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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le jeudi 10 juin 1982 - Vol. 26 N° 71

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président: À l'ordre, mesdames et messieurs!

Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir. Affaires courantes. Déclarations ministérielles. M. le ministre d'État...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je voudrais tout simplement attirer votre attention sur les dispositions de l'article 179 de notre règlement. Vous me permettrez de lire au moins le premier paragraphe; je ne veux pas retarder les travaux de la Chambre. "Pendant au plus cinq minutes, un ministre peut, sur un sujet d'intérêt public, présenter une déclaration ministérielle." Ensuite, une copie est envoyée aux chefs des partis. Je ne veux pas me plaindre du fait que le ministre n'ait pas fait parvenir une copie de sa déclaration ministérielle, nous l'avons reçue, nous en avons pris connaissance. Mais je voudrais attirer l'attention de la présidence... J'imagine que la présidence a dû en recevoir une copie.

Le Président: Jamais, en aucun moment je n'en reçois.

M. Levesque (Bonaventure): Le président n'a pas...

Le Président: Ce privilège.

M. Levesque (Bonaventure): ... ce privilège. Mais je peux lui faire parvenir ma copie. M. le Président, si vous vouliez en prendre connaissance, vous verriez qu'il y a là, non pas dans sa forme du moins, les éléments essentiels d'une déclaration ministérielle. Vous avez là tout un chapitre, presque une partie de Bâtir le Québec no 3, je ne sais pas quoi! À la lecture, vous verrez qu'il y a à peu près 90% de cela qui ont déjà été connus et annoncés.

Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que je suis obligé, dans les circonstances, d'insister pour que le ministre, s'il veut absolument en faire une déclaration ministérielle, s'en tienne rigoureusement au règlement, c'est-à-dire qu'il prenne au plus cinq minutes pour nous faire part de cette déclaration.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, il s'agit d'un sujet, vous le noterez, puisque vous n'êtes pas encore au courant du contenu de la déclaration ministérielle, d'une importance majeure. Je voudrais, me prévalant des rires de l'Opposition, dire que, puisqu'il sera question d'une déclaration ministérielle sur les questions économiques, il ne s'agit pas d'un sujet majeur. Mais, malgré ces rires, le ministre d'État au Développement économique, prenant en considération certains éléments soulevés par le leader de l'Opposition relatifs à l'article 179, fera tout en son possible pour que sa déclaration ministérielle puisse effectivement être contenue à l'intérieur des paramètres fixés par l'article 179.

Je ne voudrais pas, pendant que la déclaration sera faite, qu'il y ait un débat de procédure là-dessus, mais je crois qu'à toute fins utiles, s'il devait y avoir quelques minutes supplémentaires à cause de l'importance du sujet, on aura évidemment la même attitude face au membre de l'Opposition qui aura à répondre au ministre d'État au Développement économique.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Si, dans une déclaration ministérielle, on apporte des faits nouveaux, importants, une politique nouvelle - c'est pour ça, une déclaration ministérielle - je suis d'accord, et même, nous donnerions notre consentement pour dépasser les cinq minutes; il n'y a rien là. Mais, si le ministre nous lit cette déclaration, il ne se rendra pas au bout parce que, après cinq minutes, il n'en aura pas lu la moitié. Il s'agit là d'un catalogue de choses, de la philosophie, de l'historique, des statistiques, du fédéral, toutes sortes de choses.

Le Président: Je prends acte des déclarations des deux leaders et je voudrais dire à cette Assemblée qu'en aucun moment la présidence ne reçoit, comme c'est le privilège de l'Opposition, une copie de la déclaration ministérielle qu'un ministre entend faire. Une chose qui serait peut-être

à améliorer dans notre règlement serait que la présidence elle aussi reçoive cette déclaration ministérielle pour qu'elle puisse juger éventuellement si cette déclaration est conforme aux critères mentionnés à l'article 179. Comme ce n'est pas le cas actuellement, je dois donc présumer - c'est une présomption juris tantum - que cette déclaration est conforme à l'article 179, mais je demande, si la chose est possible, à l'avenir, de me faire parvenir copie de la déclaration pour que la présidence puisse en prendre confidentiellement connaissance. M. le ministre d'État...

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Très brièvement, je suis sûr que j'aurai l'appui du leader parlementaire du gouvernement pour faire motion formellement pour qu'à l'avenir - ceci pourra être inclus dans les dispositions de notre règlement et dans les discussions qui auront sans doute lieu dans les prochains mois à ce sujet - d'ici à la fin de la session... Évidemment, on ne s'engage pas tellement à ce moment-là, j'imagine, mais, s'il y en a qui prennent l'exemple du ministre d'État au Développement économique, ce serait peut-être pratique.

Je fais motion, M. le Président, pour qu'à l'avenir les honorables membres du cabinet, lorsqu'ils ont une déclaration à faire, ajoutent le nom du président dans la liste de ceux à qui ils doivent faire parvenir copie de cette déclaration.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, sans problème aucun. D'ailleurs, on pourra, lors de la réunion de la commission de l'Assemblée nationale, cet été, procéder à des améliorations de notre règlement et vous faire partager, avec nous, les joies de lire les déclarations ministérielles avant qu'elles ne soient communiquées à la population. Mais si, ce matin, le leader de l'Opposition considérait qu'il y avait, à un moment donné, un petit accroc à l'article 179, je crois qu'effectivement il faudra, durant l'été, voir à préciser davantage ce qu'est cet article 179, sa portée et ses limites.

Le Président: Une dernière intervention, s'il vous plaît! En ce qui concerne le temps alloué aux ministres et à l'Opposition, je dois vous rappeler que la présidence a toujours fait preuve d'une certaine tolérance pour le parti ministériel et pour celui qui réplique en ce qui concerne le nombre de minutes.

M. Levesque (Bonaventure): ...

Le Président: C'est peut-être plus grave. Je le verrai tout à l'heure. Mais, de toute façon, on s'est souvent rendu à six, sept ou huit minutes, de part et d'autre, et la tolérance a toujours été de mise dans ces cas-là, des deux côtés.

M. le ministre.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous me permettrez simplement d'ajouter....

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): ... que cette tolérance est toujours...

Une voix: Avec le consentement.

M. Levesque (Bonaventure): ... acceptée, de part et d'autre. Mais, lorsqu'elle ne l'est pas, il n'y a plus de tolérance. Il y a le règlement.

Le Président: M. le ministre d'État au Développement économique.

M. Landry: M. le Président, quelques minutes sur une question de règlement avant de passer au texte de la déclaration, d'abord, pour vous remercier...

Des voix: ...

M. Landry: Question de règlement.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:

M. Landry: Je veux vous remercier de vos sages avis préalables et vous dire que je suis très heureux si une déclaration à caractère économique de cette nature allait créer un précédent en cette Chambre et établir solidement que la présidence en recevra le texte à l'avenir.

Je remercie également le leader de. l'Opposition pour les opinions qu'il m'avait si courtoisement communiquées avant l'ouverture de la Chambre et les paroles empreintes de connaissance de l'esprit de nos règles qu'il a adressées à la présidence.

Création d'emplois, aide à

l'entreprise et stimulation

de l'économie

M. Bernard Landry

Maintenant, je voudrais livrer, M. le Président, à vous et à cette Chambre, le fond de ce dont il s'agit.

L'ensemble des pays industrialisés subissent en ce moment la pire crise

économique qu'ils aient connue depuis près de un demi siècle. Il y a actuellement 30 000 000 de chômeurs dans les pays développés de l'Occident, dont plus de 10 000 000 aux États-Unis d'Amérique.

Au Canada, la situation est pire encore en raison des effets de la politique monétaire. Alors que nous vivons le taux d'intérêt le plus élevé depuis 1948, nous subissons également le plus haut taux de chômage depuis que nous avons des statistiques. 1 250 000 Canadiens sont aujourd'hui en chômage, c'est près de 50% de plus que l'an dernier à la même date.

Le Québec a été le premier à subir les effets de la politique des taux d'intérêt élevés à cause de sa structure industrielle, mais ces effets se généralisent maintenant à l'ensemble du Canada. Selon les dernières données de Statistique Canada, le nombre de chômeurs a augmenté de 33% au Québec depuis douze mois, alors qu'il augmentait de 46% dans le reste du Canada. En Alberta, le taux de chômage a doublé depuis quelques mois.

Dans cette tourmente, le gouvernement du Québec ne peut se résoudre à attendre que le vent tourne. Bien que dans le régime actuel il ne dispose pas des principaux instruments de la politique économique, notre gouvernement, tout en le déplorant, n'en a jamais fait un prétexte pour ne rien faire. C'est si vrai que la population a parfois à notre endroit des attentes qui ressemblent étrangement à celles que les citoyens ont vis-à-vis d'un gouvernement national.

C'est dans cet esprit que, depuis plusieurs mois, nous avons cherché de notre mieux les moyens de pallier les effets de cette crise. Tout d'abord, le 18 décembre dernier, nous avons tenté, lors de la conférence annuelle sur l'état de l'économie, de lancer un cri d'alarme aux autorités fédérales. En février, nous avons proposé au gouvernement fédéral, lors de la conférence des premiers ministres sur l'économie, de s'associer à nous dans un programme d'urgence pour soutenir l'économie.

Malgré nos efforts soutenus et des rencontres ministérielles avec M. Lalonde en particulier, et par la suite avec leurs fonctionnaires, nous avons essuyé pour l'essentiel un refus total. À partir de ce moment, il fallait trouver les moyens, et il s'agit bien de moyens au sens strict, c'est-à-dire l'argent pour agir seul.

Le budget déposé il y a deux semaines était le résultat d'une démarche de concertation tenue au sommet de Québec, au mois d'avril. Nous sommes donc aujourd'hui en mesure de présenter un programme de création d'emplois, d'aide aux entreprises et de stimulation de l'économie, qui, dans le court terme, essaiera tout au moins de limiter le gâchis et les dégâts que je viens de décrire et aussi d'ouvrir certaines voies de progrès vers l'avenir.

Pratiquement la totalité de la marge de manoeuvre dégagée par les diverses opérations qui ont caractérisé le budget sera affectée à ce programme-. Le programme est divisé en deux grands volets. Le premier vise la création directe d'emplois. Un premier grand . bloc permettra de consacrer 42 000 000 $ de crédits additionnels à la création d'emplois essentiellement destinés à des personnes hors du marché du travail depuis longtemps et dont bon nombre sont réduites à l'aide sociale. Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation consacrera 6 000 000 $ de plus afin de rembourser 50% des salaires des bénéficiaires d'assistance sociale et des chômeurs qui seront embauchés cet été par des producteurs agricoles.

Le ministère de l'Environnement consacrera 5 000 000 $ additionnels à des subventions aux municipalités et à des organismes parrains. Le ministère des Travaux publics affectera 3 000 000 $ de plus à l'embauche de travailleurs pour divers travaux de conservation du réseau routier en région. Le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche dépensera 8 000 000 $ de plus pour divers travaux d'entretien d'équipements de loisirs et d'immobilisations. Le ministère des Affaires culturelles consacrera 2 000 000 $ additionnels à l'embauche de personnes pour diverses tâches d'accueil, de classement et d'animation.

Le ministère de l'Énergie et des Ressources injectera, pour sa part, 6 000 000 $ de plus dans le maintien des emplois en scierie et dans divers travaux forestiers de mise en valeur. Le ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, enfin, ajoutera 12 000 000 $ de plus au nouveau programme Chantier-Québec pour la réalisation de divers projets.

Ce premier bloc créera environ 12 400 emplois dont la durée variera de quatre à six mois. Il s'agit, bien sûr, d'emplois temporaires, mais dans le contexte actuel ce n'est pas négligeable. Un deuxième bloc, à l'intérieur du premier volet, s'adressera à des clientèles plus diverses et permettra d'affecter 73 000 000 $ à la création d'emplois, dont 17 000 000 $ de crédits nouveaux par rapport au budget. Ce bloc contient les crédits déjà annoncés pour le bon d'emploi pour les jeunes diplômés sans travail, pour le programme de retour au travail, pour le programme de services externes, etc. Si nos propositions sont acceptées par le gouvernement fédéral, 8 000 000 $ de crédits additionnels seront consacrés à des emplois destinés à des chômeurs dans les secteurs de la forêt, de la pêche et des mines.

Par ailleurs, 2 500 000 $ de crédits additionnels seront affectés à l'Office des

personnes handicapées pour la création d'emplois en centres de travail adaptés, pour faciliter l'intégration professionnelle des handicapés par les employeurs et pour augmenter le personnel des organismes de promotion de la personne handicapée. 2 500 000 $ de plus seront versés à certains organismes du réseau des affaires sociales. 4 000 000 $ de crédits additionnels seront affectés à la consolidation et au développement des services de garderie.

Le deuxième grand volet du programme contient une série de mesures d'aide à l'entreprise et de stimulation de l'économie. La plus connue est le fonds d'aide aux PME gui leur garantit des prêts et réduit les taux d'intérêt qui leur sont consentis. Des crédits de 15 000 000 $ en 1982-1983 permettront d'injecter sur deux ans environ 200 000 000 $. Le deuxième bloc important de ce volet concerne la relance de la construction. Les grandes lignes en ont déjà été communiquées, comme chacun le sait, par les collègues intéressés hier. Un troisième bloc dans le volet d'aide à l'entreprise permettra d'amorcer la mise en oeuvre dès cette année des nouvelles orientations contenues dans Le virage technologique qui constitue le programme d'action économique du gouvernement pour les quatre prochaines années.

En plus de diverses mesures intégrées aux crédits réguliers, des crédits additionnels de l'ordre de 28 000 000 $ seront affectés à cette fin, dont 2 000 000 $ pour l'intégration de diplômés en administration dans les PME; 1 500 000 $ pour l'aide à la gestion-marketing; 10 000 000 $ pour le nouveau programme d'innovation-recherche de la SDI et qui s'appliquera notamment aux entreprises en électronique; 5 000 000 $ pour de nouveaux programmes de développement des exportations, et près de 750 000 $ pour la création d'emplois liés à la recherche et au développement. Également, des crédits additionnels de 3 000 000 $ pour la promotion touristique aux États-Unis et en Ontario. Cette augmentation équivaut à 60% d'augmentation du budget de promotion. Le bloc contient également des dépenses additionnelles d'infrastructures et d'équipements de 2 500 000 $ en matière de loisirs et de 3 000 000 $ de plus dans le fonds de développement régional.

De plus, des montants extrabudgétaires seront investis par des sociétés d'État.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys sur une question de règlement.

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président. Je voudrais simplement, M. le Président, vous demander si vous avez l'intention d'appliquer l'article 179.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys, au-delà de la lettre du règlement, il y a l'esprit et il y a également les traditions, les us et coutumes en cette Chambre. Si on regarde l'article 179, paragraphe 2, alors que, dans le paragraphe 1, on impose une limite de cinq minutes de temps à la déclaration ministérielle du ministre, on parle, par contre, d'une brève réplique, sans parler du nombre de minutes, pour celui qui rétorque au nom de l'Opposition. Je sais fort bien, depuis un an et demi que j'occupe cette fonction, que la réplique de l'Opposition a été souvent au moins aussi longue que la déclaration ministérielle et je l'ai toujours appliqué de cette façon. Donc, en conséquence, il ne faudrait surtout pas appliquer à la lettre l'article 179.1, mais l'interpréter en fonction des usages et coutumes qui se sont établis en cette Chambre sur la réplique de l'Opposition qui n'est pas limitée dans le temps, mais qui a toujours été au moins égale au temps de la déclaration ministérielle.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Mon collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys, vous a demandé si l'article 179 s'appliquait encore, en d'autres termes. Si je comprends bien, vous avez certaines hésitations à le faire appliquer d'une façon - je n'ai pas terminé - stricte, M. le Président. Je pense que le ministre d'État au Développement économique a fait de grands efforts parce que, dans le fond, je suivais le texte et j'ai vu qu'il a passé par-dessus de grands paragraphes; c'est un effort noble. Je pense qu'il faudrait peut-être lui laisser terminer son intervention. Je pense bien, M. le Président, qu'il aurait pu en échapper encore quelques paragraphes et cela n'aurait pas été trop grave. L'idée, là-dedans, M. le Président, et je ne veux pas en faire un plat, l'idée, c'est que, la prochaine fois qu'un ministre aura quelque chose d'inédit à dire, qu'il le dise dans les termes qui sont nécessaires pour en faire part à l'Assemblée et non pas nous livrer un autre volume. Comme on le sait, le gouvernement se spécialise dans les livres, les volumes. En voici un autre.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je pense que c'était une bonne idée pour le leader de l'Opposition de prendre deux minutes pour souligner que le ministre d'État au Développement économique en avait coupé quatre.

Le Président: M. le ministre d'État au Développement économique.

M. Landry: De plus, M. le Président, des montants extrabudgétaires seront investis par les sociétés d'État en complément du programme. Dans le cadre de la création directe d'emplois, Hydro-Québec et la Société d'énergie de la Baie James affecteront 19 200 000 $ de plus dans des dépenses d'accélération de programmes d'entretien, de réparation et de vérification d'infrastructures. Pour sa part, au titre de l'aide à l'entreprise, la Caisse de dépôt et placement injectera pour la première fois cette année 40 000 000 $ dans le capital-actions des PME et réduira ainsi leur recours à des emprunts catastrophiques étant donné les taux d'intérêt. Au total, d'ici le 31 mars 1983, le programme de création d'emplois, d'aide à l'entreprise et de stimulation de l'économie contribuera à conserver et à créer quelques dizaines de milliers d'emplois permanents ou temporaires. Il prévoit des crédits budgétaires de 170 000 000 $ dont 100 000 000 $ sont des crédits additionnels par rapport au budget déposé le 25 mai et devront faire l'objet d'un budget supplémentaire à l'exception, toutefois, d'une réserve qui est déjà prévue, mais non allouée, de 25 000 000 $. Il représente aussi des dépenses extrabudgétaires d'environ 60 000 000 $. Selon le succès du programme de relance de la construction domiciliaire et du programme de garanties de prêt et de réduction des taux d'intérêt aux PME, le programme pourrait engendrer une augmentation de l'activité économique de 700 000 000 $ à 1 000 000 000 $ d'ici à la fin de l'année fiscale.

Je comprends que j'ai peut-être créé un précédent en dépassant de quelques minutes les cinq minutes qui sont mentionnées au règlement, mais cette Chambre a le strict devoir de considérer que la crise que nous vivons, elle, est un précédent des 30 dernières années. (10 h 30)

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Reed Scowen

M. Scowen: Je ne prendrai certainement pas les douze minutes qu'a prises le ministre d'État au Développement économique, M. le Président, parce que, effectivement, après cette obstruction ministérielle un peu pitoyable, on voit essentiellement et tristement qu'il n'y a rien là. Effectivement, c'est un pot-pourri de la panique conçu pour cacher un problème qui, malheureusement, est extrêmement grave. Je veux simplement revenir un peu en arrière, M. le Président, pour expliquer comment nous nous trouvons dans cette situation aujourd'hui.

Cela fait maintenant cinq ans que nous avons souligné à la population et au gouvernement l'affaiblissement économique du Québec. Semble-t-il que c'est au mois de septembre passé, d'après le ministre des Finances qui n'est pas ici aujourd'hui pour écouter le discours du ministre des Finances no 2, que le gouvernement a finalement pris connaissance de cette crise. C'est ce qu'il a dit dans son discours sur le budget.

Depuis septembre 1981, il n'a rien fait. Au mois d'octobre, il y a eu 253 faillites ici au Québec et 17 000 emplois de perdus. Il n'a rien fait. Au mois de novembre, il y a eu 372 faillites, 67 000 emplois perdus. Il n'a rien fait. En décembre, il y a eu 305 faillites et 93 000 emplois perdus. Il n'a rien fait. En janvier, il n'a rien fait. Il y a eu 353 faillites, 97 000 emplois perdus. En février, il n'a rien fait. On n'était même pas en session, il y a eu 405 faillites, 130 000 emplois perdus, et j'en passe. Au mois de mars, il a commencé. Il nous a donné un sommet économique, un mini-sommet économique, avant-hier, sur l'habitation, deux motions de blâme contre le gouvernement fédéral, un catalogue de réunions des fonctionnaires coiffé d'un slogan qui date de 25 ans, Le virage technologique, et c'est tout.

Aujourd'hui, dans un discours de douze minutes, qu'il n'a même pas complété - ce fut un petit discours sur le budget s'inspirant du ministre des Finances; on ne se comprend plus - il a proposé des crédits additionnels. Dans ce grand document, effectivement, dans tout ce que vous lisez là-dedans, essentiellement, ce que vous avez, c'est une proposition de verser 60 000 000 $ ou 65 000 000 $ de crédits additionnels dans les programmes d'emplois qui sont les plus temporaires, très peu productifs, très à court terme et très difficiles à évaluer. C'est effectivement la renaissance du vieux programme OSE qui a été discrédité partout par la population du Québec. C'est, si vous voulez, "OSE panique 1982" et, malheureusement, cela ne va rien faire pour rétablir l'économie du Québec.

On ne va pas parler en ce moment des détails du programme, parce que je sais très bien qu'au moins nous autres nous devons respecter non seulement le principe, mais la lettre de ce règlement. Je veux simplement souligner deux ou trois points que je trouve très importants.

Premièrement, dans son analyse - il faut le répéter, parce que c'est une fausseté si évidente que tout le monde doit en prendre connaissance - le ministre a dit que les transferts du gouvernement fédéral vont baisser cette année: "... les nouveaux arrangements fiscaux permettent au gouvernement fédéral de réduire unilatéralement ses transferts au Québec de 530 000 000 $, en 1982-1983..." C'est faux. D'après les chiffres budgétaires de M. Parizeau lui-même, les transferts fédéraux, l'année dernière, étaient de 4 568 000 000 $ et, cette année, ils seront de 4 918 000 000 $, donc une augmentation de 350 000 000 $, non pas une baisse de 530 000 000 $ comme le prétend le ministre. S'il n'a pas pris connaissance de cela, je peux lui donner les chiffres contenus dans le discours sur le budget du ministre des Finances.

En terminant, M. le Président, je veux simplement vous dire que je pense que l'élément le plus symbolique de la tragédie dans laquelle on se trouve aujourd'hui, c'est le dernier élément du document du ministre où il propose que la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui est la gardienne de nos fonds de retraite collectifs, soit appelée cette année, devant cette crise, à investir les fonds des personnes qui prendront leur retraite dans quelques années dans les actions de nos PME qui ne paieront certainement pas des dividendes pour renflouer la caisse et qui sont de nature très fragile, alors que, pour cela, nous avons déjà des institutions québécoises capables de relever le défi, notamment la Société de développement industriel et la Société générale de financement. Être obligé de descendre aussi bas pour régler un problème que le gouvernement a créé pendant cinq ans, je trouve cela honnêtement tragique.

Des voix: Très bien.

Le Président: M. le ministre, une courte réplique, s'il vous plaît!

M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry: M. le Président, une des phrases les plus méprisantes de l'histoire politique canadienne est attribuée à C.D. Howe, et il avait dit: "What's a million:" Devant 70 000 000 $, le député de Notre-Dame-de-Grâce, ce matin, vient de dire: II n'y a rien là. Cela prouve que c'est pas mal mieux qu'il soit dans l'Opposition que de côté-ci de la Chambre pour la sauvegarde de l'économie. Il a aussi, malheureusement, ce qui n'aide pas à régler la crise, tenté de revenir sur un vieux refrain que la population a répudié. Tout le monde sait qu'entre 1976 et 1981 l'économie du Québec était dans une situation foudroyante de rattrapage et que notre croissance a dépassé celle de l'Ontario trois ans de suite, ce qui n'était jamais arrivé dans l'histoire statistique du Québec.

Quand il parle de la Caisse de dépôt et qu'il prétend que les 40 000 000 $ qui seront pris en équité dans les PME québécoises mettent en péril les pensions futures, le résultat net de ce qu'il dit, c'est un mépris souverain, dont je l'ai toujours soupçonné d'ailleurs, vis-à-vis de la PME québécoise. Comme si prendre des actions dans une PME, c'était gaspiller de l'argent. Nous, de ce côté-ci de la Chambre, on pense exactement le contraire, et c'est pour ça que vous allez rester où vous êtes longtemps.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Landry: Une dernière phrase, M. le Président.

Une voix: Cela fait mal.

M. Landry: Ce que nous venons de rendre public, c'est l'effort d'un gouvernement provincial, un gros gouvernement provincial, mais qui n'a pas les moyens d'un gouvernement national. Ce n'est pas notre faute si nous sommes au statut provincial. Le jour où nous en sortirons, nous serons en mesure d'agir beaucoup plus vigoureusement pour l'économie.

Le Président: Dépôt de documents.

Rapports annuels du Directeur général

du financement des partis politiques

et du Directeur général

de la représentation

J'aimerais déposer, en deux copies, le rapport annuel 1981-1982 du Directeur général du financement des partis politiques, de même que, en deux copies, le rapport annuel 1981 du Directeur général de la représentation.

M. l'adjoint parlementaire au ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Rapport annuel de la CSST

M. Dean: M. le Président, conformément à la loi, il me fait plaisir de déposer le rapport annuel 1981 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec.

Le Président: Rapport déposé. Dépôt de rapports de commissions élues.

Mme la députée de Dorion.

Étude du projet de loi no 71

Mme Lachapelle: M. le Président, qu'il

me soit permis, conformément aux dispositions de notre règlement, de déposer le rapport de la commission élue permanente de la justice qui a siégé le 9 juin 1982 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 71, Loi modifiant la Loi sur l'aide juridique. Le projet de loi a été adopté tel qu'amendé. Merci, M. le Président. (10 h 40)

Le Président: Rapport déposé.

Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés.

Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.

Présentation de projets de loi au nom des députés.

M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: L'article c, M. le Président.

Projet de loi no 192 Première lecture

Le Président: M. le député de Groulx propose la première lecture du projet de loi no 192, Loi modifiant la Loi concernant La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec.

Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: Deuxième lecture, prochaine séance ou séance subséquente. Questions orales des députés. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS Vegas 1 et Vegas 2

M. Lalonde: M. le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice qui était à son siège il y a quelques minutes. Est-ce qu'on pourrait m'indiquer s'il va nous rejoindre? Bon!

M. le Président, le député de Joliette était, il y a quelques années, membre d'une commission d'enquête. Il était donc commissaire-enquêteur assermenté pour enquêter sur une situation, tenu à la confidentialité naturellement. Or, hier, au cours d'une période des questions où des cas étaient soumis au gouvernement et qui pouvaient toucher l'intégrité de ce gouvernement, dans une intervention étonnante, l'ancien commissaire, qui est maintenant député, s'est levé et, sous le couvert d'une demande de directive à la présidence, a mentionné qu'il connaissait un tas de choses qui pourraient être dangereuses pour certaines personnes.

Une voix: Les libéraux.

M. Lalonde: Étant donné que cela se faisait au moment où des députés libéraux posaient des questions, de toute évidence, le but de l'intervention était de laisser planer une menace ou des doutes sur l'intégrité -l'intimidation, M. le Président, cela ne nous fait pas peur - de membres de cette Assemblée. Le député terminait son intervention douteuse de la façon suivante: "Sinon, je demanderai au ministre de la Justice de déposer Vegas 1 et Vegas 2 et un certain nombre de documents qui vont faire taire certaines personnes. Je laisse à la population le soin de juger de la méthode, de la qualité de la méthode."

Je demande au ministre de la Justice, premièrement, s'il a déjà reçu une demande du député de Joliette dans ce sens-là, de façon officielle. Deuxièmement, peut-il nous dire ce que sont Vegas 1 et Vegas 2? Est-ce que ce sont des opérations policières qui auraient dévoilé des faits troublants sur des membres de cette Assemblée? S'il est en possession de ces documents, de ces informations, comment se fait-il que, depuis presque six ans qu'il est ministre de la Justice, il n'a pas pris les mesures judiciaires nécessaires pour donner suite justement aux accusations voilées du député de Joliette?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je pense que, dans l'art de laisser planer des doutes, le député de Marguerite-Bourgeoys - c'est mon humble opinion - est passé beaucoup plus maître dans ce domaine que le député...

M. Lalonde: M. le Président, question de privilège.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys, question de privilège.

M. Lalonde: Tout d'abord, en rappelant au ministre de la Justice que c'est au Procureur général que je pose la question, M. le Président. On a dit que le député deMarguerite-Bourgeoys laissait planer des doutes. Je me demande si on ne se souvient pas du cas de Luc Cyr et de tout le scandale à la SHQ. Chaque fois que j'ai porté une accusation ici, elle a été prouvée et elle a été...

Le Président: M. le Procureur général et ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je n'ai pas à répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. Le député sait très bien à quoi je m'en tiens. Je voudrais dire, en réponse à la première question du député de Marguerite-Bourgeoys, que le député de Joliette ne m'a jamais fait de demande dans le sens de celle qu'il a évoquée.

Deuxièmement, concernant tout ce qui peut être des enquêtes policières ou des enquêtes faites par des commissions d'enquête, ma position a toujours été la même et elle demeurera toujours la même, ce sont des documents, au niveau des enquêtes, qui sont entre les mains du ministère de la Justice. Lorsque des plaintes doivent d'être portées, elles le sont et, quand il n'y en a pas de portées, c'est parce que l'analyse ne permet pas qu'il en soit ainsi.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys, en question additionnelle.

M. Lalonde: On parle de Vegas 1 et Vegas 2, ce ne sont quand même pas des dossiers récents, c'est dans le temps où le député de Joliette était membre de la commission Cliche en 1975, ça fait sept ans. Est-ce que le ministre de la Justice, depuis près de six ans qu'il est là, peut quand même affirmer de son siège que ces dossiers ne contiennent rien de troublant ou qui pourrait entacher l'intégrité d'aucun des membres de cette Chambre?

Le Président: M. le Procureur général.

M. Bédard: M. le Président, concernant ces dossiers, je crois que des analyses ont été faites dans le temps où nos amis d'en face occupaient la responsabilité gouvernementale. Comme Procureur général, avec toutes les responsabilités qui découlent de toutes les enquêtes qui se font, je n'ai pas fait une analyse rétroactive de toutes les analyses qui ont été faites du temps que nos honorables amis d'en face étaient en place.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: ... qu'est-ce qu'il y a de si terrible dans Vegas 1 et Vegas 2 qui pourrait faire trembler l'Opposition?

Le Président: M. le Procureur général.

M. Bédard: Peut-être que le député de Marguerite-Bourgeoys pourrait le dire, mais il sait très bien qu'il y a assez de travail à faire présentement concernant des enquêtes en cours au niveau de l'ensemble du Québec, sans occuper mes fonctions pour étudier rétroactivement des analyses qui ont été faites sur des enquêtes et des dossiers qui avaient cours lorsque l'Opposition occupait la responsabilité gouvernementale et surtout lorsque le député de Marguerite-Bourgeoys occupait la fonction de Procureur général. Est-ce qu'il m'invite à revoir tout ça?

M. Lalonde: Peut-être.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Oui, j'invite le ministre d'abord, s'il accorde quelque sérieux au député de Joliette, à revoir tout ça et peut-être à rappeler au député de Joliette qu'un commissaire-enquêteur, c'est un personnage sous serment qui est tenu à la confidentialité et que son geste d'hier est une preuve d'indignité et de manque d'éthique.

Le Président: M. le Procureur général.

M. Bédard: Si le député de Joliette a des choses très précises à dire au Procureur général, il sait qu'il a toujours la possibilité de le faire et j'aviserai en conséquence selon le contenu. Je ne fais pas d'étude rétroactive de toutes les décisions qui ont été prises du temps que vous étiez là.

Le Président: Question principale, M. le député de Gatineau.

La nomination des présidents d'élection

M. Gratton: Merci, M. le Président. Le premier ministre, faisant preuve hier de sa proverbiale générosité à l'endroit de l'Opposition, répondait bien gentiment à ma question sur la nomination des présidents d'élection lorsqu'il fut malheureusement interrompu par des questions de privilège et de procédure que soulevaient ses propos.

Je voudrais donc lui fournir une autre chance ce matin en lui suggérant toutefois de rester calme, de façon à éviter de passer à côté de la question, qui est fort simple. Je demande simplement au premier ministre de m'expliquer comment, dans le cas précis de L'Acadie en septembre 1981 - il ne s'agit pas de faire le procès de l'histoire et remonter jusqu'à Adélard Godbout - il en est arrivé à préférer M. Roland Fortin pour remplacer le président sortant, M. Fernand Binet, alors que ce dernier s'était mérité une note plus élevée que M. Fortin aux concours oraux et écrits du Directeur général des élections. Le premier ministre me dira qu'il n'était pas informé des notes de ces examens, cela ne change en rien le fait qu'il

ne pouvait quand même pas évoquer le manque de compétence de M. Binet, qui était le président d'élection sortant. De l'aveu du premier ministre mardi, dans une telle situation, il consulte. (10 h 50)

J'aimerais tout simplement savoir du premier ministre, dans le cas précis de L'Acadie, en 1981, qui il a consulté. A-t-il parlé aux notables de l'endroit, au maire, au curé, aux marguilliers, aux dames de Sainte-Anne ou aurait-il, à ma grande surprise, demandé au personnel de son cabinet, peut-être bien à l'homme de confiance du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin lui-même, de vérifier la religion des candidats?

J'aimerais finalement savoir ce que ces supposées consultations ont bien pu lui apprendre de plus que ce que le rapport du Directeur général du financement des partis politiques ou les dossiers du parti, dont il est le président et le chef même, lui ont appris, c'est-à-dire que M. Fortin a versé une contribution de 150 $ à la campagne de financement du Parti québécois en 1980.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bertrand: On n'applaudit pas du tout.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais vérifier. Je voudrais, en même temps, donner avis au député que j'aimerais, si c'était possible, avoir, peut-être au feuilleton, je ne sais pas, une liste de ces cas pour voir...

Des voix: Ah!

M. Lévesque (Taillon): Après le député de Maskinongé qui a fait son pèlerinage dans les allocations de départ et qui nous promet un ou deux exemples par semaine...

M. Picotte: Et ce n'est pas encore fini.

M. Lévesque (Taillon): ... là, maintenant, il y a une espèce de nouvelle obsession...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): ... on voudrait faire le tour des 122 comtés. Je prends avis de la question. Je regarderai de quoi il s'agit et on vérifiera.

M. Picotte: Je m'en vais à Sainte-Anne!

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Merci, M. le Président. Je me rends, comme toujours, au voeu du premier ministre et je lui donne tout de suite un certain nombre d'autres cas en lui demandant d'en prendre avis. Comté de Viau: l'ex-agent officiel du Parti québécois a contribué trois fois. Il semble que la somme de 150 $ revient toujours. J'imagine qu'il ne s'agit pas d'un prix fixe.

M. Lalonde: C'est un code! Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Gratton: M. André Corneau a remplacé l'ancien président avec quelques notes à peine de différence. On a parlé du comté d'Arthabaska. On peut parler du comté de Marguerite-Bourgeoys, représenté par ce noble personnage que le premier ministre estime tant où le président d'élection sortant a postulé, au premier concours...

Le Président: Question, s'il vous plaît!

Des voix: II répond à ce qu'on lui a demandé.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président. Dois-je comprendre, de la demande que m'a faite le premier ministre, qu'on devrait simplement faire cela entre nous, derrière le trône?

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Bertrand: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je pense que tout le monde aura compris que le sens de la demande du premier ministre indiquait que si le député voulait effectivement obtenir des réponses à l'ensemble de toutes ces questions relativement à toute une série de nominations, il pouvait les inscrire au feuilleton. Le feuilleton, c'est public et il nous fera plaisir de donner les réponses.

Le Président: J'ai également compris que c'était le sens de l'intervention du premier ministre. Donc, question additionnelle, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je comprends mal que l'étapisme soit si populaire de ce côté-là et qu'on ne nous laisse pas nous-mêmes en profiter.

Laissons de côté les cas individuels, voici ce que je demande au premier ministre. Est-ce que l'impossibilité dans laquelle il se trouve de nous fournir des explications valables sur ces cas spécifiques, ces cas d'espèce, ne révèle pas tout simplement qu'il n'y a pas d'explication autre que de

constater que ce qu'il reprochait au gouvernement libéral antérieurement...

Des voix: Question!

M. Gratton: ... il a une façon plus sophistiquée de le faire pour en arriver exactement au même résultat? Je vous ferai grâce de tout autre commentaire.

Le Président: S'il vous plaît!

Une voix: Cela suffit!

Le Président: M. le député de Gatineau, je vous ai permis une question additionnelle et non pas une intervention. Question additionnelle.

M. Gratton: Le premier ministre est-il au courant qu'en avril 1979 j'avais déposé un projet de loi qui portait le numéro 195 et dont les notes explicatives se lisent comme suit: "Ce projet a pour objet de confier au Directeur général des élections la nomination du président d'élection dans chaque district électoral"?

Le premier ministre n'est-il pas d'accord pour dire que la meilleure façon d'éviter ce genre de questions, ce serait simplement de se retirer complètement du processus de nomination des directeurs de scrutin et de laisser le Directeur général des élections, qu'il a lui-même nommé, faire les nominations sans aucune pression du gouvernement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, j'ai bien dit que c'était une étape, ce qu'on avait fait, qui, je crois, est saprement plus respectable que ce qui prévalait comme tradition. Il est évident qu'on ne sort pas complètement de certaines habitudes, c'est sûr. Je dois dire au député que non seulement je suis d'accord avec la perspective qu'il vient d'évoquer, mais que c'est à cela qu'on vise d'arriver, et le plus vite possible, à part cela.

Le Président: Dernière question additionnelle, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je prends acte de l'intention du premier ministre et je m'en réjouis. J'aimerais simplement lui demander s'il ne nous accorde pas le mérite de l'avoir talonné assez longtemps pour l'amener à pousser sa réflexion jusque-là. Finalement, je veux lui demander, si effectivement il se rend à ce souhait de ne plus avoir d'intervention politique quelconque dans la nomination des directeurs de scrutin, s'il liera non pas seulement son gouvernement à lui, mais les gouvernements ultérieurs qui pourraient, je le souhaite, ne pas être péquistes.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, en cours de route et bien avant que le député présente son avant-projet de loi, on y avait pensé. Le ministre de la Justice travaillait de ce côté.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Non seulement on y avait pensé, mais c'est prévu comme la prochaine étape. Je pense que cela a été mentionné récemment par le ministre de la Justice. On a fait cette étape à partir d'un système qui littéralement avait considéré depuis toujours, chaque fois qu'un parti était au pouvoir dans la vieille tradition, que les gens de l'Opposition devaient cesser, à toutes fins utiles, d'exister dans des cas comme ça.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): II y avait un certain rétablissement qui était nécessaire, mais plus vite on en sortira, le plus je serai content, moi aussi.

Le Président: Question principale, M. le député de Richmond.

L'acquisition de la mine d'amiante de Thetford Mines

M. Vallières: M. le Président, ma question s'adressera au premier ministre. J'aimerais bien qu'il ne se serve pas d'un lanceur de relève, mais qu'il réponde lui-même à la question que je vais lui poser. En tant que chef du gouvernement, en tant que principalement intéressé dans la détermination des priorités de son gouvernement, compte tenu des nombreux sacrifices que le gouvernement que vous dirigez impose actuellement aux Québécois, compte tenu du déficit de 1 300 000 $ de la Société Asbestos Ltée pour l'année 1981 et du déficit probable encore plus élevé en 1982, le premier ministre pourrait-il nous indiquer s'il croit toujours que son gouvernement a fait une bonne affaire en se portant acquéreur de la mine d'amiante située à Thetford Mines pour y engloutir des dizaines de millions de dollars sans créer un seul emploi?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, pour ce qui est des questions de fait, je vais demander au ministre de l'Énergie et des Ressources...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): Je répète encore une fois ce que j'ai déjà dit, en dépit des glapissements qu'on entend de l'autre côté à l'occasion. Formant une équipe, il est normal que les ministres, nous, en tout cas...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Nous formons, M. le Président, une équipe et il serait peut-être avantageux que l'Opposition en prenne de la graine, quand on regarde ce qui se passe par les temps qui courent.

Cela étant dit, avant de passer la parole, pour des réponses en ce qui concerne la situation de fait, au responsable de ce dossier qui est le ministre de l'Énergie et des Ressources, je vais répondre sur le principe au député de Richmond. Oui, on continue de croire que c'était une bonne chose. Dans un domaine où les Québécois - y compris dans la région du député de Richmond - ont eu comme vocation, à propos d'une ressource stratégique où on est le deuxième, troisième producteur du monde, de faire des trous et d'expédier essentiellement la fibre à l'étranger après avoir attrapé notre bonne part des maladies que ça peut donner, je crois que c'était une bonne idée d'être partie prenante dans l'exploitation de cette ressource d'un bout à l'autre. (11 heures)

II y a des difficultés actuellement qui sont dues au contexte économique général, qui sont dues aussi à certaines informations, si on veut, accompagnées de propagande, qui sont un peu désuètes dans certains pays, surtout en Europe où on marche avec l'état des choses tel que c'était quand on ne s'en occupait pas et on croit, nous, que les perspectives, au contraire, à mesure que la relance économique va venir - et elle doit venir éventuellement - que les perspectives de l'amiante par rapport aux substituts sont excellentes et qu'il s'avérera avant trop de temps que c'était une sacrée bonne décision dans l'intérêt général du Québec.

Pour ce qui est de la situation actuelle, je vais demander au ministre de l'Énergie et des Ressources et, M. le Président, je crois que c'est notre droit de compléter une réponse en demandant à celui qui est responsable du dossier de la compléter.

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: Comme on dit dans une autre assemblée, "if you feel it, stand up".

Des voix: Oh!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Duhaime: M. le Président, je ne sais pas si le député de Richmond était intéressé aux travaux de la commission parlementaire lorsqu'on a fait l'étude des crédits du ministère de l'Énergie et des Ressources. Il a été relayé par son collègue d'extrême gauche, le député de Notre-Dame-de-Grâce, et cela nous a permis de faire le point sur l'ensemble du dossier.

La Société Asbestos fait partie du groupe SNA avec la mine Bell et je pense pouvoir dire, M. le Président, que, pour l'année financière 1981 et possiblement l'année financière en cours, la Société nationale de l'amiante affichera un bilan et une performance financière probablement plus avantageux que ses propres concurrents, dans une conjoncture mondiale, sur un marché international - c'est le moins qu'on puisse dire - perturbé par une crise économique. Je n'ajouterai pas que la situation des taux d'intérêt met un frein à des programmes d'investissements que des entreprises dans le secteur de l'amiante envisageaient.

Je voudrais cependant ajouter, M. le Président, puisque la question porte sur le fond du dossier, sur la politique de l'amiante de notre gouvernement, que la seule chose qu'on devrait tous déplorer ici à l'Assemblée nationale, c'est que la mise en place de la SNA ait été faite si tardivement. Cela aurait dû, de notre point de vue, être réalisé il y a 30 ou 40 ans. Si le député de Richmond veut se donner la peine de lire le programme économique de son propre parti... J'ai l'habitude de l'avoir avec moi, M. le Président. Je ne veux pas dire que c'est un livre qui accompagne tous mes déplacements, mais c'est très intéressant, en particulier sur l'amiante. Je l'aurai demain très certainement et je vais le garder ici à l'Assemblée nationale. J'aurais aimé pouvoir le citer. Je voudrais simplement rappeler, M. le Président, que, si cette décision était à refaire, nous la referions avec le regret de n'avoir pu le faire plus tôt. En aval, à l'heure actuelle, grâce aux efforts de la SNA - et simplement de mémoire ici - le projet MAGNAQ-1 de production d'oxyde de magnésium qui vient d'être annoncé, les entreprises...

M. Vallières: J'ai une question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le député de Richmond, sur une question de règlement.

M. Vallières: Ma question très précise, M. le Président, ne portait pas sur la Société nationale de l'amiante et ce qu'il y a en aval et en amont. Elle portait sur l'achat d'une mine située à Thetford Mines...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Duhaime: J'ai parlé de MAGNAQ-1. C'est la première phase d'un projet de production d'oxyde de magnésium d'une capacité de 6000 tonnes. Si la rentabilité fait ses preuves, nous irons jusqu'à 60 000 tonnes d'ici à 18 mois dans le projet phase 3. Je rappelle essentiellement la mise en place de l'usine FILAQ à un mille de...

Une voix: À un mille de chez lui.

M. Landry: C'est une mauvaise décision de ma part.

M. Duhaime: Dans le comté de Richmond; la mise en place de l'usine Lupel-Amiante, le nouveau consortium Descon International et, si j'avais tout mon dossier ici, je pourrais continuer la liste; il y en a encore trois ou quatre autres.

Ce que je veux faire ressortir, M. le Président, c'est que l'arrivée de la SNA sur le marché de l'amiante a permis au Québec des investissements en aval, ce qui ne s'était jamais fait auparavant. Le deuxième élément, c'est que la SNA a entrepris - et je dois saluer les efforts de mon prédécesseur - un gigantesque effort de recherche et de développement depuis 1977 dans le dossier de l'amiante au Québec, tant au centre de recherche de la SNA qu'à l'IRDA, il s'est dépensé, à ce jour, une somme cumulative de 10 000 000 $.

Avant 1977, sous le règne de nos amis d'en face, le montant de la recherche et du développement était 4 , ce qui veut dire 0.

La troisième chose, M. le Président, tout récemment avait lieu à Montréal, les 25, 26 et 27 mai, le premier Symposium mondial sur l'amiante, organisé à l'instigation de notre gouvernement, en collaboration étroite avec le gouvernement du Canada que je salue, M. le Président, et en coopération avec la Commission des communautés européennes, Bruxelles, Belgique, qui a réuni au-delà de 700 participants de 49 pays différents, des représentants syndicaux, des industriels, des médecins, des scientifiques, des scientistes, des hommes de gouvernement. Il n'y a personne qui a posé une question qui ressemble à celle du député de Richmond...

M. Vallières: M. le Président, sur une question de règlement.

M. Duhaime: ... qui consisterait à dire...

Le Président: M. le député de Richmond, sur une question de règlement.

M. Vallières: M. le Président, j'invoque votre sens du devoir pour indiquer au ministre s'il s'agit là d'une déclaration ministérielle. J'ai posé une question très simple, je n'ai pas eu de réponse encore. Je vous demande de ramener le ministre à l'ordre et qu'il réponde aux questions qu'on lui pose. S'il a des déclarations ministérielles à faire, qu'il les fasse au début de nos séances, nous avons besoin de cette période des questions.

Le Président: M. le ministre, brièvement, s'il vous plaît;

M. Duhaime: M. le Président, tantôt mon collègue faisait une déclaration ministérielle. On s'en plaignait. On m'invite à en faire une. Faites-vous une idée.

Ce que je voudrais vous dire essentiellement pour terminer, à partir du symposium mondial, j'ai proposé qu'on ait une table et un suivi à l'échelon international. Cela a été très bien accueilli. Nous croyons qu'à l'échelle du monde, à partir du moment où le cap de la crise sera franchi, l'effet d'entraînement va revenir aussi dans le secteur de l'amiante.

J'inviterais à nouveau le député de Richmond, au lieu de profiter de la tribune de l'Assemblée nationale pour poser des questions qui font tort à cette industrie, qui font tort à ces travailleurs, de se rallier à cette politique de l'amiante qui correspond à peu près, je ne dirais pas mot à mot, mais à l'esprit du programme libéral, que vous auriez intérêt à relire. Vous devriez nous appuyer dans nos efforts. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Richmond, question additionnelle.

M. Vallières: II va de soi, M. le Président, que ce gouvernement ne nous convaincra pas d'acheter des mines d'amiante à un moment où il coupe dans les services à la population, au moment où il taxe les contribuables de façon éhontée, au moment où il ne respecte pas la signature...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Richmond, question additionnelle, s'il vous plaît!

M. Vallières: Est-ce que, en pleine période de crise, M. le Président, comme le mentionnait le superministre d'État au Développement économique tout à l'heure, ce gouvernement va avouer qu'il a posé un très mauvais geste en se portant acquéreur de cette mine et...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Vallières: ... est-ce que ce mauvais choix de priorités de ce gouvernement n'explique pas les déclarations de panique du ministre de l'Énergie et des Ressources vis-à-vis des représailles commerciales qu'il

entend prendre à l'endroit des pays utilisateurs d'amiante? N'aurait-il pas mieux valu de convaincre ces utilisateurs qu'on pouvait se servir de l'amiante sans danger à travers le monde plutôt que de faire des représailles, des menaces et du chantage à ces pays?

Une voix: Très bien.

Le Président: M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

M. Duhaime: Je comprends, M. le Président, que le Parti libéral peut avoir beaucoup de difficultés à comprendre que, de ce côté-ci de la Chambre, nous ayons pu nous entendre avec les dirigeants d'une PME à l'échelle internationale qui s'appelle la General Dynamics et qu'on ait pu s'entendre entre gentlemen pour faire une transaction qui, à toutes fins utiles, a entraîné un déboursé de l'ordre de 16 000 000 $...

M. Garon: Cela coûtait trop cher pour la caisse électorale dans le temps des rouges.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Duhaime: ... par le biais d'une émission d'actions du trésor de General Dynamics of Canada qui nous donnait automatiquement accès à un montant de liquidité de 16 000 000 $ dans cette entreprise, avec l'option également de payer les 65 000 000 $ avec les taux d'intérêt au contrat. Cela vous fatigue, et je le comprends. Vous auriez aimé mieux qu'on continue de se chicaner.

On a parlé de représailles, et je voudrais faire le point là-dessus puisque le député m'y invite. Mon collègue fédéral, M. Gray, a prononcé une allocution au symposium - c'était à son tour de payer les agapes ce midi-là - le 26 mai dernier. J'ai le texte de son discours et je voudrais simplement lire la phrase clef de ce discours. C'est en anglais, je m'excuse. Ce bout, il l'a dit en anglais, mais je dois dire que d'autres parties de son discours étaient prononcées en français. "A degree of consistency among the approaches of governments is clearly desirable. For without it, and with the increasing importance and use of public policy in the social and environmental fields, perception could evolve that such policies would be increasingly used as instruments for economic protectionism rather than saveguarding public health and safety."

Le lendemain, j'ai prononcé une allocution, c'était à mon tour de recevoir tout le monde, c'était le 27 mai. Comme ça m'arrive rarement, j'avais un texte écrit. Je voudrais lire le pragraphe clef pour rejoindre les échos de la première page d'un grand quotidien. Je m'excuse de me citer: "Nous nous inscrivons en faux contre toute démarche consistant à bannir ce matériau pour le voir remplacé par des produits de substitution souvent mal connus et, dans tous les cas, non réglementés. Dans l'état actuel des connaissances scientifiques, une mesure de bannissement nous apparaît donc comme un geste de discrimination commerciale qui ne saurait demeurer sans écho." Et je pourrais continuer.

Ce que je voudrais faire ressortir au député, c'est que j'ai eu l'occasion de parler avec M. Gray, j'ai eu l'occasion de le revoir, d'ailleurs, la semaine dernière, lundi, je crois, lorsque, à l'IREQ, nous avons inauguré la première usine pilote de fabrication d'hydrogène liquide - je comprends que ça n'intéresse pas le député de Richmond - et je lui ai dit que nous allions faire nous-mêmes des représentations auprès des communautés économiques européennes, à nouveau auprès du gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, comme je l'ai fait. Je peux dire que j'ai eu le plaisir d'être accompagné par l'ambassadeur canadien à Bonn, M. Goldschlag, lors de mon dernier séjour là-bas. Nous irons également en Scandinavie...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, veuillez conclure s'il vous plaît! À plusieurs reprises, déjà, je vous ai invité à conclure et je compte sur votre collaboration pour le faire cette fois-ci.

M. Duhaime: Je vous remercie, M. le Président, de votre largeur de vues. Je voudrais terminer en disant essentiellement que ce serait quand même un phénomène un peu curieux, alors que le niveau des inventaires dans l'aluminium est à son seuil des plus élevés depuis la dernière crise, alors que le prix du cuivre est ce que vous connaissez, alors que le marché international du fer et de la boulette est ce que vous connaissez, il y aurait seulement une industrie...

Le Président: M. le ministre, s'il vous plaît!

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Richmond, question additionnelle.

M. Vallières: C'est ma dernière question additionnelle, M. le Président. Il faut constater que, pour ce gouvernement, il est plus important d'engloutir des millions de dollars dans l'achat d'une mine d'amiante que de prendre ses responsabilités vis-à-vis de nos contribuables qui sont surtaxés présentement. Je remercie le premier

ministre d'avoir contribué en corroborant les propos du ministre de l'Énergie et des Ressources. C'est la preuve, à moins qu'il ne me convainque du contraire, qu'il refuse de faire les bons choix, qu'il refuse de venir en aide à nos contribuables. Le premier ministre pourrait peut-être corroborer davantage les propos de son ministre, qui tente actuellement de noyer le poisson, alors qu'il sait très bien que l'achat de la mine située à Thetford Mines est un très mauvais geste en période de crise économique.

Le Président: Je dirai aux membres de cette Assemblée que, si j'ai permis au député de Richmond de faire cette intervention, c'est qu'il y a eu, au préalable, un abus flagrant du règlement sur une réponse qui a duré au-delà de huit ou neuf minutes.

M. le ministre.

M. Duhaime: M. le Président, vous allez comprendre que je ne pourrais pas invoquer une question de règlement à votre endroit, mais je voudrais simplement vous signaler que j'ai été interrompu à plusieurs reprises...

Des voix: Oh!

M. Duhaime: ... et que personne, de l'autre côté, n'a soulevé de question quant à la longueur de ma réponse parce qu'ils semblaient tous très intéressés, pour une fois qu'on parle d'un dossier économique.

Je répondrai essentiellement ceci au député de Richmond. Si j'avais dans ma poche 200 000 000 $, je n'aurais aucune hésitation à envisager d'en affecter une part significative dans le dossier de l'amiante, en particulier à Asbestos et aussi dans la région de l'amiante, pour consolider nos positions.

Le premier ministre, tantôt, a indiqué que le Québec était le premier ou le deuxième pays producteur. Dans la fibre blanche, nous sommes le premier pays exportateur à l'échelle du monde entier. Comme les Russes - vous les connaissez, M. le Président - sont un peu cachottiers sur les comptes internationaux, ce n'est pas facile de savoir combien ils peuvent vendre aux pays membres de la COMECON. Nous nous considérons donc comme étant les premiers dans la fibre blanche, dans les grades que nous expédions. Vous ne me ferez pas modifier mon opinion sur la politique de l'amiante. J'aurais souhaité, cependant, que vous nous appuyiez davantage lors du débat...

M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement.

Le Président: Question principale, M. le député de Châteauguay.

Une voix: Question additionnelle.

Le Président: Question principale, M. le député de Châteauguay.

Une voix: Trop tard.

Le projet Archipel

M. Dussault: M. le Président, ma question s'adresse au ministre d'État à l'Aménagement et à la décentralisation. Il s'agit - je pense qu'on l'a deviné - du projet Archipel. On sait que, jeudi et vendredi derniers, les 3 et 4 juin, se tenait, à Montréal, une table de concertation sur le projet Archipel. Cette table a donné lieu à des consensus qu'on peut qualifier, à mon avis, de très positifs à l'égard du projet, consensus, cependant, auxquels les articles de journaux, du moins les titres qui les ont coiffés, n'ont pas tellement rendu justice.

Pour le bénéfice de l'Opposition qui n'a pas posé de question là-dessus et pour le bénéfice de la population, j'ai une question à deux volets. Je voudrais que le ministre situe cette table de concertation par rapport à l'ensemble du cheminement du projet Archipel et, deuxièmement, qu'il nous fasse part des consensus constatés tout au long des travaux et qui ont été vérifiés auprès des participants à la fin des travaux.

Le Président: M. le ministre d'État à l'Aménagement.

M. Gendron: Effectivement, M. le Président, se tenait, les 3 et 4 juin, à Montréal, la première table de concertation du projet Archipel qui, comme tout le monde le sait, est un projet d'envergure, un projet polyvalent intégré, donc un grand projet. Il est important de prendre quelques minutes pour situer dans quel contexte se tenait cette table de concertation.

On avait mentionné, vers la fin de l'été 1981, qu'il était important de déposer, d'abord, un premier rapport d'étape sur l'ensemble du projet Archipel, ce qui a été fait. Par la suite, le comité ministériel Archipel, que je préside, a décidé de s'entendre sur un échéancier dans le temps pour savoir exactement où on s'en allait avec ce projet. On a déterminé qu'à la suite de la tenue d'une vaste consultation qui serait recueillie par un comité de consultation spécialisé il y aurait lieu de tenir une première table de concertation pour, effectivement, dégager certains consensus afin que l'ensemble des Montréalais puisse en connaître davantage sur un projet d'aussi grande envergure. C'est ce qui a été fait.

Malheureusement, je pense que, dans l'ensemble, il est difficile de se faire une idée exacte de ce qui s'est passé à la table de concertation si on s'en tient uniquement au reflet de la presse. Je pense que tous les

participants ont convenu que, sur au moins trois problèmes fondamentaux ou trois questions fondamentales du projet Archipel, à savoir la régulation des débits, l'accessibilité des rives et, également, toute la question de l'amélioration de la qualité de l'eau, il s'est dégagé un assez large consensus. (11 h 20)

L'autre point qui a toujours été important dans le projet Archipel, c'est de savoir si c'est, oui ou non, à la dimension d'une production d'hydroélectricité dans les rapides de Lachine. Il est exact que, pour ce qui est de cette dimension dans le projet Archipel, le consensus était peut-être moins large, mais je tiens à vous rappeler et à rappeler à tous les membres de cette Chambre qu'il s'agit d'un projet polyvalent intégré qui fait appel à des notions modernes de 1982 comme la qualité de l'eau, l'amélioration de la qualité de vie pour les Montréalais. Dans ce sens-là, je pense qu'il est peut-être important de commencer à envisager de dépasser les analyses traditionnelles de rentabilité coûts-bénéfices parce qu'il s'agit, pour l'ensemble des citoyens de l'île de Montréal élargie, donc, pour une population de presque la moitié du Québec, de leur offrir ce dont ils n'ont jamais pu bénéficier, compte tenu qu'ils ont quand même un site absolument extraordinaire qui s'appelle l'Archipel, d'avoir un meilleur accès à leurs rives, ce qui n'est pas le cas, d'avoir une eau de meilleure qualité et, une fois pour toutes, peut-être, de régler toute la question des étiages, des inondations. Il me semble que ce sont des valeurs importantes, M. le Président, dont la génération qui nous pousse dans le dos voudra qu'un gouvernement responsable tienne compte et c'est ça que la table de concertation devait dégager.

Une voix: Bravo!

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Bourassa et, par la suite, M. le député de Nelligan.

M. Laplante: Merci, M. le Président. Elle sera très courte. À ce stade-ci des études du projet Archipel, M. le ministre, est-ce que vous pouvez parler de rentabilité?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Aménagement.

M. Gendron: Assez rapidement, comme je l'ai mentionné... D'ailleurs, je tiens à signaler que, contrairement à ce qui a été affirmé dans les journaux, j'ai assisté à la table de concertation parce que je la présidais. Mon collègue Yves Duhaime, ministre de l'Énergie et des Ressources, était présent. Je suis très heureux d'ailleurs de la présence de l'ensemble de mes collègues à la table de concertation du comité ministériel Archipel. Que je sache, mon collègue du ministère de l'Énergie et des Ressources n'a jamais mentionné ce qu'on a rapporté, à savoir que le projet Archipel pris dans sa globalité était non rentable. Ce qu'il a mentionné et qui est exact... À ce moment-ci, oui, on est en mesure de mentionner que la production hydroélectrique, le coût, entre autres, des kilowatts qui seraient produits dans les rapides de Lachine, serait supérieur à ce que nous connaissons des coûts de LG 2, de LG 3 ou d'ailleurs, mais, comme je l'ai mentionné, jamais ce projet-là n'a été exclusivement limité à une de ses dimensions qui est la production hydroélectrique.

Dans ce sens-là, je pense que, quand on a à parler de la rentabilité du projet Archipel, il faut tenir compte d'autres coûts que, de toute façon, le gouvernement paie. Dans le programme d'assainissement des eaux, le gouvernement du Québec a actuellement au-delà de 2 000 000 000 $ d'engagés. La même chose au niveau de l'amélioration de la qualité de l'eau, des berges, des rives. Tout le programme du MLCP par une plus-value des territoires inondés, ça aussi ça représente des coûts et, si on regarde l'ensemble des coûts que le gouvernement doit payer de toute façon, je ne suis pas en mesure de dire aujourd'hui que c'est un projet non rentable. Au contraire, il m'apparaît qu'il offre une très grande rentabilité, mais peut-être une rentabilité plus socio-économique que strictement économique.

Le Président: M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: On commence à avoir un petit virage technologique; maintenant, ce ne sont plus les coûts rentables, ce sont les coûts socio-économiques. N'est-il pas vrai qu'il y a deux grands consensus qui se dégagent de la table de concertation? Premièrement, le président d'Hydro-Québec, appuyé en fait par le ministre de l'Énergie et des Ressources, a dit que le coût du projet hydroélectrique du projet Archipel serait deux fois le coût d'un projet similaire dans la région de la Baie-James. Deuxièmement, votre rapport du comité ministériel dit même ceci: "Selon les mêmes données, le comité ministériel estime aussi que ce type d'intervention sur les eaux, proposé par le projet Archipel, serait difficilement rentable sans sa dimension hydroélectrique."

Troisièmement, est-ce qu'il n'y a pas un autre consensus qui se dégage selon lequel il n'y a aucune intégration du projet d'assainissement des eaux du ministère de l'Environnement à votre projet Archipel, compte tenu que l'intercepteur sud de l'île de Montréal n'a même pas encore été commencé et est déjà bien en retard? N'est-

ce pas qu'il faut revoir toute votre affaire et arrêter de dépenser des millions de dollars que vous allez mettre dans les projets préliminaires, dans des espèces de projets fous et de bebelles?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Aménagement.

M. Gendron: Vous savez qu'il y avait trois volets à sa question. Comme je souhaite toujours, quand on me pose des questions, y répondre, ça va prendre un peu plus de temps. La première question: Est-ce que M. Bourbeau, président d'Hydro-Québec, a mentionné que le coût de la production hydroélectrique serait supérieur à ailleurs, aux rapides de Lachine, deux pour un, oui. Un instantl M. Bourbeau a une responsabilité, il est président d'une société d'État. Il y a un membre du comité ministériel Archipel qui s'appelle le ministre de l'Énergie et des Ressources, mais c'est la responsabilité d'Hydro-Québec de venir à une table de concertation et, pour ce qui la regarde, elle, Hydro-Québec, de donner son appréciation sur le coût, c'est son job. Le membre du comité ministériel Archipel, Yves Duhaime, doit apprécier l'ensemble du projet, je l'ai dit tantôt. Je pense que la seule dimension touchant la production hyroélectrique en est une, mais il faut tenir compte de l'ensemble des autres dimensions.

Deuxième volet. M. le député de Nelligan a mentionné que nous-mêmes, du comité ministériel Archipel, avons parlé, dans notre rapport, de continuer, dans l'appréciation de la valeur économique de ce projet, à regarder la dimension de la production de l'hydroélectricité. J'ai répondu: Oui, la table de concertation est toujours d'accord, mais pour autant qu'on ne reste pas braqué que sur ce seul critère.

Troisième volet. Le député de Nelligan parle d'une meilleure intégration du programme d'assainissement des eaux versus les gestes qui devront être posés pour améliorer les eaux de l'archipel. Je dis que la table de concertation a convenu que le programme d'assainissement des eaux est un programme qui déborde strictement les interventions que nous allons faire dans les eaux de l'archipel, mais, pour l'harmonisation qui doit exister entre les interventions du programme d'assainissement des eaux et les interventions projetées pour améliorer la qualité de l'eau dans l'archipel, il est important d'avoir une très grande harmonisation pour que les coûts portent à la même place.

Dernière facette de sa question... Je l'ai oubliée.

Le Président: La période des questions est terminée et j'ai une demande de quatre questions additionnelles sur le même sujet. À moins d'un consentement unanime... Si j'en reconnais un, je reconnaîtrai les quatre. Il y en a deux du côté gauche et deux du côté droit.

Des voix: Non.

Le Président: Absence de consentement.

Fin de la période des questions.

Motions non annoncées.

Enregistrement des noms sur les votes en suspens.

Qu'on appelle les députés! (11 h 30)

Mise aux voix de la deuxième lecture du projet de loi no 68

(11 h 30)

Le Vice-Président (M. Jolivet): Allez vous asseoir. Vous pouvez vous asseoir. S'il vous plaît, si on veut que les commissions puissent fonctionner rapidement. À l'ordre, à vos sièges! M. le ministre!

La motion qui est mise aux voix est celle du ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor qui propose que le projet de loi no 68, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite, soit maintenant lu pour la deuxième fois. Que ceux et celles qui sont pour veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Lévesque (Taillon), Bertrand, Mme Marois, MM. Bédard, Laurin, Johnson (Anjou), Bérubé, Landry, Lazure, Gendron, Mme LeBlanc-Bantey, MM. Lessard, Marcoux, Biron, Godin, Rancourt, de Bellefeuille, Léger, Clair, Chevrette, Fréchette, Marois, Duhaime, Garon, Tardif, Léonard, Martel, Charron, Proulx, de Belleval, Mme Lachapelle, MM. Dean, Paquette, Gagnon, Dussault, Vaugeois, Mme Juneau, MM. Fallu, Grégoire, Bordeleau, Leduc (Fabre), Marquis, Charbonneau, Boucher, Mme Harel, MM. Beauséjour, Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Champagne, Perron, Blais, Blouin, Gauthier, Gravel, Laplante, Lavigne, Brouillet, Rochefort, Baril (Rouyn-Noranda-Témiscaminque), LeMay, Payne, Beaumier, Tremblay, LeBlanc, Lafrenière, Paré, Lachance, Dupré.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Que ceux et celles qui sont contre veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: MM. Ryan, Levesque (Bonaventure), O'Gallagher, Ciaccia, Mme Lavoie-Roux, MM. Lalonde, Mailloux, Vaillancourt (Orford), Mme Bacon, MM. Marx, Bélanger, Bourbeau, Blank, Caron, Assad, Vallières, Mme Dougherty, MM. Lincoln, Paradis, Johnson (Vaudreuil-Soulanges), Picotte, Pagé, Gratton, Rivest, Fortier, Rocheleau, Bissonnet, Polak, Maciocia, Cusano, Dubois, Sirros, Saintonge, Dauphin,

French, Doyon, Kehoe, Middlemiss, Hains, Leduc (Saint-Laurent).

Le Secrétaire: Pour 67

Contre: 40

Le Vice-Président (M. Jolivet): Motion adoptée. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission des finances

M. Bertrand: M. le Président, je ferais motion pour déférer le projet de loi no 68 à la commission parlementaire permanente des finances.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Avis à la Chambre. Motions, M. le leader.

Recours à l'article 34

M. Ciaccia: En vertu de l'article 34, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 34, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, le leader parlementaire pourrait-il nous dire quand il entend déposer le projet de loi omnibus qui a été annoncé en conférence de presse par le ministre de l'Habitation concernant le programme de relance de la construction?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Au tout début de la semaine prochaine, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie.

M. Saintonge: Le leader pourrait-il s'informer des progrès de l'enquête du vérificateur en regard de l'administration de la fête nationale au Saguenay-Lac-Saint-Jean et nous dire aussi s'il a des indices quant à la date où le rapport sera finalement déposé? Je pense qu'il serait éminemment souhaitable que nous ayons ce rapport avant la fin de la présente session.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, comme il ne s'agit pas vraiment de travaux parlementaires, je pourrais ne pas y répondre, mais j'y répondrai tout de même et je rappellerai la réponse du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui a dit que, quant à lui, il aurait aimé recevoir le rapport avant-hier, et c'est comme cela chaque jour. Il est le premier à souhaiter que le rapport puisse lui être transmis dans les plus brefs délais, mais il n'est pas en mesure de dire quand le vérificateur pourra remettre son rapport.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Verdun.

M. Caron: M. le Président, ma question s'adresse au leader du gouvernement. Il semblerait que le premier ministre ait l'intention de déposer un projet de loi dans le but d'être plus juste et plus neutre dans le choix des présidents d'élection. Serait-il possible de demander au leader qu'il y ait des prix conformes pour les présidents, parce qu'à Verdun c'est, 80 $, 81 $, 200 $ et...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député! M. le député'. Ce n'est vraiment pas en vertu de l'article 34. M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, une question en vertu de l'article 34. Il y a déjà plusieurs mois que le ministre de l'Éducation nous promet un document sur la réforme scolaire et on l'attend depuis sept ou huit mois. Le leader peut-il nous assurer que, s'il est rendu public d'ici la fin ou la suspension de nos travaux, il sera rendu public ici, à l'Assemblée nationale?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vais m'enquérir auprès du ministre de l'Éducation du moyen qu'il entend choisir pour rendre public le rapport, le mémoire ou le document en question. Je voudrais simplement indiquer au député de Marguerite-Bourgeoys qu'il faudrait d'abord, avant que le ministre de l'Éducation prenne une décision relativement au moyen qu'il jugera approprié, que le Conseil des ministres ait statué sur le projet de réforme.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Est-ce que je comprends des propos du leader qu'il n'y a pas de décision finale qui a été prise sur cette réforme? Pourrait-il nous donner une indication de la date où cela sera décidé et déposé? Est-ce que cela va être avant la fin de la session?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: C'est à l'ordre du jour du Conseil des ministres de mercredi prochain, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, j'ai demandé au leader hier s'il était possible d'avoir la réglementation qui accompagne le projet de loi no 75, étant donné que le ministre m'avait fait une promesse formelle à ce sujet lors de l'étude des crédits qu'il déposerait ces règlements en même temps que le projet de loi. J'ai su qu'elle ne sera pas prête avant mardi. Pourrait-on demander, au moins, d'avoir une commission parlementaire pour rencontrer le président de la SDI avant d'étudier le projet de loi?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, que je sache, le président de la SDI a été présent lors de l'étude des crédits de la commission parlementaire permanente de l'industrie et du commerce. Toutes les questions ont pu lui être posées et le ministre n'a pas d'objection à ce qu'après le débat en deuxième lecture, au moment de l'étude article par article du projet de loi, le président de la SDI puisse être présent.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Vous remarquerez, M. le Président, que nous n'avions pas le projet de loi no 75 au moment de l'étude des crédits, mais, si c'est pour rendre service au leader, on va se plier à cette procédure.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Motions, M. le leader.

Travaux des commissions

M. Bertrand: M. le Président, aujourd'hui, de 11 h 45 à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, au salon rouge, la commission des affaires municipales se réunira pour l'étude des projets de loi privés dont je ne fais pas la nomenclature, et aussi de 20 heures à 24 heures, ce soir, alors toute la journée. À la salle 81-A, la commission permanente du travail, de la main-d'oeuvre et de la sécurité du revenu se réunira ce matin, de 11 heures à 13 heures, et cet après-midi, de 15 heures à 18 heures, avec possibilité, d'après ce qu'on croit savoir, que l'étude puisse se terminer avant 18 heures - j'avais présumé, M. le Président, d'une entente qui aurait pu exister à ce point de vue - pour étudier le projet de loi no 72 article par article.

Si les travaux de cette commission étaient terminés à 18 heures, ce soir, de 20 heures à 24 heures, la commission parlementaire permanente des commu- nications se réunirait pour étudier le projet de loi no 65 article par article. (11 h 40)

Le Vice-Président (M. Jolivet): Ces motions sont-elles adoptées? Adopté.

Affaires du jour.

M. le leader.

M. Bertrand: L'article 11 du feuilleton d'aujourd'hui, M. le Président.

Projet de loi no 67 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture du projet de loi no 67, Loi modifiant la Loi sur les procédures sommaires, le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives. La parole est au ministre de la Justice.

Nous allons donc permettre aux gens de quitter la Chambre pour participer aux commissions. M. le ministre.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, le projet que nous étudions aujourd'hui a pour principaux objectifs d'humaniser le recouvrement des amendes imposées en vertu des lois du Québec et de faciliter l'accès des citoyens à la justice dispensée par les tribunaux. Ce projet de loi a également pour objet de modifier diverses lois afin de favoriser une meilleure administration de la justice, une administration plus humaine, M. le Président.

Comme le projet de loi est divisé en quatre sections, vous me permettrez de les aborder les unes après les autres. Comme je viens de le mentionner, ce projet de loi a pour objet d'humaniser le recouvrement des amendes et suggère à cet égard une réforme que, je crois, on peut qualifier de majeure et essentielle.

Avant de décrire les changements qui seront apportés, il convient, je crois, de situer le contexte dans lequel la nécessité de cette réforme s'est fait sentir. Comme vous le savez, une des sanctions les plus courantes que l'on rencontre dans nos lois est l'imposition d'une amende à la suite des infractions. C'est la Loi sur les poursuites sommaires qui détermine la procédure à suivre pour l'application de ces sanctions, ainsi que les pouvoirs du juge lorsqu'il impose une sentence comportant amende.

Actuellement, la loi prévoit que, à défaut de paiement d'amende immédiat ou dans un délai déterminé par le juge, lequel délai est souvent variable, le juge peut

ordonner la saisie des biens meubles du contrevenant ou peut ordonner son emprisonnement. C'est la loi telle qu'elle existe présentement. En pratique, on sait que les juges prévoient presque toujours, lors de l'imposition de l'amende, une peine d'emprisonnement à être purgée en cas de non-paiement de l'amende, plutôt que la saisie civile. Or, il arrive effectivement qu'un certain nombre de contrevenants ne paient pas l'amende et se retrouvent par conséquent automatiquement dans un établissement de détention. En effet, ces contrevenants, ces citoyens se retrouvent en prison soit parce qu'ils n'ont pas l'argent liquide pour acquitter le montant de l'amende dans le délai fixé par le juge, soit parce qu'ils ne possèdent pas de biens meubles en propre en nombre suffisant pour acquitter le paiement de l'amende à laquelle ils ont été condamnés.

Bien que le nombre des personnes emprisonnées par défaut de paiement d'amende ne représente approximativement que 1% de l'ensemble des personnes à qui une amende a été imposée, en nombre absolu cela représente quand même plus de 7000 dossiers, ce qui équivaut à plus de 43% des admissions des personnes condamnées à purger une peine dans un établissement de détention du Québec. Si l'on tient compte de ce nombre et de la durée d'emprisonnement de ces personnes, cela représente quand même un taux d'occupation des établissements de détention d'environ 8% par année, ce qui est très important.

L'emprisonnement est souvent la seule alternative au défaut de paiement d'amende lorsque l'on considère la clientèle visée qui compte souvent les gens les plus démunis de la société. Une telle situation me paraît - je suis convaincu que c'est aussi le cas des représentants de l'Opposition - injustifiable sur le plan humain, d'autant plus qu'il n'existe pas actuellement, dans la loi, de corrélation entre la gravité de l'infraction et la durée des peines d'emprisonnement qui peuvent être octroyées lors de condamnations. Une telle situation conduit également à une utilisation irrationnelle de nos établissements de détention puisqu'il n'y a pas de rapport, non plus, entre la gravité de l'infraction et le caractère dangereux de la personne qui pourrait justifier cet emprisonnement.

En effet, les infractions à l'origine de l'emprisonnement à défaut de paiement d'amende sont de 60% à 70% reliées à l'utilisation d'un véhicule à moteur, donc concernent des personnes qui, en très grande proportion, n'ont pas un caractère de criminalité ou encore de dangerosité qui nous justifierait de ne pas faire les efforts nécessaires pour essayer de trouver un autre système. Je pense qu'il n'est pas parfait, mais je suis convaincu qu'il mérite qu'on en fasse un essai loyal.

Donc, étant donné le caractère de ces personnes, je pense qu'on ne serait pas justifié de ne pas essayer de faire la réflexion nécessaire pour- trouver le moyen de faire en sorte que des personnes qui, pour la plupart, ne sont pas dangereuses pour la société, ne soient pas emprisonnées parce qu'elles ne peuvent payer une amende, mais qu'elles satisfassent, d'une manière ou d'une autre, par des moyens très précis, à un jugement qui aurait été rendu par un juge.

C'est pourquoi mon ministère s'est fortement intéressé à cette question et créait, en juillet 1980, un groupe de travail chargé d'analyser d'autres solutions que l'emprisonnement à défaut de paiement d'amende, de soumettre des recommandations en vue de diminuer l'importance de ce phénomène et d'en analyser les diverses implications. Le rapport de ce groupe de travail a été déposé en novembre 1980 et transmis, par la suite, à différents intervenants dont les juges en chef des différentes cours, le Conseil consultatif de la justice et la Conférence des juges du Québec.

Les modifications proposées sur les poursuites sommaires - les consultations ayant été faites également, comme je l'ai mentionné - ont donc pour but d'humaniser la justice en permettant l'étude individuelle de chaque dossier et en appliquant au contrevenant, après évaluation de sa situation financière particulière, la meilleure alternative possible à l'emprisonnement pour défaut de paiement d'amende. En outre, les modifications auront pour effet d'établir une concordance entre la gravité de l'infraction et la durée de l'emprisonnement.

Pour atteindre cet objectif, nous procédons à la redéfinition des rôles du juge et de l'administration dans la perception des amendes. Ainsi, une première mesure prévoira qu'un juge de paix ne peut imposer l'emprisonnement ou la saisie à défaut de paiement d'amende en même temps qu'il impose cette amende, comme cela se fait actuellement. Ce faisant, le juge ne pourra donc plus privilégier un mode d'exécution au détriment des autres, car l'exécution de l'amende et le choix de la mesure la plus propice à appliquer au contrevenant deviendront expressément une responsabilité administrative qui échoira à un officier de justice appelé percepteur. (11 h 50)

Le percepteur est, d'après ce projet de loi et l'ensemble de la politique que nous voulons mettre en application, le personnage central du nouveau système proposé. Il s'agit d'un officier de justice désigné à ce titre par le ministre de la Justice et chargé principalement de recevoir les paiements d'amende et de voir à l'exécution des jugements. Dans le nouveau système proposé,

le juge de paix, s'il ordonne dans son jugement le paiement d'une somme, fixera un délai pour ce paiement qui, sauf si le défendeur y renonce, ne devra en aucune façon être inférieur à 30 jours de la date de la décision. Le percepteur transmettra alors au contrevenant un avis du jugement avec une demande de paiement de l'amende dans le délai indiqué. Toutefois, en cas de non paiement dans le délai fixé, parce qu'il peut arriver que des personnes bien intentionnées, ayant été condamnées à une amende, étant donné leur situation financière, ne puissent satisfaire au paiement de l'amende dans les délais fixés, il y aura la possibilité, pour le percepteur, d'étudier la situation financière du contrevenant et de s'entendre avec lui, soit pour lui accorder un délai additionnel, soit pour recevoir des paiements différés ou encore convenir avec le contrevenant d'une fréquence et d'une durée qui vont mener, à la satisfaction du jugement, au paiement de l'amende. Donc, ce percepteur devra tenir compte de la situation financière du contrevenant.

Si les délais sont épuisés ou si l'entente prise avec le percepteur n'a pas été respectée, le percepteur pourra alors, s'il le juge à propos, procéder, en qualité de saisissant, à la saisie des biens meubles ou immeubles du contrevenant. À noter qu'à l'avenir la saisie pourra s'exercer aussi bien sur les salaires, traitements et gages du contrevenant, ainsi qu'en main tierce, et que les procédures de saisie émaneront de la Cour provinciale ou de la Cour supérieure selon les montants en cause.

Cependant, M. le Président, avant de procéder à une saisie immobilière, le percepteur devra toutefois, étant donné l'importance de ce geste, présenter une demande à un juge de paix pour que celui-ci autorise ce type de saisie. Le juge à qui une telle demande est formulée devra alors autoriser le percepteur à procéder immédiatement à la saisie ou, dans des circonstances exceptionnelles et s'il estime que l'intérêt de la justice sera mieux servi, le juge pourra autoriser le percepteur à procéder à la saisie, mais uniquement si le contrevenant refuse ou néglige d'effectuer des travaux compensatoires qui lui auront été offerts préalablement à la saisie.

Qu'en est-il de ces travaux compensatoires? Il s'agit, pour le contrevenant, d'un moyen original d'acquitter sa peine en acceptant d'effectuer gratuitement, pour le compte d'organismes divers, des travaux offerts par le percepteur. Je rappelle qu'il existe déjà au-delà de 1500 organismes communautaires au Québec, reconnus par le ministère de la Justice dans le cadre des programmes de travaux communautaires déjà offerts depuis trois ans comme alternative aux sentences d'emprisonnement décernées par nos tribunaux. Donc, toute la structure ou tous les moyens sont déjà en place, toutes les ressources, tant du point de vue administratif que du point de vue des organismes communautaires, sont déjà en place pour pouvoir donner suite à l'application de cette politique à partir du moment où l'Assemblée nationale donnera le feu vert.

Les travaux compensatoires seront offerts au contrevenant lorsque les moyens décrits précédemment n'auront pas permis de recouvrer le montant de l'amende, c'est-à-dire la saisie et l'extension de délai dans certaines circonstances. La durée des travaux compensatoires sera fixée conformément à la table d'équivalence établie dans une annexe à la Loi sur les poursuites sommaires. Cette annexe établit la durée des travaux compensatoires que devra effectuer un contrevenant en fonction du montant de l'amende à laquelle il a été condamné. Un rapport de l'exécution des travaux sera fait à un juge de paix; sur signature du rapport par le juge de paix, le contrevenant sera alors libéré du paiement de son amende, ayant effectué les travaux compensatoires.

Nous avons tenu à ce que la loi contienne cette annexe qui permet de ne pas tomber dans l'arbitraire, mais d'y aller avec des normes précises. Je pense que c'est bien important, puisqu'on parle d'amende et d'emprisonnement, que le législateur fasse tout en son pouvoir pour que nous ne tombions pas dans le monde de l'arbitraire, ce qui risquerait d'être plus négatif envers les citoyens et les citoyennes que le système qui existe déjà.

Cependant, au moment d'offrir le paiement de la dette par le biais de travaux compensatoires, le percepteur déterminera, suivant la disponibilité des travaux et suivant les capacités et l'habileté du contrevenant, la nature des travaux compensatoires que celui-ci peut s'engager à exécuter. Quant aux modalités relatives à ces travaux compensatoires, mentionnons que le projet de loi prévoit qu'une unité de travail compensatoire équivaut à trois heures de travail. Cependant, une personne ne peut s'engager à exécuter plus de 500 unités de travail compensatoire, c'est-à-dire plus de 1500 heures de travail.

L'intérêt de ces travaux compensatoires. D'une part, les travaux compensatoires permettront de libérer des places dans les établissements de détention; d'autre part, ils permettront aux contrevenants, aux citoyens qui ont à faire face à la justice, condamnés à une amende, de se comporter d'une façon utile pour la société.

En outre, dans le but d'inciter le contrevenant à effectuer des travaux compensatoires plutôt que de se laisser incarcérer, le projet de loi prévoit que l'exécution des travaux va permettre au

contrevenant d'acquitter toutes les amendes dues au moment de l'engagement, quel qu'en soit le montant.

Le projet de loi prévoit également que les travaux compensatoires devront être exécutés dans les douze mois de l'engagement ou dans les 24 mois de celui-ci si le montant de l'amende est supérieur à 10 000 $. Il est intéressant, je crois, de noter que la plupart des lois relatives au travail ne s'appliqueront pas aux personnes qui effectueront des travaux compensatoires car, alors que ces lois s'appliquent habituellement à des personnes qui ont, entre elles, une relation d'employeur à salarié et qui sont rémunérées pour le travail effectué, on comprend facilement qu'il n'en est pas de même pour des personnes qui exécutent bénévolement des travaux compensatoires pour le compte d'organismes avec qui cette relation d'employeur à salarié n'existe pas. Cependant, la Loi sur la santé et la sécurité du travail en ce qui touche directement la sécurité du travailleur et la Loi sur les accidents du travail s'appliqueront quand même au contrevenant qui effectuera des travaux compensatoires. (12 heures)

Enfin, le nouveau système prévoit qu'après l'épuisement de tous les moyens déjà énumérés (délai de paiement, paiement différé, saisie, travaux compensatoires) le percepteur pourra demander à un juge de paix que soit alors prononcée comme recours ultime une peine d'emprisonnement si l'amende n'est toujours pas payée. S'il y a emprisonnement - c'est une réforme très importante aussi dans ce domaine - la durée de l'emprisonnement sera fixée par le juge suivant une table d'équivalence établissant une relation - ce qui n'existait pas auparavant - entre la durée de l'emprisonnement et le montant de l'amende due. Il est à noter que la durée totale de l'emprisonnement pour une même infraction, quel qu'en soit le montant, ne pourra excéder deux ans moins un jour de façon à ne pas obliger une personne à être incarcérée dans un pénitencier fédéral dont la clientèle est composée habituellement de personnes condamnées pour des actes criminels graves.

Le projet de loi prévoit également que chaque peine d'emprisonnement pour défaut de paiement d'amende devra être purgée de façon consécutive pour éviter que le défendeur, comme c'est souvent le cas, attende d'avoir un certain nombre d'amendes non payées à son passif pour purger une peine d'emprisonnement égale ou à peine supérieure à celle qu'il avait purgée ou qu'il aurait à purger pour une seule infraction. Cette mesure devrait, je crois, inciter le contrevenant à payer son amende en argent ou en travail compensatoire plutôt qu'à purger une peine d'emprisonnement. En effet, celle-ci risque d'être plus longue en raison de la non-concurrence des peines et de la table d'équivalence qui prévoit que le nombre de jours de détention à purger est en rapport direct avec le montant des amendes qui font l'objet de la condamnation.

M. le Président, c'est l'essentiel de toutes les dispositions qui sont prévues dans cette réforme que je pense pouvoir qualifier de majeure, de nécessaire. On n'a pas la prétention qu'elle est parfaite, mais je crois qu'elle poursuit avec vigueur un but, un objectif qui est celui d'humaniser la justice, qui est celui de faire en sorte que les gens qui sont condamnés à des amendes et qui ne sont pas capables de les acquitter ne soient pas automatiquement obligés d'aller en prison.

D'autre part, cela permet aussi de faire en sorte - ce qui est tout à fait normal -que tous les moyens soient pris pour qu'une personne condamnée à l'amende paie cette amende quand elle en a les moyens, plutôt que de s'y refuser obstinément et de décider d'aller en prison, ce qui donne comme résultat que non seulement l'amende n'est pas payée mais qu'en plus de cela le séjour en prison est très onéreux pour l'ensemble des contribuables puisqu'on sait que l'hébergement de toute personne dans une prison représente un coût très important pour l'ensemble des contribuables.

M. le Président, le présent projet de loi, dans une autre section, contient des dispositions particulières pour les cours municipales. En effet, à court terme, le nouveau système s'appliquera - concernant l'ensemble de ce système par rapport aux cours municipales, il y a quand même des dispositions particulières - obligatoirement et uniquement aux municipalités désignées par décret gouvernemental. Les autres continueront d'être régies par le système actuel. Essentiellement, il s'agit de municipalités où le nouveau système, basé sur l'évaluation de chaque cas particulier pour l'exécution du jugement, serait difficilement applicable immédiatement en raison d'un fort volume d'infractions.

Progressivement, toutefois, le nouveau système s'appliquera aux décisions rendues par l'ensemble des cours municipales, quoique rien m'empêche une cour municipale qui le désire de se prévaloir en tout temps du nouveau système. Lorsque l'emprisonnement sera ordonné par un juge d'une cour municipale, sa durée sera désormais établie conformément à la table d'équivalence prévue par la loi. En outre, le projet de loi prévoit la possibilité pour le directeur d'un établissement de détention d'offrir au contrevenant, malgré la délivrance d'un mandat de dépôt, de payer sa dette par le biais de travaux compensatoires. M. le Président, il y a lieu de noter qu'il existe une exception à l'application du nouveau

système. En effet, on a constaté qu'il existe souvent des motifs raisonnables de croire que certaines personnes qui ont commis des infractions se soustrairont ou tenteront de se soustraire à la justice. On craint qu'il ne soit impossible de leur servir une sommation de comparaître parce qu'elles auront soit quitté le Québec ou encore, une fois condamnées, dans la très grande majorité des cas, profité de l'octroi de tout délai de paiement de l'amende pour fuir sans payer cette amende. Actuellement, ces personnes sont mises sous arrêt en attendant leur comparution ou se font saisir certains biens, comme leur véhicule ou leur arme, pour garantir leur présence en cour.

Le projet de loi propose donc à cet égard une formule plus souple qui permettra d'offrir à ces personnes de fournir un cautionnement proportionnel à l'infraction, plutôt que d'être détenues ou encore de voir l'un de leurs biens saisi. Cette formule, inspirée du Code de la sécurité routière, peut se résumer ainsi: le contrevenant se verra remettre au moment de l'infraction un avis sommaire qui lui ordonnera de comparaître devant le tribunal compétent aux temps et lieu indiqués. En même temps que lui sera remis l'avis sommaire, il lui sera exigé par la personne chargée de l'application de la loi un cautionnement dont le montant fixé par règlement de la loi -règlement du gouvernement - équivaudra habituellement au montant de l'amende et des frais. Le contrevenant qui fournira le cautionnement sera libéré, alors que celui qui refusera ou ne pourra le fournir sera détenu jusqu'à sa comparution, comme c'est le cas habituellement.

Quant aux personnes qui fuient après jugement, le problème vient surtout de ce que les jugements des tribunaux du Québec n'ont pas d'application extraterritoriale. Or, si l'on désire que ceux qui peuvent fuir le Québec respectent la loi, il est nécessaire que ces jugements soient, malgré tout, exécutoires à leur égard. Dans ce contexte, les diverses alternatives à l'emprisonnement à défaut de paiement de l'amende prévue par le présent projet de loi ne sauraient donc s'avérer efficaces. C'est pourquoi la règle actuelle sera maintenue à l'égard des personnes suspectées de vouloir se soustraire à la justice, à savoir que si, une fois condamnées, elles négligent de payer l'amende, elles devront alors subir l'emprisonnement immédiatement. Quant a celles qui auront fui sans attendre leur procès, leur cautionnement sera alors confisqué.

Enfin, ce projet de loi prévoit des pouvoirs plus détaillés du gouvernement pour lui permettre, par voie réglementaire, de déterminer les frais, ainsi que les honoraires payables en vertu de la loi.

Telles sont, M. le Président, les modifications qui sont proposées à la Loi sur les poursuites sommaires dans le projet de loi no 67. Nous sommes convaincus que la mise en application de cette série de mesures réduira notre population carcérale, éliminera dans la plupart des cas l'incarcération comme moyen de sanction pour les peines mineures et aura des incidences à la baisse sur les coûts de la détention et, évidemment, aura pour effet d'humaniser la justice. Certes, l'incarcération pour non-paiement d'amende ne disparaîtra pas, mais demeurera plutôt un moyen ultime si les solutions élaborées dans le projet de loi devaient s'avérer non concluantes dans un cas particulier.

Il va de soi que la clientèle du secteur correctionnel soit également l'objet de nos efforts d'humanisation. Je suis personnellement convaincu, M. le Président, que notre société a tout à gagner d'une plus grande humanisation dans l'application des lois, ainsi que dans l'administration des sanctions imposées. (12 h 10)

Si les modifications que je viens de décrire en matière d'emprisonnement à défaut de paiement d'amende constituent la principale réforme apportée par ce projet de loi, il contient également d'autres mesures tout aussi importantes pour l'amélioration de la justice. C'est ainsi que, dans sa section 2, le projet vise, au bénéfice des justiciables, à faciliter leur accès à la justice notamment en réduisant les délais dans le processus judiciaire civil. Dans les sections 3 et 4, des modifications sont apportées à diverses lois afin de favoriser une meilleure administration de la justice. Concernant les délais, M. le Président, on sait qu'il arrive souvent que, quand les délais sont trop longs, ceci équivaut presque à un déni de justice. Nous avons mis tous les efforts nécessaires au ministère de la Justice pour trouver des moyens de nature à diminuer la langueur de ces délais en fonction d'une meilleure administration de la justice. C'est ce que recèle la section 2 du projet de loi.

Concernant, par exemple, la réduction des délais, des modifications sont proposées au niveau de la procédure introductive d'appel afin de la simplifier. Essentiellement, la proposition contenue dans le projet de loi à cet égard vise à remplacer la procédure basée sur l'exposé de la cause, les commentaires de l'intimé, le dossier conjoint et le mémoire, à remplacer tout cela, qui comporte beaucoup de temps, de délais et aussi d'argent pour les contribuables, par une procédure basée sur les seuls mémoires des parties auxquels chacune devra joindre les extraits de preuves et copies des pièces qu'elle juge pertinentes. Cette nouvelle procédure aura pour effet de réduire de 210 jours à 165 jours le déroulement de la procédure d'appel et facilitera l'analyse du

dossier d'appel, permettant ainsi au juge d'être plus exigant dans le respect des délais impartis.

Par ailleurs, afin de réduire les délais au niveau de l'audition proprement dite devant la Cour d'appel, certaines mesures concrètes sont proposées. C'est ainsi que le seuil des appels de plein droit à la Cour d'appel des jugements de la Cour supérieure passera de 6000 $ à 10 000 $. De plus, les jugements interlocutoires, ainsi que ceux autorisant un bref d'évocation ne seront "appelables" que sur permission. Ces changements, parce qu'ils diminueront le nombre de dossiers à la Cour d'appel et élimineront plusieurs appels à caractère malheureusement trop souvent dilatoire, permettront donc une réduction des délais d'audition.

Enfin, au niveau de la première instance, notamment la Cour supérieure, les délais se trouveront également réduits par les mesures suivantes. Premièrement, il sera prévu que dorénavant tout appel d'un jugement interlocutoire ne suspendra pas l'audition de la cause en première instance. Il deviendra donc impossible pour les parties de porter un tel jugement en appel uniquement à des fins dilatoires. Deuxièmement, le montant accordé par jugement en matière contractuelle ne portera plus nécessairement intérêt au taux légal, puisque, comme en matière délictuelle, le juge pourra accorder une indemnité supplémentaire destinée à compenser la différence entre les taux d'intérêt actuels du marché et le taux d'intérêt légal qui, on le sait, est toujours, au moment où on se parle, de 5%, situation, je pense, qu'il faut corriger. Cette mesure, parce qu'elle incitera les débiteurs à chercher un règlement plutôt qu'à faire traîner les procédures, contribuera donc à décharger les rôles et, par voie de conséquence, à réduire les délais d'audition des autres causes. De plus, elle mettra fin à une situation qui, dans notre contexte économique actuel, peut souvent s'avérer inéquitable.

On sait que des personnes ou des corporations, souvent, parce qu'elles ont plus de moyens financiers, peuvent se prévaloir de toutes les procédures possibles - c'est leur droit - en appel ou autrement, et ceci représente des délais. Quand ces mêmes personnes ou corporations savent que le taux d'intérêt est l'intérêt légal, c'est-à-dire seulement 5%, elles peuvent avoir intérêt à faire traîner les procédures. En fin de compte, c'est la personne qui, souvent, a le moins de moyens qui est pénalisée. Je crois que ces mesures seront de nature à corriger cette situation.

Sur un autre aspect, l'accès à la justice sera également favorisé par des modifications importantes apportées au niveau des petites créances. C'est ainsi que le seuil de juridiction de la division des petites créances de la Cour provinciale passera de 500 $ à 800 $ dès le mois de septembre prochain. Lorsqu'on pense à toute l'importance de l'institution des petites créances comme mécanisme d'accès à la justice, il convenait de hausser le montant des créances admissibles à cette procédure qui est simple, humaine et efficace afin d'éviter que l'inflation n'ait pour effet de limiter l'accès des justiciables à ces cours. La dernière hausse du seuil de juridiction remontait, en effet, à 1977.

C'est également pour tenir compte de l'inflation que les montants des frais de la requête, qui sont demeurés les mêmes depuis 1972, sont haussés de 5 $ à 10 $ et de 10 $ à 20 $, selon que le montant en cause sera au-dessous ou au-dessus de 250 $. Ces frais, il est important de le rappeler, sont remboursés au demandeur qui obtient gain de cause. Il est aussi expressément prévu que les bénéficiaires de l'aide sociale n'auront pas à payer ces frais. Par ailleurs, un des problèmes affrontés par les justiciables au niveau des petites créances vient du fait qu'il est souvent fort difficile de faire exécuter le jugement. Cette situation s'explique en bonne partie par le fait que le débiteur du jugement n'encourt aucun frais d'exécution, ceux-ci étant assumés par le ministère de la Justice. En ce sens, le défendeur n'est donc pas incité à payer.

Le projet de loi propose donc que les frais du huissier, qui constituent la plus grande partie des frais de l'exécution des jugements aux petites créances, soient désormais à la charge du débiteur, ce qui devrait l'inciter à exécuter volontairement le jugement rendu contre lui. Également, toujours en vue de favoriser une plus grande accessibilité des citoyens à la justice, le projet de loi propose d'étendre le champ d'application de la Loi sur l'exécution réciproque d'ordonnances alimentaires à d'autres États que le Canada. Ainsi, la personne à qui est due une pension alimentaire au Québec pourra désormais être protégée contre les déplacements de son débiteur à l'étranger, dans la mesure où un accord aura été conclu entre le Québec et l'État où se trouve ce débiteur.

Enfin, comme je l'ai mentionné précédemment, le projet de loi amende plusieurs lois afin de favoriser une meilleure administration de la justice. Ainsi, des modifications seront apportées au Code civil afin de régler divers problèmes rencontrés en matière de nantissement et d'enregistrement de l'avis d'adresse. Par ailleurs, afin d'assurer une meilleure protection du public contre certains abus commis par les huissiers, le projet de loi propose la création d'un comité de discipline chargé d'entendre les plaintes du public. De plus, la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques

sera modifiée afin de réprimer certains abus qui font que des boissons alcooliques peuvent être consommées dans des locaux publics sans qu'aucun contrôle ne soit possible. Enfin, une autre modification aura pour effet de préciser les privilèges des juges nommés par le gouvernement du Québec en les alignant sur ceux des juges de la Cour supérieure. (12 h 20)

Telles sont, M. le Président, les principales modifications proposées par ce projet de loi et, comme je l'ai dit précédemment - j'espère que j'en ai fait la preuve - l'ensemble de ce projet de loi et les diverses dispositions se situent dans un désir, dans une optique à la fois d'humanisation de la justice, d'accessibilité à la justice et aussi d'une meilleure administration de la justice au profit de l'ensemble des contribuables québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Herbert Marx

M. Marx: M. le Président, je suis d'accord avec les grandes lignes de ce projet de loi et avec un grand nombre de mesures que le ministre propose qu'on adopte, étant donné que le ministre donne suite aux recommandations que j'ai formulées depuis un an. En tant que porte-parole de l'Opposition en matière de justice, j'ai rendu publique une série d'études sur l'efficacité, le coût et la qualité de l'administration de la justice au Québec. La première étude s'intitule La police au Québec, son contrôle et son coût; la deuxième, Les conditions et les coûts de la détention au Québec; la troisième, Les lenteurs de la justice, une injustice. Comme je viens de le dire, le ministre donne suite à un certain nombre de recommandations qui se trouvent dans ces études.

Le projet de loi no 67 traite de modifications principalement dans deux domaines. Premièrement, il y a le domaine que j'aime appeler l'abolition de l'emprisonnement à défaut de paiement d'amende et, deuxièmement, les modifications en matière de droit civil et de procédure civile.

Commençons par les problèmes de l'emprisonnement pour le non-paiement d'amende. En septembre 1981, j'ai commencé une tournée des principaux centres de détention et de prévention au Québec. Lors de mes visites de ces centres de détention et de prévention, j'ai trouvé déplorable l'état de certains de ces établissements. J'ai trouvé des conditions inhumaines, parfois intolérables dans ces centres de détention et de prévention. J'ai aussi trouvé, M. le Président, que les coûts sont excessifs. J'aimerais vous donner un exemple des conditions qui, à mon avis, sont inhumaines, des conditions qui vont à rencontre des droits et des libertés qui se trouvent dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

J'ai visité le centre de détention à Sherbrooke et j'ai parlé - je ne l'ai pas vu parce qu'on n'a pas voulu me le laisser voir - à un détenu qui a passé 22 jours sur 45 en isolement, dans une cellule de trois pieds sur sept pieds, où il y avait ni eau courante, ni électricité. C'était une cellule qui était à peine ventilée. Il y avait seulement un lit et, pour ses besoins personnels, il y avait un seau. Ce détenu qui attendait son procès a passé 23 heures sur 24 dans cette cellule.

Après avoir visité la prison, j'ai écrit au ministre de la Justice et je lui ai demandé de faire quelque chose. J'ai fait état de la situation. Savez-vous ce que j'ai eu comme réponse, M. le Président? La réponse était simplement une confirmation des faits. Le ministre n'a rien promis. Il n'a pas dit: Je vais intervenir, je vais humaniser les conditions pour ce monsieur, je vais humaniser les conditions de vie dans cette prison. Non, il n'a pas dit ça. Dans la lettre que j'ai reçue de son cabinet, c'est simplement un aveu que ce que j'ai dit est vrai et on n'a rien promis en ce qui concerne l'amélioration de cette situation. Pourtant, le slogan du ministre de la Justice qu'on vient d'entendre est le suivant, il a pour objet d'humaniser l'administration de la justice au Québec. Je peux vous assurer, M. le Président, qu'il n'a pas fait grand-chose pour humaniser les conditions dans les prisons québécoises.

Après ces visites des principaux centres de détention et de prévention, j'ai proposé la fermeture de certaines prisons, la fermeture des prisons moyenâgeuses qui se trouvent à Sherbrooke et à Trois-Rivières. J'ai aussi proposé la fermeture du Centre de détention de la rue Parthenais à Montréal, parce que les conditions y sont intolérables. Le ministre lui-même a pris l'engagement par écrit en 1977 de fermer ce centre, donc il y a plus de cinq ans. Il a pris l'engagement mais, bien sûr, le centre est encore ouvert et il fonctionne. Je demande une autre fois au ministre de tenir ses promesses et de fermer ce centre de détention.

Malheureusement, le ministre n'a pas donné suite à toutes mes suggestions en ce qui concerne les conditions dans les centres de détention au Québec. Il ne propose rien pour améliorer les conditions dans les prisons. Il ne propose rien aujourd'hui, il n'a rien proposé le mois dernier, ni depuis longtemps.

De plus, M. le Président, la vie du personnel dans les prisons est très difficile. J'ai rencontré des gardiens dans les prisons qui m'ont dit qu'eux aussi purgent une sentence parce que, là où les conditions sont

intolérables, il y a une tension incroyable et c'est vraiment difficile pour ce personnel de faire le travail. Je conclus sur ce point. Le ministre ne propose rien pour améliorer les conditions dans nos prisons, pour rendre le système plus efficace.

J'ai trouvé que les coûts d'exploitation dans ces prisons sont excessifs. En 1975-1976, les coûts du système carcéral au Québec étaient de presque 39 000 000 $ et, en 1980-1981, les coûts ont augmenté à presque 75 000 000 $, c'est-à-dire que les coûts ont presque doublé entre 1976 et 1980. J'ai fait une comparaison avec les coûts d'exploitation des prisons entre le Québec et l'Ontario. J'ai trouvé qu'en 1979-1980 le coût moyen pour garder quelqu'un en prison au Québec était de 77,16 $ par jour, quoique le coût moyen en Ontario pour la même période était de seulement 55,08 $ par jour. Les coûts sont de 40% plus élevés au Québec qu'en Ontario et peut-être qu'aujourd'hui c'est près de 50%, je n'ai pas les chiffres de cette année. (12 h 30)

J'ai cité le coût moyen, mais je dois vous dire qu'il y a des prisons où les coûts sont beaucoup plus élevés que la moyenne. Par exemple, à Chicoutimi, dans le comté du ministre de la Justice, le coût moyen par jour, par détenu, en 1979-1980, était de 119,63 $. Ce serait peut-être plus efficace d'héberger ces détenus à l'hôtel Hilton du coin; cela coûterait sûrement moins cher. Par exemple, au centre de détention de Percé, en Gaspésie, le coût moyen par jour, par détenu, était, en 1979-1980, de 256 $ par jour. Je pense que ce serait moins coûteux de louer une suite pour les détenus dans un hôtel Hilton du coin ou dans un autre bon hôtel. Je ne veux pas donner d'autres statistiques, mais à Sept-Îles, cela coûte à peu près 175 $ par jour et les conditions, à Sept-Îles, sont très mauvaises.

J'ai dit que les coûts, pour garder quelqu'un en prison au Québec, sont de 40% plus élevés que les coûts pour garder quelqu'un en prison en Ontario. Si on réduit les coûts au Québec au même niveau qu'en Ontario, on peut faire une économie d'au moins 20 000 000 $. Je pense que cela incombe au ministre de proposer un plan pour faire ces économies, étant donné que nous sommes dans une période où on demande à tout le monde de se serrer la ceinture.

Où le ministre va-t-il chercher l'argent? Le Conseil du trésor a demandé au ministre de couper les dépenses de son ministère; où va-t-il trouver l'argent? Dans les poches des pauvres. Nous avons devant nous un projet de loi qui touche l'aide juridique. Le ministre propose de modifier la Loi sur l'aide juridique pour qu'il y ait un ticket modérateur, cela veut dire que les non assistés sociaux seront appelés à payer des frais de 20 $ à 40 $ - le ministre a dit que le ticket modérateur sera de 30 $ - pour avoir droit à l'aide juridique.

La seule province canadienne où il y avait un ticket modérateur, c'était au Manitoba. Il a été instauré par un gouvernement conservateur. Quand le gouvernement NPD a pris le pouvoir au Manitoba, ce gouvernement a aboli ce ticket modérateur. Qu'est-ce qu'on fait ici, avec notre gouvernement social-démocrate? On prévoit des tickets modérateurs. Le ministre des Affaires sociales est ici; il a parlé des tickets modérateurs il y a quelques mois, en ce qui concerne les frais médicaux. Il a dit: Qu'est-ce qu'un ticket modérateur? C'est un "Big Mac et un Coke", ce n'est rien.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de privilège de la part du ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): M. le Président...

M. Marx: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de règlement de la part du député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, vous étiez ici il y a deux jours. Vous m'avez dit, quand j'ai soulevé une question de privilège, que je devais attendre la fin du discours du député qui a la parole. Je vous demande d'appliquer le même règlement envers le ministre des Affaires sociales.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, parce que je connais votre expérience antérieure, je ne voudrais pas vous faire un cours de droit sur le règlement de l'Assemblée nationale. Quand je vous ai demandé d'intervenir en vertu de l'article 96, c'est parce que je savais que vous étiez déjà intervenu et que le sujet qui était en discussion, c'était que quelqu'un avait mis dans votre bouche des paroles que vous n'aviez pas prononcées. Or, le règlement, en vertu de l'article 96, dit: "Le député qui prend la parole pour donner des explications sur le discours qu'il a déjà prononcé ne peut le faire que lorsque le discours qui les provoque est terminé." J'avais simplement dit que, dans votre cas à vous, comme vous étiez déjà intervenu sur le sujet, c'était l'article 96.

Au moment où nous nous parlons, le ministre des Affaires sociales n'est pas intervenu dans le débat. Vous avez dit des choses qu'il semble ne pas vouloir accepter mais je n'ai pas encore à présumer de ce

qu'il va dire. C'est une question de règlement en vertu de l'article 49.1; le ministre peut soulever une question de privilège à n'importe quel moment, compte tenu que ce n'est pas en vertu de l'article 96. La différence entre les deux est parfois minime, mais elle est quand même là et le gouvernement le prévoit en conséquence. M. le ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je serai très bref. Je ne veux pas ennuyer le député qui a un rythme un peu enrayé, je pense, dans son discours. Je dirai qu'il n'a pas plus de talent de comédien qu'il n'a de talent au niveau du discours qu'il tient. Je pense qu'il a caricaturé d'une façon injuste les propos que j'ai tenus à l'occasion de la possible instauration, de l'hypothétique instauration de ce qu'on appelle un ticket modérateur dans la santé. Je n'ai jamais pris l'attitude désabusée, insouciante et méprisante qu'il semble vouloir caricaturer.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'accepte votre décision, M. le Président, mais je vois que, chaque fois que je me lève, chaque fois que cela s'applique à moi, le règlement comporte un autre article qui n'était pas prévu pour l'autre député. En ce qui concerne le ministre des Affaires sociales, je n'ai pas interprété ses propos. Tout ce que j'ai fait, j'ai rapporté ses propos. Ses propos étaient qu'un ticket modérateur, c'est un "Big Mac et un Coke", donc pas grand-chose. Je peux vous dire, M. le Président, qu'il y a des personnes au Québec - et il y en a beaucoup - qui ne peuvent pas se payer un ticket d'autobus pour aller à l'hôpital, pour aller à la Commission des services juridiques, qui ne se paient jamais le luxe d'un "Big Mac et d'un Coke", comme le ministre le veut bien. J'insiste pour dire que le gouvernement et le ministre de la Justice vont chercher de l'argent dans les poches des économiquement défavorisés au lieu d'aller chercher de l'argent en exigeant une plus grande efficacité, de couper les coûts au ministère et de couper les coûts dans les services de détention de son ministère. J'ai trouvé qu'il y avait à peu près 50% des admissions dans les prisons du Québec qui le sont pour le non-paiement d'une amende et, comme le ministre vient de le dire, à peu près 8%...

M. Bédard: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, juste un instant! Effectivement, le député de D'Arcy McGee aurait raison, si je vous laissais intervenir, de me rappeler à l'ordre, s'il est possible. Dans le cas du ministre des Affaires sociales, compte tenu qu'il n'était pas intervenu dans le débat, il fallait, d'abord et avant tout, que j'écoute pour savoir si c'était une question de privilège. Je n'avais pas à juger avant qu'il intervienne si cela en était une ou pas. Dans votre cas, M. le ministre, à moins que le député n'accepte d'être interrompu, il y a une chose qui est certaine, vous avez, en vertu de l'article 96, le même privilège que le député de D'Arcy McGee de corriger ce qu'il vient de dire, mais je ne voudrais pas que des divergences d'opinions qui sont émises de part et d'autre deviennent des questions de privilège, parce qu'effectivement elles n'en sont pas.

M- Bédard: M. le Président, j'attendrai la fin de l'intervention. Le député de D'Arcy McGee me permettra de constater que...

M. Marx: Merci. Non, je ne le permets pas. M. le Président.

M. Bédard: Je n'ai même pas eu le temps de m'exprimer que vous avez tranché. Je respecte votre...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, je veux simplement vous dire que je savais, à la suite du discours qui était fait, parce que j'écoute attentivement ce qu'il dit, par l'intervenant, que votre intervention avait trait au discours déjà prononcé par le député de D'Arcy McGee à qui je donne la parole maintenant. (12 h 40)

M. Marx: Merci, M. le Président.

M. Bédard: Si vous saviez que le député errait, d'accord.

M. Marx: Je vois, M. le Président, qu'on a bien fait quand on a voté unanimement pour que vous soyez élu vice-président de l'Assemblée nationale, car vous traitez les députés de façon égale.

Pour reprendre mes propos, avant d'être interrompu par le ministre de la Justice à qui, j'imagine, je fais mal avec mes propos sur l'efficacité de l'administration de la justice au Québec, j'ai dit qu'environ 50% des admissions aux prisons québécoises sont pour le non-paiement d'amende et, comme le ministre l'a dit, il y a quelques minutes, environ 8%, peut-être même jusqu'à 10% des personnes incarcérées sont en prison pour le non-paiement d'amende Vous savez, M. le Président, qu'il y a un surpeuplement dans les prisons du Québec. Il y a un surpeuplement impossible dans certaines institutions et si on abolit l'emprisonnement pour le non-paiement d'amende en général, cela va beaucoup dégager les prisons, au moins - espérons-le - peut-être de 8%.

Vous savez que, souvent, quelqu'un ne

paie pas une amende de 100 $ et, après cela, il est emprisonné pendant dix jours. Donc, pour le non-paiement d'une amende de 100 $ - peut-être pour une infraction au Code de la route - la personne est incarcérée pendant dix jours, c'est-à-dire que l'État va payer 1000 $ et plus pour garder quelqu'un en prison pour le non-paiement d'une amende de 100 $. Cela n'a pas de bon sens. En effet, c'est le contribuable québécois qui est puni et non pas celui qui a commis l'infraction. C'est pourquoi, c'est plein de bon sens de proposer, comme vient de le faire le ministre, un projet de loi où on va tenter d'abolir, dans la mesure du possible, l'emprisonnement pour le non-paiement d'amende. En 1978, le ministère de la Justice avait déboursé environ 5 000 000 $ pour héberger des personnes qui ont fait défaut de paiement d'amende totalisant 1 000 000 $, y compris des frais. Donc, il y a des économies à faire en adoptant la politique qui se trouve dans le projet de loi.

Dans cette étude sur les prisons qui a été rendue publique en janvier 1982, j'ai proposé l'abolition de l'emprisonnement pour le non-paiement d'amende et, à l'époque, cela a été très bien reçu par les médias. Des éditoriaux ont paru dans quelques journaux et les éditorialistes ont dit que c'était une bonne idée. J'ai aussi participé à des lignes ouvertes et j'ai parlé à la population. J'ai trouvé que la population était très ouverte à une telle amélioration de notre système d'administration de la justice. Je pense que ce projet sera bien accepté par la population. Tout le monde voit que ce serait vraiment faire un avancement dans l'administration de la justice au Québec.

Cependant, le projet de loi no 67 prévoit comme possibilités, dans le cas de non-paiement d'amende, pour ne pas envoyer les personnes en prison, seulement la saisie des biens ou des travaux compensatoires. Le ministre manque un peu d'imagination concernant les choix possibles et j'aimerais en suggérer un ou deux. Peut-être que le ministre pourra se pencher sur ces suggestions lors de la discussion article par article de ce projet de loi.

Par exemple, un très grand nombre d'infractions sont des infractions routières, de stationnement, et il arrive souvent que les gens ne paient pas leur amende et se retrouvent en prison. Peut-être que, dans le cas de ceux qui ne paient pas l'amende pour une infraction routière, une infraction de stationnement, ou une infraction municipale, qui est semblable à une infraction routière, on peut prévoir le non-renouvellement du permis de conduire. Cela veut dire que, si une personne commettait ce délit et ne payait pas son amende, son permis de conduire ne serait pas renouvelé. On pourrait prévoir aussi le non-renouvellement de l'immatriculation de la voiture en cas de non-paiement d'amende. Il y a peut-être d'autres sanctions que la saisie des biens ou les travaux compensatoires et j'aimerais demander au ministre de penser à ces autres possibilités. Ce serait aussi très facile d'administrer un programme comme celui du non-renouvellement du permis de conduire pour quelqu'un qui n'a pas payé une amende imposée à cause d'une infraction routière.

Peut-être peut-on discuter aussi, en commission parlementaire, des amendes proportionnelles au revenu. Cela a été proposé dans la Presse de ce matin par Jean-Claude Bernheim, de l'Office des droits des détenu(e)s de la Ligue des droits et libertés. Je pense que c'est une suggestion qui mérite d'être discutée en commission parlementaire.

De plus, il semble, comme le ministre l'a dit, que ces dispositions en ce qui concerne le nombre d'emprisonnements ne seront pas appliquées partout au Québec en même temps, c'est-à-dire qu'il va y avoir des cours municipales qui vont échapper à l'application de ces améliorations, de ces modifications, et que ce sera possible - on voit cela dans le projet de loi - pour le ministre de faire appliquer la loi à ces cours municipales par décret. Il va donc y avoir deux poids, deux mesures au Québec. Il va y avoir une inégalité entre les Québécois et Québécoises. Supposons que le projet de loi s'applique à Saint-Jérôme et à Trois-Rivières, mais pas à Montréal, ce sera injuste pour les Montréalais qui n'auront pas la possibilité de bénéficier de ce projet de loi. Il ne faut pas oublier que, quand il s'agit d'une amende en vertu d'une infraction municipale, c'est la ville qui garde l'argent. Si la personne ne paie pas, elle va en prison et c'est la province qui doit payer pour l'hébergement de cette personne.

J'insiste sur le fait que, si cette loi s'applique seulement dans certaines municipalités, dans certaines cours municipales et pas partout au Québec, il y aura une certaine inégalité entre Québécois et je pense que c'est à éviter. Pourquoi ne pas faire appliquer cette loi à Montréal, à Québec et partout? Pourquoi soustraire certaines villes? Le ministre dit que ça peut être difficile d'administrer les dispositions de la loi dans certaines cours municipales, dans certaines municipalités, mais c'est à lui de prendre ses responsabilités et de voir à ce qu'il y ait une administration efficace de cette loi partout au Québec.

Finalement, il y a une autre faille dans ce projet de loi, une faille sérieuse quant à moi. J'ai suggéré, en janvier, que la détention à la suite d'une arrestation pour une infraction pour laquelle une peine d'emprisonnement n'est pas prévue soit abolie. Si l'emprisonnement n'est pas prévu

pour une certaine peine, pourquoi mettre la personne arrêtée en prison pour un jour ou pour la nuit, par exemple? (12 h 50)

J'aimerais vous donner un exemple. Il n'y a pas longtemps, une ex-religieuse m'a téléphoné. Elle m'a dit qu'elle se trouvait sur une rue à Montréal, un soir, et qu'un phare de sa voiture était brûlé. Elle a été arrêtée et le policier qui l'a arrêtée a vu que son permis de conduire était expiré. Elle m'a expliqué qu'elle n'avait pas reçu son chèque de pension à temps et qu'elle n'avait pas renouvelé son permis de conduire. De toute façon, deux policiers ont amené cette femme à la prison Tanguay où elle a passé la nuit. Elle a été très traumatisée par cette expérience. Elle a dit: Pourquoi m'a-t-on amenée en prison avec des personnes qui ont commis des crimes alors que je n'ai rien fait? De toute façon, elle a passé la nuit en prison et je trouve que c'est très coûteux. Imaginez combien ça coûte pour deux policiers d'amener une pauvre dame en prison, de faire toute la paperasse, de garder la personne la nuit, tout cela. Cela coûte des centaines de dollars. Pendant que les policiers font ce travail, ils ne font pas la patrouille dans la ville, ainsi de suite.

Je trouve que c'est une amélioration importante de prévoir que si quelqu'un est arrêté pour une infraction où l'emprisonnement n'est pas exigé, cette personne ne soit pas amenée en prison pour y passer une nuit ou même un jour ou deux. J'espère que le ministre va se pencher sur cette recommandation.

En conclusion, sur cette partie du projet de loi, le ministre est sur la bonne voie. Il va dans la bonne direction et on va l'appuyer. Il y a certaines améliorations que j'ai suggérées quant au fond et à la forme; j'espère que le ministre va demander à ses fonctionnaires de reprendre cette partie du projet de loi, d'en revoir les articles et de voir s'il y a possibilité de les améliorer dans le sens que je viens de décrire.

Maintenant, en matière de droit civil et de procédure civile, j'ai rendu public, au mois de mai, un rapport qui s'intitule Les lenteurs de la justice, une injustice. Vous savez, M. le Président, il y a des lenteurs de la justice, au Québec, qui sont vraiment impossibles. Par exemple, prenons la Commission des droits de la personne. Savez-vous, M. le Président, que si vous allez déposer une plainte à la commission, cela peut prendre des mois, si ce n'est pas un an, avant qu'elle puisse commencer une enquête. C'est une situation qui doit être améliorée. La commission pourrait bien vous dire: Monsieur, vous pouvez aller en cour si vous n'êtes pas satisfait des délais à la Commission des droits de la personne; vous pouvez toujours aller devant les tribunaux de droit commun. C'est vrai, M. le Président, mais le recours n'est pas le même.

La Commission des droits de la personne a le pouvoir de faire une enquête. Les tribunaux de droit commun n'ont pas le pouvoir de faire une enquête. Les recours sont différents. S'il faut attendre des mois et, parfois, un an avant que la Commission des droits de la personne commence son enquête, je pense que c'est une injustice. C'est une injustice pour beaucoup de gens et surtout pour les gens qui ne peuvent pas se défendre d'une autre façon et qui n'ont que la commission comme défenderesse de leurs droits.

J'ai aussi trouvé des délais inacceptables dans certains districts judiciaires. J'ai trouvé qu'il y a un faible taux d'occupation des salles d'audience dans certains districts judiciaires. En gros, en général, le ministre donne l'exemple de quelqu'un qui ne sait pas comment gérer, comment administrer de façon efficace le système d'administration de la justice au Québec. Je ne sais pas si le ministre a une politique globale en ce qui concerne la gestion, l'administration des palais de justice et ainsi de suite. Je ne sais pas s'il a des idées dans ce dossier. S'il a des idées, s'il a une vision globale, il n'a jamais communiqué ses idées ou cette vision à qui que ce soit, surtout pas à l'Opposition.

Il faut que je souligne que les juges en chef et les juges en chef adjoints dans certains palais de justice ont apporté des améliorations importantes, mais ils manquent en effet de juridiction, de pouvoirs de tout faire parce qu'en fin de compte, ça relève du ministre de la Justice de faire ces réformes afin de rendre le système de l'administration de la justice plus efficace.

Parmi mes recommandations en ce qui concerne le droit civil et la procédure civile, j'aimerais souligner les suivantes:

Premièrement, j'ai proposé que la juridiction de la Cour provinciale pourrait être augmentée par exemple de 6000 $ à 8000 $ ou même à 10 000 $ et celle de sa division des petites créances, de 500 $ à 800 $ ou même à 1000 $. Cette mesure, tout en tenant compte des taux d'inflation enregistrés ces dernières années, vise également à diminuer le nombre de dossiers ouverts à la Cour supérieure. Le ministre donne suite à une de ces recommandations. Je dois dire aussi que le ministre a déjà annoncé cette suggestion il y a quelques mois, il a dit qu'il le fera, c'est-à-dire qu'il augmentera la juridiction de la Cour des petites créances de 500 $ à 800 $ et il a effectivement proposé cela dans ce projet de loi; mais il n'a pas donné suite aux autres recommandations. Peut-être peut-il réfléchir à ces autres recommandations.

Deuxièmement, j'ai proposé que la somme accordée par jugement, qui porte intérêt au taux légal de 5% depuis la date

de l'institution de la demande en justice, soit révisée. Le législateur québécois a prévu, à l'article 1056-c du Code civil du Bas-Canada, qu'en matière délictuelle, il peut être ajouté à ce taux une indemnité qui varie selon les conditions du marché financier et qui, actuellement, est fixée à environ 14%. Puisque rien ne justifie le maintien du taux d'intérêt légal de 5% dans les autres domaines, il est suggéré, par exemple, que l'article 1077 ou 1078 du Code civil soit modifié afin de prévoir, en matière contractuelle, une indemnité semblable à celle que l'on trouve à l'article 1056-c du Code civil, qui porterait le taux d'intérêt à un niveau plus raisonnable et plus juste.

Aujourd'hui, en matière contractuelle, si vous savez que vous n'allez payer que l'intérêt de 5%, vous pouvez avoir intérêt à traîner une cause de 100 000 $ devant les tribunaux, d'aller d'appel en appel parce que vous allez faire de l'argent. Vous pouvez investir vos 100 000 $ portant un intérêt de 15% ou à 20%; et un jour, quand vous serez condamné à payer les 100 000 $, le taux d'intérêt sera de seulement 5%. Donc, j'ai proposé que ce taux légal de 5% soit augmenté par l'institution d'une indemnité. Je suis heureux de voir que le ministre a pensé donner suite à cette recommandation qui se trouve dans le projet de loi no 67. (13 heures)

Troisièmement, j'ai aussi proposé que l'article 276 du Code de procédure civile soit modifié afin que la confection des rôles soit faite non pas en fonction de la date d'introduction de l'instance, mais plutôt suivant la date d'acceptation du certificat d'état de la cause. Ceci devrait encourager les parties à procéder à une mise en état plus rapide de leur cause. C'est un problème technique, et on peut améliorer notre administration de la justice.

Quatrième recommandation, en matière pénale, comme les procédures écrites sont peu nombreuses, il n'est pas possible de parler de délais dus à la mise en état de la cause. En somme, les délais sont presque exclusivement causés par l'encombrement des rôles ou bien résultent de remises. J'ai proposé que les juges se montrent plus sévères à l'égard des demandes de remise et qu'ils puissent à l'occasion forcer les parties à procéder plus rapidement comme c'est maintenant le cas pour le juge d'appel. Il faut signaler ici...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse. J'ai l'obligation, compte tenu du temps, de vous demander la permission pour continuer au-delà de 13 heures puisque le règlement prévoit qu'à ce moment-ci on devrait terminer. Est-ce qu'il y a consentement? M. le député, vous pouvez continuer.

M. Marx: Merci, M. le Président, merci, messieurs et mesdames les députés, pour me permettre de terminer. Je n'en ai que pour quelques minutes encore. J'ai dit qu'il faut signaler que, dans certains districts judiciaires, certaines cours, la justice pénale est assez rapide. Prenons, par exemple, la Cour des sessions de la paix à Montréal. Je pense que cela fonctionne très bien et j'imagine que le juge en chef de cette cour a instauré un certain nombre d'améliorations. J'ai trouvé, par aileurs, qu'à Longueuil il y a un problème en ce qui concerne les cours qui rendent les décisions en droit pénal. Longueuil c'est dans le comté du premier ministre. On a déjà promis un palais de justice pour Longueuil, mais apparemment c'est remis encore pour quelques années. Je demande au ministre de la Justice de vraiment étudier le problème à Longueuil et d'apporter certaines améliorations, peut-être même dans le projet de loi qu'on est en train de discuter.

Cinquième recommandation. Puisqu'un grand nombre de recours à la Cour d'appel du Québec sont tout simplement dilatoires, des mesures doivent être prises afin que le nombre de jugements sujets à appel de plein droit devant la Cour d'appel soit diminué. Notons que depuis 1975, la Cour suprême du Canada n'entend les appels, en règle générale, que sur permission. J'ai été heureux d'apprendre il y a quelques jours que le ministre a proposé certaines mesures pour faire en sorte qu'il y ait moins de jugements qui iront en Cour d'appel de plein droit. Je pense que c'est une amélioration. Peut-être pourra-t-on trouver d'autres améliorations dans ce sens quand on va étudier ce projet de loi article par article.

Par rapport à la première partie de ce projet de loi où on voit vraiment un certain nombre de réformes importantes, en matière de procédure civile et de droit civil, ce sont plutôt des réformettes. Il serait bon de revoir ces articles pour voir s'il y aurait encore des améliorations possibles.

En conclusion, le ministre propose certaines réformes intéressantes. On pourrait les améliorer, les perfectionner en commission parlementaire. Je suis sûr que le ministre va arriver en commission parlementaire avec un esprit ouvert. Par ailleurs, il manque de progrès, il manque d'amélioration en ce qui concerne le dossier de la détention, les conditions et les coûts de la détention au Québec. J'aimerais demander au ministre de se pencher également sur ces problèmes. Il manque aussi de réformes dans le domaine de l'administration des palais de justice au Québec et en ce qui concerne aussi la procédure civile. On a un projet de loi devant la Chambre qui peut être amélioré. Il nous reste une semaine pour l'étudier. Malheureusement, cela vient en fin de session. Peut-être était-ce planifié par le

ministre, parce qu'en fin de session, on peut faire adopter des lois en paquets. On n'a pas le temps de vraiment les étudier. Toutes sortes de choses passent en fin de session, mais j'aimerais demander au ministre de prendre vraiment le temps, de demander à ses fonctionnaires de prendre le temps d'étudier encore ce projet de loi et d'apporter certaines améliorations que j'ai proposées et d'autres améliorations qu'on va peut-être trouver ensemble lors de l'étude article par article de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: M. le Président, pourrais-je vous demander d'ajourner les débats jusqu'à 15 heures, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Jolivet): L'ajournement...

Mme Juneau: Du débat.

Le Vice-Président (M. Jolivet): ... du débat.

Mme Juneau: La suspension des débats.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Non, c'est l'ajournement. J'ai bien compris l'ajournement, puisque, à 15 heures, sur mon horaire, il y a autre chose. C'est cela, il y a autre chose. L'ajournement du débat.

M. Marx: M. le Président, puis-je poser une question au leader adjoint? À 15 heures, va-t-on continuer le débat sur ce projet de loi? C'est ce que j'ai compris ce matin.

M. Brassard: C'est possible, oui, c'est cela.

M. Marx: C'est parce que je dois aviser les députés s'ils vont parler ou non cet après-midi. Je ne peux pas leur dire d'être sur le qui-vive tout l'après-midi et toute la nuit.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Seulement un instant. Pour éviter quoi que ce soit, nous allons ajourner les débats, tel que demandé, de façon à bien comprendre la situation, s'il arrivait quelque chose. Mais si le leader peut le rappeler, il le rappellera à 15 heures, comme prévu. La motion serait donc adoptée. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Cela devrait être appelé de toute façon aujourd'hui, M. le Président, y compris un projet de loi sur le financement des partis politiques. Suspension jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Suspension des travaux jusqu'à 15 heures. Cette motion est-elle adoptée? Adopté.

Il y a donc suspension des travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 09)

(Reprise de la séance à 15 h 10)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaftl

Veuillez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Toujours l'article 10 du feuilleton, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture du projet de loi no 66, Loi modifiant certaines dispositions législatives en matière de financement des partis politiques et en matière d'élections municipales.

La parole est à...

Mme Juneau: C'est le projet de loi no 67.

M. Brassard: Je m'excuse, M. le Président, il y a une erreur. C'est l'article 11 du feuilleton.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture du projet de loi no 67, Loi modifiant la Loi sur les poursuites sommaires, le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives. Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Lorsqu'on m'a demandé d'intervenir sur le projet de loi no 67, je n'ai pas tardé à accepter, et je vais vous expliquer pourquoi. Quand j'ai décidé de me présenter comme députée à l'Assemblée nationale, j'avais fait un choix bien particulier. Comme vous le savez, j'ai été une mère de famille à la maison pendant vingt ans pour éduquer mes six enfants. J'ai passé toute ma vie à aider les autres, à humaniser tout ce que je faisais en vue de rendre les autres plus heureux et plus joyeux. Quand le ministre de la Justice a préparé cette loi, une loi qui humanise, j'ai été tout de suite prête à embarquer, à aider parce que cela visait justement le même but que celui que je m'étais fixé en venant ici, à l'Assemblée nationale.

Comme je vous le disais, M. le Président, quand on vit comme moi à la maison, on essaie de simplifier ce qui est compliqué et on ne complique jamais ce qui est simple. Le projet de loi no 67 a pour but

d'humaniser le recouvrement des amendes. Auparavant, les gens punis pour un délit quelconque étaient obligés soit d'être détenus quinze jours en prison ou de payer une amende tout de suite, dès que le juge en décidait ainsi. Vous savez, quand c'était une amende de 100 $ ou de 200 $ et que le type n'était pas capable de payer, on l'envoyait en prison subito presto. J'ai demandé à un de mes collègues ce qu'il en coûtait pour garder une personne en prison une journée ou deux. Il m'a dit que cela coûte environ 60 $ par jour. Pour la personne qui recevait une sentence de quinze jours de prison, cela coûtait, à tous les Québécois et Québécoises, environ 900 $ pour payer une dette de 100 $ ou 200 $.

En humanisant, le projet de loi no 67 donne, à ces gens-là, le privilège de payer leur dette autrement, soit par paiement différé, c'est-à-dire une partie du montant chaque semaine, ou autrement, cela leur donne la chance de ne pas être incarcérés et cela va coûter moins cher à la province aussi.

Lorsqu'une sentence est prononcée, il y a un délai de 30 jours pour l'exécution de cette sentence afin de donner la chance à cette personne de se virer de bord et de voir ce qu'elle peut faire pour payer sa dette. C'est bien, je pense, que le ministre de la Justice ait fait ce projet de loi no 67.

Le projet de loi no 67 permettra aussi à une personne qui a commis un délit de pouvoir payer sa dette d'une façon bien spéciale. Il existe, dans la province de Québec, 1500 organismes communautaires reconnus par le ministère de la Justice. De par ces 1500 organismes communautaires, les gens qui auront commis un délit mineur pourront rembourser leur dette en travaillant dans un CSS, dans des garderies, des fabriques, des centres de loisir, en faisant de l'entretien, de la réparation ou de la peinture et, ainsi, ils pourront payer leur dette à la société sans qu'il en coûte davantage à la société.

De cette manière, le ministre de la Justice, quand on le connaît comme je le connais et comme tout le monde le connaît, qui est un grand humain, a pensé aider les gens à payer leur dette sans faire trop de mal à personne. Il y aura, à ce moment-là, un schéma, un tableau explicatif pour indiquer que tant d'heures faites à l'entretien d'un organisme communautaire équivaudront à rembourser la dette due au délit qui a été commis.

Tant et aussi longtemps qu'ici, à l'Assemblée nationale, les ministres travailleront dans le but d'humaniser les lois pour les rendre plus accessibles, moins difficiles à avaler, je serai toujours de ce côté-là puisque c'est le but que je m'étais fixé en venant ici. Quand j'aurai pensé que j'ai terminé ici, que j'ai aidé, par mon humble contribution, à améliorer ces projets de loi, je pourrai retourner chez moi, refermer la parenthèse et retrouver mes valeurs familiales, qui, pour moi, sont prioritaires.

D'ici à ce temps-là, M. le Président, j'affirme que je serai davantage présente et j'essaierai d'apporter ma contribution, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, pour que ces lois, quelles qu'elles soient, deviennent plus abordables et plus en mesure d'aider les Québécois et les Québécoises. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

Une voix: Ah! lui, il est bon. Des voix: Bravo! Bravo!

M. Maximilien Polak

M. Polak: M. le Président, je vais commencer par reconnaître les applaudissements du député de Frontenac. Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais je pense qu'il commence finalement à voir la lumière.

Je dois d'abord vous dire qu'en principe je suis d'accord avec ce projet de loi parce que, avec tout le respect que je dois au ministre de la Justice, beaucoup des idées qu'on y retrouve ont été suggérées par le député de D'Arcy McGee, qui a fait le tour de la province, des tribunaux, des prisons; il s'est même retrouvé dans toutes sortes de trous de prison. C'est lui qui a eu la grande manchette, pas parce qu'il la cherchait, mais parce qu'il croyait en une cause. Il a fait des suggestions positives.

De temps en temps on est devant un projet de loi où on peut parler en toute objectivité et oublier la partisanerie. On ne peut pas blâmer le fédéral avec ce projet de loi; donc, nous sommes d'accord pour dire que, si quelque chose peut améliorer le système administratif de la justice, évidemment, nous en acceptons le principe.

Cela ne veut pas dire tout de même que tout n'est que beauté dans ce projet de loi. Comme je le disais hier soir, durant la dernière semaine de la session, on nous présente des projets en masse. J'ai compté, l'autre jour, 17 projets en deux semaines alors que, pendant les trois mois précédents, il n'y en a eu que trois ou quatre. On a eu bien des discussions, mais rien sur la table. (15 h 20)

En ce qui concerne ce projet de loi, que je qualifie d'omnibus, du ministre de la Justice, évidemment, la grande amélioration se retrouve dans le domaine de l'exécution des jugements rendus en matière pénale provinciale. D'abord, la loi dit maintenant carrément que tout débiteur aura un délai de

30 jours pour payer l'amende. J'ai été juge municipal pendant dix ans en banlieue de Montréal et j'ai toujours accordé 30 jours ou 60 jours. J'ai toujours demandé au débiteur: Quelle est votre situation? Travaillez-vous? Avez-vous des problèmes sur le plan financier? Si oui, on fixe un délai. C'est vrai que c'était bon de l'inscrire dans la loi, même si beaucoup de juges, déjà, prenaient la liberté, étaient un peu plus ouverts et donnaient une chance à l'individu concerné.

Maintenant, le projet de loi parle du percepteur. Je me demande ce que le ministre a voulu dire par le mot "percepteur". Le percepteur, en vertu de ce projet de loi, sera une personne désignée par le ministre de la Justice. Est-ce qu'il va se servir des huissiers qui sont déjà en place ou si ce sera un fonctionnaire du ministère de la Justice? Peut-être qu'il serait préférable de choisir un huissier parce que ces gens connaissent tout de même très bien le domaine. En tout cas, plus tard, quand on étudiera le projet article par article, on reverra cette idée de percepteur.

Quoi qu'il en soit, le percepteur pourra accorder un prolongement au délai pour payer l'amende. Si tout cela n'est pas respecté, il pourra procéder par une saisie. Si, selon son opinion, il n'est pas possible de percevoir de l'argent même après une saisie, il pourra - et cela, c'est un élément nouveau dont je voudrais discuter - suivant le texte de la loi, "suivant la disponibilité des programmes de travaux compensatoires, offrir au défendeur de payer celle-ci par le biais de ces travaux". En d'autres termes, il pourra dire: M. Untel, Mme Unetelle, vous étiez condamné à une amende de 150 $ plus les frais. Vous n'êtes pas capable de payer après avoir essayé d'obtenir l'argent. Je n'ai pas réussi. J'ai essayé peut-être même de prolonger, je n'ai pas réussi. Je veux donner une chance de travailler et, par le biais de travaux compensatoires, vous allez purger votre sentence ou payer l'amende. Je suis en faveur du principe. Je trouve cela très intéressant. Dans beaucoup de pays d'Europe, cela existe déjà depuis longtemps. Qu'est-ce qu'on veut dire par programme de travaux compensatoires? Je me le demande, parce que la loi ne dit rien à cet égard. Je peux vous donner des exemples. Peut-être que cela peut aider le ministre éventuellement. Disons que quelqu'un double un autobus d'écoliers ou fait quelque chose de grave en ce sens. Les amendes sont augmentées énormément. Je suis en faveur de cela. À une personne qui n'aurait pas d'argent pour payer son amende, peut-être que ce serait une bonne idée de dire: Vous, monsieur ou madame, qui avez transgressé cette disposition de la loi, vous allez travailler au coin de la rue où il y a des dames avec les signes "arrêt" ou "stop" pour dire aux automobilistes, "ne passez pas, les enfants traversent la rue", pour trois heures, six heures, sept heures, parce que, selon la loi, ce travail équivaut à environ 10 $ l'heure. Je trouverais cela personnellement un moyen d'éduquer celui qui a violé la loi et, en même temps, il paie le prix.

J'aimerais bien voir, par exemple, l'hiver quand il fait froid, le coupable s'installer sur le coin d'une rue à Montréal où il y a beaucoup de piétons, des enfants qui traversent la rue pour justement purger sa sentence, payer son amende. La loi ne dit rien.

Une autre idée. En fin de semaine, j'étais dans mon comté, le comté de Sainte-Anne. J'ai fait la visite de ce qu'on appelle en anglais un "half-way house". Ce sont des ex-patients psychiatriques, des gens qui ont été traités dans un hôpital pour soins psychiatriques, qui ne sont pas encore prêts pour travailler activement dans la société, qui ont besoin d'une place où ils se rencontrent et discutent de leurs problèmes pour se préparer à réintégrer la société. J'étais frappé vraiment par la misère humaine qui existe, comment ces gens sont frappés durement par l'appareil administratif pour toutes sortes de raisons. Il y avait des jeunes, des personnes âgées, des dames, des hommes, tout le monde était là, francophones, anglophones, tous ensemble, ils avaient quelque chose en commun. Ils ont peur de se réintégrer dans la vie. J'ai été là une heure et ce qui m'a frappé, c'est que si quelqu'un de l'extérieur venait justement pour rencontrer ces gens, parler avec eux, peut-être mettre un peu de soleil dans leur vie... C'est fantastique. Je pourrais facilement voir, comme travaux compensatoires, on va dire à quelqu'un: Vous avez une certaine expérience, - peut-être une femme qui était infirmière dans un hôpital psychiatrique - vous avez fait telle ou telle chose, vous n'êtes pas capable de payer l'amende, allez donc visiter tels et tels gens pendant trois après-midi, le dimanche, par exemple, pour parler quelques d'heures avec eux. D'après moi, ce seraient des travaux compensatoires.

Je pense à une autre affaire. Par exemple, des travaux compensatoires comme travailler au pic et à la pelle. Il y a des personnes qui, physiquement, ne seraient peut-être pas du tout capables de faire cela. Elles ne sont pas capables. Moi, par exemple, je ne suis pas un gars très fort. Je n'aimerais pas travailler avec une pelle. Je ne suis même pas capable de planter un clou dans le mur sans briser le mur. Donc, pour moi, ce serait peut-être bon de faire des travaux compensatoires comme visiter des personnes dans un hôpital. Pour d'autres, le travail manuel est préférable. Donc, que prévoit-on? Je ne vois rien dans le texte de la loi ni dans l'annexe, quoique l'annexe dise de quelle manière on fait le calcul. On dit,

par exemple, pour ceux qui ont des amendes qui varient de 1 $ jusqu'à 5000 $, qu'on a des unités de valeur de 30 $. Une unité de travail veut dire trois heures de travail et a une valeur de 30 $ dans le projet de loi. Cela veut dire que quelqu'un qui est condamné à 90 $ d'amende, par exemple, doit donner trois unités de trois heures -c'est la compensation - et cela veut dire qu'il travaille, trois fois trois, neuf heures au total, dans ces travaux compensatoires. Mais quelle est la nature des travaux compensatoires? Le projet de loi ne dit rien là-dessus et je suggère fortement au ministre que, plus tard, quand on étudiera le projet de loi article par article, il y aura des suggestions quant aux catégories de travail qu'on prévoit.

Il y a une autre élément. Dans le projet de loi, on parle de la disponibilité de ces programmes. En d'autres termes, si, dans certaines régions, un tel programme n'est pas disponible, la pauvre victime qui voulait bien travailler n'a même pas la chance de le faire et elle va en prison, parce que le projet de loi dit plus loin... J'ai déjà appris ma leçon ici. Quand je cite l'article de la loi, on me dit: Vous n'avez pas le droit de le faire, parce qu'on parle sur le principe, mais l'article, sans en mentionner le numéro, dit plus loin: "S'il n'y a pas de travaux compensatoires disponibles ou qu'on refuse de faire ces travaux, à ce moment-là, cela peut devenir l'emprisonnement." Je trouve cela un peu bizarre qu'on donne une chance à quelqu'un de travailler comme sentence ou de faire sa compensation vis-à-vis de la société, mais s'il n'y a pas de programme disponible, on va lui faire faire de la prison. Donc, je pense qu'il est très important qu'on prenne soin que les travaux soient disponibles. Pour moi, il faut dire: Vous allez visiter des victimes, peut-être des victimes d'un grave accident d'automobile... C'est arrivé déjà, aux États-Unis, vous le savez très bien. Ceux qui sont pris en délit de fuite après un accident d'automobile ou à conduire en état d'ébriété sont forcés de suivre des cours, de voir des victimes d'accidents d'automobile, ce qui arrive avec tous les détails assez cruels sur le plan médical, de visiter des gens dans les hôpitaux. Cela doit être, je pense, la nature de ces travaux compensatoires.

Si on accepte ma définition des travaux compensatoires, il n'y a aucune raison de ne pas faire ces travaux; visiter les patients dans les hôpitaux, il y a assez de patients dans les hôpitaux, il y a assez d'enfants dans les écoles, il y a assez de travail à faire, si on veut élargir la définition.

Un autre sujet, M. le Président, les petites créances. Vous savez que le ministre suggère que la juridiction de la Cour provinciale, division des petites créances, soit augmentée de 500 $ à 800 $. Encore une fois, je ne veux pas être dur envers le ministre de la Justice, mais c'est exactement la suggestion faite par le député de D'Arcy McGee. M. le ministre, vous me faites signe que ce n'est pas vrai, vous êtes un peu triste, mais je me rappelle très bien que c'est lui qui a parlé de cela, à moins qu'il vous ait copié, je ne sais pas; mais vous êtes mieux de l'expliquer dans votre réplique, parce que j'ai toujours compris que c'était le député de D'Arcy McGee qui avait fait cette suggestion.

Je n'ai rien contre cette augmentation. Je pense être en faveur de cela. Je note, cependant, que les frais sont augmentés, que, pour une somme de 250 $, les frais sont de 10 $ et que, pour plus de 250 $, ils sont de 20 $. Ils sont doublés, sauf dans le cas de ceux qui bénéficient de l'aide sociale. (15 h 30)

On a parlé des 20 $ de la Régie du logement l'autre jour. Ici, on double les frais. Il y a beaucoup de catégories de personnes qui ne sont pas des bénéficiaires de l'aide sociale mais qui, sur le plan pratique, vivent avec presque le même revenu. Il n'y a pas de différence de revenu entre quelqu'un qui reçoit un chèque de l'aide sociale de 300 $ et celui qui, par orgueil, parce qu'il ne veut pas bénéficier de l'aide sociale, gagne 25 $ de plus. Cette personne n'a pas non plus la possibilité de ne pas payer ces 20 $. 20 $ pour la Régie du logement, comme j'en ai donné l'exemple l'autre jour; pour deux dossiers, deux fois 20 $, cela fait 40 $. Ici, pour les petites créances, c'est encore 20 $. Pour l'aide juridique, on n'a peut-être même pas parlé de 20 $, on a parlé de 40 $. Je me demande si c'est absolument nécessaire d'augmenter et de doubler ces frais.

Un autre point un peu plus technique -je voudrais tout de même féliciter le ministre pour les bons points de ce projet de loi - c'est là où on stipule maintenant que l'intérêt au taux légal, plus l'indemnité additionnelle qu'on retrouvait à ce jour seulement en matière délictuelle et quasi délictuelle... Pour ceux qui ne comprennent pas cela, je vais expliquer. Disons qu'on prenait une action en dommages et intérêts contre quelqu'un résultant d'un accident et qu'on demandait toujours à la cour le taux légal de 5% plus l'indemnité additionnelle, soit la différence entre 5% et le taux d'intérêt en vigueur. On a élargi ce concept en disant que ça s'appliquerait désormais à la matière commerciale. Le député de D'Arcy McGee me fait signe que cette suggestion vient aussi de lui. Je n'étais pas au courant, mais si tel est le cas, que celui qui a fait cette suggestion reçoive tous les applaudissements, parce que je pense que c'est une amélioration claire et nette.

Il y a une autre innovation concernant l'exécution des ordonnances relatives aux

pensions alimentaires à la suite d'un divorce ou d'une séparation de corps. À partir de la date où ce projet de loi sera en vigueur, le Québec pourra négocier directement avec un autre pays justement pour exécuter mutuellement ce jugement concernant la pension alimentaire. Comme avocat pratiquant, je peux vous dire qu'on devait en arriver là parce qu'il m'est arrivé très souvent, alors que je représentais une femme, d'obtenir une séparation de corps; le mari était condamné à payer une certaine pension alimentaire, il est parti en Europe, d'où il venait, et on n'était pas capable, par exemple en Italie, de courir après ce monsieur. Il fallait recommencer la procédure là-bas, ce qui, à toutes fins utiles, est presque impossible. Si, entre un pays européen et le Québec, il y a une entente pour respecter mutuellement la possibilité d'exécuter un jugement, au moins, tout ce qu'on aura à faire, ce sera d'envoyer le jugement directement à l'instance européenne et faire exécuter le jugement là-bas pour obtenir la pension alimentaire à laquelle la femme avait droit selon la décision de la Cour supérieure du Québec.

Ayant lu et étudié ce projet de loi, je répète... Combien de temps me reste-t-il, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Rancourt): II vous reste dix minutes.

M. Polak: II me reste encore dix minutes? Ah bon! Je pourrais faire le même discours en anglais.

As I said...

Le Vice-Président (M. Rancourt); Je m'excuse, c'est plutôt cinq minutes.

M. Polak: Ah bon! As I said, Mr. President, for those of the English language who perhaps have not followed the debate this morning, since we are talking about a law which affects all the citizens of the Province of Québec, I want to reiterate just a few principles. If I am entitled to speak five minutes, I want to take my five minutes.

The projet de loi no 67, which is before us now, is the result of a lot of work that has been done and prepared by the Member for D'Arcy McGee, who has investigated the judicial system and the administrative operations who has investigated the system concerning people who are in prison due to a small fine, having violated the provincial statutes.

What we see now in this law is the following: Those who cannot afford to pay the fine will have a chance to do "des travaux compensatoires" - I have not seen the English text of the law - certain compensatory work. The law does not state at all the exact meaning of this work. I have given examples. I can see very well that the man who passes a school bus at great speed when the kids are disembarking -there is now a minimum fine of 100 $ - if he does not have the money to pay the fine, should go on the corner of the street with a traffic guard for, let us say, ten hours, according to the law here, at 10 $ an hour, and be there and see how the kids cross the street and learn a little bit about safety.

I can see programs where people who are not able to pay a certain fine should go and visit people who are very lonely, elderly people. I gave the example of people under psychiatric care in a halfway house, who desperately need to be in contact with people on the outside. Let those people who cannot afford to pay the fine go there, meet the persons who have psychological problems or psychiatric problems, talk to them and perhaps give them a little bit of sunshine. That, to me, is a definition of what "travaux compensatoires" should be. I hope that the Minister, when we go into study of this law article by article, will give some definition of what the "travaux compensatoires" mean.

For the rest, Mr. President, I just want to terminate by saying that not every bill that has been presented has to be opposed because we are in the Opposition and the Government presented it. This happens to be a bill in which we feel that the principles are good. There are certain corrections to be made. There are amendments to be made. But we feel that we have come up with something good, and not only because it was suggested by the MNA for D'Arcy McGee; even if the Minister himself had found all those cures to the problems, we would have been in favour, in principle, of this bill. Thank you very much.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, tel que convenu, on suspend pour un moment le débat sur le projet de loi no 67.

M. Pagé: Qui demande la suspension de votre côté?

M. Brassard: C'est ma collègue, ici, à côté, qui demandera la suspension de ce débat.

M. Pagé: Demandez!

Mme Lachapelle: M. le Président, je propose l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Rancourt): La suspension. Est-ce que cette motion de suspension du débat est adoptée?

M. Brassard: Adopté, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le leader adjoint.

M. Brassard: Pour le moment, c'est vraiment l'article 10, M. le Président.

Projet de loi no 66 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Deuxième lecture du projet de loi no 66, Loi modifiant certaines dispositions législatives en matière de financement des partis politiques et en matière d'élections municipales.

La parole est à M. le ministre de la Justice.

M. Marc-André Bédard

M. Bédard: M. le Président, nous abordons, aujourd'hui, l'étude du projet de loi no 66, Loi modifiant certaines dispositions législatives en matière de financement des partis politiques et en matière d'élections municipales.

Quant à l'essentiel, ce projet de loi vise, sur la base d'un consensus réalisé au sein du Conseil consultatif du financement des partis politiques, à réaliser certaines dispositions de la Loi régissant le financement des partis politiques que cette Assemblée nationale a adoptée, à l'unanimité des parlementaires, en août 1977.

Je voudrais profiter de cette période qui m'est allouée, à titre de ministre d'État à la Réforme électorale, pour dresser un premier bilan d'application de cette loi, près de cinq ans après son adoption, de manière à illustrer le fait que les dispositions du projet de loi que j'ai l'honneur de soumettre à votre attention respectent dans leur intégralité l'ensemble des principes démocratiques qui sous-tendent la Loi régissant le financement des partis politiques.

Cinq principes sous-tendent la loi que nous sommes en train d'amender. D'abord, permettre aux électeurs de contribuer au financement des partis politiques; deuxièmement, assurer le contrôle de ce financement par la divulgation des revenus et des déboursés des partis politiques; troisièmement, encourager les contributions modestes et diversifiées; quatrièmement, susciter la collaboration des partis politiques et, cinquièmement, investir le Directeur général du financement des partis politiques d'un double rôle de contrôle et d'information.

Je crois, M. le Président, que nous pouvons dire que le Conseil consultatif du financement des partis politiques - c'est tout à son honneur - s'est carrément inscrit à l'intérieur de ces principes pour proposer des modifications à la loi, conscient que l'ensemble de ces principes ne peuvent plus, aujourd'hui, être remis en question parce qu'ils ont été acceptés d'emblée par la communauté démocratique du Québec. (15 h 40)

Ce conseil consultatif est formé - j'y reviendrai plus tard - comme on le sait, de représentants des différents partis politiques, tant au niveau d'attachés à ces partis politiques que de représentants ici à l'Assemblée nationale qui ont à faire un travail important et très positif. Il s'agit, pour en avoir une idée en termes d'appréciation, de lire le rapport qui a été déposé par le directeur général du financement des partis politiques, M. Boucher, qui disait textuellement ceci, en parlant du conseil consultatif: "Je m'en voudrais de ne pas revenir ici sur des innovations essentielles, à mon sens, contenues dans la Loi régissant le financement des partis politiques. "Le conseil consultatif. L'expérience a démontré que ce fut sans doute parmi les leviers mis à la disposition du directeur général, un des plus importants. L'entière responsabilité et l'intérêt manifesté par ses membres sont, bien sûr, un élément essentiel de cette réussite. Mais il y a plus que le nombre et la fréquence des séances. Chaque membre est appelé, d'une part, à fournir une expertise indéniable, et, d'autre part, représente un collaborateur précieux pour l'institution chargée de mettre en oeuvre les volontés du législateur." Il terminait en disant ceci: "Enfin, pour les partis politiques et leurs militants, le conseil consultatif constitue un forum permanent et de premier choix, non seulement pour être tenu informé, mais aussi et surtout pour s'assurer de la cohérence et du réalisme de la démarche suivie dans l'application de la loi."

Je crois que ce témoignage à l'égard du conseil consultatif rendu par le Directeur général du financement des partis politiques méritait d'être mentionné.

M. le Président, près de cinq ans après l'adoption de la Loi sur le financement des partis politiques, on ne peut que fièrement constater que les électeurs québécois ont accueilli avec enthousiasme la réforme du financement politique et qu'ils s'en sont fait eux-mêmes les premiers et les plus fidèles collaborateurs.

Il s'agit de laisser parler les chiffres. En 1978, les électeurs ont versé 4 663 364 $ aux partis politiques oeuvrant sur la scène nationale. En 1979, ce sont 6 581 199 $ que les seuls électeurs ont versé pour financer les activités politiques aux échelons national et municipal, tandis qu'en 1980, les partis politiques ont recueilli la somme de 7 978 199 $ et que plus de 300 000 $ ont été versés dans les fonds des comités nationaux à l'occasion du référendum.

Enfin, en 1981, les électeurs ont

contribué 7 684 260 $ pour financer les activités politiques dont 1 311 973 $ au seul échelon municipal. C'est dire qu'un bilan populaire - je pense que c'est comme ça qu'il faut le qualifier - de l'application de la loi peut révéler que depuis l'entrée en vigueur de la loi, les électeurs québécois ont prouvé hors de tout doute que les partis politiques peuvent démocratiquement se passer des contributions en provenance des personnes morales, qu'il s'agisse de compagnies ou de syndicats. Dans un effort démocratique sans précédent et même, on peut le dire, unique au monde, les électeurs québécois ont versé plus de 27 000 000 $ au financement d'activités politiques, soit près de 1.60 $ par année et par électeur.

En se comportant ainsi, les électeurs ont entériné populairement la décision de l'Assemblée nationale de mettre fin à la tradition des caisses politiques occultes et financées par des intérêts étrangers à ceux de l'électorat. Ces électeurs ont consacré dans les faits le principe fondamental de leur primauté absolue en matière de financement.

Qu'il me soit permis aussi de souligner à cette étape-ci la collaboration féconde qui s'est instaurée depuis 1978 entre le ministre des Affaires municipales et le ministre d'État à la Réforme électorale et dont l'objectif était de faire bénéficier de la réforme, en matière de financement des activités politiques, les électeurs des municipalités québécoises de 20 000 habitants et plus. Cette collaboration a permis de rendre applicables à ces municipalités, mutatis mutandis, les dispositions de la Loi régissant le financement des partis politiques.

Là encore - et c'est la preuve que cette réforme était souhaitée par la population - les électeurs municipaux ont répondu de mieux en mieux, si bien qu'en 1981 ils ont consacré, comme je l'ai déjà mentionné plus haut, 1 311 973 $ au financement de leurs partis et candidats. C'est pourquoi ce projet de loi prévoit que l'ensemble des règles qui sont modifiées dans la Loi régissant le financement des partis politiques le sera aussi dans la Loi sur les élections dans certaines municipalités.

De plus, comme plusieurs de nos concitoyens, notamment ceux de la ville de Montréal, seront appelés à participer à des élections municipales au cours de l'automne qui s'en vient, ce projet de loi prévoit que certaines mesures de réforme contenues dans la Loi électorale du Québec, et qui ont trouvé une première application fructueuse en avril 1981, ces innovations ou ces améliorations seront également étendues aux fins des scrutins municipaux. L'ensemble de ces mesures vise à faciliter l'exercice du droit de vote. Je laisserai à mon collègue, l'adjoint parlementaire du ministre des Affaires municipales, le soin d'expliciter cette partie du projet de loi no 66.

Dans le même ordre d'idées, je suis en mesure de souligner que la collaboration entre le ministre des Affaires municipales et le ministre d'État à la Réforme électorale se poursuit et qu'elle a donné lieu à la création d'un groupe de travail interministériel dont la première tâche est de nous soumettre des recommandations quant aux orientations de base reliées aux diverses facettes de l'harmonisation de l'ensemble de nos régimes électoraux. Cette collaboration interministérielle, j'en suis convaincu, permettra au Secrétariat général de la réforme électorale de tenir compte, dans l'orientation de ses projets, de l'évolution des travaux du groupe de travail interne que je viens de mentionner et auquel participent les élus municipaux et leurs officiers.

Nous sommes convaincus qu'une des premières façons de reconnaître, dans les faits, la primauté absolue de l'électeur dans le système électoral est de lui reconnaître les mêmes droits et les mêmes devoirs dans tous les champs du système électoral où il a à exercer ses droits et devoirs d'électeur.

La Loi régissant le financement des partis politiques visait, comme d'autres réformes telles que la télédiffusion des débats, la Loi sur la consultation populaire, le projet de loi sur l'accès aux documents des organismes publics, à renforcer le contrôle populaire des électeurs sur leurs élus et leur administration. Là encore, on peut dire que le bilan est positif. Ainsi, en 1981, au seul niveau national, 5337 électeurs ont versé aux partis politiques des contributions de 100 $ et plus et ont ainsi accepté que leurs noms et adresses soient publiés. Je crois qu'il faut les féliciter de ce geste éminemment civique.

D'autre part, depuis 1978, le Directeur général du financement des partis politiques rend publics les rapports financiers qui lui sont adressés par les partis politiques et leurs instances. Les rapports qui sont publiés avec une diligence exemplaire, et dont copie est versée, entre autres, aux bibliothèques du Québec, fourmillent de renseignements sur les revenus des partis, les contributions, les dons, les revenus d'inscription à des congrès ou à des activités et également sur les adhésions. Je crois que les rapports livrent aussi l'ampleur des déboursés effectués par les partis. (15 h 50)

À l'instigation du Conseil consultatif sur le financement des partis politiques, ce projet de loi s'inscrit dans la ligne du renforcement du contrôle populaire sur les partis. Ainsi, les partis, avec ce projet de loi, seront dorénavant tenus de présenter annuellement un véritable rapport financier comportant un bilan, un état des revenus et dépenses ainsi qu'un état de l'évolution de la situation financière du parti préparés conformément aux normes comptables

généralement reconnues. Cette modification permettra donc aux électeurs de mieux évaluer la provenance des sommes dépensées par les partis politiques et leur permettra aussi de connaître clairement les actifs en possession des partis.

Une autre modification majeure de ce projet de loi vise à consolider le contrôle populaire sur les partis, celle de l'établissement d'un fonds électoral. L'existence de ce fonds, qui sera alimenté à même les fonds légalement détenus en vertu des dispositions du chapitre 1 de la loi, assurera que les sommes d'argent qui servent à défrayer les dépenses électorales ont été recueillies conformément au chapitre 1. Ainsi l'agent officiel devra puiser uniquement à ce fonds qui lui sera transmis par le représentant officiel pour défrayer une dépense électorale.

Pour ceux et celles pour qui le resserrement des contrôles peut apparaître bureaucratique et qui pourraient en être inquiétés à juste titre, je rappellerai que les partis politiques ne seront désormais tenus que de présenter un seul rapport financier par année au lieu de deux tel que c'était prévu auparavant. La qualité même des rapports qui seront dorénavant soumis permet cet allégement des contrôles administratifs, convaincus que nous sommes que c'est le contrôle populaire qui en sort gagnant. Plusieurs mesures de la Loi régissant le financement des partis politiques entendaient encourager les contributions modestes et diversifiées des électeurs. D'abord, la loi instaurait un système de crédit d'impôt applicable sur les contributions des électeurs de 200 $ et moins. À ce chapitre, les efforts démocratiques des électeurs auront, je crois, dépassé l'espérance initiale. Un exemple seulement: En 1981, 184 533 reçus ont été émis pour des contributions. De ce nombre, 179 196 reçus ont été délivrés pour des contributions de moins de 100 $. La contribution moyenne d'un électeur aura donc été de 29,15 $.

Afin de permettre à la population et encore plus aux militants des partis politiques de connaître les efforts financiers de l'Etat pour inciter les électeurs à se préoccuper du financement de la vie politique et aussi pour assurer une certaine indépendance financière des partis, qu'il me soit permis de souligner que le système de crédit d'impôt a coûté au trésor québécois, pour la seule année d'imposition 1980, plus de 1 800 000 $ répartis entre 94 000 électeurs-donateurs. M. le Président, en ces temps de compressions budgétaires, on comprendra qu'il faille accueillir avec respect la suggestion du Conseil consultatif du financement des partis politiques, donc de membres désignés des deux partis représentés en cette Chambre, de ne pas exiger de l'État un effort financier sensiblement accru au chapitre du remboursement des dépenses électorales.

En révisant dans un objectif de simplification, mais aussi compte tenu qu'il avait été fixé à son niveau actuel en 1963, le plafond des dépenses électorales permises à un candidat, les membres du conseil consultatif ont pris le soin de faire porter le fardeau financier supplémentaire d'abord sur les partis politiques. Ainsi, par rapport aux dépenses électorales que la loi fixait à une moyenne de 0,49 $ par électeur et qui sera désormais fixée à 0,70 $ par électeur, les remboursements exigibles auprès de l'État passeraient, pour les partis qui s'y rendent admissibles de près de 60% du total des dépenses engagées à 50% des dépenses.

Enfin, M. le Président, alors qu'avant l'adoption de la loi des contributions en provenance d'un électeur ou d'une personne n'était soumise à aucun plafond, la loi a fixé un maximum de 3000 $. En 1981, seulement quinze électeurs ont versé des contributions qui ont atteint un maximum de 3000 $. Je m'empresse aussi de noter qu'à l'échelon municipal, les contributions sont limitées aux seuls électeurs et à l'intérieur d'un plafond annuel de 500 $.

Voilà, M. le Président, autant de mesures qui visent à encourager des contributions modestes et diversifiées et qui sont maintenues dans le projet de loi qui est à l'étude aujourd'hui. En instaurant, à l'exemple des commissions ontariennes et californiennes, un Conseil consultatif du financement des partis politiques, la loi adoptée en 1977 engageait entre les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale une expérience fructueuse et stimulante de collaboration à l'administration de la loi. En plus de ne pas laisser cette réforme fondamentale de nos institutions démocratiques à la merci d'un éventuel changement de gouvernement, cette expérience pouvait permettre aux partis politiques de veiller à ce qu'une réforme politique ne se traduise pas en réforme bureaucratique mal adaptée au caractère militant et qu'elle soit axée sur le bénévolat des partis politiques. La mise en place de ce conseil consultatif a permis à la réforme d'être surtout très bien assimilée par les partis. Non seulement ce conseil s'est-il réuni à de nombreuses reprises pour s'acquitter de son mandat, mais il a de plus permis au directeur général - il le disait lui-même - d'adresser relativement à l'application de la loi un ensemble de directives dont les partis politiques avaient pu auparavant mesurer la pertinence et exprimer leur accord. De plus, ce projet de loi en constitue un exemple probant, puisqu'il en est issu pour l'essentiel. Les membres du conseil consultatif ont adopté à l'unanimité des recommandations de modifications à la loi. Ces propositions trouvent aujourd'hui leur

transcription législative et, dès l'adoption de ce projet de loi, elles seront d'autant plus respectées par les partis politiques et par les militants que ce sont eux, les partis politiques, qui les ont formulées quant à l'essentiel. Sans oublier le travail abattu par les représentants des partis politiques au sein du conseil consultatif pour la période de 1977 à avril 1981, je m'en voudrais, M. le Président, de ne pas mentionner et souligner l'apport démocratique fourni aux travaux de ce conseil depuis les dernières élections par M. Jean-Pierre Roy, par le député de Portneuf, à titre de représentant du Parti libéral du Québec, par M. Jean-Pierre Nepveu et par le député de Gouin, à titre de représentant du Parti québécois.

M. le Président, je n'entends pas aujourd'hui mettre beaucoup d'emphase sur le rôle essentiel de contrôle du directeur général, sauf pour souligner que les membres du conseil consultatif ont voulu renforcer ce rôle de contrôleur en faisant en sorte qu'il soit désormais clairement établi que les pouvoirs et devoirs du directeur général s'étendent à l'ensemble de la loi et non pas seulement à la première partie de la loi, ce qui est très important. À l'instar de M. Robert Burns, mon prédécesseur à la Réforme électorale, j'aimerais souligner ceci et je cite: "Au-delà de cette fonction assumée par le directeur général, ce sont les électeurs qui doivent devenir les premiers contrôleurs du financement des partis politiques. Les contrôles instaurés par ce projet de loi ne peuvent constituer des fins en soi, ni une technique de vengeance pour le passé, mais plutôt des moyens efficaces pour assurer le seul contrôle vital, celui de l'examen public. Si les contrôles comptables ne conduisent pas au contrôle public, on aura renforcé la bureaucratie au lieu de la démocratie. (16 heures)

Pour avoir lu, M. le Président, les rapports annuels soumis avec régularité aux membres de cette Assemblée, pour avoir parcouru les nombreuses et diligentes publications éditées pour rendre compte des rapports financiers des partis politiques ou encore pour vulgariser les différentes lois, je sais que le Directeur général du financement des partis politiques et son équipe ont, eux aussi, je tiens à le souligner, comme l'ont fait et continuent de le faire les membres du conseil consultatif, favorisé le renforcement du contrôle populaire et démocratique de nos institutions politiques. Tous ces gestes et bien d'autres ont permis d'asseoir véritablement la réforme du financement politique sur des électeurs bien informés et conscients de leurs devoirs et privilèges exclusifs dans une société démocratique comme la nôtre.

En terminant, M. le Président, je pense que c'est à l'unanimité, comme ce fut le cas pour la loi 2, que cette Assemblée devrait adopter ce projet de loi modifiant certaines dispositions de la Loi régissant le financement des partis politiques.

Je me permets, M. le Président, de présumer de l'acceptation de ce projet de loi par nos collègues de l'Opposition, ce qui n'empêche pas d'y aller de suggestions additionnelles, parce que je sais qu'un de leurs principaux porte-parole était celui que j'ai mentionné, le député de Portneuf, à l'Assemblée nationale. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Portneuf et whip de l'Opposition.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir à ce moment-ci, au moment de la deuxième lecture du projet de loi 66, qui constitue essentiellement pour le législateur, pour les députés, la première occasion que nous avons de revoir certaines dispositions applicables de la loi 2 - on s'en rappellera - sur le financement des partis politiques qui avait été adoptée, à l'unanimité de cette Chambre, au mois d'août 1977.

Il est bon, je pense, M. le Président, avant d'aborder ou de faire part de mes commentaires au nom de l'Opposition, de revoir pendant quelques minutes ces dispositions de la loi 2 sur le financement des partis politiques: le contexte dans lequel cette loi a été adoptée, le vécu de cette loi dont nous avons été témoins pendant ces cinq ans et l'obligation aujourd'hui de la revoir, le pourquoi du projet de loi 66 qui nous convie à une réouverture de la loi à certains égards.

M. le Président, vous vous rappellerez, parce que vous y étiez, que la loi 2 sur le financement des partis politiques venait consacrer quelques grands principes. Un de ceux-là était - nous y avons souscrit, nous continuons à y souscrire - qu'à nos yeux le financement des partis politiques au Québec doit se faire par l'électeur purement et simplement et cela doit se limiter à l'électeur. La trame ou le commun dénominateur qui guidait le texte rédigé dans la loi 2, présenté par le ministre d'État à la Réforme électorale du temps, c'était que l'électeur, qui a finalement à choisir ses députés, qui a à choisir son gouvernement, c'est à lui que revient le privilège, le droit et, par conséquent, l'obligation de financer les partis politiques au Québec. C'est encore bien identifié dans la loi. Nous avons eu à vivre avec ce principe pendant déjà cinq ans. Les conclusions que nous pouvons apporter, c'est que, quant à nous, nous sommes satisfaits et nous y souscrivons non pas encore aujourd'hui, mais davantage aujourd'hui, M. le Président.

Un autre élément important lui aussi, qui apparaissait dans la loi 2 sur le financement des partis politiques, c'était l'obligation de divulgation. Les partis politiques, depuis 1977, sont obligés de fournir des rapports au Directeur général du financement des partis poliques et à ses adjoints. Ces partis sont obligés d'indiquer la provenance de leurs fonds, d'où proviennent leurs fonds, même leurs emprunts, etc. C'est donc dire que tout électeur, tout citoyen du Québec qui a besoin d'information, qui veut savoir qui alimente le Parti québécois, qui alimente le Parti libéral du Québec, qui alimente l'Union Nationale, s'il y a lieu, peut le savoir aisément en consultant les nombreux rapports annuels ou les documents déposés au bureau du Directeur général du financement des partis politiques.

Un autre élément, c'était le contrôle par la création de ce bureau du Directeur général du financement des partis politiques, qui est là pour faire administrer la loi, qui est là pour assumer ce contrôle, qui est là pour fournir des renseignements, pour faire respecter les articles auxquels on le convie dans cette loi. Encore là, il va de soi qu'on ne pouvait adopter une loi comme celle-là, une loi sur le financement avec toutes ses notions, ses nouveaux principes, sans conférer le pouvoir à un directeur d'en assumer le contrôle au chapitre de l'application.

Aujourd'hui, le ministre d'État à la Réforme électorale, le ministre de la Justice, qui a comme "side-line" de s'occuper de réforme électorale, malheureusement... On n'a peut-être pas eu l'occasion de discuter cette question au comité consultatif, mais je suis persuadé qu'avec la réforme électorale au Québec, le financement des partis politiques et tout ce qui s'en vient - on a parlé de vote proportionnel, éventuellement, on a évoqué plusieurs possibilités dans ce Parlement depuis quelques années au chapitre de la réforme électorale - nous apprécierions que le premier ministre, qui prévoit faire un remaniement bientôt, profite de la fin de la session pour qu'on ait un ministre d'État à la Réforme électorale à temps plein, sans reprocher quoi que ce soit au ministre de la Justice; je comprends qu'il est bien occupé avec les nombreuses enquêtes, etc.

M. le Président, le ministre de la Justice nous a fait sa déclaration tout à l'heure. Tout d'abord, je dois lui témoigner mon appréciation à l'endroit des commentaires qu'il a formulés à l'égard du comité consultatif. Le comité consultatif, comme vous le savez probablement, c'est un comité formé de représentants des partis politiques élus à l'Assemblée nationale du Québec. C'est donc dire qu'actuellement il y a un représentant du Parti québécois et un du Parti libéral du Québec. Ce comité siège pour conseiller, à titre consultatif seulement, il faut en convenir, le Directeur général du financement des partis politiques et ses deux adjoints, les différents officiers, finalement, qui ont à appliquer cette loi.

Ce comité s'est réuni à plusieurs reprises en 1982, à quelques reprises en 1981 et il est vrai de prétendre que les modifications actuellement apportées à cette loi ont été faites dans un processus de consultation ouvert, de dialogues et d'échanges. D'ailleurs, plusieurs des points sur lesquels nous en sommes arrivés à un consensus apparaissent dans le projet de loi aujourd'hui. Par contre, je veux bien faire comprendre au ministre que le comité consultatif est là pour donner des avis purement et simplement. Je pense que, lorsque le législateur, en 1977, a prévu dans sa loi la création d'un comité consultatif, son ultime objectif était véritablement la consultation. Aujourd'hui, le projet de loi qui nous est présenté témoigne des consensus qui se sont dégagés au comité consultatif, j'en conviens, mais, d'autre part, c'est une loi présentée par le ministre d'État à la Réforme électorale et parlementaire. Il faut convenir qu'il y a certains sujets sur lesquels, au comité consultatif, il n'y a pas eu accord. C'est peut-être explicable, mais il faut convenir que la loi est présentée par le ministre d'État à la Réforme électorale et parlementaire et c'est lui qui aura à vivre avec la critique que nous pourrons apporter de notre côté.

M. le Président, je n'ai point l'intention aujourd'hui de reprendre chacun des sujets ou des points particuliers prévus dans ce projet de loi. On n'a qu'à se référer aux notes explicatives. Il y a certains articles qui sont modifiés pour assouplir, arrondir certains coins qu'on a constatés à la lumière de l'application de cette loi depuis cinq ans. Cette loi donne certains pouvoirs additionnels au directeur général. Cette loi permet un contrôle plus poussé, je pense, mais justifié à l'égard des actifs des partis politiques au Québec et de la provenance de ces actifs. L'expérience de cinq ans nous aura permis de voir qu'il y avait peut-être quelques portes dans cette loi et nous devons nous assurer qu'elles ne soient pas ouvertes, mais complètement fermées. Il y a des dispositions dans le projet de loi dont on pourra traiter spécifiquement lors de son étude article par article, en commission parlementaire.

M. le Président, essentiellement, l'objectif de ce projet de loi - j'y reviens parce que c'est important - c'est de s'assurer que, d'une part, les partis politiques soient régis par des dispositions qui s'appliquent à tout le monde, que ce soit un tiers parti, que ce soit un candidat, que ce soit un parti qui existe depuis de nombreuses années ou un parti qui est nouveau et qui est le résultat d'une action politique spontanée dans un milieu, dans une région. L'essentiel des objectifs de la loi no 2,

c'était de s'assurer que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde et ce, sous l'égide d'un commun dénominateur qui était le fair-play.

Le ministre de la Justice, tout à l'heure, a fait référence aux dépenses électorales et c'est important. D'ailleurs, la loi de 1964 prévoyait des limitations de dépenses pour les candidats à des élections générales ou partielles. C'est un principe qui voulait que les règles du jeu s'appliquent pour tout le monde, que ce soit franc-jeu pour tout le monde et que chacun des candidats dans un comté puisse avoir le même montant à dépenser.

Or, M. le Président, on sait que la loi prévoit des limites. La loi prévoit, dans un comté comme celui que je représente, que chacun des candidats a le droit de dépenser environ 12 000 $ à 13 000 $. Le ministre a évoqué, tout à l'heure, des modifications à cette loi. Je pense qu'elles sont tout à fait fondées et justifiées, sauf qu'on sait chacun des députés pourra en convenir - que la part importante de nos budgets, des sommes qu'on dépense en campagne électorale, est dirigée vers la publicité.

Je crois que le gouvernement du Parti québécois, par la voix du ministre d'État à la Réforme électorale... Ce gouvernement qui s'est déjà défini comme étant un gouvernement social-démocrate, ce gouvernement qui profite toujours de l'occasion qui lui est donnée pour vanter sa transparence, pour vanter son honnêteté, pour vanter son intégrité, M. le Président, vous êtes habitué d'entendre son vieux disque 78 tours qu'on entend jouer régulièrement, celui des membres du gouvernement, des députés péquistes de cette Chambre: transparence, honnêteté, intégrité. C'est le PQ.

Je me rappelle l'élection de 1981 et je me rappelle aussi la campagne référendaire. Le ministre aurait dû profiter du dépôt du projet de loi no 66 pour y prévoir une modification que j'ai souhaitée au comité consultatif. J'ai eu tôt fait de constater que cette proposition ne serait pas accueillie, qu'il n'y aurait pas de consensus autour de cette proposition. C'est l'obligation qu'aurait le gouvernement du Québec - j'en viens directement au point - le Conseil des ministres, par la voix du ministre, s'il veut être honnête, franc et loyal, de présenter un amendement au projet de loi no 66 qui est déposé et qui prévoira, nous l'espérons, que le gouvernement du Québec sera soumis à l'application de ce projet de loi, et je m'explique.

Est-il franc, honnête, "fair", qu'en pleine campagne électorale ou encore en campagne référendaire, le gouvernement du Québec fasse de la publicité gouvernementale? M. le Président, en 1975, le gouvernement du Québec dépensait, au chapitre de la publicité gouvernementale, 4 000 000 $ par année. Il était alors au quinzième rang parmi ceux qui font de la publicité. En 1977, il dépensait 4 801 000 $. C'était la première année de mandat du gouvernement du Parti québécois. Les élections s'en venaient, mais elles étaient encore lointaines, à ce moment-là. En 1978, on se dirigeait vers une campagne référendaire. On se rappelle que le gouvernement du Parti québécois, le Parti québécois comme formation politique, s'est engagé, en 1976, à tenir un référendum sur l'indépendance politique du Québec. Dès 1978, la publicité gouvernementale est arrivée. On est parti d'un budget de 4 801 000 $ pour monter à 11 409 000 $ en 1978. En 1979, le tempo s'accélérait vers la campagne référendaire et le gouvernement a dépensé à même nos impôts, nos taxes -et Dieu sait si elles sont nombreuses -14 291 000 $. En 1980, il est arrivé quelque chose, c'est le référendum. Là, M. le Président, il fallait susciter l'identité québécoise chez les Québécois. On se rappelle "La personne avant toute chose". "On s'attache au Québec", etc. La valse des fleurs de lis pendant l'année 1980 a été assez aiguë et assez vivante. 16 919 000 $ en 1980, c'était l'année référendaire. 1981, année électorale, 12 047 581 $ de dépensés.

Les membres du gouvernement, les membres de la majorité nous diront: Écoutez, il est normal, il est explicable qu'un gouvernement fasse de la publicité. On est justifié, comme gouvernement, de faire connaître nos politiques, d'informer les contribuables, d'informer les électeurs du Québec qu'ils ont droit à tel, tel ou tel autre programme. On sait qu'on veut faciliter l'accès aux services gouvernementaux, il est donc normal, et nous sommes justifiés, comme gouvernement, de faire de la publicité.

L'essentiel de mon propos aujourd'hui n'est pas de demander au gouvernement de bannir toute publicité. Je sais que le gouvernement se doit, dans cette perspective de donner des services aux citoyens, de faire de la publicité à un moment où l'autre de son mandat ou à certaines périodes de l'année. Cela j'en conviens. Mais là où le gouvernement manque d'honnêteté, de transparence et de franc-jeu, c'est lorsqu'il se permet de faire de la publicité en pleine campagne électorale. Afin d'éviter tout écueil dans ce sens-là, afin d'éviter toute tentation dans ce sens-là, le gouvernement devrait avoir l'honnêteté et la franchise d'accepter l'amendement que nous allons proposer en commission parlementaire au moment de l'étude du projet de loi article par article et qui visera essentiellement à interdire toute publicité gouvernementale à compter de l'émission du bref jusqu'au lendemain du scrutin. Je suis persuadé que plusieurs des députés de la majorité qui sont

inspirés par cette règle ou cette volonté de franc-jeu, cette volonté de "fair-play" en campagne électorale, sont d'accord pour que le gouvernement ne s'adonne pas à de la publicité de cette nature parce que ça peut être trop facile pour un gouvernement de succomber à la tentation d'accroître les budgets de publicité pendant une campagne électorale.

Des dispositions législatives analogues existe en Saskatchewan. Le ministre pourra faire venir la loi sur les élections qui a été adoptée par l'Assemblée législative de la Saskatchewan en 1973 et, à l'article 229 il est clairement dit ceci - je me permets de le citer - "À partir de la déclaration de l'élection jusqu'au jour de l'élection, aucun département, comité, commission, corporation, société d'État, agence du gouvernement, ne peut, durant une élection générale, publier de quelque manière que ce soit des informations ou particularités sur les activités du département, comité, commission, corporation, société d'État ou agence, excepté dans les cas d'une urgence où l'intérêt public demande la publication d'une telle information." Par exemple, après communication avec le bureau des élections et plus particulièrement avec M. Baily en Saskatchewan, celui-ci me confirme que la publicité peut être permise, même en campagne électorale, dans le cas d'une inondation majeure ou dans des cas de force majeure ou d'une urgence comme dans les cas où les services publics sont coupés à la population et où on doit quand même donner des informations inhérentes à l'état de fait qui entoure ce problème.

Je voudrais que le ministre prenne acte de notre intention de présenter un amendement en commission parlementaire qui visera essentiellement à ce que les règles du jeu soient les mêmes pour tout le monde, à ce que les règles du jeu soient les mêmes pour les partis politiques qui voudront se faire élire ou qui voudront faire élire des candidats ici à l'Assemblée nationale du Québec. Encore une fois, c'est trop facile de succomber à cette tentation, lorsqu'on a à parler et à agir comme gouvernement qui dispose de millions et de millions de dollars - les chiffres sont là pour en témoigner - de parler en même temps comme parti politique qui veut faire élire des candidats. Vous savez, les vases communicants, c'est peut-être trop facile, à ce moment-là. Cet amendement vise à ce que, dès la prochaine élection générale au Québec, on n'ait plus de publicité gouvernementale entre l'émission du bref et le jour du scrutin, ce qui nous permettra, soit dit en passant, si on continue à dépenser à un rythme de 15 000 000 $ ou 16 000 000 $ en communications par année d'épargner au moins 1 200 000 $ pendant cette période. (16 h 20)

II y a un autre élément aussi important que je n'ai pas eu l'occasion d'aborder longuement au comité consultatif. Si je ne l'ai pas abordé, si je n'ai pas présenté d'intention ferme dans ce sens, c'est parce qu'elle sera précisée dans les jours qui viendront. Nous sommes à évaluer actuellement la possibilité de présenter des amendements qui interdiraient à un parti politique provincial de financer un parti politique fédéral.

Des voix: Ah! Bravo!

Une voix: Et vice versa?

M. Brassard: Et l'inverse également?

M. Pagé: L'inverse également? C'est bon ça. Le leader adjoint du gouvernement qui me demande: Et l'inverse également? Ce serait venu de n'importe quel autre député, je lui aurais répondu, mais venant du leader adjoint du gouvernement, qui est avocat... Vous ne savez pas ce qu'est la loi 2 sur le financement des partis politiques adoptée en 1977?

M. Fréchette: ... des fédéraux.

M. Pagé: Le député de Sherbrooke, ministre du Revenu par surcroît, devrait savoir qu'un parti politique fédéral ne peut pas aider un parti politique provincial. Un parti politique fédéral, ce n'est pas un électeur au Québec.

M. Fréchette: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordrei M. le ministre du Revenu.

M. Fréchette: Si le député de Portneuf me permettait de préciser un peu ma pensée, je lui poserais la question suivante: N'y aurait-il pas moyen, dans la loi qu'il discute actuellement, d'interdire à un parti provincial d'accepter des souscriptions d'un parti fédéral? Non pas empêcher un parti fédéral de le faire, on ne le pourrait pas, c'est bien sûr, mais d'empêcher un parti provincial d'en accepter.

M. Pagé: Je vais répondre à la question. Ce que le ministre vient de me poser comme question, c'est hors de tout sens. Le ministre dit qu'on ne peut pas empêcher, par une loi provinciale, un parti politique fédéral de verser des sommes. Le ministre me dit: Ne serait-il pas plus opportun d'empêcher un parti politique provincial de recevoir des sommes? C'est ce que je vous ai dit tantôt. Un parti politique provincial, quel qu'il soit, ne peut recevoir de dons, de souscriptions ou d'argent venant d'un parti politique fédéral parce que ce

parti politique fédéral n'est pas un électeur au Québec.

Une voix: C'est hors la loi.

M. Pagé: Je comprends qu'il y a un problème juridique sur l'identification juridique et légale d'un parti parce qu'on sait qu'un parti, ce n'est pas une corporation au sens de la loi, ce n'est pas formé en vertu de la Loi sur les compagnies, c'est une association bona fide qui est reconnue comme cela.

Le ministre devrait le savoir. D'ailleurs, il peut demander des avis au Directeur général du financement des partis politiques et à ses adjoints; je l'invite à prendre quelques minutes tantôt pour aller téléphoner. Il aura la réponse tout de suite. La loi 2 - vous n'étiez pas là, j'en conviens, vous étiez dans le purgatoire du PQ avant d'accéder au parti - empêche une corporation ou une association de financer un parti politique au Québec. C'est donc dire que chez nous, vous avez été témoin à plusieurs reprises, M. le Président, combien de fois en cette Chambre on entend, venant par surcroît, bien souvent, des lieux obscurs et lointains où sont réfugiés quelques députés d'arrière-ban de la majorité, des références au fait que notre formation politique, le Parti libéral du Québec, serait financée, associée, en relation constante avec une autre formation politique du Québec qui s'appelle le Parti libéral du Canada.

Je veux établir tout de suite - je pense que la loi qui s'applique depuis cinq ans est là pour en témoigner - qu'avant de choisir quel parti politique vous alliez appuyer, il y a probablement quelques années, si vous aviez regardé nos statuts, règlements et constitution, vous auriez été à même de constater que le Parti libéral du Québec est régi par une constitution, c'est un parti politique au Québec complètement indépendant, complètement séparé de toute autre formation politique et plus particulièrement du Parti libéral du Canada. On sait qu'on a deux structures, deux constitutions, deux services, deux bureaux; c'est complètement distinct, M. le Président. Je ne sais même pas, moi, et je vais vous faire un aveu aujourd'hui, je ne connais même pas l'adresse du bureau du Parti libéral du Canada, ici dans la région de Québec. Je peux vous avouer aussi que je vote libéral au fédéral et je suis bien honoré de le faire. Moi, je ne me cache pas. M. le Président. Premier point, il y a une démarcation très nette entre les partis politiques qui sont présents à l'Assemblée nationale du Québec et les partis politiques qui évoluent au niveau fédéral. Les lois sont là pour le prévoir, M. le député de Sherbrooke.

Mais là, M. le Président, il est question qu'on ait un parti politique provincial qui a comme article 1 de son programme de faire l'indépendance politique du Québec, de séparer le Québec du reste du Canada et qui prévoit présenter des députés, des candidats dans une prochaine élection fédérale. Aucun problème, M. le Président. Je n'ai aucune objection, quant à moi, que le premier ministre du Québec, M. Lévesque, profite de cette résolution qui sera adoptée, en fin de semaine au conseil général, pour mettre à la retraite, donner un genre de prime de séparation à plusieurs de ses députés ou de ses ministres. On sait, M. le Président, que le député de Lafontaine et ministre de l'Environnement a clairement indiqué sa volonté de se présenter au palier fédéral bientôt. On sait que cela ferait probablement l'affaire de plusieurs qu'il s'en aille là-bas. On connaît ses intentions à cet égard. Le Parti québécois aura à le décider en fin de semaine, et cela, c'est une décision qui vous appartient. Vous aurez à le décider, décidez-le vous-mêmes.

Or, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Pagé: C'est dans ce sens que je me suis demandé si on devait présenter un amendement...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre! M. le député.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. le Président, je demande votre protection. On sait que les membres du PQ auront à décider en fin de semaine s'ils vont pousser l'aspect loufoque de leur position depuis un certain temps jusqu'à présenter des députés à Ottawa. Si vous voulez y aller, allez-y, aucun problème. Une des appréhensions, une des craintes que j'ai, si je présente un amendement qui vise à interdire le droit pour un parti politique provincial de financer un parti politique fédéral, c'est qu'on se fasse dire par l'autre côté: Vous avez peur qu'on aille sur la scène fédérale. M. le Président, je dois vous dire que j'y suis franchement indifférent. Volée pour volée, que la prochaine volée soit aux élections provinciales ou aux élections fédérales, chez les péquistes, cela ne m'inquiète pas, mais je sais que le premier contact que les péquistes auront avec l'électorat va être une bonne, une franche et une bonne volée de la part des électeurs.

Il y a un autre élément, M. le Président, c'est que, s'il n'y a pas de modifications dans ce sens qui est apportée à la Loi régissant le financement des partis politiques provinciaux, cela pourra vouloir dire que cette relation de tuteur et de pupille qui a été de nombreuses fois

dénoncée en cette Chambre par les péquistes pourrait être créée et exister chez une seule formation politique sur la scène politique provinciale et fédérale, soit le Parti québécois. Qui serait le tuteur et qui serait le pupille, et qui serait à quatre pattes devant l'autre; où serait le grand frère et où serait le petit frère? M. le Président, c'est une appréhension que j'ai et je dois vous dire que nous sommes à voir actuellement si nous devons présenter un amendement dans ce sens. Encore une fois, il faudrait présumer, et je présumais et je continue à présumer à certains égards, de l'honnêteté, la franchise, la transparence et le franc-jeu du PQ. Si vous voulez être honnêtes, transparents et respecter les règles du franc-jeu, vous devriez en fin de semaine, lorsque vous allez créer votre aile fédérale, peu importe comment vous l'appellerez, votre aile souverainiste siégeant à Ottawa, vous devrez vous imposer, comme on l'a fait dès 1959, une nette démarcation entre le parti politique provincial et le parti politique fédéral.

Des voix: Oh!

M. Pagé: C'est ce que vous devrez faire, mais compte tenu...

Des voix: Encore! Encorel

Consentement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre! D'une façon ou d'une autre, je ne sais à quoi vous voulez donner votre consentement puisqu'il a encore une demi-heure à sa disposition.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet):

Cependant, ce que je voudrais avoir de votre part comme consentement, c'est la possibilité pour le député, en vertu de l'article 100, de continuer, même s'il semble y avoir divergence d'opinions. M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Merci, M. le President. J'apprécie beaucoup votre protection. Demandez donc au député de Frontenac de demeurer sage, calme et serein.

M. Lalonde: II ne veut pas retourner au fédéral.

M. Pagé: II ne veut pas retourner au fédéral, lui. Je ne suis pas convaincu que ses collègues veulent le garder ici, par exemple!

M. le Président, c'étaient deux points particuliers que je voulais aborder cet après-midi dans le cadre de l'étude de ce projet de loi. Tout d'abord, l'obligation qu'a ce gouvernement qui se dit social-démocrate d'empêcher toute dépense gouvernementale en matière de publicité pendant les campagnes électorales. Le ministre pourra s'inspirer de la loi qui a été adoptée en Saskatchewan par un gouvernement social-démocrate lui aussi. L'autre élément, ce sont les amendements qui pourraient ultérieurement empêcher le Parti québécois de financer son aile fédérale, et nous allons voir d'ici à quelques jours s'il est opportun de les présenter. Vous en prendrez connaissance au moment de l'étude du projet de loi en commission parlementaire.

M. le Président, je termine mes remarques là-dessus. Nous aurons, évidemment, d'autres commentaires beaucoup plus spécifiques lors de l'étude du projet de loi en deuxième lecture, entre la deuxième et la troisième lecture. On va discuter de tout cet aspect des dépenses électorales, ce qui constitue ou non des dépenses électorales. On sait qu'un des principes importants dans cette loi est de considérer comme dépense électorale ce qui sert en campagne électorale pour favoriser ou non l'élection d'un candidat. On sait qu'on a eu des problèmes d'interprétation à cet égard, M. le Président. On se rappelle les fameuses banderoles, pendant la campagne référendaire, qui ont d'ailleurs servi en campagne électorale. Il y a plusieurs choses qu'on va préciser et j'ose espérer que le climat serein, ce climat d'ouverture, ce climat de dialogue et ce climat d'échanges fructueux qui a toujours caractérisé nos séances du comité consultatif pourra continuer lors de l'étude du projet de loi article par article. Je suis persuadé que c'est dans ce sens que le ministre d'État à la Réforme électorale et député de Chicoutimi va accepter d'emblée au nom du gouvernement du Québec qu'au moins l'amendement ferme que je propose et dont je donne préavis aujourd'hui sera adopté et que la majorité acceptera de limiter les dépenses gouvernementales en matière de publicité en campagne électorale.

M. le Président, il y a évidemment toutes ces dispositions qui concernent les villes du Québec où la Loi régissant le financement des partis politiques s'applique. On sait que certains aspects du scrutin en campagne électorale municipale variaient par rapport à une élection provinciale, que ce soit la forme du bulletin, la façon de voter, les personnes qui sont présentes à un bureau de scrutin lorsque le couperet de l'heure du scrutin tombe. Nous allons avoir l'occasion de voir là aussi ces amendements en commission parlementaire. Je peux annoncer que notre porte-parole en matière d'affaires municipales - parce qu'on peut préciser que le projet de loi no 37 sur la fusion de Baie-Comeau et de Hauterive va être retiré en fin de semaine par une décision du Conseil national du PQ - M. Rocheleau, sera présent

la semaine prochaine à l'Assemblée et sera disponible pour venir en commission parlementaire faire part de ses remarques à l'égard de ces aspects du projet de loi qui touchent les municipalités au Québec.

M. le Président, nous sommes d'accord avec le principe du projet de loi. Il y a certaines modifications à y apporter.

Je conclus en résumant que nous sommes d'accord avec les principes du projet de loi. L'essentiel ou plusieurs des dispositions de ce projet de loi sont le résultat du comité consultatif auquel notre formation politique a participé - cela va de soi - et il y aura certains amendements; ils ne sont pas mineurs, ils sont très importants; au moins l'un d'eux sera présenté et, quand à un autre, on verra le degré de franchise du PQ en fin de semaine. Par la suite, on verra s'il est opportun ou non de le présenter. M. le Président, on va voter pour et on espère que dès la semaine prochaine nous pourrons étudier article par article de façon que le projet de loi soit adopté avant la fin de nos travaux la semaine prochaine. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Groulx.

M. Elie Fallu

M. Fallu: M. le Président, ce serait tentant de répliquer, mais je sais que la réplique revient au ministre d'État à la Réforme électorale.

Pour ma part, j'aimerais, en premier lieu, remercier, au nom du ministre des Affaires municipales, le ministre d'État à la Réforme électorale d'avoir accepté d'inclure dans sa loi sur la réforme électorale un certain nombre d'amendements qui touchent le Code municipal, la Loi sur les cités et villes et un certain nombre de chartes de villes au Québec, dans le domaine justement de la réforme électorale. Je l'en remercie. C'est une des façons, entre autres, de simplifier pour la Chambre l'étude d'un projet de loi.

En second lieu - je n'ai que trois messages à passer - j'aimerais donner mon appréciation à l'Union des conseils de comté et à l'Union des municipalités qui ont travaillé à la réforme de la Loi électorale, du Code municipal depuis plus d'un an maintenant et qui, à l'unanimité, nous ont demandé d'apporter à l'Assemblée nationale quatre réformes mineures, mais essentielles néanmoins pour le citoyen, pour l'électeur avant même les élections de l'automne.

D'ailleurs, ce comité Québec-municipalités sur la réforme électorale municipale continue son travail et, au printemps prochain, vraisemblablement, nous pourrons arri- ver avec des réformes plus en profondeur. Essayez d'imaginer, M. le Président, qu'il est possible actuellement que quelqu'un aille à la chasse au mois de novembre et revienne en étant élu maire d'une municipalité, après avoir subi une élection sans même avoir été au courant que sa candidature avait été posée. Il y a encore un certain nombre de trous dans la Loi électorale municipale qu'il va nous falloir corriger l'an prochain.

Troisième message, il s'agit essentiellement d'ajustements de la Loi électorale municipale à la loi générale, dans le but de faciliter le vote. Le premier amendement consiste à marquer le bulletin de la même façon qu'on le fait déjà lors d'élections nationales. Au demeurant, la forme même du bulletin épousera celle qui nous est connue maintenant depuis 1980.

Le troisième amendement a trait à la façon de déposer son bulletin dans la boîte de scrutin, bref, pour que nos habitudes de vote soient les mêmes.

Le quatrième amendement permet maintenant le vote par anticipation où ce n'était pas déjà prévu et, dans les municipalités de plus de 20 000 habitants, qu'on puisse tenir une seule journée de vote par anticipation.

Pour les affaires municipales, M. le Président, c'est la prolongation de la loi 105. C'est également un avant-propos à une réforme en profondeur qui viendra d'ici à un an. Je vous remercie, chers collègues, d'avoir accepté de m'écouter si brièvement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, votre droit de réplique.

M. Marc-André Bédard (réplique)

M. Bédard: Très rapidement, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais simplement exprimer la satisfaction que j'ai de voir que l'Opposition est d'accord avec le projet de loi qui, contrairement à ce qu'a dit le député de Portneuf, ne représente pas seulement substantiellement les recommandations du conseil consultatif, mais représente entièrement les recommandations qui ont été faites par le conseil consultatif.

Le député de Portneuf en a profité pour évoquer, avec raison, que j'assumais la responsabilité du ministère de la Justice et également du ministère d'État à la Réforme électorale. M. le Président, je peux l'assurer que tous les efforts nécessaires sont faits quant à la réforme électorale puisque, depuis moins de deux ans et demi, je crois, que j'assume cette responsabilité, j'ai eu l'occasion de mener à terme l'adoption en cette Chambre de la Loi sur la consultation populaire, également de mener à terme l'adoption d'une nouvelle Loi électorale, qui a été d'ailleurs mise à l'épreuve d'une façon très positive lors des dernières élections. Je

ne parle pas du résultat, je sais que nos amis ne seraient pas d'accord avec nous, mais au niveau de la loi. J'ai également eu l'occasion de mener à terme l'adoption de la Loi sur la représentation électorale, aujourd'hui, de déposer cette loi qui apporte, je pense, des amendements importants au niveau de la Loi sur le financement des partis politiques; également, de mener à terme des réflexions concernant une réforme possible du mode de scrutin, réflexions auxquelles, j'espère, s'associera le plus rapidement l'Opposition.

M. le Président, c'est simplement pour dire que ceci me semble être une vitesse de croisière normale, plus qu'acceptable, tenant compte de la capacité des citoyens d'absorber des changements au niveau de notre processus électoral. Le député de Portneuf avait raison de dire que, comme j'assume d'autres responsabilités, je devais consacrer du temps important au niveau du ministère de la Justice concernant plusieurs enquêtes dans l'ensemble du territoire du Québec. Je pourrais peut-être dire d'une façon tout à fait particulière au député de Portneuf que ce qui demande le plus de temps, souvent, en termes d'enquêtes, ce sont surtout les enquêtes inutiles qu'on nous impose à partir d'insinuations, à partir d'élucubrations qui peuvent, en fait, originer... Je n'ai pas besoin, je crois, de faire de dessin au député de Portneuf sur ce sujet.

J'étais très heureux de voir le député de Portneuf, au nom de son parti, chanter les louanges de la Loi sur le financement des partis politiques. C'étaient des principes bien simples, on le voit; simplement de donner le plus possible un contrôle populaire à l'ensemble des électeurs sur leurs partis politiques, sur le financement de leurs partis politiques, pour être bien sûr que ces partis politiques représentent vraiment les intérêts des électeurs et non pas les intérêts de caisses occultes financées à partir de compagnies et de dons très importants de personnes anonymes. Il me semble que ce sont des principes très simples. Je ne comprends pas pourquoi - le député de Portneuf ne nous en a pas parlé l'Opposition, qui connaissait ces principes fondamentaux en termes de fonctionnement de la démocratie, n'a jamais eu le courage de faire quelque chose de très significatif dans ce domaine, telle la Loi sur le financement des partis politiques. Il a fallu que le Parti québécois assume le pouvoir pour y aller de toutes ces réformes que je viens de mentionner.

Maintenant que l'Opposition, par la force des choses, a accepté ces changements, qu'elle s'aperçoit même que ça fonctionne très bien, et ce à l'avantage des citoyens et non pas des caisses occultes, je comprends qu'elle y aille de nouvelles suggestions. J'ai pris en note la suggestion du député de Portneuf que la loi 2 s'applique au gouvernement également. Nous aurons l'occasion d'en discuter lors des travaux de la commission parlementaire pour étudier le projet de loi article par article.

J'ai également pris bonne note de sa suggestion, à savoir qu'on devrait prévoir qu'un parti provincial ne peut financer un parti sur la scène fédérale. Je ne sais pas si c'est le résultat d'une inquiétude difficilement avouable de la part de l'Opposition et de la part, peut-être, du Parti libéral fédéral qui amène le député de Portneuf à s'intéresser à ce problème particulier. Pourtant, des ailes fédérales et des ailes provinciales, ça existe depuis longtemps. Le Parti libéral en sait quelque chose, d'autant plus qu'on a le spectacle tous les jours d'une aile provinciale assujettie à l'aile fédérale, qui reçoit ses ordres, on le sait, d'une façon régulière... Peut-être que le député de Portneuf a été aidé dans sa réflexion, au niveau de la suggestion qu'il nous a faite, par des ordres qu'il a pu recevoir au téléphone ou autrement, je ne veux pas préciser, du parti libéral fédéral.

M. Pagé: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, un instant! C'est simplement pour vous avertir de la même façon que je l'ai fait à l'endroit du député de D'Arcy McGee. J'aimerais, en vertu de l'article 100, que vous permettiez au ministre de terminer et que vous reveniez, à la fin, en vertu de l'article 96. M. le ministre.

M. Bédard: Je sais que le député de Portneuf a dit, dans son intervention, que sa suggestion n'était en aucune façon le fruit d'une inquiétude de l'arrivée du Parti québécois sur la scène fédérale. Il nous a même dit d'une façon grandiloquente: Allez-y! Vous allez manger une volée! Cela me rappelait, presque textuellement, des affirmations de même nature que faisait le député de Portneuf avant les élections de 1981 alors que nous devions, comme il le disait... Vous avez déjà dit qu'on allait gagner? Non, quand même.

Une voix: On lui avait dit...

M. Bédard: Soyez sérieux! Le député de Portneuf est en train de nous dire qu'il avait prévu que nous gagnerions. Je ne sais pas si c'est à cause du chef. Il avait fait, à ce moment-là, une évaluation du chef que d'autres n'avaient pas faite, ou encore du Parti libéral, de sa santé démocratique ou autre.

M. le Président, on sait que les affirmations du député de Portneuf ne sont

pas très significatives, en tout cas, en termes de résultats, parce qu'on connaît les résultats de l'élection de 1981. Une chose est certaine, M. le Président. Quand même, le député de Portneuf est un homme qui semble ouvert à la collaboration, par les temps qui courent. Je puis lui dire qu'on examinera avec attention cette grande préoccupation dont il a fait part, aujourd'hui, à tous les membres de l'Assemblée nationale et à tout le public qui nous écoute, à savoir qu'un parti provincial pourrait, éventuellement, financer un parti sur la scène fédérale. Quand il parle surtout de la publicité gouvernementale et quand il parle également de la dernière suggestion, sans doute oublie-t-il rapidement ce qui s'est passé lors du dernier référendum alors que nous avons eu droit à un déferlement incroyable, inqualifiable, de la part des autorités fédérales, sans qu'il n'y ait...

Une voix: Provinciales.

M. Bédard: C'est normal. Au niveau provincial, chacun avait le droit d'y aller à sa manière. C'était prévu dans la Loi sur la consultation populaire et dans la Loi régissant le financement des partis politiques. Mais rappelons-nous, M. le Président, que tant le député de Portneuf que les autres députés de l'Opposition n'avaient pas la conscience tellement sensible au moment du référendum lorsqu'ils voyaient déferler la publicité à coups de millions de dollars de la part des autorités fédérales, pour essayer d'influencer les Québécois, pour leur dire qu'un non voulait dire un oui, qu'ils auraient plus de pouvoirs, etc. Tout le monde se rappelle l'histoire. Au contraire, le Parti libéral...

M. Marx: Question de privilège.

M. Bédard: ... a laissé faire les choses, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je dois vous rappeler - vous le verrez en relisant l'article concernant la question de privilège -qu'une violation des droits de l'Assemblée ou d'un de ses membres constitue une question de privilège. J'ai le devoir de vous entendre, mais je tiens aussi à vous rappeler le règlement. M. le député de D'Arcy McGee, question de privilège.

M. Marx: M. le Président, il a accusé les députés - il a parlé des députés de ce côté-ci - d'avoir été pour cette publicité par le fédéral. Notre position, le chef l'a énoncée. Nous sommes toujours contre la publicité gouvernementale pour des fins de propagande, que ce soit par le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial ou tout autre gouvernement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre. (16 h 50)

M. Bédard: L'hypocrisie n'a pas de limite de l'autre côté de la Chambre. C'est incroyable d'entendre l'affirmation du député de D'Arcy McGee. Il n'a pas l'air de se rendre compte qu'il est en train de parler à ces mêmes Québécois à qui il a parlé lors du référendum ou à qui d'autres, de sa formation, ont parlé lors du référendum, qui ont vécu la période référendaire, qui ont vécu le déferlement publicitaire de la part des autorités fédérales sans aucun soubresaut sur la conscience des gens de l'Opposition. En retard. Mais même si la conscience se réveille, cela a été le cas vraiment en mettant en application une loi sur le financement des partis politiques; c'est le cas aussi présentement pour ce qui est de certaines des suggestions qui nous sont faites. Même si la conscience se réveille en retard, je vais prendre en considération ces suggestions. Nous aurons la discussion de fond lors de l'étude de ce projet de loi article par article.

Je conclus en réitérant la satisfaction que j'ai de voir l'Opposition accepter avec enthousiasme - on peut même dire d'emblée - de voter pour ce projet de loi qui constitue, encore une fois, une autre amélioration apportée par le gouvernement à l'ensemble de notre processus électoral et démocratique. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition, en vertu de l'article 96.

M. Pagé: Très brièvement, M. le Président. Le ministre d'État à la Réforme électorale a mal interprété mes propos. Il m'a mal cité, il a fait valoir que c'était probablement par appréhension ou par crainte que je formulais de tels commentaires sur la possibilité pour le Parti québécois de se présenter sur la scène fédérale. Je voudrais rétablir les faits. Je croyais lui avoir énoncé clairement qu'un des motifs, entre autres, pour lesquels j'ai hésité à présenter cet amendement, c'est que je ne voulais pas l'en empêcher, premièrement. Deuxièmement, l'essentiel de mon propos à cet égard, c'est que je demande finalement au Parti québécois qui a toujours plaidé et insisté sur une séparation bien identifiée... Je termine là-dessus, M. le Président. Je vous ai laissé terminer, laissez-moi terminer. Après ça, on va voter. Le Parti québécois a toujours insisté non seulement sur une démarcation, mais sur une séparation très nette entre les partis politiques évoluant à un palier ou l'autre de gouvernement, soit Québec et Ottawa. Je vous demande de respecter ce que vous avez toujours déclaré et je vous demande d'être conséquents avec vous-mêmes.

L'amendement devrait venir de vous, si vous étiez logiques. Voyons!

M. Bédard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je voudrais éviter un débat. M. le whip du gouvernement, c'est à moi de décider ici. M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, devant cette dernière exhortation presque dramatique de la part du député de Portneuf pour inciter le Parti québécois à ne pas aller sur la scène fédérale parce qu'il faut qu'il y ait une démarcation entre les deux partis...

M. Pagé: Question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! J'ai donc pris connaissance que c'était, de part et d'autre, une vraie divergence d'opinions. En même temps, je vous dis que le risque est grand de s'embarquer dans ce qui n'est pas normal, c'est-à-dire une autre discussion terminée par la réplique du ministre. En conséquence, on pourrait passer au vote. Non? M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: M. le Président, ce n'est pas vrai, je n'ai jamais voulu dire ou laisser croire que je ne voulais pas que le Parti québécois y aille. Allez-y! Mais ce que je veux, c'est une démarcation entre les caisses électorales. C'est ça que je veux et c'est ce que j'ai prétendu dans mon propos. Financez-vous, il faut que ce soit séparé.

M. Bédard: Ne vous inquiétez pas.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cela va. Merci. Est-ce que la deuxième lecture du projet de loi no 66, Loi modifiant certaines dispositions législatives en matière de financement des partis politiques et en matière d'élections municipales, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de la présidence du conseil et de la constitution

M. Brassard: Je ferais d'abord motion pour déférer ce projet de loi à la commission de la présidence du conseil et de la constitution.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: On revient de nouveau à l'article 11, M. le Président.

Reprise du débat sur la

deuxième lecture du projet de loi no 67

Le Vice-Président (M. Jolivet): Deuxième lecture du projet de loi no 67, Loi modifiant la Loi sur les poursuites sommaires, le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives. La parole est à Mme la députée de Dorion.

Mme Huguette Lachapelle

Mme Lachapelle: II me fait plaisir, M. le Président, d'intervenir à ce moment-ci du débat pour l'adoption du projet de loi no 67 et ce, pour plusieurs raisons. Une des raisons - à mes yeux, c'est la plus importante - est que ce projet de loi s'inscrit dans la foulée d'une série de mesures qui ont déjà été mises de l'avant par notre gouvernement pour enfin humaniser notre système judiciaire, tout en lui fournissant les outils nécessaires à l'accès des citoyens à une justice plus souple et plus efficace.

Ces mesures découlent d'une philosophie que je crois partagée par plusieurs d'entre nous dans cette Chambre, basée sur une approche sociale des divers aspects de l'administration de la justice. Cette approche se développe autour de trois volets que je pourrais résumer ainsi: donner à la justice un visage plus humain, favoriser la concertation des différents intervenants du milieu, tant au niveau de la réflexion que de l'action, et développer des alternatives à l'incarcération.

Cette orientation a été l'aboutissement d'une réflexion globale entreprise au sein du ministère de la Justice. Certains diront que tout cela s'inscrit tout bonnement dans l'évolution des mentalités et que notre société partage dorénavant cette vision de la justice. S'arrêter à cette constatation serait oublier le moteur qui a constitué et qui constitue toujours la volonté politique de notre gouvernement dans ce domaine.

Qu'il me suffise de souligner, à titre d'exemple, quelques initiatives telles que la Loi sur la protection de la jeunesse, la création de la Commission québécoise des libérations conditionnelles, l'institution du recours collectif, le développement de certaines solutions de rechange à l'emprisonnement comme les sentences de travaux communautaires et plusieurs autres

qu'il serait opportun d'énumérer ici. Entre autres, l'adoption d'une réglementation énonçant clairement les droits des détenus. Par exemple, c'est notre gouvernement, donc, le Parti québécois, qui a accordé le droit de vote aux détenus. Notre gouvernement n'a donc pas hésité à consulter le milieu, à aller de l'avant, à innover. Il a, depuis 1976, participé grandement à l'avènement d'une justice envers laquelle les citoyens ont davantage confiance non pas parce qu'elle était, dans le passé, empreinte de tous les maux, mais parce qu'elle devient progressivement une justice dans laquelle ils se reconnaissent, qui leur est plus ouverte, une justice qu'ils perçoivent plus comme un instrument de cohésion sociale qu'un outil de répression.

Le projet de loi no 67 s'insère donc dans cet ensemble de modifications et de dispositions nouvelles qui sont venues améliorer l'administration de la justice au cours des dernières années. Il reflète les objectifs dont je vous parlais plus tôt. Un des aspects intéressants du projet de loi no 67 est qu'il vise un assouplissement majeur du processus de recouvrement des amendes imposées en vertu des lois du Québec - Code de la sécurité routière, règlements de chasse ou de pêche, etc. - et réduit, ce qui est important, le recours à l'emprisonnement pour défaut de paiement de ces amendes. (17 heures)

La Loi sur les poursuites sommaires, qui est ici modifiée, pourra venir corriger l'utilisation irrationnelle de nos établissements de détention par un recours injustifiable et trop fréquent à l'emprisonnement. Bien que seulement environ 1% des personnes à qui une amende est imposée sont effectivement emprisonnées pour défaut de paiement, ce groupe n'en constitue pas moins 40% des admissions dans les établissements de détention du Québec. Ces personnes, dans plus de 60% des cas, se retrouvent derrière les barreaux, en prison, en raison de l'utilisation de véhicules automobiles, soit qu'elles aient enfreint le Code de la route, des règlements municipaux ou autres. Le mécanisme de recouvrement des amendes tel que proposé dans ce projet de loi m'apparaît comme une procédure apte à redresser cette situation. Désormais, lors de l'imposition d'une amende, aucune ordonnance ne pourra être rendue pour le recouvrement de cette amende et le débiteur bénéficiera d'un délai minimum de 30 jours pour l'acquitter. Après entente avec les percepteurs du ministère de la Justice et selon les moyens du débiteur, ce délai pourra être prolongé et le paiement de la dette pourra être effectué en plusieurs versements. On ouvre ainsi la porte à un mode de perception qui tient compte de la situation financière du débiteur.

Ce n'est qu'une fois ces étapes complétées qu'une saisie du salaire ou des biens du débiteur pourrait être autorisée. Si cette saisie est inapplicable ou insuffisante, le contrevenant pourra se voir offrir le moyen de s'acquitter de son dû en travaillant pour un des quelque 1500 organismes communautaires actuellement identifiés par le ministère de la Justice, pour une période de temps correspondant à la valeur de l'amende. Cette option, M. le Président, qu'on appelle une sentence de travaux communautaires ou compensatoires, est déterminée selon une table de correspondance entre les montants des amendes et la durée de ces travaux.

Tous ces recours épuisés, l'emprisonnement devient alors l'ultime moyen par lequel un contrevenant pourra être appelé à payer son dû à la société. Nous savons, M. le Président, qu'il arrive souvent, dans l'état actuel des choses, que la durée de l'emprisonnement peut parfois paraître minime par rapport au montant de l'amende, de sorte qu'il est plus intéressant pour le contrevenant de choisir la prison. C'est pourquoi la durée de détention est ici déterminée proportionnellement au montant de l'amende. Cela a une table similaire à celle applicable pour la durée des travaux compensatoires. À titre d'exemple, selon ces tables, dans le cas d'une amende de 50 $, un contrevenant devrait passer cinq jours en prison ou fournir deux unités de travaux compensatoires d'une durée respective de trois heures chacune. Dans le cas d'une amende de 500 $, l'emprisonnement serait de 23 jours tandis que la sentence des travaux compensatoires serait de quelque 50 heures réparties en 17 périodes de travail, et ainsi de suite pour toutes les variations qu'il est possible de voir. En régularisant ainsi tout le mécanisme de recouvrement des amendes, on éclaircit les règles du jeu. Toute la latitude nécessaire à un mode de perception plus humaine pourra être inscrite dans notre pratique judiciaire.

Les centres de détention ne pourront dorénavant être utilisés que pour les fins pour lesquelles ils ont été conçus, c'est-à-dire pour garder temporairement à l'écart certaines personnes qui peuvent être considérées comme une menace à la sécurité et au bien-être des citoyens.

Le projet de loi no 67, M. le Président, étant un projet de loi omnibus, modifie évidemment d'autres dispositions législatives relatives à l'administration de la justice. La plupart d'entre elles visent une plus grande efficacité de nos cours de justice. Qu'il me soit permis de souligner, entre autres, celle relative à la juridiction de la Cour des petites créances qui est portée de 500 $ à 800 $ et celle portant sur le recours à l'appel de jugements de la Cour supérieure qui passerait de 6000 $ à 10 000 $.

Voilà, M. le Président, les principales

remarques que je voulais soulever dans ce débat. J'espère qu'elles auront permis à nos concitoyens et concitoyennes de se convaincre de nos efforts concrets et continuels pour valoriser notre système judiciaire et le rendre plus humain. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Pierre-J. Paradis

M. Paradis: Je vous remercie, M. le Président. Vous avez eu l'occasion de suivre attentivement l'ordre de nos travaux depuis le début de l'après-midi. On a commencé avec le projet de loi 67 du ministre de la Justice. On est revenu avec le projet de loi 66 du même ministre, tout cela dans le but de mélanger un peu les gens qui nous écoutent et de tenter de passer à la vapeur dans les derniers jours de cette session des projets de loi qui ont des impacts considérables sur la vie économique, sociale ou culturelle de l'ensemble de nos électeurs.

M. le Président, là on est revenu - on va tenter d'en parler un peu - au projet de loi 67 qui s'intitule Loi modifiant la Loi sur les poursuites sommaires...

M. Brassard: M. le Président, question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député. Question de privilège de la part du leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je ne comprends pas les propos du député de Brome-Missisquoi. Les travaux...

M. Paradis: M. le Président, je vais répéter. Il n'a pas compris.

M. Brassard: M. le Président, ce qu'on a fait, la façon dont on a procédé cet après-midi, c'est justement à sa demande et pour satisfaire l'Opposition et non pas pour mélanger la population. C'était à la demande même du whip en chef de l'Opposition. Si le député de Brome-Missisquoi n'est pas au courant de cela, je le lui dis.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Encore des excuses. Quand ce n'est pas la faute du fédéral, quand ce n'est pas la faute de Reagan aux États-Unis et quand ce n'est pas la faute des libéraux de 1970 à 1976, c'est la faute à quelqu'un d'autre. Ce gouvernement n'est pas responsable de l'ordre de ses travaux. Ce gouvernement n'est pas responsable des taxes. Ce gouvernement...

M. Brassard: Question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre! À l'ordre! M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, à 15 heures cet après-midi, nous aurions dû entreprendre l'étude du projet de loi 66, mais le whip en chef de l'Opposition, le député de Portneuf, nous a demandé de retarder l'étude de ce projet de loi, parce que...

Une voix: Ils ne se parlent plus, eux autres.

M. Brassard: Eh! M. le Président, le député de Brome-Missisquoi, vient de nous dire qu'on organise mal les travaux de cette Chambre. On a changé l'ordre des travaux de la Chambre pour donner satisfaction à l'Opposition. C'est pour cette raison qu'on a changé l'ordre des travaux de la Chambre.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Brome-Missisquoi ainsi que M. le leader adjoint du gouvernement, je n'ai pas comme président à me prononcer pour ou contre des décisions qui sont prises en dehors de cette Assemblée. Il y a une chose, cependant. Sans vouloir dire que c'est une question de règlement, au moins, la simple sagesse, de part et d'autre, est de ne lancer aucune accusation qui ne peut pas être vérifiable ou vérifiée. Tout ce que l'on peut dire, c'est que la présidence, à l'ordre du leader du gouvernement ou de son adjoint, appelle les travaux de cette Assemblée et il arrive souvent qu'il y ait des ententes entre les partis politiques pour permettre à des personnes qui ne peuvent pas intervenir de le faire à certains moments. Comme ce que le député qui est le leader adjoint du gouvernement a dit, il l'a dit de son siège, le règlement demande aussi que sa parole soit respectée.

Compte tenu de ces parties du règlement, je demanderais au député de Brome-Missisquoi de bien utiliser le temps qu'il a à sa disposition, mais aussi de respecter la parole du leader adjoint du gouvernement qui est donnée de son siège. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: À la suite de vos sages recommandations, M. le Président, je prends la parole du leader adjoint du gouvernement. Je soulignerai tout simplement que, si on amenait ces projets de loi dans les périodes

normales de session de l'Assemblée nationale, non pas en catastrophe, non pas à la dernière minute, on éviterait tous les imbroglios dans lesquels le gouvernement tient à nous plonger.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le député de Brome-Missisquoi, question de privilège de la part du whip de l'Opposition.

M. Pagé: Je veux intervenir à ce moment-ci sur une question de fait personnelle, à la suite des commentaires formulés par le député de Lac-Saint-Jean. M. le Président, on se rapellera que, ce matin, le leader du gouvernement a convié la Chambre à étudier l'article 11 de notre feuilleton, qui est le projet de loi 67 sur les poursuites sommaires et le Code de procédure civile qui est une loi omnibus du ministre de la Justice. Nous avions quatre ou cinq intervenants et le gouvernement, la majorité aussi.

Or, M. le Président, à 13 heures cet après-midi, ce débat n'étant pas terminé, il était justifié de croire qu'il continuerait à 15 heures. À 15 h 05, M. le Président, on a communiqué à mon bureau pour m'informer que le sujet auquel l'Assemblée était conviée par l'ordre du leader adjoint n'était plus la poursuite régulière et présumée du débat, mais le projet de loi 66.

M. le Président, je me suis rendu ici. J'ai rencontré le leader adjoint du gouvernement. J'ai demandé aux représentants de la majorité pourquoi on ne poursuivait pas le débat sur le projet de loi 67, tel que convenu et tel que c'est l'usage, de reprendre à 15 heures et de poursuivre le débat enclenché dans la séance de la matinée. On m'a dit: C'est que le ministre de la Justice doit quitter. J'ai compris. J'ai dit: D'accord, je suis d'accord qu'on reprenne l'étude du projet de loi 66. D'ailleurs, je n'avais pas le choix, c'est explicable et c'est normal. Nous sommes sautés au projet de loi 66 pour revenir au projet de loi 67, mais qu'on ne vienne pas dire que c'est à ma demande, M. le Président, ce n'est pas le cas. C'est ce que je voulais établir.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Tout étant dit maintenant, en tenant compte du temps, le député de Brome-Missisquoi, votre intervention est presque commencée.

M. Paradis: Vous comprendrez, M. le Président, que je dois m'excuser d'avoir induit la population en erreur en prenant la parole du leader adjoint du gouvernement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, dans l'ensemble, les propos tenus par le whip de l'Opposition sont exacts, mais je dois quand même aussi lui rappeler que c'est à sa demande hier que nous avions décidé d'appeler le projet de loi 66 à 15 heures.

M. Pagé: On va régler cela tout de suite.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: M. le Président, tous les députés prennent connaissance d'un document qui nous est envoyé le jeudi ou le vendredi matin nous donnant l'ordre des travaux pour la semaine suivante. Or, l'ordre des travaux, aujourd'hui, c'était l'étude du projet de loi 67, en premier, du projet de loi 66, du projet de loi 23 et du projet de loi 75. Selon l'ordre, le projet de loi 66 apparaissait après le projet de loi 67. Il fallait donc présumer qu'on terminerait l'étude du projet de loi 67 avant d'aborder le projet de loi 66. Ceci étant dit, M. le Président, je m'assois, espérant que la rectification que je porte à ce moment-ci sera à la satisfaction du député de Lac-Saint-Jean et des autres collègues de cette Chambre.

Le Vice-Président (M. Jolivet): J'ai l'impression que ce n'est pas ce que veut le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Simplement une petite remarque en passant: Si le député de Portneuf fait allusion au petit document bleu qu'on a tous les jours, que vous avez entre les mains, M. le Président, je lui ferais remarquer qu'à l'article 10, juste en marge, à gauche, pour le projet de loi 66, il est écrit "15 heures".

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je vais essayer, à titre de président, de clore ce débat en vous disant que le document que j'ai moi-même comme président n'est qu'un moyen de savoir à peu près à quel moment les débats seront appelés, mais en aucune façon je ne dois tenir pour acquis que c'est dans ces temps-là que doivent être faites les choses et cela dépend du leader du gouvernement de décider à quel moment tel projet de loi est appelé, oui ou non. Le document que j'ai n'est simplement qu'un indicatif de ce qui pourrait peut-être arriver durant la journée. M. le député de Brome-Missisquoi, j'espère que votre intervention commence cette fois-ci.

M. Paradis: M. le Président, profitant de l'occasion pour vous faire remarquer qu'il n'est pas 15 heures, mais 17 h 15, je commence donc sur le projet de loi no 67.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député, il est 17 h 13)

M. Paradis: L'angle de votre fauteuil vous donne une vue directe tandis que l'angle de mon siège me donne une vue indirecte, et, pour les secondes sur lesquelles on pourrait s'obstiner, je vous fais grâce et je me rends à votre sage décision. On parlera donc, pour le bénéfice de la population du Québec, du projet de loi no 67 qui s'intitule Loi modifiant la Loi sur les poursuites sommaires, le Code de procédure civile et d'autres dispositions législatives.

Il est toujours intéressant pour vous, M. le Président, qui n'avez pas le temps de prendre connaissance à fond de tous les projets de loi qui sont déposés, et pour l'ensemble de la population qui nous écoute de faire part à cette population des notes explicatives qui ont été lues par le ministre de la Justice à l'occasion du dépôt en première lecture du projet de loi. Les notes explicatives se lisent comme suit: "Ce projet de loi a principalement pour objet d'humaniser le recouvrement des amendes imposées en vertu des lois du Québec et de faciliter l'accès des citoyens à la justice dispensée par les tribunaux. Il a également pour objet de modifier diverses lois afin de favoriser une meilleure administration de la justice. À ces fins, le projet de loi est divisé en quatre sections." Pour ceux qui ne l'ont pas lu de l'autre côté, même si vous avez déjà prononcé vos discours, il y a quatre sections. "La première modifie la Loi sur les poursuites sommaires principalement en ce qui a trait à l'exécution des jugements rendus en matière pénale provinciale. "Désormais, lors de l'imposition d'une amende, le juge de paix ne pourra rendre aucune ordonnance pour le recouvrement de cette amende, et le débiteur aura automatiquement un délai d'au moins 30 jours pour l'acquitter. "L'exécution du jugement sera plutôt confiée à un officier de justice - on crée d'autres postes - qui pourra prolonger le délai de paiement ou accepter des paiements différés; au besoin, c'est lui qui prendra par la suite les mesures les plus appropriées, à la perception de l'amende. "Le débiteur incapable de payer sa dette - ceux qui nous écoutent, écoutez bien si vous sentez que ça peut vous arriver -malgré la saisie qui aura pu être faite de son salaire ou de ses biens, pourra s'en acquitter en exécutant les travaux compensatoires qui lui seront indiqués, et l'emprisonnement à défaut de paiement ne sera possible qu'en dernier ressort et sur autorisation d'un juge de paix. La durée de ces travaux compensatoires ou de l'emprisonnement sera proportionnelle à l'amende due et sera calculée suivant une table apparaissant en annexe à la loi. "D'autres modifications sont également apportées à la Loi sur les poursuites sommaires notamment en ce qui a trait au pouvoir réglementaire du gouvernement." Cela règle la première section. "La deuxième section du projet de loi modifie le Code de procédure civile. Ces modifications portent principalement sur la majoration du niveau maximum des petites créances de 500 $ à 800 $ - vous savez, M. le Président, et vous qui m'écoutez qu'autrefois pour plus de 500 $ vous étiez obligés de passer par la Cour provinciale; maintenant, la juridiction est étendue jusqu'à 800 $ - sur la hausse des frais en cette matière - un petit impôt indirect encore, ce n'était pas souligné dans le projet de loi -sur la majoration du seuil de l'appel de plein droit à la Cour d'appel de 6000 $ à 10 000 $, sur la procédure d'appel et sur les règles régissant l'appel des jugements interlocutoires et de ceux qui autorisent l'émission d'un bref d'évocation." Voilà qui dispose de la deuxième partie de la loi. "La troisième section de ce projet de loi modifie diverses lois. "En particulier, le Code civil sera modifié à des fins techniques ou de concordance notamment - c'est de cela que je vous entretiendrai un peu plus longtemps aujourd'hui - aux chapitres des nantissements commerciaux, agricoles et forestiers." Écoutez cela, les députés ruraux de l'autre côté, vous avez tout vu ça, les nantissements agricoles, forestiers et commerciaux dans vos comtés. Cette loi modifie cela. Vous allez voter, mais j'espère que vous prendrez également connaissance des dispositions avant de voter. "De plus, un tribunal pourra désormais accorder en matière contractuelle les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle jusqu'ici réservés aux matières délictuelles et quasi-délictuelles. "Parmi les autres modifications apportées par cette section, il faut noter celle qui permettra, sur une base de réciprocité, des accords avec d'autres pays en matière d'exécution des ordonnances de pensions alimentaires, une autre qui vise la constitution d'un comité de discipline pour les huissiers, et une troisième qui reconnaît aux juges nommés par le gouvernement du Québec les privilèges reconnus de longue date aux juges de la Cour supérieure." Ils ont décidé de copier le fédéral. (17 h 20)

La dernière section du projet de loi, la troisième, contient des dispositions relatives à certains cadastres de la division d'enregistrement d'Abitibi, M. le député, ainsi que les dispositions transitoires et finales découlant de l'ensemble des modifications apportées par le projet de loi. Là, on a une liste des lois qui sont modifiées par ce projet de loi. Écoutez bien! J'espère

que vous avez fait tous vos devoirs, MM. les députés de l'autre côté, avant de voter pour. Cela modifie le Code civil, la Loi sur les cités et villes, le Code de procédure civile, la Loi sur les cours municipales, la Loi sur l'exécution réciproque d'ordonnances alimentaires, la Loi sur les fabriques, la Loi sur la fonction publique, la Loi sur les huissiers, la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques, la Loi sur le ministère de la Justice, la Loi sur les poursuites sommaires, la Loi sur les privilèges des magistrats, la Loi sur la probation et sur les établissements de détention, la Loi sur la Régie du logement, la Loi sur les tribunaux judiciaires. Toutes ces lois n'affectent-elles pas vos concitoyens? Je vous comprends de ne pas intervenir. Le ministre était pressé. Le leader du gouvernement était pressé. Vous avez préféré le silence à la défense des droits et des intérêts de...

M. Bédard: Question de privilège, M. le Président.

M. Paradis: M. le Président:

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège...

M. Paradis: ... je vous le soumets respectueusement. Je sais que cela fait mal.

M. Bédard: Lorsque des faussetés sont dites, est-ce qu'on peut soulever une question de privilège?

M. Paradis: M. le Président, des faussetés. J'ai lu le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Pour savoir s'il y a vraiment question de privilège, je suis au moins obligé de l'entendre.

M. Bédard: Contrairement à ce que dit le député, déjà, non seulement le ministre de la Justice, mais également d'autres députés de cette formation sont intervenus. Je voudrais rappeler au député, qui pourrait peut-être faire ses devoirs, que le député de D'Arcy McGee est intervenu en indiquant que l'Opposition votera pour ce projet de loi. Vous devriez être au courant.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, je sais que vous ne rendrez pas votre décision immédiatement...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît;

Une voix: C'est lui qui n'a pas fait ses devoirs.

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! J'ai entendu la question et je vous redonne la parole.

M. Paradis: M. le Président, j'aimerais qu'à la fin de mon intervention vous preniez mes commentaires en délibéré et vous indiquerez au ministre de la Justice s'il s'agissait d'une question de privilège ou non. Après tout, c'est le ministre de la Justice. Il doit être capable d'interpréter au moins le règlement de l'Assemblée nationale et de l'appliquer comme il faut. Je vous demanderais de rendre une décision, à la fin de mon discours, M. le Président, à savoir s'il s'agissait d'une question de privilège parce que ce genre d'intervention peut faire jurisprudence.

M. le Président, c'est vrai que le Parti libéral va voter pour, mais imaginez-vous dans quelle situation se retrouve l'Opposition? Imaginez-vous dans quelle situation se retrouve un parti politique, dans n'importe quel Parlement démocratique, lorsqu'un projet de loi omnibus comme celui-là est présenté? Il y a des dispositions dans ce projet de loi pour lesquelles il faut voter. Oui, le ministre de la Justice a bien fait ses devoirs. Oui, le ministre de la Justice a pris en considération les suggestions du député de D'Arcy McGee concernant, entre autres, l'emprisonnement, les travaux communautaires, etc. Il a copié les recommandations du député de D'Arcy McGee. On ne va toujours pas voter contre les recommandations du député de D'Arcy McGee, nous de l'Opposition libérale. Tout ce que le ministre de la Justice a copié, on s'est dit, au caucus, qu'on va voter pour, et c'est l'ensemble du projet de loi qu'il a copié.

Mais il y a des bouts qu'il n'a pas copiés, il y a des bouts où il a imaginé et c'est sur ces bouts-là que je vais vous entretenir, aujourd'hui, M. le Président. Les bouts qu'il a imaginés vont avoir, dans nos comtés ruraux du Québec, et, là-dessus, je tiens à vous dire... C'est un peu confidentiel ce qui s'est passé, mais sans donner le mot-à-mot de la conversation que j'ai eue avec le ministre de la Justice, je l'ai averti, ce matin même, d'une disposition de ce projet de loi qui affectait, en particulier, les agriculteurs du Québec, les travailleurs forestiers du Québec, tous les commerçants, ceux qui ont des petits commerces au Québec, les petites PME, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Je lui ai dit: Vous êtes en train de prendre pour les banques et contre les agriculteurs, contre les travailleurs forestiers et contre les

commerçants. Le ministre de la Justice a fait appel à ma responsabilité de parlementaire avant de parler en Chambre. J'ai vérifié, en début d'après-midi - ceux qui ne l'ont pas vu de l'autre côté, les députés ruraux - et savez-vous ce que contient l'article 69 du projet de loi qu'on est en train de voter ici aujourd'hui? On va le lire ensemble. Pour plusieurs ça va être la première fois que vous le lisez. On va le lire ensemble, ça peut peut-être éclairer votre vote et permettre, peut-être, de le retrancher ou de le modifier en commission parlementaire, afin de nous permettre ensemble de voter en faveur des autres dispositions qu'a copiées le ministre de la Justice sur les propos du député de D'Arcy McGee. L'article 69 se lit comme suit:

M. Laplante: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: On parle sur le principe d'un projet de loi, et il est interdit à un député de parler des articles d'un projet de loi en deuxième lecture.

Une voix: C'est vrai.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Je prends en considération que le député de Brome-Missisquoi l'a peut-être oublié, mais je crois qu'il va le prendre en considération pour le reste de son intervention.

M. Paradis: Je vous remercie beaucoup de votre sage décision, M. le Président, mais je tiens à vous assurer que je ne l'avais pas oublié, c'est justement sur le principe que je veux vous parler, le principe qui se trouve dans ce projet de loi et qui dit ce qui suit: "L'article 2131 de ce Code, modifié - et là on parle du Code civil, parce qu'on parle de façon un peu nébuleuse quand on est péquiste dans la vie - par l'article 2 du chapitre 46 des lois de 1943, par l'article 28 du chapitre 72...

M. Dussault: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Question de règlement, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: N'est-il pas exact qu'en deuxième lecture sur un projet de loi, il est défendu de faire la lecture des articles?

Le Vice-Président (M. Rancourt): La remarque de tout à l'heure s'applique, bien sûr, et vous pouvez continuer votre discours.

M. Paradis: Merci, M. le Président. On comprend pourquoi vous avez été nommé vice-président et que le député de Châteauguay ne l'a pas été.

Je continue et je reprends même...

M. Dussault: Question de privilège, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de privilège, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Je vais poser ma question autrement. N'est-il pas exact qu'il est défendu de lire des articles d'un projet de loi quand il ne s'agit pas des principes du projet de loi en deuxième lecture?

Le Vice-Président (M. Rancourt): Comme chacun doit le savoir, en principe, chaque intervenant doit éviter de lire un article en particulier. Donc, M. le député de Brome-Missisquoi, si vous voulez bien poursuivre.

M. Paradis: Je vous remercie beaucoup, M. le Président, et je vous assure que s'il ne s'agissait pas d'un projet de loi omnibus qui contient plusieurs principes, j'éviterais de porter à la connaissance de la population que vous aidez à passer en cachette un principe qui vise à donner plus de pouvoirs aux banques contre les cultivateurs, contre les travailleurs forestiers et contre les commerçants, mais je ne peux pas me soumettre à ça. Ma responsabilité de député de l'Opposition m'oblige à vous faire part de ce qu'il y a dans ce projet de loi parce que vous ne semblez pas l'avoir lu encore.

Donc, je reprends: "... du chapitre 46 des lois de 1943, par l'article 28 du chapitre 72 des lois de 1947, par l'article 16 du chapitre 45 des lois de 1948 et par l'article 10 du chapitre 11 des lois de 1980, est de nouveau modifié par l'addition..." C'est ça, on en vient au nouveau principe. Le nouveau principe nous révèle que "l'enregistrement fait avant le (la date d'entrée en vigueur du présent alinéa) - soit un mois après la sanction de cette loi - d'un acte de nantissement agricole, forestier ou commercial qui a été consenti en vertu de l'article 1979a ou de l'article 1979e et signé devant deux témoins est valide même si l'acte n'a pas été prouvé par le serment de l'un des deux témoins." (17 h 30)

En français, qu'est-ce que ça veut dire? Cela veut dire qu'il y a des banques au Québec qui ont prêté à des agriculteurs, à des travailleurs forestiers, à des commerçants, sur nantissements commerciaux et qui ont oublié de faire leur devoir, qui ont oublié d'aller enregistrer correctement au bureau d'enregistrement ces nantissements.

C'est ce que cela veut dire. Aujourd'hui, ces banques qui veulent, dans certaines occasions, de façon inconsidérée, sauter à la gorge des cultivateurs, sauter à la gorge des entrepreneurs forestiers, sauter à la gorge des commerçants, disent au gouvernement social-démocrate du Parti québécois: Tu vas prendre notre part, tu vas corriger nos erreurs rétroactivement pour le passé, tu vas faire en sorte que nous, les banques, on puisse les étrangler. Et que fait notre ministre de la Justice? Je ne peux pas lui en valoir. Sérieusement, je ne peux pas lui en vouloir; parce que ce n'est pas sa préoccupation principale. Sa préoccupation principale, c'est l'application des lois. Il a sommeillé un peu pendant que cela s'est passé.

Mais qu'a fait le ministre de l'Agriculture quand ce projet de loi est arrivé au Conseil des ministres? Qu'a fait le ministre de l'Agriculture, qui n'est même pas venu en Chambre pour parler de ce projet de loi? Il a abandonné les cultivateurs, il a abandonné les entrepreneurs forestiers. Qu'a fait le ministre de l'Industrie et du Commerce? Des discours, et il a abandonné les commerçants, la PME québécoise.

Le ministre de l'Agriculture, je n'oserais pas dire cela de lui, parce qu'il y en a qui vont dire: Le député de Brome-Missisquoi ne l'aime pas, c'est pour cela qu'il parle ainsi. Je vais vous parler de quelqu'un qui aime le ministre de l'Agriculture, qui a même pris la peine, étant donné qu'elle avait autant d'amour pour lui, d'en parler dans un livre qu'elle a écrit récemment, l'ex-députée de Dorion, l'ex-ministre d'État à la Condition féminine, Mme Lise Payette, qui, à la page 131 de son livre, dit ce qui suit et là, on comprend pourquoi c'est passé au Conseil des ministres sans que le ministre se réveille. Lise Payette dit donc à la page 131: "Je m'ennuie de ceux qui dorment pendant que les autres travaillent. Je m'ennuie même parfois de Jean Garon, dont la seule présence m'était devenue presque intolérable..."

M. Brassard: Question de règlement, M. le Président.

M. Paradis: ... tant elle était envahissante."

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le leader adjoint du gouvernement sur une question de règlement.

M. Brassard: M. le Président, je ne vois pas comment, à l'occasion du projet de loi no 67, le député peut se permettre de tracer des portraits de certains ministres à partir de livres ou autrement. Ce n'est absolument pas pertinent aux débats.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Pour la bonne compréhension du règlement, je crois qu'on devrait relire l'article 120: "Le débat sur toute motion de deuxième lecture doit être restreint à la portée, à l'à-propos, aux principes fondamentaux et à la valeur intrinsèque du projet de loi, ou à toute autre méthode d'atteindre ses fins."

M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je vous remercie beaucoup, M. le Président. Comme il s'agit d'un bill omnibus et comme il s'agit d'un bill qui veut donner plus de pouvoirs aux banques pour étouffer les cultivateurs, les entrepreneurs forestiers et les commerçants, j'en étais donc rendu à me demander comment un tel bill avait pu passer au Conseil des ministres sans que le ministre de l'Agriculture se lève et prenne la défense de ses cultivateurs. Comment cela a-t-il passé au caucus du PQ sans que les députés ruraux se lèvent et prennent la défense des cultivateurs? Comment cela a-t-il passé au Conseil des ministres sans que le ministre de l'Industrie et du Commerce prenne la défense des petits commerçants?

Pour tenter de me l'expliquer et de vous l'expliquer, je reviens donc à la page 131 du livre écrit... C'est vrai que c'est dur de citer les péquistes pour un député libéral, mais je vais le faire pareil. Je vais citer Lise Payette, l'ancienne députée de Dorion qui disait, à la page 131 de son livre, comment cela s'était passé.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Paradis: Elle disait donc: "Je m'ennuie de ceux qui dorment pendant que les autres travaillent. Je m'ennuie même parfois de Jean Garon...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Paradis: ... dont la seule présence...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Je crois que M. le député de Brome-Missisquoi a bien entendu ce que j'ai dit tantôt. L'article 120 dit absolument tout sur la motion de deuxième lecture. Je lui demanderais, durant les deux minutes qui lui restent, de continuer son intervention sur le projet de loi.

M. Fortier: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je voudrais vous soumettre respectueusement, M. le Président, que l'article 120 dit bien, à la fin, qu'on peut utiliser "toute autre méthode d'atteindre ses fins". Justement, mon collègue de Brome-Missisquoi a décidé de choisir une méthode en citant des passages d'un livre très connu. Si cela ne plaît pas aux membres du parti au pouvoir, on ne peut rien y faire, mais je pense que mon collègue a tout à fait le droit d'utiliser la méthode qu'il utilise présentement.

Le Président: M. le député d'Outremont, M. le député de Brome-Missisquoi, je voudrais confirmer et corroborer la décision qui vient d'être rendue par celui qui occupait le fauteuil avant moi. Nous devons parler, en deuxième lecture, du ou des principes du projet de loi qui est discuté. Nous ne devons faire allusion à aucun des articles. Je constate depuis dix minutes au moins, que non pas les députés de cette Chambre voient leurs privilèges brimés, mais la présidence elle-même. C'est ce qui est très grave. Je demande donc aux députés de cette Chambre de respecter l'esprit et la lettre de notre règlement, et ce, au moins pour ceux qui occupent le fauteuil de la présidence en cette Assemblée nationale du Québec.

M. Paradis: M. le Président, je vous remercie de vos propos. J'étais très conscient de la portée de l'article 120, je l'ai lu et relu avant mon exposé. Le président a attiré mon attention dessus. On va le relire ensemble.

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi, le règlement est très clair. Vous pouvez parler du ou des principes du projet de loi, mais il est défendu de faire allusion à un article en particulier ou à des articles en particulier. Parlez du ou des principes qui sont pour vous des principes de ce projet de loi. Ne parlez pas des articles du projet de loi. Je me dois, à ce stade-ci, de corroborer ce que mon collègue a dit tout à l'heure.

M. Paradis: Je reprends donc, M. le Président, vu que vous n'occupiez pas le fauteuil, mais que vous avez surveillé attentivement à partir de vos bureaux les discussions qui ont lieu dans cette Chambre. Je reprends donc un des principes contenus dans cette loi omnibus et qui fait en sorte que le gouvernement du Parti québécois adopte cette loi dans le but de créer les effets suivants sur les agriculteurs, sur les entrepreneurs forestiers et sur les petits commerçants: Le principe est de donner rétroactivement aux banques des pouvoirs qu'elles n'avaient pas pour mieux les saisir, pour mieux accaparer leur propriété en période de crise économique. Pourquoi ce projet de loi passe-t-il? Pourquoi ce principe passe-t-il au moment même où vous seriez appelés à prendre la défense des agriculteurs? La seule façon dont on peut se l'expliquer, c'est que quand cela a été présenté au Conseil des ministres, le ministre de l'Agriculture dormait. Cela semble une accusation grave et pour prouver que c'est ce qu'il fait que quand ces projets de loi arrivent au Conseil des ministres, je prends à témoin l'ex-députée de Dorion, que je vous cite à la page 131 d'un livre qu'elle a écrit: "Je m'ennuie même parfois de Jean Garon dont la seule présence m'était devenue presque intolérable tant elle était envahissante. Dormait-il? Il ronflait. Lisait-il le journal? Il le faisait en marchant et en déchirant chaque page. Mangeait-il, il en mettait partout..."

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi, votre temps est écoulé.

M. Paradis: En concluant, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Très rapidement.

M. Paradis: En concluant, M. le Président, parce que j'ai été interrompu à plusieurs reprises. Je sais que ça fait mal. Dans un journal...

M. Grégoire: M. le Président, aucun consentement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Son temps de parole est écoulé.

M. Paradis: J'ai été interrompu.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît. S'il vous plaît! J'ai avisé le député de Brome-Missisquoi que son temps était écoulé. Il m'a demandé la permission de conclure. J'attends cette conclusion très rapidement.

M. Paradis: Pour conclure, M. le Président, le Journal agricole du Québec publiait dernièrement l'article suivant en dernière page: "Liste des mesures entreprises par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour empêcher les faillites et les saisies...

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Paradis: ... des fermes familiales au

Québec. La liste était en blanc. Ce qu'on retrouve aujourd'hui, dans cette loi - c'est sur ces mots que je termine, M. le Président - c'est une nouvelle mesure entreprise par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour favoriser les faillites et les saisies des fermes familiales au Québec.

Je vous remercie beaucoup, M. le Président. (17 h 40)

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, je constate qu'il n'y a aucune réplique. Cette motion de deuxième lecture du projet de loi no 67 est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

Renvoi à la commission de la justice

M. Brassard: M. le Président, je fais motion pour déférer le projet de loi no 67 à la commission permanente de la justice.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de déférence est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. Brassard: Article 13, M. le Président.

Projet de loi no 75 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt): Deuxième lecture du projet de loi no 75, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement industriel. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, j'ai l'honneur, le plaisir et le privilège de présenter le projet de loi no 75 modifiant la Loi sur l'aide au développement industriel du Québec, la loi qui fait en sorte que la Société de développement industriel du Québec puisse agir dans à peu près tous les secteurs de notre vie économique pour aider au développement économique au Québec, pour aider les entreprises de chez nous. Notre façon de voir pour présenter ce projet de loi, M. le Président, c'est qu'il faut, d'abord et surtout, aider les entreprises et les hommes et les femmes qui y travaillent. Cet objectif nous a été fixé par le premier ministre du Québec, M. Lévesque, qui, il y a quelques mois, en parlant à cette Assemblée nationale, disait que le développement économique est d'abord l'affaire des entreprises et des hommes et des femmes qui y travaillent. Tout le long de notre action comme gouvernement, nous réalisons que le développement économique est d'abord l'affaire des entreprises et des hommes et des femmes qui y travaillent et nous devons tout mettre en oeuvre pour aider ces entreprises de même que les individus, les hommes et les femmes qui sont là.

Ce projet de loi no 75, M. le Président, prévoit une réforme majeure de la Société de développement industriel du Québec. En effet, après dix années d'existence, la Société de développement industriel du Québec devient l'instrument privilégié du gouvernement en matière d'aide financière aux entreprises. Dès cette année, conformément à l'orientation donnée à l'action économique du gouvernement du Québec dans Bâtir le Québec, phase 2, c'est-à-dire Le virage économique, de nouveaux programmes de développement seront lancés. Ils ont d'ailleurs été annoncés en grande partie ce matin par mon collègue, le ministre d'État au Développement économique. Ces programmes permettront de donner une impulsion majeure à trois secteurs stratégiques de l'économie: les exportations, les activités de recherche et de développement et le secteur du tertiaire moteur:

Le mandat de la Société de développement industriel du Québec, qui a été créée en 1971 dans le but de favoriser le développement économique du Québec au moyen d'incitatifs d'ordre financier, sera donc substantiellement élargi, compte tenu de l'évolution de la situation économique et du programme d'action que le gouvernement vient de se donner. Cette réforme permettra de mettre en oeuvre de nouveaux moyens pour faire face à la crise actuelle: fournir l'aide nécessaire à la relance des investissements, protéger les entreprises et les emplois existants, accroître les exportations et consolider les PME québécoises en leur fournissant les capitaux de risque nécessaires. D'ailleurs, au total, dès cette année, avec ce qui a été annoncé ce matin par le ministre d'État au Développement économique, les dépenses budgétaires de la Société de développement industriel feront un bond de 65%, passant de 55 800 000 $, en 1981-1982, à 92 200 000 $, en 1982-1983.

M. le Président, ce bond de 65% sera totalement en transferts aux entreprises, soit en protection d'emplois, soit en création d'emplois, et il servira véritablement aux hommes et aux femmes du Québec pour leur permettre de travailler chez eux, au Québec.

M. le Président, les engagements pris par le gouvernement du Québec, par la SDI

au cours de cette année seront encore plus importants que ce budget, puisque, dans le courant de l'année, nous prendrons certains engagements et nous les paierons lorsque l'entreprise aura fait les dépenses nécessaires, c'est-à-dire acheté l'équipement, la machinerie ou construit les bâtisses nécessaires, ce qui fera en sorte que, dans le courant de cette année, tout près de 140 000 000 $ seront engagés par la Société de développement industriel surtout dans les investissements: prêts aux entreprises, participation au capital-actions ou subventions directes aux entreprises, mais particulièrement pour aider l'investissement dans des entreprises au Québec, soit des entreprises québécoises petites ou moyennes, soit de grandes entreprises aussi qui voudront investir au Québec dans les secteurs de haute technologie ou dans les secteurs de pointe, mais investir au Québec pour créer des emplois chez nous, faire travailler des gens de chez nous.

Un autre montant fort important aussi, M. le Président, sera investi dans l'aide à l'exportation. Il y aura certaines sommes en subventions, mais il y aura aussi des sommes plus importantes d'aide à l'exportation qui seront du financement des exportations.

On sait que, pour le commerce international, pour le commerce extérieur, cela prend beaucoup de financement pour faire face aux marchés mondiaux, à d'autres pays où les taux d'intérêt sont plus raisonnables que les taux canadiens. Nous avons donc à rivaliser avec le Japon, l'Allemagne, la France, l'Angleterre, où les taux d'intérêt sont plus raisonnables que les taux canadiens et il faut pour cela aider nos entreprises à conquérir ces marchés, donc les aider financièrement.

D'autres sommes d'argent seront dépensées aussi. Un nouveau montant de 10 000 000 $ sera mis à la disposition de la Société de développement industriel du Québec, dès cette année, dans un programme total de 50 000 000 $ au cours de trois ans pour aider à subventionner de la recherche, du développement, de l'innovation, de nouveaux produits ou de nouvelles méthodes de production. Il faut constamment tenir nos produits à la fine pointe du progrès et c'est la volonté du gouvernement du Québec d'aider ces entreprises à être vraiment à la fine pointe du progrès à travers tout l'univers.

D'autres montants seront engagés, M. le Président, dans le crédit touristique, l'amélioration et le développement d'infrastructures touristiques ou d'équipements nécessaires pour recevoir chez nous des touristes étrangers.

Il y a finalement un dernier montant de 15 000 000 $, qui a déjà été voté à la Société de développement industriel pour aider les entreprises en fonds de roulement, selon le programme d'urgence d'aide à la PME québécoise.

M. le Président, nos priorités dans le courant de l'année avec la Société de développement industriel seront donc d'abord de fournir l'aide nécessaire à la relance des investissements; deuxièmement, de protéger les entreprises existantes et les emplois existants; troisièmement, de développer des technologies nouvelles; quatrièmement, d'accroître les exportations; cinquièmement, de consolider nos PME en leur fournissant les capitaux de risque nécessaires; sixièmement, d'aider au développement de l'industrie touristique.

En plus, ce qu'il y a de nouveau par ce projet de loi, la Société de développement industriel du Québec deviendra véritablement le guichet unique, la porte d'entrée unique de toutes les subventions gouvernementales à l'entreprise.

En vertu de son nouveau mandat, la Société de développement industriel se verra confier l'administration de programmes sectoriels et spéciaux d'aide à l'entreprise. Une des modifications proposées permettra au gouvernement de confier à la SDI, par voie de règlement, l'administration de tout programme d'aide financière à l'entreprise. Ces programmes seront d'une durée limitée et devront faire l'objet d'une enveloppe budgétaire spécifique. Autrefois, la Loi sur la Société de développement industriel du Québec faisait en sorte qu'il y ait des programmes qui durent aussi longtemps que la loi durait et ça prenait une loi pour changer le programme. Maintenant, les programmes seront décidés par budget, par décret gouvernemental avec une enveloppe budgétaire spécifique. Lorsque l'enveloppe sera terminée, le programme se terminera automatiquement et on devra nécessairement prendre une autre décision gouvernementale pour continuer de tels programmes.

C'est arrivé dans le passé que des programmes, qui étaient bons pendant quelques années, deviennent désuets; ils n'ont pu être changés tant et aussi longtemps que la loi n'a pas été changée. Finalement, des sommes étaient dépensées, mais sans que ce soit vraiment nécessaire et urgent pour le développement économique du Québec ou à la création d'emplois.

Ces nouveaux programmes seront d'une durée limitée et devront faire l'objet d'une enveloppe budgétaire spécifique. Ce sera le cas des programmes suivants: Innovation-meuble, textile, vêtement, bonneterie, Innovation-chaussure, Crédit touristique, Programme d'aide d'urgence à la PME, Programme d'innovation et de développement de produits et Programme d'aide à l'exportation ou d'autres programmes qui pourront venir, avec le temps, se joindre à ces programmes ou remplacer ces programmes lorsque ceux-ci seront terminés.

II pourra en être de même pour tous les autres programmes sectoriels d'aide financière actuellement administrés par tout autre ministère et dont la gestion serait confiée à la SDI. (17 h 50)

Le projet de loi no 75 établit donc, pour la première fois au Québec, un véritable guichet unique, une porte d'entrée unique pour les entreprises afin de bénéficier de l'aide financière du gouvernement du Québec.

J'ai terminé cette semaine une tournée dans les différentes régions du Québec justement pour consulter les hommes d'affaires, les promoteurs de développement économique, les commissaires industriels, les responsables de municipalités régionales de comté sur la volonté du gouvernement de leur donner des services additionnels ou de meilleurs services en région, particulièrement près des besoins locaux dans chacune des régions du Québec. J'ai rencontré quelques milliers d'hommes d'affaires ou de promoteurs industriels au cours de cette tournée. Nous avons discuté de leurs besoins, de leurs appréhensions, de leurs inquiétudes et des actions que le gouvernement du Québec devait mener pour répondre à leurs demandes et aux besoins des entreprises québécoises. C'est donc dire que les actions décidées par le gouvernement ne sont pas décidées en vase clos, mais après une consultation réelle des principaux intéressés dans le milieu, c'est-à-dire les chefs d'entreprise, les commissaires industriels, les représentants de MRC et tous ceux qui s'occupent de développement économique, industriel ou touristique.

Après cette tournée, je suis revenu à Québec de plus en plus convaincu que l'avenir du Québec est dans les mains de ces gens, de ces hommes, de ces femmes d'affaires qui, dans tout le Québec, ont gardé confiance dans leur capacité de réussir des choses. Ces hommes et ces femmes d'affaires, malgré la conjoncture économique difficile, ont gardé la foi dans leurs capacités en tant que citoyens québécois de réussir des choses, de passer à travers la crise et, finalement, de faire en sorte que leur entreprise puisse continuer à prospérer, à conquérir des marchés et, surtout, à faire de la concurrence partout dans le monde.

Je voudrais donc d'une façon particulière, à la fin de cette tournée de consultation, rendre hommage à tous ceux et à toutes celles qui, au Québec, oeuvrent dans le domaine économique, créent des emplois et permettent aux gens de chez nous de travailler à des salaires raisonnables.

Parmi nos nouveaux programmes avec la Société de développement industriel du Québec, il y a aussi les exportations, comme je l'ai dit tout à l'heure, que nous allons privilégier. De nouveaux programmes d'aide à l'exportation seront donc mis en route dès cette année.

Un nouveau programme d'aide à l'exportation a été conçu à l'intention du secteur manufacturier et du secteur tertiaire. Ce nouveau programme vise essentiellement les objectifs suivants: l'ouverture de nouveaux marchés, la mise en place de structures permanentes dans les entreprises pour la fonction exportation, la formation de consortiums d'exportation et la participation à des contrats majeurs. Ce nouveau programme comportera quatre volets.

Mais il faut se souvenir quand même que c'est à partir de 1974 que la Société de développement industriel a pu intervenir pour aider les entreprises québécoises à augmenter leurs ventes à l'étranger, d'abord au moyen d'une subvention appliquée au taux d'intérêt établie en fonction de la croissance des exportations et, depuis, son action s'est accrue de façon importante en 1979.

Le champ d'action de la SDI a été élargi pour lui permettre d'aider à la prospection de marchés, de financer des exportations et de participer à des consortiums. En 1980, le gouvernement décidait de créer une nouvelle unité administrative au sein de la SDI, la SDI-Exportation, afin de soutenir plus activement les consortiums et les groupes engagés dans les grands projets. Notons, en passant, que la SDI-Exportation peut également agir comme mandataire lorsque l'acheteur étranger désire transiger avec une société d'État. Dans plusieurs pays, les gouvernements veulent transiger de gouvernement à gouvernement. Alors, les entreprises québécoises, ne pouvant transiger directement d'entreprises à gouvernement, ont besoin de l'appui du gouvernement ou d'une société gouvernementale pour les représenter auprès de l'autre société gouvernementale ou de l'autre gouvernement, que ce soit au Mexique, au Venezuela, en Algérie ou dans certains autres pays. C'est dans ce sens-là que la Société de développement industriel peut agir comme mandataire du gouvernement et représenter les entreprises québécoises véritablement et très bien sur les marchés étrangers.

Le gouvernement entend élargir l'application de l'aide à la formation de consortiums pour l'étendre au marché des services où l'expertise québécoise est reconnue et fort en demande sur certains marchés étrangers, et où l'obtention de contrats de services peut se traduire, ensuite, par d'importants achats de produits manufacturés au Québec. Qu'on songe ici au cas du métro de Mexico où le Bureau de transport métropolitain international de Montréal a obtenu un contrat de conception et où la firme Bombardier a ensuite vendu pour 50 000 000 $ de wagons de métro. Notons qu'une étude réalisée en 1981 a

établi que la demande internationale dans le domaine où oeuvrent les firmes de génie conseil consistait de plus en plus en des projets "clé-en-main" pour lesquels la formation de consortiums devient nécessaire. Dans les projets "clé-en-main", nous faisons les travaux de génie-conseil, nous faisons les plans, nous gérons les travaux et nous fournissons tous les matériaux nécessaires. Nous construisons les édifices ou réalisons les travaux nécessaires et livrons au client le projet lorsque tout est complètement prêt à faire fonctionner d'un bout à l'autre.

On peut même aller jusqu'à construire des hôtels où il faut fournir les conseils en gestion nécessaires pour gérer l'hôtel d'un bout à l'autre. Nous fournissons donc les meubles, la literie, la vaisselle, tout l'équipement nécessaire à l'intérieur. C'est ce qu'on appelle "clé-en-main" et, de plus en plus aujourd'hui, partout dans le monde, ce sont de ces projets.

Nous avons donc énormément besoin du génie-conseil pour, au départ, être dans le projet et faire en sorte que des manufacturiers québécois puissent fournir leurs matériaux, leurs produits sur ces marchés mondiaux. C'est dans ce sens-là que la Société de développement industriel interviendra de plus en plus pour aider l'expertise québécoise à conquérir de nouveaux marchés.

En 1982-1983, la Société de développement industriel interviendra donc davantage pour favoriser la formation de consortiums d'exportation. Sur approbation du Conseil des ministres, elle pourra agir à titre de mandataire dans le cas de consortiums formés pour réaliser des projets "clé-en-main". Le gouvernement va également modifier le volet crédit-prospection pour qu'il favorise davantage la PME qui pourra obtenir des prêts à taux réduit pour financer jusqu'à 80% des dépenses encourues pour pénétrer un nouveau marché étranger. Les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 25 000 000 $ pourront bénéficier d'une aide similaire jusqu'à concurrence de 50% des dépenses concernées. En cas d'insuccès de l'opération, la moitié du solde des avances sera exonérée du remboursement.

Dans ce cas-là, en particulier, je voudrais m'arrêter pour citer quelques exemples d'entreprises québécoises qui ont pu profiter, grâce à la Société de développement industriel, de ce crédit-prospection. Une entreprise de Montréal, Bennes Atlas, qui fait des bennes et des remorques pour camions lourds et matériel de manutention des déchets, a pu, justement, profiter d'un crédit-prospection de 600 000 $ de la Société de développement industriel du Québec, remboursable si l'entreprise a du succès sur les marchés étrangers. Avec ces 600 000 $, deux marchés étaient visés par la compagnie Bennes Atlas Inc., de Montréal: le marché des États-Unis et du Mexique, d'une part, et le marché de l'Amérique du Sud, d'autre part. Déjà, après un peu plus d'un an d'existence de ce programme, Bennes Atlas est en voie de rembourser complètement la Société de développement industriel pour le premier prêt grâce au crédit-prospection de 400 000 $ pour conquérir les marchés des États-Unis et du Mexique parce que les ventes ont été extraordinaires sur ces marchés et le remboursement se fait à raison de 3% des exportations ou des ventes à l'exportation sur les marchés prospectés. C'est donc dire que les commandes ont été excellentes pour que Bennes Atlas puisse rembourser déjà ce premier prêt à la SDI du Québec.

Le deuxième prêt est un prêt de 200 000 $ pour compléter les 600 000 $ sur les marchés d'Amérique du Sud. Là aussi, on est en voie de rembourser à peu près complètement. Ce n'est pas encore terminé, parce que ce prêt a été fait il y a moins d'un an, mais, déjà, les commandes commencent à entrer à cette entreprise de Montréal parce que la SDI est intervenue pour lui prêter les sommes nécessaires pour conquérir ces nouveaux marchés, pour engager des représentants sur ces marchés, pour payer les dépenses de voyage nécessaires et pour ouvrir un bureau de vente à l'étranger.

N'eût été de la Société de développement industriel du Québec, cette entreprise n'aurait peut-être pas pu conquérir ces nouveaux marchés, n'aurait pas pu vendre là-bas et, donc, n'aurait pas pu faire travailler les travailleurs et les travailleuses du Québec. C'est un exemple de ce qu'on peut réaliser avec le crédit-prospection.

Un autre exemple de ce qu'on peut réaliser avec le crédit-prospection: Pinso-Sport Ltée, de Bromont, manufacturier de fixations pour skis de fond et de porte-bagages. On a mis au point des fixations pour skis de fond et porte-bagages. La Société de développement industriel a autorisé un prêt de 300 000 $ pour conquérir le marché américain. Là aussi, on est en train de rembourser le prêt de la Société de développement industriel; les objectifs sont pratiquement atteints. C'est donc une entreprise de chez nous qui, en moins de six mois, grâce à un crédit-prospection de la Société de développement industriel, a pu conquérir le vaste marché américain. Encore une fois, le risque était trop grand pour une petite entreprise de ce genre pour s'aventurer sur le marché américain et engager les personnes nécessaires, ouvrir des bureaux de vente; c'était trop risqué. La Société de développement industriel, au nom du gouvernement du Québec et de la collectivité québécoise, a dit à cette entreprise: Très bien, nous allons, ensemble, prendre le risque; nous allons risquer 80% et

vous allez risquer, 20%. C'est un succès grandiose à ce point de vue puisqu'on est en train de rembourser complètement la SDI et le gouvernement du Québec des avances que nous avons faites.

Une autre entreprise spécialisée dans la fabrication de machines et d'équipements de scierie. Swecan Internationale de Lanoraie. Elle a reçu une autorisation de prêt de 210 000 $ pour conquérir le marché du sud-est des États-Unis et s'implanter là-bas. On est aussi en train d'avoir des commandes et on a déjà commencé à rembourser la Société de développement industriel; ce prêt a été autorisé il y a un an et demi. Déjà, il y a des gens qui y travaillent, déjà, les commandes sont entrées pour des machines et des équipements de scierie aux États-Unis, même si le contexte économique est très mauvais, là aussi. C'est donc dire que grâce à la Société de développement industriel et au gouvernement du Québec, une autre entreprise de chez nous peut conquérir des marchés internationaux.

Voici un autre exemple, dans un autre domaine, celui des instruments de musique. Une société de Saint-Léonard, à Montréal, Les Instruments de musique Sibecor, a reçu un prêt de 100 000 $ de la Société de développement industriel pour conquérir des nouveaux marchés, pour engager des gens là-bas et ouvrir un bureau sur le marché américain, particulièrement, pour leurs produits unisoniques. On a réussi, là-bas aussi; le programme est en vigueur depuis maintenant six mois. Déjà, les commandes commencent à arriver à cette entreprise québécoise.

Je n'ai cité que ces quatre cas, M. le Président. On en a bien d'autres, mais c'est pour montrer que dans des secteurs diversifiés de l'activité économique, grâce à l'aide du gouvernement, qui prend un risque avec les entreprises, on peut réussir à conquérir des nouveaux marchés. Si le gouvernement ou la SDI n'était pas là, on n'aurait pas pu réussir à s'implanter sur ces marchés. C'est dans ce sens, M. le Président, que le gouvernement continuera, avec la Société de développement industriel, à aider les entreprises à conquérir ces nouveaux marchés et à s'implanter sur ces marchés à l'extérieur du Québec.

M. le Président, je vois qu'il est 18 heures. Je propose la suspension du débat jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que la motion de suspension du débat jusqu'à 20 heures est adoptée? Adopté. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 01)

(Reprise de la séance à 20 h 09)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre vos places.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Reprise du débat sur le projet de loi no 75, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, reprise du débat sur le projet de loi 75, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement industriel. La parole était au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, avant la suspension du débat, je parlais des interventions du gouvernement ou de la Société de développement industriel du Québec, en particulier vis-à-vis de ses programmes pour l'aide à l'exportation.

Il y a un autre programme - en plus de Crédit-prospection - très important, qui est, à l'heure actuelle, en marche et qui va s'accentuer avec la nouvelle loi de la SDI, qui va nous permettre d'aller encore plus rapidement. C'est le programme de formation de consortiums à l'exportation. La Société de développement industriel du Québec réussit à mettre plusieurs entreprises ensemble qui, individuellement, sont trop petites pour exporter sur des marchés importants, des marchés majeurs. La Société de développement industriel du Québec réussit à asseoir tous ces gens autour de la table et à être présente, un peu comme un arbitre, parce que, souvent, ces gens sont des concurrents. C'est difficile de travailler ensemble dans un marché donné lorsqu'ils se font concurrence ici au Québec, en Ontario ou en Nouvelle-Angleterre. La Société de développement industriel du Québec, au nom du gouvernement du Québec, réussit à asseoir tous ces gens autour de la table et à définir qu'on va vers un but commun, c'est-à-dire conquérir un marché qui est habituellement très loin de chez nous. On va s'unir.

On a deux consortiums qui sont en marche présentement et deux cas très sérieux; un consortium sur la vente de bois de sciage. Ce sont dix petits producteurs, un peu partout dans tout le Québec qui, avec la Société Inter-Port de Québec, qui est une société d'État du gouvernement, et la Société de développement industriel du Québec ont formé le consortium d'exportation de bois de l'est canadien. Cela s'appelle CEBEC et c'est un dossier dans lequel la SDI a investi de l'argent au départ pour lancer ce dossier. En Europe, en particulier, lorsqu'on achetait du bois de sciage, on achetait du bois de l'Ouest canadien, parce que le gouvernement canadien, par ses ambassades, vendait du bois de l'Ouest canadien. Pour le gouvernement

canadien, le bois de l'est n'existe pas, sur les marchés européens. Le Québec est obligé de protéger ses entreprises québécoises et dans ce sens, on commence à faire une trouée, une percée et à vendre du bois de l'Est canadien, du bois du Québec, grâce au consortium qui a été formé par la Société de développement industriel du Québec. Avec la nouvelle loi, on pourra accélérer encore davantage nos actions dans ce domaine et les scieries du Québec qui manquent de travail présentement pourront continuer à s'associer pour conquérir le marché européen.

Un deuxième consortium qui est en voie de réalisation aussi, cela s'appelle Comex international. C'est un consortium qui est formé de cinq fabricants manufacturiers de machinerie forestière. Ces manufacturiers de machinerie forestière, ces machineries de scieries s'unissent, même si ce sont des compétiteurs au Québec, pour conquérir des marchés mondiaux, parce que la SDI s'est assise avec ces gens et qu'elle a réussi à les faire travailler ensemble sur des marchés mondiaux pour conquérir de nouveaux marchés et faire travailler de plus en plus de citoyens québécois. Or, c'est un autre exemple de ce qu'on peut faire en exportation.

Les contrats majeurs à l'extérieur du Québec, M. le Président, présenteront un potentiel très important au cours de la décennie, en termes de retombées pour l'économie québécoise. Aussi, afin de permettre à un maximum d'entreprises d'en profiter, la SDI-Exportation offrira des garanties de prêts aux maîtres d'oeuvre en complément au financement ou aux garanties accordées par la SEE fédérale ou par d'autres sociétés de financement.

Enfin, un dernier volet devrait permettre à la SDI de continuer d'offrir du financement aux entreprises qui, pour diverses raisons, n'arrivent pas à financer leurs exportations par des emprunts auprès d'autres institutions financières.

Ce financement pourrait prendre la forme de garanties de prêts et ne serait disponible que pour les projets rentables et prometteurs. C'est l'ensemble de ces projets qui explique la demande de crédits de cette année d'au-delà de 30 000 000 $, 33 000 000 $ maintenant, pour 1982-1983, au seul chapitre des exportations, alors que la SDI s'était impliquée pour 17 500 000 $ en 1981-1982.

Au total, l'aide à l'exportation accordée par la SDI, qui prenait la forme de subventions dans une proportion de 82%, en 1981-1982, prendra la forme de prêts et de garanties de prêts et de participation dans une proportion de plus de 80%, en 1982-1983. C'est donc une nouvelle façon de travailler. C'est une nouvelle orientation des interventions qui permettra d'aider un plus grand nombre d'entreprises et aura un impact considérable sur la vigueur des exportations québécoises.

M. le Président, passé les exportations, il reste quand même des volets classiques de la SDI, les volets qui aident à l'investissement. L'aide aux entreprises, la technologie moderne, même avec cette nouvelle loi, continuera. Son objectif est de favoriser les investissements des entreprises ayant un fort contenu technologique et elle est compétitive sur les marchés extérieurs.

Elle apporte une aide aux entreprises dynamiques et innovatrices dont l'objectif est de favoriser le développement accéléré des entreprises québécoises qui sont innovatrices, dynamiques et bien gérées en les encourageant à investir en vue d'une expansion ou d'une modernisation.

Cette année, M. le Président, nous avons au-delà de 77 000 000 $ qui seront investis par la Société de développement industriel pour aider ces entreprises à investir davantage et on calcule que c'est au-delà de 500 000 000 $ qui seront investis au Québec grâce à l'action de la SDI dans ce domaine, ce qui pourra créer 2500 emplois additionnels.

Pour apprécier à sa juste valeur l'apport financier du gouvernement, il faut donc tenir compte des retombées économiques qui en découlent. En effet, il faut réaliser que les subventions sont accordées en vue de favoriser la réalisation d'investissements industriels au Québec. À titre d'exemple, les subventions qui seront autorisées en 1982-1983, en vertu du seul programme d'aide à l'investissement de la SDI, faciliteront la réalisation d'investissements de l'ordre de 510 000 000 $ pouvant impliquer la création de 7500 nouveaux emplois.

Par ailleurs, dans le but de maximiser les retombées économiques du Québec, la SDI, par des conditions reliées au versement des subventions, incite les entreprises clientes à s'approvisionner en matières premières, en biens d'équipement et en services auprès de sources québécoises. À titre indicatif, sur tout près de 600 dossiers traités par le service d'aide technique de la société, en 1981-1982, les entreprises clientes ont investi pour 520 000 000 $ en machinerie de toute sorte, dont 36% ont pu être acquis d'entreprises québécoises.

M. le Président, concernant l'aide aux entreprises de technologie moderne ou l'aide aux entreprises dynamiques ou innovatrices, j'ai ici quelques exemples pour bien montrer à la population du Québec et aux membres de l'Assemblée nationale l'aide que la SDI peut apporter à ces entreprises et en quoi ça consiste, en fin de compte, pour les travailleurs et pour la collectivité québécoise. Nous avons accordé, cette semaine, une aide financière à une entreprise pour faire des investissements qui iront

jusqu'à 16 000 000 $ à Saint-Hyacinthe, une fabrique de papiers-mouchoirs, de serviettes sanitaires, d'essuie-tout et de papier de toilette. Kimberly-Clark du Canada investira à Saint-Hyacinthe, au cours des prochains mois, 16 000 000 $ pour créer 46 emplois additionnels, grâce à une subvention et à une aide financière de 1 400 000 $ de la part de la Société de développement industriel.

Encore une fois à Saint-Hyacinthe, cette année, nous aurons des investissements qui pourront totaliser 3 500 000 $ de la part d'une entreprise québécoise, une entreprise de taille moyenne qui s'appelle Sport Maska, manufacturier d'uniformes sportifs; c'est l'entreprise qui fait les uniformes pour les joueurs de hockey des Canadiens ou des Nordiques. Cette compagnie va investir 3 500 000 $ à Saint-Hyacinthe pour créer 47 emplois additionnels.

À Saint-Eustache, dans le comté de Deux-Montagnes, une autre entreprise, qui s'appelle Polylab, fabricant de produits de toilette pharmaceutiques et para- pharmaceutiques, investira 4 000 000 $, grâce à l'intervention de la Société de développement industriel, pour créer 54 emplois additionnels au cours des années. Dans le comté de L'Assomption, la manufacture W.C.I. Ltée, qui fabrique des appareils électroménagers, a décidé, au cours de l'année 1982, d'investir 4 000 000 $ qui créeront, avec les années, 186 nouveaux emplois. Ce sont des gens qui ont confiance en l'économie du Québec, qui ont confiance au gouvernement du Québec. Ils n'ont pas peur d'investir et de créer des emplois pour, finalement, favoriser les travailleurs et les travailleuses de chez nous.

Les interventions de la SDI servent aussi, bien sûr, à créer de nouveaux emplois, à créer de nouvelles usines, à en agrandir d'autres, mais aussi à sauver des entreprises qui, malheureusement, ont dû fermer pour cause de gestion, manque de marché ou autre. On se souvient qu'il y a un peu plus d'un an, dans le comté de Champlain, une entreprise qui s'appelle les Forges HPC a fermé en pleine campagne électorale parce qu'on a dit que la banque avait retiré les fonds, la marge de crédit. Il me semble qu'il y avait des problèmes de gestion à l'entreprise.

Mais, grâce à l'action de la Société de développement industriel, encore une fois, du gouvernement du Québec, on a réussi à trouver des gens, à chercher des gens partout dans le monde, à trouver une compagnie aux États-Unis qui était intéressée, qui connaît la technologie, qui connaît le marché, qui a déjà une partie du marché. Cette entreprise - Norris - des États-Unis a décidé d'investir 13 500 000 $ au Cap-de-la-Madeleine pour terminer l'usine qui va créer des emplois dans la haute technologie à 91 personnes parce que la

Société de développement industriel a consenti une subvention de 1 200 000 $. Ce que nous attendons maintenant, c'est l'accord du gouvernement fédéral qui, pour tout travail dans tout cela, n'a qu'à faire en sorte que l'agence FIRA dise oui à la demande de la compagnie Norris. Aussitôt qu'on aura l'accord, on va pouvoir procéder et on va pouvoir créer 91 emplois dans la technologie de pointe.

Ailleurs, M. le Président, à Anjou, un manufacturier de revêtement métallique pour bâtisses industrielles et autres profilés en acier laminé à froid va investir 2 500 000 $ pour créer 79 emplois. Ce sont les Industries Lightsteel. (20 h 20)

J'en ai choisi quelques-uns pour montrer que, dans toutes les régions du Québec, il y a des gens qui ont confiance au gouvernement du Québec, aux gens du Québec, et qui investissent. Une petite entreprise du Nord-Ouest québécois, une société en commandite, les Charbons Nor-Que, qui font des briquettes de charbon de bois. Parfois, on ne s'imagine pas que c'est faisable facilement. C'est une petite entreprise qui en fait et qui en vend non seulement au Québec, mais à l'extérieur du Québec. Elle va investir 1 000 000 $ pour créer 17 emplois dans le Nord-Ouest québécois, dans le comté d'Abitibi-Ouest, par des Québécois qui ont confiance en l'avenir du Québec.

M. le Président, dans le comté de Trois-Rivières, il y a une entreprise, Westinghouse Canada, une multinationale, qui est venue nous voir et qui a dit: On a confiance au gouvernement du Québec. On va investir 1 000 000 $ additionnels à Trois-Rivières grâce à l'aide de la Société de développement industriel pour créer 35 emplois additionnels.

À Sherbrooke, l'entreprise ÉTMW, équipement de boulangerie, va investir 627 000 $ et créer 30 emplois grâce à l'aide de la Société de développement industriel.

Dans le comté de Papineau, les industries Erco vont investir en deux phases, d'ici un an et peut-être deux, 37 000 000 $. C'est une compagnie de produits chimiques, phosphate et chlorate de sodium. Je pourrais vous en citer comme ça pendant des heures pour vous montrer qu'il y a des gens qui ont confiance en l'avenir du Québec, au gouvernement du Québec.

Je ne veux pas passer sous silence une action qui a été bien faite, à la fois par les gens du ministère et à la fois par les gens de la Société de développement industriel, puisqu'on étudie leur projet de loi, qui a sauvé une autre entreprise dans le comté de Richelieu, à Sorel. On se souvient que dans le courant de l'année dernière, la compagnie Celanese a décidé de fermer une usine de tapis à Sorel et de faire 400 mises à pied.

Tout de suite après, à la fois les gens du gouvernement et les gens de la Société de développement industriel se sont mis à la recherche d'un autre investisseur au Québec. On a trouvé un investisseur québécois, Georges Lacroix, de Saint-Georges

International, de Saint-Georges de Beauce, dans Beauce-Sud, qui n'a pas craint d'investir 24 000 000 $ dans l'entreprise, de sauver 423 emplois, grâce à l'intervention du gouvernement du Québec et de la Société de développement industriel du Québec.

Des actions sont faites actuellement qui méritent d'être mentionnées à la population. Il faut que la population sache qu'il y a des gens qui font confiance au Québec, qui veulent investir dans l'avenir et dans l'économie du Québec en faisant confiance aux travailleurs et aux entreprises de chez nous.

M. le Président, j'en ai plusieurs que je vais passer parce que je vois que le temps avance, mais j'en aurais beaucoup d'autres. C'est intéressant de voir que des gens continuent d'investir au Québec. Pendant ce temps-là, malheureusement, on voit trop souvent nos amis d'en face décrier à la fois le gouvernement du Québec et les travailleurs et travailleuses de chez nous, alors qu'on a tellement de monde, tellement d'entrepreneurs qui risquent beaucoup d'argent à ce temps-ci, en payant de très hauts taux d'intérêt, mais qui risquent quand même de l'argent dans des entreprises pour créer des emplois chez nous.

Il y a un autre volet de la Société de développement industriel qu'on étudie ce soir et qui se pratiquera de plus en plus, c'est l'intervention dans des capitaux de risque de la Société de développement industriel du Québec. On l'a déjà fait dans le passé et on va le faire de plus en plus dans des entreprises à haute technologie, pour ne pas être en concurrence quand même avec d'autres entreprises québécoises. J'ai quelques exemples ici que je veux vous citer.

Prévost Car Inc. fait des autobus, dans le comté de Dorchester. La Société de développement industriel a investi 37% dans le capital-actions de cette entreprise, pour l'aider à prendre la première place sur le marché nord-américain dans les autobus de qualité. On a réussi d'abord à garder cette compagnie sous le contrôle québécois et surtout à faire une entreprise très dynamique. Un jour ou l'autre, la SDI revendra ses actions puisque maintenant l'entreprise a pris son essor et est devenue une excellente entreprise au Québec qui a créé quelques centaines d'emplois dans le comté de Bellechasse. À Laval, aussi, une entreprise, Mach-Fab Laval Inc.; là aussi, la Société de développement industriel a participé au capital-actions, a consenti un prêt. C'est un manufacturier de presses à matrice sous licence qu'on ne retrouve pas en compétition au Québec, mais qui réussit à travailler présentement; il a créé 70 emplois grâce à l'intervention de la SDI.

Dans le Nord-Ouest québécois, on a Panosor et Forox-Leroy qui créent quelques centaines d'emplois à cause de l'intervention de la Société de développement industriel dans le capital-actions de cette entreprise. Dans les Cantons de l'Est, la compagnie Mitel, qui a réussi à se lancer en affaires dans la haute technologie à cause de l'intervention de la Société de développement industriel du Québec. On voit que, lorsque la SDI intervient dans le développement économique, cela réussit et cela crée des emplois.

Je suis emballé de voir ce que j'ai vu au cours des dernières semaines à parcourir le Québec. Je suis emballé de voir la confiance des chefs d'entreprise, mais le gouvernement est conscient aussi que la croissance future des entreprises dépendra en grande partie de la capacité de la direction supérieure d'accepter des idées neuves, des gens d'action et des personnalités fortes. Partant des idées neuves que nous allons accepter et des personnalités fortes, un nouveau programme sera administré par la SDI, le programme d'aide à la recherche et à l'innovation: recherche, innovation et développement de nouveaux produits.

Ce programme sera offert aux entreprises, il visera à accroître les activités de recherche et de développement en réduisant le risque financier lié à la réalisation de projets, à la conception et du développement de produits et de services nouveaux ou améliorés. Il tiendra compte de l'expérience acquise par le programme d'aide à l'entreprise innovatrice. Le financement couvrira une partie des dépenses liées aux projets de recherche et de développement, de fabrication de prototypes, de tests, de brevets et de constitution de stock et de marketing. Ce programme, qui comprendra un volet particulier pour l'industrie de l'électronique, permettra d'aider les projets innovateurs déjà partiellement subventionnés mais qui demeurent financièrement trop risqués pour pouvoir être réalisés par l'entreprise.

L'engagement du gouvernement du Québec est d'investir 50 000 000 $ dans ce programme de recherche, d'innovation, de développement de produits et d'équipements justement pour permettre, selon la conception du virage technologique, à nos entreprises québécoises de demeurer à la fine pointe du progrès et de pouvoir concurrencer les entreprises partout à travers le monde. C'est un signe de confiance dans nos capacités en tant que Québécois et Québécoises pour ne pas toujours être à la remorque d'autres gouvernements, confiance dans nos capacités de faire des choses, de réussir et d'être à l'avant-garde, d'être les

meilleurs au monde. Ce n'est pas faire du séparatisme ou du mauvais nationalisme, au contraire, c'est faire du bon nationalisme que de dire que les Québécois et les entreprises québécoises sont capables d'être les meilleurs au monde à condition que le gouvernement du Québec et à condition que l'Opposition aussi puisse retrousser la tête un peu et avoir confiance dans les hommes et les femmes de chez nous.

M. le Président, il y a autre chose que nous voulons faire de plus en plus, c'est un nouveau programme avec la Société de développement industriel. L'aide à l'investissement demeurera la principale activité de la SDI, bien sûr, mais, à l'avenir, cette aide à l'investissement sera disponible non seulement pour les secteurs manufacturier et touristique, mais également pour le tertiaire moteur. Il s'agit là d'un changement fondamental. Le concept de tertiaire moteur est maintenant assez bien connu. Il s'agit, rappelons-le, de l'activité de services qui suscitent des effets d'entraînement pour d'autres secteurs de l'activité à cause de caractéristiques particulières. Ces activités sont soit exportables, soit à contenu technologique élevé, soit essentielles à d'autres activités industrielles.

Plusieurs activités du tertiaire moteur ont déjà fait l'objet d'interventions gouvernementales spécifiques, mais il faut accorder encore plus d'importance à ce secteur dans nos programmes d'aide. Dans le cadre des nouvelles priorités du gouvernement, l'aide à l'investissement sera accordée prioritairement aux secteurs industriels à forte croissance et à technologie avancée. Mentionnons l'aéronautique, le transport en commun, la pétrochimie, l'électrométallurgie, la production d'équipements hydroélectriques lourds, l'électronique et l'industrie des équipements de protection et de l'environnement. Tous ceux qui, dans le domaine du tertiaire moteur, peuvent aider à développer d'autres entreprises au Québec vont maintenant pouvoir être aidés par la Société de développement industriel du Québec.

Enfin, M. le Président, un dernier programme, mais non le moindre, continuera à en faire une priorité d'action de la Société de développement industriel, c'est l'aide au développement touristique. On sait que le tourisme a été très bien traité par le gouvernement du Parti québécois, particulièrement cette année où nous avons doublé nos sommes d'argent pour la promotion et la publicité à l'extérieur du Québec afin d'attirer des gens au Québec. À l'heure actuelle, même après un mois de publicité et d'annonce de ce nouveau programme aux États-Unis, en particulier, dans les États de la Nouvelle-Angleterre, nous avons reçu plus de demandes d'information dans un mois que dans toute la saison, l'an dernier. Cela veut dire qu'on pense que ce sera une excellente année touristique pour tous ceux et celles qui vivent de développement touristique ou du fait du tourisme au Québec.

Les interventions de la Société de développement ont servi à encourager des entreprises à investir des sommes d'argent importantes, soit dans des hôtels ou dans des infrastructures touristiques, ce qui visait à attirer des gens de chez nous. Je peux vous citer encore pendant probablement plusieurs heures des exemples d'aide au crédit touristique grâce à l'intervention de la Société de développement industriel, et cela se poursuivra de plus en plus au Québec. Dans le comté de Bonaventure, on a investi 900 000 $; à Matane, 625 000 $ pour un hôtel. C'est la même chose dans Beauce-Nord ou dans Dubuc ou dans Jonquière, en particulier, le Centre des congrès de Jonquière qui a été bâti grâce à l'intervention du gouvernement du Québec et de la Société de développement industriel, un investissement de 7 750 000 $. (20 h 30)

Que ce soit dans le comté de Saint-Maurice, que ce soit dans Brome-Missisquoi, à Montréal, à Verchères, à Labelle et dans d'autres comtés du Québec, constamment, la Société de développement industriel du Québec est intervenue pour aider à construire des infrastructures touristiques qui feraient l'orgueil des citoyens du Québec et qui pourraient bien recevoir les touristes qui viennent chez nous.

Avant de terminer, il y a deux points aussi importants dans cette loi. Le projet de loi modifie le titre de la loi actuelle ainsi que certaines modalités de l'octroi de l'aide financière. Le titre de la loi était Loi sur l'aide au développement industriel.

Maintenant, la loi va s'appeler Loi sur la Société de développement industriel et va permettre aussi au point de vue de l'administration de nommer des vice-présidents exécutifs de la société, ce que nous n'avions pas le droit de faire avant. Le projet de loi va aussi permettre au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, responsable de l'application de la loi, de donner, avec l'approbation du gouvernement, des directives portant sur les objectifs et l'orientation de la société.

M. le Président, le fait de présenter ce projet de loi très important à ce moment-ci prouve que le gouvernement du Québec croit dans sa capacité, dans l'avenir des Québécois et des Québécoises. Même si nous sommes à une période où l'inaction et l'absence de motivation peuvent quasiment paraître excusables, tant les difficultés et les contraintes sont grandes, même malgré cela, en sachant à quel point le changement peut

bousculer nos habitudes et aussi des intérêts, le gouvernement du Québec a préféré miser sur notre capacité en tant que collectivité québécoise d'agir, d'inventer et de réussir. C'est une preuve de confiance que le gouvernement donne aux chefs d'entreprises et entrepreneurs québécois.

Il ressort, M. le Président, des modifications apportées à la loi de la SDI que le mandat de cette société sera considérablement élargi, de façon à prendre de nouveaux secteurs et champs d'activités importants pour le développement économique du Québec. En outre, les formes d'aide financière seront plus nombreuses et plus souples que par le passé. Il en résulte que la SDI deviendra l'instrument privilégié du gouvernement en matière d'aide financière aux entreprises. En effet, compte tenu de sa connaissance des entreprises et de l'expérience accumulée depuis dix ans, cette société québécoise apparaît comme étant la mieux placée pour jouer le rôle de principal pourvoyeur d'aide gouvernementale à l'entreprise. Le nouveau mandat confié à la Société de développement industriel du Québec, ainsi que l'octroi de crédits substantiellement accrus témoignent de façon non équivoque de la priorité accordée par notre gouvernement à la croissance des emplois et au développement économique du Québec.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, j'ai écouté attentivement le ministre. Il nous a parlé de la toute dernière philosophie du Parti québécois. Il nous dit sa confiance que l'entreprive privée puisse faire beaucoup pour l'économie du Québec.

Il faut se rappeler que, lorsque le Parti québécois est arrivé au pouvoir, on voulait tout nationaliser ou à peu près. Un peu plus tard, lorsqu'on a sorti le livre Bâtir le Québec, volume I, on faisait confiance à l'entreprise, mais surtout l'entreprise publique. Il a fallu attendre jusqu'à cette année pour qu'on nous dise, dans Le virage technologique, que la stratégie de croissance et de développement dans l'économie de marché repose avant sur le dynamisme de l'entreprise et on n'hésite pas, M. le Président, dans ce document, à référer à l'entreprise privée. Nous qui avons toujours cru à l'entreprise privée, nous, qui, pour plusieurs, avons oeuvré dans ce secteur, ce n'est pas une vérité que nous apprenons. C'est une vérité que nous connaissons et nous nous réjouissons du fait que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, après tant d'années, ou que le Parti québécois, après tant d'années, arrive à la conclusion qu'il faut faire confiance aux gens du Québec, qu'il faut faire confiance aux entrepreneurs qui peuvent faire quelque chose basé sur leurs connaissances et leur dynamisme, à la condition, bien sûr, d'être appuyés par des politiques qui permettent à ce dynamisme de s'exprimer, des choses qu'ils veulent faire et ne pas être brimés par des contrôles et par des réglementations excessives.

Par ailleurs, le ministre nous a cité beaucoup de statistiques selon lesquelles des subventions étaient données de plus en plus. Je me réjouis qu'il y ait des compagnies qui puissent compter sur l'appui de la Société de développement industriel. À compter le nombre d'emplois qui ont été créés, j'ai pensé: Mais comment se fait-il que nous ayons tant de chômage, puisqu'il y a tant d'emplois créés, si je fais l'addition des nombreux nouveaux emplois que nous a cités le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme?

La vérité, M. le Président, c'est qu'indépendamment de la conjoncture économique qui, depuis six mois, est extrêmement difficile, indépendamment de cette conjoncture des derniers six mois, et en tentant de reposer le débat sur une période de temps beaucoup plus longue, il reste que, contrairement à certains de nos compétiteurs, nous avons eu et nous avons encore de la difficulté à nous adapter, il reste encore que nous avons des secteurs beaucoup trop mous et que plusieurs de nos industries manquent de dynamisme.

D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle la Société de développement industriel a été créée en 1971: pour refaire l'industrie du Québec, pour tenter d'aider ceux qui voulaient oeuvrer dans ce secteur. J'aurais espéré que le ministre fasse un bilan de la situation depuis la création de la Société de développement industriel du Québec. Malheureusement, il ne l'a pas fait.

Mais le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui est quand même un projet de loi important qui apporte des orientations nouvelles intéressantes. Malheureusement, le ministre ne nous a pas fourni toute l'information qui aurait pu nous aider à en cerner l'étendue.

Lors de l'étude des crédits en commission parlementaire, M. le Président, j'avais posé plusieurs questions et le ministre nous avait assurés que, lorsqu'il y aurait eu dépôt du projet de loi, nous aurions pu, nous de l'Opposition, avoir en main la réglementation qui nous aurait permis justement de mesurer dans toute leur dimension les nouvelles orientations que le gouvernement veut donner à la Société de développement industriel du Québec.

Je cite M. Biron qui disait en commission parlementaire, en réponse à une question que je lui avais posée: "Je

m'engage, en déposant le projet de loi, à déposer en même temps les règlements pour que vous puissiez voir exactement comment cela va fonctionner." M. le Président, une autre fois nous avons été déçus, une autre fois nous avons été désappointés. Le projet de loi a été déposé, mais la réglementation, que nous sachions, ne sera pas disponible avant la semaine prochaine.

Mais si nous croyons que certaines des initiatives sont bonnes, il aurait fallu, dans ce contexte de difficultés financières pour l'État québécois, que le ministre nous démontre davantage que ces nouvelles orientations sont nécessaires pour pouvoir convaincre la population que ces montants qui seront donnés à l'entreprise privée, que ces montants qui seront donnés soit sous forme de prêts, soit sous forme de subventions ou soit sous forme de garantie de prêts, toute cette aide qui sera donnée, M. le Président, le sera dans le meilleur intérêt possible.

N'ayant pas toute l'information nécessaire, nous avons tenté de cerner la réalité, nous avons tenté de dresser un bilan et, quand même, plusieurs de ces questions, à ce jour, n'ont pas encore eu de réponse. J'ose espérer, lorsque nous rencontrerons le président de la SDI en commission parlementaire, lors de l'étude du projet de loi article par article, qu'on aura l'occasion de répondre à certaines des questions que nous nous posons. En particulier, les questions que nous nous posons sont bien simples: Est-ce que tous les changements suggérés ou tous vos programmes sont nécessaires? Ils peuvent être utiles, mais je demande s'ils sont nécessaires pour assurer la revitalisation de l'industrie québécoise.

Comment tout cela va-t-il coûter? Je crois qu'on a passé le temps où on lançait de nouveaux programmes, où on adoptait de nouvelles lois sans se poser la question à savoir comment cela coûterait dans cinq ou dans dix ans. Malheureusement, nous n'avons pas cette information présentement et nous devrons attendre, encore une fois, que le ministre se fasse un peu plus explicite pour que nous puissions juger de la pertinence des suggestions qui nous sont faites et de la nécessité pour l'État québécois de faire ces dépenses alors qu'il doit couper dans d'autres secteurs des dépenses publiques.

Ce sont les questions que nous avions lorsque nous avons abordé l'étude de ce projet de loi pour pouvoir en mesurer l'étendue. Nous aurions espéré que le ministre eût dressé un bilan qui nous aurait permis de mesurer plus exactement quel progrès a été fait par la Société de développement industriel du Québec depuis 1971, depuis sa formation par le Parti libéral du Québec, alors qu'au début des années soixante-dix, il s'avérait d'ores et déjà nécessaire d'intervenir pour que nous puissions être plus compétitifs par rapport à nos concurrents commerciaux. (20 h 40)

Bien sûr, en 1967, il y avait déjà eu un Office de crédit industriel, mais ce n'est qu'en 1971 que le Parti libéral du Québec a fondé cette société qui a joué un rôle important, je crois, depuis cette date. Même si la société a joué un râle important, il aurait fallu dresser un bilan. Déjà, si ma mémoire est fidèle, en 1974, le gouvernement libéral du temps avait demandé au bureau de Major et Martin de dresser un inventaire des besoins de la société, de dresser un inventaire des outils en place et de mesurer si les sommes dépensées l'étaient à bonnes fins et si les orientations de la SDI ne devraient pas être changées. À la suite de ce rapport, certains changements furent apportés, et j'aurais espéré que la même chose soit faite maintenant pour que les parlementaires, les membres de l'Opposition, les membres du parti au pouvoir, tous et chacun d'entre nous nous puissions mesurer les progrès achevés et mesurer les progrès qu'il nous reste à faire pour que la structure industrielle du Québec puisse être modifiée d'une façon permanente, et ceci pour augmenter sa compétitivité.

M. le Président, il était bien évident, en 1971, qu'il fallait intervenir. Il fallait intervenir parce qu'il fallait créer plus d'emplois, et nous savons tous que la meilleure façon de créer des emplois est d'encourager le développement industriel et d'encourager les implantations manufacturières, car, économiquement parlant, c'est la meilleure façon de créer le plus d'emplois possible et de créer des emplois permanents.

Il y avait aussi une autre raison, c'est que même si l'État québécois ne voulait pas jouer ce jeu de fournir de l'aide, d'aider au financement, il faut reconnaître que nous sommes en concurrence, que l'État québécois ou la province de Québec est en concurrence avec d'autres provinces et avec d'autres pays. Nous savons tous que certaines compagnies, lorsqu'elles décident de s'implanter dans une province, vérifient si les subventions ou l'aide accordée par l'État dans telle province est aussi alléchante ou aussi encourageante qu'une aide qui est fournie dans une autre province.

C'était donc, M. le Président, une autre raison pour fonder la SDI, comme nous l'avons fait à ce moment-là. Il fallait, bien sûr, aider les entreprises qui naissaient, les entreprises qui avaient un grand potentiel, mais qui demandaient d'être appuyées. Par ailleurs, il fallait entrer dans le jeu de la concurrence puisque d'autres États et d'autres provinces fournissaient également une aide.

Par la suite, M. le Président, il y a eu des modifications. En 1971, comme je l'ai

dit, le mandat principal de la SDI était de transformer la structure industrielle du Québec, avec le principe de la sélectivité, c'est-à-dire qu'on désirait encourager ces sociétés et ces industries qui pouvaient décupler l'aide qu'on leur donnait. Par la suite, il y a eu des modifications. En particulier, en 1974, un ajout important fut apporté. Ce fut celui d'encourager la prospection des exportations. D'ailleurs, le ministre l'a souligné. Le gouvernement qui nous dirige maintenant désire mettre davantage l'accent de ce côté-là et je crois que c'est une bonne chose. Mais il faut souligner que, dès 1974, le gouvernement du temps avait jugé utile de modifier l'orientation de la SDI pour lui permettre de jouer un râle dans ce secteur.

En 1979, il y a eu encore quelques modifications. Lorsque ce projet de loi qui apportait des modifications à la SDI est venu à l'Assemblée nationale, M. le Président, le ministre de l'Industrie et du Commerce du temps, un ministre du Parti québécois, a fait un constat non pas d'échec, mais le constat que l'objectif original de la SDI n'avait pas été atteint. Il faut bien se rendre compte -je crois que cela reste encore vrai depuis que la SDI a été fondée et depuis que le Parti québécois est au pouvoir - que le mandat original que nous avons confié à la SDI n'a pas connu tout le succès que nous avions escompté à ce moment-là. Nous voulions transformer la structure industrielle du Québec. Nous voulions la rendre beaucoup plus dynamique. Même s'il y a eu des entreprises qui ont réussi, même s'il y a des succès pertinents dans plusieurs régions du Québec, on ne peut pas dire qu'il y a eu une transformation radicale de l'infrastructure industrielle du Québec.

Ce qu'il faut se rappeler, M. le Président - j'y reviendrai plus tard - c'est que tous ces changements aux orientations de la Société de développement industriel ont été débattus en cette Chambre. Malheureusement, je constate qu'un des changements importants que le ministre apporte dans le projet de loi no 75, c'est justement d'éliminer cette nécessité, qui était dans la loi auparavant, de venir à l'Assemblée nationale pour faire approuver de nouvelles orientations qui seraient confiées à la Société de développement industriel.

Dorénavant, M. le Président, le mandat ou la mission globale de la SDI serait de tout faire pour aider l'économie, en se basant sur des programmes qui seront approuvés par décret par le gouvernement, ce qui empêchera l'Assemblée nationale d'intervenir et ses membres de poser des questions sur le succès ou l'insuccès de ces programmes et sur les dépenses encourues par l'implantation et par le développement des programmes qui ont été mis en oeuvre.

Le ministre n'a pas daigné fournir ce bilan, nous dire quelle évaluation il avait faite, parce que j'imagine qu'il en a fait une. Dans le journal Les affaires du 19 septembre 1981, le journaliste faisait allusion au fait qu'il y avait un comité du gouvernement, formé du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, de l'Office québécois du commerce extérieur, de la SDI et du Secrétariat au développement économique, qui a tenté de faire cette évaluation et de voir quels étaient les succès et les insuccès de la SDI et quelles étaient les orientations qu'on devrait lui donner à l'avenir.

Malheureusement, cette information ne nous est pas disponible et je vous laisse le soin de juger quelle est la transparence d'un gouvernement qui ne permet pas aux mandataires du peuple de porter un jugement sur un aspect extrêmement important du développement économique du Québec. Ce journaliste mentionnait, et je cite - il citait lui-même un porte-parole du gouvernement-: "C'est une remise en question fondamentale de la SDI, en ce sens que le mandat du comité est de revoir en profondeur les objectifs, les opérations et le coût de la SDI." Il mentionnait également: "L'une des raisons qui ont amené le gouvernement à s'interroger sur l'évolution de la SDI vient du fait que l'aide consentie par la SDI a tendance à croître de façon exponentielle et qu'elle représentera des sommes très élevées au cours des prochaines années. "

C'est donc une raison additionnelle de la demande que nous faisons et de la demande que nous aurions dû faire, j'imagine, avant aujourd'hui, mais le ministre n'a pas cru bon de fournir l'information qui aurait été nécessaire pour que les députés puissent jouer leur rôle. C'est justement que cette nouvelle orientation de la SDI fera encourir à l'avenir des dépenses qui iront, d'après cette citation du journal, en augmentant de façon exponentielle.

Justement, lorsque l'on considère les dépenses à la SDI, qui étaient de l'ordre de 25 000 000 $ en 1977 et qui sont au-delà de 100 000 000 $ cette année, je crois que la remarque du journaliste est pertinente. Je crois aussi que l'examen qu'en a fait le gouvernement, mais qui n'a pas été rendu public, était pertinent, mais aurait permis à l'ensemble de la population de juger si les nouvelles orientations qui sont définies par le projet de loi no 75 vont dans la bonne direction et quelle est la dimension financière de cette nouvelle orientation que le gouvernement veut bien donner à la Société de développement industriel du Québec.

Bien sûr, M. le Président, en principe nous sommes pour le développement économique et en principe nous sommes pour une activité plus intense de la SDI si, et je dis bien "si", cette activité accrue de la SDI

est pour atteindre les objectifs que les parlementaires s'étaient fixés en 1971 lorsque la SDI a été fondée. Malheureusement, comme je l'ai dit, il semblerait que certains de ces objectifs n'ont pas été atteints. Même si l'on considère simplement le plan des investissements dans le domaine manufacturier, on se rend bien compte de ce qui s'est passé durant les dernières années. Et, encore une fois, je fais abstraction des six derniers mois puisque, pour la pertinence du débat d'aujourd'hui, je mettrai de côté les problèmes virulents que nous vivons maintenant pour m'en tenir à des statistiques sur une plus longue échelle pour pouvoir mesurer les progrès qui ont été accomplis ou les déficiences de l'activité de la SDI jusqu'à ce jour.

Il faut bien se rendre compte que les immobilisations, de 1972 à 1976, représentaient au Québec 24% de tous les investissements. De 1977 à 1981, nous n'avions plus que 19% de tous les investissements qui étaient faits au Canada. Ces pourcentages sont en fonction des investissements faits au Canada.

Sans parler de la restructuration de l'industrie du Québec, pour lui amener un nouveau dynamisme, il reste qu'en fonction des investissements, le pourcentage des investissements que nous allons chercher parmi tous ceux faits au Canada vont en diminuant. C'est donc dire qu'on peut malheureusement mettre en doute que l'activité économique ou nos efforts, depuis 1971 et depuis 1976, depuis que le gouvernement est au pouvoir, les efforts qui ont été déployés ont été aussi fulgurants que le ministre voulait nous le faire croire il y a quelques instants.

En ce qui concerne les changements dans l'infrastructure elle-même, les changements fondamentaux dans l'industrie du Québec, comme tout le monde le sait, nous avons encore des industries très faibles, malgré certains succès; encore là, il y a un progrès que je ne peux mesurer parce que je n'ai pas toute l'information pertinente. Il y a un progrès extraordinaire qui reste à faire si on veut pouvoir se mesurer aux autres provinces canadiennes et à d'autres États.

Je crois quand même que la SDI a joué un rôle extrêmement utile depuis sa fondation. Elle a aidé certaines sociétés à se développer, à se restructurer. Même si les statistiques globales ne nous permettent pas de nous réjouir, l'ensemble des statistiques, de la rénovation ou du développement industriel du Québec, il n'en reste pas moins que la Société de développement industriel a joué un rôle extrêmement utile et elle continuera à le jouer. La question n'est pas de savoir si la SDI est utile, elle l'est. Est-ce que la SDI a joué un rôle qui a été apprécié de la part des entreprises? La réponse est oui.

La question qui est devant nous présentement, c'est celle-ci: Est-ce que les changements que le gouvernement veut faire, est-ce que l'orientation que le gouvernement veut lui donner, est-ce que les dépenses, qui seront accrues par rapport aux dépenses qui ont été faites dans le passé, seront aussi utiles que le ministre veut bien nous le laisser croire ou si ces dépenses accrues vont permettre d'atteindre les objectifs que nous nous étions fixés en 1971?

À défaut d'une étude qui aurait pu nous être fournie par le ministre, j'ai tenté de trouver quel était l'état de la situation et quelles étaient les nouvelles orientations du gouvernement. Bien sûr, j'en ai trouvé quelques-unes dans Le virage technologique où on fait allusion aux voies de développement, c'est-à-dire aux opportunités. On mentionne, bien sûr, qu'il faudrait profiter davantage des grands projets qui peuvent exister au Canada. À ce sujet, je me suis réjoui de voir, dans Le virage technologique, qu'on s'est rendu compte que le marché canadien est un marché dont nous pouvions bénéficier, que la province de Québec faisait partie du Canada.

Je disais tout à l'heure que le Parti québécois, que le gouvernement était venu assez tard à cette vérité, à savoir que le développement économique passait par l'entreprise privée. Maintenant, en 1982, il s'aperçoit qu'il y a un marché canadien, qu'il y a de grands projets qui se font dans d'autres provinces canadiennes et que nous devrions en profiter. Encore là, je m'en réjouis. Cela a pris beaucoup de temps pour arriver à cette vérité. Nous le savions depuis fort longtemps, mais je crois qu'on peut quand même le noter, c'est un changement important dans la philosophie du gouvernement qui nous dirige.

Dans Le virage technologique, il y a un autre principe extrêmement important. On y dit qu'il serait important, pour assurer le développement économique du Québec, que les activités du gouvernement du Québec et les activités de la SDI, en particulier, soient complémentaires aux activités de développement économique du gouvernement du Canada, et que les activités de la Société de développement industriel soient complémentaires à celles de la Société pour l'expansion des exportations. C'est une vérité tellement élémentaire, M. le Président, que je me réjouis encore une fois qu'on arrive si tard à trouver ce qui semblait évident à tous ceux qui sont de ce côté-ci de la Chambre, mais quand même je crois que ceux qui sont devant nous s'en vont dans la bonne direction et qu'ils vont s'apercevoir que s'ils veulent véritablement jouer ce jeu pancanadien, jouer le jeu de collaborer avec le gouvernement fédéral, ils vont être extrêmement surpris du résultat en ce qui aura trait au développement économique. Puisque, depuis

1976, on a eu tendance à dire que l'État québécois était suffisant par lui-même, qu'il y avait un marché important ici et que les guerres ouvertes qui se pratiquaient entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, et les guerres larvées qui étaient entretenues par le gouvernement qui nous dirige ont amené justement la situation dans laquelle nous nous trouvons maintenant et la situation qui a apporté le genre de statistiques que je vous ai citées tout à l'heure à savoir que, proportionnellement parlant, il y a moins d'investissements qui se font au Québec qu'il ne s'en faisait auparavant, sous l'ancien gouvernement.

Quand même, M. le Président, je me pose des questions puisque si ces nouvelles politiques étaient mises en oeuvre d'une façon continue, je dirais que l'avenir va être très brillant au Québec. Nous savons quand même que ce gouvernement et que le chef du gouvernement ont déjà pris des engagements pour que la prochaine élection soit une élection référendaire sur l'indépendance du Québec. Je me demande, M. le Président, pour combien de temps, pendant combien de temps ce gouvernement va croire au marché canadien, pendant combien de temps ce gouvernement va tenter de collaborer avec le gouvernement fédéral pour assurer le développement économique du Québec alors que, justement, à un moment donné, il devra changer ses violons, tenter de démontrer aux Québécois qu'il faut absolument faire l'indépendance du Québec, qu'il faut absolument arrêter de croire à la collaboration du gouvernement fédéral, et à ce moment, les beaux principes qui sont définis dans Le virage technologique n'existeront plus. M. le Président, quand même, je prends note des bonnes intentions du gouvernement et, bien sûr, ce sont des principes auxquels nous croyons nous-mêmes. J'ose espérer que, pendant un certain temps, le gouvernement tentera quand même de mettre ces principes en pratique et qu'il verra qu'ils donnent de bons résultats.

Dans la partie 1, on remarque, bien sûr, qu'il porte attention au tertiaire moteur. Ayant oeuvré personnellement dans ce secteur, M. le Président, dans un grand bureau de génie-conseil, je me réjouis du fait qu'après tant d'années un gouvernement découvre qu'il est possible de prendre avantage du tertiaire moteur et qu'on puisse fonder un certain dynamisme de l'exportation sur les grands bureaux de génie conseil, sur des gens qui ont fait leurs preuves dans le passé. Il ne faudrait quand même pas laisser entendre que ces gens n'ont pu faire des choses sans une activité ou sans un appui du gouvernement puisque déjà, que l'on songe aux trois ou quatre grands bureaux qui existent présentement au Québec, ces trois ou quatre grands bureaux de génie-conseil réalisent à peu près 25% ou 35% de leur activité à l'étranger et que ceci a été fait à venir jusqu'à maintenant avec une aide extrêmement limitée du gouvernement québécois.

Il reste quand même, il faut le souligner, je crois que ça vaut la peine d'être souligné, qu'en utilisant le tertiaire moteur, il sera possible de faire plus et en apportant une aide au consortium en particulier, avec l'aide des bureaux de génie-conseil et d'autres secteurs du tertiaire moteur, il sera possible de faire plus dans l'avenir que ce qui a été fait dans le passé. Dans la partie no 2, c'est là qu'on parle de la dynamisation de l'entreprise. C'est ce que je disais tout à l'heure, on a constaté soudainement en 1982 que la seule façon de développer l'économie est de faire confiance à l'entreprise privée. M. le Président, on y mentionne différentes activités. On y mentionne l'amélioration de la gestion, l'innovation et la recherche, le marketing et l'exportation et le financement des entreprises. Ce que je voudrais souligner ici, j'y reviendrai, c'est que je crois qu'il est important de situer le projet de loi no 75 et les nouveaux programmes qui seront mis en oeuvre dans un effort de développer davantage l'économie du Québec, à l'intérieur du programme global qui est défini dans Le virage technologique. (21 heures)

M. le Président, on met justement l'accent ici sur la recherche et le développement, on met l'accent sur la nécessité de former des gestionnaires, de former des spécialistes de l'administration, des gens qui vont être capables dans l'avenir de prendre la relève et d'assurer un meilleur dynamisme à l'industrie par rapport à ce qui s'est fait dans le passé. Malheureusement, il faut croire que ce qu'un ministère fait d'une main, il y a un autre ministère ou un autre ministre pour défaire les idées contenues dans ce document Le virage technologique.

Je voudrais, à ce sujet, mentionner une allocution de M. Pierre Laurin, directeur de l'École des hautes études commerciales -c'est tout récent, M. le Président. Au mois de janvier dernier, M. Laurin mentionnait justement que durant les trois prochaines années, alors que l'École des hautes études commerciales à Montréal - et je suis sûr qu'il y a d'autres équivalents dans d'autres parties de la province - est une des écoles ayant la plus grande expansion. Il y avait un rattrapage à faire et, il y a un besoin impérieux de former de plus en plus de Québécois, de plus en plus de Canadiens français pour satisfaire la demande provenant des industries québécoises et des sociétés qui peuvent appartenir à des étrangers, mais qui sont implantées au Québec. Il nous disait, dans cette conférence de presse, que durant les trois prochaines années on a demandé à l'École des hautes études commerciales

d'effectuer des coupures de 3 000 000 $; 3 000 000 $ en trois ans. M. Laurin mentionnait que l'école des HEC était une pionnière de l'enseignement des sciences administratives et qu'elle se situait au coeur du dynamisme et du développement qui est indiscutable, qui doit se faire dans une optique de prise en charge plus rationnelle par le Québec de son économie et de rattrapage de la formation des gestionnaires francophones.

M. le Président, nous sommes tout à fait d'accord et je crois que Le virage technologique mentionne à bon droit que nous aurons besoin de plus de gestionnaires, mais la où la politique du gouvernement fait défaut, c'est qu'on établit un principe dans Le virage technologique et que, d'un autre côté, le ministre de l'Éducation se permet de couper les fonds justement à une institution qui est extrêmement importante, qui est, qui a été et qui demeurera extrêmement importante pour assurer le développement économique du Québec. Et Pierre Laurin de continuer: "II y a quelques années, le gouvernement québécois a reconnu comme prioritaire le rattrapage à faire dans la formation des gestionnaires francophones. Divers programmes économiques et des aspects cruciaux de sa législation linguistique en témoignent. Or, ce mouvement de rattrapage, même s'il est bien amorcé, est loin d'être achevé." Il concluait ainsi: "Ces données sont éloquentes. Beaucoup reste donc à faire. L'opération de rattrapage a été bien amorcée, mais elle est gravement compromise par les nouvelles compressions budgétaires."

M. le Président, d'une main, on écrit dans Le virage technologique des principes honorables et, de l'autre côté, on coupe les vivres à une institution comme les HEC qui seraient en mesure de permettre à la PME québécoise et à l'industrie québécoise de compter sur des administrateurs compétents et sur des gestionnaires qui pourraient, dans l'avenir, assurer un meilleur dynamisme.

Ceci n'était pas suffisant, M. le Président. Les coupures dont je fais état ont été faites dans à peu près toutes les universités du Québec et au moment même - ce qui est assez curieux - où le ministre d'État au Développement économique faisait connaître Le virage technologique, ce livre rempli de très bons principes qui ne pourront être suivis ou de bons programmes qui ne pourront être réalisés parce qu'ils ne sont pas appuyés par des moyens financiers ou que les principes vont être brimés par des coupures dans les universités. Le Conseil des universités, justement la même journée, émettait un avis au ministre de l'Éducation pour s'en prendre à ces coupures aux universités et demandait fortement que, pour l'année en cours, le gouvernement et le ministre de l'Éducation rétablissent des subventions de l'ordre de 30 000 000 $. D'ailleurs, il y a eu plusieurs commentaires à cet effet, M. le Président. Lise Bissonnette, en particulier, a parlé, dans le Devoir, du sabotage des universités, lorsqu'on met en lumière ces coupures qui sont faites dans les universités et qui affectent, d'une façon tout à fait spéciale, les secteurs qui sont en développement. Je ne vous apprendrai rien, M. le Président, si je vous dis que la façon de financer les universités est ainsi faite qu'elle décourage les facultés ou les écoles qui sont en pleine expansion. Autrement dit, plus vous avez de nouveaux élèves, moins vous recevez d'argent. À ce moment-là, les nouvelles méthodes de financement et les nouvelles coupures budgétaires vont affecter d'une façon toute spéciale les secteurs qui sont en pleine expansion. Quels sont ces secteurs qui sont en pleine expansion? J'ai appelé, cet après-midi, le Conseil des universités et on m'a dit que, d'une façon générale, dans les universités québécoises, les secteurs qui sont en pleine expansion sont ceux de l'administration, entre autres à l'université du Québec et aux HEC, et, d'autre part, l'informatique.

Vous voyez, M. le Président, que les beaux principes définis dans Le virage technologique et auxquels le ministre se référait tout à l'heure, ces beaux principes et ces beaux programmes vont être mis de côté complètement par le gouvernement, puisque les coupures qui sont faites dans le secteur universitaire ne permettront pas justement à des organismes tels que les Hautes études commerciales et l'Université du Québec de jouer le rôle qu'ils devraient jouer, justement pour assurer le développement économique du Québec et pour former les jeunes dont nous aurons besoin dans des secteurs aussi vitaux que l'administration, le secteur technologique et l'informatique en particulier.

Je crois que j'en ai assez dit là-dessus. Ce que le ministre d'État au Développement économique appelle Le virage technologique, il y en a quelques-uns parmi nous qui appelons cela Le "mirage" technologique. C'est un beau mirage, c'est un beau portrait qui devrait se réaliser de 1982 à 1986, mais, à cause de toutes ces coupures qui sont faites à gauche et à droite, on sera en très grande difficulté pour atteindre les objectifs et pour réaliser les programmes qui sont définis dans Le virage technologique. Cela ne permettra pas, malheureusement, à la Société de développement industriel du Québec de jouer le rôle qu'elle devrait jouer normalement.

M. le Président, je crois que j'en ai assez dit pour vous illustrer que l'État québébois a des besoins grandissants, que l'État québécois a fait des efforts depuis dix ans, avec la fondation de la Société de développement industriel du Québec, pour

fournir une aide financière, pour créer des programmes qui permettraient à certaines industries de se développer, et, de fait, il y a eu des succès. Mais on doit se rendre compte qu'aujourd'hui la situation est encore difficile et que notre position est précaire face à la concurrence internationale. Ce qui est pire, M. le Président, c'est que ces coupures qui sont faites dans le secteur universitaire ne nous permettront pas, malheureusement, de réaliser les programmes qui sont définis dans Le virage technologique.

Quand même, je dois dire en toute justice pour le gouvernement que les propositions qui sont devant nous ce soir, en ce qui concerne le projet de loi no 75, sont un des aspects définis dans Le virage technologique. Je dirais que c'est peut-être le seul secteur où le gouvernement a donné suite à ses intentions. En ce qui a trait à tous les autres secteurs que j'ai mentionnés tout à l'heure - l'amélioration de la gestion, l'innovation et la recherche, le marketing et l'exportation - la SDI pourra apporter une certaine aide de ce côté-là, mais je crois que les coupures extrêmement sérieuses qui sont faites dans le secteur universitaire vont handicaper considérablement le travail que la SDI pourrait faire.

M. le Président, je crois que les efforts de la SDI auront une certaine utilité. Lorsque nous serons en commission parlementaire, nous nous permettrons de faire certaines recommandations, mais je voudrais d'ores et déjà, puisque nous sommes en deuxième lecture, exprimer certains avis sur certains des changements qui sont faits dans ce projet de loi. (20 h 10)

D'une part, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, on enlève à l'Assemblée nationale ce pouvoir qu'elle avait d'approuver les changements d'orientation de la SDI. Il y en a eu des changements, je l'ai dit, depuis la fondation en 1971. Il y a eu des changements importants en 1974 et en 1979. Si vous regardez la loi actuelle, on se rend compte que les objectifs ou les programmes qui étaient approuvés, comme l'a dit le ministre tout à l'heure, l'étaient par l'Assemblée nationale.

D'ores et déjà, avec le changement qui est devant nous, cette possibilité pour les parlementaires de s'exprimer lorsqu'il y aura des changements à la SDI disparaît. On dit justement, à un des articles les plus importants: "Cette société a pour fonction d'administrer des programmes d'aide financière conformément aux objectifs économiques définis par le gouvernement." C'est donc dire que, dorénavant, le gouvernement n'aura pas à revenir à l'Assemblée nationale. Les nouveaux programmes seront approuvés par le gouvernement et le gouvernement n'aura plus à revenir à l'Assemblée nationale pour les faire approuver.

C'est donc surprenant, d'une certaine façon, que ces changements viennent du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme puisque lui-même, lorsqu'il était chef de l'Union Nationale - je me réfère à un débat qui a eu lieu le 18 mai 1979 -mentionnait qu'il était important pour l'Assemblée nationale et pour la députation d'une façon générale de jouer un rôle accru face aux sociétés d'État. Le 18 mai 1979, il disait, à titre de chef de l'Union Nationale: "C'est non sans satisfaction que nous avons constaté l'accueil unanime de tous les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale à notre requête de mettre sur pied dans les plus brefs délais une commission permanente de la Législature nationale pour mieux surveiller le fonctionnement et la performance de nos sociétés d'État." Le reste de la discussion, lors de cette journée, allait dans le sens qu'il était important pour les parlementaires d'influencer d'une façon plus pertinente les orientations du gouvernement.

D'ailleurs, le rapport du député de Trois-Rivières allait dans le même sens et le rapport qu'il a fait au gouvernement contenait justement des recommandations sur les mille et une façons de revaloriser le travail des parlementaires. On se rend compte que, dorénavant, ce sera chose du passé. C'est peut-être une des dernières fois que le gouvernement aura à revenir à l'Assemblée nationale puisque, d'ores et déjà, une fois que ce projet de loi sera approuvé, il ne sera plus nécessaire de revenir ici puisque les nouvelles orientations seront définies par le gouvernement sans aucun besoin de revenir à l'Assemblée nationale pour en discuter.

Par ailleurs, il y a d'autres changements. Je vois qu'on a défini les différentes aides et le financement. On a fait une distinction entre l'aide apportée aux entreprises et le financement comme tel, et nous aurons des remarques à faire puisque, dans ce qu'on appelle l'aide, on a inclus dans cet article les acquisitions d'actions qui seront faites par la SDI. À ma connaissance, s'il s'agit d'une aide, c'est-à-dire d'une subvention, je crois qu'il serait tout à fait farfelu d'indiquer dans le bilan de la SDI que ces actifs sont véritablement des actifs puisque le gouvernement semble prétendre que les achats d'actions qui seront faits à certains moments ne seront pas des actifs, mais plutôt une aide, c'est-à-dire une forme de subvention.

Nous aurons d'autres commentaires à faire puisque l'article 3, en particulier, apporte un changement à l'article 12 qui semble permettre à la SDI de déterminer elle-même si une aide sera accordée ou non. Alors que, auparavant, le texte disait d'une façon très précise que la SDI déterminait

l'aide qu'elle entendait accorder, on lit maintenant qu'elle peut déterminer l'aide. On se pose des questions à savoir si cette nouvelle formulation amènera un jugement arbitraire de la part de la SDI et ne permettra pas à des influences politiques de se manifester puisque la SDI, d'après le nouveau projet de loi, pourra refuser cette aide en dépit des programmes existants, ce qui n'était pas le cas jusqu'à maintenant, d'après le texte du projet de loi existant.

J'ai tenté de cerner ce que la SDI aurait pu faire jusqu'à maintenant. Le projet qui est devant nous, semble-t-il, permettra à la SDI de jouer un rôle accru, d'après la faible information que nous avons eue lors de l'étude des crédits. Nous aurions voulu, bien sûr, avoir le dépôt de la loi pour pouvoir en mesurer toute l'étendue. Avec le peu d'information que nous avons présentement, nous disons que nous sommes d'accord sur le principe puisqu'il est important que la SDI continue à jouer le rôle qu'elle a joué jusqu'à maintenant. Nous aurions voulu avoir plus d'information puisque, en créant de nouveaux programmes, nous allons augmenter les dépenses du gouvernement. Je crois que, d'ores et déjà, le temps est terminé où il nous fallait accepter de nouveaux programmes sans en scruter les coûts et sans nous assurer que les dépenses étaient faites dans le meilleur intérêt des contribuables.

M. le Président, je vous laisse là-dessus. Nous sommes d'accord avec le principe du projet de loi et j'ose espérer que l'étude que nous ferons en commission parlementaire, puisque le ministre nous a assuré que le président de la Société de développement industriel y sera présent, nous permettra d'avoir l'information additionnelle et que cela nous permettra, avant de faire la troisième lecture, de nous convaincre que les changements à apporter à la SDI sont dans le meilleur intérêt du Québec.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay et adjoint parlementaire au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Roland Dussault

M. Dussault: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir, évidemment, que j'interviens ce soir sur le projet de loi no 75, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement industriel dont le titre deviendra, après l'adoption, Loi sur la Société de développement industriel du Québec.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention le député d'Outremont. J'ai remarqué que, chaque fois que les députés de l'Opposition demandent d'avoir les règlements, on doit comprendre qu'ils n'ont rien à dire de très négatif sur le projet de loi. Comme ils n'ont rien à dire, ils demandent des règlements. J'ai remarqué cela depuis cinq ans que je suis ici à l'Assemblée nationale. C'est une constante, M. le Président.

J'ai remarqué aussi, évidemment, le contraste énorme entre le langage du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qui est un langage de confiance, un langage de protection de l'emploi et de création d'emploi, et le langage du député d'Outremont, qui est un langage de pessimisme, un langage d'éteignoir. J'espère qu'il n'y a pas beaucoup d'hommes et de femmes d'affaires qui ont écouté le discours du député d'Outremont, parce qu'il n'a pas dû les relever de leurs difficultés, s'ils en ont, par ce langage. On sait que la situation économique est difficile, mais si on ne prend pas notre affaire en main, si on ne pose pas des gestes au jour le jour, on n'en sortira pas. On apprécierait donc, une fois pour toutes, que le parti d'en face appuie les politiques gouvernementales sur le plan économique, parce qu'il est important d'avoir des mesures qui aident la petite et moyenne entreprise.

On nous a encore raconté toutes sortes d'histoires sur les politiques gouvernementales quant à l'entreprise privée, quant au marché économique canadien. Je voudrais dire au député d'Outremont que la meilleure preuve que nous croyons au marché économique canadien, c'est que nous voulons une association économique avec le reste du Canada et nous le disons depuis 1968. Il n'y a pas de meilleure preuve que nous croyons à ce marché économique canadien.

Mais nous savons aussi que, dans un rayon de 100 milles de Montréal, au sud particulièrement, il y a 50 000 000 de personnes qui pourraient acheter des produits du Québec. On est réaliste et on pense qu'il y a quelque chose à regarder là. Dans Bâtir le Québec, phase 1, on reconnaissait qu'il fallait attacher énormément d'importance à la petite et moyenne entreprise. On essaie encore, ce soir, de faire croire à la population que nous ne croyons pas à l'entreprise privée. C'est une grosse farce chaque fois, M. le Président. Je ne voudrais pas sortir de moi-même, M. le Président; je vais essayer de revenir, le plus possible, au projet de loi no 75. Vous savez ce qui arrive quand ces gens-là me font sortir de moi-même? Je leur rappelle des choses qui sont désagréables pour eux, d'ailleurs, M. le Président.

Une voix: Un exemple!

M. Dussault: Un exemple, les 750 000 $ de Régis Trudeau qui sont dans leur caisse électorale.

Des voix: Ah!

M. Dussault: Les fonds olympiques, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Dussault: Ceci dit, M. le Président, le projet de loi no 75, c'est une autre action gouvernementale indicatrice de la détermination du gouvernement du Québec de s'impliquer, à la mesure de ses moyens, bien sûr, dans les limites de ses prérogatives aussi, dans le développement économique du Québec, en donnant à la population québécoise les meilleurs moyens d'intervention pour développer l'économie québécoise.

Ce projet de loi no 75 qui, en fait, est une réforme de la loi de la SDI, est un geste de confiance à l'égard d'un instrument qui a fait beaucoup déjà, qui a fait bien des choses, qui les a bien faites, selon les objectifs qui étaient confiés à la Société de développement industriel. Les meilleurs exemples, encore récents, ce sont des aides très concrètes que nous avons apportées, par exemple, à Usinage Raymond, dans le comté de Duplessis, à Sept-Îles. C'est un atelier d'usinage qui, grâce à une implication financière de 119 000 $, a sauvé une centaine d'emplois et en a créé une dizaine en plus. Chez Duchesne & Fils, dans le comté de Maskinongé - vous savez, c'est un comté de nos amis d'en face - on a créé, par une implication financière de 144 000 $, 40 emplois. Il s'agit d'une manufacture de matériaux de construction. (21 h 20)

Un autre exemple, les Industries F. P. Inc., fabriquant de chaudières dans Richmond - un autre comté des gens d'en face - avec 64 000 $ on a réussi à créer 21 emplois.

Un autre exemple - ce sera le dernier parce que je ne voudrais pas passer mon temps à ne faire que ça - Rodrigue & Frère, une scierie dans Montmagny - c'est le comté d'un de nos collègues qu'on aime bien, à part ça - 200 000 $ ont permis de créer 50 emplois.

Ce sont des gestes concrets, la SDI était un instrument valable, on en a des preuves, mais on voudrait que ce soit encore plus valable grâce au projet de loi no 75 et on va lui demander de faire plus, selon une nouvelle orientation et grâce à un élargissement de son champ d'action.

On me dit que je parle trop vite, on me connaît pour être quelqu'un qui parle vite. Dans le domaine économique, la plus grande qualité qu'on peut avoir et qu'on doit avoir, c'est la capacité d'adaptation aux réalités nouvelles, que ce soient les dynamismes ou les difficultés, il faut savoir s'adapter.

Quand le député d'Outremont nous reproche de sortir la SDI de l'obligation de revenir devant l'Assemblée nationale, c'est justement une façon de faire en sorte qu'il n'y ait pas de lourdeur quant à l'adaptation aux nouvelles circonstances. On demandera donc à la Société de développement industriel, dans le cadre de l'évolution de l'économie et dans l'ensemble des activités économiques que le gouvernement a identifiées ces dernières semaines, de répondre aux besoins de la clientèle de façon complémentaire à l'action des institutions financières privées et en ne faisant pas double emploi avec les autres programmes gouvernementaux.

Le projet de loi no 75 donne un nouveau mandat à la SDI. Cette société, c'est connu, aidait des entreprises des secteurs manufacturiers par certains programmes de financement. Maintenant, on voudrait que la SDI s'implique plus profondément par des actions dans des cadres d'activités de financement, bien sûr, mais aussi de développement. Ainsi, du côté financement, le secteur financier privé continuera à jouer son rôle comme il se doit parce qu'on y croit à ce rôle, mais la SDI devra continuer aussi à s'impliquer là où les institutions financières ne s'impliquent pas. Par exemple, dans le démarrage d'entreprises, il arrive parfois que certaines entreprises ne puissent pas offrir des garanties suffisantes, mais on sait que la rentabilité est là.

Dans certaines régions aussi, la concurrence des institutions financières privées est trop faible, ce qui ne crée pas le dynamisme qu'il faut pour qu'il y ait un intérêt à prêter à des entreprises. L'implication de la SDI sera soit sous forme de prêts selon le taux du marché, soit sous forme de garanties de remboursement auprès des institutions financières privées, soit par l'acquisition de capital-actions, minoritaire bien sûr. Il est sûr que la SDI prendra plus de risques que les institutions privées, mais toujours en ayant des objectifs de rentabilité, M. le Président.

Du côté du développement, la SDI deviendra le gestionnaire d'une programmation appropriée aux besoins des clientèles par des programmes d'aide financière au secteur manufacturier, au secteur touristique et au secteur du tertiaire moteur. Le ministre a expliqué ce que veut dire cette nouvelle notion. Tout ça doit se faire toujours dans la recherche de l'efficacité.

La SDI, côté développement, le fera principalement par de l'aide à l'investissement, mais aussi par de l'aide à l'exportation de biens et de services. Notre marché est un petit marché, il faut en être conscient. C'est pour ça que nous y croyons, au marché canadien et au marché américain, c'est parce que nous prenons conscience que notre marché est un marché de 6 000 000

et que nous pouvons briser ces barrières en tablant sur les marchés extérieurs.

Pour ce qui est de l'investissement, il s'agira d'une aide sélective, mais qui privilégiera les priorités industrielles, comme, par exemple, les grands projets. On en a parlé, tout le monde parle de ça ces temps-ci, les secteurs industriels prioritaires, le secteur tertiaire moteur, comme je le disais, et les nouvelles technologies. Ce sera donc une aide, une intervention, une implication très significative.

Dans ce domaine du développement, ça pourra prendre la forme de subventions ou de prises en charge des intérêts, comme cela se fait présentement, totalement ou en partie, ou d'exemptions de remboursement, mais le tout encadré par des critères d'admissibilité où la rigueur s'imposera plus que jamais. Il s'agira de mettre du poids sur la bonne gestion, les efforts de recherche et de développement, l'organisation de la commercialisation et les possibilités offertes par les marchés extérieurs. Laissant à d'autres de mes collègues le soin de s'étendre davantage sur d'autres aspects importants de la loi 75, j'insisterai sur l'exportation. Il sera d'ailleurs plus facile de saisir l'importance de la réforme de la loi d'aide au développement industriel en faisant ressortir ce qu'elle rendra possible en termes d'aide à l'exportation.

Le programme d'aide à l'exportation, par sa nouvelle orientation, met l'accent sur l'ouverture de nouveaux marchés, sur la mise en place de structures permanentes pour la fonction exportation, la formation d'un consortium d'exportation et la participation à des contrats majeurs. Le volet formation d'un consortium a été élargi pour l'étendre aux entreprises de services. De plus, le consortium pourra viser le marché canadien en dehors du Québec. Conformément à la volonté gouvernementale, ce volet deviendrait prioritaire.

Le volet crédit prospection proposé est modifié notamment pour favoriser davantage la PME. Ainsi, la SDI pourra, sous forme de prêts à taux réduit pour les deux premières années, financer jusqu'à 80% des dépenses encourues par les PME pour pénétrer un marché étranger. Quant aux contrats majeurs à l'extérieur du Québec, ils représenteront un potentiel très important au cours de la décennie. C'est un volet spécial qui est proposé pour appuyer, par des garanties de prêt, les entreprises québécoises afin de leur permettre la réalisation de grands projets à l'extérieur.

La SDI pourra agir à titre de mandataire pour le compte d'un consortium d'exportation quand il s'agira de projets "Clé-en-main". La SDI, en terminant, devrait continuer d'offrir du financement de dernier recours aux entreprises exportatrices.

Ce sont donc les quatre volets fondamentaux du projet d'aide à l'exportation. La nouvelle programmation en matière d'exportation permettra de rejoindre une nouvelle clientèle principalement composée de PME - on y revient toujours parce que c'est pour nous un leitmotiv, c'est une obsession, la PME - visant à exporter sur de nouveaux marchés, à titre individuel ou à titre de partenaire, dans un consortium.

Pour ce qui est des modalités du programme, plus spécifiquement sur la formation des consortiums, je voudrais dire que la réforme et ce programme à l'exportation permettront à la société de jouer un rôle de catalyseur sur le plan financier afin de regrouper des entreprises qui désirent promouvoir et vendre des biens et des services sur les marchés à l'extérieur du Québec.

Un encadrement quant à l'admissibilité rendra sécuritaire l'implication de la Société de développement industriel dans la formation de consortiums et évitera ainsi l'existence réelle de conflits d'intérêts. Ainsi, s'impliquant sous la forme de capital de risque, la société ne devra pas détenir une participation majoritaire dans un consortium. L'aide financière de la SDI a pour but de faciliter le démarrage d'un consortium. La SDI serait donc présente au conseil d'administration dans tous les cas.

Lors de l'étude de chacun des dossiers, la SDI s'assurera du potentiel de marché des produits et, au besoin, exigera une étude de marché. Elle s'assurera aussi qu'il s'agit d'un projet bien structuré, détaillé et réaliste pour ce qui est notamment de la gestion du consortium, de la politique financière et du budget, de la localisation du ou des bureaux au Québec et à l'étranger et des perspectives de rentabilité du consortium.

Le deuxième volet du programme concerne le crédit prospection qui, quant à lui, incitera et aidera les entreprises manufacturières à pénétrer de nouveaux marchés étrangers ou à offrir de nouveaux produits sur des marchés existants. Seraient admissibles à ce programme les entreprises ayant une place d'affaires au Québec dont au moins 50% des emplois canadiens sont au Québec et qui exportent des biens fabriqués au Québec. De plus, l'entreprise doit avoir fait ses preuves sur le marché local ou étranger en ayant effectué des ventes pendant deux ans au minimum.

La SDI offrira de financer sous forme de prêts une partie des coûts de pénétration et d'implantation sur des nouveaux marchés et sera remboursée en fonction de ventes réalisées sur ces marchés. Une exemption de remboursement d'une partie du solde du prêt pourrait même être accordée dans certaines circonstances.

Comme pour le volet précédent, l'aide sera encadrée par des conditions longues à énumérer, ce n'est pas la place d'en faire

l'énumération, on aura l'occasion d'en prendre connaissance. Je voudrais dire, sur le remboursement de crédit, que le crédit prospection sera remboursable sur une période de cinq ans commençant à la fin de la période de prospection et les intérêts sur nos avances seront payables mensuellement, à compter du début de la période de prospection. (21 h 30)

Je voudrais dire, en terminant, sur ce volet, que la SDI consultera l'Office québécois du commerce extérieur sur les projets de crédit-prospection selon des modalités à déterminer. Il va de soi que les différents intervenants se concertent. Les contrats majeurs à l'extérieur, qui sont, en fait, le troisième volet de ce programme à l'exportation, favoriseront l'obtention de contrats majeurs à l'extérieur du Québec qui comportent des retombées importantes pour l'économie québécoise. Serait admissible évidemment l'entreprise ou le consortium tel que défini au programme de formation de consortiums. L'aide aurait lieu sous forme de garantie de prêt offerte en faveur d'institutions financières avec l'aval du gouvernement du Québec.

Le quatrième volet du programme serait le crédit à l'exportation. Ce programme comprend en fait deux objectifs importants: d'abord, celui d'offrir du financement de dernier recours aux entreprises exportatrices; deuxièmement, aider les entreprises québécoises à établir un courant d'exportation, parce qu'il faut établir un courant. Cela commence comme cela. La SDI pourrait participer au financement de toute transaction ayant pour objet l'exportation de biens et de services produits au Québec. L'aide serait offerte aux entreprises qui n'arrivent pas à obtenir un crédit suffisant auprès des banques pour financer leur exportation.

Quant au deuxième objectif, celui d'aider les entreprises québécoises à établir un courant d'exportation, seraient admissibles à ce programme les entreprises ayant une place d'affaires au Québec, dont 50% des actionnaires sont domiciliés au Québec, et qui exportent des produits fabriqués au Québec. On exigerait, de plus, que l'entreprise ait fait ses preuves sur le marché local ou extérieur en ayant effectué des ventes pendant deux ans au minimum. La forme d'aide que cela pourrait prendre serait que la SDI puisse soit faire un prêt à terme à la compagnie mère ou encore investir du capital-actions, soit dans la compagnie-mère ou encore dans la filiale étrangère.

M. le Président, tout comme un individu, à mesure qu'un peuple prend conscience de son potentiel et des contraintes qui s'opposent à son développement, s'il a confiance en lui - nous faisons, nous, confiance au peuple québécois, c'est le cas du Québec qui a confiance en lui aussi - il est inévitable qu'il cherche à abolir les barrières, celles qui restreignent son action, qu'il cherche à se munir de meilleurs moyens, s'il peut compter sur des ressources très grandes. Le marché québécois est restreint: 6 000 000, je le disais tout à l'heure. Les activités d'exportation peuvent en élargir les limites. Plus de 50 000 000 de personnes vivent dans un rayon de 100 milles, comme je le disais. Pour nous, c'est très important. Elles doivent, pour ce faire, compter sur une aide significative. Ce n'est pas avec des bebelles qu'on va y arriver, il faut y aller substantiellement. Il faut surtout avoir les moyens les plus appropriés, les plus efficaces pour cela. La Société de développement industriel, grâce à la réforme et au programme d'aide à l'exportation que la réforme rendra possible et que je décris dans ces grandes lignes, sera le canal le plus approprié pour fournir à l'entreprise une aide conforme à ces attentes. Ce qui manquera, bien sûr, pour rendre la SDI tout à fait conforme aux attentes, c'est le guichet unique où, elle, la SDI pourra être une des composantes de la maison régionale de l'industrie où se concrétisera cette notion de guichet unique et qui a fait l'objet encore tout récemment d'une tournée du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

Dans l'exercice de ma fonction d'adjoint parlementaire, il ne se passe aucune occasion où des hommes et des femmes d'affaires du Québec n'en profitent pour leur faire part de leurs doléances à l'égard de trop nombreuses sources d'aide. Ce n'est pas sur le fond de l'aide qu'ils en ont, c'est sur le fait qu'elle est diffuse. On doit aller la chercher ici et là. À la maison régionale de l'industrie, la remise à la SDI de la gestion de programmes sectoriels et l'introduction dans ces maisons régionales de services de la SDI régleront une part respectable des problèmes d'éparpillement du monde des affaires intéressé à l'aide gouvernementale. Malheureusement, les gens d'affaires n'en seront pas au bout de leurs peines, étant donné l'existence d'un aussi grand nombre de programmes fédéraux qui visent souvent les mêmes fins, sinon les mêmes personnes, ce qui a pour effet de créer beaucoup d'inefficacité dont l'entreprise fait nécessairement les frais, donc l'économie québécoise et les emplois qui en découlent.

À voir aller le gouvernement fédéral, il est clair que la recherche de solutions à ce problème reposera entre les mains des électeurs québécois, un de ces jours prochains, parce qu'un de ces jours prochains, il y aura une majorité de Québécois qui verra que c'est du côté de la souveraineté, bien sûr avec la meilleure collaboration possible de ceux qui nous entourent sur le plan économique plus particulièrement, mais viendra un jour, M. le Président, où les

Québécois verront que c'est en se prenant en main totalement qu'on peut arriver à des résultats, parce qu'on influencera les choses où c'est fondamental.

Au-delà de ces problèmes découlant des juridictions, M. le Président, ce qui préoccupe le gouvernement du Québec, c'est de donner satisfaction aux agents économiques intéressés. Le projet de loi no 75 a été préparé dans la foulée de cette préoccupation. Aussi, j'ai la conviction qu'en plus de conditionner le plus positivement possible le développement économique du Québec, le projet de loi no 75 va aider les hommes et les femmes d'affaires à assurer ce développement avec le plus de facilité possible. Je me permets d'espérer que cela les aidera particulièrement à s'arrimer aux grandes orientations - je pense particulièrement à Bâtir le Québec 2 et au virage technologique - que notre gouvernement considère comme celles qui garderont le Québec dans le courant moderne de la fin du XXe siècle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant de vous accorder la parole, M. le député de Viger, j'ai une question de règlement de la part du député de Rousseau. M. le député.

M. Blouin: M. le Président, question de règlement. En vertu de l'article 100, le député de Châteauguay me permettrait-il de lui poser une brève question?

M. Dussault: Sûrement, M. le Président. Je dois vous dire que ce n'est pas une question plantée. Je ne savais pas, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Au début de son exposé, M. le Président, le député de Châteauguay a abordé un sujet qui est fort intéressant et je voudrais qu'il me précise - parce que je ne suis pas parfaitement au courant de tout cela - si les intérêts accumulés sont compris dans les 750 000 $ d'argent louche qui est toujours présent dans la caisse libérale et qui provient de Régis Trudeau et associés.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, puisque la question est posée - je n'aurais pas voulu revenir là-dessus, je sais que j'agace beaucoup les gens d'en face et ils ne m'aiment pas beaucoup à cause de cela et ils me le rendent bien - je dois dire que les 750 000 $ dont il était question n'incluent pas les intérêts puisque, quand on les calcule, on en arrive maintenant à tout près et même au-delà de 1 500 000 $, M. le Président.

Des voix: Oh non!

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Viger, la parole est à vous.

M. Maciocia: Merci, M. le Président. M. Bissonnet: Vas-y!

M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Dans le projet de loi no 75, dans les notes explicatives, on lit: "Ce projet de loi a pour but d'élargir le champ d'action de la Société de développement industriel du Québec qui pourra dorénavant oeuvrer non seulement dans le secteur manufacturier, mais aussi dans le secteur touristique et dans le secteur tertiaire moteur."

M. le Président, ce n'est pas seulement en l'incluant dans le projet de loi no 75 qu'on peut vraiment s'occuper du secteur touristique à l'intérieur du Québec, quand il y a un manque de volonté de la part du gouvernement de faire vraiment de la promotion touristique ici au Québec.

M. le Président, à l'étude des crédits la semaine dernière, on a vu que, dans la promotion touristique, encore cette année, le gouvernement du Québec y alloue une somme d'environ 11 000 000 $ ou 12 000 000 $. Si on regarde cet effort per capita ici au Canada en comparaison avec les autres provinces, on s'aperçoit que le Nouveau-Brunswick dépense 7,29 $ per capita, la Colombie britannique 5 $, l'Alberta 3,49 $, l'Ontario 2 $ et le Québec seulement 1,29 $. C'était en 1981-1982.

M. le Président, cette année, l'effort du Québec va passer de 1,29 $ à 1,70 $, mais il faut dire aussi que les autres provinces vont augmenter leur effort dans la promotion touristique ici au Québec. Mais, que ferons-nous, M. le Président, pour rattraper les autres provinces dans le domaine touristique? Quand ferons-nous l'effort nécessaire, M. le Président, pour prendre notre juste part à l'intérêt du marché touristique canadien? Le ministère a la charge et le devoir de fournir un appui aux intervenants du milieu touristique. Il a cette charge, car s'il y a une industrie qui rencontre les critères de la PME, c'est bien l'industrie touristique. L'industrie touristique est l'industrie la moins concentrée. C'est l'industrie qui se présente sous la forme la plus fractionnée, celle qui se compose de multitudes de petites unités de production, restaurants, motels et terrains de camping. (21 h 40)

Combien de ces entreprises sont des entreprises familiales, où une famille

québécoise tente, malgré l'incurie du ministère et les embûches sans nombre semées par les diverses réglementations et le noeud coulant des impôts, de prospérer honnêtement en faisant valoir les qualités de notre patrimoine?

M. le Président, ce n'est pas en l'incluant dans le projet de loi no 75 qu'on peut résoudre ce problème, mais ces entreprises familiales sont justement trop petites pour pouvoir s'assurer elles-mêmes des services, des prévisions et de la planification à long terme. Elles doivent, pour planifier leur gestion, obtenir des chiffres précis.

Comment planifier, M. le Président, si l'on ignore l'achalandage touristique au Québec? Comment planifier, si on navigue dans le noir? Il suffit de regarder quelques articles de journaux des dernières années. On lisait dans le Devoir, le 4 mai 1979: "II est plus facile de faire le tour du monde que d'aller en Gaspésie ou même d'obtenir des informations sur le tourisme." On lisait dans le Soleil du 12 septembre 1981: "Rapports discordants sur l'affluence des touristes au Québec." Dans le Devoir encore du 22 décembre 1981, on lisait: "Les statistiques sur le tourisme sont difficilement utilisables." Dans le Soleil du 17 février 1982, on lisait: "Les hôteliers contredisent la Communauté urbaine de Québec."

M. le Président, cela fait trois ans que cela dure. Il n'existe actuellement aucun système valable de collecte de données pour l'industrie touristique. Comment peut-on planifier, prévoir, administrer une entreprise sans les données fondamentales?

J'ai ici un article qui vraiment tombe pile dans ce domaine. Il a été écrit le 22 mars 1982 dans la Voix de l'Est. Je le lis: "Le Québec doit suivre l'exemple de l'Ontario. Le ministre Biron prétend relancer l'industrie du tourisme en mettant l'accent sur la nécessité pour les Québécois de visiter le Québec pour le mieux connaître. Mais ce n'est pas là la seule condition du succès de cette industrie. "D'ailleurs, le fameux Tour du Québec se révèle une faillite lamentable. Le gouvernement a beaucoup investi à ce propos depuis quelques années et les Québécois n'en ont pas moins continué à se rendre en Floride en hiver et aux États-Unis ou en Europe durant la saison estivale."

Je continue, M. le Président: "Ce que ce ministère néglige surtout, ce sont les touristes étrangers qui bon an mal an voyagent, mais ne viennent pas au Québec. Ils préfèrent les autres provinces et, en particulier, l'Ontario où ils sont reçus les bras ouverts."

M. le Président, il faut se poser la question: Pourquoi? Et le journaliste continue: "Simplement parce que le ministère ne se donne pas les outils nécessaires pour les attirer. Comme le disait un récent conférencier, nos fonctionnaires ont une vision trop régionaliste du tourisme. En ce domaine, comme dans bien d'autres, le Québec se fait facilement damer le pion par l'Ontario. Donc, les agences à l'étranger sont fort bien organisées et surtout dirigées par des gens des pays où elles sont établies et cela, contrairement au Québec qui préfère y envoyer des fonctionnaires québécois. D'où l'importance des salaires dans le budget du tourisme et aussi l'absence de moyens d'action appropriés. "Environ 5 000 000 $ ou 6 000 000 $ des 8 000 000 $ ou 9 000 000 $ du budget touristique sont ainsi consacrés aux salaires et le reste à la promotion. Comprenant cela, c'est peu. L'Ontario, pour sa part, ne consacre que 4 000 000 $ ou 5 000 000 $ de son budget de 20 000 000 $ en salaires, ce qui en laisse bien davantage pour la promotion. Axé sur le programme fédéral des relations publiques à l'étranger, son propre programme est beaucoup plus efficace. L'Ontario est ainsi toujours au premier plan dans les foires annuelles où se rendent les grossistes, alors que le Québec est relégué au second plan. Il est au dernier rang, parce qu'il ne se donne pas les moyens pour jouer un rôle prépondérant. Ce n'est pas la faute d'Ottawa continue le journaliste. En un mot, le Québec ne réussira jamais à créer une industrie touristique florissante en ignorant la mentalité, la langue, les goûts et la situation économique des pays étrangers dans sa promotion touristique. Ce ne sont pas les grands discours, les programmes dont l'efficacité est très discutable qui relanceront cette industrie si génératrice de revenus, mais des mesures qui, à l'instar de celles de l'Ontario, rapportent beaucoup, même en période de récession."

L'aveu même que ce gouvernement ne sait pas où il s'en va en matière touristique, l'exemple le plus frappant et le plus concret se trouve dans Le virage technologique, publié tout dernièrement par le gouvernement du Parti québécois. À la page 176, on lit clairement: "II est d'abord nécessaire d'accroître la quantité et la qualité de l'information disponible permettant ainsi d'établir beaucoup plus clairement dans quel sens, à quel niveau et selon quelles modalités il serait possible d'influencer l'évolution du tourisme ici au Québec." C'est tellement clair que le gouvernement n'a aucune idée sur la façon de développer et de promouvoir le tourisme ici au Québec. Ce n'est pas en l'incluant à l'intérieur du projet de loi no 75 qu'on va se donner les moyens de développer le tourisme au Québec.

M. le Président, je voulais aussi donner certaines statistiques. Malheureusement, comme je vous le disais tout à l'heure, le Québec n'a pas de cueillette de données dans le domaine touristique à l'intérieur du

ministère. Par l'entremise de Statistique Canada, on peut voir qu'en 1980 les voyageurs non résidents entrant au Québec selon les moyens de transport: terre, air, mer... En 1976, 3 316 983 résidents des États-Unis sont venus au Québec. En 1980, ce nombre est tombé à 2 197 000.

Une voix: C'est épouvantable.

M. Maciocia: Des résidents de pays autres que les États-Unis, pour l'année 1980, 382 085, pour un total, en 1980, de 2 579 122. Je vous lis aussi, toujours d'après Statistique Canada, le tableau des voyageurs non résidents entrant en Ontario. Comme je vous le disais tout à l'heure, pour le Québec, en 1980, 2 197 000 résidents des États-Unis sont venus au Québec; en Ontario, pour la même année, 26 988 000. Il y a eu treize fois plus de touristes des États-Unis qui sont entrés en Ontario qu'au Québec. Il doit y avoir une raison à cela. Comme le disait le journaliste Roland Gagné, c'est dû, de la part du gouvernement du Québec, à un manque de programmes vraiment concrets et réalistes vis-à-vis de la promotion du tourisme au Québec.

M. le Président, lors de l'étude des crédits du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, le ministre lui-même nous disait que, pour chaque somme de 6500 $ investie en promotion touristique, on crée un emploi. On voit de quelle façon, encore aujourd'hui, le gouvernement traite cette industrie florissante dans les provinces voisines, alors qu'au Québec on la néglige d'une façon vraiment lamentable. La seule chose que je peux dire, c'est qu'on a même présenté une motion le 17 mars dernier demandant au gouvernement actuel de faire son possible pour promouvoir cette industrie, vraiment vitale pour le Québec. On a des ressources, des infrastructures, probablement les meilleures à l'intérieur du Canada, mais on ne fait vraiment rien pour promouvoir cette industrie, pour que chaque dollar qu'elle nous apporte ici, soit un dollar pour la population du Québec. (21 h 50)

M. le Président, j'espère et je veux croire, pour ces gens qui sont impliqués dans l'industrie touristique, qu'en ajoutant, dans le projet de loi no 75, le secteur touristique, la SDI s'occupe aussi de ce secteur, que cela ne soit pas seulement écrit, mais que, vraiment, le gouvernement fasse le nécessaire pour que la population du Québec, pour que les gens qui s'impliquent, au Québec, dans la promotion de ce secteur puissent vraiment dire que le gouvernement a fait au moins son possible, à l'extérieur du Québec, pour que les touristes viennent un peu plus chez nous qu'ils ne viennent actuellement. Seulement en Ontario, il y a entre 11% et 12% de plus de touristes qu'au

Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Cela me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi no 75 parce que, à nouveau, il s'agit d'un projet de loi à saveur économique, pour le développement économique du Québec, qui vient s'ajouter à une foule de projets qui ont été annoncés dernièrement et qui vient, en fait, compléter un peu le tour des secteurs.

On a annoncé, entre autres, il y a quelques mois, le projet de loi sur la SODICC pour venir en aide aux industries culturelles et aux industries de communications. Un peu plus tard, le ministre de l'Agriculture a annoncé d'autres programmes d'aide comme Sol-Plus, l'amélioration et l'augmentation des prêts agricoles, etc., ce qui a fini par amener une augmentation du budget de plus de 30%. On a annoncé, cette semaine, il y a quelques jours à peine, un programme de relance de l'industrie de la construction. On vient maintenant améliorer l'aide à l'entreprise.

Je trouve que c'est très positif, contrairement à ce que l'Opposition tente d'expliquer ou de faire croire à la population, disant que c'est négatif. On semble même vouloir, du côté de l'Opposition, enlever aux gens le goût de visiter, d'aimer et de développer le Québec. Sauf que nous, c'est tout à fait l'inverse. On sait qu'on peut le faire et on se donne les moyens. On se donne les moyens rapidement dans la conjoncture actuelle parce que, déjà, on prouve, par le projet de loi no 75, que tout l'argent qu'on peut récupérer, tout l'argent disponible, on l'investit dans le développement économique de façon à préserver les emplois déjà existants de nos travailleurs québécois et à en créer de nouveaux.

J'étais heureux de voir mes amis d'en face utiliser à plusieurs reprises Le virage technologique. Donc, s'ils l'utilisent tellement, c'est que c'est important et c'est vrai que c'est important, M. le Président, parce qu'on y a préparé notre développement pour les quatre prochaines années. On semble, en face, vouloir le ridiculiser et, de temps en temps, on l'utilise comme quelque chose d'idéal. À force de le feuilleter, même rapidement, les gens d'en face vont s'apercevoir qu'on va l'avoir réalisé au complet alors qu'ils n'auront pas fini de le lire. Je peux vous dire, M. le Président, que lorsqu'on a lancé, il y a quelques années, le projet Bâtir le Québec, phase 1, on l'a réalisé à 90% et cela nous a permis de créer 230 000 emplois de 1977 à 1981.

Le virage technologique, on vient à

peine de l'annoncer que, déjà, plusieurs projets de loi ont été déposés, plusieurs initiatives sont déjà annoncées et sont même en train de se concrétiser. Un de ceux-là, c'est le projet de loi no 75. Le projet de loi no 75 s'inscrit totalement dans le cadre du développement et est un des principaux leviers du développement économique dans le sens que c'est en quelque sorte la banque du gouvernement auprès des entreprises. Les entreprises qui ont besoin d'argent vont pouvoir s'adresser spécifiquement à la Société de développement industriel, qui va avoir énormément plus d'argent et surtout énormément plus de pouvoirs qu'auparavant. Donc, nos entreprises vont pouvoir compter sur l'aide du gouvernement du Québec qui est là pour venir supporter, pour venir encourager et même pour venir stimuler les entreprises privées et les entreprises québécoises, nos PME de chez nous. Il ne s'agit quand même pas d'une entreprise en compétition, mais qui est plutôt en complémentarité avec l'action de nos institutions financières existantes. Dans le sens où les institutions comme les caisses et les banques ne voudront pas prendre le risque, la société sera là pour aider les projets prometteurs, les projets créateurs d'emplois. Et, aussi, dans des régions où les institutions ne peuvent pas supporter une aide majeure et très importante à un projet rentable et prometteur, la Société de développement industriel est déjà là, mais elle le sera davantage pour venir en aide à l'entreprise.

Il s'agit, en fait, de ce qu'on a promis en campagne électorale, c'est ce qu'on pourrait appeler la création du guichet unique où l'entreprise peut trouver, en contactant un seul bureau, tous les services auxquels elle est en droit de s'attendre.

La nouvelle Société de développement industriel que le projet de loi no 75 formera, sera rattachée à nos maisons régionales de l'industrie, qui seront à la grandeur du territoire du Québec. À l'intérieur de ces maisons, on retrouvera les fonctionnaires du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qui pourront fournir toute l'aide de gestion, toute l'aide technique nécessaire. On retrouvera aussi, en fonction de l'importance des bureaux, un ou des spécialistes du CRIQ pour pouvoir aider à la modernisation, de la recherche et du développement. La troisième porte importante à l'intérieur des maisons régionales de l'industrie, ce seront évidemment les responsables de la Société de développement industriel qui seront là pour fournir l'aide financière dont les industries ont besoin pour préserver les emplois et surtout en créer de nouveaux.

C'est évident que je suis tout à fait d'accord et que je vais voter pour le projet de loi no 75, M. le Président, premièrement parce qu'il vient concrétiser Le virage technologique qui, pour nous, est en pleine réalisation, par une foule de projets qu'on a déjà annoncés contrairement à ce que les gens de l'Opposition appellent le mirage, parce qu'ils ne se sont probablement pas donné la peine de voir vraiment les actions que le gouvernement fait depuis quelques mois et qui sont tout à fait dans la ligne de direction et d'action du virage technologique.

Le projet de loi no 75 vient continuer et améliorer l'aide qu'il donne déjà aux entreprises du secteur manufacturier, celles qui sont dans les transformations, mais on va plus loin, parce qu'on doit s'ajuster avec la réalité actuelle, la réalité des années quatre-vingt que l'on traverse au Québec. En plus de l'aide aux industries de transformation, on favorisera aussi les activités qui vont dans le sens de la recherche et de l'innovation. La Société de développement industriel sera là pour aider et cela répond tout à fait au virage technologique qui veut qu'on implante, en collaboration avec les universités, les cégeps et surtout l'entreprise privée, partout sur le territoire du Québec, des centres de recherche là où c'est nécessaire et là où cela pourra aider énormément la création d'emplois.

Cela va favoriser aussi le secteur tertiaire. Pour ce qui est de ce secteur, je vais vous rapporter juste quelques lignes, quelques paragraphes de ce qu'on peut retrouver dans Le virage technologique et qui est une citation du ministre Landry, qui a affirmé que les contrats des firmes de génie-conseil à l'étranger doivent avoir des retombées économiques au Québec. En ce moment, ces retombées sont beaucoup moins importantes au Québec qu'ailleurs dans le monde. À titre d'exemple, le coefficient actuel au Québec est de 1,0 alors qu'il est, ailleurs au Canada, à 1,9 et en France à 5,2, M. le Président. Donc, il y a énormément à faire pour pouvoir utiliser le secteur pour créer des emplois chez nous et exporter non seulement nos connaissances, mais les produits fabriqués chez nous. (22 heures)

On dit toujours aussi que le gouvernement n'aide pas tellement au niveau financier, je vais juste vous dire que, pour inciter à l'exportation les services-conseils, la fiscalité a été dernièrement modifiée et est maintenant plus généreuse que celle du Canada et des autres provinces à l'égard des Québécois affectés à l'étranger pour plus de six mois. Donc, déjà, dans le budget, on a prévu aider le secteur tertiaire et nos entreprises de génie-conseil.

On veut aussi favoriser l'exportation des biens et des services à l'extérieur du Québec. C'est très important. C'est évident que plus ça va aller, plus on va abolir les frontières, plus on va abolir les quotas, comme on l'a fait dans le secteur de la

chaussure. Que reste-t-il aux Québécois? Ils devront être compétitifs pour pouvoir exporter nos produits. C'est donc très important qu'on le fasse et j'aimerais rappeler quelques chiffres rapidement.

Si on songe qu'en 1980 le produit intérieur brut du Québec était de 70 000 000 000 $, il ne faut pas oublier que 45% de ce produit intérieur brut, c'est-à-dire de ces 70 000 000 000 $, étaient attribuables à des exportations, d'où l'importance de s'en occuper, étant donné que ces 45% vont nécessairement augmenter considérablement, à cause de l'abolition des frontières, et nous allons devoir être de plus en plus compétitifs sur des marchés qui ne sont pas nécessairement nos marchés, mais qui deviennent mondiaux.

J'accepte donc très difficilement la critique de l'Opposition face à nos délégations. Comment peut-on critiquer l'ouverture de bureaux qui représentent le Québec, qui représentent l'aide la plus près des clients potentiels de l'extérieur, des entreprises québécoises à l'étranger, de nos délégations? On vient nous reprocher que nos vingt délégations ou bureaux à l'étranger nous coûtent 13 000 000 $, quand cela nous permet d'exporter quelque chose comme environ 35 000 000 000 $. D'où l'importance de continuer d'investir davantage dans nos délégations, elles sont probablement l'un des meilleurs investissements dans le domaine économique du Québec.

Je prends un exemple. Grâce à l'action concertée, soutenue et efficace du délégué et de ses conseillers à Tokyo, en collaboration avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et d'un consortium d'entreprises privées québécoises, les exportations de viande porcine du Québec au Japon se sont accrues à un rythme phénoménal et atteignaient, en 1981, donc durant l'année dernière, près de 70 000 000 $ soit 25% de toute la production québécoise disponible à l'exportation. Et on vient nous reprocher d'avoir une délégation à Tokyo quand c'est grâce à cette délégation que trois entreprises privées québécoises peuvent exporter pour 70 000 000 $ au Japon. C'est ce qui fait que nos producteurs de porc du Québec réussissent à exporter et ainsi à pouvoir vivre de leur entreprise. D'où l'importance de conserver nos délégations et de travailler pour - ce que le projet de loi 75 nous propose - offrir une aide encore plus importante à l'exportation.

On doit aussi favoriser les activités touristiques au Québec. Cela ne peut pas tomber mieux. À l'heure où on vit, à l'heure où le dollar canadien subit une dégringolade due à une politique monétaire canadienne tout à fait incohérente, il faut absolument profiter de cette situation pour attirer le maximum de touristes américains, qui sont les touristes potentiels les plus près de chez nous. Déjà, dans le budget qu'on vient de déposer, on investit 3 000 000 $ de plus dans la publicité et ce dans les États du Nord-Est américain. On peut déjà, comme le rappelait le ministre de l'Industrie et du Commerce tantôt, en peser les effets positifs puisque, dans le mois qui vient de s'écouler seulement, on a eu plus de demandes d'information de touristes américains pour venir visiter le Québec qu'on en a eu durant toute la saison, l'année passée. Donc, on peut s'attendre que les gestes qu'on pose, les gestes dont on parle dans Le virage technologique et ceux qu'on va favoriser et encourager par notre aide financière et technique, par le projet de loi no 75, seront bénéfiques et nous profiteront à très court terme, on le croit, dès cet été.

Mon collègue de Viger semblait dire tantôt et laisser croire à la population qu'on ne fait rien ou très peu, ou même que cela semblait être négatif au niveau du tourisme, j'aimerais lui rappeler certains faits qui apparaissait dans Bâtir le Québec, volet 1, qu'on a réalisés et qui vont avoir leur répercussion bientôt. Qu'on pense seulement à la construction du Palais des congrès à Montréal, qui va attirer des centaines de milliers de visiteurs de plus. Cela va être parachevé au printemps de 1983; donc, dès l'année prochaine, on va pouvoir commencer à cueillir les fruits d'un investissement qu'on va avoir fait. C'est aussi le gouvernement du Parti québécois qui a créé les associations touristiques régionales, de façon que chacune des régions puisse attirer chez elle le tourisme québécois, le tourisme américain, de façon aussi que les gens qui viennent visiter le secteur principal du tourisme, c'est-à-dire l'axe Québec-Montréal, soient aussi attirés dans les régions, y restent plus longtemps, dépensent davantage et finissent par créer de plus en plus d'emplois chez nous. Donc, on a fait énormément pour le tourisme et on va continuer à le faire. À preuve, ici, avec le crédit touristique qu'on avait fait, on va investir davantage pour aider nos entreprises.

J'aimerais rappeler qu'au Québec, il y a 25 000 entreprises touristiques. C'est donc important et on le reconnaît, parce que, maintenant, grâce à ce projet de loi no 75, la Société de développement industriel va pouvoir non seulement aider les entreprises de transformation, les entreprises manufacturières, mais aussi les activités touristiques au Québec. Cela va nous permettre aussi de venir en aide à tout programme que le gouvernement va approuver parce qu'il va avoir un impact majeur sur l'économie du Québec.

En conclusion, je dois dire que c'est avec beaucoup de satisfaction, dans une situation économique comme celle qu'on traverse présentement, que je vois arriver un

projet comme celui-là, qui va certainement être non seulement une planche de salut pour plusieurs de nos petites et moyennes entreprises québécoises, mais certainement le moyen financier économique et technique d'aider nos entreprises pour être capables d'aller plus loin, d'être capables dès maintenant de prendre cet envol nécessaire pour que, dès à présent, on s'assure des marchés extérieurs très importants.

Je dois dire que si le passé est garant de l'avenir, avec la Société de développement industriel, l'avenir le plus prometteur nous sera vraiment assuré, puisque, de 1971 à la création de la Société de développement industriel, jusqu'à la fin de 1981, c'est-à-dire en dix ans, c'est plus de 1 000 000 000 $ qui ont été injectés dans l'économie, soit par du financement, soit par des subventions. À tous les niveaux, pour nos petites et moyennes entreprises, mais aussi pour des entreprises très importantes, aussi pour des multinationales qui viennent investir chez nous, et ensuite, par l'effet multiplicateur que cela crée, par la sous-traitance que cela apporte aussi, cela nous permet de créer des centaines et des milliers d'emplois. Je vais vous donner un exemple, c'est un exemple que je connais très bien, parce que cela fait partie de Bromont, qui est de la municipalité régionale de la Haute-Yamaska, qui est dans mon comté, il s'agit de l'entreprise General Electric, dont les responsables ont avoué que c'est grâce à une subvention venant de la Société de développement industriel qu'ils se sont implantés au Québec au lieu d'aller s'implanter en Ontario. Grâce à cette subvention, on a pu se faire garantir aussi par ces mêmes gens non seulement qu'ils allaient embaucher pour la presque-totalité des spécialistes québécois ou des Québécois qui vont pouvoir aller prendre tous les cours et aller chercher aux États-Unis la spécialisation nécessaire pour pouvoir fonctionner au Québec avec des travailleurs québécois. Ces gens se sont aussi engagés, pour être admissibles à la subvention, à entreprendre dès maintenant la phase 2 qui va créer 300 emplois de plus. Tout ce que je peux vous dire, c'est que, face à cela, l'entreprise nous a écrit pour nous remercier et nous féliciter de l'aide qu'on apporte aux entreprises et pour nous dire qu'elle était prête à travailler avec nous au développement économique du Québec. C'est là une multinationale qui vient chez nous. On a aussi de grandes entreprises chez nous comme Bombardier, à qui aussi on a donné un coup de main. On a en plus des centaines et des milliers de petites et moyennes entreprises et plusieurs des miennes, celles de mon comté - je suis au courant - ont déjà profité du programme d'urgence de 200 000 000 $ qui a été annoncé dernièrement et qui relève aussi de la

Société de développement industriel. Je crois donc qu'avec un projet de loi semblable, on va permettre aux entreprises du Québec de passer plus facilement à travers la crise, de se préparer à cette place que l'on doit prendre sur le marché international le plus rapidement possible et c'est avec plaisir que je vois arriver le projet de loi no 75. Je suis fier de voir que même l'Opposition semble décidée à voter pour ce projet de loi. Merci, M. le Président. (22 h 10)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci, M. le Président. On parle en deuxième lecture sur le projet de loi no 75. C'est une loi qui va élargir les pouvoirs et les actions de la SDI, la Société de développement industriel du Québec. Évidemment, quand on voit le projet de loi, on est comme le député d'Outremont, notre chef d'équipe dans ce dossier - il l'a déjà dit - pour le principe. Il y a beaucoup de questions qui se posent. On dit dans le projet de loi qu'on va maintenant donner le pouvoir à la SDI d'intervenir dans le secteur touristique et dans le secteur tertiaire moteur. Savez-vous, M. le Président, que, dans mon comté de Sainte-Anne, nous sommes des gens simples? On m'a dit: Qu'est-ce que cela veut dire, le secteur tertiaire moteur? J'ai pensé - je ne savais pas - que c'était peut-être une manufacture de pièces d'automobile, à cause du mot "moteur". J'ai demandé à quelques-uns de mes amis péquistes, qui ne le savaient pas non plus. Finalement, on m'a dit: Non, le secteur tertiaire moteur, c'est du langage péquiste moderne et cela veut dire l'exportation de la technologie et du "know-how". C'est peut-être ce qu'on aurait dû dire, parce que les gens veulent tout de même comprendre ce que vous voulez dire avec tous ces grands concepts, comme le "secteur tertiaire moteur". En tout cas, on me l'a expliqué et on peut comprendre maintenant.

Le projet de loi dit, M. le Président, qu'on va injecter de l'argent dans des secteurs névralgiques de l'économie québécoise, mais on n'aurait pas dû dire cela, parce que tous les secteurs sont névralgiques. À cause de l'administration péquiste, il n'y a pas un seul secteur qui marche bien. On aurait dû dire: On va injecter de l'argent dans tous les secteurs de l'économie, parce qu'il n'y a pas de secteurs qui vont bien et d'autres qui ne vont pas bien. Tous les secteurs sont névralgiques.

Quand j'ai vu le projet de loi, M. le Président, je me suis dit: Cela va bien. C'est une bonne idée, plus d'argent disponible à infuser dans la SDI pour assister, acheter des

actions, donner des subventions et des prêts. C'est parfait, mais où est le système de vérification? Qu'arrive-t-il avec ces millions de dollars? M. le Président, je suis fier d'être membre de la commission des engagements financiers. Une fois par mois, on se rencontre et on étudie toutes les subventions du gouvernement, dans tous les ministères, y inclus la SDI et là, il s'agit d'une somme totale de 100 000 000 $ par année. Chaque mois, il y a des millions de dollars en subventions. Quand j'ai commencé comme nouveau député il y a un an, j'ai vu les subventions de la SDI. J'ai posé des questions et je vais vous donner des exemples.

M. le Président, je suis content que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme soit ici, parce qu'il n'est peut-être pas au courant de cela, mais il doit le savoir. Par exemple, on a vu une subvention à une compagnie à Saint-Pacôme, Québec, pour une somme de 71 000 $, et on avait dit: Nature de l'entreprise, motel et restaurant licencié. Vraiment, c'était une opération de "gas bar". Je respecte beaucoup le "gas bar" à Saint-Pacôme. La SDI a donné 71 000 $ et le nombre d'emplois créés a été de 30. Le ministre qui nous donne les réponses à cette commission, c'est le président du Conseil du trésor. Je lui ai demandé: Comment se fait-il que, avec 71 000 $, vous créez 30 emplois? Ce n'est pas mal. Je vous félicite, mais est-ce vrai? C'est un "gas bar" à Saint-Pacôme. Où se trouve Saint-Pacôme? Lui ne le sait pas. Moi, je ne le savais pas non plus, mais il s'agit peut-être de 30 personnes qui ont passé à Saint-Pacôme pendant l'été, parce que, apparemment, le "gas bar", le motel avait deux ou trois chambres. On a commencé à avoir un petit doute en regard de ces subventions, mais c'était seulement la première intervention que je faisais et j'étais encore naïf. On a continué.

On a trouvé une autre subvention de la SDI. On parle de la SDI ce soir. Je vais vous donner des exemples de la SDI. À un moment donné, on a donné une subvention de 121 500 $. Nature de l'entreprise: "opération" d'un aquarium et de cages d'oiseaux. Nombre d'emplois créés: 23. J'ai dit: Qu'est-ce que c'est exactement? 23 emplois créés pour "opérer" un aquarium et des cages d'oiseaux. Le ministre a répondu: Peut-être qu'il s'agit du nombre de cages et d'oiseaux, je ne sais pas. Je commençais à avoir un peu plus de doutes. Entre-temps, on parle de grosses sommes d'argent, M. le Président, des millions de dollars par mois.

À un moment donné, on a vu une autre subvention de 66 700 $. Nature de l'entreprise: fabricant d'appareils d'éclairage d'urgence. Nombre d'emplois créés: 24. Par hasard, je connaissais les administrateurs de la compagnie. Je les ai appelés. J'ai dit: Je vous félicite, 24 emplois pour 66 000 $, cela va bien dans la province de Québec. Si on totalise à la fin de l'année tous ces emplois, nous serons mieux d'importer de la main-d'oeuvre parce qu'il n'y aura pas assez de gens pour remplir tous ces emplois. Il m'a dit: Écoute, 24 emplois. J'ai dit, quand j'ai rempli le formulaire: Je pense, j'espère, en cinq ans, créer 24 emplois et cette année, c'est 3.

Alors, mon doute c'était plus sérieux, c'était grave. Est-ce qu'il y a vérification? Est-ce qu'on envoie quelqu'un de temps en temps pour vérifier si l'argent investi, donné en subvention, notre argent, votre argent, M. le Président, travaille pour un bon but? Qu'est-ce qui arrive avec cela? Je me rappelle très bien que le ministre a répondu: On n'a pas de personnel affecté à la vérification. Cela n'existe pas. J'ai dit: On n'a pas besoin encore de créer une armée d'inspecteurs, mais, tout de même, on a des tablettés, par exemple. Ils peuvent vérifier un peu, faire des "spot checks" pour voir ce qui arrive avec l'argent de tout le monde. La réponse était qu'on n'était pas capable de le faire.

On a continué à poser des questions toujours au sujet de la SDI dont on parle aujourd'hui, dont on va élargir le champ d'application. Il y a une autre subvention. Cela en est une bonne. C'est un motel-hôtel dans le nord, au Lac-Delage. On a donné 33 000 $.. Savez-vous ce qu'on dit? Écoutez bien, M. le Président. Nombre d'emplois créés: 52 permanents et 66 occasionnels, pour 33 000 $. Peut-être que, par hasard, c'est l'hôtel où les péquistes se rencontrent pour un conseil général. Je ne veux accuser personne, mais là, c'est trop: 52 permanents, 66 occasionnels pour 33 000 $'. Cela va bien. Le ministre a commencé à rire et il a répondu: Écoutez, le nombre d'emplois créés, ce n'est pas cela qui vraiment détermine la raison pour laquelle on donne la subvention. Si vous continuez à poser des questions comme cela, on ne va plus jamais mentionner cela. J'ai dit: Je veux que ce soit mentionné, parce que la SDI donne des subventions, justement, pour créer des emplois. Je veux savoir combien d'emplois sont créés, parce qu'à la fin de l'année l'autre ministre, le grand ministre Landry, va prendre le total et dire: Voici, on a créé à Québec 25 000 emplois. Si je fais le total, moi, j'en ai trouvé 400. En réalité, il s'agit peut-être de 25.

On a continué. Une autre auberge, 91 000 $, à Rivière-du-Loup. Nombre d'emplois créés: 10. Je lui avais posé la question. J'ai eu un appel d'un journaliste de Rivière-du-Loup qui a dit: M. le député, pourriez-vous me donner un peu plus de renseignements, le nom de la compagnie où cela se trouve, parce que cette compagnie ne fonctionne plus, elle est en faillite? J'ai

dit: Je ne veux accuser personne, mais apparemment nos doutes commencent à devenir sérieux, parce qu'il s'agit de millions de dollars par mois et, à la fin de l'année, comme le député d'Outremont le disait, ce sera 100 000 000 $. Je ne veux pas dire que tout cet argent investi est perdu, mais je ne trouve dans ce projet de loi aucun moyen de vérification pour voir si notre argent est investi pour un bon but, pour un but qui a du bon sens.

On a trouvé, à un moment donné, une autre subvention à Rimouski, de 45 000 $. Nature de l'entreprise: restaurant, à Rimouski. Nombre d'emplois créés: 32. Là, le ministre nous a dit: C'est un restaurant qui a un problème financier. Ce qui est arrivé, un autre groupe est venu acheter le restaurant. J'ai dit: M. le ministre, dans ce cas, cela n'a pas créé 32 emplois; ce sont des emplois retenus. Il a dit: Quand on dit création d'emplois, c'est équivalent à rétention d'emplois. J'ai dit: Ce n'est pas la même chose. Créer et retenir, ce n'est pas le même mot. Je n'ai rien contre la rétention d'emplois, mais qu'on ne commence pas à dire emplois créés, 32, quand, en vérité, on a retenu 32 emplois. On est bien content que les emplois soient retenus grâce à une subvention, quoique je me demande, dans ce même cas, si c'est vrai que, dans un restaurant à Rimouski, pour 45 000 $, il y a 32 employés. Je ne suis pas allé là, mais j'aimerais bien savoir de quelqu'un de Rimouski s'il y a 32 employés dans un restaurant à Rimouski.

M. le Président, on parle toujours de la SDI, des subventions. À un moment donné, il y a une subvention de 160 000 $. On ne parle pas de petits sous, on ne parle pas de 10 000 $, de 5000 $ ou de 8000 $; on parle de grosses sommes, 100 000 $, 200 000 $, 75 000 $; ça monte et, à la fin du mois, on voit des millions de dollars. On donne de l'argent à une boulangerie, 160 000 $. Dans quel but? Pour fins d'achat de 100% des actions ordinaires de la boulangerie dont je ne mentionnerai pas le nom. Qu'est-il arrivé? La boulangerie n'était plus capable de fonctionner; donc, un autre groupe a acheté la boulangerie, a eu une subvention de 160 000 $, et on dit: Nombre d'emplois créés, 50. J'ai la feuille ici, et le député de Terrebonne était avec nous, il le sait très bien. Il est gêné quand je pose ces questions parce qu'il sait que j'ai raison. 50 emplois créés. D'ailleurs, je me demande si la boulangerie emploie 50 personnes; peut-être. Mais ce ne sont pas des emplois créés. À la fin de l'année, ne venez pas avec 50 emplois créés; au mieux, ce sont 50 emplois conservés. Il y a une grande différence.

Ne parlez pas de création d'emplois, vous ne créez rien. Au mieux, vous êtes peut-être capables de retenir des emplois. On n'a rien contre ça, mais n'arrivez pas à la fin de l'année avec de grandes statistiques: Au Québec, en comparaison avec l'Ontario et le Nouveau-Brunswick, on a créé 25 000 emplois. Ce ne sont pas des emplois créés, c'est un mensonge. Juste par les questions qu'on pose chaque mois, on a déjà trouvé qu'il s'agit là de chiffres incorrects, exagérés, faux, ou ce sont des emplois retenus; ce n'est pas la même chose que de la création d'emplois.

On a parlé de communication entre les ministères parce que ça touche le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Il y a d'autres programmes. Par exemple, 241 000 $ - ce n'est pas son ministère, c'est celui du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu - dans le programme PRET pour les bénéficiaires de l'aide sociale. Savez-vous quelle sorte de programme c'est? Ce sont des programmes de douze semaines parce que, après douze semaines, on dit: Va au fédéral chercher de l'assurance-chômage. C'est un programme pour lequel on paie 241 000 $. Un autre exemple, PAT, le programme d'aide au travail, 535 000 $. C'est encore la même chose, on vous donne du travail pendant douze semaines, et va chercher de l'argent au fédéral. S'il vous plaît, soyez un peu plus sérieux parce que vous jouez avec l'argent du même contribuable.

J'ai fait ces remarques parce que le ministre est ici et je n'avais jamais eu l'occasion de lui parler de cela. S'il dit: Le député de Sainte-Anne prend juste quatre exemples, je suis prêt à faire un débat dans Lotbinière, dans votre comté, devant votre peuple, et je viendrai avec la liste de toutes ces subventions. On va les analyser une à une et vous donnerez les réponses. Je vous suggère d'instaurer un système de vérification. Savez-vous qu'à Montréal, il y a des intermédiaires, il y en a même quelques-uns qui ont travaillé pour la SDI, qui sont maintenant des intermédiaires commerciaux? Ils connaissent le système et ils appellent quelqu'un pour lui dire: Voulez-vous avoir une subvention de la SDI? Je suis capable de le faire, j'ai travaillé là, je peux vous aider. Évidemment, ça coûte tant; donnez-moi un pourcentage et je serai votre agent. C'est une entente ordinaire, commerciale, honnête, et je n'accuse personne. C'est un ancien fonctionnaire, quelqu'un qui connaît le système et il s'occupe de faire la présentation. J'aurais des exemples de beaucoup d'emplois créés. Cela va très bien, il prépare la formule pour obtenir la subvention.

M. le ministre, s'il vous plaît, assurez-vous de vos fonctionnaires et de la SDI, vérifiez, parce que vous investissez des millions de dollars dans des affaires qui ne valent pas un cent alors que, dans d'autres cas, ça vaut beaucoup et vous refusez de le faire. C'est vrai.

Le député de Shefford, tout à l'heure, parlait de notre représentation commerciale à l'extérieur. L'argent au Maroc, 55 000 $, 75 000 $ par année pour quelqu'un qui va au Maroc enseigner aux petits Marocains. J'ai demandé ce qu'ils vont faire. Est-ce qu'ils vont enseigner le marocain ou s'ils apprennent quelque chose du système marocain pour enseigner au Québec? Non. Le président du Conseil du trésor a répondu: Ces Québécois, c'est vrai que cela coûte 75 000 $ pour qu'ils enseignent aux petits Marocains de huit et neuf ans parce que, quand ces gens-là auront 18, 20 et 21 ans, ils vont dire: Je suis en commerce; je vais acheter quelque chose dans la province de Québec parce que mon ancien professeur, c'est un Québécois. On paie quelqu'un 75 000 $ par année, qu'on loge au Maroc, pour enseigner aux petits Marocains et, de cette façon, on va promouvoir le commerce de la province de Québec! S'il vous plaît! Apprenez donc quelque chose du système commercial ordinaire dans le monde parce que vous ne connaissez rien là-dedans. Vous rêvez. Évidemment, il a répondu que ce professeur représente la fierté québécoise. C'est important d'avoir une fierté nationale. Il faut être présent partout. On a des délégations. La moitié des gens des délégations ne travaille pas du tout sur le plan commercial. Ces gens travaillent sur le plan des communications, sur des programmes qui existent ici. Mais, au point de vue des représentants commerciaux, il n'y en a pas assez, et, s'il y en a, ils ne connaissent pas leur métier assez bien.

M. le Président, ce sont les raisons pour lesquelles je parle sur le projet de loi no 75. Je suggère au ministre... Je n'ai rien contre la SDI. On est tous pour cette société. On est en faveur d'élargir le programme, mais on demande une chose: une vérification. On n'a pas besoin de nommer d'inspecteurs. Envoyez donc, de temps en temps, quelques inspecteurs. Je l'ai fait moi-même, à mes frais. J'ai appelé quelques compagnies à Montréal parce que je les connaissais. J'ai dit: Vous avez reçu 75 000 $ et vous avez créé 33 emplois. Est-ce que c'est vrai? Une minute, Maximilien! Cela n'a pas fonctionné du tout. On n'a pas créé 33 emplois, peut-être trois ou quatre. J'espère, si cela fonctionne, d'en créer plus. Envoyez quelqu'un pour vérifier si, après une année, la compagnie existe encore, si cela vaut la peine de continuer parce que, très souvent, les subventions sont données sur une période. Peut-être qu'après un an vous allez dire que cette compagnie a vendu une histoire. On coupe la subvention. Avec cet argent, on va ailleurs.

Je me rappelle très bien avoir demandé au président du Conseil du trésor comment il se fait qu'on a refusé de l'argent à une compagnie qui, pour continuer, avait besoin d'argent. Il a répondu: Savez-vous pourquoi? C'est parce que nous voulons aider la compagnie qui oeuvre dans la haute technologie. Il a donné l'exemple du Japon. La haute technologie, c'est important. J'ai dit: De temps en temps, il y a une compagnie qui emploie 200 ou 300 employés, avec de la vieille machinerie, et cela roule encore. Avec une subvention de 100 000 $, on est capable de continuer à faire fonctionner la compagnie. Ils ne veulent pas faire cela. Pensez à cela aussi. C'est important.

Au point de vue de la vérification, vérifiez, de temps en temps, votre système de fonctionnement de la SDI. Vérifiez le rôle des intermédiaires. Vérifiez où l'argent est placé, le rendement de l'argent. On a vu des exemples où l'argent avait été donné aux compagnies. J'en ai parlé ce soir. La compagnie ne fonctionne plus, elle est en "receivership". Je ne veux pas dire que le ministère ou la SDI aurait dû prévoir cela. Mais je trouve bizarre qu'on donne des subventions et que, six mois plus tard, la même compagnie ne soit plus en affaires. Si on avait bien vérifié les livres de la compagnie, on aurait peut-être pu découvrir que cette compagnie n'était pas viable. Au lieu d'y investir 100 000 $, on aurait pu les investir ailleurs. Il s'agit, M. le Président, de millions de dollars. Il n'y a pas de vérification. Cela a été donné, de temps en temps, au hasard. Il y a exagération du nombre d'emplois créés. Très souvent, au lieu de créer des emplois, c'est pour retenir les emplois. Très souvent, on dit qu'il n'y a aucun emploi de créé parce qu'on refuse de donner les chiffres. À la fin de l'année, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme transfère les chiffres et on voit, dans les journaux: Tant d'emplois créés au Québec. Si c'était vrai, comment se fait-il que nous sommes tellement dans le pétrin? Parce que si on compte, à la fin de l'année, les emplois que vous dites qu'on a créés avec vos subventions, cela va très bien ici.

J'ai fait la démonstration avec une dizaine d'exemples et je peux donner une tonne d'exemples. On pose une question au ministre. Il connaît déjà notre système. Il dit: Ah! Le député de Sainte-Anne, cassette no 5. C'est ce qu'il dit. Je lui dis: Oui, réponse, cassette no 2, parce qu'il a juste deux cassettes. Au moins, j'en ai cinq. On prend les cas un par un et on ne lâche pas parce que c'est notre argent, c'est votre argent, c'est l'argent du public et on veut savoir où on a investi. Nous sommes d'accord. Nous sommes tous pour cela. Mais la peur qu'on a, porte sur les moyens de contrôle, de vérification, du choix de vos objectifs, car nous voulons que notre argent travaille bien pour le bénéfice de tous les Québécois et Québécoises, de tous les travailleurs et travailleuses, comme le ministre le dit, je

suis d'accord avec ça.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Mille-Îles.

M. Jean-Paul Champagne

M. Champagne: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de parler ce soir du projet de loi no 75, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement industriel. Oui, M. le Président, le côté économique a toujours été une priorité du gouvernement, et on le voit par le dépôt de ce projet de loi no 75. En effet, on voit que le but de ce projet de loi est d'élargir le champ d'action de la SDI, la Société de développement industriel. C'est important pour le gouvernement, le développement industriel, et, d'année en année, on injecte davantage des sommes d'argent pour aider les petites et moyennes entreprises.

Par le projet de loi no 75 qui oeuvre actuellement dans le secteur manufacturier spécifiquement, on veut y ajouter le secteur touristique et le secteur tertiaire.

La priorité du gouvernement a toujours été le domaine économique. On l'a vu ce matin, le ministre d'État au Développement économique, M. Bernard Landry, annonçait un programme de création d'emplois, d'aide à l'entreprise et de stimulation à l'économie. Aujourd'hui, le gouvernement lance un programme spécifique de stimulation de l'économie, de création d'emplois et d'aide à l'entreprise.

En effet, 230 000 000 $ seront injectés dans l'économie québécoise, qui créeront des dizaines et des dizaines d'emplois. 230 000 000 $ qui ont été annoncés ce matin par le ministre d'État au Développement économique vont injecter globalement 700 000 000 $ à 1 000 000 000 $. On voit la préoccupation du gouvernement à relancer l'économie.

Ces jours-ci, nous aurons d'autres programmes dans tous les domaines, que ce soit pour l'agriculture et pour l'environnement.

Je voudrais faire un court historique de la Société de développement industriel. Elle a été créée en 1971 et elle avait pour but d'accélérer la modification de la structure industrielle. Quelques années après, en 1974, son mandat a été élargi. On a créé un programme d'assistance financière pour favoriser l'exportation, entre autres. En 1977, la Société de développement industriel a pris un nouveau tournant. En effet, le gouvernement du Parti québécois a lancé deux programmes qu'on a appelés l'Opération Solidarité Économique, OSE, spécialement créés pour aider au financement des petites et moyennes entreprises. Les petites et moyennes entreprises au Québec font notre force économique. C'est notre préoccupation, comme gouvernement, de les aider spécifiquement et aujourd'hui, dans une région comme la Beauce, particulièrement, les petites et moyennes entreprises font que cette région économique est autosuffisante. Cette région économique qu'est la Beauce fait en sorte que le taux de chômage soit le plus bas partout dans la province. Chaque fois que les Québécois se sont pris en main et qu'ils n'ont pas attendu d'aide financière d'ailleurs, on a vu des régions qui, au point de vue financier, au point de vue économique, se sont aidées et ont passé à travers.

En 1977, il y a eu le financement des entreprises de l'industrie du textile, du vêtement, de la chaussure et des meubles et la Société de développement industriel a aidé énormément dans tous les secteurs. Avec le projet de loi no 75, on voit la préoccupation du gouvernement d'aider davantage les Québécois et d'aider aussi d'autres secteurs.

M. le Président, on voit dans le projet de loi no 75, à la section 11, Aide financière, quels sont les objectifs économiques de la Société de développement industriel. Ces objectifs sont les suivants: premièrement, une consolidation et une transformation de la structure industrielle; un autre objectif économique de la SDI, entre autres, est le développement de l'exportation des biens et services. Bien sûr, nous, au Québec, avons à exporter et dans le monde entier nous devons faire face à une concurrence très forte des pays très industrialisés, que ce soit la France, le Japon ou les États-Unis, et nous devons aider, par l'intermédiaire de la Société dedéveloppement industriel, à l'exportation des biens produits au Québec.

Un autre objectif économique de la SDI est de voir à la participation accrue de la population à l'activité économique. Tout à l'heure, je donnais l'exemple d'une région qui s'est prise en main, la Beauce, où on connaît aujourd'hui un taux de chômage des plus bas. Un autre objectif économique de la SDI est l'amélioration de la qualité de la gestion des entreprises. Enfin, un dernier objectif, la création de nouveaux emplois. La SDI, depuis qu'elle existe, a énormément aidé la petite et moyenne entreprise. Il me fait plaisir, ce soir, de donner quelques exemples. Dans le comté de Mille-Îles, entre autres, nous avons une industrie, les vins Geloso. Avec une prise en charge par la SDI, les vins Geloso ont pu investir 2 200 000 $ et soutenir 40 emplois. C'est l'un des bienfaits de la SDI.

Dans Laval, une autre industrie, Hymac Limitée, qui se spécialise dans l'équipement des usines de pâtes et papiers: investissement de 3 000 000 $ et consolidation de 197 emplois.

Dans la Beauce, un manufacturier de bicyclettes, Procycle Inc.: investissement de 2 600 000 $ et 70 emplois créés.

Dans le comté d'Iberville, la manufacture Ballin Inc., manufacture de vêtements pour homme: investissement de 700 000 $ et 94 emplois créés.

La SDI a aussi fait un investissement dans le comté de Lafontaine, Les émailleurs Laurentide Ltée. Genre d'entreprise: revêtement de métaux. L'investissement a été de près de 910 000 $; le nombre d'emplois créés, 30.

Dans le comté de Deux-Montagnes, la Société de développement industriel a investi 4 000 000 $ dans l'entreprise Polylab qui voit à la fabrication de produits pharmaceutiques. Emplois créés, 54.

Dans le comté de Sainte-Anne... C'est de valeur de ne pas voir ici le député du comté de Sainte-Anne qui a accusé les chefs d'entreprises de mentir. Je suis indigné de voir que, quand un chef d'entreprise arrive avec un programme et dit que cela crée tant d'emplois, M. le député de Sainte-Anne ne le croit pas. Je considère que c'est assez insultant. Alors, dans le comté de Sainte-Anne, la Société de développement industriel a fait un investissement de 850 000 $ dans la fabrication de charcuterie, de jambon, de boeuf fumé et de bacon. À ce moment-là, les Aliments Cado Ltée ont créé 6 emplois.

Une voix: Chaque job est important. (22 h 40)

M. Champagne: On pourrait en nommer et en nommer. Je voudrais aussi dire que la préoccupation du gouvernement, au point de vue économique est très importante. En avril 1982, le ministère de l'Industrie et du Commerce a eu un programme d'urgence d'entreprises. La Société de développement industriel a aidé 41 entreprises avec un montant de 12 700 000 $ et a sauvegardé 2300 emplois.

Le ministre de l'Industrie et du Commerce a rencontré ces jours-ci des financiers européens qui venaient d'Ottawa. Ils se plaignaient ou ils constataient qu'il n'y avait pas de stratégie économique. Je pense que le gouvernement prend ses responsabilités. On voit, par la loi 75 particulièrement, par son programme de relance économique, par son programme de création d'emplois, cette stratégie économique qui va faire en sorte que nous allons passer, j'espère, le plus vite possible, à travers cette crise économique.

M. le Président, je pense que la loi 75 va aider toutes les petites et moyennes entreprises dans un champ encore plus large qui va faire en sorte que les Québécois, au point de vue industriel et au point de vue économique vont se prendre en main, comme ils l'ont fait dans le passé. Toutes les fois que les Québécois ont eu confiance en eux, toutes les fois qu'ils ont présenté du dynamisme et de l'ingéniosité, ils ont réussi. La Beauce en est un exemple. Les régions d'Abitibi et du Saguenay-Lac-Saint-Jean ont donné cet exemple.

M. le Président, par cette loi 75, on va espérer qu'il y aura une solidarité entre tous les agents du milieu économique, à savoir les chefs d'entreprises, les travailleurs et les professionnels, pour faire en sorte que tous ensemble, nous puissions aider à l'essor économique du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): La deuxième lecture du projet de loi no 75, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement industriel, est-elle adoptée?

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: On demanderait un vote enregistré, que nous vous demandons aussi, par ailleurs, de reporter à la séance de demain.

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est donc accordé.

M. le leader.

M. Brassard: On reprendrait le débat sur le projet de loi no 70 en vous indiquant que le député de Saint-Hyacinthe, qui avait demandé l'ajournement, cède sa priorité, si l'on veut, au député de Nicolet.

Reprise du débat sur la deuxième lecture du projet de loi no 70

Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est donc la reprise du débat sur la motion du ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor qui propose que le projet de loi no 70, Loi concernant la rémunération dans le secteur public, soit maintenant lu pour la deuxième fois. La parole est au député de Nicolet.

M. Yves Beaumier

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Depuis le début du débat sur la loi 70, on en a entendu de toutes sortes. L'impression que j'en retire, c'est qu'il y a dans cette Chambre des gens qui semblent vivre à peu près sur une autre planète. On croirait à entendre les gens de l'Opposition, soit dans leur volet Opposition officielle ou officieuse ou marginale ou subversive, que le Québec est le seul à vivre actuellement une situation financière qui soit difficile. On oserait nous faire croire que nulle part ailleurs, que ce soit en Europe ou tout autour de nous, une société doit vivre et relever les défis que sont les nôtres. On aurait peut-être des raisons de croire qu'effectivement le Québec est plus durement touché qu'ailleurs. Cela pourrait aussi s'expliquer par le fait qu'il jouit dans notre système d'un genre de statut

particulier qui fait qu'en ce qui concerne, par exemple, les taux d'intérêt plus élevés au Canada qu'aux États-Unis, effectivement, cela a un impact plus dur pour le Québec étant donné non seulement que sa structure industrielle est basée pour l'essentiel sur la petite et moyenne entreprise, mais aussi parce que la structure financière même de nos petites et moyennes entreprises n'est pas suffisamment basée sur du capital-actions, n'est pas basée non plus sur des obligations, mais plutôt sur des prêts à court terme qui sont à la merci des fluctuations des taux d'intérêt. On pourrait croire aussi que, compte tenu des accords fiscaux - disons plutôt des désaccords fiscaux - la perte de tout près de 600 000 000 $ a affecté effectivement le Québec plus que d'autres endroits. Il y a aussi, à la suite des taux d'intérêt, des fermetures, un certain nombre de mises à pied qui ont eu un double effet: d'une part, réduire les revenus de l'État puisque n'ayant plus d'emplois, cela coupe au niveau des taxes et des impôts et, d'autre part, cela a aussi comme effet, compte tenu du resserrement qui s'est installé au niveau de l'assurance-chômage, de verser plus vite que prévu ces gens sur l'aide sociale, donc, au budget du gouvernement du Québec.

Mais il y a une chose qui est importante, c'est de voir si effectivement ce que vit le Québec est si spécial et si spécifique. On a cette tendance - je pense que c'est un trait de notre histoire et c'est peut-être un trait de notre caractère aussi -de croire que nous sommes moins bons qu'ailleurs, que devant des situations difficiles, et plus difficiles ici qu'ailleurs, on a de moins bonnes solutions.

Je me suis permis, M. le Président, d'aller voir un peu comment se situaient les budgets d'autres sociétés qui sont à peu près semblables à la nôtre pour vérifier comment la crise économique se vivait et comment cette crise se traduisait au niveau des finances publiques et plus particulièrement dans l'élaboration des budgets.

J'ai pris connaissance - c'était dans le Nouvel Observateur de la semaine du 3 au 9 avril 1982 - de ce qui se dit en France et c'est intitulé: "Pour limiter le déficit budgétaire, il n'y a pas 36 solutions et aucune n'est agréable. Les vaches maigres de 1983." On rappelle les paroles du président de la République: "Ne vous faites pas d'illusions, ce sont des décisions désagréables pour vous que va impliquer la volonté du président de la République de limiter le déficit budgétaire". Comme mesures suggérées et retenues, il y avait, entre autres, la majoration du prix payé par l'usager en ce qui concerne les services publics. "Il faudra opérer brutalement par une majoration rapide de 13% en moyenne." Autre mesure: "il faudra augmenter d'un point les cotisations de la sécurité sociale, et ce, sur la totalité des salaires." Autre mesure, pas agréable non plus, c'est "l'augmentation des cotisations de retraite complémentaires d'un point pour les non-cadres et de deux points pour les cadres." M. le Président, ce sont les décisions qui ont été prises, entre autres, en France.

J'ai également vu dans la Presse du lundi 22 février ce qu'il en était en Belgique. "Face à une situation économique que tous jugent catastrophique et qui commande une intervention urgente, le gouvernement chrétiens-libéraux de la Belgique - chrétiens-libéraux, c'est quasiment symbolique, M. le Président - a obtenu, au début du mois de février, des pouvoirs spéciaux dont il pourra se prévaloir jusqu'à la fin de 1982. La Belgique se porte plutôt mal, l'industrie belge a perdu le sixième de ses effectifs. Le charbonnage, la sidérurgie et les textiles sont particulièrement touchés par les licenciements. Contraint d'agir rapidement, le gouvernement a décidé d'imposer par la voie des pouvoirs spéciaux des mesures douloureuses, comme le soulignait lui-même le premier ministre, M. Martens. Douloureuses, elles le seront sûrement, car elles s'attaquent à quelques tabous dont le plus vivace est l'indexation automatique des salaires. Parmi les plus importantes mesures, on notera - j'aimerais que vous portiez attention, M. le Président -la suspension temporaire de l'indexation automatique des salaires à la hausse des prix et les bas revenus jouiront néanmoins d'une pleine indexation; deuxièmement, pour certaines catégories de salariés, une diminution de 3% du salaire réel, en 1982; des subventions aux petites et moyennes entreprises en vue de stimuler l'embauche des jeunes chômeurs; une réduction des salaires de 5% dans les entreprises subventionnées par l'État et, finalement, aussi une réduction sensible des dépenses publiques." C'est ce qui se passe en Belgique. (22 h 50)

On voit même M. Jean-Luc Dehaene, ministre des Affaires sociales et des Réformes institutionnelles, signaler que, dans la crise actuelle, il faut préserver l'essentiel du système, mais en tenant compte des réalités, ce qui veut dire faire des choix et même revenir sur certains acquis de la période de croissance. Pour vous dire, M. le Président, jusqu'où ils peuvent aller, pour freiner les dépenses de maladie, première cause du déficit, le gouvernement n'instaure pas, mais relève le ticket modérateur, et il veut aussi responsabiliser davantage les médecins au moyen des fameux profils médicaux déjà en usage en France. Les allocations familiales sont réduites, pour 1982, de 65 francs français par foyer.

Ce sont les mesures qui sont prises en Belgique. Il est même signalé qu'en ce qui concerne la position des syndicats, ils disent

que les syndicats ne sont pas totalement opposés à une telle politique dans la période actuelle. Ils l'ont prouvé d'ailleurs en acceptant, l'an dernier, un accord de modération des salaires. Ils entendent obtenir, en contrepartie - c'est un peu ce qu'on vit ici au Québec - des garanties en matière de création d'emplois, des garanties qui n'auront pas été données jusqu'ici mais que nous avons données entre autres par la déclaration ministérielle du ministre d'État au Développement économique ce matin.

Vous allez me dire que c'est en France, que c'est en Europe, c'est loin et c'est ailleurs. Passons aux maritimes. J'ai devant moi le budget du Nouveau-Brunswick, les prévisions budgétaires pour l'année 1982-1983. Si on regarde les opérations budgétaires et les opérations non budgétaires, les emprunts nets projetés sont de 500 000 000 $, ce qui veut dire que les emprunts nets projetés représentent 20% du budget du Nouveau-Brunswick, alors qu'ici, c'est autour de 9%. Si on va un peu plus dans les détails, dans les modifications fiscales, au Nouveau-Brunswick toujours, l'impôt sur le revenu des particuliers est augmenté alors que le gouvernement provincial, porte son taux de taxation de 52,4% à 55,5% de l'impôt fédéral de base, résultat de la suppression de la réduction d'impôt de 5,5% pour les particuliers qui avait été introduite par étapes successives de 1976 à 1979.

Je peux également sortir les prévisions budgétaires de la Nouvelle-Écosse, toujours pour l'année 1982-1983. En ce qui concerne les emprunts nets projetés, c'est 400 000 000 $ sur un budget de dépenses de 2 696 000 $, ce qui veut dire que la part des emprunts nets est de 15% alors qu'ici, au Québec, elle est de 9%. Quant aux modifications fiscales en Nouvelle-Écosse, je vais vous en lire une litanie. Plusieurs hausses de taxes devraient générer 182 000 000 $ de revenus additionnels. L'impôt sur le revenu des particuliers est augmenté. L'impôt sur le revenu des grandes sociétés subit une hausse. La taxe de vente voit son taux porté de 8% à 10%, et non pas à 9%. La taxe sur l'essence augmente de 0,047 $ à 0,078 $ le litre. La taxe sur les boissons alcooliques et la bière et la taxe sur les cigarettes et le tabac - je ne sais pas s'ils ont les mêmes problèmes, mais ils semblent avoir les mêmes solutions -est augmentée respectivement de 0,06 $ la bouteille de bière et de 0,08 $ le paquet de cigarettes. On pourrait continuer comme ça, M. le Président.

On va me dire que c'est dans les provinces maritimes. Ce sont des provinces un peu moins argentées. On va encore suivre le soleil, M. le Président. On arrive au Manitoba, sommaire des prévisions budgétaires 1982-1983. Les besoins nets financiers: 900 000 000 $; emprunts nets projetés: 900 000 000 $. C'est rendu à 30% du budget, soit la part qui est exigée pour les emprunts nets projetés comparativement, toujours, aux 9% du budget du Québec.

Quant aux modifications fiscales, l'impôt sur le revenu des particuliers est augmenté alors qu'une surtaxe représentant 20% de l'impôt provincial à payer s'appliquera sur les revenus imposables supérieurs à 25 000 $. La taxe sur le carburant diesel augmente de 15%. La taxe sur le tabac et les cigarettes augmente ainsi que la taxe sur les boissons alcooliques. On va me dire que c'est le Manitoba.

J'arrive à la province de l'Alberta qui est, soi-disant, riche, qui roule sur l'or noir en plus. C'est dans le journal Les Affaires du samedi 24 avril 1982. "L'Alberta, dans le rouge, pour la première fois depuis dix ans. À la suite de l'annonce par le trésorier de l'Alberta, M. Lou Hyndman, d'un déficit de 2 044 000 000 $ pour 1982-1983, la dette nationale de l'Alberta a plongé dans le rouge - ce qui n'est pas le cas ici, heureusement -pour la première fois depuis dix ans. Ce déficit - c'est ce qui est plus grave -effacera en effet, en une seule année, 1982-1983, le surplus budgétaire de 2 300 000 000 $ accumulé au cours des dix dernières années. Le déficit du gouvernement albertain, pour l'exercice en cours, représente 27,3% du budget. Toutefois, M. Hyndman ne croit pas que tout le potentiel économique sera réalisé en 1982 même si l'Alberta sera la province la moins touchée par la récession." C'est ce qui se passe en Alberta.

Je passe rapidement en ce qui concerne le gouvernement du Canada. Il y a assez d'histoires tristes, M. le Président. J'aimerais tout simplement souligner que la dette publique au Canada, au budget d'Ottawa, a fait un bond de 35% de toutes les dépenses fédérales. C'est le service de la dette publique qui connaîtra la plus forte augmentation cette année en faisant un bond de 35% pour atteindre 16 700 000 000 $.

En présentant ces chiffres au Parlement, le président du Conseil du trésor, M. Donald Johnston a soutenu que cette croissance spectaculaire s'expliquait par la hausse des taux d'intérêt et la taille globale de la dette elle-même. Il conclut: "Ottawa est victime de sa propre politique monétaire et doit payer de plus en plus cher pour emprunter les fonds dont il a besoin. On n'avait pas prévu - et vous voyez la nafveté et l'incompétence - dans le budget principal 1981-1982 - c'est toujours M. Johnston qui parle - la forte augmentation des taux d'intérêt", avoue le document fédéral. L'erreur est de taille puisqu'elle est l'équivalent de quatre fois le budget annuel de la ville de Montréal. Ottawa consacrera le quart de son budget au paiement de ses dettes.

Ceci dit, M. le Président, c'est peut-être pour éviter qu'au Québec - puisqu'on s'occupe vraiment plus du Québec - comme société, comme Assemblée nationale et comme gouvernement, on en arrive à se diminuer d'une façon non seulement inutile, mais qui n'avance à rien et pour revenir plus précisément, après avoir bien vérifié que ce que nous vivons au Québec, c'est comme ailleurs, que ce soit en Europe ou dans les provinces qui nous entourent. C'est la même récession économique, c'est la même situation financière difficile et qui oblige effectivement à présenter un budget quand même équilibré.

Là, on se dit: Bon! si on était une entreprise, c'est peut-être une imagination qu'on pourrait se permettre, si, comme gouvernement, nous n'étions qu'une entreprise, sauf que nous ne sommes pas qu'une entreprise, nous sommes à la fois une entreprise et un gouvernement. Si nous n'étions qu'une entreprise, qu'est-ce qu'on ferait, M. le Président? On réunirait certainement les employés, on leur dirait que nous sommes dans une difficulté budgétaire, on leur dirait que nous n'avons plus d'argent supplémentaire, on aurait le choix et on leur suggérerait le choix: ou on serait obligé de congédier une partie de nos employés d'une façon temporaire ou d'une façon définitive, ce qui a été écarté, ou on aurait à congédier tout le monde pour un petit bout de temps ou encore on aurait à leur offrir, comme certaines entreprises le font, une baisse des salaires sur une base volontaire ou non, ou on aurait le choix de fermer tous nos services pendant un mois, deux mois ou trois mois. (23 heures)

C'est une chose qu'on pourrait peut-être faire, comme employeur, dans une entreprise. Mais, comme gouvernement, nous ne pouvons le faire, parce que nous avons, entre autres, cette responsabilité de toute la population, cette responsabilité budgétaire. Nous ne pouvons plus aller - et je pense que mes collègues l'ont prouvé abondamment -faire des emprunts sans augmenter indûment le déficit. On ne peut pas non plus rogner davantage, compresser davantage les services, tout le monde a fait son effort. Il n'y aurait donc qu'un seul choix, ce serait d'aller, pour payer nos employés, comme gouvernement, chercher de l'argent chez les autres employés, chez les autres travailleurs.

L'une des deux principales responsabilités du gouvernement à part la législation, c'est sa responsabilité budgétaire. La solution qui est proposée au problème, qui n'est que d'ordre budgétaire, a été et est toujours de demander un effort aux salariés des secteurs public et parapublic. C'est une solution que je considère, d'une part, morale, et c'est une solution aussi qui est doublement sociale-démocrate. Elle est doublement sociale-démocrate parce qu'elle évite une inéquitabilité encore plus grande entre les travailleurs du secteur public et du secteur privé. Elle est aussi sociale-démocrate parce qu'à l'intérieur même du secteur public, il y a, dans l'offre, une modulation qui fait, comme chacun sait, que les plus bas salariés n'auront pas à payer en argent réel et que les plus hauts salariés pourront effectivement faire l'effort que la société a déjà fait.

Ceci dit, M. le Président, et ce sera ma conclusion, il faudrait si possible - j'en appelle à tous mes collègues de l'Opposition - éviter de se diminuer et de faire croire qu'au Québec, c'est pire qu'ailleurs et que nous sommes pires qu'ailleurs. D'autre part, il faut faire un appel à tous ceux et à toutes celles qui, dans les secteurs public et parapublic, profiteront de l'ouverture qui est faite par le gouvernement et donneront suite aussi à cet idéal social-démocrate. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Viau.

M. William Cusano

M. Cusano: M. le Président, je vous promets que je ne ferai pas le tour du monde, en parlant du projet de loi no 70, comme l'a fait le député de Nicolet qui s'est promené en Belgique, en France, dans les provinces atlantiques et dans le reste du Canada. Le projet 70, que nous étudions ce soir, est un projet de loi concernant la rémunération dans le secteur public, c'est-à-dire la fonction publique et le personnel des secteurs de l'éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux. Il est parrainé par M. Yves Bérubé, ministre délégué à l'Administration et président du Conseil du trésor. Permettez-moi de vous lire les notes explicatives de ce projet de loi. On dit: "Ce projet de loi vise à assurer la réalisation des équilibres budgétaires prévus par le discours sur le budget prononcé à l'Assemblée nationale par le ministre des Finances, le 25 mai 1982. Au deuxième paragraphe, on y dit: "II prévoit la rémunération qui sera versée, à défaut d'entente - je répète - à défaut d'entente, aux salariés du secteur public pour la période des trois mois qui suit la date prévue pour l'expiration de leurs conventions collectives. Il limite, en outre, pour l'année 1983, les avancements d'échelon sous réserve d'une entente entre les parties. Il assure, quant au reste, le maintien des conditions de travail jusqu'à la conclusion de nouvelles conventions collectives." Et, au troisième paragraphe, on trouve: "Le projet de loi permet enfin au gouvernement de tenir compte des effets de cette loi dans la détermination des subventions qu'il verse aux organismes

concernés."

Ces notes explicatives expliquent très mal ce projet de loi, car ce n'est pas un projet de loi qui vise à assurer la réalisation des équilibres budgétaires, mais c'est plutôt un projet de loi qui vise à sauver la face et les paroles du ministre des Finances. Dans son discours sur le budget prononcé dans cette Chambre le 25 mai dernier, le ministre des Finances nous annoncçait - et il en était très fier - que le déficit de cette province ne dépasserait pas les 3 000 000 000 $.

Mais, 3 000 000 000 $, c'est un chiffre énorme. Dans le temps où les libéraux étaient au pouvoir, on ne connaissait pas de déficit de milliards, on parlait de millions, et 1 000 000 $, aujourd'hui, tout le monde connaît cela. On connaît des millionnaires; on peut même gagner 1 000 000 $ à la Loto-Québec. Savez-vous, M. le Président, si quelqu'un vous offrait un emploi avec lequel dépenser 10 000 $ par jour, combien de temps vous seriez embauché? Je sais que vous ne pouvez pas me répondre de votre siège; mais il faudrait 274 années pour dépenser 1 000 000 000 $ et si l'on parle de 3 000 000 000 $ et plus, je laisse à votre imagination de faire le calcul. C'est 800 ans qu'il faudrait pour dépenser les 3 000 000 000 $, en dépensant 10 000 $ par jour. Cela, c'est un beau ballon. Lorsqu'il nous annonçait que le déficit était aux environs de 3 000 000 000 $, le ministre a oublié de nous mentionner qu'il y avait deux conditions pour qu'il se tienne en bas de 3 000 000 000 $. La première, c'était qu'il fallait qu'il aille chercher chez les employés des secteurs public et parapublic 521 000 000 $ et, deuxièmement, qu'il ne fasse pas d'erreur et qu'il n'ait pas fait d'erreur comme dans les années antérieures, les années 1977 à 1980, des erreurs de 200 000 000 $, 300 000 000 $, 400 000 000 $ et 600 000 000 $.

Ces notes explicatives n'expliquent pas non plus que le projet de loi no 70 est une mesure unilatérale sans précédent dans l'histoire des relations de travail entre le gouvernement et ses employés. On n'y explique pas non plus que ce projet de loi contredit la libre négociation collective des conditions de travail. On n'explique pas non plus, dans ce projet de loi, que le gouvernement renie, à toutes fins utiles, la signature qu'il a déjà donnée au bas des conventions collectives en vigueur jusqu'au 31 décembre 1982. Le gouvernement, en d'autres mots, fait indirectement ce qu'il ne pouvait pas faire directement. On n'y explique pas non plus que le gouvernement impose unilatéralement, presque un an à l'avance, les conditions salariales devant prévaloir pour l'année qui commencera le 1er avril 1983. On n'y explique pas non plus que ce projet de loi va à l'encontre d'une règle inscrite dans les conventions collectives qui existent.

Cette règle, on la trouve aussi à l'article 59 du Code du travail. Ce projet de loi viole cette règle de la façon suivante, c'est qu'il prolonge arbitrairement la durée des conventions collectives existantes sans aucune négociation, ni entente préalable avec la partie syndicale. En général, on omet d'expliquer que cette loi est vraiment un abus de pouvoir. (23 h 10)

Le député d'Anjou, ministre des Affaires sociales, a trouvé le moyen de blâmer le fédéral, mais, en même temps, il se mordait les lèvres, parce qu'il sait fort bien que cette convention collective, c'est ce gouvernement qui l'a signée, ce n'est pas le fédéral, ce ne sont pas, non plus, les libéraux, c'était vous, messieurs d'en face, qui, avant le référendum, vous êtes promenés de gauche à droite à travers la province pour faire de beaux petits cadeaux, pour acheter peut-être vos votes référendaires. Malheur à ceux qui osaient refuser de signer ces ententes collectives.

Je me rappelle d'un incident qui a duré deux heures, c'était à la Commission des écoles catholiques de Montréal, où le présent vice-premier ministre, lui, le grand expert en négociation syndicale, lui qui s'est creusé un trou de 500 000 000 $ à 10 000 $ par jour 137 ans, se vantait de ses belles ententes collectives des années 1979-1980. Je me rappelle que cette commission scolaire avait été placée en tutelle pendant deux heures et, vous savez, cette entente collective qui a mécanisé l'enseignement, non seulement elle nous a coûté cher en termes d'argent, mais, lorsqu'on parle de l'éducation des enfants, cette entente collective imposée par ce gouvernement nous a coûté et nous coûtera très cher.

Aujourd'hui, où est le vice-premier ministre? Je le défie de venir expliquer dans cette Chambre pourquoi, en 1979-1980, il jugeait bon d'imposer ces ententes collectives et qu'aujourd'hui il accepte de renier sa propre signature. On l'a remplacé, peut-être à cause de son trou de 500 000 000 $; on l'a remplacé par le grand psychiatre national; et lui, depuis quelques mois, il nous laisse entendre que ça va mal dans le système scolaire. Il faut une nouvelle restructuration et, à ce jour, il n'y a pas eu beaucoup de consultation. Ce ne sont que des fuites. Et qu'est-ce qu'on attend de ces fuites?

C'est qu'il a l'intention de détruire la démocratie dans le milieu scolaire, en abolissant et les commissions scolaires et le suffrage universel. On voit ceci par l'immobilisme de ce gouvernement.

Lundi prochain, le 14 juin, il y aura des élections scolaires à travers la province de Québec. Qu'a fait le ministre de l'Éducation pour encourager la participation des gens à ces élections? Rien, mais, lorsqu'il s'agissait de faire distribuer dans

toutes les écoles de la province de Québec un dépliant propagandiste intitulé "Minute Ottawa", il s'est hâté, selon ses propres mots, moins lentement. Et qu'ont demandé les gens depuis longtemps dans cette province quant aux élections scolaires? Ils n'en ont pas demandé l'abolition, ils ont demandé qu'il y ait certains changements; et, de la liste qui est très longue, j'aimerais en souligner quelques-uns: on a recommandé plusieurs fois au ministre de l'Éducation que les élections soient tenues à l'automne plutôt qu'en juin, à la veille des vacances. On a recommandé qu'elles soient tenues le dimanche et non le lundi. On a demandé un accroissement du délai entre le moment de la présentation des candidats et le jour des élections. On a aussi demandé d'abolir le système électoral rotatif où le tiers de l'ensemble des commissaires d'écoles est élu chaque année pour un mandat de trois ans, ce qui complique la participation. On veut tenir, à la place, des élections tous les trois ou quatre ans pour l'ensemble des commissaires. Qu'a-t-il fait, M. le Président? Il nous a dit dans cette Chambre - son adjoint parlementaire nous l'a dit - que la démocratie dans le milieu scolaire, ce n'est pas bien important, c'est le gouvernement qui s'en occupera.

Notre psychiatre national est un autre étapiste. Pourquoi n'a-t-il pas pris ses responsabilités? Pourquoi n'a-t-il pas informé la population qu'il y aura des élections le lundi 14 juin, dans toute la province? Qu'est-ce qui va arriver, M. le Président? Une fois que les élections auront eu lieu et qu'un très bas pourcentage d'électeurs se seront présentés au scrutin, il pourra revenir dans cette Chambre et nous dire: Vous voyez, le système est dépassé. Les gens ne sont plus intéressés, alors, nous abolirons le suffrage universel pour les commissions scolaires, M. le Président.

C'est une action unilatérale, comme la loi 70, comme la loi 37 sur la fusion de Baie-Comeau et Hauterive, comme plusieurs autres lois qui ont été présentées dans cette Chambre. C'est un virus qui est contagieux. C'est en train de devenir une maladie collective de la part des ministres, de chacun d'entre eux, l'introduction de lois unilatérales.

Mr. President, we are looking tonight at Bill 70, a bill that has been set up, that has been presented in order to save the face of the Minister of expenses - I am sorry, it is the Minister of Finance. This bill will set the collective bargaining process back into the Dark Ages of workers' rights. Yes, this Government, in order to buy off votes prior to the referendum, signed generous contracts left and right across this province. Money was no object. What is a million? What is a billion? A billion is one thousand times one million, Mr. President. That is right, and the deficit is 3 000 000 000 $.

And now, Mr. President, we see that in order to save the face... You know, when he says that there is only a deficit of 3 000 000 000 $, that is conditional to two things. Number 1, he must not make errors like he did in 1978, 1979, 1980 or 1981, errors of 300 000 000 $, 400 000 000 $, 500 000 000 $, 600 000 000 $; that is the first condition. The second condition is that he has to go and take out of the workers' pocket unilaterally 521 000 000 $.

L'adjoint parlementaire, le député de Prévost, nous disait qu'il espérait qu'on n'applique pas cette loi, M. le Président. Comment pouvez-vous négocier? Comment pouvez-vous inviter les syndicats à s'asseoir à la table lorsque vous prenez un fusil à trois canons et que vous chargez les trois canons. La première balle, c'est une imposition unilatérale des régimes des rentes. Vous vous rappelez cela, M. le Président? Conventionnellement, il y a toujours eu entente entre les syndicats et le gouvernement avant que les régimes de retraite soient légiférés.

Le deuxième canon, avec la deuxième balle, c'est la menace d'ouvrir unilatéralement l'entente collective. Le troisième canon, avec la troisième balle, c'est le projet de loi que nous avons devant nous ce soir, ce projet de loi qui, encore unilatéralement, va piger 521 000 000 $ dans les poches des employés du secteur public. On appelle cela en anglais "shotgun wedding". (23 h 20)

Pour ces raisons, parce que c'est un geste unilatéral qui reculera les droits des travailleurs syndiqués dans cette province d'au moins vingt-cinq ou trente années, M. le Président. Je vais donc être obligé de voter contre ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont.

M. Jean-Guy Rodrigue

M. Rodrigue: M. le Président, j'ai écouté avec attention le dernier intervenant, le député de Viau. Je comprends qu'on peut l'excuser un peu, parce qu'il est entré à l'Assemblée nationale en même temps que moi, le 13 avril 1981. Lorsqu'il vient nous affirmer que, sous le gouvernement libéral, des déficits de cet ordre n'existaient pas, je voudrais lui rappeler quelques faits qui vont illustrer qu'il faut être un peu prudent lorsqu'on fait de telles affirmations.

M. le Président, sous le gouvernement libéral qui nous a précédés, on ne comptabilisait pas, par exemple, les coûts des régimes de retraite des employés des secteurs public et parapublic. Or, cette année seulement, dans le budget du

gouvernement du Québec - parce que nous, nous les comptabilisons, ces coûts - on retrouve à ce seul article des dépenses de l'ordre de 1 214 000 000 $. Or, le gouvernement qui nous a précédés ne parlait pas de ces coûts. Il les camouflait. Alors, c'est facile là de montrer des budgets qui n'ont pas de déficits très élevés quand on camoufle des dépenses de cet ordre.

Un deuxième élément, M. le Président, qu'il faut également souligner au député de Viau, c'est que le gouvernement qui nous a précédés n'a jamais indexé les exemptions personnelles d'impôt. C'est le présent gouvernement qu'il l'a fait, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1976. Cela veut dire qu'en s'abstenant de poser quelque geste quant à l'indexation des exemptions personnelles, compte tenu de la hausse des taux d'inflation et compte tenu de la hausse des salaires qui était peut-être de l'ordre de 10% à cette époque, ce gouvernement se trouvait à imposer, par abstention, des taxes supplémentaires et cachées aux Québécois sans que ceux-ci ne s'en rendent trop compte.

Finalement, M. le Président, le facteur peut-être le plus important, malgré que les deux autres soient quand même de taille, c'est le fait que la situation économique, entre 1970 et 1976, était beaucoup moins difficile que ce qu'on connaît présentement. En fait, je pense que ceux qui ont un peu suivi l'actualité sont en mesure de savoir que la récession économique qui affecte actuellement le monde industrialisé, le monde occidental, c'est la pire que nous ayons eu à subir depuis 50 ans. Si on se fiait un peu à ce que disent nos amis d'en face, on aurait l'impression que cette crise n'existe qu'au Québec et que ce qui se passe au Québec n'a rien à voir avec les événements qui se sont passés dans d'autres pays.

Celui qui, finalement, a peut-être fait les déclarations les plus surprenantes dans ce domaine, c'est le chef de l'Opposition, lui-même qui déclarait, ici même à l'Assemblée nationale, le 7 juin dernier: "Le gouvernement voudrait nous faire croire que la crise actuelle des finances publiques du Québec s'explique par la flambée des taux d'intérêt sur le plan international." Et il ajoutait: "C'est parfaitement ridicule, c'est parfaitement irréaliste".

Mais, M. le Président, six jours avant, lors d'une émission spéciale à Radio-Québec sur la crise qu'on connaît, le même chef de l'Opposition disait: "La leçon qui se dégage de ces faits est claire. C'est vrai que les facteurs internationaux, que les politiques fédérales ont un rôle à jouer dans la situation économique actuelle".

Alors, je me demande à quel moment...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Rodrigue: ... on va devoir le croire, M. le Président. J'ai écouté les discours des représentants de l'Opposition et, finalement, il y a constamment des contradictions comme celles-là. Ils disent à peu près n'importe quoi et, finalement, ils se contredisent d'un discours à l'autre ou au cours d'un même discours.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition, question de privilège.

M. Ryan: M. le Président, je veux signaler que le député m'a cité deux fois d'une manière tronquée qui déforme complètement la pensée que j'ai exprimée en ces deux occasions. J'ai signalé clairement, dans ces deux occasions, en toute honnêteté intellectuelle que les facteurs internationaux et les politiques canadiennes ont eu un rôle à jouer dans la crise que nous vivons mais j'ai également souligné avec force que les politiques et l'ineptie du gouvernement du Québec ont également eu un râle très important. Si le député veut me citer, qu'il me cite au complet, j'en serai très honoré.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Bien, M. le Président, je suis heureux que le chef de l'Opposition vienne faire cette mise au point parce que, pendant tout ce débat sur la loi 70, ses députés ont soutenu exactement le contraire. Ils ont constamment répété que, s'il y avait crise au Québec, c'était la faute du gouvernement du Québec et qu'il ne fallait surtout pas essayer de l'expliquer en reportant cela sur le fédéral ou sur la crise internationale. Je suis heureux de son affirmation, ça vient confirmer ce que nous avons dit de ce côté de l'Assemblée depuis le début de ce débat.

Une voix: Très bien.

M. Rodrigue: M. le Président...

M. Ryan: Question de privilège, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le chef de l'Opposition, question de privilège.

M. Ryan: Je peux me dispenser de toute explication, mais le député déforme encore complètement ma pensée et je lui demanderais de respecter ma pensée s'il veut me citer, j'en serai très honoré.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: Alors, M. le Président, j'espère que les députés de l'Opposition vont

relire les déclarations que vient de faire le chef de leur parti et qu'ils sauront s'en inspirer dans ce débat.

M. le Président, il est évident que le gouvernement du Québec n'échappe pas à la crise que nous connaissons présentement et l'effet pour ses finances, finalement, c'est que les revenus sont moins élevés que prévu parce que, le chômage augmentant, il y a moins de travailleurs qui paient des taxes, qui paient des impôts directs. Également, à cause de l'insécurité que crée une telle situation, ces travailleurs sont moins portés à acheter des biens de consommation, de sorte que les taxes qu'en retire le gouvernement diminuent également. En fait, on constate un phénomène un peu extraordinaire de ce temps-ci, c'est que l'épargne des Québécois augmente à un rythme accéléré alors que nous sommes en pleine période de crise économique, et ça s'explique un peu.

Qui va aller acheter une automobile ou décider de changer de meubles, parce que ça fait quinze ans qu'on est marié, que les enfants ont grandi et qu'on est prêt à changer ses meubles? Qui va aller faire ces achats avec des taux d'intérêt à 20%? Les gens ne sont pas fous. Ils se disent: On nous promet que ça va baisser d'ici un an, un an et demi, rien ne presse. Alors, on garde la vieille automobile, on garde les meubles encore une année ou deux et on fera nos achats plus tard, quand les taux d'intérêt auront baissé. Un autre phénomène, c'est qu'on accumule des économies et, lorsqu'on a un achat à faire, on paie comptant.

D'autre part, non seulement les revenus diminuent mais, à cause des mêmes phénomènes, les dépenses augmentent parce qu'on retrouve plus de gens sous le bien-être social, les charges sociales de l'État augmentent et cela se trouve à coincer drôlement les finances de l'État du Québec. Je vous donne deux exemples. Au seul chapitre des taux d'intérêt, cette année, pour le gouvernement du Québec, ça représente des dépenses supplémentaires de l'ordre de 350 000 000 $. Cette situation s'est drôlement compliquée par la décision du gouvernement fédéral de réduire ses paiements de péréquation d'un montant de l'ordre de 530 000 000 $, et cette décision, nous ne l'avons connue de façon définitive qu'au mois de février de cette année. Il était extrêmement difficile pour le ministre des Finances de faire des prévisions parce qu'il y a certains facteurs importants qui déterminent les revenus du Québec et dont on a pris connaissance il y a environ deux mois et demi ou trois mois.

Alors, ces deux seuls points représentent déjà un écart de 855 000 000 $ et, quand on examine les montants d'argent que le ministre des Finances a voulu récupérer en salaires chez les salariés de la fonction publique et du secteur parapublic et en augmentations d'un certain nombre de taxes des biens non essentiels, on en arrive autour de ce chiffre-là. Ce n'est pas un mystère, il y a eu des dépenses ou des diminutions de revenus de l'ordre de 885 000 000 $ qui nous sont arrivées et qu'on a connues à la toute dernière minute. (23 h 30)

À ce niveau, la situation du gouvernement du Québec ressemble un peu à celle de l'ensemble de nos concitoyens. Ceux qui ont eu à renouveler des emprunts hypothécaires sur leur maison cette année et qui avaient des hypothèques qu'ils avaient négociées il y a environ cinq ans à 11 1/2% se voient contraints de payer environ 20% d'intérêt sur ces hypothèques, ce qui représente peut-être 250 $ de plus par mois.

Ces gens sont pris dans la même situation que le gouvernement. Comme ils n'avaient pas prévu cela et comme les 250 $, c'est une somme tout de même assez importante qui vient drainer leurs ressources, ils sont obligés de couper sur d'autres dépenses et de rééquilibrer leur budget. Ils vont retarder l'achat de l'auto, ils vont retarder l'achat des meubles, ils ne prendront pas de vacances. Enfin, ils prennent les moyens pour équilibrer leur budget. C'est la même chose que le gouvernement du Québec fait.

D'autre part, lorsqu'on a été confrontés avec cette situation, on a eu à se poser la question suivante: Où est-ce qu'on va prendre l'argent? Est-ce qu'on va augmenter les impôts? Ou encore, est-ce qu'on va diminuer les services à la population? Ou encore, est-ce qu'on va réduire les dépenses? Au niveau des impôts, nous avons un fardeau fiscal plus élevé que ceux des citoyens des autres provinces. Cela se comprend un peu parce qu'effectivement, le gouvernement du Québec donne plus de services à la population que ce qu'on peut constater dans les autres provinces. Mais, en période de récession économique, il était absolument contre-indiqué d'aller augmenter les impôts parce que là, cela aurait été un facteur qui aurait encore diminué les achats des ménages et, à ce moment, qui aurait créé encore plus de chômage dans nos industries.

Par ailleurs, au niveau des compressions budgétaires, nous en avons fait pour 800 000 000 $ l'an passé, nous en faisons pour 760 000 000 $ cette année. Il y a eu des coupures de programmes dans les services de santé, de l'ordre de 45 000 000 $. Il était extrêmement difficile de faire plus dans le domaine des compressions budgétaires.

Finalement, il ne reste qu'un seul endroit où nous sommes capables de trouver l'argent pour rencontrer le manque à gagner de 885 000 000 $ dont j'ai parlé au début et c'est au niveau de la rémunération des employés des secteurs public et parapublic.

Pourquoi à ce niveau? Parce qu'on constate que la rémunération globale en moyenne de ces salariés est de l'ordre de 13% ou 14% de plus que ceux qui exercent des fonctions équivalentes, pour ceux avec lesquels des comparaisons sont possibles, dans les entreprises privées de 500 employés et plus, syndiqués. On ne compare pas cela au salaire minimum. On compare cela aux entreprises où les travailleurs sont syndiqués, de grosses entreprises de 500 salariés et plus. Malgré cela, la rémunération globale incluant les bénéfices marginaux dépasse, en moyenne, de 14% celle des employés du secteur privé.

Est-ce qu'on peut demander aux employés des secteurs privés de supporter un tel écart? Est-ce qu'en période de récession économique, alors qu'eux-mêmes ont à faire face à des mises à pied, à des réductions du temps de travail, ou encore à des réductions de salaire dans certains cas négociées avec les employeurs, est-ce que, dans une situation comme celle-là, il aurait été convenable pour le gouvernement de leur demander en plus de supporter par des emprunts additionnels ou par des taxes additionnelles des salaires qui dépassent les leurs d'un ordre de grandeur tout de même appréciable? Je pense que là, on entre dans le domaine de l'équité sociale. Il me semble que la réponse est évidente. En somme, on ne demande pas aux salariés des secteurs public et parapublic d'assumer seuls le problème des équilibres budgétaires du gouvernement du Québec. Les salariés du secteur privé ont déjà payé et largement payé pour cela par les moyens que j'ai mentionnés tout à l'heure: mises à pied, diminution du temps du travail, diminution de salaire. Finalement, ce qu'on demande aux salariés des secteurs public et parapublic, c'est de faire leur part de façon que tous ensemble nous parvenions à sortir de cette situation qui est difficile, mais qui n'est pas éternelle. Quand nous aurons traversé les mauvaises années qu'on vit présentement on pourra faire en sorte que l'économie du Québec puisse reprendre son élan. Le gouvernement a fait sa part dans ce domaine d'ailleurs. En fin de semaine, vendredi, je crois, le premier ministre, accompagné du ministre d'État à l'Habitation, a annoncé le lancement d'un programme de construction de 50 000 logements. Aujourd'hui même, c'est le ministre d'État au Développement économique qui a annoncé l'injection de 100 000 000 $ additionnels dans la relance économique, ce qui, au total, porte les sommes affectées à la relance économique à un niveau de 170 000 000 $.

Si le gouvernement du Québec veut être en mesure d'agir davantage sur le plan de la relance économique, il faut qu'il en dégage les sommes d'argent dans son budget. C'est pour être en mesure de dégager les marges de manoeuvre qui sont indispensables pour agir sur le plan de la relance économique qu'il faut que le gouvernement du Québec diminue ses dépenses. En somme, ce n'est pas par plaisir ou pour s'amuser aux dépens des salariés des secteurs public et parapublic que le gouvernement pose un tel geste. C'est parce que la situation ne lui laisse pas le choix. S'il veut répondre au voeu énoncé par les centrales syndicales entre autres et par de nombreux autres organismes de s'impliquer dans la relance économique du Québec, il faut qu'il prenne ces sommes quelque part. Si nous étions un gouvernement souverain, nous aurions certains moyens à notre disposition pour être capables d'agir sur les masses d'argent, pour être capables d'agir sur les taux de crédit et, à ce moment-là, nous pourrions utiliser d'autres moyens, mais ces pouvoirs, nous ne les avons pas, c'est le gouvernement du Canada qui, pour l'instant, les a. J'espère que, d'ici peu, le gouvernement du Québec les aura également, mais c'est une question que la population aura à trancher bientôt.

Nous avions fait une proposition, M. le Président, aux syndicats des secteurs public et parapublic à l'effet de rouvrir les conventions collectives à compter du 1er juillet, afin de réduire les augmentations qui y étaient prévues. Ceci nous aurait permis, sur une période de neuf mois, de récupérer les 520 000 000 $ dont nous avons besoin pour équilibrer le budget. Il y avait un point "intéressant" dans cette proposition (je dis intéressant entre guillemets) parce que ce n'est jamais intéressant d'avoir à accepter une augmentation de salaire qui est moins élevée que celle qu'on avait prévue. Il y avait quand même un élément très positif, c'est que cette proposition permettait aux bas salariés d'avoir la pleine indexation de leur salaire au coût de la vie, puis, dans une façon décroissante, les plus hauts salariés, les moyens salariés. Les plus hauts salariés se voyaient indexés, mais d'une façon moindre et, à compter de 37 000 $ et plus, il n'y avait plus d'indexation et aucune augmentation. Cela permettait de protéger le pouvoir d'achat des plus bas salariés qui, finalement, sont ceux qui en ont le plus besoin.

Étant donné que cette proposition a été refusée, et c'était le droit des syndicats de le faire, je ne les blâme pas nécessairement, mais je pense qu'on est ici pour s'expliquer, étant donné que cette proposition a été refusée, cela forçait le gouvernement à faire la récupération des 520 000 000 $, non pas sur neuf mois, mais sur la période de trois mois qui termine son année fiscale, c'est-à-dire entre le 1er janvier 1983 et le 31 mars 1983. Ce n'est plus possible alors, quand on est pris pour comprimer cela dans trois mois, de faire une récupération ce qu'on appelle, dans notre jargon, modulée, c'est-à-dire de faire en sorte que les plus bas salariés

subissent des pertes moins fortes que les plus hauts salariés.

M. le Président, le projet de loi qui est devant nous ne ferme pas la porte à un accord de cette nature. Si cette proposition que nous avions faite pour le 1er juillet n'est pas convenable, à ce moment-là, nous sommes toujours disposés à examiner une autre proposition. À ce niveau, en terminant, j'aimerais quand même lire l'article 6 du projet de loi, qui donne ouverture à cela et qui dit: "Un employeur et une association de salariés peuvent établir par entente des règles différentes de celles prévues par l'article 5 en matière de classement, s'ils estiment qu'une telle entente aura pour effet de réduire les coûts de la rémunération selon une proportion comparable à celle qui résulterait de l'application de l'article 5."

Donc, il demeure possible, malgré l'adoption de cette loi, que des négociations s'engagent et qu'on réussisse à faire en sorte que les salariés de la fonction publique qui gagnent les plus bas salaires se voient pleinement indexés, et que ce ne soit qu'au niveau des moyens et des plus hauts salariés que, finalement, on soit en mesure de récupérer les 520 000 000 $.

J'espère, en terminant, que nous pourrons très prochainement entamer ces négociations avec les syndicats qui représentent ces salariés, de sorte que nous pourrons minimiser la portée des inconvénients qu'ils auront à subir de la crise que nous connaissons présentement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laprairie.

M. Jean-Pierre Saintonge

M. Saintonge: Merci, M. le Président. Au début de mon intervention sur ce projet de loi no 70, Loi concernant la rémunération dans le secteur public, je ferai un bref rappel des événements des derniers mois. En avril, à la veille de la préparation du budget 1982-1983, le gouvernement se trouve aux prises avec un déséquilibre sans précédent dans les finances publiques. Il désirait alors, pour se sortir de l'impasse, procéder à la réouverture des conventions collectives, huit ou neuf mois avant leur échéance, afin d'éviter de verser l'essentiel des augmentations de salaires prévues de juillet à décembre 1982, c'est-à-dire 521 000 000 $, à ses employés. Refus du syndicat. Menace du gouvernement d'agir unilatéralement, pour aller contre les dispositions des conventions collectives que le gouvernement avait pourtant lui-même signées. Qu'on se rappelle ici les belles paroles du ministre des Finances qui, en dressant le bilan des conséquences financières de l'entente négociée en 1979 par le gouvernement péquiste, disait, et je cite: "Tout en se montrant progressiste sur le plan social, le gouvernement émerge de ses négociations avec l'impression d'avoir été un valable gardien des fonds publics et de ne pas avoir, tel le précédent gouvernement, cédé à la tentation de la facilité d'une échéance électorale."

C'était bien beau à l'époque. Quelques jours avant le budget du 25 mai dernier, le premier ministre se ravise. D'accord, le gouvernement va respecter ses engagements, va respecter sa signature jusqu'au 31 décembre 1982, date d'expiration des conventions collectives, mais - parce qu'il y un mais - le gouvernement se réserve le droit de récupérer les sommes nécessaires pour équilibrer son budget à partir de janvier 1983. C'est alors le budget Parizeau, 7e édition, et le projet de loi no 70 qui viennent préciser les intentions du gouvernement. Dans les trois premiers mois de 1983, il y aura récupération de 521 000 000 $ versés à environ 350 000 fonctionnaires visés par la loi no 70 dans les derniers mois de 1982, qui est l'augmentation prévue de juillet à décembre 1982, en conformité avec les ententes existantes. Cela veut dire une diminution, pour les trois premiers mois de 1983, de l'ordre de 18,8% qui s'applique sans discernement à tous les syndiqués visés par la loi, petits et gros salariés, pas de différence. C'est cela, la nouvelle social-démocratie du gouvernement.

Faut-il rappeler ici qu'il a visé tout le monde dans des récupérations de taxes, dans des taxes indirectes. Les petits comme les gros, cela connaît le gouvernement depuis quelque temps; qu'on se rappelle la taxe sur l'essence, la taxe sur la bière, l'immatriculation, les frais d'enregistrement, les permis de conduire, l'augmentation de la taxe de vente. Maintenant, à ce point de vue, je ne peux que souligner que le gel modulé, proposé dans les mesures de réouverture des conventions collectives, était de beaucoup préférable. C'est peut-être un indice ici que le gouvernement veut, par sa nouvelle façon de procéder avec le projet de loi no 70, créer un peu de zizanie dans le monde syndical; c'est odieux et c'est discriminatoire. C'est discriminatoire parce qu'on reporte sur une catégorie spécifique de citoyens, avec lesquels on avait pourtant négocié prétendument de bonne foi des conventions collectives de travail, les difficultés financières de l'État et on veut récupérer dans leurs poches les 521 000 000 $ qu'on s'était engagé à verser lors de la signature. Ces travailleurs qui sont visés par la loi 70 ont le droit d'être traités avec respect, dignité et considération eu égard aux engagements pris antérieurement par le gouvernement. Ce ne sont pas des boucs émissaires et ils ne doivent pas être non plus les otages de la situation financière du gouvernement.

C'est discriminatoire également contre les employés du secteur public pour un autre motif, c'est-à-dire les employés qui sont visés par la loi 70 par rapport aux employés du secteur public qui ne sont pas touchés par cette loi 70, et je réfère, par exemple, aux employés d'Hydro-Québec, de la Société des alcools et de la Sûreté du Québec.

De ce côté-ci, nous avons manifesté notre opposition contre le projet de réouverture unilatérale des conventions collectives pour le motif principal suivant: le respect des contrats est une question de principe et d'honneur devant lequel aucun gouvernement québécois fier et responsable ne saurait se défiler. Le projet de loi no 70 est une forme légèrement modifiée de la réouverture unilatérale des conventions collectives; le premier ministre l'a admis lorsqu'il a été interrogé par le chef de l'Opposition ici même en Chambre. Ce projet de loi constitue une mesure unilatérale sans précédent. Il bafoue le principe du droit d'association des travaillers des secteurs public et parapublic et le principe de la libre négociation des conditions de travail et des conventions collectives, ces principes qui avaient été reconnus dans les secteurs public et prarapublic par les gouvernements et l'Assemblée nationale depuis les années 1960.

Par ce projet de loi no 70, le gouvernement renie tout autant sa signature apposée au bas des conventions de travail. Il fait indirectement ce qu'il n'a pu ou a renoncé à faire directement, c'est-à-dire la réouverture unilatérale des conventions collectives. Il reprend par la porte d'à côté ou il reprend de la main gauche ce que de la main droite il avait donné. En effet, en imposant unilatéralement ce prolongement de trois mois des conventions collectives, c'est-à-dire de janvier à mars 1983, en ne modifiant que les salaires sans le consentement des syndiqués, le gouvernement va contre les règles ordinaires du Code du travail et contre les dispositions mêmes contenues dans les conventions collectives selon lesquelles à l'expiration des conventions collectives les conditions existantes demeurent inchangées tant que la nouvelle convention collective n'a pas été signée ou décrétée. On contourne ce principe de façon plutôt vicieuse, comme le soulignait le président du Syndicat des fonctionnaires du Québec.

Le gouvernement vient donc rechercher la sanction de l'Assemblée nationale pour poser un geste arbitraire et pouvoir arbitrairement modifier les conditions de rémunération de ses employés et décider pour 1983 les augmentations d'échelons de ses employés. La crédibilité du gouvernement en prend un rude coup et les citoyens s'en souviendront sûrement.

Je vais vous citer les paroles de précurseur du ministre des Finances dans un commentaire que le même Jacques Parizeau adressait au gouvernement Bourassa dans un éditorial du journal Le Jour le 19 décembre 1975: "Que le Québec soit financièrement aux abois et ait besoin d'en enlever aux uns pour en donner aux autres, cela est bien possible, mais alors c'est sa gestion des affaires publiques qu'il doit défendre. S'il a tellement mal administré qu'il doit maintenant tripoter les salaires et voler une partie de sa main-d'oeuvre pour équilibrer ses comptes, il n'a pas raison d'être fier de sa performance."

Tout est là, M. le Président. Qu'est-ce qui a amené cette situation? Nous devons constater, pour notre plus grand malheur, que le gouvernement québécois est dans une situation financière et économique précaire, situation dont il est l'artisan principal, le premier responsable. Cette situation a été causée par son imprévoyance, son incurie, son incompétence. (23 h 50)

Certes la situation économique est difficile au Canada et partout dans le monde, mais le Québec éprouve de façon générale plus de difficultés que ses voisins. C'est que son économie a été rendue vulnérable, c'est qu'il demeure plus exposé que ses voisins à la suite des politiques appliquées par le gouvernement, de ses mauvaises décisions et de ses folles dépenses.

Quelques exemples, M. le Président. On pense au dossier de la Société d'habitation du Québec reconnu par le Vérificateur général. On a parlé des belles toilettes, M. le Président, des toilettes de luxe, des travaux de grandeur même dans l'édifice du parlement; mon confrère de Maskinongé parle des primes de séparation depuis quelques semaines. La fête nationale, M. le Président, 5 000 000 $ qui ont été dépensés l'an dernier par le gouvernement dans les fêtes nationales, 5 000 000 $ de dépenses et on a réussi à faire un déficit de 1 000 000 $ et plus. On parle de 800 000 $, on s'en vient à 1 000 000 $, peut-être 1 500 000 $. Nous aurons la réponse bientôt.

Il n'y a tellement pas de problèmes là-dedans, M. le Président, que l'enquête du vérificateur ordonnée en novembre dernier pour Montréal et le Lac-Saint-Jean qui devait être déposée au mois de mars, on la reporte au mois d'avril, au mois de mai, au mois de juin, on ne sait plus quand. Pas de problèmes, c'est une enquête facile. La chose viendra, on attend impatiemment.

Mais que dire maintenant si on avait enquêté sur la source principale du scandale, si on avait porté l'enquête non pas tout simplement à Montréal et au Lac-Saint-Jean, mais sur le comité organisateur? On aurait bien attendu pendant un an. C'est cela, de folles dépenses, M. le Président.

Que penser du compte de dépenses non appropriées, des investissements dans

l'amiante? On va répéter aussi des dépenses qui ne seraient pas nécessaires, à mon point de vue, vu la conjoncture actuelle ou les finances actuelles du gouvernement. Je réfère ici, par exemple, au projet Archipel. Jusqu'à maintenant le comité interministériel dans le projet Archipel aurait autorisé, aurait obtenu des crédits, débloqué des crédits de 14 000 000 $, pour un projet au sujet duquel on a appris la semaine dernière que la rentabilité économique, à toutes fins utiles, était inexistante. C'était reconnu par Hydro-Québec et même par le ministre de l'Énergie et des Ressources. Cela est rentable du point de vue social, c'est une rentabilité sociale, mais dans le cas de difficultés et de compressions budgétaires, je soumettrai très respectueusement que cette rentabilité sociale devrait être repoussée pour aller au véritable problème. Le projet Archipel après tout est un minime projet, pense-t-on; nullement. C'est un projet d'une dizaine de milliards de dollars.

Dans le domaine des finances publiques, M. le Président, c'est pareil. Performance médiocre. Ce qui explique la crise financière du gouvernement, c'est l'augmentation des déficits et de la dette publique au Québec. La dette publique est passée depuis 1976 de 5 000 000 000 $ à 17 000 000 000 $ pratiquement aujourd'hui. Nous sommes rendus avec de^s déficits annuels normaux de budget de l'ordre de 3 000 000 000 $. C'est la base normale maintenant de déficit. Il n'y a rien là. Le seul problème, c'est que cela va nous coûter cette année pour le service de la dette 2 000 000 000 $. C'est bien compréhensible à ce moment-là et inévitable que notre fardeau fiscal à nous Québécois soit à la hausse et soit supérieur, d'au moins 20%, à la moyenne canadienne.

Je soumets très respectueusement que le seul responsable encore une fois, c'est le présent gouvernement par sa mauvaise gestion. Après six ans, qu'on arrête de mettre la faute sur les autres, de reporter le blâme sur les autres, de chercher des boucs émissaires partout, sauf dans sa propre cour. Que le gouvernement assume donc la responsabilité de ses actes.

C'est quoi, M. le Président, la politique du gouvernement dans le projet de loi no 70? À l'analyse, on peut en déduire que cela repose sur deux postulats essentiels. D'abord le gouvernement semble prêt à accepter comme objectif de politique salariale, la règle de la parité entre les secteurs privé et public. Pour nous de l'Opposition, il n'y a pas de problème là-dedans. On l'a dit depuis longtemps, nous affirmons que la politique salariale dans les secteurs public et parapublic devrait viser une parité raisonnable avec les niveaux de rémunération observés dans le secteur privé.

Deuxième postulat. Vu les écarts actuels considérables que nous constatons, il faut procéder à des ajustements. C'est urgent et important. Il est donc nécessaire d'amener les syndicats à discuter ouvertement de la question avec les instances gouvernementales et c'est pourquoi nous sommes tellement d'accord avec la tenue d'une commission parlementaire sur le sujet avec les syndicats, afin que ces derniers fassent connaître leurs prétentions et fassent valoir leur expertise.

Il faut se poser cette question: Pourquoi et en vertu de quelle logique l'effort de redressement des finances publiques du gouvernement devrait-il porter pour l'essentiel sur la manière douteuse et à courte vue que constitue le projet de loi no 70? Il est évident qu'il y a des écarts entre les secteurs privé et public. Cela est une tendance qui s'est accentuée au cours des dernières années. Pourquoi? On a joué au jeu de l'ascenseur, M. le Président. C'est quoi le jeu de l'ascenseur? Entre le gouvernement et le syndicat, une faveur en attire une autre. Une bonne convention, une convention avantageuse, une élection qui suit. Un échange.

Aujourd'hui, il est sûr et certain qu'un plan de redressement budgétaire d'envergure est nécessaire. Cela devrait être mis au point dans les prochaines années, avec comme objectif prioritaire un retour à un régime de rémunération compatible avec la santé des finances publiques et la capacité de notre économie. Pour le moment, le gouvernement doit respecter les conventions collectives en vigueur jusqu'en décembre 1982. Il doit respecter sa signature. Ne pas faire indirectement, dans les trois premiers mois de 1983, ce qu'il ne pouvait faire directement en 1982. Donc, abandonner son projet de réduction des salaires de façon unilatérale et arbitraire des secteurs public et parapublic.

Après des études sérieuses de statistiques applicables à toutes les questions salariales des secteurs public et privé, qu'on établisse et maintienne le principe de parité raisonnable entre les secteurs privé et public. Cela veut dire, pour 1983, que les propositions gouvernementales soient déposées à la table de négociation, qu'on envisage la révision des critères de base de rémunération, qu'on apporte des amendements pour protéger le pouvoir d'achat des salariés à faible revenu, qu'on répartisse équitablement les sacrifices exigés des employés des secteurs public et parapublic, qu'on mette au point une politique salariale rationnelle et stable en tenant compte d'une productivité assurée.

Est-il nécessaire maintenant d'agir unilatéralement? Il reste sept mois pour négocier. Le gouvernement actuel s'était vanté autrefois que jamais il n'agirait unilatéralement s'il était porté au pouvoir. Je suis obligé de conclure, M. le Président,

en disant: autres temps, autres moeurs.

En terminant, je souhaite que le gouvernement prenne ses responsabilités, qu'il agisse en gouvernement fier et responsable de sa parole, de sa signature, qu'il assume les conséquences des gestes qu'il a posés. Il a fait des erreurs, qu'il les assume et ne les reporte pas sur les autres. D'ailleurs, il en est rendu à la limite dans ce domaine. Il vient d'atteindre le fond du puits. Merci M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Roberval.

M. Gauthier: M. le Président, je demanderais l'ajournement du débat.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je proposerais l'ajournement de nos travaux à demain 10 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Donc, nous ajournons nos travaux à demain 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 59)

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