, presque textuellement, des affirmations de
même nature que faisait le député de Portneuf avant les
élections de 1981 alors que nous devions, comme il le disait... Vous
avez déjà dit qu'on allait gagner? Non, quand même.
Une voix: On lui avait dit...
M. Bédard: Soyez sérieux! Le député
de Portneuf est en train de nous dire qu'il avait prévu que nous
gagnerions. Je ne sais pas si c'est à cause du chef. Il avait fait,
à ce moment-là, une évaluation du chef que d'autres
n'avaient pas faite, ou encore du Parti libéral, de sa santé
démocratique ou autre.
M. le Président, on sait que les affirmations du
député de Portneuf ne sont
pas très significatives, en tout cas, en termes de
résultats, parce qu'on connaît les résultats de
l'élection de 1981. Une chose est certaine, M. le Président.
Quand même, le député de Portneuf est un homme qui semble
ouvert à la collaboration, par les temps qui courent. Je puis lui dire
qu'on examinera avec attention cette grande préoccupation dont il a fait
part, aujourd'hui, à tous les membres de l'Assemblée nationale et
à tout le public qui nous écoute, à savoir qu'un parti
provincial pourrait, éventuellement, financer un parti sur la
scène fédérale. Quand il parle surtout de la
publicité gouvernementale et quand il parle également de la
dernière suggestion, sans doute oublie-t-il rapidement ce qui s'est
passé lors du dernier référendum alors que nous avons eu
droit à un déferlement incroyable, inqualifiable, de la part des
autorités fédérales, sans qu'il n'y ait...
Une voix: Provinciales.
M. Bédard: C'est normal. Au niveau provincial, chacun
avait le droit d'y aller à sa manière. C'était
prévu dans la Loi sur la consultation populaire et dans la Loi
régissant le financement des partis politiques. Mais rappelons-nous, M.
le Président, que tant le député de Portneuf que les
autres députés de l'Opposition n'avaient pas la conscience
tellement sensible au moment du référendum lorsqu'ils voyaient
déferler la publicité à coups de millions de dollars de la
part des autorités fédérales, pour essayer d'influencer
les Québécois, pour leur dire qu'un non voulait dire un oui,
qu'ils auraient plus de pouvoirs, etc. Tout le monde se rappelle l'histoire. Au
contraire, le Parti libéral...
M. Marx: Question de privilège.
M. Bédard: ... a laissé faire les choses, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je dois vous rappeler -
vous le verrez en relisant l'article concernant la question de privilège
-qu'une violation des droits de l'Assemblée ou d'un de ses membres
constitue une question de privilège. J'ai le devoir de vous entendre,
mais je tiens aussi à vous rappeler le règlement. M. le
député de D'Arcy McGee, question de privilège.
M. Marx: M. le Président, il a accusé les
députés - il a parlé des députés de ce
côté-ci - d'avoir été pour cette publicité
par le fédéral. Notre position, le chef l'a
énoncée. Nous sommes toujours contre la publicité
gouvernementale pour des fins de propagande, que ce soit par le gouvernement
fédéral, le gouvernement provincial ou tout autre
gouvernement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre. (16 h
50)
M. Bédard: L'hypocrisie n'a pas de limite de l'autre
côté de la Chambre. C'est incroyable d'entendre l'affirmation du
député de D'Arcy McGee. Il n'a pas l'air de se rendre compte
qu'il est en train de parler à ces mêmes Québécois
à qui il a parlé lors du référendum ou à qui
d'autres, de sa formation, ont parlé lors du référendum,
qui ont vécu la période référendaire, qui ont
vécu le déferlement publicitaire de la part des autorités
fédérales sans aucun soubresaut sur la conscience des gens de
l'Opposition. En retard. Mais même si la conscience se réveille,
cela a été le cas vraiment en mettant en application une loi sur
le financement des partis politiques; c'est le cas aussi présentement
pour ce qui est de certaines des suggestions qui nous sont faites. Même
si la conscience se réveille en retard, je vais prendre en
considération ces suggestions. Nous aurons la discussion de fond lors de
l'étude de ce projet de loi article par article.
Je conclus en réitérant la satisfaction que j'ai de voir
l'Opposition accepter avec enthousiasme - on peut même dire
d'emblée - de voter pour ce projet de loi qui constitue, encore une
fois, une autre amélioration apportée par le gouvernement
à l'ensemble de notre processus électoral et démocratique.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de
l'Opposition, en vertu de l'article 96.
M. Pagé: Très brièvement, M. le
Président. Le ministre d'État à la Réforme
électorale a mal interprété mes propos. Il m'a mal
cité, il a fait valoir que c'était probablement par
appréhension ou par crainte que je formulais de tels commentaires sur la
possibilité pour le Parti québécois de se présenter
sur la scène fédérale. Je voudrais rétablir les
faits. Je croyais lui avoir énoncé clairement qu'un des motifs,
entre autres, pour lesquels j'ai hésité à présenter
cet amendement, c'est que je ne voulais pas l'en empêcher,
premièrement. Deuxièmement, l'essentiel de mon propos à
cet égard, c'est que je demande finalement au Parti
québécois qui a toujours plaidé et insisté sur une
séparation bien identifiée... Je termine là-dessus, M. le
Président. Je vous ai laissé terminer, laissez-moi terminer.
Après ça, on va voter. Le Parti québécois a
toujours insisté non seulement sur une démarcation, mais sur une
séparation très nette entre les partis politiques évoluant
à un palier ou l'autre de gouvernement, soit Québec et Ottawa. Je
vous demande de respecter ce que vous avez toujours déclaré et je
vous demande d'être conséquents avec vous-mêmes.
L'amendement devrait venir de vous, si vous étiez logiques.
Voyons!
M. Bédard: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je voudrais éviter
un débat. M. le whip du gouvernement, c'est à moi de
décider ici. M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, devant cette
dernière exhortation presque dramatique de la part du
député de Portneuf pour inciter le Parti québécois
à ne pas aller sur la scène fédérale parce qu'il
faut qu'il y ait une démarcation entre les deux partis...
M. Pagé: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
J'ai donc pris connaissance que c'était, de part et d'autre, une vraie
divergence d'opinions. En même temps, je vous dis que le risque est grand
de s'embarquer dans ce qui n'est pas normal, c'est-à-dire une autre
discussion terminée par la réplique du ministre. En
conséquence, on pourrait passer au vote. Non? M. le whip de
l'Opposition.
M. Pagé: M. le Président, ce n'est pas vrai, je
n'ai jamais voulu dire ou laisser croire que je ne voulais pas que le Parti
québécois y aille. Allez-y! Mais ce que je veux, c'est une
démarcation entre les caisses électorales. C'est ça que je
veux et c'est ce que j'ai prétendu dans mon propos. Financez-vous, il
faut que ce soit séparé.
M. Bédard: Ne vous inquiétez pas.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cela va. Merci. Est-ce que
la deuxième lecture du projet de loi no 66, Loi modifiant certaines
dispositions législatives en matière de financement des partis
politiques et en matière d'élections municipales, est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission de la présidence
du conseil et de la constitution
M. Brassard: Je ferais d'abord motion pour déférer
ce projet de loi à la commission de la présidence du conseil et
de la constitution.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Brassard: On revient de nouveau à l'article 11, M. le
Président.
Reprise du débat sur la
deuxième lecture du projet de loi no 67
Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture du
projet de loi no 67, Loi modifiant la Loi sur les poursuites sommaires, le Code
de procédure civile et d'autres dispositions législatives. La
parole est à Mme la députée de Dorion.
Mme Huguette Lachapelle
Mme Lachapelle: II me fait plaisir, M. le Président,
d'intervenir à ce moment-ci du débat pour l'adoption du projet de
loi no 67 et ce, pour plusieurs raisons. Une des raisons - à mes yeux,
c'est la plus importante - est que ce projet de loi s'inscrit dans la
foulée d'une série de mesures qui ont déjà
été mises de l'avant par notre gouvernement pour enfin humaniser
notre système judiciaire, tout en lui fournissant les outils
nécessaires à l'accès des citoyens à une justice
plus souple et plus efficace.
Ces mesures découlent d'une philosophie que je crois
partagée par plusieurs d'entre nous dans cette Chambre, basée sur
une approche sociale des divers aspects de l'administration de la justice.
Cette approche se développe autour de trois volets que je pourrais
résumer ainsi: donner à la justice un visage plus humain,
favoriser la concertation des différents intervenants du milieu, tant au
niveau de la réflexion que de l'action, et développer des
alternatives à l'incarcération.
Cette orientation a été l'aboutissement d'une
réflexion globale entreprise au sein du ministère de la Justice.
Certains diront que tout cela s'inscrit tout bonnement dans l'évolution
des mentalités et que notre société partage
dorénavant cette vision de la justice. S'arrêter à cette
constatation serait oublier le moteur qui a constitué et qui constitue
toujours la volonté politique de notre gouvernement dans ce domaine.
Qu'il me suffise de souligner, à titre d'exemple, quelques
initiatives telles que la Loi sur la protection de la jeunesse, la
création de la Commission québécoise des
libérations conditionnelles, l'institution du recours collectif, le
développement de certaines solutions de rechange à
l'emprisonnement comme les sentences de travaux communautaires et plusieurs
autres
qu'il serait opportun d'énumérer ici. Entre autres,
l'adoption d'une réglementation énonçant clairement les
droits des détenus. Par exemple, c'est notre gouvernement, donc, le
Parti québécois, qui a accordé le droit de vote aux
détenus. Notre gouvernement n'a donc pas hésité à
consulter le milieu, à aller de l'avant, à innover. Il a, depuis
1976, participé grandement à l'avènement d'une justice
envers laquelle les citoyens ont davantage confiance non pas parce qu'elle
était, dans le passé, empreinte de tous les maux, mais parce
qu'elle devient progressivement une justice dans laquelle ils se reconnaissent,
qui leur est plus ouverte, une justice qu'ils perçoivent plus comme un
instrument de cohésion sociale qu'un outil de répression.
Le projet de loi no 67 s'insère donc dans cet ensemble de
modifications et de dispositions nouvelles qui sont venues améliorer
l'administration de la justice au cours des dernières années. Il
reflète les objectifs dont je vous parlais plus tôt. Un des
aspects intéressants du projet de loi no 67 est qu'il vise un
assouplissement majeur du processus de recouvrement des amendes imposées
en vertu des lois du Québec - Code de la sécurité
routière, règlements de chasse ou de pêche, etc. - et
réduit, ce qui est important, le recours à l'emprisonnement pour
défaut de paiement de ces amendes. (17 heures)
La Loi sur les poursuites sommaires, qui est ici modifiée, pourra
venir corriger l'utilisation irrationnelle de nos établissements de
détention par un recours injustifiable et trop fréquent à
l'emprisonnement. Bien que seulement environ 1% des personnes à qui une
amende est imposée sont effectivement emprisonnées pour
défaut de paiement, ce groupe n'en constitue pas moins 40% des
admissions dans les établissements de détention du Québec.
Ces personnes, dans plus de 60% des cas, se retrouvent derrière les
barreaux, en prison, en raison de l'utilisation de véhicules
automobiles, soit qu'elles aient enfreint le Code de la route, des
règlements municipaux ou autres. Le mécanisme de recouvrement des
amendes tel que proposé dans ce projet de loi m'apparaît comme une
procédure apte à redresser cette situation. Désormais,
lors de l'imposition d'une amende, aucune ordonnance ne pourra être
rendue pour le recouvrement de cette amende et le débiteur
bénéficiera d'un délai minimum de 30 jours pour
l'acquitter. Après entente avec les percepteurs du ministère de
la Justice et selon les moyens du débiteur, ce délai pourra
être prolongé et le paiement de la dette pourra être
effectué en plusieurs versements. On ouvre ainsi la porte à un
mode de perception qui tient compte de la situation financière du
débiteur.
Ce n'est qu'une fois ces étapes complétées qu'une
saisie du salaire ou des biens du débiteur pourrait être
autorisée. Si cette saisie est inapplicable ou insuffisante, le
contrevenant pourra se voir offrir le moyen de s'acquitter de son dû en
travaillant pour un des quelque 1500 organismes communautaires actuellement
identifiés par le ministère de la Justice, pour une
période de temps correspondant à la valeur de l'amende. Cette
option, M. le Président, qu'on appelle une sentence de travaux
communautaires ou compensatoires, est déterminée selon une table
de correspondance entre les montants des amendes et la durée de ces
travaux.
Tous ces recours épuisés, l'emprisonnement devient alors
l'ultime moyen par lequel un contrevenant pourra être appelé
à payer son dû à la société. Nous savons, M.
le Président, qu'il arrive souvent, dans l'état actuel des
choses, que la durée de l'emprisonnement peut parfois paraître
minime par rapport au montant de l'amende, de sorte qu'il est plus
intéressant pour le contrevenant de choisir la prison. C'est pourquoi la
durée de détention est ici déterminée
proportionnellement au montant de l'amende. Cela a une table similaire à
celle applicable pour la durée des travaux compensatoires. À
titre d'exemple, selon ces tables, dans le cas d'une amende de 50 $, un
contrevenant devrait passer cinq jours en prison ou fournir deux unités
de travaux compensatoires d'une durée respective de trois heures
chacune. Dans le cas d'une amende de 500 $, l'emprisonnement serait de 23 jours
tandis que la sentence des travaux compensatoires serait de quelque 50 heures
réparties en 17 périodes de travail, et ainsi de suite pour
toutes les variations qu'il est possible de voir. En régularisant ainsi
tout le mécanisme de recouvrement des amendes, on éclaircit les
règles du jeu. Toute la latitude nécessaire à un mode de
perception plus humaine pourra être inscrite dans notre pratique
judiciaire.
Les centres de détention ne pourront dorénavant être
utilisés que pour les fins pour lesquelles ils ont été
conçus, c'est-à-dire pour garder temporairement à
l'écart certaines personnes qui peuvent être
considérées comme une menace à la sécurité
et au bien-être des citoyens.
Le projet de loi no 67, M. le Président, étant un projet
de loi omnibus, modifie évidemment d'autres dispositions
législatives relatives à l'administration de la justice. La
plupart d'entre elles visent une plus grande efficacité de nos cours de
justice. Qu'il me soit permis de souligner, entre autres, celle relative
à la juridiction de la Cour des petites créances qui est
portée de 500 $ à 800 $ et celle portant sur le recours à
l'appel de jugements de la Cour supérieure qui passerait de 6000 $
à 10 000 $.
Voilà, M. le Président, les principales
remarques que je voulais soulever dans ce débat. J'espère
qu'elles auront permis à nos concitoyens et concitoyennes de se
convaincre de nos efforts concrets et continuels pour valoriser notre
système judiciaire et le rendre plus humain. Merci, M. le
Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Brome-Missisquoi.
M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: Je vous remercie, M. le Président. Vous avez
eu l'occasion de suivre attentivement l'ordre de nos travaux depuis le
début de l'après-midi. On a commencé avec le projet de loi
67 du ministre de la Justice. On est revenu avec le projet de loi 66 du
même ministre, tout cela dans le but de mélanger un peu les gens
qui nous écoutent et de tenter de passer à la vapeur dans les
derniers jours de cette session des projets de loi qui ont des impacts
considérables sur la vie économique, sociale ou culturelle de
l'ensemble de nos électeurs.
M. le Président, là on est revenu - on va tenter d'en
parler un peu - au projet de loi 67 qui s'intitule Loi modifiant la Loi sur les
poursuites sommaires...
M. Brassard: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député. Question de privilège de la part du leader adjoint
du gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, je ne comprends pas les
propos du député de Brome-Missisquoi. Les travaux...
M. Paradis: M. le Président, je vais
répéter. Il n'a pas compris.
M. Brassard: M. le Président, ce qu'on a fait, la
façon dont on a procédé cet après-midi, c'est
justement à sa demande et pour satisfaire l'Opposition et non pas pour
mélanger la population. C'était à la demande même du
whip en chef de l'Opposition. Si le député de Brome-Missisquoi
n'est pas au courant de cela, je le lui dis.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Encore des excuses. Quand ce n'est pas la faute du
fédéral, quand ce n'est pas la faute de Reagan aux
États-Unis et quand ce n'est pas la faute des libéraux de 1970
à 1976, c'est la faute à quelqu'un d'autre. Ce gouvernement n'est
pas responsable de l'ordre de ses travaux. Ce gouvernement n'est pas
responsable des taxes. Ce gouvernement...
M. Brassard: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! À
l'ordre! M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, à 15 heures cet
après-midi, nous aurions dû entreprendre l'étude du projet
de loi 66, mais le whip en chef de l'Opposition, le député de
Portneuf, nous a demandé de retarder l'étude de ce projet de loi,
parce que...
Une voix: Ils ne se parlent plus, eux autres.
M. Brassard: Eh! M. le Président, le député
de Brome-Missisquoi, vient de nous dire qu'on organise mal les travaux de cette
Chambre. On a changé l'ordre des travaux de la Chambre pour donner
satisfaction à l'Opposition. C'est pour cette raison qu'on a
changé l'ordre des travaux de la Chambre.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! M. le député de Brome-Missisquoi ainsi que
M. le leader adjoint du gouvernement, je n'ai pas comme président
à me prononcer pour ou contre des décisions qui sont prises en
dehors de cette Assemblée. Il y a une chose, cependant. Sans vouloir
dire que c'est une question de règlement, au moins, la simple sagesse,
de part et d'autre, est de ne lancer aucune accusation qui ne peut pas
être vérifiable ou vérifiée. Tout ce que l'on peut
dire, c'est que la présidence, à l'ordre du leader du
gouvernement ou de son adjoint, appelle les travaux de cette Assemblée
et il arrive souvent qu'il y ait des ententes entre les partis politiques pour
permettre à des personnes qui ne peuvent pas intervenir de le faire
à certains moments. Comme ce que le député qui est le
leader adjoint du gouvernement a dit, il l'a dit de son siège, le
règlement demande aussi que sa parole soit respectée.
Compte tenu de ces parties du règlement, je demanderais au
député de Brome-Missisquoi de bien utiliser le temps qu'il a
à sa disposition, mais aussi de respecter la parole du leader adjoint du
gouvernement qui est donnée de son siège. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: À la suite de vos sages recommandations, M. le
Président, je prends la parole du leader adjoint du gouvernement. Je
soulignerai tout simplement que, si on amenait ces projets de loi dans les
périodes
normales de session de l'Assemblée nationale, non pas en
catastrophe, non pas à la dernière minute, on éviterait
tous les imbroglios dans lesquels le gouvernement tient à nous
plonger.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Brome-Missisquoi, question de privilège de la
part du whip de l'Opposition.
M. Pagé: Je veux intervenir à ce moment-ci sur une
question de fait personnelle, à la suite des commentaires
formulés par le député de Lac-Saint-Jean. M. le
Président, on se rapellera que, ce matin, le leader du gouvernement a
convié la Chambre à étudier l'article 11 de notre
feuilleton, qui est le projet de loi 67 sur les poursuites sommaires et le Code
de procédure civile qui est une loi omnibus du ministre de la Justice.
Nous avions quatre ou cinq intervenants et le gouvernement, la majorité
aussi.
Or, M. le Président, à 13 heures cet après-midi, ce
débat n'étant pas terminé, il était justifié
de croire qu'il continuerait à 15 heures. À 15 h 05, M. le
Président, on a communiqué à mon bureau pour m'informer
que le sujet auquel l'Assemblée était conviée par l'ordre
du leader adjoint n'était plus la poursuite régulière et
présumée du débat, mais le projet de loi 66.
M. le Président, je me suis rendu ici. J'ai rencontré le
leader adjoint du gouvernement. J'ai demandé aux représentants de
la majorité pourquoi on ne poursuivait pas le débat sur le projet
de loi 67, tel que convenu et tel que c'est l'usage, de reprendre à 15
heures et de poursuivre le débat enclenché dans la séance
de la matinée. On m'a dit: C'est que le ministre de la Justice doit
quitter. J'ai compris. J'ai dit: D'accord, je suis d'accord qu'on reprenne
l'étude du projet de loi 66. D'ailleurs, je n'avais pas le choix, c'est
explicable et c'est normal. Nous sommes sautés au projet de loi 66 pour
revenir au projet de loi 67, mais qu'on ne vienne pas dire que c'est à
ma demande, M. le Président, ce n'est pas le cas. C'est ce que je
voulais établir.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Tout étant dit
maintenant, en tenant compte du temps, le député de
Brome-Missisquoi, votre intervention est presque commencée.
M. Paradis: Vous comprendrez, M. le Président, que je dois
m'excuser d'avoir induit la population en erreur en prenant la parole du leader
adjoint du gouvernement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, dans l'ensemble, les propos
tenus par le whip de l'Opposition sont exacts, mais je dois quand même
aussi lui rappeler que c'est à sa demande hier que nous avions
décidé d'appeler le projet de loi 66 à 15 heures.
M. Pagé: On va régler cela tout de suite.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de
l'Opposition.
M. Pagé: M. le Président, tous les
députés prennent connaissance d'un document qui nous est
envoyé le jeudi ou le vendredi matin nous donnant l'ordre des travaux
pour la semaine suivante. Or, l'ordre des travaux, aujourd'hui, c'était
l'étude du projet de loi 67, en premier, du projet de loi 66, du projet
de loi 23 et du projet de loi 75. Selon l'ordre, le projet de loi 66
apparaissait après le projet de loi 67. Il fallait donc présumer
qu'on terminerait l'étude du projet de loi 67 avant d'aborder le projet
de loi 66. Ceci étant dit, M. le Président, je m'assois,
espérant que la rectification que je porte à ce moment-ci sera
à la satisfaction du député de Lac-Saint-Jean et des
autres collègues de cette Chambre.
Le Vice-Président (M. Jolivet): J'ai l'impression que ce
n'est pas ce que veut le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Simplement une petite remarque en passant: Si le
député de Portneuf fait allusion au petit document bleu qu'on a
tous les jours, que vous avez entre les mains, M. le Président, je lui
ferais remarquer qu'à l'article 10, juste en marge, à gauche,
pour le projet de loi 66, il est écrit "15 heures".
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je vais essayer, à
titre de président, de clore ce débat en vous disant que le
document que j'ai moi-même comme président n'est qu'un moyen de
savoir à peu près à quel moment les débats seront
appelés, mais en aucune façon je ne dois tenir pour acquis que
c'est dans ces temps-là que doivent être faites les choses et cela
dépend du leader du gouvernement de décider à quel moment
tel projet de loi est appelé, oui ou non. Le document que j'ai n'est
simplement qu'un indicatif de ce qui pourrait peut-être arriver durant la
journée. M. le député de Brome-Missisquoi, j'espère
que votre intervention commence cette fois-ci.
M. Paradis: M. le Président, profitant de l'occasion pour
vous faire remarquer qu'il n'est pas 15 heures, mais 17 h 15, je commence donc
sur le projet de loi no 67.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le
député, il est 17 h 13)
M. Paradis: L'angle de votre fauteuil vous donne une vue directe
tandis que l'angle de mon siège me donne une vue indirecte, et, pour les
secondes sur lesquelles on pourrait s'obstiner, je vous fais grâce et je
me rends à votre sage décision. On parlera donc, pour le
bénéfice de la population du Québec, du projet de loi no
67 qui s'intitule Loi modifiant la Loi sur les poursuites sommaires, le Code de
procédure civile et d'autres dispositions législatives.
Il est toujours intéressant pour vous, M. le Président,
qui n'avez pas le temps de prendre connaissance à fond de tous les
projets de loi qui sont déposés, et pour l'ensemble de la
population qui nous écoute de faire part à cette population des
notes explicatives qui ont été lues par le ministre de la Justice
à l'occasion du dépôt en première lecture du projet
de loi. Les notes explicatives se lisent comme suit: "Ce projet de loi a
principalement pour objet d'humaniser le recouvrement des amendes
imposées en vertu des lois du Québec et de faciliter
l'accès des citoyens à la justice dispensée par les
tribunaux. Il a également pour objet de modifier diverses lois afin de
favoriser une meilleure administration de la justice. À ces fins, le
projet de loi est divisé en quatre sections." Pour ceux qui ne l'ont pas
lu de l'autre côté, même si vous avez déjà
prononcé vos discours, il y a quatre sections. "La première
modifie la Loi sur les poursuites sommaires principalement en ce qui a trait
à l'exécution des jugements rendus en matière
pénale provinciale. "Désormais, lors de l'imposition d'une
amende, le juge de paix ne pourra rendre aucune ordonnance pour le recouvrement
de cette amende, et le débiteur aura automatiquement un délai
d'au moins 30 jours pour l'acquitter. "L'exécution du jugement sera
plutôt confiée à un officier de justice - on crée
d'autres postes - qui pourra prolonger le délai de paiement ou accepter
des paiements différés; au besoin, c'est lui qui prendra par la
suite les mesures les plus appropriées, à la perception de
l'amende. "Le débiteur incapable de payer sa dette - ceux qui nous
écoutent, écoutez bien si vous sentez que ça peut vous
arriver -malgré la saisie qui aura pu être faite de son salaire ou
de ses biens, pourra s'en acquitter en exécutant les travaux
compensatoires qui lui seront indiqués, et l'emprisonnement à
défaut de paiement ne sera possible qu'en dernier ressort et sur
autorisation d'un juge de paix. La durée de ces travaux compensatoires
ou de l'emprisonnement sera proportionnelle à l'amende due et sera
calculée suivant une table apparaissant en annexe à la loi.
"D'autres modifications sont également apportées à la Loi
sur les poursuites sommaires notamment en ce qui a trait au pouvoir
réglementaire du gouvernement." Cela règle la première
section. "La deuxième section du projet de loi modifie le Code de
procédure civile. Ces modifications portent principalement sur la
majoration du niveau maximum des petites créances de 500 $ à 800
$ - vous savez, M. le Président, et vous qui m'écoutez
qu'autrefois pour plus de 500 $ vous étiez obligés de passer par
la Cour provinciale; maintenant, la juridiction est étendue
jusqu'à 800 $ - sur la hausse des frais en cette matière - un
petit impôt indirect encore, ce n'était pas souligné dans
le projet de loi -sur la majoration du seuil de l'appel de plein droit à
la Cour d'appel de 6000 $ à 10 000 $, sur la procédure d'appel et
sur les règles régissant l'appel des jugements interlocutoires et
de ceux qui autorisent l'émission d'un bref d'évocation."
Voilà qui dispose de la deuxième partie de la loi. "La
troisième section de ce projet de loi modifie diverses lois. "En
particulier, le Code civil sera modifié à des fins techniques ou
de concordance notamment - c'est de cela que je vous entretiendrai un peu plus
longtemps aujourd'hui - aux chapitres des nantissements commerciaux, agricoles
et forestiers." Écoutez cela, les députés ruraux de
l'autre côté, vous avez tout vu ça, les nantissements
agricoles, forestiers et commerciaux dans vos comtés. Cette loi modifie
cela. Vous allez voter, mais j'espère que vous prendrez également
connaissance des dispositions avant de voter. "De plus, un tribunal pourra
désormais accorder en matière contractuelle les
intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle
jusqu'ici réservés aux matières délictuelles et
quasi-délictuelles. "Parmi les autres modifications apportées par
cette section, il faut noter celle qui permettra, sur une base de
réciprocité, des accords avec d'autres pays en matière
d'exécution des ordonnances de pensions alimentaires, une autre qui vise
la constitution d'un comité de discipline pour les huissiers, et une
troisième qui reconnaît aux juges nommés par le
gouvernement du Québec les privilèges reconnus de longue date aux
juges de la Cour supérieure." Ils ont décidé de copier le
fédéral. (17 h 20)
La dernière section du projet de loi, la troisième,
contient des dispositions relatives à certains cadastres de la division
d'enregistrement d'Abitibi, M. le député, ainsi que les
dispositions transitoires et finales découlant de l'ensemble des
modifications apportées par le projet de loi. Là, on a une liste
des lois qui sont modifiées par ce projet de loi. Écoutez bien!
J'espère
que vous avez fait tous vos devoirs, MM. les députés de
l'autre côté, avant de voter pour. Cela modifie le Code civil, la
Loi sur les cités et villes, le Code de procédure civile, la Loi
sur les cours municipales, la Loi sur l'exécution réciproque
d'ordonnances alimentaires, la Loi sur les fabriques, la Loi sur la fonction
publique, la Loi sur les huissiers, la Loi sur les infractions en
matière de boissons alcooliques, la Loi sur le ministère de la
Justice, la Loi sur les poursuites sommaires, la Loi sur les privilèges
des magistrats, la Loi sur la probation et sur les établissements de
détention, la Loi sur la Régie du logement, la Loi sur les
tribunaux judiciaires. Toutes ces lois n'affectent-elles pas vos concitoyens?
Je vous comprends de ne pas intervenir. Le ministre était pressé.
Le leader du gouvernement était pressé. Vous avez
préféré le silence à la défense des droits
et des intérêts de...
M. Bédard: Question de privilège, M. le
Président.
M. Paradis: M. le Président:
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège...
M. Paradis: ... je vous le soumets respectueusement. Je sais que
cela fait mal.
M. Bédard: Lorsque des faussetés sont dites, est-ce
qu'on peut soulever une question de privilège?
M. Paradis: M. le Président, des faussetés. J'ai lu
le projet de loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Pour savoir s'il y a vraiment question de privilège, je suis au moins
obligé de l'entendre.
M. Bédard: Contrairement à ce que dit le
député, déjà, non seulement le ministre de la
Justice, mais également d'autres députés de cette
formation sont intervenus. Je voudrais rappeler au député, qui
pourrait peut-être faire ses devoirs, que le député de
D'Arcy McGee est intervenu en indiquant que l'Opposition votera pour ce projet
de loi. Vous devriez être au courant.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, je sais que vous ne rendrez
pas votre décision immédiatement...
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît;
Une voix: C'est lui qui n'a pas fait ses devoirs.
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! J'ai entendu la question et je vous redonne la parole.
M. Paradis: M. le Président, j'aimerais qu'à la fin
de mon intervention vous preniez mes commentaires en
délibéré et vous indiquerez au ministre de la Justice s'il
s'agissait d'une question de privilège ou non. Après tout, c'est
le ministre de la Justice. Il doit être capable d'interpréter au
moins le règlement de l'Assemblée nationale et de l'appliquer
comme il faut. Je vous demanderais de rendre une décision, à la
fin de mon discours, M. le Président, à savoir s'il s'agissait
d'une question de privilège parce que ce genre d'intervention peut faire
jurisprudence.
M. le Président, c'est vrai que le Parti libéral va voter
pour, mais imaginez-vous dans quelle situation se retrouve l'Opposition?
Imaginez-vous dans quelle situation se retrouve un parti politique, dans
n'importe quel Parlement démocratique, lorsqu'un projet de loi omnibus
comme celui-là est présenté? Il y a des dispositions dans
ce projet de loi pour lesquelles il faut voter. Oui, le ministre de la Justice
a bien fait ses devoirs. Oui, le ministre de la Justice a pris en
considération les suggestions du député de D'Arcy McGee
concernant, entre autres, l'emprisonnement, les travaux communautaires, etc. Il
a copié les recommandations du député de D'Arcy McGee. On
ne va toujours pas voter contre les recommandations du député de
D'Arcy McGee, nous de l'Opposition libérale. Tout ce que le ministre de
la Justice a copié, on s'est dit, au caucus, qu'on va voter pour, et
c'est l'ensemble du projet de loi qu'il a copié.
Mais il y a des bouts qu'il n'a pas copiés, il y a des bouts
où il a imaginé et c'est sur ces bouts-là que je vais vous
entretenir, aujourd'hui, M. le Président. Les bouts qu'il a
imaginés vont avoir, dans nos comtés ruraux du Québec, et,
là-dessus, je tiens à vous dire... C'est un peu confidentiel ce
qui s'est passé, mais sans donner le mot-à-mot de la conversation
que j'ai eue avec le ministre de la Justice, je l'ai averti, ce matin
même, d'une disposition de ce projet de loi qui affectait, en
particulier, les agriculteurs du Québec, les travailleurs forestiers du
Québec, tous les commerçants, ceux qui ont des petits commerces
au Québec, les petites PME, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme. Je lui ai dit: Vous êtes en train de prendre pour les
banques et contre les agriculteurs, contre les travailleurs forestiers et
contre les
commerçants. Le ministre de la Justice a fait appel à ma
responsabilité de parlementaire avant de parler en Chambre. J'ai
vérifié, en début d'après-midi - ceux qui ne l'ont
pas vu de l'autre côté, les députés ruraux - et
savez-vous ce que contient l'article 69 du projet de loi qu'on est en train de
voter ici aujourd'hui? On va le lire ensemble. Pour plusieurs ça va
être la première fois que vous le lisez. On va le lire ensemble,
ça peut peut-être éclairer votre vote et permettre,
peut-être, de le retrancher ou de le modifier en commission
parlementaire, afin de nous permettre ensemble de voter en faveur des autres
dispositions qu'a copiées le ministre de la Justice sur les propos du
député de D'Arcy McGee. L'article 69 se lit comme suit:
M. Laplante: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député de Bourassa.
M. Laplante: On parle sur le principe d'un projet de loi, et il
est interdit à un député de parler des articles d'un
projet de loi en deuxième lecture.
Une voix: C'est vrai.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je prends en
considération que le député de Brome-Missisquoi l'a
peut-être oublié, mais je crois qu'il va le prendre en
considération pour le reste de son intervention.
M. Paradis: Je vous remercie beaucoup de votre sage
décision, M. le Président, mais je tiens à vous assurer
que je ne l'avais pas oublié, c'est justement sur le principe que je
veux vous parler, le principe qui se trouve dans ce projet de loi et qui dit ce
qui suit: "L'article 2131 de ce Code, modifié - et là on parle du
Code civil, parce qu'on parle de façon un peu nébuleuse quand on
est péquiste dans la vie - par l'article 2 du chapitre 46 des lois de
1943, par l'article 28 du chapitre 72...
M. Dussault: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Question de règlement, M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: N'est-il pas exact qu'en deuxième lecture sur
un projet de loi, il est défendu de faire la lecture des articles?
Le Vice-Président (M. Rancourt): La remarque de tout
à l'heure s'applique, bien sûr, et vous pouvez continuer votre
discours.
M. Paradis: Merci, M. le Président. On comprend pourquoi
vous avez été nommé vice-président et que le
député de Châteauguay ne l'a pas été.
Je continue et je reprends même...
M. Dussault: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le député de Châteauguay.
M. Dussault: Je vais poser ma question autrement. N'est-il pas
exact qu'il est défendu de lire des articles d'un projet de loi quand il
ne s'agit pas des principes du projet de loi en deuxième lecture?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Comme chacun doit le
savoir, en principe, chaque intervenant doit éviter de lire un article
en particulier. Donc, M. le député de Brome-Missisquoi, si vous
voulez bien poursuivre.
M. Paradis: Je vous remercie beaucoup, M. le Président, et
je vous assure que s'il ne s'agissait pas d'un projet de loi omnibus qui
contient plusieurs principes, j'éviterais de porter à la
connaissance de la population que vous aidez à passer en cachette un
principe qui vise à donner plus de pouvoirs aux banques contre les
cultivateurs, contre les travailleurs forestiers et contre les
commerçants, mais je ne peux pas me soumettre à ça. Ma
responsabilité de député de l'Opposition m'oblige à
vous faire part de ce qu'il y a dans ce projet de loi parce que vous ne semblez
pas l'avoir lu encore.
Donc, je reprends: "... du chapitre 46 des lois de 1943, par l'article
28 du chapitre 72 des lois de 1947, par l'article 16 du chapitre 45 des lois de
1948 et par l'article 10 du chapitre 11 des lois de 1980, est de nouveau
modifié par l'addition..." C'est ça, on en vient au nouveau
principe. Le nouveau principe nous révèle que "l'enregistrement
fait avant le (la date d'entrée en vigueur du présent
alinéa) - soit un mois après la sanction de cette loi - d'un acte
de nantissement agricole, forestier ou commercial qui a été
consenti en vertu de l'article 1979a ou de l'article 1979e et signé
devant deux témoins est valide même si l'acte n'a pas
été prouvé par le serment de l'un des deux
témoins." (17 h 30)
En français, qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut dire
qu'il y a des banques au Québec qui ont prêté à des
agriculteurs, à des travailleurs forestiers, à des
commerçants, sur nantissements commerciaux et qui ont oublié de
faire leur devoir, qui ont oublié d'aller enregistrer correctement au
bureau d'enregistrement ces nantissements.
C'est ce que cela veut dire. Aujourd'hui, ces banques qui veulent, dans
certaines occasions, de façon inconsidérée, sauter
à la gorge des cultivateurs, sauter à la gorge des entrepreneurs
forestiers, sauter à la gorge des commerçants, disent au
gouvernement social-démocrate du Parti québécois: Tu vas
prendre notre part, tu vas corriger nos erreurs rétroactivement pour le
passé, tu vas faire en sorte que nous, les banques, on puisse les
étrangler. Et que fait notre ministre de la Justice? Je ne peux pas lui
en valoir. Sérieusement, je ne peux pas lui en vouloir; parce que ce
n'est pas sa préoccupation principale. Sa préoccupation
principale, c'est l'application des lois. Il a sommeillé un peu pendant
que cela s'est passé.
Mais qu'a fait le ministre de l'Agriculture quand ce projet de loi est
arrivé au Conseil des ministres? Qu'a fait le ministre de l'Agriculture,
qui n'est même pas venu en Chambre pour parler de ce projet de loi? Il a
abandonné les cultivateurs, il a abandonné les entrepreneurs
forestiers. Qu'a fait le ministre de l'Industrie et du Commerce? Des discours,
et il a abandonné les commerçants, la PME
québécoise.
Le ministre de l'Agriculture, je n'oserais pas dire cela de lui, parce
qu'il y en a qui vont dire: Le député de Brome-Missisquoi ne
l'aime pas, c'est pour cela qu'il parle ainsi. Je vais vous parler de quelqu'un
qui aime le ministre de l'Agriculture, qui a même pris la peine,
étant donné qu'elle avait autant d'amour pour lui, d'en parler
dans un livre qu'elle a écrit récemment,
l'ex-députée de Dorion, l'ex-ministre d'État à la
Condition féminine, Mme Lise Payette, qui, à la page 131 de son
livre, dit ce qui suit et là, on comprend pourquoi c'est passé au
Conseil des ministres sans que le ministre se réveille. Lise Payette dit
donc à la page 131: "Je m'ennuie de ceux qui dorment pendant que les
autres travaillent. Je m'ennuie même parfois de Jean Garon, dont la seule
présence m'était devenue presque intolérable..."
M. Brassard: Question de règlement, M. le
Président.
M. Paradis: ... tant elle était envahissante."
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M.
le leader adjoint du gouvernement sur une question de règlement.
M. Brassard: M. le Président, je ne vois pas comment,
à l'occasion du projet de loi no 67, le député peut se
permettre de tracer des portraits de certains ministres à partir de
livres ou autrement. Ce n'est absolument pas pertinent aux débats.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Pour la bonne compréhension du règlement, je crois qu'on devrait
relire l'article 120: "Le débat sur toute motion de deuxième
lecture doit être restreint à la portée, à
l'à-propos, aux principes fondamentaux et à la valeur
intrinsèque du projet de loi, ou à toute autre méthode
d'atteindre ses fins."
M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je vous remercie beaucoup, M. le Président.
Comme il s'agit d'un bill omnibus et comme il s'agit d'un bill qui veut donner
plus de pouvoirs aux banques pour étouffer les cultivateurs, les
entrepreneurs forestiers et les commerçants, j'en étais donc
rendu à me demander comment un tel bill avait pu passer au Conseil des
ministres sans que le ministre de l'Agriculture se lève et prenne la
défense de ses cultivateurs. Comment cela a-t-il passé au caucus
du PQ sans que les députés ruraux se lèvent et prennent la
défense des cultivateurs? Comment cela a-t-il passé au Conseil
des ministres sans que le ministre de l'Industrie et du Commerce prenne la
défense des petits commerçants?
Pour tenter de me l'expliquer et de vous l'expliquer, je reviens donc
à la page 131 du livre écrit... C'est vrai que c'est dur de citer
les péquistes pour un député libéral, mais je vais
le faire pareil. Je vais citer Lise Payette, l'ancienne députée
de Dorion qui disait, à la page 131 de son livre, comment cela
s'était passé.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Paradis: Elle disait donc: "Je m'ennuie de ceux qui dorment
pendant que les autres travaillent. Je m'ennuie même parfois de Jean
Garon...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Paradis: ... dont la seule présence...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Je
crois que M. le député de Brome-Missisquoi a bien entendu ce que
j'ai dit tantôt. L'article 120 dit absolument tout sur la motion de
deuxième lecture. Je lui demanderais, durant les deux minutes qui lui
restent, de continuer son intervention sur le projet de loi.
M. Fortier: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le député d'Outremont.
M. Fortier: Je voudrais vous soumettre respectueusement, M. le
Président, que l'article 120 dit bien, à la fin, qu'on peut
utiliser "toute autre méthode d'atteindre ses fins". Justement, mon
collègue de Brome-Missisquoi a décidé de choisir une
méthode en citant des passages d'un livre très connu. Si cela ne
plaît pas aux membres du parti au pouvoir, on ne peut rien y faire, mais
je pense que mon collègue a tout à fait le droit d'utiliser la
méthode qu'il utilise présentement.
Le Président: M. le député d'Outremont, M.
le député de Brome-Missisquoi, je voudrais confirmer et
corroborer la décision qui vient d'être rendue par celui qui
occupait le fauteuil avant moi. Nous devons parler, en deuxième lecture,
du ou des principes du projet de loi qui est discuté. Nous ne devons
faire allusion à aucun des articles. Je constate depuis dix minutes au
moins, que non pas les députés de cette Chambre voient leurs
privilèges brimés, mais la présidence elle-même.
C'est ce qui est très grave. Je demande donc aux députés
de cette Chambre de respecter l'esprit et la lettre de notre règlement,
et ce, au moins pour ceux qui occupent le fauteuil de la présidence en
cette Assemblée nationale du Québec.
M. Paradis: M. le Président, je vous remercie de vos
propos. J'étais très conscient de la portée de l'article
120, je l'ai lu et relu avant mon exposé. Le président a
attiré mon attention dessus. On va le relire ensemble.
Le Président: M. le député de
Brome-Missisquoi, le règlement est très clair. Vous pouvez parler
du ou des principes du projet de loi, mais il est défendu de faire
allusion à un article en particulier ou à des articles en
particulier. Parlez du ou des principes qui sont pour vous des principes de ce
projet de loi. Ne parlez pas des articles du projet de loi. Je me dois,
à ce stade-ci, de corroborer ce que mon collègue a dit tout
à l'heure.
M. Paradis: Je reprends donc, M. le Président, vu que vous
n'occupiez pas le fauteuil, mais que vous avez surveillé attentivement
à partir de vos bureaux les discussions qui ont lieu dans cette Chambre.
Je reprends donc un des principes contenus dans cette loi omnibus et qui fait
en sorte que le gouvernement du Parti québécois adopte cette loi
dans le but de créer les effets suivants sur les agriculteurs, sur les
entrepreneurs forestiers et sur les petits commerçants: Le principe est
de donner rétroactivement aux banques des pouvoirs qu'elles n'avaient
pas pour mieux les saisir, pour mieux accaparer leur propriété en
période de crise économique. Pourquoi ce projet de loi
passe-t-il? Pourquoi ce principe passe-t-il au moment même où vous
seriez appelés à prendre la défense des agriculteurs? La
seule façon dont on peut se l'expliquer, c'est que quand cela a
été présenté au Conseil des ministres, le ministre
de l'Agriculture dormait. Cela semble une accusation grave et pour prouver que
c'est ce qu'il fait que quand ces projets de loi arrivent au Conseil des
ministres, je prends à témoin l'ex-députée de
Dorion, que je vous cite à la page 131 d'un livre qu'elle a
écrit: "Je m'ennuie même parfois de Jean Garon dont la seule
présence m'était devenue presque intolérable tant elle
était envahissante. Dormait-il? Il ronflait. Lisait-il le journal? Il le
faisait en marchant et en déchirant chaque page. Mangeait-il, il en
mettait partout..."
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Brome-Missisquoi, votre temps est
écoulé.
M. Paradis: En concluant, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Très
rapidement.
M. Paradis: En concluant, M. le Président, parce que j'ai
été interrompu à plusieurs reprises. Je sais que ça
fait mal. Dans un journal...
M. Grégoire: M. le Président, aucun
consentement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît. M.
le leader adjoint du gouvernement.
M. Brassard: Son temps de parole est écoulé.
M. Paradis: J'ai été interrompu.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît.
S'il vous plaît! J'ai avisé le député de
Brome-Missisquoi que son temps était écoulé. Il m'a
demandé la permission de conclure. J'attends cette conclusion
très rapidement.
M. Paradis: Pour conclure, M. le Président, le Journal
agricole du Québec publiait dernièrement l'article suivant en
dernière page: "Liste des mesures entreprises par le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour empêcher les
faillites et les saisies...
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Paradis: ... des fermes familiales au
Québec. La liste était en blanc. Ce qu'on retrouve
aujourd'hui, dans cette loi - c'est sur ces mots que je termine, M. le
Président - c'est une nouvelle mesure entreprise par le ministère
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour favoriser les
faillites et les saisies des fermes familiales au Québec.
Je vous remercie beaucoup, M. le Président. (17 h 40)
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, je constate qu'il
n'y a aucune réplique. Cette motion de deuxième lecture du projet
de loi no 67 est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
Renvoi à la commission de la justice
M. Brassard: M. le Président, je fais motion pour
déférer le projet de loi no 67 à la commission permanente
de la justice.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de
déférence est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. Brassard: Article 13, M. le Président.
Projet de loi no 75 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture
du projet de loi no 75, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement
industriel. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: M. le Président, j'ai l'honneur, le plaisir et
le privilège de présenter le projet de loi no 75 modifiant la Loi
sur l'aide au développement industriel du Québec, la loi qui fait
en sorte que la Société de développement industriel du
Québec puisse agir dans à peu près tous les secteurs de
notre vie économique pour aider au développement
économique au Québec, pour aider les entreprises de chez nous.
Notre façon de voir pour présenter ce projet de loi, M. le
Président, c'est qu'il faut, d'abord et surtout, aider les entreprises
et les hommes et les femmes qui y travaillent. Cet objectif nous a
été fixé par le premier ministre du Québec, M.
Lévesque, qui, il y a quelques mois, en parlant à cette
Assemblée nationale, disait que le développement
économique est d'abord l'affaire des entreprises et des hommes et des
femmes qui y travaillent. Tout le long de notre action comme gouvernement, nous
réalisons que le développement économique est d'abord
l'affaire des entreprises et des hommes et des femmes qui y travaillent et nous
devons tout mettre en oeuvre pour aider ces entreprises de même que les
individus, les hommes et les femmes qui sont là.
Ce projet de loi no 75, M. le Président, prévoit une
réforme majeure de la Société de développement
industriel du Québec. En effet, après dix années
d'existence, la Société de développement industriel du
Québec devient l'instrument privilégié du gouvernement en
matière d'aide financière aux entreprises. Dès cette
année, conformément à l'orientation donnée à
l'action économique du gouvernement du Québec dans Bâtir le
Québec, phase 2, c'est-à-dire Le virage économique, de
nouveaux programmes de développement seront lancés. Ils ont
d'ailleurs été annoncés en grande partie ce matin par mon
collègue, le ministre d'État au Développement
économique. Ces programmes permettront de donner une impulsion majeure
à trois secteurs stratégiques de l'économie: les
exportations, les activités de recherche et de développement et
le secteur du tertiaire moteur:
Le mandat de la Société de développement industriel
du Québec, qui a été créée en 1971 dans le
but de favoriser le développement économique du Québec au
moyen d'incitatifs d'ordre financier, sera donc substantiellement
élargi, compte tenu de l'évolution de la situation
économique et du programme d'action que le gouvernement vient de se
donner. Cette réforme permettra de mettre en oeuvre de nouveaux moyens
pour faire face à la crise actuelle: fournir l'aide nécessaire
à la relance des investissements, protéger les entreprises et les
emplois existants, accroître les exportations et consolider les PME
québécoises en leur fournissant les capitaux de risque
nécessaires. D'ailleurs, au total, dès cette année, avec
ce qui a été annoncé ce matin par le ministre
d'État au Développement économique, les dépenses
budgétaires de la Société de développement
industriel feront un bond de 65%, passant de 55 800 000 $, en 1981-1982,
à 92 200 000 $, en 1982-1983.
M. le Président, ce bond de 65% sera totalement en transferts aux
entreprises, soit en protection d'emplois, soit en création d'emplois,
et il servira véritablement aux hommes et aux femmes du Québec
pour leur permettre de travailler chez eux, au Québec.
M. le Président, les engagements pris par le gouvernement du
Québec, par la SDI
au cours de cette année seront encore plus importants que ce
budget, puisque, dans le courant de l'année, nous prendrons certains
engagements et nous les paierons lorsque l'entreprise aura fait les
dépenses nécessaires, c'est-à-dire acheté
l'équipement, la machinerie ou construit les bâtisses
nécessaires, ce qui fera en sorte que, dans le courant de cette
année, tout près de 140 000 000 $ seront engagés par la
Société de développement industriel surtout dans les
investissements: prêts aux entreprises, participation au capital-actions
ou subventions directes aux entreprises, mais particulièrement pour
aider l'investissement dans des entreprises au Québec, soit des
entreprises québécoises petites ou moyennes, soit de grandes
entreprises aussi qui voudront investir au Québec dans les secteurs de
haute technologie ou dans les secteurs de pointe, mais investir au
Québec pour créer des emplois chez nous, faire travailler des
gens de chez nous.
Un autre montant fort important aussi, M. le Président, sera
investi dans l'aide à l'exportation. Il y aura certaines sommes en
subventions, mais il y aura aussi des sommes plus importantes d'aide à
l'exportation qui seront du financement des exportations.
On sait que, pour le commerce international, pour le commerce
extérieur, cela prend beaucoup de financement pour faire face aux
marchés mondiaux, à d'autres pays où les taux
d'intérêt sont plus raisonnables que les taux canadiens. Nous
avons donc à rivaliser avec le Japon, l'Allemagne, la France,
l'Angleterre, où les taux d'intérêt sont plus raisonnables
que les taux canadiens et il faut pour cela aider nos entreprises à
conquérir ces marchés, donc les aider financièrement.
D'autres sommes d'argent seront dépensées aussi. Un
nouveau montant de 10 000 000 $ sera mis à la disposition de la
Société de développement industriel du Québec,
dès cette année, dans un programme total de 50 000 000 $ au cours
de trois ans pour aider à subventionner de la recherche, du
développement, de l'innovation, de nouveaux produits ou de nouvelles
méthodes de production. Il faut constamment tenir nos produits à
la fine pointe du progrès et c'est la volonté du gouvernement du
Québec d'aider ces entreprises à être vraiment à la
fine pointe du progrès à travers tout l'univers.
D'autres montants seront engagés, M. le Président, dans le
crédit touristique, l'amélioration et le développement
d'infrastructures touristiques ou d'équipements nécessaires pour
recevoir chez nous des touristes étrangers.
Il y a finalement un dernier montant de 15 000 000 $, qui a
déjà été voté à la
Société de développement industriel pour aider les
entreprises en fonds de roulement, selon le programme d'urgence d'aide à
la PME québécoise.
M. le Président, nos priorités dans le courant de
l'année avec la Société de développement industriel
seront donc d'abord de fournir l'aide nécessaire à la relance des
investissements; deuxièmement, de protéger les entreprises
existantes et les emplois existants; troisièmement, de développer
des technologies nouvelles; quatrièmement, d'accroître les
exportations; cinquièmement, de consolider nos PME en leur fournissant
les capitaux de risque nécessaires; sixièmement, d'aider au
développement de l'industrie touristique.
En plus, ce qu'il y a de nouveau par ce projet de loi, la
Société de développement industriel du Québec
deviendra véritablement le guichet unique, la porte d'entrée
unique de toutes les subventions gouvernementales à l'entreprise.
En vertu de son nouveau mandat, la Société de
développement industriel se verra confier l'administration de programmes
sectoriels et spéciaux d'aide à l'entreprise. Une des
modifications proposées permettra au gouvernement de confier à la
SDI, par voie de règlement, l'administration de tout programme d'aide
financière à l'entreprise. Ces programmes seront d'une
durée limitée et devront faire l'objet d'une enveloppe
budgétaire spécifique. Autrefois, la Loi sur la
Société de développement industriel du Québec
faisait en sorte qu'il y ait des programmes qui durent aussi longtemps que la
loi durait et ça prenait une loi pour changer le programme. Maintenant,
les programmes seront décidés par budget, par décret
gouvernemental avec une enveloppe budgétaire spécifique. Lorsque
l'enveloppe sera terminée, le programme se terminera automatiquement et
on devra nécessairement prendre une autre décision
gouvernementale pour continuer de tels programmes.
C'est arrivé dans le passé que des programmes, qui
étaient bons pendant quelques années, deviennent désuets;
ils n'ont pu être changés tant et aussi longtemps que la loi n'a
pas été changée. Finalement, des sommes étaient
dépensées, mais sans que ce soit vraiment nécessaire et
urgent pour le développement économique du Québec ou
à la création d'emplois.
Ces nouveaux programmes seront d'une durée limitée et
devront faire l'objet d'une enveloppe budgétaire spécifique. Ce
sera le cas des programmes suivants: Innovation-meuble, textile,
vêtement, bonneterie, Innovation-chaussure, Crédit touristique,
Programme d'aide d'urgence à la PME, Programme d'innovation et de
développement de produits et Programme d'aide à l'exportation ou
d'autres programmes qui pourront venir, avec le temps, se joindre à ces
programmes ou remplacer ces programmes lorsque ceux-ci seront
terminés.
II pourra en être de même pour tous les autres programmes
sectoriels d'aide financière actuellement administrés par tout
autre ministère et dont la gestion serait confiée à la
SDI. (17 h 50)
Le projet de loi no 75 établit donc, pour la première fois
au Québec, un véritable guichet unique, une porte d'entrée
unique pour les entreprises afin de bénéficier de l'aide
financière du gouvernement du Québec.
J'ai terminé cette semaine une tournée dans les
différentes régions du Québec justement pour consulter les
hommes d'affaires, les promoteurs de développement économique,
les commissaires industriels, les responsables de municipalités
régionales de comté sur la volonté du gouvernement de leur
donner des services additionnels ou de meilleurs services en région,
particulièrement près des besoins locaux dans chacune des
régions du Québec. J'ai rencontré quelques milliers
d'hommes d'affaires ou de promoteurs industriels au cours de cette
tournée. Nous avons discuté de leurs besoins, de leurs
appréhensions, de leurs inquiétudes et des actions que le
gouvernement du Québec devait mener pour répondre à leurs
demandes et aux besoins des entreprises québécoises. C'est donc
dire que les actions décidées par le gouvernement ne sont pas
décidées en vase clos, mais après une consultation
réelle des principaux intéressés dans le milieu,
c'est-à-dire les chefs d'entreprise, les commissaires industriels, les
représentants de MRC et tous ceux qui s'occupent de développement
économique, industriel ou touristique.
Après cette tournée, je suis revenu à Québec
de plus en plus convaincu que l'avenir du Québec est dans les mains de
ces gens, de ces hommes, de ces femmes d'affaires qui, dans tout le
Québec, ont gardé confiance dans leur capacité de
réussir des choses. Ces hommes et ces femmes d'affaires, malgré
la conjoncture économique difficile, ont gardé la foi dans leurs
capacités en tant que citoyens québécois de réussir
des choses, de passer à travers la crise et, finalement, de faire en
sorte que leur entreprise puisse continuer à prospérer, à
conquérir des marchés et, surtout, à faire de la
concurrence partout dans le monde.
Je voudrais donc d'une façon particulière, à la fin
de cette tournée de consultation, rendre hommage à tous ceux et
à toutes celles qui, au Québec, oeuvrent dans le domaine
économique, créent des emplois et permettent aux gens de chez
nous de travailler à des salaires raisonnables.
Parmi nos nouveaux programmes avec la Société de
développement industriel du Québec, il y a aussi les
exportations, comme je l'ai dit tout à l'heure, que nous allons
privilégier. De nouveaux programmes d'aide à l'exportation seront
donc mis en route dès cette année.
Un nouveau programme d'aide à l'exportation a été
conçu à l'intention du secteur manufacturier et du secteur
tertiaire. Ce nouveau programme vise essentiellement les objectifs suivants:
l'ouverture de nouveaux marchés, la mise en place de structures
permanentes dans les entreprises pour la fonction exportation, la formation de
consortiums d'exportation et la participation à des contrats majeurs. Ce
nouveau programme comportera quatre volets.
Mais il faut se souvenir quand même que c'est à partir de
1974 que la Société de développement industriel a pu
intervenir pour aider les entreprises québécoises à
augmenter leurs ventes à l'étranger, d'abord au moyen d'une
subvention appliquée au taux d'intérêt établie en
fonction de la croissance des exportations et, depuis, son action s'est accrue
de façon importante en 1979.
Le champ d'action de la SDI a été élargi pour lui
permettre d'aider à la prospection de marchés, de financer des
exportations et de participer à des consortiums. En 1980, le
gouvernement décidait de créer une nouvelle unité
administrative au sein de la SDI, la SDI-Exportation, afin de soutenir plus
activement les consortiums et les groupes engagés dans les grands
projets. Notons, en passant, que la SDI-Exportation peut également agir
comme mandataire lorsque l'acheteur étranger désire transiger
avec une société d'État. Dans plusieurs pays, les
gouvernements veulent transiger de gouvernement à gouvernement. Alors,
les entreprises québécoises, ne pouvant transiger directement
d'entreprises à gouvernement, ont besoin de l'appui du gouvernement ou
d'une société gouvernementale pour les représenter
auprès de l'autre société gouvernementale ou de l'autre
gouvernement, que ce soit au Mexique, au Venezuela, en Algérie ou dans
certains autres pays. C'est dans ce sens-là que la Société
de développement industriel peut agir comme mandataire du gouvernement
et représenter les entreprises québécoises
véritablement et très bien sur les marchés
étrangers.
Le gouvernement entend élargir l'application de l'aide à
la formation de consortiums pour l'étendre au marché des services
où l'expertise québécoise est reconnue et fort en demande
sur certains marchés étrangers, et où l'obtention de
contrats de services peut se traduire, ensuite, par d'importants achats de
produits manufacturés au Québec. Qu'on songe ici au cas du
métro de Mexico où le Bureau de transport métropolitain
international de Montréal a obtenu un contrat de conception et où
la firme Bombardier a ensuite vendu pour 50 000 000 $ de wagons de
métro. Notons qu'une étude réalisée en 1981 a
établi que la demande internationale dans le domaine où
oeuvrent les firmes de génie conseil consistait de plus en plus en des
projets "clé-en-main" pour lesquels la formation de consortiums devient
nécessaire. Dans les projets "clé-en-main", nous faisons les
travaux de génie-conseil, nous faisons les plans, nous gérons les
travaux et nous fournissons tous les matériaux nécessaires. Nous
construisons les édifices ou réalisons les travaux
nécessaires et livrons au client le projet lorsque tout est
complètement prêt à faire fonctionner d'un bout à
l'autre.
On peut même aller jusqu'à construire des hôtels
où il faut fournir les conseils en gestion nécessaires pour
gérer l'hôtel d'un bout à l'autre. Nous fournissons donc
les meubles, la literie, la vaisselle, tout l'équipement
nécessaire à l'intérieur. C'est ce qu'on appelle
"clé-en-main" et, de plus en plus aujourd'hui, partout dans le monde, ce
sont de ces projets.
Nous avons donc énormément besoin du génie-conseil
pour, au départ, être dans le projet et faire en sorte que des
manufacturiers québécois puissent fournir leurs matériaux,
leurs produits sur ces marchés mondiaux. C'est dans ce sens-là
que la Société de développement industriel interviendra de
plus en plus pour aider l'expertise québécoise à
conquérir de nouveaux marchés.
En 1982-1983, la Société de développement
industriel interviendra donc davantage pour favoriser la formation de
consortiums d'exportation. Sur approbation du Conseil des ministres, elle
pourra agir à titre de mandataire dans le cas de consortiums
formés pour réaliser des projets "clé-en-main". Le
gouvernement va également modifier le volet crédit-prospection
pour qu'il favorise davantage la PME qui pourra obtenir des prêts
à taux réduit pour financer jusqu'à 80% des
dépenses encourues pour pénétrer un nouveau marché
étranger. Les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 25
000 000 $ pourront bénéficier d'une aide similaire jusqu'à
concurrence de 50% des dépenses concernées. En cas
d'insuccès de l'opération, la moitié du solde des avances
sera exonérée du remboursement.
Dans ce cas-là, en particulier, je voudrais m'arrêter pour
citer quelques exemples d'entreprises québécoises qui ont pu
profiter, grâce à la Société de développement
industriel, de ce crédit-prospection. Une entreprise de Montréal,
Bennes Atlas, qui fait des bennes et des remorques pour camions lourds et
matériel de manutention des déchets, a pu, justement, profiter
d'un crédit-prospection de 600 000 $ de la Société de
développement industriel du Québec, remboursable si l'entreprise
a du succès sur les marchés étrangers. Avec ces 600 000 $,
deux marchés étaient visés par la compagnie Bennes Atlas
Inc., de Montréal: le marché des États-Unis et du Mexique,
d'une part, et le marché de l'Amérique du Sud, d'autre part.
Déjà, après un peu plus d'un an d'existence de ce
programme, Bennes Atlas est en voie de rembourser complètement la
Société de développement industriel pour le premier
prêt grâce au crédit-prospection de 400 000 $ pour
conquérir les marchés des États-Unis et du Mexique parce
que les ventes ont été extraordinaires sur ces marchés et
le remboursement se fait à raison de 3% des exportations ou des ventes
à l'exportation sur les marchés prospectés. C'est donc
dire que les commandes ont été excellentes pour que Bennes Atlas
puisse rembourser déjà ce premier prêt à la SDI du
Québec.
Le deuxième prêt est un prêt de 200 000 $ pour
compléter les 600 000 $ sur les marchés d'Amérique du Sud.
Là aussi, on est en voie de rembourser à peu près
complètement. Ce n'est pas encore terminé, parce que ce
prêt a été fait il y a moins d'un an, mais,
déjà, les commandes commencent à entrer à cette
entreprise de Montréal parce que la SDI est intervenue pour lui
prêter les sommes nécessaires pour conquérir ces nouveaux
marchés, pour engager des représentants sur ces marchés,
pour payer les dépenses de voyage nécessaires et pour ouvrir un
bureau de vente à l'étranger.
N'eût été de la Société de
développement industriel du Québec, cette entreprise n'aurait
peut-être pas pu conquérir ces nouveaux marchés, n'aurait
pas pu vendre là-bas et, donc, n'aurait pas pu faire travailler les
travailleurs et les travailleuses du Québec. C'est un exemple de ce
qu'on peut réaliser avec le crédit-prospection.
Un autre exemple de ce qu'on peut réaliser avec le
crédit-prospection: Pinso-Sport Ltée, de Bromont, manufacturier
de fixations pour skis de fond et de porte-bagages. On a mis au point des
fixations pour skis de fond et porte-bagages. La Société de
développement industriel a autorisé un prêt de 300 000 $
pour conquérir le marché américain. Là aussi, on
est en train de rembourser le prêt de la Société de
développement industriel; les objectifs sont pratiquement atteints.
C'est donc une entreprise de chez nous qui, en moins de six mois, grâce
à un crédit-prospection de la Société de
développement industriel, a pu conquérir le vaste marché
américain. Encore une fois, le risque était trop grand pour une
petite entreprise de ce genre pour s'aventurer sur le marché
américain et engager les personnes nécessaires, ouvrir des
bureaux de vente; c'était trop risqué. La Société
de développement industriel, au nom du gouvernement du Québec et
de la collectivité québécoise, a dit à cette
entreprise: Très bien, nous allons, ensemble, prendre le risque; nous
allons risquer 80% et
vous allez risquer, 20%. C'est un succès grandiose à ce
point de vue puisqu'on est en train de rembourser complètement la SDI et
le gouvernement du Québec des avances que nous avons faites.
Une autre entreprise spécialisée dans la fabrication de
machines et d'équipements de scierie. Swecan Internationale de Lanoraie.
Elle a reçu une autorisation de prêt de 210 000 $ pour
conquérir le marché du sud-est des États-Unis et
s'implanter là-bas. On est aussi en train d'avoir des commandes et on a
déjà commencé à rembourser la Société
de développement industriel; ce prêt a été
autorisé il y a un an et demi. Déjà, il y a des gens qui y
travaillent, déjà, les commandes sont entrées pour des
machines et des équipements de scierie aux États-Unis, même
si le contexte économique est très mauvais, là aussi.
C'est donc dire que grâce à la Société de
développement industriel et au gouvernement du Québec, une autre
entreprise de chez nous peut conquérir des marchés
internationaux.
Voici un autre exemple, dans un autre domaine, celui des instruments de
musique. Une société de Saint-Léonard, à
Montréal, Les Instruments de musique Sibecor, a reçu un
prêt de 100 000 $ de la Société de développement
industriel pour conquérir des nouveaux marchés, pour engager des
gens là-bas et ouvrir un bureau sur le marché américain,
particulièrement, pour leurs produits unisoniques. On a réussi,
là-bas aussi; le programme est en vigueur depuis maintenant six mois.
Déjà, les commandes commencent à arriver à cette
entreprise québécoise.
Je n'ai cité que ces quatre cas, M. le Président. On en a
bien d'autres, mais c'est pour montrer que dans des secteurs diversifiés
de l'activité économique, grâce à l'aide du
gouvernement, qui prend un risque avec les entreprises, on peut réussir
à conquérir des nouveaux marchés. Si le gouvernement ou la
SDI n'était pas là, on n'aurait pas pu réussir à
s'implanter sur ces marchés. C'est dans ce sens, M. le Président,
que le gouvernement continuera, avec la Société de
développement industriel, à aider les entreprises à
conquérir ces nouveaux marchés et à s'implanter sur ces
marchés à l'extérieur du Québec.
M. le Président, je vois qu'il est 18 heures. Je propose la
suspension du débat jusqu'à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la motion de
suspension du débat jusqu'à 20 heures est adoptée?
Adopté. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 01)
(Reprise de la séance à 20 h 09)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! Veuillez prendre vos places.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Brassard: Reprise du débat sur le projet de loi no 75,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, reprise du
débat sur le projet de loi 75, Loi modifiant la Loi sur l'aide au
développement industriel. La parole était au ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, avant la suspension du
débat, je parlais des interventions du gouvernement ou de la
Société de développement industriel du Québec, en
particulier vis-à-vis de ses programmes pour l'aide à
l'exportation.
Il y a un autre programme - en plus de Crédit-prospection -
très important, qui est, à l'heure actuelle, en marche et qui va
s'accentuer avec la nouvelle loi de la SDI, qui va nous permettre d'aller
encore plus rapidement. C'est le programme de formation de consortiums à
l'exportation. La Société de développement industriel du
Québec réussit à mettre plusieurs entreprises ensemble
qui, individuellement, sont trop petites pour exporter sur des marchés
importants, des marchés majeurs. La Société de
développement industriel du Québec réussit à
asseoir tous ces gens autour de la table et à être
présente, un peu comme un arbitre, parce que, souvent, ces gens sont des
concurrents. C'est difficile de travailler ensemble dans un marché
donné lorsqu'ils se font concurrence ici au Québec, en Ontario ou
en Nouvelle-Angleterre. La Société de développement
industriel du Québec, au nom du gouvernement du Québec,
réussit à asseoir tous ces gens autour de la table et à
définir qu'on va vers un but commun, c'est-à-dire
conquérir un marché qui est habituellement très loin de
chez nous. On va s'unir.
On a deux consortiums qui sont en marche présentement et deux cas
très sérieux; un consortium sur la vente de bois de sciage. Ce
sont dix petits producteurs, un peu partout dans tout le Québec qui,
avec la Société Inter-Port de Québec, qui est une
société d'État du gouvernement, et la
Société de développement industriel du Québec ont
formé le consortium d'exportation de bois de l'est canadien. Cela
s'appelle CEBEC et c'est un dossier dans lequel la SDI a investi de l'argent au
départ pour lancer ce dossier. En Europe, en particulier, lorsqu'on
achetait du bois de sciage, on achetait du bois de l'Ouest canadien, parce que
le gouvernement canadien, par ses ambassades, vendait du bois de l'Ouest
canadien. Pour le gouvernement
canadien, le bois de l'est n'existe pas, sur les marchés
européens. Le Québec est obligé de protéger ses
entreprises québécoises et dans ce sens, on commence à
faire une trouée, une percée et à vendre du bois de l'Est
canadien, du bois du Québec, grâce au consortium qui a
été formé par la Société de
développement industriel du Québec. Avec la nouvelle loi, on
pourra accélérer encore davantage nos actions dans ce domaine et
les scieries du Québec qui manquent de travail présentement
pourront continuer à s'associer pour conquérir le marché
européen.
Un deuxième consortium qui est en voie de réalisation
aussi, cela s'appelle Comex international. C'est un consortium qui est
formé de cinq fabricants manufacturiers de machinerie forestière.
Ces manufacturiers de machinerie forestière, ces machineries de scieries
s'unissent, même si ce sont des compétiteurs au Québec,
pour conquérir des marchés mondiaux, parce que la SDI s'est
assise avec ces gens et qu'elle a réussi à les faire travailler
ensemble sur des marchés mondiaux pour conquérir de nouveaux
marchés et faire travailler de plus en plus de citoyens
québécois. Or, c'est un autre exemple de ce qu'on peut faire en
exportation.
Les contrats majeurs à l'extérieur du Québec, M. le
Président, présenteront un potentiel très important au
cours de la décennie, en termes de retombées pour
l'économie québécoise. Aussi, afin de permettre à
un maximum d'entreprises d'en profiter, la SDI-Exportation offrira des
garanties de prêts aux maîtres d'oeuvre en complément au
financement ou aux garanties accordées par la SEE fédérale
ou par d'autres sociétés de financement.
Enfin, un dernier volet devrait permettre à la SDI de continuer
d'offrir du financement aux entreprises qui, pour diverses raisons, n'arrivent
pas à financer leurs exportations par des emprunts auprès
d'autres institutions financières.
Ce financement pourrait prendre la forme de garanties de prêts et
ne serait disponible que pour les projets rentables et prometteurs. C'est
l'ensemble de ces projets qui explique la demande de crédits de cette
année d'au-delà de 30 000 000 $, 33 000 000 $ maintenant, pour
1982-1983, au seul chapitre des exportations, alors que la SDI s'était
impliquée pour 17 500 000 $ en 1981-1982.
Au total, l'aide à l'exportation accordée par la SDI, qui
prenait la forme de subventions dans une proportion de 82%, en 1981-1982,
prendra la forme de prêts et de garanties de prêts et de
participation dans une proportion de plus de 80%, en 1982-1983. C'est donc une
nouvelle façon de travailler. C'est une nouvelle orientation des
interventions qui permettra d'aider un plus grand nombre d'entreprises et aura
un impact considérable sur la vigueur des exportations
québécoises.
M. le Président, passé les exportations, il reste quand
même des volets classiques de la SDI, les volets qui aident à
l'investissement. L'aide aux entreprises, la technologie moderne, même
avec cette nouvelle loi, continuera. Son objectif est de favoriser les
investissements des entreprises ayant un fort contenu technologique et elle est
compétitive sur les marchés extérieurs.
Elle apporte une aide aux entreprises dynamiques et innovatrices dont
l'objectif est de favoriser le développement
accéléré des entreprises québécoises qui
sont innovatrices, dynamiques et bien gérées en les encourageant
à investir en vue d'une expansion ou d'une modernisation.
Cette année, M. le Président, nous avons au-delà de
77 000 000 $ qui seront investis par la Société de
développement industriel pour aider ces entreprises à investir
davantage et on calcule que c'est au-delà de 500 000 000 $ qui seront
investis au Québec grâce à l'action de la SDI dans ce
domaine, ce qui pourra créer 2500 emplois additionnels.
Pour apprécier à sa juste valeur l'apport financier du
gouvernement, il faut donc tenir compte des retombées économiques
qui en découlent. En effet, il faut réaliser que les subventions
sont accordées en vue de favoriser la réalisation
d'investissements industriels au Québec. À titre d'exemple, les
subventions qui seront autorisées en 1982-1983, en vertu du seul
programme d'aide à l'investissement de la SDI, faciliteront la
réalisation d'investissements de l'ordre de 510 000 000 $ pouvant
impliquer la création de 7500 nouveaux emplois.
Par ailleurs, dans le but de maximiser les retombées
économiques du Québec, la SDI, par des conditions reliées
au versement des subventions, incite les entreprises clientes à
s'approvisionner en matières premières, en biens
d'équipement et en services auprès de sources
québécoises. À titre indicatif, sur tout près de
600 dossiers traités par le service d'aide technique de la
société, en 1981-1982, les entreprises clientes ont investi pour
520 000 000 $ en machinerie de toute sorte, dont 36% ont pu être acquis
d'entreprises québécoises.
M. le Président, concernant l'aide aux entreprises de technologie
moderne ou l'aide aux entreprises dynamiques ou innovatrices, j'ai ici quelques
exemples pour bien montrer à la population du Québec et aux
membres de l'Assemblée nationale l'aide que la SDI peut apporter
à ces entreprises et en quoi ça consiste, en fin de compte, pour
les travailleurs et pour la collectivité québécoise. Nous
avons accordé, cette semaine, une aide financière à une
entreprise pour faire des investissements qui iront
jusqu'à 16 000 000 $ à Saint-Hyacinthe, une fabrique de
papiers-mouchoirs, de serviettes sanitaires, d'essuie-tout et de papier de
toilette. Kimberly-Clark du Canada investira à Saint-Hyacinthe, au cours
des prochains mois, 16 000 000 $ pour créer 46 emplois additionnels,
grâce à une subvention et à une aide financière de 1
400 000 $ de la part de la Société de développement
industriel.
Encore une fois à Saint-Hyacinthe, cette année, nous
aurons des investissements qui pourront totaliser 3 500 000 $ de la part d'une
entreprise québécoise, une entreprise de taille moyenne qui
s'appelle Sport Maska, manufacturier d'uniformes sportifs; c'est l'entreprise
qui fait les uniformes pour les joueurs de hockey des Canadiens ou des
Nordiques. Cette compagnie va investir 3 500 000 $ à Saint-Hyacinthe
pour créer 47 emplois additionnels.
À Saint-Eustache, dans le comté de Deux-Montagnes, une
autre entreprise, qui s'appelle Polylab, fabricant de produits de toilette
pharmaceutiques et para- pharmaceutiques, investira 4 000 000 $, grâce
à l'intervention de la Société de développement
industriel, pour créer 54 emplois additionnels au cours des
années. Dans le comté de L'Assomption, la manufacture W.C.I.
Ltée, qui fabrique des appareils électroménagers, a
décidé, au cours de l'année 1982, d'investir 4 000 000 $
qui créeront, avec les années, 186 nouveaux emplois. Ce sont des
gens qui ont confiance en l'économie du Québec, qui ont confiance
au gouvernement du Québec. Ils n'ont pas peur d'investir et de
créer des emplois pour, finalement, favoriser les travailleurs et les
travailleuses de chez nous.
Les interventions de la SDI servent aussi, bien sûr, à
créer de nouveaux emplois, à créer de nouvelles usines,
à en agrandir d'autres, mais aussi à sauver des entreprises qui,
malheureusement, ont dû fermer pour cause de gestion, manque de
marché ou autre. On se souvient qu'il y a un peu plus d'un an, dans le
comté de Champlain, une entreprise qui s'appelle les Forges HPC a
fermé en pleine campagne électorale parce qu'on a dit que la
banque avait retiré les fonds, la marge de crédit. Il me semble
qu'il y avait des problèmes de gestion à l'entreprise.
Mais, grâce à l'action de la Société de
développement industriel, encore une fois, du gouvernement du
Québec, on a réussi à trouver des gens, à chercher
des gens partout dans le monde, à trouver une compagnie aux
États-Unis qui était intéressée, qui connaît
la technologie, qui connaît le marché, qui a déjà
une partie du marché. Cette entreprise - Norris - des États-Unis
a décidé d'investir 13 500 000 $ au Cap-de-la-Madeleine pour
terminer l'usine qui va créer des emplois dans la haute technologie
à 91 personnes parce que la
Société de développement industriel a consenti une
subvention de 1 200 000 $. Ce que nous attendons maintenant, c'est l'accord du
gouvernement fédéral qui, pour tout travail dans tout cela, n'a
qu'à faire en sorte que l'agence FIRA dise oui à la demande de la
compagnie Norris. Aussitôt qu'on aura l'accord, on va pouvoir
procéder et on va pouvoir créer 91 emplois dans la technologie de
pointe.
Ailleurs, M. le Président, à Anjou, un manufacturier de
revêtement métallique pour bâtisses industrielles et autres
profilés en acier laminé à froid va investir 2 500 000 $
pour créer 79 emplois. Ce sont les Industries Lightsteel. (20 h 20)
J'en ai choisi quelques-uns pour montrer que, dans toutes les
régions du Québec, il y a des gens qui ont confiance au
gouvernement du Québec, aux gens du Québec, et qui investissent.
Une petite entreprise du Nord-Ouest québécois, une
société en commandite, les Charbons Nor-Que, qui font des
briquettes de charbon de bois. Parfois, on ne s'imagine pas que c'est faisable
facilement. C'est une petite entreprise qui en fait et qui en vend non
seulement au Québec, mais à l'extérieur du Québec.
Elle va investir 1 000 000 $ pour créer 17 emplois dans le Nord-Ouest
québécois, dans le comté d'Abitibi-Ouest, par des
Québécois qui ont confiance en l'avenir du Québec.
M. le Président, dans le comté de Trois-Rivières,
il y a une entreprise, Westinghouse Canada, une multinationale, qui est venue
nous voir et qui a dit: On a confiance au gouvernement du Québec. On va
investir 1 000 000 $ additionnels à Trois-Rivières grâce
à l'aide de la Société de développement industriel
pour créer 35 emplois additionnels.
À Sherbrooke, l'entreprise ÉTMW, équipement de
boulangerie, va investir 627 000 $ et créer 30 emplois grâce
à l'aide de la Société de développement
industriel.
Dans le comté de Papineau, les industries Erco vont investir en
deux phases, d'ici un an et peut-être deux, 37 000 000 $. C'est une
compagnie de produits chimiques, phosphate et chlorate de sodium. Je pourrais
vous en citer comme ça pendant des heures pour vous montrer qu'il y a
des gens qui ont confiance en l'avenir du Québec, au gouvernement du
Québec.
Je ne veux pas passer sous silence une action qui a été
bien faite, à la fois par les gens du ministère et à la
fois par les gens de la Société de développement
industriel, puisqu'on étudie leur projet de loi, qui a sauvé une
autre entreprise dans le comté de Richelieu, à Sorel. On se
souvient que dans le courant de l'année dernière, la compagnie
Celanese a décidé de fermer une usine de tapis à Sorel et
de faire 400 mises à pied.
Tout de suite après, à la fois les gens du gouvernement et
les gens de la Société de développement industriel se sont
mis à la recherche d'un autre investisseur au Québec. On a
trouvé un investisseur québécois, Georges Lacroix, de
Saint-Georges
International, de Saint-Georges de Beauce, dans Beauce-Sud, qui n'a pas
craint d'investir 24 000 000 $ dans l'entreprise, de sauver 423 emplois,
grâce à l'intervention du gouvernement du Québec et de la
Société de développement industriel du Québec.
Des actions sont faites actuellement qui méritent d'être
mentionnées à la population. Il faut que la population sache
qu'il y a des gens qui font confiance au Québec, qui veulent investir
dans l'avenir et dans l'économie du Québec en faisant confiance
aux travailleurs et aux entreprises de chez nous.
M. le Président, j'en ai plusieurs que je vais passer parce que
je vois que le temps avance, mais j'en aurais beaucoup d'autres. C'est
intéressant de voir que des gens continuent d'investir au Québec.
Pendant ce temps-là, malheureusement, on voit trop souvent nos amis d'en
face décrier à la fois le gouvernement du Québec et les
travailleurs et travailleuses de chez nous, alors qu'on a tellement de monde,
tellement d'entrepreneurs qui risquent beaucoup d'argent à ce temps-ci,
en payant de très hauts taux d'intérêt, mais qui risquent
quand même de l'argent dans des entreprises pour créer des emplois
chez nous.
Il y a un autre volet de la Société de
développement industriel qu'on étudie ce soir et qui se
pratiquera de plus en plus, c'est l'intervention dans des capitaux de risque de
la Société de développement industriel du Québec.
On l'a déjà fait dans le passé et on va le faire de plus
en plus dans des entreprises à haute technologie, pour ne pas être
en concurrence quand même avec d'autres entreprises
québécoises. J'ai quelques exemples ici que je veux vous
citer.
Prévost Car Inc. fait des autobus, dans le comté de
Dorchester. La Société de développement industriel a
investi 37% dans le capital-actions de cette entreprise, pour l'aider à
prendre la première place sur le marché nord-américain
dans les autobus de qualité. On a réussi d'abord à garder
cette compagnie sous le contrôle québécois et surtout
à faire une entreprise très dynamique. Un jour ou l'autre, la SDI
revendra ses actions puisque maintenant l'entreprise a pris son essor et est
devenue une excellente entreprise au Québec qui a créé
quelques centaines d'emplois dans le comté de Bellechasse. À
Laval, aussi, une entreprise, Mach-Fab Laval Inc.; là aussi, la
Société de développement industriel a participé au
capital-actions, a consenti un prêt. C'est un manufacturier de presses
à matrice sous licence qu'on ne retrouve pas en compétition au
Québec, mais qui réussit à travailler présentement;
il a créé 70 emplois grâce à l'intervention de la
SDI.
Dans le Nord-Ouest québécois, on a Panosor et Forox-Leroy
qui créent quelques centaines d'emplois à cause de l'intervention
de la Société de développement industriel dans le
capital-actions de cette entreprise. Dans les Cantons de l'Est, la compagnie
Mitel, qui a réussi à se lancer en affaires dans la haute
technologie à cause de l'intervention de la Société de
développement industriel du Québec. On voit que, lorsque la SDI
intervient dans le développement économique, cela réussit
et cela crée des emplois.
Je suis emballé de voir ce que j'ai vu au cours des
dernières semaines à parcourir le Québec. Je suis
emballé de voir la confiance des chefs d'entreprise, mais le
gouvernement est conscient aussi que la croissance future des entreprises
dépendra en grande partie de la capacité de la direction
supérieure d'accepter des idées neuves, des gens d'action et des
personnalités fortes. Partant des idées neuves que nous allons
accepter et des personnalités fortes, un nouveau programme sera
administré par la SDI, le programme d'aide à la recherche et
à l'innovation: recherche, innovation et développement de
nouveaux produits.
Ce programme sera offert aux entreprises, il visera à
accroître les activités de recherche et de développement en
réduisant le risque financier lié à la réalisation
de projets, à la conception et du développement de produits et de
services nouveaux ou améliorés. Il tiendra compte de
l'expérience acquise par le programme d'aide à l'entreprise
innovatrice. Le financement couvrira une partie des dépenses
liées aux projets de recherche et de développement, de
fabrication de prototypes, de tests, de brevets et de constitution de stock et
de marketing. Ce programme, qui comprendra un volet particulier pour
l'industrie de l'électronique, permettra d'aider les projets innovateurs
déjà partiellement subventionnés mais qui demeurent
financièrement trop risqués pour pouvoir être
réalisés par l'entreprise.
L'engagement du gouvernement du Québec est d'investir 50 000 000
$ dans ce programme de recherche, d'innovation, de développement de
produits et d'équipements justement pour permettre, selon la conception
du virage technologique, à nos entreprises québécoises de
demeurer à la fine pointe du progrès et de pouvoir concurrencer
les entreprises partout à travers le monde. C'est un signe de confiance
dans nos capacités en tant que Québécois et
Québécoises pour ne pas toujours être à la remorque
d'autres gouvernements, confiance dans nos capacités de faire des
choses, de réussir et d'être à l'avant-garde, d'être
les
meilleurs au monde. Ce n'est pas faire du séparatisme ou du
mauvais nationalisme, au contraire, c'est faire du bon nationalisme que de dire
que les Québécois et les entreprises québécoises
sont capables d'être les meilleurs au monde à condition que le
gouvernement du Québec et à condition que l'Opposition aussi
puisse retrousser la tête un peu et avoir confiance dans les hommes et
les femmes de chez nous.
M. le Président, il y a autre chose que nous voulons faire de
plus en plus, c'est un nouveau programme avec la Société de
développement industriel. L'aide à l'investissement demeurera la
principale activité de la SDI, bien sûr, mais, à l'avenir,
cette aide à l'investissement sera disponible non seulement pour les
secteurs manufacturier et touristique, mais également pour le tertiaire
moteur. Il s'agit là d'un changement fondamental. Le concept de
tertiaire moteur est maintenant assez bien connu. Il s'agit, rappelons-le, de
l'activité de services qui suscitent des effets d'entraînement
pour d'autres secteurs de l'activité à cause de
caractéristiques particulières. Ces activités sont soit
exportables, soit à contenu technologique élevé, soit
essentielles à d'autres activités industrielles.
Plusieurs activités du tertiaire moteur ont déjà
fait l'objet d'interventions gouvernementales spécifiques, mais il faut
accorder encore plus d'importance à ce secteur dans nos programmes
d'aide. Dans le cadre des nouvelles priorités du gouvernement, l'aide
à l'investissement sera accordée prioritairement aux secteurs
industriels à forte croissance et à technologie avancée.
Mentionnons l'aéronautique, le transport en commun, la
pétrochimie, l'électrométallurgie, la production
d'équipements hydroélectriques lourds, l'électronique et
l'industrie des équipements de protection et de l'environnement. Tous
ceux qui, dans le domaine du tertiaire moteur, peuvent aider à
développer d'autres entreprises au Québec vont maintenant pouvoir
être aidés par la Société de développement
industriel du Québec.
Enfin, M. le Président, un dernier programme, mais non le
moindre, continuera à en faire une priorité d'action de la
Société de développement industriel, c'est l'aide au
développement touristique. On sait que le tourisme a été
très bien traité par le gouvernement du Parti
québécois, particulièrement cette année où
nous avons doublé nos sommes d'argent pour la promotion et la
publicité à l'extérieur du Québec afin d'attirer
des gens au Québec. À l'heure actuelle, même après
un mois de publicité et d'annonce de ce nouveau programme aux
États-Unis, en particulier, dans les États de la
Nouvelle-Angleterre, nous avons reçu plus de demandes d'information dans
un mois que dans toute la saison, l'an dernier. Cela veut dire qu'on pense que
ce sera une excellente année touristique pour tous ceux et celles qui
vivent de développement touristique ou du fait du tourisme au
Québec.
Les interventions de la Société de développement
ont servi à encourager des entreprises à investir des sommes
d'argent importantes, soit dans des hôtels ou dans des infrastructures
touristiques, ce qui visait à attirer des gens de chez nous. Je peux
vous citer encore pendant probablement plusieurs heures des exemples d'aide au
crédit touristique grâce à l'intervention de la
Société de développement industriel, et cela se poursuivra
de plus en plus au Québec. Dans le comté de Bonaventure, on a
investi 900 000 $; à Matane, 625 000 $ pour un hôtel. C'est la
même chose dans Beauce-Nord ou dans Dubuc ou dans Jonquière, en
particulier, le Centre des congrès de Jonquière qui a
été bâti grâce à l'intervention du
gouvernement du Québec et de la Société de
développement industriel, un investissement de 7 750 000 $. (20 h
30)
Que ce soit dans le comté de Saint-Maurice, que ce soit dans
Brome-Missisquoi, à Montréal, à Verchères, à
Labelle et dans d'autres comtés du Québec, constamment, la
Société de développement industriel du Québec est
intervenue pour aider à construire des infrastructures touristiques qui
feraient l'orgueil des citoyens du Québec et qui pourraient bien
recevoir les touristes qui viennent chez nous.
Avant de terminer, il y a deux points aussi importants dans cette loi.
Le projet de loi modifie le titre de la loi actuelle ainsi que certaines
modalités de l'octroi de l'aide financière. Le titre de la loi
était Loi sur l'aide au développement industriel.
Maintenant, la loi va s'appeler Loi sur la Société de
développement industriel et va permettre aussi au point de vue de
l'administration de nommer des vice-présidents exécutifs de la
société, ce que nous n'avions pas le droit de faire avant. Le
projet de loi va aussi permettre au ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, responsable de l'application de la loi, de donner, avec l'approbation
du gouvernement, des directives portant sur les objectifs et l'orientation de
la société.
M. le Président, le fait de présenter ce projet de loi
très important à ce moment-ci prouve que le gouvernement du
Québec croit dans sa capacité, dans l'avenir des
Québécois et des Québécoises. Même si nous
sommes à une période où l'inaction et l'absence de
motivation peuvent quasiment paraître excusables, tant les
difficultés et les contraintes sont grandes, même malgré
cela, en sachant à quel point le changement peut
bousculer nos habitudes et aussi des intérêts, le
gouvernement du Québec a préféré miser sur notre
capacité en tant que collectivité québécoise
d'agir, d'inventer et de réussir. C'est une preuve de confiance que le
gouvernement donne aux chefs d'entreprises et entrepreneurs
québécois.
Il ressort, M. le Président, des modifications apportées
à la loi de la SDI que le mandat de cette société sera
considérablement élargi, de façon à prendre de
nouveaux secteurs et champs d'activités importants pour le
développement économique du Québec. En outre, les formes
d'aide financière seront plus nombreuses et plus souples que par le
passé. Il en résulte que la SDI deviendra l'instrument
privilégié du gouvernement en matière d'aide
financière aux entreprises. En effet, compte tenu de sa connaissance des
entreprises et de l'expérience accumulée depuis dix ans, cette
société québécoise apparaît comme
étant la mieux placée pour jouer le rôle de principal
pourvoyeur d'aide gouvernementale à l'entreprise. Le nouveau mandat
confié à la Société de développement
industriel du Québec, ainsi que l'octroi de crédits
substantiellement accrus témoignent de façon non équivoque
de la priorité accordée par notre gouvernement à la
croissance des emplois et au développement économique du
Québec.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, j'ai écouté
attentivement le ministre. Il nous a parlé de la toute dernière
philosophie du Parti québécois. Il nous dit sa confiance que
l'entreprive privée puisse faire beaucoup pour l'économie du
Québec.
Il faut se rappeler que, lorsque le Parti québécois est
arrivé au pouvoir, on voulait tout nationaliser ou à peu
près. Un peu plus tard, lorsqu'on a sorti le livre Bâtir le
Québec, volume I, on faisait confiance à l'entreprise, mais
surtout l'entreprise publique. Il a fallu attendre jusqu'à cette
année pour qu'on nous dise, dans Le virage technologique, que la
stratégie de croissance et de développement dans
l'économie de marché repose avant sur le dynamisme de
l'entreprise et on n'hésite pas, M. le Président, dans ce
document, à référer à l'entreprise privée.
Nous qui avons toujours cru à l'entreprise privée, nous, qui,
pour plusieurs, avons oeuvré dans ce secteur, ce n'est pas une
vérité que nous apprenons. C'est une vérité que
nous connaissons et nous nous réjouissons du fait que le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, après tant d'années, ou
que le Parti québécois, après tant d'années, arrive
à la conclusion qu'il faut faire confiance aux gens du Québec,
qu'il faut faire confiance aux entrepreneurs qui peuvent faire quelque chose
basé sur leurs connaissances et leur dynamisme, à la condition,
bien sûr, d'être appuyés par des politiques qui permettent
à ce dynamisme de s'exprimer, des choses qu'ils veulent faire et ne pas
être brimés par des contrôles et par des
réglementations excessives.
Par ailleurs, le ministre nous a cité beaucoup de statistiques
selon lesquelles des subventions étaient données de plus en plus.
Je me réjouis qu'il y ait des compagnies qui puissent compter sur
l'appui de la Société de développement industriel.
À compter le nombre d'emplois qui ont été
créés, j'ai pensé: Mais comment se fait-il que nous ayons
tant de chômage, puisqu'il y a tant d'emplois créés, si je
fais l'addition des nombreux nouveaux emplois que nous a cités le
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme?
La vérité, M. le Président, c'est
qu'indépendamment de la conjoncture économique qui, depuis six
mois, est extrêmement difficile, indépendamment de cette
conjoncture des derniers six mois, et en tentant de reposer le débat sur
une période de temps beaucoup plus longue, il reste que, contrairement
à certains de nos compétiteurs, nous avons eu et nous avons
encore de la difficulté à nous adapter, il reste encore que nous
avons des secteurs beaucoup trop mous et que plusieurs de nos industries
manquent de dynamisme.
D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle la Société de
développement industriel a été créée en
1971: pour refaire l'industrie du Québec, pour tenter d'aider ceux qui
voulaient oeuvrer dans ce secteur. J'aurais espéré que le
ministre fasse un bilan de la situation depuis la création de la
Société de développement industriel du Québec.
Malheureusement, il ne l'a pas fait.
Mais le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui est quand
même un projet de loi important qui apporte des orientations nouvelles
intéressantes. Malheureusement, le ministre ne nous a pas fourni toute
l'information qui aurait pu nous aider à en cerner l'étendue.
Lors de l'étude des crédits en commission parlementaire,
M. le Président, j'avais posé plusieurs questions et le ministre
nous avait assurés que, lorsqu'il y aurait eu dépôt du
projet de loi, nous aurions pu, nous de l'Opposition, avoir en main la
réglementation qui nous aurait permis justement de mesurer dans toute
leur dimension les nouvelles orientations que le gouvernement veut donner
à la Société de développement industriel du
Québec.
Je cite M. Biron qui disait en commission parlementaire, en
réponse à une question que je lui avais posée: "Je
m'engage, en déposant le projet de loi, à déposer
en même temps les règlements pour que vous puissiez voir
exactement comment cela va fonctionner." M. le Président, une autre fois
nous avons été déçus, une autre fois nous avons
été désappointés. Le projet de loi a
été déposé, mais la réglementation, que nous
sachions, ne sera pas disponible avant la semaine prochaine.
Mais si nous croyons que certaines des initiatives sont bonnes, il
aurait fallu, dans ce contexte de difficultés financières pour
l'État québécois, que le ministre nous démontre
davantage que ces nouvelles orientations sont nécessaires pour pouvoir
convaincre la population que ces montants qui seront donnés à
l'entreprise privée, que ces montants qui seront donnés soit sous
forme de prêts, soit sous forme de subventions ou soit sous forme de
garantie de prêts, toute cette aide qui sera donnée, M. le
Président, le sera dans le meilleur intérêt possible.
N'ayant pas toute l'information nécessaire, nous avons
tenté de cerner la réalité, nous avons tenté de
dresser un bilan et, quand même, plusieurs de ces questions, à ce
jour, n'ont pas encore eu de réponse. J'ose espérer, lorsque nous
rencontrerons le président de la SDI en commission parlementaire, lors
de l'étude du projet de loi article par article, qu'on aura l'occasion
de répondre à certaines des questions que nous nous posons. En
particulier, les questions que nous nous posons sont bien simples: Est-ce que
tous les changements suggérés ou tous vos programmes sont
nécessaires? Ils peuvent être utiles, mais je demande s'ils sont
nécessaires pour assurer la revitalisation de l'industrie
québécoise.
Comment tout cela va-t-il coûter? Je crois qu'on a passé le
temps où on lançait de nouveaux programmes, où on adoptait
de nouvelles lois sans se poser la question à savoir comment cela
coûterait dans cinq ou dans dix ans. Malheureusement, nous n'avons pas
cette information présentement et nous devrons attendre, encore une
fois, que le ministre se fasse un peu plus explicite pour que nous puissions
juger de la pertinence des suggestions qui nous sont faites et de la
nécessité pour l'État québécois de faire ces
dépenses alors qu'il doit couper dans d'autres secteurs des
dépenses publiques.
Ce sont les questions que nous avions lorsque nous avons abordé
l'étude de ce projet de loi pour pouvoir en mesurer l'étendue.
Nous aurions espéré que le ministre eût dressé un
bilan qui nous aurait permis de mesurer plus exactement quel progrès a
été fait par la Société de développement
industriel du Québec depuis 1971, depuis sa formation par le Parti
libéral du Québec, alors qu'au début des années
soixante-dix, il s'avérait d'ores et déjà
nécessaire d'intervenir pour que nous puissions être plus
compétitifs par rapport à nos concurrents commerciaux. (20 h
40)
Bien sûr, en 1967, il y avait déjà eu un Office de
crédit industriel, mais ce n'est qu'en 1971 que le Parti libéral
du Québec a fondé cette société qui a joué
un rôle important, je crois, depuis cette date. Même si la
société a joué un râle important, il aurait fallu
dresser un bilan. Déjà, si ma mémoire est fidèle,
en 1974, le gouvernement libéral du temps avait demandé au bureau
de Major et Martin de dresser un inventaire des besoins de la
société, de dresser un inventaire des outils en place et de
mesurer si les sommes dépensées l'étaient à bonnes
fins et si les orientations de la SDI ne devraient pas être
changées. À la suite de ce rapport, certains changements furent
apportés, et j'aurais espéré que la même chose soit
faite maintenant pour que les parlementaires, les membres de l'Opposition, les
membres du parti au pouvoir, tous et chacun d'entre nous nous puissions mesurer
les progrès achevés et mesurer les progrès qu'il nous
reste à faire pour que la structure industrielle du Québec puisse
être modifiée d'une façon permanente, et ceci pour
augmenter sa compétitivité.
M. le Président, il était bien évident, en 1971,
qu'il fallait intervenir. Il fallait intervenir parce qu'il fallait
créer plus d'emplois, et nous savons tous que la meilleure façon
de créer des emplois est d'encourager le développement industriel
et d'encourager les implantations manufacturières, car,
économiquement parlant, c'est la meilleure façon de créer
le plus d'emplois possible et de créer des emplois permanents.
Il y avait aussi une autre raison, c'est que même si l'État
québécois ne voulait pas jouer ce jeu de fournir de l'aide,
d'aider au financement, il faut reconnaître que nous sommes en
concurrence, que l'État québécois ou la province de
Québec est en concurrence avec d'autres provinces et avec d'autres pays.
Nous savons tous que certaines compagnies, lorsqu'elles décident de
s'implanter dans une province, vérifient si les subventions ou l'aide
accordée par l'État dans telle province est aussi
alléchante ou aussi encourageante qu'une aide qui est fournie dans une
autre province.
C'était donc, M. le Président, une autre raison pour
fonder la SDI, comme nous l'avons fait à ce moment-là. Il
fallait, bien sûr, aider les entreprises qui naissaient, les entreprises
qui avaient un grand potentiel, mais qui demandaient d'être
appuyées. Par ailleurs, il fallait entrer dans le jeu de la concurrence
puisque d'autres États et d'autres provinces fournissaient
également une aide.
Par la suite, M. le Président, il y a eu des modifications. En
1971, comme je l'ai
dit, le mandat principal de la SDI était de transformer la
structure industrielle du Québec, avec le principe de la
sélectivité, c'est-à-dire qu'on désirait encourager
ces sociétés et ces industries qui pouvaient décupler
l'aide qu'on leur donnait. Par la suite, il y a eu des modifications. En
particulier, en 1974, un ajout important fut apporté. Ce fut celui
d'encourager la prospection des exportations. D'ailleurs, le ministre l'a
souligné. Le gouvernement qui nous dirige maintenant désire
mettre davantage l'accent de ce côté-là et je crois que
c'est une bonne chose. Mais il faut souligner que, dès 1974, le
gouvernement du temps avait jugé utile de modifier l'orientation de la
SDI pour lui permettre de jouer un râle dans ce secteur.
En 1979, il y a eu encore quelques modifications. Lorsque ce projet de
loi qui apportait des modifications à la SDI est venu à
l'Assemblée nationale, M. le Président, le ministre de
l'Industrie et du Commerce du temps, un ministre du Parti
québécois, a fait un constat non pas d'échec, mais le
constat que l'objectif original de la SDI n'avait pas été
atteint. Il faut bien se rendre compte -je crois que cela reste encore vrai
depuis que la SDI a été fondée et depuis que le Parti
québécois est au pouvoir - que le mandat original que nous avons
confié à la SDI n'a pas connu tout le succès que nous
avions escompté à ce moment-là. Nous voulions transformer
la structure industrielle du Québec. Nous voulions la rendre beaucoup
plus dynamique. Même s'il y a eu des entreprises qui ont réussi,
même s'il y a des succès pertinents dans plusieurs régions
du Québec, on ne peut pas dire qu'il y a eu une transformation radicale
de l'infrastructure industrielle du Québec.
Ce qu'il faut se rappeler, M. le Président - j'y reviendrai plus
tard - c'est que tous ces changements aux orientations de la
Société de développement industriel ont été
débattus en cette Chambre. Malheureusement, je constate qu'un des
changements importants que le ministre apporte dans le projet de loi no 75,
c'est justement d'éliminer cette nécessité, qui
était dans la loi auparavant, de venir à l'Assemblée
nationale pour faire approuver de nouvelles orientations qui seraient
confiées à la Société de développement
industriel.
Dorénavant, M. le Président, le mandat ou la mission
globale de la SDI serait de tout faire pour aider l'économie, en se
basant sur des programmes qui seront approuvés par décret par le
gouvernement, ce qui empêchera l'Assemblée nationale d'intervenir
et ses membres de poser des questions sur le succès ou l'insuccès
de ces programmes et sur les dépenses encourues par l'implantation et
par le développement des programmes qui ont été mis en
oeuvre.
Le ministre n'a pas daigné fournir ce bilan, nous dire quelle
évaluation il avait faite, parce que j'imagine qu'il en a fait une. Dans
le journal Les affaires du 19 septembre 1981, le journaliste faisait allusion
au fait qu'il y avait un comité du gouvernement, formé du
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, de l'Office
québécois du commerce extérieur, de la SDI et du
Secrétariat au développement économique, qui a
tenté de faire cette évaluation et de voir quels étaient
les succès et les insuccès de la SDI et quelles étaient
les orientations qu'on devrait lui donner à l'avenir.
Malheureusement, cette information ne nous est pas disponible et je vous
laisse le soin de juger quelle est la transparence d'un gouvernement qui ne
permet pas aux mandataires du peuple de porter un jugement sur un aspect
extrêmement important du développement économique du
Québec. Ce journaliste mentionnait, et je cite - il citait
lui-même un porte-parole du gouvernement-: "C'est une remise en question
fondamentale de la SDI, en ce sens que le mandat du comité est de revoir
en profondeur les objectifs, les opérations et le coût de la SDI."
Il mentionnait également: "L'une des raisons qui ont amené le
gouvernement à s'interroger sur l'évolution de la SDI vient du
fait que l'aide consentie par la SDI a tendance à croître de
façon exponentielle et qu'elle représentera des sommes
très élevées au cours des prochaines années. "
C'est donc une raison additionnelle de la demande que nous faisons et de
la demande que nous aurions dû faire, j'imagine, avant aujourd'hui, mais
le ministre n'a pas cru bon de fournir l'information qui aurait
été nécessaire pour que les députés puissent
jouer leur rôle. C'est justement que cette nouvelle orientation de la SDI
fera encourir à l'avenir des dépenses qui iront, d'après
cette citation du journal, en augmentant de façon exponentielle.
Justement, lorsque l'on considère les dépenses à la
SDI, qui étaient de l'ordre de 25 000 000 $ en 1977 et qui sont
au-delà de 100 000 000 $ cette année, je crois que la remarque du
journaliste est pertinente. Je crois aussi que l'examen qu'en a fait le
gouvernement, mais qui n'a pas été rendu public, était
pertinent, mais aurait permis à l'ensemble de la population de juger si
les nouvelles orientations qui sont définies par le projet de loi no 75
vont dans la bonne direction et quelle est la dimension financière de
cette nouvelle orientation que le gouvernement veut bien donner à la
Société de développement industriel du Québec.
Bien sûr, M. le Président, en principe nous sommes pour le
développement économique et en principe nous sommes pour une
activité plus intense de la SDI si, et je dis bien "si", cette
activité accrue de la SDI
est pour atteindre les objectifs que les parlementaires s'étaient
fixés en 1971 lorsque la SDI a été fondée.
Malheureusement, comme je l'ai dit, il semblerait que certains de ces objectifs
n'ont pas été atteints. Même si l'on considère
simplement le plan des investissements dans le domaine manufacturier, on se
rend bien compte de ce qui s'est passé durant les dernières
années. Et, encore une fois, je fais abstraction des six derniers mois
puisque, pour la pertinence du débat d'aujourd'hui, je mettrai de
côté les problèmes virulents que nous vivons maintenant
pour m'en tenir à des statistiques sur une plus longue échelle
pour pouvoir mesurer les progrès qui ont été accomplis ou
les déficiences de l'activité de la SDI jusqu'à ce
jour.
Il faut bien se rendre compte que les immobilisations, de 1972 à
1976, représentaient au Québec 24% de tous les investissements.
De 1977 à 1981, nous n'avions plus que 19% de tous les investissements
qui étaient faits au Canada. Ces pourcentages sont en fonction des
investissements faits au Canada.
Sans parler de la restructuration de l'industrie du Québec, pour
lui amener un nouveau dynamisme, il reste qu'en fonction des investissements,
le pourcentage des investissements que nous allons chercher parmi tous ceux
faits au Canada vont en diminuant. C'est donc dire qu'on peut malheureusement
mettre en doute que l'activité économique ou nos efforts, depuis
1971 et depuis 1976, depuis que le gouvernement est au pouvoir, les efforts qui
ont été déployés ont été aussi
fulgurants que le ministre voulait nous le faire croire il y a quelques
instants.
En ce qui concerne les changements dans l'infrastructure
elle-même, les changements fondamentaux dans l'industrie du
Québec, comme tout le monde le sait, nous avons encore des industries
très faibles, malgré certains succès; encore là, il
y a un progrès que je ne peux mesurer parce que je n'ai pas toute
l'information pertinente. Il y a un progrès extraordinaire qui reste
à faire si on veut pouvoir se mesurer aux autres provinces canadiennes
et à d'autres États.
Je crois quand même que la SDI a joué un rôle
extrêmement utile depuis sa fondation. Elle a aidé certaines
sociétés à se développer, à se restructurer.
Même si les statistiques globales ne nous permettent pas de nous
réjouir, l'ensemble des statistiques, de la rénovation ou du
développement industriel du Québec, il n'en reste pas moins que
la Société de développement industriel a joué un
rôle extrêmement utile et elle continuera à le jouer. La
question n'est pas de savoir si la SDI est utile, elle l'est. Est-ce que la SDI
a joué un rôle qui a été apprécié de
la part des entreprises? La réponse est oui.
La question qui est devant nous présentement, c'est celle-ci:
Est-ce que les changements que le gouvernement veut faire, est-ce que
l'orientation que le gouvernement veut lui donner, est-ce que les
dépenses, qui seront accrues par rapport aux dépenses qui ont
été faites dans le passé, seront aussi utiles que le
ministre veut bien nous le laisser croire ou si ces dépenses accrues
vont permettre d'atteindre les objectifs que nous nous étions
fixés en 1971?
À défaut d'une étude qui aurait pu nous être
fournie par le ministre, j'ai tenté de trouver quel était
l'état de la situation et quelles étaient les nouvelles
orientations du gouvernement. Bien sûr, j'en ai trouvé
quelques-unes dans Le virage technologique où on fait allusion aux voies
de développement, c'est-à-dire aux opportunités. On
mentionne, bien sûr, qu'il faudrait profiter davantage des grands projets
qui peuvent exister au Canada. À ce sujet, je me suis réjoui de
voir, dans Le virage technologique, qu'on s'est rendu compte que le
marché canadien est un marché dont nous pouvions
bénéficier, que la province de Québec faisait partie du
Canada.
Je disais tout à l'heure que le Parti québécois,
que le gouvernement était venu assez tard à cette
vérité, à savoir que le développement
économique passait par l'entreprise privée. Maintenant, en 1982,
il s'aperçoit qu'il y a un marché canadien, qu'il y a de grands
projets qui se font dans d'autres provinces canadiennes et que nous devrions en
profiter. Encore là, je m'en réjouis. Cela a pris beaucoup de
temps pour arriver à cette vérité. Nous le savions depuis
fort longtemps, mais je crois qu'on peut quand même le noter, c'est un
changement important dans la philosophie du gouvernement qui nous dirige.
Dans Le virage technologique, il y a un autre principe extrêmement
important. On y dit qu'il serait important, pour assurer le
développement économique du Québec, que les
activités du gouvernement du Québec et les activités de la
SDI, en particulier, soient complémentaires aux activités de
développement économique du gouvernement du Canada, et que les
activités de la Société de développement industriel
soient complémentaires à celles de la Société pour
l'expansion des exportations. C'est une vérité tellement
élémentaire, M. le Président, que je me réjouis
encore une fois qu'on arrive si tard à trouver ce qui semblait
évident à tous ceux qui sont de ce côté-ci de la
Chambre, mais quand même je crois que ceux qui sont devant nous s'en vont
dans la bonne direction et qu'ils vont s'apercevoir que s'ils veulent
véritablement jouer ce jeu pancanadien, jouer le jeu de collaborer avec
le gouvernement fédéral, ils vont être extrêmement
surpris du résultat en ce qui aura trait au développement
économique. Puisque, depuis
1976, on a eu tendance à dire que l'État
québécois était suffisant par lui-même, qu'il y
avait un marché important ici et que les guerres ouvertes qui se
pratiquaient entre le gouvernement fédéral et le gouvernement
provincial, et les guerres larvées qui étaient entretenues par le
gouvernement qui nous dirige ont amené justement la situation dans
laquelle nous nous trouvons maintenant et la situation qui a apporté le
genre de statistiques que je vous ai citées tout à l'heure
à savoir que, proportionnellement parlant, il y a moins
d'investissements qui se font au Québec qu'il ne s'en faisait
auparavant, sous l'ancien gouvernement.
Quand même, M. le Président, je me pose des questions
puisque si ces nouvelles politiques étaient mises en oeuvre d'une
façon continue, je dirais que l'avenir va être très
brillant au Québec. Nous savons quand même que ce gouvernement et
que le chef du gouvernement ont déjà pris des engagements pour
que la prochaine élection soit une élection
référendaire sur l'indépendance du Québec. Je me
demande, M. le Président, pour combien de temps, pendant combien de
temps ce gouvernement va croire au marché canadien, pendant combien de
temps ce gouvernement va tenter de collaborer avec le gouvernement
fédéral pour assurer le développement économique du
Québec alors que, justement, à un moment donné, il devra
changer ses violons, tenter de démontrer aux Québécois
qu'il faut absolument faire l'indépendance du Québec, qu'il faut
absolument arrêter de croire à la collaboration du gouvernement
fédéral, et à ce moment, les beaux principes qui sont
définis dans Le virage technologique n'existeront plus. M. le
Président, quand même, je prends note des bonnes intentions du
gouvernement et, bien sûr, ce sont des principes auxquels nous croyons
nous-mêmes. J'ose espérer que, pendant un certain temps, le
gouvernement tentera quand même de mettre ces principes en pratique et
qu'il verra qu'ils donnent de bons résultats.
Dans la partie 1, on remarque, bien sûr, qu'il porte attention au
tertiaire moteur. Ayant oeuvré personnellement dans ce secteur, M. le
Président, dans un grand bureau de génie-conseil, je me
réjouis du fait qu'après tant d'années un gouvernement
découvre qu'il est possible de prendre avantage du tertiaire moteur et
qu'on puisse fonder un certain dynamisme de l'exportation sur les grands
bureaux de génie conseil, sur des gens qui ont fait leurs preuves dans
le passé. Il ne faudrait quand même pas laisser entendre que ces
gens n'ont pu faire des choses sans une activité ou sans un appui du
gouvernement puisque déjà, que l'on songe aux trois ou quatre
grands bureaux qui existent présentement au Québec, ces trois ou
quatre grands bureaux de génie-conseil réalisent à peu
près 25% ou 35% de leur activité à l'étranger et
que ceci a été fait à venir jusqu'à maintenant avec
une aide extrêmement limitée du gouvernement
québécois.
Il reste quand même, il faut le souligner, je crois que ça
vaut la peine d'être souligné, qu'en utilisant le tertiaire
moteur, il sera possible de faire plus et en apportant une aide au consortium
en particulier, avec l'aide des bureaux de génie-conseil et d'autres
secteurs du tertiaire moteur, il sera possible de faire plus dans l'avenir que
ce qui a été fait dans le passé. Dans la partie no 2,
c'est là qu'on parle de la dynamisation de l'entreprise. C'est ce que je
disais tout à l'heure, on a constaté soudainement en 1982 que la
seule façon de développer l'économie est de faire
confiance à l'entreprise privée. M. le Président, on y
mentionne différentes activités. On y mentionne
l'amélioration de la gestion, l'innovation et la recherche, le marketing
et l'exportation et le financement des entreprises. Ce que je voudrais
souligner ici, j'y reviendrai, c'est que je crois qu'il est important de situer
le projet de loi no 75 et les nouveaux programmes qui seront mis en oeuvre dans
un effort de développer davantage l'économie du Québec,
à l'intérieur du programme global qui est défini dans Le
virage technologique. (21 heures)
M. le Président, on met justement l'accent ici sur la recherche
et le développement, on met l'accent sur la nécessité de
former des gestionnaires, de former des spécialistes de
l'administration, des gens qui vont être capables dans l'avenir de
prendre la relève et d'assurer un meilleur dynamisme à
l'industrie par rapport à ce qui s'est fait dans le passé.
Malheureusement, il faut croire que ce qu'un ministère fait d'une main,
il y a un autre ministère ou un autre ministre pour défaire les
idées contenues dans ce document Le virage technologique.
Je voudrais, à ce sujet, mentionner une allocution de M. Pierre
Laurin, directeur de l'École des hautes études commerciales
-c'est tout récent, M. le Président. Au mois de janvier dernier,
M. Laurin mentionnait justement que durant les trois prochaines années,
alors que l'École des hautes études commerciales à
Montréal - et je suis sûr qu'il y a d'autres équivalents
dans d'autres parties de la province - est une des écoles ayant la plus
grande expansion. Il y avait un rattrapage à faire et, il y a un besoin
impérieux de former de plus en plus de Québécois, de plus
en plus de Canadiens français pour satisfaire la demande provenant des
industries québécoises et des sociétés qui peuvent
appartenir à des étrangers, mais qui sont implantées au
Québec. Il nous disait, dans cette conférence de presse, que
durant les trois prochaines années on a demandé à
l'École des hautes études commerciales
d'effectuer des coupures de 3 000 000 $; 3 000 000 $ en trois ans. M.
Laurin mentionnait que l'école des HEC était une pionnière
de l'enseignement des sciences administratives et qu'elle se situait au coeur
du dynamisme et du développement qui est indiscutable, qui doit se faire
dans une optique de prise en charge plus rationnelle par le Québec de
son économie et de rattrapage de la formation des gestionnaires
francophones.
M. le Président, nous sommes tout à fait d'accord et je
crois que Le virage technologique mentionne à bon droit que nous aurons
besoin de plus de gestionnaires, mais la où la politique du gouvernement
fait défaut, c'est qu'on établit un principe dans Le virage
technologique et que, d'un autre côté, le ministre de
l'Éducation se permet de couper les fonds justement à une
institution qui est extrêmement importante, qui est, qui a
été et qui demeurera extrêmement importante pour assurer le
développement économique du Québec. Et Pierre Laurin de
continuer: "II y a quelques années, le gouvernement
québécois a reconnu comme prioritaire le rattrapage à
faire dans la formation des gestionnaires francophones. Divers programmes
économiques et des aspects cruciaux de sa législation
linguistique en témoignent. Or, ce mouvement de rattrapage, même
s'il est bien amorcé, est loin d'être achevé." Il concluait
ainsi: "Ces données sont éloquentes. Beaucoup reste donc à
faire. L'opération de rattrapage a été bien
amorcée, mais elle est gravement compromise par les nouvelles
compressions budgétaires."
M. le Président, d'une main, on écrit dans Le virage
technologique des principes honorables et, de l'autre côté, on
coupe les vivres à une institution comme les HEC qui seraient en mesure
de permettre à la PME québécoise et à l'industrie
québécoise de compter sur des administrateurs compétents
et sur des gestionnaires qui pourraient, dans l'avenir, assurer un meilleur
dynamisme.
Ceci n'était pas suffisant, M. le Président. Les coupures
dont je fais état ont été faites dans à peu
près toutes les universités du Québec et au moment
même - ce qui est assez curieux - où le ministre d'État au
Développement économique faisait connaître Le virage
technologique, ce livre rempli de très bons principes qui ne pourront
être suivis ou de bons programmes qui ne pourront être
réalisés parce qu'ils ne sont pas appuyés par des moyens
financiers ou que les principes vont être brimés par des coupures
dans les universités. Le Conseil des universités, justement la
même journée, émettait un avis au ministre de
l'Éducation pour s'en prendre à ces coupures aux
universités et demandait fortement que, pour l'année en cours, le
gouvernement et le ministre de l'Éducation rétablissent des
subventions de l'ordre de 30 000 000 $. D'ailleurs, il y a eu plusieurs
commentaires à cet effet, M. le Président. Lise Bissonnette, en
particulier, a parlé, dans le Devoir, du sabotage des
universités, lorsqu'on met en lumière ces coupures qui sont
faites dans les universités et qui affectent, d'une façon tout
à fait spéciale, les secteurs qui sont en développement.
Je ne vous apprendrai rien, M. le Président, si je vous dis que la
façon de financer les universités est ainsi faite qu'elle
décourage les facultés ou les écoles qui sont en pleine
expansion. Autrement dit, plus vous avez de nouveaux élèves,
moins vous recevez d'argent. À ce moment-là, les nouvelles
méthodes de financement et les nouvelles coupures budgétaires
vont affecter d'une façon toute spéciale les secteurs qui sont en
pleine expansion. Quels sont ces secteurs qui sont en pleine expansion? J'ai
appelé, cet après-midi, le Conseil des universités et on
m'a dit que, d'une façon générale, dans les
universités québécoises, les secteurs qui sont en pleine
expansion sont ceux de l'administration, entre autres à
l'université du Québec et aux HEC, et, d'autre part,
l'informatique.
Vous voyez, M. le Président, que les beaux principes
définis dans Le virage technologique et auxquels le ministre se
référait tout à l'heure, ces beaux principes et ces beaux
programmes vont être mis de côté complètement par le
gouvernement, puisque les coupures qui sont faites dans le secteur
universitaire ne permettront pas justement à des organismes tels que les
Hautes études commerciales et l'Université du Québec de
jouer le rôle qu'ils devraient jouer, justement pour assurer le
développement économique du Québec et pour former les
jeunes dont nous aurons besoin dans des secteurs aussi vitaux que
l'administration, le secteur technologique et l'informatique en
particulier.
Je crois que j'en ai assez dit là-dessus. Ce que le ministre
d'État au Développement économique appelle Le virage
technologique, il y en a quelques-uns parmi nous qui appelons cela Le "mirage"
technologique. C'est un beau mirage, c'est un beau portrait qui devrait se
réaliser de 1982 à 1986, mais, à cause de toutes ces
coupures qui sont faites à gauche et à droite, on sera en
très grande difficulté pour atteindre les objectifs et pour
réaliser les programmes qui sont définis dans Le virage
technologique. Cela ne permettra pas, malheureusement, à la
Société de développement industriel du Québec de
jouer le rôle qu'elle devrait jouer normalement.
M. le Président, je crois que j'en ai assez dit pour vous
illustrer que l'État québébois a des besoins grandissants,
que l'État québécois a fait des efforts depuis dix ans,
avec la fondation de la Société de développement
industriel du Québec, pour
fournir une aide financière, pour créer des programmes qui
permettraient à certaines industries de se développer, et, de
fait, il y a eu des succès. Mais on doit se rendre compte qu'aujourd'hui
la situation est encore difficile et que notre position est précaire
face à la concurrence internationale. Ce qui est pire, M. le
Président, c'est que ces coupures qui sont faites dans le secteur
universitaire ne nous permettront pas, malheureusement, de réaliser les
programmes qui sont définis dans Le virage technologique.
Quand même, je dois dire en toute justice pour le gouvernement que
les propositions qui sont devant nous ce soir, en ce qui concerne le projet de
loi no 75, sont un des aspects définis dans Le virage technologique. Je
dirais que c'est peut-être le seul secteur où le gouvernement a
donné suite à ses intentions. En ce qui a trait à tous les
autres secteurs que j'ai mentionnés tout à l'heure -
l'amélioration de la gestion, l'innovation et la recherche, le marketing
et l'exportation - la SDI pourra apporter une certaine aide de ce
côté-là, mais je crois que les coupures extrêmement
sérieuses qui sont faites dans le secteur universitaire vont handicaper
considérablement le travail que la SDI pourrait faire.
M. le Président, je crois que les efforts de la SDI auront une
certaine utilité. Lorsque nous serons en commission parlementaire, nous
nous permettrons de faire certaines recommandations, mais je voudrais d'ores et
déjà, puisque nous sommes en deuxième lecture, exprimer
certains avis sur certains des changements qui sont faits dans ce projet de
loi. (20 h 10)
D'une part, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, on
enlève à l'Assemblée nationale ce pouvoir qu'elle avait
d'approuver les changements d'orientation de la SDI. Il y en a eu des
changements, je l'ai dit, depuis la fondation en 1971. Il y a eu des
changements importants en 1974 et en 1979. Si vous regardez la loi actuelle, on
se rend compte que les objectifs ou les programmes qui étaient
approuvés, comme l'a dit le ministre tout à l'heure,
l'étaient par l'Assemblée nationale.
D'ores et déjà, avec le changement qui est devant nous,
cette possibilité pour les parlementaires de s'exprimer lorsqu'il y aura
des changements à la SDI disparaît. On dit justement, à un
des articles les plus importants: "Cette société a pour fonction
d'administrer des programmes d'aide financière conformément aux
objectifs économiques définis par le gouvernement." C'est donc
dire que, dorénavant, le gouvernement n'aura pas à revenir
à l'Assemblée nationale. Les nouveaux programmes seront
approuvés par le gouvernement et le gouvernement n'aura plus à
revenir à l'Assemblée nationale pour les faire approuver.
C'est donc surprenant, d'une certaine façon, que ces changements
viennent du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme puisque
lui-même, lorsqu'il était chef de l'Union Nationale - je me
réfère à un débat qui a eu lieu le 18 mai 1979
-mentionnait qu'il était important pour l'Assemblée nationale et
pour la députation d'une façon générale de jouer un
rôle accru face aux sociétés d'État. Le 18 mai 1979,
il disait, à titre de chef de l'Union Nationale: "C'est non sans
satisfaction que nous avons constaté l'accueil unanime de tous les
partis politiques représentés à l'Assemblée
nationale à notre requête de mettre sur pied dans les plus brefs
délais une commission permanente de la Législature nationale pour
mieux surveiller le fonctionnement et la performance de nos
sociétés d'État." Le reste de la discussion, lors de cette
journée, allait dans le sens qu'il était important pour les
parlementaires d'influencer d'une façon plus pertinente les orientations
du gouvernement.
D'ailleurs, le rapport du député de Trois-Rivières
allait dans le même sens et le rapport qu'il a fait au gouvernement
contenait justement des recommandations sur les mille et une façons de
revaloriser le travail des parlementaires. On se rend compte que,
dorénavant, ce sera chose du passé. C'est peut-être une des
dernières fois que le gouvernement aura à revenir à
l'Assemblée nationale puisque, d'ores et déjà, une fois
que ce projet de loi sera approuvé, il ne sera plus nécessaire de
revenir ici puisque les nouvelles orientations seront définies par le
gouvernement sans aucun besoin de revenir à l'Assemblée nationale
pour en discuter.
Par ailleurs, il y a d'autres changements. Je vois qu'on a défini
les différentes aides et le financement. On a fait une distinction entre
l'aide apportée aux entreprises et le financement comme tel, et nous
aurons des remarques à faire puisque, dans ce qu'on appelle l'aide, on a
inclus dans cet article les acquisitions d'actions qui seront faites par la
SDI. À ma connaissance, s'il s'agit d'une aide, c'est-à-dire
d'une subvention, je crois qu'il serait tout à fait farfelu d'indiquer
dans le bilan de la SDI que ces actifs sont véritablement des actifs
puisque le gouvernement semble prétendre que les achats d'actions qui
seront faits à certains moments ne seront pas des actifs, mais
plutôt une aide, c'est-à-dire une forme de subvention.
Nous aurons d'autres commentaires à faire puisque l'article 3, en
particulier, apporte un changement à l'article 12 qui semble permettre
à la SDI de déterminer elle-même si une aide sera
accordée ou non. Alors que, auparavant, le texte disait d'une
façon très précise que la SDI déterminait
l'aide qu'elle entendait accorder, on lit maintenant qu'elle peut
déterminer l'aide. On se pose des questions à savoir si cette
nouvelle formulation amènera un jugement arbitraire de la part de la SDI
et ne permettra pas à des influences politiques de se manifester puisque
la SDI, d'après le nouveau projet de loi, pourra refuser cette aide en
dépit des programmes existants, ce qui n'était pas le cas
jusqu'à maintenant, d'après le texte du projet de loi
existant.
J'ai tenté de cerner ce que la SDI aurait pu faire jusqu'à
maintenant. Le projet qui est devant nous, semble-t-il, permettra à la
SDI de jouer un rôle accru, d'après la faible information que nous
avons eue lors de l'étude des crédits. Nous aurions voulu, bien
sûr, avoir le dépôt de la loi pour pouvoir en mesurer toute
l'étendue. Avec le peu d'information que nous avons présentement,
nous disons que nous sommes d'accord sur le principe puisqu'il est important
que la SDI continue à jouer le rôle qu'elle a joué
jusqu'à maintenant. Nous aurions voulu avoir plus d'information puisque,
en créant de nouveaux programmes, nous allons augmenter les
dépenses du gouvernement. Je crois que, d'ores et déjà, le
temps est terminé où il nous fallait accepter de nouveaux
programmes sans en scruter les coûts et sans nous assurer que les
dépenses étaient faites dans le meilleur intérêt des
contribuables.
M. le Président, je vous laisse là-dessus. Nous sommes
d'accord avec le principe du projet de loi et j'ose espérer que
l'étude que nous ferons en commission parlementaire, puisque le ministre
nous a assuré que le président de la Société de
développement industriel y sera présent, nous permettra d'avoir
l'information additionnelle et que cela nous permettra, avant de faire la
troisième lecture, de nous convaincre que les changements à
apporter à la SDI sont dans le meilleur intérêt du
Québec.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Châteauguay et adjoint parlementaire au ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme.
M. Roland Dussault
M. Dussault: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir,
évidemment, que j'interviens ce soir sur le projet de loi no 75, Loi
modifiant la Loi sur l'aide au développement industriel dont le titre
deviendra, après l'adoption, Loi sur la Société de
développement industriel du Québec.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention le
député d'Outremont. J'ai remarqué que, chaque fois que les
députés de l'Opposition demandent d'avoir les règlements,
on doit comprendre qu'ils n'ont rien à dire de très
négatif sur le projet de loi. Comme ils n'ont rien à dire, ils
demandent des règlements. J'ai remarqué cela depuis cinq ans que
je suis ici à l'Assemblée nationale. C'est une constante, M. le
Président.
J'ai remarqué aussi, évidemment, le contraste
énorme entre le langage du ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, qui est un langage de confiance, un langage de protection de l'emploi
et de création d'emploi, et le langage du député
d'Outremont, qui est un langage de pessimisme, un langage d'éteignoir.
J'espère qu'il n'y a pas beaucoup d'hommes et de femmes d'affaires qui
ont écouté le discours du député d'Outremont, parce
qu'il n'a pas dû les relever de leurs difficultés, s'ils en ont,
par ce langage. On sait que la situation économique est difficile, mais
si on ne prend pas notre affaire en main, si on ne pose pas des gestes au jour
le jour, on n'en sortira pas. On apprécierait donc, une fois pour
toutes, que le parti d'en face appuie les politiques gouvernementales sur le
plan économique, parce qu'il est important d'avoir des mesures qui
aident la petite et moyenne entreprise.
On nous a encore raconté toutes sortes d'histoires sur les
politiques gouvernementales quant à l'entreprise privée, quant au
marché économique canadien. Je voudrais dire au
député d'Outremont que la meilleure preuve que nous croyons au
marché économique canadien, c'est que nous voulons une
association économique avec le reste du Canada et nous le disons depuis
1968. Il n'y a pas de meilleure preuve que nous croyons à ce
marché économique canadien.
Mais nous savons aussi que, dans un rayon de 100 milles de
Montréal, au sud particulièrement, il y a 50 000 000 de personnes
qui pourraient acheter des produits du Québec. On est réaliste et
on pense qu'il y a quelque chose à regarder là. Dans Bâtir
le Québec, phase 1, on reconnaissait qu'il fallait attacher
énormément d'importance à la petite et moyenne entreprise.
On essaie encore, ce soir, de faire croire à la population que nous ne
croyons pas à l'entreprise privée. C'est une grosse farce chaque
fois, M. le Président. Je ne voudrais pas sortir de moi-même, M.
le Président; je vais essayer de revenir, le plus possible, au projet de
loi no 75. Vous savez ce qui arrive quand ces gens-là me font sortir de
moi-même? Je leur rappelle des choses qui sont désagréables
pour eux, d'ailleurs, M. le Président.
Une voix: Un exemple!
M. Dussault: Un exemple, les 750 000 $ de Régis Trudeau
qui sont dans leur caisse électorale.
Des voix: Ah!
M. Dussault: Les fonds olympiques, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Dussault: Ceci dit, M. le Président, le projet de loi
no 75, c'est une autre action gouvernementale indicatrice de la
détermination du gouvernement du Québec de s'impliquer, à
la mesure de ses moyens, bien sûr, dans les limites de ses
prérogatives aussi, dans le développement économique du
Québec, en donnant à la population québécoise les
meilleurs moyens d'intervention pour développer l'économie
québécoise.
Ce projet de loi no 75 qui, en fait, est une réforme de la loi de
la SDI, est un geste de confiance à l'égard d'un instrument qui a
fait beaucoup déjà, qui a fait bien des choses, qui les a bien
faites, selon les objectifs qui étaient confiés à la
Société de développement industriel. Les meilleurs
exemples, encore récents, ce sont des aides très concrètes
que nous avons apportées, par exemple, à Usinage Raymond, dans le
comté de Duplessis, à Sept-Îles. C'est un atelier d'usinage
qui, grâce à une implication financière de 119 000 $, a
sauvé une centaine d'emplois et en a créé une dizaine en
plus. Chez Duchesne & Fils, dans le comté de Maskinongé -
vous savez, c'est un comté de nos amis d'en face - on a
créé, par une implication financière de 144 000 $, 40
emplois. Il s'agit d'une manufacture de matériaux de construction. (21 h
20)
Un autre exemple, les Industries F. P. Inc., fabriquant de
chaudières dans Richmond - un autre comté des gens d'en face -
avec 64 000 $ on a réussi à créer 21 emplois.
Un autre exemple - ce sera le dernier parce que je ne voudrais pas
passer mon temps à ne faire que ça - Rodrigue & Frère,
une scierie dans Montmagny - c'est le comté d'un de nos collègues
qu'on aime bien, à part ça - 200 000 $ ont permis de créer
50 emplois.
Ce sont des gestes concrets, la SDI était un instrument valable,
on en a des preuves, mais on voudrait que ce soit encore plus valable
grâce au projet de loi no 75 et on va lui demander de faire plus, selon
une nouvelle orientation et grâce à un élargissement de son
champ d'action.
On me dit que je parle trop vite, on me connaît pour être
quelqu'un qui parle vite. Dans le domaine économique, la plus grande
qualité qu'on peut avoir et qu'on doit avoir, c'est la capacité
d'adaptation aux réalités nouvelles, que ce soient les dynamismes
ou les difficultés, il faut savoir s'adapter.
Quand le député d'Outremont nous reproche de sortir la SDI
de l'obligation de revenir devant l'Assemblée nationale, c'est justement
une façon de faire en sorte qu'il n'y ait pas de lourdeur quant à
l'adaptation aux nouvelles circonstances. On demandera donc à la
Société de développement industriel, dans le cadre de
l'évolution de l'économie et dans l'ensemble des activités
économiques que le gouvernement a identifiées ces
dernières semaines, de répondre aux besoins de la
clientèle de façon complémentaire à l'action des
institutions financières privées et en ne faisant pas double
emploi avec les autres programmes gouvernementaux.
Le projet de loi no 75 donne un nouveau mandat à la SDI. Cette
société, c'est connu, aidait des entreprises des secteurs
manufacturiers par certains programmes de financement. Maintenant, on voudrait
que la SDI s'implique plus profondément par des actions dans des cadres
d'activités de financement, bien sûr, mais aussi de
développement. Ainsi, du côté financement, le secteur
financier privé continuera à jouer son rôle comme il se
doit parce qu'on y croit à ce rôle, mais la SDI devra continuer
aussi à s'impliquer là où les institutions
financières ne s'impliquent pas. Par exemple, dans le démarrage
d'entreprises, il arrive parfois que certaines entreprises ne puissent pas
offrir des garanties suffisantes, mais on sait que la rentabilité est
là.
Dans certaines régions aussi, la concurrence des institutions
financières privées est trop faible, ce qui ne crée pas le
dynamisme qu'il faut pour qu'il y ait un intérêt à
prêter à des entreprises. L'implication de la SDI sera soit sous
forme de prêts selon le taux du marché, soit sous forme de
garanties de remboursement auprès des institutions financières
privées, soit par l'acquisition de capital-actions, minoritaire bien
sûr. Il est sûr que la SDI prendra plus de risques que les
institutions privées, mais toujours en ayant des objectifs de
rentabilité, M. le Président.
Du côté du développement, la SDI deviendra le
gestionnaire d'une programmation appropriée aux besoins des
clientèles par des programmes d'aide financière au secteur
manufacturier, au secteur touristique et au secteur du tertiaire moteur. Le
ministre a expliqué ce que veut dire cette nouvelle notion. Tout
ça doit se faire toujours dans la recherche de l'efficacité.
La SDI, côté développement, le fera principalement
par de l'aide à l'investissement, mais aussi par de l'aide à
l'exportation de biens et de services. Notre marché est un petit
marché, il faut en être conscient. C'est pour ça que nous y
croyons, au marché canadien et au marché américain, c'est
parce que nous prenons conscience que notre marché est un marché
de 6 000 000
et que nous pouvons briser ces barrières en tablant sur les
marchés extérieurs.
Pour ce qui est de l'investissement, il s'agira d'une aide
sélective, mais qui privilégiera les priorités
industrielles, comme, par exemple, les grands projets. On en a parlé,
tout le monde parle de ça ces temps-ci, les secteurs industriels
prioritaires, le secteur tertiaire moteur, comme je le disais, et les nouvelles
technologies. Ce sera donc une aide, une intervention, une implication
très significative.
Dans ce domaine du développement, ça pourra prendre la
forme de subventions ou de prises en charge des intérêts, comme
cela se fait présentement, totalement ou en partie, ou d'exemptions de
remboursement, mais le tout encadré par des critères
d'admissibilité où la rigueur s'imposera plus que jamais. Il
s'agira de mettre du poids sur la bonne gestion, les efforts de recherche et de
développement, l'organisation de la commercialisation et les
possibilités offertes par les marchés extérieurs. Laissant
à d'autres de mes collègues le soin de s'étendre davantage
sur d'autres aspects importants de la loi 75, j'insisterai sur l'exportation.
Il sera d'ailleurs plus facile de saisir l'importance de la réforme de
la loi d'aide au développement industriel en faisant ressortir ce
qu'elle rendra possible en termes d'aide à l'exportation.
Le programme d'aide à l'exportation, par sa nouvelle orientation,
met l'accent sur l'ouverture de nouveaux marchés, sur la mise en place
de structures permanentes pour la fonction exportation, la formation d'un
consortium d'exportation et la participation à des contrats majeurs. Le
volet formation d'un consortium a été élargi pour
l'étendre aux entreprises de services. De plus, le consortium pourra
viser le marché canadien en dehors du Québec. Conformément
à la volonté gouvernementale, ce volet deviendrait
prioritaire.
Le volet crédit prospection proposé est modifié
notamment pour favoriser davantage la PME. Ainsi, la SDI pourra, sous forme de
prêts à taux réduit pour les deux premières
années, financer jusqu'à 80% des dépenses encourues par
les PME pour pénétrer un marché étranger. Quant aux
contrats majeurs à l'extérieur du Québec, ils
représenteront un potentiel très important au cours de la
décennie. C'est un volet spécial qui est proposé pour
appuyer, par des garanties de prêt, les entreprises
québécoises afin de leur permettre la réalisation de
grands projets à l'extérieur.
La SDI pourra agir à titre de mandataire pour le compte d'un
consortium d'exportation quand il s'agira de projets "Clé-en-main". La
SDI, en terminant, devrait continuer d'offrir du financement de dernier recours
aux entreprises exportatrices.
Ce sont donc les quatre volets fondamentaux du projet d'aide à
l'exportation. La nouvelle programmation en matière d'exportation
permettra de rejoindre une nouvelle clientèle principalement
composée de PME - on y revient toujours parce que c'est pour nous un
leitmotiv, c'est une obsession, la PME - visant à exporter sur de
nouveaux marchés, à titre individuel ou à titre de
partenaire, dans un consortium.
Pour ce qui est des modalités du programme, plus
spécifiquement sur la formation des consortiums, je voudrais dire que la
réforme et ce programme à l'exportation permettront à la
société de jouer un rôle de catalyseur sur le plan
financier afin de regrouper des entreprises qui désirent promouvoir et
vendre des biens et des services sur les marchés à
l'extérieur du Québec.
Un encadrement quant à l'admissibilité rendra
sécuritaire l'implication de la Société de
développement industriel dans la formation de consortiums et
évitera ainsi l'existence réelle de conflits
d'intérêts. Ainsi, s'impliquant sous la forme de capital de
risque, la société ne devra pas détenir une participation
majoritaire dans un consortium. L'aide financière de la SDI a pour but
de faciliter le démarrage d'un consortium. La SDI serait donc
présente au conseil d'administration dans tous les cas.
Lors de l'étude de chacun des dossiers, la SDI s'assurera du
potentiel de marché des produits et, au besoin, exigera une étude
de marché. Elle s'assurera aussi qu'il s'agit d'un projet bien
structuré, détaillé et réaliste pour ce qui est
notamment de la gestion du consortium, de la politique financière et du
budget, de la localisation du ou des bureaux au Québec et à
l'étranger et des perspectives de rentabilité du consortium.
Le deuxième volet du programme concerne le crédit
prospection qui, quant à lui, incitera et aidera les entreprises
manufacturières à pénétrer de nouveaux
marchés étrangers ou à offrir de nouveaux produits sur des
marchés existants. Seraient admissibles à ce programme les
entreprises ayant une place d'affaires au Québec dont au moins 50% des
emplois canadiens sont au Québec et qui exportent des biens
fabriqués au Québec. De plus, l'entreprise doit avoir fait ses
preuves sur le marché local ou étranger en ayant effectué
des ventes pendant deux ans au minimum.
La SDI offrira de financer sous forme de prêts une partie des
coûts de pénétration et d'implantation sur des nouveaux
marchés et sera remboursée en fonction de ventes
réalisées sur ces marchés. Une exemption de remboursement
d'une partie du solde du prêt pourrait même être
accordée dans certaines circonstances.
Comme pour le volet précédent, l'aide sera encadrée
par des conditions longues à énumérer, ce n'est pas la
place d'en faire
l'énumération, on aura l'occasion d'en prendre
connaissance. Je voudrais dire, sur le remboursement de crédit, que le
crédit prospection sera remboursable sur une période de cinq ans
commençant à la fin de la période de prospection et les
intérêts sur nos avances seront payables mensuellement, à
compter du début de la période de prospection. (21 h 30)
Je voudrais dire, en terminant, sur ce volet, que la SDI consultera
l'Office québécois du commerce extérieur sur les projets
de crédit-prospection selon des modalités à
déterminer. Il va de soi que les différents intervenants se
concertent. Les contrats majeurs à l'extérieur, qui sont, en
fait, le troisième volet de ce programme à l'exportation,
favoriseront l'obtention de contrats majeurs à l'extérieur du
Québec qui comportent des retombées importantes pour
l'économie québécoise. Serait admissible évidemment
l'entreprise ou le consortium tel que défini au programme de formation
de consortiums. L'aide aurait lieu sous forme de garantie de prêt offerte
en faveur d'institutions financières avec l'aval du gouvernement du
Québec.
Le quatrième volet du programme serait le crédit à
l'exportation. Ce programme comprend en fait deux objectifs importants:
d'abord, celui d'offrir du financement de dernier recours aux entreprises
exportatrices; deuxièmement, aider les entreprises
québécoises à établir un courant d'exportation,
parce qu'il faut établir un courant. Cela commence comme cela. La SDI
pourrait participer au financement de toute transaction ayant pour objet
l'exportation de biens et de services produits au Québec. L'aide serait
offerte aux entreprises qui n'arrivent pas à obtenir un crédit
suffisant auprès des banques pour financer leur exportation.
Quant au deuxième objectif, celui d'aider les entreprises
québécoises à établir un courant d'exportation,
seraient admissibles à ce programme les entreprises ayant une place
d'affaires au Québec, dont 50% des actionnaires sont domiciliés
au Québec, et qui exportent des produits fabriqués au
Québec. On exigerait, de plus, que l'entreprise ait fait ses preuves sur
le marché local ou extérieur en ayant effectué des ventes
pendant deux ans au minimum. La forme d'aide que cela pourrait prendre serait
que la SDI puisse soit faire un prêt à terme à la compagnie
mère ou encore investir du capital-actions, soit dans la
compagnie-mère ou encore dans la filiale étrangère.
M. le Président, tout comme un individu, à mesure qu'un
peuple prend conscience de son potentiel et des contraintes qui s'opposent
à son développement, s'il a confiance en lui - nous faisons,
nous, confiance au peuple québécois, c'est le cas du
Québec qui a confiance en lui aussi - il est inévitable qu'il
cherche à abolir les barrières, celles qui restreignent son
action, qu'il cherche à se munir de meilleurs moyens, s'il peut compter
sur des ressources très grandes. Le marché
québécois est restreint: 6 000 000, je le disais tout à
l'heure. Les activités d'exportation peuvent en élargir les
limites. Plus de 50 000 000 de personnes vivent dans un rayon de 100 milles,
comme je le disais. Pour nous, c'est très important. Elles doivent, pour
ce faire, compter sur une aide significative. Ce n'est pas avec des bebelles
qu'on va y arriver, il faut y aller substantiellement. Il faut surtout avoir
les moyens les plus appropriés, les plus efficaces pour cela. La
Société de développement industriel, grâce à
la réforme et au programme d'aide à l'exportation que la
réforme rendra possible et que je décris dans ces grandes lignes,
sera le canal le plus approprié pour fournir à l'entreprise une
aide conforme à ces attentes. Ce qui manquera, bien sûr, pour
rendre la SDI tout à fait conforme aux attentes, c'est le guichet unique
où, elle, la SDI pourra être une des composantes de la maison
régionale de l'industrie où se concrétisera cette notion
de guichet unique et qui a fait l'objet encore tout récemment d'une
tournée du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
Dans l'exercice de ma fonction d'adjoint parlementaire, il ne se passe
aucune occasion où des hommes et des femmes d'affaires du Québec
n'en profitent pour leur faire part de leurs doléances à
l'égard de trop nombreuses sources d'aide. Ce n'est pas sur le fond de
l'aide qu'ils en ont, c'est sur le fait qu'elle est diffuse. On doit aller la
chercher ici et là. À la maison régionale de l'industrie,
la remise à la SDI de la gestion de programmes sectoriels et
l'introduction dans ces maisons régionales de services de la SDI
régleront une part respectable des problèmes
d'éparpillement du monde des affaires intéressé à
l'aide gouvernementale. Malheureusement, les gens d'affaires n'en seront pas au
bout de leurs peines, étant donné l'existence d'un aussi grand
nombre de programmes fédéraux qui visent souvent les mêmes
fins, sinon les mêmes personnes, ce qui a pour effet de créer
beaucoup d'inefficacité dont l'entreprise fait nécessairement les
frais, donc l'économie québécoise et les emplois qui en
découlent.
À voir aller le gouvernement fédéral, il est clair
que la recherche de solutions à ce problème reposera entre les
mains des électeurs québécois, un de ces jours prochains,
parce qu'un de ces jours prochains, il y aura une majorité de
Québécois qui verra que c'est du côté de la
souveraineté, bien sûr avec la meilleure collaboration possible de
ceux qui nous entourent sur le plan économique plus
particulièrement, mais viendra un jour, M. le Président,
où les
Québécois verront que c'est en se prenant en main
totalement qu'on peut arriver à des résultats, parce qu'on
influencera les choses où c'est fondamental.
Au-delà de ces problèmes découlant des
juridictions, M. le Président, ce qui préoccupe le gouvernement
du Québec, c'est de donner satisfaction aux agents économiques
intéressés. Le projet de loi no 75 a été
préparé dans la foulée de cette préoccupation.
Aussi, j'ai la conviction qu'en plus de conditionner le plus positivement
possible le développement économique du Québec, le projet
de loi no 75 va aider les hommes et les femmes d'affaires à assurer ce
développement avec le plus de facilité possible. Je me permets
d'espérer que cela les aidera particulièrement à s'arrimer
aux grandes orientations - je pense particulièrement à
Bâtir le Québec 2 et au virage technologique - que notre
gouvernement considère comme celles qui garderont le Québec dans
le courant moderne de la fin du XXe siècle. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de vous accorder la
parole, M. le député de Viger, j'ai une question de
règlement de la part du député de Rousseau. M. le
député.
M. Blouin: M. le Président, question de règlement.
En vertu de l'article 100, le député de Châteauguay me
permettrait-il de lui poser une brève question?
M. Dussault: Sûrement, M. le Président. Je dois vous
dire que ce n'est pas une question plantée. Je ne savais pas, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Rousseau.
M. Blouin: Au début de son exposé, M. le
Président, le député de Châteauguay a abordé
un sujet qui est fort intéressant et je voudrais qu'il me précise
- parce que je ne suis pas parfaitement au courant de tout cela - si les
intérêts accumulés sont compris dans les 750 000 $ d'argent
louche qui est toujours présent dans la caisse libérale et qui
provient de Régis Trudeau et associés.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, puisque la question est
posée - je n'aurais pas voulu revenir là-dessus, je sais que
j'agace beaucoup les gens d'en face et ils ne m'aiment pas beaucoup à
cause de cela et ils me le rendent bien - je dois dire que les 750 000 $ dont
il était question n'incluent pas les intérêts puisque,
quand on les calcule, on en arrive maintenant à tout près et
même au-delà de 1 500 000 $, M. le Président.
Des voix: Oh non!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Viger, la parole est à vous.
M. Maciocia: Merci, M. le Président. M. Bissonnet:
Vas-y!
M. Cosmo Maciocia
M. Maciocia: Dans le projet de loi no 75, dans les notes
explicatives, on lit: "Ce projet de loi a pour but d'élargir le champ
d'action de la Société de développement industriel du
Québec qui pourra dorénavant oeuvrer non seulement dans le
secteur manufacturier, mais aussi dans le secteur touristique et dans le
secteur tertiaire moteur."
M. le Président, ce n'est pas seulement en l'incluant dans le
projet de loi no 75 qu'on peut vraiment s'occuper du secteur touristique
à l'intérieur du Québec, quand il y a un manque de
volonté de la part du gouvernement de faire vraiment de la promotion
touristique ici au Québec.
M. le Président, à l'étude des crédits la
semaine dernière, on a vu que, dans la promotion touristique, encore
cette année, le gouvernement du Québec y alloue une somme
d'environ 11 000 000 $ ou 12 000 000 $. Si on regarde cet effort per capita ici
au Canada en comparaison avec les autres provinces, on s'aperçoit que le
Nouveau-Brunswick dépense 7,29 $ per capita, la Colombie britannique 5
$, l'Alberta 3,49 $, l'Ontario 2 $ et le Québec seulement 1,29 $.
C'était en 1981-1982.
M. le Président, cette année, l'effort du Québec va
passer de 1,29 $ à 1,70 $, mais il faut dire aussi que les autres
provinces vont augmenter leur effort dans la promotion touristique ici au
Québec. Mais, que ferons-nous, M. le Président, pour rattraper
les autres provinces dans le domaine touristique? Quand ferons-nous l'effort
nécessaire, M. le Président, pour prendre notre juste part
à l'intérêt du marché touristique canadien? Le
ministère a la charge et le devoir de fournir un appui aux intervenants
du milieu touristique. Il a cette charge, car s'il y a une industrie qui
rencontre les critères de la PME, c'est bien l'industrie touristique.
L'industrie touristique est l'industrie la moins concentrée. C'est
l'industrie qui se présente sous la forme la plus fractionnée,
celle qui se compose de multitudes de petites unités de production,
restaurants, motels et terrains de camping. (21 h 40)
Combien de ces entreprises sont des entreprises familiales, où
une famille
québécoise tente, malgré l'incurie du
ministère et les embûches sans nombre semées par les
diverses réglementations et le noeud coulant des impôts, de
prospérer honnêtement en faisant valoir les qualités de
notre patrimoine?
M. le Président, ce n'est pas en l'incluant dans le projet de loi
no 75 qu'on peut résoudre ce problème, mais ces entreprises
familiales sont justement trop petites pour pouvoir s'assurer elles-mêmes
des services, des prévisions et de la planification à long terme.
Elles doivent, pour planifier leur gestion, obtenir des chiffres
précis.
Comment planifier, M. le Président, si l'on ignore l'achalandage
touristique au Québec? Comment planifier, si on navigue dans le noir? Il
suffit de regarder quelques articles de journaux des dernières
années. On lisait dans le Devoir, le 4 mai 1979: "II est plus facile de
faire le tour du monde que d'aller en Gaspésie ou même d'obtenir
des informations sur le tourisme." On lisait dans le Soleil du 12 septembre
1981: "Rapports discordants sur l'affluence des touristes au Québec."
Dans le Devoir encore du 22 décembre 1981, on lisait: "Les statistiques
sur le tourisme sont difficilement utilisables." Dans le Soleil du 17
février 1982, on lisait: "Les hôteliers contredisent la
Communauté urbaine de Québec."
M. le Président, cela fait trois ans que cela dure. Il n'existe
actuellement aucun système valable de collecte de données pour
l'industrie touristique. Comment peut-on planifier, prévoir, administrer
une entreprise sans les données fondamentales?
J'ai ici un article qui vraiment tombe pile dans ce domaine. Il a
été écrit le 22 mars 1982 dans la Voix de l'Est. Je le
lis: "Le Québec doit suivre l'exemple de l'Ontario. Le ministre Biron
prétend relancer l'industrie du tourisme en mettant l'accent sur la
nécessité pour les Québécois de visiter le
Québec pour le mieux connaître. Mais ce n'est pas là la
seule condition du succès de cette industrie. "D'ailleurs, le fameux
Tour du Québec se révèle une faillite lamentable. Le
gouvernement a beaucoup investi à ce propos depuis quelques
années et les Québécois n'en ont pas moins continué
à se rendre en Floride en hiver et aux États-Unis ou en Europe
durant la saison estivale."
Je continue, M. le Président: "Ce que ce ministère
néglige surtout, ce sont les touristes étrangers qui bon an mal
an voyagent, mais ne viennent pas au Québec. Ils préfèrent
les autres provinces et, en particulier, l'Ontario où ils sont
reçus les bras ouverts."
M. le Président, il faut se poser la question: Pourquoi? Et le
journaliste continue: "Simplement parce que le ministère ne se donne pas
les outils nécessaires pour les attirer. Comme le disait un
récent conférencier, nos fonctionnaires ont une vision trop
régionaliste du tourisme. En ce domaine, comme dans bien d'autres, le
Québec se fait facilement damer le pion par l'Ontario. Donc, les agences
à l'étranger sont fort bien organisées et surtout
dirigées par des gens des pays où elles sont établies et
cela, contrairement au Québec qui préfère y envoyer des
fonctionnaires québécois. D'où l'importance des salaires
dans le budget du tourisme et aussi l'absence de moyens d'action
appropriés. "Environ 5 000 000 $ ou 6 000 000 $ des 8 000 000 $ ou 9 000
000 $ du budget touristique sont ainsi consacrés aux salaires et le
reste à la promotion. Comprenant cela, c'est peu. L'Ontario, pour sa
part, ne consacre que 4 000 000 $ ou 5 000 000 $ de son budget de 20 000 000 $
en salaires, ce qui en laisse bien davantage pour la promotion. Axé sur
le programme fédéral des relations publiques à
l'étranger, son propre programme est beaucoup plus efficace. L'Ontario
est ainsi toujours au premier plan dans les foires annuelles où se
rendent les grossistes, alors que le Québec est relégué au
second plan. Il est au dernier rang, parce qu'il ne se donne pas les moyens
pour jouer un rôle prépondérant. Ce n'est pas la faute
d'Ottawa continue le journaliste. En un mot, le Québec ne
réussira jamais à créer une industrie touristique
florissante en ignorant la mentalité, la langue, les goûts et la
situation économique des pays étrangers dans sa promotion
touristique. Ce ne sont pas les grands discours, les programmes dont
l'efficacité est très discutable qui relanceront cette industrie
si génératrice de revenus, mais des mesures qui, à
l'instar de celles de l'Ontario, rapportent beaucoup, même en
période de récession."
L'aveu même que ce gouvernement ne sait pas où il s'en va
en matière touristique, l'exemple le plus frappant et le plus concret se
trouve dans Le virage technologique, publié tout dernièrement par
le gouvernement du Parti québécois. À la page 176, on lit
clairement: "II est d'abord nécessaire d'accroître la
quantité et la qualité de l'information disponible permettant
ainsi d'établir beaucoup plus clairement dans quel sens, à quel
niveau et selon quelles modalités il serait possible d'influencer
l'évolution du tourisme ici au Québec." C'est tellement clair que
le gouvernement n'a aucune idée sur la façon de développer
et de promouvoir le tourisme ici au Québec. Ce n'est pas en l'incluant
à l'intérieur du projet de loi no 75 qu'on va se donner les
moyens de développer le tourisme au Québec.
M. le Président, je voulais aussi donner certaines statistiques.
Malheureusement, comme je vous le disais tout à l'heure, le
Québec n'a pas de cueillette de données dans le domaine
touristique à l'intérieur du
ministère. Par l'entremise de Statistique Canada, on peut voir
qu'en 1980 les voyageurs non résidents entrant au Québec selon
les moyens de transport: terre, air, mer... En 1976, 3 316 983 résidents
des États-Unis sont venus au Québec. En 1980, ce nombre est
tombé à 2 197 000.
Une voix: C'est épouvantable.
M. Maciocia: Des résidents de pays autres que les
États-Unis, pour l'année 1980, 382 085, pour un total, en 1980,
de 2 579 122. Je vous lis aussi, toujours d'après Statistique Canada, le
tableau des voyageurs non résidents entrant en Ontario. Comme je vous le
disais tout à l'heure, pour le Québec, en 1980, 2 197 000
résidents des États-Unis sont venus au Québec; en Ontario,
pour la même année, 26 988 000. Il y a eu treize fois plus de
touristes des États-Unis qui sont entrés en Ontario qu'au
Québec. Il doit y avoir une raison à cela. Comme le disait le
journaliste Roland Gagné, c'est dû, de la part du gouvernement du
Québec, à un manque de programmes vraiment concrets et
réalistes vis-à-vis de la promotion du tourisme au
Québec.
M. le Président, lors de l'étude des crédits du
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, le ministre
lui-même nous disait que, pour chaque somme de 6500 $ investie en
promotion touristique, on crée un emploi. On voit de quelle
façon, encore aujourd'hui, le gouvernement traite cette industrie
florissante dans les provinces voisines, alors qu'au Québec on la
néglige d'une façon vraiment lamentable. La seule chose que je
peux dire, c'est qu'on a même présenté une motion le 17
mars dernier demandant au gouvernement actuel de faire son possible pour
promouvoir cette industrie, vraiment vitale pour le Québec. On a des
ressources, des infrastructures, probablement les meilleures à
l'intérieur du Canada, mais on ne fait vraiment rien pour promouvoir
cette industrie, pour que chaque dollar qu'elle nous apporte ici, soit un
dollar pour la population du Québec. (21 h 50)
M. le Président, j'espère et je veux croire, pour ces gens
qui sont impliqués dans l'industrie touristique, qu'en ajoutant, dans le
projet de loi no 75, le secteur touristique, la SDI s'occupe aussi de ce
secteur, que cela ne soit pas seulement écrit, mais que, vraiment, le
gouvernement fasse le nécessaire pour que la population du
Québec, pour que les gens qui s'impliquent, au Québec, dans la
promotion de ce secteur puissent vraiment dire que le gouvernement a fait au
moins son possible, à l'extérieur du Québec, pour que les
touristes viennent un peu plus chez nous qu'ils ne viennent actuellement.
Seulement en Ontario, il y a entre 11% et 12% de plus de touristes qu'au
Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Merci, M. le Président. Cela me fait
plaisir d'intervenir sur le projet de loi no 75 parce que, à nouveau, il
s'agit d'un projet de loi à saveur économique, pour le
développement économique du Québec, qui vient s'ajouter
à une foule de projets qui ont été annoncés
dernièrement et qui vient, en fait, compléter un peu le tour des
secteurs.
On a annoncé, entre autres, il y a quelques mois, le projet de
loi sur la SODICC pour venir en aide aux industries culturelles et aux
industries de communications. Un peu plus tard, le ministre de l'Agriculture a
annoncé d'autres programmes d'aide comme Sol-Plus, l'amélioration
et l'augmentation des prêts agricoles, etc., ce qui a fini par amener une
augmentation du budget de plus de 30%. On a annoncé, cette semaine, il y
a quelques jours à peine, un programme de relance de l'industrie de la
construction. On vient maintenant améliorer l'aide à
l'entreprise.
Je trouve que c'est très positif, contrairement à ce que
l'Opposition tente d'expliquer ou de faire croire à la population,
disant que c'est négatif. On semble même vouloir, du
côté de l'Opposition, enlever aux gens le goût de visiter,
d'aimer et de développer le Québec. Sauf que nous, c'est tout
à fait l'inverse. On sait qu'on peut le faire et on se donne les moyens.
On se donne les moyens rapidement dans la conjoncture actuelle parce que,
déjà, on prouve, par le projet de loi no 75, que tout l'argent
qu'on peut récupérer, tout l'argent disponible, on l'investit
dans le développement économique de façon à
préserver les emplois déjà existants de nos travailleurs
québécois et à en créer de nouveaux.
J'étais heureux de voir mes amis d'en face utiliser à
plusieurs reprises Le virage technologique. Donc, s'ils l'utilisent tellement,
c'est que c'est important et c'est vrai que c'est important, M. le
Président, parce qu'on y a préparé notre
développement pour les quatre prochaines années. On semble, en
face, vouloir le ridiculiser et, de temps en temps, on l'utilise comme quelque
chose d'idéal. À force de le feuilleter, même rapidement,
les gens d'en face vont s'apercevoir qu'on va l'avoir réalisé au
complet alors qu'ils n'auront pas fini de le lire. Je peux vous dire, M. le
Président, que lorsqu'on a lancé, il y a quelques années,
le projet Bâtir le Québec, phase 1, on l'a réalisé
à 90% et cela nous a permis de créer 230 000 emplois de 1977
à 1981.
Le virage technologique, on vient à
peine de l'annoncer que, déjà, plusieurs projets de loi
ont été déposés, plusieurs initiatives sont
déjà annoncées et sont même en train de se
concrétiser. Un de ceux-là, c'est le projet de loi no 75. Le
projet de loi no 75 s'inscrit totalement dans le cadre du développement
et est un des principaux leviers du développement économique dans
le sens que c'est en quelque sorte la banque du gouvernement auprès des
entreprises. Les entreprises qui ont besoin d'argent vont pouvoir s'adresser
spécifiquement à la Société de développement
industriel, qui va avoir énormément plus d'argent et surtout
énormément plus de pouvoirs qu'auparavant. Donc, nos entreprises
vont pouvoir compter sur l'aide du gouvernement du Québec qui est
là pour venir supporter, pour venir encourager et même pour venir
stimuler les entreprises privées et les entreprises
québécoises, nos PME de chez nous. Il ne s'agit quand même
pas d'une entreprise en compétition, mais qui est plutôt en
complémentarité avec l'action de nos institutions
financières existantes. Dans le sens où les institutions comme
les caisses et les banques ne voudront pas prendre le risque, la
société sera là pour aider les projets prometteurs, les
projets créateurs d'emplois. Et, aussi, dans des régions
où les institutions ne peuvent pas supporter une aide majeure et
très importante à un projet rentable et prometteur, la
Société de développement industriel est déjà
là, mais elle le sera davantage pour venir en aide à
l'entreprise.
Il s'agit, en fait, de ce qu'on a promis en campagne électorale,
c'est ce qu'on pourrait appeler la création du guichet unique où
l'entreprise peut trouver, en contactant un seul bureau, tous les services
auxquels elle est en droit de s'attendre.
La nouvelle Société de développement industriel que
le projet de loi no 75 formera, sera rattachée à nos maisons
régionales de l'industrie, qui seront à la grandeur du territoire
du Québec. À l'intérieur de ces maisons, on retrouvera les
fonctionnaires du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme,
qui pourront fournir toute l'aide de gestion, toute l'aide technique
nécessaire. On retrouvera aussi, en fonction de l'importance des
bureaux, un ou des spécialistes du CRIQ pour pouvoir aider à la
modernisation, de la recherche et du développement. La troisième
porte importante à l'intérieur des maisons régionales de
l'industrie, ce seront évidemment les responsables de la
Société de développement industriel qui seront là
pour fournir l'aide financière dont les industries ont besoin pour
préserver les emplois et surtout en créer de nouveaux.
C'est évident que je suis tout à fait d'accord et que je
vais voter pour le projet de loi no 75, M. le Président,
premièrement parce qu'il vient concrétiser Le virage
technologique qui, pour nous, est en pleine réalisation, par une foule
de projets qu'on a déjà annoncés contrairement à ce
que les gens de l'Opposition appellent le mirage, parce qu'ils ne se sont
probablement pas donné la peine de voir vraiment les actions que le
gouvernement fait depuis quelques mois et qui sont tout à fait dans la
ligne de direction et d'action du virage technologique.
Le projet de loi no 75 vient continuer et améliorer l'aide qu'il
donne déjà aux entreprises du secteur manufacturier, celles qui
sont dans les transformations, mais on va plus loin, parce qu'on doit s'ajuster
avec la réalité actuelle, la réalité des
années quatre-vingt que l'on traverse au Québec. En plus de
l'aide aux industries de transformation, on favorisera aussi les
activités qui vont dans le sens de la recherche et de l'innovation. La
Société de développement industriel sera là pour
aider et cela répond tout à fait au virage technologique qui veut
qu'on implante, en collaboration avec les universités, les cégeps
et surtout l'entreprise privée, partout sur le territoire du
Québec, des centres de recherche là où c'est
nécessaire et là où cela pourra aider
énormément la création d'emplois.
Cela va favoriser aussi le secteur tertiaire. Pour ce qui est de ce
secteur, je vais vous rapporter juste quelques lignes, quelques paragraphes de
ce qu'on peut retrouver dans Le virage technologique et qui est une citation du
ministre Landry, qui a affirmé que les contrats des firmes de
génie-conseil à l'étranger doivent avoir des
retombées économiques au Québec. En ce moment, ces
retombées sont beaucoup moins importantes au Québec qu'ailleurs
dans le monde. À titre d'exemple, le coefficient actuel au Québec
est de 1,0 alors qu'il est, ailleurs au Canada, à 1,9 et en France
à 5,2, M. le Président. Donc, il y a énormément
à faire pour pouvoir utiliser le secteur pour créer des emplois
chez nous et exporter non seulement nos connaissances, mais les produits
fabriqués chez nous. (22 heures)
On dit toujours aussi que le gouvernement n'aide pas tellement au niveau
financier, je vais juste vous dire que, pour inciter à l'exportation les
services-conseils, la fiscalité a été dernièrement
modifiée et est maintenant plus généreuse que celle du
Canada et des autres provinces à l'égard des
Québécois affectés à l'étranger pour plus de
six mois. Donc, déjà, dans le budget, on a prévu aider le
secteur tertiaire et nos entreprises de génie-conseil.
On veut aussi favoriser l'exportation des biens et des services à
l'extérieur du Québec. C'est très important. C'est
évident que plus ça va aller, plus on va abolir les
frontières, plus on va abolir les quotas, comme on l'a fait dans le
secteur de la
chaussure. Que reste-t-il aux Québécois? Ils devront
être compétitifs pour pouvoir exporter nos produits. C'est donc
très important qu'on le fasse et j'aimerais rappeler quelques chiffres
rapidement.
Si on songe qu'en 1980 le produit intérieur brut du Québec
était de 70 000 000 000 $, il ne faut pas oublier que 45% de ce produit
intérieur brut, c'est-à-dire de ces 70 000 000 000 $,
étaient attribuables à des exportations, d'où l'importance
de s'en occuper, étant donné que ces 45% vont
nécessairement augmenter considérablement, à cause de
l'abolition des frontières, et nous allons devoir être de plus en
plus compétitifs sur des marchés qui ne sont pas
nécessairement nos marchés, mais qui deviennent mondiaux.
J'accepte donc très difficilement la critique de l'Opposition
face à nos délégations. Comment peut-on critiquer
l'ouverture de bureaux qui représentent le Québec, qui
représentent l'aide la plus près des clients potentiels de
l'extérieur, des entreprises québécoises à
l'étranger, de nos délégations? On vient nous reprocher
que nos vingt délégations ou bureaux à l'étranger
nous coûtent 13 000 000 $, quand cela nous permet d'exporter quelque
chose comme environ 35 000 000 000 $. D'où l'importance de continuer
d'investir davantage dans nos délégations, elles sont
probablement l'un des meilleurs investissements dans le domaine
économique du Québec.
Je prends un exemple. Grâce à l'action concertée,
soutenue et efficace du délégué et de ses conseillers
à Tokyo, en collaboration avec le ministère de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation et d'un consortium d'entreprises
privées québécoises, les exportations de viande porcine du
Québec au Japon se sont accrues à un rythme
phénoménal et atteignaient, en 1981, donc durant l'année
dernière, près de 70 000 000 $ soit 25% de toute la production
québécoise disponible à l'exportation. Et on vient nous
reprocher d'avoir une délégation à Tokyo quand c'est
grâce à cette délégation que trois entreprises
privées québécoises peuvent exporter pour 70 000 000 $ au
Japon. C'est ce qui fait que nos producteurs de porc du Québec
réussissent à exporter et ainsi à pouvoir vivre de leur
entreprise. D'où l'importance de conserver nos délégations
et de travailler pour - ce que le projet de loi 75 nous propose - offrir une
aide encore plus importante à l'exportation.
On doit aussi favoriser les activités touristiques au
Québec. Cela ne peut pas tomber mieux. À l'heure où on
vit, à l'heure où le dollar canadien subit une
dégringolade due à une politique monétaire canadienne tout
à fait incohérente, il faut absolument profiter de cette
situation pour attirer le maximum de touristes américains, qui sont les
touristes potentiels les plus près de chez nous. Déjà,
dans le budget qu'on vient de déposer, on investit 3 000 000 $ de plus
dans la publicité et ce dans les États du Nord-Est
américain. On peut déjà, comme le rappelait le ministre de
l'Industrie et du Commerce tantôt, en peser les effets positifs puisque,
dans le mois qui vient de s'écouler seulement, on a eu plus de demandes
d'information de touristes américains pour venir visiter le
Québec qu'on en a eu durant toute la saison, l'année
passée. Donc, on peut s'attendre que les gestes qu'on pose, les gestes
dont on parle dans Le virage technologique et ceux qu'on va favoriser et
encourager par notre aide financière et technique, par le projet de loi
no 75, seront bénéfiques et nous profiteront à très
court terme, on le croit, dès cet été.
Mon collègue de Viger semblait dire tantôt et laisser
croire à la population qu'on ne fait rien ou très peu, ou
même que cela semblait être négatif au niveau du tourisme,
j'aimerais lui rappeler certains faits qui apparaissait dans Bâtir le
Québec, volet 1, qu'on a réalisés et qui vont avoir leur
répercussion bientôt. Qu'on pense seulement à la
construction du Palais des congrès à Montréal, qui va
attirer des centaines de milliers de visiteurs de plus. Cela va être
parachevé au printemps de 1983; donc, dès l'année
prochaine, on va pouvoir commencer à cueillir les fruits d'un
investissement qu'on va avoir fait. C'est aussi le gouvernement du Parti
québécois qui a créé les associations touristiques
régionales, de façon que chacune des régions puisse
attirer chez elle le tourisme québécois, le tourisme
américain, de façon aussi que les gens qui viennent visiter le
secteur principal du tourisme, c'est-à-dire l'axe
Québec-Montréal, soient aussi attirés dans les
régions, y restent plus longtemps, dépensent davantage et
finissent par créer de plus en plus d'emplois chez nous. Donc, on a fait
énormément pour le tourisme et on va continuer à le faire.
À preuve, ici, avec le crédit touristique qu'on avait fait, on va
investir davantage pour aider nos entreprises.
J'aimerais rappeler qu'au Québec, il y a 25 000 entreprises
touristiques. C'est donc important et on le reconnaît, parce que,
maintenant, grâce à ce projet de loi no 75, la
Société de développement industriel va pouvoir non
seulement aider les entreprises de transformation, les entreprises
manufacturières, mais aussi les activités touristiques au
Québec. Cela va nous permettre aussi de venir en aide à tout
programme que le gouvernement va approuver parce qu'il va avoir un impact
majeur sur l'économie du Québec.
En conclusion, je dois dire que c'est avec beaucoup de satisfaction,
dans une situation économique comme celle qu'on traverse
présentement, que je vois arriver un
projet comme celui-là, qui va certainement être non
seulement une planche de salut pour plusieurs de nos petites et moyennes
entreprises québécoises, mais certainement le moyen financier
économique et technique d'aider nos entreprises pour être capables
d'aller plus loin, d'être capables dès maintenant de prendre cet
envol nécessaire pour que, dès à présent, on
s'assure des marchés extérieurs très importants.
Je dois dire que si le passé est garant de l'avenir, avec la
Société de développement industriel, l'avenir le plus
prometteur nous sera vraiment assuré, puisque, de 1971 à la
création de la Société de développement industriel,
jusqu'à la fin de 1981, c'est-à-dire en dix ans, c'est plus de 1
000 000 000 $ qui ont été injectés dans l'économie,
soit par du financement, soit par des subventions. À tous les niveaux,
pour nos petites et moyennes entreprises, mais aussi pour des entreprises
très importantes, aussi pour des multinationales qui viennent investir
chez nous, et ensuite, par l'effet multiplicateur que cela crée, par la
sous-traitance que cela apporte aussi, cela nous permet de créer des
centaines et des milliers d'emplois. Je vais vous donner un exemple, c'est un
exemple que je connais très bien, parce que cela fait partie de Bromont,
qui est de la municipalité régionale de la Haute-Yamaska, qui est
dans mon comté, il s'agit de l'entreprise General Electric, dont les
responsables ont avoué que c'est grâce à une subvention
venant de la Société de développement industriel qu'ils se
sont implantés au Québec au lieu d'aller s'implanter en Ontario.
Grâce à cette subvention, on a pu se faire garantir aussi par ces
mêmes gens non seulement qu'ils allaient embaucher pour la
presque-totalité des spécialistes québécois ou des
Québécois qui vont pouvoir aller prendre tous les cours et aller
chercher aux États-Unis la spécialisation nécessaire pour
pouvoir fonctionner au Québec avec des travailleurs
québécois. Ces gens se sont aussi engagés, pour être
admissibles à la subvention, à entreprendre dès maintenant
la phase 2 qui va créer 300 emplois de plus. Tout ce que je peux vous
dire, c'est que, face à cela, l'entreprise nous a écrit pour nous
remercier et nous féliciter de l'aide qu'on apporte aux entreprises et
pour nous dire qu'elle était prête à travailler avec nous
au développement économique du Québec. C'est là une
multinationale qui vient chez nous. On a aussi de grandes entreprises chez nous
comme Bombardier, à qui aussi on a donné un coup de main. On a en
plus des centaines et des milliers de petites et moyennes entreprises et
plusieurs des miennes, celles de mon comté - je suis au courant - ont
déjà profité du programme d'urgence de 200 000 000 $ qui a
été annoncé dernièrement et qui relève aussi
de la
Société de développement industriel. Je crois donc
qu'avec un projet de loi semblable, on va permettre aux entreprises du
Québec de passer plus facilement à travers la crise, de se
préparer à cette place que l'on doit prendre sur le marché
international le plus rapidement possible et c'est avec plaisir que je vois
arriver le projet de loi no 75. Je suis fier de voir que même
l'Opposition semble décidée à voter pour ce projet de loi.
Merci, M. le Président. (22 h 10)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. On parle en
deuxième lecture sur le projet de loi no 75. C'est une loi qui va
élargir les pouvoirs et les actions de la SDI, la Société
de développement industriel du Québec. Évidemment, quand
on voit le projet de loi, on est comme le député d'Outremont,
notre chef d'équipe dans ce dossier - il l'a déjà dit -
pour le principe. Il y a beaucoup de questions qui se posent. On dit dans le
projet de loi qu'on va maintenant donner le pouvoir à la SDI
d'intervenir dans le secteur touristique et dans le secteur tertiaire moteur.
Savez-vous, M. le Président, que, dans mon comté de Sainte-Anne,
nous sommes des gens simples? On m'a dit: Qu'est-ce que cela veut dire, le
secteur tertiaire moteur? J'ai pensé - je ne savais pas - que
c'était peut-être une manufacture de pièces d'automobile,
à cause du mot "moteur". J'ai demandé à quelques-uns de
mes amis péquistes, qui ne le savaient pas non plus. Finalement, on m'a
dit: Non, le secteur tertiaire moteur, c'est du langage péquiste moderne
et cela veut dire l'exportation de la technologie et du "know-how". C'est
peut-être ce qu'on aurait dû dire, parce que les gens veulent tout
de même comprendre ce que vous voulez dire avec tous ces grands concepts,
comme le "secteur tertiaire moteur". En tout cas, on me l'a expliqué et
on peut comprendre maintenant.
Le projet de loi dit, M. le Président, qu'on va injecter de
l'argent dans des secteurs névralgiques de l'économie
québécoise, mais on n'aurait pas dû dire cela, parce que
tous les secteurs sont névralgiques. À cause de l'administration
péquiste, il n'y a pas un seul secteur qui marche bien. On aurait
dû dire: On va injecter de l'argent dans tous les secteurs de
l'économie, parce qu'il n'y a pas de secteurs qui vont bien et d'autres
qui ne vont pas bien. Tous les secteurs sont névralgiques.
Quand j'ai vu le projet de loi, M. le Président, je me suis dit:
Cela va bien. C'est une bonne idée, plus d'argent disponible à
infuser dans la SDI pour assister, acheter des
actions, donner des subventions et des prêts. C'est parfait, mais
où est le système de vérification? Qu'arrive-t-il avec ces
millions de dollars? M. le Président, je suis fier d'être membre
de la commission des engagements financiers. Une fois par mois, on se rencontre
et on étudie toutes les subventions du gouvernement, dans tous les
ministères, y inclus la SDI et là, il s'agit d'une somme totale
de 100 000 000 $ par année. Chaque mois, il y a des millions de dollars
en subventions. Quand j'ai commencé comme nouveau député
il y a un an, j'ai vu les subventions de la SDI. J'ai posé des questions
et je vais vous donner des exemples.
M. le Président, je suis content que le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme soit ici, parce qu'il n'est peut-être pas au
courant de cela, mais il doit le savoir. Par exemple, on a vu une subvention
à une compagnie à Saint-Pacôme, Québec, pour une
somme de 71 000 $, et on avait dit: Nature de l'entreprise, motel et restaurant
licencié. Vraiment, c'était une opération de "gas bar". Je
respecte beaucoup le "gas bar" à Saint-Pacôme. La SDI a
donné 71 000 $ et le nombre d'emplois créés a
été de 30. Le ministre qui nous donne les réponses
à cette commission, c'est le président du Conseil du
trésor. Je lui ai demandé: Comment se fait-il que, avec 71 000 $,
vous créez 30 emplois? Ce n'est pas mal. Je vous félicite, mais
est-ce vrai? C'est un "gas bar" à Saint-Pacôme. Où se
trouve Saint-Pacôme? Lui ne le sait pas. Moi, je ne le savais pas non
plus, mais il s'agit peut-être de 30 personnes qui ont passé
à Saint-Pacôme pendant l'été, parce que,
apparemment, le "gas bar", le motel avait deux ou trois chambres. On a
commencé à avoir un petit doute en regard de ces subventions,
mais c'était seulement la première intervention que je faisais et
j'étais encore naïf. On a continué.
On a trouvé une autre subvention de la SDI. On parle de la SDI ce
soir. Je vais vous donner des exemples de la SDI. À un moment
donné, on a donné une subvention de 121 500 $. Nature de
l'entreprise: "opération" d'un aquarium et de cages d'oiseaux. Nombre
d'emplois créés: 23. J'ai dit: Qu'est-ce que c'est exactement? 23
emplois créés pour "opérer" un aquarium et des cages
d'oiseaux. Le ministre a répondu: Peut-être qu'il s'agit du nombre
de cages et d'oiseaux, je ne sais pas. Je commençais à avoir un
peu plus de doutes. Entre-temps, on parle de grosses sommes d'argent, M. le
Président, des millions de dollars par mois.
À un moment donné, on a vu une autre subvention de 66 700
$. Nature de l'entreprise: fabricant d'appareils d'éclairage d'urgence.
Nombre d'emplois créés: 24. Par hasard, je connaissais les
administrateurs de la compagnie. Je les ai appelés. J'ai dit: Je vous
félicite, 24 emplois pour 66 000 $, cela va bien dans la province de
Québec. Si on totalise à la fin de l'année tous ces
emplois, nous serons mieux d'importer de la main-d'oeuvre parce qu'il n'y aura
pas assez de gens pour remplir tous ces emplois. Il m'a dit: Écoute, 24
emplois. J'ai dit, quand j'ai rempli le formulaire: Je pense, j'espère,
en cinq ans, créer 24 emplois et cette année, c'est 3.
Alors, mon doute c'était plus sérieux, c'était
grave. Est-ce qu'il y a vérification? Est-ce qu'on envoie quelqu'un de
temps en temps pour vérifier si l'argent investi, donné en
subvention, notre argent, votre argent, M. le Président, travaille pour
un bon but? Qu'est-ce qui arrive avec cela? Je me rappelle très bien que
le ministre a répondu: On n'a pas de personnel affecté à
la vérification. Cela n'existe pas. J'ai dit: On n'a pas besoin encore
de créer une armée d'inspecteurs, mais, tout de même, on a
des tablettés, par exemple. Ils peuvent vérifier un peu, faire
des "spot checks" pour voir ce qui arrive avec l'argent de tout le monde. La
réponse était qu'on n'était pas capable de le faire.
On a continué à poser des questions toujours au sujet de
la SDI dont on parle aujourd'hui, dont on va élargir le champ
d'application. Il y a une autre subvention. Cela en est une bonne. C'est un
motel-hôtel dans le nord, au Lac-Delage. On a donné 33 000 $..
Savez-vous ce qu'on dit? Écoutez bien, M. le Président. Nombre
d'emplois créés: 52 permanents et 66 occasionnels, pour 33 000 $.
Peut-être que, par hasard, c'est l'hôtel où les
péquistes se rencontrent pour un conseil général. Je ne
veux accuser personne, mais là, c'est trop: 52 permanents, 66
occasionnels pour 33 000 $'. Cela va bien. Le ministre a commencé
à rire et il a répondu: Écoutez, le nombre d'emplois
créés, ce n'est pas cela qui vraiment détermine la raison
pour laquelle on donne la subvention. Si vous continuez à poser des
questions comme cela, on ne va plus jamais mentionner cela. J'ai dit: Je veux
que ce soit mentionné, parce que la SDI donne des subventions,
justement, pour créer des emplois. Je veux savoir combien d'emplois sont
créés, parce qu'à la fin de l'année l'autre
ministre, le grand ministre Landry, va prendre le total et dire: Voici, on a
créé à Québec 25 000 emplois. Si je fais le total,
moi, j'en ai trouvé 400. En réalité, il s'agit
peut-être de 25.
On a continué. Une autre auberge, 91 000 $, à
Rivière-du-Loup. Nombre d'emplois créés: 10. Je lui avais
posé la question. J'ai eu un appel d'un journaliste de
Rivière-du-Loup qui a dit: M. le député, pourriez-vous me
donner un peu plus de renseignements, le nom de la compagnie où cela se
trouve, parce que cette compagnie ne fonctionne plus, elle est en faillite?
J'ai
dit: Je ne veux accuser personne, mais apparemment nos doutes commencent
à devenir sérieux, parce qu'il s'agit de millions de dollars par
mois et, à la fin de l'année, comme le député
d'Outremont le disait, ce sera 100 000 000 $. Je ne veux pas dire que tout cet
argent investi est perdu, mais je ne trouve dans ce projet de loi aucun moyen
de vérification pour voir si notre argent est investi pour un bon but,
pour un but qui a du bon sens.
On a trouvé, à un moment donné, une autre
subvention à Rimouski, de 45 000 $. Nature de l'entreprise: restaurant,
à Rimouski. Nombre d'emplois créés: 32. Là, le
ministre nous a dit: C'est un restaurant qui a un problème financier. Ce
qui est arrivé, un autre groupe est venu acheter le restaurant. J'ai
dit: M. le ministre, dans ce cas, cela n'a pas créé 32 emplois;
ce sont des emplois retenus. Il a dit: Quand on dit création d'emplois,
c'est équivalent à rétention d'emplois. J'ai dit: Ce n'est
pas la même chose. Créer et retenir, ce n'est pas le même
mot. Je n'ai rien contre la rétention d'emplois, mais qu'on ne commence
pas à dire emplois créés, 32, quand, en
vérité, on a retenu 32 emplois. On est bien content que les
emplois soient retenus grâce à une subvention, quoique je me
demande, dans ce même cas, si c'est vrai que, dans un restaurant à
Rimouski, pour 45 000 $, il y a 32 employés. Je ne suis pas allé
là, mais j'aimerais bien savoir de quelqu'un de Rimouski s'il y a 32
employés dans un restaurant à Rimouski.
M. le Président, on parle toujours de la SDI, des subventions.
À un moment donné, il y a une subvention de 160 000 $. On ne
parle pas de petits sous, on ne parle pas de 10 000 $, de 5000 $ ou de 8000 $;
on parle de grosses sommes, 100 000 $, 200 000 $, 75 000 $; ça monte et,
à la fin du mois, on voit des millions de dollars. On donne de l'argent
à une boulangerie, 160 000 $. Dans quel but? Pour fins d'achat de 100%
des actions ordinaires de la boulangerie dont je ne mentionnerai pas le nom.
Qu'est-il arrivé? La boulangerie n'était plus capable de
fonctionner; donc, un autre groupe a acheté la boulangerie, a eu une
subvention de 160 000 $, et on dit: Nombre d'emplois créés, 50.
J'ai la feuille ici, et le député de Terrebonne était avec
nous, il le sait très bien. Il est gêné quand je pose ces
questions parce qu'il sait que j'ai raison. 50 emplois créés.
D'ailleurs, je me demande si la boulangerie emploie 50 personnes;
peut-être. Mais ce ne sont pas des emplois créés. À
la fin de l'année, ne venez pas avec 50 emplois créés; au
mieux, ce sont 50 emplois conservés. Il y a une grande
différence.
Ne parlez pas de création d'emplois, vous ne créez rien.
Au mieux, vous êtes peut-être capables de retenir des emplois. On
n'a rien contre ça, mais n'arrivez pas à la fin de l'année
avec de grandes statistiques: Au Québec, en comparaison avec l'Ontario
et le Nouveau-Brunswick, on a créé 25 000 emplois. Ce ne sont pas
des emplois créés, c'est un mensonge. Juste par les questions
qu'on pose chaque mois, on a déjà trouvé qu'il s'agit
là de chiffres incorrects, exagérés, faux, ou ce sont des
emplois retenus; ce n'est pas la même chose que de la création
d'emplois.
On a parlé de communication entre les ministères parce que
ça touche le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il y a
d'autres programmes. Par exemple, 241 000 $ - ce n'est pas son
ministère, c'est celui du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu - dans le programme PRET pour les
bénéficiaires de l'aide sociale. Savez-vous quelle sorte de
programme c'est? Ce sont des programmes de douze semaines parce que,
après douze semaines, on dit: Va au fédéral chercher de
l'assurance-chômage. C'est un programme pour lequel on paie 241 000 $. Un
autre exemple, PAT, le programme d'aide au travail, 535 000 $. C'est encore la
même chose, on vous donne du travail pendant douze semaines, et va
chercher de l'argent au fédéral. S'il vous plaît, soyez un
peu plus sérieux parce que vous jouez avec l'argent du même
contribuable.
J'ai fait ces remarques parce que le ministre est ici et je n'avais
jamais eu l'occasion de lui parler de cela. S'il dit: Le député
de Sainte-Anne prend juste quatre exemples, je suis prêt à faire
un débat dans Lotbinière, dans votre comté, devant votre
peuple, et je viendrai avec la liste de toutes ces subventions. On va les
analyser une à une et vous donnerez les réponses. Je vous
suggère d'instaurer un système de vérification. Savez-vous
qu'à Montréal, il y a des intermédiaires, il y en a
même quelques-uns qui ont travaillé pour la SDI, qui sont
maintenant des intermédiaires commerciaux? Ils connaissent le
système et ils appellent quelqu'un pour lui dire: Voulez-vous avoir une
subvention de la SDI? Je suis capable de le faire, j'ai travaillé
là, je peux vous aider. Évidemment, ça coûte tant;
donnez-moi un pourcentage et je serai votre agent. C'est une entente ordinaire,
commerciale, honnête, et je n'accuse personne. C'est un ancien
fonctionnaire, quelqu'un qui connaît le système et il s'occupe de
faire la présentation. J'aurais des exemples de beaucoup d'emplois
créés. Cela va très bien, il prépare la formule
pour obtenir la subvention.
M. le ministre, s'il vous plaît, assurez-vous de vos
fonctionnaires et de la SDI, vérifiez, parce que vous investissez des
millions de dollars dans des affaires qui ne valent pas un cent alors que, dans
d'autres cas, ça vaut beaucoup et vous refusez de le faire. C'est
vrai.
Le député de Shefford, tout à l'heure, parlait de
notre représentation commerciale à l'extérieur. L'argent
au Maroc, 55 000 $, 75 000 $ par année pour quelqu'un qui va au Maroc
enseigner aux petits Marocains. J'ai demandé ce qu'ils vont faire.
Est-ce qu'ils vont enseigner le marocain ou s'ils apprennent quelque chose du
système marocain pour enseigner au Québec? Non. Le
président du Conseil du trésor a répondu: Ces
Québécois, c'est vrai que cela coûte 75 000 $ pour qu'ils
enseignent aux petits Marocains de huit et neuf ans parce que, quand ces
gens-là auront 18, 20 et 21 ans, ils vont dire: Je suis en commerce; je
vais acheter quelque chose dans la province de Québec parce que mon
ancien professeur, c'est un Québécois. On paie quelqu'un 75 000 $
par année, qu'on loge au Maroc, pour enseigner aux petits Marocains et,
de cette façon, on va promouvoir le commerce de la province de
Québec! S'il vous plaît! Apprenez donc quelque chose du
système commercial ordinaire dans le monde parce que vous ne connaissez
rien là-dedans. Vous rêvez. Évidemment, il a répondu
que ce professeur représente la fierté québécoise.
C'est important d'avoir une fierté nationale. Il faut être
présent partout. On a des délégations. La moitié
des gens des délégations ne travaille pas du tout sur le plan
commercial. Ces gens travaillent sur le plan des communications, sur des
programmes qui existent ici. Mais, au point de vue des représentants
commerciaux, il n'y en a pas assez, et, s'il y en a, ils ne connaissent pas
leur métier assez bien.
M. le Président, ce sont les raisons pour lesquelles je parle sur
le projet de loi no 75. Je suggère au ministre... Je n'ai rien contre la
SDI. On est tous pour cette société. On est en faveur
d'élargir le programme, mais on demande une chose: une
vérification. On n'a pas besoin de nommer d'inspecteurs. Envoyez donc,
de temps en temps, quelques inspecteurs. Je l'ai fait moi-même, à
mes frais. J'ai appelé quelques compagnies à Montréal
parce que je les connaissais. J'ai dit: Vous avez reçu 75 000 $ et vous
avez créé 33 emplois. Est-ce que c'est vrai? Une minute,
Maximilien! Cela n'a pas fonctionné du tout. On n'a pas
créé 33 emplois, peut-être trois ou quatre.
J'espère, si cela fonctionne, d'en créer plus. Envoyez quelqu'un
pour vérifier si, après une année, la compagnie existe
encore, si cela vaut la peine de continuer parce que, très souvent, les
subventions sont données sur une période. Peut-être
qu'après un an vous allez dire que cette compagnie a vendu une histoire.
On coupe la subvention. Avec cet argent, on va ailleurs.
Je me rappelle très bien avoir demandé au président
du Conseil du trésor comment il se fait qu'on a refusé de
l'argent à une compagnie qui, pour continuer, avait besoin d'argent. Il
a répondu: Savez-vous pourquoi? C'est parce que nous voulons aider la
compagnie qui oeuvre dans la haute technologie. Il a donné l'exemple du
Japon. La haute technologie, c'est important. J'ai dit: De temps en temps, il y
a une compagnie qui emploie 200 ou 300 employés, avec de la vieille
machinerie, et cela roule encore. Avec une subvention de 100 000 $, on est
capable de continuer à faire fonctionner la compagnie. Ils ne veulent
pas faire cela. Pensez à cela aussi. C'est important.
Au point de vue de la vérification, vérifiez, de temps en
temps, votre système de fonctionnement de la SDI. Vérifiez le
rôle des intermédiaires. Vérifiez où l'argent est
placé, le rendement de l'argent. On a vu des exemples où l'argent
avait été donné aux compagnies. J'en ai parlé ce
soir. La compagnie ne fonctionne plus, elle est en "receivership". Je ne veux
pas dire que le ministère ou la SDI aurait dû prévoir cela.
Mais je trouve bizarre qu'on donne des subventions et que, six mois plus tard,
la même compagnie ne soit plus en affaires. Si on avait bien
vérifié les livres de la compagnie, on aurait peut-être pu
découvrir que cette compagnie n'était pas viable. Au lieu d'y
investir 100 000 $, on aurait pu les investir ailleurs. Il s'agit, M. le
Président, de millions de dollars. Il n'y a pas de vérification.
Cela a été donné, de temps en temps, au hasard. Il y a
exagération du nombre d'emplois créés. Très
souvent, au lieu de créer des emplois, c'est pour retenir les emplois.
Très souvent, on dit qu'il n'y a aucun emploi de créé
parce qu'on refuse de donner les chiffres. À la fin de l'année,
le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme transfère les
chiffres et on voit, dans les journaux: Tant d'emplois créés au
Québec. Si c'était vrai, comment se fait-il que nous sommes
tellement dans le pétrin? Parce que si on compte, à la fin de
l'année, les emplois que vous dites qu'on a créés avec vos
subventions, cela va très bien ici.
J'ai fait la démonstration avec une dizaine d'exemples et je peux
donner une tonne d'exemples. On pose une question au ministre. Il connaît
déjà notre système. Il dit: Ah! Le député de
Sainte-Anne, cassette no 5. C'est ce qu'il dit. Je lui dis: Oui,
réponse, cassette no 2, parce qu'il a juste deux cassettes. Au moins,
j'en ai cinq. On prend les cas un par un et on ne lâche pas parce que
c'est notre argent, c'est votre argent, c'est l'argent du public et on veut
savoir où on a investi. Nous sommes d'accord. Nous sommes tous pour
cela. Mais la peur qu'on a, porte sur les moyens de contrôle, de
vérification, du choix de vos objectifs, car nous voulons que notre
argent travaille bien pour le bénéfice de tous les
Québécois et Québécoises, de tous les travailleurs
et travailleuses, comme le ministre le dit, je
suis d'accord avec ça.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mille-Îles.
M. Jean-Paul Champagne
M. Champagne: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
de parler ce soir du projet de loi no 75, Loi modifiant la Loi sur l'aide au
développement industriel. Oui, M. le Président, le
côté économique a toujours été une
priorité du gouvernement, et on le voit par le dépôt de ce
projet de loi no 75. En effet, on voit que le but de ce projet de loi est
d'élargir le champ d'action de la SDI, la Société de
développement industriel. C'est important pour le gouvernement, le
développement industriel, et, d'année en année, on injecte
davantage des sommes d'argent pour aider les petites et moyennes
entreprises.
Par le projet de loi no 75 qui oeuvre actuellement dans le secteur
manufacturier spécifiquement, on veut y ajouter le secteur touristique
et le secteur tertiaire.
La priorité du gouvernement a toujours été le
domaine économique. On l'a vu ce matin, le ministre d'État au
Développement économique, M. Bernard Landry, annonçait un
programme de création d'emplois, d'aide à l'entreprise et de
stimulation à l'économie. Aujourd'hui, le gouvernement lance un
programme spécifique de stimulation de l'économie, de
création d'emplois et d'aide à l'entreprise.
En effet, 230 000 000 $ seront injectés dans l'économie
québécoise, qui créeront des dizaines et des dizaines
d'emplois. 230 000 000 $ qui ont été annoncés ce matin par
le ministre d'État au Développement économique vont
injecter globalement 700 000 000 $ à 1 000 000 000 $. On voit la
préoccupation du gouvernement à relancer l'économie.
Ces jours-ci, nous aurons d'autres programmes dans tous les domaines,
que ce soit pour l'agriculture et pour l'environnement.
Je voudrais faire un court historique de la Société de
développement industriel. Elle a été créée
en 1971 et elle avait pour but d'accélérer la modification de la
structure industrielle. Quelques années après, en 1974, son
mandat a été élargi. On a créé un programme
d'assistance financière pour favoriser l'exportation, entre autres. En
1977, la Société de développement industriel a pris un
nouveau tournant. En effet, le gouvernement du Parti québécois a
lancé deux programmes qu'on a appelés l'Opération
Solidarité Économique, OSE, spécialement
créés pour aider au financement des petites et moyennes
entreprises. Les petites et moyennes entreprises au Québec font notre
force économique. C'est notre préoccupation, comme gouvernement,
de les aider spécifiquement et aujourd'hui, dans une région comme
la Beauce, particulièrement, les petites et moyennes entreprises font
que cette région économique est autosuffisante. Cette
région économique qu'est la Beauce fait en sorte que le taux de
chômage soit le plus bas partout dans la province. Chaque fois que les
Québécois se sont pris en main et qu'ils n'ont pas attendu d'aide
financière d'ailleurs, on a vu des régions qui, au point de vue
financier, au point de vue économique, se sont aidées et ont
passé à travers.
En 1977, il y a eu le financement des entreprises de l'industrie du
textile, du vêtement, de la chaussure et des meubles et la
Société de développement industriel a aidé
énormément dans tous les secteurs. Avec le projet de loi no 75,
on voit la préoccupation du gouvernement d'aider davantage les
Québécois et d'aider aussi d'autres secteurs.
M. le Président, on voit dans le projet de loi no 75, à la
section 11, Aide financière, quels sont les objectifs économiques
de la Société de développement industriel. Ces objectifs
sont les suivants: premièrement, une consolidation et une transformation
de la structure industrielle; un autre objectif économique de la SDI,
entre autres, est le développement de l'exportation des biens et
services. Bien sûr, nous, au Québec, avons à exporter et
dans le monde entier nous devons faire face à une concurrence
très forte des pays très industrialisés, que ce soit la
France, le Japon ou les États-Unis, et nous devons aider, par
l'intermédiaire de la Société dedéveloppement industriel, à l'exportation des biens produits
au Québec.
Un autre objectif économique de la SDI est de voir à la
participation accrue de la population à l'activité
économique. Tout à l'heure, je donnais l'exemple d'une
région qui s'est prise en main, la Beauce, où on connaît
aujourd'hui un taux de chômage des plus bas. Un autre objectif
économique de la SDI est l'amélioration de la qualité de
la gestion des entreprises. Enfin, un dernier objectif, la création de
nouveaux emplois. La SDI, depuis qu'elle existe, a énormément
aidé la petite et moyenne entreprise. Il me fait plaisir, ce soir, de
donner quelques exemples. Dans le comté de Mille-Îles, entre
autres, nous avons une industrie, les vins Geloso. Avec une prise en charge par
la SDI, les vins Geloso ont pu investir 2 200 000 $ et soutenir 40 emplois.
C'est l'un des bienfaits de la SDI.
Dans Laval, une autre industrie, Hymac Limitée, qui se
spécialise dans l'équipement des usines de pâtes et
papiers: investissement de 3 000 000 $ et consolidation de 197 emplois.
Dans la Beauce, un manufacturier de bicyclettes, Procycle Inc.:
investissement de 2 600 000 $ et 70 emplois créés.
Dans le comté d'Iberville, la manufacture Ballin Inc.,
manufacture de vêtements pour homme: investissement de 700 000 $ et 94
emplois créés.
La SDI a aussi fait un investissement dans le comté de
Lafontaine, Les émailleurs Laurentide Ltée. Genre d'entreprise:
revêtement de métaux. L'investissement a été de
près de 910 000 $; le nombre d'emplois créés, 30.
Dans le comté de Deux-Montagnes, la Société de
développement industriel a investi 4 000 000 $ dans l'entreprise Polylab
qui voit à la fabrication de produits pharmaceutiques. Emplois
créés, 54.
Dans le comté de Sainte-Anne... C'est de valeur de ne pas voir
ici le député du comté de Sainte-Anne qui a accusé
les chefs d'entreprises de mentir. Je suis indigné de voir que, quand un
chef d'entreprise arrive avec un programme et dit que cela crée tant
d'emplois, M. le député de Sainte-Anne ne le croit pas. Je
considère que c'est assez insultant. Alors, dans le comté de
Sainte-Anne, la Société de développement industriel a fait
un investissement de 850 000 $ dans la fabrication de charcuterie, de jambon,
de boeuf fumé et de bacon. À ce moment-là, les Aliments
Cado Ltée ont créé 6 emplois.
Une voix: Chaque job est important. (22 h 40)
M. Champagne: On pourrait en nommer et en nommer. Je voudrais
aussi dire que la préoccupation du gouvernement, au point de vue
économique est très importante. En avril 1982, le
ministère de l'Industrie et du Commerce a eu un programme d'urgence
d'entreprises. La Société de développement industriel a
aidé 41 entreprises avec un montant de 12 700 000 $ et a
sauvegardé 2300 emplois.
Le ministre de l'Industrie et du Commerce a rencontré ces
jours-ci des financiers européens qui venaient d'Ottawa. Ils se
plaignaient ou ils constataient qu'il n'y avait pas de stratégie
économique. Je pense que le gouvernement prend ses
responsabilités. On voit, par la loi 75 particulièrement, par son
programme de relance économique, par son programme de création
d'emplois, cette stratégie économique qui va faire en sorte que
nous allons passer, j'espère, le plus vite possible, à travers
cette crise économique.
M. le Président, je pense que la loi 75 va aider toutes les
petites et moyennes entreprises dans un champ encore plus large qui va faire en
sorte que les Québécois, au point de vue industriel et au point
de vue économique vont se prendre en main, comme ils l'ont fait dans le
passé. Toutes les fois que les Québécois ont eu confiance
en eux, toutes les fois qu'ils ont présenté du dynamisme et de
l'ingéniosité, ils ont réussi. La Beauce en est un
exemple. Les régions d'Abitibi et du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont
donné cet exemple.
M. le Président, par cette loi 75, on va espérer qu'il y
aura une solidarité entre tous les agents du milieu économique,
à savoir les chefs d'entreprises, les travailleurs et les
professionnels, pour faire en sorte que tous ensemble, nous puissions aider
à l'essor économique du Québec. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): La deuxième lecture
du projet de loi no 75, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement
industriel, est-elle adoptée?
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Brassard: On demanderait un vote enregistré, que nous
vous demandons aussi, par ailleurs, de reporter à la séance de
demain.
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est donc
accordé.
M. le leader.
M. Brassard: On reprendrait le débat sur le projet de loi
no 70 en vous indiquant que le député de Saint-Hyacinthe, qui
avait demandé l'ajournement, cède sa priorité, si l'on
veut, au député de Nicolet.
Reprise du débat sur la deuxième lecture
du projet de loi no 70
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est donc la reprise du
débat sur la motion du ministre délégué à
l'Administration et président du Conseil du trésor qui propose
que le projet de loi no 70, Loi concernant la rémunération dans
le secteur public, soit maintenant lu pour la deuxième fois. La parole
est au député de Nicolet.
M. Yves Beaumier
M. Beaumier: Merci, M. le Président. Depuis le
début du débat sur la loi 70, on en a entendu de toutes sortes.
L'impression que j'en retire, c'est qu'il y a dans cette Chambre des gens qui
semblent vivre à peu près sur une autre planète. On
croirait à entendre les gens de l'Opposition, soit dans leur volet
Opposition officielle ou officieuse ou marginale ou subversive, que le
Québec est le seul à vivre actuellement une situation
financière qui soit difficile. On oserait nous faire croire que nulle
part ailleurs, que ce soit en Europe ou tout autour de nous, une
société doit vivre et relever les défis que sont les
nôtres. On aurait peut-être des raisons de croire qu'effectivement
le Québec est plus durement touché qu'ailleurs. Cela pourrait
aussi s'expliquer par le fait qu'il jouit dans notre système d'un genre
de statut
particulier qui fait qu'en ce qui concerne, par exemple, les taux
d'intérêt plus élevés au Canada qu'aux
États-Unis, effectivement, cela a un impact plus dur pour le
Québec étant donné non seulement que sa structure
industrielle est basée pour l'essentiel sur la petite et moyenne
entreprise, mais aussi parce que la structure financière même de
nos petites et moyennes entreprises n'est pas suffisamment basée sur du
capital-actions, n'est pas basée non plus sur des obligations, mais
plutôt sur des prêts à court terme qui sont à la
merci des fluctuations des taux d'intérêt. On pourrait croire
aussi que, compte tenu des accords fiscaux - disons plutôt des
désaccords fiscaux - la perte de tout près de 600 000 000 $ a
affecté effectivement le Québec plus que d'autres endroits. Il y
a aussi, à la suite des taux d'intérêt, des fermetures, un
certain nombre de mises à pied qui ont eu un double effet: d'une part,
réduire les revenus de l'État puisque n'ayant plus d'emplois,
cela coupe au niveau des taxes et des impôts et, d'autre part, cela a
aussi comme effet, compte tenu du resserrement qui s'est installé au
niveau de l'assurance-chômage, de verser plus vite que prévu ces
gens sur l'aide sociale, donc, au budget du gouvernement du Québec.
Mais il y a une chose qui est importante, c'est de voir si effectivement
ce que vit le Québec est si spécial et si spécifique. On a
cette tendance - je pense que c'est un trait de notre histoire et c'est
peut-être un trait de notre caractère aussi -de croire que nous
sommes moins bons qu'ailleurs, que devant des situations difficiles, et plus
difficiles ici qu'ailleurs, on a de moins bonnes solutions.
Je me suis permis, M. le Président, d'aller voir un peu comment
se situaient les budgets d'autres sociétés qui sont à peu
près semblables à la nôtre pour vérifier comment la
crise économique se vivait et comment cette crise se traduisait au
niveau des finances publiques et plus particulièrement dans
l'élaboration des budgets.
J'ai pris connaissance - c'était dans le Nouvel Observateur de la
semaine du 3 au 9 avril 1982 - de ce qui se dit en France et c'est
intitulé: "Pour limiter le déficit budgétaire, il n'y a
pas 36 solutions et aucune n'est agréable. Les vaches maigres de 1983."
On rappelle les paroles du président de la République: "Ne vous
faites pas d'illusions, ce sont des décisions désagréables
pour vous que va impliquer la volonté du président de la
République de limiter le déficit budgétaire". Comme
mesures suggérées et retenues, il y avait, entre autres, la
majoration du prix payé par l'usager en ce qui concerne les services
publics. "Il faudra opérer brutalement par une majoration rapide de 13%
en moyenne." Autre mesure: "il faudra augmenter d'un point les cotisations de
la sécurité sociale, et ce, sur la totalité des salaires."
Autre mesure, pas agréable non plus, c'est "l'augmentation des
cotisations de retraite complémentaires d'un point pour les non-cadres
et de deux points pour les cadres." M. le Président, ce sont les
décisions qui ont été prises, entre autres, en France.
J'ai également vu dans la Presse du lundi 22 février ce
qu'il en était en Belgique. "Face à une situation
économique que tous jugent catastrophique et qui commande une
intervention urgente, le gouvernement chrétiens-libéraux de la
Belgique - chrétiens-libéraux, c'est quasiment symbolique, M. le
Président - a obtenu, au début du mois de février, des
pouvoirs spéciaux dont il pourra se prévaloir jusqu'à la
fin de 1982. La Belgique se porte plutôt mal, l'industrie belge a perdu
le sixième de ses effectifs. Le charbonnage, la sidérurgie et les
textiles sont particulièrement touchés par les licenciements.
Contraint d'agir rapidement, le gouvernement a décidé d'imposer
par la voie des pouvoirs spéciaux des mesures douloureuses, comme le
soulignait lui-même le premier ministre, M. Martens. Douloureuses, elles
le seront sûrement, car elles s'attaquent à quelques tabous dont
le plus vivace est l'indexation automatique des salaires. Parmi les plus
importantes mesures, on notera - j'aimerais que vous portiez attention, M. le
Président -la suspension temporaire de l'indexation automatique des
salaires à la hausse des prix et les bas revenus jouiront
néanmoins d'une pleine indexation; deuxièmement, pour certaines
catégories de salariés, une diminution de 3% du salaire
réel, en 1982; des subventions aux petites et moyennes entreprises en
vue de stimuler l'embauche des jeunes chômeurs; une réduction des
salaires de 5% dans les entreprises subventionnées par l'État et,
finalement, aussi une réduction sensible des dépenses publiques."
C'est ce qui se passe en Belgique. (22 h 50)
On voit même M. Jean-Luc Dehaene, ministre des Affaires sociales
et des Réformes institutionnelles, signaler que, dans la crise actuelle,
il faut préserver l'essentiel du système, mais en tenant compte
des réalités, ce qui veut dire faire des choix et même
revenir sur certains acquis de la période de croissance. Pour vous dire,
M. le Président, jusqu'où ils peuvent aller, pour freiner les
dépenses de maladie, première cause du déficit, le
gouvernement n'instaure pas, mais relève le ticket modérateur, et
il veut aussi responsabiliser davantage les médecins au moyen des fameux
profils médicaux déjà en usage en France. Les allocations
familiales sont réduites, pour 1982, de 65 francs français par
foyer.
Ce sont les mesures qui sont prises en Belgique. Il est même
signalé qu'en ce qui concerne la position des syndicats, ils disent
que les syndicats ne sont pas totalement opposés à une
telle politique dans la période actuelle. Ils l'ont prouvé
d'ailleurs en acceptant, l'an dernier, un accord de modération des
salaires. Ils entendent obtenir, en contrepartie - c'est un peu ce qu'on vit
ici au Québec - des garanties en matière de création
d'emplois, des garanties qui n'auront pas été données
jusqu'ici mais que nous avons données entre autres par la
déclaration ministérielle du ministre d'État au
Développement économique ce matin.
Vous allez me dire que c'est en France, que c'est en Europe, c'est loin
et c'est ailleurs. Passons aux maritimes. J'ai devant moi le budget du
Nouveau-Brunswick, les prévisions budgétaires pour l'année
1982-1983. Si on regarde les opérations budgétaires et les
opérations non budgétaires, les emprunts nets projetés
sont de 500 000 000 $, ce qui veut dire que les emprunts nets projetés
représentent 20% du budget du Nouveau-Brunswick, alors qu'ici, c'est
autour de 9%. Si on va un peu plus dans les détails, dans les
modifications fiscales, au Nouveau-Brunswick toujours, l'impôt sur le
revenu des particuliers est augmenté alors que le gouvernement
provincial, porte son taux de taxation de 52,4% à 55,5% de l'impôt
fédéral de base, résultat de la suppression de la
réduction d'impôt de 5,5% pour les particuliers qui avait
été introduite par étapes successives de 1976 à
1979.
Je peux également sortir les prévisions budgétaires
de la Nouvelle-Écosse, toujours pour l'année 1982-1983. En ce qui
concerne les emprunts nets projetés, c'est 400 000 000 $ sur un budget
de dépenses de 2 696 000 $, ce qui veut dire que la part des emprunts
nets est de 15% alors qu'ici, au Québec, elle est de 9%. Quant aux
modifications fiscales en Nouvelle-Écosse, je vais vous en lire une
litanie. Plusieurs hausses de taxes devraient générer 182 000 000
$ de revenus additionnels. L'impôt sur le revenu des particuliers est
augmenté. L'impôt sur le revenu des grandes sociétés
subit une hausse. La taxe de vente voit son taux porté de 8% à
10%, et non pas à 9%. La taxe sur l'essence augmente de 0,047 $ à
0,078 $ le litre. La taxe sur les boissons alcooliques et la bière et la
taxe sur les cigarettes et le tabac - je ne sais pas s'ils ont les mêmes
problèmes, mais ils semblent avoir les mêmes solutions -est
augmentée respectivement de 0,06 $ la bouteille de bière et de
0,08 $ le paquet de cigarettes. On pourrait continuer comme ça, M. le
Président.
On va me dire que c'est dans les provinces maritimes. Ce sont des
provinces un peu moins argentées. On va encore suivre le soleil, M. le
Président. On arrive au Manitoba, sommaire des prévisions
budgétaires 1982-1983. Les besoins nets financiers: 900 000 000 $;
emprunts nets projetés: 900 000 000 $. C'est rendu à 30% du
budget, soit la part qui est exigée pour les emprunts nets
projetés comparativement, toujours, aux 9% du budget du
Québec.
Quant aux modifications fiscales, l'impôt sur le revenu des
particuliers est augmenté alors qu'une surtaxe représentant 20%
de l'impôt provincial à payer s'appliquera sur les revenus
imposables supérieurs à 25 000 $. La taxe sur le carburant diesel
augmente de 15%. La taxe sur le tabac et les cigarettes augmente ainsi que la
taxe sur les boissons alcooliques. On va me dire que c'est le Manitoba.
J'arrive à la province de l'Alberta qui est, soi-disant, riche,
qui roule sur l'or noir en plus. C'est dans le journal Les Affaires du samedi
24 avril 1982. "L'Alberta, dans le rouge, pour la première fois depuis
dix ans. À la suite de l'annonce par le trésorier de l'Alberta,
M. Lou Hyndman, d'un déficit de 2 044 000 000 $ pour 1982-1983, la dette
nationale de l'Alberta a plongé dans le rouge - ce qui n'est pas le cas
ici, heureusement -pour la première fois depuis dix ans. Ce
déficit - c'est ce qui est plus grave -effacera en effet, en une seule
année, 1982-1983, le surplus budgétaire de 2 300 000 000 $
accumulé au cours des dix dernières années. Le
déficit du gouvernement albertain, pour l'exercice en cours,
représente 27,3% du budget. Toutefois, M. Hyndman ne croit pas que tout
le potentiel économique sera réalisé en 1982 même si
l'Alberta sera la province la moins touchée par la récession."
C'est ce qui se passe en Alberta.
Je passe rapidement en ce qui concerne le gouvernement du Canada. Il y a
assez d'histoires tristes, M. le Président. J'aimerais tout simplement
souligner que la dette publique au Canada, au budget d'Ottawa, a fait un bond
de 35% de toutes les dépenses fédérales. C'est le service
de la dette publique qui connaîtra la plus forte augmentation cette
année en faisant un bond de 35% pour atteindre 16 700 000 000 $.
En présentant ces chiffres au Parlement, le président du
Conseil du trésor, M. Donald Johnston a soutenu que cette croissance
spectaculaire s'expliquait par la hausse des taux d'intérêt et la
taille globale de la dette elle-même. Il conclut: "Ottawa est victime de
sa propre politique monétaire et doit payer de plus en plus cher pour
emprunter les fonds dont il a besoin. On n'avait pas prévu - et vous
voyez la nafveté et l'incompétence - dans le budget principal
1981-1982 - c'est toujours M. Johnston qui parle - la forte augmentation des
taux d'intérêt", avoue le document fédéral. L'erreur
est de taille puisqu'elle est l'équivalent de quatre fois le budget
annuel de la ville de Montréal. Ottawa consacrera le quart de son budget
au paiement de ses dettes.
Ceci dit, M. le Président, c'est peut-être pour
éviter qu'au Québec - puisqu'on s'occupe vraiment plus du
Québec - comme société, comme Assemblée nationale
et comme gouvernement, on en arrive à se diminuer d'une façon non
seulement inutile, mais qui n'avance à rien et pour revenir plus
précisément, après avoir bien vérifié que ce
que nous vivons au Québec, c'est comme ailleurs, que ce soit en Europe
ou dans les provinces qui nous entourent. C'est la même récession
économique, c'est la même situation financière difficile et
qui oblige effectivement à présenter un budget quand même
équilibré.
Là, on se dit: Bon! si on était une entreprise, c'est
peut-être une imagination qu'on pourrait se permettre, si, comme
gouvernement, nous n'étions qu'une entreprise, sauf que nous ne sommes
pas qu'une entreprise, nous sommes à la fois une entreprise et un
gouvernement. Si nous n'étions qu'une entreprise, qu'est-ce qu'on
ferait, M. le Président? On réunirait certainement les
employés, on leur dirait que nous sommes dans une difficulté
budgétaire, on leur dirait que nous n'avons plus d'argent
supplémentaire, on aurait le choix et on leur suggérerait le
choix: ou on serait obligé de congédier une partie de nos
employés d'une façon temporaire ou d'une façon
définitive, ce qui a été écarté, ou on
aurait à congédier tout le monde pour un petit bout de temps ou
encore on aurait à leur offrir, comme certaines entreprises le font, une
baisse des salaires sur une base volontaire ou non, ou on aurait le choix de
fermer tous nos services pendant un mois, deux mois ou trois mois. (23
heures)
C'est une chose qu'on pourrait peut-être faire, comme employeur,
dans une entreprise. Mais, comme gouvernement, nous ne pouvons le faire, parce
que nous avons, entre autres, cette responsabilité de toute la
population, cette responsabilité budgétaire. Nous ne pouvons plus
aller - et je pense que mes collègues l'ont prouvé abondamment
-faire des emprunts sans augmenter indûment le déficit. On ne peut
pas non plus rogner davantage, compresser davantage les services, tout le monde
a fait son effort. Il n'y aurait donc qu'un seul choix, ce serait d'aller, pour
payer nos employés, comme gouvernement, chercher de l'argent chez les
autres employés, chez les autres travailleurs.
L'une des deux principales responsabilités du gouvernement
à part la législation, c'est sa responsabilité
budgétaire. La solution qui est proposée au problème, qui
n'est que d'ordre budgétaire, a été et est toujours de
demander un effort aux salariés des secteurs public et parapublic. C'est
une solution que je considère, d'une part, morale, et c'est une solution
aussi qui est doublement sociale-démocrate. Elle est doublement
sociale-démocrate parce qu'elle évite une
inéquitabilité encore plus grande entre les travailleurs du
secteur public et du secteur privé. Elle est aussi
sociale-démocrate parce qu'à l'intérieur même du
secteur public, il y a, dans l'offre, une modulation qui fait, comme chacun
sait, que les plus bas salariés n'auront pas à payer en argent
réel et que les plus hauts salariés pourront effectivement faire
l'effort que la société a déjà fait.
Ceci dit, M. le Président, et ce sera ma conclusion, il faudrait
si possible - j'en appelle à tous mes collègues de l'Opposition -
éviter de se diminuer et de faire croire qu'au Québec, c'est pire
qu'ailleurs et que nous sommes pires qu'ailleurs. D'autre part, il faut faire
un appel à tous ceux et à toutes celles qui, dans les secteurs
public et parapublic, profiteront de l'ouverture qui est faite par le
gouvernement et donneront suite aussi à cet idéal
social-démocrate. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Viau.
M. William Cusano
M. Cusano: M. le Président, je vous promets que je ne
ferai pas le tour du monde, en parlant du projet de loi no 70, comme l'a fait
le député de Nicolet qui s'est promené en Belgique, en
France, dans les provinces atlantiques et dans le reste du Canada. Le projet
70, que nous étudions ce soir, est un projet de loi concernant la
rémunération dans le secteur public, c'est-à-dire la
fonction publique et le personnel des secteurs de l'éducation, des
affaires sociales et des organismes gouvernementaux. Il est parrainé par
M. Yves Bérubé, ministre délégué à
l'Administration et président du Conseil du trésor. Permettez-moi
de vous lire les notes explicatives de ce projet de loi. On dit: "Ce projet de
loi vise à assurer la réalisation des équilibres
budgétaires prévus par le discours sur le budget prononcé
à l'Assemblée nationale par le ministre des Finances, le 25 mai
1982. Au deuxième paragraphe, on y dit: "II prévoit la
rémunération qui sera versée, à défaut
d'entente - je répète - à défaut d'entente, aux
salariés du secteur public pour la période des trois mois qui
suit la date prévue pour l'expiration de leurs conventions collectives.
Il limite, en outre, pour l'année 1983, les avancements d'échelon
sous réserve d'une entente entre les parties. Il assure, quant au reste,
le maintien des conditions de travail jusqu'à la conclusion de nouvelles
conventions collectives." Et, au troisième paragraphe, on trouve: "Le
projet de loi permet enfin au gouvernement de tenir compte des effets de cette
loi dans la détermination des subventions qu'il verse aux organismes
concernés."
Ces notes explicatives expliquent très mal ce projet de loi, car
ce n'est pas un projet de loi qui vise à assurer la réalisation
des équilibres budgétaires, mais c'est plutôt un projet de
loi qui vise à sauver la face et les paroles du ministre des Finances.
Dans son discours sur le budget prononcé dans cette Chambre le 25 mai
dernier, le ministre des Finances nous annoncçait - et il en
était très fier - que le déficit de cette province ne
dépasserait pas les 3 000 000 000 $.
Mais, 3 000 000 000 $, c'est un chiffre énorme. Dans le temps
où les libéraux étaient au pouvoir, on ne connaissait pas
de déficit de milliards, on parlait de millions, et 1 000 000 $,
aujourd'hui, tout le monde connaît cela. On connaît des
millionnaires; on peut même gagner 1 000 000 $ à la
Loto-Québec. Savez-vous, M. le Président, si quelqu'un vous
offrait un emploi avec lequel dépenser 10 000 $ par jour, combien de
temps vous seriez embauché? Je sais que vous ne pouvez pas me
répondre de votre siège; mais il faudrait 274 années pour
dépenser 1 000 000 000 $ et si l'on parle de 3 000 000 000 $ et plus, je
laisse à votre imagination de faire le calcul. C'est 800 ans qu'il
faudrait pour dépenser les 3 000 000 000 $, en dépensant 10 000 $
par jour. Cela, c'est un beau ballon. Lorsqu'il nous annonçait que le
déficit était aux environs de 3 000 000 000 $, le ministre a
oublié de nous mentionner qu'il y avait deux conditions pour qu'il se
tienne en bas de 3 000 000 000 $. La première, c'était qu'il
fallait qu'il aille chercher chez les employés des secteurs public et
parapublic 521 000 000 $ et, deuxièmement, qu'il ne fasse pas d'erreur
et qu'il n'ait pas fait d'erreur comme dans les années
antérieures, les années 1977 à 1980, des erreurs de 200
000 000 $, 300 000 000 $, 400 000 000 $ et 600 000 000 $.
Ces notes explicatives n'expliquent pas non plus que le projet de loi no
70 est une mesure unilatérale sans précédent dans
l'histoire des relations de travail entre le gouvernement et ses
employés. On n'y explique pas non plus que ce projet de loi contredit la
libre négociation collective des conditions de travail. On n'explique
pas non plus, dans ce projet de loi, que le gouvernement renie, à toutes
fins utiles, la signature qu'il a déjà donnée au bas des
conventions collectives en vigueur jusqu'au 31 décembre 1982. Le
gouvernement, en d'autres mots, fait indirectement ce qu'il ne pouvait pas
faire directement. On n'y explique pas non plus que le gouvernement impose
unilatéralement, presque un an à l'avance, les conditions
salariales devant prévaloir pour l'année qui commencera le 1er
avril 1983. On n'y explique pas non plus que ce projet de loi va à
l'encontre d'une règle inscrite dans les conventions collectives qui
existent.
Cette règle, on la trouve aussi à l'article 59 du Code du
travail. Ce projet de loi viole cette règle de la façon suivante,
c'est qu'il prolonge arbitrairement la durée des conventions collectives
existantes sans aucune négociation, ni entente préalable avec la
partie syndicale. En général, on omet d'expliquer que cette loi
est vraiment un abus de pouvoir. (23 h 10)
Le député d'Anjou, ministre des Affaires sociales, a
trouvé le moyen de blâmer le fédéral, mais, en
même temps, il se mordait les lèvres, parce qu'il sait fort bien
que cette convention collective, c'est ce gouvernement qui l'a signée,
ce n'est pas le fédéral, ce ne sont pas, non plus, les
libéraux, c'était vous, messieurs d'en face, qui, avant le
référendum, vous êtes promenés de gauche à
droite à travers la province pour faire de beaux petits cadeaux, pour
acheter peut-être vos votes référendaires. Malheur à
ceux qui osaient refuser de signer ces ententes collectives.
Je me rappelle d'un incident qui a duré deux heures,
c'était à la Commission des écoles catholiques de
Montréal, où le présent vice-premier ministre, lui, le
grand expert en négociation syndicale, lui qui s'est creusé un
trou de 500 000 000 $ à 10 000 $ par jour 137 ans, se vantait de ses
belles ententes collectives des années 1979-1980. Je me rappelle que
cette commission scolaire avait été placée en tutelle
pendant deux heures et, vous savez, cette entente collective qui a
mécanisé l'enseignement, non seulement elle nous a
coûté cher en termes d'argent, mais, lorsqu'on parle de
l'éducation des enfants, cette entente collective imposée par ce
gouvernement nous a coûté et nous coûtera très
cher.
Aujourd'hui, où est le vice-premier ministre? Je le défie
de venir expliquer dans cette Chambre pourquoi, en 1979-1980, il jugeait bon
d'imposer ces ententes collectives et qu'aujourd'hui il accepte de renier sa
propre signature. On l'a remplacé, peut-être à cause de son
trou de 500 000 000 $; on l'a remplacé par le grand psychiatre national;
et lui, depuis quelques mois, il nous laisse entendre que ça va mal dans
le système scolaire. Il faut une nouvelle restructuration et, à
ce jour, il n'y a pas eu beaucoup de consultation. Ce ne sont que des fuites.
Et qu'est-ce qu'on attend de ces fuites?
C'est qu'il a l'intention de détruire la démocratie dans
le milieu scolaire, en abolissant et les commissions scolaires et le suffrage
universel. On voit ceci par l'immobilisme de ce gouvernement.
Lundi prochain, le 14 juin, il y aura des élections scolaires
à travers la province de Québec. Qu'a fait le ministre de
l'Éducation pour encourager la participation des gens à ces
élections? Rien, mais, lorsqu'il s'agissait de faire distribuer dans
toutes les écoles de la province de Québec un
dépliant propagandiste intitulé "Minute Ottawa", il s'est
hâté, selon ses propres mots, moins lentement. Et qu'ont
demandé les gens depuis longtemps dans cette province quant aux
élections scolaires? Ils n'en ont pas demandé l'abolition, ils
ont demandé qu'il y ait certains changements; et, de la liste qui est
très longue, j'aimerais en souligner quelques-uns: on a
recommandé plusieurs fois au ministre de l'Éducation que les
élections soient tenues à l'automne plutôt qu'en juin,
à la veille des vacances. On a recommandé qu'elles soient tenues
le dimanche et non le lundi. On a demandé un accroissement du
délai entre le moment de la présentation des candidats et le jour
des élections. On a aussi demandé d'abolir le système
électoral rotatif où le tiers de l'ensemble des commissaires
d'écoles est élu chaque année pour un mandat de trois ans,
ce qui complique la participation. On veut tenir, à la place, des
élections tous les trois ou quatre ans pour l'ensemble des commissaires.
Qu'a-t-il fait, M. le Président? Il nous a dit dans cette Chambre - son
adjoint parlementaire nous l'a dit - que la démocratie dans le milieu
scolaire, ce n'est pas bien important, c'est le gouvernement qui s'en
occupera.
Notre psychiatre national est un autre étapiste. Pourquoi
n'a-t-il pas pris ses responsabilités? Pourquoi n'a-t-il pas
informé la population qu'il y aura des élections le lundi 14
juin, dans toute la province? Qu'est-ce qui va arriver, M. le Président?
Une fois que les élections auront eu lieu et qu'un très bas
pourcentage d'électeurs se seront présentés au scrutin, il
pourra revenir dans cette Chambre et nous dire: Vous voyez, le système
est dépassé. Les gens ne sont plus intéressés,
alors, nous abolirons le suffrage universel pour les commissions scolaires, M.
le Président.
C'est une action unilatérale, comme la loi 70, comme la loi 37
sur la fusion de Baie-Comeau et Hauterive, comme plusieurs autres lois qui ont
été présentées dans cette Chambre. C'est un virus
qui est contagieux. C'est en train de devenir une maladie collective de la part
des ministres, de chacun d'entre eux, l'introduction de lois
unilatérales.
Mr. President, we are looking tonight at Bill 70, a bill that has been
set up, that has been presented in order to save the face of the Minister of
expenses - I am sorry, it is the Minister of Finance. This bill will set the
collective bargaining process back into the Dark Ages of workers' rights. Yes,
this Government, in order to buy off votes prior to the referendum, signed
generous contracts left and right across this province. Money was no object.
What is a million? What is a billion? A billion is one thousand times one
million, Mr. President. That is right, and the deficit is 3 000 000 000 $.
And now, Mr. President, we see that in order to save the face... You
know, when he says that there is only a deficit of 3 000 000 000 $, that is
conditional to two things. Number 1, he must not make errors like he did in
1978, 1979, 1980 or 1981, errors of 300 000 000 $, 400 000 000 $, 500 000 000
$, 600 000 000 $; that is the first condition. The second condition is that he
has to go and take out of the workers' pocket unilaterally 521 000 000 $.
L'adjoint parlementaire, le député de Prévost, nous
disait qu'il espérait qu'on n'applique pas cette loi, M. le
Président. Comment pouvez-vous négocier? Comment pouvez-vous
inviter les syndicats à s'asseoir à la table lorsque vous prenez
un fusil à trois canons et que vous chargez les trois canons. La
première balle, c'est une imposition unilatérale des
régimes des rentes. Vous vous rappelez cela, M. le Président?
Conventionnellement, il y a toujours eu entente entre les syndicats et le
gouvernement avant que les régimes de retraite soient
légiférés.
Le deuxième canon, avec la deuxième balle, c'est la menace
d'ouvrir unilatéralement l'entente collective. Le troisième
canon, avec la troisième balle, c'est le projet de loi que nous avons
devant nous ce soir, ce projet de loi qui, encore unilatéralement, va
piger 521 000 000 $ dans les poches des employés du secteur public. On
appelle cela en anglais "shotgun wedding". (23 h 20)
Pour ces raisons, parce que c'est un geste unilatéral qui
reculera les droits des travailleurs syndiqués dans cette province d'au
moins vingt-cinq ou trente années, M. le Président. Je vais donc
être obligé de voter contre ce projet de loi. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Vimont.
M. Jean-Guy Rodrigue
M. Rodrigue: M. le Président, j'ai écouté
avec attention le dernier intervenant, le député de Viau. Je
comprends qu'on peut l'excuser un peu, parce qu'il est entré à
l'Assemblée nationale en même temps que moi, le 13 avril 1981.
Lorsqu'il vient nous affirmer que, sous le gouvernement libéral, des
déficits de cet ordre n'existaient pas, je voudrais lui rappeler
quelques faits qui vont illustrer qu'il faut être un peu prudent
lorsqu'on fait de telles affirmations.
M. le Président, sous le gouvernement libéral qui nous a
précédés, on ne comptabilisait pas, par exemple, les
coûts des régimes de retraite des employés des secteurs
public et parapublic. Or, cette année seulement, dans le budget du
gouvernement du Québec - parce que nous, nous les comptabilisons,
ces coûts - on retrouve à ce seul article des dépenses de
l'ordre de 1 214 000 000 $. Or, le gouvernement qui nous a
précédés ne parlait pas de ces coûts. Il les
camouflait. Alors, c'est facile là de montrer des budgets qui n'ont pas
de déficits très élevés quand on camoufle des
dépenses de cet ordre.
Un deuxième élément, M. le Président, qu'il
faut également souligner au député de Viau, c'est que le
gouvernement qui nous a précédés n'a jamais indexé
les exemptions personnelles d'impôt. C'est le présent gouvernement
qu'il l'a fait, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1976. Cela
veut dire qu'en s'abstenant de poser quelque geste quant à l'indexation
des exemptions personnelles, compte tenu de la hausse des taux d'inflation et
compte tenu de la hausse des salaires qui était peut-être de
l'ordre de 10% à cette époque, ce gouvernement se trouvait
à imposer, par abstention, des taxes supplémentaires et
cachées aux Québécois sans que ceux-ci ne s'en rendent
trop compte.
Finalement, M. le Président, le facteur peut-être le plus
important, malgré que les deux autres soient quand même de taille,
c'est le fait que la situation économique, entre 1970 et 1976,
était beaucoup moins difficile que ce qu'on connaît
présentement. En fait, je pense que ceux qui ont un peu suivi
l'actualité sont en mesure de savoir que la récession
économique qui affecte actuellement le monde industrialisé, le
monde occidental, c'est la pire que nous ayons eu à subir depuis 50 ans.
Si on se fiait un peu à ce que disent nos amis d'en face, on aurait
l'impression que cette crise n'existe qu'au Québec et que ce qui se
passe au Québec n'a rien à voir avec les événements
qui se sont passés dans d'autres pays.
Celui qui, finalement, a peut-être fait les déclarations
les plus surprenantes dans ce domaine, c'est le chef de l'Opposition,
lui-même qui déclarait, ici même à l'Assemblée
nationale, le 7 juin dernier: "Le gouvernement voudrait nous faire croire que
la crise actuelle des finances publiques du Québec s'explique par la
flambée des taux d'intérêt sur le plan international." Et
il ajoutait: "C'est parfaitement ridicule, c'est parfaitement
irréaliste".
Mais, M. le Président, six jours avant, lors d'une
émission spéciale à Radio-Québec sur la crise qu'on
connaît, le même chef de l'Opposition disait: "La leçon qui
se dégage de ces faits est claire. C'est vrai que les facteurs
internationaux, que les politiques fédérales ont un rôle
à jouer dans la situation économique actuelle".
Alors, je me demande à quel moment...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Rodrigue: ... on va devoir le croire, M. le Président.
J'ai écouté les discours des représentants de l'Opposition
et, finalement, il y a constamment des contradictions comme celles-là.
Ils disent à peu près n'importe quoi et, finalement, ils se
contredisent d'un discours à l'autre ou au cours d'un même
discours.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition, question de privilège.
M. Ryan: M. le Président, je veux signaler que le
député m'a cité deux fois d'une manière
tronquée qui déforme complètement la pensée que
j'ai exprimée en ces deux occasions. J'ai signalé clairement,
dans ces deux occasions, en toute honnêteté intellectuelle que les
facteurs internationaux et les politiques canadiennes ont eu un rôle
à jouer dans la crise que nous vivons mais j'ai également
souligné avec force que les politiques et l'ineptie du gouvernement du
Québec ont également eu un râle très important. Si
le député veut me citer, qu'il me cite au complet, j'en serai
très honoré.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: Bien, M. le Président, je suis heureux que le
chef de l'Opposition vienne faire cette mise au point parce que, pendant tout
ce débat sur la loi 70, ses députés ont soutenu exactement
le contraire. Ils ont constamment répété que, s'il y avait
crise au Québec, c'était la faute du gouvernement du
Québec et qu'il ne fallait surtout pas essayer de l'expliquer en
reportant cela sur le fédéral ou sur la crise internationale. Je
suis heureux de son affirmation, ça vient confirmer ce que nous avons
dit de ce côté de l'Assemblée depuis le début de ce
débat.
Une voix: Très bien.
M. Rodrigue: M. le Président...
M. Ryan: Question de privilège, M. le
Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le chef de
l'Opposition, question de privilège.
M. Ryan: Je peux me dispenser de toute explication, mais le
député déforme encore complètement ma pensée
et je lui demanderais de respecter ma pensée s'il veut me citer, j'en
serai très honoré.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: Alors, M. le Président, j'espère que
les députés de l'Opposition vont
relire les déclarations que vient de faire le chef de leur parti
et qu'ils sauront s'en inspirer dans ce débat.
M. le Président, il est évident que le gouvernement du
Québec n'échappe pas à la crise que nous connaissons
présentement et l'effet pour ses finances, finalement, c'est que les
revenus sont moins élevés que prévu parce que, le
chômage augmentant, il y a moins de travailleurs qui paient des taxes,
qui paient des impôts directs. Également, à cause de
l'insécurité que crée une telle situation, ces
travailleurs sont moins portés à acheter des biens de
consommation, de sorte que les taxes qu'en retire le gouvernement diminuent
également. En fait, on constate un phénomène un peu
extraordinaire de ce temps-ci, c'est que l'épargne des
Québécois augmente à un rythme
accéléré alors que nous sommes en pleine période de
crise économique, et ça s'explique un peu.
Qui va aller acheter une automobile ou décider de changer de
meubles, parce que ça fait quinze ans qu'on est marié, que les
enfants ont grandi et qu'on est prêt à changer ses meubles? Qui va
aller faire ces achats avec des taux d'intérêt à 20%? Les
gens ne sont pas fous. Ils se disent: On nous promet que ça va baisser
d'ici un an, un an et demi, rien ne presse. Alors, on garde la vieille
automobile, on garde les meubles encore une année ou deux et on fera nos
achats plus tard, quand les taux d'intérêt auront baissé.
Un autre phénomène, c'est qu'on accumule des économies et,
lorsqu'on a un achat à faire, on paie comptant.
D'autre part, non seulement les revenus diminuent mais, à cause
des mêmes phénomènes, les dépenses augmentent parce
qu'on retrouve plus de gens sous le bien-être social, les charges
sociales de l'État augmentent et cela se trouve à coincer
drôlement les finances de l'État du Québec. Je vous donne
deux exemples. Au seul chapitre des taux d'intérêt, cette
année, pour le gouvernement du Québec, ça
représente des dépenses supplémentaires de l'ordre de 350
000 000 $. Cette situation s'est drôlement compliquée par la
décision du gouvernement fédéral de réduire ses
paiements de péréquation d'un montant de l'ordre de 530 000 000
$, et cette décision, nous ne l'avons connue de façon
définitive qu'au mois de février de cette année. Il
était extrêmement difficile pour le ministre des Finances de faire
des prévisions parce qu'il y a certains facteurs importants qui
déterminent les revenus du Québec et dont on a pris connaissance
il y a environ deux mois et demi ou trois mois.
Alors, ces deux seuls points représentent déjà un
écart de 855 000 000 $ et, quand on examine les montants d'argent que le
ministre des Finances a voulu récupérer en salaires chez les
salariés de la fonction publique et du secteur parapublic et en
augmentations d'un certain nombre de taxes des biens non essentiels, on en
arrive autour de ce chiffre-là. Ce n'est pas un mystère, il y a
eu des dépenses ou des diminutions de revenus de l'ordre de 885 000 000
$ qui nous sont arrivées et qu'on a connues à la toute
dernière minute. (23 h 30)
À ce niveau, la situation du gouvernement du Québec
ressemble un peu à celle de l'ensemble de nos concitoyens. Ceux qui ont
eu à renouveler des emprunts hypothécaires sur leur maison cette
année et qui avaient des hypothèques qu'ils avaient
négociées il y a environ cinq ans à 11 1/2% se voient
contraints de payer environ 20% d'intérêt sur ces
hypothèques, ce qui représente peut-être 250 $ de plus par
mois.
Ces gens sont pris dans la même situation que le gouvernement.
Comme ils n'avaient pas prévu cela et comme les 250 $, c'est une somme
tout de même assez importante qui vient drainer leurs ressources, ils
sont obligés de couper sur d'autres dépenses et de
rééquilibrer leur budget. Ils vont retarder l'achat de l'auto,
ils vont retarder l'achat des meubles, ils ne prendront pas de vacances. Enfin,
ils prennent les moyens pour équilibrer leur budget. C'est la même
chose que le gouvernement du Québec fait.
D'autre part, lorsqu'on a été confrontés avec cette
situation, on a eu à se poser la question suivante: Où est-ce
qu'on va prendre l'argent? Est-ce qu'on va augmenter les impôts? Ou
encore, est-ce qu'on va diminuer les services à la population? Ou
encore, est-ce qu'on va réduire les dépenses? Au niveau des
impôts, nous avons un fardeau fiscal plus élevé que ceux
des citoyens des autres provinces. Cela se comprend un peu parce
qu'effectivement, le gouvernement du Québec donne plus de services
à la population que ce qu'on peut constater dans les autres provinces.
Mais, en période de récession économique, il était
absolument contre-indiqué d'aller augmenter les impôts parce que
là, cela aurait été un facteur qui aurait encore
diminué les achats des ménages et, à ce moment, qui aurait
créé encore plus de chômage dans nos industries.
Par ailleurs, au niveau des compressions budgétaires, nous en
avons fait pour 800 000 000 $ l'an passé, nous en faisons pour 760 000
000 $ cette année. Il y a eu des coupures de programmes dans les
services de santé, de l'ordre de 45 000 000 $. Il était
extrêmement difficile de faire plus dans le domaine des compressions
budgétaires.
Finalement, il ne reste qu'un seul endroit où nous sommes
capables de trouver l'argent pour rencontrer le manque à gagner de 885
000 000 $ dont j'ai parlé au début et c'est au niveau de la
rémunération des employés des secteurs public et
parapublic.
Pourquoi à ce niveau? Parce qu'on constate que la
rémunération globale en moyenne de ces salariés est de
l'ordre de 13% ou 14% de plus que ceux qui exercent des fonctions
équivalentes, pour ceux avec lesquels des comparaisons sont possibles,
dans les entreprises privées de 500 employés et plus,
syndiqués. On ne compare pas cela au salaire minimum. On compare cela
aux entreprises où les travailleurs sont syndiqués, de grosses
entreprises de 500 salariés et plus. Malgré cela, la
rémunération globale incluant les bénéfices
marginaux dépasse, en moyenne, de 14% celle des employés du
secteur privé.
Est-ce qu'on peut demander aux employés des secteurs
privés de supporter un tel écart? Est-ce qu'en période de
récession économique, alors qu'eux-mêmes ont à faire
face à des mises à pied, à des réductions du temps
de travail, ou encore à des réductions de salaire dans certains
cas négociées avec les employeurs, est-ce que, dans une situation
comme celle-là, il aurait été convenable pour le
gouvernement de leur demander en plus de supporter par des emprunts
additionnels ou par des taxes additionnelles des salaires qui dépassent
les leurs d'un ordre de grandeur tout de même appréciable? Je
pense que là, on entre dans le domaine de l'équité
sociale. Il me semble que la réponse est évidente. En somme, on
ne demande pas aux salariés des secteurs public et parapublic d'assumer
seuls le problème des équilibres budgétaires du
gouvernement du Québec. Les salariés du secteur privé ont
déjà payé et largement payé pour cela par les
moyens que j'ai mentionnés tout à l'heure: mises à pied,
diminution du temps du travail, diminution de salaire. Finalement, ce qu'on
demande aux salariés des secteurs public et parapublic, c'est de faire
leur part de façon que tous ensemble nous parvenions à sortir de
cette situation qui est difficile, mais qui n'est pas éternelle. Quand
nous aurons traversé les mauvaises années qu'on vit
présentement on pourra faire en sorte que l'économie du
Québec puisse reprendre son élan. Le gouvernement a fait sa part
dans ce domaine d'ailleurs. En fin de semaine, vendredi, je crois, le premier
ministre, accompagné du ministre d'État à l'Habitation, a
annoncé le lancement d'un programme de construction de 50 000 logements.
Aujourd'hui même, c'est le ministre d'État au Développement
économique qui a annoncé l'injection de 100 000 000 $
additionnels dans la relance économique, ce qui, au total, porte les
sommes affectées à la relance économique à un
niveau de 170 000 000 $.
Si le gouvernement du Québec veut être en mesure d'agir
davantage sur le plan de la relance économique, il faut qu'il en
dégage les sommes d'argent dans son budget. C'est pour être en
mesure de dégager les marges de manoeuvre qui sont indispensables pour
agir sur le plan de la relance économique qu'il faut que le gouvernement
du Québec diminue ses dépenses. En somme, ce n'est pas par
plaisir ou pour s'amuser aux dépens des salariés des secteurs
public et parapublic que le gouvernement pose un tel geste. C'est parce que la
situation ne lui laisse pas le choix. S'il veut répondre au voeu
énoncé par les centrales syndicales entre autres et par de
nombreux autres organismes de s'impliquer dans la relance économique du
Québec, il faut qu'il prenne ces sommes quelque part. Si nous
étions un gouvernement souverain, nous aurions certains moyens à
notre disposition pour être capables d'agir sur les masses d'argent, pour
être capables d'agir sur les taux de crédit et, à ce
moment-là, nous pourrions utiliser d'autres moyens, mais ces pouvoirs,
nous ne les avons pas, c'est le gouvernement du Canada qui, pour l'instant, les
a. J'espère que, d'ici peu, le gouvernement du Québec les aura
également, mais c'est une question que la population aura à
trancher bientôt.
Nous avions fait une proposition, M. le Président, aux syndicats
des secteurs public et parapublic à l'effet de rouvrir les conventions
collectives à compter du 1er juillet, afin de réduire les
augmentations qui y étaient prévues. Ceci nous aurait permis, sur
une période de neuf mois, de récupérer les 520 000 000 $
dont nous avons besoin pour équilibrer le budget. Il y avait un point
"intéressant" dans cette proposition (je dis intéressant entre
guillemets) parce que ce n'est jamais intéressant d'avoir à
accepter une augmentation de salaire qui est moins élevée que
celle qu'on avait prévue. Il y avait quand même un
élément très positif, c'est que cette proposition
permettait aux bas salariés d'avoir la pleine indexation de leur salaire
au coût de la vie, puis, dans une façon décroissante, les
plus hauts salariés, les moyens salariés. Les plus hauts
salariés se voyaient indexés, mais d'une façon moindre et,
à compter de 37 000 $ et plus, il n'y avait plus d'indexation et aucune
augmentation. Cela permettait de protéger le pouvoir d'achat des plus
bas salariés qui, finalement, sont ceux qui en ont le plus besoin.
Étant donné que cette proposition a été
refusée, et c'était le droit des syndicats de le faire, je ne les
blâme pas nécessairement, mais je pense qu'on est ici pour
s'expliquer, étant donné que cette proposition a
été refusée, cela forçait le gouvernement à
faire la récupération des 520 000 000 $, non pas sur neuf mois,
mais sur la période de trois mois qui termine son année fiscale,
c'est-à-dire entre le 1er janvier 1983 et le 31 mars 1983. Ce n'est plus
possible alors, quand on est pris pour comprimer cela dans trois mois, de faire
une récupération ce qu'on appelle, dans notre jargon,
modulée, c'est-à-dire de faire en sorte que les plus bas
salariés
subissent des pertes moins fortes que les plus hauts
salariés.
M. le Président, le projet de loi qui est devant nous ne ferme
pas la porte à un accord de cette nature. Si cette proposition que nous
avions faite pour le 1er juillet n'est pas convenable, à ce
moment-là, nous sommes toujours disposés à examiner une
autre proposition. À ce niveau, en terminant, j'aimerais quand
même lire l'article 6 du projet de loi, qui donne ouverture à cela
et qui dit: "Un employeur et une association de salariés peuvent
établir par entente des règles différentes de celles
prévues par l'article 5 en matière de classement, s'ils estiment
qu'une telle entente aura pour effet de réduire les coûts de la
rémunération selon une proportion comparable à celle qui
résulterait de l'application de l'article 5."
Donc, il demeure possible, malgré l'adoption de cette loi, que
des négociations s'engagent et qu'on réussisse à faire en
sorte que les salariés de la fonction publique qui gagnent les plus bas
salaires se voient pleinement indexés, et que ce ne soit qu'au niveau
des moyens et des plus hauts salariés que, finalement, on soit en mesure
de récupérer les 520 000 000 $.
J'espère, en terminant, que nous pourrons très
prochainement entamer ces négociations avec les syndicats qui
représentent ces salariés, de sorte que nous pourrons minimiser
la portée des inconvénients qu'ils auront à subir de la
crise que nous connaissons présentement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laprairie.
M. Jean-Pierre Saintonge
M. Saintonge: Merci, M. le Président. Au début de
mon intervention sur ce projet de loi no 70, Loi concernant la
rémunération dans le secteur public, je ferai un bref rappel des
événements des derniers mois. En avril, à la veille de la
préparation du budget 1982-1983, le gouvernement se trouve aux prises
avec un déséquilibre sans précédent dans les
finances publiques. Il désirait alors, pour se sortir de l'impasse,
procéder à la réouverture des conventions collectives,
huit ou neuf mois avant leur échéance, afin d'éviter de
verser l'essentiel des augmentations de salaires prévues de juillet
à décembre 1982, c'est-à-dire 521 000 000 $, à ses
employés. Refus du syndicat. Menace du gouvernement d'agir
unilatéralement, pour aller contre les dispositions des conventions
collectives que le gouvernement avait pourtant lui-même signées.
Qu'on se rappelle ici les belles paroles du ministre des Finances qui, en
dressant le bilan des conséquences financières de l'entente
négociée en 1979 par le gouvernement péquiste, disait, et
je cite: "Tout en se montrant progressiste sur le plan social, le gouvernement
émerge de ses négociations avec l'impression d'avoir
été un valable gardien des fonds publics et de ne pas avoir, tel
le précédent gouvernement, cédé à la
tentation de la facilité d'une échéance
électorale."
C'était bien beau à l'époque. Quelques jours avant
le budget du 25 mai dernier, le premier ministre se ravise. D'accord, le
gouvernement va respecter ses engagements, va respecter sa signature jusqu'au
31 décembre 1982, date d'expiration des conventions collectives, mais -
parce qu'il y un mais - le gouvernement se réserve le droit de
récupérer les sommes nécessaires pour équilibrer
son budget à partir de janvier 1983. C'est alors le budget Parizeau, 7e
édition, et le projet de loi no 70 qui viennent préciser les
intentions du gouvernement. Dans les trois premiers mois de 1983, il y aura
récupération de 521 000 000 $ versés à environ 350
000 fonctionnaires visés par la loi no 70 dans les derniers mois de
1982, qui est l'augmentation prévue de juillet à décembre
1982, en conformité avec les ententes existantes. Cela veut dire une
diminution, pour les trois premiers mois de 1983, de l'ordre de 18,8% qui
s'applique sans discernement à tous les syndiqués visés
par la loi, petits et gros salariés, pas de différence. C'est
cela, la nouvelle social-démocratie du gouvernement.
Faut-il rappeler ici qu'il a visé tout le monde dans des
récupérations de taxes, dans des taxes indirectes. Les petits
comme les gros, cela connaît le gouvernement depuis quelque temps; qu'on
se rappelle la taxe sur l'essence, la taxe sur la bière,
l'immatriculation, les frais d'enregistrement, les permis de conduire,
l'augmentation de la taxe de vente. Maintenant, à ce point de vue, je ne
peux que souligner que le gel modulé, proposé dans les mesures de
réouverture des conventions collectives, était de beaucoup
préférable. C'est peut-être un indice ici que le
gouvernement veut, par sa nouvelle façon de procéder avec le
projet de loi no 70, créer un peu de zizanie dans le monde syndical;
c'est odieux et c'est discriminatoire. C'est discriminatoire parce qu'on
reporte sur une catégorie spécifique de citoyens, avec lesquels
on avait pourtant négocié prétendument de bonne foi des
conventions collectives de travail, les difficultés financières
de l'État et on veut récupérer dans leurs poches les 521
000 000 $ qu'on s'était engagé à verser lors de la
signature. Ces travailleurs qui sont visés par la loi 70 ont le droit
d'être traités avec respect, dignité et
considération eu égard aux engagements pris antérieurement
par le gouvernement. Ce ne sont pas des boucs émissaires et ils ne
doivent pas être non plus les otages de la situation financière du
gouvernement.
C'est discriminatoire également contre les employés du
secteur public pour un autre motif, c'est-à-dire les employés qui
sont visés par la loi 70 par rapport aux employés du secteur
public qui ne sont pas touchés par cette loi 70, et je
réfère, par exemple, aux employés d'Hydro-Québec,
de la Société des alcools et de la Sûreté du
Québec.
De ce côté-ci, nous avons manifesté notre opposition
contre le projet de réouverture unilatérale des conventions
collectives pour le motif principal suivant: le respect des contrats est une
question de principe et d'honneur devant lequel aucun gouvernement
québécois fier et responsable ne saurait se défiler. Le
projet de loi no 70 est une forme légèrement modifiée de
la réouverture unilatérale des conventions collectives; le
premier ministre l'a admis lorsqu'il a été interrogé par
le chef de l'Opposition ici même en Chambre. Ce projet de loi constitue
une mesure unilatérale sans précédent. Il bafoue le
principe du droit d'association des travaillers des secteurs public et
parapublic et le principe de la libre négociation des conditions de
travail et des conventions collectives, ces principes qui avaient
été reconnus dans les secteurs public et prarapublic par les
gouvernements et l'Assemblée nationale depuis les années
1960.
Par ce projet de loi no 70, le gouvernement renie tout autant sa
signature apposée au bas des conventions de travail. Il fait
indirectement ce qu'il n'a pu ou a renoncé à faire directement,
c'est-à-dire la réouverture unilatérale des conventions
collectives. Il reprend par la porte d'à côté ou il reprend
de la main gauche ce que de la main droite il avait donné. En effet, en
imposant unilatéralement ce prolongement de trois mois des conventions
collectives, c'est-à-dire de janvier à mars 1983, en ne modifiant
que les salaires sans le consentement des syndiqués, le gouvernement va
contre les règles ordinaires du Code du travail et contre les
dispositions mêmes contenues dans les conventions collectives selon
lesquelles à l'expiration des conventions collectives les conditions
existantes demeurent inchangées tant que la nouvelle convention
collective n'a pas été signée ou
décrétée. On contourne ce principe de façon
plutôt vicieuse, comme le soulignait le président du Syndicat des
fonctionnaires du Québec.
Le gouvernement vient donc rechercher la sanction de l'Assemblée
nationale pour poser un geste arbitraire et pouvoir arbitrairement modifier les
conditions de rémunération de ses employés et
décider pour 1983 les augmentations d'échelons de ses
employés. La crédibilité du gouvernement en prend un rude
coup et les citoyens s'en souviendront sûrement.
Je vais vous citer les paroles de précurseur du ministre des
Finances dans un commentaire que le même Jacques Parizeau adressait au
gouvernement Bourassa dans un éditorial du journal Le Jour le 19
décembre 1975: "Que le Québec soit financièrement aux
abois et ait besoin d'en enlever aux uns pour en donner aux autres, cela est
bien possible, mais alors c'est sa gestion des affaires publiques qu'il doit
défendre. S'il a tellement mal administré qu'il doit maintenant
tripoter les salaires et voler une partie de sa main-d'oeuvre pour
équilibrer ses comptes, il n'a pas raison d'être fier de sa
performance."
Tout est là, M. le Président. Qu'est-ce qui a amené
cette situation? Nous devons constater, pour notre plus grand malheur, que le
gouvernement québécois est dans une situation financière
et économique précaire, situation dont il est l'artisan
principal, le premier responsable. Cette situation a été
causée par son imprévoyance, son incurie, son
incompétence. (23 h 50)
Certes la situation économique est difficile au Canada et partout
dans le monde, mais le Québec éprouve de façon
générale plus de difficultés que ses voisins. C'est que
son économie a été rendue vulnérable, c'est qu'il
demeure plus exposé que ses voisins à la suite des politiques
appliquées par le gouvernement, de ses mauvaises décisions et de
ses folles dépenses.
Quelques exemples, M. le Président. On pense au dossier de la
Société d'habitation du Québec reconnu par le
Vérificateur général. On a parlé des belles
toilettes, M. le Président, des toilettes de luxe, des travaux de
grandeur même dans l'édifice du parlement; mon confrère de
Maskinongé parle des primes de séparation depuis quelques
semaines. La fête nationale, M. le Président, 5 000 000 $ qui ont
été dépensés l'an dernier par le gouvernement dans
les fêtes nationales, 5 000 000 $ de dépenses et on a
réussi à faire un déficit de 1 000 000 $ et plus. On parle
de 800 000 $, on s'en vient à 1 000 000 $, peut-être 1 500 000 $.
Nous aurons la réponse bientôt.
Il n'y a tellement pas de problèmes là-dedans, M. le
Président, que l'enquête du vérificateur ordonnée en
novembre dernier pour Montréal et le Lac-Saint-Jean qui devait
être déposée au mois de mars, on la reporte au mois
d'avril, au mois de mai, au mois de juin, on ne sait plus quand. Pas de
problèmes, c'est une enquête facile. La chose viendra, on attend
impatiemment.
Mais que dire maintenant si on avait enquêté sur la source
principale du scandale, si on avait porté l'enquête non pas tout
simplement à Montréal et au Lac-Saint-Jean, mais sur le
comité organisateur? On aurait bien attendu pendant un an. C'est cela,
de folles dépenses, M. le Président.
Que penser du compte de dépenses non appropriées, des
investissements dans
l'amiante? On va répéter aussi des dépenses qui ne
seraient pas nécessaires, à mon point de vue, vu la conjoncture
actuelle ou les finances actuelles du gouvernement. Je réfère
ici, par exemple, au projet Archipel. Jusqu'à maintenant le
comité interministériel dans le projet Archipel aurait
autorisé, aurait obtenu des crédits, débloqué des
crédits de 14 000 000 $, pour un projet au sujet duquel on a appris la
semaine dernière que la rentabilité économique, à
toutes fins utiles, était inexistante. C'était reconnu par
Hydro-Québec et même par le ministre de l'Énergie et des
Ressources. Cela est rentable du point de vue social, c'est une
rentabilité sociale, mais dans le cas de difficultés et de
compressions budgétaires, je soumettrai très respectueusement que
cette rentabilité sociale devrait être repoussée pour aller
au véritable problème. Le projet Archipel après tout est
un minime projet, pense-t-on; nullement. C'est un projet d'une dizaine de
milliards de dollars.
Dans le domaine des finances publiques, M. le Président, c'est
pareil. Performance médiocre. Ce qui explique la crise financière
du gouvernement, c'est l'augmentation des déficits et de la dette
publique au Québec. La dette publique est passée depuis 1976 de 5
000 000 000 $ à 17 000 000 000 $ pratiquement aujourd'hui. Nous sommes
rendus avec de^s déficits annuels normaux de budget de l'ordre de 3 000
000 000 $. C'est la base normale maintenant de déficit. Il n'y a rien
là. Le seul problème, c'est que cela va nous coûter cette
année pour le service de la dette 2 000 000 000 $. C'est bien
compréhensible à ce moment-là et inévitable que
notre fardeau fiscal à nous Québécois soit à la
hausse et soit supérieur, d'au moins 20%, à la moyenne
canadienne.
Je soumets très respectueusement que le seul responsable encore
une fois, c'est le présent gouvernement par sa mauvaise gestion.
Après six ans, qu'on arrête de mettre la faute sur les autres, de
reporter le blâme sur les autres, de chercher des boucs émissaires
partout, sauf dans sa propre cour. Que le gouvernement assume donc la
responsabilité de ses actes.
C'est quoi, M. le Président, la politique du gouvernement dans le
projet de loi no 70? À l'analyse, on peut en déduire que cela
repose sur deux postulats essentiels. D'abord le gouvernement semble prêt
à accepter comme objectif de politique salariale, la règle de la
parité entre les secteurs privé et public. Pour nous de
l'Opposition, il n'y a pas de problème là-dedans. On l'a dit
depuis longtemps, nous affirmons que la politique salariale dans les secteurs
public et parapublic devrait viser une parité raisonnable avec les
niveaux de rémunération observés dans le secteur
privé.
Deuxième postulat. Vu les écarts actuels
considérables que nous constatons, il faut procéder à des
ajustements. C'est urgent et important. Il est donc nécessaire d'amener
les syndicats à discuter ouvertement de la question avec les instances
gouvernementales et c'est pourquoi nous sommes tellement d'accord avec la tenue
d'une commission parlementaire sur le sujet avec les syndicats, afin que ces
derniers fassent connaître leurs prétentions et fassent valoir
leur expertise.
Il faut se poser cette question: Pourquoi et en vertu de quelle logique
l'effort de redressement des finances publiques du gouvernement devrait-il
porter pour l'essentiel sur la manière douteuse et à courte vue
que constitue le projet de loi no 70? Il est évident qu'il y a des
écarts entre les secteurs privé et public. Cela est une tendance
qui s'est accentuée au cours des dernières années.
Pourquoi? On a joué au jeu de l'ascenseur, M. le Président. C'est
quoi le jeu de l'ascenseur? Entre le gouvernement et le syndicat, une faveur en
attire une autre. Une bonne convention, une convention avantageuse, une
élection qui suit. Un échange.
Aujourd'hui, il est sûr et certain qu'un plan de redressement
budgétaire d'envergure est nécessaire. Cela devrait être
mis au point dans les prochaines années, avec comme objectif prioritaire
un retour à un régime de rémunération compatible
avec la santé des finances publiques et la capacité de notre
économie. Pour le moment, le gouvernement doit respecter les conventions
collectives en vigueur jusqu'en décembre 1982. Il doit respecter sa
signature. Ne pas faire indirectement, dans les trois premiers mois de 1983, ce
qu'il ne pouvait faire directement en 1982. Donc, abandonner son projet de
réduction des salaires de façon unilatérale et arbitraire
des secteurs public et parapublic.
Après des études sérieuses de statistiques
applicables à toutes les questions salariales des secteurs public et
privé, qu'on établisse et maintienne le principe de parité
raisonnable entre les secteurs privé et public. Cela veut dire, pour
1983, que les propositions gouvernementales soient déposées
à la table de négociation, qu'on envisage la révision des
critères de base de rémunération, qu'on apporte des
amendements pour protéger le pouvoir d'achat des salariés
à faible revenu, qu'on répartisse équitablement les
sacrifices exigés des employés des secteurs public et parapublic,
qu'on mette au point une politique salariale rationnelle et stable en tenant
compte d'une productivité assurée.
Est-il nécessaire maintenant d'agir unilatéralement? Il
reste sept mois pour négocier. Le gouvernement actuel s'était
vanté autrefois que jamais il n'agirait unilatéralement s'il
était porté au pouvoir. Je suis obligé de conclure, M. le
Président,
en disant: autres temps, autres moeurs.
En terminant, je souhaite que le gouvernement prenne ses
responsabilités, qu'il agisse en gouvernement fier et responsable de sa
parole, de sa signature, qu'il assume les conséquences des gestes qu'il
a posés. Il a fait des erreurs, qu'il les assume et ne les reporte pas
sur les autres. D'ailleurs, il en est rendu à la limite dans ce domaine.
Il vient d'atteindre le fond du puits. Merci M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Roberval.
M. Gauthier: M. le Président, je demanderais l'ajournement
du débat.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, je proposerais l'ajournement
de nos travaux à demain 10 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Donc, nous
ajournons nos travaux à demain 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 59)