L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le vendredi 5 novembre 1982 - Vol. 26 N° 80

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures cinq minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir.

M. Jacques Brassard, whip du gouvernement

Mme Huguette Lachapelle, whip adjoint

Avant de céder la parole au leader du gouvernement, j'aimerais déposer en deux exemplaires le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale du Québec. Je voudrais également déposer en quatre exemplaires copies de lettres que j'ai reçues au cours des dernières semaines. Premièrement, une lettre du 9 novembre provenant du premier ministre et indiquant que le nouveau whip adjoint du gouvernement sera Mme Huguette Lachapelle, députée de Dorion...

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: ... et que le nouveau whip en chef du gouvernement sera M. Jacques Brassard, député de Lac-Saint-Jean.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Gérard D. Levesque, chef de l'Opposition

Le Président: J'aimerais également déposer en deux copies une lettre qui m'est parvenue le 1er septembre 1982 du whip en chef de l'Opposition, m'indiquant que le caucus a nommé M. Gérard D. Levesque, député de Bonaventure, comme chef de l'Opposition.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

M. Fernand Lalonde, leader de l'Opposition

Le Président: Également, une lettre du chef de l'Opposition du 1er septembre 1982, m'indiquant et indiquant à cette Assemblée que dorénavant M. Fernand Lalonde, député de Marguerite-Bourgeoys, sera le leader de l'Opposition.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Michel Gratton, leader adjoint de l'Opposition

Le Président: Enfin, datée du 5 octobre 1982 une lettre du chef de l'Opposition nous indique que dorénavant, M. Michel Gratton, député de Gatineau, sera leader adjoint de l'Opposition.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Cela étant dit, je cède la parole au leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, comme vous avez reçu une lettre du premier ministre du Québec indiquant la volonté du gouvernement de convoquer l'Assemblée nationale pour aujourd'hui, 14 heures, je devrais, à ce moment-ci, me prévalant de l'article 84 de notre règlement, expliquer les raisons qui ont motivé cette convocation de l'Assemblée nationale et indiquer en vertu de quel motif le gouvernement considère qu'il y a urgence à agir dans le dossier du transport en commun dans la région de Québec. Mais, comme c'est la coutume en de pareilles circonstances, j'attendrai que nous ayons procédé à la période de questions pour me prévaloir de l'article 84. Nous pourrons donc, à ce moment-là, M. le Président, entreprendre le débat de deux heures prévu sur cette question de la définition du caractère d'urgence et c'est pourquoi l'Assemblée nationale a été convoquée, aujourd'hui, à 14 heures.

Le Président: Merci. M. le ministre de la Justice.

Visite de Québécois honorés pour leur civisme

M. Bédard: M. le Président, avec votre permission, je voudrais souligner la présence, à l'Assemblée nationale, de 22 citoyens et citoyennes du Québec qui ont été honorés d'une façon particulière, ce matin, dans le cadre de l'application de la loi sur le civisme. Ces personnes ont été honorées pour des gestes qu'elles ont posés et pour le courage qu'elles ont manifesté dans des circonstances particulières. Je pense que ces personnes représentent également des exemples de civisme pour l'ensemble de la population du Québec.

Le Président: M. le député de Papineau.

M. Assad: M. le Président, avec la permission de la Chambre, je voudrais me joindre au ministre de la Justice pour les félicitations adressées à nos récipiendaires. Ce sont nos premiers récipiendaires. J'ai eu l'honneur d'être invité, ce matin, à assister à

cette cérémonie et au dîner. J'ai lancé l'invitation à nos récipiendaires de venir à l'Assemblée nationale vu qu'il y avait une session spéciale. De ce côté-ci de la Chambre, on voudrait offrir à nos récipiendaires - il y en a que je connais personnellement - nos plus sincères félicitations pour les gestes extraordinaires qu'ils ont posés et ainsi mériter cette mention d'honneur, à Québec, aujourd'hui. (14 h 10)

Le Président: Merci.

Période des questions orales des députés.

M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, comme vous le voyez, je me retrouve à un autre siège, mais j'ai toujours l'honneur de m'adresser à vous qui avez une certaine permanence et je vous félicite encore du poste que vous occupez. Je vous formule les meilleurs voeux de la part de notre formation politique.

Cela dit, je me retourne vers la banquette du premier ministre et je pense qu'il s'attendait à ce que nous lui posions une question aujourd'hui. Est-ce que le leader parlementaire du gouvernement peut m'indiquer si le premier ministre est absent momentanément ou pour un certain temps?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, le premier ministre devrait être revenu ici à l'Assemblée nationale, dans quelques minutes. Alors, si le chef de l'Opposition veut reporter sa question à un peu plus tard, il me fera plaisir, à ce moment, de revenir à sa question.

Le Président: M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, ma question s'adresse aussi au premier ministre ou au ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, qui est également absent, je pense. J'attendrai mon tour moi aussi.

Des voix: Suspension.

Le Président: Y a-t-il d'autres questions principales? M. le député de Portneuf.

M. Pagé: M. le Président, compte tenu que plusieurs de nos questions aujourd'hui étaient dirigées à l'adresse du premier ministre qu'on n'a pas eu le privilège de voir ici, sur le parquet de la Chambre, depuis plusieurs mois, je dois vous indiquer ou vous demander une directive. Qu'est-ce qu'il est opportun de faire dans les circonstances?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, j'aurais peut-être une suggestion à faire à l'Opposition. Comme la situation économique, qui est tout de même un sujet d'une importance considérable... Peut-être qu'en accordant à cette première séance toute la priorité qui doit revenir à l'économie, l'Opposition accepterait-elle de poser des questions au ministre des Finances, président du comité?

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, j'ai rarement été témoin d'un aveu comme celui du leader parlementaire du gouvernement, à savoir que le premier ministre n'a aucun intérêt dans les questions économiques. J'aurais cru, M. le Président, justement parce que nous, nous mettons réellement la priorité sur l'économie, qu'on aurait pu s'attendre que celui qui dit depuis des années qu'il met la priorité sur l'économie, dans chacun des discours et messages inauguraux, aurait été présent.

Le Président: S'il vous plaît, pas de débat sur cette question. Je sais pertinemment que le député de Gaspé aurait une question à poser. Je vous l'accorde immédiatement. M. le député de Gaspé. S'il vous plaît, à moins qu'un député de l'Opposition ne se lève pour poser une question. M. le député de Mégantic-Compton.

Le programme Corvée-habitation

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Étant donné que je semble un des privilégiés - j'ai un ministre à qui je peux adresser une question - ma question s'adressera, M. le Président, au ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur. J'aimerais qu'il nous fasse d'abord, d'une part, état, si vous voulez, du bilan du programme Corvée-habitation jusqu'à ce jour. On se souviendra qu'au moment où le programme Corvée-habitation a été mis en place, il comblait un écart de 6% entre le taux d'intérêt réel et le taux d'intérêt de 13,5%. Étant donné le fléchissement des taux, je voudrais savoir du ministre si le travailleur contribue encore par ses 0,125 $ l'heure, si le patron continue également encore de contribuer par ses 0,125 $ l'heure, de même que les organismes professionnels, etc., etc. Si tel est le cas, je voudrais qu'il m'explique pourquoi on n'abaisse pas davantage le taux d'intérêt ou, advenant le cas où ils ne veulent pas abaisser le taux d'intérêt, ce que va devenir

le fonds de 500 000 000 $ créé à cette fin.

Le Président: M. le ministre, avant de répondre à cette question, j'aimerais indiquer aux gens qui sont dans les galeries qu'il est absolument interdit de prendre des photographies à l'intérieur de l'Assemblée nationale. Donc, je compte sur votre collaboration afin que cette directive soit suivie.

M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, la question du député de Mégantic-Compton me fait d'autant plus plaisir que je viens tout juste d'avoir les chiffres préliminaires pour les mises en chantier au cours du mois d'octobre. Pour les municipalités de plus de 10 000 de population il y a des ajustements qui se font pour celles de moins de 10 000 - on nous indique que le nombre de mises en chantier a doublé par rapport au mois de septembre et qu'il a également doublé par rapport au mois d'octobre de l'année dernière. En effet, M. le Président, les renseignements préliminaires que nous avons pour le mois d'octobre indiquent près de 2650 mises en chantier pour ce mois, comparativement à 1266 pour le mois de septembre qui a précédé et 1346 pour le même mois l'année dernière. C'est donc dire, M. le Président, que la construction a vraiment commencé à démarrer et que tout laisse croire que Corvée-habitation va permettre de réaliser d'ici la fin de l'année présente, au bas mot, au moins 6000 logements qui n'auraient pas été construits n'eût été du programme.

M. le Président, le député de Mégantic-Compton pose la question des taux d'intérêt. Je l'ai dit et je le répète, dès le moment du discours sur le budget, le 25 mai dernier, il a été dit que ce programme aurait une durée de deux ans et ce que nous annoncions au cours de l'été, ces 13,5% comportant une garantie de trois ans, c'était les conditions qui s'appliquaient pour l'année 1982 et que celles de 1983 seraient annoncées en temps et lieu. Or, M. le Président, à l'heure actuelle, avec un taux de 13,5% garanti pour trois ans, Corvée-habitation offre toujours le meilleur taux pour le plus long temps. Ces avantages, si on les ajoute à ceux que donnent les municipalités - plus de 100 municipalités du Québec donnent en moyenne 1500 $ par logement - si on les ajoute aux avantages du Régime d'épargne-logement, soit 2000 $ de bonification cette année, et si on les ajoute aux 3000 $ du gouvernement fédéral, je dis que les conditions pour se bâtir sont toujours aussi bonnes et même meilleures que jamais.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Mégantic-Compton.

M. Bélanger: M. le Président, je me demande si c'est une question additionnelle, parce que le ministre a évité de répondre à ma question.

Il y a un fonds qui est constitué en provenance des travailleurs, des patrons et des institutions prêteuses. Étant donné que vous n'avez plus à combler la différence de 6% puisque maintenant les taux d'intérêt sont de 13,75% pour un an et de 14,5% pour trois ans, il y a donc une différence d'environ 5% à 5,5% d'intérêt. Que va-t-il advenir de ce fonds et pourquoi ne pas le mettre immédiatement en application, c'est-à-dire réduire davantage les taux d'intérêt pour s'assurer d'une deuxième flambée dans le programme Corvée-habitation?

Le Président: M. le ministre.

M. Tardif: M. le Président, en réponse à cette partie de la question du député de Mégantic-Compton, les intervenants, tant les travailleurs de la construction que les employeurs, contribuent à verser l'équivalent de 0,125 $ l'heure. Ce que le député de Mégantic-Compton semble oublier, c'est que, pour les maisons qui ont été mises en chantier à partir du 25 mai, en juin, juillet et août, les prêts ont été consentis à 19%. Il faut donc bonifier les taux d'intérêt en conséquence.

Si le député de Mégantic-Compton est prêt à me dire que les taux d'intérêt ne fluctueront pas au-delà d'environ 15%, qu'ils sont à présent, pour les trois prochaines années, on pourra réviser la situation. Il tient compte d'une baisse, mais, encore une fois, Corvée-habitation offre le meilleur taux. Je lui dis que les conditions pour 1983 seront annoncées en temps et lieu, mais ce moment n'est pas aujourd'hui.

Le Président: M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, j'avais une question à poser, mais, malheureusement, le premier ministre n'est pas encore parmi nous, alors...

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: ... on me dit que le premier ministre est arrivé et devrait être ici dans quelques secondes à peine. Je voudrais simplement indiquer - je pense que j'aurais dû le faire au moment où le chef de l'Opposition s'est levé - que le premier ministre était en réunion avec une délégation de la Belgique. Justement, je pense qu'il y a intérêt à ce que, pour les relations entre le Québec et la Belgique, nous puissions, entre

autres, discuter de questions économiques. Effectivement c'est peut-être un des dossiers qui méritaient cette rencontre avec nos amis belges.

Le Président: M. le leader de l'Opposition. (14 h 20)

M. Lalonde: M. le Président, comme vous avez vu, plusieurs questions s'adressent au premier ministre actuellement. La tradition, vous le savez, veut que les membres de l'Opposition posent d'abord les premières questions. Je vous demande, puisque le leader du gouvernement vient de nous indiquer que le premier ministre s'en vient bientôt, de suspendre les travaux quelques minutes. On pourra reprendre la période des questions à ce moment.

Le Président: M. le député de Marguerite-Bourgeoys et leader de l'Opposition, la présidence, tout d'abord, n'a pas à juger de la présence ou de l'absence des députés ou des ministres. La présidence remarque qu'il y a beaucoup de députés, des deux côtés de la Chambre, qu'il y a plusieurs ministres présents; tant et aussi longtemps qu'un député a une question à poser, mon devoir n'est pas de suspendre, mais de reconnaître le député qui s'adresse à la présidence.

M. le chef de l'Opposition.

La part de responsabilité du gouvernement dans la crise économique

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je vais laisser le premier ministre prendre son siège. Le premier ministre, qui a maintenu muette l'Assemblée nationale depuis quatre mois et demi, devait sans doute avoir hâte de venir annoncer à cette Chambre les mesures législatives et administratives qu'il avait l'intention de présenter à cette Assemblée. Bien qu'il nous ait laissé entendre que le menu législatif serait relativement maigre, il nous avait annoncé un débat de fond sur la situation économique où nous nous attendions bien à des suggestions très positives de la part du gouvernement et non pas cette motion de félicitations que nous retrouvons ce matin en appendice au feuilleton, ce qu'il y a de plus ridicule que j'ai vu dans mon expérience ici à l'Assemblée nationale, une motion de félicitations que s'adresse le gouvernement. Alors que nous avons le chômage que nous connaissons, alors que nous avons les fermetures que nous connaissons, alors que des régions entières sont menacées de fermeture, le gouvernement veut que l'Assemblée nationale lui vote une motion de félicitations.

M. le Président, ma question au premier ministre devant la situation actuelle est la suivante: Le premier ministre est-il prêt à accepter que lui et son gouvernement portent une part de responsabilité dans la crise actuelle?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je voudrais d'abord m'excuser en expliquant le retard qui fait que je suis arrivé en Chambre quinze ou vingt minutes passé l'heure. C'est qu'il y avait ce matin - et c'est la première manifestation, la première représentation permanente à l'extérieur de la communauté française de Belgique et de la Wallonie, l'exécutif de la région wallonne de Belgique - la première représentation extérieure qui était inaugurée, c'est-à-dire leur délégation ici à Québec, et cela a été suivi, comme c'est normal, d'une réception qui vient de se terminer où j'espérais rencontrer le chef de l'Opposition. Mais je comprends que les devoirs de sa charge l'ont empêché d'être avec nous. Je voudrais en profiter pour féliciter - c'est la première occasion que j'en ai - notre éminent ami et collègue, le député de Bonaventure, pour cette confiance que, pour la deuxième fois en quelques brèves années, lui renouvellent ses partisans ou ses conjoints du Parti libéral.

Maintenant, pour ce qui est de la motion qu'évoque le député de Bonaventure et qui est inscrite au feuilleton, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une motion de félicitations. Je suis sûr que cela ne prendra pas cette tournure en ce qui concerne les réactions de l'Opposition. Ce que cela demande, c'est l'appui...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît;

M. Lévesque (Taillon): ... l'appui et je dirais même la pression de nos amis d'en face, s'ils le veulent bien. Cette motion -puisque le député de Bonaventure l'a évoquée, ce n'est pas mauvais de l'évoquer un peu plus en détail - demande que l'Assemblée nationale appuie les orientations, des moyens d'action; que l'Opposition nous dise également la part qu'elle pense que nous avons dans les effets de la crise. Il est sûr que tous les gouvernements ont leur part de responsabilité. Je ne crois pas que la nôtre soit primordiale, mais, si on veut laisser un peu de côté, pour l'instant, les responsabilités, les accusations, etc., est-ce que nous serions d'accord pour accentuer la rigueur de la gestion budgétaire? Est-ce que nous serions d'accord pour favoriser la création immédiate d'emplois, et davantage encore, et le maintien de tous ceux qu'on peut sauver? Est-ce que nous serions d'accord pour mettre en place dès maintenant les conditions de relance chaque fois qu'on le peut? Est-ce qu'on en a les

moyens? Est-ce qu'on est d'accord pour maintenir les programmes sociaux qui sont absolument essentiels pour les plus démunis dans notre société? Est-ce qu'on est d'accord pour privilégier la concertation chaque fois que c'est possible?

Ce n'est pas dans nos habitudes, mais on a fait des départs assez extraordinaires depuis quelque temps. Est-ce qu'on doit accentuer cela? Au fond, c'est la question qu'on pose à l'Opposition et qu'on posera, je l'espère, tous ensemble, à l'ensemble de nos concitoyens. C'est l'occasion, pour cette tribune particulièrement centrale de l'Assemblée nationale, de donner le meilleur éclairage possible à l'ensemble de nos concitoyens sur ce qui se passe, sur les contraintes de la situation actuelle et la meilleure façon pour le Québec d'en sortir.

C'est évident qu'à la question précise, spécifique du député de Bonaventure, chef intérimaire de l'Opposition, la réponse est facile. C'est évident que le gouvernement du Québec a une part de responsabilité, nous en avons tous, des parts de responsabilité. C'est évident aussi que la part principale de responsabilité n'est pas ici au Québec, nous sommes une province.

Quand on regarde ce qui se passe dans un autre secteur de gouvernement, je pense qu'on sait à quel point le Québec, comme l'ensemble du Canada, est quelque peu victime de politiques, c'est le moins qu'on puisse dire, assez aberrantes, assez absurdes à beaucoup de points de vue, catastrophiques à d'autres, qu'on nous a infligées. Enfin, il s'agit d'en sortir et non pas de faire le procès de tout le monde.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je ne sais pas quel scribe avait écrit cette motion, ce ne doit pas être le premier ministre parce que, apparemment, il ne l'a pas lue. Il a lu certains paragraphes sur lesquels nous sommes d'accord. Nous sommes d'accord pour accentuer la rigueur de la gestion budgétaire...

M. Lalonde: On en a besoin.

M. Levesque (Bonaventure): ... pas seulement accentuer, présentement nous avons la gestion budgétaire la pire que le Québec ait jamais connu. C'est la gestion qui a donné...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): ... les déficits, l'endettement. Enfin, M. le Président, je voulais simplement donner quelques exemples, je vois qu'on n'aime pas cela, de l'autre côté.

Cela fait quatre mois et demi qu'on est dans un silence voulu par le gouvernement. Nous allons parler au moins pendant les quelques minutes que nous avons à notre disposition.

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): Nous voulons favoriser, M. le Président, la création d'emplois, mais ce que je veux dire...

Le Président: Question, s'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): Je vais être très bref. Je vois que vous-même avez peut-être l'occasion de me rappeler à l'ordre, mais je me rappelle que vous aviez indiqué qu'en changeant de siège, vous alliez avoir la même tolérance traditionnelle qu'on a envers...

Le Président: M. le chef de l'Opposition et tous les députés, j'ai assisté à une période des questions à la Chambre des communes, mardi dernier, et je dois vous dire que ...

Des voix: Ah! Ah! Bravo!

Le Président: ... j'ai été particulièrement impressionné...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

Le Président: ... parce que la moyenne...

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: ... des questions principales posées à la Chambre des communes sur une période de temps identique, c'est-à-dire 45 minutes, est de douze, alors qu'au Québec elle est de 5,5.

Des voix: Et les réponses?

Le Président: Ce qui veut dire qu'en ce début de session il serait bon que les questions des députés de l'Opposition et de tous les députés soient les plus brèves possible, comportent des préambules pour la première question seulement, et que les réponses des ministres soient également les plus brèves possible, il va de soi.

Ceci étant dit, M. le chef de l'Opposition, c'est simplement dû à une expérience que j'ai vécue cette semaine et qui m'a impressionné. J'aimerais que cette Chambre puisse permettre, dans ces 45 minutes, de faire en sorte que la plupart des députés puissent poser des questions.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, je vous félicite de cette nouvelle expérience. Je voudrais vous assurer que notre formation politique souhaite depuis longtemps avoir des réponses courtes mais précises de la part des ministres; non pas qu'ils fassent le tour du pot, mais qu'ils répondent directement aux questions pertinentes que nous posons. Pour notre part, nous nous engageons à poser des questions évidemment les plus courtes, les plus concises et les plus précises possible, à la condition que nous puissions avoir des réponses précises et concises de la part des ministres. Je vois que ceux qui approuvent sont ceux qui perdent le plus de temps à répondre. (14 h 30)

Des voix: Ah!

M. Levesque (Bonaventure): Ceci dit, M. le Président - comme vous venez de le dire - avant de poser la question additionnelle, je voudrais simplement attirer l'attention du premier ministre sur le préambule qui dit ceci: "Que l'Assemblée nationale appuie les orientations et les moyens d'action retenus par le gouvernement..." Ce n'est pas cela, M. le Président. Si le premier ministre nous avait demandé de faire en sorte qu'on accentue la rigueur budgétaire, qu'on favorise la création d'emplois, etc., évidemment, on est pour la vertu, mais on n'est pas pour... On nous demande présentement de féliciter le gouvernement pour les moyens qu'il a retenus, et je dis non.

Ceci dit, je demande au premier ministre qui, lui-même, vient d'admettre qu'il a une part de responsabilité dans la crise actuelle, s'il peut nous dire, brièvement, quelles sont les erreurs qu'il regrette dans les gestes qu'il a posés ou qu'il n'a pas posés.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais me contenter de revenir, parce que c'est le chef de l'Opposition qui s'est permis de le faire à deux reprises, sur ce premier paragraphe qui concerne la rigueur de la gestion budgétaire. Je sais que cela l'a fait rigoler parce qu'il a perdu la mémoire. Il faisait partie d'un gouvernement qui nous a laissé 3,5% de croissance annuelle des effectifs. On est maintenant à la croissance zéro et un peu en deçà.

M. Levesque (Bonaventure): Vous êtes rendus à zéro.

M. Lévesque (Taillon): C'est là de la rigueur administrative. On nous a laissé - M. le Président, je pense que cela vaut la peine de le rappeler - une croissance des dépenses, établie depuis quelques années, quand nous sommes arrivés, à 21% annuellement. Cela a été ramené à la moitié. Malgré les contraintes actuelles, je crois que normalement, cette année, c'est à peine si on dépassera ce qui est à peu près l'inflation, c'est-à-dire 10% ou 11%. C'est là de la rigueur administrative.

Des voix: Oh!

M. Levesque (Taillon): II faut l'accentuer, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Bertrand: Le geste que vous regrettez le plus, c'est celui qu'ils ont posé le 20 mai 1980.

M. Lévesque (Taillon): Oui. Je termine en disant simplement ceci. On ne se donne pas un mérite historique; c'est la crise elle-même qui nous force à accentuer ces choses-là. On demande simplement à l'Opposition: Êtes-vous d'accord?

Maintenant, pour ce qui est de la question additionnelle quelque peu académique du député de Bonaventure, à savoir qu'est-ce que nous admettons ou que j'admettrais personnellement comme étant la chose la plus grave que nous ayons...

Une voix: Les...

M. Levesque (Taillon): L'erreur ou...

Des voix: Les...

M. Lévesque (Taillon): ... les erreurs, je me fie à l'Opposition, d'ici à quelques semaines, pour nous expliquer tout cela.

Des voix: Ah!

Le Président: Question principale, M. le député de Gatineau.

Le "who's who" des communautés ethniques

M. Gratton: M. le Président, j'aimerais poser une question au premier ministre. Je pense qu'il conviendra qu'il ne s'agira pas d'une erreur purement académique puisque ma question portera sur le fameux "who's who" des communautés ethniques, préparé par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Il y a deux jours, la première réaction du premier ministre et du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration a été de dénoncer l'hypocrisie de ceux qui s'inquiétaient de l'utilisation qui avait pu être faite et de l'existence même de ce

document. À leur avis, M. le Président, il s'agissait tout simplement d'une tempête dans un verre d'eau, d'un simple pointage que tout parti politique sérieux se doit de posséder, comme si le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration devait se mettre au service du Parti québécois.

Pourtant, hier, dans une entrevue à Radio-Canada, le premier ministre se ravisait et qualifiait d'inacceptables, même de méprisantes, certaines parties du même document.

Une voix: Répugnantes.

M. Gratton: Pardon! Répugnantes, M. le Président, mais tout en tâchant de faire porter tout le blâme, toute la responsabilité sur l'actuel chef de cabinet du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, M. Michel Beaubien.

Ma première question au premier ministre est simple. Quels sont les faits nouveaux qui, en deux jours, l'ont amené à reconnaître la gravité de la chose? Est-ce que ce fut une lecture plus attentive du document qui lui en a fait réaliser le caractère répugnant? Si oui, M. le Président, puis-je lui suggérer, la prochaine fois, avant de réagir impulsivement, de connaître tous les faits ou est-ce que ce furent les nombreux commentaires unanimement défavorables et réprobateurs qui ont suivi la première réponse du premier ministre qui lui ont fait, finalement, confesser son erreur? Si tel est le cas, je lui demande comment il peut espérer que la population, en général, et les groupes ethniques, en particulier, lui fassent confiance quand il leur dit maintenant: Soyez sans crainte, la liste n'a jamais servi dans le passé et ne servira jamais dans l'avenir.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je vais être le plus bref possible en disant d'abord que notre collègue, le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration sera disponible dès le début de la semaine prochaine quand il y aura la rentrée normale régulière pour satisfaire, j'espère, en tout cas, à toutes les curiosités de l'Opposition. Il m'a demandé de l'excuser aujourd'hui parce qu'il était, depuis longtemps, prévu qu'il soit à une tribune assez importante à New York. Cela étant dit, quels sont les faits nouveaux qui ont changé, ou en tout cas nuancé la première opinion que j'avais donnée? C'est bien simple. Je n'ai jamais lu ce truc-là, je ne savais même pas qu'il existait. Quelqu'un, un archéologue du Toronto Star, l'a déterré là où il était, sur quelque tablette que ce soit; il en a fait un plat, et avant même que j'aie le temps de voir de quoi il s'agissait, avec, je pense, une réaction qui nous arrive à tous à l'occasion, parce qu'on sait où se trouvent les gens qui essaient le plus possible - oui...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): ... d'écorcher la réputation du Québec, de son gouvernement, chaque fois qu'ils le peuvent...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): J'ai eu une réaction instinctive. Je n'avais pas lu le document. J'avoue que je n'ai pas fini de le lire et je ne le lirai pas au complet. Mais j'en ai vu assez pour pouvoir dire que dans un certain nombre...

M. Lévesque (Bonaventure): Question de privilège.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît'. M. le chef de l'Opposition, sur une question de privilège.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, à moins que j'aie mal compris, le premier ministre vient de s'attaquer directement à un membre de la Tribune de la presse. Est-ce qu'il veut, à ce moment-ci, dire que c'est bien le cas, avec les mots qu'il vient d'utiliser à son endroit?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je dirai simplement pour reprendre une expression que j'ai lue dans les journaux, ce matin: II y a des gens qui font beaucoup d'indignation publicitaire en sachant que ce n'est absolument pas fondé. Tout ce que je veux dire, c'est ceci: Je me suis fait accrocher dans l'entrée de l'édifice J au moment où je ne savais même pas de quoi il s'agissait. Les gens sont toujours très préoccupés, dans certains milieux des médias d'information, d'avoir le plus vite possible la possibilité de voir s'il n'y a pas des pelures de bananes quelque part. J'ai répondu ce qui me paraissait instinctivement être la vérité. Quand j'ai lu le truc - j'ai fini par en lire une bonne partie - j'ai été obligé de constater que c'est vrai qu'il y avait des choses plutôt inqualifiables là-dedans. Heureusement, il s'agit de cas assez peu nombreux, mais c'est quand même inexcusable. Donc, c'est ce que j'ai dit en précisant, puisque, l'ayant lu, je dois dire que je ne suis pas particulièrement fier de ce travail; mais je répète ce qui est vrai, quand même, et que le député de Gatineau semble mettre en doute. Il a commencé son intervention en disant: le ministère de l'Immigration... Je regrette. Il s'agit d'une personne qui a mal fait un travail, au moins,

en grande partie, qui a mal rempli une commande qui lui avait été donnée, laquelle pouvait être une chose très normale, mais qui a assaisonné cela de jugements personnels et même parfois de certaines choses qui sont absolument indécentes et qui en porte la responsabilité puisque c'est vrai et je le répète.

Non seulement, moi, je ne savais pas que cela existait. Le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration l'a appris en même temps que tout le monde. 11 l'a fait détruire. Cela aurait dû être jeté au panier depuis longtemps au lieu d'être sur les tablettes, mais enfin, tant pis. Le mal est fait, mais il est réparable et ce que je sais personnellement, parce que de cela j'en aurais eu quelques échos, c'est que cela n'a jamais servi d'aucune façon - non -à marquer ou à pousser sur les relations qu'on pouvait avoir avec les gens qui sont concernés là.

Une voix: Jamais il va dire le contraire.

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Gatineau. (14 h 40)

M. Gratton: M. le Président, le premier ministre vient de dire qu'il connaît maintenant la gravité du document, assez en tout cas pour parler de la répugnance que certaines informations lui inspirent. Forcément, il blâme une personne qui, si je ne m'abuse, est encore en poste au ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, et je ne lui poserai pas la question: Est-ce qu'on attend qu'il ponde un deuxième document pour possiblement lui suggérer de faire son travail autrement? M. le Président, que pense le premier ministre du fait que certains organisateurs du Parti québécois ont avoué avoir utilisé ces fiches au cours de la campagne référendaire de mai 1980? Que pense-t-il du fait que ce document ait été distribué, de l'aveu même de son auteur, M. Michel Beaubien, dans plusieurs ministères du gouvernement? Alors qu'hier, il ne connaissait même pas l'existence dudit document, comment peut-il nous assurer, aujourd'hui, avec toute la certitude dont il est capable, que cette liste n'a jamais servi à qui que ce soit? Ne croit-il pas qu'il devrait au moins, encore une fois, éviter de réagir impulsivement avant de connaître tous les faits - parce qu'on va lui en faire connaître - et se rendre à la demande de tous les éditorialistes des journaux de ce matin - Jean-Louis Roy du Devoir, Marcel Pépin du Soleil, et j'en passe - qui réclament que le gouvernement fasse toute la lumière autour de cette chose, que ce soit par une enquête publique ou autrement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Dieu sait que cela fait partie du jeu. Chaque fois qu'il fait mauvais, c'est la faute du gouvernement. S'il fait beau, c'est le bon Dieu qui l'a voulu. S'il y a quelque chose qui, si peu que ce soit, donne l'impression qu'on peut faire, justement, de grandes crises d'indignation publicitaire, on demande une commission.

Il y a quelqu'un qui a fait une erreur -une erreur grave - dans un travail qui lui avait été commandé. Cela n'a jamais servi, que je sache. Je n'en ai jamais connu l'existence. Au moment du référendum, dont parle le député de Gatineau, je me souviens avoir travaillé assez fort - Dieu sait - sur cette campagne, comme nos amis d'en face ont travaillé dans l'autre sens pour la préparer, pour essayer de la pousser le plus loin possible, légitimement, et je n'ai jamais vu, en aucune façon, évoquer le document en question. C'est sûr qu'on savait ce qui se passait un peu dans les organismes des groupes ethniques des communautés culturelles, mais jamais certaines des choses qu'on essaie maintenant de répandre, surtout en anglais, partout à travers le pays, comme si c'était...

Des voix: Oh!

M. Lévesque (Taillon): Non, non!... comme si c'était une façon, encore une fois, de donner la pire image possible, non seulement du gouvernement du Québec, mais aussi à certaines tendances québécoises. C'est complètement injuste et c'est complètement irresponsable de la part de nos amis d'en face qui veulent en faire un plat pendant des jours et des semaines. Je veux bien qu'on essaie de faire équivaloir une erreur personnelle comme celle-là à l'espèce d'erreur collective que représentait le CAD de l'ancien gouvernement...

Des voix: Oh!

M. Lévesque (Taillon): ... mais cela n'a pas de commune mesure et cela n'en aura jamais.

Des voix: Bravo!

Le Président: Une dernière question additionnelle, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Une dernière question additionnelle, M. le Président, et en français, s'il vous plaît.

Le premier ministre ne se rend-il pas compte, en admettant qu'il ne connaissait rien, même pas l'existence du document, il y a deux jours, qu'il est difficile pour quiconque, député ou non, parmi la population, d'accepter qu'il puisse maintenant nous dire avec certitude, avec toutes les garanties que cela exige, que le document

n'a jamais servi à qui que ce soit? Ce n'est pas une accusation, M. le Président, c'est une question que je pose. Et finalement, le premier ministre est-il en mesure de nous donner, cet après-midi, de son siège, l'assurance formelle que d'autres listes du même genre n'existent pas ou n'ont pas existé dans d'autres ministères du gouvernement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je remercie le député...

Une voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): ... de Gatineau de m'avoir souligné une chose qui, je crois, est valable. Si je dis que cela n'a jamais servi à qui que ce soit, c'est évident que je suis peut-être un peu téméraire. Je ne suis pas capable de sonder les reins et les coeurs. Des individus peuvent faire des erreurs et on ne peut pas les suivre tous à la trace. Je dis ceci, par exemple: non seulement je n'ai jamais eu connaissance de cela, non seulement cela n'a jamais été évoqué en aucune façon lors des rencontres gouvernementales ou administratives que cela aurait pu affecter, mais jamais, en aucune façon, des trucs semblables n'ont été évoqués à l'occasion de décisions que le gouvernement avait à prendre concernant les groupes ou les personnes mentionnés là-dedans. C'est la première chose.

La deuxième chose, pour ce qui est des garanties que voudrait avoir l'Opposition, je lui fais remarquer qu'il y a une loi, la loi 65, qui a été adoptée par le gouvernement actuel, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, qui va commencer à entrer en vigueur très bientôt et qui prévoit des mesures très sévères et concrètes pour la protection des renseignements concernant la vie privée. Je pense que la meilleure des garanties se trouve quand même dans cette loi que nous avons passée comme gouvernement et qui aurait dû être passée il y a très longtemps; cela aurait évité les abus qu'on a connus pendant des années au Québec.

Le Président: Question principale, M. le député de Gaspé.

M. LeMay: Merci, M. le Président.

M. Gratton: M. le Président, le premier ministre a oublié de répondre à la question. Peut-on savoir quels sont les moyens qu'il entend prendre pour s'assurer et nous rassurer, tous et chacun, comme citoyens québécois, qu'il n'existe pas d'autres listes semblables dans d'autres ministères ou dans d'autres organismes gouvernementaux?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je peux donner au député tout simplement l'assurance suivante. Qu'il y ait des gens qui le fassent individuellement, comme c'est arrivé déjà, ça, je n'y peux rien mais, chose certaine, en aucune façon des instruments de ce genre, quels qu'ils soient, ne font partie de ce qu'on peut appeler l'appareillage d'aucun des ministères du gouvernement. S'il en traîne dans les coins, ceux qui pourraient en avoir sont avertis depuis quelques jours que c'est mieux que ça disparaisse, et vite.

Le Président: Question principale, M. le député de Gaspé.

Les effets du projet de loi fédéral S-31

M. LeMay: Merci, M. le Président. Je suis très heureux d'être le premier à poser une question importante, depuis qu'on s'est quitté pour la période estivale. On voit que les services publics et l'économie intéressent plus ou moins l'Opposition, de par les questions qu'on vient d'entendre.

Ma question s'adresse au ministre des Transports. Je suis très inquiet concernant tout l'Est du Québec. On sait qu'un projet de loi qui s'appelle C-31 a été déposé...

Des voix: S-31.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. LeMay: S-31, oui, merci. La Presse l'appelle d'ailleurs ce matin la loi Ouellette. On dit, dans ce même journal, que Québecair sera en faillite avec cette loi.

M. le ministre, je voudrais savoir, d'abord, quel impact direct peut avoir l'application de cette loi qui, d'ailleurs, est déposée de façon rétroactive. Ensuite, qu'est-ce que le ministère des Transports compte faire pour essayer de contrer cette loi qui pourrait facilement faire disparaître tout transport aérien et tout service à la population dans tout l'Est du Québec?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Clair: M. le Président, d'abord, l'effet de cette loi inique, injuste et absurde dépasse largement le cadre du transport aérien, puisqu'elle couvre en fait l'ensemble du transport interprovincial et également des activités en matière de transport de pétrole et de gaz naturel.

En ce qui concerne le Québec, dans l'immédiat, les effets de la loi S-31 sont

particulièrement dramatiques dans trois secteurs. Dans le domaine du transport maritime, les caboteurs québécois, qui avaient souffert pendant des années de l'incurie du gouvernement fédéral en matière de politique maritime, étaient sous-capitalisés et avaient besoin de l'aide du gouvernement du Québec pour se réunir et mettre sur pied un transporteur maritime important, Sonamar. Ils ont eu l'appui du gouvernement du Québec, qui détient 25% des actions de cette compagnie de transport maritime. L'effet de la loi S-31, c'est d'empêcher le gouvernement du Québec de continuer à soutenir cette entreprise de transport maritime.

Un deuxième cas, c'est celui des entreprises Bussières, l'entreprise de camionnage Rimouski-Bellechasse-Speedway, qui appartient à 50% au gouvernement du Québec et à 50% au CN. Imaginez-vous, M. le Président, que la loi Ouellette fait en sorte que ce geste en soit un contre l'unité canadienne, alors qu'à ma connaissance ça allait fort bien. C'est complètement aberrant de penser qu'on puisse mettre en cause l'unité canadienne à partir d'une compagnie de camionnage interprovincial appartenant au CN et au gouvernement du Québec, alors que ça fonctionne bien. (14 h 50)

Mais là où les effets sont les plus immédiats et les plus dramatiques, c'est en matière de transport aérien. Pendant des années le gouvernement du Canada et Air Canada se sont employés du mieux qu'ils ont pu à miner la rentabilité financière de Québecair, pour tuer Québecair. Si vous voulez des preuves, je pourrais en énumérer une vingtaine. La meilleure preuve - le député de Marguerite-Bourgeoys ferait mieux d'écouter avant de faire des farces plates -en 1980, Alfred Hamel, après avoir acquis Québecair, décide de développer un marché lucratif pour Québecair pour lui permettre de procéder au renouvellement de sa flotte et en même temps, d'offrir un bon service dans les régions du Québec. Il procèce à l'achat de cinq Boeing 737 et il est le premier dans l'histoire de l'aviation civile à développer le marché Québec-Fort Lauderdale. En 1980, ce fut un succès éclatant; taux d'occupation qui dépasse 90% sur ces avions.

Le Président: En concluant, M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Clair: En 1981, Air Canada décide d'embarquer avec des avions gros porteurs sur le marché Québec-Fort Lauderdale, casse les prix, casse les reins à Québecair, perd de l'argent et en fait perdre à Québecair. En 1982...

Le Président: M. le ministre, s'il vous plaît, brièvement, en concluant!

M. Grégoire: Mais, c'est intéressant!

M. Clair: Je vais tâcher de terminer rapidement. En 1982, Air Canada est encore là. Québecair a dû se retirer. Savez-vous qui va remplacer Québecair sur le marché Québec-Fort Lauderdale? Air Florida, une compagnie américaine. Savez-vous avec quel type d'avions? Avec des Boeing 737, alors que le député de Laporte, mon critique, qui est justement là, en Floride, disait que c'était aberrant de penser pouvoir faire de l'argent...

M. Bourbeau: M. le Président, une question de privilège.

Le Président: M. le député de Laporte, une question de privilège, brièvement, s'il vous plaît!

M. Bourbeau: M. le Président, le ministre des Transports vient d'accuser le député de Laporte de ne pas être présent en cette Chambre. Je vous dirai que, si je suis allé en Floride, c'est justement pour voir comment se fait le transport en Floride. Je peux lui dire que c'est beaucoup mieux organisé qu'au Québec, surtout le transport aérien.

Le Président: M. le ministre, brièvement, s'il vous plaît!

M. Clair: Effectivement, le député de Laporte continue dans la même orientation. Il préfère qu'Air Canada, en trois ans, ait réussi à casser les reins de Québecair, à lui faire perdre de l'argent et qu'aujourd'hui ce soit une compagnie américaine qui, avec des Boeing 737, vienne prendre la place de Québecair à des tarifs augmentés, ajustés à ceux d'Air Canada dans une proportion qui va jusqu'à 67%.

Après avoir fait tout cela à Québecair, cela ne surprendra personne que Québecair ait des difficultés financières. Québecair aurait donc besoin d'une injection de capitaux. Ce que le gouvernement du Canada vient de faire par sa loi S-31, c'est interdire au gouvernement du Québec de venir en aide financièrement à Québecair. C'est complètement absurde, parce que, alors que le gouvernement du Québec pourrait continuer demain à aller aider une entreprise aux États-Unis, en Angleterre, n'importe où, cette loi inique nous empêche de venir en aide à une entreprise dans notre propre pays!

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Question additionnelle, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, le ministre des Transports vient de nous dire

que la loi qui a été déposée au gouvernement fédéral, la loi S-31, affecte les placements du gouvernement du Québec non seulement dans Québecair, mais dans les entreprises Bussières de camionnage et dans les entreprises maritimes. Le ministre est-il au courant que le projet de loi qui est déposé n'affecte pas les placements existants, n'a pas de rétroactivité et, en conséquence...

Des voix: Ah!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: ... n'affecte aucunement les actifs actuels du gouvernement du Québec dans le secteur maritime ou dans le camionnage? En ce qui concerne Québecair, le ministre est-il au courant qu'également il n'y a pas de rétroactivité et que le ministre fédéral des Transports a déclaré, semble-t-il, aujourd'hui même, à la Chambre des communes que le bill S-31 n'affecte aucunement Québecair, ne vise pas Québecair et qu'en conséquence...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je termine ma question. Puisqu'il n'y a aucune rétroactivité dans le bill et que le gouvernement du Québec a englouti ses fonds il y a quinze mois dans Québecair, le ministre est-il au courant qu'effectivement il ne peut pas y avoir de rétraoctivité et, donc, que les placements du gouvernement du Québec dans Québecair ne seront pas annulés par la loi S-31?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Clair: M. le Président, je suis complètement estomaqué de voir l'attitude du député de Laporte. Je comprends qu'il n'a probablement pas eu le temps de prendre connaissance de la loi parce qu'une position comme celle qu'il vient de tenir est absolument incohérente.

M. le Président, il dit que cela n'affecte pas les investissements actuels dans Sonamar, par exemple. La loi, effectivement, n'empêche pas le gouvernement du Québec de maintenir l'argent dans Sonamar. Cependant, savez-vous ce que c'est Sonamar, M. le Président? Actuellement, c'est un bateau, la Saunière. Ce que cela empêche, ce que cela fait, c'est que cela condamne Sonamar à être pour le reste de l'éternité, si cela ne change pas, une entreprise avec un seul bateau, parce qu'on empêche le gouvernement du Québec d'aller plus loin. Il me semble que cela se comprend.

Le député, je le comprends, veut soutenir la loi. Il dit également: Dans le cas de Québecair, les gestes qui ont été posés par le gouvernement, le ministre fédéral des Transports a dit qu'il respectait la loi et il y a toujours possibilité de demander une permission au gouvernement fédéral.

Là-dessus, sans qualifier M. Pépin, ce qu'il a eu la "gentillesse" de faire à mon endroit, je dirai simplement qu'il a menti à la Chambre des communes en ce qui concerne l'autorisation de la Commission canadienne des transports puisque l'investissement de 1981 du gouvernement du Québec dans Québecair n'a pas encore été effectivement accepté par la Commission canadienne des transports. J'ai vérifié cela ce matin, cela n'a pas encore été fait. Quant à l'avenir, M. le Président, le député dit: Vous pourriez demander la permission. Or, depuis 1977, la Loi sur l'aéronautique interdisait un bon nombre de gestes que pouvaient poser les gouvernements dans des entreprises interprovinciales de transport aérien. Ce que le gouvernement fédéral fait, il apporte une loi encore plus restrictive. Comment voulez-vous, M. le Président, qu'on puisse croire avoir une seule chance que le gouvernement fédéral nous accorde cette permission? On est dans l'absurdité la plus totale. Il y avait déjà une loi restrictive. On adopte une loi encore plus restrictive et on dit: Venez me demander la permission. On est dans l'absurdité la plus totale et, si la loi n'est pas restrictive, M. Pépin est encore dans l'absurdité parce que pourquoi voter une deuxième loi qui dit la même chose que la précédente? Le législateur n'est pas censé parler pour ne rien dire au Québec. J'espère que c'est encore la même chose à Ottawa.

Le Président: Fin de la période des questions.

M. le leader du gouvernement.

Motion d'urgence pour la suspension de certaines règles

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, conformément à l'article 84 de notre règlement, je voudrais présenter une motion d'urgence. Je crois que, pour la bonne compréhension des gens qui nous écoutent, il serait important de faire lecture de cet article 84. "1. L'application d'une règle de procédure prévue aux paragraphes 2, 3 et 4 de l'article 3 du règlement peut être suspendue à la suite d'une motion annoncée du leader parlementaire du gouvernement ou d'un ministre indiquant l'objet pour lequel elle est suspendue. "2. Quand la motion de suspension de l'application d'une règle a lieu pour raison

d'urgence, elle n'a pas à être annoncée et elle doit contenir uniquement un exposé des motifs qui prouvent l'urgence et justifient la suspension de l'application des règles. Lorsque cette motion est faite en vue de l'adoption d'un projet de loi - ce qui est le cas ici - il doit être distribué au moment où la motion est présentée. Le débat sur cette motion est limité à deux heures. "3. Cette motion ne peut être ni amendée ni divisée".

M. le Président, me prévalant donc de cet article 84 de notre règlement, je voudrais expliquer les motifs qui, du point de vue gouvernemental, prouvent l'urgence de suspendre l'application d'un certain nombre de règles de procédure prévues à notre règlement et d'adopter le projet de loi no 84, Loi assurant la reprise du service de transport en commun sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec et inscrit au nom du ministre délégué au Travail. (15 heures)

II faut savoir, M. le Président, que le dossier dont nous parlons et qui est relatif à une grève qui sévit en ce moment dans la région de Québec, dans le secteur du transport en commun, mérite, pour être bien compris, que nous en fassions un bref historique.

Il faut savoir que la convention collective qui lie la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec au syndicat CSN représentant les chauffeurs d'autobus de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, est échue depuis le 25 décembre 1981. Donc, dans quelques semaines à peine, cela fera un an et cela fait déjà tout près d'un an que cette convention collective est échue.

Entre le 24 octobre 1981 et le 11 juin 1982, il y a eu, entre la partie patronale, c'est-à-dire les dirigeants de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, et la partie syndicale, c'est-à-dire les représentants syndicaux des chauffeurs d'autobus de la Communauté urbaine de Québec, 22 rencontres qu'on pourrait qualifier de rencontres directes de négociations entre ces deux parties qui étaient directement impliquées dans la renégociation d'une nouvelle convention collective.

Par la suite, après que ces 22 rencontres directes de négociations ont eu lieu, il y a eu huit séances de conciliation auxquelles a donc participé un conciliateur du ministère du Travail qui a tenté, dans le cadre des négociations qui avaient cours entre la partie syndicale et la partie patronale, de rapprocher les parties et de les amener à négocier un règlement qui serait satisfaisant, juste et équitable.

Il faut savoir aussi que ce dossier a connu toutes sortes de péripéties. D'abord, la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec a signé, avec deux autres syndicats, une convention collective, pour une période de trois ans, sur la base d'une offre qui était de 9% pour la première année, 8% pour la deuxième année et 6,5% pour la troisième année, avec, pour chacune de ces trois années, une formule d'indexation qui y était rattachée.

Par ailleurs, après que deux syndicats eurent effectivement accepté cette proposition qui était soumise par la partie patronale, c'est-à-dire par les dirigeants de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, il y a eu une offre du même type qui a été faite au syndicat représentant les chauffeurs d'autobus. C'est-à-dire qu'au mois de juillet dernier, il y avait sur la table une offre de 9% pour l'année 1982, 8% pour l'année 1983 et 6,5% pour l'année 1984, avec, pour chacune des trois années, une formule d'indexation qui y était jointe.

Au mois de juillet dernier, les représentants du syndicat des chauffeurs d'autobus de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec ont décidé de ne pas accepter cette offre de 9%, 8% et 6,5% avec formule d'indexation forfaitaire. Bien sûr que le syndicat pouvait avoir un certain nombre de raisons de ne pas accepter cette offre. Je crois que c'était sa responsabilité d'assumer devant ses membres et devant l'ensemble de la population la décision qu'il prenait de ne pas accepter une offre qui avait déjà été acceptée par deux autres syndicats. Toujours est-il qu'au delà de cette offre salariale, les représentants du syndicat ont jugé qu'il y avait un certain nombre d'autres questions, comme la question des maladies occupationnelles, qui méritaient aussi d'être discutées, en plus de tout le dossier des salaires. Donc, dans le contexte où les offres étaient présentées au mois de juillet, ils n'étaient pas en mesure d'accepter, à ce moment-là, un règlement négocié sur la base de ce qui était sur la table, autant du côté salarial que du côté normatif. C'était l'offre du mois de juillet.

Il y a, par ailleurs, une chose assez curieuse et je me réfère plus particulièrement aux dirigeants de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec. Je déposerai tout à l'heure, M. le Président, pour que l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale en prennent connaissance, une note qui a été préparée, hier, le 4 novembre, par M. Lucien Bouchard, le négociateur en chef du gouvernement dans le cadre des négociations que nous menons avec l'ensemble des employés des secteurs public et parapublic. Dans cette note que je déposerai tout à l'heure, pour que nos collègues en prennent connaissance, il est dit, à un certain paragraphe: "... des considérations qui précèdent et de l'examen des offres

antérieures déposées par la CTCUQ, notamment celles du 12 juillet - voici les mots importants - qualifiées de globales et finales..." En d'autres mots, ce que M. Bouchard dit - c'est le rapport que nous avions du conciliateur à l'époque - c'est que l'offre qui avait été soumise par la partie patronale au mois de juillet dernier était considérée par la partie patronale, c'est-à-dire les dirigeants de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, comme une offre globale et finale.

Or, quelques semaines après, au mois de septembre, une nouvelle offre a été présentée par les mêmes dirigeants de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, mais, cette fois, alors qu'ils avaient parlé d'une offre globale et finale, c'est une offre à la baisse, une offre de 9% pour 1982, 6% pour 1983 et 5% pour 1984 sans aucune clause d'indexation même forfaitaire. Évidemment, dans ce contexte, je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, qu'il y a eu une réaction très vive de la partie syndicale, à qui on avait présenté une offre de 9%, 8% et 6,5% au mois de juillet et qui, quelques semaines après, recevait une autre offre nettement inférieure, soit 9%, 6% et 5% sans aucune forme d'indexation. La réaction a été vive et on peut dire que, d'une certaine façon, il y a eu braquage, blocage au niveau de la négociation puisqu'il y avait, d'un côté, une partie patronale avec une réduction de ses offres et, de l'autre côté, un syndicat qui demandait nettement plus que ce qui avait déjà été déposé à la table au mois de juillet, c'est-à-dire quelques semaines auparavant.

À cela, il faut ajouter que la situation ne s'est pas améliorée au mois d'octobre, au moment où le conciliateur que le gouvernement avait affecté au dossier tentant de rapprocher les parties, se rendait compte, à toutes fins utiles, que, comme conciliateur mandaté par le ministre délégué au Travail, il n'arrivait pas à rapprocher les deux parties. Il n'arrivait pas à faire en sorte que des compromis suffisamment substantiels soient apportés de part et d'autre pour que, finalement, nous aboutissions à un règlement négocié. (15 h 10)

Voilà donc un peu, M. le Président, le contexte au niveau de ce qui s'est développé du côté patronal, de ce qui s'est développé du côté syndical, jusqu'à ce que le 23 octobre dernier, le syndicat, les chauffeurs d'autobus décident d'entrer en grève. Il faut vous dire, M. le Président, qu'avant même que cette grève ne soit déclenchée, avant le 23 octobre, les députés de la région de Québec, en tout cas, je peux parler des députés ministériels de la région de Québec, les députés du caucus du Parti québécois de la région de Québec, ont été très vites sensibilisés par les citoyens et citoyennes de la région de Québec à la nécessité de ne pas faire durer cette grève si jamais elle devait être déclenchée. Même, les gens nous disaient de prendre tous les moyens pour que la grève ne puisse même pas être déclenchée. Dans ce contexte, avec les pressions insistantes de bon nombre de citoyens et de citoyennes qui appréhendaient une grève du type de celle que nous avions vécue dans la région de Québec, en 1979, et qui avait duré plus de huit mois, pas besoin de vous dire qu'effectivement, les citoyens et citoyennes se retournaient vers les députés de la région de Québec pour leur dire: Tentez tous les efforts pour que non seulement cette grève ne dure pas longtemps si jamais elle devait être déclenchée, mais si possible pour qu'elle ne soit même pas déclenchée.

Or, la grève a été déclenchée le 23 octobre dernier. Je dois vous dire, M. le Président, que depuis le premier jour de cette grève, c'est-à-dire depuis le samedi 23 octobre, dans nos bureaux de comté, je pourrais parler du député de Limoilou, je pourrais parler du député de Chauveau, je pourrais parler du député de Taschereau, je pourrais parler de Mme la députée de La Peltrie, je pourrais parler, probablement, enfin ils le feront mieux que moi, du député de Louis-Hébert, du député, probablement aussi, de Jean-Talon, du député de Charlesbourg et, évidemment, dans ma propre circonscription électorale, je dois vous dire que les appels des citoyens et citoyennes se sont faits très nombreux. J'évoquerais un chiffre, M. le Président, comme une moyenne, depuis à peu près deux semaines, du nombre d'appels qui sont parvenus à nos bureaux de comté, et je pourrais facilement avancer un chiffre qui irait autour d'environ 70 à 75 appels par jour de citoyens et citoyennes qui, très souvent, non seulement nous demandaient d'intervenir le plus rapidement possible pour faire cesser ce conflit, mais qui au-delà de ces demandes qui étaient adressées aux députés de la région de Québec, indiquaient leurs sentiments face à cette grève.

Je n'ai pas besoin de vous dire que dans 90% ou 95% des cas, la façon que les gens utilisaient pour exprimer leur mécontentement avait finalement comme résultat de faire porter sur les chauffeurs d'autobus et sur le syndicat qui représente les chauffeurs d'autobus de la commission de transport, tout l'odieux de cette grève qui avait été déclenchée le 23 octobre. Effectivement, on pourrait dire que presqu'à l'unanimité, les gens qui nous parlaient de ce conflit, de cette grève, appuyaient constamment sur les députés pour dire: si, à la limite, il faut mettre à la porte les 640 chauffeurs d'autobus et les remplacer par 640 personnes qui sont en ce moment en chômage, faites-le. C'était à peu près ça le

sens des messages qui nous étaient passés dans nos bureaux de comté. La population dans son ensemble disait aux représentants à l'Assemblée nationale: C'est la faute du syndicat. Le syndicat demande trop. Il faut remplacer les chauffeurs d'autobus; il y a tellement de monde en chômage, vous n'aurez pas de difficultés à trouver des gens. Donc, dans ce contexte, prenez des mesures draconiennes, sévères, et le plus rapidement possible.

Voilà à peu près l'état d'esprit qui régnait. Oh, bien sûr, il y a des gens qui pourront dire: On ne voit pas, dans la région de Québec, au moment d'une grève du transport, des choses comme celles qui se déroulent à Montréal lorsqu'il y a une grève du transport en commun. À Montréal, quand il y a une grève du transport en commun, c'est vrai qu'on assiste à une paralysie totale dans toute l'île de Montréal. C'est vrai qu'économiquement parlant, cela a des impacts extrêmement importants et très négatifs. C'est vrai que, le métro et l'autobus mis ensemble, en sachant que des dizaines de milliers de personnes utilisent ce moyen de transport à Montréal, cela crée une situation qui force la plupart du temps les gouvernements à intervenir très rapidement. Il y a des gens qui nous disaient et qui nous disent encore: Ici, à Québec, on n'assiste pas au même genre de paralysie. On n'assiste pas au même genre de chaos social ou économique.

Dans un contexte semblable, pourquoi invoquer l'urgence? Il y a des raisons, M. le Président, qui sont aussi très importantes. Tout en admettant que la situation puisse être, à Montréal, en termes de proportions, plus grave qu'à Québec, il y a ici, dans la région de Québec, 70 000 usagers du transport en commun, 70 000 personnes pour qui le transport en commun est un service essentiel, pour qui le transport en commun est la seule façon de faire un certain nombre de choses: de se rendre à leur travail, de se rendre au magasin, d'aller visiter des membres de leur famille et de vaquer à certaines occupations de loisirs ou autres. Pour 70 000 usagers réguliers dans la région de Québec, le service de transport en commun, les autobus, c'est essentiel. C'est essentiel d'autant plus que la crise économique que nous traversons à l'heure actuelle rend pénible une telle grève dans le secteur du transport en commun.

Il faut savoir que les gens qui utilisent le transport en commun, pour un certain nombre, pourraient probablement utiliser une automobile. Ils pourraient probablement prendre un taxi. Ils pourraient probablement pratiquer l'auto-stop: mais ces gens, dans le contexte économique que nous traversons, vivent en même temps que tout le monde des problèmes économiques très graves qui les affectent directement. La privation d'un service de transport en commun, pour des personnes âgées, pour des jeunes, pour des travailleurs et des travailleuses, c'est quelque chose de dramatique. On nous a rapporté que certains avaient tenté d'organiser une manifestation à Québec pour protester contre l'absence du service de transport en commun et cette manifestation n'a finalement amené, tout près d'ici, sur le boulevard Saint-Cyrille, près d'un hôtel, que deux manifestants, deux personnes. À la blague, certains ont répondu: C'est évident, avec l'absence d'autobus, les gens n'ont pas pu se rendre. Mais il n'en demeure pas moins que ce sont des personnes ces 70 000 usagers du transport en commun - qui ne sont pas en mesure de s'organiser convenablement pour faire une manifestation et indiquer aux dirigeants de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, comme aux représentants syndicaux des chauffeurs d'autobus, comme aux élus de l'Assemblée nationale, leur volonté de voir le service de transport en commun rétabli. (15 h 20)

C'est par la voie des journaux - parce qu'on a lu beaucoup de lettres dans les journaux - c'est par la voie des appels téléphoniques qui sont parvenus dans nos bureaux de comté, c'est par la voie des lignes ouvertes aux stations de radio que les citoyens et citoyennes de la région de Québec pouvaient finalement faire connaître leur ressentiment face à cette grève et face à cette privation qui, pour eux, particulièrement dans un contexte de crise économique, est pénible, et je les comprends.

Dans tout cela il y a eu à un certain moment aussi des arguments qui nous sont venus et qui vont nous être servis tout à l'heure par l'Opposition, je le devine. Des arguments du type: Oui, mais comment se fait-il qu'après à peine moins de deux semaines du déclenchement d'une grève du transport en commun dans la région de Québec, là, tout à coup, le gouvernement ait besoin d'une loi spéciale pour forcer le retour au travail, et non seulement forcer le retour au travail des chauffeurs d'autobus et redonner à la population son service de transport en commun, mais en même temps introduire dans ce projet de loi les conditions de travail, les conditions salariales qui vont prévaloir pour l'année 1982 et l'année 1983? Comment se fait-il que tout à coup, en 1982, le gouvernement sente le besoin d'agir aussi rapidement, après moins de deux semaines, alors qu'en 1979 la grève a duré plus de huit mois? Comment cela se fait-il?

Une voix: C'est la communauté urbaine...

M. Bertrand: Comme je sais que l'Opposition va probablement nous servir cet argument, évidemment que c'était la moindre

des choses de se préparer à y répondre immédiatement.

Des voix: ...

M. Bertrand: En 1979, M. le Président, lorsque la grève du transport en commun a été déclenchée dans la région de Québec, il faut savoir que nous venions tout juste d'adopter, ici-même à l'Assemblée nationale du Québec - quelques semaines avant le déclenchement de la grève - une loi, la loi 38, qui était pilotée par celui qui est aujourd'hui ministre de l'Habitation, qui était à l'époque ministre des Affaires municipales et qui, à la demande des députés du Parti québécois de la région de Québec, qui eux-mêmes se l'étaient fait demander par les maires et conseillers municipaux des municipalités de la région de Québec, de la Communauté urbaine de Québec...

M. Rivest: Et par le député de Louis-Hébert.

M. Bertrand: ... et probablement par le député de Louis-Hébert, qui était d'accord avec un tel projet, et celui de Jean-Talon aussi à l'époque, mais qui n'était pas encore député... L'était-il?

M. Rivest: Non.

M. Bertrand: II l'est devenu pendant la grève, justement.

M. Tardif: Le député de Louis-Hébert était secrétaire de la Communauté urbaine de Québec.

M. Bertrand: Mais à l'époque le député de Louis-Hébert, on s'en rappellera, était secrétaire de la Communauté urbaine de Québec.

À l'époque, les conseillers municipaux et les maires de la Communauté urbaine de Québec nous disaient: On veut avoir la juridiction sur la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec. On ne veut plus que le gouvernement nomme le directeur général. À l'époque, il y avait un directeur général qui était nommé par le gouvernement et qui assumait finalement la responsabilité de la gestion et de l'administration de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec. Les élus municipaux, qu'on avait rencontrés en 1977, nous avaient dit: On voudrait une nouvelle loi de la Communauté urbaine de Québec à l'intérieur de laquelle il y aurait des dispositions qui nous donneraient la responsabilité totale et entière de la gestion et de l'administration de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec.

Cela fut adopté quelques semaines avant le déclenchement de la grève en 1979. Je crois que la loi a été adoptée vers la toute fin de l'année 1978; je pense que l'ancien secrétaire de la Communauté urbaine de Québec pourrait peut-être même me souffler la date exacte où la loi a été adoptée vers la fin de 1978.

Donc, l'attitude des députés de la région à ce moment et l'attitude du gouvernement a été de dire aux maires et aux conseillers municipaux: Vous avez demandé à gérer et à administrer la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, occupez-vous-en. S'il y a une grève du transport en commun quelques semaines à peine après que vous avez obtenu la responsabilité de gérer et d'administrer le transport en commun dans la région de Québec, prenez vos responsabilités. Administrez la Commission de transport, gérez la Commission de transport et réglez le conflit vous opposant aux chauffeurs d'autobus de la Commission de transport, réglez votre conflit. Vous avez demandé la responsabilité, vous allez la prendre entièrement, vous allez régler le conflit, vous allez vous asseoir à la table et vous allez négocier. On disait la même chose à la partie syndicale. Asseyez-vous à la table et négociez.

Il faut se rappeler qu'à l'époque, effectivement, il n'y avait même pas de négociation. Quand la grève avait été déclenchée, après les premières semaines de grève, il n'y avait même pas de négociation en cours. Les efforts des premiers mois ont tous été mis à entreprendre une négociation.

Après un certain temps, le ministère du Travail est intervenu dans le dossier. Tous les mécanismes prévus au Code du travail ont été utilisés pour tenter de rapprocher les parties, pour en arriver à un règlement négocié. Les mois passaient et, finalement, on se rappelle qu'effectivement la grève a duré plus de huit mois. C'était la situation en 1979. Tantôt, à bon droit, l'Opposition fera probablement état du fait qu'en 1979 le gouvernement n'avait pas pris la décision d'intervenir par voie législative pour résoudre ce conflit, surtout pas après deux semaines de grève dans le transport en commun.

Donc, en 1979, pour nous, il était très clair que ceux qui avaient demandé d'assumer la responsabilité de l'administration de la commission de transport devaient aussi assumer la responsabilité du conflit qui prévalait et qui les opposait aux chauffeurs d'autobus. Nous avons décidé solidairement de laisser les deux parties régler ce conflit. Ce sont finalement les deux parties qui en sont venues, après plusieurs mois de grève, à régler ce conflit.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Je déteste interrompre le leader du gouvernement mais, comme j'aimerais qu'il reste quelque chose à dire au ministre du Travail en deuxième lecture, pouvez-vous inviter le leader du gouvernement à parler de la question d'urgence et non pas à aller trop loin sur le fond.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement, vous avez la parole.

M. Bertrand: Je sais, M. le Président, et je pense que c'est à bon droit que le leader de l'Opposition me ramène à l'idée d'urgence comme telle parce que, effectivement, c'est sur l'article 84 qu'il faut insister. J'aurai tout à l'heure, face au leader de l'Opposition, lorsqu'il prendra la parole, la même compréhension s'il devait dépasser un peu la lettre de l'article 84; j'aurai une attitude d'ouverture et de compréhension. Je voudrais qu'il comprenne qu'effectivement il pourrait arriver que certains paragraphes de mon exposé ne soient pas tout à fait en conformité avec l'article 84. C'est tout à fait normal qu'il puisse vous demander de me ramener à l'ordre. (15 h 30)

M. le Président, en ajoutant aux propos que j'ai tenus jusqu'à maintenant, en 1979, il y avait ce contexte de l'adoption d'une loi qui avait donné la responsabilité du transport en commun aux dirigeants de la Communauté urbaine de Québec. Il n'y avait pas non plus la crise économique que nous traversons en ce moment, non pas, loin de là, que les gens qui ont été privés de transport en commun en 1979 n'étaient pas des gens qui pouvaient revendiquer d'avoir ce transport en commun et qui pouvaient juger comme essentiel d'avoir ce transport en commun, mais il est évident que la situation de 1982 sur le plan économique n'est pas comparable à celle qui prévalait en 1979. Donc, nous avons comme caucus régional, dès les premières heures du déclenchement de la grève, pris un certain nombre d'attitudes. Nous avons indiqué à l'ensemble de la population que, quant à nous, comme députés représentant la population dans la région de Québec, nous ne saurions tolérer une grève du transport en commun qui ressemblerait de quelque façon que ce soit à celle que nous avions connue en 1979; que nous ne saurions tolérer qu'une grève du transport en commun dure plus que quelques heures ou quelques jours. Cela avait été dit et nous avons, dans les premiers jours qui ont suivi le déclenchement de la grève, tenu quelques réunions parce que nous voulions que le Conseil des ministres, à la première séance qui suivrait le déclenchement de la grève, soit saisi du dossier. Effectivement, après, entre autres, la déclaration du député de Charlesbourg qui disait: Deux ou trois jours, tout au plus, après la réunion du caucus des députés de la région de Québec...

Le Président: Un instant, M. le leader du gouvernement. Le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je ne veux pas interrompre les explications que donne le leader du gouvernement actuellement, mais, en vertu du règlement, est-ce qu'à ce moment-ci il me permettrait une courte question qui pourrait peut-être...

M. Bertrand: À la fin.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie, le leader fait mention qu'il faudrait la poser à la fin cette question.

Une voix: Peureux!

M. Bertrand: Alors, dans les heures qui ont suivi, dans les jours qui ont suivi, M. le Président, le caucus a donc fait un certain nombre de pressions pour que le Conseil des ministres, à la séance qui suivait le déclenchement de cette grève, c'est-à-dire, finalement, mercredi de la semaine dernière, puisse être saisi du dossier. Effectivement, mercredi de la semaine dernière, quelques jours après le déclenchement de la grève, en fait, quatre jours après le déclenchement de la grève, le Conseil des ministres a étudié la question. Et, sur la base des informations que le caucus des députés de la région lui avait fait parvenir, sur la base des informations que le ministre du Travail avait communiquées au Conseil des ministres, sur la base des informations que le conciliateur, M. Thellend, avait transmises au ministre du Travail, le Conseil des ministres a pris la décision de mandater deux personnes, deux émissaires spéciaux, deux médiateurs spéciaux et pas n'importe qui, le négociateur en chef du gouvernement, M. Lucien Bouchard, et le directeur de cabinet du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin, deux personnes qui avaient effectué un certain nombre de démarches dans le cas de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal, démarches qui avaient finalement donné des résultats heureux. Le mandat du Conseil des ministres était très clair: Vous avez jusqu'à mardi de la semaine prochaine pour remettre un rapport et nous faire le bilan des discussions que vous aurez eues avec la partie patronale et la partie syndicale.

Messieurs Boivin et Bouchard ont rencontré à cinq reprises la partie patronale et à huit reprises la partie syndicale. Donc, il y a eu en moins d'une semaine, treize rencontres entre ces médiateurs spéciaux et l'une ou l'autre des deux parties, c'est-à-dire la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec et le syndicat représentant les chauffeurs

d'autobus.

M. le Président, on est passé à un cheveu - même pas - d'avoir une entente, un règlement accepté par la partie syndicale et par la partie patronale. C'était il y a quelques jours à peine, mardi soir, dans les dernières heures du mandat qui avait été confié à MM. Boivin et Bouchard; il y a eu une possibilité réelle et sérieuse d'entente. Effectivement, sur la base d'une proposition syndicale d'avoir une augmentation de 11% pour 1982 et de 6% pour 1983, sans aucune forme d'indexation, MM. Jean-Roch Boivin et Lucien Bouchard sont allés rencontrer les autorités de la commission de transport et de la Communauté urbaine de Québec vers 9 heures mardi soir. Pas n'importe qui, le président de la commission de transport, M. Léonce Bouchard, et le président de la Communauté urbaine de Québec, M. Marcel Pageau. À ce moment-là, ils ont présenté la proposition syndicale de 11% et 6% sans indexation.

Dans le rapport que j'ai remis à l'Opposition, qui a été rédigé par MM. Boivin et Bouchard pour le Conseil des ministres, il est dit à la page 8: "Nous avons même eu l'espoir de voir les parties conclure ce règlement lorsque le président de la Communauté urbaine de Québec, M. Marcel Pageau, et le président de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, M. Léonce Bouchard, nous ont déclaré hier soir, à l'issue de notre dernière rencontre, qu'ils recommanderaient à leurs 29 collègues du conseil de la Communauté urbaine de Québec l'acceptation de la dernière proposition syndicale."

MM. Jean-Roch Boivin et Lucien Bouchard avaient, à toutes fins utiles, presque en main une forme de certitude que la proposition syndicale de 11% et 6% allait être acceptée, était acceptée par la commission de transport et la Communauté urbaine de Québec puisque les deux présidents de l'un et l'autre organisme leur avaient déclaré qu'ils recommanderaient à leurs 29 collègues du conseil de la Communauté urbaine de Québec l'acceptation de la dernière proposition syndicale que M. Donatien Corriveau lui-même, président de la CSN, leur avait transmise.

On connaît la suite des événements, M. le Président. Le lendemain matin, mercredi matin, le jour même où le Conseil des ministres se réunissait pour prendre connaissance du rapport de MM. Boivin et Bouchard, vers 7 h 30, le conseil de la Communauté urbaine de Québec se réunissait et, à l'unanimité, finalement, décidait de rejeter la proposition syndicale de 11% et 6% qui, la veille, pourtant, semblait faire l'objet d'une entente puisque le président de la commission de transport et le président de la communauté urbaine avaient dit qu'ils recommanderaient à leurs collègues l'acceptation de la dernière proposition syndicale, c'est-à-dire 11% pour 1982 et 6% pour 1983. (15 h 40)

Quand MM. Boivin et Bouchard ont appris que le conseil de la Communauté urbaine de Québec rejetait la proposition syndicale de 11% et 6%, ils ont rédigé le rapport, tel que demandé par le Conseil des ministres, et ce rapport a été soumis au Conseil des ministres à sa séance régulière de mercredi dernier. Dans ce rapport, à la page 8, ils en venaient - c'est le paragraphe 3.9 du rapport - à la conclusion suivante: "Nous concluons qu'il n'y a pas lieu d'espérer que ce conflit puisse se résoudre sans l'intervention de l'Assemblée nationale, étant donné l'incapacité dans laquelle se trouvent les parties d'y mettre fin."

Nous aurons l'occasion, M. le Président, tout à l'heure, lors de l'étude en deuxième lecture du projet de loi no 84, de débattre, sur le fond, de tout cela, entre autres, de ce qui s'est passé dans les dernières heures et de certaines choses qui ont été dites hier, en conférence de presse, par le président de la Communauté urbaine de Québec et par le président de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, relativement à des engagements qu'ils n'auraient pas pris face à M. Jean-Roch Boivin et face à M. Lucien Bouchard. Nous reviendrons là-dessus lors de l'étude en deuxième lecture du projet de loi.

À ce moment-ci, ce qu'il est important de constater, M. le Président, c'est qu'après presque un an d'une convention collective échue, après 22 rencontres directes de négociations, après huit séances de conciliation, après une tentative de dernière heure du conciliateur avant que la grève ne soit déclenchée, après la décision du Conseil des ministres de mandater deux médiateurs spéciaux pour tenter de rapprocher les parties, de les amener à s'entendre et à conclure un règlement acceptable pour l'une et l'autre de ces parties, après avoir espéré, dans les dernières heures, qu'il y aurait effectivement un règlement négocié, c'est-à-dire une entente sur la base d'une proposition syndicale acceptée, à toutes fins utiles, par le président de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec et par le président de la Communauté urbaine de Québec, eh bien, mercredi matin, on a réalisé qu'il n'y avait aucune possibilité d'entente. Le conseil de la Communauté urbaine de Québec disait formellement: C'est trois ans à 11%, 6% et 5% ou c'est deux ans à 9% et 6%, mais nous n'acceptons pas la proposition syndicale de 11% et 6% pour deux ans sans aucune forme d'indexation.

C'est pourquoi, retenant la recommandation qui nous a été faite par des gens qui ont tenté un effort ultime;

considérant les dommages que cause cette grève sur le plan économique dans la région de Québec; considérant les dommages graves qu'elle occasionne pour 70 000 usagers réguliers du transport en commun, particulièrement des personnes âgées, des jeunes, des travailleurs et des travailleuses dont c'est le moyen essentiel, le service essentiel qui est à leur disposition pour faire un certain nombre de choses; considérant la crise économique que nous traversons, qui rend encore plus dramatique l'absence de ce service de transport en commun; considérant qu'on ne veut pas revivre, dans la région de Québec, ce qu'on a connu en 1979 et que, d'aucune façon, nous n'aurions accepté, nous les députés de la région, de laisser durer un tel conflit plusieurs semaines ou plusieurs mois; considérant l'incapacité chronique des dirigeants de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec de prendre, dans le vrai sens du terme, leurs responsabilités dans ce dossier, et on le verra tantôt sur le fond, lors de l'étude en deuxième lecture, considérant tout cela et considérant que ce n'est pas quelques jours de plus ou quelques semaines de plus qui pourraient nous permettre d'en arriver à un règlement négocié, maintenant que nous savons très bien où se situe la partie patronale dans ce dossier et de quelle façon, finalement, par toutes sortes de moyens que nous verrons tout à l'heure à qualifier, elle a presque fait en sorte que le dossier se retrouve dans les mains du gouvernement, eh bien, le gouvernement, effectivement, va prendre ses responsabilités, M. le Président. Le gouvernement, se prévalant de l'article 84 du règlement, convoquant aujourd'hui, exceptionnellement, les députés à l'Assemblée nationale, va leur demander d'adopter le projet de loi no 84, Loi assurant la reprise du service de transport en commun sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec.

Donc, en raison de tout ce contexte, de cette situation dont je vous ai parlé, M. le Président, qui quant à moi, exprime l'urgence qu'il y a d'agir pour redonner à la population son service de transport en commun, je fais motion pour que, d'abord, soit adopté le projet de loi no 84, Loi assurant la reprise du service de transport en commun sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec; que, conformément à l'article 84, paragraphe 2, du règlement, on suspende l'application des articles 30, 31, 33, 77, 87, 88, 115, 116, 134, 157; que, nonobstant les dispositions de l'article 47, paragraphe 1, du règlement, toutes les séances de l'Assemblée soient publiques; que, nonobstant les dispositions de l'article 121 du règlement, il ne peut y avoir d'amendement en deuxième lecture; que, de plus, la commission plénière fasse rapport au plus tard deux heures après le début de ses travaux; que, dix minutes avant l'expiration de ce délai, le président de la commission mette immédiatement aux voix, sans débat, les articles du projet de loi et les amendements dont la commission n'a pas disposé; que le débat portant sur la troisième lecture soit limité à 20 minutes par parti reconnu; que l'application des règles ci-dessus énumérées soit suspendue et que l'Assemblée puisse siéger dès maintenant jusqu'à l'adoption du projet de loi no 84, avec une suspension d'une durée d'une heure, laquelle prendra effet au moment de l'adoption de la présente motion.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, tantôt je suis intervenu pour demander au leader du gouvernement s'il me permettait une question pendant son intervention. Il m'avait dit qu'il m'autoriserait à poser ma question après l'intervention. Je voudrais invoquer le règlement, ou en tout cas, demander une directive. Je vais d'abord commencer par ça.

Le leader a mentionné un temps d'intervention de 20 minutes, en troisième lecture, par parti reconnu. Il me semblait, M. le Président, qu'il y avait aussi dans cette Chambre une pratique, une coutume établie qui voulait que lorsqu'il y a des députés indépendants, on leur réserve un temps de parole et que ce soit établi dans les règles du jeu dès le départ. Je n'ai pas nécessairement l'intention d'utiliser ce temps de parole en troisième lecture, mais je dis tout de suite au leader du gouvernement que si c'était le cas, j'aimerais bien que sa motion prévoie cette possibilité que du temps me soit réservé en troisième lecture.

Pour ce qui est de ma question au leader, il nous a présenté une motion de suspension des règles de procédure et comme il l'a expliqué lui-même, cela suppose un débat de deux heures. Il a pris 45 minutes pour dire ce qui, dans le fond, se serait expliqué en cinq minutes. Est-ce que le leader du gouvernement envisagerait la possibilité, puisqu'on connaît l'issue du débat de deux heures... Le gouvernement, par sa majorité parlementaire, va fatalement en arriver à adopter la suspension des règles de procédure. Donc, on aura fait, pendant deux heures, un débat pour savoir s'il y a urgence ou non, pour finalement faire la discussion dans le cadre qui nous est proposé par le leader du gouvernement. (15 h 50)

Le leader du gouvernement serait-il prêt à proposer qu'on utilise plutôt le temps qui est réservé au débat d'urgence - dont on connaît l'issue - à recevoir les travailleurs concernés en commission parlementaire? Il me semble que ce serait du temps beaucoup mieux utilisé, qui permettrait à l'ensemble

des membres de l'Assemblée nationale de percevoir de quelle façon les travailleurs perçoivent la loi qui est devant nous, et cela n'allongerait pas les débats puisque ce serait à l'intérieur des deux heures prévues à la question de procédure. On pourrait finalement déboucher sur le vote que propose le leader du gouvernement sans allonger ultimement les débats, mais au moins, on aurait permis aux travailleurs concernés, plutôt que de faire de la procédure entre nous, de venir expliquer à ceux qui vont voter la loi tantôt comment ils perçoivent ce projet de loi.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: ... je ne veux pas me lever pour empêcher le leader du gouvernement de répondre immédiatement au député de Sainte-Marie, s'il veut le faire, mais j'aimerais avoir l'occasion d'appuyer, s'il ne veut pas donner une réponse maintenant, la demande que le député de Sainte-Marie a faite. J'avais l'intention de la faire dans mon intervention. S'il m'indique qu'il veut répondre maintenant, je vais lui laisser la parole. Sinon, s'il veut attendre après mon intervention...

M. Bertrand: Après.

M. Lalonde: Après mon intervention? Bon! Voilà!

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Bertrand: Une seule chose.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Le député de Sainte-Marie m'a demandé si, dans le cadre du débat en deuxième lecture-Une voix: En troisième lecture.

M. Bertrand: En troisième lecture? J'avais cru entendre le député de Sainte-Marie me dire qu'il n'avait pas l'intention d'intervenir en troisième lecture.

M. Bisaillon: Non. J'ai expliqué, M. le Président, qu'à ma connaissance, en deuxième lecture, le débat était ouvert à l'ensemble des députés. Je n'ai aucune autorisation à demander. Le règlement est là pour me permettre une intervention. Ce que j'ai souligné au leader du gouvernement, c'est qu'en troisième lecture, sa motion limite le débat à 20 minutes par parti reconnu. Je lui dis dès maintenant que je n'ai pas nécessairement l'intention d'intervenir en troisième lecture, mais si tel était le cas, ne pourrait-on pas déjà prévoir un temps pour le député de Sainte-Marie?

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: ... je suis tout à fait disposé, pendant la période de suspension qui est prévue dans ma motion entre l'adoption de la motion et l'étude du projet de loi, à envisager avec mon collègue, le leader de l'Opposition, de même qu'avec le député de Sainte-Marie, une formule qui permettrait au député de Sainte-Marie, s'il voulait s'en prévaloir, d'avoir un droit de parole pour la troisième lecture.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, comme le disait le député de Sainte-Marie qui m'a enlevé les mots de la bouche, j'ai rarement vu un discours aussi long pour dire si peu. Est-ce si difficile que cela d'expliquer que c'est urgent? Ou bien peut-être que vous n'y croyez pas. Nous, nous prenons cela au sérieux; nous prenons cela au sérieux une loi spéciale.

M. le Président, le leader du gouvernement a fait un lapsus au tout début de cette séance, quand il a dit que la coutume voulait que dans des cas semblables, il y ait un consentement pour qu'on puisse avoir la période des questions avant de procéder à la motion en vertu de l'article 84. En effet, M. le Président, on est rendu, avec ce gouvernement et avec le leader actuel, à en avoir fait une coutume. On est rendu avec une tradition de lois spéciales. Cela lui a échappé. C'est vrai. C'est devenu une coutume, à cause de vous. Savez-vous ce qu'on fête dans quelques jours, M. le Président? Si les règles de la bienséance le permettaient, vous pourriez vous lever et entonner la chanson de Gilles Vigneault, "Mon cher René". C'est sa fête, le 12 novembre. Ce sera le troisième anniversaire de la première loi spéciale péquiste. Vous dites: Oui, mais trois ans, ce n'est pas très important. Je vais vous donner le deuxième élément. La loi qui est proposée par le leader du gouvernement est la septième.

Des voix: Oh!

M. Lalonde: C'est la septième loi spéciale péquiste et si on inclut la loi matraque, la loi 70, cela fait huit. Le leader

lui-même, qui a quand même une carrière relativement jeune dans la fonction qu'il occupe, en est rendu à sa deuxième - il le sait, parce qu'il m'a fait un signe - plus une motion de guillotine. Vous vous souvenez, il prend des habitudes de passer sur le corps de tout le monde, M. le Président.

On peut faire des blagues, M. le Président, mais il reste que c'est un record. C'est le record du nombre de lois spéciales, en si peu de temps, de toute l'histoire parlementaire du Québec. Jamais, avant, ce gouvernement, en trois ans, un gouvernement n'avait demandé à l'Assemblée nationale d'adopter un si grand nombre de lois spéciales dans le domaine des relations du travail. Qu'est-ce que cela veut dire, M. le Président? Cela signifie la faillite de la politique des relations du travail de ce gouvernement. Et pourtant, souvenons-nous des promesses que ce parti nous a faites: avec eux la paix sociale la plus grande régnerait. Mais c'est faux, M. le Président, jamais le Parlement, en temps de session, n'a été assiégé si souvent et par un si grand nombre de citoyens mécontents de ce gouvernement. Encore ce midi... C'est une session spéciale. Depuis le 23 juin ce parlement est désert, nous sommes rendus au 5 novembre, depuis quatre mois et demi ce parlement est fermé, notre Assemblée nationale est fermée parce que le gouvernement n'a absolument rien à faire, rien à nous offrir et déjà, à la première occasion, il y avait des travailleurs, devant le parlement, qui manifestaient, ce midi, contre ce gouvernement.

Souvenez-vous aussi, M. le Président, de leurs promesses de ne pas recourir à des mesures d'exception. Si on retourne en arrière et on retourne à l'Opposition péquiste, au Parti québécois dans l'Opposition avant 1976; nous avons eu droit, alors, à une attitude irresponsable de la part de députés, une attitude démagogique, une attitude opportuniste à chaque fois - et ce n'était pas aussi souvent que maintenant - qu'on devait, comme gouvernement, demander à l'Assemblée nationale d'adopter une mesure d'exception. Les péquistes de l'Opposition c'étaient l'inimitable député de Sauvé, l'ancien député de Maisonneuve, l'ancien député de Saint-Jacques, l'ancien ou presque député de Saguenay, l'ancien ministre de l'Environnement et futur ex-candidat défait à la prochaine élection fédérale et l'immuable ministre de la couverture, c'est-à-dire de la Justice. M. le Président, qu'est-ce qu'ils nous ont donné? De la démagogie sur le dos des travailleurs et des usagers des services essentiels.

C'est ce qui distingue de la façon la plus claire, la plus évidente, le Parti libéral du Québec, qui a toujours agi de façon responsable, du Parti québécois, qui a toujours fait de la démagogie, qui a toujours fait preuve d'irresponsabilité dans des situations semblables. Il est important de le rappeler, parce que ça peut nous aider à comprendre comment il se fait qu'on retrouve tant d'irresponsabilité chez ce gouvernement. Irresponsabilité dans l'administration des finances publiques, irresponsabilité, par exemple, chez le ministre de la Protection du consommateur qui a vu un scandale de 100 000 000 $ de ristournes dans le commerce du lait - que les consommateurs ont payées - et qui n'a rien dit, irresponsabilité du ministre de l'Agriculture, qui connaissait ce scandale et qui n'a rien dit. Et, M. le Président, surtout irresponsabilité du premier ministre qui, entre deux pirouettes, trois déclarations incohérentes et quatre grimaces, s'arrange toujours pour faire semblant que c'est la faute des autres. Il est temps qu'on dénonce cette irresponsabilité. Nous voyons comment l'attitude irresponsable de ces députés de l'Opposition dans le passé explique, d'une certaine façon, le genre de gouvernement que nous avons actuellement. (16 heures)

J'en viens à l'urgence. Je pense qu'on doit le rappeler, parce qu'on est rendu tellement habitués avec ce gouvernement, cette septième loi spéciale en moins de trois ans, que le risque est d'en prendre l'habitude, comme le leader du gouvernement l'a fait cet après-midi. Or, il faut traiter de façon très exceptionnelle une telle mesure. Il demande au Parlement de s'imposer des règles de fonctionnement très rigides qu'on n'accepterait jamais en temps normal, qui ne sont pas susceptibles de nous aider à travailler. Comprenons-le bien, on nous demande d'étudier article par article un projet de loi qui va affecter des centaines de travailleurs, toute une population, 60 000 usagers du service de transport en commun, qui peut affecter aussi la fiscalité de la Communauté urbaine de Québec, le fonctionnement de la CTCUQ, donc un projet de loi qui n'est pas mineur et un projet de loi qui aussi, dans une dimension importante, intervient pour changer le processus normal des choses, un projet de loi qui dit à des grévistes: Vous allez cesser de faire la grève, vous allez retourner au travail, qui dit à la CTCUQ: Vous allez reprendre le service à telle heure.

C'est un projet de loi extrêmement grave et qui dit en plus à la Communauté urbaine de Québec: Vous allez payer tant, donc vous allez peut-être être obligés de taxer davantage. En même temps, on nous dit, à nous les députés: Vous allez avoir seulement deux heures pour étudier cela article par article, et en troisième lecture, seulement vingt minutes chacun, de sorte - il est 16 heures, ce vendredi - qu'avant minuit, on peut s'attendre que tout ce processus soit terminé ou peut-être même dans la nuit,

parce que les articles dont on vient de suspendre l'application vont permettre au gouvernement de nous faire siéger ici en Chambre jusqu'à ce que le projet de loi soit adopté, que ce soit durant la nuit ou demain matin.

Il est bon que les gens comprennent que c'est une situation grave, exceptionnelle et qui doit être traitée de façon grave aussi. Il est donc important, essentiel, que le parrain, celui qui propose cette mesure d'exception fasse la preuve de son urgence. Or, c'est peut-être la partie la plus faible de la démonstration du leader du gouvernement, parce que le leader du gouvernement a un mauvais précédent, pas seulement lui, le député de Vanier, mais son gouvernement. En 1979 - cela ne fait pas vingt ans, cela ne fait pas dix ans, - il y a à peine trois ans, une grève du même service de transport en commun a paralysé le service, a pris en otage les 50 000 ou 60 000 usagers pendant dix jours, quatorze jours, comme ici? Non. Un mois? Non. Huit mois et demi, presque neuf mois.

Le leader nous a expliqué - j'aimerais qu'il réponde à cela dans sa réplique - qu'en 1979, il venait d'adopter une loi qui donnait la responsabilité à l'organisme responsable de prendre ses décisions. Fort bien. Avez-vous enlevé cette loi? N'existe-t-elle pas encore? N'avons-nous pas encore le même cadre législatif, le cadre légal qui dit que la responsabilité de régler ces affaires, y compris la grève, appartient à l'organisme lui-même et non pas au gouvernement? Le leader du gouvernement pourrait-il répondre à cette question? Qu'est-ce qui a changé? On a la même loi, le même service, le même monde, à trois ans de différence; on endure, malgré les nombreuses questions des députés de l'Opposition et je me souviens du whip, du député de Portneuf qui a harcelé le gouvernement. Qu'est-ce que vous faites? Un mois, deux mois, six mois, c'était incroyable. Imaginez-vous cela, un service de transport en commun qui est littéralement fermé pendant neuf mois et, malgré nos questions, le gouvernement n'a absolument rien fait. Nous avons la même situation et là, le gouvernement bouge. Qu'est-ce qui a changé? Les sondages?

Une voix: Les lignes ouvertes.

M. Lalonde: Les lignes ouvertes, peut-être. Mais enfin, en ce qui nous concerne, j'aimerais que le député, le ministre s'explique là-dessus. En ce qui nous concerne, cela nous impressionne peu et je vais vous dire pourquoi. C'est que le Parti libéral du Québec a depuis longtemps établi sa position. Il l'a établie ici, devant la population, dans les débats, et c'est clair, c'est défini. Le Parti libéral, sa position, c'est qu'on doit d'abord assurer le service aux usagers en ce qui concerne le service essentiel. Donc, les tergiversations d'autrefois du gouvernement ne nous inspirent pas et les arguments faiblards du ministre actuellement, on n'en a pas besoin.

L'urgence dans cette grève, nos députés libéraux de la région, le député de Louis-Hébert, le député de Jean-Talon, l'ont reconnue. Ils ont demandé au gouvernement d'agir, ils l'ont demandé au gouvernement parce qu'ils ont craint, eux aussi, que le gouvernement fasse preuve d'autant d'irresponsabilité qu'il y a trois ans devant cette situation.

Qu'est-ce qui est arrivé? Comment se fait-il que cela n'a pas marché? Le gouvernement a nommé deux médiateurs. C'est un échec. Mais pas n'importe qui, comme disait le ministre. Le chef de cabinet du premier ministre, s'il vous plaît. C'est un mandat spécial. Généralement, c'est lui qui donne les mandats. Ce n'est pas lui qui les prend. Mais cela veut dire que le premier ministre, le bras droit du premier ministre... Je ne veux pas diminuer l'importance d'un ministre, d'aucun ministre, mais le chef de cabinet du premier ministre, écoutez, c'est le bras droit, c'est l'ombre du premier ministre. L'ombre du premier ministre était là dans les négociations, dans la médiation. Le premier ministre a engagé son prestige et pourtant c'est un échec. Tout ce qu'on a comme rapport de l'échec, c'est le rapport de ces messieurs dont un, au moins, est un personnage ultra-politique, le chef de cabinet du premier ministre, dont un, au moins, doit donc rendre des comptes politiques. Tout ce qu'on a, c'est un rapport qui dit: Bon, ce serait peut-être le temps d'adopter une loi.

Mais les autres, les travailleurs, la CTCUQ, où est-il leur rapport? Pourquoi, nous autres, on ne saurait pas ce qui est arrivé exactement avant de prendre des décisions? Et la participation du caucus péquiste, surtout du député de Vanier là-dedans, qui s'est pointé rapidement et qui a très rapidement assuré les parties en cause que cela se réglerait. Imaginez-vous l'incitation des parties à régler elles-mêmes quand le gouvernement dit d'avance: Cela va se régler, on va le prendre, le bébé. Je ne sais pas si c'est inexpérience carabinée, naïveté de jeunesse ou même attrait irrésistible de la lentille, mais le député de Vanier était dans le dossier... (16 h 10)

Une voix: Ce doit être les trois en même temps.

M. Lalonde: ... je dirais même, devant le ministre du Travail. C'est assez symptomatique qu'on les voie l'un derrière l'autre ici, en Chambre.

Comme député, qu'il s'en soit préoccupé, d'accord, mais est-ce que le leader du gouvernement, dont les

interventions publiques ont changé tout le processus, toutes les règles du jeu, se rend compte qu'il est en partie responsable de cet échec? Nous, nous le savons, mais j'aimerais aussi entendre les autres et je vais enchaîner avec la proposition de tout à l'heure du député de Sainte-Marie, avec une suggestion - une proposition, si je pouvais le faire d'une façon formelle - de la tenue d'une commission parlementaire dans les minutes qui vont suivre.

Ce que nous savons jusqu'à maintenant, c'est que le premier ministre a engagé son prestige et c'est un échec. Le ministre qui propose la suspension des règles, le leader du gouvernement, s'est pointé là-dedans, a changé toutes les règles du jeu et est responsable en grande partie du fait que les parties n'étaient plus capables, pour simplement citer le rapport de MM. Boivin et Bouchard, de s'entendre.

C'est bien facile à comprendre. Quel intérêt a la partie patronale à faire des efforts à tous points de vue, au plan des ressources humaines, des efforts politiques et financiers pour régler une question, sachant que le gouvernement viendra lui enlever le problème parce que le ministre, son leader, a dit: On va le régler? Quel intérêt a la partie syndicale aussi à faire de même? Le ministre sait très bien que la décision de faire une grève est une décision importante, très exceptionnelle pour un groupe de travailleurs, très engageante sur le plan individuel, sur le plan des familles, sur le plan du travail. Et la décision de régler la grève est aussi extrêmement difficile. Si on n'a plus à régler la grève parce que le gouvernement nous a dit qu'il mettra fin à tout cela, cela change toute la chimie qui serait susceptible d'amener les parties à régler un conflit. Pourquoi cela? Parce que le ministre est allé se pointer là-dedans.

M. le Président, j'aimerais faire une demande, mais très formelle, au ministre, au leader de tenir, dans les minutes qui viennent, une commission parlementaire pour entendre rapidement toutes les parties là-dessus, y compris les médiateurs, parce qu'il y a, dans ce qui nous a été raconté, des petits coins sombres. À un moment donné, on nous dit que les représentants de la partie patronale quittent une réunion en disant: Nous allons la recommander au conseil de la CUQ. Et tout à coup, on voit que ce n'est pas ce qui est arrivé.

Des conversations ont été rapportées sur les ondes par le ministre lui-même, qui concernent des personnes importantes aussi: le maire de Québec, les membres de la CUQ, les travailleurs. J'aimerais entendre ce que les travailleurs ont à dire sur la proposition de 10% et de 6% alors qu'on leur aurait proposé 11% la première année, celle qui se termine, et 6% l'an prochain. J'aimerais entendre les travailleurs nous expliquer l'impact de ce changement et le gouvernement nous dire pourquoi on a changé cela, pourquoi on a baissé de 11% à 10%, parce que c'est vrai que les 11%, à un moment donné, ont été offerts.

J'aimerais que le ministre, lorsque nous allons suspendre nos travaux, après l'adoption de cette motion pour laquelle nous allons voter, organise immédiatement... Les travailleurs sont là et ils ont demandé une commission parlementaire. Le syndicat des employés en a fait une demande officielle, hier, à laquelle ils n'avaient pas encore reçu de réponse vers 13 heures, cet après-midi, une demande officielle de la tenue d'une commission parlementaire au cours de laquelle ils pourront s'expliquer et au cours de laquelle ils pourront, eux aussi, recevoir des explications. Je fais la demande formellement.

Je sais que, parfois, on considère que ces demandes de tenue de commission parlementaire de la part de l'Opposition sont considérées comme frivoles. Je vois le ministre de la Justice, qui était de ce côté-ci en 1975 ou 1976 et qui avait appuyé une motion de son collègue de Maisonneuve, je pense, justement pour tenir une commission parlementaire pendant ce genre de débat. Alors, il peut se rappeler tous les arguments qu'il a invoqués et peut-être les répéter à l'égard de son collègue, le leader du gouvernement. C'est très important de vider la question.

M. Bédard: M. le Président, c'est exact.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Bédard: Je me rappelle la réponse que m'avait faite le gouvernement avec tous les arguments qu'il avait invoqués.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Dans ce cas-là, on avait passé quatre jours en commission parlementaire avant même la demande.

Des voix: Oh!

M. Lalonde: Même avant la demande d'autres commissions parlementaires de la part de l'Opposition. Autres temps, autres moeurs.

M. le Président, j'en fais la demande formelle. Cela pourrait s'organiser très rapidement. Il est 16 h 15. À 16 h 30, 16 h 45 ou 17 heures, on pourrait être en commission parlementaire et passer les deux heures qu'il faudra et la loi va être adoptée dans des délais quand même assez restreints.

M. le Président, cette commission parlementaire permettrait donc d'examiner

les faits, d'examiner l'exécution du mandat des médiateurs, y compris du médiateur politique. Nous sommes très intéressés à savoir ce que le représentant, l'ombre du premier ministre, est allé faire dans ce dossier. C'est assez exceptionnel. Je ne pense pas que le chef de cabinet du premier ministre se promène de conflit de travail en conflit de travail. Il y en a tellement, de toute façon, qu'il n'en aurait pas le temps.

M. le Président, ce n'est pas la première fois que nous devons réparer les dégâts d'un ministre ou du gouvernement et ce ne sera pas la dernière sans doute, mais nous le ferons toujours si l'intérêt commun nous le commande. Pourquoi? Parce que nous ne sommes pas péquistes, parce que nous ne sommes pas opportunistes, parce que nous ne sommes pas démagogues, parce que, au contraire, le Parti libéral du Québec, à l'égard de ces conflits, a toujours une attitude responsable qui tient compte, en premier lieu, de l'intérêt des citoyens affectés par un tel conflit.

C'est dans cet esprit que nous allons appuyer la motion, mais avec toutes les réserves que nous avons apportées et dont nous voulons que le gouvernement tienne compte à l'avenir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, j'espère que ce ne sera pas simplement dans la phrase et que concrètement les choses se dérouleront. Pour satisfaire le leader de l'Opposition et, probablement aussi, pour que nous puissions avancer plus rapidement dans l'étude de ce projet de loi, je vais être bref dans ma réplique aux propos qui ont été tenus par le leader de l'Opposition. Il m'apparaît...

M. Bisaillon: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je remarque que le leader du gouvernement nous indique que c'est un peu sa réplique, mais il m'avait pourtant promis une réponse à la question que je lui avais posée et il avait promis qu'il me répondrait immédiatement après l'intervention du leader de l'Opposition. Alors, j'attends toujours la réponse à la question que je vous ai posée, que vous m'aviez autorisée à poser. (16 h 20)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Jean-François Bertrand (réplique)

M. Bertrand: M. le Président, tout à l'heure, le député - je ne sais pas si je dois l'appeler le député de sainte Marguerite-Bourgeoys ou le saint député de Marguerite-Bourgeoys - et leader de l'Opposition officielle a tenu une argumentation en disant: II y a trois ans, le gouvernement n'a pas bougé. Le gouvernement n'a pas pris ses responsabilités. Le gouvernement a laissé traîner une grève qui pourrissait. Cette fois-ci, par ailleurs, il utilise exactement l'argumentation inverse, et là, tu te demandes exactement où tu dois te placer entre, d'une part, la critique qu'il fait des attitudes qu'on a eues en 1979 et celles qu'on a maintenant en 1982. Quand on parle de 1979, c'est pour dire un certain nombre de choses avec un certain nombre d'arguments. C'est exactement l'inverse quand il s'agit de décrire la situation de 1982. Là on reproche aux députés de s'en être occupés trop rapidement. On reproche aux députés d'être intervenus trop rapidement. On reproche aux députés, finalement, d'avoir répondu trop rapidement aux pressions qu'on recevait de la population qui nous disait: Si les choses sont ce qu'elles sont, d'après ce qu'on peut en lire dans les journaux, entendre à la radio, voir à la télévision, il est bien évident qu'on s'en va vers un conflit qui pourrait durer des semaines et des mois.

Prenant conscience de cette situation, les députés, effectivement, ont décidé de réagir rapidement parce que, comme l'a dit le député de Marguerite-Bourgeoys, le leader de l'Opposition, de toute façon, effectivement, le comportement que la partie patronale particulièrement adoptait dans ce dossier nous amenait à croire que ces gens avaient fait leur lit et qu'ils avaient décidé de remettre le bébé au gouvernement, de remettre le dossier au gouvernement et de se laver les mains de cette négociation parce que, de toute façon, leur position était coulée dans le ciment. C'était un contrat de trois ans et il fallait absolument que l'année 1983-1984 donne des augmentations de 6% et de 5%.

Dans ce contexte, le député de Marguerite-Bourgeoys comprendra que je me pose des questions sur le fait que tenant une forme d'argumentation pour 1979, il fait exactement l'inverse quand il s'agit de parler de la situation de 1982. Puisqu'il dit que, de toute façon, son propre parti et ses propres députés lui ont dit que c'était urgent, lui ont dit qu'il fallait, effectivement, adopter une loi permettant aux citoyens et aux citoyennes de la région de Québec de retrouver leur service de transport en commun, si ce qu'il dit est vrai, que c'est urgent d'adopter une loi, il reconnaît donc

implicitement que la situation qui prévaut à l'heure actuelle entre les deux parties, la partie syndicale et la partie patronale, est une situation qui ne permet pas d'espérer un règlement négocié et que même si, après tous les efforts qui ont été déployés par nos médiateurs spéciaux, on est arrivé à un cheveu d'une entente, dans le fond, il donne raison à nos médiateurs spéciaux qui recommandent dans leur rapport que nous adoptions une loi spéciale, une loi-décret et ça dans des délais relativement rapides. Je crois que la réplique n'a pas besoin d'être très longue, M. le Président, puisque le député de Marguerite-Bourgeoys, à toutes fins utiles, nous dit: Prenez vos responsabilités, comme gouvernement. Faites votre lit, comme gouvernement. Présentez-nous votre projet de loi. On va discuter votre projet de loi, on va le débattre et on va l'adopter.

Donc, dans un contexte comme celui-là, le moins qu'on puisse dire, c'est que le député de Marguerite-Bourgeoys est certainement malvenu de s'en prendre aux députés de la région de Québec qui, sensibles aux préoccupations de la population, ont manifesté le désir de voir ce conflit se terminer le plus rapidement possible. Cela voulait donc dire qu'après, d'une part, les efforts manifestés par les fonctionnaires du ministère du Travail mandatés par le ministre délégué au Travail pour tenter un dernier rapprochement et après les efforts qui ont même été vantés par le président de la commission de transport et le président de la Communauté urbaine de Québec qui ont dit, de MM. Boivin et Bouchard, qu'ils avaient fait un excellent travail, si tout cela est vrai, le rapport que nous avons devant nous dit tout. Il dit tout sur les positions syndicales. Il dit tout sur les positions patronales. C'est un rapport qui, de la première à la dernière page, contient l'essentiel de ce que les parlementaires de l'Assemblée nationale doivent connaître pour être en mesure de prendre une décision éclairée autant sur le fond, lors de l'étude en deuxième lecture, que sur chacun des articles, lors de l'étude en commission plénière. Parce que c'est la volonté de l'Opposition, parce que c'est surtout la volonté de la population de faire en sorte que ce dossier soit rapidement réglé et parce que, de toute façon, on sait très bien maintenant, depuis quelques jours, que la partie patronale se lave les mains dans ce dossier et renvoie le tout au gouvernement, le gouvernement a pris la décision qu'il devait prendre et l'Opposition est d'accord avec la décision qu'il a prise.

Dans ce contexte, nous allons étudier le projet de loi no 84 en deuxième lecture. Nous allons prendre nos responsabilités de parlementaires, de représentants de la population et d'élus. Nous savons tous quelles sont les positions que la partie patronale et la partie syndicale ont eues dans ce dossier. Nous les connaissons très bien. Dans les circonstances, c'est maintenant ici, à l'Assemblée nationale, entre parlementaires représentant l'ensemble de la population, que l'on doit prendre la décision qui s'impose, c'est-à-dire l'adoption du projet de loi no 84. Nous devons faire en sorte qu'au moment de l'étude article par article de ce projet de loi en commission plénière nous puissions, sur chacun des points, sur chacun des aspects, répondre à toutes les questions qui viendront autant, d'ailleurs, des députés ministériels que des députés de l'Opposition, sur les conditions décrétées dans ce projet de loi no 84.

Dans ce contexte, M. le Président, je soumets donc que nous adoptions à ce moment-ci la motion que j'ai présentée.

M. Lalonde: En vertu de l'article 96, M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: II ne faut pas trop en dire au leader du gouvernement. Il est tout mêlé. Ce que j'ai dit, c'est que je suis d'accord avec l'urgence et que nous allons voter pour la motion parce que l'urgence, en ce qui nous concerne, est là. Le leader du gouvernement a interprété mes propos comme étant un appui de tout ce que le gouvernement a fait. Pas du tout! Quant à la loi, on verra. Je n'avais pas l'intention de faire comme vous un discours de deuxième lecture. On laissera le porte-parole annoncer les couleurs en ce qui concerne la loi et, si l'article 96 me le permet, M. le Président, j'aimerais exprimer un regret très sérieux à la suite du refus du gouvernement d'entendre la population. Parlez-en, de la population. Vous dites qu'on la représente ici, mais la commission parlementaire, c'est aussi l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je voudrais rappeler un peu les faits. Pendant l'intervention du leader du gouvernement, je me suis levé en vertu du règlement pour lui demander s'il m'autorisait à lui poser une question. Il m'a répondu: Non, à la fin de mon intervention. À la fin de son intervention, je me suis levé et lui ai adressé une question. Il m'a signifié à ce moment-là qu'il me répondrait après l'intervention du leader de l'Opposition.

Je ne juge pas, M. le Président, que le leader du gouvernement m'a répondu. Il a répondu au leader de l'Opposition, mais il n'a pas répondu à ma question. Ma question était

tout à fait différente. Elle débouchait sur une commission parlementaire, mais elle disait: À l'intérieur du temps qui est prévu pour la discussion spéciale. Il nous reste une heure. Quand le leader du gouvernement dit qu'on connaît tous les aspects, je connais ce qui est écrit dans le document, ce qui nous est fourni dans le rapport, mais je n'ai pas la perception du syndicat à ce moment-là. Il nous reste une heure. Dans le fond, M. le Président, on aurait pu continuer ce débat jusqu'à un maximum de deux heures. Le leader du gouvernement a utilisé la procédure pour éviter de répondre à ma question qui est: Dans l'heure qui nous reste, ou qui nous resterait si on menait le débat d'urgence jusqu'au bout, est-ce qu'il est d'accord pour que les parlementaires puissent rencontrer les travailleurs? Ce n'est pas compliqué, ils sont ici. Alors on pourrait au moins les rencontrer, il reste une heure. Cela n'allongera pas le temps par rapport à ce que le leader du gouvernement avait déjà prévu comme horaire. (16 h 30)

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, tout à l'heure, quand le député de Sainte-Marie s'est levé pour poser sa question, tout de suite après, le leader de l'Opposition s'est levé pour dire: J'appuie le sens de la proposition qui est contenue dans la question du député de Sainte-Marie et le député de Marguerite-Bourgeoys l'a reprise ensuite dans son exposé. J'ai donné la réplique au député de Marguerite-Bourgeoys, qui avait repris la proposition du député de Sainte-Marie. À ce moment-ci, M. le Président, je vous demande d'appeler l'adoption de la motion, mais je voudrais d'abord, avant de le faire, déposer, tel que je me suis engagé à le faire tout à l'heure, un document qui est une note écrite par M. Lucien Bouchard relativement au télégramme qui a été envoyé au premier ministre du Québec, hier, par le comité exécutif de la Communauté urbaine de Québec et le conseil d'administration de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec. C'est une note en réponse à certaines des affirmations qui sont faites par les dirigeants de la Communauté urbaine de Québec et de la commission de transport. Je crois que cette note pourrait être utile pour la poursuite de l'étude de ce dossier. J'en fais donc le dépôt, M. le Président.

Le Président: Document déposé.

M. Lalonde: J'aurais une question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition sur une question de règlement.

M. Lalonde: Étant donné que c'est un débat limité, normalement, lorsqu'on a un débat limité, on s'attend à avoir plus d'un intervenant de chaque côté; il y a une conférence des leaders avec la présidence pour déterminer le temps qui sera distribué de part et d'autre. Si on avait tenu cette conférence - en fait, personne ne l'a suggéré - sans doute que le député de Sainte-Marie aurait obtenu quelques minutes pour adresser la parole à cette Assemblée. Si un consentement unanime pouvait remplacer ce défaut, si le député de Sainte-Marie le désire, nous serions prêts à consentir.

Le Président: S'il n'y a pas eu de conférence des leaders convoquée par le président, c'est simplement que le président avait été informé qu'une entente était intervenue entre les deux partis politiques représentés à l'Assemblée nationale, à savoir qu'un membre de chaque côté interviendrait. Je pense, à ce stade-ci, qu'on n'a pas besoin de consentement unanime pour permettre à un député indépendant de s'exprimer sur la motion qui est présentement débattue.

Une voix: II y a eu la réplique-Le Président: D'accord qu'il y a eu la réplique. Est-ce que le député de Sainte-Marie veut intervenir?

M. Bisaillon: M. le Président...

Le Président: À ce stade-ci, ça prendrait un consentement unanime, vu que la réplique a été tenue. Mais, je tenais à dire qu'avant la réplique, n'importe quel député de l'Assemblée pouvait intervenir sur la motion.

M. Bisaillon: M. le Président, j'étais fort conscient de ce que vous venez d'expliquer, j'étais fort conscient aussi puisque je me suis levé dès les premières minutes de son intervention - que le leader du gouvernement faisait sa réplique, alors que j'attendais sa réponse. Si j'ai décidé de ne pas intervenir sur la motion d'urgence, c'est que je veux démontrer ce que j'ai prêché. Je dis qu'on a perdu du temps, une heure de débat qu'on aurait pu utiliser avec les travailleurs. Alors je ne vais pas l'allonger.

Le Président: Merci. Est-ce que la motion du leader du gouvernement sera adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Conformément à la motion, surtout, je me dois de suspendre les travaux jusqu'à 17 h 05 exactement.

Une voix: Article 34...

Le Président: Article 34? L'article 34 n'est pas suspendu, mais il y a quand même un autre article du règlement qui m'empêche d'appeler l'article 34. Vous remarquerez que je n'ai pas appelé les déclarations ministérielles, les dépôts de documents, etc. Mes dépôts, je les ai même faits par consentement unanime. C'est vendredi, et en temps normal, ce n'est pas une journée de session. S'il y a eu période de questions aujourd'hui - parce que normalement, il ne devrait pas y avoir une période des questions - c'est qu'il y a une coutume voulant que lors de ces sessions spéciales ou de ces séances spéciales, une période de questions soit accordée. S'il y avait un consentement unanime, l'Assemblée étant souveraine, vous pourriez poser votre question. Y a-t-il consentement pour une question en vertu de l'artilce 34? Une seule?

M. le député d'Outremont.

Recours à l'article 34

M. Fortier: M. le Président, j'aimerais demander au leader du gouvernement, compte tenu qu'il y a une commission parlementaire la semaine prochaine qui est limitée à la question de SIDBEC, mais que toute la question de la Côte-Nord semble être d'un très grand intérêt pour toute cette population, s'il y aura bientôt une commission parlementaire traitant du sujet de la condition économique de la Côte-Nord?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je peux indiquer formellement au député qu'il y aura, comme l'a indiqué le ministre de l'Énergie et des Ressources, une commission parlementaire sur le dossier Schefferville. C'est un engagement qui a été pris par le ministre aujourd'hui même relativement à la Côte-Nord. Donc, dans ce contexte, avec la commission parlementaire sur SIDBEC et celle sur l'Iron Ore, je crois que vous avez votre réponse.

Le Président: Pour être très précis, même si dans la motion, il est indiqué que la suspension est d'une heure, je tiens pour acquis qu'il y a consentement unanime pour que cette suspension ne soit que de trente minutes. Est-ce bien cela, M. le leader?

M. Bertrand: On va modifier la motion en conséquence, M. le Président.

Le Président: On va modifier la motion en conséquence, de consentement. Les travaux de l'Assemblée sont suspendus jusqu'à 17 h 05.

(Suspension de la séance à 16 h 37)

(Reprise de la séance à 17 h 30)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais d'appeler le projet de loi no 84.

Projet de loi no 84 Première lecture

Le Président: J'appelle la première lecture du projet de loi no 84, Loi assurant la reprise du service de transport en commun sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec.

Peut-être y a-t-il des notes explicatives, M. le ministre?

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: M. le Président, ce projet a pour objet d'assurer la reprise du service de transport en commun sur le territoire de la Communauté urbaine de

Québec et de déterminer les conditions de travail des employés représentés par le

Syndicat des employés du transport public du

Québec Métropolitain Inc., jusqu'au 25 décembre 1983.

Le Président: Est-ce que cette motion de première lecture sera adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce projet de loi.

Le Président: J'appelle maintenant la deuxième lecture du même projet de loi.

M. le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre...

Deuxième lecture M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Pas tout à fait, M. le Président.

Le Président: Excusez-moi, M. le ministre.

Une voix: Pas tout à fait...

M. Fréchette: On va voir cela dans le bout qui s'en vient.

En guise de remarques strictement préliminaires, je pense que je dois, dès maintenant, vous informer que par la force des choses, il y aura très certainement, à la fois sur le plan de l'argumentation et des renseignements d'ordre réel, des choses qui vont se recouper par rapport à ce qui a déjà

été dit par les intervenants qui m'ont précédé et, également, j'en suis convaincu, par rapport à ce qui va également se dire tout au cours du débat. Je pense que l'essence même de ce débat nous amène vers cette conclusion.

Je vous dirai également, M. le Président, et en toute franchise, que j'aurais souhaité, quant à moi, que la première loi que je devais piloter à l'Assemblée nationale, à titre de ministre délégué au Travail ait été de nature différente de celle qui est actuellement devant nous. Par ailleurs, il faut bien nous rendre à l'évidence d'un certain état de choses et évaluer ces choses comme elles sont. Et c'est pour les motifs sur lesquels j'argumenterai dans quelques minutes, que le gouvernement a choisi de convoquer les membres de cette Assemblée pour, malheureusement - j'insiste sur ce terme - imposer une convention collective et, par voie de conséquence, assurer la reprise du service du transport en commun dans la Communauté urbaine de Québec.

On l'a dit tout à l'heure, mais je crois utile d'y revenir, je regrette d'autant plus cette situation à laquelle je réfère que je n'ai ni l'impression, ni davantage la conviction que tous ont fait l'effort maximum dans le dossier qui nous préoccupe pour conclure une entente souhaitée. Je n'insisterai pas, sauf pour le souligner peut-être, sur les absences de certains, mais tous en cette Assemblée auraient souhaité une plus grande collaboration de la part de certains intéressés, pour en venir à un règlement négocié. Pour ma part, je peux vous dire avec certitude que les fonctionnaires du ministère du Travail ont fait tout ce qu'il était humainement possible pour rapprocher les parties. Il m'apparaît important, à cet égard, de faire un bref rappel des différentes étapes qui ont été franchies pour tenter, pendant toutes ces étapes, d'éviter l'impasse devant laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui.

Mentionnons en tout premier lieu, pour bien circonscrire le débat, que la convention collective qui existait entre les parties est maintenant expirée depuis le 25 décembre 1981. Dans quelques semaines, il y aura donc une année complète qui se sera écoulée depuis la date de l'expiration de cette convention.

Avant son expiration, dans les jours et les semaines qui ont suivi, les parties ont engagé le processus normal de la négociation, celui qui est prévu au Code du travail. Elles ont effectivement tenu 22 séances de négociation, qui se sont échelonnées entre le 24 septembre 1981, donc quelque deux mois et demi à trois mois avant l'expiration de la convention, et le 11 juin 1982. C'est à partir de cette date du 11 juin 1982 que la commission de transport, l'employeur, a demandé la conciliation.

Le 5 juillet se tenait la première séance de conciliation dirigée par M. Paul-Émile Thellend, conciliateur d'expérience au ministère du Travail. Le processus a continué de jouer, suivant la normalité des choses, et une deuxième séance de conciliation, toujours dirigée par le même conciliateur, devait avoir lieu sept jours plus tard, donc le 12 juillet précisément.

C'est à cette occasion, le 12 juillet, que l'employeur déposait aux tables une offre qu'il disait être globale et finale sur l'ensemble des points qui étaient en litige et, bien sûr, sur tout l'aspect ou le chapitre salarial du dossier. Je réitère, M. le Président, que l'offre qui a été faite a été qualifiée par l'employeur lui-même de globale et finale.

De plus, toujours à cette même occasion dont je viens de parler, soit le 12 juillet, la partie patronale informait le syndicat que cette offre n'était valable que jusqu'au 2 août 1985, 15 heures. Cette offre - il ne faut pas l'oublier, je pense qu'il est important de garder ce renseignement à l'esprit - qui avait été qualifiée de globale et finale a été soumise à la partie syndicale qui, après l'avoir analysée, après en avoir soupesé les tenants et aboutissants, décidait de la rejeter dans une proportion non équivoque de 94,4% des votants. À ce stade, dans l'état où se trouvaient les choses, le 13 août, le conciliateur communiquait avec les parties et celles-ci s'entendaient sur une prochaine rencontre qu'on échelonnait sur une période de deux jours, à savoir, plus précisément, les 19 et 20 août 1982. Lors de ces rencontres des 19 et 20 août 1982, la partie syndicale, à partir de l'offre qu'elle avait, déposait une contre-proposition sur l'ensemble des points qui étaient en suspens dans le but évident - nous semble-t-il, en tout cas - d'en arriver à une convention négociée, agréée et signée par les parties. Le tableau ayant donc changé quant à son contenu, l'employeur convenait alors de communiquer avec le conciliateur, M. Thellend, et ce avant le 27 août 1982, après analyse de la contre-proposition que le syndicat avait déposée les 19 et 20 août, soit une semaine auparavant. Toute cette chronologie, ces péripéties nous amènent au 27 août. C'est à cette date que se tenait la quatrième séance de conciliation au cours de laquelle l'employeur a exposé ses conclusions de l'analyse qu'il avait faite de la contre-proposition syndicale du 19 août. À toutes fins utiles, l'employeur qualifiait tout simplement d'irréalistes les demandes syndicales et refusait d'y répondre. (17 h 40)

Après que tous ces processus eurent joué, M. le Président, après que la situation eut été rendue à l'étape que je viens de décrire et après ce refus de la partie patronale, le syndicat, dans un nouveau

processus d'exploration, dans une nouvelle tentative de débroussailler le dossier, communiquait à l'employeur une nouvelle hypothèse de règlement. Nous étions donc, M. le Président, le 27 août dernier. À la suite de cette communication de l'employeur, dont je viens de parler, il y eut une cinquième séance de conciliation afin de permettre au syndicat de répondre à des demandes de précision formulées par l'employeur sur la position syndicale quant à un éventuel règlement. Une sixième séance de conciliation se tenait le 28 septembre au cours de laquelle l'employeur déposait une nouvelle offre que le syndicat, à ce moment, M. le Président, pour des motifs que tout le monde connaît, a rejetée et ce sans aucune hésitation puisque, au chapitre salarial, du moins à ce chapitre, cette nouvelle offre était inférieure à celle qui avait été mise sur la table quelques mois, quelques semaines auparavant, plus précisément le 12 juillet.

C'est donc précisément le 28 septembre que nous nous retrouvons, dans les faits, dans la pratique, dans le processus normal de la négociation, c'est donc à cette date que nous nous retrouvons devant l'impasse. Au-delà de cela, M. le Président, et malgré cela, le 5 octobre, la partie syndicale faisait une contre-proposition sur l'ensemble des points en suspens. Dans cette proposition, le syndicat maintenait le principe d'une pleine indexation intégrée ainsi que ses demandes sur les problèmes des maladies occupationnelles et des courses à un bout. De plus, le syndicat indiquait son intention d'exercer son droit de grève le 23 octobre si l'employeur ne répondait pas d'une façon positive à cette dernière contre-proposition que je viens brièvement de vous décrire, M. le Président.

Finalement, en dernière instance, en ultime tentative, dans la semaine du 18 octobre, il y eut un autre exercice tenté par le conciliateur, M. Thellend; c'était précisément dans la semaine du 18 octobre. Malheureusement, les efforts tant de M. Thellend que des autres officiers du ministère qui, quotidiennement, pour ne pas dire d'heure en heure, suivaient les développements dans le dossier, se sont avérés sans succès. C'est à la suite de tout ce processus que le 23 octobre, le syndicat entreprenait une grève générale illimitée.

Le 27 octobre, une huitième séance de conciliation a été tenue au cours de laquelle l'employeur proposait un montant forfaitaire de 300 $ par année. Par contre, les montants forfaitaires pour 1983 et 1984 étaient récupérés par des coupures dans des avantages déjà acquis. Je n'ai pas besoin d'insister pour vous dire que là également, cette ultime tentative a échoué. Finalement, un autre effort d'un autre ordre a été entrepris. C'est le 28 octobre que le premier ministre déléguait MM. Jean-Roch Boivin et

Lucien Bouchard pour tenter un rapprochement entre les parties.

J'ai brossé, fort rapidement j'en conviens, la situation factuelle quant aux différents événements qui se sont produits depuis le début de la négociation, au mois de septembre 1981 jusqu'au 28 octobre dernier. Il ne m'appartient pas de porter des jugements sur des attitudes d'une partie ou de l'autre. Mais voici un dossier dans lequel il me semble que la population en général, celle de Québec et de la région en particulier pourra exercer son jugement par rapport à certaines attitudes des parties impliquées dans ce dossier. Je n'ai pas d'hésitation à ajouter que cette même population saura apprécier la pertinence de la position de la partie patronale qui, en cours de négociation, dépose une offre à la baisse par rapport à la proposition initiale. Je ne pourrais évidemment donner aucune garantie qu'un semblable processus ne connaît pas de précédent, mais, à l'analyse, à l'étude d'un processus de cette nature, on peut au moins sans exagération le qualifier d'inusité dans le processus normal d'une négociation.

Évidemment, M. le Président, l'on sait pourquoi ce changement d'attitude s'est produit à l'époque que je viens de décrire. À ce moment-là, on a invoqué la politique suggérée par le gouvernement fédéral de s'en tenir aux 6% et 5%, quant à la politique salariale. La partie patronale a également invoqué l'attitude adoptée par le gouvernement du Québec quant à sa politique salariale. Mais, à ma connaissance en tout cas - on me reprendra si je faisais erreur -ni dans les directives du gouvernement fédéral, ni non plus dans les énoncés de politique du gouvernement du Québec n'a-ton jamais décrété ou suggéré, dans les cas où la capacité de payer existe et où le rattrapage est nécessaire, qu'il ne fallait pas, dans de tels cas, faire les efforts qui devaient être faits.

M. le Président, c'est l'essentiel des faits contenus au dossier qui nous amène, je le réitère, à l'obligation pénible de décréter, par voie de législation, des conditions de travail.

Je voudrais vous résumer rapidement l'essentiel du contenu du projet de loi qui est devant nous. Ce projet de loi vise à assurer, entre autres choses, la reprise du transport en commun sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec à compter de 0 h 01, le 7 novembre 1982, tout en reconduisant certaines clauses de l'ancienne convention collective. La même loi rend applicables, rend exécutoires entre les parties les ententes intervenues entre elles en cours de négociation, ainsi que les stipulations qui sont prévues à l'annexe de la présente loi.

La loi tient lieu de convention collective, lie les parties jusqu'au 25

décembre 1983, donc pour une période de deux années, si l'on tient pour acquis - ce sont les faits effectivement - que la convention qui existait est expirée le 21 décembre 1981.

Quant au contenu de la loi à un autre égard, je voudrais mentionner que les taux de salaire qui seront prévus à ce décret, à cette convention collective qui liera les parties, les taux de salaire applicables à l'expiration de la dernière convention collective, seront redressés par les ajustements dont je vous donne le détail: une augmentation de 10% pour la période du 26 décembre 1981 au 25 décembre 1982, une augmentation de 6% pour la période du 26 décembre 1982 au 25 décembre 1983. Si, par ailleurs, l'augmentation de l'indice des prix à la consommation pour le Canada, établi par Statistique Canada, du mois de janvier 1983 par rapport au mois de janvier 1982 excède 6,5%, la commission accorde à l'employé ayant été à son emploi au cours de toute cette période... Je vous signale tout de suite que lorsque nous nous retrouverons en comité plénier, je proposerai par rapport au texte que je suis en train de vous lire un amendement - je le signale tout de suite à mon collègue de Brome-Missisquoi, peut-être qu'il voudra procéder à l'analyse de la nature de l'amendement - qui aura comme objectif d'enlever le mot "toute" dans le texte de l'indexation. On va très facilement comprendre pourquoi simplement en sachant la nature de l'amendement qui sera déposé.

La commission accorde donc à l'employé ayant été à son emploi au cours de cette période un montant forfaitaire de 116,15 $ pour chaque demi-pourcent complet d'augmentation de l'indice en plus de 6,5%. Ce montant d'indexation est payable, s'il y a lieu, dans les trente jours suivant la publication officielle de Statistique Canada concernant l'indice de janvier 1983.

D'autre part, M. le Président, et là je me réfère plus précisément à certaines clauses normatives, dans le but de régler la deuxième question litigieuse, un employé qui bénéficie du régime de l'incapacité occupationnelle à l'expiration de la dernière convention collective, continue de bénéficier du régime qui est prévu. Par ailleurs, dans le cas de l'employé qui bénéficiait du régime d'incapacité occupationnelle depuis 36 mois, le 15 octobre, la période pendant laquelle il a droit à l'allocation d'incapacité occupationnelle est étendue jusqu'à l'expiration de la convention collective. La commission peut toutefois affecter cet employé à un autre emploi à la condition de lui verser un salaire au moins égal à celui d'un pointeur.

Finalement, M. le Président, la commission doit, dès qu'un poste d'inspecteur-répartiteur devient vacant, y affecter l'employé qui bénéficiait du régime d'incapacité occupationnelle depuis un an le 24 octobre 1982. Voilà donc, M. le Président, très brièvement, j'en conviens, mais nous aurons sans doute l'occasion de revenir plus à fond sur l'étude du projet de loi, est l'essentiel de son contenu.

Tel que l'ont mentionné, M. le Président, les médiateurs spéciaux, MM. Bouchard et Boivin, il nous est apparu, il est devenu évident, il est devenu clair à un moment donné, qu'aucune solution négociée à ce conflit, n'était envisageable. Il ne faut pas oublier, je le répète, je le sais, mais c'est important dans l'ensemble du dossier, il ne faut pas oublier que la convention collective entre les parties, est expirée depuis le 25 décembre 1981 et que les négociations avaient débuté le 24 septembre 1981, donc elles se sont échelonnées sur une période supérieure à une année.

Effectivement, nous en étions donc là, M. le Président, après quatorze mois de discussions. Malgré une intervention exceptionnelle des médiateurs spéciaux, nous en sommes venus à la conclusion, à l'obligation de constater qu'il n'y avait pas d'autre solution que de recourir à cette loi spéciale.

La crise économique, nous semble-t-il, nous prouve plus que jamais que le transport en commun est un service essentiel, particulièrement pour les plus démunis. Pensons, par exemple, à ceux qui l'utilisent chaque jour pour se rendre au travail ou ailleurs: ceux qui sont à la recherche d'un emploi, les étudiants de plusieurs niveaux, secondaire, collégial et universitaire, tous ces concitoyens et concitoyennes dont les revenus sont limités et qui sont durement frappés par le conflit.

Dans les circonstances, je le réitère, il nous est apparu juste et équitable de prendre nos responsabilités et de mettre fin au conflit.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Pierre-J. Paradis

M. Paradis: M. le Président, le gouvernement convoque une session spéciale de l'Assemblée nationale, quelques jours à peine avant la reprise prévue, dans le but de présenter une loi matraque parrainée par le député de Sherbrooke, ex-ministre du Revenu. À ce titre, vous vous en souviendrez certainement, la population s'en souvient, il agissait un peu comme adjoint au ministre des Finances. Il était le parrain de la loi concernant la taxe sur l'essence, il était le parrain de la loi concernant la taxe sur l'électricité, il était le parrain de la loi concernant la taxe sur la bière...

M. Fréchette: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Frechette: II me semble qu'il y a un certain nombre de choses qu'il faut replacer dans leur vrai contexte. Quand le député de Brome-Missisquoi réfère à la taxe sur l'électricité et qu'il indique que c'est le ministre du Revenu qui l'aurait parrainée, je voudrais bien qu'il m'en donne le numéro, la date...

Une voix: Vous ne vous en souvenez pas?

M. Fréchette: Non. Peut-être que le député de Brome-Missisquoi aurait ce renseignement à nous fournir.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Le ministre ne nous a pas dit qu'il a voté contre, M. le Président, il a au moins voté pour, il a au moins parrainé, comme homme de main, celle sur l'essence, tout le monde s'en souvient à chaque fois qu'il passe à la station-service; celle sur la bière, les travailleurs s'en souviennent quand ils vont prendre leur petite bière à la taverne; enfin, il a également piloté un autre dossier de son propre chef, celui des casinos. (18 heures)

Aujourd'hui, M. le Président, pour avoir été l'homme de main, pour avoir accepté le sacrifice de renoncer à un projet auquel il tenait, le dossier du casino, on lui a donné une promotion. Sa promotion, il s'en est vite rendu compte, c'était de devenir un autre homme de main.

Dans son premier dossier, il est devenu l'homme de main du leader du gouvernement et député de Vanier. Alors que son poste, son titre commande qu'il soit, en cette Chambre, qu'il soit, au sein du cabinet, le défenseur des droits des travailleurs, il accepte, comme premier mandat, comme homme de main du gouvernement, de piloter une loi matraque qui abolit le droit à la négociation pour les travailleurs du Québec et qui abolit le droit à la négociation pour les employeurs du Québec. Il me dira: C'est strictement dans un secteur bien précis; je ne le ferai plus. Il reprendra des paroles de son chef, l'honorable premier ministre: Je ne le ferai plus. Mais, M. le Président, quelle est la feuille de route de ce gouvernement soi-disant ami des travailleurs? En l'espace de trois ans, 36 mois, on a eu droit, en cette Chambre, à sept lois spéciales.

M. le Président, la première loi spéciale s'intitulait Loi sur les propositions aux salariés des secteurs de l'éducation, des affaires sociales et de la fonction publique. Elle a été sanctionnée le 12 novembre 1979.

La deuxième loi spéciale du gouvernement ami des travailleurs, c'est la Loi assurant le maintien des services d'électricité et prévoyant les conditions de travail des salariés d'Hydro-Québec, sanctionnée le 18 décembre 1979. La troisième loi, M. le Président, vous vous en souviendrez, le 24 mars 1980, c'est la Loi assurant la reprise de certains services de la ville de Montréal et de la Communauté urbaine de Montréal, concernant le transport en commun. La quatrième loi spéciale, c'est la Loi sur certains différends entre des enseignants et des commissions scolaires, le 24 octobre 1980. La cinquième loi, M. le Président -tout cela, toujours, en trois années - c'est la Loi concernant les services de transport de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal, le 15 janvier 1982.

Je m'excuse si cela semble long, M. le Président, mais ils ont adopté tellement de lois spéciales! La sixième loi, Loi sur la reprise de la prestation des soins médicaux au Québec, a été sanctionnée le 21 juin 1982. J'espérerais dire, finalement, mais avec ce gouvernement et au rythme où il adopte des lois spéciales, on ne pourra jamais dire finalement, tant qu'ils seront là: la Loi assurant la reprise du service de transport en commun sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec, qui n'est pas encore sanctionnée. J'oublie les projets de loi nos 68 et 70 qui, en définitive, enlèveront tout droit de négocier aux travailleurs des secteurs public et parapublic.

Pourquoi en est-on venu, avec ce gouvernement, à tant de lois spéciales? Pourquoi en est-on venu à nier continuellement et régulièrement aux employeurs et aux travailleurs du Québec le droit à la négociation de conventions collectives? C'est peut-être parce que, depuis leur élection en 1976, les ministres titulaires de ce portefeuille avaient d'autres préoccupations que le bien-être des travailleurs et des employeurs du Québec. Ils avaient d'autres préoccupations que de s'assurer qu'il y aurait une réforme du Code du travail qui ferait en sorte que cela s'applique aux problèmes qu'on vit dans la société contemporaine québécoise. On se souvient que le portefeuille a été détenu, en premier lieu, par le député d'Anjou, aujourd'hui ministre des Affaires sociales. On se souvient que, par la suite, il fut détenu par le député de Marie-Victorin. On voit aujourd'hui qu'il est détenu par le député de Sherbrooke. Mais qu'ont fait ces gens au lieu de s'occuper du ministère du Travail? Qu'ont fait ces gens au lieu de s'occuper des travailleurs au cours de leur mandat? Ils se sont occupés d'indépendance et de séparation du Québec. C'est un des coups cachés de cette action dont ils n'ont pas encore accepté le résultat.

M. le Président, si le député de Brome-Missisquoi vous dit que les lois en matière de relations du travail ne répondent pas aux aspirations des travailleurs et des employeurs, vous diriez: C'est une opinion. Mais si Me Germain Jutras, qui était le commissaire-enquêteur dans le dernier conflit à la CTCUM, vous disait: "Le Code du travail tel que nous le connaissons, d'application universelle, sans égard à la nature ou à la taille de l'entreprise, ne conviendrait-il plus à la société québécoise dans l'état où elle se trouve aujourd'hui? La question - estime-t-il - mérite réflexion et doit être posée. Une loi doit être adaptée à la réalité et les réalités sont différentes"...

Si ce n'est pas suffisant de vous donner l'opinion de Me Jutras, on pourrait vous donner l'opinion du premier ministre de la province de Québec sur l'état de cette législation. Après six ans d'exercice d'un pouvoir qui promettait toujours des solutions, le premier ministre s'exprime comme suit: "En tout cas, une chose est certaine, est en train de devenir très claire: le processus actuel de négociations dans le secteur public, qui dure depuis 15 ou 20 ans, avec cette espèce de fatalité d'affrontement qui le caractérise, constitue un obstacle de taille dans la poursuite des objectifs, quels qu'ils soient, de progrès public ou social." C'est le premier ministre qui parle. "On ne peut pas s'empêcher de constater, et il va falloir en tenir compte sitôt après la fin de cette ronde, que ce type de processus, dans le contexte actuel et probablement aussi dans tout contexte à venir, paraît complètement désuet, inadapté, inapproprié, lourd, mangeur d'énergie, dévoreur d'énergie de façon excessive et pour des résultats qui, en général, ont autant de chances d'être négatifs, à cause, justement, de cette concentration excessive et trop longue." Cela est le jugement que le premier ministre du Québec porte sur ceux qui ont occupé ce portefeuille auparavant.

Il y avait autre chose à faire que de s'occuper de cette loi. M. le Président, en arrière de cette loi matraque qui touche plus de 600 travailleurs, quels étaient les objectifs qui se dessinent dans le firmament péquiste et qu'on visait de l'autre côté de la Chambre? Il y en avait plusieurs, mais on a tenté de les chapeauter et de vous en donner quatre, M. le Président, pour tenter de démasquer l'hypocrisie de ce gouvernement dans ce dossier.

Le premier objectif, et tous en conviendront, c'était de donner une leçon aux travailleurs des secteurs public et parapublic. Il fallait, avant que la grosse ronde arrive à sa fin, montrer qu'on était capable de se servir de la matraque et on l'a mise dans les mains du ministre du Travail, avec la "swing du manche", comme Maurice Bellemare aurait dit, avec l'élan du leader du gouvernement. On a tenté de leur créer un exemple dont ils auraient peur.

Le deuxième objectif, M. le Président, c'est de tout centraliser au niveau des conventions collectives. On a entendu parler de négociations sectorielles dans le secteur public. On a également entendu parler, même dans nos comtés plus éloignés du Québec, de négociations sectorielles dans le secteur privé. Et lorsqu'on suit la démarche de ce gouvernement dans ce dossier, on voit qu'on tente, au niveau des délais, d'amener la fin de la convention collective des chauffeurs d'autobus de Québec avec celle des chauffeurs d'autobus de Montréal. On s'en va dans le sectoriel, dans l'uniformisation alors que le premier ministre dit qu'il ne faut pas uniformiser, etc. Dans ce dossier, c'est ce qu'on tente de faire. (18 h 10)

Le troisième objectif, et là je suis content que le ministre des Affaires municipales soit présent dans cette Chambre, c'est la mise en tutelle des administrations locales, de nos élus locaux. On décide de leurs conventions collectives. On l'a fait, à certaines occasions, à Montréal. On le fait présentement à la Communauté urbaine de Québec, et ceux qui ont des MRC, surveillez-vous: on va mettre cela en tutelle et c'est le gouvernement du Québec qui va décider quelles vont être vos conventions collectives au nom de la pseudo-autonomie municipale. Tantôt, le ministre des Affaires municipales va voter pour que les gens de Québec ne décident pas, ne puissent pas négocier leur convention collective avec leurs travailleurs.

Quant au quatrième objectif, M. le Président, il y a un peu de petite vengeance politique en dessous de tout cela. Ceux qui ont eu l'occasion au cours des dernières années de suivre de plus près les ébats et les débats sur la scène politique du Québec, municipale, provinciale, vont sans doute reconnaître dans cette loi une petite tentative de régler un cas entre le leader du gouvernement et le maire de Québec. Le syndrome du Colisée, M. le Président, refait surface.

Des voix: Oh!

M. Paradis: Tantôt, on va voir qui va payer pour le syndrome du Colisée, mais pour arriver à ces fins, pour arriver à ces quatre objectifs, M. le Président, il fallait un scénario. Ce scénario a démarré et a été enclenché par le premier ministre lui-même, lorsqu'il a déclaré, le 1er septembre, ce qui suit, en faisant allusion au règlement intervenu avec les cols bleus à Montréal, et je cite le premier ministre: "II n'est donc pas question de permettre à d'autres municipalités ou organismes publics de suivre cet exemple", l'exemple du règlement des

cols bleus à Montréal. Selon le premier ministre, ils avaient été trop payés. "Si des négociations sont en cours et sur le point d'aboutir avant que Québec n'ait dévoilé sa politique, les administrateurs qui pourraient être en cause - les gens de la Communauté urbaine de Québec - sont priés de consulter le gouvernement." Le premier ministre annonçait qu'il n'y aurait pas de négociations sur les matières salariales: "consulter le gouvernement". C'était le 1er septembre 1982.

M. le Président, dès que la grève a été déclenchée, on a eu l'occasion d'entendre à la radio et de lire dans les journaux les propos du leader du gouvernement: C'est une question d'heures, de jours, de semaines, tout au plus; j'en fais un dossier personnel, avec tout le capital politique que c'est possible de rapporter. M. le Président, lorsqu'il a posé ce geste, le leader du gouvernement emboîtait le pas à son premier ministre qui disait: II n'y aura pas de négociation; j'enlève le droit de négocier aux travailleurs et aux employeurs de la région de Québec. De plus, le député de Charlesbourg, dans la même veine, s'apprêtait, sans doute après avoir consulté le leader du gouvernement, à évincer du dossier et à mettre sur la voie de la retraite le nouveau ministre du Travail. Il s'exprimait en ces termes lors d'une entrevue donnée au journaliste Pierre-Paul Noreau et que l'on retrouve dans le Soleil du 25 octobre 1982: "Si le ministre du Travail veut adopter le rythme du caucus des députés de la région de Québec, il devra chausser ses souliers de course."

M. le Président, je vous soumettrai respectueusement qu'il a préféré ne pas les chausser et qu'il a compris le message. Il s'est simplement contenté d'être sur la voie d'évitement et de regarder aller ses coureurs. Et dans quelle direction ces coureurs sont-ils allés, M. le Président? Ils ne sont pas allés au ministère du Travail. Ils venaient d'écarter le ministre. Ils sont allés au bureau du premier ministre qui avait dit qu'il n'y aurait pas de négociation. Cela n'existait plus, le droit de négociation, ni pour les travailleurs, ni pour les employeurs.

Une voix: C'est cela.

M. Paradis: Là, au bureau du premier ministre, on a trouvé une oreille très attentive, le chef de cabinet lui-même, M. Jean-Roch Boivin. Donc, comme médiateur au dossier, on retrouve le bureau du premier ministre. Cela prenait un deuxième médiateur au dossier, parce qu'il n'était pas question de négociation sur les clauses salariales. Le deuxième médiateur au dossier est Me Lucien Bouchard, coordonnateur des négociations des secteurs public et parapublic. On prétendra qu'il n'y a pas de relation entre les deux dossiers. C'est tout à fait ordinaire.

On vous fait remarquer respectueusement que même les gens de Montréal n'ont pas eu droit aux services de Me Lucien Bouchard. Il s'agissait d'une représentation directe du cabinet du premier ministre et du Conseil du trésor sur le plan de la médiation. Quel pouvait être le mandat de ces deux médiateurs? Lorsqu'on prend connaissance du rapport des médiateurs qu'ils ont soumis au premier ministre du Québec, le 3 novembre 1982, il est facile de constater, pour la partie syndicale, pour la partie patronale, pour la population qui aura l'avantage de le lire, qu'on a complètement oublié de faire rapport de la dimension politique de ce dossier. On n'a pas tenu compte des propos...

M. Bertrand: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Je voudrais tout simplement demander au député de Brome-Missisquoi s'il a bien dit tout à l'heure que dans le dossier de la CTCUM, M. Boivin était allé rencontrer et que M. Bouchard n'était pas allé... Avez-vous dit que M. Bouchard n'était pas allé dans le dossier de la CTCUM?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Ce que j'ai dit, M. le leader du gouvernement, c'est que dans le dossier de la CTCUQ, on retrouve le bureau du premier ministre, le bureau du Conseil du trésor et que le gouvernement du Québec prétend - c'est votre position - qu'il n'y a pas de relation entre le règlement dans cette affaire et le règlement en vertu de la loi 70.

M. Bertrand: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Paradis: M. le Président, mon droit de parole...

M. Bertrand: Non, c'est une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; Question de règlement.

M. Bertrand: M. le Président, j'ai posé la question, parce qu'on veut bien suivre le député de Brome-Missisquoi...

M. Lalonde: Question de règlement, M. le Président.

M. Bertrand: On ne peut pas avoir deux questions de règlement en même temps, M. le Président.

M. Lalonde: II n'y a aucun règlement...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Je vais écouter la première question de règlement et je pourrai aller à vous, M. le leader de l'Opposition.

M. Bertrand: Le député de Brome-Missisquoi a dit que, dans le cas de la CTCUM, M. Bouchard n'avait pas...

M. Lalonde: Ce n'est pas une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: J'aurais certainement acquiescé à la demande du leader du gouvernement, s'il avait acquiescé à la demande de leader de l'Opposition et à celle du député de Sainte-Marie de tenir une commission parlementaire au cours de laquelle on aurait pu faire toute la lumière sur ce dossier. Dans les circonstances, étant donné qu'il a opposé aux travailleurs, aux employeurs et aux médiateurs une fin de non-recevoir, je lui demande, s'il veut me poser des questions, de se prévaloir du règlement et de ne pas m'interrompre au milieu de mon discours.

M. le Président, quel était le mandat de ces deux médiateurs extraordinaires, le bureau du premier ministre et le Conseil du trésor? À la lecture du rapport qu'ils ont fourni, on constate qu'ils ont oublié tout l'élément politique et qu'ils se sont attachés essentiellement, à la fin, à trouver un coupable. Ils ne pouvaient pas blâmer le fédéral pour le conflit à Québec, ils ne pouvaient pas blâmer les taux d'intérêt. Ils ont tenté de rédiger un rapport par lequel on pourrait essayer de trouver un peu de culpabilité de l'une des parties impliquées. Mais le rapport ne mentionne pas les déclarations du premier ministre, le rapport ne parle pas du rôle qu'a joué le député de Vanier et leader du gouvernement, dans ce dossier; aucune allusion n'y est faite, c'est comme s'il n'avait rien dit. Pourtant, on l'a vu à la télévision, on l'a écouté à la radio, on l'a lu dans les journaux, tout le monde s'est rendu compte de ce rôle, sauf les deux médiateurs, celui du bureau du premier ministre et celui du Conseil du trésor. (18 h 20)

M. le Président, après avoir établi ce scénario, on nous dépose aujourd'hui un projet de loi spécial qui est plus spécial encore que les autres, parce que, en plus du contexte dans lequel il se situe, toutes les négociations dans les secteurs public et parapublic, il reprend dans une grande partie les éléments sur lesquels les parties à la pseudo-table des négociations se sont entendues, sauf un article: la clause salariale. Alors que les parties étaient près d'une entente, alors que dans certains milieux on nous dit même qu'un certain mardi soir de cette semaine il y aurait eu entente, que les autobus rouleraient et que cela se serait fait par voie de négociation, il y a quelque chose qui a accroché quelque part. Mais on ne veut pas nous dire exactement quoi et on cherche un coupable à l'extérieur du cabinet, hors des politiciens. On refuse la commission parlementaire pour faire la lumière là-dessus.

M. le Président, c'était tellement près que je vous lis deux paragraphes du rapport des médiateurs. Je cite: "Sur le plan salarial, les positions syndicales se sont considérablement assouplies pendant notre intervention. Le syndicat, qui avait toujours maintenu sa demande de parité avec les chauffeurs de Montréal, a graduellement réduit ses exigences salariales pour la première année de 15,5% à 11% en vue d'en arriver à un règlement. Il a aussi renoncé à la formule d'indexation en deuxième année. Ces concessions ont été faites dans la perspective d'une convention collective d'une durée de deux ans au lieu de trois ans, dont les paramètres acceptés par le syndicat seraient les suivants: 11% pour 1982, 6% pour 1983 sans indexation."

On continue dans le rapport un peu plus loin. Je cite: "II s'en est fallu de peu qu'un règlement n'intervienne dans les derniers instants de notre intervention puisque le syndicat, pour une convention de deux ans, accepte des paramètres de 11% et 6% sans indexation. Nous avons même eu l'espoir de voir les parties conclure ce règlement lorsque le président de la Communauté urbaine de Québec, M. Marcel Pageau, et le président de la CTCUQ, M. Léonce Bouchard, nous ont déclaré, hier soir, à l'issue de notre dernière rencontre, qu'ils recommanderaient à leurs 29 collègues du conseil de la Communauté urbaine de Québec l'acceptation de la dernière proposition syndicale que nous a transmise M. Donatien Corriveau lui-même."

Le lendemain, on nous dit que cela a achoppé. Peut-on s'imaginer dans quelle position se trouvait l'employeur? Il avait dès le début des négociations l'assurance du premier ministre, il avait dès le début de la grève l'assurance du leader du gouvernement que ce n'est pas la CTCUQ, mais cette Assemblée nationale du Québec qui réglerait le problème. On n'a jamais, dans ce dossier, fait face à de véritables négociations à cause des agissements politiques du premier ministre du Québec et de son leader du gouvernement.

M. le Président, quelles sont les victimes de cette stratégie péquiste? Quelles sont les victimes de cette faillite péquiste en matière de relations du travail? Les premières victimes sont les usagers, les étudiants de Québec. Ce sont les travailleurs, les chauffeurs d'autobus, qui n'ont pas eu droit à une négociation libre, pas une négociation où la matraque est déjà donnée à quelqu'un avant que cela commence. C'est la Communauté urbaine de Québec qui n'a pas eu le droit comme représentant de sa population, de négocier librement, sans avoir cette matraque qu'elle n'a pas demandée, dans les mains. C'est finalement l'Assemblée nationale du Québec qui, dès le début, a été condamnée à jouer le rôle qu'un gouvernement devrait jouer, qui, depuis tout le début, a été condamnée à se prononcer sur ce litige, parce qu'on a préféré faire de la petite politique locale plutôt que des relations du travail à Québec. On ne demandera pas au leader du gouvernement à quel coût pour les contribuables. Déplacer les députés deux jours avant la rentrée prévue, pour une loi spéciale, pour sauver la face, mettons 200 $ par député, une centaine de députés, M. le Président. Les gens qui sont en temps supplémentaire, ici, partout. Pourquoi? Pour sauver la face du leader du gouvernement.

Une voix: Du député de Charlesbourg.

M. Paradis: Pour que le gouvernement du Parti québécois se tire de ce dossier en héros.

Une voix: C'est cela.

M. Paradis: Pour ne pas dire en zéro. Ce qu'il vise, c'est encore de mettre le blâme sur une des parties, d'empêcher les travailleurs d'avoir droit à ce qu'ils ont négocié sérieusement. Ils ont laissé les gens dans la rue et ils disent: On est des héros, au bout de tout cela. On n'a rien à se reprocher, nous-autres. On a fait tout ce qu'on avait à faire dans ce dossier.

M. le Président, j'espère que le député de Vanier aura autant de rentabilité politique dans ce dossier qu'il en prévoit. Mais lorsqu'on parle de relations du travail - et c'est peut-être en guise de conclusion - il est important de s'inspirer de gens qui n'ont jamais accepté dans la vie, ou du moins s'ils l'ont accepté ils s'en sont repentis, de consentir à écraser des principes, à troquer des principes pour des postes de ministres. Sur ce point, j'aimerais vous lire une citation que l'on retrouve au journal des Débats du 31 mars 1977 et qui émane du député de Sainte-Marie qui, lui, a préféré aller siéger ailleurs plutôt que de renoncer à des principes auxquels il croyait. Je cite le député de Sainte-Marie: "Adoptons ensemble - il est à mi-chemin - des mesures qui permettront aux citoyens et aux travailleurs et aux syndiqués de voir qu'ils peuvent être traités justement, et là on n'aura même plus besoin d'adopter une loi spéciale. Les membres de l'Opposition qui craignent la récidive peuvent se rassurer, lorsque les syndiqués et les travailleurs auront compris qu'ils ont un gouvernement qui travaille pour l'ensemble des travailleurs, il n'y aura pas de récidive parce qu'il n'y aura plus nécessité jamais d'adopter de loi spéciale. Merci."

C'est ce même député qui a reçu le 29 juillet 1982 une lettre du syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, signée par le président général, M. Jean-Louis Harguindeguy: "M. le député, - c'est adressé à Guy Bisaillon - les 210 délégués officiels présents au conseil syndical du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, qui se sont réunis à Québec les 8 et 9 juillet courant, ont adopté une proposition à l'effet de vous féliciter pour avoir eu le courage de démissionner comme député du Parti québécois et de siéger à titre de député indépendant, afin de démontrer votre désaccord avec les propositions adoptées par le gouvernement, notamment par l'adoption des lois 68 et 70, qui touchent de façon particulière les fonctionnaires et ouvriers représentés par notre syndicat. Nous aurions souhaité que d'autres de vos confrères ayant des origines syndicales aient également posé le même geste, considérant que, de plus en plus, le gouvernement du Parti québécois adopte des lois répressives qui remettent en question les acquis des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous prie d'agréer, M. le député, etc." (18 h 30)

II est bon aussi, lorsqu'on parle de relations du travail, d'écouter notre premier ministre. Le 31 mars 1977 - il ne le fera plus - il nous disait - il ne nous le dira sans doute plus: "Autrement dit, si la loi, au lieu d'être apaisante, arrive au moment où on fait, on dirait, un effort provocateur dans le climat, pour littéralement le corrompre, ce climat, au maximum, pour donner des raisons justifiées à un ensemble de citoyens de se sentir brimés, de se sentir traités comme ce n'est pas permis de traiter le monde et qu'on prétend ensuite, avec un gros bâton, que la loi va régler ça, à ce moment-là le législateur lui-même est responsable."

M. le Président, après avoir entendu le premier ministre, on va entendre le vice-premier ministre - Oh! la la! - qui nous disait...

Une voix: Qui?

M. Paradis: Le vice-premier ministre, l'honorable Jacques-Yvan Morin, ministre des Affaires intergouvernementales...

Une voix: Cela se détériore.

M. Paradis: ... qui nous disait, le 27 septembre 1975, lorsqu'il parlait aux libéraux: "Faudra-t-il se réunir de la sorte, en catastrophe, sur convocation spéciale au cours des mois qui viennent, chaque fois qu'un conflit de travail important ne pourra faire l'objet de négociation de bonne foi entre les parties? Va-t-il falloir que nous prenions l'habitude, dans cette Assemblée, de manier le marteau-pilon de la loi chaque fois que des conflits dans les services publics causent des embêtements à la population? Je reconnais les inconvénients que cette grève cause à la population de Montréal. Cela crève les yeux. Il n'y a personne qui soit en désaccord là-dessus. Mais de là à utiliser, chaque fois que le cas se présente, la loi, le Parlement, il y a une marge. J'estime que le précédent que nous posons à l'heure actuelle nous pendra au bout du nez au cours des mois qui viennent." Il ne savait pas ce qui l'attendait, lui.

M. le Président, lorsqu'on écoute le premier ministre, lorsqu'on écoute le vice-premier ministre, on se demande dans quelle direction ce gouvernement s'en va dans les dossiers économiques. Dans quelle direction ce gouvernement s'en va dans les relations du travail? En matière économique, c'est le chef du Parti libéral qui disait aujourd'hui: "Ils ont perdu le nord, avec tout ce qui se ferme." En matière de relations du travail, ils n'ont pas une bien meilleure boussole, M. le Président.

Les travailleurs ne sont pas contents, les employeurs ne sont pas contents et les utilisateurs de services ne sont pas contents. On espère...

M. Mathieu: Eux autres sont contents.

M. Paradis: On espère que le député de Vanier est content de ce qu'il est en train de faire. On espère que le député de Vanier réussira à appliquer sa philosophie à ce gouvernement-là parce que plus vite il l'appliquera, plus vite la population se débarrassera de ce gouvernement-là. Plus vite le député de Vanier passera sur le corps de tout le monde en autobus, à Québec et ailleurs, plus vite les gens auront compris que ce qui intéresse ce gouvernement-là, que ce qui intéresse le député de Vanier, ce ne sont pas les droits des travailleurs, ce ne sont pas les droits des employeurs à négocier librement des conventions collectives, ce ne sont pas les intérêts des usagers, c'est d'avoir l'occasion de se promener devant le petit écran, M. le Président et...

Une voix: Ti-Kid Kodak!

M. Paradis: ... on pourrait même le soupçonner d'avoir eu une influence pour limiter à deux ans le contrat de travail, parce qu'il souhaite sans doute une autre grève pour pouvoir se parader devant les écrans de télévision s'il est encore au pouvoir dans deux ans d'ici. Ce n'est pas avec ce genre de responsabilité, ce genre d'attitude, qu'on en viendra à de saines relations du travail au Québec.

J'ai - et je le souligne - apprécié le ton avec lequel le ministre du Travail, dans le dernier virage, au dernier moment, a récupéré le dossier. Et lui, au lieu de dire qu'il était content, au lieu de dire que cela lui permettait de l'"exposure", il nous a dit que c'était pénible. Si cette attitude se maintient, M. le présent ministre délégué au Travail, il y a peut-être moyen d'espérer. Mais, à bonne attitude, il faudra ajouter de la détermination et du poids. Je suis certain que lorsqu'il était ministre du Revenu, il avait une bonne attitude. Il ne voulait pas imposer la taxe sur l'essence. Il ne voulait pas imposer la taxe sur la bière. Il ne voulait pas voter la taxe sur l'électricité. Mais, comme il était adjoint au ministre du Revenu, il ne faisait pas le poids.

Une voix: Au ministre des Finances.

M. Paradis: Adjoint au ministre des Finances, il ne faisait pas le poids.

Une voix: Je comprends.

M. Paradis: Aujourd'hui, il est ministre délégué au Travail et, dans son premier dossier, il est encore une fois - je l'apprécie - bien intentionné. Il nous dit que c'est difficile d'adopter une telle loi, qu'il ne veut plus en présenter, qu'il ne le fera plus, qu'il regrette que ce soit sa première loi. Mais est-ce qu'il fait le poids comme adjoint au leader du gouvernement?

M. le Président, les travailleurs et les employeurs du Québec, dans le domaine des relations du travail, ont besoin de quelqu'un de bien intentionné, oui, mais également de quelqu'un qui fait le poids et qui n'accepte pas d'adopter n'importe quelle loi parce que les ordres lui viennent du bureau du premier ministre. Ils ont besoin de quelqu'un qui prend à coeur les intérêts des travailleurs, des employeurs et des usagers. C'est ce dont on a besoin. Je souhaite quasiment au nouveau ministre délégué au Travail et exministre du Revenu, pour le bien-être de la population, de prendre du poids et cela presse parce que si vous ne vous pressez pas, ce projet de loi sera adopté et vous aurez, dans votre premier dossier, écopé d'une réputation qui aurait pu être tout autre si vous aviez pris ce poids-là.

M. le Président, le Parti libéral du Québec dit oui à la reprise des services essentiels. Mais le Parti libéral du Québec, avec le maigre poids de l'Opposition, parce

que c'est tout ce qu'on est en cette Chambre, dit non à l'abolition du droit à la libre négociation. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Chauveau.

M. Raymond BrouiIlet

M. Brouillet: M. le Président, lorsqu'on écoute le député de Brome-Missisquoi, on est en droit de se demander s'il sait vraiment pourquoi nous sommes réunis en cette Chambre. Il a parlé durant une bonne demi-heure et c'est à peine s'il a trouvé quelques secondes pour parler de la population de la région de Québec qui, depuis déjà quinze jours, connaît un arrêt du service de transport en commun. La population de Québec sait pourquoi nous sommes réunis ici aujourd'hui. Elle le sait parce qu'elle subit de graves inconvénients que représente, pour elle, cet arrêt d'un service essentiel. Il est essentiel pour un nombre considérable de travailleurs qui ne peuvent pas se payer une voiture. Il est essentiel aussi pour les personnes handicapées. Il est également essentiel pour un bon nombre de personnes âgées. Enfin, il est essentiel pour un grand nombre d'étudiants qui, pour se rendre à leur institution scolaire, doivent utiliser le transport en commun.

M. le Président, ce n'est pas la première fois que les citoyens et les citoyennes de la région de Québec subissent les effets néfastes d'une grève du transport en commun. Depuis la création de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, en 1969, la présente grève est la sixième que subissent les citoyens de la région. Six grèves en treize ans, cela représente, si nous faisons la somme des jours perdus, presque une année d'arrêt du service du transport en commun. Cela, vous en conviendrez, n'a aucun sens dans une société civilisée. Chacun se souvient, entre autres, du dernier conflit qui a duré presque neuf mois. Du moins, M. le Président, vous pouvez être certain que la population de la région de Québec, elle, s'en souvient. (18 h 40)

Revenons-en au présent conflit. Devant la lenteur des négociations, surtout devant le peu de progrès dans les négociations qui ont commencé il y a déjà au-delà d'un an, et ayant encore présent à l'esprit le temps considérable que la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec a mis avant d'en arriver à un accord avec ses employés lors du dernier conflit qui a duré neuf mois, la population de la région de Québec, avant même le déclenchement de la présente grève, a vivement réagi et a demandé au gouvernement du Québec, par l'intermédiaire de ses députés de la région, d'intervenir sans tarder dès le déclenchement de la grève pour y mettre fin.

M. le Président, d'aucuns auraient souhaité que le gouvernement mette fin à la grève dès son déclenchement, mais je tiens ici à signaler que la population ne doit pas oublier qu'en 1978, à la demande même des élus de la Communauté urbaine de Québec, l'autonomie administrative pleine et entière du transport en commun dans la région fut accordée à la commission de transport et qu'il en revient à elle, la commission, de par la loi, de négocier avec ses employés leurs conditions de travail. En 1979, le gouvernement a voulu respecter cette autonomie et on a vu ce que cela a donné: neuf mois de grève. Cette fois-ci, les députés de la région de Québec et le gouvernement, prenant en considération les besoins de l'ensemble de la population, étaient bien décidés à ne pas laisser traîner en longueur cet arrêt de travail.

Avant d'intervenir par une loi, les députés de la région et le gouvernement ont voulu déployer tous les efforts pour tenter qu'une entente soit conclue entre les parties, soit la commission de transport et le syndicat des chauffeurs. Juste avant le début de la grève, le 23 octobre, le conciliateur dans le dossier, à la demande même du ministre délégué au Travail, M. Raynald Fréchette, a convoqué les parties à une même table pour tenter un rapprochement. On connaît les résultats. Ce fut peine perdue.

Un ultime effort fut tenté. Le 27 octobre, le gouvernement mandatait deux médiateurs spéciaux, M. Jean-Roch Boivin, chef de cabinet du premier ministre, et M. Lucien Bouchard, coordonnateur des négociations dans les secteurs public et parapublic. Leur mandat était de rencontrer chacune des parties et de tout mettre en oeuvre pour conclure une entente. Treize rencontres eurent lieu. Les résultats sont connus. Ce fut encore peine perdue.

Le 3 novembre, mercredi de cette semaine, les médiateurs remettaient leur rapport au premier ministre. Dans ce rapport, les représentants syndicaux, de l'avis des médiateurs, "ont déployé durant notre intervention - disent les médiateurs - des efforts sérieux pour se rapprocher d'une zone de règlement avec la commission." Nous savons qu'au point de départ des négociations, le syndicat des chauffeurs revendiquait la parité des salaires avec les chauffeurs de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal. Ceci représentait une augmentation, pour l'année 1982, d'environ 15,5%, mais à la suite de la médiation spéciale, les chauffeurs étaient prêts à accepter 11% pour l'année 1982 et 6% pour l'année 1983, ceci sans clause

d'indexation. La commission de transport, quant à elle, a refusé cette proposition. Elle exigeait un contrat de trois ans, de 11%, 6% et 5% respectivement pour les années 1982, 1983 et 1984. Il ne faut pas oublier que la commission de transport avait offert à ses employés, en juillet dernier, pour les années 1982 et 1983, des augmentations de 9% et 8% avec une clause d'indexation forfaitaire, offre qu'à cette époque les chauffeurs refusèrent. Donc, pour les deux années, 1982 et 1983, l'offre de juin de la commission de transport, qui se voulait alors une offre finale, était en réalité plus avantageuse que la dernière proposition de 11% et 6% sans indexation, acceptée par le syndicat, mais, cette fois-ci, rejetée par la commission de transport. M. le Président, devant cette situation, les médiateurs conclurent à l'impasse et recommandèrent au gouvernement, mercredi de cette semaine, de légiférer comme seul moyen de mettre fin au conflit.

Je voudrais m'attarder quelques instants sur la critique qu'on entend souvent et qui laisse entendre que l'intervention du gouvernement a nui aux négociations. Ce discours fut tenu à la fois par des représentants du syndicat et par des représentants de la Communauté urbaine de Québec. Il est intéressant de savoir, M. le Président, que les raisons alléguées, dans un cas comme dans l'autre, pour expliquer que l'intervention du gouvernement et de quelques députés de la région aurait nui aux négociations, sont des arguments qui s'annulent et qui sont aux antipodes les uns des autres. Certains représentants syndicaux disent, je ne parle pas de l'ensemble: Si vous n'aviez pas laissé entendre que vous étiez pour intervenir par une loi, la commission de transport aurait cédé, plutôt que de vous laisser légiférer. Et la commission de transport nous dit: Si vous n'aviez pas laissé entendre que vous étiez pour intervenir, les syndicats n'auraient pas déclenché la grève. C'est ce qu'on nous dit de part et d'autre. Mais je vous demande: Que s'est-il passé en 1979? Le gouvernement s'est tout à fait abstenu, parce qu'il venait de donner à la commission de transport l'entière autorité dans le domaine de la gestion de la CTCUQ. Le gouvernement s'est abstenu à l'époque et que s'est-il passé? Il y a eu une grève. Il y a eu, de la part des représentants de la commission de transport un braquage dans leurs positions. Cela a pris neuf mois avant que cela soit réglé. Qui en a souffert? Pas uniquement la population. Je pense que les syndiqués eux-mêmes ont souffert de cette grève qui a duré si longtemps à l'époque. Il faut être conscient de cela. (18 h 50)

Maintenant, imaginez quelques instants ce qui s'ensuivrait si le gouvernement, actuellement, n'intervenait pas et quelles seraient les conséquences pour l'ensemble de la population, pour ceux qui ont besoin de ce service essentiel. Ils pourraient encore continuer à en être privés durant des semaines et des mois - on a eu l'expérience de 1979, neuf mois - mais qu'est-ce qui s'ensuivrait aussi pour les travailleurs, chauffeurs d'autobus syndiqués qui se trouvent actuellement coïncés entre le refus de l'offre patronale du mois de juillet et l'entêtement actuel de la Commission de transport qui ne veut pas démordre d'une offre à la baisse? C'est cela la réalité et c'est dans cette réalité que se trouvent coïncés actuellement la population de Québec et les travailleurs syndiqués qui sont les chauffeurs d'autobus. Si le gouvernement intervient, c'est à cause de cette situation. Nous sommes conscients que ce conflit va perdurer des semaines et des mois, si nous n'intervenons pas. C'est pour éviter les conséquences de cette grève qui pourrait durer indéfiniment, que les députés de la région de Québec on pris leurs responsabilités en faisant en sorte que, par leurs interventions répétées auprès du gouvernement, le conflit ne traîne pas en longueur. Et le gouvernement du Québec a pris, lui aussi, ses responsabilités en déployant tous les efforts pour parvenir à un règlement négocié.

Aujourd'hui, devant l'impasse et pour le bien-être de l'ensemble de la population, il est de notre devoir de légiférer pour redonner aux usagers de la région de Québec, un service qui leur est essentiel: le transport en commun sur leur territoire. Merci.

Le Président: M. le député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. La région de Québec est dans une situation rendue extrêmement difficile par une suite d'événements dont elle est la victime actuellement.

L'idée est de faire avaler une pilule extrêmement amère à la population de Québec en laissant croire, par des interventions intempestives, des interventions précipitées qui ont été provoquées par des actions gouvernementales, que nos amis d'en face, que les gens du Parti québécois ont à coeur l'avenir, le bien-être, la santé économique de la région de Québec.

M. le Président, rien n'est plus faux. C'est prendre les gens pour plus naïfs qu'ils ne sont que de faire croire qu'après avoir provoqué un désir artificiel d'une intervention extrêmement rapide, parce qu'on savait qu'en prononçant certaines paroles, qu'en posant certains gestes, il était certain que les deux parties devaient éventuellement accepter de s'en remettre à une action gouvernementale

pour le règlement du conflit...

Il existe en droit un principe qui dit qu'on ne peut invoquer sa propre turpitude dans sa propre défense. Le gouvernement actuel se montre comme le héros du jour, comme la personne qui vient sauver la région de Québec qui est au désespoir et en désarroi. Le gouvernement essaie, de cette façon, de se refaire une virginité, de faire croire aux gens qu'il est nécessaire de procéder inévitablement, par une loi spéciale, dans un cas comme celui qui nous touche actuellement, soit la grève du transport en commun à Québec.

Dans tous les exposés qui ont été faits jusqu'à maintenant, on fait grand cas de l'évolution des offres patronales, de l'évolution des demandes syndicales, sauf qu'on oublie une date charnière extrêmement importante, c'est l'intervention du premier ministre Lévesque qui a qualifié un règlement à Montréal comme étant un règlement qui n'était pas conforme aux politiques gouvernementales qui était excessif, et qui conseillait aux dirigeants municipaux d'aller voir le grand frère, sur la Grande-Allée, dans l'édifice J, avant d'agir dans un domaine comme celui des négociations collectives. Le premier ministre est à la source même de l'impossibilité reconnue dans laquelle il a mis les parties d'en venir à une entente. Il y a du machiavélisme politique dans cette façon d'agir. Comment qualifier autrement une façon de faire qui consiste à s'arranger au moyen de gestes savamment calculés, savamment synchronisés pour que, d'une façon absolument inéluctable, le gouvernement doive intervenir pour soi-disant sauver une région qui est plus durement touchée actuellement que n'importe quelle autre probablement de la province. Ce n'est pas peu dire. C'est du machiavélisme politique, c'est du calcul politique, c'est de l'hypocrisie politique et c'est une façon de gérer la chose publique qui n'est pas du tout transparente, pour ne pas dire malhonnête.

M. le Président, on ne peut reprocher aux syndiqués, au syndicat, on ne peut reprocher aux élus municipaux de ne pouvoir se rencontrer quand les gens mêmes qui voudraient prétendre qu'ils se rencontrent sont ceux qui ont érigé des murs au lieu de faire des ponts. Agir comme cela et dire le contraire des gestes qu'on a posés, c'est de l'hypocrisie.

M. le Président, la région de Québec est le microcosme de ce qui se passe dans toute la province. Nous avons vu le député de Vanier, leader parlementaire du gouvernement, qui y est allé de déclarations extrêmement rapides sur son soi-disant désir de voir intervenir le gouvernement dans des délais extrêmement courts. Il a, dès ce moment, invoqué l'urgence de la situation, le besoin pour la population dans une crise économique - le reconnaissait-il lui-même -plus importante que celles qu'on n'ait jamais connues auparavant, que ce genre de grève, que ce genre de difficulté supplémentaire qu'on connaissait actuellement, rendait la situation absolument intolérable.

Agissant de la sorte, il a très habilement rappelé à la population le traumatisme terrible qu'elle avait subi pendant neuf mois lors de la dernière grève du transport en commun à Québec. Ce faisant, encore très habilement, il a provoqué une avalanche d'appels téléphoniques de personnes qui ont dit: Cette fois, nous allons faire connaître notre idée et notre besoin d'un transport en commun tellement rapidement pour qu'on ne soit pas mis dans une situation où le gouvernement pourra prétendre ne pas avoir connu le besoin qu'on avait, ce désir d'avoir, nous, les usagers du transport en commun, le transport qui nous est dû et auquel on a droit. C'est de la provocation. Cela a donné les résultats espérés. Plus habilement encore - quand il le dit ici en Chambre, il s'adresse aux chauffeurs d'autobus ou aux syndiqués - il dit: Les appels téléphoniques que j'ai reçus, les appels téléphoniques que mes collègues ont reçus étaient - il ne s'adressait pas à nous, de l'Opposition - pour vous remplacer, MM. les chauffeurs d'autobus, pour vous mettre à la porte et vous "sacrer dehors". C'était cela la teneur des appels téléphoniques qu'on recevait. Ce faisant, encore très habilement, le député de Vanier, leader parlementaire du parti ministériel, avertissait les chauffeurs d'autobus que malgré tout le mal qu'il leur faisait, finalement, il les sauvait d'un mal plus grand qui était celui qui était désiré par la population. C'est très habile. C'est en même temps machiavélique, mais la population ne sera pas dupe de ces façons de faire.

Il dit aussi aux élus municipaux: Vous autres, vous ne savez pas administrer. Vous ne savez pas calculer votre capacité de payer. On ne vous fait pas confiance. Vous n'êtes pas capables, vous ne connaissez pas vos contribuables, vous ne connaissez pas la base de votre évaluation foncière, vous ne savez pas ce que vous pouvez aller chercher en taxes, vous ne savez pas les sacrifices que font déjà les contribuables. Nous, nous vous dirons ce que vous allez payer, nous vous dirons ce que vous allez chercher dans les poches des contribuables, parce que nous, nous sommes plus fins et plus habiles que vous et nous avons surtout la loi spéciale que nous pouvons faire adopter. C'est ce qui nous arrive. On réussit à faire d'une seule pierre deux coups, à sauver les chauffeurs d'autobus, les syndiqués d'une espèce de menace vague, nébuleuse, soi-disant voulue par la population. (19 heures) Le député de Vanier a sondé les reins et les

coeurs de la population. Il peut dire aux chauffeurs qui étaient ici tout à l'heure - il en reste encore - Messieurs, remerciez le bon Dieu que je sois là, moi, le député de Vanier, parce que moi, je vous assure vos jobs. Les gens m'ont dit qu'ils voulaient vous ôter vos jobs; heureusement, je suis là pour mettre un "stop" à cela et, grâce à moi, vous allez pouvoir continuer à exercer votre métier. Il n'y a personne qui vous croit, M. le député. Il n'y a personne qui vous croit, M. le ministre...

Une voix: Moi, je ne le crois pas.

M. Doyon: ... parce qu'on est habitué à ce genre de sparages.

En même temps, vous dites aux élus municipaux, vous dites aux contribuables dont ils sont les représentants: MM. les contribuables, vous n'avez pas su exercer votre droit démocratique de vote en choisissant des dirigeants municipaux qui ne pouvaient évaluer correctement une situation financière qui est la vôtre, la situation financière de votre ville mais nous, du gouvernement, du haut de nos capacités et de nos connaissances, nous allons dire aux contribuables ce qu'ils peuvent payer. Ils ont réussi un coup de maître, M. le Président, il faut le faire, en disant aux chauffeurs: On vous protège d'un chômage certain. En même temps, ils disent aux contribuables: On met en tutelle les administrateurs municipaux qui ne sont pas assez bons, malgré que vous les ayez choisis. Cela, il faut le faire, M. le Président.

Derrière toute cette démarche, je pense que cela vaut la peine de regarder comment les choses se sont déroulées aujourd'hui à l'Assemblée nationale. On a vu le ministre des Communications, leader parlementaire, député de Vanier, grande vedette de télévision, grande vedette de communications, venir nous expliquer pendant 45 minutes pourquoi il y avait urgence, alors que nous, de ce côté de la Chambre, nous étions prêts à nous laisser convaincre par une démonstration qui aurait pu durer quatre ou cinq minutes. Il a pris 45 minutes, M. le Président!

Une voix: C'est épouvantable!

M. Doyon: Cela, c'est un corollaire, l'urgence de la situation. Ce n'est pas le but de notre réunion ici. Ce n'est pas de décider si la situation est urgente ou pas, c'est d'adopter une loi dont on veut connaître la teneur. Que voit-on? Pendant 45 minutes, il nous explique pourquoi c'est urgent.

En contrepartie, le ministre délégué au Travail - qu'on n'a pas vu, en passant, dans la région de Québec, dont on n'a pas entendu parler - qui est le parrain du projet de loi, qui est le ministre responsable, celui à qui incombe la responsabilité ministérielle de nous présenter la loi elle-même, nous fait un laïus d'une dizaine de minutes. On voit ici la contradiction, M. le Président. Finalement, on permet au député de Vanier, ministre des Communications, leader parlementaire, d'être encore la grande vedette du show politique qu'on a ici aujourd'hui. Il est la grande vedette, au compte de 45 minutes contre 1Q, M. le Président.

Cela, c'est symptomatique de ce qui se passe ici à l'Assemblée nationale. On est en train de dire à la population de prendre des vessies pour des lanternes et à telle enseigne que dans la loi qu'on a ici, le projet de loi no 84, on rétablit le service à la population dimanche matin à 0 h 01, alors que n'importe qui ayant eu l'occasion de se promener, de déambuler dans les rues de Québec - les dirigeants de la CTCUQ l'ont affirmé à maintes reprises - sait que le dimanche, les autobus de la CTCUQ se promènent à peu près vides. C'est tellement vrai que, n'eût été l'obligation dans laquelle est la CTCUQ de faire rouler les autobus le dimanche, il n'y en aurait possiblement pas le dimanche. Pendant cette journée, le service est purement déficitaire. On se précipite tellement, on s'active, on donne l'impression de l'urgence en rétablissant le service une journée où, finalement, la preuve est loin d'être faite qu'on en a besoin, si on regarde qui est dans les autobus, à quel rythme ils circulent et combien il y en a.

M. le Président, cela, c'est de l'improvisation. C'est tout simplement pour que cela aille bien avec le show politique qu'on est en train de nous monter. Il faut que tout cela se tienne. Peu importent les besoins réels de la population, peu importe que cela coûte de l'argent à la population. Cela, c'est une chose. On s'aperçoit que cela ne va pas ensemble, qu'il y a contradiction.

M. le Président, de deux choses l'une. Ou c'était une urgence terrible et, à ce moment-là, tout comme une porte doit être ouverte ou fermée, il n'y a pas de degré dans l'urgence. Il est de la nature d'une chose urgente qu'elle ne puisse attendre, autrement elle cesse d'être urgente. C'est ça la définition de l'urgence.

S'il y avait urgence aujourd'hui, l'urgence existait de la même façon dès le début de la grève. Et si l'urgence n'était pas de telle nature qu'elle puisse provoquer une action immédiate de la part du gouvernement qui a nommé des émissaires, des gens qui sont allés faire les matamores, qui sont allés faire de l'intimidation politique, je vous souligne que convoquer l'Assemblée nationale un vendredi et la faire siéger alors que normalement, pendant la session, l'Assemblée nationale ne siège même pas le vendredi, il y a là encore contradiction.

Si on pouvait attendre jusqu'à maintenant, je vous dis qu'il aurait été

possible, pour des raisons qui sautent aux yeux, mais qui n'auraient pas servi les fins politiques du gouvernement, de faire en sorte que lundi on puisse réunir les membres de l'Assemblée nationale et commencer par cela, de façon à éviter ce déplacement de 122 parlementaires, toute cette mise en oeuvre de l'appareil de l'Assemblée nationale. On aurait pu tenir compte des coûts que cela implique pour que nous puissions avoir l'assurance qu'on avait, de la part du gouvernement, une preuve de sérieux et de continuité dans l'action en même temps que dans la réflexion. Cela a manqué, M. le Président.

Ce qu'il faut déplorer aussi dans ce dossier, c'est le fait que le ministre du Travail n'ait pas affirmé avec plus d'autorité sa présence. Il est possible qu'il y ait eu une décision gouvernementale politique à prendre, à savoir est-ce qu'on donnait priorité, prédominance à des enjeux politiques immédiats de la nature de ceux qui pouvaient sauver la face du député de Vanier, leader parlementaire, et qu'il puisse se targuer, après, d'une intervention rapide grâce à sa supposée intervention, ou, encore, devait-on s'en remettre aux responsabilités ministérielles confiées par le premier ministre au nouveau ministre du Travail?

On avait une décision à prendre. Personnellement j'aurais été - et je pense que la population l'aurait été beaucoup plus aussi - impressionné si le ministre du Travail avait été le ministre responsable de mener ce dossier. Dans la région de Québec on ne l'a pas vu, on n'en a pas entendu parler; c'était à se demander s'il était encore là, mais on a entendu beaucoup parler du député de Vanier, par exemple. Il y avait sûrement une décision à prendre, à savoir si on privilégiait le député de Vanier pour qu'il puisse tirer un supposé capital politique de son action, ou si on laissait les choses se passer dans le sens que le prévoit la formation d'un cabinet responsable. La décision politique qui a été prise a été de privilégier avant tout un capital politique immédiat, même si, dans l'ensemble, cela devait laisser aussi bien les travailleurs que la population de Québec, que les employeurs, les villes, les maires et les conseillers, avec la certitude que le gouvernement agissait purement et simplement par opportunisme politique.

Parce que je suis extrêmement conscient, étant député de la région de Québec, de la nécessité de rétablir ce service essentiel pour les 60 000 ou 70 000 usagers du transport en commun, et parce que le gouvernement nous présente une loi qui est indissociablement liée à un décret de retour au travail, je devrai donc, en considération du besoin qu'ont les gens de se servir du transport en commun, voter pour cette loi.

Je le ferai en soulignant cependant que cette action du gouvernement ne dupe personne.

Une voix: C'est ça.

M. Doyon: Elle tente de cacher son ineptie totale en matière de relations du travail et le gouvernement est en contradiction avec lui-même. (17 h 10)

M. le Président, je vais terminer là-dessus. Quand le député de Vanier, la personne qu'on a vue le plus dans ce dossier, nous dit textuellement, dans sa présentation, que les services de transport en commun sont des services essentiels, c'est une reconnaissance de la part du député de Vanier et ministre des Communications. À ce moment-là, s'il s'agit de services essentiels, que fait-on de la loi no 72 qui vise essentiellement à permettre la protection de ces services essentiels, qui vise justement à ce que, dans les domaines public ou parapublic, les personnes qui ont besoin de certains services qui doivent être déterminés comme étant essentiels, puissent continuer d'en profiter? Le député de Vanier nous dit qu'il s'agit là de services essentiels. Alors, où est la loi qu'on a adoptée au mois de juin? Quelle en est l'utilité?

Il faut regretter cette attitude du gouvernement et il faut espérer que ce que le leader parlementaire a qualifié de coutume, tout à l'heure, cesse d'en être une, parce que si vous voulez mon avis sincère, c'est une très triste coutume.

Une voix: Très bien.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, si c'est une loi d'urgence, il semble que ce ne soit pas tellement une loi d'importance, puisque le nombre de parlementaires qui assistent à nos débats ne nous indique pas qu'il y a urgence et importance de la question.

Une voix: Ce sont les députés de votre parti.

M. Bisaillon: Nous sommes tous présents, M. le leader du gouvernement.

J'écoutais, M. le Président, le député-de Louis-Hébert et je me disais: Que de beau monde! Le leader du gouvernement, depuis un certain temps, nous explique jusqu'à quel point les maires de la région de Québec sont tous ses amis et, de l'autre côté, les gens essaient de nous expliquer que ce ne sont pas leurs amis. Le député de Louis-Hébert essaie de nous expliquer que

c'est un peu vite, lui qui a laissé la grève durer neuf mois la dernière fois; il connaît cela un peu, hein!

Des voix: Ah!

M. Bisaillon: Je me disais, M. le Président: Si on mettait cela de côté, maintenant que les jeux ont été faits des deux côtés de la Chambre, le débat politique qui se fait sur cette négociation! Effectivement, quelqu'un passait la réflexion tantôt: C'est une négociation qui est peut-être plus politique encore que celle du front commun qui elle, pourtant, devrait l'être davantage. À la lumière de cela, peut-être qu'on pourrait s'en tirer avec une loi ou avec une méthode d'aborder le problème qui rendrait justice aux intérêts qui sont en cause.

J'ai trois remarques préalables à faire, M. le Président, avant d'entrer sur le fond de la loi qui est devant nous. Une première remarque, c'est pour expliquer que, depuis quatre ans, en cette Chambre, j'ai toujours défendu la nécessité, quand on parle de transport en commun, de maintenir des services essentiels. J'ai toujours expliqué que, quant à moi, ces services étaient tout aussi importants pour les moins bien nantis de notre société, pour les travailleurs à bas salaire, pour les personnes âgées, pour les étudiants, pour plusieurs catégories de la population, et que le transport en commun était un service essentiel qu'on devait assumer. J'ai toujours prétendu aussi que l'action des syndicats ne visait pas à pénaliser ces gens-là, mais les moyens qui sont pris souvent ne rejoignent pas - on en est de plus en plus conscients - les vrais responsables. Les vrais responsables dans le dossier - je vais essayer de le démontrer tantôt - ce ne sont sûrement pas ceux qui sont pénalisés par l'arrêt de travail, et au-delà du fait qu'ils soient pénalisés par l'arrêt de travail, ceux qui sont pénalisés par au moins l'absence de services essentiels.

Dans les circonstances, en fonction des positions que j'ai déjà tenues en cette Chambre et malgré que je n'aie jamais voté de loi spéciale, sauf celle sur le transport en commun pour la région de Montréal parce qu'il n'y avait pas de services essentiels, ma position sur ce projet de loi sera identique à celle que j'ai déjà tenue.

Par ailleurs, je trouve qu'il est odieux de nous demander à nous, parlementaires, de nous prononcer sur une question globale, de tenir compte de la reprise des services, donc, d'assumer au moins des services essentiels et, d'autre part, du contenu du projet de loi, parce que c'est une loi-décret. Il me semble qu'on devrait scinder au moment du vote ces deux questions. J'annonce dès maintenant que j'aurai une motion pour scinder ces deux questions parce que c'est pour moi deux questions tout à fait différentes.

Deuxième remarque. Je viens de parler de services essentiels. Il faut cependant se rendre compte que s'il n'y a pas eu de services essentiels de maintenus pendant cette grève du transport en commun dans la région de Québec, cela n'est pas du ressort du syndicat concerné. Le syndicat concerné a respecté totalement et intégralement la loi qui s'appliquait à lui. Il faut donc blâmer le gouvernement de ne pas avoir inclus cette possibilité lorsqu'il a voté la loi sur les services essentiels, parce que dans la rédaction même de la loi sur les services essentiels, on excluait la grève de la CTCUQ en sachant fort bien pourtant, tous les députés de la région de Québec étaient présents quand on a adopté cette loi, que c'était une possibilité et que le dossier de la CTCUQ n'était pas meilleur que celui de la CTCUM. On aurait donc pu prévoir au moins le maintien de services essentiels, ce qui nous aurait permis, aujourd'hui, de tenir un discours fort différent.

Troisième remarque, M. le Président, je ne voudrais pas tourner le fer dans la plaie inutilement, mais il me semble que les attitudes en cours de négociations de la part de personnes politiques, peu importe où elles se situent, ont certainement nui au déroulement ou à un bon déroulement des négociations. Dans les circonstances, cela a amené un désintéressement, ou, en tout cas, une espèce d'assurance à la partie patronale qu'elle pouvait y aller de gaieté de coeur, qu'elle pouvait retourner en arrière sur des propositions déjà faites, ce qui en négociation - ceux de l'autre côté qui ont l'expérience des négociations savent ce que je veux dire, quand on parle de "backtracker" en négociations - consiste à faire des retours en arrière, de revenir sur des offres déjà faites. On sait ce que cela a produit en négociation. Cela s'est produit dans ce dossier.

Ces remarques préliminaires étant faites, M. le Président, je voudrais traiter le sujet en trois temps. Premièrement, revenir rapidement sur le déroulement de l'espèce de négociation spéciale, sur le contenu de la loi et, finalement, et surtout, parler des implications de ce projet de loi non seulement pour les travailleurs concernés, mais peut-être bien pour le gouvernement comme tel, pour le Parlement aussi, dans ce qui s'en vient, et pour le programme du parti que représentent les membres du gouvernement qui siègent à cette Assemblée. Le déroulement est assez rapide. Au mois de juin, la partie patronale fait une offre salariale qui était de l'ordre - on nous l'a expliqué tantôt - de 9% pour la première année, 8% pour la deuxième, 6,5% pour la troisième année et une indexation. Je ne sais pas si cela peut aider, mais j'ai fait comme

le leader du gouvernement - on apprend à le regarder parfois - je me suis préparé un petit tableau. Vous m'excuserez, mon petit tableau n'a pas la qualité de celui du leader. Je n'ai pas les ressources qu'il peut avoir à sa disposition. Voyez-vous? Vous ne le voyez pas à la TV, mais vous autres, j'espère que vous le voyez. Peut-être que le leader pourrait venir se placer en arrière. Je suis sûr que les caméras le suivraient. D'un côté, c'est la démarche du "boss". De l'autre côté, c'est la démarche du syndicat. Cela part du mois de juin.

Au mois de juin, le "boss" offre 9%, 8%, 6,5% et indexation. De l'autre côté, le syndicat, pour sa part, demande 15,5%, 8,5%, 6,5% et indexation. On voit qu'il y a comme un écart. 9%, 8%, 6,5% et indexation, cela permet un règlement au moins dans le cas d'un syndicat, parce que son normatif est réglé et il règle à ces conditions-là. Donc, la partie patronale a les moyens, au mois de juin, de payer 9%, 8%, 6,5% et de donner l'indexation en plus. On est au mois de juin. On continue, M. le Président. On va voir la démarche du boss. (19 h 20)

Avec 9%, 8%, 6,5% et l'indexation, il règle une convention collective, sinon deux, mais certainement une. Par la suite, il se tourne du côté de l'autre syndicat et dit: C'est 9%, 6%, 5% et pas d'indexation. Vous comprendrez tous que cela négocie très bien. Cela va plus loin. Après, ils maintiennent des positions en disant toujours trois ans et, finalement, dans un télégramme que le premier ministre a reçu dernièrement et dont j'ai copie, leur dernière position est 11%, 6%, 5% pour la troisième année et pas d'indexation. Cela doit être vrai, leur dernière position, parce que dans le télégramme il est dit que cela a été accepté à l'unanimité et que le grand "boss" qui était à Paris a dit: D'accord. Pour nous montrer que c'est vrai, ils nous disent: On lui a téléphoné. N'ayez pas peur. C'est vrai, cette fois. On l'a rejoint et il nous dit que c'est cela. Leur dernière position, c'est 11%, 10% et 5%.

Savez-vous, M. le Président, ce que cela représente, la différence entre les 11% et 6% - prenons seulement les deux premières années - et entre les 9% et 8% qui ont déjà été accordés au mois de juin? 9% et 8%, cela donne, sur deux ans, 17,72% d'augmentation et 11% et 6% sur deux ans, ce qui était proposé, ce qui était discuté, cela représente 17,66%, soit 0,06% de moins que ce qu'ils donnaient déjà au mois de juin. À 11,6%, ils donnent déjà moins que ce qu'ils donnaient au mois de juin.

Regardons maintenant du côté du syndicat de quelle manière cela a évolué. La première étape est la suivante: 15,5%, 8,5%, 6,5% et l'indexation. À la deuxième étape, ils disent: D'accord, 11,5%, 6%, pas de troisième année et toujours l'indexation. À la troisième étape, ils disent: 11%, 6%, pas de troisième année et l'indexation. À la quatrième étape, ils disent: 11%, 6%, pas d'indexation et on règle.

M. le Président, c'est une démarche de négociation. C'est une démarche d'affrontement. Mon petit tableau n'est peut-être pas clair, mais en tout cas, quand je vois le portrait, c'est clair. Ce n'est pas clair seulement pour moi, M. le Président, c'est clair pour les deux personnes que le Conseil des ministres... Aïe! On ne rit plus! On se réunit à l'Assemblée nationale, mais, avant, le Conseil des ministres s'était penché là-dessus. Le Conseil des ministres a trouvé cela suffisamment important pour dire: On va envoyer deux personnes. Engueulons-nous sur les mots. Appelons cela des négociateurs particuliers. Appelons cela des médiateurs. Appelons cela au moins comme cela a été dit dans le temps: C'étaient des émissaires. Vous savez ce que cela veut dire, M. le Président? Je suis allé emprunter un des huit dictionnaires du député de Louis-Hébert et j'ai regardé ce que le mot "émissaire" voulait dire.

Des voix: Ah! Ah!

M. Bisaillon: J'ai compris que le mot "émissaire" voulait dire: Tu as un job à aller faire. Va le faire et va dire aux parties qui sont là qu'il est préférable de régler. C'est ce que cela veut dire pour moi, un émissaire. Or, les émissaires disent dans leur rapport: Le syndicat a collaboré. Le syndicat a tout fait pour en arriver à un règlement et, à deux endroits dans leur rapport, ils disent: La partie patronale n'a pas fait cela. Elle n'a tellement pas fait cela que, le 31 octobre, elle a reculé encore sur des choses qu'elle avait déjà offertes. C'est la situation. C'est le déroulement.

Quel est le contenu maintenant, M. le Président? Le contenu, c'est que dans la démarche - et ceux qui ont fait une négociation savent ce que c'est - on envoie des émissaires. Ils ont des rencontres avec les parties. Ils font descendre une partie à 11,6% - je vous en ai démontré le déroulement - et après ils disent à l'autre: 11,6%, pas d'indexation, attends un peu, on va aller voir le "boss". Dans leur rapport, ils disent que les deux personnes, M. Bouchard et M. Hains, je pense, s'étaient engagées à aller vendre 11,6%. M. Mageau...

Une voix: M. Pageau.

M. Bisaillon: Pageau, Mageau, cela a l'air que cela revient tout au même, M. le Président. Ce monsieur, en tout cas, qui a dit qu'il était pour aller vendre, qui a voté contre ce qu'il avait dit en premier, ce monsieur avait dit aux émissaires: Je vais

aller vendre 11,6%. Il disait même - et c'est mentionné dans le rapport - qu'au moment où il les a rencontrés il préparait déjà ses arguments de vente. En tout cas, comme vendeur, M. le Président, il repassera, parce que comme vendeur il s'est plutôt laissé acheter. C'est la conclusion que j'en tire, sauf que cela donne comme résultat - c'est ce qu'il faut qu'on regarde - qu'ils refusent. Us ont le droit de refuser. Et là, nos émissaires reviennent.

M. le Président, je pense que c'est la chose la plus importante de tout ce qu'on discute aujourd'hui, la chose la plus grave. Le Conseil des ministres a envoyé, a délégué deux personnes pour régler un conflit. Ces deux personnes sont mandatées, au fond, directement par le Conseil des ministres pour observer et pour rapprocher les parties. Ce n'est pas n'importe qui, M. le Président. C'est le négociateur en chef du gouvernement et c'est le bras droit du premier ministre. Là, on ne rit plus, ce n'est plus juste des passeux de papiers qu'on a envoyés, on a envoyé deux personnes responsables, deux personnes qui ont la confiance du premier ministre.

Cela me fait penser, M. le Président, il faut que je prenne deux minutes pour vous conter une petite histoire, ça ne sera pas long, ça concerne... La scène se passe en l'an 2005... C'est une histoire qui m'a d'ailleurs été contée par un député ministériel, que je pourrai vous identifier par la suite, si vous le désirez. Je l'ai cependant aménagée, évidemment. C'est la République du Québec et le président de la République, Pierre-Marc Johnson, reçoit un appel téléphonique de son premier ministre, Daniel Johnson, qui lui dit: Écoute, ça ne marche plus, tout va mal, le métro à Québec, ça ne marche pas depuis trois jours et le maire de Québec, Jean-François Bertrand, ne veut rien savoir. Là, le président de la République dit: Des problèmes comme ça, ça fait un bout de temps qu'on n'en a pas eu; pas encore! Il dit: Une minute. Jean-Roch!

M. le Président, extérieurement, quand on conte ça, c'est drôle, mais cette petite histoire veut dire quelque chose; ça veut dire que quand un premier ministre ou un président de la République se tourne vers quelqu'un, c'est parce que c'est le temps que ça se règle et que c'est la personne de confiance. Or, la personne de confiance a rencontré le syndicat, elle l'a fait baisser, elle a dit: 11%, 6%, pas d'indexation, ne pensez plus à l'indexation; à 11,6% est-ce qu'on règle? Le syndicat dit: On donne notre parole qu'on va régler. Et, M. le Président, pour ceux qui ont déjà fait de la négociation, ceux qui ont déjà été ministres du Travail, celui qui vient d'arriver, en négociation, la parole donnée c'est l'affaire la plus importante, et quand on passe à côté de ça, on est sûr qu'on va tout manquer par la suite. Ne pensez plus à espérer - pour le député de Louis-Hébert - de meilleurs lendemains. Il n'y en aura plus si on n'est pas capable de faire respecter la parole donnée.

Or, je vais prendre mon deuxième tableau...

Des voix: ...

M. Bisaillon: Écoutez si vous ne voyez rien. Mais c'est juste pour montrer que moi aussi je suis capable de faire des tableaux!

Quelle est la situation? Le syndicat dit: 11%, 6%, pas d'indexation, je règle. La partie patronale, dans un télégramme envoyé au premier ministre, dit: 11%, 6%, pas d'indexation et 5% pour une troisième année. Et nous, nos porte-parole qui reviennent disent: II n'y a pas de règlement possible parce qu'il y en a un qui n'a pas respecté les règles du jeu. Ils disent aussi ça et ils nous mettent dans le projet de loi: 10%, 6% et indexation. D'après moi, il y avait un gros bloc où tout le monde aurait pu s'entendre: 11%, 6%, pas d'indexation, tout le monde s'entendait là-dessus. Il n'y avait qu'une chose pour laquelle les "boss" n'auraient pas été de bonne humeur, c'est qu'on leur enlevait la troisième année de convention collective. De toute façon, on la leur enlève là-dedans. Alors, quant à la leur enlever, pourquoi les mettre en maudit deux fois? Si ce sont de grands amis, au moins organisons-nous pour qu'ils soient contents sur trois points et, quand ils vont être contents sur trois points, on va être sûr que le syndicat ne sera pas content, mais il va dire: Au moins la parole donnée a été respectée. Au moins les démarches entre nous deux auront été respectées. Le jeu aura été tronqué parce que l'employeur aura mal fait son travail, mais au moins on aura respecté ce qu'on a dit à nos membres.

M. le Président, cela ne coûte rien de plus; ça coûte 0,6% de moins que ce qui était déjà offert en juin et que ce qui est déjà payé par la CTCUQ à deux autres syndicats. (19 h 30)

Devant ça, il me semble que le gouvernement doit réfléchir et dire: II y a des négociations fort importantes qui s'en viennent aussi. D'accord, nous allons régler le conflit. D'accord, nous allons nous assurer que le transport en commun se fasse dans la région de Québec, mais on ne compromettra pas tous les efforts de négociation et toute la bonne volonté qui a été manifestée par le syndicat et par les travailleurs pour en arriver à un règlement. En faisant cela, on ne compromettra pas non plus ce qui s'en vient comme autre démarche, parce que si c'est cela que cela annonce, ce qu'on fait aujourd'hui, si cela annonce demain, cela veut juste dire une chose: cela veut dire que

jamais plus MM. Bouchard et Jean-Roch Boivin ne pourront aller rencontrer les présidents des centrales pour essayer de dénouer un conflit à la dernière minute; jamais plus ce ne sera possible. Peut-être que c'est ce qu'on veut, mais si c'est ce qu'on veut, on se prépare d'autres affrontements.

Je pense qu'on devrait lucidement, quand on sera rendu à l'étape de l'étude article par article, revenir à ce qui a été convenu entre les parties, donc aux 11% et 6%. Savez-vous ce que cela représente? Cela représente 0,10 $ de plus la première année et 0,10 $ de plus la deuxième année. Cela représente moins que ce que cela nous coûte aujourd'hui pour adopter la loi. En plus de cela, nous sommes à faire le job des autres! Cela nous a été expliqué clairement par le leader du gouvernement. Nous sommes à faire leur job parce que, dès 1979, c'était leur responsabilité et ils ne l'ont pas prise. Donc, aujourd'hui, tout le Québec paie pour faire "la job" des maires et des autorités de la CTCUQ. Quand on fait "la job" de quelqu'un, cela s'appelle un sous-contrat. Un sous-contrat, tu ne fais pas cela gratuitement. Il me semble qu'à un moment donné, quelque part, il va falloir que quelqu'un paie, sans cela tous les employeurs vont attendre le gouvernement pour qu'il règle les problèmes à leur place. Quand ils attendent le gouvernement, ils forcent le Parlement à poser les mêmes gestes.

M. le Président, je suis d'accord pour qu'on assure des services essentiels, mais je dis que vous êtes à embarquer non seulement le gouvernement, mais le Parlement, dans toute une démarche qui rendra impossibles, demain, des relations du travail correctes. Malgré tous les voeux et toutes les analyses que le premier ministre voudrait qu'on fasse sur les relations du travail, cela ne sera plus jamais possible si on n'assure pas un minimum essentiel. Ce minimum, pour moi, c'est: premièrement, qu'on scinde le vote au moment du vote des deuxième et troisième lectures, et deuxièmement, qu'on apporte un amendement à ce qui est proposé pour revenir à ce qui était convenu entre les parties au moment de la dernière séance de négociation. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, avant de vous donner la parole, M. le président du Conseil du trésor, j'aimerais faire remarquer à ceux qui sont dans les galeries qu'aucune manifestation n'est permise.

M. Le président du Conseil du trésor.

S'il vous plaît, je demande la collaboration de cette Assemblée pour permettre à M. le président du Conseil du trésor d'utiliser son droit de parole.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Dans les propos que vient de tenir le député de Sainte-Marie, il y a beaucoup de vérité et une certaine exagération. Dans la mesure où, effectivement, un des deux représentants qui sont intervenus à la fois auprès du syndicat et de la Commission de transport de Québec était le porte-parole gouvernemental en matière de négociation et qu'il était lié de très près au Conseil du trésor, je me devais d'intervenir dans le débat.

Ce que le député de Sainte-Marie a décrit comme ce climat des négociations est exact. Il a peut-être eu tendance cependant à ne pas chercher à faire porter le moindre blâme sur les chauffeurs ou moindre... Il a peut-être davantage cherché à le faire porter sur l'employeur. Là-dessus, je pourrais partager passablement son point de vue. Mais il faut dire aussi certaines choses qui sont également vraies. Il y avait une proposition, en juin, sur la table, de 9% et de 8% pour un total de 17,6% ou 17,7% - enfin, cela a peu d'importance quand on en vient à ces fines fractions - soulignons-le, après que le gouvernement ait demandé en avril la réouverture de ses propres conventions pour modifier certaines augmentations de salaire prévues et les réduire. Pourquoi? Parce que nous vivons une crise économique sévère et il nous apparaissait nécessaire de demander aux employés du secteur public de partager l'effort qui est finalement exigé de l'ensemble de nos concitoyens dans cette crise.

Dans ce contexte où le gouvernement du Québec demande à ses ouvriers, ses employés, ses professionnels, de rouvrir les conventions collectives et de réajuster à la baisse les augmentations de salaire, la commission de transport choisit de déposer 9% pour 1982 et 8% pour 1983. C'est effectivement raisonnable, si on veut faire la même comparaison avec ce que nous demandions à nos employés et probablement un peu généreux, compte tenu du contexte. Suffisamment généreux pour que deux syndicats, les employés de bureau et les employés de garage, sautent sur l'occasion et acceptent ces propositions raisonnables.

Les chauffeurs, par contre, choisissent une voie différente, espèrent aller chercher un peu plus, choisissent un certain harassement de la population. Sans déclencher initialement véritablement de grève ils tentent d'aller chercher plus d'argent qu'il n'y en avait sur la table et plus d'argent que leurs collègues, consoeurs de la commission de transport avaient pu obtenir. Ils menacent de faire la grève, s'en prennent finalement à une population qui a traversé huit mois, huit longs mois de grève et qui ne veut plus entendre parler de grève; ils s'en prennent souvent à des personnes

âgées qui n'ont pas d'autres moyens de transport; ils s'en prennent aussi finalement à une classe de la société qui, malheureusement, parce qu'elle prend le transport en commun, c'est justement parce qu'elle n'a pas les moyens de prendre autre chose. Je pense qu'il y a eu une erreur stratégique. On aurait pu accepter les propositions qui étaient sur la table. Elles étaient raisonnables, d'autres les avaient acceptées. Je pense qu'elles illustrent cependant une difficulté que nous avons tous à nous ajuster à un changement de situation économique, à modifier nos attitudes au sein de cette société et en pensant qu'on peut toujours tirer un peu plus sur la couverture jusqu'à ce qu'elle déchire.

Ils ont un blâme à prendre. Mais l'employeur aussi, avec cette espèce de valse hésitation. On dépose quelque chose, on le retire, on leur propose un forfaitaire de 300 $, on le retire, continuellement en cherchant à provoquer les chauffeurs, se disant sans doute dans le contexte général: Le gouvernement interviendra et décrétera, et, par conséquent, nous n'avons pas, nous, à jouer un jeu correct de négociation, nous n'avons qu'à nous réfugier derrière le gouvernement. On l'a fait sans vergogne.

Devant ces comportements que je qualifierais d'irrationnels, à un moment donné, l'Assemblée nationale doit se porter à la défense de ceux qui sont pris au milieu de ce conflit, qui n'y sont pour rien, et qui finalement sont les otages. Dans la mesure où ni les autorités de la communauté, ni les dirigeants syndicaux ne manifestent assez de sympathie pour les victimes de ce conflit, forcément, il faudra que l'Assemblée nationale prenne ses responsabilités. Mais si l'État doit intervenir, il devra le faire suivant une politique cohérente, universelle, qui s'applique à tous. Si l'Assemblée nationale est forcée d'intervenir dans la solution de conflits, il ne faut pas que ce soit des grèves payantes. Sinon, demain, tout le monde enverra à l'Assemblée nationale la solution des grèves. Personne ne prendra ses responsabilités, pas plus du côté patronal que du côté syndical. On dira toujours: Le gouvernement tranchera. Bien non, ce n'est pas ainsi qu'on bâtit une société. On bâtit une société en prenant ses responsabilités soi-même, quand c'est le temps et, si on nous envoie, à nous, à l'Assemblée nationale le problème de la solution des grèves, nous les réglerons suivant une logique qui sera la même pour tous. Tous les citoyens seront traités de la même façon. (19 h 40)

Or, ce que le député de Sainte-Marie n'a pas dit, c'est que ces deux mêmes personnes, le représentant du premier ministre et le porte-parole gouvernemental en matière de négociations, sont déjà intervenues dans un conflit semblable à

Montréal, à la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal. Elles ont déjà effectué des démarches pour amener des travailleurs à accepter certaines conditions de travail. Les employés de bureau viennent d'ailleurs de les accepter. Les chauffeurs aussi, à Montréal.

Par conséquent, quelle crédibilité auraient des représentants du premier ministre - on a tantôt signalé l'extrême importance de leur mandat - si, convainquant des travailleurs, une commission à accepter un règlement, subséquemment, dans exactement la même démarche à Québec, n'arrivant pas à un accord, ils faisaient en sorte que le Parlement en accorde plus que ce qu'eux-mêmes avaient réussi, par voie de compromis, à obtenir dans un conflit précédent? Ils n'auraient plus aucune crédibilité. Les gens les verraient venir et diraient: Bah! Il n'y a rien là! Ils essaient de trouver des compromis, mais, de toute façon, l'Assemblée nationale en ajoutera. Alors, quel intérêt avons-nous à nous asseoir et à les écouter? C'est de cela dont le député de Sainte-Marie n'a pas parlé.

Je pense qu'il faut protéger la crédibilité de ces émissaires et faire en sorte qu'effectivement on puisse comparer les deux propositions. Et c'est ce que je vais faire maintenant. Il est clair qu'en pleine crise économique comme celle que nous traversons, avec 435 000 chômeurs, 200 000 travailleurs à l'aide sociale, 200 000 jeunes qui sont complètement rejetés par le circuit économique, comme société, nous devons, pour traverser la crise, nous imposer une certaine rigueur, énoncer un certain nombre de principes auxquels il faut adhérer ensemble. C'est le premier principe.

Pour effectuer une même tâche qu'ailleurs, il faut que les services publics québécois ne consentent plus des rémunérations plus avantageuses qu'ailleurs. En d'autres termes, pour faire un travail donné, par exemple, dans le secteur privé et le secteur public, s'il s'agit fondamentalement du même travail, on devrait donner la même rémunération. Pourquoi irait-on taxer des citoyens qui gagnent moins pour pouvoir enrichir des gens qui font le même travail? Cela n'a pas de logique, cela n'a pas de sens. Donc, premier principe, il faut s'assurer que les employés du secteur public soient payés sur une base comparable à celle du reste de nos concitoyens.

Deuxième principe: Les salaires et les autres avantages marginaux ne doivent pas augmenter plus vite que l'inflation. En effet, si les salaires payés par l'État augmentent plus vite que l'inflation, il faut nécessairement qu'il y ait une richesse à partager. Cela veut dire qu'il faut aller piger dans cette richesse additionnelle de quoi simplement maintenir les services existants.

Or, si nous nous enrichissons, nous avons aussi des besoins nouveaux et il faut que cette nouvelle richesse que nous pouvons réussir à accumuler tant bien que mal puisse servir à répondre à ces nouveaux besoins. Donc, il est normal que nos masses salariales, que nos dépenses existantes n'augmentent pas significativement plus vite que l'inflation. C'est le deuxième principe.

Examinons maintenant ce que nos porte-parole ont pu, en rencontrant les travailleurs de la commission de transport de Montréal et la commission elle-même... Examinons comment ces principes se sont appliqués. Il était clair, en examinant les salaires qui étaient payés à Montréal, que si on les comparait avec ceux de Toronto, d'Ottawa, de Hamilton, de Winnipeg, de London, d'Edmonton, de Calgary, de Québec et de la rive sud de Montréal, que les chauffeurs de Montréal recevaient, uniquement pour le salaire, 6% de plus que la moyenne des salaires payés dans les autres commissions de transport au Canada. De fait, en rémunération totale, lorsqu'on tient compte des avantages sociaux, ils sont les mieux rémunérés, à Montréal, de toutes les compagnies de transport au Canada, mieux qu'à Toronto. Ils étaient donc en avance par rapport à leur marché pour faire une tâche comparable.

Or, les Québécois ne sont pas plus riches que le reste des Canadiens et on voit mal comment les Montréalais seraient amenés à payer plus cher pour avoir un service équivalant à ce qui se donne ailleurs. C'est la première question. C'est ce qui nous a amenés à suggérer que l'on accepte à Montréal la proposition qui était essentiellement la suivantel Accordons 10% pour 1982, mais parce que vous êtes en avance par rapport au marché, retenons 3% de ces 10%; nous donnons 7%, exactement comme nous faisons avec les employés du secteur public à Québec où nous protégeons contre l'inflation après avoir soutrait 1,5% pour tenir compte du fait qu'ils sont en avance, qu'ils sont payés plus cher par rapport au marché comparable. Donc, dans le cas de Montréal, effectivement, l'entente repose sur 10% d'augmentation avec une indexation à l'inflation, mais on soustrait 3% pour tenir compte du fait qu'il faut ralentir la croissance des salaires des employés du transport à Montréal et faire en sorte que, tranquillement, le marché comparable les rejoigne. Voici la logique sur laquelle repose la proposition qui a fait l'accord entre les parties à Montréal.

À Québec, la situation n'est pas la même. Les chauffeurs d'autobus ne sont pas payés plus cher que les chauffeurs d'un marché comparable, les villes dont je parlais tantôt. Par conséquent, nous ne sommes pas justifiés de baisser de 3% l'augmentation de 10% prévue à Montréal. C'est la différence. À Québec, ils obtiennent 10%, ce qui maintient l'alignement avec le marché canadien. À Montréal, ils obtiennent 7% parce qu'il faut permettre au marché de rejoindre Montréal. Voici la base de l'accord. Voici ce que les porte-parole ont expliqué aux employés du transport à Montréal et voici ce qui a fait la base de l'accord entre les chauffeurs, les employés de bureau et la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal. On comprend maintenant pourquoi, dans le projet de loi qui est déposé devant nous, ce que nous fixons comme paramètre, c'est 10%. Non pas 11%, non pas 9%; c'est 10%. C'est plus que ce que la commission voulait donner. C'est moins que ce que les chauffeurs auraient peut-être pu obtenir s'ils avaient accepté la proposition. Les deux parties, à mon avis, ne sont pas allées jusqu'au bout du processus normal de négociation. Le gouvernement devant intervenir, il doit intervenir en traitant les gens à Québec de la même façon que ce qu'il aurait fait à Montréal s'il n'y avait pas eu d'entente. Pour la deuxième année, il en va exactement de la même logique. Essentiellement, c'est 6% avec une formule d'indexation. C'est sensiblement la même chose que Montréal, la formule est légèrement différente. Nous avons retenu la formule de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec et si on comparait cela avec ce que l'on donne à nos propres employés, si on le ramenait sur la même base annuelle, cela donnerait également sensiblement le même taux de 6%. En d'autres termes, tout le monde est sensiblement traité de la même façon. Si le projet de loi est différent, dans son contenu, de ce que les chauffeurs pensaient pouvoir aller chercher et également différent de ce que la commission pensait pouvoir donner, c'est qu'il s'agit de traiter, lorsque le gouvernement a à intervenir, l'ensemble de nos concitoyens de la même façon sur une base équitable et juste. C'est ce que nous avons fait.

C'est moins que les 9% et 8%, c'est-à-dire, en gros, les quelque 17% que l'on aurait dû accepter en juin. C'est plus que les 9% et 6% que la commission avait remis sur la table dans un geste que je pourrais qualifier pratiquement de provocateur. On pourrait dire que c'est couper la poire en deux. Je dirai non; c'est surtout essentiellement respecter deux principes: l'alignement par rapport au marché et le contrôle des masses salariales en-deça de l'inflation en cette période difficile. (19 h 50)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, ce projet de loi no 84 tente de répondre à un problème très vivement ressenti par l'ensemble de la population de la région de Québec, et en particulier, les usagers du transport en commun. Il traite également, bien sûr, des conditions de travail qu'il impose dans le projet de loi en mettant de côté, et je pense bien que la dernière intervention du président du Conseil du trésor ne l'a pas nié, ne voulait pas le nier, l'un ou l'autre des résultats du processus de négociation. Mes collègues ont fait valoir les deux grands aspects majeurs, je pense, de ce projet de loi. Je voudrais, à l'occasion du projet de loi no 84, dire au gouvernement: l'une des très grandes préoccupations que les gens qui s'intéressent au domaine des relations du travail dans les secteurs public et parapublic, c'est la préoccupation qu'ils ont d'essayer de voir où les gestes qui sont actuellement posés par le gouvernement mènent l'ensemble du processus de négociation dans les secteurs public et parapublic.

Ce n'est toujours pas clair - et j'ai écouté le discours du président du Conseil du trésor - à savoir si la politique ou la démarche retenue actuellement par le gouvernement du Québec est une démarche d'avenir, c'est-à-dire une démarche que le gouvernement entend maintenir, ou si cette démarche se situe expressément dans le contexte de la crise financière et de la crise économique que l'on connaît actuellement. Car le président du Conseil du trésor, en disant que le gouvernement, lorsqu'il interviendrait dans le domaine des relations du travail des secteurs public et parapublic essaierait de maintenir, plus que de maintenir, d'imposer une cohérence avec le marché du travail, est-ce que clairement cela est la politique et l'attitude que le gouvernement entend imposer pour l'avenir? Ou bien cette attitude, est-ce qu'elle est purement d'ordre conjoncturel, c'est-à-dire liée aux difficultés présentes de la situation économique et sociale que l'on connaît?

Cela, il faudra un jour ou l'autre que le gouvernement dissipe cette équivoque et qu'il n'utilise pas les conditions économiques, sociales et budgétaires qui prévalent actuellement au Québec comme paravent à l'inaction qu'il a manifestée au cours des quatre ou cinq dernières années, pour justement regarder l'ensemble de l'évolution des négociations dans les secteurs public et parapublic et dégager des programmes ou des politiques qui soient cohérentes. Le président du Conseil du trésor, en réponse aux remarques de notre collègue de Sainte-Marie, a fait très largement état de la comparaison, enfin, de toute la notion, de la comparabilité des rémunérations, c'est-à-dire salaires et avantages sociaux du secteur public avec le secteur privé.

M. le Président, cette notion de comparabilité entre les deux secteurs n'est arrivée d'une façon claire et décisive, dans la bouche du gouvernement que le 21 septembre 1982, c'est-à-dire le 21 septembre dernier. Or, dès le départ, cette notion de comparaison entre le secteur public et le secteur privé s'est située dans le cadre d'une loi très précise et très particulière, parce qu'une telle loi n'existe nulle part dans toute l'histoire des relations du travail au Québec, non plus qu'elle n'existe nulle part dans toute l'histoire des relations du travail au Canada et même aux États-Unis. Elle se situe dans le cadre de la loi 70, une loi qui a pour but de récupérer des travailleurs des secteurs public et parapublic une somme de quelque 521 000 000 $ pour une fin précise qui est celle d'assurer l'équilibre budgétaire des finances du gouvernement péquiste au 31 mars 1982. Or, précisément, quand le président du Conseil du trésor dit que la politique du gouvernement est maintenant d'assurer une juste comparaison entre les salaires du secteur public et ceux du secteur privé, il n'y a strictement aucun objectif précis qui illustre cette politique, sauf le pourcentage avancé par le président du Conseil du trésor, soit 4,8%. C'est le pourcentage qu'il situe à l'intérieur de la loi 70.

Or, ce pourcentage de 4,8% n'est pas et ne peut pas être l'expression sérieuse, réfléchie et consciente d'un gouvernement qui veut ajuster les salaires du secteur public à ceux du secteur privé, parce que ce pourcentage de 4,8% n'est que le résultat comptable et mathématique des dispositions de la loi 70 qui met en marche cette récupération. S'il y avait une réelle volonté de la part du gouvernement d'en arriver à un plus juste équilibre entre les salaires du secteur public et du secteur privé, cette politique serait fondée sur des chiffres sérieux et raisonnables. Deuxièmement, elle serait l'objet, si cet écart est aussi important que le prétend le gouvernement, d'une application graduée, c'est-à-dire d'un échéancier. Or, on n'a rien, absolument rien de ces éléments de politique devant nous. Tout ce que l'on a, dans le contexte des relations du travail dans le secteur public -et j'oserais même dire dans le contexte de la loi 84 pour les chauffeurs d'autobus -c'est purement un geste d'opportunisme politique de la part du gouvernement qui essaie d'en arriver à camoufler les vices -que tout le monde reconnaît - de sa gestion financière et profiter justement de la crise économique et sociale que l'on connaît pour ne pas dire pourquoi les dépenses dans les secteurs public et parapublic sont rendues au niveau où elles sont en ce moment. Cela m'apparaît, M. le Président, un élément

extrêmement important.

J'entendais tantôt le président du Conseil du trésor affirmer - en parlant de la façon de calculer le règlement que le gouvernement impose aux chauffeurs d'autobus comme à ceux, d'ailleurs, qu'il va sans doute imposer dans quelque temps aux employés du secteur public - comme il l'a dit, d'ailleurs, le 21 septembre dernier, que la raison principale était que les dépenses budgétaires du gouvernement excédaient le taux d'inflation. Or, M. le Président, cette raison qui est la raison raisonnante de la démarche actuelle du gouvernement, le motif qu'il invoque, n'est qu'un prétexte, parce que ce n'est pas depuis 1982-1983 que le taux de croissance des dépenses budgétaires du gouvernement péquiste excède le taux d'inflation. C'est depuis 1977-1978 que le taux de croissance moyen des dépenses budgétaires du gouvernement excède de 4% sous le régime péquiste, alors que la croissance du produit intérieur brut, c'est-à-dire l'ensemble, la dynamique de la richesse économique a été constamment à la baisse. Il est vrai que le problème du taux de croissance des dépenses budgétaires existait avant et qu'il était au-dessus du taux d'inflation avant 1976, mais à ce moment-là, le produit intérieur brut du Québec suivait une courbe qui justifiait l'augmentation des dépenses budgétaires. (20 heures)

Donc, dans toutes ces justifications qui viennent d'être invoquées à nouveau par le président du Conseil du trésor, il y a au fond, comme dans le contexte de la loi 70, qu'on va imposer à 300 000 travailleurs, la mauvaise administration financière du gouvernement du Parti québécois. Il me semble que ces choses doivent également être établies.

Ce projet de loi no 84 a ceci d'inquiétant, M. le Président. À quoi assistons-nous dans le domaine des relations du travail dans les secteurs public et parapublic? On assiste à un effritement graduel, comme l'a si bien démontré notre collègue de Sainte-Marie, de toute espèce de négociation digne de ce nom dans les secteurs public et parapublic. Les gestes que le gouvernement a posés sont publics, comme quand le gouvernement gèle les effectifs, quand le gouvernement effectue des coupures, quand le gouvernement annonce de nouvelles coupures. Le gouvernement prétend qu'il ne diminue pas les services, ça fait partie également du discours politique, mais les conditions de travail, de facto, par ces décisions ministérielles, sont modifiées.

Quel est, alors, le sens de la négociation ou du droit à la négociation des conditions de travail, qu'on dit encore reconnaître aux employés des secteurs public et parapublic? Cette loi spéciale et les lois spéciales qui ont précédé sous ce gouvernement et sous l'ancien gouvernement, tout le régime des injonctions, toutes ces choses auxquelles on s'était engagé du côté du Parti québécois, il faut que les gens s'en rappellent également. Des promesses ont été faites, en 1976, de corriger et de modifier substantiellement le régime des négociations dans le secteur public. Toutes ces choses n'ont pas été faites et voilà qu'à la faveur d'un conflit ou d'une échéance dans le domaine du secteur public, c'est la loi 70. Est-ce que la loi 70 peut tenir lieu de politique cohérente, réfléchie et responsable dans les secteurs public et parapublic sur le plan des principes? Elle est injuste sur le plan pratique, jamais cette politique ne peut tenir compte...

Ce projet de loi no 84 impose des conditions de travail qui d'ailleurs, comme le député de Sainte-Marie l'a très bien dit, nient complètement tout le processus de négociation, tous les efforts qui ont pu être faits, si tant est qu'il y en a eu de faits par le ministère du Travail, tous les efforts des émissaires, M. Boivin ainsi que M. Bouchard. On ne retrouve même pas, comme le député de Sainte-Marie l'a signalé, les efforts faits par les parties en cause. C'est facile pour le président du Conseil du trésor, à l'ouverture de son discours, de distribuer un blâme à la partie patronale, un blâme à la partie syndicale et poser en homme juste, raisonnable et responsable.

Il y a eu le ministère du Travail, ça fait partie de la responsabilité du gouvernement. Il faudrait peut-être que le ministre nous dise les efforts qui ont été faits par le ministère du Travail. Dans la négociation d'une convention collective, c'est difficile, surtout dans les services publics, surtout dans un dossier comme celui du transport en commun, que ce soit à Montréal ou à Québec. Des difficultés constantes et répétées se présentent à chacune des négociations de conventions collectives. Quelles précautions additionnelles le ministère du Travail a-t-il prises? Quelle attention a-t-il mis à surveiller l'évolution de ce dossier pour qu'on ne soit pas obligé d'en arriver là ou on en est, c'est-à-dire à une loi spéciale, une loi qui ordonne le retour au travail pour redonner le service aux usagers et une loi qui détermine unilatéralement -acte de gouvernement - les conditions de travail des chauffeurs d'autobus, en termes de salaires? Cela aussi contribue - ces lois spéciales, ces fausses manoeuvres de la part du gouvernement - à élaguer de tout son contenu la réalité des négociations et de la libre négociation dans les secteurs public et parapublic.

C'est la même chose pour les notions qui sont avancées par le président du Conseil du trésor concernant la masse salariale globale non négociable. Quand c'est invoqué dans les secteurs public et parapublic, est-ce

qu'il faut y lire la volonté politique définitive du gouvernement que, désormais, dans le secteur public, la masse salariale globale ne sera pas touchable et que tout ce qui deviendra négociable, ce seront des ajustements ou des réaménagements? Pourquoi introduire cette notion? Cela pose le problème de la centralisation des négociations par la porte d'en arrière, à l'occasion, à la faveur d'une conjoncture.

Ce sont là des questions de fond qui doivent être négociées. On se trouve toujours devant le même problème. Ce même problème, qu'il s'agisse des problèmes de la Commission de transport de Montréal, c'est bien beau le gentil discours que le président du Conseil du trésor vient de nous faire pour nous expliquer que Montréal, c'était 10%, la notion de marché de travail... C'est la première fois qu'un ministre vient définir une telle notion a posteriori des événements et des gestes qu'il pose. C'est toujours facile de trouver une rationnelle a posteriori. Où étaient en temps de non-conflit les indications, les perspectives, les règles du jeu? Ce discours, si le ministre l'avait fait avant qu'on commence les négociations de Montréal et de Québec et avait dit: Voici, dans le domaine du transport, le gouvernement croirait donner ce paramètre? Le gouvernement aurait dû le faire. Pourquoi le faire juste après, simplement pour avoir l'air du bon joueur qui est au-dessus de la mêlée, qui n'est pas concerné par ce genre de problème, qui dit: Voici, le blâme, monsieur, vous n'avez pas bien fait ceci; quant à vous, monsieur, vous auriez dû faire cela? C'est facile de dire dire cela, mais ce n'est pas la responsabilité d'un gouvernement. De deux choses l'une: ou bien le gouvernement - c'est cela qu'il va avoir à décider dans le domaine du transport comme dans le domaine du secteur public - continue de reconnaître le droit fondamental des travailleurs et de la partie patronale de négocier librement entre eux les conditions de travail avec le droit de grève et le droit de lock-out, ou bien le gouvernement dit: non, ce ne sera plus cela, les règles du jeu, parce qu'il y a une question de cohérence avec le marché du travail. Il y a des critères de comparaison objectifs que nous, le gouvernement, assumant nos responsabilités, voulons mettre et encadrer l'ensemble de l'évolution des négociations dans le secteur public. On n'a encore jamais entendu cela d'un gouvernement. C'est très important. Les représentants syndicaux qui ont négocié les conditions de travail des chauffeurs d'autobus, les mesures de pression que les chauffeurs ont faites, tous les problèmes que cela a occasionnés à la population, si les règles avaient été établies avant... Est-ce que le gouvernement a l'intention de le faire? C'est une question qu'il faut se poser également. Est-ce opportun qu'il le fasse s'il veut maintenir un régime libre de négociation. Qu'on ne vienne pas, comme le président du Conseil du trésor vient de le faire, poser les règles a posteriori après que tout le monde a essayé de négocier et dire: Voici ce que la raison dit. C'est exactement ce que le président du Conseil du trésor vient de faire. Qu'on ait le courage de le dire. Après cela, le premier ministre va venir parler de la concertation, de la solidarité. Depuis quand ce type de relations du travail très dangereux, évoqué par le président du Conseil du trésor, a-t-il été discuté sereinement avec le représentant des travailleurs dans le secteur public? Jamais, à ma connaissance, sauf erreur, ce genre de propos a été discuté ou même évoqué. Là, on arrive après coup pour dire: Voici, c'est cela la rationnelle. C'est cela la politique du gouvernement du Québec. Je vous dis très franchement, j'ai été très près du gouvernement, de 1970 à 1976, alors que les relations du travail dans les secteurs public et parapublic ont été drôlement difficiles. On a vécu des situations extrêmement pénibles de part et d'autre. Il y a eu des erreurs et des excès de commis, mais il y avait un cheminement social qui se faisait à ce moment. Il y avait une maturation et une meilleure préparation, autant de la partie patronale que de la partie syndicale, autant des employeurs que des employés dans les secteurs public et parapublic. Ce cheminement, cet acquis difficile, coûteux, pénible à certains égards menait vers une réévaluation de l'ensemble des rapports, mais une réévaluation sereine, une réévaluation des relations du travail dans les secteurs public et parapublic qui a de la perspective et aussi qui a le sens de la justice, non pas le type de réévaluation, à la faveur de la crise économique et financière que l'on connaît actuellement, à la pièce que le gouvernement fait en ce moment avec les coupures budgétaires, avec les lois spéciales, avec les injonctions, avec sa condamnation verbale ou verbeuse du caractère illégal de certaines grèves, avec toute la question, le cafouillis de la loi sur les services essentiels, avec cette loi dans le domaine du transport en commun, avec l'ignoble loi 70 qui constitue la négation de l'article 59 du Code du travail qui dit que les conditions de travail des travailleurs doivent rester en vigueur tant qu'elles n'ont pas été modifiées par la négociation libre des parties. (20 h 10)

Le gouvernement - il y a des syndicalistes, il y a des gens qui ont une pratique syndicale de l'autre côté - pose des gestes qui mènent inéluctablement à l'effritement graduel du processus de négociation. Le pire, c'est que cet effritement du processus de négociation dans les secteurs public et parapublic, il est causé

et il est mené d'une manière unilatérale par le gouvernement et jamais, au grand jamais, on n'a vu le premier ministre, le ministre du Travail ou le président du Conseil du trésor se lever et donner la signification des gestes réels qu'ils posent. S'il faut revoir l'ensemble des relations du travail dans les secteurs public et parapublic au Québec, fort bien, nous en sommes. Mais cette réévaluation de l'ensemble des techniques de négociation, de l'ensemble du droit du travail, autrement dit, dans les secteurs public et parapublic, je dis qu'elle ne peut se faire à la petite semaine, au fil des gestes et des pressions que le gouvernement subit. Elle ne peut se faire que par la tenue d'un débat public vaste, large, serein, impliquant autant le secteur public que le gouvernement, que l'Assemblée nationale et également le secteur privé.

C'est bien beau de lancer le thème qui actuellement est purement politique. D'ailleurs, c'est tellement politique que cela a fait l'objet d'annonces. Quand il y a des questions politiques avec le gouvernement, on fait des placards publicitaires pour essayer de soulever les travailleurs du secteur privé contre ceux du secteur public dans une crise sociale qui s'annonce; il y a des grèves illégales annoncées dans le domaine des affaires sociales. Si cette politique existe, vous auriez dû établir les paramètres et les écarts de façon beaucoup plus sérieuse que vous ne l'avez fait. Tous les observateurs, les universitaires contestent vos chiffres. J'avais plusieurs citations à vous indiquer comme quoi vos 16% ou vos 11% et les 4,8% dans le secteur public, ce n'est absolument pas justifié. Votre méthode de calcul est contestée, l'échantillonnage, la méthodologie. Pas d'échéancier, pas de volonté politique, simplement le résultat bête d'un exercice comptable imposé comme conséquence purement mathématique d'une loi tout à fait inadmissible dont nous avons demandé le retrait, qui est la loi 70 et la loi 68.

Le Vice-Président (M. Jolivet): En terminant, M. le député.

M. Rivest: Cette loi - M. le Président, je termine là-dessus - va, encore une fois, à la pièce, répondre à un problème social, assurer aux usagers le service du transport en commun mais elle se situe dans un ensemble de lois dont le gouvernement n'a jamais et au grand jamais mesuré toutes les conséquences d'avenir qu'elles ont dans le domaine des relations du travail dans les secteurs public et parapublic. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Taschereau.

M. Richard Guay

M. Guay: M. le Président, voilà de longues minutes que nous entendons le député de Jean-Talon. J'ai conclu, peut-être de façon erronée, qu'il allait voter contre le projet de loi 84. Peut-être de façon erronée parce que, à vrai dire, le député de Jean-Talon, pendant 20 minutes, n'a pas parlé du projet de loi 84.

Il a dit, cependant, qu'il fallait absolument laisser libre cours à la négociation. Laisser libre cours à la négociation, cela veut dire que le gouvernement devrait retirer son projet de loi, qu'on devrait dire à la communauté urbaine et au syndicat des chauffeurs d'autobus: Retournez négocier, quand on sait où on en est rendu de part et d'autre, et que la population de Québec serait donc privée du service de transport en commun encore pendant une semaine, deux semaines, trois semaines, alouette! C'est, semble-t-il, ce que j'ai, en tout cas, moi, pour ma part, conclu, de l'allocution du député de Jean-Talon, parce que le moins qu'on puisse dire, c'est que ce n'est pas très clair. Heureusement pour le député de Jean-Talon qu'il a donné une conférence de presse hier ou avant-hier sur la loi 70, préparée par des recherchistes du Parti libéral, parce que c'est de toute évidence le texte de cette conférence de presse qui lui a fourni la substance de son discours.

Avoir voulu, M. le Président, faire respecter le règlement de cette Chambre sur la pertinence du débat, c'est à toutes les trente secondes que nous serions intervenus pour vous demander de rappeler le député de Jean-Talon à l'ordre, c'est-à-dire à l'étude en deuxième lecture du projet de loi no 84, loi qui permettra à la Communauté urbaine de Québec de retrouver son service de transport en commun à compter de dimanche. Visiblement, le Parti libéral est dans l'embarras. On nous sert toutes sortes de salades qui n'ont rien à voir avec le projet de loi que nous étudions actuellement. On nous dit qu'il faut donner libre cours à la négociation. On nous parle de la loi 70. On nous parle de politique salariale. On nous parle d'augmentation des dépenses. Il y a certains arguments, je ne veux pas m'attarder là-dessus, mais il y a quand même certaines choses que le député de Jean-Talon a énumérées et qui méritent d'être relevées, parce qu'on a un peu l'impression d'entendre un sépulcre blanchi.

Quand on reproche les augmentations de dépenses de ce gouvernement, il faut quand même savoir qu'elles sont la moitié de l'augmentation annuelle des dépenses du gouvernement Bourassa. 21% à cette époque-là. On nous dit que les augmentations de dépenses du gouvernement ont pu être plus élevées que l'inflation, mais l'inflation n'a

encore jamais atteint au Canada et au Québec 21%. Quand on reproche une telle chose au gouvernement du Parti québécois, on devrait d'abord se regarder dans le miroir parce que le Parti libéral, de ce côté-là, ne fera pas une très belle performance.

Quand on nous reproche les relations du travail, rappelons-nous ce que cela a été pendant les années Bourassa et rappelons-nous comment ce gouvernement a littéralement tenté d'acheter l'élection de 1976 en jetant le bébé avec le bain, en accordant des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic démesurément élevées pour lesquelles nous payons encore aujourd'hui le prix parce que tout cela fait maintenant partie du budget du Québec et nous n'y pouvons rien. Mais, à l'époque, ce qu'on a accordé sans même presque de négociations à la veille des élections de 1976, constitue, encore aujourd'hui - le député de Jean-Talon le sait - un scandale particulièrement honteux qui continue à entacher la réputation du Parti libéral comme administrateur public.

Il est vrai que le Parti libéral n'est plus au pouvoir depuis six ans, sept ans bientôt, M. le Président, mais il est ailleurs. Il faut voir aussi comment le Parti libéral continue à administrer la chose publique de la plus mauvaise façon, de la façon la plus incroyable. Là où le Parti libéral est au pouvoir, il a vu le déficit, en un an, à l'intérieur de la même année, passer de 10 000 000 000 $, c'est beaucoup, à 20 000 000 000 $, c'est énorme, et maintenant, on nous dit à Ottawa que non, c'est maintenant 25 000 000 000 $. De 10 000 000 000 $ à 20 000 000 000 $ à 25 000 000 000 $ dans la même année: 25 000 000 000 $ c'est plus que le budget du gouvernement du Québec et ils ont ça en déficit à Ottawa, le Parti libéral. Et ces gens-là du Parti libéral voudraient nous donner des leçons de rigueur administrative sur la façon d'administrer un budget gouvernemental? Tout de même, soyons sérieux! Il y a du monde là-dedans qui a besoin d'aller suivre quelques cours de comptabilité parce que de toute évidence, dans ce parti-là, c'est un peu comme les Bourbon, on n'a rien appris et rien retenu.

Cela étant, M. le Président, vous me permettrez, quant à moi...

Une voix: Regardez dans le dictionnaire.

M. Guay: Oui, effectivement, le dictionnaire, ils en ont beaucoup maintenant de ce côté-là. Vous me permettrez quant à moi de revenir à ce que le député de Jean-Talon a escamoté pendant 20 minutes: le fond de la question, le projet de loi no 84 sur le transport en commun dans la région de Québec.

Le 12 octobre dernier, il n'y a pas si longtemps, le maire de Québec, dans l'exposé sur la situation financière de la ville de Québec qu'il est tenu de faire à chaque année, disait à l'hôtel de ville de Québec: "II faut en effet bien comprendre que la ville de Québec ne peut pas avoir une politique salariale différente chez elle, à la communauté urbaine et à la CTCUQ. En effet - notez bien les propos, M. le Président - les employés de ces organismes régionaux - on parle de la CTCUQ et de la CUQ - sont, à toutes fins utiles, des employés municipaux." C'est le maire de Québec qui dit ça. Comment se fait-il que des employés qui sont, à toutes fins utiles, des employés municipaux, qui sont en grève, qui paralysent la ville de Québec et la région de Québec de transport en commun, cela ne constitue pas une situation suffisante pour motiver le maire de Québec à rester chez lui et essayer de régler le problème? Il admet lui-même, puisque ce sont des employés municipaux, que c'est une responsabilité municipale. C'est une responsabilité de la ville de Québec et des villes de banlieue. Ce en quoi, d'ailleurs, il dit exactement ce que dit la loi constitutive de la Communauté urbaine de Québec, telle qu'amendée par notre gouvernement. (20 h 20)

C'est à la demande du maire de Québec et des maires de banlieue que, nous avons modifié il y a quelques années, la Loi sur la Communauté urbaine de Québec, pour leur donner le contrôle complet, total et absolu sur la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec. On protestait, à l'époque, du statut ambigu de la CTCUQ, fort bien. On voulait s'en occuper, très bien. Le gouvernement a acquiescé et a donné aux élus locaux de la Communauté urbaine de Québec la responsabilité du transport en commun dans la région de Québec. Ils la voulaient, ils l'ont eue.

Comment se sont-ils débrouillés? Eh bien! on a d'abord eu droit à une grève de huit à neuf mois. Ces mêmes élus, qui réclamaient le transport en commun et qui allaient pouvoir régler le problème du transport en commun, l'ont d'abord laissé pourrir pendant huit à neuf mois. Le gouvernement, à cette époque, malgré la tentation qu'il pouvait avoir d'intervenir, s'est dit: On vient de donner le contrôle du transport en commun aux élus locaux; laissons-les au moins régler le problème; ils ont demandé de pouvoir régler le problème; laissons-les le régler. Cela a pris huit mois. Ils n'ont pas le règlement rapide, M. le Président.

Cette fois-ci, en 1982, les choses se sont passées un peu différemment. On a fait état précédemment - je pense qu'il faut y revenir - que la Commission de transport de

la Communauté urbaine de Québec a déposé, au mois de juillet, une offre, qui, somme toute, n'était pas inintéressante, à ses employés de bureau et d'entretien et aux chauffeurs d'autobus, soit 9%, 8% et 6,5%, le tout indexé sur trois ans. Dans le contexte d'austérité économique, dans le contexte de crise économique dans laquelle nous vivons, c'est une offre qu'en tout cas les deux autres syndicats ont trouvée suffisante pour sauter dessus et signer tout de suite.

Le syndicat des chauffeurs d'autobus a décidé, quant à lui, qu'il ne signait pas, qu'il rejetait ces offres-là. C'est son droit. On peut, par contre, se demander s'il n'y a pas eu là une erreur de jugement, parce que dans le contexte économique dans lequel nous nous trouvons, en pleine crise économique, compte tenu du nombre de chômeurs, compte tenu de l'inflation, compte tenu des difficultés que nous connaissons tous, comme société, 9%, 8% et 6,5%, le tout indexé, c'est quand même fort alléchant. On ne trouve pas cela partout. Si on ajoute, en plus, la sécurité d'emploi, M. le Président, on se demande un peu dans quelle société le syndicat vivait à ce moment-là. Il ne semblait pas beaucoup regarder autour de lui le climat économique général de la société dans laquelle nous nous trouvons. Il a refusé.

Cela a, évidemment, ouvert la porte à la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec et à la Communauté urbaine de Québec elle-même pour faire un petit coup de passe-passe en se pensant bien fin-fin. C'était un peu grossier. On a retiré les offres et on a fait de nouvelles offres nettement en deçà des premières. Évidemment, si le syndicat des chauffeurs avait refusé les premières offres, il n'allait pas sauter sur les deuxièmes qui étaient nettement inférieures. En d'autres mots, la Communauté urbaine de Québec a sciemment décidé, volontairement décidé de provoquer la grève, parce que c'est évident qu'avec ces deuxièmes offres, on s'en allait tout droit, en droite ligne, vers une grève.

Donc, là aussi, était-ce une erreur de jugement de la Communauté urbaine de Québec ou tout simplement une façon de se laver les mains de ses responsabilités qu'elle a pourtant réclamées? Je vous le rappelle, M. le Président, ce sont ces maires-là qui, en 1978, voulaient avoir le contrôle de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, qui l'ont obtenu et qui, maintenant, en 1982, par une espèce de passe-passe d'offres retirées et d'offres plus conservatrices, se lavent les mains de leurs responsabilités d'administrateurs publics et d'administrateurs du transport en commun dans la région de Québec. Ils provoquent la grève qui a effectivement lieu.

Je ne reviendrai pas sur les efforts qui ont été déployés par le gouvernement pour tenter de rapprocher les parties. Je constate tout simplement que, de part et d'autre, on n'a pas réussi à avoir ce règlement qui aurait quand même pu arriver, notamment -il faut bien le dire - si la Communauté urbaine de Québec s'était montrée plus souple. Mais dès lundi soir, paraît-il, selon les versions, M. Pageau et M. Bouchard de la communauté urbaine, avaient communiqué avec le maire Pelletier quelque part en Europe, au cours de sa visite des Europes, et celui-ci disait: C'est trois ans ou ce n'est rien. Si c'est effectivement lundi soir que ces gens ont communiqué avec le maire Pelletier, qu'ils ont reçu des directives très précises du premier magistrat de Québec, comment pouvaient-ils, à ce moment, s'engager à aller vendre une convention sur deux ans contre laquelle le lendemain matin de toute façon ils votaient au conseil de la communauté urbaine. Il y a là une incohérence de la part des administrateurs publics de la communauté urbaine qui est à tout le moins désolante à voir.

Il y a donc une grande partie de la responsabilité de la grève actuelle qui repose très certainement sur la Communauté urbaine de Québec, le maire de Québec et les maires de banlieue. Mais s'il y a grève, il ne faut quand même pas oublier non plus que c'est parce qu'au départ des offres somme toute acceptables ont été refusées par le syndicat des chauffeurs d'autobus. S'ils les avaient acceptées à cette époque, il n'y aurait pas eu grève aujourd'hui. L'Assemblée nationale ne serait pas convoquée pour régler ce problème qui ne relève pas, à proprement parler, de son ressort puisqu'il relève, de par la loi, du ressort local. Si bien qu'au moment où l'Assemblée est appelée par une loi spéciale à faire ce que de part et d'autre on n'a pas réussi à faire et surtout à redonner aux gens de la région de Québec le transport en commun auquel ils ont droit, il serait illusoire de s'imaginer qu'une loi spéciale doit faire en sorte qu'une grève va être payante, que par la grève, on va retrouver ce qu'on a refusé de signer au mois de juillet.

On a raté le bateau à ce moment, c'était une erreur de jugement; il faut vivre avec et en subir les conséquences. Je dis cependant que la mission de MM. Boivin et Bouchard a au moins été intéressante - elle a été intéressante à plusieurs égards - elle aura permis de jeter un éclairage plus précis sur la façon de négocier de la Communauté urbaine de Québec. À vrai dire, ce que la loi prévoit ce soir comme règlement, je pense qu'on peut dire qu'il est plus généreux que ce qu'une loi analogue aurait fait au tout début de la grève si nous étions intervenus immédiatement par loi. Il est fort heureux que le gouvernement ait choisi d'abord d'intervenir par une médiation exceptionnelle, parce que, en ayant cet éclairage sur la

façon de fonctionner de la communauté urbaine, sa façon de négocier, cela nous a permis de faire une loi plus équitable qui tient compte des responsabilités des deux parties.

Aucune des deux parties n'y trouve tout à fait son compte, c'est certain. La commission de transport et la communauté urbaine voulaient trois ans de convention collective. Ce sera deux ans. Le syndicat voulait 11% et 6%. Cela va être 10% et 6%. Je pense qu'en ce sens, le message devrait clairement passer que dans le secteur public, une grève qui amène l'Assemblée nationale à devoir trancher ne sera - ni celle-ci, ni une autre - jamais une grève payante.

M. le Président, cette intervention de l'Assemblée nationale arrive à point nommé. La commission de transport ne pouvait pas régler son problème. Les maires ne voulaient pas le régler. Le Parlement devait donc accepter le bébé qu'on nous envoie. Cela n'empêche pas qu'on doit se poser de sérieuses questions sur la capacité de la Communauté urbaine de Québec, du maire de Québec et des maires de banlieue, de gérer le transport en commun, d'administrer le transport en commun dans la région de Québec. Ils ont réclamé ce pouvoir, ils l'ont eu, et on a vu ce que cela a donné jusqu'à maintenant.

Les résultats ne sont pas brillants. C'est à se demander si le transport en commun à Québec n'est pas une chose trop importante pour la laisser dans les mains des maires de Québec et des villes de banlieue, c'est-à-dire dans les mains de la Communauté urbaine de Québec. C'est là un autre débat qu'il faudrait faire peut-être une autre fois. Pour l'instant, ce qu'il est important de retenir, c'est que cette fois-ci la population ne sera pas tenue en otage. Cette fois-ci, les gens qui ont besoin de l'autobus, les gens qui partent de Beauport, de Charlesbourg, de Loretteville, de Cap-Rouge pour venir travailler dans le centre-ville de Québec, les gens qui partent du centre-ville de Québec pour aller travailler à Sainte-Foy ou ailleurs, les étudiants qui vont à l'Université Laval, les personnes âgées qui ont besoin des autobus pour se déplacer, au moment justement où les temps froids commencent à nous affliger comme, hélas! cela arrive à chaque année, tous vont trouver, lundi matin, les autobus qui vont fonctionner normalement. Je pense qu'en ce sens, le Parlement, hélasi parce que ce n'est pas d'abord sa responsabilité, joue néanmoins son rôle et il le joue de manière positive. (20 h 30)

J'ajoute peut-être une dimension qui n'a pas été évoquée jusqu'à maintenant. Nous savons tous que nous vivons une crise économique. Cette crise économique a des conséquences extrêmement graves sur l'industrie, mais aussi sur le commerce au détail. On sait qu'une grève du transport en commun a de sérieuses répercussions sur le commerce au détail. Les maires de la communauté urbaine qui devraient avoir comme préoccupation le bien-être économique de leur milieu, semblent s'être moqués comme de l'an quarante des répercussions que la grève qu'ils provoquaient pouvait avoir sur les commerces qui sont déjà au bord de la faillite dans bien des cas. Le retour du service aura, sur la région, un impact économique qui, dans le contexte actuel, sera particulièrement bienvenu étant donné les difficultés.

Donc, M. le Président, ne sachant pas trop si le député de Jean-Talon vote pour ou contre - j'ai cru comprendre que le député de Louis-Hébert votait pour, mais ce n'est jamais très clair dans leurs interventions, parce qu'ils parlent généralement d'autre chose - je vous dis très clairement que je vais appuyer la loi 84. Je vais l'appuyer article par article. Je voterai en faveur de la loi 84, assuré qu'indépendamment des torts des deux parties les citoyens et les citoyennes de Québec et de la région retrouveront, à compter de lundi, un service qui est essentiel, effectivement, le service du transport en commun. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: Merci, M. le Président. Je suis partagé, ce soir, entre des sentiments contradictoires. Je suis fier, triste et heureux tout à la fois, et je m'explique. Je suis fier parce que, comme député de la région de Montréal, on parle non pas d'un problème de la ville de Québec, mais d'un problème national qui touche toute la population. Je m'expliquerai plus tard. Je suis triste, parce qu'on nous présente, encore une fois, une loi matraque qui nous force à écarter le principe de la libre négociation. Je suis heureux parce que j'ai la chance, l'occasion de parler ce soir pour essayer de démasquer devant la population la mauvaise gestion de ce gouvernement péquiste, qui est un scandale.

M. le Président, on a reçu un avis. J'étais chez moi, à Montréal, mardi soir. J'écoutais la radio qui disait: M. Bertrand va convoquer les députés à Québec en vertu de l'article 84. J'étais prêt. M. Bertrand parlait, ce grand "boss" de la région de Québec. Je suis venu ce matin. J'ai pris l'avion et j'espère être de retour chez moi ce soir, sinon, demain matin. M. Bertrand, le ministre des Communications ou de je ne sais pas quoi, des transports de la ville de Québec, nous dit: MM. les députés, c'est important. Vous êtes ici cet après-midi et ce soir en

vertu de l'article 84. C'est grave, M. le Président. L'article 84 est un article qui écarte toutes les règles de procédure. On passe en même temps la première lecture, la deuxième lecture et la troisième lecture, l'assentiment, tout. C'est ce qu'on appelle une loi matraque. On a tous le droit de parler. Merci beaucoup, on peut encore parler une vingtaine de minutes.

Une voix: Pas longtemps, 20 minutes.

M. Polak: Ce n'est pas la première fois qu'on invoque l'article 84. Cet été, j'ai rencontré des députés d'autres provinces, d'autres pays. Ils nous ont demandé: Y a-t-il une disposition du règlement dans la province de Québec qui donne l'autorisation au gouvernement de procéder en suspendant toutes les règles? J'ai dit: Certainement, l'article 84. On l'applique souvent. Je le connaissais par coeur. Ils m'ont dit: Chez nous, on s'en sert une fois tous les cinq ans ou une fois tous les dix ans. Il y a même des endroits où ils ne s'en sont jamais servi, quoique cet article existe. Pas ici. Avec le PQ, l'article 84 est devenu la règle. Depuis que je suis ici, M. le Président, depuis un an, on a déjà invoqué cet article trois fois. Il y a quelques mois, ce fut l'affaire des médecins. Je suis venu ici pour la grève à Montréal. C'est vrai. La toute dernière fois, je me le rappelle, on est venu au mois de janvier 1982, tous prêts. Article 84, grand débat. C'est le prédécesseur du ministre qui était là pour dire, les larmes aux yeux, pourquoi c'était nécessaire, que c'était triste de le faire, mais qu'il fallait le faire. À la toute dernière minute, heureusement, un règlement est intervenu.

Le député de Brome-Missisquoi a évoqué le fait qu'au cours des deux ou trois dernières années on a passé sept lois semblables - c'est incroyable - contre les enseignants, les employés de la ville de Montréal, les gens d'Hydro-Québec, les médecins. C'est presque devenu la règle. C'est devenu tellement une règle, M. le Président, cet article 84 de notre règlement, qu'on nous présente un projet de loi numéroté 84; on a pris le même numéro. Ce n'est peut-être même pas une coïncidence, on a un règlement 84 et on a un projet de loi 84; ça, c'est le projet de loi qui est devant nous maintenant.

M. le Président, je me rappelle très bien que, en septembre 1981, nous avons eu une commission parlementaire qui a duré cinq jours et à laquelle on a entendu les mémoires d'au moins 50 organismes de tout le Québec, qui nous ont parlé, d'un côté, du principe du droit de grève et, de l'autre côté, de la garantie des services essentiels pour la population. Je me rappelle très bien que dans le temps c'était le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la

Sécurité du revenu - ça s'est divisé dans le dernier jeu de chaise musicale, parce qu'il y a maintenant un ministre en charge de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité et un autre ministre est en charge du Revenu. Je ne sais plus, mais en tout cas. Même les fonctionnaires du gouvernement ne savent plus de quel ministre ils relèvent. Dans le temps, c'était le ministre Marois, et qu'avait-il dit?: "La question fondamentale demeure les services essentiels à assurer lorsque la grève est inévitable. Il nous faut ne ménager aucun effort, ni refuser d'explorer aucune piste qui permettent de garantir véritablement davantage le droit des citoyens aux services essentiels et qui permettent d'assurer leur santé et leur sécurité - beau principe; j'étais d'accord avec ça, principe que les services essentiels vont être garantis - La volonté du gouvernement est de résoudre ce problème une fois pour toutes, confiant que, tous ensemble, nous pourrons travailler dans le sens d'une amélioration des mécanismes visant à garantir ces droits individuels fondamentaux." On appelle ça, en langage péquiste, la solidarité. Tous ensemble on va régler, une fois pour toutes, il n'y aura plus de grèves, on va voir à ça, je vais vous présenter un projet de loi et tout va être réglé.

En même temps, il disait: "Par ailleurs, je crois qu'il est important de dire, à ce moment-ci, que le gouvernement n'a pas l'intention de retirer le droit de grève." Je me rappelle lui avoir demandé: Comment allez-vous résoudre ce problème? Il y a contradiction entre, d'un côté, le droit de grève et, de l'autre côté, la garantie de services essentiels. Il a dit: "Watch me", je vais vous présenter un beau projet de loi. Cela a pris neuf mois et finalement il a donné naissance à ce que j'appelle toujours une souris morte. Et, savez-vous? la souris morte c'est la fameuse loi 72. Là, le ministre Marois - je me rappelle très bien, c'était juste avant l'été, au mois de mai 1982 - a dit: Voici mon projet de loi no 72. "Ce projet de loi a pour objet de consacrer la primauté du droit des citoyens de continuer à bénéficier des services jugés essentiels lorsque les travailleurs exercent leur droit de grève dans les services de santé, les services sociaux et certains services publics, y inclus le transport." Il a bien expliqué cela, il a dit: On n'aura plus ce problème, on ne veut plus avoir ces lois odieuses qui forcent les travailleurs à retourner au travail et imposer les conditions. On ne veut plus rien savoir de ça, on a la solution secrète des péquistes, le projet de loi no 72; ça, c'est la formule secrète. Parce que vous, MM. les syndiqués, vous allez continuer à faire la grève. D'accord, on n'a rien contre ça, mais on va garantir les services essentiels à la

population.

Comment se fait-il qu'on n'a pas appliqué ça? Le projet de loi no 72 a été adopté et la loi est en vigueur. Pourquoi est-il nécessaire maintenant de venir avec le projet de loi no 84 où, non seulement vous forcez les gens à reprendre leur travail, mais pire que ça, vous imposez même des conditions de travail - c'est la toute première fois - tout dans un paquet?

Évidemment, dans une grève d'autobus, il y a le problème des heures de pointe, du transport des handicapés, de ceux qui veulent voir leur médecin, des écoliers, des personnes âgées. Mais c'était tout prévu dans le projet de loi no 72. On aurait dû invoquer ça au lieu d'imposer une loi matraque. Savez-vous pourquoi on ne l'a pas fait? Parce qu'on a réalisé que ce projet de loi no 72 - qui est maintenant une loi - ne vaut rien. Cela a été critiqué dans le temps; c'est un beau projet de loi péquiste, c'était ridicule, c'était stupide, ça n'amenait jamais aucune solution positive; ce projet de loi était impraticable. C'est pour ça que vous l'avez mis à l'écart et que vous êtes arrivés avec le projet de loi no 84 pour régler le problème de la ville de Québec. C'est votre manière d'agir. (20 h 40)

Cet après-midi, le leader du gouvernement a dit, je cite: "On est passé à deux cheveux d'avoir une entente." Il a dit "un cheveu". J'ai tiré deux cheveux de ma tête parce que j'ai beaucoup de cheveux. Voici, la population: deux cheveux. J'en laisse tomber un, parce qu'il a dit "un cheveu", même pas un cheveu. Je laisse tomber un demi-cheveu.

M. le ministre, si on était à un demi-cheveu de la solution du problème, pourquoi ne pas encore donner une chance et laisser quelques heures de plus? Pourquoi ne pas dire à ces gens: Voici la formule. Vous avez 11% et 6%, sans indexation. La communauté urbaine n'a pas voulu accepter cela. Le même missionnaire qui a été envoyé, le bras droit du premier ministre qui a été envoyé là a perdu maintenant sa crédibilité. Je suis content de savoir que le député de Sainte-Marie a parlé ouvertement. Savez-vous où se trouvent tous ces syndicalistes péquistes? Où sont tous ceux qui avaient toujours de bons contacts avec la CSN? Je vous assure que la CSN commence à perdre confiance en vous. Il y a trois ou quatre semaines, il y avait un problème à Montréal, la fermeture des élévateurs. J'ai pris position pour eux, pour la CSN et j'en suis fier, parce que cela prenait cela dans leur situation, cela prenait une intervention objective. Aujourd'hui, on ne les a pas vus, le député de Rosemont, le député de Maisonneuve. Comme des petites souris, ils sont absents. Ils ne veulent pas parler, ils sont des syndicalistes.

Le seul syndicaliste chez vous qui a parlé, c'est un ancien membre péquiste, c'est le député de Sainte-Marie. C'est le seul, mais il n'est plus avec vous autres, il est devenu indépendant, parce qu'il était écoeuré. Il ne pouvait plus prendre cette attitude du gouvernement. Il est parti. Il siège ici comme indépendant. Il prend vraiment la cause des travailleurs. Il ose parler. Il a demandé tout à l'heure, appuyé par nous, presque à genoux: S'il vous plaît, M. le ministre, laissez donc parler ces gens, on va écouter ce qu'ils ont à dire, le syndicalisme et le patronat et ceux qui sont impliqués dans le dossier. On va suspendre, on a encore 45 minutes pour les écouter. Savez-vous ce que le ministre a répondu? Il n'a même pas répondu à la question, il n'osait pas. Il a dit: Maintenant, on va procéder à la lecture du projet de loi. La population n'est pas folle. Vous avez même refusé d'écouter ces gens qui étaient ici cet après-midi, ces gens qui sont affectés directement, qui ont quelque chose à dire là-dedans, parce qu'ils sont directement impliqués. Vous avez refusé la demande du député de Sainte-Marie et la demande de notre députation libérale. Ne venez plus jamais dire que vous représentez les intérêts des travailleurs, parce que les travailleurs commencent à s'ouvrir les yeux. Ils sont tannés de cela.

M. le Président, en regardant le projet de loi 84, on voit, c'est vrai, un petit cheveu, 11% et 6%, donc on impose le règlement. C'est dangereux ce que vous avez fait, parce que vous imposez un règlement de 10% et de 6%, avec l'indexation. Aujourd'hui, j'étais au bureau - de temps en temps, je peux m'échapper et je vais à mon bureau - et j'ai reçu des appels de fonctionnaires. Savez-vous ce qu'ils m'ont dit? Comment se fait-il que les péquistes veulent adopter cela et que nous autres, on va avoir des coupures de salaire? Nous sommes syndiqués nous aussi. C'est dangereux ce que vous avez fait, parce qu'ils vont vous rappeler cela bientôt. Ils vont vous le rappeler parce que vous avez posé une condition. Vous avez dit: Voici, l'augmentation sera de tant et tant, au lieu de laisser cela au libre jeu des négociations. Si vous aviez la moindre intelligence - vous avez commencé à en avoir de moins en moins - vous auriez dû dire: Un cheveu, je les laisse négocier encore une soirée, quelques heures de plus. S'il vous plaît, M. le mandataire, allez voir ces gars, parce que le public va tirer des conclusions. Le public va dire: Les péquistes ont accordé tant dans le dossier des chauffeurs.

Qu'allez-vous faire maintenant dans le secteur public dans les négociations qui commencent? C'est dangereux, un précédent. Vous allez payer le prix pour cela, parce que vous n'avez pas pensé. Je crois vraiment que le leader parlementaire voulait être le grand héros. C'est lui qui n'accepte pas. Je n'ai

aucune objection. Cela coûte au gouvernement 250 $ pour me faire venir ici aujourd'hui. Quelqu'un a mentionné tout à l'heure, le député de Sainte-Marie, ce que cela coûte au gouvernement pour nous faire venir ici aujourd'hui: l'Assemblée, la télévision, le personnel, les voyages et tout cela. C'est triste, ce n'était qu'à un cheveu de se régler. C'est pour cela que je suis triste. Mais je suis fier, parce que j'ai le droit de parler, de vous démasquer, et de dire à la population une fois pour toutes: Comprenez-vous le message finalement? Et je dis aux gens de la CSN qui sont là, je les vois: Ayez confiance, il y a encore des gens qui sont impartiaux, qui sont prêts à examiner le dossier à sa vraie valeur, comme j'ai fait dans le temps des élévateurs, comme d'autres députés de notre groupe le font, une fois pour toutes. L'histoire de vous faire dire: "On comprend le point de vue des ouvriers", ce n'est pas vrai, c'est faux, c'est un mensonge. Je suis content d'avoir l'occasion de vous démasquer à ce point de vue. Mais je suis triste parce qu'on nous force à adopter une loi matraque qui va forcer les gens à rentrer au travail, à briser la libre négociation. Vous autres, vous savez toujours mieux que les autres. Vous avez toujours la réponse. Non seulement cela, si on n'est pas d'accord avec vous, nous sommes des vendus, des traîtres, des Pandore, des pas Québécois. La population vient de dire: On est tanné, une fois pour toutes. Je suis heureux parce qu'elle commence à le constater et cela va changer l'histoire bientôt.

M. le Président, j'appuie entièrement ce que le député de Brome-Missisquoi a dit cet après-midi. Il a étudié le dossier. Les autres députés qui ont parlé, qui connaissent le dossier, nous avons l'esprit ouvert, on comprend les difficultés. La manière dont le gouvernement agit, c'est une manière scandaleuse. C'est encore une autre loi d'exception qui écarte le processus de la libre négociation. On est là avec le grand sourire, on est à un cheveu à part. Tout cela, c'est pour une couple de télévisions et de radios, tous ces grands discours; l'enjeu est beaucoup plus sérieux. Bientôt, d'ici à un mois ou deux, vous allez payer cela un prix très sévère et vous serez responsable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt) M. le député de Portneuf.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord remercier mes collègues libéraux, le président du caucus, de leur présence ici à Québec, aujourd'hui, pour étudier le projet de loi no 84. Ces députés, ces collègues ont reçu leur avis de convocation hier. Ils auraient pu, comme on va le voir un peu plus tard dans mon intervention, être ici hier pour étudier ce projet de loi. Messieurs, Mesdames, merci beaucoup.

M. le Président, nous avons le projet de loi 84, loi spéciale ordonnant le retour au travail des chauffeurs d'autobus de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec et prévoyant, en plus, décrétant les dispositions salariales d'une convention collective qui s'appliquera rétroactivement au 1er janvier 1982 jusqu'au 31 décembre 1983. C'est donc dire que la convention collective qui sera adoptée par ce projet de loi aura douze, treize ou quatorze mois d'application.

Je dois tout d'abord faire part au ministre du Travail, député de Sherbrooke, que je sympathise beaucoup avec lui, de voir qu'il est obligé, à sa première intervention à l'Assemblée nationale, comme ministre du Travail, de se lever pour présenter un projet de loi qui ne lui fait certainement pas plaisir lui qui a été nommé il y a quelques semaines seulement. Son premier acte législatif, comme titulaire de ce ministère, c'est de présenter un projet de loi spécial, une loi d'urgence, qui vient mettre de côté la libre négociation entre les parties et qui vient par surcroît non seulement imposer un retour au travail, mais dicter, écrire, rédiger une convention collective.

M. le Président, ceux et celles qui sont un peu familiers avec les relations du travail conviennent que le rôle d'un ministre du Travail est avant tout d'être un peu au-dessus des parties, c'est de savoir conserver sa crédibilité qui est combien importante, tant du côté des employés que du côté des employeurs. C'est tenter de favoriser la conciliation le plus possible comme titulaire et comme responsable de l'application des lois ouvrières au Québec.

La crédibilité du ministre du Travail et député de Sherbrooke est d'ores et déjà entachée. Cela va le suivre pendant de nombreux mois, sinon des années. Elle est entachée par le fait qu'il se soit levé à l'Assemblée nationale, la première fois pour venir passer une loi spéciale. La crédibilité du ministre du Travail est aussi affectée parce que dans ce dossier, on constate que le gouvernement du Parti québécois, que le premier ministre du Québec, que le leader du gouvernement n'ont pas eu confiance dans la conciliation du ministère du Travail. On se rappellera, M. le Président, que la conciliation du ministère du Travail est un échec qui n'a pas été reconnu, mais qui a été dicté ou constaté par le premier ministre et le ministre des Communications, leader du gouvernement. (20 h 50)

On sait que la conciliation a été intensifiée à compter du 15 octobre 1982. On

sait qu'immédiatement après la grève on a procédé à une conciliation spéciale, urgente. On a mis le paquet au ministère du Travail et, à un moment donné, il y a quelqu'un, quelque part dans ce gouvernement-là et probablement très près du premier ministre, qui a dit: Messieurs du ministère du Travail, vous retournez chez vous, ce sont les gros canons, M. Bouchard et M. Jean-Roch Boivin qui arrivent. Eux, ils vont régler ça, ils connaissent ça.

Cela n'est pas de nature, non plus, à ajouter à la crédibilité du ministre du Travail, tout au moins, auprès de ses propres fonctionnaires, des gens avec qui il a à travailler. Ce n'est certainement pas de nature à le rendre plus crédible de l'obliger... Parce que je suis persuadé qu'il a été obligé de le faire; il ne le dira jamais, il n'en conviendra jamais, mais je suis persuadé que tout ministre du Travail qui se respecte n'accepterait pas de présenter, comme premier geste législatif, une loi spéciale comme celle qu'on l'a obligé à présenter aujourd'hui dans ce gouvernement.

Pour toutes ces considérations, je sympathise beaucoup avec lui et je lui souhaite, malgré tout, bonne chance dans son mandat de ministre du Travail. Il a un rôle important à jouer au Québec dans les relations du travail, dans les relations patronales-ouvrières. On sait que la situation n'est pas facile, on sait que les enjeux sont nombreux, mais il ne part pas du bon pied.

En 1979, on a eu une grève de neuf mois à Québec. Pendant neuf mois, les usagers, les citoyens, les citoyennes, les personnes âgées, les étudiants ont eu à souffrir l'inconvénient d'une grève dans le transport en commun, grève légale en vertu des lois ouvrières du Québec. C'est ainsi que la grève qui a duré pendant tout l'hiver pour se régler au mois d'août, si ma mémoire est fidèle, a fait mal au public, à ces travailleurs qui ont perdu un revenu pendant une période très importante.

On se rappellera que, dans ce temps-là, le gouvernement s'était fait reprocher de ne pas être intervenu. On se rappellera que certains citoyens, à juste titre, dans la région de Québec, ont exigé, comme moi, comme député ici, à l'époque, je l'avais exigé du ministre du Travail du temps, qu'il prenne davantage de responsabilités et qu'il s'implique plus dans ce dossier. Dans ce temps-là, vous savez, le PQ disait qu'il possédait un préjugé favorable envers les travailleurs et il n'est pas intervenu. Cela faisait l'affaire du PQ aussi, dans le sens que cette grève de neuf mois a contribué à épargner au gouvernement du Parti québécois, pour la même période, une participation importante dans les déficits de la commission de transport. On a eu cette expérience en 1979. Entre-temps, des grèves dans le transport sont intervenues ailleurs et, à certaines occasions, le gouvernement a dû intervenir par loi spéciale.

Or, depuis l'échéance de la convention entre les chauffeurs d'autobus de la Commission de transport de la Communauté urbaine et la commission, depuis que les moyens de pression ont été amorcés, en août dernier, si ma mémoire est fidèle, les citoyens de la région de Québec appréhendaient cette grève, appréhendaient un conflit et se posaient la grande question: Que va-t-il arriver si une grève est déclenchée dans le transport en commun à Québec?

La grève appréhendée était plus précise depuis la fin de septembre et on se demandait si cela allait se régler, si on allait négocier. On s'interrogeait sur la négociation. On sait qu'il y a eu plusieurs séances de négociation. On sait qu'il y a eu des changements dans les offres qui ont été proposées par la partie patronale. On sait qu'il y a eu des moyens de pression, des affrontements. Mais comment s'expliquer qu'il y ait eu une grève? Le gouvernement, le député de Vanier, certains collègues, certains ténors de la région, députés du Parti québécois, nous diront aujourd'hui: S'il y a eu grève, c'est en raison de l'incohérence de la commission de transport de la communauté urbaine. C'est en raison de cette volonté de s'affronter à nouveau. C'est en raison, dans certains cas - ils ne le diront peut-être pas ici, mais ils nous le diront ailleurs - de la ténacité du syndicat. M. le Président, si nous avons une grève du transport en commun, à Québec, qui perdure depuis le 23 octobre dernier, le seul responsable, selon moi, c'est le gouvernement du Parti québécois et c'est plus particulièrement certains députés de la région de Québec et je vais vous dire pourquoi.

Des voix: Oui.

M. Pagé: M. le Président, dès que les moyens de pression ont été amorcés, le PQ a commencé à s'inquiéter, à s'agiter, à grouiller. Il y a deux déclarations importantes dans ce dossier qui ont été faites et qui, qu'on le veuille ou non, que les péquistes le reconnaissent ou non, ont "positionné" le dossier en direction d'une grève qui était prévisible et inévitable. Le premier ministre du Québec - je réfère au journal Le Devoir du 2 septembre dernier - a dit: "II n'est pas question de permettre à d'autres municipalités ou organismes publics de suivre cet exemple." Il fait référence au règlement des cols bleus à Montréal. "Si des négociations sont en cours - la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec - et sur le point d'aboutir, avant que Québec n'ait dévoilé sa politique, les administrateurs qui pourraient être en cause sont priés de consulter le gouvernement."

Une voix: Dieu le maire!

M. Pagé: M. le Président, si vous êtes responsable, si vous êtes le porte-parole, si vous êtes un maire, si vous êtes à la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec et que vous entendez le premier ministre dire, au lendemain du règlement des cols bleus: Messieurs des autres municipalités, si vous êtes en négociation, venez nous voir avant de signer, qu'est-ce que vous faites? Vous dites: On est appuyé par le gouvernement; on va aller le rencontrer; on va aller au Conseil du trésor; on va aller leur demander ce qu'ils feraient parce qu'ils veulent s'impliquer au niveau des municipalités. C'est une première déclaration qui a "positionné" la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec -c'était logique, c'était explicable - un peu plus loin de la négociation. C'était le 2 septembre.

Les moyens de pression ont continué. Un peu plus tard, on a eu des déclarations dont une déclaration qui, selon moi, est venue fermer les livres de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, et c'est explicable. Quand le président du caucus régional du Parti québécois - c'est le gouvernement - de la région de Québec...

Des voix: Qui?

M. Pagé: M. de Belleval.

Des voix: Ah!

M. Pagé: Le député de Charlesbourg, celui qu'on a désigné comme président du caucus régional, après que le premier ministre l'eut invité à retourner sur les banquettes, comme simple député. Lorsqu'il parle, je présume qu'il parle au nom de ses collègues de la région. Le député de Charlesbourg parle au nom du député de Vanier. Vous êtes député et je présume que, comme député, vous êtes membre du caucus régional. Il parle au nom de ses collègues de la région, soit le député de Vanier, le député de Chauveau qui, tantôt, est intervenu. J'aurais aimé que ce dernier intervienne sur la grève qui touche Transport Chauveau et les 3000 élèves dans son comté qui n'ont pas de transport scolaire. J'aimerais qu'il s'occupe de cela, soit dit en passant. Il parle également au nom de Mme la ministre et députée de La Peltrie et au nom du député de Taschereau. Il déclare: II y a des moyens de pression; il y a un droit de grève qui est acquis; il y a des avis de grève qui ont été envoyés; mesdames et messieurs de la région de Québec, le conflit ne durera pas plus que quelques heures. C'est cela, selon moi, qui a fait que la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec a fermé son dossier et c'est explicable.

Je voudrais bien voir les députés négocier du côté patronal. Tu négocies du côté patronal. Un avis de grève a été envoyé et un membre du gouvernement dit: Cela ne durera pas plus que quelques heures. S'il le faut, le Parlement adoptera une loi spéciale. Qu'est-ce que tu fais comme patron? C'est explicable. C'est justifiable. Ces gens-là étaient accotés par le gouvernement, accotés par le PQ et accotés par Jean-François Bertrand, le petit leader régional, et par le porte-parole, le président du caucus, M. le député de Charlesbourg. On a dit: On ne négocie plus. Il y a eu une grève. La grève a été déclenchée. Le gouvernement accentue la conciliation avec des fonctionnaires du ministère du Travail. Quelques jours après, cela ne saurait durer plus longtemps: On envoie les gros canons. Les gros canons: M. Bouchard, négociateur en chef du gouvernement, M. Boivin, le chef de cabinet, l'alter ego, le vis-à-vis, l'ombrage du premier ministre; on les envoie dans une médiation spéciale comme émissaires avec certains objectifs... (21 heures)

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je considérerais qu'au moins on puisse entendre le député de Portneuf, et j'espère que ses propres collègues le laisseront parler.

M. Pagé: M. le Président, j'en étais à dire que cette grève a été, de façon factuelle, de façon tactique, provoquée par les déclarations irréfléchies, non fondées et téméraires du caucus régional du Parti québécois et de tous les députés qui sont intervenus ce soir, les ténors du droit du public, les ténors qui sont là et qui termineront probablement là-dessus pour jeter le blâme, comme d'habitude, sur les autres, c'est-à-dire la Communauté urbaine de Québec et les maires des municipalités de la région. M. le Président, à quelques jours de la grève, on a sorti les gros canons. L'objectif, c'était de sauver la face, c'était de tenter de faire en sorte qu'il n'y ait pas de loi spéciale et de sauver la face du Parti québécois dans la région.

La Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, dans ce contexte, s'appuyait, premièrement, sur un public qui n'a pas de services, un public qui veut des services et un public qui ne peut qu'être réceptif à une position, à des déclarations de la commission de transport. La communauté urbaine s'appuyait aussi sur des contribuables dans la communauté qui paient des taxes de façon assez appréciable auxquelles on doit ajouter, évidemment, les nombreuses taxes imposées par le gouvernement du Parti québécois, donc, un autre groupe, une autre clientèle qui est susceptible de les appuyer dans leur

démarche. Cette Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec s'appuyait sur les énoncés du gouvernement, sur la déclaration du premier ministre quand il a dit, au lendemain du règlement des cols bleus à Montréal: Les autres municipalités, vous êtes en négociations, venez nous voir. Cette commission de transport s'appuyait sur la déclaration du président du caucus régional de la région de Québec représentant ainsi la voix de deux députés de la région de Québec qui sont membres du Conseil des ministres, le député de Vanier et Mme la députée de La Peltrie et aussi du ministre des Affaires culturelles, député de Montmorency. Dans ce caucus...

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Pagé: ... régional, il y a trois ministres, trois membres du gouvernement qui se réunissent avec d'autres collègues. Le porte-parole, lui, sort de la réunion et dit aux journalistes, tout téméraire qu'il est: Quelques heures. C'est ça, dites-vous bien que quand un patron se fait dire cela, quand un patron, quel qu'il soit, se sait "accoté", comme on dit, par un gouvernement, par des députés, des membres de cabinets qui disent: Une grève, il n'y en aura pas, on va adopter une loi spéciale, il ferme son dossier de négociation. C'est ce qu'il a fait. Le coupable, mesdames, messieurs, c'est le PQ. C'est la responsabilité du gouvernement du Parti québécois, la responsabilité du caucus régional du Parti québécois et c'est la responsabilité du rôle ténébreux, du rôle inquiétant, du rôle téméraire du député de Vanier et leader du gouvernement, M. le Président, qui vient aujourd'hui brailler sur notre épaule en nous disant: Vous savez, une loi spéciale et le service aux usagers. C'est la faute de ces gens là si, depuis le 23 octobre dernier, il n'y a pas de transport en commun dans la ville de Québec, et ces gens vont venir blâmer, parce que c'est toujours la faute des autres, le maire Pageau et le maire Pelletier. Qu'on se rappelle, M. le Président, les remarques, les suppositions, les hypothèses insidieuses de la part de ces gens lorsqu'ils disaient, l'autre matin: II y a eu des propositions, mais elles se sont probablement perdues dans l'Atlantique où est M. le maire de Québec. C'est vrai que M. Pelletier était à Paris, ces jours derniers. C'était dans le cadre de son mandat. À part cela, avec vos groupes qui sont à Paris régulièrement, vous n'avez pas de roches à lancer à personne, et surtout pas au maire de la ville de Québec à cet égard.

Pendant ce temps, M. le Président, le syndicat, lui, a fait sa part. Je ne veux pas tout reprendre ici, parce qu'il me reste peu de temps, mais le député de Sainte-Marie a bien exposé l'effort qu'ont déployé les travailleurs dans cette démarche de négociations parce que partir de 15% et en arriver à 11%, c'est un effort demandé aux travailleurs. Renoncer à l'indexation la deuxième année, c'est un autre effort qui a été demandé et qui a été accepté par les travailleurs. Il y a eu des problèmes de rencontres, des problèmes de versions, des problèmes d'interprétation. Qui a dit quoi? qui a recommandé quoi? quel était l'engagement?

M. le Président, ma position, quant à moi et quant à nous, c'est qu'une commission parlementaire nous aurait permis de réunir tout ce beau monde pour savoir qui disait vrai. Il y a une chose qui est certaine: la loi prévoit 10% et 6%. Le syndicat sera certainement mécontent, parce que le syndicat avait donné sa parole qu'il acceptait 11% et 6%. La Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec sera probablement mécontente, parce que, avec le jugement sévère dont elle a été l'objet de la part du gouvernement, il y a de quoi être mécontente. Malgré qu'il y avait une entente, selon ce qui est reproduit dans le rapport, à 11% et 6%, le gouvernement prévoit 10% et 6%. Nous croyons, que le gouvernement aurait dû, d'une part, scinder le projet de loi pour que les députés aient ce soir, dans un premier temps, à voter sur le retour au travail des chauffeurs de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec. Tous les membres de cette Assemblée veulent que le transport reprenne dans les plus brefs délais. D'un autre côté, il aurait fallu faire voter les députés sur l'à-propos ou non de décréter la convention collective, d'écrire la convention collective à la place des parties dans le projet de loi ou encore qu'on se prononce sur les 10% et les 6%.

Quant à nous, nous croyons que le gouvernement aurait dû écrire dans son projet de loi 11% et 6%. C'est dans ce sens, M. le Président... Oui, écrivez-le. Je vois le député de Vanier qui sort son crayon. Écrivez-le. C'est dans ce sens que, lors de l'étude du projet de loi article par article, nous présenterons un amendement qui visera à faire en sorte qu'à défaut de laisser, au lendemain de l'application de ce projet de loi et du retour au travail des chauffeurs, les parties négocier leur convention, si le gouvernement tient à l'écrire, il devra l'écrire dans ce sens, dans le sens de l'entente qui a flotté quelque part entre les parties où tout le monde, à un moment donné, des deux côtés, aurait convenu que c'était 11% et 6%.

M. le Président, demain, le projet de loi sera adopté, mais le problème fondamental des relations entre les employés et l'employeur, la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, ne sera pas réglé. Est-il normal que les citoyens

de la région de Québec aient vécu cinq grèves? Est-il normal que depuis 1969, les citoyens de la région de Québec aient été privés pendant 328 jours, presque un an, de transport en commun, depuis une douzaine d'années? Non. Le problème ne sera pas réglé. La loi spéciale va être adoptée. Chacun des députés s'en retournera chez lui. Le Parlement va arrêter de siéger pour la journée, malgré que cela a coûté plusieurs dizaines de milliers de dollars et le PQ - et plus particulièrement les porte-parole du Parti québécois de la région de Québec -aura peut-être sauvé son image.

M. le Président, je m'imagine le député de Vanier, parce que les péquistes, comme disait M. Truman lorsqu'il parlait d'un autre politicien à Washington disait: "He lies both sides of his mouth". Les péquistes mentent bien souvent des deux côtés de la bouche. Je m'imagine, M. le député de Vanier qui entre faire son marché le samedi après-midi - son chauffeur l'attend à la porte - et qui rencontre une dame, une citoyenne, usager du transport en commun, lui disant: On vous a réglé cela. C'est nous, du Parti québécois et du gouvernement qui avons imposé la loi spéciale. J'imagine le même député de Vanier qui rencontre la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, MM. les maires, leur disant: Vous nous avez causé des problèmes, mais ils n'ont pas eu leurs 11%. Et je m'imagine le même député de Vanier qui rencontre les syndiqués et qui leur dit: Ils n'ont pas eu leurs trois ans à la communauté urbaine. C'est vous autres ça, des gens qui mentent de chaque côté de la bouche. Je suis persuadé que ce sera ainsi, parce que bien souvent, M. le Président, leurs gestes, leurs politiques sont le résultat de tactiques et de stratégies. Par exemple, mercredi, le Conseil des ministres a reçu le rapport. Mercredi, vous aviez une recommandation pour que le Parlement soit convoqué. (21 h 10)

Dans le passé, vous avez convoqué le Parlement, parfois, une nuit. Je me rappelle que, d'un dimanche à un lundi quelconque, vous avez convoqué la Chambre pour lundi, quatorze heures. Vous auriez pu mercredi convoquer la Chambre pour hier, s'il le fallait. Mais non, vendredi, M. le Président, pour que la nouvelle soit dans les journaux le samedi, pour que ça fasse la nouvelle toute la fin de semaine, pour que le député de Vanier et le ministre du Travail passent auprès du public comme étant ceux qui ont réglé la grève. C'est leur politique de marketing et de communications.

Des voix: Zorro!

M. Pagé: C'est ce que j'avais à vous dire. Encore une fois, je sympathise avec le ministre du Travail - je termine là-dessus, c'est la dernière intervention de notre côté -qui a comme tremplin de carrière comme ministre du Travail de servir d'homme de main du caucus régional du Parti québécois de la région de Québec.

M. Rivest: Un bon départ!

M. Pagé: Je retiens de l'ensemble de cette démarche, de ce problème, de ce gâchis de négociation qu'on a connu, entre autres, pour les citoyens, depuis le 23 octobre, que ce qui a provoqué la grève de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, ce ne sont pas les travailleurs et ce n'est pas nécessairement la commission de transport; ce sont les déclarations de René Lévesque, premier ministre, à l'égard des municipalités et la déclaration, combien téméraire, du caucus du Parti québécois de la région de Québec. La commission de transport a pu s'appuyer sur cette déclaration pour fermer son dossier et ne pas négocier, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, on savait, depuis un certain nombre de jours déjà - à la suite surtout du rapport qui a été déposé par les médiateurs spéciaux du gouvernement, MM. Boivin et Bouchard - que l'ensemble des attitudes adoptées par les dirigeants de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec et de la Communauté urbaine de Québec était marqué au coin de la rigidité et de l'incohérence. C'est écrit en toutes lettres dans le rapport.

Des voix: Jean-Rock.

M. Bertrand: Ce qu'on vient d'apprendre aujourd'hui, en écoutant les porte-parole du Parti libéral, c'est qu'effectivement la même incohérence règne dans leurs rangs. On fait des discours, on attaque à gauche, on attaque à droite et, dans toute la mesure du possible, on essaie évidemment de dire au gouvernement: C'est vous qui êtes les responsables de la grève, c'est vous qui, à toutes fins utiles, l'avez déclenchée. C'est comme si, dans le fond, c'est nous qui conduisions les autobus à la Communauté urbaine de Québec et qui avions pris la décision de ne plus conduire les autobus de la Communauté urbaine de Québec. Le plus drôle de la chose, c'est qu'après avoir dit toutes ces choses-là, ils vont voter pour.

Le ministre du Travail aura la chance de parler tout à l'heure de ces fameuses lois spéciales qu'on a adoptées depuis 1976 pour montrer à quel point le Parti libéral du

Québec tient un discours tout à fait incohérent. Ils passent des heures et des heures à nous dire un paquet de choses pour, finalement, ne pas avoir à se prononcer sur le fond. Mais regardez bien, M. le Président, tantôt, quand vous appellerez le vote, quand vous demanderez aux députés de l'Assemblée nationale du Québec: Êtes-vous pour ou contre le projet de loi no 84 avec tout ce qu'il contient, c'est-à-dire les principes, le fond, êtes-vous, oui ou non, d'accord avec ce projet de loi, ils vont voter oui.

Il y a le député de Louis-Hébert qui fait un discours. On l'écoute et on se dit, à la fin de son discours: Même s'il a été à la Communauté urbaine de Québec pendant un certain nombre de mois en 1979 et qu'il était du côté patronal, forcément, puisqu'il en était le secrétaire, même s'il a vécu ce que c'était à l'époque, aujourd'hui, il faisait un discours dans lequel il n'osait pas trop s'avancer sur le fond du dossier. Des attaques personnelles, ça va toujours, mais parler du fond de la question, parler de ce problème de l'absence de transport en commun en ce moment dans la région de Québec, ça, non. Parce que son discours aurait donné l'impression qu'il appuyait le gouvernement. Mais, quand va venir le temps du vote, tantôt, quand va venir le temps de dire si on est pour ou contre, tous vont dire qu'ils sont pour.

Le député de Sainte-Anne, tantôt, je l'ai entendu dire: On nous force à voter pour votre loi. Il n'est pas forcé, M. le Président. Est-il un homme libre? Se considère-t-il comme un citoyen responsable? Est-il ici, dans ce Parlement, dans cette Assemblée nationale?

M. Polak: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député, je veux vous permettre de bien intervenir pour que tout le monde comprenne. C'est pour cela que je restais debout.

M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, je ne veux pas prolonger le débat, mais je pense vraiment que les paroles dont se sert le ministre sont une insulte. D'abord, il n'a pas besoin de me traiter d'irresponsable. Je voterai pour parce que je suis responsable. Qu'il pose la même question qu'il nous pose à tous ces syndicalistes, à son parti comment il va voter...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader.

M. Bertrand: Vous l'avez remarqué, M. le Président, et je crois que ceux qui nous écoutent ont remarqué que je posais des questions. Je disais: Est-ce que le député de

Sainte-Anne se considère comme un député libre? Probablement que sa réponse est oui. Il me fait signe que oui. Se considère-t-il comme un député responsable? Il me fait signe que oui. Considère-t-il qu'étant ici aujourd'hui à Québec, ayant dû quitter Montréal pour venir à Québec, il a toute la latitude voulue pour poser un jugement sur le projet de loi no 84? Il répond que oui. Donc, quand tout à l'heure le député de Sainte-Anne disait: On nous force à voter pour votre loi, je me demande exactement de quoi il parle. Il peut voter contre.

M. le Président, je pense que ce serait important que vous rappeliez au député de Sainte-Anne qu'il a des droits dans cette Assemblée nationale et qu'il peut voter contre un projet de loi qui est présenté par le gouvernement.

Pour parler d'incohérence, il y a le député de Portneuf qui vient de nous dire, parlant des gens de la Commission de transport et de la Communauté urbaine de Québec, qu'il ne voulait surtout pas un peu trop tapocher, qu'il recommandait 11% et 6%. Il sait par ailleurs que ces mêmes gens qu'il connaît bien, qu'il doit à l'occasion lui aussi fréquenter - j'espère qu'il n'y a pas que le député de Vanier qui fréquente ces gens... Tant mieux pour eux s'ils ont le bonheur de rencontrer à l'occasion le député de Portneuf. Le député de Portneuf sait-il que ces gens qu'il rencontre à l'occasion ne sont pas pour cela, les 11% et 6%? Vous savez cela?

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Bertrand: II a dit, à un moment donné: Les contribuables sont importants là-dedans, il faut en tenir compte. La Commission de transport et la Communauté urbaine de Québec, dans un télégramme envoyé au premier ministre, fait part de cela, de ses inquiétudes de voir les contribuables de la région de Québec payer trop, dans le cadre de ce renouvellement de convention collective. Le député de Portneuf ne se rend pas compte qu'en prenant cette attitude il va effectivement exactement à l'inverse de la position que ces gens qu'il fréquente très souvent lui aussi ont prise, voulant qu'une position de 11% et 6% serait pour les gens de la Communauté urbaine de Québec et de la Commission de transport inacceptable pour les contribuables de la région de Québec.

Autre incohérence, on nous dit: Les députés péquistes de la région de Québec ont réagi trop vite. Ils se sont avancés. S'étant avancés, ils ont à toutes fins utiles empêché qu'il y ait une négociation. Ils ont à toutes fins utiles empêché M. Pageau, président de la Communauté urbaine de Québec, et M. Bouchard, président de la Commission de

transport, de véritablement discuter, négocier avec d'une part le conciliateur nommé par le ministre du Travail pour aller les rencontrer, et d'autre part avec les deux médiateurs spéciaux nommés par le Conseil des ministres, MM. Boivin et Bouchard. Or, assez curieusement, lorsque les médiateurs ont été nommés, le président de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, M. Léonce Bouchard, accordait une entrevue au Soleil du vendredi, 29 octobre 1982. On y lit: La CTCUQ espérait une solution plus rapide. Et puis, il dit: Nous sommes prêts à travailler avec les deux médiateurs envoyés par le gouvernement. Nous sommes prêts à travailler. Le député de Portneuf dit: Ces gens n'accepteront jamais, puisque maintenant le caucus des députés du Parti québécois de la région de Québec a dit que, quant à lui, il ne saurait tolérer qu'on fasse revivre à la population le même cauchemar que celui qu'elle a vécu en 1979, qu'on ne saurait tolérer une grève qui durerait des mois ou des semaines et que c'était une question de jours et d'heures, quant à nous. Cela a été dit, effectivement. Dans ce contexte, le député de Portneuf dit: C'est évident, la commission de transport n'acceptera pas de négocier. Or, le président de la commission de transport dément ce que dit le député de Portneuf, lorsqu'il dit: Nous sommes prêts à travailler...

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bertrand: ... avec les deux médiateurs envoyés par le gouvernement. Il ajoute: Nous avons d'ailleurs déjà commencé les rencontres et la commission de transport de la Communauté urbaine de Québec va continuer à donner son entière collaboration.

Le député de Portneuf, encore une fois, fait preuve d'incohérence au moment où il dit qu'il n'y aura pas possibilité de faire en sorte que les médiateurs spéciaux puissent travailler avec l'une ou l'autre partie. Il se fait dire finalement, aux propos qu'il vient d'émettre, par le président de la commission de transport, qu'effectivement, cette question était pour eux, valable, c'est-à-dire de rencontrer des médiateurs spéciaux et de négocier avec ces médiateurs spéciaux. C'était après les déclarations qui avaient été faites par l'un ou l'autre des représentants du caucus des députés du Parti québécois de la région de Québec.

Autre incohérence, on nous dit: Vous auriez dû attendre, vous auriez dû laisser aller la libre négociation, vous auriez dû laisser la commission de transport se débrouiller avec la partie syndicale et les laisser toutes les deux s'assurer qu'elles pourraient se rapprocher d'elles-mêmes ou avec l'aide, si nécessaire, si besoin est, à leur demande ou sans leur demande, d'un conciliateur nommé par le ministre du Travail.

Il faut savoir une chose, M. le député de Portneuf, c'est qu'en 1979 - j'ai relu effectivement les questions que vous aviez posées au premier ministre, au ministre du Travail, pour que le ministère du Travail s'engage dans le dossier - Je me rappelle très bien que vous disiez qu'il fallait que le gouvernement fasse quelque chose, qu'il fallait que le gouvernement bouge. Maintenant, le gouvernement bouge et on se fait reprocher de bouger. Le gouvernement prend ses responsabilités et on nous dit: Vous auriez dû attendre, vous auriez dû laisser passer le temps. La preuve en est une déclaration qui a été faite par deux de vos collègues, M. le député de Portneuf. Et à peu près à la même période que les déclarations dont vous avez parlé et qui ont été faites effectivement par des députés du Parti québécois de la région de Québec. Vos deux collègues, ce sont le député de Louis-Hébert et le député de Jean-Talon, qui sont tous deux députés dans des circonscriptions électorales où, normalement, il y a un service de transport en commun.

Et tous les deux, qu'est-ce qu'ils disaient, pas hier, pas avant-hier, le lundi 25 octobre? Savez-vous quand cette déclaration a été faite, M. le député de Portneuf? Deux jours après le déclenchement de la grève, deux jours. Avant même que le député de Charlesbourg, dont on parlait tantôt, ait fait sa déclaration en disant que cela ne saurait durer plus de quelques jours.

Une voix: Quelques heures, pas quelques jours.

M. Bertrand: Mettez le titre du Soleil que vous avez devant vous, deux ou trois jours, selon le député de Charlesbourg. Deux ou trois jours, disait-il. Vous avez le titre du Soleil, vous me l'avez montré tout à l'heure.

Deux jours après le déclenchement de la grève, le député de Jean-Talon et le député de Louis-Hébert étaient interrogés par un journaliste, n'échappant pas eux aussi, cela va de soi...

Une voix: ... un communiqué.

M. Bertrand: Ah! par un communiqué? Eh! mes aïeux, c'est encore plus officiel. Ils n'ont même pas attendu que les journalistes les appellent. De leur propre chef, de leur propre initiative...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader, je m'excuse. S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. le leader.

M. Bertrand: ... ils émettent un communiqué et celui-ci est repris par les

journalistes. Qu'est-ce que ça donne?: "De leur côté, les deux députés libéraux, Jean-Claude Rivest et Réjean Doyon sont intervenus dans le dossier."

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Bertrand: Tout à l'heure, le député de Brome-Missisquoi, le député de Sainte-Anne, le député de Louis-Hébert, le député de Portneuf m'ont fait beaucoup de publicité en disant: Le député de Vanier pourra se promener et dire que, par ses interventions, par ses déclarations, l'Assemblée nationale a finalement été convoquée, on a passé une loi spéciale et les gens vont retrouver leurs autobus dimanche. On m'a fait beaucoup de publicité et pas mal trop, à part cela.

M. Lalonde: Ah non! M. Bertrand: Ah oui! Une voix: Vous en méritez.

M. Bertrand: S'ils étaient vraiment honnêtes, ils devraient rendre au moins témoignage aux autres députés du caucus du Parti québécois de la région de Québec qui, eux aussi, en équipe, ont pris leurs responsabilités. Ils devraient rendre témoignage au Conseil des ministres qui, en équipe, par solidarité, a pris la décision de présenter une loi spéciale.

Comment se fait-il que le député de Brome-Missisquoi n'ait pas rendu hommage à son collègue le député de Jean-Talon, comment se fait-il qu'il n'ait pas rendu hommage à son collègue le député de Louis-Hébert, qui sont intervenus dans le dossier, deux jours après le déclenchement de la grève?

Une voix: Pour dire quoi?

M. Bertrand: Pour dire quoi? Selon eux, le gouvernement doit agir rapidement. Oh!

Des voix: Ah! Ah! M. Guay: La libre négociation. M. Bertrand: La libre négociation. Une voix: Qu'est-ce qu'on en fait? M. Rivest: Question de privilège.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant, M. le député! S'il vous plaît!

Une voix: Quel privilège?

Une voix: Le privilège de député.

Une voix: Bouf!

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. le député de Jean-Talon, sur une question de privilège.

M. Rivest: M. le Président, il est tout à fait exact que mon collègue de Louis-Hébert et moi-même avons émis un communiqué qui demandait au gouvernement d'agir sans délai. Le communiqué disait bien: "par les voies de la médiation - c'est-à-dire par les services du ministère du Travail - ou par les voies de l'Assemblée nationale, si le ministère du Travail manifestait le signe d'incompétence qu'il manifeste depuis quelque temps dans le domaine des conflits."

Une voix: Très bien!

M. Bertrand: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: ... vous voyez l'incohérence de ces gens-là. On s'est fait dire par le député de Brome-Missisquoi et par d'autres ensuite que parce que nous avions réagi rapidement, nous avions probablement nui à toute la négociation qui, par la suite, a eu lieu ou avec le conciliateur ou avec les médiateurs spéciaux.

Or, les deux députés libéraux de Louis-Hébert et de Jean-Talon ont dit que selon eux, le gouvernement doit agir rapidement, par le biais du ministre du Travail. Et effectivement, le ministre du Travail a mandaté son conciliateur pour s'assurer qu'une dernière tentative serait faite. Le ministre du Travail a fait rapport au Conseil des ministres que le conciliateur lui faisait rapport à savoir qu'il n'était pas possible d'en arriver à un rapprochement. Les deux députés libéraux ajoutaient: "Le gouvernement doit agir rapidement soit par le ministère du Travail ou, encore, par l'Assemblée nationale pour rétablir le service et assainir les relations du travail à la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec." (21 h 30)

Vous avez là, M. le Président, de beaux exemples d'incohérence...

Une voix: Un trou de mémoire.

M. Bertrand: ... dont nous ont fait la démonstration, cet après-midi, des députés libéraux qui tiennent un langage... Quand il faut faire le petit discours pour meubler les quelques heures parce qu'ils sont ici, à l'Assemblée nationale, et qu'il faut bien qu'ils disent quelque chose sur le projet de loi no 84, ils tiennent un petit discours et on dit: Avec un discours comme celui-là, c'est évident qu'ils vont voter contre le projet de

loi. Remarquez bien cela, M. le Président. Tantôt, vous allez appeler le vote, vous les verrez se lever et ils vont voter oui.

Une voix: Attention!

M. Bertrand: C'est vrai, on ne sait plus. Depuis que oui veut dire non et que non veut dire oui, on ne sait pas exactement.

Une voix: Ils vont s'abstenir.

Une voix: C'est dans le dictionnaire, oui.

M. Bertrand: Puis, ils ont fait la preuve de leur incohérence en prenant des attitudes. Tantôt, on crie au gouvernement: Vous nous forcez et, après, on dit, en faisant signe que oui: Non, je suis un député libre, vous ne me forcerez pas; je voterai comme je voudrai. Ensuite, on tient des discours qu'on a tenus, comme celui du député de Portneuf, mais on ne réalise pas du tout qu'en faisant ce genre de proposition, on va exactement à l'inverse de toute une série d'attitudes et de commentaires qui ont été faits par des gens dont il dit que, nous les députés du Parti québécois, on se serait amusés, au cours des derniers jours, à les talocher.

Or, qu'avons-nous fait effectivement? Nous avons reçu, mercredi, un rapport qui a été écrit par M. Jean-Roch Boivin et par M. Lucien Bouchard.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Bertrand: Ce rapport dit, à la page 8: "Nous avons même eu l'espoir de voir les parties conclure ce règlement lorsque le président de la Communauté urbaine de Québec, M. Pageau, et le président de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, M. Bouchard, nous ont déclaré, hier soir, à l'issue de notre dernière rencontre, qu'ils recommanderaient - les mots sont importants, M. le Président - à leurs 29 collègues du conseil de la Communauté urbaine de Québec, l'acceptation de la dernière proposition syndicale que leur avait transmise M. Donatien Corriveau lui-même." Dans les heures qui ont suivi, on a appris... J'en sais quelque chose parce que, mercredi matin, vers 10 heures, j'ai reçu à mon bureau le président de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec, le président de la Communauté urbaine de Québec et quelques maires de certaines municipalités.

Une voix: Pourquoi pas en commission parlementaire?

M. Bertrand: Et ces gens-là, entre autres, MM. Pageau et Bouchard, m'ont dit que, non, ils n'avaient pas pris d'engagement...

Une voix: Ah!

M. Bertrand: ... devant MM. Boivin et Bouchard, à savoir qu'ils allaient recommander l'acceptation de la proposition syndicale de 11% et 6% pour 1982 et 1983. De temps en temps, on l'a dit de l'autre côté: c'est vrai qu'il m'arrive très souvent d'être au petit écran...

Des voix: Ah!

M. Bertrand: Mais, heureusement, je me garde quand même quelques heures pour regarder le petit écran.

Une voix: ... fort.

Des voix: Ah!

M. Bertrand: Un à zéro.

Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le leader.

M. Bertrand: Un à zéro pour le député de Jean-Talon, M. le Président.

Hier, le président de la Communauté urbaine de Québec, M. Pageau, a dit exactement ceci, parlant de la fameuse soirée du mardi et de la rencontre avec MM. Bouchard et Boivin: Ce qu'on s'était engagé à faire, c'est ceci - je cite textuellement M. Pageau: "On va transmettre les informations que vous nous avez données." C'est pas mal différent de ce qui est écrit dans le rapport des médiateurs spéciaux qui disent que MM. Bouchard et Pageau s'étaient engagés à recommander à leurs 29 collègues l'acceptation de la dernière proposition syndicale. M. Pageau, en conférence de presse, dit: On s'était engagé à transmettre les informations. Aujourd'hui, j'ai remis aux membres de l'Assemblée nationale un texte de M. Lucien Bouchard, qui a été écrit hier à la suite de la conférence de presse qui a été tenue par M. Pageau et ses collègues et aussi à la suite du télégramme envoyé au premier ministre par la Communauté urbaine de Québec et la commission de transport. À la page 2 de ce document, M. Lucien. Bouchard écrit ceci: "Une autre contradiction constatée dans le comportement de la commission de transport se manifeste dans l'annonce faite aujourd'hui - c'était hier -que le rejet patronal de la proposition syndicale à 11% et 6% pour les années 1982 et 1983 avait été voté unanimement. Il est certain, écrit M. Lucien Bouchard, que MM.

Pageau et Bouchard, interrogés séparément et spécifiquement sur la question mardi soir, ont expressément déclaré qu'ils recommanderaient le règlement du litige sur cette base de 11% et 6%, M. Pageau précisant lui-même qu'il était en train de préparer ses arguments de vente."

En effet, nos médiateurs étaient là et leurs vis-à-vis, M. Marcel Pageau et M. Léonce Bouchard étaient assis. À un moment donné, M. Marcel Pageau était en train de griffonner des notes et notre médiateur spécial lui demande: Qu'est-ce que vous êtes en train de faire? 11 dit: Je suis en train de préparer mes arguments de vente.

Le lendemain, à 7 h 30, lors de la réunion du conseil de la Communauté urbaine de Québec, vous avez deux personnes qui avaient pris des engagements, dont l'une était même en train d'écrire ses arguments de vente, qui arrivent devant le conseil de la Communauté urbaine de Québec avec le résultat final que l'on connaît: c'est qu'ils ont voté unanimement contre la proposition syndicale de 11% et 6%. Cela, je n'ai pas besoin de vous dire, M. le Président, que c'est une attitude qui méritait d'être dénoncée, comme elle l'a été, par les deux médiateurs spéciaux qui ont écrit, et je pense que cela mérite d'être rappelé: "Nous devons conclure que les représentants syndicaux ont déployé durant notre intervention des efforts sérieux pour se rapprocher d'une zone de règlement avec la commission. Nous aimerions pouvoir en dire autant de la CTCUQ qui, dans l'ensemble, a adopté une position très rigide et, à certains égards, plus ou moins cohérente."

Pas besoin de vous dire, M. le Président, que, dans un contexte comme ça, au-delà du projet de loi qui est devant l'Assemblée nationale, au-delà de cette proposition qui est contenue dans le projet de loi no 84, c'est-à-dire 10% pour 1982, 6% pour 1983 avec une formule d'indexation par montant forfaitaire, s'il y a une chose qui est claire, c'est que le rapport qui a été écrit par MM. Boivin et Bouchard et qui, effectivement, engage leur crédibilité est lourd de conséquences pour des gens qui probablement, aux yeux de l'opinion publique, passaient toujours pour être de bonne foi au niveau de la négociation, alors que d'autres, finalement, quand on écoutait les lignes ouvertes, qu'on lisait les lettres dans les journaux ou qu'on recevait des appels dans nos bureaux de comté, se faisaient matraquer continuellement dans l'opinion publique. S'il y a quelque chose qui est révélateur dans ce rapport, c'est que deux personnes qui en ont vécu, des relations du travail, pendant une bonne partie de leur vie, qui ont connu des conflits bien plus difficiles à régler, très souvent, que celui auquel ils ont été confrontés au cours de la dernière semaine, ces gens qui en ont vu d'autres ont écrit des choses qui vont très directement dans le sens de noter ou de faire noter à la population que, s'il y a eu de la bonne foi manifestée, cela a été par la partie syndicale et, s'il y a eu de la rigidité et de l'incohérence, cela a été du câté patronal. (21 h 40)

On sait les prochaines négociations qui viendront pour la troisième année de la convention collective. À Montréal, finalement, la convention est pour deux ans. Elle va se terminer à la fin de 1983 et à Québec, sur la base de notre projet de loi, elle est aussi pour deux ans. Elle va finir à la fin de 1983. Finalement, il y aura là un document qui aura démontré à l'évidence à la population qu'il y a des gens qui avaient manifesté certainement beaucoup plus de souplesse que certaines autres personnes. Dans ce contexte, je ne peux que réitérer qu'évidemment la meilleure façon de régler toute cette question était d'en arriver à un règlement négocié. C'est clair. Tout le monde - la partie syndicale, la partie patronale, la population, les élus, les députés, les ministres, peu importe - aurait souhaité un règlement négocié. Mais, quand on sent que ce règlement ne peut plus être négocié, parce qu'il y a, d'un côté, un braquage et qu'en fin de compte on est pris dans une situation de blocage complet, c'est le rôle du gouvernement, des députés du Parti québécois de la région de Québec et du Conseil des ministres de faire en sorte que l'Assemblée nationale soit convoquée aujourd'hui et qu'effectivement on permette à la population de retrouver son service de transport en commun.

On aurait préféré, M. le Président, que les deux parties en viennent à une entente. Je réitère, malgré les facéties du député de Sainte-Anne tout à l'heure, qu'effectivement, on est passé tout près d'une entente, mais que, comme l'ont dit nos médiateurs spéciaux, cette entente n'a pas été possible à cause de l'attitude rigide et incohérente adoptée par les dirigeants de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec. C'est pourquoi, même si ce n'est pas nécessairement la meilleure façon de procéder, nous allons adopter le projet de loi 84. Malgré tous les discours que vous avez tenus, malgré toutes les attaques que vous avez pu faire à l'endroit d'un bon nombre de députés de ce côté-ci de la Chambre, malgré - comment dirais-je? - la confusion ou l'incohérence qui ont pu régner dans l'ensemble des propos que vous avez tenus de l'autre côté de la Chambre, vous allez, tout à l'heure, comme vous l'avez fait dans bien d'autres situations, voter en faveur de cette loi spéciale, parce que, finalement, vous vous rendez bien compte que la population de Québec et de la région de Québec n'attend rien de moins de ses élus à l'Assemblée nationale, qu'ils prennent leurs responsabilités

quand il y a un blocage ou un braquage au niveau de la négociation à la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Fernand Lalonde

M. Lalonde: M. le Président, après ces quelques heures de débat, il me reste seulement un certain nombre de réflexions à faire. La première serait que la faiblesse de l'argumentation du gouvernement vient du fait qu'elle s'appuie sur un rapport des médiateurs spéciaux dont l'un est le chef de cabinet du premier ministre, un homme éminemment politique. Généralement, lorsqu'on invoque un rapport pour justifier un geste politique, on s'empresse d'abord de souligner la compétence de ceux ou de celles qui ont préparé le rapport, qui ont fait l'étude et le caractère d'indépendance des auteurs à l'égard du gouvernement. Deuxièmement, je dois reconnaître, dans l'espèce de dialogue de sourds que nous avons entendu, que le refus de la part du leader du gouvernement de tenir une commission parlementaire qui aurait pu entendre les travailleurs, les représentants de la CUQ, de la commission de transport et aussi les fameux médiateurs spéciaux. Ce refus est un écueil énorme dans nos débats et dont les conséquences ne seront mesurées que plus tard.

Troisièmement, ce que je retiens de ce débat - et je remercie surtout les députés libéraux qui ont su faire ressortir cet élément extrêmement important - c'est que le gouvernement est responsable de la crise dans les négociations que nous devons régler ce soir.

Quatrièmement, ce que le leader du gouvernement ne comprend pas - entre autres - c'est que, quand deux députés de l'Opposition demandent au gouvernement d'agir, même par le Parlement, c'est une demande, c'est une pression, c'est une expression, c'est une façon de faire avancer les choses. Mais quand trois ministres, membres d'un caucus régional, s'engagent à mettre fin à une grève après quelques heures, c'est un engagement gouvernemental. C'est ce que le leader du gouvernement n'a pas encore compris, M. le Président.

Cinquièmement, pour le Parti libéral du Québec, le service de transport en commun à Québec doit être rétabli sans délai.

Sixièmement, nous sommes contre l'intervention de la loi dans les conditions de travail et de salaire. Or, M. le Président, les deux principes sont contenus dans la même loi. Cette loi devrait être divisée pour nous permettre de voter exactement suivant notre intention. Si le gouvernement respectait les députés de cette Chambre, il le ferait de son propre chef. Il ferait une loi, en faveur de laquelle nous voterions, pour rétablir sans délai le service de transport en commun à Québec, et une autre loi, contre laquelle nous voterions, qui impose les conditions de travail et de salaire et qui brime la liberté des négociations.

M. le Président, la question de la division du projet de loi est posée. Je sais que la motion d'urgence qui a été adoptée enlève l'application des articles 87 et suivants, qui touchent la division d'un projet de loi. De toute façon, même si ces articles s'appliquaient, nous ne pourrions pas, ici, demander la division du projet de loi en deuxième lecture. La seule façon de le faire - je sais que le député de Sainte-Marie, qui m'écoute actuellement, a des préoccupations semblables, parce qu'on en a discuté - ce serait d'invoquer l'article 152, qui nous permettrait de dire à une commission élue, qui étudierait le projet de loi article par article: Divisez-le. Or, il y a deux écueils. Premièrement, ça prend une motion annoncée - ce que nous n'avons pas le loisir de faire, vu l'urgence - deuxièmement, il n'y aura pas de commission élue, ce sera en comité plénier - d'après la motion du leader du gouvernement - que l'étude article par article se fera dans quelques minutes.

(21 h 50)

Je ne sais pas si le leader du gouvernement comprend le problème. Je m'excuse, je ne veux pas être arrogant à son égard, mais l'accueil hautain que ma demande de commission parlementaire a reçu dans sa tête m'inspire un certain doute quant à sa capacité de comprendre un peu le problème. Ici, nous avons une loi spéciale -toutes les lois sont spéciales, mais celle-là l'est un peu plus. Vous avez considéré l'importance, l'urgence de réunir 122 députés. J'espère que vous allez considérer la possibilité de leur permettre de voter honnêtement, suivant leur conscience. En divisant votre projet de loi, cela nous permettrait de voter pour le principe du rétablissement du service et contre l'imposition des conditions de travail et de salaire. Si vous ne le faites pas, si vous ne divisez pas le projet de loi, je vous dis d'avance que nous allons quand même voter pour le projet de loi. Je vous mets en garde contre une interprétation démagogique comme celle que vous avez faite tout à l'heure de notre vote. Ce n'est pas un appui au gouvernement qui s'est conduit comme un enfant en culottes courtes là-dedans, comme le leader du gouvernement d'ailleurs. Notre vote n'est pas un appui au gouvernement. Notre vote est un appui à la population de la ville de Québec, de la Communauté urbaine de Québec simplement. C'est cela notre vote.

M. le Président, il y a un individu qui

vient de s'ajouter au décor qui se présente devant moi et qui fait du bruit. Je demande ceci au leader du gouvernement: Va-t-il accepter - il peut le faire immédiatement, sans difficulté de formalité - de diviser le vote en deux? Je l'invite à le faire. S'il ne le fait pas, je le mets en garde contre les déclarations comme celles qu'il vient de faire. C'est de la démagogie qui ne fait pas avancer le débat. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je comprends que le ministre du Travail s'apprêtait à utiliser son droit de réplique, mais j'aurais une demande de directive à vous adresser. Cela pourrait, dans le fond, être transformé en question au leader du gouvernement, s'il me le permet. Dans mon intervention - le leader de l'Opposition vient de le rappeler - j'avais annoncé que je ferais une motion pour que le vote se prenne en deux parties. Je constate effectivement que la jurisprudence et l'application des articles 87 et 88 ne me permet pas de faire une motion comme telle. Je pourrais cependant lors de l'étude en comité plénier ou si on allait en commission, je pourrais, si j'ai bien compris, faire la discussion article par article, avant d'aller en commission faire une motion pour demander que la commission étudie cela de façon scindée. Comme on va se transformer en plénière, je n'ai donc plus la possibilité de faire ce genre de motion que les articles 87 et 88 du règlement m'auraient permis de faire. Par ailleurs, je pourrais, lors de l'étude article par article, à partir du moment où il y aurait eu trop de rigidité, prendre beaucoup plus de temps pour essayer de voir sur quels articles je pourrais introduire ma motion de scinder. Je préfère beaucoup plus m'adresser au leader du gouvernement et lui demander ce qu'il a à perdre à me permettre d'indiquer, comme député, quelle est mon intention quant à la reprise du service de transport à la population et d'indiquer dans un deuxième temps mon désaccord éventuel - parce qu'on ne sait pas comment cela va tourner - sur le contenu. Cela ne changerait rien à la position finale. Le gouvernement aurait sa loi, le député de Vanier aurait sa loi, mais j'aurais eu au moins, moi, la possibilité comme parlementaire de faire la distinction quant à mes orientations. Cela ne change rien quant au résultat final pour le leader du gouvernement. Pourquoi n'accepterait-il pas de faire preuve de moins de rigidité? La rigidité qu'il dénonçait tantôt, ne pourrait-il pas pour nous, les parlementaires, nous permettre de faire un vote scindé, donc de prendre deux votes sur cette question? Je lui adresse la question avant que le ministre du Travail ne fasse son intervention de réplique.

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Bisaillon: M. le Président, c'est du mépris...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader du gouvernement...

M. Bertrand: M. le Président, vous savez de quelle façon les débats doivent se dérouler à l'Assemblée nationale. Il y a un débat en ce moment en deuxième lecture. S'il devait y avoir quelque annonce que ce soit ou quelque décision que ce soit, je pense qu'on peut très bien la rendre après que le débat en deuxième lecture soit terminé, c'est la moindre des choses, avant le vote.

Le Président: M. le ministre du Travail. M. Raynald Fréchette (réplique)

M. Fréchette: M. le Président, vous allez me permettre, à la fin de ce débat en deuxième lecture, de remercier les collègues qui d'un côté et de l'autre de la Chambre, y ont participé. Bien sûr, nous avons entendu des interventions qui, à bien des égards, sont très éloignées les unes des autres; mais ce qui étonne, d'après ce qu'on a entendu au cours de l'après-midi, c'est que malgré ces divergences d'opinions à bien des égards, sous bien des chapitres, il semble que nous nous apprêtions à voter à l'unanimité, sinon à une très forte majorité, en faveur du projet de loi.

Et à cet égard, j'ai un peu de difficulté à m'expliquer le rationnel qui est suivi par les députés de l'Opposition. Ils ont plaidé avec véhémence quant au fond de la loi pour dire - je retiens les propos, en particulier, du député de Sainte-Anne et de quelques autres - qu'il s'agissait d'un projet de loi inique, un projet de loi barbare, absurde et, malgré tout cela, à la fin du compte, on arrivait avec une conclusion dans laquelle on disait: Nous allons voter pour le projet de loi.

M. le Président, cela ressemble étrangement à une situation que j'imagine et qui pourrait être de la nature suivante. Je suppose que deux parties, un demandeur et un défendeur, se présentent devant un tribunal. Le demandeur ayant une cause à plaider, il la défend au meilleur de ses connaissances, avec l'argumentation qu'il a et il s'attend évidemment que l'adversaire qui est près de lui, qui est devant le tribunal pour soumettre de l'argumentation... le demandeur, dis-je, s'attend évidemment que le défendeur, de façon aussi énergique que nos collègues d'en face l'ont fait, de façon aussi convaincante, maintienne devant le tribunal que l'action doit être rejetée. Et le président du tribunal ne s'attend pas à autre chose que cela. Mais dans le cas qui nous

préoccupe, M. le Président, c'est exactement la situation inverse à laquelle on fait face. Des gens qui, devant un tribunal, plaideraient avec conviction dans un sens mais qui, arrivés à la conclusion diraient: Malgré toute l'argumentation que l'on vient de développer, malgré ce que l'on vous a dit, malgré le fait qu'on ne puisse pas accepter les principes mis de l'avant par la demanderesse, on vous demande quand même de maintenir l'action. On vous demande quand même de donner gain de cause à la partie demanderesse devant le tribunal. Or, M. le Président, c'est ce rationnel que j'ai un peu de difficulté à m'expliquer et qui crée les mêmes embêtements à plusieurs membres de cette Chambre.

Vous savez, ce n'est pas la première fois qu'on se retrouve devant une situation semblable. Chaque fois qu'une occasion comme celle-là s'est présentée, on a fonctionné un peu en vertu du même processus. Pourtant, M. le Président, quand vous relevez les votes qui ont été pris dans des occasions de même nature, vous retrouvez les résultats suivants: 21 juin 1982, 81 députés pour la loi, un contre: 15 janvier 1982, pour 73, contre 0; 24 mars 1980, pour 52, contre 0; 12 novembre 1979, pour 81, contre 1 (le député de Sainte-Marie) et une abstention; 18 décembre 1979, pour 88, contre 0. C'est ce rationnel, encore une fois, que j'ai un peu de difficulté à m'expliquer par rapport à l'argumentation que l'on développe et à la conclusion à laquelle on arrive. Quoi qu'il en soit, c'est comme ça et il faut accepter la situation telle qu'elle est. (22 heures)

M. le Président, à la fois le député de Brome-Missisquoi et le député de Louis-Hébert se sont interrogés sur le rôle du ministre du Travail dans le présent conflit. Je n'irai pas jusqu'à ironiser et à vous dire que c'est dans un ou plusieurs dictionnaires qu'on peut découvrir la description de tâches d'un ministre du Travail. Ce n'est pas là que cela se retrouve. Le rôle du ministre du Travail peut varier suivant la conception de celui qui occupe la fonction, mais il y a, par ailleurs, des principes, me semble-t-il, fondamentaux qui doivent être retenus par tous.

En première instance, il me semble que le rôle du ministre du Travail est, d'abord, de s'assurer que les lois qui sont sous sa juridiction soient appliquées. Il doit aussi -et dans le cas qui nous occupe, je l'ai dit dans mon intervention principale, cela a été fait - mettre à la disposition des parties à la fois les expertises humaines et les expertises de toute autre nature qui peuvent exister à l'intérieur d'un service comme celui-là, mettre à la disposition des parties les mécanismes qui sont prévus par la loi. Mais il me semble, M. le Président - et le député de Louis-Hébert peut avoir une conception différente, le député de Brome-Missisquoi également - qu'il n'appartient pas au ministre du Travail de négocier en lieu et place des parties. Il n'appartient pas au ministre du Travail, personnellement, en tout cas, d'intervenir à l'intérieur d'un mécanisme de négociation qui suit son cours normal. Dans le présent conflit, au meilleur de ma connaissance, c'est le rôle que j'ai tenté de jouer.

Le député de Jean-Talon s'est interrogé sur ce rôle qu'avait effectivement joué le ministère du Travail dans le présent cas. Peut-être n'était-il pas là lorsque nous avons amorcé l'étude du projet de loi, mais il me semblait que j'avais donné dans le détail, avec autant de précisions que c'était possible, les activités auxquelles s'était livré le ministère du Travail dans ce cas-ci.

Je vous dirai, M. le Président, que depuis le 11 juin 1982, date à laquelle la commission de transport a demandé la conciliation, le ministère du Travail, à tous égards et à tout moment, a été à la disposition des deux parties. Il y a eu de nombreuses séances de conciliation, on le sait, je ne reviendrai pas sur le détail. Des efforts ont été tentés par ceux qui étaient affectés au dossier pour arriver à une conclusion négociée. Dans l'exécution de leur mandat, eux comme d'autres, par la suite, ont constaté que c'était, à toutes fins utiles, une impasse quasi totale.

C'est sans aucune espèce d'hésitation -je pense que les deux parties pourraient le corroborer - que je vous dis que la disponibilité des experts du ministère du Travail a été totale depuis le début du conflit et ils ont, à tous égards, encore une fois, accompli leur mandat.

M. le Président, le député de Jean-Talon a aussi amorcé une réflexion qui a retenu mon attention. Il est allé exploiter certaines choses sur lesquelles, me semble-t-il, il nous faut, de toute évidence, nous pencher, non seulement comme gouvernement, mais comme société en général. Plusieurs évaluent, à tort ou à raison, mais ils l'évaluent dans ce sens-là, qu'après que nous aurons traversé cette période qu'il est convenu d'appeler une crise la situation de la société québécoise dans son ensemble ne sera plus jamais la même. La situation ne sera plus jamais comparable à celle que nous avons connue depuis 20, 30 et plus de 40 ans. Si, effectivement, ce doit être cela, si ce que nous sommes en train de vivre maintenant doit déboucher sur une situation qui ne sera plus socialement jamais la même, il me semble - dans ce sens-là, je rejoins l'opinion du député de Jean-Talon -que cela va nous obliger comme gouvernement, bien sûr, mais comme société aussi, à repenser ce qu'on pourrait qualifier de "notre contrat social" et, par voie de conséquence, bien sûr, la philosophie qui doit

prévaloir dans nos relations du travail.

M. le Président, il me semble que le jour où la population du Québec n'aura plus confiance ni dans ses gouvernements, quels qu'ils soient, municipal, provincial, fédéral, ni dans les syndicats, ni dans le patronat, ni dans les autres structures conventionnelles de la société, il n'y aura pas beaucoup de distance à franchir pour nous demander, si ce jour devait arriver, si nous n'allons pas vers l'éclatement de cette société.

M. le Président, c'est très sommaire comme réflexion, mais il me semble que la circonstance est appropriée pour soulever un aspect de cette nature. En quelque sorte, je suis l'un de ceux qui pensent qu'à tous égards, dans la société, il va falloir penser à nous rajuster à un moment donné. C'est un défi, bien sûr. C'est un défi qui, par surcroît, n'est pas simple, mais si on réussit à le relever - je pense qu'on est capable de le faire - nous aurons, comme société, réalisé de grands progrès.

Je vous donne un seul exemple de ce à quoi je peux penser dans le champ d'application stricte des relations du travail. Ceux d'entre nous qui ont quelque expérience du processus de la négociation des conventions collectives, ceux qui ont quelque expérience - il y en a beaucoup - de la philosophie des relations du travail, ceux-là savent très bien - c'est un exemple que je donne - qu'il peut arriver que des conflits de travail procèdent strictement d'une atmosphère qui existait en cours de convention. On a souvent vécu des situations qui ont fait que, si en cours de convention les parties entre elles avaient réussi à mettre en place des relations humaines, des relations de communications, des "relations sociales" - entre guillemets - qui auraient été dans la limite de la normale, plusieurs conflits de travail ne se seraient jamais produits, M. le Président, plusieurs difficultés dans le domaine des relations du travail ne se seraient pas présentées, du moins de la façon que cela a été fait et qu'on a connue à plusieurs occasions. (22 h 10)

M. le Président, à cet égard - et je réitère qu'il s'agit purement et simplement d'un exemple qui pourrait peut-être nous permettre d'amorcer plus en profondeur cette réflexion - si, par exemple, les parties impliquées dans les relations du travail - le ministère du Travail, le gouvernement -faisaient ensemble cette réflexion et tentaient ensemble de mettre sur pied un mécanisme qui serait à la disposition des parties pour voir ponctuellement, à la demande des parties dans bien des cas, s'il n'y a pas lieu d'améliorer les conditions de vie, s'il n'y a pas lieu d'améliorer l'application d'un contrat collectif de travail par une espèce de consultation entre les parties, par une espèce de demande auprès de ceux qui ont l'expérience des relations du travail, je suis l'un de ceux qui pensent, M. le Président, qu'un semblable mécanisme pourrait, entre autres choses, et peut-être parmi plusieurs autres auxquelles il faudrait penser, un semblable mécanisme pourrait sans doute nous permettre d'éviter beaucoup de situations malheureuses comme celle à laquelle nous faisons face maintenant.

L'expérience démontre, effectivement, que c'est pendant l'exercice d'une convention collective que souvent des relations se détériorent, relations entre patrons et salariés d'un même service, d'une même direction, et c'est vrai autant dans le secteur privé que dans le secteur public. Si alors il y avait cette possibilité que pendant l'exercice de la convention, on puisse, par ce consensus de tous les impliqués, arriver à réaliser ce dont je parle, peut-être bien, M. le Président, qu'il s'agirait d'un premier pas de franchi vers une réévaluation de notre philosophie globale, autant au niveau de l'ensemble de la société qu'au niveau des relations du travail.

M. le Président, l'exercice auquel nous sommes en train de nous livrer - je l'ai dit tout à l'heure, je le réitère, quelques-uns me l'ont rappelé - n'est pas simple, pour personne. Il n'est pas simple pour le gouvernement. Il n'est pas simple pour le patron. Il n'est pas simple pour les travailleurs non plus. Je pense que toutes les parties impliquées dans le litige conviennent de cela. Mais pour les motifs qui ont été évoqués tout au cours du débat, tout au cours de l'après-midi, le gouvernement a jugé - c'est une décision politique qui a été prise - qu'il n'y avait pas d'autre choix que celui de procéder de la façon qu'on le fait. Je vous réitère, M. le Président, que le processus n'est pas simple. Il n'est agréable pour personne, mais encore fallait-il, à un moment donné, arriver à une solution, fût-elle celle que l'on connaît.

M. le Président, je vous dirai tout simplement, en terminant le débat, que j'ai confiance en la responsabilité des parties impliquées dans ce dossier. J'ai confiance qu'au-delà de ce qui peut rester comme amertume dans un exercice comme celui-là, on va maintenant, de part et d'autre, tenter de mettre en application ces responsabilités dont je viens de vous parler. Et pour le faire, me semble-t-il, nous ne devons jamais perdre de vue que l'objectif fondamental qui a guidé le gouvernement dans la décision qu'il a prise a été de considérer qu'il était devenu nécessaire de redonner à la population de Québec et de la région ce service de transport en commun auquel elle a droit.

Le Président: La motion de deuxième lecture du projet de loi no 84 sera-t-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bisaillon: Le leader m'avait promis une réponse.

Le Président: Adopté.

M. Bisaillon: Non, non, non!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Avant qu'on engage un très long débat - parce que le député de Sainte-Marie, comme vous l'avez senti, allait se lever et il s'est même levé, de même que le député de Marguerite-Bourgeoys - je voudrais simplement indiquer, M. le Président, que tout à l'heure, à l'unanimité, nous avons adopté une motion suspendant un certain nombre de règles de procédure dont les articles 87 et 88 auxquels faisaient allusion tout à l'heure le député de Sainte-Marie et le député de Marguerite-Bourgeoys. Nous avons adopté cette motion tout à l'heure à l'unanimité, et à moins que je ne me trompe, cela veut dire que, pratiquement parlant, sur la base d'une motion adoptée et qui est maintenant - comment dirais-je? -réglementée sous votre autorité, cela empêche les parlementaires de faire un certain nombre de choses qui étaient prévues aux articles 30, 31, 33, 77, 87, 88, 115, 116, 134 et 157. Dans ce contexte, je crois que le rôle de l'Assemblée nationale, sachant très bien ce qu'on adoptait tantôt, quand on a adopté la motion qui contenait les articles 87 et 88... S'il y avait eu un vote à prendre, il me semble que l'Opposition se serait levée et aurait dit: M. le Président, on voudrait avoir un vote; on n'est pas d'accord pour adopter cette motion, parce qu'il y a deux articles là-dedans qu'on ne pourra pas invoquer et qui nous permettraient de demander un vote scindé. Il n'y a personne qui s'est levé. Il n'y a personne qui a fait de remarque à ce sujet. Il n'y a personne qui a dit: On refuse d'adopter cette motion d'urgence. Tout le monde savait à ce moment-là que les articles 87 et 88 y étaient.

Au-delà de tout cela, le député de Marguerite-Bourgeoys l'a dit et là-dessus, je veux effectivement et très sincèrement reconnaître que si, de son point de vue, en donnant son vote tout à l'heure, il le donne dans le sens qu'il a exprimé... Il s'est levé et a dit dans quel sens ce vote allait être donné. Il sait aussi que tout à l'heure, en commission plénière, lors de l'étude article par article, chacun des articles sera étudié et qu'à chacun des articles, il y a des questions qui sont en cause et que tous les parlementaires peuvent, pour chacun de ces articles, faire connaître leur point de vue, en disant qu'ils sont pour ou qu'ils sont contre.

Prenant en considération tous ces éléments, prenant en considération la motion adoptée à l'unanimité sans que qui que ce soit ait passé de remarque sur les articles 87 et 88 qui sont suspendus, prenant en considération les propos du leader de l'Opposition qui a bien indiqué le sens du vote, de la décision qu'ils allaient prendre quant à eux et prenant en considération l'étude article par article qui s'en vient, je dis, M. le Président, que nous avons adopté une motion à l'unanimité et qu'il s'agit maintenant de vivre tous ensemble sous l'autorité de cette motion adoptée à l'unanimité et que vous avez l'autorité de faire respecter.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition, très brièvement.

M. Lalonde: ... très brièvement, le leader du gouvernement n'a pas étudié, je pense, la portée des articles 87 et 88. C'est vrai qu'ils ont été suspendus par la motion d'urgence qu'il a fait adopter, mais même si les articles 87 et 88 étaient en vigueur, ils ne pourraient pas servir à scinder le projet de loi en deuxième lecture et ceci, conformément à des décisions adoptées le 10 décembre 1974, le 14 mars 1978 et le 4 décembre 1978. La suspension des articles 87 et 88 que le leader du gouvernement a évoquée quatorze mille fois depuis quelques minutes n'a rien à voir - j'espérerais que le leader du gouvernement m'écoute comme je l'ai écouté - parce que quand j'ai fait la suggestion, j'ai bien indiqué que cela prenait le concours du gouvernement. Cela prend le concours de tous les députés ici pour permettre à chacun des députés de voter suivant sa conscience sur les deux principes. Je ne veux pas m'étendre là-dessus, M. le Président, vous connaissez le problème. Les articles 87 et 88 ne nous permettent pas de scinder l'étude d'un projet de loi en deuxième lecture. Il faudrait avoir recours à l'article 152, qui permettrait à cette Chambre de donner un ordre à la commission élue, qui étudierait article par article un projet de loi, et de lui dire: Scindez-le. (22 h 20)

Or, il n'y aura pas de commission élue, donc l'article 152 ne peut s'appliquer. En deux mots; voulez-vous permettre aux députés de voter sur un principe et ensuite, sur l'autre? Si vous ne le voulez pas, vous

n'êtes pas obligé de faire la petite pirouette que vous avez faite tout à l'heure. Dites-le simplement: On ne le veut pas. A ce moment, on prendra nos responsabilités, on y est habitués, mais on vous jugera.

Le Président: Est-ce que la motion de deuxième lecture du projet de loi no 84 sera adoptée?

M. Bisaillon: ...

Le Président: Le vote est commandé, M. le député de Sainte-Marie.

Des voix: Adopté. Le Président: Adopté.

M. Bisaillon: M. le Président, comme je ne suis pas cinq et que je n'ai pas pu demander un vote enregistré, le règlement me permet cependant, à ce stade-ci, d'indiquer ma dissidence sur la question qui vient d'être votée et d'indiquer à l'Assemblée que je ne partage pas le vote qui vient d'être pris.

Le Président: Adopté sur division.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je fais maintenant motion pour que vous quittiez votre fauteuil et que nous puissions nous transformer en commission plénière pour étudier le projet de loi article par article.

Le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Commission plénière

M. Rancourt (président de la commission plénière): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je vais suspendre les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 22 h 23)

(Reprise de la séance à 0 h 28)

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous commençons les travaux de la commission plénière. Je fais l'appel de l'article 1.

M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: M. le Président, avant qu'on aborde l'étude spécifique de l'article 1 du projet de loi no 84 - mon collègue de Brome-Missisquoi est le porte-parole des relations du travail et du ministère du Travail, du côté de l'Opposition officielle -vous comprendrez que je sois dans l'obligation, à ce moment-ci de nos travaux, à 0 h 30, de vous demander et de demander plus particulièrement au ministre du Travail... Probablement que le leader du gouvernement est concerné par la question que je veux formuler. J'ai compris qu'après l'étude en deuxième lecture, avant qu'on revienne en commission plénière, le gouvernement a senti, à la lumière des propositions qu'on a formulées, l'obligation et l'opportunité qu'il avait de se recueillir, d'avoir une rencontre et de voir les possibilités de modifier certaines dispositions du projet de loi ou encore d'ajouter d'autres dispositions au projet de loi. Le but de mon intervention à ce moment-ci n'est, évidemment, pas dans une perspective de retarder les travaux, mais, compte tenu de l'urgence d'intervenir, comment expliquer que nous eussions été, pendant deux heures trente, à attendre les délibérations du ministre du Travail, du leader du gouvernement, des députés péquistes en présence, évidemment, du président du Conseil du trésor.

Le Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement ou M. le ministre délégué au Travail.

M. Fréchette: M. le Président, je ne sache pas qu'il y ait quoi que ce soit dans nos règlements qui m'oblige à répondre à une question de cette nature. Je dirai simplement, cependant, au député de Portneuf que nous avions un certain nombre de choses à discuter, un certain nombre de choses à voir. C'est ce que nous avons fait pendant la période à laquelle il réfère.

Le Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition. (0 h 30)

M. Pagé: M. le Président, je m'excuse, c'est la première fois - on s'est consulté, plusieurs collègues - que nous assistons à une suspension de la commission plénière pendant deux heures trente et surtout dans le contexte de l'étude d'un projet de loi urgent qui a nécessité une convocation spéciale de l'Assemblée nationale du Québec et qui a impliqué une suspension des règles. On finit la deuxième lecture, tout ce beau monde s'en va, on revient et on nous dit: On est prêt pour l'étude article par article. Je m'excuse, M. le Président, mais j'ai cru comprendre, à la fin du débat en deuxième lecture, que le gouvernement était probablement disposé à étudier, à prendre en

considération et, éventuellement, à donner suite aux recommandations formulées tant par le député de Sainte-Marie que par l'Opposition, mais je voudrais bien savoir à quoi on doit s'en tenir à ce moment-ci.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre délégué au Travail.

M. Fréchette: Oui, M. le Président, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de précédent en semblable matière dans l'évaluation du député de Portneuf que cela veuille dire nécessairement que cela ne peut pas se faire. J'ai indiqué, en réponse à la première question qu'il m'a posée, les motifs pour lesquels nous nous étions retirés pour une période de temps qui, j'en conviens, a été un peu longue. Je suis tout à fait d'accord avec lui, je lui réitère tout simplement que nous avions un certain nombre de choses à voir et c'est ce que nous avons fait. Je ne sache pas que je doive sur le parquet de l'Assemblée...

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Fréchette: ... nationale, M. le Président, faire état de la nature des discussions que nous avons pu avoir ensemble, des collègues.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, je pense que les demandes du député de Portneuf sont très simples. Le gouvernement demande aux parlementaires d'adopter en deuxième lecture un projet de loi. Alors, les députés parlent, font leur intervention sur la base du projet de loi qu'ils ont devant eux et tout à coup, une fois le projet de loi adopté, il y a toutes sortes de conciliabules, on suspend les travaux. Est-ce que le résultat des discussions que le ministre dit avoir eues peut remettre en cause d'une quelconque façon les principes qu'il a invité l'Assemblée nationale à discuter? Deuxièmement, il y a quand même des gens ici qui sont directement intéressés, que ce soit les autorités de la commission de transport ou les représentants des travailleurs. Est-ce que, dans les discussions, il y a quelque élément que ce soit qui serait de nature à intéresser ces gens? Est-ce que ce sont ces gens que vous avez consultés? Je pense que l'Assemblée nationale doit en être informée avant de poursuivre d'une façon utile la discussion. Autrement, si le ministre a des amendements ou des modifications à proposer, il faut considérer l'article 1 du projet de loi en regard de possibilités d'amendements. Le ministre a parfaitement le droit de mener les consultations qu'il veut bien mener, on en convient, mais admettez à tout le moins que ce genre de discussion doit avoir lieu avant de présenter un projet de loi et non pas en cours de route de l'adoption d'un projet de loi.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, à moins que vous ne m'indiquiez le contraire, je ne répondrai qu'à la première partie de la question du député de Jean-Talon. De toute façon, si on entreprenait l'étude du projet de loi article par article, il aurait éventuellement dans le cours de la discussion la réponse à cette première question. A cette question par laquelle il me demande s'il y aurait des principes qui seraient remis en cause, je dois lui dire non, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il y a des amendements qui n'étaient pas prévus et qu'il a l'intention de déposer?

M. Fréchette: Non, M. le Président. M. Pagé: Bérubé a gagné.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: ... est-ce que le ministre pourrait quand même...

M. Fréchette: Je m'excuse. Si le député de Marguerite-Bourgeoys me permettait...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: ... j'ai annoncé en deuxième lecture un amendement d'ordre mineur. Il n'y a pas d'autres amendements prévus, sauf celui qui a déjà été annoncé.

Le Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Est-ce que le ministre pourrait quand même nous expliquer ce délai de deux heures et demie pendant lequel les députés étaient ici, disposés à continuer l'étude de ce projet de loi tel que le gouvernement nous avait invités à le faire? Pourrait-il nous expliquer pourquoi le

gouvernement n'était pas prêt à continuer l'étude?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, sous une autre forme, je pense que c'est la quatrième ou la cinquième fois que cette question revient, ce sera nécessairement la même réponse. Je vous ai dit que nous en étions venus à la conclusion, après la deuxième lecture, qu'il nous fallait nous consulter, quelques-uns d'entre nous...

Une voix: ...

M. Fréchette: Pardon?

Une voix: ...

M. Pagé: Qu'est-ce que vous avez fait?

M. Fréchette: Je ne sache pas, M. le Président, que je doive être obligé de...

M. Pagé: Vous n'êtes pas au caucus du PQ ici, vous êtes à l'Assemblée.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Fréchette: À moins que vous ne m'indiquiez que je suis obligé de faire part ici de la nature des conversations et des discussions qui ont pu avoir lieu, quant à moi, en tout cas, je n'y répondrai pas, sauf si vous m'indiquez que je dois le faire.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, j'aimerais savoir du ministre si les deux heures et demie pendant lesquelles il nous a fait poireauter sans qu'on sache ce qui se passait dans les coulisses ont été consacrées à tenir en catimini la commission parlementaire qu'il nous a, d'une façon aussi désinvolte, refusée. Si c'est le cas, je pense que c'est un bris de privilège de cette Assemblée nationale.

Le mépris dans lequel le gouvernement tient cette Assemblée est insupportable. Si c'est le cas et si le ministre - et je veux le savoir de sa part - a pris deux heures et demie à consulter, sans lui donner le nom, les parties, tenant, de cette façon détournée, une commission parlementaire que le député de Vanier nous refusait du revers de la main tout à l'heure en disant: On sait tout ce qu'on a à savoir, on a tous les renseignements nécessaires pour agir, on n'a pas besoin de consulter qui que ce soit de plus, sauf qu'on est obligé - cela nous suffit et on est tanné de faire cela - de vous écouter, vous, messieurs de l'Opposition, mais on ne fera pas plus que cela.

Est-ce que vous avez rencontré des gens qu'on vous a suggéré de rencontrer en commission parlementaire, publiquement, d'une façon enregistrée, pour que la population de Québec, la population de toute la province sache ce qui se passe en cette Assemblée nationale où se débattent des choses publiques, des choses importantes, des questions de principe? Je pense que c'est important, M. le Président, et je vous demanderais de demander une réponse parce que le ministre a été assez gentleman pour nous dire que si vous demandiez une réponse, il allait la donner. M. le Président, je vous suggère d'user de votre autorité et de demander au ministre s'il a tenu, d'une façon détournée, une commission parlementaire qui nous a été refusée tout à l'heure.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je vais détailler la réponse que j'ai donnée il y a un instant et on jugera si c'est suffisant ou pas et, si on décide d'aller plus loin dans la discussion, on le fera.

On est ici depuis 14 heures, cet après-midi, et, d'un côté comme de l'autre de la Chambre, des arguments ont été soumis, des suggestions ont été faites en regard du projet de loi qui est devant nous. Si je devais suivre le raisonnement du député de Louis-Hébert, cela m'amènerait à la conclusion que le contenu de son argumentation et celle de plusieurs de ses collègues ne devait pas être appréciée d'aucune espèce de façon pas plus que les arguments de ce côté-ci.

Une voix: Répondez donc!

M. Fréchette: Ce que je dis, M. le Président, c'est qu'il y a, devant nous, un projet de loi qui est discuté depuis 14 heures.

M. Lalonde: Répondez à la question.

Une voix: Cela ne se passera pas comme cela.

Une voix: Non.

M. Fréchette: Des gens ont fait des suggestions, ce dont nous avons discuté...

Une voix: Lesquelles?

M. Fréchette: ... et nous en sommes venus à la conclusion qu'il n'y avait pas lieu d'apporter d'amendement à la loi.

Une voix: Lesquels?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Pagé: M. le Président.

M. Rivest: Avez-vous appelé à Paris?

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Pagé: Avez-vous appelé à Paris? Non?

M. Paradis: M. le Président, l'honorable ministre délégué au Travail vient de dire à cette commission qu'il avait discuté, pendant l'intervention de deux heures et demie, des suggestions qui lui ont été faites par des gens. Dans un premier temps, est-ce qu'on peut savoir s'il s'agit de gens qui siègent en cette Assemblée nationale et si ce sont des suggestions que l'on retrouve au journal des Débats ou s'agit-il de suggestions qui ne se retrouvent pas au journal des Débats? (0 h 40)

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je dois vous dire qu'il y a des choses qui se discutent ici et il y a des choses qui se discutent à l'extérieur de l'enceinte. À moins, encore une fois je vous le réitère, que vous m'imposiez d'abord de donner le contenu des conversations qu'on a pu avoir, que vous m'imposiez de dire qui y a participé, que vous m'imposiez de dire quelle était la position de celui-ci ou de celui-là, je ne vois pas que je doive répondre à ce genre de question. Je le demande au président.

M. Lalonde: Vous vous cachez derrière le président. Il est derrière Pierre-Marc Johnson, d'ailleurs.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaîti Simplement, puisqu'on m'a posé une question, je dois, en vertu du règlement, donner une réponse. Je dois vous dire que le mandat de la commission plénière, si on se le rappelle, est d'étudier, au cours des deux heures depuis l'ouverture de la commission plénière, l'ensemble du projet de loi qui comporte les articles que vous connaissez. En conséquence, tout ce que je peux dire comme président, et ce que le règlement m'impose quant à la décision que j'ai à rendre sur la question qui est posée et la discussion qui a été amorcée: Nous allons à l'article 1 et nous procédons. J'ai compris qu'il y avait de la part du whip de l'Opposition, quand même, compte tenu de ce qui s'était passé, des questions qui pouvaient être posées. C'est pour cela que j'ai laissé aller cette discussion entre les gens du gouvernement et ceux de l'Opposition, mais je ne peux, en aucune façon, imposer à qui que ce soit de répondre à des questions. Le règlement ne m'y oblige en aucune façon. Je pense que le ministre doit juger s'il doit répondre ou non. Je n'ai pas à imposer à qui que ce soit ni la question ni la réponse. M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Dans ce cas, M. le Président, on peut demander à M. le ministre, parce que évidemment le règlement est assez clair là-dessus, s'il refuse tout simplement de répondre et de faire la lumière sur ce qui préoccupe ceux qui attendent depuis deux heures et demie.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: Est-ce que le chef de l'Opposition voudrait préciser ou détailler ce sur quoi il voudrait une réponse?

M. Lalonde: Toutes les questions.

Le Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Ce que nous demandons, c'est qu'une fois la deuxième lecture adoptée, il est normal que nous passions à l'étude article par article du projet de loi. Est-ce que le ministre a été impressionné par les arguments de l'Opposition?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Levesque (Bonaventure): Est-ce qu'il a été impressionné par des arguments venant d'ailleurs ou est-ce qu'il a été impressionné par les deux? Est-ce qu'il a essayé de modifier la position gouvernementale, la position officielle? Est-ce qu'il a échoué? Ce sont toutes des choses qui nous préoccupent avant de commencer à étudier le projet de loi.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, écoutez, je ne ferai que réitérer ce que j'ai dit. Nous avons effectivement discuté à partir du débat qui s'est tenu ici aujourd'hui et en analysant certains éléments de ce débat, des interventions des deux côtés de la Chambre. C'est l'exercice que nous avons mené et je vous signale que...

M. Levesque (Bonaventure): "Des deux côtés", cela inclut-il le député de Sainte-Marie?

M. Fréchette: Des deux côtés de la

Chambre.

M. Bertrand: Des trois côtés de la Chambre.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Rivest: M. Bertrand a l'air abattu.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: Non, j'ai complété, M. le Président. Je ne crois pas utile d'aller plus loin.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Peut-on savoir du ministre s'il a consulté un des médiateurs, au cours des nombreuses consultations qu'il a eu amplement le temps de mener dans les deux heures et demie qu'il a eues à sa disposition? Dans l'affirmative, a-t-il consulté Jean-Roch Boivin, le chef de cabinet du premier ministre?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je ne pense pas qu'il soit d'intérêt public de répondre à une question de cette nature.

Des voix: Ah! Ah! Le bâillon!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Avant d'aller à qui que ce soit, le ministre a-t-il terminé? Il y a le député de Jean-Talon et vous, après.

M. Rivest: Oui, M. le Président. Vous tournez allègrement autour du pot. Je vais vous poser la question directement. L'argument qui vous a impressionné, est-ce la formule des 11% et 6% que vous avez réexaminée parce que vous n'étiez plus sûrs de vos calculs dans le projet de loi? Est-ce cela, oui ou non?

M. Fréchette: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: ... je vous réitère - et on passera le temps qu'il faudra sur cette question - que nous avons pris le temps - et il me semble que c'est faire preuve d'une certaine responsabilité - de...

M. Rivest: Au Conseil des ministres, pas devant l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon!

M. Fréchette: ... procéder à l'analyse de plusieurs éléments du débat qui a été mené cet après-midi et nous en sommes venus à la conclusion de ne procéder à aucun amendement.

M. Rivest: M. le Président, j'ai posé une question.

Le Président (M. Jolivet): Un instant! Oui, un instant, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): J'ai dit que je ne pouvais, en aucune façon, imposer ni la question ni la réponse. Je dois, comme vous, constater les décisions qui sont prises par des personnes. M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, simplement la remarque suivante. Je ne sais pas exactement quel député de l'Opposition a dit tout à l'heure: On a suspendu pendant deux heures et demie, alors qu'on avait le mandat d'étudier article par article le projet de loi no 84.

Une voix: Pour faire quoi, pendant deux heures et demie?

M. Bertrand: Oui, avec une des clauses qui est à l'article 3 qui dit que la reprise du transport en commun doit se faire à 0 h 1 le 7 novembre 1982. En d'autres mots...

M. Lalonde: On peut siéger jusqu'à demain si vous voulez.

M. Bertrand: M. le Président, est-ce que j'ai la parole?

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le leader, vous avez la parole.

M. Bertrand: Alors, en d'autres mots, quand nous nous sommes réunis cet après-midi, à quatorze heures, personne ici, pas plus vous que moi, ne savait à quelle heure se termineraient les travaux sur ce projet de loi no 84.

Cela étant dit, je crois que sur la base de l'ensemble des discussions qui ont eu lieu ici, aujourd'hui, entre autres les exposés qui ont été faits de part et d'autre - et, quand je dis de part et d'autre, évidemment que ça veut dire tout le monde, incluant les trois

côtés de la Chambre - que, dans un contexte comme celui-là, il y a eu des précédents où effectivement, une deuxième lecture ayant été effectuée, les ministériels ont cru nécessaire de se rencontrer et de discuter entre eux d'un certain nombre d'éléments. Je crois que cela est un droit qui leur revient. Nous avons le droit, nous avons la possibilité de faire en sorte que si nous considérons que des discussions doivent avoir lieu entre collègues, sur la base d'un débat qui est en cours...

M. Pagé: On peut faire ça nous autres aussi, jusqu'à demain soir!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Lalonde: On pourrait peut-être rester pour discuter!

M. Pagé: On peut faire ça nous autres aussi!

M. Bertrand: ... comme à la limite, comme je l'avais dit dans mon propre discours, n'importe qui, que ce soit de votre côté ou du nôtre, souhaiterait, dans n'importe quelle situation, qu'un règlement négocié puisse être une chose finalement plus intéressante que l'adoption d'une loi. On a le droit, nous, de parler d'un certain nombre de choses et on ne va pas demander à l'Opposition, si elle décide de tenir en son sein des discussions sur tel ou tel élément, de nous révéler le caucus qu'elle a eu.

Or, dans un contexte comme celui-là, M. le Président, nous avons simplement fait notre travail et, à ce moment-ci, c'est notre responsabilité de poursuivre puisque vous avez vous-même, comme président de l'Assemblée nationale, demandé que les députés reviennent en Chambre pour aborder l'étude du projet de loi article par article.

M. Bisaillon: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: J'ai écouté attentivement tout ce qui se déroule depuis le moment où on a repris les travaux de l'Assemblée. J'ai compris, par les réponses qu'a faites le ministre du Travail, qu'il n'y avait pas à ce moment-ci, malgré les discussions qui ont eu lieu, d'amendement à apporter sur les deux principes qui ont été votés en deuxième lecture. Je comprends que les principes, c'est, premièrement, l'aspect retour au travail et reprise des opérations, et deuxième principe, la partie décret. Tout ce qui est contenu à l'intérieur du premier principe et du deuxième, donc au moment de l'étude article par article, est amendable. Le ministre du Travail a dit qu'il n'avait pas d'amendements à apporter sur les principes qui ont été votés en deuxième lecture. Est-ce qu'il y a eu des discussions sur des suggestions qui ont été faites au moment du débat en deuxième lecture quant à des modifications contenues à l'intérieur de chacun de ces deux principes, par exemple, le quantum dont on a parlé? Si oui, est-ce qu'à ce moment-ci le ministre a des annonces à nous faire? C'est la première partie de ma question. (0 h 50)

Deuxième partie de mon intervention: le débat a été fixé à deux heures. Il y a un certain nombre d'autres amendements qui auraient pu être souhaités par des intervenants dans le débat, qui n'ont pas été mentionnés au moment du discours de deuxième lecture et qu'on aurait peut-être avantage à discuter. Doit-on comprendre qu'une fois qu'on se sera entendus sur la façon de procéder, on aura deux heures pour discuter des amendements à apporter au projet de loi à partir du moment où on abordera le premier article? Si on continue à jouer au chat et à la souris, il faudrait penser qu'il y a des travailleurs qui sont impliqués là-dedans et qu'il y a peut-être des amendements importants à discuter entre nous.

Je comprends que cette discussion est importante. Je ne voudrais pas qu'on perde du temps à passer les amendements qui doivent être apportés.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, pour répondre à votre question, je dois vous dire qu'en vertu du règlement, dès le départ, j'ai appelé l'article 1. Au moment où j'appelle l'article 1, le débat est déjà commencé. Le whip de l'Opposition m'a demandé la parole avant que le ministre puisse intervenir. Dans ce contexte, je dois vous dire que les deux heures sont déjà commencées.

M. Bisaillon: A moins que le ministre se déclare prêt...

Le Président (M. Jolivet): Je suis obligé d'appliquer le règlement à ce niveau.

M. Bisaillon: La première partie de ma question, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: Essentiellement, le député de Sainte-Marie m'a demandé si j'avais des annonces à faire. La réponse, c'est non.

Le Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): II n'y a aucun intérêt pour nous à poursuivre ceci avec un dialogue unilatéral, si je peux dire, mais j'aimerais tout de même demander au ministre si j'ai raison de croire qu'il n'y a aucun amendement que nous pouvons attendre du côté du gouvernement, d'une part.

M. Fréchette: À part celui qui est annoncé, le chef de l'Opposition a raison.

M. Levesque (Bonaventure): Oui. Deuxièmement, tout amendement significatif qui serait proposé ou qui pourrait être proposé par tout membre de cette Assemblée pourrait être nécessairement refusé.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je pourrais difficilement m'engager à l'avance à rejeter toute espèce d'amendement qui pourrait être suggéré. Vous allez comprendre avec moi qu'on doive attendre le contenu d'un éventuel amendement avant d'en disposer. Je ne peux certainement pas dire au chef de l'Opposition qu'a priori, sans aucune espèce de discussion et sans étude de ce qui pourrait être soumis, ce sera rejeté.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, compte tenu de ce que le chef de l'Opposition vient de dire, je n'insisterai pas sur ce qui se passe actuellement. On va laisser aller les choses de façon à voir ce que contient le projet de loi. Je voulais tout simplement signaler très rapidement que notre insistance à savoir ce qui s'était passé, c'était dans la poursuite de ce que le gouvernement lui-même avait décidé de faire, en nous remettant lui-même deux rapports qui, soi-disant, contenait le fruit des discussions, d'enquêtes, de vérifications, etc. Le ministre ainsi que le leader parlementaire vont comprendre que, dans les circonstances, étant donné qu'il nous a soumis que le projet de loi dont nous étions saisis était basé, à toutes fins utiles, sur ces rapports qui étaient des pièces importantes pour étayer le projet de loi dont il est question ici, il y avait lieu pour nous de savoir s'il y avait eu des communications de quelque nature que ce soit, avec des personnes qui ont ou n'ont pas rédigé le rapport, qui étaient de nature à modifier les rapports qu'on nous a soumis comme étant à la base du projet de loi qu'on est appelés à adopter, cette nuit.

C'était l'argumentation et cette argumentation ce n'est pas nous qui avons décidé de la faire valoir, c'est le ministre qui nous a remis des rapports, qui nous a dit que c'étaient des rapports véridiques, qui représentaient les faits, qui tenaient compte d'un certain nombre de facteurs. Dans les circonstances, on se demande: Est-ce que ces rapports n'auraient pas lieu à la suite des deux heures et demie où nous avons attendu patiemment que vous veuillez bien nous faire signe, ne sont pas de quelque façon que ce soit modifiés pour que nous puissions savoir à quelle enseigne vous logez et nous que nous puissions connaître ce qu'est votre version, compte tenu des vérifications... Si vous avez perdu votre temps pendant deux heures et demie, c'est une autre affaire.

Le Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: Non, M. le Président, je peux rassurer le député de Louis-Hébert, ce n'était pas pour aller souper qu'on a demandé, à un moment donné, d'avoir la possibilité de discuter entre nous, mais pour être positifs dans le débat. Nous avons sept articles à étudier. Au premier article, lorsque le président l'appellera...

Des voix: II est appelé.

M. Bertrand: II est appelé. Le premier article est appelé, il s'agit de savoir ce que le ministre délégué au Travail a à dire sur ce premier article et si un député de cette enceinte a l'intention de proposer un amendement à l'article 1. Si quelqu'un a un amendement à proposer, on va faire ce qu'on fait normalement en commission plénière. On va débattre de cet amendement et on va devoir répondre à des questions, s'expliquer et, finalement, prendre une décision sur chacun des articles. Cela signifie que le député de Louis-Hébert, par exemple, à l'article 1 ou 2 ou 3 ou 4 ou tout autre, pourra proposer des amendements et demander au gouvernement de répondre à des questions sur la base des amendements qu'il propose. Dans ce contexte, il me paraît que toutes les questions que l'Opposition voudra poser en fonction des amendements qu'elle soumet, on aura, nous, la responsabilité de donner les réponses qu'on doit donner pour dire si oui ou non on est pour tel ou tel amendement.

Le Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Nous n'avons pas besoin de leçon ou d'un professeur à ce moment-ci pour nous dire ce qu'on peut faire ou ne pas faire, on connaît assez bien le règlement pour savoir exactement quelles sont les façons de procéder. Ce que l'on trouve un peu inquiétant, c'est que pendant deux heures et demie ces gens se réfugient quelque part alors qu'une commission parlementaire où

tous les intervenants auraient pu se faire entendre, a été refusée. Cela est inacceptable. Il y a des travailleurs qui sont encore ici à des heures tardives, qui auraient bien aimé s'exprimer, qui avaient quelque chose à dire. Il y avait les gens du côté patronal et du côté syndical qui auraient pu se faire entendre. Nous aurions pu les interroger, mais on a préféré une séance intime de deux heures et demie en faisant attendre tous les parlementaires jusqu'à minuit trente. À ce moment-ci, on pose une question tout simplement: Qu'est-ce que vous avez "bretté" pendant ce temps-là? On nous répond: Cela, c'est nos affaires.

Voilà la transparence que nous avons du Parti québécois, ce gouvernement qui nous promettait de pouvoir répondre aux interrogations.

Le Président (M. Jolivet): À l'ordre!

M. Levesque (Bonaventure): C'est la consultation, la concertation, la solidarité québécoise, etc. On ne laissera évidemment pas passer ça de cette façon.

M. le Président, je demande encore une fois au ministre du Travail...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): Je ne demande pas qu'il nous mette au courant des secrets du cabinet, mais qu'est-ce qui a provoqué cette pause de deux heures et demie? Il y a une raison. Est-ce que le ministre responsable du Conseil du trésor est intervenu? Qu'est-ce qui est arrivé?

Des voix: Ah! Ah!

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, j'ai déjà répondu à ces questions-là.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Fréchette: J'ai répondu à la question que me pose le chef de l'Opposition. Je suis convaincu que si j'allais entreprendre de donner de nouvelles explications, je ne ferais que me répéter. Je vous dirai tout simplement qu'on n'a pas perdu notre temps. Point.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. le ministre, sur l'article 1.

M. Rivest: M. le Président...

Une voix: Article 1.

M. Rivest: ... je suis sur l'article 1.

Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Un instant: On va se calmer un peu. S'il vous plaît, M. le député:

Sur l'article 1, je pense qu'en vertu du règlement, je pourrais... Comme je l'ai dit, j'ai été large parce que je pense que le whip de l'Opposition a demandé...

M. Levesque (Bonaventure): Permettez-moi simplement une remarque à ce moment-ci. Je ne veux pas vous interrompre, mais il s'agit... (1 heure)

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant! M. le chef de l'Opposition, je vais d'abord terminer ce que j'ai à dire, si vous me le permettez.

M. Levesque (Bonaventure): Avant que vous ne terminiez, je voudrais simplement, en toute gentillesse...

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Levesque (Bonaventure): Un mot simplement.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M. le député.

M. Levesque (Bonaventure): Juste un mot.

Le Président (M. Jolivet): Je vais vous le permettre.

M. Levesque (Bonaventure): Merci, M. le Président. Je voulais rappeler à la présidence qu'il s'agit d'un débat restreint de deux heures. Vous-même avez dit que c'était déjà entamé. M. le Président, je pense que cela a été assez traditionnel de permettre de pouvoir utiliser les deux heures un peu comme nous le jugions à propos. Autrement dit, si on veut passer les deux heures sur l'article 1, à moins qu'il n'y ait des amendements, et comme le gouvernement a dit qu'il n'y en avait pas, sauf celui qui avait été annoncé... je pense qu'on peut être assez large. C'est tout ce que je voulais dire, M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): En vertu du mandat qui m'est donné comme président, je dois relire la résolution qui a été adoptée relativement au débat, à savoir que, pendant deux heures, nous allons discuter du projet de loi article par article. J'ai donc comme mandat de faire en sorte qu'on épuise au moins l'ensemble des sept articles qui s'y trouvent avec l'annexe qui indique l'ensemble

de ce que doit être le projet de loi et, ensuite, de le proposer à l'Assemblée nationale pour adoption en troisième lecture, avec rapport.

Je sais très bien que, d'habitude, nous commençons par l'article 1, ce que j'ai fait. À l'article 1, il peut se poser énormément de questions sur la généralité du projet de loi avant de commencer l'étude article par article. C'est ce que j'avais compris, au départ, au moment où le whip de l'Opposition m'a demandé de parler avant que j'accorde le droit de parole à M. le ministre délégué au Travail. Dans ce contexte, le ministre a même ajouté: On prendra le temps qu'il faut pour vider la question. Je l'ai donc pris en note également. C'est dans ce contexte que j'aimerais qu'on en arrive à l'article 1 et qu'on puisse l'étudier, mais je ne veux pas, cependant, que quiconque soit brimé. S'il reste une ou deux questions, je permettrai qu'on les pose. J'ai cru comprendre que le député de Jean-Talon en avait une.

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): ... si on me le permet, à moins que je ne m'abuse, nous avons vu qu'il était prévu qu'il y avait une interruption dix minutes avant la fin des deux heures. Cela veut dire que tous les articles pourront être adoptés si vous suivez exactement les prescriptions de la motion qui a été adoptée par cette Chambre. Dans les circonstances, vous n'avez pas à craindre qu'un article ait été oublié. Je voulais simplement vous faire part de cela.

Le Président (M. Jolivet): Vous avez raison. Effectivement, dans les dix minutes qui précèdent l'expiration du délai de deux heures, il faut, à ce moment-là, adopter, sans débat, les amendements et les articles qui n'auraient pas été vus.

Une voix: Pas de problème.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: M. le Président, dans son mutisme, le ministre délégué au Travail a oublié un élément très important de ma question et, au fond, je pense que c'est ce que le député de Sainte-Marie avait également en tête. Sans prêter d'intention ou m'immiscer dans les caucus ministériels, est-ce que le retard qui a été occasionné - j'ai posé la question tantôt, mais, malheureusement, le ministre a oublié cet élément de réponse - n'a pas consisté essentiellement pour le gouvernement à revoir ses calculs, malgré l'exposé brillant du président du Conseil du trésor qui nous a justifié magistralement, comme d'habitude, que c'était 10%? Un doute serait né dans l'esprit de l'équipe ministérielle très unie et, effectivement, vous auriez envisagé très sérieusement de vous rendre à la demande faite par les intervenants de ce côté-ci de la Chambre de mettre dans votre projet de loi l'augmentation de 11% pour la première année et l'augmentation de 6% sans indexation? Est-ce cela? Oui ou non?

M. Pagé: C'est clair.

M. Bélanger: Cela ne prend pas de temps. C'est ce qu'on veut savoir.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bélanger: C'est moins long que votre question référendaire.

M. Fréchette: M. le Président, on en a discuté.

M. Rivest: Ah! Ils en ont discuté. Une voix: Demandez-le à Pierre-Marc.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Fréchette: Et de bien d'autres choses.

Le Président (M. Jolivet): Un instant! M. Rivest: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Oui, mais avant j'avais une demande du whip de l'Opposition. Alors, je vais lui accorder d'abord la parole.

M. Pagé: II n'a pas fini. M. Rivest: Je n'ai pas fini.

M. Pagé: M. le Président, je m'excuse, mais le député de Jean-Talon n'a pas terminé sa question.

Le Président (M. Jolivet): J'ai assez bien suivi le débat et j'ai compris qu'il l'avait terminée. Vous avez d'autres questions additionnelles?

M. Rivest: J'ai progressé énormément dans la première phase. C'est que le ministre a admis que c'était ce dont ils avaient discuté. Cela a pris à peu près trois quarts d'heure pour savoir cela. Si c'est cela - c'est dans le sens de notre reproche - quelle

crédibilité devons-nous accorder à des gens qui sont directement intéressés, que ce soit la partie patronale ou la partie syndicale, quelle crédibilité devons-nous accorder aux explications que le président du Conseil du trésor a données pour expliquer pourquoi, dans le projet de loi, le gouvernement n'avait pas donné suite aux constatations des émissaires et ne pouvait pas se rendre à l'essentiel des demandes des chauffeurs d'autobus? Si tel est le cas, toute sa belle phraséologie sur les alignements, sur les marchés du travail comparables ne vaut rien si, au moment où il parlait, il n'avait pas fait les vérifications nécessaires qu'il a dû faire, comme vient de l'admettre le ministre délégué au Travail, depuis deux heures et demie. C'est du cafouillage législatif qu'a présenté le gouvernement dans un dossier drôlement important, un dossier qui est un des premiers dossiers cet automne dans les secteurs public et parapublic.

Franchement, compte tenu de l'importance de l'intervention du président du Conseil du trésor, qui a justifié les attitudes, compte tenu du caractère tout à fait inexpliqué que les représentants des travailleurs ont dénoncé depuis qu'ils sont en face du projet de loi à savoir pourquoi le gouvernement, alors que Jean-Roch Boivin, que Lucien Bouchard, qui sont des personnages extrêmement importants dans le gouvernement, ont produit des documents qui ont laissé croire à nombre de gens, y compris les travailleurs, y compris nous-mêmes, que le gouvernement avait plus ou moins endossé les 11% et 6%... Comment se fait-il qu'après la deuxième lecture le gouvernement arrive avec une espèce d'incohérence interne tout à fait inexpliquée, mais combien apparente et qui a coûté deux heures de travaux? Le ministre délégué au Travail vient de me dire qu'effectivement c'est de cela qu'ils ont parlé. En admettant qu'on a remis en question les affirmations du président du Conseil du trésor, dans quelle position le gouvernement se trouve-t-il, sinon dans la position d'un gouvernement qui ne savait pas, au moment où il a présenté le projet de loi, là où il allait? Le gouvernement a été obligé de faire un arbitrage de coulisse. C'est le genre de gouvernement qu'on a dans les secteurs public et parapublic alors qu'est en cause tout l'équilibre budgétaire du gouvernement et c'est le cafouillage auquel on va avoir à faire face. Cela, M. le Président, c'est totalement inadmissible. Aucun travailleur du secteur public, ni les chauffeurs d'autobus ne seront capables d'accepter une pareille incohérence gouvernementale. C'est incroyable comme attitude.

Le Président (M. Jolivet): Juste avant de demander au ministre des Affaires sociales de répondre, je crois comprendre - s'il vous plaît - que votre question est posée, M. le député de Jean-Talon? Je n'aurai pas besoin de revenir.

M. Rivest: M. le Président, j'avoue que j'aimerais entendre davantage le président du Conseil du trésor parce que le ministre des Affaires sociales devrait s'occuper de ses grèves illégales.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon. M. le ministre des Affaires sociales.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je ne prétendrais pas répondre aux affirmations un peu grosses et un peu travesties que j'ai entendues ici depuis cet après-midi venant du député de Jean-Talon, je sais que mon collègue, le président du Conseil du trésor, prendra la parole. Je voudrais simplement dire que, comme membre de cette Assemblée, j'ai eu l'occasion d'assister depuis la fin de l'après-midi à ce débat. J'ai remarqué que le député de Sainte-Marie, le député de Portneuf et quelques autres dans l'Opposition ont soulevé, à l'occasion de ce débat, des choses qui leur apparaissaient fondamentales et, ma foi, si nous sommes élus et si nous sommes réunis ici, c'est apparemment pour discuter de choses fondamentales à l'occasion, malgré des exceptions remarquables de l'autre côté. Dans sa question, le député de Jean-Talon affirmait que le ministre délégué au Travail - ce qu'il n'a pas fait - avait mis en cause la validité des chiffres du président du Conseil du trésor. Absolument pas, M. le Président! Je l'inviterais et je pense que c'est important... (1 h 10)

Le député de Jean-Talon a demandé au ministre délégué au Travail si, lors de ces rencontres tout à fait normales entre les membres de l'équipe ministérielle à la suite d'un débat, on avait remis en cause les démonstrations chiffrées du président du Conseil du trésor. Il a en même temps demandé, dans la même question, si, oui ou non, il avait été question des amendements qu'avait laissé entendre l'Opposition, notamment le député de Portneuf, au sujet des 11% et 6% non indexés. Le ministre du Travail a répondu: II en a été question. Que je sache, il a répondu à cette question précise si, oui ou non, il avait été question, entre les membres de l'équipe ministérielle, de cette question des 11% et 6%, oui, mais non pas sur la valeur de la démonstration-faite par le président du Conseil du trésor qui m'apparaît probante.

Une voix: Cela a pris deux heures et demie?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous

plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre: M. le ministre délégué au Travail, sur l'article 1.

M. Rivest: M. le Président, question de règlement.

Une voix: ... d'invoquer une question de règlement. Vous ne le respectez pas.

Le Président (M. Jolivet): En vertu de quel article?

M. Rivest: Je ne sais pas le numéro, M. le Président.

Une voix: N'importe lequel.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: II s'agit de l'article qui nous autorise à corriger une affirmation à la suite d'une intervention que l'on a faite.

Le Président (M. Jolivet): C'est l'article 96.

M. Rivest: L'article 96. Ce que j'ai affirmé, c'est que le ministre délégué au Travail, après bien des hésitations, a admis qu'ils s'étaient interrogés ou, à tout le moins, qu'ils avaient discuté pendant une période de deux heures et demie d'une question très précise, c'est-à-dire la question salariale, l'offre ou les propositions qui sont dans le projet de loi, les 11% et 6%. Or, M. le Président, pendant deux heures et demie, vous remarquerez que ce n'est pas seulement une petite discussion comme cela, en passant, en se donnant une tape dans le dos. Ce que j'ai affirmé dans mon intervention, c'est le simple fait que des ministres se remettent à discuter d'une telle chose. Le président du Conseil du trésor, lui, avait défendu mordicus, avec une grande argumentation qu'il voulait solide, l'offre qui est faite et qui est en-deça de l'offre qui a été convenue, à toutes fins utiles, par la partie patronale et par la partie syndicale, c'est-à-dire les 11% et 6%. Or, le gouvernement, par la bouche du président du Conseil du trésor, a justifié les 10% au moyen du critère des comparaisons avec le marché du travail - remarquez ce qu'il disait à l'époque, M. le Président - et sur l'obligation et la détermination de la cohérence de la politique gouvernementale. Il a dit cela aux environs de 22 heures. À 22 h 30 ou 23 heures, ils ont pris deux heures et demie pour savoir si c'était vrai, si effectivement, c'était cohérent, la position gouvernementale. C'est une farce gigantesque, votre affaire!

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre délégué à l'Administration et responsable du Conseil du trésor.

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Il est toujours intéressant d'entendre les gens commenter vos interventions. M. le Président. À aucun moment il n'y a eu une remise en question des données. Il reste que...

Une voix: ...

M. Bérubé: Des données qui ont été présentées cet après-midi. Il reste que - et c'est indéniable - le contenu de la loi est différent, autant des propositions venant de la commission que des demandes syndicales. Par conséquent, il est normal que des collègues veuillent faire le tour de l'ensemble des tractations qui ont pu avoir cours de manière à pouvoir répondre essentiellement aux questions qui ont été soulevées par l'Opposition. La meilleure façon de voir la cohérence de nos réponses, c'est finalement de s'engager dans l'étude article par article, ce qui va nous permettre, effectivement, de répondre à toutes les questions que l'Opposition aura à poser.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: ... y aurait-il eu une offre, plus élevée que celle qui est contenue dans la loi, qui aurait été faite pendant cette période?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre délégué au Travail.

M. Fréchette: J'avoue honnêtement, M. le Président, que j'ai un peu de difficulté à comprendre la question du député de Marguerite-Bourgeoys. Une offre par qui et à qui?

M. Lalonde: Le gouvernement aurait-il fait à quiconque une offre plus élevée que celle contenue dans l'annexe, pendant cette période de deux heures et demie?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je veux bien qu'on essaie d'aller au fond des choses, mais je vous signale que le gouvernement a déposé une loi. Sa position est contenue dans cette loi et il n'a pas fait d'offres nulle part. Il n'était pas partie aux négociations. Je n'ai pas...

M. Lalonde: Vous faites cette affirmation de votre siège?

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! S'il vous plaîtl M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Vous faites cette affirmation de votre siège?

M. Fréchette: Que le gouvernement n'a pas fait d'offres?

M. Lalonde: Oui.

M. Fréchette: Oui, oui, bien sûr.

M. Lalonde: Boni Merci.

Le Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: M. le Président, est-ce à dire que le ministre du Travail et de la Main-d'Oeuvre nie, dément, met de côté toute possibilité, toute information voulant que, pendant la suspension de nos travaux, le gouvernement ait non seulement analysé, mais formulé la possibilité que le chiffre de 10% prévu dans le projet de loi soit majoré?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, le gouvernement n'a fait aucune offre, le président du Conseil du trésor vient d'expliquer ce qui s'est passé, le ministre des Affaires sociales l'a fait également. On a discuté de ce chapitre en même temps que du reste du contenu de la loi. On l'a fait entre nous, on n'avait pas à faire d'offre aux parties, on n'est pas partie négociante.

M. Pagé: Avant d'aborder l'article 1.

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: On a des commentaires à apporter à l'article 1 et plusieurs de mes collègues auront des questions dans les deux heures qui nous sont allouées, aux articles 1, 2, 3, 4 jusqu'à 6; à 7 nous n'aurons probablement pas de question. Mais je voudrais bien savoir, M. le Président - et je ne veux pas être malicieux à l'endroit des collègues d'en face - le plus objectivement, le plus sereinement possible...

Une voix: Sans rire?

M. Pagé: Sans rire, sérieusement, j'aimerais savoir qui est le vrai ministre-parrain. Est-ce le ministre des Affaires sociales, qui est venu à la rescousse du député de Sherbrooke, tout à l'heure - et ça s'explique - est-ce que c'est le gros canon, le gros ténor, l'homme fort, l'homme puissant, député de Matane et président du Conseil du trésor? Est-ce que, par ricochet, il se pourrait que le porte-parole, l'interlocuteur à nos questions ce soit le député de Vanier, ministre des

Communications et ministre régional? Ou encore le ministre délégué au Travail? Je voudrais le savoir, parce que, aux questions qu'on a posées tout à l'heure le ministre du Travail, réservé comme il est, timide au début de ses fonctions comme il est, a passé la "poque", comme on dit, à l'ex-ministre du Travail pour qu'il vienne à sa rescousse ou au ministre responsable du Conseil du trésor. On a un temps limité, on a sept articles et on a plusieurs questions, on ne veut pas perdre de temps de gauche à droite. Qui est le boss? Qui est le porte-parole?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Pagé: Que le vrai ministre se lève;

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Pagé: II y avait une émission de TV là-dessus: Que le vrai ministre se lève!

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le whip de l'Opposition, je pense que la réponse pourrait être faite en regardant le texte.

M. Lalonde: Non, M. le Président, la question est posée au ministre, ne vous aventurez pas dans ce marécage.

Le Président (M. Jolivet): Non, c'est pour ça que je dis: II faut regarder. Cependant, comme la question est posée... S'il vous plaît! Comme la question est posée au ministre, je lui demande de répondre.

M. Fréchette: M. le Président, je comprends mal que ces gens se plaignent du fait qu'ils pourraient être privés de temps et qu'ils s'enlisent dans ce genre de questions. Je vais simplement demander au député de Portneuf de prendre devant lui le document qu'il a sans doute, c'est marqué: projet de loi no 84 et le parrain du projet est indiqué sur le projet.

M. Pagé: M. le Président, amendement à l'article 1.

M. Bisaillon: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, je veux qu'on commence à étudier les amendements qu'on a, parce que de toute façon c'est la

chose la plus ridicule que j'aie jamais vue ici. Ce qu'on vient de comprendre c'est que dans le fond, s'il n'y a pas eu d'étude pour aller plus loin que ce qu'il y a dans le projet de loi, on a fait un caucus pour s'entendre sur le genre de réponses qu'on était pour nous donner. Parce qu'on ne comprenait pas ce qu'il y avait dedans ou qu'on a vu des éléments additionnels. C'est ça que je comprends. Or, le temps est limité et il y a des amendements. On va voir, en présentant les amendements, s'il y a des réponses et, s'il y en a, on va espérer qu'elles soient favorables pour une fois.

Convention renouvelée avec modifications

Le Président (M. Jolivet): Le ministre a-t-il quelque chose à dire sur l'article 1.

M. Fréchette: M. le Président, le texte est fort clair en lui-même. Il y a deux volets dans l'article 1. (1 h 20)

Le premier volet de l'article 1 renouvelle la convention existant entre les parties. Le deuxième rend applicables les clauses sur lesquelles pendant la négociation ou alors à l'intérieur de la conciliation, les parties se sont entendues.

Le Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: M. le Président, à l'article 1, on constate que c'est la disposition en vertu de laquelle le législateur, l'Assemblée nationale décrète que la convention collective qui est conclue entre la Commission de transport de la communauté urbaine et le syndicat des employés du transport public est renouvelée à compter de demain ou ce soir, à 0 h 1, c'est-à-dire le 7 novembre. Elle est modifiée afin de rendre applicables certaines dispositions d'ententes paraphées par les parties et elle prévoit des conditions de rémunération, des conditions salariales, le taux horaire qui sont prévus à l'annexe de la présente loi.

Or, compte tenu que le temps est utile, que le temps fuit, je vous reporte immédiatement à l'article 564 de notre ancien règlement, le règlement Goeffrion, qui stipulait ceci: "En comité plénier, les différentes parties d'un bill public sont examinées dans l'ordre suivant: les articles imprimés; les articles imprimés qui ont été différés; - ce n'est pas le cas - les articles nouveaux; - ce ne semble pas être le cas d'après ce que le ministre délégué au Travail a annoncé - les annexes imprimées, mais seulement s'il y a lieu de les amender."

Je présente immédiatement un amendement à l'annexe du projet de loi: Que la sous-section intitulée "Taux" de la section

I de l'annexe du projet de loi no 84 soit modifiée en remplaçant à la troisième ligne le chiffre 10,59 $ par le chiffre 10,69 $ et en remplaçant dans la quatrième ligne le chiffre 11,23 $ par le chiffre 11,33 $. Les troisième et quatrième lignes amendées se liraient comme suit: 26 décembre 1981, 10,69 $; 25 décembre 1982, 11,33 $.

M. le Président, je présume que vous acquiescez immédiatement à la recevabilité de l'amendement. J'ai l'intention d'intervenir brièvement, parce que d'autres collègues voudront certainement intervenir.

Pourquoi présentons-nous cet amendement? J'ai eu l'occasion dans mon intervention d'indiquer qu'il paraissait, à nous de l'Opposition, que dans le cadre des échanges, dans le cadre de la négociation qui...

Le Président (M. Jolivet): On me demande une directive. M. le leader.

M. Bertrand: M. le Président, je ne veux pas interrompre longuement le député de Portneuf. Celui-ci, après avoir cité une partie du document de M. Geoffrion, l'ancien règlement, est passé tout de suite à la formulation d'un amendement. Je veux simplement que vous puissiez dire au député de Portneuf si, sur la base de votre interprétation du règlement que nous avons ici à l'Assemblée nationale du Québec, l'amendement vient à ce moment-ci ou à un autre moment. En d'autres mots, je pense qu'il est important pour l'ensemble des parlementaires - là-dessus, c'est votre décision, on y va - que vous indiquiez comment la procédure doit être suivie pour ce qui est de la présentation des amendements selon la séquence des articles qui sont présentés.

Le Président (M. Jolivet): Pour répondre à votre demande de directive par rapport justement à l'article 564 dont faisait mention le whip de l'Opposition, je vais pour les besoins de la cause le relire. On dit: "En comité plénier, les différentes parties d'un bill public sont examinées dans l'ordre suivant: les articles imprimés, c'est-à-dire les sept articles qui sont actuellement imprimés; les articles imprimés qui ont été différés, puisqu'il peut y avoir, en termes d'addition, des articles qui sont reportés à plus tard; les articles nouveaux - qui pourraient s'ajouter sous forme d'amendement - les annexes imprimées, mais seulement s'il y a lieu de les amender, les annexes nouvelles, le préambule, le titre, mais seulement s'il y a lieu de l'amender."

Or, si je lis ce que dit le règlement dont on fait mention, le règlement Goeffrion: ils sont dans l'ordre suivant, le, 2e, 3e, 4e... Je crois comprendre que le whip voudrait,

avant que je ne donne ma décision, faire une intervention. Allez.

M. Pagé: M. le Président, j'ai fait, dans un premier temps, la même lecture que vous de cet article. Cependant, vous constaterez que dès l'article 1 - l'essentiel de l'article 1, c'est de prévoir les conditions de la convention collective - on réfère à l'annexe, c'est-à-dire que ne sont pas spécifiés le quantum, les montants auxquels le travailleur a droit par l'écriture du législateur de sa convention collective qu'il n'a pas pu signer. Compte tenu qu'on réfère à l'annexe dès l'article 1, je crois être tout à fait habilité à présenter mon amendement à ce moment-ci.

Le Président (M. Jolivet): Que vous puissiez, en vertu même de l'article 564, faire mention dès l'article 1 que vous avez l'intention d'amender l'annexe, je pense que ce serait acceptable comme annonce d'un amendement que vous voulez apporter à l'annexe, puisque l'essence même de l'annexe dans un article de loi, c'est de reporter la discussion; même l'article 564 le prévoit comme tel. Autrement dit, il n'y aurait pas d'amendement à l'annexe qu'il serait adopté.

Or, l'amendement que vous voulez apporter à l'annexe indique donc, si on suit l'article 564, qu'il doit être étudié en quatrième position, même dans le règlement Geoffrion. En conséquence, ce que vous pouvez faire au moment où on se parle, c'est annoncer que vous avez un amendement à l'annexe et on l'étudiera en quatrième position, c'est-à-dire lorsqu'on aura étudié tous les articles imprimés qui ont été différés, tous les articles nouveaux et ainsi de suite.

Donc, je dois comprendre que vous avez une annonce que je prends et qu'on étudiera lorsqu'on arrivera à l'annexe.

M. Pagé: Je n'ai pas fini. Je veux vous indiquer - et c'est peut-être opportun qu'on puisse l'annoncer à ce moment-ci, parce qu'on sait que le gouvernement a besoin de temps pour réfléchir, on l'a vu tout à l'heure - que le but de cet amendement, l'objet de cet amendement, c'est de prévoir que la convention collective imposée aux deux parties reflète le plus fidèlement possible, dans sa teneur, le consensus qui se dégageait par la voix des négociateurs et des gens qui ont été mandatés pour négocier, tant de la part de la partie syndicale que de la partie patronale, en la personne de M. Pageau, de M. Bouchard et des autres qui occupaient pour et au nom du syndicat. Cet amendement vise à ce que les paroles données soient respectées et il sera accompagné, évidemment, compte tenu qu'il prévoit 11% en 1982 et 6% en 1983, d'un autre amendement qui, lui, visera à enlever l'indexation pour la deuxième année qui était prévue dans le projet de loi no 84 tel que rédigé originalement.

En ce qui concerne le bien-fondé, la justification de présenter cet amendement, je suis persuadé et j'ose espérer que je n'aurai pas besoin de plaider longtemps et que les députés du côté de la majorité voteront en toute liberté, selon leur conscience et sans se soucier des diktats improvisés du député de Matane et président du Conseil du trésor, le petit Napoléon du PQ.

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!

M. Pagé: Votez librement sur l'article 1.

Le Président (M. Jolivet): Y a-t-il d'autres interventions sur l'article 1? M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: L'article 1 a pour objet de mettre les parties signataires de la dernière convention collective dans une situation telle que la convention collective qui existait auparavant soit reconduite et soit maintenant la loi des parties. (1 h 30)

Peut-être que vous aurez à donner une directive, M. le Président, sur la question que je me pose. Pour savoir la véritable teneur de l'article 1, ne devrait-on pas disposer de ce qui, finalement, est le coeur de l'article 1, c'est-à-dire la convention collective en question? Je considère que des amendements à l'article 1 pourraient prendre la forme d'amendements à la convention collective. Étant donné que l'article 1 réfère à la convention collective, M. le Président, il serait possible, à titre d'exemple, que nous, de l'Opposition, en admettant qu'il y ait un chapitre là-dessus, voulions proposer un amendement dont nous pourrions discuter et que même le ministre du Travail pourrait accepter, en ce qui concerne la permanence d'emploi, la mobilité, etc. Ce sont là des éléments essentiels dans la convention collective et des éléments de base de l'article 1.

Comment peut-on discuter intelligemment de l'article 1 si on n'a pas la convention collective, qui est l'essence même de l'article 1? Le ministre du Travail a l'air de l'apprendre, de regarder de quelle couleur c'est; il ne l'a peut-être pas vue, il la voit peut-être pour la première fois, mais ce n'est pas ce projet de loi qu'on étudie, c'est la convention collective dont vient de prendre possession, avec surprise, le ministre du Travail.

On pourrait peut-être suspendre de nouveau pour permettre au ministre du Travail de prendre connaissance de ce dont on va discuter et de ce qu'il nous propose.

Comment peut-on avoir une discussion intelligente? Je n'ai pas la convention collective en main et on me demande de me prononcer, à l'article 1, sur cette convention collective.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: Ce n'est pas aussi volumineux qu'un dictionnaire, M. le Président, mais je crois comprendre que le député de Louis-Hébert voudrait avoir l'occasion de prendre la convention collective qui a existé entre les parties, en examiner le contenu article par article, avoir le loisir de suggérer des amendements à l'un ou l'autre des articles de ladite convention. Je lui signalerai tout simplement que dès lors que cette convention a été adoptée, de par la loi, elle doit être déposée au bureau du Commissaire général du travail. Elle devient donc un document public dont toute personne peut avoir copie, dont toute personne peut prendre connaissance.

Si c'est ce à quoi réfère le député de Louis-Hébert, il peut, en tout état de cause, mettre la main sur la convention et, s'il a le goût de la parcourir et de suggérer des amendements aux clauses qui sont là, c'est son entière faculté de le faire. C'est un document public, je vous le réitère, qui, en vertu du Code du travail, doit être déposé au bureau du Commissaire général du travail dans les cinq jours de sa signature. Qu'il dispose donc d'une copie, qu'il l'étudie et qu'il nous propose les amendements auxquels il pourrait songer.

M. Doyon: M. le Président, là-dessus... M. Bisaillon: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): Juste un instant! C'est sur le même sujet?

M. Doyon: Oui.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Le ministre du Travail fait grand état qu'il s'agit là d'un document public auquel je pourrais avoir accès, etc. Cependant, je pense qu'il importe de signaler au ministre du Travail que nous avons été saisis de ce projet de loi à 14 heures hier, que nous avons siégé sans interruption depuis 14 heures, que nous avons été ici pour remplir notre devoir de représentants de la population à l'Assemblée nationale depuis 14 heures, qu'il est maintenant samedi matin 1 h 30. Que le ministre du Travail ait l'outrecuidance de me dire: Si vous voulez une convention collective, allez vous la procurer! je suis à proprement parler scandalisé de cette façon de répondre. Ce n'est pas sérieux. C'est une solution de facilité, c'est tout simplement un faux-fuyant parce que sa solution et sa réponse ne sont pas pratiques. C'est tout simplement insultant qu'on nous dise à 1 h 30 du matin, un samedi, en plein milieu de la nuit: Si vous voulez la convention collective, allez la chercher, c'est un document public.

Si c'est le genre de réponse qu'on a d'un ministre du Travail devant un sujet aussi sérieux que ça, je suis tout simplement désemparé, je ne sais pas quoi dire.

M. Bisaillon: M. le Président...

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, avez-vous autre chose à dire?

M. Fréchette: J'ai un commentaire, M. le Président. Je suis prêt à remettre au député de Louis-Hébert, s'il veut se livrer à l'exercice auquel il réfère, une copie de la convention collective. Il prendra le temps qu'il faut pour l'examiner, la regarder article par article et ce qu'il aurait le goût de suggérer au chapitre des amendements, il pourra le faire. Mais je suis étonné, M. le Président, que le député de Louis-Hébert se dise ignorant du contenu de la convention collective qui nous occupe quand il était, à l'époque où elle a été signée, un des hauts fonctionnaires de la Communauté urbaine de Québec. Qu'il ne me fasse pas le reproche de ne pas avoir regardé la convention quand il a dû l'avoir sous sa main en 1979 quand elle a été signée.

M. Bisaillon: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: J'ai compris, des directives que vous aviez données relativement aux premiers amendements qui avaient été déposés, qu'on pouvait, à ce stade-ci, au moment où on étudie l'article 1, faire l'annonce des amendements à l'annexe. Puisqu'on doit voter l'article 1, on doit donc faire l'annonce des amendements à l'annexe. Pour éviter qu'on s'installe dans des débats de procédure, pour éviter aussi que la population, qui nous regarde, peut-être moins au moment où on se parle, et qui nous a déjà regardés, pense que, par la procédure, les députés de l'Opposition ou ceux du gouvernement ont voulu éviter le débat de fond sur des amendements à proposer, est-ce que le ministre serait d'accord pour que, une fois les amendements à l'annexe annoncés, on puisse commencer la discussion de ces amendements immédiatement? C'est un consentement, M. le Président, mais cela nous permettrait au moins d'aller tout de

suite aux amendements et, avec le consentement de tout le monde, on discuterait au moins du fond et on éviterait le débat de procédure. Si le ministre acquiesçait à cette demande de consentement, je dis tout de suite que j'aurai, pour ma part, deux autres amendements à l'annexe à annoncer et quand on aura le portrait des amendements annoncés, on pourra les prendre un par un et les discuter.

Le Président (M. Jolivet): M. le député, en vertu même du règlement actuel, il y a toujours possibilité de diférer l'étude des sept premiers articles pour en arriver à l'annexe immédiatement. S'il y a consentement, comme président, je n'aurai pas d'autre choix que d'accepter votre consentement et de dire qu'il y a consentement, et aller directement à l'annexe. S'il y a consentement, je suis prêt à le faire. S'il n'y a pas consentement, je continuerai l'article 1. Est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Non.

M. Bertrand: M. le Président.

Le Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le député de Sainte-Marie, je comprends très bien le bien-fondé qui se trouve sur le plan du travail. La façon d'y arriver aussi vite, sinon plus vite que ce qu'il vient de proposer, c'est qu'on suive le règlement. On a un règlement. Écoutez!

M. Bisaillon: Parfait!

M. Bertrand: Et qu'on adopte...

M. Bisaillon: L'article 1, à reporter.

M. Bertrand: ... les sept articles.

M. Bisaillon: Ou les reporter.

M. Bertrand: Mais qu'on les adopte et qu'on aille à l'annexe.

Le Président (M. Jolivet): Je crois comprendre qu'il n'y a pas consentement.

Donc, je reste à l'article 1. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: J'ai un autre amendement, M. le Président. L'article 1 vise à produire une convention collective, c'est-à-dire à partir de la convention collective existante, à partir des clauses négociées et paraphées entre les parties et à partir de l'annexe qu'on ajoute. Tout le monde sait qu'une convention collective, quand elle est signée, c'est aussi accompagné d'un protocole de retour au travail, quand il y a eu grève. Il y a donc un certain nombre de conditions qu'on ne retrouve pas nécessairement dans des conventions collectives, mais qui font partie du processus de signature de convention collective. Comme le gouvernement demande au Parlement de se substituer aux parties pour en arriver à produire une convention collective, ne devrait-on pas prévoir en même temps des mécanismes pour en arriver à la signature d'un protocole de retour au travail? Dans ce sens-là, comme, évidemment, on ne peut pas le faire ici, mais qu'il y a au moins trois problèmes, à ma connaissance, qui devraient être discutés, on pourrait peut-être proposer un amendement à l'annexe - un mandat à confier au ministre délégué au Travail - de voir à régler avec les parties un protocole de retour au travail selon la procédure habituelle, la justice, l'équité et la tradition aussi qui est déjà implantée dans le milieu de travail particulier.

C'est un aspect très important et cela fait habituellement partie de la discussion et de la signature d'une convention collective. Alors, si on veut se substituer aux parties, faisons-le au moins jusqu'au bout en accomplissant chacune des tâches qui accompagnent la signature d'une convention collective. Ce serait donc un premier amendement. (1 h 40)

J'ai un deuxième amendement, M. le Président, toujours à l'annexe. Dans l'éventualité - ce que je ne souhaite pas -où l'amendement déjà annoncé par le whip de l'Opposition ne serait pas retenu, il y aurait, à ce moment-là, un article dans l'annexe qui s'appellerait indexation. Or, à l'article indexation, on dit: Première année, il n'y a pas de formule d'indexation des salaires la première année. M. le Président, je trouve que le législateur, c'est supposé ne jamais parler pour ne rien dire. Or, cela me semble parler pour ne rien dire. De dire qu'il n'y aura pas telle chose dans une loi, si on est muet, il n'y en a pas de chose. Moi, je proposerais tout simplement un amendement, soit de biffer les termes dans l'annexe première année et il n'y a pas de formule d'indexation des salaires la première année. Biffer cela tout simplement. Cela n'ajoute strictement rien. On n'a pas cette formule, c'est qu'il n'y a pas, tout simplement, une formule d'indexation. On n'a pas besoin de le dire. Un dernier amendement, M. le Président, qui devrait d'abord être adressé au ministre sous forme de question, c'est à la page 6 du projet de loi à l'article rétroactivité. On lit: "Les montants de rétroactivité seront établis en tenant compte de la durée ininterrompue du service de l'employé." Je voudrais savoir ce qu'on vise

par cela et souligner qu'il y a un danger à cette formulation. Si, par exemple, quelqu'un est malade, c'est une interruption.

Le Président (M. Jolivet): Je ne voudrais pas que vous entriez dans la discussion. Vous l'annoncez.

M. Bisaillon: Je l'annonce là. Une question et éventuellement un amendement sous cet aspect.

Le Président (M. Jolivet): Merci. Pour être capable tout à l'heure de pouvoir bien situer les amendements, dans le cas de votre premier amendement, j'aimerais que vous me l'écriviez pour que je puisse l'avoir. Quant au deuxième amendement, l'indexation elle est claire, votre proposition. Quant au troisième, la rétroactivité, il y aura d'abord une question et ensuite dépendant de la réponse une possibilité d'amendement. Donc, j'attendrai vos suggestions écrites. M. le député de Brome-Missisquoi, sur l'article 1.

M. Paradis: M. le Président, c'était concernant le protocole de retour au travail.

Le Président (M. Jolivet): Parfait, donc, l'article 1.

M. Paradis: Qui permet le protocole de retour au travail. Vous ne pensiez peut-être pas qu'ils étaient pour retourner au travail.

M. Fréchette: C'est une question que vous me posez?

Le Président (M. Jolivet): Non, M. le ministre, simplement, c'est qu'il y a eu un amendement, je crois. C'est ce que j'ai compris.

M. Pagé: On va continuer seuls, M. le Président. Cela va aller plus vite. Qu'il ne réponde pas.

Le Président (M. Jolivet): Ce que j'ai cru comprendre, M. le ministre, c'est que compte tenu que le député de Sainte-Marie a proposé un amendement possible. Donc, l'article 1 est adopté?

M. Paradis: Sur division.

Le Président (M. Jolivet): Sur division. L'article 2. M. le ministre a-t-il quelque chose à dire?

M. Fréchette: Non, M. le Président. Me semble-t-il, encore ici, le texte parle de lui-même. Il est très clair.

M. Bisaillon: M. le Président, le leader du gouvernement nous avait dit que cela avait été un sujet de discussion compte tenu du fait qu'au moment où on est entré en discussion sur le projet de loi, on ne savait pas nécessairement à quelle heure ce serait terminé. J'avais cru comprendre que l'article 2 avait été... Pas 2, mais 3, excusez-moi. Cela va.

Le Président (M. Jolivet): L'article 2 est-il adopté? Donc, adopté celui-là, pas de division sur l'article 2? Adopté. L'article 3, M. le ministre.

Retour au travail

M. Fréchette: L'article 3, M. le Président, c'est d'abord une ordonnance de retour au travail à 0 h 01 minute, le 7 novembre 1982. C'est donc dimanche matin à une minute. En même temps, il est fait obligation de demander aux employés surnuméraires de communiquer avec les autorités de l'employeur pour connaître leur horaire de travail parce que, semble-t-il, plusieurs d'entre eux ne sont pas fixés quant à leur horaire précis de travail.

Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Concernant le deuxième paragraphe qui se lit: "S'il fait partie de la catégorie des employés surnuméraires, il doit en outre s'informer de son horaire de travail auprès du service compétent de la commission entre 9 heures et 18 heures le 6 novembre 1982." Étant donné l'heure avancée de nos travaux... Le ministre va être tenté de me répondre qu'il peut le faire à 17 h 55, c'est avant 18 heures. Est-ce qu'il considère raisonnable ce délai pour les employés surnuméraires?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: La loi prévoit un délai de 9 heures du matin à 18 heures. Ce à quoi elle oblige l'employé surnuméraire c'est à un simple appel téléphonique au bureau du personnel de la commission ou au bureau concerné pour savoir quel peut être son horaire de travail. C'est parce que, par définition, comme surnuméraire, il ne peut pas être fixé quant à ses heures. Il n'a pas d'heures fixes de travail. Pour savoir s'il doit se présenter au travail le 7 novembre 1982 à 0 h 01, il faut qu'il le sache et la façon pour lui de le savoir, c'est de faire demain, entre 9 heures et 18 heures, l'exercice d'un appel téléphonique pour savoir si, effectivement, il doit se présenter au travail et, si oui, à quelle heure.

Le Président (M. Jolivet): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Je ne veux pas me faire l'avocat du diable, mais il doit en outre s'informer. S'il ne s'informe pas, qu'arrive-t-il?

M. Fréchette: S'il ne s'informait pas, il faudra se reporter aux dispositions de la convention collective pour voir ce qu'elle dit dans semblable matière.

M. Pagé: Quels sont les moyens... Vous obligez ce travailleur à s'informer. Dans la loi, il doit téléphoner, comme vous dites.

M. Fréchette: Enfin! S'informer.

M. Pagé: Quels sont les moyens que vous avez pris pour qu'il y ait une réponse?

M. Fréchette: Pardon?

M. Pagé: Quels sont les moyens que vous prenez dans la loi pour être certain qu'il y ait une réponse à l'autre bout? Vous dites au travailleur...

M. Fréchette: Oui.

M. Pagé: ... pour être plus clair auprès du ministre: Cette catégorie d'employés surnuméraires doit s'informer demain, entre 9 heures et 18 heures. C'est l'obligation qui est impartie au travailleur. Quelles garanties donnez-vous à ce travailleur qu'il y aura quelqu'un qui va répondre au bout?

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: À l'article 4, M. le Président, - il n'est pas encore adopté - il est clairement indiqué que la commission doit prendre les moyens appropriés pour que soient dispensés ces services habituels à compter du 7 novembre 1982. Si donc la commission a cette obligation, il faut qu'elle prenne les moyens de permettre au salarié surnuméraire de savoir s'il doit, oui ou non, se présenter. Par voie de conséquence, cela implique nécessairement qu'il y aura là demain ou ce matin, à compter de 9 heures, quelqu'un qui pourra répondre au téléphone, ou au bureau, si le salarié prend la décision d'aller au bureau, pour lui indiquer quel est son horaire de travail.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, le ministre du Travail vient de dire, en réponse à une question du whip de l'Opposition, ce qui se passe si une personne ne s'informe pas. Le ministre du Travail répond à cela que c'est la convention collective qui s'applique. Je voudrais savoir ce qu'elle dit là-dessus...

M. Pagé: Quel article?

M. Doyon: ... à quel article et....

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, excusez-moi, M. le député de Louis-Hébert n'a pas terminé.

M. Doyon: ... une fois que j'aurai eu cette réponse, M. le Président, je voudrais quand même signaler au ministre du Travail qu'il serait peut-être surprenant qu'on trouve une disposition à cet égard, une convention collective qui aurait prévu, dans son corps même, une loi spéciale future que le gouvernement ne connaissait pas à ce moment-là... Comment peut-il me répondre ou répondre au whip de l'Opposition qu'advenant le cas où une personne ne s'informe pas, c'est la convention collective qui s'applique? Je pense que poser la question et voir dans quel contexte il devrait y avoir une clause dans la convention collective, c'est donner une idée du genre de réponses qu'on a obtenues du ministre du Travail, non pas que cette chose soit extrêmement importante, mais cela montre dans quel esprit de précipitation et d'improvisation le projet de loi a été préparé. Cela témoigne aussi du genre de réponses qui sont données pour remplir le vide, réponses que nous sert le ministre du Travail depuis tout à l'heure. On peut se poser des questions sur les réponses qu'on a obtenues sur des points plus importants, si on nous répond comme cela sur une chose qui, à sa face même, devrait nous faire constater que la réponse n'est clairement pas que la convention collective dit quoi faire en cas de loi spéciale. Quand même!

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, il y a à la fois, me semble-t-il, une question et un commentaire. La question très précise... Je m'excuse.

M. Doyon: M. le Président, avec votre permission...

Le Président (M. Jolivet): M. le député.

M. Doyon: ... je vais répéter la question précise. Quel est l'article de la convention collective...

Une voix: On est en train de le chercher.

M. Doyon: Ils sont en train de le chercher?

M. Fréchette: Oui.

M. Doyon: ... qui prévoit ce qui se passe en cas de loi spéciale et du retour au travail à la suite de cette loi spéciale. Que dit la convention collective sur les lois spéciales?

M. Fréchette: On va faire la recherche et on donnera la réponse au député.

Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.

Une voix: ...

M. Fréchette: Oui, c'est ce que j'allais dire, M. le Président.

M. Paradis: Va-t-on suspendre pour deux heures et demie ou suspendre l'étude de l'article? (1 h 50)

Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! Je pense que la meilleure façon, compte tenu que les articles 3 et 4 sont joints avec la question posée, c'est de suspendre temporairement les articles 3 et 4 et de passer à l'article 5. Article 5, M. le ministre.

Poursuite de la grève

M. Fréchette: C'est strictement technique, M. le Président. Pour le cas où il y aurait grève illégale, c'est pour rendre applicables les dispositions du Code du travail en matière de pénalités.

Le Président (M. Rancourt): L'article 5 est-il adopté?

M. Pagé: Une question, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Le ministre titulaire de la loi écrit ceci: "Si la grève actuellement en cours se poursuit après le 6 novembre 1982, elle est réputée, aux fins de l'application de l'article 142 du Code du travail, avoir été déclarée ou provoquée à compter du 7 novembre." C'est donc dire que si jamais il y avait un problème particulier sur des questions relatives au protocole de retour au travail... L'information que j'ai - je peux me tromper et le ministre pourra me corriger -c'est qu'il y a des questions particulières concernant le protocole de retour au travail qui ne sont pas réglées. Le gouvernement et le ministre du Travail ont omis d'en faire état dans le présent projet de loi. Supposons qu'il y aurait une grève, elle serait jugée illégale non pas à cette date, mais à compter du 7 novembre. Est-ce qu'il y a des dispositions dans le projet de loi pour un "lock-out" illégal?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Effectivement, M. le Président, il n'y a pas de telles dispositions, sauf que l'on tient pour acquis, à ce moment, que l'usager, le contribuable, celui qui voudrait le faire pourrait en tout temps, par voie d'injonction, obtenir ce qu'il voudrait, c'est-à-dire le rétablissement du service.

M. Paradis: Est-ce qu'il y a un recours collectif?

M. Bisaillon: M. le Président, ce n'est pas sérieux. On fait une loi pour forcer la reprise du travail. Le ministre du Travail dit: Savez-vous, on a pensé qu'effectivement il pourrait y avoir une poursuite de la grève, mais on n'a jamais pensé que les autres pourraient peut-être fermer la "business". Supposons que, comme ils n'ont pas obtenu la troisième année de convention collective, ils ne seraient pas contents et ne reprendraient pas le service. De toute façon, avec la "job" qu'on vient de faire au syndicat nous-mêmes, peut-être seraient-ils en bien meilleure position. Tout à coup qu'ils ne reprennent pas le service.

Notre premier objectif en venant ici, c'était supposé être - c'était supposé être ça l'urgence - la reprise du service pour l'usager. Dans le texte de la loi, tout ce dont on parle c'est si le syndicat poursuit la grève. Mais, s'il y a un "lock-out", ce n'est pas prévu. Admettez, M. le Président, que ce n'est pas sérieux. Normalement, dans tous les autres projets de loi, il y avait au moins un contrepoids.

Le Président (M. Rancourt): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Je vais donner seulement un exemple au ministre. Supposons, M. le Président, que l'employeur, au lendemain de cette loi - peu importe pour quel motif; il n'a pas eu sa troisième année ou encore il se sent dans une position de force, il a le gros bout du bâton, appuyé par les députés péquistes et par le gouvernement - décide que, sur X circuits de transport en commun, il en ouvre seulement Y, disant à des travailleurs: Messieurs, "just too bad" pour un bout de temps, et décrète le "lock-out" partiel, il n'y a rien dans la loi. Le ministre nous dit: Ils demanderont une injonction, ils feront un recours collectif. Je n'ai jamais vu ça, ça ne marche pas de même.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je voudrais rappeler à mes collègues les

dispositions de l'article 4 du projet de loi qui n'est pas encore adopté, ça, j'en conviens, de même que l'article 5 dont on parle actuellement.

D'abord, quant à l'article 4, il y a une obligation qui est faite à la commission de donner le service à compter du 7 novembre 1982 - service de transport en commun, me semble-t-il. À supposer, pour n'importe quel motif, comme l'indique le député de Portneuf, que la commission de transport décidait de ne pas prendre les dispositions nécessaires pour que le transport en commun reprenne, je vous signale qu'à ce moment elle se retrouve en pleine illégalité. En conséquence, n'importe qui peut prendre les dispositions nécessaires pour se présenter devant un tribunal de juridiction civile, obtenir par requête en injonction une ordonnance obligeant la commission à donner le transport en commun aux usagers. Dans le cas de l'article 5, s'il y avait grève après l'adoption de la loi, c'est tout simplement pour prévoir que l'article 142 du Code du travail s'appliquera, c'est-à-dire qu'il y aura une pénalité.

M. Bisaillon: M. le Président, pour qu'on se comprenne bien...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! M. le ministre, avez-vous terminé?

M. Fréchette: Oui, cela va.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Pour qu'on se comprenne bien, l'article 142 prévoit des pénalités, il prévoit des sanctions. C'est ce qu'il prévoit. Quelles sont les sanctions prévues dans la loi? L'article 4, comme le ministre l'a souligné, ordonne à la commission, puisqu'on y dit: Elle doit prendre les moyens appropriés pour que soient dispensés ses services habituels. Tout ce qu'on fait, c'est qu'on lui donne une directive. Dans son cas, on ne prévoit pas de sanction. On dit: Les gens prendront des injonctions. Dans le cas du syndicat, on a prévu un mécanisme qui est l'application de l'article 142 du code, pour qu'il y ait une sanction. Où est la sanction pour l'employeur? Où est la correspondance qu'on retrouve toujours dans le Code du travail?

Le Président (M. Rancourt): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: On ne veut pas faire de chichi et tout un plat avec cela. On a des commentaires qui seront importants et qu'on devra appuyer d'une argumentation sur les amendements qu'on propose. À ma connaissance, dans les sept lois précédentes que le gouvernement du Parti québécois a fait adopter par la Chambre, dans les lois spéciales que j'ai vues, qui avaient comme objectif un retour au travail pour dispenser les services, il y avait toujours ce pendant de l'obligation qui est impartie aux travailleurs de retourner au travail, de ne pas déclencher de grève illégale. Il y avait toujours l'obligation pour l'employeur de se conformer au projet de loi et de ne pas décréter de lock-out illégal, parce qu'on sait que bien souvent le lock-out et la grève, c'est une question d'interprétation. J'ai souvent entendu des employeurs dire: Ah, ce n'est pas un lock-out, c'est une grève, et entendre les travailleurs dire: Ce n'est pas une grève, c'est un lock-out. Ce n'est pas compliqué de prévoir le pendant dans le projet de loi. On ne fera pas de chichi, on n'en fera pas un plat. Surtout venant du ministre du Travail, vous devriez prévoir les deux choix et on passerait à d'autre chose, on passerait au substantiel.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, si on prenait le temps, ne serait-ce qu'une minute, de lire l'article 142 du Code du travail; on prévoit très clairement que c'est pour les deux parties. Laissez-moi l'occasion de ne lire que les deux premières lignes de l'article 142 du Code du travail: Quiconque déclare ou provoque une grève ou un lock-out contrairement aux dispositions du présent code, ou y participe, est passible, pour chaque jour ou partie de jour pendant lequel cette grève ou ce lock-out existe, d'une amende de...

Cela donne la réponse à la question que le député de Sainte-Marie, à très juste titre, a formulée. Que l'une ou l'autre des deux parties se retrouve dans l'illégalité, d'une part, l'employeur parce qu'il ne fournit pas les services, d'autre part, les salariés parce qu'ils n'iraient pas au travail, c'est dans l'un et l'autre cas l'article 142 du Code du travail qui s'applique.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a demandé la parole.

M. Bisaillon: Je suis d'accord. M. le Président, c'est sur le même sujet.

Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Chevrette: Moi aussi, M. le Président...

M. Bisaillon: Comme c'était une réponse à ma question.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Marie, sur le même sujet.

M. Bisaillon: Je suis d'accord avec ce que le ministre vient de dire. La seule chose, c'est que, dans l'article tel qu'il est rédigé, on aurait peut-être dû ajouter: ou qu'un lock-out est décrété. Autrement dit, si la grève actuellement en cours se poursuit ou qu'un lock-out est décrété, là l'article 142 du code s'applique. C'est juste cela qu'on souligne. (2 heures)

M. Fréchette: M. le Président, je n'ai pas le goût de donner une leçon de droit au député de Sainte-Marie, mais il me paraît évident que dès lors que la commission transgresserait les dispositions de l'article 4, elle se placerait dans la plus stricte des illégalités. Il n'est pas nécessaire d'écrire dans la loi qu'on doive procéder. C'est implicite en soi. Par interprétation, on se réfère directement à l'article 142 du Code du travail.

Le Président (M. Rancourt): Sur le même sujet, M. le député de Jean-Talon.

M. Rivest: Ce qu'on demande au ministre c'est de lire son article 5. L'article dit: "Si la grève actuellement en cours se poursuit après le 6 novembre 1982, elle est réputée, aux fins de..." Tout l'article ne concerne que la dimension grève et ignore complètement la dimension lock-out. C'est tout ce que l'on dit. Lisez-le votre article.

M. Fréchette: II n'y a pas de lock-out en cours, c'est une grève en cours.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Joliette, ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Chevrette: Je voudrais tout simplement rappeler une chose. Dès que la loi est sanctionnée, ce sont les droits normaux du Code du travail qui s'appliquent. Je trouve cela très drôle qu'on s'interroge, actuellement, sur ce qui va se passer après. Après la loi, on a une convention réputée en vigueur tout comme s'il y avait une signature. C'est l'effet normal.

Que le député de Sainte-Marie s'interroge sur les effets, et que le député de Jean-Talon, tout en venant faire son petit boniment, se retire tout de suite après, dès que l'Assemblée nationale se sera prononcée sur un contenu de convention collective, cela devient, immédiatement après, l'application normale d'une convention collective, pas plus, pas moins.

Donc, la commission doit prendre les moyens appropriés - c'est bien dit - pour que soient dispensés les services conformément dévolus en vertu du Code du travail, en vertu des normes prévues dans les contrats collectifs de travail également, parce que cela devient force de loi normalement, les normes prévues au contrat de travail lui-même. Je suis surpris qu'on s'interroge sur les moyens. Ce sont les moyens prévus. Y a-t-il des prises de position par rapport à des individus? Y a-t-il des dossiers disciplinaires? C'est tout à fait normal, c'est l'application normale d'un contrat collectif de travail. Je ne comprends pas pourquoi on s'obstine sur cela.

Je comprends que le député de Sainte-Marie puisse s'interroger et dire: Qu'est-ce qui s'applique après? Après, c'est l'application d'un contrat qui, normalement, est signé, qui est normalement imposé par rapport à l'Assemblée nationale, mais qui, après, a exactement force de loi comme si c'était signé. C'est cela que cela dit.

Il y a des processus de règlement de griefs dans cela. Il y a des processus d'évaluation. Il y a des fiches de notation. C'est ce que dit l'article 4. La commission prend les moyens en fonction du contrat qui lui est, dans les circonstances, imposé, mais qui pourrait être, négocié, si jamais on n'avait pas fait un appel téléphonique outremer, et on aurait pu signer. C'est ce que cela veut dire. Pas plus que cela, pas moins que cela non plus.

Je suis convaincu - et je voudrais le préciser - que ce sont les mécanismes du contrat qui jouent dès que la loi est sanctionnée, pas plus, mais pas moins.

M. Bisaillon: M. le Président, j'aurais un commentaire.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Paradis: J'ai demandé la parole. M. Fréchette: Je n'insiste pas.

M. Paradis: Rapidement, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: II paraît, à la face même du projet de loi, si on s'en tient aux propos du cinquième ministre du Travail qui nous parle ce soir, que c'est la convention collective qui devrait s'appliquer et que cet article 5 crée un déséquilibre dans la loi qui pèse lourd sur les travailleurs strictement. Est-ce que le ministre consentirait à le retirer?

M. Fréchette: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: ... il faut bien nous placer dans la perspective du projet de loi qu'on est en train d'étudier.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Fréchette: Ce projet de loi fait suite à un conflit de travail de la nature d'une grève. Ce n'est pas adopté à la suite d'un conflit de travail de la nature d'un lock-out. En conséquence, il nous apparaît qu'il faille référer strictement au conflit devant lequel on se trouve, donc, la grève. Quant à l'autre aspect, l'autre possibilité d'un lock-out, on n'est pas devant cette éventualité-là actuellement. On n'est pas devant un lock-out.

En vertu de l'article 4 du projet de loi et en concordance avec l'article 142 du Code du travail, si l'employeur, qui, au moment où l'on se parle, n'a pas décrété de lock-out, après l'adoption de la loi décidait de décréter un lock-out, il devra, au même titre que le salarié, qui, par exemple, ne respecterait pas les dispositions de la loi, faire face à d'éventuelles et possibles accusations portées en vertu de l'article 142 du Code du travail.

M. Paradis: M. le Président, brièvement.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Vous conviendrez avec moi, M. le ministre, que les articles non encore adoptés, soit 3 et 4, sont le pendant l'un de l'autre pour la partie patronale et pour la partie syndicale. On en convient? On retrouve un article 5 qui, lui, ne trouve pas de pendant nulle part dans le projet de loi. Ce que vous nous dites, finalement, c'est que si on se retrouve devant une situation de lock-out, ce sera parce que, suivant les propos qu'on a entendus de la part des députés ministériels, le syndicat ne sera pas content et le patronat ne sera pas content. Vous avez tranché la poire en deux, dites-vous, mais si vous avez tranché la poire en deux, en vertu de quelle théorie pouvez-vous dire qu'il y a plus de risque de grève illégale que de lock-out illégal? Où est-ce que vous prenez ça?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, si la situation qui nous avait amenés ici en avait été une suscitée par un lock-out décrété par l'employeur, prenons cela comme exemple, inversons la situation dans laquelle on se trouve et à supposer qu'on soit ici, l'article 5 de l'actuel projet de loi parlerait du lock- out au lieu de parler de la grève purement et simplement et l'on dirait à l'article 4: Les travailleurs doivent fournir le travail. S'ils ne le font pas c'est l'article 142 du Code du travail qui s'appliquerait. C'est exactement le mécanisme à l'inverse.

M. Paradis: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Une question bien brève, M. le ministre. Pouvez-vous m'indiquer en vertu de quel article du Code du travail peut être sanctionné l'article 4 du projet de loi? L'article 4 qui dit que la commission doit prendre les moyens appropriés pour que soient dispensés ses services habituels. Quel article du Code du travail sanctionne...

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Ce n'est pas le Code du travail. Ce n'est pas ce genre de situation qui est prévue par le Code du travail. C'est l'injonction devant le tribunal civil.

M. Paradis: Ah!

M. Rivest: Vous avez toujours dit que vous étiez contre toute espèce de recours à l'injonction et vous n'avez pas encore corrigé ça après six ans?

M. Fréchette: Vous me demandez quel est le recours.

M. Lalonde: C'est avant que le député de Sherbrooke soit ministre du Travail.

M. Paradis: M. le Président...

M. Fréchette: Je saisis mal le député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Paradis: M. le Président.

M. Fréchette: Je saisis très mal les propos du député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, une question à la fois. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Sur l'injonction... M. Fréchette: Oui.

M. Paradis: ... à minuit ou à une minute dimanche matin, si la CTCUQ ne reprend pas le travail, vous dites aux

citoyens de Québec de se présenter devant les tribunaux lundi matin et de réclamer des injonctions. C'est ce que vous leur dites.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Frechette: Je ne leur dis pas...

M. Paradis: Vous nous convoquez ici dans un débat d'urgence et vous nous dites:

Si une des parties ne reprend pas le travail, des gens de Québec, vous continuerez à marcher, mais marchez en direction du tribunal.

M. Fréchette: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: ... je ne leur dis pas de le faire.

M. Lalonde: Ah! Vous êtes bien bon! Une voix: Ah!

M. Fréchette: Vous avez autre chose, M. le député?

M. Lalonde: Non, merci. (2 h 10)

M. Fréchette: Je peux vous écouter, si vous voulez.

M. Lalonde: Non, je vous entends. M. Fréchette: Oui.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Fréchette: Je ne leur dis pas de le faire, M. le Président. Je leur dis qu'ils ont à leur disposition les moyens de le faire. Je suis conscient que je me répète, mais je pense que je dois le faire. Les motifs pour lesquels nous sommes ici procèdent d'un conflit de travail de la nature d'une grève et non pas d'un lock-out. En conséquence de ce que je viens de dire, il nous faut donc prendre les dispositions pour faire cesser la grève. C'est la décision que nous avons prise. Par voie de conséquence également, nous devons aussi prévoir quelles sanctions pourraient s'appliquer au cas où la loi ne serait pas respectée, si la grève devait continuer. La réponse à cette question -c'est la deuxième, troisième ou cinquième fois que je le dis - nous la retrouvons à l'article 142 du Code du travail. Ce n'est pas actuellement un lock-out qui existe comme situation de travail à la CTCUQ.

Une voix: Merci.

Une voix: On ne peut rien vous cacher.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Fréchette: Vous le savez, vous.

M. Paradis: On peut donc conclure que vous avez convoqué l'Assemblée nationale du Québec non pas pour garantir aux citoyens de Québec un service essentiel qu'est le transport en commun, mais strictement pour régler une grève. Cela ne vous intéressait pas de garantir la continuité du service.

Une voix: Voyons donc!

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, on va prendre le temps qu'il faut. Je suis tout à fait disposé à cela. Mais je vous réitère qu'on est en face d'un conflit de la nature d'une grève et non pas d'un lock-out. C'est une grève. Vous avez compris? Je n'insiste pas.

M. Paradis: On a compris ce que vous vouliez faire.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert a demandé la parole.

M. Doyon: M. le Président, simplement pour m'informer si le ministre a trouvé la réponse à ma question.

M. Fréchette: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: Je ne sais pas si le député de Louis-Hébert souhaite que je lui fasse lecture...

M. Doyon: Non.

M. Fréchette: ... des dispositions de la convention collective. Cela lui donnerait très certainement la possibilité de voir pourquoi il y a ce deuxième paragraphe à l'article 3 du projet de loi, à moins qu'il me dise qu'il serait satisfait que je ne fasse que le reporter aux clauses...

M. Doyon: Je vous crois sur parole, M. le ministre, si vous avez trouvé un article qui se rapporte à une situation de loi spéciale... C'est cela que vous me dites?

M. Fréchette: Je vous ai trouvé un article qui traite des heures de travail, des agendas, des horaires de travail des employés surnuméraires. C'est ce que je vous ai

trouvé. C'est ce que vous m'avez demandé.

Une voix: Et qui impose l'obligation à ces gens-là de s'informer.

M. Doyon: Ce n'était pas cela, mais je n'insiste pas, M. le Président. Je laisse aller.

Une voix: II n'est même pas sûr de ce qu'il a demandé.

M. Fréchette: Mais je peux vous donner les articles, si cela vous intéresse.

M. Doyon: Je laisse aller, M. le Président.

M. Fréchette: Les articles 34.05, 34.06 et 34.07; vous avez la réponse à toutes vos questions.

M. Ooyon: Dont la suivante, si je comprends bien, M. le Président. Je vais prendre la parole du ministre là-dessus. S'il me dit oui, j'ai la réponse à la question suivante: Que se passe-t-il dans le cas où un employé ne s'informe pas de son horaire de travail...

Une voix: II n'aura pas de job le lendemain.

M. Doyon: ... qui lui est imposé par l'article 4 du projet de loi no 84? S'il me dit qu'un article répond à cette question spécifique, je considère sa réponse satisfaisante.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, encore là, nous allons retrouver dans la convention collective la réponse à la question du député de Louis-Hébert. Dès lors que nous aurons mis le doigt dessus, je lui donnerai l'information. Mais il y a quelque chose dans la convention collective de travail, comme dans n'importe quelle convention collective de travail, qui prévoit des mécanismes face à telle ou telle situation. On va vous le dire dans quelques minutes.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je voudrais simplement signifier, M. le Président, que j'étais disposé, afin qu'on puisse passer aux amendements qu'on a déjà annoncés, à adopter l'article 5 sur division.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que l'article 5 est adopté?

Une voix: Sur division.

M. Fréchette: M. le Président, je voudrais m'assurer que l'article 4 est également adopté. Est-ce que l'article 4 est adopté?

M. Paradis: L'article 4 est suspendu.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, les articles 3 et 4 sont suspendus.

M. Fréchette: L'article 5 est alors adopté.

M. Paradis: Sur division. M. Fréchette: Sur division.

Le Président (M. Rancourt): L'article 5 est adopté sur division.

Une voix: Ce n'est pas fort.

Dispositions ayant effet indépendamment de la Loi constitutionnelle de 1982

Le Président (M. Rancourt): L'article 6? Une voix: Adopté.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, l'article 6 se lit comme suit: "La présente loi a effet indépendamment des dispositions des articles 2 et 7 à 15 de la Loi constitutionnelle de 1982." On voit qu'on réfère à la charte des droits et libertés individuels. Quels sont les effets que le ministre visait à éviter de cette charte qui garantit des droits aux travailleurs?

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je serais un peu embêté pour préciser vers quelle époque l'Assemblée nationale a procédé à l'adoption d'une loi. C'est au printemps dernier, me semble-t-il, ou quelque part au mois de juin.

M. Paradis: M. le Président, ce n'est pas la question. Quels sont les articles? Vous écrivez les "articles 2 et 7 à 15". Quels sont les droits que vous voulez brimer?

Une voix: Pas brimer, mais protéger contre.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je répondrai simplement au député de Brome-Missisquoi que trop fort ne casse pas, voyez-

vous.

M. Paradis: Om va vous passer sur le corps.

M. Fréchette: Pardon?

M. Paradis: On va vous passer sur le corps.

M. Fréchette: Vous le ferez si vous voulez.

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, vous avez la parole. M. le député de Brome-Missisquoi, vous avez une question?

M. Paradis: Est-ce que le ministre délégué au Travail peut nous dire quels droits des travailleurs il voulait soustraire à la Charte canadienne des droits et libertés lorsqu'il a mis l'article 6 dans cette loi, si c'est lui qui la parraine?

M. Chevrette: C'est pour cela que je voulais vous faire répéter.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Fréchette: Vous êtes habile.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, cette loi à laquelle je vous référais il y a un instant qui a été adoptée par l'Assemblée nationale au cours du printemps ou de l'été dernier, au début de l'été, nous oblige maintenant à inscrire dans chacune de nos lois cet article que vous retrouvez à 6 de l'actuel projet.

M. Paradis: Vous voulez dire...

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: ... M. le ministre délégué au Travail, que vous avez une obligation d'inscrire cela dans ce projet de loi sans savoir pourquoi?

M. Fréchette: On se conforme, M. le Président, à une obligation qui nous est imposée par une loi qui a été adoptée ici au printemps ou au début de l'été dernier.

M. Paradis: Quels sont les droits maintenant, spécifiquement dans ce projet de loi? Si on se souvient, il y a une loi d'application générale à laquelle vous référez. On ne savait pas trop pourquoi à l'époque. On nous a dit: Lorsque chacun des projets de loi arrivera, on vous expliquera pourquoi et on n'aura peut-être pas besoin de mettre cela. Vous, vous avez choisi, vous étiez obligé de le faire, mais quels droits visez-vous lorsque vous mettez cela dans ce projet de loi? Est-ce qu'il y a des droits qui sont visés ou est-ce un article inutile?

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: ... on se rappellera que, lors de la dernière session, de la deuxième partie de la session qu'on a eue le printemps dernier, il y a un projet de loi qui a été soumis à l'attention de l'Assemblée nationale, projet de loi qui a été adopté à l'Assemblée nationale du Québec, projet de loi qui, maintenant, fait en sorte que, dans chacun des projets de loi que nous adoptons à l'Assemblée nationale, nous introduisons cette disposition. La question...

M. Paradis: Question de règlement.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Bertrand: ... est très simple, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! Question de règlement, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: J'ai adressé une question au ministre délégué au Travail. Il apparaît clairement par la réponse qu'il m'a donnée qu'il ne sait pas pourquoi il l'a mis dedans. Je retire donc la question. On vote contre. Adopté sur division.

Le Président (M. Rancourt): Est-ce que l'article...

M. Fréchette: J'avais un renseignement, M. le Président, à donner au député de Louis-Hébert à propos d'un article de la convention collective. Sa question, me semble-t-il, était la suivante: Qu'est-ce qui pourrait arriver aux travailleurs surnuméraires qui ne s'informeraient pas et, par voie de conséquence, ne se présenteraient pas au travail par la suite?

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, le ministre délégué au Travail est en train de me donner la réponse. Je ne veux pas allonger le discours là-dessus, sauf qu'il ajoute un bout de phrase que je n'ai pas dit. Il dit: Le député de Louis-Hébert m'a demandé: Qu'est-ce qui se passe si un travailleur ne s'informe pas et, par voie de conséquence ne se

présente pas?

M. Fréchette: 34.16, M. le Président.

M. Doyon: 34.16, c'est la réponse à la question?

M. Fréchette: Voilà.

M. Doyon: Merci, M. le ministre.

Le Président (M. Rancourt): L'article 6 est-il adopté?

M. Paradis: Sur division.

Le Président (M. Rancourt): L'article 6 est adopté sur division. L'article 7 est-il adopté? Adopté. Donc, nous revenons à l'article 3 qui a été suspendu. (2 h 20)

M. Paradis: C'est suspendu, nous allons à l'annexe et on y revient après.

M. Bertrand: Non, non, on est...

M. Fréchette: Articles 3 et 4. Non, je pense...

M. Bertrand: On nous avait posé des questions. On a eu les réponses. Articles 3 et 4.

M. Paradis: C'est quoi, les réponses aux questions?

Retour au travail (suite)

Le Président (M. Rancourt): M. le ministre, article 3.

M. Fréchette: Les réponses... On a donné les réponses, M. le Président, aux questions qui ont été posées.

M. Bertrand: Adopté? M. Fréchette: Adopté. Une voix: Adopté.

Le Président (M. Rancourt): L'article 4 est-il adopté?

M. Pagé: Adopté.

Annexe

Le Président (M. Rancourt): L'article 4 est adopté. Annexe. À ce que j'entends, il y a une proposition d'amendement à l'annexe présentée par le député de Portneuf, le whip de l'Opposition.

M. Pagé: C'est bien cela, M. le Président. Je vous avais donné préavis, dès l'amorce de l'étude de l'article 1 du projet de loi, de notre intention de présenter l'amendement suivant. Je le relis. Je vais commenter brièvement pour laisser le temps à mes collègues d'intervenir. Que la sous-section intitulée Taux de la section I de l'annexe du projet de loi no 84 soit modifiée en remplaçant dans la troisième ligne le chiffre 10,59 $ par le chiffre 10,69 $; et en remplaçant dans la quatrième ligne le chiffre 11,23 $ par le chiffre 11,33 $. Les troisième et quatrième lignes amendées se liraient comme suit: Le 26 décembre 1981, 10,69 $, le 26 décembre 1982, 11,33 $.

Que la sous-section intitulée Indexation de la section I intitulée Salaires de l'annexe du projet de loi no 84 soit modifiée en remplaçant les deux derniers alinéas de la sous-section par le suivant: "II n'y a pas de formule d'indexation des salaires la deuxième année." La sous-section amendée se lirait comme suit: Indexation, Ire année: II n'y a pas de formule d'indexation des salaires la première année. 2e année: II n'y a pas de formule d'indexation des salaires la deuxième année.

M. le Président, tel que j'avais eu l'occasion de l'évoquer, les motifs pour lesquels nous présentons cet amendement, quoi qu'en ait dit le leader du gouvernement, sont les suivants. Il nous apparaît, quant à nous...

Le Président (M. Rancourt): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais simplement vous demander, comme président, une directive pour la bonne gouverne de nos travaux et pour être sûrs que nous sommes respectueux du règlement, autant du code Lavoie, c'est-à-dire celui qui a été adopté il y a quelques années, que du règlement au nom de M. Geoffrion. Je voudrais connaître, M. le Président, votre interprétation de l'article 64 du règlement de l'Assemblée nationale qui dit: "Une motion ne peut être présentée que par un représentant du gouvernement, après recommandation du lieutenant-gouverneur en conseil, lorsqu'elle a pour objet direct l'exécution de travaux publics, l'allocation de subventions - et c'est sur le point 3 que j'attire votre attention - l'imposition d'une charge additionnelle sur les revenus publics ou sur les contribuables." Je vous réfère aussi à l'article 155 du règlement que nous avions avant le code Lavoie. L'article 155 dit aussi: "Nulle motion ayant pour objet direct ou devant entraîner directement l'allocation ou l'affectation de deniers publics, l'imposition ou l'augmentation de quelque charge sur le peuple - et j'attire votre attention, M. le Président, sur l'expression "l'imposition ou l'augmentation de quelque charge sur le peuple"... Dans

l'article 64, tel que libellé, on mentionne "l'imposition d'une charge additionnelle sur les contribuables." Or, M. le Président, je vous fais valoir que toute motion d'amendement qui aurait pour effet de modifier - c'est là-dessus que je vous demande une directive - par exemple, 10,59 $ ou 11,23 $, toute motion qui aurait pour effet de modifier cela à la hausse impose une charge additionnelle aux contribuables puisque, en effet, il y a trois possibilités qui existent: Ou bien c'est le gouvernement du Québec qui doit, par ses subventions...

M. Pagé: Question de règlement, M. le Président

M. Bertrand: M. le Président, je n'ai pas terminé. Qui doit, par ses subventions...

M. Pagé: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): Question de règlement, M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Très brièvement, M. le Président. Je comprends que le temps fuit. Il nous reste seulement quinze minutes. Le député qui préside actuellement la commission plénière est vice-président de l'Assemblée nationale. Grâce à l'expérience qui vous caractérise, je suis persuadé que vous êtes en mesure de rendre votre décision immédiatement.

Une voix: On ne plaidera même pas.

M. Pagé: On ne plaide pas. J'en suis persuadé. Je connais votre haut savoir, comparativement à l'expérience du leader.

Une voix: On va gager. On gage. M. Pagé: J'attends votre décision.

M. Bertrand: C'est une demande de directive que je vous fais, M. le Président, faisant valoir que l'imposition d'une charge additionnelle sur les contribuables...

M. Lalonde: Merci, ça va bien...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Pagé: M. le Président, êtes-vous prêt à rendre votre décision?

M. Bertrand: ... c'est refusé par l'article 64, ce n'est pas présenté par un représentant du gouvernement.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît, M. le whip du gouvernement.

M. Pagé: Le leader.

Le Président (M. Rancourt): C'est exact, le leader du gouvernement. Cette motion d'amendement est recevable...

M. Pagé: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): ... parce qu'elle n'a pas pour objet un objet direct.

M. Lalonde: C'est ça.

M. Pagé: Merci, M. le Président, et j'espère que le leader du gouvernement pourra le noter dans sa jurisprudence pour l'avenir.

M. le Président, les motifs pour lesquels on présente cet amendement, c'est qu'il nous est apparu qu'à un moment précis de la négociation entre la commission de transport, la Communauté urbaine de Québec et le syndicat représentant les chauffeurs d'autobus de la Communauté urbaine de Québec, en présence ou en contact avec les médiateurs spéciaux, la partie syndicale a accepté de ramener ses demandes de 15% à 11% pour 1982, 6% pour 1983. Les informations au dossier nous indiquent confirmées d'ailleurs par M. Bouchard, président de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec - que comme représentant de la partie patronale, il s'est engagé envers les médiateurs à faire accepter par le groupe de maires de la communauté urbaine, les 11% et les 6%.

Dans mon intervention, ce soir, je me suis déclaré surpris de constater que le rapport des médiateurs ne prévoyait pas des dispositions de 11% et 6%, mais plutôt de 10% et 6%. Je demande aujourd'hui, compte tenu de l'obligation qu'ont le gouvernement et le ministre délégué au Travail de respecter le principe voulant que lorsqu'une entente, un engagement entre deux parties est formulé, vous devez obligatoirement le respecter. C'était l'expression de la volonté des parties, les 11%, 6% - M. le Président, je termine là-dessus - vous devez la respecter.

J'ai cru comprendre que, pendant les deux heures trente pendant lesquelles vous avez délibéré et suspendu nos travaux, vous êtes passé proche. Je suis persuadé - comme le disait le leader du gouvernement ce soir, à la suite de l'intervention du député de Sainte-Anne - que le député de Taschereau, que le député de Limoilou, que les députés de la région de Québec vont voter librement, dans leur âme et conscience, sur cette question.

M. Lalonde: C'est beaucoup demander.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Pagé: Et je demande le vote.

Le Président (M. Rancourt): Je crois que, selon la motion d'urgence, il y avait une demande et qu'il était exigé que dix minutes avant l'expiration du délai, on doive mettre aux voix immédiatement, sans débat, les articles.

J'aimerais savoir si le ministre, tel qu'annoncé, a un amendement?

M. Fréchette: Oui, M. le Président, c'est également à l'annexe 5. Un amendement qui a été annoncé en deuxième lecture.

L'amendement serait le suivant: L'annexe est modifiée par l'insertion, avant le dernier alinéa de la page 5, de l'alinéa suivant: "Dans le cas d'un employé qui n'a pas été à l'emploi de la commission au cours de toute cette période, le montant forfaitaire accordé par la commission est établi au prorata de la période d'emploi." Cet après-midi, j'avais annoncé que c'était le mot "toute" qui disparaissait purement et simplement comme amendement possible. Mais on rejoint exactement le même effet en ajoutant le texte dont je viens de parler, c'est-à-dire que les avantages prévus par cette partie de l'annexe vont aussi être accordés au travailleur qui n'aura pas complété toute la période de référence, c'est-à-dire une année. S'il a fait six mois, s'il a fait huit mois, il aura droit au montant au prorata du temps pendant lequel il aura travaillé. (2 h 30)

Je ne sais pas si mes collègues de l'Opposition me permettraient de procéder à un amendement strictement, me semble-t-il, de typographie. C'est "26 décembre 1982", au lieu de "25". Je ne sais pas si à cet égard...

M. Pagé: II n'y a pas de problème, c'est votre cadeau de Noël.

M. Fréchette: Pardon?

M. Pagé: II n'y a pas de problème, c'est votre cadeau de Noël.

M. Fréchette: Bon.

Le Président (M. Rancourt): Donc, vote.

M. Fréchette: À la deuxième ligne, vous avez "26 décembre 1981", "25 décembre 1982" devient "26 décembre 1982".

Le Président (M. Rancourt): Cet amendement est-il adopté? Adopté.

M. Bisaillon: M. le Président, je n'ai pas eu l'amendement. Comment peut-on voter sur des choses qu'on n'a pas vues?

Le Président (M. Rancourt): Donc, nous prenons le vote sur l'amendement? L'annexe est modifiée par l'insertion avant le dernier alinéa de la page 5 de l'alinéa suivant: "Dans le cas d'un employé qui n'a pas été à l'emploi de la commission au cours de toute cette période, le montant forfaitaire accordé par la commission est établi au prorata de la période d'emploi." Il n'y a pas de discussion. Est-ce que le vote...

M. Rivest: II y a eu un amendement antérieur qui a été proposé par le député de Portneuf. Qu'en est-il arrivé? Il faut le voter.

Le Président (M. Rancourt): Nous débutons par...

M. Rivest: Très bien, par courtoisie pour le ministre.

Le Président (M. Rancourt): ... le vote sur l'amendement du ministre tel qu'annoncé.

M. Rivest: Oui, par courtoisie pour le ministre, nous sommes d'accord.

Le Président (M. Rancourt): L'annexe telle qu'amendée est-elle adoptée? S'il vous plaît! L'annexe telle que modifiée est-elle adoptée?

M. Bisaillon: À l'annexe telle que modifiée, il y a eu d'autres propositions d'amendements. Après?

Le Président (M. Rancourt): Oui. M. Bisaillon: Cela va.

Le Président (M. Rancourt): Adopté. Donc, je fais la lecture de l'amendement du député de Portneuf: "Que la sous-section intitulée "Taux" de la section I de l'annexe du projet de loi no 84 soit modifiée en remplaçant dans la troisième ligne le chiffre 10,59 $ par le chiffre 10,69 $ et en remplaçant à la quatrième ligne le chiffre 11,23 $ par le chiffre 11,33 $. Les troisième et quatrième lignes amendées se liraient comme suit: Le 26 décembre 1981, 10,69 $, le 26 décembre 1982, 11,33 $." Cet amendement est-il adopté?

M. Fréchette: Rejeté sur division.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce qu'on a le droit de poser une question?

Le Président (M. Rancourt): C'est sans débat à cette période-ci.

M. Fréchette: Adopté sur division. M. Bertrand: Sans débat.

M. Chevrette: Est-ce à dire que... M. Fréchette: Rejeté sur division.

Le Président (M. Rancourt): Rejeté sur division.

M. Lalonde: Vote à main levée, M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): Vote à main levée.

M. Bertrand: Cela prend combien de personnes.

M. Lalonde: Vote à main levée, s'il vous plaît, M. le Président.

M. Chevrette: II n'y a pas...

M. Lalonde: On a le droit de le demander.

Le Président (M. Rancourt): Que ceux qui sont pour cet amendement veuillent bien lever la main.

Une voix: II n'y en a pas d'autres là-bas?

Le Président (M. Rancourt): Que ceux qui sont contre veuillent bien lever la main? Motion rejetée.

À l'ordre, s'il vous plaît! Le député de Sainte-Marie a présenté l'amendement suivant: Ajouter après le deuxième sous-titre de l'annexe un troisième sous-titre: "3. Protocole de retour au travail. L'Assemblée nationale confie au ministre du Travail le mandat de régler un protocole de retour au travail, en tenant compte de la justice, l'équité et la tradition de la CTCUQ." Cet amendement est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Rancourt): Adopté?

M. Bertrand: Rejeté

Le Président (M. Rancourt): Rejeté.

Une voix: Lequel ça?

Le Président (M. Rancourt): Celui du député de Sainte-Marie.

M. Bertrand: Voulez-vous le relire. On ne l'a pas reçu.

Le Président (M. Rancourt): Je vais relire l'amendement du député de Sainte-Marie.

Ajouter après le deuxième sous-titre de l'annexe, un troisième sous-titre: "3.

Protocole de retour au travail. L'Assemblée nationale confie au ministre du Travail le mandat de régler un protocole de retour au travail en tenant compte de la justice, l'équité et la tradition de la CTCUQ." Cet amendement est-il adopté?

M. Fréchette: Rejeté.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Bertrand: Rejeté.

M. Rivest: Vote à main levée.

Le Président (M. Rancourt): Vote à main levée.

Quels sont ceux qui sont pour l'amendement? Quels sont ceux qui sont contre?

Rejeté.

À l'ordre, s'il vous plaît!

II y a un autre amendement du député de Sainte-Marie qui dit de biffer le paragraphe indexation et qui commence après "1re année". Il n'y a pas de formule d'indexation des salaires la première année.

Cet amendement est-il adopté?

M. Bisaillon: M. le Président, c'est biffer les mots "1re année: II n'y a pas de formule d'indexation des salaires la première année." Parce que c'est inutile, il n'y en aura pas.

Le Président (M. Rancourt): L'amendement est-il adopté?

Des voix: Adopté.

M. Fréchette: Rejeté.

Le Président (M. Rancourt): Même vote? Vote à main levée.

M. Bertrand: M. le Président, on ne les a pas les amendements du député de Sainte-Marie.

Le Président (M. Rancourt): Quels sont ceux qui sont pour l'amendement?

M. Bertrand: On n'a pas les documents. Est-ce que le secrétariat du député de Sainte-Marie pourrait nous envoyer des amendements photocopiés?

M. Bisaillon: M. le Président.

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, j'ai formulé, à la demande du gouvernement, mes motions d'amendement et je les ai

acheminées, celles que je devais faire par écrit, en avant. Il me semble que depuis le temps qu'on discute, je pensais que tout le monde les aurait eues.

De toute façon, je veux juste dire que de la façon dont on fait cela, on a une phrase inutile, pourquoi ne la coupe-t-on pas?

M. Fréchette: Voulez-vous simplement, M. le Président, répéter, pour la bonne compréhension, l'amendement suggéré par le député de Sainte-Marie.

Le Président (M. Rancourt): Je vais relire. Sous le titre "indexation", biffer "Ire année: II n'y a pas de formule d'indexation des salaires durant la première année."

Quels sont ceux qui sont pour cet amendement?

M. Rivest: Vote à main levée.

Le Président (M. Rancourt): Vote à main levée.

Quels sont ceux qui sont contre cet amendement?

Amendement rejeté.

À l'ordre, s'il vous plaît!

Il y avait aussi du député de Sainte-Marie un amendement concernant la rétroactivité, mais nous n'avons pas reçu le texte.

M. Bisaillon: C'est-à-dire, M. le Président, j'avais...

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!

M. Bisaillon: On ne dirait pas qu'on vote une loi spéciale.

J'avais juste annoncé que je ne comprenais pas la portée de ce que voulait dire la durée ininterrompue. Selon mon interprétation, cela pouvait comprendre une période de maladie, cela pourrait être inclus là-dedans. Je voulais juste savoir quelle était la portée pour voir s'il y avait utilité d'apporter un amendement si c'était trop large. Quelle est la portée de cette formulation, en tenant compte de la durée ininterrompue du service? S'il y a eu une maladie, par exemple, il y a eu interruption. Est-ce qu'on coupera la rétroactivité pendant cette période-là? C'est ça que je veux savoir. (2 h 40)

Le Président (M. Rancourt): S'il y a consentement unanime, le ministre peut répondre; sinon, nous allons passer directement.

M. Fréchette: M. le Président...

Le Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a consentement unanime?

M. le ministre.

S'il vous plaît! S'il vous plaît!

M. Fréchette: Quand on réfère à la durée ininterrompue du service, il est bien clair que l'on veut strictement dire que, si le salarié était absent, par exemple, pour des congés prévus à l'intérieur de la convention, que ce soit maladie, vacances ou libération syndicale, enfin les situations prévues par les conventions collectives, le service n'est pas interrompu. D'ailleurs, le député de Sainte-Marie, avec l'expérience qu'il a de l'arbitrage, sait très bien à quoi on réfère quand on parle de service pour l'employeur. Il est clair que l'interruption du service, généralement parlant, ne pourrait référer, me semble-t-il, qu'à l'interruption du contrat de services entre les deux parties.

M. Bisaillon: Est-ce que ce ne serait pas plus clair, à ce moment-là, si on disait autres que? Si ce que vous venez de m'expliquer était contenu dans le texte, est-ce que ce ne serait pas plus clair?

Le Président (M. Rancourt): M. le député de Sainte-Marie, sans débat.

M. Fréchette: Autres que quoi?

M. Bisaillon: Autres que les interruptions prévues à la convention collective.

M. Fréchette: Je comprends que c'est une argumentation juridique qui pourrait durer longuement, mais j'ai l'impression que ce à quoi réfère le député de Sainte-Marie est couvert par le texte tel qu'on le trouve actuellement.

Des voix: Vous êtes sûr?

M. Fréchette: Oui, je suis sûr.

Le Président (M. Rancourt): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Est-ce que l'annexe telle qu'amendée est adoptée?

M. Bisaillon: Sur division.

Le Président (M. Rancourt): Adopté sur division.

Est-ce que le projet de loi tel qu'amendé est adopté?

M. Bisaillon: Sur division.

M. Rancourt (président de la commission plénière): Sur division.

M. le Président, il me fait plaisir de vous faire rapport que la commission plénière a adopté le projet de loi no 84 avec des amendements.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Est-ce que le rapport de cette commission plénière est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

Troisième lecture

Troisième lecture de ce projet de loi. M. le ministre délégué au Travail.

Une voix: Pas beaucoup d'applaudissements.

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: M. le Président, si le député de Portneuf a le goût de manifester, par des applaudissements ou autrement, je vous signalerai que, quant à moi, ce n'est pas tout à fait les sentiments que j'ai au moment où on se parle, à cette heure-ci de la nuit.

Je l'ai dit, M. le Président, à l'occasion de mon intervention en deuxième lecture, l'exercice auquel nous nous sommes livrés depuis 14 heures, cet après-midi, n'est agréable pour personne. Il n'est pas agréable pour les parties - je suis conscient que je redis des choses sur lesquelles on a déjà insisté - qui sont impliquées dans ce projet de loi. Il n'est pas agréable non plus pour le gouvernement, mais pour tous les motifs qu'on a plaidés depuis 14 heures, cet après-midi, il apparaissait très clairement que c'était la seule avenue qu'il fallait maintenant emprunter, sur laquelle il fallait s'engager.

Vous savez, M. le Président, les gens de l'Opposition ont beau s'amuser, ont beau rire, à 2 h 45 dans la nuit. Ils ont beau essayer de trouver toute espèce de faux-fuyants pour trouver cela drôle, mais il reste que ce n'est pas de cette façon que nous voyons les choses.

Je reviens à un commentaire que je faisais en deuxième lecture. Dans ce cas-ci, comme dans tous les autres cas auxquels j'ai référé en deuxième lecture, ces gens-là ont pris une attitude telle qu'à bien des égards et à bien des moments on ne savait trop quelle orientation cela allait prendre. C'est tellement vrai que, de temps en temps, on se disait: En voici un qui va se prononcer pour la loi; en voici un autre qui va se prononcer contre. On ne savait trop. Mais, à tous égards, dans chacun des cas, indépendamment de l'argumentation qu'on invoquait, indépendamment du fait qu'on alléguait qu'il s'agissait là d'une loi inique, injuste, absurde, épouvantable, on finissait toujours par dire: On va voter pour la loi.

M. le Président, je n'ai pas le goût d'aller plus loin que les quelques commentaires que je viens de faire, sauf peut-être pour vous dire, en terminant, que la population de Québec et de la région pourra compter sur un transport en commun dans les heures qui viennent. C'était essentiellement l'objectif qui était visé.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Pierre-J. Paradis

M. Paradis: M. le Président, il est 2 h 45 de la nuit. On comprend que le ministre délégué au Travail, qui en est à ses premières armes, n'ait pas envie d'en dire plus long. On a surtout compris quelle utilisation le parti ministériel avait faite de l'Assemblée nationale du Québec dans l'adoption d'une telle loi.

M. le Président, pendant deux heures et demie - vous en avez été témoin - ce qu'ils avaient à dire, ils ne l'ont pas dit à la population de Québec. Ils ne l'ont pas dit aux travailleurs de Québec. Ils ne l'ont pas dit aux élus municipaux. Ils ne l'ont pas dit aux parlementaires. Ils se le sont cacassé entre eux, entre minuit et 2 h 30. C'est à ce moment que le gouvernement a commencé à chambranler. M. le Président, ce gouvernement a besoin d'être psychanalisé. Se retrouve dans les rangs de ce gouvernement, M. le Président, un psychiatre qui est présentement ministre de l'Éducation et qui les a psychanalisés, en 1972, de la façon suivante: "Plus un gouvernement présente des lois d'exception, pour quelque motif que ce soit, plus il signe sa faiblesse -les fous restaient forts - plus il signe son impéritie - on va vous expliquer cela: manque d'aptitude, manque d'habileté, notamment dans l'exercice de sa profession, ignorance, incapacité - plus il signe son imprévoyance... (2 h 50)

Une voix: Qui est-ce qui disait cela?

M. Paradis: Dr Laurin qui parle... son incapacité à saisir, à cerner les véritables problèmes d'une collectivité et à lui appliquer en temps opportun les remèdes qui pourraient non seulement guérir les problèmes mais, encore mieux, les prévenir." La succession des ministres du Travail, de 1976 à nos jours, qui, plutôt que de s'occuper des relations du travail, se sont occupés de séparatisme au Québec, fait en sorte qu'on a un Code du travail qui est mésadapté. Ces lois spéciales sur lois spéciales qu'on nous présente à l'Assemblée nationale du Québec font que, sous le prétexte de faire semblant de tenter de régler des conflits syndicaux, M. le Président, on procède par voie de législation matraque, on procède avec des objectifs. Si on n'a pas eu de commission parlementaire

et si on s'est vu confinés, comme membres de l'Opposition, à des quasi-réponses, à des pseudo-réponses, à des réponses évasives de la part de celui qui, officiellement, a parrainé le projet de loi de la part du ministre du Travail, on a pu se rendre compte, nous de l'Assemblée nationale, comme représentants de la population, et vous avez pu vous rendre compte, ceux qui ont eu la patience de suivre ces débats, que tout cela était piloté, que tout cela était guidé par le président du Conseil du trésor que le député de Portneuf, whip en chef de l'Opposition, a comparé tantôt à Napoléon. Mais il y a une différence bien nette entre le président du Conseil du trésor et Napoléon: Napoléon avait une main dans la poche, M. le Président, et le président du Conseil du trésor a les deux mains dans nos poches. C'est ça la différence.

M. le Président, on a voulu, avec cette loi, servir un avertissement aux travailleurs des secteurs public et parapublic. On a voulu, par cette loi, en réduisant la durée de la convention collective à deux ans, l'amener, en même temps que celle de Montréal, à faire de la négociation sectorielle. On a peut-être voulu aussi dire aux gens du secteur privé: Cela s'en vient, votre tour dans le sectoriel. On a mis en tutelle des administrations locales. On a exercé la petite vengeance politique que le député de Vanier avait sur le coeur contre le maire de Québec depuis son problème du Colisée. Le député de Vanier a voulu parler du syndrome du Colisée de Québec. M. le Président, il y a pire. On avait vu dans la loi 70 que le gouvernement ne respecte pas une signature, ne respecte pas sa signature. Ce dont on vient d'être témoins, aujourd'hui; c'est que le gouvernement n'a pas plus de respect pour une parole donnée que pour une signature ou vice versa. On était dans le conflit que le gouvernement prétend régler par une entente scellée par une poignée de main entre des représentants syndicaux et une partie patronale, 11% et 6% sans indexation. Pas plus le gouvernement ne respecte sa signature dans le cadre de la loi 70 et dans le cadre des conventions de travail des secteurs public et parapublic, pas plus il ne respecte la poignée de main que se sont donnée un employeur et un représentant syndical dans le cadre d'une négociation collective. Ce gouvernement a perdu toute notion de l'honneur qu'on doit posséder lorsqu'on veut prétendre gouverner.

M. le Président, lorsqu'on est arrivé à l'étude article par article du projet de loi, on ne s'est pas seulement rendu compte que le gouvernement avait perdu le sens de l'honneur, mais on s'est également rendu compte que le gouvernement ne sait pas comment travailler. On s'est rendu compte que ce gouvernement, qui était supposé avoir fait tous ses devoirs, suivant les dires du député de Vanier, le leader du gouvernement, qui était supposé avoir tout analysé, tout vu, a été obligé de prendre deux heures et demie pour rediscuter de certains éléments. On s'est également aperçu, à la lecture des articles du projet de loi, que celui-ci ne vise pas, comme on nous l'avait dit, à rétablir et à assurer le service aux citoyens de Québec, aux étudiants et aux personnes âgées qui ont besoin du service de transport en commun. Cela ne vise pas à leur garantir un service. Cela vise à mettre fin à une grève et c'est le ministre du Travail qui, pour une fois, a pris une position dans le dossier, lorsqu'on lui a demandé: Qu'arrive-t-il si l'employeur, suivant les dispositions de l'article 4, ne dispense pas les services habituels à partir de 0 h 01 dimanche matin? Et le ministre de nous répondre tout bonnement: Le citoyen de Québec, celui qui en est privé, n'aura qu'à prendre une injonction ou un recours collectif. On nous a rappelés de nos comtés, on a dépensé plusieurs dizaines de milliers de dollars aujourd'hui ici. Pourquoi? Pas pour garantir le service. Pour sauver la face du député de Vanier qui avait dit que ce conflit durerait quelques heures, tout au plus. Les citoyens de Québec, si la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec décide de ne pas assurer de service à partir de 0 h 01 dimanche matin, se dirigeront tout bonnement vers le palais de justice de Québec et tenteront d'obtenir une injonction. C'est la réponse qu'on a eue. M. le député de Jean-Talon, qui est conscient des inconvénients que cela cause aux gens qu'il représente à l'Assemblée nationale me souffle à l'oreille et me dit: C'est à pied qu'ils devront se rendre au palais de justice pour quémander une injonction, alors que le gouvernement nous avait dit qu'il n'y aurait pas d'interruption du service.

M. le Président, dès le début du conflit, le premier ministre du Québec a averti les représentants de la Communauté urbaine de Québec que s'ils étaient en train de négocier, ils devaient contacter le gouvernement. Cela veut dire quoi, en pratique? De contacter le président du Conseil du trésor pour qu'il leur dise à quel taux négocier et à quelles conditions. Le premier ministre a demandé à son chef de cabinet, à son alter ego, Jean-Roch Boivin, d'agir comme médiateur. Vous savez ce que cela faisait, en pratique? Cela plaçait la partie patronale, la commission de transport, dans une situation où elle pouvait, dès le début, fermer les livres, oublier de négocier, où elle pouvait même dire: Le gouvernement s'est tellement ingéré dans ce dossier, nous a tellement promis par la voie de son caucus des députés de la région de Québec, nous a tellement promis, par la voix de ses ministres, qu'il s'en occuperait, qu'une des parties importantes, le maire de Québec, a dit: Ils m'ont évincé du dossier, je m'en vais

à Paris, j'ai d'autres affaires à voir.

Mais oui, si on n'a pas de situation négociée aujourd'hui, vous rendez-vous compte que c'est parce que vous autres, les députés péquistes d'en face qui votez machinalement, comme des robots, vous avez enlevé aux travailleurs le droit de négocier, que vous avez enlevé à la partie patronale ce droit-là aussi? Vous rendez-vous compte de ça? Vous rendez-vous compte que n'eût été de l'intervention du député de Vanier, si on se fie aux pseudo-négociations qui ont eu lieu, si ces négociations avaient eu lieu dans un autre contexte, les autobus rouleraient présentement à Québec? Que vous autres, vous pourriez être dans vos comtés à vous faire raconter combien la taxe sur l'essence fait mal, combien la taxe sur l'électricité fait mal, combien il y a de chômage chez les jeunes au Québec, combien il y a de sans emploi, d'assistés sociaux? Je comprends que vous aimez mieux venir vous installer à Québec, même en pleine nuit. Parce que vos électeurs vous le disent: On en a soupé de votre gouvernement, on en a assez.

M. le Président, le rapport des médiateurs est basé sur l'opinion du chef de cabinet du premier ministre du Québec, Jean-Roch Boivin. Ce rapport ne fait aucunement mention des interventions publiques - devant les caméras le plus souvent possible - du député de Vanier. De deux choses l'une, ou bien le chef de cabinet du premier ministre considère que le député de Vanier n'est pas important, qu'il n'a pas besoin de son opinion ou que, s'il a reçu son opinion, il préfère l'ignorer, ou bien le député de Vanier a demandé au chef de cabinet de ne pas parler de ses interventions, qu'il préférait les raconter lui-même pour se garder l'exclusivité.

M. le Président, il y a des victimes dans ce conflit. On a procédé à l'adoption ou à l'étude d'une loi spéciale, d'une loi matraque qui va faire en sorte que dans les jours et les semaines qui vont venir, la partie patronale ne sera pas satisfaite, la partie syndicale ne sera pas satisfaite et la population, les usagers du transport en commun de la ville de Québec vont subir ces insatisfactions.

M. le Président, est-ce que c'est ça maintenir un service essentiel? Est-ce que c'est ça assurer la garantie d'un service essentiel?

M. le Président, à trois heures du matin, samedi matin, si on veut laisser le temps aux employés de se présenter au travail, d'effectuer un bon travail, un travail courtois, un travail de service envers la population, si on peut compter sur leur collaboration, si on peut demander aux représentants de la CTCUQ d'oublier qu'on leur a enlevé à eux, les élus locaux, plus proches du peuple que le député de Vanier, ce droit à la libre négociation, si on peut se permettre de demander aux employés de reprendre un service essentiel et de mettre de côté cette amertume pour l'instant, on peut espérer une bonne reprise des services. Mais cette amertume, on va leur demander de sommeiller dessus et de la conserver jusqu'au moment où il y aura des prochaines élections générales au Québec et de la déverser sur le député de Vanier, sur les autres membres du caucus péquiste de la région de Québec, sur le ministre du Travail, sur le président du Conseil du trésor et sur l'ensemble de la députation péquiste qui, après avoir fait vivre au Québec une faillite économique, une faillite de chômage, nous fait vivre une faillite dans le domaine des relations du travail. Merci beaucoup, M. le Président. (3 heures)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: M. le Président, je sors de ce débat de près de douze heures convaincu que des gens ont été trahis, que des travailleurs sincères ont été trahis, convaincu aussi qu'on a frappé trop fort et sûrement au mauvais endroit.

Tout ce débat s'est tenu sous le règne de la rigidité, d'une rigidité qu'on avait dénoncée de la part de l'employeur dès le départ. Mais, de la part du gouvernement, on doit reconnaître à la fin de ce débat que, tout au long, la rigidité a été présente. Rigidité au moment où on nous refuse de diviser le vote. Rigidité au moment où on nous refuse la possibilité, pendant le temps où on devait discuter de la motion d'urgence, alors que nous étions prêts à ne pas faire ce débat de procédure, de rencontrer les personnes concernées pour que les parlementaires soient informés. Rigidité aussi dans l'accueil fait aux quelques amendements présentés par des membres de l'Assemblée nationale. Rigidité du début jusqu'à la fin.

Je ne parlerai pas de l'improvisation qui a été manifeste non seulement dans la rédaction du projet de loi, mais dans les objectifs qu'on poursuivait. 11% et 6%, parce que cela correspondait à une offre qui avait déjà été faite par l'employeur. 11% et 6%, parce que cela correspondait à une entente prise avec le syndicat. 11% et 6%, parce que cela correspondait à la parole donnée. 11% et 6%, parce que c'était moins élevé que les 9% et 8% déjà conclus dans une convention collective et acceptés par le Conseil du trésor. 11% et 6% voilà ce qu'on aurait dû retrouver dans la loi, ce qui n'est pas le cas.

Je veux juste qu'on soit tous conscients que, ce soir, on n'a pas seulement voté une loi de reprise du transport en commun pour la Communauté urbaine de Québec; on a peut-être sonné le glas d'un certain nombre

d'activités importantes qui s'en viennent. Espérons que le président de la CSN, qui a été jusqu'à la fin dans les galeries, mais qui est sorti en se tenant la tête à deux mains, soit présent lorsqu'on va l'appeler à la concertation. Souhaitons que les travailleurs des secteurs public et parapublic, qui ont suivi nos débats, ne tiennent pas compte de ces douze heures de discussions. Souhaitons que, quand on enverra des porte-parole à l'avenir, ils aient autant de crédibilité qu'ils en ont eu dans le passé. Souhaitons que, par les gestes qu'on a posés aujourd'hui, on n'ait pas détruit à jamais la crédibilité essentielle à la conduite de négociations sérieuses. Surtout, quand les autobus vont rouler à Québec et qu'on aura l'impression non seulement d'avoir fait rouler les autobus, mais d'avoir réglé une convention collective, souhaitons que les travailleurs concernés ne nous reprochent jamais de n'avoir pas réglé toute la convention collective. (3 h 10)

Souhaitons, M. le Président, que le protocole de retour au travail, qu'on ne voulait pas régler dans le détail mais sur lequel on voulait mettre des mécanismes pour assurer au moins ce minimum essentiel, n'entraîne pas des conséquences graves ni des gestes démesurés. Souhaitons que les gestes qu'on a posés ce soir soient sans conséquence, mais j'en doute fort, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la troisième lecture du projet de loi no 84, Loi assurant la reprise du service de transport en commun sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

M. Bisaillon: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: ... selon l'article 111 du règlement, je voudrais enregistrer ma dissidence et je demanderai qu'elle soit inscrite au procès-verbal.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté sur division.

Je tiens à faire remarquer, avant que l'on ne termine nos travaux, qu'il y aura sanction au bureau 103-A et que chacun des membres de cette Assemblée représentant l'Opposition et le gouvernement est averti d'être présent à cette sanction.

M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: J'aimerais que le leader du gouvernement nous indique quel sera le menu de nos travaux lors de la reprise, mardi prochain.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, probablement le choix entre quatre projets de loi. L'un relatif aux producteurs agricoles; un autre relatif à la curatelle; un autre relatif aux valeurs mobilières et un autre, au port méthanier et aussi la motion inscrite au nom du premier ministre qui est en appendice au feuilleton.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Je sais que tout cela est au feuilleton, mais est-ce que le leader du gouvernement pourrait nous dire quoi, de la motion encensoir ou des lois, sera appelé? Il faudrait quand même se préparer.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement.

M. Bertrand: On parlera d'économie, mardi à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du gouvernement, sur une motion d'ajournement.

M. Bertrand: Oui, M. le Président, à mardi 14 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Les travaux de l'Assemblée sont ajournés à mardi 14 heures.

(Fin de la séance à 3 h 13)

Document(s) associé(s) à la séance