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(Dix heures dix minutes)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Un moment de recueillement. Veuillez vous asseoir. Déclarations
ministérielles. Dépôt de documents. M. le leder du
gouvernement.
Rapport annuel de l'Université du
Québec
M. Bertrand: M. le Président, au nom du ministre de
l'Éducation, je voudrais déposer le rapport annuel 1981-1982 de
l'Université du Québec.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Document
déposé.
Dépôt de rapports de commissions élues.
Mme la députée de Johnson.
Étude du projet de loi no 78
Mme Juneau: M. le Président, qu'il me soit permis,
conformément aux dispositions de notre règlement, de
déposer le rapport de la commission élue permanente de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a
siégé le 13 décembre 1982 aux fins d'étudier,
article par article, le projet de loi no 78, Loi modifiant la Loi sur les
producteurs agricoles. Le projet de loi a été adopté tel
qu'amendé. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Rapport
déposé.
M. le député de Kamouraska-Témiscouata.
Étude du projet de loi no 102
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata): M. le
Président, qu'il me soit permis, conformément aux dispositions de
notre règlement, de déposer le rapport de la commission
permanente de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui s'est
réunie le lundi 13 décembre 1982 aux fins d'étudier,
article par article, le projet de loi no 102, Loi modifiant diverses
dispositions législatives concernant l'inspection des viandes. Le projet
de loi a été adopté tel qu'amendé.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Rapport
déposé.
Mme la députée de Dorion.
Étude du projet de loi no 96
Mme Lachapelle: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer le rapport de la commission élue permanente de la
présidence du conseil et de la constitution qui s'est réunie le
lundi 13 décembre 1982 aux fins d'étudier, article par article,
le projet de loi no 96, Loi sur l'intégration de l'administration du
système électoral et l'a adopté avec amendements.
Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Rapport
déposé.
Pétition. M. le député de Brome-Missisquoi.
Pétition demandant de modifier la Loi sur les
petits abattoirs
M. Paradis: M. le Président, à la demande d'un
propriétaire de petits abattoirs du comté de Brome-Missisquoi, et
en vertu de notre règlement, je dépose la pétition qui
suit et qui se lit: "Considérant que l'actuelle Loi sur les petits
abattoirs ne permet pas le transfert de la vente de nos abattoirs et de nos
comptoirs de vente en détail;
Considérant que les abattoirs B ne peuvent vendre la viande des
producteurs aux restaurants, aux épiceries et aux autres
institutions;
Considérant que les propriétaires d'abattoirs B
désirent que leurs viandes soient inspectées afin d'assurer la
qualité du produit mis sur le marché;
Considérant que les exigences actuelles de construction sont
nettement exagérées selon des experts dans le domaine;
Nous, soussignés, propriétaires de petits abattoirs,
demandons à notre député de déposer la
présente pétition à l'Assemblée nationale afin que
soit amendée immédiatement la Loi sur les petits abattoirs pour
mieux servir les besoins de la population québécoise. "
Le Vice-Président (M. Rancourt): Pétition
déposée.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi
privés.
M. le leader du gouvernement.
Dépôt de rapports du greffier en loi sur
les projets de loi privés
M. Bertrand: M. le Président.
Une voix:...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Bertrand: Si le leader de l'Opposition me permet, ce matin,
j'aimerais présenter le projet de loi no 284, Loi concernant la
Corporation municipale de la paroisse de Saint-Denis. Je lui ai indiqué,
hier, que je prendrais des informations pour savoir si ce projet de loi est
litigieux. Or, il semble que non, au contraire, et les résidents de la
municipalité de la paroisse de Saint-Denis et le conseil municipal sont
tout à fait d'accord pour reprendre un terrain qui avait
été laissé vacant et qui pourrait servir à un
développement dans la municipalité de la paroisse de
Saint-Denis.
Alors, le projet de loi no 284, après avoir pris des
informations, ne poserait pas de problème et je fais donc motion pour
que nous suspendions les règles de procédure afin de permettre
que le projet de loi soit étudié en commission parlementaire.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, vous vous souvenez qu'hier,
nous avions remis à aujourd'hui le dépôt de ce projet de
loi parce que des avis n'ont pas été envoyés, tel que
requis par nos règlements, par les règles de pratique. On nous a
informés, comme le leader du gouvernement l'a dit, qu'aucune
conséquence ne pourrait s'ensuivre pour ce qui concerne les droits des
individus, les droits de propriété, les droits de succession.
Alors, dans ces circonstances, nous allons consentir à suspendre
les règles pour permettre le dépôt du projet de loi, tout
en vous disant et en disant au leader du gouvernement que nous allons, de ce
côté-ci - j'imagine, de l'autre côté aussi - en
commission parlementaire, faire preuve d'une vigilance particulière pour
les lois qui n'ont pas reçu la publicité prévue par nos
règlements.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, il y a
consentement.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Très bien. Je remercie le leader de
l'Opposition.
Il y aurait aussi un autre projet de loi privé, le projet de loi
no 276, Loi modifiant la charte de la ville de Saint-Hyacinthe. Dans ce projet
de loi aussi, la ville de Saint-Hyacinthe demande d'avoir un certain nombre de
pouvoirs particuliers. Là encore, il ne semble pas que ce soit un projet
de loi litigieux. On demande, entre autres, de pouvoir imposer des amendes
à des nuisances quelconques sur le plan de l'écologie, par
exemple, les dépotoirs. On demande de pouvoir instituer un fonds de
stabilisation des dépenses de déneigement. On demande le pouvoir
d'acquérir des immeubles pour fins de réserves foncières.
Si cela peut nous convaincre que c'est un projet de loi qui mérite de
recevoir notre approbation, on nous demande aussi d'avoir des pouvoirs
particuliers pour avoir un meilleur contrôle sur les salons de massage et
les boutiques érotiques.
Des voix: Ah!
M. Bertrand: Je ferai donc motion pour que ce projet de loi
puisse être étudié en commission parlementaire
malgré le fait que certains avis n'aient pas été
publiés à la Gazette officielle.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
est adoptée? Adopté.
Présentation de projets de loi au nom du gouvernement.
M. Lalonde: M. le Président, excusez-moi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde: À ce stade de l'ordre du jour, au
dépôt de projets de loi au nom du gouvernement, si vous me le
permettez, j'aimerais poser une question au leader du gouvernement. Le projet
de loi no 90 est déjà à l'étude en deuxième
lecture et il y a eu plusieurs demandes de division du projet de loi, des
demandes de le scinder en deux. C'est à ce stade de nos travaux que le
leader du gouvernement pourrait annoncer le dépôt d'une loi qui
enlèverait au projet de loi no 90 le chapitre des salaires et
pensions.
J'ai entendu le leader ce matin, sur les ondes de Radio-Canada, faire
presque une promesse de scission. Je ne parle pas de scission du caucus,
mais...
Des voix: Cela existe déjà!
M. Lalonde:... pourrait-il nous annoncer maintenant qu'il y aura
effectivement division du projet de loi en deux?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Non seulement le leader de l'Opposition et moi avons
le plaisir de discuter des travaux parlementaires le vendredi matin à 7
h 50, mais je vois que le leader de l'Opposition me suit jusque dans des
entrevues que j'ai accordées à un poste de radio. Effectivement,
ce matin, dans une entrevue avec M. Lamarche, j'indiquais qu'il ne serait pas
impossible que nous réfléchissions sur ce sujet. Cela
dépend aussi de certaines discussions que j'aurai tout à
l'heure avec le leader de l'Opposition. Il n'est pas impossible que nous
discutions, au sein de notre caucus, de la possibilité de scinder le
vote au moment de l'adoption du projet de loi no 90 en deuxième lecture.
Dans ce contexte, je préférerais, avant de donner une
réponse officielle, avoir quelques échanges avec le leader de
l'Opposition, après avoir aussi, bien sûr, consulté le
caucus des députés du Parti québécois puisque, tout
parrain du projet de loi que je sois, il n'en demeure pas moins que je ne suis
que le fiduciaire des pouvoirs que me confèrent le Conseil des ministres
et le caucus des députés du Parti québécois.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde: Très brièvement - je ne veux pas
prendre plus de temps là-dessus -je remercie le leader de son ouverture
d'esprit. Naturellement, nous avons des échanges pour l'organisation des
travaux, mais je ne voudrais pas que les propos du leader du gouvernement
laissent croire aux membres de cette Chambre qu'il s'agit de
négociations. Il me semble que la division du projet de loi est une
question de principe. Les autres discussions que nous avons concernent
l'organisation de nos travaux. La division de ce projet de loi, en ce qui nous
concerne, n'est pas négociable, dans le sens que nous allons parler que
tous les députés qui veulent le faire ici exprimeront leur
opinion, demanderont le gel des salaires des députés avec autant
de vigueur.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Hier soir, après avoir écouté
les discours des trois députés de l'Opposition, le
député de Marguerite-Bourgeoys, le député de
Laurier, et le député de Richmond, j'ai remarqué - j'ai
pris des petites notes - que le député de Marguerite-Bourgeoys
parlait de scinder, le député de Richmond, de scinder, le
député de Laurier, de scinder.
Des voix: Le député de Trois-Rivières
aussi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaîtl
(10 h 20)
M. Bertrand: En tout état de cause, je voudrais indiquer
une chose au leader de l'Opposition. Je prends bonne note, évidemment,
des remarques qui ont été faites. Non, non, le président
de l'Assemblée nationale m'indique, contrairement à ce que peut
penser le leader de l'Opposition, qu'il aimerait pouvoir dire son mot sur cette
question d'un vote scindé lors de l'étude d'un projet de loi en
deuxième lecture. Ce vote permettrait de faire en sorte que nous
puissions adopter une partie du projet de loi probablement à
l'unanimité - c'est ce que j'ai cru entendre hier - et une autre partie
sur division. Là-dessus, je veux simplement, pour le
bénéfice du leader de l'Opposition, indiquer que le
président de l'Assemblée nationale croit qu'il a un mot à
dire non pas sur l'opportunité politique de scinder le vote en
deuxième lecture, mais sur le principe même de la scission.
Étant donné qu'il y a des règlements qui régissent
le fonctionnement de l'Assemblée nationale, le président a un mot
à dire et je pense qu'il aimerait bien émettre quelques
commentaires relativement à cette question qui est tout de même
fondamentale.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde: Je ne voulais pas en faire une discussion. Nous
violons tous les deux le règlement depuis quelques minutes. Plus la
discussion se développe, plus cela devient incompréhensible. Je
n'ai jamais demandé de voter deux fois sur le même projet de loi.
Ce serait complètement incohérent de voter contre une partie et
pour l'autre; on n'a jamais demandé cela. D'ailleurs, les
règlements prévoient que, lorsque cela se présente, on
scinde non pas le vote, mais le projet de loi. On en fait deux. C'est pour cela
que je me suis levé à ce stade de nos procédures qui
prévoient que le leader du gouvernement peut déposer un projet de
loi au nom du gouvernement. Je demande de déposer un projet de loi qui
enlève du projet de loi no 90 toutes les dispositions concernant les
salaires et les pensions. Cela fait à peu près la dizième
fois que je le demande.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je pense que ce serait tout
à fait inopportun que nous fassions en ce moment le débat sur le
projet de loi no 90. Je veux simplement indiquer au leader de l'Opposition que,
si j'ai bien compris les différentes interventions qui ont
été faites hier - et là-dessus, je pourrai me
référer au journal des Débats - il n'a pas
été question de faire du projet de loi no 90 deux projets de loi
différents.
Des voix:...
M. Bertrand: Je m'excuse, mais ce dont il a été
question, c'est de donner la possibilité aux parlementaires d'indiquer
s'ils sont favorables à certains des principes contenus dans le projet
de loi no 90 et s'ils sont défavorables à certains autres
principes
contenus dans ce projet de loi. La seule façon d'y parvenir;
c'est de faire une motion qui propose la division d'une affaire discutée
devant l'Assemblée nationale. Si le président juge que cette
motion de division est recevable, à ce moment-là, elle est mise
aux voix et, partant de là, l'Assemblée nationale étudie,
effectivement, une question, mais une question qui est maintenant
divisée en deux parties. Il y a un article du règlement qui est
très clair là-dessus et qui n'a rien à voir avec ce qu'on
peut appeler un vote scindé au moment de l'adoption d'un projet de loi
en deuxième lecture.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Présentation de
projets de loi au nom des députés. M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, l'article c du
feuilleton.
Projet de loi no 276 Première lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Le député
de Saint-Hyacinthe propose la première lecture du projet de loi
privé no 276, Loi modifiant la charte de la ville de Saint-Hyacinthe.
Cette motion de première lecture est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission des affaires
municipales
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais faire motion
pour que ce projet de loi soit déféré à la
commission parlementaire permanente des affaires municipales.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de renvoi
est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: L'article d du feuilleton.
Projet de loi no 284 Première lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Le député
de Verchères propose la première lecture du projet de loi
privé no 284, Loi concernant la corporation municipale de la paroisse de
Saint-Denis. Cette motion de première lecture est-elle
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Motion...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de
première lecture est-elle adoptée?
M. Bertrand: Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Première lecture de ce
projet de loi.
Renvoi à la commission des affaires
municipales
M. Bertrand: Motion, M. le Président, pour
déférer ce projet de loi à la commission des affaires
municipales.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de
déférence est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Questions orales des
députés. M. le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, j'ai indiqué hier que
j'avais l'intention de poser une question au ministre des Transports concernant
le prêt de 4 000 000 $ de la Caisse de dépôt à
Québecair. Je constate que le ministre des Transports n'est pas encore
en cette Chambre ce matin. Doit-il y être ou est-ce qu'on doit...
M. Ciaccia: II a peur de venir.
M. Bourbeau:... penser qu'il ne viendra pas?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: J'ai une indication, M. le
Président, pour le bénéfice du député
de Laporte, que le ministre des Transports est retenu pour les mêmes
raisons qu'hier, et qu'il sera de retour à Québec seulement vers
14 heures cet après-midi.
Le Président: M. le député de
Vaudreuil-Soulanges, sur une question principale.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Le rendement de la Caisse de dépôt et
placement
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, M. le Président, ma
question s'adresse au ministre des Finances qui nous disait hier que la Caisse
de dépôt et placement du Québec avait réussi
à amasser un capital de 1 500 000 000 $ de plus, depuis quelques
années, étant donné les transactions auxquelles elle s'est
livrée sur le marché des actions. Le ministre n'est pas sans
savoir qu'il y a plus de 400 firmes spécialisées au Canada qui
mesurent justement la performance de certains fonds, de certaines caisses, de
certains régimes de retraite. Le ministre sait également
qu'à l'égard de trois de ces fonds - soit celui qui a comme
déposants les professeurs de l'Université du Québec
à Montréal à la Caisse de dépôt, et à
l'égard de deux autres fonds qui représentent chacun plus 300 000
000 $ -que les firmes spécialisées font état depuis
quelques années d'une détérioration de la performance de
la Caisse de dépôt relativement aux autres régimes de
retraite auxquels ils sont comparés. On voit les classements qui passent
du 8e au 89e, sur une base de 100; du 11e au 82e; du 9e au 81e; du 6e au 85e;
du 60e au 94e. Est-ce que le ministre des Finances met en doute la
véracité des mesures qui sont maintenant du domaine public?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, je mets en doute cependant
la véracité de comparer des pommes et des oranges. Ce que j'ai
dit hier me paraît fort intéressant sur le plan du débat
qui entoure le dépôt de la loi S-31 à Ottawa. Le calcul
auquel je me livrais était le suivant: Commençons par le
début. Les sommes envoyées par la Régie des rentes du
Québec à la Caisse de dépôt avaient, au 31
décembre 1981, à la fin de leurs derniers états
financiers, une valeur marchande de 6 400 000 000 $. Imaginons -et c'est facile
de faire le calcul - que ces fonds aient été placés, non
pas comme le fait la Caisse de dépôt dans tout un éventail
de titres, y compris des actions de compagnies, mais que ces fonds aient
été placés selon les mêmes normes et les mêmes
critères que le Canada Pension Plan, qui s'applique à l'argent
des pensions de tous les autres Canadiens. Quelle aurait été la
valeur marchande du portefeuille? La réponse est 4 900 000 000 $. Gain
net pour les pensionnés du Québec d'avoir fonctionné selon
les critères de la Caisse de dépôt plutôt que selon
les critères du Canada Pension Plan, comme toutes les autres provinces,
1 500 000 000 $. C'est ce que j'ai dit. Je le compare dans ces conditions
essentiellement à une autre chose, le Canada Pension Plan, tel qu'il
fonctionne dans toutes les autres provinces canadiennes. Cela me paraît
être la meilleure preuve que ce que nous avons fait, il y a maintenant
presque vingt ans au Québec, de choisir le placement de l'argent de la
Régie des rentes, non pas seulement dans du financement gouvernemental
comme partout ailleurs au Canada, mais dans du financement d'entreprises, dans
du financement d'entreprises sous forme d'obligations ou d'hypothèques
ou d'actions, s'est révélé de très loin la voie la
plus rentable. C'est ce que j'ai dit.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, s'il
s'agit de mesurer les choses qui sont comparables, j'en suis. En commission
parlementaire, en juin dernier, à l'égard de certains des fonds,
d'une partie des fonds que la Caisse de dépôt et placement peut
gérer, nous avons demandé au président de la Caisse de
dépôt comment, à l'égard de ces trois fonds que j'ai
décrits tout à l'heure, pas à l'égard des 14 000
000 000 $ ou de ce qui vient de la Régie des rentes, mais à
l'égard des trois fonds que j'ai décrits, deux de plus de 300 000
000 $ et celui des professeurs de l'UQAM, à la lumière du
classement qui se détériore depuis trois, quatre, cinq ou six ans
- on regardera cela comme on voudra - est-elle capable de "performer". Comment
le ministre - ou plutôt c'était le président de la caisse
de dépôt qui répondait en commission parlementaire -
pouvait-il dire qu'il était évident, je cite, "que si nous
regardons sur une période de trois ans et plus, la position de la Caisse
de dépôt est au-dessus de la moyenne"? Comment peut-on passer du
8e rang au 81e rang en étant au-dessus de la moyenne? (10 h 30)
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, on aborde un tout autre
sujet. On va l'aborder, ce n'est pas parce que c'est un autre sujet qu'on ne
l'abordera pas. Voyons essentiellement de
quoi il s'agit. Les fonds auxquels on a comparé la Caisse de
dépôt dans ce que fait le député de
Vaudreuil-Soulanges, sont des fonds qui ont équilibré leur
portefeuille depuis fort longtemps, qui normalement investissent en obligations
et en actions. On sait très bien qu'à cause de l'augmentation
considérable des taux d'intérêt depuis quelques
années, les fonds qui détenaient beaucoup d'obligations ont une
valeur marchande de leur portefeuille qui forcément est tombée
passablement, bien plus que les fonds qui sont investis en actions et en
obligations. C'est élémentaire et c'est tout à fait
compréhensible. D'où la décision de la Caisse de
dépôt, depuis quelques années, d'augmenter la proportion de
ses actions dans l'ensemble du portefeuille pour éviter ce
phénomène. C'est à cause de cela que la Caisse de
dépôt, qui avait, à un moment donné, quelque chose
comme 15% seulement de son portefeuille en actions - là, je cite de
mémoire, M. le Président - est montée à 22% et
à 23% de son portefeuille en actions et cela continue. Mais, si on dit:
II faut faire en sorte que la performance de la Caisse de dépôt
remonte tout à fait en haut de ces 400 compagnies grâce à
des achats d'actions, eh bien, tonnerre de Dieu, par la loi S-31, qu'on ne
l'empêche pas maintenant d'en acheter. C'est l'un ou c'est l'autre. Nous
devons, pour protéger la valeur marchande des placements de la caisse,
acheter de plus en plus d'actions. Il faut donc plaider pour que le
gouvernement fédéral nous permette de faire cela et, à ce
moment, la Caisse de dépôt retrouvera le genre de performance tout
à fait exceptionnelle par rapport à tous les fonds privés
dont on parlait il y a quelque temps.
Le Président: M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En terminant, le ministre
trouve-t-il que de la façon dont la Caisse de dépôt se
comporte en agissant comme une banque pour financer du fonds de roulement
à court terme d'une compagnie déficitaire comme Québecair,
est un exemple de la gestion saine qui permet d'avoir des performances
formidables?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Nous allons donc aborder à cet égard
une troisième question parce qu'en fait c'est un troisième aspect
des activités de la caisse. Oui, effectivement, la Caisse de
dépôt a fait un prêt à court terme qui vient à
échéance dans quelques jours à Québecair, de la
même façon que la Banque de Commerce Canadienne Impériale,
de la même façon que la Société d'investissement
Desjardins, de la même façon que la
Chemical Bank. Oui, effectivement, la Caisse de dépôt est
une institution financière.
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Sur ce sujet, j'aimerais,
évidemment, savoir du ministre si tous les autres prêteurs de la
même façon sont garantis également par le gouvernement du
Québec et si, surtout, la Caisse de dépôt et placement du
Québec s'est comportée comme ces autres prêteurs.
C'est-à-dire est-ce de leur propre initiative, après analyse d'un
dossier, que les gens de la Caisse de dépôt ont trouvé que
c'était une occasion formidable d'investissement de prêter 4 000
000 $ à court terme à Québecair?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: M. le Président, nous n'avons pas - et je
l'ai dit ici - fait de pressions sur la Caisse de dépôt, à
un point tel ' que, quand on me demandait quel canal cela a pris, je me disais:
J'imagine que cela a pris le canal des fonctionnaires comme beaucoup de ces
transactions. En retournant en arrière, je me suis rendu compte d'une
chose; c'est qu'en fait ce prêt a été obtenu pendant que
j'étais en vacances et je n'ai...
Des voix: Montrez-nous le passeport!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: La transaction était terminée quand je
suis revenu. Il n'y a rien dans cette transaction qui a été fait
de façon curieuse ou bizarre; la Caisse de dépôt a fait un
prêt.
Le Président: S'il vous plaît: S'il vous
plaît! M. le ministre.
M. Parizeau: Dans trois des quatre cas dont j'ai parlé, il
y a effectivement une assurance gouvernementale qui a été
donnée de la façon la plus régulière, qui se donne
à des institutions privées comme publiques sur la même
base, de la même façon. Je ne vois vraiment pas ce qu'on cherche
à faire actuellement, parmi tous les prêts qui ont
été consentis à Québecair, avec celui-là en
particulier.
Le Président: Question additionnelle, Mme la
députée de Dorion, par la suite M. le député de
Vaudreuil-Soulanges et M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Mme Lachapelle: M. le ministre, sur le même sujet,
pourriez-vous informer cette Chambre à savoir si des compagnies ont
dû stopper des projets d'investissement à la suite du
dépôt du projet de loi S-31?
Des voix: Oh! Oh! Oh!
Le Président: S'il vous plaît: S'il vous
plaît!
M. le leader de l'Opposition, sur une question de règlement.
M. Levesque (Bonaventure): Elle est mal plantée,
celle-là!
M. Lalonde: M. le Président, je vous dis simplement et
très respectueusement que cette pause commerciale n'est pas une question
additionnelle.
Le Président: Mme la députée, je vous
reconnaîtrai tout à l'heure en question principale.
M. le député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre des Finances a dit
que trois emprunts de Québecair sur quatre qu'elle aurait
contractés ont été garantis par le gouvernement. Je
pourrais demander lequel ne l'a pas été ou quels sont les trois
qui l'ont été.
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Des quatre que j'ai mentionnés, celui auquel
n'est pas attachée une lettre d'engagement véritablement, c'est
celui de la Banque de Commerce Canadienne Impériale. Des quatre, c'est
celui-là qui n'est pas couvert par une lettre d'engagement. Pardon?
Une voix: De quel montant? M. Parizeau: 3 500 000 $.
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Est-ce que le ministre peut nous donner la valeur
marchande des actions, la valeur marchande, disons, de vendredi dernier, de la
Caisse de dépôt, et le coût de toutes ces actions et leur
valeur marchande?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Oui, M. le Président, je pourrais donner,
pour une date récente, je ne sais pas si ce serait vendredi dernier ou
quelques jours avant, une idée du montant de la valeur marchande des
différentes catégories d'actions, disons en actions ordinaires ou
privilégiées, ou quelque chose comme ça. Je ferai rapport
de cela à la Chambre demain, je demanderai... Je ne transporte pas cela
dans mes poches. J'en ferai état demain lors de la période des
questions.
Je voudrais cependant indiquer d'ores et déjà que...
Là, j'invoquerai l'intérêt public pour ne pas donner, pour
une période aussi récente que celle-là, la
répartition par compagnie parce que le portefeuille de la Caisse de
dépôt est tellement considérable que donner des
renseignements par compagnie qui seraient tout frais de quelques jours, cela
peut avoir un impact sur la façon dont la Bourse fonctionne. Dans ces
conditions, je donnerai les agrégats, les totaux.
Le Président: Question principale, M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, j'ai une question à
adresser au ministre de l'Énergie et des Ressources. Le leader du
gouvernement m'avait indiqué hier qu'il était allé
à New York. Est-ce que le leader pourrait me dire s'il a
décidé de continuer son voyage vers le Sud ou s'il remontera vers
le Nord avant la fin de la session?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: II faut croire que New York est une ville
suffisamment importante où il y a des choses sur le plan
économique qui méritent que le ministre de l'Énergie et
des Ressources y demeure pour plus d'une journée. Effectivement, il est
encore à New York aujourd'hui.
Le Président: Question principale, M. le
député de Marquette.
La Régie de la sécurité dans les
sports
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. M. le ministre, la
Régie de la sécurité dans les sports est en
activité depuis le 25 juin 1980 à la suite de l'adoption de
l'article 74 de la Loi sur la sécurité dans les sports. Nous
apprenions, lors des dernières semaines, qu'il existait un climat de
crise à l'intérieur de ladite régie. Nous apprenions
également de la bouche de certains membres du conseil d'administration
de la régie, dont le vice-président, que ladite régie
fonctionnait à peine à 30% de son potentiel. Des employés
de la régie nous indiquaient également qu'ils étaient
même gênés d'encaisser leur chèque de paie tellement
la régie était inefficace à ce niveau-là.
On apprenait également, lors de l'étude des
crédits, le 8 avril 1982, de la bouche du prédécesseur du
ministre, que la réglementation rendant la régie
opérationnelle et opérante serait sur le bureau du ministre
à la fin d'avril 1982. Nous nous retrouvons donc maintenant huit mois
plus tard et j'aimerais demander au ministre: Premièrement, est-ce qu'il
a été empêché par quelque personne que ce soit de la
régie ou de son ministère d'endosser la réglementation
permettant à ladite régie de devenir opérante. (10 h
40)
Le Président: M. le ministre.
M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, permettez-moi
de vous dire que j'ai rencontré le conseil d'administration de la
régie le 28 octobre. Dès le 29 octobre, le conseil
d'administration était en discussion sur un programme de rajustement ou
de redressement du fonctionnement interne. Il y a déjà eu quatre
rencontres et un plan de redressement a été définitivement
adopté quant au fonctionnement interne. C'est hier soir que j'ai eu
l'occasion de rencontrer les membres de la régie pendant quelques
heures, ici même, à Québec, et ils m'ont
présenté leur plan de fonctionnement qui cadrait exactement avec
les discussions que nous avions eues le 28 octobre.
Quant au fonctionnement interne, il est vrai que cela a
été exposé sur la place publique. Nous avons
vérifié ensemble, hier soir, le bien-fondé de certaines
allégations et, déjà, le conseil d'administration de la
régie avait pallié l'ensemble de ces lacunes sur le plan du
fonctionnement interne, en termes administratifs.
Pour ce qui regarde les règlements, puisque vous faites allusion
spécifiquement à la réglementation, la
réglementation, le règlement-cadre est prêt. Je devais en
faire adopter le contenu par le Conseil des ministres, mais nous avons
découvert qu'au niveau du contentieux de la régie comme telle, on
avait omis de faire promulguer les articles de loi nous permettant
précisément de procéder à la promulgation du
règlement-cadre, de sorte que le 22 décembre, le Conseil des
ministres sera appelé, premièrement, à promulguer certains
articles de loi, ce qui nous permettra immédiatement de promulguer le
règlement-cadre qui, lui, nous permettra d'adopter les règlements
fédération par fédération. Il y a donc
énormément de travail de fait au niveau de la régie comme
telle, autant à l'intérieur que dans ses relations avec le
ministère lui-même.
J'ai bien confiance de pouvoir annoncer, après les fêtes,
conjointement avec les membres de la régie, non seulement une
série de règlements adoptés, mais également un plan
d'action et une orientation précise.
C'est le désir des membres de la régie et c'est
également le désir du ministère de procéder
ainsi.
Le Président: Question principale, Mme la
députée de Dorion.
L'effet de la loi S-31 sur certains
investissements
Mme Lachapelle: M. le Président, ma question s'adresse au
ministre des Finances. M. le ministre, pourriez-vous informer cette Chambre si,
à la suite du dépôt de la loi S-31, des compagnies ont
dû stopper des investissements?
Le Président: M. le ministre des Finances.
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M.
le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, nous savons simplement,
à l'heure actuelle, que deux financements sont remis en question depuis
que la loi S-31 a été déposée, comme on le sait,
tard le soir, au Sénat.
On sait que cette loi prévoit qu'un mandataire du gouvernement,
comme la Caisse de dépôt, par exemple, ne peut pas acquérir
plus de 10% des actions dans une société de transport ou qui a
des intérêts dans une compagnie de transport. D'autre part, on
sait que si ces actions sont acquises après le 2 novembre, elles ne
comportent pas le droit de vote.
Le premier cas, peut-être le plus spectaculaire parce qu'il s'est
produit littéralement le lendemain du dépôt de la loi,
avait trait à SOFATI. SOFATI est une compagnie qui, comme on le sait,
est en train de devenir, à Montréal, une très importante
société de transport de containers. Le financement qui
était en préparation pour cette société, un
financement nécessaire pour elle et important étant donné
l'expansion considérable qu'elle prend à l'heure actuelle et qui
impliquait la Caisse de dépôt sur une assez grande échelle,
est remis en question.
Deuxièmement, nous apprenions, hier matin, qu'un groupe d'hommes
d'affaires de Toronto et de Montréal, qui ont obtenu un permis du
gouvernement fédéral pour exploiter un service de liaison
aérienne entre le centre de Montréal et le centre de Toronto,
à partir de cette technique assez nouvelle d'avions à
décollage et atterrissage très court, se sont
présentés à la Caisse de dépôt pour demander
une participation de la caisse de 30% dans leur capital-actions, ce qui est
très important dans le lancement d'une nouvelle compagnie. La Caisse de
dépôt a été obligée de leur dire que,
même
si la loi S-31 n'est pas adoptée, dans la mesure où elle
est déposée et comporte cette date limite du 2 novembre dernier,
il n'y avait pas d'autre choix pour la caisse que d'acheter 10% des actions et
non pas 30%. Même ces 10%, elle ne pensait pas pouvoir les acheter parce
que ces actions ne comporteraient aucun droit de vote. On comprend très
bien que même si ce n'était que pour la protection des
pensionnés au Québec, si la Caisse de dépôt a des
actions dans une compagnie, elle veut tout de même avoir le droit de vote
qui va avec. Si bien que la réponse, quant à ce financement, a
été: Non.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de Taschereau.
M. Guay: J'aimerais simplement savoir, dans les deux cas
soulignés par le ministre des Finances, si la question a
été portée à l'attention du parrain du projet de
loi, l'ineffable ministre fédéral André Ouellet, quant aux
conséquences concrètes, précises que son projet de loi a
sur l'économie québécoise et sur l'emploi au
Québec. Et quelle a été la réaction de M.
Ouellet?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Je n'ai pas encore eu l'occasion de voir M. Ouellet
à ce sujet. Le premier cas, celui de SOFATI, je l'ai soulevé au
Sénat au moment où je m'y suis présenté, il y a
quelques jours; quant au second cas, je l'ai appris vers 10 heures hier matin
et j'ai eu l'occasion d'en parler au Canadian Club, hier, à l'occasion
d'une conférence à 12 h 30. Il est évident, cependant,
qu'un certain nombre de représentations vont devoir être faites du
côté d'Ottawa pour faire comprendre à ces gens, enfin, ce
qu'ils sont en train de faire.
Le Président: M. le député de
Vaudreuil-Soulanges, question additionnelle.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Si je comprends bien le
ministre des Finances, il y a des occasions d'investissement, de financement ou
encore de faire des affaires pour certaines entreprises qui n'ont pas de suite,
parce que la caisse ne pourrait pas investir ou prêter. Est-ce que le
ministre veut nous dire que la caisse serait, dans tout le marché
financier, la seule intéressée possible à investir dans
ces sociétés? N'y aurait-il pas quelqu'un d'autre qui voudrait
également saisir quelque chose de formidable comme ça?
M. Bédard: Les Américains.
Le Président: M. le ministre des
Finances.
M. Parizeau: Loin de moi d'imaginer que la Caisse de
dépôt est devenue une sorte de condition nécessaire au
financement des entreprises. Je n'ai jamais dit cela et je ne le dirai pas,
parce que ça ne serait pas exact. Mais pourrait-on comprendre tout de
même le rôle majeur que jouent la Caisse de dépôt, la
Société de développement industriel et l'ensemble des
autres éléments du secteur public au Québec dans le
financement des entreprises? Est-ce qu'on se rend compte à quel point
des entreprises ont pu voir le jour grâce à cela? Des emplois ont
pu être créés, des entreprises qui étaient petites
sont devenues plus grandes et ont embauché davantage de monde. Est-ce
qu'on se rend compte que ce secteur public québécois de
financement des entreprises, qui a été monté depuis vingt
ans aussi bien par ceux qui sont de l'autre côté de la Chambre
à l'heure actuelle que par les gouvernements qui se sont
succédé par la suite et par nous, est fondamental pour le
développement des entreprises québécoises et pour la
création d'emplois au Québec?
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de Laporte.
M. Bourbeau: Au sujet de l'impossibilité pour la caisse
d'investir dans la société dont vous avez parlé, qui
voudrait promouvoir le transport à décollage court et à
atterrissage court, entre Montréal, Toronto et Ottawa, êtes-vous
au courant que la dernière expérience pilote qui a
été faite à ce sujet s'est révélée
extrêmement coûteuse et que, effectivement, il y a eu
énormément de pertes pour le gouvernement? Ne
considérez-vous pas qu'il est heureux que la Caisse de
dépôt ne puisse pas se lancer dans une telle
expérience?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Parizeau: Est-ce que je pourrais rappeler à nos amis
d'en face qu'en pratique, disent-ils, ce sont eux - je n'y crois pas un seul
instant - qui défendent l'entreprise privée? Si des hommes
d'affaires croient qu'ils peuvent se lancer dans un projet et qu'ils
s'adressent à un organisme du secteur public pour avoir un financement,
est-ce qu'on va maintenant leur dire: Nous allons interdire à la caisse
de vous avancer de l'argent ou de prendre des actions parce que nous, de
l'Assemblée nationale, pensons que comme hommes d'affaires vous faites
erreur? Allons donc!
Le Président: Question principale, M. le
député de Viau.
Directive de la CSST concernant
les bénéficiaires du programme
de réadaptation sociale
M. Cusano: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse
au ministre du Travail. Le ministre peut-il nous confirmer, à la suite
d'une directive émise par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail qui, depuis l'adoption de la loi sur la
division des deux ministères, en a maintenant la responsabilité,
que les bénéficiaires du programme de réadaptation sociale
devront désormais visiter douze employeurs par semaine; à
défaut de quoi, l'accidenté se verra privé de ses
prestations. (10 h 50)
Le Président: M. le ministre.
M. Fréchette: Je voudrai simplement, d'abord, signaler au
député que la loi à laquelle il réfère n'est
pas encore adoptée. Nous sommes au stade de la troisième lecture,
effectivement. Comme le député, j'ai effectivement entendu parler
de cette situation tout récemment; c'était hier, je pense, ou
avant-hier. À la suite de l'information que j'ai reçue - je
remercie le député de le signaler ce matin - j'ai effectivement
demandé plus de renseignements, plus de détails sur la situation
qu'évoque le député. Dès lors que ces
renseignements me seront parvenus, je les transmettrai sans délai
à l'Assemblée nationale.
Le Président: M. le député de Viau, question
additionnelle.
M. Cusano: Est-ce que le ministre s'engage formellement à
demander à la commission de retirer cette directive,
premièrement? Deuxièmement, est-il prêt à
émettre des directives au président, le juge Sauvé,
d'arrêter ces dépenses folles de rénovation de bureau qui
coûtent 210 000 $? Est-ce que le ministre peut nous assurer,
premièrement, que cette directive concernant les travailleurs sera
retirée, deuxièmement, que M. Sauvé ne fasse pas la
même erreur qu'il a faite l'année passée sur les cadeaux de
Noël?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: Je voudrai, d'abord, signaler au
député que la Commission de la santé et de la
sécurité du travail est administrée par un conseil
d'administration qui jouit d'une totale autonomie. Le ministre du Travail est
chargé de voir à l'administration de la loi. Quant à la
demande qui est faite par le député de regarder la
possibilité de demander qu'on retire les directives, il faudrait bien
auparavant, si encore cela m'est possible en vertu des dispositions de la loi,
connaître les tenants et aboutissants de la situation à laquelle
réfère le député. Dès lors, encore une fois,
que ces renseignements seront complets, qu'ils m'auront été
transmis, j'informerai l'Assemblée nationale des dispositions qu'il faut
prendre.
Le Président: M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Est-ce que le ministre, dans les informations qu'il
va communiquer à la Chambre, dans les garanties qu'il serait prêt
à nous donner ce matin, peut déjà nous dire que, dans le
nombre de recherches d'emplois qui sont exigées, le ministre va tenir
compte de la différence entre le milieu urbain et le milieu rural au
Québec? Dans nos bureaux de comté, on a des gens à qui on
impose un nombre de visites en milieu rural. C'est beaucoup plus dispendieux
que de prendre le métro ou le système de transport en commun en
ville et cela cause des problèmes à ces gens qui sont parmi les
plus défavorisés de notre société. Est-ce que vous
pouvez, pour le moins, prendre cet engagement, ce matin?
Le Président: M. le ministre.
M. Fréchette: Je peux, pour le moins, prendre l'engagement
de tenir compte aussi de la situation dont parle le député de
Brome-Missisquoi. Je vous réitère qu'à ce stade-ci, sans
connaître de façon précise cette directive administrative,
si encore elle existe, je ne peux prendre aucune espèce d'engagement de
quelque nature que ce soit. Je réitère que j'attends de voir le
dossier dans son ensemble et, par la suite, j'informerai la Chambre en
conséquence.
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Une brève question additionnelle au
ministre du Travail. Comment le ministre peut-il prendre en
considération les propositions qui sont formulées ce matin et
souhaiter une influence quelconque si, comme il le dit, l'organisme est
complètement autonome?
Le Président: M. le ministre.
M. Fréchette: II y a, évidemment, cette autonomie
dont je viens de parler quant au conseil d'administration. Il existe
également dans la loi des dispositions qui confèrent d'abord au
ministre du Travail la responsabilité de l'administration de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail et, en
même temps, la juridiction de faire procéder à des
changements si effectivement le ministre en vient à la conclusion qu'il
en faut.
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le député de Louis-Hébert.
M. Doyon: On connaît la situation difficile du
chômage et de l'emploi à Québec. J'aimerais savoir du
ministre du Travail quelles sont ses intentions en ce qui concerne le
déménagement du siège social de la CSST et s'il
considère que le fait que le président siège à
Montréal avec des employés de plus en plus nombreux ne constitue
pas dans les faits un déménagement de facto du siège
social. J'aimerais qu'il éclaire la population de Québec
là-dessus. Le siège social existe sur papier, mais il existe
aussi dans les faits. J'aimerais que les faits soient pris en
considération par le ministre dans la réponse qu'il va nous
donner.
Le Président: M. le ministre.
M. Fréchette: M. le Président, ce n'est pas la
première fois que le député de Louis-Hébert et un
autre de ses collègues soulèvent cet aspect ou cette question.
C'est la première fois ici à l'Assemblée nationale, mais
ce député l'a soulevée d'une autre façon à
un autre moment donné et, lorsqu'il l'a soulevée d'une autre
façon et à un autre moment donné, il a eu une
réponse dont j'ai pris connaissance et qui m'apparaissait fort claire.
L'information que possédait le député de
Louis-Hébert était qu'il y avait effectivement eu un transport de
siège social. Je ne sais pas, M. le Président - ce n'est pas ce
qui était indiqué dans le renseignement que demandait le
député de Louis-Hébert - où il avait pris ce
renseignement qui l'amenait à la conclusion qu'il y avait eu un
déménagement du siège social, mais il a été
informé par la commission elle-même que jamais une semblable
décision n'avait été prise et que jamais non plus il
n'était question de considérer une semblable possibilité.
Je pense que c'est suffisamment clair comme situation.
Le Président: Question principale, M. le
député de D'Arcy McGee.
La future prison de LaSalle
M. Marx: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au
ministre de la Justice. Le ministre de la Justice a dit que la construction
d'une nouvelle prison à LaSalle aurait l'effet d'alléger le
surpeuplement dans les prisons québécoises. Est-il vrai que le
bâtiment à LaSalle que le gouvernement a acquis est trop vieux
pour être rénové et transformé en prison?
Le Président: M. le ministre.
M. Bédard: C'est faux, M. le Président.
L'immeuble en question, situé à LaSalle, qui a
été acquis par le gouvernement peut très bien être
rénové. Nous pouvons faire, avec cet immeuble, une institution de
détention très appropriée qui représenterait des
épargnes énormes par rapport à une autre solution qui
serait de construire une prison afin de pouvoir en venir à la fermeture
du centre de détention Parthenais et à un
réaménagement de tout le domaine de la détention pour
l'ensemble de la région de Montréal. D'ailleurs, j'ai
déjà eu l'occasion de dire qu'il y a présentement une
collaboration entre le ministère de la Justice et le ministère
des Travaux publics afin d'en venir à un plan global de
réaménagement des institutions pour l'ensemble de la
région de Montréal qui ne comportera pas d'augmentation du nombre
de places, mais qui, en fin de compte, nous permettra d'arriver à un but
que nous nous sommes fixé depuis longtemps, soit la fermeture du centre
de Parthenais. Après les fêtes, nous serons en mesure de faire
connaître plus clairement nos intentions.
Le Président: Question additionnelle, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, quand sera prête cette
prison à LaSalle et combien coûteront la rénovation et la
transformation de ce vieux bâtiment en une prison?
Le Président: M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, dès que le
Conseil du trésor aura pu se prononcer après l'étude du
projet dont j'ai parlé tout à l'heure que nous mettons au point
avec le ministère des Travaux publics, nous serons en mesure de faire
connaître toutes les données ou les réponses aux questions
du député de D'Arcy McGee. Mais je suis d'ores et
déjà en mesure de dire qu'une solution globale de
réaménagement des institutions pour l'ensemble de la
région de Montréal comportant le réaménagement ou
l'aménagement de l'institution qui a été acquise par le
gouvernement à la ville de LaSalle représentera, en fin de
compte, des épargnes très importantes et répondra aux
besoins que le député de D'Arcy McGee connaît.
Le Président: M. le leader de l'Opposition, question
additionnelle.
M. Lalonde: Question additionnelle. On sait que la prison
projetée sera située à LaSalle, dans le comté de
Marguerite-Bourgeoys. Le ministre peut-il dire qu'il soumettra au Conseil du
trésor le refus de la population environnante de voir une prison
installée en plein milieu de la ville, sans le consentement de la
population?
Le Président: M. le ministre. (11 heures)
M. Bédard: M. le Président, j'aurai l'occasion de
rencontrer les autorités municipales de la ville de LaSalle. Le
député de Marguerite-Bourgeoys sait très bien que le
réaménagement de l'immeuble dans la ville de LaSalle comporterait
des épargnes énormes par rapport à la construction d'un
nouvel édifice pour répondre aux besoins de détention dans
la région de Montréal.
Si nous en venions - et ce sont les intentions que nous avons - à
aménager les immeubles que le gouvernement du Québec a acquis
dans la ville de LaSalle de manière à en faire un centre de
détention, ceci représenterait des investissements très
importants pour la ville de LaSalle, représenterait aussi des emplois
et, également, une source de financement importante pour les
autorités municipales de la ville de LaSalle et pour l'ensemble de la
population.
Je voudrais bien que l'Opposition se branche. On nous demande de
procéder à la mise en place d'un plan qui répondrait aux
besoins de détention pour l'ensemble de la région de
Montréal, et lorsque nous trouvons une solution, l'Opposition s'y oppose
comme à son habitude. Je pense qu'après des rencontres avec les
autorités municipales de la ville de LaSalle, nous pourrons en venir
à une solution très raisonnable, qui ne sera peut-être pas
acceptée par l'Opposition, mais qui sera mieux acceptée par
l'ensemble de la population.
Le Président: Sur une dernière question
additionnelle, M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Le ministre nous avait
assuré en commission parlementaire qu'il consulterait la population
à nouveau. J'aimerais rectifier en disant que ce n'est pas l'Opposition
qui est contre cela, c'est la population de la ville de LaSalle. Pour ce qui
est d'avoir une prison en plein centre-ville, est-ce que le ministre consultera
à nouveau la population plutôt que d'imposer, comme il a toujours
l'intention de le faire?
Le Président: M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, ce n'est pas exact. Si
je me souviens, je ne me suis pas engagé à consulter à
nouveau la population. D'ailleurs, cette discussion a eu lieu lors de
l'étude des derniers crédits du ministère de la Justice.
J'ai dit que j'étais convaincu que cette solution était la
meilleure pour répondre aux besoins urgents de
réaménagement de tout le système de détention au
niveau de la région de Montréal, que j'essaierais de faire les
efforts nécessaires et de donner toutes les explications
nécessaires à la population, parce que la décision est
prise, pour que cette décision soit bien acceptée.
Le Président: Sur une question principale, M. le
député de Gatineau.
Les tests linguistiques
M. Gratton: Merci, M. le Président, ma question s'adresse
au ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration et
responsable de l'application de la loi no 101, puisque ma question portera sur
l'évaluation linguistique des professionnels ayant reçu leur
formation au Québec, c'est-à-dire les tests liguistiques.
À la mi-novembre, le ministre a fait une annonce à
Montréal sur certains changements qu'il se proposait de recommander au
Conseil des ministres d'entériner quant au processus de
l'évaluation des capacités linguistiques et professionnelles.
Étant donné que ces déclarations n'ont pas
été aussi claires que le ministre peut l'être à
l'occasion, pourrait-il nous informer très spécifiquement sur ce
qu'il se propose de recommander au gouvernement? Et quand?
Le Président: M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, présentement, l'office
est en train de réviser tous les tests qui touchent la connaissance du
français par les professionnels, de manière que la connaissance
du français soit celle qui est appropriée au métier ou
à la profession des personnes en question. Grâce à cette
révision des tests, il y en a déjà probablement de 30%
à 40% qui sont en application et déjà, les taux de
succès des candidats ont augmenté de 20%. Nous poursuivrons donc
cette première opération.
Dans un deuxième temps, nous avons l'intention de confier la
responsabilité de la vérification du français ou au
système scolaire anglophone d'une part, qui devra lui-même faire
la preuve que les étudiants qui sont passés par ses écoles
ont une connaissance suffisante du français pour pouvoir occuper des
postes comme professionnels ou autres, ou aux ordres professionnels d'autre
part, pour ceux qui ne sont pas passés par le système scolaire
québécois anglophone; ces ordres professionnels auront le soin de
vérifier eux-mêmes la connaissance du français de leurs
membres. Donc, cette triple opération est déjà en cours et
les contacts sont déjà pris avec mon collègue de
l'Éducation. Nous travaillons la main dans la main sur ces modifications
ou à la vérification du français des professionnels qui
travaillent au Québec.
Le Président: Question additionnelle. M. Gratton:
Question additionnelle, M.
le Président. Certains intervenants avaient compris de la
déclaration du ministre en novembre dernier que, tel que l'avait promis
le premier ministre dans sa réponse au mouvement Alliance Québec,
il y aurait une abolition éventuelle de ces tests, tout au moins pour
ceux qui reçoivent leur formation secondaire au Québec. Doit-on
comprendre de la déclaration du ministre qu'effectivement les
diplômés de l'année scolaire 1983-1984 au Québec
seront exemptés de tout test?
Le Président: M. le ministre.
M. Godin: On travaille dans ce sens.
Le Président: Question additionnelle.
M. Gratton: Je veux bien qu'on travaille dans ce sens, mais il
faudrait que, si on y travaille, on en arrive à une solution avant
1983-1984. Je reviens à la première question que j'avais
posée. À quel moment le ministre se propose-t-il de recommander
des amendements concrets à la loi 101?
Le Président: M. le ministre.
M. Godin: À la première partie de la question, je
vous dirai qu'on travaille dans ce sens, c'est-à-dire que ni le ministre
ni moi seuls ne pouvons régler ce problème. Il faut qu'il y ait
la collaboration des institutions, des organismes qui font partie de ce
système scolaire anglophone au Québec. Par conséquent,
nous allons prendre les mesures administratives qui s'imposent pour que le
résultat soit là tel que promis par le premier ministre dans sa
réponse à Alliance Québec.
Maintenant, à votre deuxième question sur les amendements
à la loi 101, j'ai l'intention de faire rapport à cette Chambre
au printemps prochain à ce sujet.
M. Gratton: Dernière question additionnelle, M. le
Président.
Le Président: M. le député de Gatineau.
M. Gratton: Le ministre ne conviendra-t-il pas que c'est la
responsabilité du ministère de l'Éducation de faire en
sorte que, dans le système scolaire anglophone, on donne une instruction
qui permette aux diplômés d'écoles
québécoises d'avoir une connaissance suffisante de la langue
française pour exercer leur profession au Québec? Si cela n'est
pas le cas, est-ce que le ministère - c'est peut-être au ministre
de l'Éducation que je devrais poser la question - entend consacrer des
fonds pour faire en sorte que, le plus tôt possible, on puisse assurer
cette connaissance suffisante du français à ces
diplômés?
Le Président: M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, il est bien certain
qu'idéalement il faudrait que les étudiants qui sortent du
système scolaire anglophone aient la maîtrise du français.
Par ailleurs, ces changements dans les mentalités et les attitudes ne se
font pas du jour au lendemain. Par conséquent, pour une période
de transition, on doit vérifier nous-mêmes si les professionnels
qui travaillent dans les institutions du gouvernement, dans les secteurs public
et parapublic, connaissent suffisamment le français pour ne pas
pénaliser les consommateurs, les clients, les patients. Par
conséquent, tant qu'on n'a pas la certitude que cette connaissance du
français est suffisante, nous allons garder un mot à dire
là-dedans.
Le Président: Mme la députée de L'Acadie,
dernière question additionnelle.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, le ministre de
l'Immigration vient d'indiquer qu'il y a une augmentation de 20% des personnes
qui réussissent les tests linguistiques. On peut donc en conclure qu'il
y a eu une certaine injustice à l'égard d'un certain nombre de
ceux qui ont failli aux tests dans le passé. Est-ce l'intention du
ministère d'indiquer ou de faire un certain rappel auprès de ceux
qui ont échoué à plusieurs reprises dans le passé
pour leur donner une nouvelle chance?
Le Président: M. le ministre.
M. Godin: M. le Président, les cas où des gens ont
été pénalisés par les anciens tests sont maintenant
en grande partie réglés à cause des nouveaux tests
précisément. C'est pour cela qu'on les a changés.
Le Président: M. le ministre.
M. Godin: La députée n'est pas satisfaite de ma
réponse. Je vous répète qu'à ma connaissance...
Elle n'a pas entendu. Est-ce que je suis branché?
M. Gratton: Je sais que vous n'avez pas l'air au courant.
Le Président: M. le ministre.
M. Godin: Efharisto poly. Grattons, grattons, il en restera
toujours quelque chose. Ce que je veux dire précisément, en
réponse à la question de la députée, c'est
qu'à ma connaissance tous ceux qui avaient été
pénalisés par les anciens tests, en passant les nouveaux, ont vu
leurs problèmes se régler.
Le Président: Fin de la période des questions.
Motions non annoncées.
Enregistrement des noms sur les votes en suspens.
Avis à la Chambre. M. le leader du gouvernement. (11 h 10)
Avis à la Chambre
M. Bertrand: Avant de faire motion, j'aurais besoin de demander
un consentement à mes collègues pour faire siéger trois
commissions parlementaires aujourd'hui.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: Compte tenu du fait que l'une des trois est une
commission d'information aux parlementaires sur une directive à la
Société générale de financement, il nous fait
plaisir de consentir a ce que trois commissions siègent. Je ne pense pas
que cela aura pour effet de perturber les travaux du salon bleu.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Je veux en remercier le leader de l'Opposition et
ses collègues.
Je fais motion pour qu'aujourd'hui, au salon rouge, la commission de
l'industrie, du commerce et du tourisme puisse se réunir et discuter,
avec les représentants de la Société
générale de financement, de la directive no 3, cela de 11 h 15
à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et on me dit qu'on aurait
terminé les travaux de cette commission vers 18 heures. Que, de 11 h 15
à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24
heures, la commission des institutions financières se réunisse
à la salle 81-A pour étudier le projet de loi privé no
283, ainsi que poursuivre l'étude du projet de loi no 85 article par
article. Qu'à la salle 91-A la commission des affaires municipales se
réunisse pour étudier les projets de loi nos 92 et 103.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
est adoptée?
M. Lalonde: Adopté, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Affaires du jour.
Recours à l'article 34
M. Bertrand: Je voudrais me poser une question en vertu de
l'article 34, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire.
Des voix: Consentement.
M. Bertrand: Je voudrais demander au leader si le ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration a l'intention de
répondre à la question qui a été posée par
le député de Gatineau et qui était inscrite au feuilleton
en date du 30 novembre relativement à des subventions qui ont
été versées à des organismes où oeuvrent des
communautés culturelles sur le territoire québécois.
J'ai ici une note signée de la main même du ministre. "Cher
Jean-François...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît:
S'il vous plaît!
M. Bertrand:... je vais déposer demain, mercredi, la
réponse écrite à la question écrite du
député de Gatineau en date du 30 novembre. Signé: Godin. "
Il y a un petit commentaire, c'est écrit: "Et v'ianl" pour faire
allusion à un article qui est paru ce matin. C'est ce qu'on peut appeler
du contre-plaqué.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde:... si on est rendu à l'article 34, est-ce
qu'il pourrait communiquer et recevoir des notes manuscrites aussi percutantes
des autres ministres à qui des questions ont été
posées par le député de Jeanne-Mance, le
député de Marquette, le député de Hull, la
députée de Chomedey, entre autres, sur des listes d'organismes
qui ont reçu des subventions de divers ministères?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: C'est une bonne idée, M. le
Président.
Des voix: Quand? Quand?
M. Bertrand: Ouf! Ce sont des questions relativement
récentes, tout de même. Vous admettrez que celles-là ne
remontent pas au mois de mars ou avril dernier; elles remontent plutôt
aux mois de novembre et même décembre. C'était
déjà prêt dans le cas du ministre des Communautés
culturelles. Lors d'une période des questions, il avait dit qu'il
s'engagerait à déposer la liste des subventions accordées
à des organismes. Comme cette liste est déjà prête,
il la déposera demain.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En vertu de l'article 34, M. le
Président. Nous devrons, selon le menu prévu, étudier
éventuellement article par article le projet de loi no 93 concernant
l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire chez les fonctionnaires
et modifiant le régime de retraite des fonctionnaires, etc. Nous avons
reçu, il y a quelques heures, un essaim de papillons, si cela se dit,
soit 72 modifications à un projet de loi qui ne comprend que 137
articles. Il y a des choses très simples, il y a des coquilles, mais il
y a des choses qui m'apparaissent, à la suite d'une simple lecture
rapide, assez fondamentales. Est-ce que le leader du gouvernement trouve que
c'est normal, à ce moment-ci de la session, dans les derniers milles,
les derniers kilomètres - je ne veux pas passer à l'amende -
d'apporter des changements, des chambardements comme ça en nous
présentant d'abord, un brouillon? La loi no 15 sur l'abolition de
l'âge de la retraite obligatoire, c'est en juin dernier qu'elle a
été adoptée en cette Chambre. Il y avait
nécessité de concordance; on le savait à l'époque.
Il fallait faire concorder, avec la loi no 15, les régimes de rentes
dans le secteur public et toutes les dispositions sur la retraite obligatoire
dans le secteur public. Cela fait environ six mois. On nous arrive avec un
brouillon et des papillons. Est-ce que le leader trouve cela normal?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
Une voix: Allez, mon Jean-François.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît:
M. Bertrand: Je voudrais que le député de
Vaudreuil-Soulanges sache que le ministre parrain du projet de loi, dans le
fond, pourrait émettre les mêmes commentaires que lui. C'est un
projet de loi - à la lecture même d'ailleurs, on s'en rend compte
- qui est très technique et qui n'est pas de consommation facile. Mais
il est évident que les projets relatifs à des régimes de
retraite sont des projets de loi dont la rédaction est
particulièrement difficile à faire, l'écriture juridique,
et qu'il arrive qu'il faille, en cours de discussion, modifier certains des
articles. Maintenant, c'est en commission parlementaire que je pense que le
ministre parrain du projet de loi pourra indiquer la portée de chacun de
ces amendements qui sont apportés au projet de loi no 93.
M. Dussault: M. le Président...
Des voix: Ah!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Châteauguay. Une voix: Seigneur!
M. Dussault: M. le Président, j'ai une question qui
s'adresse à la présidence. C'est relatif aux
procès-verbaux de l'Assemblée nationale. Je vais vous expliquer
immédiatement pourquoi je veux vous poser une question à ce
sujet. Au cours des derniers jours, trois journaux ont dit que j'étais
absent lors du vote en troisième lecture sur le projet de loi no 105. Je
voudrais faire la démonstration que j'étais présent.
J'aurais besoin du procès-verbal...
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, je pense que le
député et adjoint parlementaire - on a fait une description ici,
hier soir, des adjoints parlementaires, par le vice-premier ministre - pourrait
ou devrait savoir - il le sait sûrement - qu'il y a d'autres
façons de faire corriger le procès-verbal. Il n'a qu'à
s'adresser au bureau du président et faire corriger le
procès-verbal.
M. Dussault: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault:... je voudrais savoir quand sera disponible le
procès-verbal du vendredi 11 décembre dernier pour que je puisse
faire la preuve que j'étais présent.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Je prends avis de cette
question et on vous répondra dans les meilleurs délais, M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. M. Fortier: En
vertu de l'article 34.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, les gens de la
Côte-Nord s'intéressent beaucoup à la prochaine commission
parlementaire que le ministre de l'Énergie et des Ressources leur a
promise. J'aimerais savoir du leader du gouvernement s'il a fait des
progrès pour établir les règles qui permettraient aux deux
partis de s'entendre pour que des commissions parlementaires puissent se tenir
à l'extérieur de Québec, puisque nous croyons que la
prochaine devrait peut-être être tenue
à Schefferville compte tenu des problèmes immenses que les
gens vivent présentement sur la Côte-Nord.
Est-ce que le leader du gouvernement pourrait nous indiquer qu'à
titre exceptionnel celle-ci pourrait s'y tenir? Est-ce qu'il a fait des
progrès pour donner satisfaction aux demandes du leader de notre
formation politique et est-ce qu'une décision a été prise
en ce sens qui pourrait nous satisfaire et satisfaire les gens de la
Côte-Nord en même temps?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je dois indiquer, pour le
bénéfice du député d'Outremont, qu'à
l'occasion des travaux de notre sous-commission sur la réforme
parlementaire nous n'avons pas encore abordé cette question des
commissions parlementaires qui pourraient siéger ailleurs qu'à
Québec. Nous sommes en train de discuter surtout des différentes
commissions parlementaires que nous désirons mettre sur pied et du
problème de l'étude des crédits, mais nous n'avons pas
encore abordé cette question comme telle.
Je me rappelle - je ne commente pas -simplement qu'il y a quelques
semaines, quelques mois, une demande du même genre avait
été acheminée à la présidence relativement
à la commission parlementaire, si je me le rappelle bien, sur le
transport en commun dans la région de Montréal et une autre sur
Mirabel. Le ministre des Transports et celui de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation avaient demandé que la commission
parlementaire puisse se tenir à Montréal, dans un cas, et dans la
région de Mirabel, dans l'autre cas. À ce moment-là, nous
avions reçu une réponse, à savoir qu'il conviendrait que
nous adoptions, d'abord, un article dans le projet de loi sur
l'Assemblée nationale du Québec qui nous permettrait de faire
siéger des commisssions à l'extérieur de Québec et
aussi, comme l'a dit le député d'Outremont, de trouver des
modalités qui permettraient de baliser un peu nos décisions quant
au fonctionnement de telles commissions parlementaires à
l'extérieur de la ville de Québec. Alors, pour l'instant, il n'y
a pas de décision finale de prise.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition. (11 h 20)
M. Lalonde: En effet, nous avons demandé au gouvernement
de proposer et de faire adopter un cadre de fonctionnement pour ces commissions
parlementaires. Maintenant, c'était en octobre ou en septembre et nous
sommes rendus fin décembre. Il y a des régions, comme la
région de Schefferville, qui font face à des situations
critiques, en fait, tragiques. Pour le bon fonctionnement de cette commission
qui devrait normalement, en janvier prochain, dans quelques semaines,
étudier la question de la situation sur la Côte-Nord et, en
particulier, celle de Schefferville, n'y aurait-il pas lieu pour le
gouvernement de se hâter de produire ce document qui nous permettrait de
faire fonctionner cette commission et de la faire siéger à
Schefferville en particulier?
Par mesure d'exception, si nous n'arrivons pas à une conclusion
dans l'adoption d'un tel cadre de fonctionnement, est-il possible - et nous en
faisons la demande - de faire siéger cette commission à
Schefferville, au nom du besoin des régions éloignées?
Pour ne pas distinguer une région éloignée parmi les
autres, serait-il possible, en principe, comme mesure d'essai, jusqu'à
ce qu'on puisse adopter un cadre de fonctionnement, d'accepter que des
commissions parlementaires se tiennent dans les régions qui font partie
du groupe 5, je pense, dans le règlement sur le fonctionnement des
bureaux de comté des députés? Ce serait, je pense, une
façon de tenter l'expérience et de favoriser les régions
qui sont plus éloignées et qui connaissent des problèmes
considérables actuellement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: J'écoutais le leader de l'Opposition et
j'avais l'impression de m'entendre plaider la cause - non, très
sincèrement, Mme la députée - que j'avais défendue
lorsque j'avais communiqué avec le lui pour lui indiquer que la demande
que nous avions faite relativement, entre autres, à la commission
parlementaire sur le transport en commun à Montréal aurait eu
également pour objectif de voir comment, pratiquement, nous pourrions
arriver à réaliser cet objectif de faire siéger des
commissions parlementaires à l'extérieur de Québec.
J'avoue que parler du cas de Montréal peut être différent
que parler du cas de Schefferville. Mais, tout de même, lorsque
j'écoutais le député de Marguerite-Bourgeoys, j'avais
nettement l'impression de réentendre des arguments que j'avais
moi-même utilisés lorsque je lui avais adressé la
même demande relativement au transport en commun à
Montréal.
Cela étant dit, je crois qu'il y aurait peut-être lieu que
nous songions à la possibilité, avant même de
définir un cadre final au niveau du fonctionnement de commissions
parlementaires à l'extérieur du Québec, de tenter une
expérience pilote qui nous permettrait probablement de mieux saisir les
difficultés que cela peut comporter et, en même temps, bien
sûr, tous les
avantages que cela peut apporter pour un meilleur fonctionnement de
cette institution, c'est-à-dire permettre que la démocratie ne
s'exerce pas seulement ici, à Québec, mais dans les
régions, dans la mesure où c'est possible, à travers nos
commissions parlementaires.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Si vous me le permettez, M. le Président, sur
le même sujet.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur le même sujet,
en vertu de l'article 34.
M. Ciaccia: Oui, en vertu de l'article 34. Est-ce que le leader
parlementaire pourrait nous expliquer comment il se fait que le
député de Duplessis, à ce qu'on m'a informé, aurait
fait des déclarations disant que la commission parlementaire aurait eu
lieu à Schefferville si ce n'était pas de l'opposition du Parti
libéral. Apparemment, d'après lui, la décision du
gouvernement était de la tenir à Schefferville, mais nous nous y
opposons. Si je comprends bien les déclarations que vous venez de faire
ce matin, le gouvernement n'a pas encore pris la décision de tenir une
commission parlementaire à Schefferville. De notre côté,
nous vous suggérons de prendre les moyens nécessaires pour que
cette commission ait lieu à Schefferville. Pourriez-vous nous expliquer
cette contradiction entre ce qu'a dit le député de Duplessis et
votre déclaration de ce matin?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Je pense que seul le député de
Duplessis pourrait indiquer au député de Mont-Royal si les propos
qu'il rapporte sont exacts ou non. Je ne peux pas invoquer une question de
privilège au nom du député de Duplessis relativement
à des déclarations qui auraient été faites de part
et d'autre.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: J'ai bien entendu les explications, mais je
demanderais, étant donné que nous allons partir en vacances
bientôt, à quel moment va aboutir la réflexion que le
leader va s'imposer.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Avant la fin de la présente session.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Affaires du jour. M. le
leader du gouvernement.
M. Lalonde: M. le Président, excusez-moi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde: Le chef de l'Opposition me souffle une
réaction à la dernière réponse du leader du
gouvernement: "Avant la fin de la présente session. " Si la
présente session se termine le 23 juin 1983, c'est un peu tard pour
nous. Est-ce qu'il veut dire avant le 21 décembre, c'est-à-dire
dans les jours qui viennent?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Si l'Opposition - et c'est déjà assez
bien parti à ce point de vue -continue de collaborer comme elle le fait,
peut-être même avant le 18 décembre.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Les affaires du jour. M.
le leader du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je vous demanderais
d'appeler l'article 9 du feuilleton.
Projet de loi no 90
Reprise du débat sur la deuxième
lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt): Reprise du débat
sur la motion du ministre responsable de la réforme parlementaire
proposant que le projet de loi no 90, Loi sur l'Assemblée nationale du
Québec, soit maintenant lu la deuxième fois. M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Je voudrais céder mon droit de parole au
député de Deux-Montagnes.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Deux-Montagnes.
M. Pierre de Belle feuille
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier mon collègue de Fabre. Cette question de la réforme
parlementaire, dont des éléments importants se trouvent dans le
projet de loi no 90, nous intéresse tous à peu près de la
même façon puisque nous sommes tous à peu près de la
même façon députés, représentant une
circonscription du Québec. Tout le monde connaît, je pense,
l'évolution récente
de cette question. Les travaux tout à fait remarquables de notre
collègue de Trois-Rivières ont mené à la
présentation du rapport Vaugeois au mois de janvier de cette
année. Par la suite, le conseil des députés
ministériels a décidé de mettre sur pied un comité
et m'a demandé d'en assumer la présidence. Nous avons
travaillé durant l'été et au début de l'automne.
J'aimerais, à mon tour, rendre hommage - hier, le leader parlementaire a
rendu hommage à plusieurs personnes, y compris à celui qui vous
parle -aux députés ministériels qui ont participé
aux travaux de ce comité. Ce sont les députés de Nicolet,
de Lac-Saint-Jean, de Saint-Jacques, de Charlesbourg, de Dubuc, de Taschereau,
de Laviolette, de Gouin et, bien entendu, le député de
Trois-Rivières. Nous avons présenté notre rapport final le
12 octobre, à la suite de quoi le gouvernement, le Conseil des
ministres, a formulé une proposition qui est maintenant devant une
sous-commission de l'Assemblée nationale.
Dans l'intervalle, des éléments importants de la
réforme parlementaire avaient été introduits dans le
projet de loi no 90. Je voudrais dire quelques mots sur ces
éléments de réforme parlementaire qu'on trouve dans le
projet de loi no 90. Par exemple, la création du Bureau de
l'Assemblée nationale, idée qui a trouvé son origine, je
crois, au moins dans l'époque actuelle, dans les travaux du
député de Montmorency qui occupait à l'époque votre
fauteuil, M. le Président. Le création du Bureau de
l'Assemblée nationale, qui doit remplacer le Comité de
régie interne, est une étape importante de la réforme
parlementaire puisque ce pouvoir qui jusqu'à maintenant a
été détenu par un comité composé assez
paradoxalement de ministres exclusivement et du président de
l'Assemblée sera désormais détenu par un bureau
composé de députés et du président de
l'Assemblée nationale. Il est beaucoup plus normal que les questions
touchant l'Assemblée soient traitées par des
députés étant donné que les ministres ont - c'est
le moins qu'on puisse dire - beaucoup d'autres chats à fouetter. (11 h
30)
Par ailleurs, il est important de noter que le bureau
représentera aussi les partis d'Opposition, alors que, jusqu'à
maintenant, ce n'était pas le cas. Donc, les députés de
l'Opposition participeront comme les députés ministériels
aux travaux de ce bureau qui exercera des fonctions de contrôle, de
gestion et de réglementation importantes en ce qui concerne
l'Assemblée nationale. En particulier, le président devra ou
pourra consulter le bureau avant de préparer les prévisions
budgétaires de l'Assemblée. Le ministre des Finances pourra
modifier ces prévisions en ce qui a trait aux services administratifs et
techniques de l'Assemblée, mais, quant aux prévisions concernant
les services professionnels directement reliés aux fonctions et aux
responsabilités des députés, l'autonomie budgétaire
de l'Assemblée sera complète grâce aux travaux du
bureau.
Un autre élément de réforme parlementaire qui fait
partie de la loi 90, M. le Président, est la création de la
fonction de jurisconsulte. Ce mot fait très savant, mais le
jurisconsulte est un personnage ou une personnalité qui jouera un
rôle important à l'occasion auprès des
députés eux-mêmes comme députés, puisque le
jurisconsulte sera appelé à donner des avis aux
députés sur des questions juridiques, par exemple, en rapport
avec des questions importantes comme celle des conflits d'intérêts
et celle des incompatibilités de fonctions. Jusqu'à maintenant,
les députés connaissent à cet égard des
règles générales. Certaines de ces règles peuvent
être édictées par les partis. C'est le cas au Parti
québécois où nous sommes soumis, comme
députés du Parti québécois, à un certain
nombre de règles assez exigeantes et, d'ailleurs, très bien
fondées à l'égard des conflits d'intérêts et
des incompatibilités de fonctions. Mais il est bon que de façon
plus formelle et plus officielle, du point de vue de l'Assemblée
nationale, il y ait cette autorité que l'on puisse consulter.
La loi 90 apportera aussi une modification de notre quorum, M. le
Président. Hier soir, le leader parlementaire de l'Opposition a fait
allusion à cette question du quorum. Ce que la loi nous propose de
faire, c'est réduire le quorum, qui est, à l'heure actuelle, de
30 députés quand il n'y a pas de commissions qui siègent
et de 20 députés quand il y a des commissions qui siègent,
de le réduire à 10%, c'est-à-dire, puisqu'il y a 122
sièges dans cette Assemblée, un quorum de treize
députés. Hier soir, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, en rapport avec cette question, parlait d'école
buissonnière. Il aurait peut-être pu parler d'Assemblée
buissonnière, mais je pense, M. le Président, que l'image est mal
fondée, parce qu'une des idées principales derrière toute
cette réforme parlementaire, c'est de donner beaucoup plus d'importance
et d'autonomie aux travaux des commissions. Si nous proposons de réduire
le quorum, c'est précisément pour que les députés
aient plus de temps à consacrer aux travaux de ces commissions devenues
plus autonomes et s'attaquant à des tâches plus variées et
plus importantes que les tâches actuelles de certaines, au moins, de ces
commissions.
D'ailleurs, des comparaisons peuvent parfois éclairer les
discussions. Ici, nous avons ce quorum, à l'heure actuelle, qui est
d'environ le quart; 30 députés sur 122, cela fait 24, 5%. Si on
le compare, par exemple, avec le quorum qui existe au Parlement d'Ottawa, le
quorum au Parlement d'Ottawa
est de 7, 1%, c'est-à-dire 20 députés sur 282. En
ramenant notre quorum à 10%, on voit qu'on demeure, quant à la
présence à la Chambre elle-même par opposition aux
commissions, plus exigeant que le Parlement fédéral. Il est
intéressant de noter, M. le Président, que le Parlement
britannique, le Parlement de Westminster, qu'on appelle la mère des
Parlements, en anglais "the mother of Parliaments", n'a pas de quorum du tout
pour les débats. Il y a, à Londres, 635 députés,
mais les seules présences indispensables pour qu'un député
intervienne à Westminster, c'est la présence de votre homologue,
M. le Président, et, évidemment, la présence de celui qui
intervient. Cela peut se faire à deux seulement: le président et
celui qui intervient. Généralement, bien entenu, il y a au moins
quelques autres députés, mais il n'y a pas de quorum pour le
déroulement des débats à Londres. Il y a un quorum,
à Londres, pour le vote des députés qui est de 40
députés sur 635, ce qui représente 6, 3%. Là
encore, on voit que notre quorum de 10% est plus exigeant que ce quorum de 6,
3% qui s'applique à Londres seulement au moment du vote et pas au moment
des débats. Le seul cas où, à Londres, on est plus
exigeant - c'est intéressant; on n'y a pas pensé, mais il
faudrait peut-être y penser un jour - c'est pour une motion de
clôture d'un débat; là, il y a une exigence d'au moins - ce
n'est pas vraiment un quorum; c'est une autre règle, c'est une exigence
- 100 votes pour. C'est une astuce à laquelle nos amis britanniques ont
songé et on pourrait peut-être examiner cela un jour.
Ensuite, la loi no 90 nous amène à modifier, à
amplifier les responsabilités des adjoints parlementaires. J'ai
été très amusé d'entendre hier soir le leader
parlementaire de l'Opposition rappeler des propos tenus par le
député de Sauvé qui, à l'époque, dirigeait
le groupe du Parti québécois dans l'Opposition, étant
donné que le député de Sauvé, aujourd'hui
vice-premier ministre et ministre des Affaires intergouvernementales, est le
ministre auprès de qui je suis moi-même adjoint parlementaire.
Bon. Alors, le député de Sauvé, aujourd'hui ministre des
Affaires intergouvernementales, disait d'eux qu'ils étaient des coupeurs
de rubans; il parlait de prix de consolation. Quant aux autres citations, je ne
sais pas si elles sont du député de Sauvé ou d'un autre
député péquiste de l'époque, mais, en tout cas, on
parlait "d'ouvreurs de portes, de porteurs de valises" et on disait
qu'être adjoint parlementaire, c'était recevoir "un prix coco".
Étant donné ce que le rôle d'adjoint parlementaire
était sous l'administration libérale qui nous a quittés en
1976, il n'est pas étonnant qu'on ait tenu ce langage lorsqu'on
était dans l'Opposition. Mais aujourd'hui, c'est vraiment beaucoup moins
vrai. Je sais qu'il nous arrive de faire des choses qui ressemblent un peu
à couper des rubans. J'appelle cela faire des ronds de jambe. Recevoir
des visiteurs de marque, cela nous arrive, mais c'est indispensable et c'est
une tâche dont je n'ai nullement honte; c'est une tâche qui,
à l'occasion, est extrêmement intéressante. Rencontrer et
recevoir des visiteurs de marque parce que le ministre n'a pas le temps de
recevoir tout le monde, c'est une occupation, en elle-même, tout à
fait valable.
Par-dessus ces progrès déjà réalisés
par rapport à la tâche et à la fonction de l'adjoint
parlementaire, la loi no 90 nous apporte une nouvelle étape de
progrès puisqu'il sera inscrit dans la loi que l'adjoint parlementaire
pourra agir au nom de son ministre lors de la présentation ou de
l'étude d'un projet de loi, même si celui-ci engage des fonds
publics ou impose une charge pour les contribuables. Alors, c'est une
étape de plus dans la réforme, dans l'amélioration de la
fonction de l'adjoint parlementaire.
On se pose aussi la question du nombre d'adjoints parlementaires. Je ne
pense pas que l'intention du gouvernement soit de les multiplier de
façon exagérée. Je suis sûr que le débat
reste possible là-dessus et qu'il y aura sûrement une solution de
compromis.
Par ailleurs, dans le projet de loi no 90, nous nous proposons de
consacrer un changement qui a déjà été fait et qui
touche les députés de Taschereau et de Gatineau,
c'est-à-dire l'institution, par la loi no 90, de la fonction de leader
parlementaire adjoint du gouvernement et de leader parlementaire adjoint de
l'Opposition. (11 h 40)
Puisque nous en sommes à la réforme parlementaire, je
voudrais revenir brièvement à l'intervention remarquée
qu'a faite hier soir en cette Chambre le député de
Trois-Rivières. Nous connaissons tous - j'y ai fait allusion tout
à l'heure - l'excellence des travaux du député de
Trois-Rivières sur toute la question de la réforme parlementaire.
Il a donné à cette question un élan qui se
révèle irrésistible. Je voudrais, avec votre permission et
surtout avec la permission du député de Trois-Rivières,
exprimer peut-être un doute ou deux sur une ou deux de ses observations.
Par exemple, à propos de la question de la solidarité
ministérielle, le député de Trois-Rivières y a fait
allusion à juste titre, mais il me semble que la solidarité
ministérielle, ce n'est pas la solidarité nécessairement
de tous les députés ministériels. C'est la
solidarité des ministres. Je pense que cette distinction est
extrêmement importante parce que ce sont les ministres qui prêtent
un serment d'office particulier et qui sont liés par un certain nombre
de règles, y compris le secret ministériel, y compris la
solidarité ministérielle, y compris la responsabilité
ministérielle. Ce sont seulement les ministres, ce ne sont pas
tous les députés ministériels.
Cette règle de la solidarité ministérielle est
très exigeante. Cela veut dire que lorsque le Conseil des ministres
s'est prononcé sur une question, tous les ministres doivent se rallier.
Je crois que cette règle est sage, puisque, à un moment
donné, lorsque toutes les délibérations ont eu lieu,
après la pensée, après la parole, après le
débat, il faut passer aux actes. Au moment de passer aux actes, il ne
peut pas être question de partir dans toutes les directions à la
fois. À ce moment, c'est le Conseil des ministres qui apporte par la
règle de la solidarité ministérielle cette unicité
dans l'action qui, bien entendu, devient indispensable.
Quant aux députés ministériels, en l'occurrence les
députés du Parti québécois qui ne font pas partie
du Conseil des ministres, ils sont liés, bien sûr, par ce qui me
semble être une autre forme de solidarité. C'est une
solidarité de parti, semblable à celle qui lie entre eux les
députés d'un parti de l'Opposition. Nous connaissons, d'ailleurs,
tous l'expression "ligne de parti". Les députés
ministériels non-ministres sont liés par ce type de
solidarité qui est exigeante, mais peut-être moins strictement
exigeante que la solidarité ministérielle et qui permet
l'expression de certaines divergences. D'ailleurs, je pense que c'est assez
évident. Hier soir, le député de Trois-Rivières
nous disait avec beaucoup d'éloquence que ce que nous apportons en cette
enceinte, c'est le bon sens. Ce n'est pas la connaissance technique, ce n'est
pas l'apport technocratique, c'est le reflet de la volonté populaire.
Nous venons ici représenter nos électeurs. Nous apportons le bon
sens. C'est très juste. Nous apportons un bon sens qui ne dit pas
toujours la même chose. On sait, par exemple, qu'il y a un débat
perpétuel sous tous les gouvernements à l'époque moderne
entre les députés de certaines localités et de certaines
régions qui présentent de belles argumentations - c'est un peu
passé - enfin, qui présentaient de belles argumentations pour les
autoroutes, alors que d'autres députés, représentant
d'autres localités et d'autres régions, présentent des
argumentations tout aussi éloquentes pour ce qu'on appelle le
réseau de voirie régionale.
Dans ce genre de débat, il faut que tous les points de vue se
fassent entendre. Il faut permettre, il faut même souhaiter une certaine
variété dans les points de vue. Cette variété dans
les points de vue, c'est le sel et le poivre qu'on met dans notre soupe. Je
reconnais qu'il ne faut pas y jeter en même temps toute la
salière. Je reconnais qu'il y a des limites. Il faut mettre un certain
assaisonnement, mais pas toute la salière, parce que, si on y met toute
la salière, cela veut dire qu'on coupe les ponts, on rompt. C'est comme
cela que le régime fonctionne. Il y a une certaine liberté de
parole, mais, si on en abuse, cela veut dire qu'on coupe les ponts.
Ce dont je vous parle, cette nécessité, ce besoin de
favoriser l'expression d'une variété de points de vue, c'est, au
fond, le droit de parole. Quand je parle de mettre toute la salière,
ça veut dire que le droit de parole est passé par la dissidence
pour devenir une rupture. Il ne faut pas s'étonner que ce genre de
choses puissent survenir dans la vie parlementaire, M. le Président.
Nous avons eu, dans l'histoire du Québec, de grandes dissidences: celle
de 1934 qui a mené à la création de l'Action
libérale nationale; celle de 1967 qui a mené à la
création du Mouvement souveraineté-association et, l'année
suivante, du Parti québécois; celle de 1969, à
l'époque où un groupe de députés de cette Chambre -
ils étaient cinq - ont constitué ce qui s'est appelé
l'opposition circonstantielle. C'était une opposition au projet de loi
no 63, portant sur la question de la langue au Québec. Deux des cinq
députés de cette opposition circonstantielle siègent
toujours parmi nous, M. le Président, le premier ministre et le
député de Saint-Jean.
Je crois que la sagesse, pour les parlementaires, c'est un
équilibre que l'on trouve quand tous les points de vue se sont
exprimés. Lorsque tous les points de vue se sont exprimés, comme
je l'ai dit, il faut passer à l'action et on ne passe pas a l'action
dans toutes les directions à la fois; c'est là qu'intervient le
principe très exigeant de la solidarité ministérielle.
Je crois que cette question d'équilibre, parce que nos
institutions reposent sur des équilibres, surtout les institutions
d'inspiration britannique qui sont plus traditionnelles que consignées
dans des textes, est fondamentale et que le respect de cette
variété de droits, de cette variété d'exigences est
l'âme, en quelque sorte, de la vie parlementaire. Cela doit aussi
être l'âme de la réforme parlementaire. La réforme
parlementaire, ce n'est pas seulement changer des textes de règlements,
ce n'est pas seulement adopter des projets de loi; c'est aussi modifier, si
besoin en est, nos attitudes, nos comportements afin que le parlement soit
vraiment la maison du peuple et que s'y expriment tous les points de vue que le
peuple veut y voir exprimés. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon M. Doyon: Merci, M. le Président.
Les
discours que nous entendons dans cette Assemblée qui portent sur
le projet de loi no 90 doivent, dans les circonstances, être empreints
d'une certaine dignité. La difficulté où on se trouve
actuellement, c'est de distinguer ce que j'appellerais un faux angélisme
d'avec un désir profond de réformer nos institutions
parlementaires. Il est dans l'habitude du gouvernement de nous présenter
les projets de loi avec des mots qui, spontanément, si on ne va pas plus
loin, emportent notre adhésion. Le problème, c'est que, quand on
va plus loin, on découvre des choses cachées, des choses avec
lesquelles nous ne pouvons pas être d'accord et avec lesquelles la
population, non plus, ne peut pas être d'accord.
Le risque que nous courons toujours et que la population court
là-dedans, c'est d'être, pour employer un mot qu'a mis à la
mode dernièrement le député de Deux-Montagnes,
piégés entre les bonnes intentions que nous partageons et les
moyens douteux qui sont mis en oeuvre pour y arriver. Nous risquons, si nous
dénonçons ces moyens, d'être pris à partie par les
députés péquistes et de nous faire accuser de ne pas
vouloir, de ne pas désirer, de ne pas être prêts à
collaborer à une réforme de la Loi sur l'Assemblée
nationale. Un processus de maquignonnage et d'échange s'engage à
ce moment-là qui porte sur le fait que je te consens telle chose et
j'attends quelque chose en retour. (11 h 50)
M. le Président, le projet de loi qu'on a devant nous est trop
important pour que nous nous prêtions à ce jeu-là. Je pense
qu'il est important, nécessaire et essentiel qu'à
l'Assemblée nationale nous expliquions les choses telles que nous les
voyons, sans complaisance, sans tenter de faire plaisir à qui que ce
soit, en tentant tout simplement de rétablir les faits, de montrer ce
qui se passe.
Que se passe-t-il, M. le Président? Nous sommes à la toute
fin d'une session qui a commencé le 9 novembre, une session qui aurait
pu commencer beaucoup plus tôt, compte tenu d'un certain nombre de
projets de loi, dont celui-ci qui est important et qui méritait une
discussion approfondie, une discussion faite selon des règles normales
prévues dans le règlement de l'Assemblée nationale et qui
aurait permis que tous les points de vue puissent être donnés
alors que nous avons l'esprit alerte, l'esprit clair, et non en pleine nuit,
par exemple, comme cela s'est passé hier soir, alors que
l'Assemblée nationale a siégé jusqu'à 1 h 30.
Vous allez me dire: On ne peut pas faire autrement, parce qu'on a trop
de projets de loi qui doivent être adoptés à telle date, le
21 décembre. Cependant, M. le Président, c'est un autre
piège du PQ, parce qu'on nous a fait commencer le 9 novembre.
C'est pour cette raison qu'on est bousculés. C'est pour cette
raison qu'on s'en va avec des projets de loi qu'on est obligé
d'étudier à la course, à la sauvette, en pleine nuit, en
catimini. On ne peut pas accepter cela, M. le Président. On nous
présente cette partie de la session de l'Assemblée nationale
comme étant une course. Or, on s'aperçoit que, depuis le 1er
décembre, on est dans un sprint. Si on considère qu'on a
commencé la course le 9 novembre, c'est une curieuse de course que celle
où le sprint final dure plus longtemps que la course elle-même.
Est-ce qu'on ne peut pas s'interroger sur la nature de cette course, M. le
Président? N'est-il pas plus normal qu'une course se déroule sur
une certaine distance et que le sprint soit, tout simplement, une partie minime
de cette course? Dans le moment, on est en train de sprinter pour plus de la
moitié de la course qu'on a entreprise le 9 novembre. Cela fait curieux.
Il faut se poser des questions.
M. le Président, il faut, entre autres, examiner le projet de loi
que nous avons devant nous. Pour ma part, j'y vois un certain nombre de
similitudes avec des choses qu'on a été appelé à
faire dernièrement, à l'Assemblée nationale. Il y a deux
lois qui me viennent à l'esprit et qui ne sont pas très
glorieuses pour les gens d'en face: la loi no 70 et la loi no 105. Le sens de
ces lois, c'est que le gouvernement renie sa signature et n'est plus capable de
respecter ce à quoi il s'était engagé. Dans le moment, on
nous arrive avec un projet de loi dont une bonne partie porte sur un sujet qui
ne devrait pas faire l'objet de discussions de la même nature que celles
qui doivent s'engager sur la réforme proprement dite de
l'Assemblée nationale, c'est-à-dire les salaires et les
régimes de retraite. Actuellement, le gouvernement est en train de dire:
Voici, il faut réformer les régimes de retraite, il faut ajuster
les salaires et il faut faire cela parce que cela coûte trop cher,
etc.
La similitude que j'y vois avec les lois nos 70 et 105, c'est que, dans
ces lois, le gouvernement avait établi un certain nombre de
règles qui étaient connues de tous. Le gouvernement a
décidé de ne pas respecter ces règles-là pour des
raisons qu'il a tenté de nous expliquer et que la population n'est pas
prête à accepter. Maintenant, M. le Président, les
députés qui siègent en cette Chambre l'ont fait à
certaines conditions qui étaient connues. Il y a eu ce que j'appellerais
une espèce de contrat tacite qui s'est établi entre ceux qui ont
posé leur candidature pour devenir députés, pour
siéger à cette Assemblée nationale. On s'est entendu
qu'éventuellement, si on était élu, on gagnerait tel
salaire et on aurait droit à telle pension. Ce n'était pas des
conditions fondamentales pour les candidatures qui ont été
soumises pour siéger à l'Assemblée
nationale, mais c'étaient des conditions qui étaient
connues, qui étaient acceptées et qui, fondamentalement,
puisqu'on se portait candidat, faisaient l'affaire de tout le monde.
M. le Président, ne doit-on pas se poser la question, à
savoir s'il est essentiel de changer ces conditions en cours de route? Est-ce
qu'il est normal de se retrouver dans une situation, alors que les
règles étaient connues et acceptées de tous, où on
dit: Maintenant, ce n'est plus cela; vous ne serez plus payés le
même salaire; cela ne se passera pas comme vous pensez que cela devait se
passer, et vous n'aurez plus droit à la même pension? Ce n'est pas
que je veuille défendre les salaires ou les pensions, M. le
Président. C'est simplement le procédé que je
désire porter à votre attention, procédé qui a une
similitude avec ce qu'on nous a imposé avec les lois 105 et 70.
Cela doit être un sujet d'inquiétude, parce que, si on se
met à faire cela, vous rendez-vous compte de l'incertitude qui va
s'établir? On ne saura jamais à quoi s'en tenir. On va penser que
les règles, dans le domaine des négociations collectives, dans le
domaine de la rémunération de la fonction publique et
parapublique, sont de telle nature. Tout le monde va s'imaginer qu'on peut se
fier là-dessus. Or, les lois nos 70 et 105 sont là pour prouver
qu'il n'en est absolument rien. Les députés ont été
élus sous certaines conditions, qu'ils ont acceptées. Ces
conditions n'ont pas été déterminantes, comme je le
disais, bien sûr que non, dans la candidature qu'ils ont posée
pour occuper un siège ici, à l'Assemblée nationale, mais
c'étaient des conditions connues et il y avait une espèce
d'entente tacite: si la population décidait de choisir tel candidat
comme son représentant à l'Assemblée nationale, ce sont
ces conditions qui s'appliqueraient. Or, on est en train de chambarder tout
cela et je trouve cela inadmissible.
Peut-être qu'un des avantages qu'on a quand il n'y a pas longtemps
qu'on siège à l'Assemblée nationale, c'est de pouvoir un
peu, temporairement - je ne sais pas si cela durera - se scandaliser de ce
genre de choses, de protester et de dire: II me semble que ça ne devrait
pas fonctionner comme ça. De le dire sincèrement et du plus
profond de son coeur parce qu'on le croit. On est encore sous l'illusion que
des engagements doivent être respectés. Facta sunt observanda,
comme disaient les Romains. On fait des contrats, qu'ils soient tacites ou
qu'ils soient explicites, de façon qu'ils soient respectés. S'ils
ne le sont pas, à quoi sert d'en faire?
En ce qui concerne la réforme elle-même de
l'Assemblée nationale, il faut porter à l'attention de la
population que ce qu'on nous propose actuellement, c'est de permettre au
gouvernement de faire indirectement ce qu'il ne pourra pas faire directement
d'après le projet de loi. Le gouvernement péquiste
s'apprête à obtenir de l'Assemblée nationale la permission
de nommer 27 adjoints parlementaires. Il y en a 12 actuellement et on veut les
faire passer à 27, avec tous les autres postes à la portée
du premier ministre pour ses députés. On se retrouvera dans une
situation où on aura 27 ministres, 27 adjoints parlementaires, 7
présidents de commissions, 1 président de l'Assemblée, 2
vice-présidents de l'Assemblée, 1 leader parlementaire adjoint, 1
whip en chef, 2 whips adjoints, pour un total de 68. Cela fait qu'il y aura des
bonbons pour tout le monde! On pourra contenter tout le monde. À ce
moment-là, le droit à la dissidence, que réclame avec
raison le député de Deux-Montagnes, sera mis en danger pour une
raison bien simple: Si tu es dissident, mon cher ami, tu en as le droit, mais
tu en paieras le prix; on t'ôtera ta "job"' d'adjoint parlementaire, on
t'ôtera ta petite fiole de whip adjoint, on va te punir. Donc, on va
garder tout le monde dans le rang.
Il y a deux objectifs là-dedans: celui de récompenser les
bons petits garçons, les moutons, les robots - est-ce cela, la prime
à la compétence? C'est ce qu'on s'apprête à donner -
et celui de punir les méchants garçons ou les mauvaises filles
qui ont l'audace de lever la tête et de dire qu'ils ne sont pas d'accord
avec messieurs les ministres, messieurs du cabinet. On ne peut pas, nous de
l'Opposition, être d'accord avec cela.
Je pourrais citer le député de Sauvé, le
vice-premier ministre et ministre des Affaires intergouvernementales. Ces
citations sont incroyables. Il s'élevait avec virulence, avec force
contre tout ajustement au salaire des députés. On ne demande pas
d'augmentation de salaires, on demande un gel. Que demande l'Opposition? Gelons
les salaires. Comment peut-on ne pas être d'accord avec cela? On n'est
pas dans une situation économique, on n'est pas dans une conjoncture qui
permette aux députés de s'accorder une augmentation de salaires.
On ne peut pas se permettre cela.
Ce n'est pas tellement une question de coût. On pourra nous faire
de grandes démonstrations, la pension d'un bord, le salaire de l'autre,
etc. Un dans l'autre, finalement, le gouvernement y gagne. Ce n'est pas cela,
l'important. On a l'obligation ici, à l'Assemblée nationale, de
donner l'exemple. Où est l'exemple quand on diminue de 20% les salaires
des employés de la fonction publique et parapublique? Il n'y a que
quelques jours de cela, ce n'est pas de l'histoire ancienne. C'est
récent. Où est l'exemple quand nous autres, les
députés, on est amenés par la majorité
ministérielle à
considérer des augmentations de salaires? Est-ce que c'est
normal? C'est inacceptable, c'est bien certain, à sa face même.
D'en parler, c'est indécent. Ce n'est pas acceptable. (12 heures)
Ce qui n'est pas acceptable, non plus, c'est le tripotage des
régimes de retraite que nous propose le gouvernement. Il faut que la
population sache - j'ai fait quelques petites analyses - qu'avec le
régime de retraite que nous propose le gouvernement dans le projet de
loi no 90 il y aura, au 1er janvier 1983, 55 députés
péquistes sur 75 qui auront droit à une pension de divers
montants. C'est cela la situation, M. le Président. Du côté
du Parti libéral, chez nous, le proportion sera de 15 sur 42.
Si on veut changer les règles des pensions, elles doivent
être changées de façon que tout le monde soit sur le
même pied. Comment faire cela? Le seul moyen de faire cela, c'est que la
Loi sur le régime de retraite, si on veut rétablir
l'équilibre, s'applique au 12 avril 1981, soit une journée avant
l'élection du 13 avril. À ce moment, quelle est la
différence? Vous allez comprendre pourquoi cette loi, dans les
intentions du gouvernement, s'appliquerait simplement le 1er janvier 1983. La
différence, si elle s'appliquait le 12 avril 1981, c'est qu'il y aurait
45 des 55 députés péquistes qui auraient droit à
leur pension s'ils la prenaient le 1er janvier 1983; il y en aurait 45 sur
ceux-là qui n'y auraient pas droit et qui n'y avaient pas droit le 12
avril.
La preuve que tout cela a été pensé, que tout cela
a été calculé, c'est que j'ai ici en main un document,
intitulé Document présenté à l'attention du cabinet
du premier ministre, Québec, le 25 mai 1981, quelques jours à
peine après la réélection du gouvernement péquiste.
Quelques jours à peine après sa réélection, le
gouvernement péquiste s'intéressait, s'inquiétait du sort
qui serait apporté aux pensions. C'était une
préoccupation. On donnait, pour chacun des députés, le 25
mai 1981, ce que serait leur pension au 15 novembre 1981, quelques mois
après. À ce moment, plusieurs d'entre eux, les 55 dont je vous
parle ici, auraient droit à leur pension. C'est du maquignonnage, c'est
de la finasserie et de l'abus de pouvoir. Ce n'est pas parce qu'on dispose
d'une majorité qu'on peut adopter des lois sur mesure. On n'est pas ici
à l'Assemblée nationale pour se tailler des vêtements
à notre mesure, parce que cela nous convient, parce qu'on a
été au pouvoir pendant 60, 61 mois à partir de telle date.
Ce n'est pas comme cela qu'on fait des lois. La première
caractéristique des lois, c'est qu'elles doivent être
générales, qu'elles ne doivent pas être faites sur mesure.
On ne doit pas faire cela pour des conditions particulières.
De quoi s'aperçoit-on ici? C'est qu'on fait une loi pour qu'on
puisse, pour un bon nombre de députés péquistes, 55, avoir
droit à une pension à partir de telle date, quand cela fera six
ans qu'on aura été élu, donc, au 15 novembre 1981. Cela
n'est pas improvisé. Dès le 25 mai 1981, on y pensait. On
préparait un document de plusieurs pages avec tous les noms des
députés.
C'est là que nous autres, on a le devoir de protester contre
cela. Pour connaître l'importance des pensions, il ne faut pas se boucher
les yeux. Regardons, dernièrement, l'espèce d'hécatombe de
démissions qui est arrivée au gouvernement. Je pense au
député de Charlesbourg qui a démissionné
après avoir acquis sa pension. C'est son plein droit. Il a le droit de
profiter de cela. Je ne lui fais pas de reproches, sauf que les faits sont
là. Le député de Saint-Jacques. Le député de
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Je parle de la personne que j'ai remplacée dans
Louis-Hébert, M. Claude Morin.
Toutes ces choses doivent nous amener à réfléchir.
On ne peut pas faire preuve d'angélisme et dire: Le gouvernement veut,
tout simplement, la réforme des institutions parlementaires. Le
gouvernement, s'il est sérieux dans sa proposition doit scinder, doit
diviser en deux le projet de loi no 90: une partie qui nous permettra de nous
pencher avec sérieux - pour le peu de temps qu'il nous reste et c'est
cela que je regrette profondément - sur les véritables
réformes du système parlementaire proprement dit,
c'est-à-dire l'utilisation des ressources que nous sommes, nous, les
députés, aussi bien du côté péquiste que du
côté de l'Opposition. Je suppose qu'on a des choses à
faire, des choses à dire et qu'on peut nous utiliser à meilleur
escient. Regardons cela à tête reposée, mais ne
mélangeons pas tout, par exemple. Ne mélangeons pas les oranges
et les pommes. Ne disons pas: II faut en même temps discuter du salaire,
de la rémunération, du fonds de retraite et de toutes ces choses,
parce que, à tort ou à raison, cela donne un drôle de
goût à tout le projet de loi. C'est une loi trop importante pour
qu'elle ait un goût dont on n'est pas certain. Il faut qu'on puisse
étudier d'une façon séparée la réforme
parlementaire. C'est une chose. Il n'y a rien qui nous empêche de
regarder cela en profondeur et de faire, éventuellement, des suggestions
constructives au gouvernement, parce que nous sommes tous
intéressés de faire en sorte que l'Assemblée nationale
remplisse son rôle. Mais, dans un deuxième temps, discutons des
salaires que nous méritons, des modalités selon lesquelles ces
salaires seront calculés, des modalités selon lesquelles nous
pourrons accumuler nos fonds de retraite et éventuellement y avoir
droit. C'est parfait. Mais ne mélangeons pas les deux. Je pense que
leader parlementaire du gouvernement a fait des ouvertures tout à
l'heure qui nous
permettent d'espérer cela. Nous le souhaitons vivement.
Personnellement, je le souhaite vivement et j'assure le gouvernement qu'il
pourra compter sur mon entière collaboration pour participer à
une étude de ce genre.
Cependant, je ne pourrai pas me prêter à un exercice
piégé comme celui qui nous est présenté par le
projet de loi 90. Il faut que ces choses se fassent séparément.
Je pense que c'est facile à expliquer et à comprendre. Il n'y a
pas de raison pour ne pas le faire. J'invite le gouvernement à regarder
cela avec sérieux de façon que la population, l'Assemblée
nationale, tous les membres de l'Assemblée nationale, surtout la
population, soient assurés que ce qui s'est fait dans ce projet de loi
l'a été dans le but certain d'assurer à l'Assemblée
nationale son rôle primordial, c'est-à-dire la protection des
intérêts des citoyens, l'utilisation maximale de tous et chacun
d'entre nous et, dans un deuxième temps, de voir comment on peut
s'organiser pour nous rémunérer d'une façon
adéquate, sans abus et en tenant compte de la capacité de payer
des citoyens. Dans le moment, la capacité des citoyens nous
amène, comme je le disais, à proposer un gel des salaires des
députés jusqu'au 1er janvier 1984 ou jusqu'au 31 décembre
1983, à enlever la clause d'indexation du salaire des
députés et à réévaluer à l'automne
qui vient toute cette question de la rémunération. Il me semble
que cette proposition a du bon sens. C'est une proposition qui peut être
comprise par la population et qui, surtout, colle à la
réalité et permet à la population... parce que nous avons
un problème de crédibilité. Ce n'est pas drôle quand
on voit les sondages publics qui démontrent que la population, à
17%, 18% ou 19%, accorde une crédibilité aux politiciens.
Pourquoi est-ce ainsi, M. le Président? C'est à cause des
affaires qui se passent ici. C'est pour cette raison. Si, en même temps
qu'on coupe les salaires de 20%, nous, les politiciens, on arrive et on se vote
des augmentations, ne nous demandons pas pourquoi on perd notre
crédibilité. Il faut réagir. Je fais appel au gouvernement
pour qu'il ne continue pas de se faire tort en tant que politicien, parce que
ces gens-là font aussi de la politique, et à nous aussi. Essayons
de préserver le peu de crédibilité qu'il nous reste.
Arrêtons de dire blanc et de faire noir. C'est ainsi que je vois les
choses. C'est ainsi que la population les voit et c'est ainsi que la population
s'adresse à nous. Il y a encore moyen de réparer, parce qu'il n'y
a rien d'irrémédiable de fait. Je voudrais que cela se fasse et
que les intentions du gouvernement soient connues le plus tôt possible.
(12 h 10)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Dubuc.
M. Hubert Desbiens
M. Desbiens: Merci, M. le Président. Le pouvoir n'existe
pas, il ne fait ce qu'il veut que parce qu'une multitude de sous-hommes
lâches et soumis le servent et lui laissent le champ libre. Le projet de
loi no 90, M. le Président, me rappelle l'électrochoc de Raymond
Lévesque. Encore aujourd'hui, les simples députés, les
députés d'arrière-ban, comme on nous désigne en
régime parlementaire britannique, sont très souvent, trop souvent
mis dans le coup à peine plus tôt que les journalistes, quand ce
n'est pas après eux. Parmi les ministériels, il y a, aujourd'hui
comme hier, deux classes de députés: les ministres et les autres.
Pourtant, nous sommes ici 120 hommes et femmes du Québec choisis par
leurs concitoyens et concitoyennes pour transformer en réalités
leurs volontés, leurs aspirations, pour répondre à leur
demande de faire de notre société québécoise une
société où il fait bon vivre. Ici même, en cette
enceinte, nous représentons les 6 500 000 Québécois et
Québécoises. Aucun des 120 députés ici
présents n'est plus député qu'un autre. Je dis bien 120 et
non pas 122, car il s'en trouve deux, comme vous le savez, dont les
électeurs savaient dès le 13 avril 1981, en les choisissant,
qu'ils deviendraient plus que de simples députés, soit le
député de Taillon qui est devenu premier ministre et le
député d'Argenteuil, à l'époque, chef de
l'Opposition. Le premier ministre, parmi les députés de son
parti, en a choisi quelques-uns pour administrer un secteur particulier de
l'activité gouvernementale. C'est dans son ministère que chacun
de ces appelés joue un rôle différent. Quand il est ici
à l'Assemblée nationale, il redevient notre égal, un peu
plus égal, bien sûr, mais notre égal.
Chacun d'entre nous a entendu ou exprimé lui-même des
remarques - j'en ai fait moi-même aussi - sur les grands dossiers de
l'heure. On a dit, par exemple: La question constitutionnelle relève des
stratégies gouvernementales. Le Parlement sert tout simplement de
chambre d'enregistrement des votes; des arrêtés
ministériels et la législation déléguée nous
enlèvent l'essentiel de nos prérogatives. On cuisine les lois
à une allure essoufflante. L'Assemblée nationale sert tout
simplement de façade démocratique. Autant de remarques que nous
avons entendues ou que nous avons exprimées nous-mêmes. Elles ne
viennent pas uniquement des députés ministériels. Le
député de Louis-Hébert parlait, justement, tantôt de
cette allure essoufflante avec laquelle nous votons des lois en fin de session.
Contrairement à ce qu'il a dit, je ne crois pas que ce soit un
piège du PQ, mais c'est plutôt un piège, justement, du
système parlementaire tel que nous le vivons.
La grande majorité des membres de cette Assemblée
nationale et de tous les partis politiques a manifesté que cette
Assemblée nationale ne joue pas un rôle assez important dans
l'orientation de la société québécoise. Je citerai
des déclarations - ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on en parle - comme
celle-ci, par exemple: "À cause du contrôle étroit des
cabinets de ministres sur les Assemblées législatives où
ils sont majoritaires, notre régime parlementaire devient de plus en
plus hypocrite, car le Parlement, qui devrait être le chien de garde du
gouvernement, est sous la tutelle de ce dernier". C'est une déclaration
de notre premier ministre actuel. En voici une autre qu'il nous rappelait -
vous vous en souvenez sans doute - peu après l'élection, le 26
novembre, lorsqu'il a présenté son Conseil des ministres: "Nous
sommes d'abord et avant tout de simples députés. La
première tâche de tous sera donc d'accomplir au maximum leurs
fonctions de députés et de participer, avec tous nos autres
collègues, à une réforme en profondeur de la vie
parlementaire. Cela fait longtemps qu'on en parle, disait-il. " Je pourrais
reprendre, comme cela, de nombreuses autres citations de nombreux autres
députés ou du premier ministre qui sont passés ici en
cette Assemblée nationale, en cette enceinte. Si j'ai choisi
quelques-unes des citations du premier ministre actuel, c'est que le projet de
loi no 90 que nous présente aujourd'hui, avec une légitime
fierté, le député de Vanier et leader du gouvernement
répond justement aux propos et à la volonté maintes fois
exprimée du chef du gouvernement actuel. Il est un des artisans
aujourd'hui de cette réalité qu'on retrouve à
l'intérieur du projet de loi no 90. Je ne pourrais pas non plus, au
passage, m'empêcher de féliciter quelqu'un, un de nos
collègues, qui y a travaillé d'une façon toute
particulière, à la demande du premier ministre d'ailleurs, qui a
produit un travail exceptionnel, qui a donné la poussée finale,
comme le mentionnait tantôt le député de Deux-Montagnes,
qui a donné un élan irrésistible à la
réforme qu'on nous propose dans le projet de loi no 90. Je me permets de
le féliciter parce que sa participation a été
déterminante: II s'agit du député de
Trois-Rivières.
M. le Président, le projet de loi no 90, c'est un grand pas en
avant dans l'établissement d'un meilleur équilibre entre le
pouvoir législatif, l'ensemble des députés élus par
le peuple, les représentants du peuple, la meilleure voix, je crois,
celle que, en tant que députés, on se targue, et avec raison
très souvent, d'avoir, de savoir ce qui se passe chez nous et
d'être capable d'interpréter les désirs et les
volontés de la population beaucoup mieux que ne peuvent le faire
certains fonctionnaires et technocrates dans leur tour d'ivoire... Je disais
que ce projet de loi permettra d'établir un meilleur équilibre
entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, celui des
ministres. Je mentionne les fonctionnaires et les technocrates, non pas pour
leur faire des reproches - chacun est essentiel dans son rôle - mais il
faut que chacun joue son rôle et joue uniquement son rôle.
Quant à moi, je qualifie cette réforme parlementaire d'une
véritable victoire de la démocratie et, par conséquent,
une victoire du peuple québécois. Je ne prétends pas par
là qu'on aura atteint la perfection avec le projet de loi no 90, avec
tous les importants amendements qui sont apportés à la Loi sur
l'Assemblée nationale. Il y manque encore au moins une pièce
très importante que le travail en commission de quelques-uns de nos
collègues de deux côtés de l'Assemblée nationale va
bientôt sans doute ajouter à cette réforme d'ici quelques
semaines. Je veux parler évidemment de la législation
déléguée, la réglementation. C'est une partie
fondamentale, capitale de cette réforme qui doit se compléter,
qui doit se poursuivre. C'est celle aussi qui touche le plus directement les
citoyens et les citoyennes.
M. le Président, s'il fallait que les règlements qu'on
retrouve dans les 11 000 pages, les règlements refondus du Québec
-sur mon bureau, ils ont un pied et demi de haut, en petits caractères
serrés - si on ajoutait à cela les 50 000 pages de lois qui
régissent les Québécois, s'il faut ajouter à cela,
parce que les gouvernements aiment bien gouverner, les lois et les
règlements qui assujettissent aussi les Québécois et qui
relèvent du gouvernement fédéral, si vous ajoutez encore
par-dessus tout cela les règlements municipaux, c'est sûrement que
les Québécois et les Québécoises sont les gens les
plus gouvernés, les mieux réglementés, les plus
compartimentés, les plus enrégimentés qu'on peut retrouver
n'importe où au monde. C'est presque du masochisme. Est-ce par crainte
de faire des erreurs qu'on se donne des réglementations aussi
étendues, aussi vastes, aussi complètes? Il y a tellement de
règlements auxquels les Québécois et les
Québécoises doivent se soumettre. Il y a des règlements
qui remontent à mille neuf cent tranquille. S'il fallait que tout cela
soit appliqué à la lettre demain matin, je suis convaincu que ce
serait la paralysie totale du Québec.
J'aurais aimé avoir le temps de fouiller un peu là-dedans.
Je suis à peu près convaincu qu'on en trouverait des vertes et
des pas mûres.
M. le Président, le projet de loi no 90 consacre la
suprématie du Parlement du Québec, comme le dit d'ailleurs
l'objet du projet de loi, comme on le dit dans les notes explicatives. Cela
précise les grands principes qui gouvernent l'indépendance de
l'Assemblée
nationale, entre autres, par la création -c'est très
important - du Bureau de l'Assemblée nationale qui est composé
non plus de ministres, mais de députés représentant les
principaux partis sous votre direction, M. le Président. (12 h 20)
II est d'autres aspects fondamentaux de ce projet de loi que je ne ferai
que mentionner, laissant à d'autres collègues le soin de les
commenter. Le premier concerne le contrôle des finances publiques par la
mise sur pied, particulièrement, de la commission du Vérificateur
général. On sait que cela est réclamé par le
vérificateur lui-même et des députés aussi depuis
longtemps en cette Assemblée. La commission des finances publiques, la
commission des engagements financiers continuera son travail et il y aura une
nouvelle formule de débat sur le budget, plus pratique et plus
réaliste, je crois.
Un autre aspect que je veux souligner rapidement, également,
d'ailleurs à la suite de demandes maintes fois
répétées et tout à fait justifiées quant
à moi, si on considère l'ampleur que prennent les régies
et organismes gouvernementaux, c'est la création, par la modification de
la Loi sur la Législature que nous propose le projet de loi no 90, de la
commission des organismes autonomes.
Après avoir entendu les porte-parole de l'Opposition s'exprimer
hier et ce matin sur cette partie du projet de loi no 90, j'ai cru comprendre
qu'ils sont d'accord presque en totalité avec ce qui y est
proposé. Nous n'irons pas loin avec cette réforme si elle ne
s'accompagne pas d'un changement de mentalité. Ce ne sont pas les
structures qui font les hommes; toutefois, ces structures peuvent permettre des
modifications. La nouvelle Loi sur l'Assemblée nationale du
Québec constitue certainement au moins une invitation, même une
incitation, je crois, pour chacun de nous, à modifier certains
comportements qui relèvent parfois davantage de vulgaires bagarres de
ruelles que d'un travail positif et profitable à l'ensemble du
Québec. Je crois que cette loi et cette réforme nous donnent
l'occasion de commencer à faire des débats plus raisonnables que
résonnants. J'entends m'y mettre immédiatement, M. le
Président.
L'Opposition a relevé hier un article du projet de loi - et il y
a quelques instants encore c'était le député de
Louis-Hébert -sur la nomination des adjoints parlementaires. On essaie
de démontrer que, finalement, ce que les députés
ministériels cherchent à faire, c'est de se donner des
augmentations par la bande en créant des postes
rémunérateurs supplémentaires à leurs
fonctions.
Pendant que l'Opposition présente ainsi cet article sur la
nomination des adjoints parlementaires, je me faisais moi aussi une petite
liste - pendant que l'Opposition nous prêtait des intentions - des
intentions que j'aurais pu prêter sur le même sujet à nos
amis de l'Opposition. Je viens de dire qu'on essaiera de se mettre
immédiatement dans l'esprit de la nouvelle réforme, être
raisonnables. Je ne me laisserai donc pas aller à vous dresser cette
liste. Je ne le ferai pas, je me retiendrai.
Je pourrais au moins souligner que si cet article apparaît, aux
yeux des membres de l'Opposition, comme un danger, je pense qu'il y aurait
lieu, en commission parlementaire, lorsque nous étudierons ce projet de
loi article par article, de proposer peut-être des modifications qui
viendraient en préciser la signification.
Il y a un aspect du projet de loi no 90 qui traite d'un sujet, comme le
disait ironiquement hier soir le leader de l'Opposition, d'une question plus
vulgaire, le salaire et le régime de retraite des députés.
Je dirai tout simplement à ce sujet que je n'ai jamais ressenti et que
je ne ressens pas aujourd'hui, encore moins, c'est sûr, je crois, de
gêne à me présenter, à discuter de mon salaire et de
mon régime de retraite avec l'ensemble de mes électeurs. Une fois
qu'on s'est assis pour discuter calmement de cette question avec eux, qu'on a
expliqué - ils le savent, ils en sont conscients - le nombre d'heures
qu'un député qui veut s'acquitter entièrement de sa
tâche est obligé de consacrer à son travail de
député, il est relativement facile de faire la preuve devant eux
en comparant une semaine normale de travail qu'on retrouve un peu partout, 35
ou 40 heures. Un député, finalement, au nombre d'heures par
semaine qu'il travaille, gagne un peu plus que le salaire minimum, 5 $ ou 6 $
l'heure.
Je leur fais savoir également que mon salaire a été
gelé en 1978, 0% d'augmentation, et qu'il a été
augmenté de 6% en 1979 et également de 6% en 1980, en 1981 et en
1982. Ce qui fait que, de 1978 à aujourd'hui, le salaire du
député a progressé de 67% alors que, durant cette
même période, l'inflation a augmenté de 107%. Dans le
projet de loi, je m'engage aussi à ce que mon salaire soit gelé
pour trois autres mois, 0%, en 1983, et qu'il soit augmenté de 6%
à compter d'avril, pour les neuf prochains mois, ce qui fera, en 1983,
une augmentation de 4, 8%, alors que dans les décrets on parle d'une
hausse de 5, 8%. Je n'ai pas de gêne, bien sûr. Je me trouve
même un peu naïf pour ne pas dire niaiseux, M. le
Président.
En ce qui concerne le régime de retraite, M. le Président,
évidemment, il va permettre, dès 1983, comme l'a très bien
souligné le leader parlementaire du gouvernement hier, une baisse des
dépenses de l'État de 2 500 000 $. Je mentionne
également que je m'attaque à mes propres droits acquis en
votant pour ce régime de retraite. Encore une fois, je ne suis pas du
tout gêné, comme le mentionnait un député de
l'Opposition hier. Je ne me sens aucunement gêné.
Il y a un dernier point sur lequel je voudrais attirer l'attention.
L'Opposition demande de scinder le projet de loi en deux parties.
Personnellement, je ne suis pas d'accord avec cette suggestion. Je me plierai
à ce qui sera décidé, mais je ne vois pas pourquoi on
scinderait ce projet de loi en deux parties. La Loi sur l'Assemblée
nationale du Québec, c'est une seule loi et elle comprend tous ces
divers chapitres. Alors, il s'agit, je pense, pour l'Opposition, comme pour
nous, de choisir. Nous choisirons de voter pour la loi ou de voter contre la
loi. Mais il s'agit pour nous de déterminer ce qui est le plus important
dans notre esprit. Est-ce que c'est le contrôle de la législation
déléguée, au soulagement de la population, dans certains
cas, ou si c'est le salaire et la pension du député? Est-ce que
c'est un contrôle efficace des dépenses gouvernementales qui est
plus important ou si c'est le salaire et la pension du député?
Est-ce que c'est le contrôle des dépenses et des activités
des sociétés d'État avec l'argent du peuple qui est
important ou si c'est le salaire et la pension du député? Est-ce
que c'est le contrôle sévère des finances publiques qui est
important ou si c'est le salaire et la pension du député? Est-ce
que c'est une participation plus intelligente à la confection de nos
lois qui est importante ou si c'est le salaire et la pension d'un
député?
L'Opposition choisira ce qu'elle juge le plus important: voter pour ou
voter contre le projet de loi no 90, mais, quant à moi, voter
globalement. Ce qui donne de l'importance et de la valeur à notre
salaire et à notre régime de retraite, je pense que c'est surtout
la façon, comme l'a mentionné le député de
Trois-Rivières hier, dont nous réagirons à la
première partie du projet de loi no 90, cette partie dont il disait
justement qu'elle n'a pas de prix si on la remplit bien.
Enfin, M. le Président, je crois que le débat s'est
maintenu, jusqu'à maintenant, à un niveau raisonnable et je crois
que l'Opposition mérite presque des félicitations. Je comprends
la tentation qui doit les assaillir aux souvenirs de 1974. J'ai confiance aussi
qu'ils ne se lanceront pas - que le débat se poursuivra sur ce ton -
dans un style de débat qu'ils qualifiaient eux-mêmes, hier - ce
sont les paroles du leader de l'Opposition - de proprement répugnant et
qu'ils voteront avec nous pour le projet de loi no 90, scindé ou non.
Merci, M. le Président. (12 h 30)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Sainte-Anne.
M. Maximilien Polak
M. Polak: Merci, M. le Président. On décrit le
projet de loi no 90 comme le projet de la grande réforme parlementaire.
On aurait dû aussi le titrer: projet de loi de création de revenus
additionnels pour les députés péquistes. On en parle dans
plusieurs sections. Je veux analyser un peu cette fameuse réforme
parlementaire, ce qu'on nous propose au point de vue des changements de
principe. Dans ce projet de loi, il y a un principe qui dit que,
désormais, le quorum de l'Assemblée nationale sera de 10%; comme
nous avons 122 députés, 12 députés formeront le
quorum, y inclus le président. Donc, le président à son
siège et 11 députés pour toute l'Assemblée; c'est
ça, le quorum. Je trouve que ce n'est pas une réforme
parlementaire, c'est scandaleux. On a maintenant un quorum de 30
députés et je me demande même parfois si c'est assez
élevé; il ne faut pas oublier que notre travail doit se faire
ici, à l'Assemblée même, devant la population. En abaissant
le quorum, on peut voir partout dans ce projet de loi qu'on cherche un tout
autre modèle. Je vais vous en faire la démonstration. On commence
déjà à réduire le quorum à 12
députés.
D'autres changements ne vont pas du tout dans le sens d'améliorer
le système, mais bien pour le détériorer. On a une
suggestion à faire: qu'une commission ou même une sous-commission
de l'Assemblée puisse siéger à tout endroit au
Québec conformément au règlement de l'Assemblée.
Mais on explique quoi? Rien du tout. Il devra s'agir d'un cas d'exception,
selon une règle très stricte. On a très souvent ici deux
ou trois commissions qui siègent en même temps. Plusieurs
députés sont membres de plusieurs commissions en même
temps; qu'est-ce qui arrive si on doit siéger à une commission
ici et qu'en même temps il y a une commission qui se tient ailleurs? On
aurait pu au moins stipuler que quand l'Assemblée siège il n'y
aura jamais une commission parlementaire en dehors de Québec. On aurait
peut-être pu dire aussi: Si on veut siéger ailleurs, il faut le
faire dans des régions assez lointaines, où les gens ont de la
difficulté à venir ici pour nous écouter. Aucune
stipulation, aucun détail. Je me demande si c'est un petit truc
péquiste pour faire un show. Si, à un moment donné, dans
une région ça ne va pas bien, on va former une commission
parlementaire, on y va pour le grand show! Le ministre arrive avec son adjoint,
avec son personnel, avec tout le monde et on va, devant la population, faire le
grand show péquiste. C'est de cela que j'ai peur. Je n'ai aucunement
peur d'informer le public, la
population, je n'ai pas peur d'aller en région, mais pour le
bénéfice de notre institution et non pas pour le
bénéfice d'un parti politique péquiste.
On passe maintenant à un autre principe très dangereux, le
fameux principe des adjoints parlementaires qu'on veut maintenant augmenter de
12 à 27. La situation d'un adjoint parlementaire aujourd'hui n'est pas
tellement différente de 1974 quand les péquistes
siégeaient de ce côté-ci, les six qui étaient dans
l'Opposition, qui ont critiqué, qui ont attaqué, qui ont
appelé ces adjoints parlementaires: les ouvreurs de portes et les
porteurs de valises. C'était un prix de consolation pour les
députés qui n'étaient pas nommés ministres. Rien
n'est changé. Il y a même des adjoints parlementaires que je ne
connais pas. On ne sait même pas de quel ministre ils sont adjoints
parlementaires. J'en connais quelques-uns qui font leur tâche
sérieusement; il y en a d'autres que je n'ai jamais vus, que je ne
connais même pas, mais ils reçoivent 7000 $ de plus par
année. On veut maintenant les augmenter pour les faire passer de 12
à 27. On dit ici, dans le projet de loi, qu'un ministre peut avoir plus
d'un adjoint parlementaire. Il peut y avoir un ministre bien important, qui
pèse beaucoup sur le plan politique, qui peut dire: Moi, j'en ai besoin
de deux. Je ne connais rien dans le système, tout ce que je sais, c'est
qu'on a fait le calcul et, si on respecte ce qui est édicté dans
ce projet de loi, on va trouver des jobs additionnels pour 68
députés péquistes sur 74. Il n'y en aura que 6 qui ne
sauront pas où aller, tous les autres auront des augmentations de
salaire de 2000 $ à 7000 $ de plus par année, en sus de leur
salaire de base.
Je me rappelle très bien, la semaine dernière, le projet
de loi no 105. On a été ici jusqu'à samedi soir, 22
heures, quand a eu lieu le vote final, et j'ai été ici samedi,
vendredi, jeudi, j'ai écouté les discours des péquistes
qui ont parlé au monde syndical. Quand ils ont parlé, il y en
avait qui avaient des larmes aux yeux. Il y en avait dont la voix était
brisée et leurs discours étaient comme suit: Chers citoyens,
chers syndicalistes, chers Québécois et
Québécoises, je suis moi-même un ancien syndicaliste. Je
comprends votre angoisse. Je souffre avec vous. Je ne veux pas le faire, mais,
savez-vous, on n'a pas le choix. Cette pièce de théâtre
était fantastique. Là, ils se sont expliqués. Ils ont dit:
Nous sommes issus de votre monde. Nous sommes avec vous. J'étais avec
vous sur la barricade, maintenant, je suis obligé - et là la voix
s'arrêtait, parce qu'elle craquait presque de tristesse - de vous imposer
ce projet de loi no 105. Ce n'est pas possible.
Aujourd'hui, deux jours plus tard, on vient ici pour dire: Voici, nous
autres, on va se donner une augmentation de salaire. On va se donner
l'indexation qu'on a enlevée aux autres. Au cas où cela ne serait
pas adopté, on va augmenter le nombre d'adjoints parlementaires de 12
à 27, de sorte qu'il y aura quinze autres députés
péquistes qui auront déjà, par le fait même, 7000 $
par année de plus. Savez-vous ce que cela veut dire, 7000 $ par
année? Allez demander cela à mes assistés sociaux. J'ai eu
l'exemple, la semaine dernière, d'un cas où on a réduit le
coût des batteries, l'allocation pour batteries d'un assisté
social de mon comté de Sainte-Anne de 3 $ par mois. On lui a dit: Vous,
monsieur, coupez donc sur votre batterie, le soir, quand vous êtes dans
votre lit. Comme cela, le lendemain, vous recommencez et la batterie durera
plus longtemps. Pour 1 $ par mois de différence, savez-vous.
Là on se donne 7000 $ par année d'augmentation. C'est un
scandale. J'ai dit à tous ceux qui ont parlé les larmes aux yeux,
avec de grands gestes de compréhension du vrai syndicalisme, du monde de
l'enseignement, du monde ouvrier, j'ai dit: Gênez-vous collectivement. Je
me rappelle en 1974, quand les six péquistes étaient ici, les
débats qui ont eu lieu exactement sur le même type de projet de
loi et qu'on en a fait du taponnage, du bruitï Ils ont même retenu
l'Assemblée, je pense, entre Noël et le jour de l'an. Je rappelle
quelques petites citations. Malheureusement, je n'étais pas
député à ce moment. Si j'avais été
député, je parlerais là-dessus juste en prenant tout ce
que vous avez dit en 1974 pour vous frotter le visage, parce que vous le
méritez. Le chef de l'Opposition officielle du temps, qui est maintenant
le ministre des Affaires intergouvernementales, et qui fait des voyages aux
États-Unis, à Paris, à Londres, n'importe où, voici
ce qu'il disait: Nous - il parlait des parlementaires - donnons le mauvais
exemple à la population. On viendra ensuite dire aux
Québécois, serrez-vous la ceinture. C'est lui qui avait dit
cela.
C'est lui qui avait dit: À notre avis -c'est un péquiste
qui parlait - l'augmentation que cette Chambre s'apprête à se
voter est tout à fait déraisonnable par rapport au contexte
économique dans lequel nous vivons. Imaginez-vous, c'était en
1974 et le contexte économique était très bon en
comparaison avec aujourd'hui. Qu'est-ce qu'il a dit? "Peut-il exister un moment
plus mal choisi...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant, M. le
député de Sainte-Anne. M. le leader.
M. Bertrand: Je voudrais simplement demander au
député s'il me permet de lui poser une question en vertu de
l'article 100.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que vous permettez,
M. le député?
M. Polak: Je me fie à votre jurisprudence. Vous
n'êtes pas juriste, mais vous êtes très constant dans vos
décisions et j'ai toujours compris cela de vous. Le député
posera sa question à la fin de mon intervention, parce que ma population
veut que je prenne mes 20 minutes.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Juste un instant, M. le
député. Tout simplement, en vertu du règlement, le
ministre et leader vous demande s'il peut vous poser une question. Vous pourrez
lui répondre oui ou non et, si vous répondez oui, il s'agit de
lui dire simplement: À la fin de mon intervention.
M. Polak: Ma réponse est toujours oui à une
question. Pas de problème. Je vais revenir sur cette fameuse
réforme parlementaire. J'ai cherché dans ce projet de loi un
article qui dit, et cela aurait été une vraie réforme: On
n'adoptera plus les projets de loi à la vapeur. Dans les deux
dernières semaines de la session, on arrêtera de vous
présenter un paquet de lois haut comme cela. Vous, MM. les
députés, vous êtes censés être prêts
à parler là-dessus. Si vous vouliez une vraie réforme,
vous auriez dû dire: On va commencer notre session non pas le 9 novembre,
mais deux ou trois mois avant. On va être ici. On va étudier
chaque semaine deux ou trois projets de loi qu'on connaît d'avance et on
va les étudier en détail. Cela aurait été
intéressant. Là, on aurait pu dire: On participe à la vie
parlementaire. Ce qui n'est pas le cas avec le petit jeu qui a eu lieu depuis
que je suis ici. (12 h 40)
Dans les deux dernières semaines de la session, on
présente tout en bloc. M. le Président, j'étais ici hier
soir et j'ai parlé du projet de loi omnibus du ministre de la Justice.
J'ai critiqué celui-ci parce qu'il n'était même pas ici.
Après mon intervention, il m'a répondu personnellement en ces
mots: Vous n'avez pas compris le jeu parlementaire. Vous n'auriez jamais
dû dire cela, parce que c'est insultant. Vous n'êtes pas un bon
parlementaire. Vous ne jouez pas au criquet. M. le Président, je refuse
de jouer au criquet, que le ministre de la Justice considère comme un
bon jeu. Je ne veux rien savoir de cela.
Je continue de dire ce que j'ai dit: Le fait d'avoir tout ce travail
à faire dans les deux dernières semaines de la session, est une
tâche impossible. Cela veut dire qu'on n'a pas le temps de se
préparer; on n'a pas le temps d'étudier les projets de loi. Ce
n'est certainement pas une réforme parlementaire qu'on suggère
dans le projet de loi. On aurait dû dire: On va l'étudier
tranquillement. Comment se fait-il, M. le Président, qu'on
reçoive un agenda pour les travaux de la semaine? Depuis que je suis
ici, j'ai vu au moins 90% des cas où l'agenda a été
changé. On prépare deux ou trois projets de loi et ensuite, on
revient à l'Assemblée le lundi ou le mardi et on se
découvre qu'on commence avec un autre projet de loi. Pensez-vous que
c'est une réforme parlementaire? Pas du tout.
J'ai regardé ce projet de loi et je ne trouve rien qui nous dit
qu'on va échelonner cela sur une période plus longue, pour que la
population puisse bénéficier d'un vrai travail sérieux, et
non pas le petit jeu qui a eu lieu hier soir et qui a toujours lieu dans les
deux dernières semaines. Vous vous rappelez, M. le Président, les
80 000 pages de documents sur le projet de loi 105? Ce n'est pas possible! Les
gens ont ri de cela. Savez-vous qu'on était censé étudier
cela, aller en commission plénière pendant cinq heures et donner
ensuite nos commentaires? Pour qui nous prenez-vous? Je n'y comprends plus
rien, M. le Président.
Je suis déçu de ce système et je suis
déçu que ce soit le Parti québécois, lui qui, en
1974, quand il est venu ici pour la première fois, avait eu le courage
de s'opposer à ce système, de l'attaquer, de demander des
changements et des amendements. Quand il serait au pouvoir, ce serait
différent. Que constate-t-on, M. le Président? On constate la
faillite morale totale. Vous n'avez rien fait de positif à ce sujet. Le
système est encore le même. En ce qui concerne les augmentations
de salaire et la création d'emplois additionnels, c'est scandaleux et
honteux. Vous êtes ici pour parler là-dessus, pour donner votre
appui à un tel projet de loi avec de telles dispositions. Je ne peux pas
le comprendre. Je me demande où est la sincérité.
M. le Président, le député qui a parlé avant
moi - j'étais ici et je l'ai écouté - a dit que le premier
ministre avait fait une belle déclaration et qu'il avait prononcé
de belles paroles. Il a dit: "Le Parlement est le chien de garde du
gouvernement". Je suis tout à fait d'accord avec cela. Je trouve que
c'est un principe fantastique. Mais on ne le vit pas. On ne le vit pas sur le
plan pratique. Vous le savez très bien. Nous ne sommes pas des chiens de
garde du tout, parce que, hier soir, quand j'ai essayé d'agir comme
chien de garde, on m'a critiqué en me disant: Vous n'avez pas le droit
de faire cela. Vous n'avez pas joué le jeu. Et quand je leur dis: Vous
autres, quand vous étiez dans l'Opposition? Ils me répondent: Ah!
On a fait le... mais vous savez, les temps changent. Cela a été
leur réponse. Je leur ai dit: Ce n'est pas croyable de vivre dans un tel
système. Moi, au moins, M. le Président, je suis encore assez
jeune au point de vue de l'expérience parlementaire pour croire qu'on
peut faire de vrais changements, qu'on peut vraiment réformer le
système
parlementaire de telle manière que tous les députés
qui veulent travailler auront la possibilité de contribuer d'une
manière positive à améliorer le projet de loi pour le
bénéfice de toute la population, mais pas de la manière
qu'on fonctionne maintenant.
Comme j'en ai parlé hier soir - et le leader du gouvernement est
ici - j'aimerais lui demander: Combien de députés sont au courant
du contenu du projet de loi sur lequel on vote? Soyons très
honnêtes. Le projet de loi dont on a discuté hier soir, le fameux
bill omnibus du ministre de la Justice, je suis convaincu qu'il y a 90% des
députés qui ne savent même pas de quoi il s'agit. Tout de
même, il y a un changement là-dedans d'apporté à 32
lois. Et on sera appelé à voter jeudi ou vendredi de cette
semaine. S'il vous plaît, levez-vous parce que M. le ministre de la
Justice veut avoir son projet de loi. Et tout le monde se lèvera et sera
en faveur. Cela ne tient pas debout, ils ne savent même pas ce qui se
trouve là-dedans. (12 h 45)
Là, on revient dans nos comtés, à
l'été, et les gens nous posent des questions: Comment se fait-il
qu'il y a des coquilles? Vous savez que c'est arrivé avec cette fameuse
affaire de bouteilles de vin qu'on peut apporter dans les restaurants, cela est
une coquille. J'ai trouvé hier soir, dans ce projet de loi omnibus, une
coquille. Il n'y a pas de doute que le nouvel acquéreur d'un
édifice doit maintenant payer la dette d'Hydro-Québec et du gaz
qui est due par l'ancien propriétaire. Il n'aurait peut-être pas
fallu le dire, mais cela se trouve dans le texte. C'est le danger du
système actuel. On se moque de nous. Nous ne sommes pas du tout des
chiens de garde. Même ce matin, le leader a fait de petites remarques
quand il a dit: Bon, si l'Opposition donne sa coopération,
peut-être qu'on pourrait faire telle et telle chose et scinder le projet
de loi, oui, si vous êtes de bons petits gars; si vous jouez le jeu, on
le fera. Je vous réponds, quant à moi: Je ne jouerai jamais votre
jeu, jamais de la vie. J'ai cru vraiment, entre 1974 et 1976, que vous
étiez d'opinion différente, vous vouliez effectuer un changement.
Maintenant, vous êtes au pouvoir et il n'y a rien. Ce que vous faites,
vous confirmez ce qui existait; vous faites exactement...
Au point de vue de l'augmentation des salaires, vous êtes pires
parce que, le Parti libéral, dans le temps, n'a pas fait cette
même affaire, pas du tout. Vous avez lutté jusqu'à la mort
là-dessus, savez-vous? Et maintenant, vous venez nous présenter
un projet de loi qui va beaucoup plus loin, avec la création de postes
additionnels, ceux des adjoints parlementaires. Comme je l'ai dit, 68 sur 74
députés ministériels auraient "une belle petite job"
variant de 1500 $ à 7000 $ de plus par année.
Savez-vous que cela me fait penser à Idi Amin, vous vous
rappelez, dans un des pays d'Afrique. Il y a eu une révolution; il a
pris le pouvoir, mais il y avait une petite bande de soldats autour de lui, 74,
cela a commencé ainsi. Il a nommé capitaine chacun de ces gars
qui était avec lui dans la barraque; quand il a pris le pouvoir, cela a
marché vite. Il a pris un poste de radio et soudainement, le
contrôle du pays. Les gars sont tout de suite nommés capitaines et
les autres sont restés soldats éternellement. Cela me fait penser
à cela. Savez-vous que cette promotion soudaine, c'est ce qu'on appelle
simplement en anglais les "pay off", pour rester tranquilles et parce que vous
êtes du bon bord de la clôture, je vous paie.
Comme le député l'a dit tout à l'heure - et c'est
vrai - c'est qu'en même temps vous achetez le silence de ceux qui veulent
parler parmi vous.
Une voix: C'est cela.
M. Polak: Cela est grave aussi. Si vous voulez avoir
l'indépendance parlementaire, je vais vous donner une petite
augmentation de 7000 $ ici et là, ce sera dur pour ce
député de dire: Moi, je suis contre le gouvernement parce que je
veux voter contre le projet de loi. On va lui enlever "sa petite job" et on va
la donner à un des six qui restent. Il reste six chances. On va
distribuer les jobs au fur et à mesure que quelqu'un va ouvrir la
bouche.
M. le Président, je suis déçu, je suis
déçu du système, je suis déçu de l'attitude
du Parti québécois. Je n'ai jamais cru tellement en vos
idéaux, parce que, sur le plan constitutionnel, je suis totalement en
désaccord avec vous depuis que je suis ici au pays. Au moins, j'ai
confiance en une sorte d'honnêteté morale politique quelque part.
Je me disais: C'est un nouveau groupe, il y a un nouvel élan, ils vont
faire quelque chose. Savez-vous ce que je vois? Vous êtes, comme le
député de Maskinongé l'a dit - donc, je peux
répéter les mots - une bande d'hypocrites. Je dis exactement la
même chose, c'est ce que vous êtes. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Simplement pour
répéter, comme il vous reste une minute à votre temps et
que vous avez une question à poser, je donne la parole au leader du
gouvernement pour poser une question.
M. le leader.
M. Bertrand: M. le Président, j'aurais deux questions
à poser, très courtes, très simples. Je voudrais d'abord
demander au député, qui a fait allusion au débat de 1974,
relativement à la loi que le gouvernement Bourassa voulait faire adopter
par
l'Assemblée nationale et qui a été adoptée
effectivement en 1974, si le député sait quelle est
l'augmentation de salaire qui a été consentie en 1974, pour la
seule année 1974, par rapport à 1973. Est-ce que le
député connaît le pourcentage d'augmentation?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, je ne connais rien
là-dedans. Je ne connais que ce que j'ai lu dans les critiques. Je cite
la critique, les chiffres ne m'intéressent pas.
M. Bertrand: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Ce n'est pas une
période des questions. Le député ayant répondu
à votre question, je dois donc passer à l'intervenant
suivant.
M. le député de Taschereau et leader adjoint du
gouvernement, c'est à vous la parole.
M. Guay: M. le Président, c'est la première fois
que je vois une suspension de la séance qui est applaudie en cette
Chambre. J'allais justement, étant donné qu'il est près de
13 heures, faire une proposition pour que nous suspendions nos débats,
tout en remerciant mes collègues d'avoir bien voulu applaudir cette
proposition.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion de suspension
de nos travaux est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Donc, nous
reprenons nos travaux à 15 heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 51)
(Reprise de la séance à 15 h 08)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaîtl
Veuillez vous asseoir.
M. le leader du gouvernement.
M. Bertrand: Je crois que c'est le député de
Taschereau qui avait demandé l'ajournement du débat, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Reprise du débat
sur la motion de deuxième lecture du projet de loi no 90
présenté par le ministre responsable de la réforme
parlementaire, Loi sur l'Assemblée nationale du Québec. M. le
député de Taschereau.
M. Lalonde: M. le Président, j'ai une demande de directive
avant que...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Demande de directive, M.
le leader de l'Opposition.
M. Lalonde:... le député de Taschereau prenne la
parole. À 15 h 08, cet après-midi, il y a une panne
d'électricité dans toute la province. Si cette Assemblée
peut siéger, c'est grâce à une génératrice
spéciale qui nous permet d'avoir non pas la diffusion, mais
l'enregistrement de nos débats pour les fins de leur diffusion
télévisée plus tard, en différé, et pour les
fins de leur transcription.
Nous avons donc convenu avec la présidence, il y a quelques
minutes, de continuer nos travaux ici, mais il reste que le parlement commence
à geler. La génératrice ne permet pas de chauffer. C'est
une espèce de gel comme on aimerait bien l'imposer aux salaires des
députés l'an prochain, mais il reste que notre personnel devient
de plus en plus inconfortable. On nous dit que la panne serait
réparée d'ici une heure ou deux. S'il fallait que cela se
prolonge, nous demanderions peut-être, un peu plus tard, de suspendre nos
travaux si nous n'avions plus de personnel à notre disposition.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Là-dessus, effectivement, nous avons eu une
conférence des leaders avec le président de l'Assemblée
nationale. Dans la mesure où la présidence, qui, dans le fond, je
pense, doit prendre ce genre de décision, avisera qu'il y a des mesures
à prendre pour qu'effectivement tout se déroule dans l'ordre
à l'Assemblée nationale, incluant les conditions de travail du
personnel de l'Assemblée nationale, évidemment, nous nous
rendrons de bonne grâce à cette décision.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip de
l'Opposition.
M. Pagé: Est-ce que le leader du gouvernement pourrait
indiquer à cette Chambre et, par conséquent, aux journalistes,
à la presse et au public, la raison de la panne
d'électricité? On sait que plusieurs informations circulent et je
crois que la population doit en être informée dans les plus brefs
délais. Qu'est-ce qui est arrivé?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement.
M. Bertrand: Pour être très franc avec le
député de Portneuf, je n'en ai vraiment aucune idée. Je
l'ai appris tout à l'heure et on m'a convoqué au bureau du
président de
l'Assemblée nationale. J'y suis allé en vitesse pour
apprendre qu'effectivement il y avait une panne, semble-t-il, à
l'échelle du Québec, mais je n'en connais nullement la
raison.
Une voix: C'est le retour de la grande noirceur au
Québec.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Taschereau et leader adjoint du gouvernement.
M. Guay: Peut-être est-ce le premier ministre de
Terre-Neuve qui a décidé de mettre ses menaces à
exécution et de débrancher Churchill Falls. Il semble, toutefois,
que ça ne soit pas le cas.
Des voix: C'est le fédéral! C'est la faute du
fédéral!
M. Guay: Le leader de l'Opposition soupçonne que c'est le
fédéral. Je tiens à le souligner pour le journal des
Débats et pour l'histoire, parce que c'est rare que, de l'autre
côté de la Chambre, on soupçonne le fédéral
de quoi que ce soit d'inopportun.
M. Lalonde: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde: Je demanderais au député de Taschereau
de me laisser mes soupçons à moi-même, je puis fort bien
les exprimer. Dans ce cas-là, je pense que c'est tout à fait
provincial.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Richard Guay
M. Guay: C'est avec grand plaisir que je vais laisser au leader
parlementaire ses propres soupçons.
Voilà donc que nous sommes en train d'étudier le projet de
loi no 90, loi fondamentale pour cette institution et pour cette
société, s'il en est une, la Loi sur l'Assemblée
nationale. Ce projet de loi contient plusieurs éléments. Je
voudrais en aborder deux principalement, avec votre permission. Je voudrais,
d'abord, traiter de la réforme parlementaire. Ce projet de loi contient,
en effet, on l'a souligné, des aspects extrêmement novateurs qui
sont, dans mon esprit, non pas la fin de la réforme parlementaire, non
pas l'aboutissement de la réforme parlementaire, mais le début
d'une réforme parlementaire en profondeur qui va, je l'espère,
à terme, faire de cette institution un Parlement qui jouera
véritablement son râle, c'est-à-dire un Parlement qui
pourra mieux contrôler les gestes de l'exécutif, qui pourra mieux
contrôler les finances publiques puisqu'en définitive c'est bel et
bien le rôle d'un Parlement.
Dans ce projet de loi, nous retrouvons quelques éléments
qui ne sont, en quelque sorte, que la pointe de l'iceberg de la réforme
parlementaire. Par exemple, l'administration de l'Assemblée nationale,
au lieu d'être confiée, comme c'est le cas depuis longtemps,
à un comité de régie interne, dorénavant,
relèvera, comme beaucoup de Parlements au monde, d'un bureau où
siégeront des députés de l'Opposition comme des
députés de la majorité et, bien sûr,
vous-même, M. le Président. Ainsi, avec cette réforme, pour
ce qui est de l'administration de leur Parlement, ce sont les parlementaires,
et non plus le Conseil exécutif, qui verront à la gestion du
Parlement.
Il y a bien d'autres éléments de la réforme
parlementaire qui ne paraissent pas dans le projet de loi no 90 et qui font
l'objet à l'heure actuelle d'études à une sous-commission
de l'Assemblée nationale dont j'ai l'honneur de faire partie. Elles
aboutiront à des changements au chapitre des commissions parlementaires
pour les rendre plus modernes, plus fonctionnelles, à un
règlement qui, je l'espère, sera remanié, clarifié,
qui sera plus facile à consulter et, éventuellement, aussi
à une nouvelle méthode de contrôle des deniers publics par
un nouveau type de débat budgétaire et à un nouveau type
de contrôle des crédits gouvernementaux. Tout cela fait que nous
entamons avec la loi 90, comme je le soulignais, le début, et non la
fin, d'une réforme qui doit aller, je l'espère, aussi loin que
possible compte tenu que nous demeurons en système parlementaire
britannique avec les contraintes que cela implique.
Je ne vous cacherai pas, pour ma part, que j'ai toujours
été plutôt favorable à un type de système
présidentiel, qui permet un meilleur équilibre, à mon
avis, entre l'exécutif et le législatif. Mais d'ici à ce
que nous arrivions à cela, si jamais nous y arrivons, je pense, en tout
cas, que nous devons faire le maximum, - c'est ce que nous sommes en train de
faire de part et d'autre de la Chambre - pour rendre ce Parlement plus
fonctionnel, plus moderne, plus efficace.
Mon prédécesseur, le député de Sainte-Anne,
a évoqué quelques éléments que je voudrais
reprendre à ce moment-ci. Il a souligné ce qu'il considère
comme une lacune - d'ailleurs, le leader de l'Opposition l'avait fait, lui
aussi, hier - soit le fait que le quorum, dans la réforme parlementaire
qu'apporte le projet de loi no 90, serait limité à 10% des
députés en cette Chambre.
Scandale, trouve-t-on, de l'autre côté. C'est
épouvantable, un si petit quorum! Prenons exemple sur deux autres
Parlements de type britannique. À Ottawa, à la Chambre des
communes, le quorum est de 20 députés sur 282, même pas
10%. Personne n'y trouve à redire. Combien pensez-vous qu'il faut de
députés à Londres, "the mother of Parliaments", la
mère des Parlements britanniques, là d'où coule toute
source de sagesse parlementaire britannique? Sur 635 députés
à Londres - il y en a beaucoup -combien constituent le quorum? M. le
Président, 40 députés sur 635.
On avouera que nous sommes allés puiser à la source de la
sagesse de la démocratie parlementaire britannique et que nous avons
bonifié notre loi en y mettant un article comme celui qui est dans le
projet de loi 90 sur le quorum, d'autant qu'avec la réforme
parlementaire les commissions sont appelées à prendre un
rôle encore plus considérable, plus autonome, grandissant et
à être autant que l'Assemblée, sinon davantage,
l'instrument par excellence du contrôle législatif sur
l'exécutif.
M. le Président, la panne nous arrive. Il n'y a plus rien.
Des voix: Consentement!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nous avons le
consentement pour continuer. Il n'y a plus d'enregistrement, non plus. Je puis
suspendre d'office pour quelques instants jusqu'à ce qu'on en trouve la
cause. Ah! Voilà!
Donc, M. le député de Taschereau et leader adjoint du
gouvernement.
M. Guay: M. le Président, j'espère que, tant bien
que mal, vous réussirez à noter ces pannes et ces choses de
manière qu'on ne le prenne pas sur mon temps de parole.
Le député de Sainte-Anne a soulevé une question que
j'ai trouvée absolument saugrenue. Les commissions parlementaires
itinérantes, selon lui, devraient siéger uniquement dans les
régions lointaines du Québec comme Schefferville, dont il est
question ces temps-ci. Je le veux bien, mais, enfin, pourquoi une commission
parlementaire ne pourrait-elle pas siéger à Montréal,
où se trouve la moitié de la population du Québec,
lorsqu'il s'agit d'une question qui concerne les Montréalais comme la
question du transport en commun à Montréal et la question de la
Communauté urbaine de Montréal? Ce sont des choses qui pourraient
se faire. Je ne comprends pas du tout la logique du député de
Sainte-Anne de vouloir faire siéger des commissions parlementaires
uniquement dans les régions lointaines du Québec.
Enfin, M. le Président, avant d'aborder l'autre volet... (15 h
20)
Le Vice-Président (M. Rancourt): Encore une fois, le
courant. M. le leader adjoint du gouvernement.
Une voix: Suspendez donc!
M. Fréchette: Est-ce que, compte tenu de ce qui s'est
passé au tout début de la séance et de ce qui se produit
de façon sporadique depuis le début, il n'y aurait pas lieu
effectivement de suspendre maintenant nos travaux?
M. Lalonde: Nécessairement, ce que je vais dire ne sera
pas enregistré à la caméra...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, maintenant oui.
M. Lalonde:... mais je vous ferai une citation: "À cause
de ce besoin d'images à la télé, de ce besoin de boucher
les trous à la radio, on noie les gens dans une confusion
invraisemblable. " Auteur, René Lévesque; magazine Point de mire,
1971. Si le député de Taschereau veut continuer, libre à
lui.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Comme le courant est de
retour, est-ce que...
M. Guay: Je m'excuse, je soulève une question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège. M. le député de Taschereau.
M. Guay: Je veux bien prendre la parole dans cette Chambre, mais
je veux le faire dans des conditions normales de fonctionnement de la Chambre.
Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'avec deux interruptions en cinq minutes
à peu près, on n'a aucune garantie, compte tenu qu'il y a panne
dans tout le Québec, que cela ne se reproduise pas encore deux fois dans
les cinq prochaines minutes et ainsi de suite. Pour ma part, je souhaite donc
qu'on suspende nos travaux jusqu'à ce que le fonctionnement normal soit
possible.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader de
l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, sur un ton moins badin, je
pense qu'en toute honnêteté pour les orateurs, d'un
côté comme de l'autre de la Chambre, on doit leur assurer un
service continuel et normal d'exercice de leur droit de parole. Dans ces
conditions, si c'est le désir du député de Taschereau,
leader adjoint, nous sommes d'accord pour suspendre jusqu'à ce que les
conditions normales soient revenues.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, de consentement, il
y a suspension jusqu'à une période indéterminée
pour l'instant.
(Suspension des travaux à 15 h 22)
(Reprise de la séance à 15 h 32)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Veuillez prendre place.
Nous allons reprendre le débat en espérant que tout
fonctionne maintenant d'une façon normale. M. le député de
Taschereau.
M. Guay: M. le Président, le leader parlementaire de
l'Opposition n'est pas ici. Il m'avait donné son consentement
tantôt, compte tenu de la panne, à savoir que je pourrais
reprendre au tout début mon intervention afin de la faire de
manière ininterrompue, ce qui n'a pas été le cas
tantôt, évidemment.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce qu'il y a
consentement, M. le whip adjoint? Oui, M. le député de
Taschereau.
M. Guay: Le député de Maskinongé confirme
cette entente. Ce projet de loi no 90, Loi sur l'Assemblée nationale,
loi fondamentale pour le Québec, loi fondamentale pour cette institution
est, comme nous avons eu l'occasion de le souligner, non pas l'aboutissement,
mais le début de la réforme en profondeur de notre Parlement.
C'est le début en ce sens que, dans le projet de loi no 90, on retrouve
des dispositions comme la création d'un bureau qui fait que, par
exemple, dorénavant, la direction des affaires de l'Assemblée, du
Parlement sera dans les mains des parlementaires de part et d'autre de
l'Assemblée. Vous me direz: Cela va de soi. Ce qui va de soi,
malheureusement, n'avait pas encore été fait. Maintenant, ce sera
chose faite.
La réforme parlementaire que l'on voit poindre dans le projet de
loi no 90 est beaucoup plus complexe et beaucoup plus profonde que celle que
l'on retrouve ici. En effet, elle implique non seulement une nouvelle loi de
l'Assemblée nationale, mais elle implique un règlement
remanié, modifié. Elle implique aussi une entente sur une
nouvelle façon de fonctionner, ce sur quoi nous travaillons à
l'heure actuelle en sous-commission parlementaire de l'Assemblée
nationale. Elle aura pour but de créer de nouvelles commissions
parlementaires, probablement d'abolir les anciennes telles que nous les
connaissons, bref de faire en sorte que le Parlement puisse dorénavant
contrôler beaucoup mieux qu'il ne l'a fait jusqu'à maintenant les
gestes de l'exécutif, puisque c'est son rôle premier. Il pourra
contrôler et vérifier beaucoup mieux qu'il ne l'a fait
jusqu'à maintenant les finances publiques.
En ce sens, la réforme parlementaire, tant celle qui point dans
le projet de loi no 90 que celle qui doit venir par la suite sous forme de
modifications au règlement, est une chose considérable qui fera
de cette institution un Parlement aussi moderne que possible, compte tenu, bien
sûr, que nous sommes en régime parlementaire britannique. En
régime parlementaire britannique, l'équilibre entre
l'exécutif et le législatif n'est pas aussi bien assuré,
à mon avis, qu'en régime présidentiel où il y a une
distinction des deux pouvoirs, donc un meilleur équilibre.
Enfin, à l'intérieur de cette contrainte, il y a moyen de
faire plus, de faire mieux que ce que nous avons fait jusqu'à maintenant
et de rendre le Parlement beaucoup plus moderne, beaucoup plus fonctionnel.
C'est ce à quoi nous travaillons. En ce sens-là, le projet de loi
no 90 marque le premier pas d'un long processus qui va se continuer et qui,
d'une certaine manière, ne devra, je l'espère, jamais cesser,
puisque ce Parlement sera toujours bonifiable.
À titre d'exemple, le règlement qui nous régit
à l'heure actuelle - règlement moderne comparativement à
l'ancien - adopté il y a une dizaine d'années et qui, à
l'époque, faisait école dans d'autres Parlements, mais qui,
aujourd'hui, avec l'usage, commence à manifester lui aussi certains
signes de vieillesse, il faudra le revoir, lui aussi, le moderniser,
l'améliorer, le bonifier et le changer. Pourtant, il n'a que dix ans.
Cela veut dire que la réforme parlementaire, pour peu qu'on cesse d'en
parler et qu'on commence à la faire - c'est ce que nous faisons - est un
processus qui, au fond, est sans fin.
Le projet de loi no 90 a été discuté par quelques
orateurs de l'Opposition, dont le député de Sainte-Anne qui a
été l'orateur précédent. Le député de
Sainte-Anne a souligné une chose que je voudrais relever quant à
la question du quorum. En effet, dans le projet de loi no 90, le quorum est
abaissé à 10% des membres de l'Assemblée nationale. Le
député de Sainte-Anne et, hier, le leader de l'Opposition,
d'ailleurs, trouvent là matière à scandale. C'est
obligatoire de l'inscrire dans l'ensemble de la réforme parlementaire.
À partir du moment où les commissions parlementaires seront
différentes, seront plus dynamiques et assureront, peut-être
davantage que l'Assemblée nationale elle-même, ce contrôle
du législatif sur l'exécutif et sur les finances publiques, il
est évident qu'il faut prévoir un mécanisme de
fonctionnement différent.
Mais pour ceux qui s'offusquent de ce quorum réduit, j'attire
leur attention sur le fait qu'à Ottawa le quorum est de 20
députés sur 282 sièges. Donc, même moins que
10%. À Londres, la mère des Parlements britanniques, "the mother
of Parliaments", le quorum est de 40 députés sur 635. Donc, dans
ces Parlements, on a réglé depuis longtemps l'obsession du quorum
pour en faire un outil nécessaire, mais fonctionnel qui n'empêche
pas le reste de l'institution de fonctionner. C'est ce que nous proposons dans
le projet de loi no 90.
Le projet de loi no 90, M. le Président, vous le savez,
évoque également un autre volet fort important de notre
fonctionnement, soit celui de la rémunération des élus et
de leur régime de retraite. Voilà un sujet dont on a beaucoup
parlé, qui a fait couler beaucoup d'encre et qui, aujourd'hui, fait
aussi l'objet d'une réforme. J'ai lu, comme vous sans doute, dans
certains journaux, qu'on nous a dit: Quel mauvais moment pour venir parler des
salaires et des pensions des députés! En effet, la semaine
dernière, le Parlement adoptait la loi no 105 qui a pour but de
décréter les conditions de travail dans les secteurs public et
parapublic, avec les conséquences que l'on sait. On a dit: C'est
indécent; vous allez parler d'augmentation de salaire des
députés dans un contexte comme celui-là?
M. le Président, rectifions les faits. Le projet de loi no 90
n'augmente pas le salaire des députés. Le salaire des
députés doit être augmenté le 1er janvier en vertu
de la loi existante qui date, d'ailleurs, de l'époque du gouvernement
Bourassa, avec les modifications que nous y avons apportées. Ce que le
projet de loi no 90 vient faire, c'est reporter pendant trois mois
l'augmentation de 6% qui était prévue au 1er janvier. Donc, la
première chose à corriger: le projet de loi no 90 n'augmente
aucun salaire de député; il reporte, au contraire, l'augmentation
à trois mois.
La deuxième chose, M. le Président. Je suis de ceux qui
pensent que non seulement il est heureux que ce projet de loi survienne en
même temps que la loi no 105, mais que c'est même fondamental parce
qu'au moment où la loi no 105 vient dire que, compte tenu de la crise
économique, il est normal et naturel que les employés des
secteurs public et parapublic, à partir d'un certain revenu, consentent
quelques sacrifices puisque le gouvernement n'a pas des moyens
illimités, surtout en période de crise, la population a le droit
de savoir ce que les parlementaires sont également prêts à
consentir compte tenu de la crise. Il est donc tout à fait logique,
normal et opportun que les deux se discutent, l'un à la suite de
l'autre, car ce que les parlementaires s'apprêtent à consentir,
compte tenu de la crise économique, ce n'est pas mince.
Non seulement l'augmentation qui devait avoir lieu le 1er janvier
est-elle reportée au 1er avril, mais ce qu'il en coûte à
l'État pour un député, c'est-à-dire le salaire,
mais aussi la pension... Si on parle de la rémunération globale,
c'est, par exemple, pour un fonctionnaire, ce qu'il en coûte à
l'État non seulement pour le salaire du fonctionnaire, mais aussi pour
les avantages sociaux, c'est-à-dire à peu près 25% de plus
que son salaire. Il faut donc envisager le tout dans un ensemble. Avec le
projet de loi no 90, la réforme complète du régime de
retraite des députés, cela veut dire que dorénavant il
coûtera à l'État 20 000 $ de moins par année par
député. Donc, non seulement le projet de loi no 90 n'augmente pas
les salaires des députés, mais il diffère une augmentation
déjà prévue; qui plus est, il diminue de 20 000 $ par
député le montant qu'il en coûte à l'État
chaque année pour ses députés. Ce n'est pas une petite
affaire!
Oh! Si les députés s'étaient gavés
jusqu'à maintenant, je dirais: II faut bien qu'ils passent par
là, mais on est bien loin de cette situation. Prenons à titre
d'exemple le salaire du député au Québec. Regardons-le de
nouveau. En 1973, il était de 15 600 $. La loi adoptée par le
gouvernement précédent, la même qui fait que le 1er janvier
il doit y avoir une augmentation de salaire, faisait qu'au 1er janvier 1977, le
député gagnait 27 800 $. Si l'Assemblée nationale, si les
députés n'avaient pas touché à cette loi, en
d'autres mots, si nous avions laissé la loi du gouvernement
précédent continuer, sans faire de débat, sans soulever
quoi que ce soit en Chambre, silencieusement, en traitant d'autres choses,
aujourd'hui, un député, au 1er janvier 1983, gagnerait 48 100
$.
Or, qu'avons-nous fait? Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir,
nous avons modifié cette loi pour, d'abord, geler le salaire des
députés pendant un an. On le voit ici: 27 800 $ en 1977, 27 800 $
en 1978. Ensuite, nous avons plafonné à 6% par année
l'augmentation de salaire des députés, de sorte qu'aujourd'hui un
député gagne 35 096 $ par année au lieu des 48 100 $ qu'il
aurait gagnés si nous avions gardé l'ancienne loi sans la
modifier. Donc, une économie par année de 13 000 $ à
l'État et, donc, aux contribuables.
Parce que nous sommes intervenus à l'époque, il en
coûte à l'heure actuelle 13 000 $ de moins à l'État
par député et parce que nous avons plafonné l'augmentation
à 6%, l'État et les contribuables ont donc
économisé 13 000 $ par année par député.
Vous me direz: Qu'est-ce que cela donne en comparaison avec d'autres secteurs?
Pendant que les députés gelaient leurs salaires une année
et les plafonnaient à 6% par la suite, prenons le salaire annuel moyen
des syndiqués des secteurs public et parapublic, ceux-là
même que nous avons effectivement touchés par la loi 105. Il est
bon de
comparer les deux et de voir ce qui se fait de part et d'autre.
De 1977 à 1982, l'augmentation des salaires dans ce secteur, le
salaire annuel moyen des syndiqués du secteur public, a
été de 70%, augmentation moyenne de salaire annuel. Les
députés eux, nettement moins que cela, 37%. Donc,
déjà, depuis six ans, les députés, parce qu'ils
sont conscients que l'économie commençait à donner des
signes de balbutiement et qu'il fallait faire attention à la
rémunération des élus, s'étaient déjà
imposés, s'étaient déjà serré la ceinture.
Gel des salaires la première année, augmentation de 6% les
années subséquentes, pendant que l'inflation galopait joyeusement
en comparaison. Sait-on seulement de combien l'inflation a pu augmenter pendant
tout ce temps? C'est au rythme de 10%, 12% par année, alors que les
augmentations de salaire des députés étaient
plafonnées à 6%.
Déjà, avec ce que nous avons fait, il en coûte 13
000 $ de moins aux contribuables par député chaque année.
Avec ce que nous nous apprêtons à faire, il en coûtera un
montant additionnel de 20 000 $ en moins par député par
année avec la réforme en profondeur du régime de retraite.
Je ne dis pas que nous sommes des anges, des surhommes, qui méritons
quoi que ce soit; je dis tout simplement: Regardons les faits et, avant de se
laisser dire par les gens d'en face qu'il y a une augmentation de salaire dans
le projet de loi no 90, qu'ils commencent donc par le lire à la lueur du
projet de loi actuel. L'augmentation du 1er janvier est reportée au 1er
avril. La pension, on sabre dedans, 20 000 $ de moins par année par
député y inclus pour vous autres, y inclus pour le
député de Mégantic-Compton. Plus les 13 000 $ qui avaient
déjà été consentis en cours de route.
Regardons, à titre de comparaison, qu'est-ce que cela donne
être député à Québec et à Ottawa. En
janvier 1977, à Québec, les députés gagnaient 28
700 $ - je l'ai évoqué tantôt - et, à Ottawa, un peu
moins, 25 500 $. Ne craignez pas. Ils se sont repris. Ici, à
Québec, M. le Président, les députés se sont
augmentés à 37 200 $ en sept ans, une augmentation de 33%. Et je
vous ferai remarquer que l'inflation a été de beaucoup
supérieure à cela. À Ottawa, pendant la même
période, le salaire est passé de 25 500 $ à 50 350 $, une
augmentation de 97%. Pour les députés à Ottawa, non
seulement il en coûte plus cher qu'il en aurait coûté comme
c'est le cas ici si on n'avait pas modifié la loi, mais il en
coûte 97% de plus cher qu'il y a sept ans. Trouve-t-on là
matière à scandale? Je n'ai pas encore entendu, en tout cas, nos
amis d'en face le dénoncer.
Comparons de nouveau le salaire d'un député avec le
salaire d'un fonctionnaire du gouvernement du Québec qui gagnait
à peu près la même chose en 1977. En 1977, prenons le
salaire d'un agent de recherche socio-économique. Il gagnait 27 717 $.
C'est un professionnel syndiqué, 27 717 $ pour 32 heures et demie de
travail. N'oublions jamais cela, pour 32 heures et demie de travail, avec la
sécurité d'emploi. Au même moment, les
députés gagnaient 27 800 $. M. le Président, les
députés d'en face comme de ce côté-ci vous diront en
toute objectivité que, pour un député, ce sont facilement
60 à 70 heures de travail par semaine. Donc, 27 800 $ non pas pour 32
heures et demie, mais pour le temps qu'il faut et le temps qu'il faut, c'est
généralement 60 ou 70 heures par semaine facilement. Aujourd'hui,
simplement par la progression des conventions collectives, ce même agent
de recherche qui était au même niveau que les
députés en 1977 gagne 47 700 $, alors que les
députés, eux, s'étant serré la ceinture à 6%
d'augmentation au maximum, gagnent 35 096 $. Donc, le salaire était
identique en 1977. En 1982, il y a une jolie différence, 12 000 $ en
faveur du professionnel pour 32 heures et demie de travail, 12 000 $ de moins
pour les députés pour des heures de travail qui ne se comptent
pas et, est-il besoin de le dire, M. le Président? sans aucune
sécurité d'emploi, on le sait. (15 h 50)
Qu'arrive-t-il avec la loi no 105 pour ce même agent de recherche?
Eh bien, effectivement, le 1er janvier, son salaire tombe à 38 433 $,
mais avec le report de l'augmentation prévue en janvier pour les
députés, ceux-ci demeurent à 35 096 $. Le fonctionnaire en
question continue d'avoir une supériorité mathématique,
pécuniaire, sur les députés, de 3500 $. Une fois la
période de récupération terminée, au 1er avril, au
moment où son salaire augmente de nouveau et au moment où
l'augmentation prévue au 1er janvier dans la loi actuelle est
reportée par la loi no 90, on a 43 000 $ pour le fonctionnaire, 37 000 $
pour le député; une différence encore de 7000 $.
Il a été longtemps question de sabrage dans le
régime de retraite. On a dit sur tous les tons que le régime de
retraite des députés devait être corrigé. Nous
sommes d'accord, nous le corrigeons. Comment le corriger? Et bien, le premier
ministre a demandé à trois peronnes éminemment connues
dans la société québécoise de se pencher sur la
question: M. Fernand Paré, de la compagnie La Solidarité et de la
Caisse de dépôt et placement, M. Claude Castonguay, ancien
ministre des Affaires sociales et président du Groupe La Laurentienne,
ici, à Québec, et M. Alfred Rouleau, ancien président de
la
Confédération des caisses populaires Desjardins.
Voilà trois personnes, trois sages, pourrait-on dire, d'opinions
politiques pouvant
diverger, qui se sont penchés sur la question et qui ont fourni
un rapport qui a inspiré la rédaction et la conception du nouveau
projet de régime de retraite des députés. Même
là, compte tenu de la situation dans laquelle nous vivons, nous avons
jugé opportun de ne pas retenir toutes les propositions de ces trois
éminentes personnes à qui il faut rendre gré des services
qu'elles nous ont rendus dans ce dossier. Nous n'avons pas retenu leurs
recommandations intégralement. Ce que le projet le doit no 90 reprend au
chapitre du régime de retraite est moins que ce que messieurs
Castonguay, Paré et Rouleau proposaient comme nouveau régime de
retraite des députés. Avec les résultats que la
contribution de l'État, qui est passée de 140% du salaire des
députés qu'elle était à la fin du gouvernement
Bourassa à 85% du salaire des députés, passera avec le
nouveau plan, pour les députés actuels, à 37% du salaire
et, pour les députés à venir, à 31% du salaire.
Je pense qu'il est heureux, tout compte fait, que nous ayons
discuté de la loi no 105 et du projet de loi no 90 en même temps.
Dans la loi no 105, le gouvernement ayant fait le maximum, les syndicats ayant
peut-être fait ce qu'ils considéraient aussi être le
maximum, il a fallu décréter et demander aux syndiqués des
secteurs public et parapublic de consentir, pour ceux d'en haut de 20 000 $, un
sacrifice pécuniaire, compte tenu de la crise et de la capacité
financière du gouvernement.
Il est bon que le projet de loi no 90 soit discuté en même
temps, parce qu'il faut que la population sache que, contrairement à ce
qu'un article de la Presse canadienne paru la semaine dernière a dit...
Le journaliste ayant pris le projet de loi et l'ayant compris tout croche,
à l'envers, il lui a fait dire ce qu'il ne dit pas, le contraire
même de ce qu'il dit. Le 1er janvier, il devait y avoir une augmentation
de salaire des députés en vertu de la loi actuelle. Elle est
reportée au mois d'avril par le projet de loi no 90, de manière
que nous soyons solidaires avec les personnes des secteurs public et parapublic
qui font l'objet d'une chute de salaire pendant les mois de janvier,
février et mars. Cette augmentation demeure une augmentation
plafonnée à 6%, nettement en deçà de l'inflation,
nettement en deçà... Faisons une dernière comparaison:
l'augmentation du salaire des députés a été de 37%
de 1977 à 1982. Ce n'est pas beaucoup comparativement à
l'inflation qui a été au moins le double de cela. Pour donner un
barème, le projet de loi de nos amis d'en face, contre lequel les
députés de l'Opposition à l'époque se sont
tellement bagarrés, et d'une manière qui peut laisser à
désirer effectivement - on le reconnaît maintenant - le projet de
loi de 1974 augmentait d'un seul coup le salaire des députés de
34%. Depuis que nous sommes au pouvoir, grâce au plafond que nous avons
mis et que nous continuons à mettre, les salaires des
députés n'ont augmenté en six ans -c'était d'un
seul coup, 34% - que de 37%. Il y a eu un effort de retenue normal de la part
des parlementaires, effort de retenue qui se poursuit par le projet de loi no
90 en reportant l'augmentation de salaire prévue le 1er janvier au 1er
avril et en sabrant dans les fonds de pension de manière que, pour les
contribuables, il en coûte chaque année, par député,
20 000 $ de moins, ce qui est, je pense un sacrifice considérable. Il
était normal qu'on le sache au moment où on a
étudié le projet de loi no 105, il est normal que le tout se
sache en même temps de manière qu'on cesse d'avoir l'impression
erronée que les députés se gâtent pendant qu'on
coupe ailleurs. Les députés se sont coupés bien davantage
et continuent à se couper bien davantage. Je suppose que, d'une certaine
manière, ce n'est que normal puisque le Parlement doit donner l'exemple.
C'est normal aussi jusqu'à un certain point car il faut craindre,
à force de couper et de couper, pour le recrutement des futurs
parlementaires.
Quoi qu'il en soit, il fallait le faire. Nous l'avons fait dans le
passé. Nous le faisons à nouveau cette fois-ci. Je pense que
c'est un projet de loi, avec la réforme des pensions, avec le report de
l'augmentation de salaire, en plus de la réforme parlementaire, qui
mérite de recevoir l'appui unanime de tous les députés de
cette Chambre. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, en écoutant le
député de Taschereau, j'ai failli pleurer. J'étais tout
triste, penaud et chagrin d'entendre comment, nous les députés,
souffrons tellement de notre situation actuelle. Les salaires qui ne sont pas
indexés au taux d'inflation. Pourtant, si on avait à recommencer,
demain matin, les nominations de candidature dans nos comtés, nous tous
ici, sans exception aucune, nous nous battrions comme des lions pour devenir
candidats pour nos partis respectifs. Je suis sûr, à ce
moment-là, que les considérations de salaire, d'augmentation,
d'inflation, d'indexation ne valent rien. On oublie tout cela. On se bat parce
qu'il me semble qu'on est député pour des considérations
qui vont au-delà de la question des salaires. Je pense que nous sommes
tous d'accord là-dessus.
Il faut voir le projet de loi no 90 dans deux optiques tout à
fait différentes. De notre côté de la Chambre, nous avons
demandé, pour plusieurs raisons, je pense,
que l'on considère la question sous deux volets
séparés. Une loi scindée en deux pour faire deux projets
de loi; d'un côté, l'un examinerait la question de la
réforme législative, parlementaire avec laquelle, en principe,
nous sommes d'accord à 100%. On peut avoir des différences
d'opinions. Par exemple, le député de Sainte-Anne et le
député de Taschereau sur la question du quorum. On peut avoir des
différences d'opinions sur la façon d'aborder les commissions
parlementaires. Est-ce qu'il devrait y en avoir quelques-unes ou plus? Est-ce
que la façon d'aborder l'étude des crédits devrait
être faite selon les suggestions du projet de loi no 90? On a chacun sa
façon de voir. Je suppose que les différences d'opinions sur la
question fondamentale de la réforme législative sont tout
à fait minimes. Ce sont des questions de détail qui pourraient
avoir, après une étude approfondie en commission parlementaire,
un consensus très large de l'Assemblée nationale et des deux
partis.
Là où il y a une différence fondamentale
d'approche, c'est sur la question des salaires et du régime de retraite.
En fait, on s'est demandé, de ce côté-ci de la Chambre,
comment, le jour même du dépôt de la loi 105 et des 109
décrets qui ont imposé les conditions de travail aux syndicats,
comment, le même jour, le gouvernement pouvait avoir ou bien la
naïveté ou bien le cynisme ou bien le manque d'astuce de
déposer un nouveau projet de loi no 90 qui incorporait les salaires et
les régimes de retraite des députés. On sait très
bien que c'est une question symbolique, donc, très importante pour la
population. La population regarde cela et compare. Dans tous les comtés,
dans vos comtés comme dans nos comtés, il y a eu tous les jours,
depuis le dépôt du projet de loi no 90, des questions
posées par les gens. (16 heures)
Ils ne comprennent pas tous les petits graphiques qu'a montrés
notre collègue de Taschereau. Ils ne comprennent pas tous ces petits
détails. Pour eux, tout ce qu'ils voient, c'est que le même jour
où nous imposions 109 décrets à une partie de la
population, d'une façon tout à fait autocratique, d'une
façon tout à fait unilatérale, ce même jour, nous
déposions par le plus grand cynisme, par le plus grand manque d'astuce,
par la plus grande naïveté - je ne peux pas croire que ce
gouvernement soit naïf, loin de là, je ne sais pas ce qui s'est
passé dans sa tête - un projet de loi qui allait indiquer en
chiffres que le salaire des députés allait être
augmenté d'un montant à un autre montant. C'est ça que la
population retient. C'est le symbolisme. On peut appeler cela une augmentation,
une indexation, on peut appeler cela peut-être un petit renvoi de
quelques mois, mais le fait brut demeure à savoir que nous, les
députés, allons toucher plus d'argent en 1983 que nous n'en
touchons actuellement. C'est ce que se demandent les gens dont le salaire a
été gelé, dans les poches desquels on est allé
chercher trois mois d'augmentation qu'on avait signée de bonne foi avec
eux. C'est à cause de cela que tous les éditorialistes, tous les
journaux, les gens de nos comtés se posent des questions fondamentales.
C'est une question de symbolisme tout à fait importante. Je pense qu'il
faudra, d'abord, scinder ce projet de loi en deux projets de loi tout à
fait distincts: le premier, la réforme parlementaire avec laquelle nous
sommes tout à fait d'accord en principe et le deuxième, la
question des salaires et des pensions. On va revenir aux salaires et aux
pensions.
Hier, j'ai entendu un ministre, à la télévision,
nous dire: Écoutez! Nous, au Québec, on touche moins que les
autres parlementaires. Il a dit cela d'une façon globale. Aujourd'hui,
le député de Taschereau, par toutes sortes de statistiques, nous
compare au Parlement d'Ottawa. Si le Parlement d'Ottawa a versé des
salaires trop élevés pour ses députés, dans les
circonstances actuelles où on a un déficit budgétaire
fédéral de 23 000 000 000 $, c'est un très mauvais exemple
à suivre. On ne veut pas suivre la même pente. On ne veut pas se
comparer à Ottawa. Mais je vais nous comparer à d'autres
provinces canadiennes qui, elles aussi, ont des Parlements provinciaux comme
nous. Peut-être qu'on peut dire qu'on siège un peu plus longtemps
qu'eux, mais, en même temps, on pourrait dire qu'on siège bien
moins longtemps que le Parlement d'Ottawa. J'ai relevé, dans la Revue
parlementaire canadienne, la liste de tous les salaires des autres
parlementaires dans les autres provinces. En Alberta, un député
gagne 22 000 $ et une allocation supplémentaire de 6400 $,
c'est-à-dire un total de 28 400 $ contre 42 000 $ au Québec. En
Colombie britannique, un député gagne 24 000 $, plus un montant
supplémentaire de 12 000 $, pour un total de 36 000 $ contre 42 000 $ au
Québec. Au Manitoba, un député gagne au total 27 000 $
contre 42 000 $ au Québec. Au Nouveau-Brunswick, il gagne 30 770 $
contre 42 000 $ au Québec. À Terre-Neuve, c'est 30 700 $; en
Nouvelle-Écosse, 23 400 $; en Ontario, 40 000 $ contre 42 000 $ au
Québec. À l'Àle-du-Prince-Édouard, c'est 19 000 $;
en Saskatchewan, 20 737 $ et, au Yukon, 28 000 $. Nous ne sommes certainement
pas défavorisés par rapport aux autres provinces canadiennes.
Le fait est qu'ici, au Québec, nous avons une situation
économique critique que tous semblent d'accord à
reconnaître. Comment, à l'heure actuelle, nous comme
députés, pouvons-nous donner l'exemple à la
population en allant chercher une indexation, une augmentation et une autre
indexation pour 1984 en raison du taux d'inflation quand, maintenant, nous
demandons aux travailleurs du secteur public de se serrer la ceinture? Comment
retirer des augmentations de leurs poches? Demain, même, nous allons
poser de tels gestes. On a imposé des coupures budgétaires dans
les hôpitaux et dans le secteur de l'éducation. C'est là la
chance inespérée pour nous de donner l'exemple à la
population plutôt que de penser à nos petits chiffres, à
nos pensions, à toutes les choses qui nous concernent
personnellement.
D'après le projet de loi no 90, nous aurions, au Québec,
une province qui a déjà beaucoup trop de ministères, quand
nous pensons que les États-Unis d'Amérique ont treize
secrétaires d'État, treize membres du cabinet des
États-Unis d'Amérique qui comptent 250 000 000 d'habitants. Nous,
on a 27 ministres. La Suisse, qui a 6 000 000 d'habitants comme nous, se
gouverne avec sept ministres; nous, on en a 27. D'après votre projet de
loi no 90, on aurait 27 ministres, 27 adjoints parlementaires, sept
présidents de commission, un président de l'Assemblée,
deux vice-présidents de l'Assemblée, un leader parlementaire
adjoint, un whip en chef et deux whips adjoints pour un total de 68
députés péquistes sur 75. Beaucoup de chefs, mais bien peu
d'Indiens. Il ne reste que sept Indiens sur 75. Comment voulez-vous continuer
dans cette affaire? Si on ajoute ce que touche un adjoint parlementaire, si on
ajoute ce qu'il touche maintenant, sans compter l'indexation de l'année
prochaine, en frais de représentation, et avec l'indemnité
additionnelle, on arrive à 50 936 $ de frais actuels pour un adjoint
parlementaire.
En fait, un adjoint parlementaire au Québec touche plus que les
ministres de beaucoup de provinces canadiennes. Je vais vous donner le taux des
salaires des ministres des provinces canadiennes, d'après la Revue
parlementaire. En Colombie britannique, un ministre sans portefeuille gagne 24
000 $; un ministre à temps plein gagne 28 000 $; au Manitoba, un
ministre gagne 20 600 $; au Nouveau-Brunswick, 22 000 $; à Terre-Neuve,
29 000 $; en Nouvelle-Écosse, 25 000 $; en Ontario, 23 300 $; à
l'Île-du-Prince-Édouard, 22 000 $, etc. Il faudrait
peut-être un jour nous comparer aux autres provinces et dire:
Si cela existe dans les autres provinces, peut-être qu'il faudrait
nous serrer la ceinture et réaliser que le Québec est dans une
situation économique critique.
Si on revient à 1974, les gens nous disaient: Là, il y
avait des circonstances différentes. Mais oui, il y avait des
circonstances différentes. D'abord, il faut vous rappeler qu'il y avait
eu un comité tripartite indépendant, composé de M.
Jean-Charles Bonenfant, d'un ex-président de la Chambre, M. Lucien
Cliche, et de Mme Yvette Rousseau, de la CSN, qui ont siégé dans
le cadre d'un comité tripartite indépendant, qui ont
recommandé des salaires de 23 000 $. Bref, la suggestion qui vous avait
été faite à ce moment-là était pour un
salaire de 21 000 $, moins, en fait, que ce que le comité tripartite
avait suggéré, et cela n'a pas été accepté.
Pourquoi n'avez-vous pas accepté cela? Pour les mêmes raisons que
celles que nous vous rappelons maintenant.
Vous n'avez pas accepté cela parce que vous avez dit: Nous
donnons le mauvais exemple à la population. On viendra ensuite dire aux
Québécois: Serrez-vous la ceinture. Nous n'avons pas
accepté cela, parce que vous avez dit que le rôle du
député n'est pas de se servir d'abord, nous n'avons pas
accepté cela parce que vous avez dit que, comme parlementaires, comme
élus de la population, nous n'avons pas seulement des avantages à
recueillir, nous avons aussi un exemple à donner. Vous n'avez pas
accepté cela parce que vous avez dit: Peut-il exister un moment plus mal
choisi pour procéder à une telle hausse de salaire? On n'a pas
accepté cela parce que vous nous avez dit qu'on ne peut choisir un
moment plus inopportun pour procéder à une telle hausse. On n'a
pas accepté cela parce que vous avez dit encore: Si nous voulons
demander, exiger des sacrifices des citoyens, il faut que nous donnions
l'exemple de la modération.
On n'a pas accepté cela parce que vous avez dit encore: Si nous
consentons à nous indexer nous-mêmes, nous devons faire la
même démarche à tout le moins pour l'ensemble des citoyens
québécois. Aujourd'hui, les circonstances sont tout à fait
différentes. Je vous rappelle qu'en 1974, quand vous nous avez servi
tous ces boniments, à ce moment-là, le déficit du
Québec était de combien, pensez-vous? 250 000 000 $, 8, 5% du
déficit actuel, qui est de 3 000 000 000 $. À ce
moment-là, il était de 250 000 000 $ et vous nous disiez: II ne
faut pas accepter d'augmentation parce que c'est donner un mauvais exemple
à la population à laquelle nous demandons de se serrer la
ceinture. Si, en 1974, c'était un mauvais exemple à donner,
aujourd'hui, en 1982, quand notre déficit est de 3 000 000 000 $ et
qu'il a déjà sauté à 3 250 000 000 $ et
peut-être encore plus, d'après ce qu'on peut pressentir, comment
peut-on accepter aujourd'hui, nous, symboliquement, de dire dans cette loi que
nous allons continuer d'accepter nos 6% et qu'en 1984 nous serons
indexés sur le taux d'inflation? (16 h 10)
C'est pourquoi nous insistons pour qu'il
y ait un gel des salaires. Qu'on dise aujourd'hui: Bon, si les autres se
serrent la ceinture, nous aussi les députés, à beaucoup
plus forte raison devons le faire parce que c'est nous-mêmes qui causons
les circonstances qui font que ces gens doivent se serrer la ceinture, nous
allons nous aussi nous serrer la ceinture. Si on parle uniquement de pension,
si on regarde le programme que votre leader a annoncé hier, c'est la
chose la plus cynique encore que la loi 90, quand vous pensez que, le 12 avril
1981, vous avez calculé toute votre affaire en prévision
peut-être de perdre vos élections, mais nous aussi avions fait
aussi notre petit calcul, qui ramenait cela au 15 novembre 1981, par pure
coïncidence, cinq ans exactement après la prise du pouvoir par le
Parti québécois.
Là c'est une affaire très importante, parce que ce qui
arrive, si on remet cela au 15 novembre 1980, cela veut dire qu'une grande
majorité des députés du Parti québécois se
qualifient à ce moment pour leur pension et cela a un effet double. Ce
n'est pas en effet qu'ils se qualifient seulement pour la pension du
gouvernement du Québec, de l'Assemblée nationale, ce qui arrive,
c'est que la plupart, un grand nombre de ces députés, qui sont
des professeurs, qui sont d'anciens membres de la fonction publique, qui
appartiennent au RRE ou RREGOP, à ce moment, sont admissibles à
une pension additionnelle, c'est-à-dire que ce n'est pas seulement la
pension de cinq ans de l'Assemblée nationale, c'est la pension
additionnelle que vous allez trouver dans le RRE et le RREGOP. Si cette
démarche est une démarche objective, juste,
d'équité, à ce moment, nous vous mettons au défi de
prendre cette affaire de pension et nous sommes tout à fait d'accord que
cette pension devrait être révisée parce qu'on vous a dit
en 1976, en 1977, en 1979 que les déficits actuariels augmentaient en
flèche.
Si, à ce moment, il faut réviser la pension, nous sommes
tout à fait d'accord là-dessus. On vous met au défi de
revenir en arrière, d'y revenir avant le jour des élections et de
faire cela le 12 avril. Si cela nous affecte nous ici, nous sommes d'accord. Il
faudrait que ce soit la même règle pour tous, mais indexer cela et
faire un calcul au 15 novembre 1981, comme vous l'avez fait ici, pour que tous
ces députés qui étaient de la fonction publique
récoltent leur petite pension additionnelle, ce n'est pas en fait une
petite pension additionnelle parce que, dans certains cas, ce sont des pensions
très significatives. À ce moment, c'est du cynisme qu'on ne peut
pas accepter, surtout dans les circonstances actuelles.
Il faudrait vous rappeler qu'on ne peut pas accepter, nous, trois
choses: on ne peut pas accepter cette question de pension que vous allez faire
sur le dos de la population, en faisant cela pour cinq ans, au 15 novembre, et
en ajoutant ces pensions additionnelles que vous n'auriez pas touchées
autrement. Deuxièmement, on ne va pas accepter la question des salaires
parce que nous disons qu'aujourd'hui, s'il faut donner l'exemple aux membres de
la fonction publique, s'il faut donner l'exemple aux gens qui souffrent de
coupures, s'il faut donner l'exemple aux chômeurs, s'il faut donner
l'exemple aux prestataires de l'aide sociale, cela commence par les
députés, cela commence par les ministres, cela commence par
nous-mêmes. Troisièmement, on va vous dire qu'on ne peut pas
accepter un nombre illimité d'adjoints parlementaires. On ne peut pas
avoir ici des adjoints parlementaires presque sans nombre qui vont chacun
toucher 50 936 $, même sans compter l'indexation d'avril 1983 et sans
compter la nouvelle indexation de l'inflation au 1er janvier 1984 qui,
aujourd'hui, touche les adjoints parlementaires.
On peut dire, comme le député de Taschereau, le salaire,
après tout, c'est 35 000 $, c'est en dessous du taux d'inflation.
Peut-être pourrait-on dire aussi: L'allocation additionnelle des
parlementaires, on la dépense. Tout de même, il faut penser qu'on
a une allocation additionnelle des parlementaires qui est de 7500 $ et qui
n'est pas imposable, qui vaut quelque chose. On ne peut pas l'ignorer et ne pas
en parler. Nous vous demandons de revoir toute votre affaire, de scinder le
projet de loi en deux projets de loi. On vous demande de repenser à ce
que vous disiez vous-mêmes en 1974 et à plus forte raison
aujourd'hui, lorsque nous avons des déficits monstres, lorsque nous
avons une situation économique qui vous force à faire 109
décrets pour les membres de la fonction publique, on vous demande de
faire la même chose, comme vous nous disiez l'autre jour, on vous demande
de ne pas donner le mauvais exemple à la population. On vous demande de
penser, comme vous le disiez, que le rôle du député n'est
pas de se servir d'abord. Enfin, nous vous demandons, comme vous nous le disiez
avant, comme parlementaires et comme élus de la population, de ne pas
penser seulement aux avantages à recueillir, mais de donner
l'exemple.
Des voix: Très bien!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre du
Travail.
M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: M. le Président, comme à
l'habitude, le député de Nelligan a été volubile,
loquace et, ma foi, éloquent à
certains moments. Je n'entreprendrai pas, cependant, de relever une
à une les affirmations qu'il a faites et qui, à certains
égards, rejoignaient le sophisme, mais vous allez me permettre de
relever deux ou trois de ses affirmations. Il y a une chose que j'ai
notée. Le député de Nelligan me corrigera si,
effectivement, j'avais mal retenu les propos qu'il nous a livrés.
Parlant de la démonstration faite par le député de
Taschereau, juste avant son intervention, se référant
également à l'intervention du leader du gouvernement hier, qui,
l'un et l'autre, à l'aide de tableaux, ont démontré la
pertinence du projet de loi, le député de Nelligan, me
semble-t-il - c'est ce que j'ai noté; on me corrigera encore une fois si
je faisais erreur - a dit essentiellement ceci: Cela ne sert à rien de
faire de longues démonstrations de cette nature, parce que, dit-il, les
gens ne comprennent pas. M. le Président, il me semble qu'une
affirmation de cette nature est l'équivalent d'un affront,
effectivement, à l'intelligence des citoyens et des citoyennes du
Québec qui, dans l'évaluation et l'opinion du
député de Nelligan, ne pourraient pas comprendre des choses qui,
dans leur essence, sont pourtant fort simples, pas du tout
compliquées.
Le député de Nelligan s'est aussi
référé à des situations qui existent dans d'autres
provinces, tant à l'égard des salaires qu'à l'égard
de la fonction même de député. J'aurais souhaité,
quant à moi, qu'il pousse sa démonstration jusqu'à la
limite, qu'il nous dise, par exemple, par rapport à une province
à laquelle il a fait allusion, combien de mois on y siège; qu'il
nous dise, par exemple, quelles sont les fonctions qui sont dévolues
à un député de l'une ou l'autre des provinces auxquelles
il a fait allusion. Il s'est contenté de faire des affirmations d'ordre
général, de ne faire que des références sans aller
dans ces détails qui auraient été utiles pour juger de la
pertinence de ses propos.
Il y a un troisième aspect, M. le Président, - et ce sera
le dernier - que je veux relever de l'intervention du député de
Nelligan. Avec beaucoup d'assurance, le député de Nelligan nous
dit essentiellement ceci: Nous vous avons dit en 1976, nous vous avons
répété en 1977, 1978 et 1979 qu'il fallait, de toute
évidence et rapidement, procéder à des changements quant
au fonds de retraite qui est celui que l'on connaît actuellement et dont
certaines gens ont déjà commencé à
bénéficier. Je trouve un peu curieux une affirmation de cette
nature, puisque cette politique est là depuis beaucoup plus longtemps
que 1976. Ces gens qui nous disent maintenant: On vous a informés, on
vous a demandé en 1976, 1977 et 1978 de procéder à des
changements, ces mêmes gens auraient pu le faire de 1970 à 1976,
et je ne sache pas effectivement qu'on ait même manifesté ni
l'intention ni la volonté d'y procéder. (16 h 20)
Je veux bien souscrire à certains des propos du
député de Nelligan, mais il en est d'autres qui méritent
d'être relevés et commentés.
Depuis qu'on a amorcé l'étude de la motion de
deuxième lecture, il est clair que beaucoup de choses ont
été dites, certaines ont été redites et cela me
semble inévitable qu'il en soit ainsi. C'est même souhaitable
qu'il en soit ainsi, pour qu'effectivement l'on puisse se rendre compte de
l'importance de la loi en discussion.
Je voudrais retenir d'une façon toute particulière la
présentation de la loi qui a été faite hier par le leader
du gouvernement. Il me semble que le leader du gouvernement a effectivement
évalué tous les aspects de la question qui est en discussion. Il
a fait le tour à la fois de ce qu'on pourrait convenir d'appeler la
réforme strictement parlementaire et la réforme d'ordre
monétaire. À un chapitre comme à l'autre, il a
été, il me semble, d'une clarté tout à fait
évidente.
Pour ceux d'entre nous qui, même de loin, ont suivi les
différentes étapes qui ont conduit au dépôt de ce
projet de loi, nous savons que beaucoup de gens s'y sont penchés. Des
experts du parlementarisme s'y sont penchés et ils l'ont fait depuis un
bon moment, depuis plusieurs mois, voire même depuis plusieurs
années. Il me semble qu'en qualité ou à titre de
députés de cette Chambre, nous devons aujourd'hui être
reconnaissants vis-à-vis de ceux et celles d'entre nous qui ont
consacré beaucoup de temps, beaucoup d'heures et beaucoup
d'énergie à élaborer le projet de loi qui est devant nous,
tant du côté de l'Opposition que du côté
ministériel.
Il y a au moins une chose sur laquelle tout le monde s'entend, c'est
qu'il y a nécessité absolue de procéder maintenant
à des amendements de la Loi sur l'Assemblée nationale. Tous me
semblent s'accorder là-dessus, sauf, évidemment, sur le chapitre
que l'on sait, mais en ce qui concerne strictement la réforme
parlementaire, tous semblent s'accorder.
Je ne voudrai, quant à moi, retenir que quelques aspects de la
loi qui, en apparence mineurs, démontrent pertinemment bien la
nécessité qui existait de procéder à des
changements. J'attirerai votre attention sur quelque chose de nouveau qu'il y a
dans cette loi, sur lequel personne n'est encore intervenu, enfin à ce
que je sache, et qu'il fallait modifier de toute évidence. Je vous
réitère que cela peut avoir une allure de choses mineures, mais
c'est quand même important au niveau de l'esprit qu'on peut y
retrouver.
Dans la loi actuelle, il était indiqué, par exemple, qu'un
député de l'Assemblée
nationale n'était pas contraignable devant les cours de justice,
20 jours avant le début d'une session et 20 jours après la fin
d'une session, ce qui avait comme conséquence et, dans bien des cas... -
Je vois le député de Beauce-Sud qui me regarde: peut-être
que dans l'exercice de son mandat de coroner, il a vécu des situations
comme celle-là -évidemment, ce n'était pas une
règle générale, cela ne se produisait pas
régulièrement; mais souvent, on a vu des litiges devant les
tribunaux, de quelque juridiction qu'ils soient, qui ont du être
reportés de semaine en semaine, de mois en mois quand ce n'était
pas d'année en année, parce qu'il y avait dans la Loi de
l'Assemblée nationale, une disposition en ce sens qu'un
député de cette Chambre n'était pas contraignable vingt
jours avant le début d'une session et vingt jours après.
Il y a maintenant une disposition dans la loi qui fait de chacun d'entre
nous un témoin comme un autre devant toutes les cours de justice, sauf
les périodes pendant lesquelles la Chambre, une commission ou une
sous-commission siège. Il me semble que c'est important. Il y a
là un principe fondamental aussi qui fait que le député
comme n'importe quel autre citoyen doit être à la disposition de
la justice.
Il y a aussi dans cette loi un chapitre par dessus lequel on ne peut pas
passer. C'est celui qui prévoit la création d'un jurisconsulte.
On l'a dit, les intervenants qui m'ont précédé l'ont dit,
ils ont même insisté sur cet aspect de la loi, cette espèce
de sage à qui les députés de la Chambre pourront
s'adresser pour lui demander un avis quant à la possibilité d'un
conflit d'intérêts, quant à la possibilité de se
retrouver dans une incompatibilité d'exercice de fonction. Or, en vertu
de cette nouvelle disposition que l'on retrouve dans la loi, tout
député de cette Chambre pourra s'adresser à ce sage, comme
on l'a baptisé, pour lui faire part d'une situation dans laquelle il
pourrait se trouver et demander à ce jurisconsulte d'émettre un
avis effectivement quant à la possibilité, encore une fois, d'un
conflit d'intérêts ou d'une incompatibilité dans l'exercice
d'une fonction.
L'expérience de même que l'histoire récente de la
politique au Québec et ailleurs nous démontrent que si une
institution de cette nature avait existé, peut-être bien que des
gens qui se sont retrouvés à un moment donné dans des
situations difficiles, des situations pénibles, qui les ont même
conduits ou bien à des démissions ou alors à des
destitutions par les tribunaux, ces gens ne se seraient pas effectivement
retrouvés dans ces situations pénibles. Ce même chapitre
qui procède à la création de la fonction de jurisconsulte
précise d'une façon fort claire que le député qui
aura pris la précaution de consulter le jurisconsulte et qui se
retrouvera quand même dans une situation ou bien de conflit
d'intérêts ou bien d'incompatibilité d'exercice de
fonction, mais s'il a pris la précaution de consulter auparavant,
malgré le fait qu'il pourrait se retrouver dans l'une ou l'autre des
deux situations dont on vient de parler, il pourra bénéficier des
dispositions de la loi à cause de la précaution qu'il aura prise
de prendre les renseignements qui étaient nécessaires dans les
circonstances.
Un autre changement important qui lui aussi est en relation directe avec
l'administration de la justice. Nous avons tous été
témoins, depuis avril 1981, de quelques incidents qui, à un
moment ou l'autre, créaient des situations qui pouvaient devenir
embarrassantes lorsque par exemple, dans une commission parlementaire - il est
arrivé certains événements que l'on sait, que je n'ai pas
besoin de décrire - il est arrivé la situation dans laquelle
s'est retrouvé le député de Saint-Jacques par rapport
à certaines accusations qui avaient été portées
contre lui et qu'on a reproduites par la suite dans les journaux. Le dilemme
dans lequel on se trouvait, c'était de savoir s'il faut intervenir
vis-à-vis de ceux que l'on croit responsables d'une situation, et si
l'on doit prendre la décision d'intervenir, de quelle façon
faut-il le faire. Faut-il le faire par la voie de la vieille institution qui
prévoyait que les députés étaient à la fois
juge et partie? Ou alors, faut-il, par le mécanisme des tribunaux de
droit commun, soumettre ceux ou celles qui se seraient rendus coupables ou
responsables d'infraction au mécanisme ordinaire des tribunaux de droit
commun? (16 h 30)
Tous ceux qui ont eu l'occasion de s'exprimer sur ces situations me
semblent avoir manifesté très clairement l'opinion qu'il fallait
que les tribunaux de droit commun soient ceux qui aient la juridiction
nécessaire pour disposer de situations de cette nature.
Or, il arrive que, par la loi qui est devant nous, lorsque nous nous
retrouverons dans des situations comme celles auxquelles je viens de me
référer, ce seront les tribunaux de droit commun qui auront la
juridiction nécessaire pour disposer de ces situations. En d'autres
mots, nous ne serons plus, comme c'est la situation actuellement, juge et
partie de situations dans lesquelles nous pouvons être
impliqués.
Il me semble, à ces trois égards, que nous venons de faire
des pas importants en avant et qu'il s'agissait là de situations qu'il
fallait, de toute évidence, changer. Je ne m'en tiendrai qu'à ces
aspects concernant la réforme parlementaire proprement dite.
Je ne dirai qu'un mot en terminant sur l'aspect que l'on pourrait
convenir d'appeler monétaire du projet de loi, tant au chapitre des
salaires qu'au chapitre du régime de
retraite.
Il y a des collègues qui, avant moi, vous ont fait une
démonstration très nette de la vraie situation, tant au plan des
salaires qu'au plan du régime de retraite. Mais il me semble qu'il est
important de revenir peut-être sur la question du régime de
retraite. Si l'on prend le temps de regarder un tant soit peu la nature du
changement qui intervient dans le régime de retraite, l'on va
réaliser qu'il ne s'agit pas d'une chose mineure, mais d'une chose
absolument fondamentale.
Si l'on prend des chiffres globaux pour évaluer ce que cela veut
dire effectivement en termes de diminution au chapitre du régime de
retraite, l'on arrive aux conclusions suivantes: dans la
rémunération globale actuelle du député, qui est de
66 395 $, 29 867 $, presque 30 000 $, étaient effectivement
consacrés, imputables au seul régime de retraite. Dans les
changements proposés, la rémunération globale du
député sera diminuée à 47 844 $. Or, vous voyez que
c'est un peu au-delà de 20 000 $ que cette diminution se situe. Il me
semble qu'il s'agit là d'un exercice très clair, très
évident de la volonté du gouvernement du Parti
québécois, de rajuster un certain nombre de choses qui devaient
l'être.
Bien sûr, on pourra discuter de la question des salaires des
députés. Bien sûr, nos collègues de l'Opposition
pourront interpréter cela de la façon dont ils voudront. Ils
pourront discuter, plaider qu'il s'agit effectivement d'une augmentation du
salaire. Or, il me semble qu'à la fois le député de
Taschereau et le leader du gouvernement hier ont fait la démonstration
très nette que, par rapport à ce qui a été consenti
dans la loi 105, ce qu'on retrouve dans la loi 90 est encore en deça du
contenu de la loi 105. Au-delà des chiffres, de la bataille ou de la
guerre que l'on peut vouloir faire sur les chiffres, il y a quand même
des questions de principe importantes dont il faut tenir compte.
On m'a dit, ce midi, que la moyenne d'âge des 122 personnes qui se
retrouvent ici est d'environ 43, 44 ans. Il y en a des moins âgés
et des plus âgés. Mais une chose est certaine...
Une voix: C'est Hermann qui remonte l'âge.
M. Fréchette:... c'est que, très probablement, les
uns et les autres, des deux côtés de la Chambre, on est, me
semble-t-il, au coeur d'une carrière. Il n'y en a pas beaucoup d'entre
nous qui commencent ici une carrière ou alors qui la terminent. Nous
sommes, pour la plupart, au coeur d'une carrière.
M. le Président, il me semble que ceux qui, lorsqu'ils arrivent
au coeur d'une carrière, ont le goût de se lancer dans le monde de
la politique, doivent compter sur des situations telles qu'ils pourront y venir
sans se poser de questions sur ce qui les attend au niveau d'une certaine
possibilité de gagner leur vie honorablement et raisonnablement.
M. le Président, pour les motifs que je viens d'indiquer, pour
d'autres sur lesquels je n'ai pas le temps d'insister, je vous signale que
c'est sans aucune réserve que je donnerai mon appui au projet de loi no
90.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Viau.
M. William Cusano
M. Cusano: Merci, M. le Président. Je me joins à
mes collègues dans ce débat de deuxième lecture du projet
de loi no 90, Loi sur l'Assemblée nationale du Québec.
Ce qui m'étonne, depuis mon arrivée à
l'Assemblée nationale, c'est que ce gouvernement semble avoir le don de
mêler les pommes et les oranges et de rendre très complexe,
très compliqué, ce qui est très simple. Je dis le don de
mêler les pommes et les oranges car ce projet de loi touche, en
première partie, le fonctionnement de l'Assemblée nationale -
ceci, on peut le souligner, est exigé depuis longtemps des deux
côtés de la Chambre - et les changements qui sont
présentés dans ce projet de loi sont très acceptables; ils
sont louables. Je n'aurai aucune difficulté, en tant que
député, à voter pour la première partie de ce
projet de loi.
Mais, lorsqu'on arrive à la deuxième partie, plus
particulièrement aux chapitres V et VI, c'est une autre paire de
manches. Au chapitre V, on parle des conditions de travail des
députés, de leurs salaires et de leurs avantages sociaux. Au
chapitre VI, on établit un nouveau régime de retraite pour les
députés. J'en parlerai plus tard, mais ce nouveau régime
de retraite entrera en vigueur le 1er janvier 1983.
Essayer d'augmenter les salaires des députés en passant
par la porte d'en arrière, M. le Président, c'est se moquer non
seulement de cette institution qu'est l'Assemblée nationale, mais c'est
se moquer d'une population qui est en train de traverser une crise sans
précédent dans la province de Québec. Il y a au moins 401
000 chômeurs. On a 345 000 assistés sociaux. Nous avons
au-delà de 4000 faillites dans les onze premiers mois de l'année
1982 et, maintenant, ce gouvernement nous présente une augmentation de
salaire pour les députés.
C'est aussi se moquer de la population que de présenter, en cette
Chambre, en même temps, le projet de loi no 90 et la loi no 105 la
semaine dernière. Cette
Assemblée, comme vous le savez fort bien, M. le Président,
a terminé, samedi soir dernier, un débat marathon sur la loi no
105, une loi injuste, arbitraire et irresponsable. Si le seul but de cette loi
avait été de geler les salaires des employés des secteurs
public et parapublic, ce que plusieurs syndicats, l'Opposition et l'ensemble de
la population auraient accepté, avec une petite réticence, cela
aurait été acceptable. Mais nous traversons une crise, M. le
Président, plus accentuée au Québec qu'ailleurs, au Canada
et dans le monde. Pourquoi en sommes-nous à cette crise? Est-ce à
cause de l'obsession de ce gouvernement de vouloir séparer la province
de Québec? Est-ce à cause des dépenses folles de ce
gouvernement ou même de la mauvaise gestion du ministre des Finances? (16
h 40)
Votre incompétence vous a forcés, vous les
ministériels, comme M. Parizeau l'a déjà dit, à
tripoter et à voler les salaires des travailleurs et des travailleuses
des secteurs public et parapublic. Le dépôt de la loi no 105 la
semaine dernière, en cette Chambre, est un geste très arrogant et
c'est ajouter du sel sur la plaie. Pendant que vous coupez de 20% pour une
période de trois mois les salaires de ces travailleurs et de ces
travailleuses, vous nous demandez de voter pour un projet de loi qui tripote
les règles du jeu, les règles établies ici, à
l'Assemblée nationale.
Couvert d'une propagande induisant la population en erreur, ce
gouvernement, par l'entremise de son leader parlementaire, essaie de nous faire
croire, à nous et à l'ensemble de la population, que le projet de
loi no 90 diminuera les salaires des députés d'à peu
près 10 000 $. C'est faux, c'est de l'hypocrisie toute pure, ce n'est
pas une diminution de 10 000 $. C'est sûr et certain que si, en l'an
1800, le salaire des députés avait été de 50 000 $,
ce serait autre chose.
Ce gouvernement est devenu un grand expert en tripotage.
Des voix: Ah!
M. Cusano: On le voit dans le projet de la restructuration
scolaire. C'est du tripotage incroyable. Le ministre est ici, je suis bien
heureux qu'il m'écoute. Dans ce projet de loi, on trouve des
augmentations détournées et hypocrites. Ce projet de loi, je le
précise, prévoit une augmentation de 6% à compter du 1er
avril 1983. N'est-ce pas un beau geste? On ne prend pas une augmentation du 1er
janvier au 1er avril, mais au 1er avril on se donne une augmentation de 6%. Je
dois préciser que ceci va porter le salaire de base d'un
député de 35 000 $ a 37 200 $. Cette loi prévoit aussi
qu'à compter du 1er janvier 1984 le salaire d'un député
est ajusté selon les taux d'augmentation de l'indice des prix à
la consommation pour le Canada, tel que déterminé par Statistique
Canada. Là, encore, c'est de l'arrogance, c'est de l'hypocrisie; encore
une fois, c'est un abus de pouvoir.
Pour satisfaire les machines à voter que vous sortez une fois de
temps en temps, sous prétexte de revaloriser le rôle des
députés, cette loi permettra que le nombre d'adjoints
parlementaires passe de 12 à 27. Pour ceux qui ne le savent pas, il
faudrait préciser que l'indemnité accordée à un
adjoint parlementaire est égale à 20% du salaire de base,
c'est-à-dire à 7000 $ pour un poste qui été
qualifié par les gens de l'autre côté de la Chambre, dans
le passé, de poste de coupeur de ruban ou de prix coco pour satisfaire
les députés d'arrière-ban. Ce n'est pas moi qui le dit,
c'est l'actuel vice-premier ministre qui, en 1974, était
député du comté de Sauvé, dans le nord de la ville
de Montréal. Il disait, lors d'un débat sur la question des
salaires: "Nous donnons le mauvais exemple à la population. " Est-ce
qu'on donne aujourd'hui le bon exemple à la population, après
avoir coupé les salaires des travailleurs et travailleuses des secteurs
public et parapublic?
Il continue: "Le rôle du député, ce n'est pas de se
servir d'abord. " Je continue. Il y a plusieurs de ses commentaires. II nous
dit ici: "Ce qui est bon pour les députés est certainement bon
pour l'ensemble de la population". Il aurait dû dire - je crois qu'il
n'est pas encore intervenu, j'espère qu'il le dira - que ce qui est bon
pour les employés des secteurs public et parapublic devrait certainement
être aussi bon pour les députés. C'est vrai, merci. Lorsque
j'ai pris la décision de me présenter au mois d'avril 1981, j'ai
pris connaissance du salaire et du régime de pension et de tout ce qui
est attaché au rôle du député. Je savais dans quoi
je m'embarquais et j'y suis allé volontiers. Aujourd'hui, on est ici et
on change les règles du jeu tel quel. Vous êtes devenus des
experts dans cela, changer les règles du jeu. Vous l'avez fait en
reniant votre signature. Vous l'avez fait en imposant des coupures tout
à fait brutales aux employés des secteurs public et parapublic.
On peut dire que changer les règles du jeu, vous connaissez très
bien comment le faire.
Vous, MM. les ministériels, ce qui choque la population, c'est
votre propagande. Je ne parlerai pas de l'argent que vous dépensez dans
la propagande parce qu'on sait fort bien qu'avant que vous arriviez au pouvoir
le budget de propagande du gouvernement était beaucoup moins
élevé qu'il l'est aujourd'hui. Le gouvernement du Québec
est l'un des plus grands propagandistes au monde. Vous tentez de faire croire
à la population que vous imposez des coupures aux salaires des
députés de
10 000 $. C'est de la diarrhée intellectuelle. C'est vraiment un
abus de pouvoir de faire croire aux gens qu'on va subir une coupure de 10 000
$, quand, en réalité, le projet de loi donne aux
députés, à la fin de l'année, une augmentation.
J'ai déjà mentionné les douze adjoints
parlementaires qui reçoivent une somme de 7000 $ et maintenant vous
remontez le nombre d'adjoints parlementaires à 27. Est-ce que, pour ces
gens, ce serait une diminution de salaire? Une autre chose qui est
intéressante, c'est que le projet de loi, en ce qui touche les pensions
des députés, on s'est organisé de l'autre bord pour
attendre. Vous savez, ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on parle, de l'autre
côté de la Chambre, de changer le système des pensions des
députés. Cela fait bien longtemps. On a attendu au-delà du
15 novembre 1982. Je me demande bien pourquoi. Est-ce que c'est pour s'assurer
que tous les députés ministériels élus en 1976
puissent bénéficier de l'ancien régime? C'est cela? Je
suis content, vous êtes d'accord. Ce régime que vous trouviez
très généreux et même scandaleux, tout d'un coup,
c'est correct. On s'organise pour s'assurer que la loi entre en vigueur
après le 15 novembre 1982.
Une chose qui me vient à la tête, c'est pourquoi s'assurer
qu'il y ait un grand nombre de députés de l'autre bord qui
puissent se qualifier pour la pension de député? Je n'ai pas tous
les faits, mais on me dit, en parlant avec certains des collègues d'en
face, que plusieurs d'entre eux, une fois qu'ils sont admissibles au
système de pension des députés, ils le seraient aussi au
système de pension des enseignants. Combien y a-t-il d'enseignants parmi
vous de l'autre bord qui ont contribué au Régime de retraite des
enseignants ou certains de la fonction publique, au Régime de retraite
des fonctionnaires? Il y a peut-être un article que vous avez
oublié là-dedans, et je remarque que le député de
Joliette-Montcalm porte beaucoup d'attention, c'est qu'on y trouve un article
dans ces régimes qui dit qu'une fois qu'un cotisant du Régime de
retraite des enseignants ou du RREGOP ou du RRF est admissible à une
pension d'un député il est automatiquement, indépendamment
de l'âge, admissible au régime de retraite des enseignants ou des
fonctionnaires. (16 h 50)
Savez-vous ce que cela veut dire, M. le Président? Pour quelqu'un
qui a contribué pendant quinze ans au régime de retraite des
professeurs, cela veut dire qu'il a droit, après quinze ans de service
à 2% par année, à 30% de son salaire comme pension
à vie, parce qu'il s'est qualifié au régime de
député. Est-ce la vraie raison pour amener des changements et
s'assurer que ces changements au régime de retraite entrent en vigueur
après le 15 novembre? Les ministériels nous accusent souvent,
nous de l'Opposition, de ne jamais faire des suggestions, ce qui est faux, ce
qui est totalement faux, parce qu'on en fait, mais ils ont l'oreille dure. Ils
sont durs de "comprenure".
Aujourd'hui, M. le Président, je les mets au défi. Je fais
d'autres propositions. La première, comme mes collègues l'ont
dit, est de scinder la loi en deux. On est totalement d'accord avec la
première partie; ce sont des changements que tout le monde exige. Ce
sont des changements louables. Si on est prêt à scinder la loi on
accepte les changements à l'Assemblée nationale.
Deuxièmement, on demande aux amis d'en face de maintenir le nombre
d'adjoints parlementaires à douze. C'est trop pour les coupeurs de
rubans et les prix coco. Je pense que douze, c'est assez. D'accord?
Troisièmement, je suggère qu'il y ait un gel des salaires
jusqu'au 31 décembre 1983 pour tout le monde ici en cette Chambre. Ce
serait un peu conséquent avec la position prise par les
ministériels sur la loi 105. Quatrièmement, on suggère le
retrait de l'article prévoyant une indexation à compter du 1er
janvier 1984. Cinquièmement, que les changements au régime de
retraite des députés soient rétroactifs au 12 avril 1981,
M. le Président, ceci imposant certains sacrifices, spécialement
aux élus de 1976 du côté ministériel, qui ressortent
du RRE, du RRF ou du RREGOP. Il me semble que ce n'est pas un trop gros
sacrifice après avoir demandé aux travailleurs des secteurs
public et parapublic de sacrifier, pendant une période de trois mois,
20% de leur salaire -et pourquoi? - parce que le ministre des Finances n'a pas
été capable de gérer et d'administrer ses affaires.
En terminant, je n'ai pas besoin de répéter les
recommandations que j'ai faites. Pour ces gens-là, M. le
Président, qui nous disent qu'on n'a jamais de propositions à
faire, elles sont faites, elles sont enregistrées et je les mets au
défi de les accepter, M. le Président. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Groulx.
M. Élie Fallu
M. Fallu: M. le Président, on nous accuse de faire des
coupures...
Des voix: Aveugles!
M. Fallu: On vient d'en couper pour 20% et on vient de se couper
de 20 000 $. On vient de se couper de 30%!
Des voix: Ah! Ah!
M. Fallu: Le débat d'aujourd'hui fait suite à toute
une série de débats qu'on a eus depuis quinze jours en cette
Assemblée qui vont exactement dans le même sens et qui sont dans
la perspective du message inaugural, d'il y a un an.
Je pense qu'il y a des gens qui ont la mémoire un peu courte en
cette Chambre. Il y a une semaine, on débattait du
démantèlement de l'Office des autoroutes, 10 000 000 $
annuellement d'épargnés. La semaine dernière, le
regroupement des organismes électoraux, 2 500 000 $ par année
d'économisés. La loi 105, 406 000 000 $. Aujourd'hui, la loi 90
sur les traitements des membres de l'Assemblée nationale, 2 800 000 $.
Que fait-on en cette Assemblée? On protège le pouvoir d'achat des
Québécois et des Québécoises. On nous dit que nous
nous augmentons. J'aimerais bien voir ce qu'on a fait en 1977, alors qu'on a
refusé toute indexation. On s'est coupé de 12, 1%. Qu'est-ce
qu'on a fait en 1978, alors que l'indexation était de 12, 6%? On s'est
coupé de 6, 6%. Qu'est-ce qu'on a fait en 1980? L'inflation était
de 11, 2%, avec une indexation de 6%, on s'est coupé de 7, 9%. Qu'est-ce
qu'on fait cette année, pour l'an prochain? Alors qu'on donne 5, 8%
à l'ensemble du front commun, on se donne, comme parlementaire sur un an
4, 8%. On se coupe encore de 1%. Coupures par dessus coupures, c'est cela qu'on
a fait de notre propre rémunération jusqu'à maintenant,
jusqu'à ce que vienne cette réforme, une réforme en
profondeur qui, cette fois, casse complètement le régime, soit
dit en passant, celui installé sous M. Bourassa.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre!
M. Fallu: À l'époque, en 1974, en tant que Parti
québécois, nous avions combattu cette mesure. Qu'est-ce que ce
régime nous aurait donné si nous n'avions pas fait ces
rectifications année après année? De 35 000 $ qu'un
député gagne présentement, nous aurions gagné,
cette année, 48 453 $. Voilà ce qu'aurait donné le
régime de 1974 si on l'avait continué. Entre-temps, qu'est-ce
qu'il nous aurait valu en rémunération globale? Le régime
d'administrateur, classe IV, aurait coûté 58 000 $, alors que
celui-ci nous en coûte 66 000 $. Il faut le casser et c'est ce que nous
nous apprêtons à faire. Nous le cassons, sachant fort bien que
nous créons encore des distorsions épouvantables. Peut-être
qu'à partir de 1984, c'est-à-dire dans plus d'un an maintenant,
avec une indexation à l'indice des prix à la consommation moins
une fraction, le salaire du député finira par se redresser
très lentement, mais sans jamais dépasser celui des
fonctionnaires de même niveau.
Mais, entre-temps, qu'est-ce qu'il en est? Au-delà de 50 000
fonctionnaires de l'État gagnent plus que le député qui
est ici dans cette Chambre. Au-delà de 50 000 fonctionnaires sont-ils
plus compétents que nous? Travaillent-ils plus de 32 1/2 heures?
Travaillent-ils plus de 35 heures, plus de 38 1/2 heures? Je ne mets pas cela
en cause. Sont-ils plus compétents que nous? Ont-ils plus de
diplômes? Je ne mets pas cela en cause. Il est un fait brutal et, si je
le donne ici en cette Chambre, ce n'est pas pour que nous nous indexions, que
nous nous donnions les salaires des sous-ministres, c'est simplement pour
constater que le député, au Québec, est sous-payé,
il faut appeler les choses par leur nom.
Entre-temps, qu'est-ce qui se passe ailleurs? Regardons ce que nos
petits amis d'Ottawa ont fait entre-temps. En 1977, le député en
cette Chambre gagnait 27 800 $ et celui d'Ottawa, 25 500 $. Au 1er avril 1983,
nous gagnerons 35 202 $ et lui en gagnera 50 350 $, c'est-à-dire plus de
15 000 $ de différence. Et puis, on nous dit: C'est indécent ce
que vous faites, puisqu'au moment où vous coupez vos fonctionnaires,
vous vous augmentez. Je regrette! Mensonge éhontél
M. Rivest: Ce n'est pas vrai.
M. Fallu: Nous ne nous augmentons pas; nous garderons en janvier,
février et mars, le salaire du mois de janvier 1982...
Mme Juneau: C'est cela.
M. Fallu:... en 1983. N'est-ce pas cela une coupure? Et puis,
à partir d'avril, nous reprenons nos 6% du 1er janvier 1982. Qu'est-ce
à dire? C'est que notre rémunération sera encore, en
moyenne, 1% inférieure en augmentation à celle de la fonction
publique. Alors, assez, c'est assez. Et ensuite, on a le culot de nous dire:
Messieurs les péquistes... Comme si cela ne les regardait pas, eux, qui
ont été élus en 1973, pour quelques-uns, en 1970, d'autres
qui sont revenus et qui ont racheté leur régime de retraite
entre-temps...
Une voix: Ah!
(17 heures)
M. Fallu: Oui, on pourra parler de cela. On vient nous dire comme
cela: II faut absolument qu'au 13 avril vous coupiez rétroactivement vos
pensions. Je voudrais bien voir. Savez-vous ce qu'on fait par ce geste? 2 800
000 $ qu'on économisera à l'État du Québec l'an
prochain. C'est l'équivalent de ce que cela coûte actuellement
pour tous les pensionnés de l'Assemblée nationale annuellement.
En voilà une économie! De qui est-ce? De M. Bourassa? Oui, M.
Garneau et beaucoup d'autres, des veuves et des enfants. Ces
gens, pourquoi ne voulez-vous pas qu'on les coupe rétroactivement
jusqu'à ce qu'ils atteignent 60 ans, comme par hasard? Vous allez
plaider les droits acquis. Nous mettons les droits acquis. La loi s'appliquera
à partir du 1er janvier.
M. le Président, nous sommes un peu déviants en cette
Chambre, puisque l'objet principal de la loi n'est pas la
rémunération ni les fonds de retraite, c'est accessoire, ce sont
des outils que les parlementaires ont pour pouvoir manger, pour pouvoir
élever leurs enfants, pour pouvoir se déplacer dans leur
circonscription électorale et un peu partout au Québec. La
rémunération, c'est une faible gratification pour la vie, pour la
nourriture, pour l'essentiel, mais le projet de loi no 90 a toute une autre
justification, a tout un autre contenu. Actuellement, les libéraux sont
en train de faire oublier à cette Chambre, sont en train de masquer
devant l'opinion publique l'objet fondamental du projet de loi no 90, qui est
un changement profond de nos institutions: donner à l'Assemblée
nationale, au pouvoir législatif, sa véritable
indépendance. Qui de nous, comme parlementaire, s'aviserait - cela se
passe dans quelque autre Parlement, on le sait - d'appeler un juge au
téléphone pour lui demander d'accélérer un peu la
sortie de sa sentence? Personne d'entre nous, parce que nous respectons la
division des pouvoirs. Nous respectons la division entre le pouvoir
législatif et le pouvoir judiciaire. Ce que nous sommes en train de
faire dans cette Chambre, c'est la division réelle, organique, du
pouvoir législatif, du pouvoir exécutif.
M. le Président, c'est la dignité du Parlement qui va
renaître; cette dignité, cette indépendance qui s'est,
d'année en année, rapetissée, qui a été
contrôlée continuellement, de plus en plus par l'Exécutif,
l'Exécutif qui, ici même en cette Chambre, a contrôlé
nos ordres du jour, a contrôlé nos travaux, nous a donné
des ordres à tous les jours. Nous avons été au service
essentiellement de l'Exécutif. D'ailleurs, à l'occasion de
l'étude de la loi 105, on l'a souligné avec beaucoup de justesse.
C'est le leader en Chambre qui décide de l'ordre du jour de toutes nos
commissions. Nous avons supposément un pouvoir d'initiative, comme
législateur, mais regardez ce que deviennent ces lois, ces projets de
loi privés présentés au nom des députés,
quand ils ne sont pas d'affaires municipales ou quand ils ne sont pas de la
justice. Ils dorment et ils dorment longtemps au point de s'asphyxier et de
mourir au feuilleton. C'est ce qui arrive à l'initiative du
parlementaire. Quand donc un parlementaire va-t-il, à travers le
mécanisme même qu'est son pouvoir, à travers la
Législature, pouvoir proposer à l'ensemble de ses
collègues, à l'unanimité sans doute, une réforme
majeure? Il n'en a même pas l'outil.
Vous qui êtes là depuis 1867, depuis le début de
notre Législature, puisqu'on sait que la présidence est une et
est indivisible, quand avez-vous vu, comme président, un
député se lever en cette Chambre et dire: M. le Président,
je fais motion pour que la commission de l'Assemblée nationale, la
commission de la justice, la commission des affaires municipales siège
dans telle salle pour m'entendre, moi, législateur, proposer un projet?
Jamais!
M. Rivest: Jean-Roch ne veut pas...
M. Fallu: Nous allons transformer notre institution. Nous allons
la rendre au service des représentants du peuple. Nous allons la
redonner - pas la redonner, pardon, elle ne leur a jamais appartenu - nous
allons la donner aux élus. M. le Président, cette réforme
est d'une profondeur qu'on n'imagine peut-être pas. Nous avons
vécu dans la tradition du parlementarisme britannique. Nous avons
vécu donc sous l'égide de l'Exécutif. Nous avons
été le bras législatif de l'Exécutif. Il en a
toujours été ainsi dans le parlementarisme britannique. Comme
société, nous vivons toujours dans cette tradition, et à
l'exemple d'ailleurs de ce que nous avons fait, dans les années 1960
à 1973, pour le règlement de l'Assemblée nationale, vivant
toujours dans cette institution et de l'esprit de cette institution
britannique, nous allons profondément la transformer avec une approche -
comme on le dit dans notre jargon parlementaire - à la française,
c'est-à-dire au mode des Parlements français, à l'exemple
des Parlements français par opposition aux Parlements britanniques.
Nous allons faire la jonction de nos deux cultures en cette Chambre,
notre culture britannique et notre culture française. M. le
Président, l'Opposition tente de masquer au peuple du Québec le
geste que nous sommes en train de poser. Elle le masque sous un faux
débat économique, laissant croire aux gens que nous sommes ici
une bande d'égoïstes, en train de nous servir, en train d'empocher
les deniers publics. Il n'en est rien. Pour le reste, ce que nous faisons, en
cette Chambre aujourd'hui, saura marquer l'histoire du parlementarisme au
Québec pour les cent prochaines années.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: Je m'excuse auprès de mon collègue,
son tour viendra immédiatement après.
M. le Président, ce projet de loi... Est-ce que tout est
maintenant réglé, M. le Président? Est-ce que je peux
avoir le droit
de parole?
Le Vice-Président (M. Rancourt): Oui, M. le
député de Sainte-Marie, je vous ai reconnu.
M. Bisaillon: Merci, M. le Président.
L'intervenant qui m'a précédé a parlé de la
dignité du Parlement que l'on était pour retrouver. Je trouve
étrange que l'on pense à faire recouvrer la dignité au
Parlement seulement maintenant. J'aurais été fier que le
député pense à la dignité du Parlement lorsqu'on a
siégé, il y a à peine trois jours, au moment où on
a voté une loi avec 58 000 ou 80 000 pages de texte, sans les regarder,
sans les étudier en profondeur. Cela aussi fait partie de la
dignité du Parlement.
Par ailleurs, le projet de loi no 90 qui est devant nous, qui est la Loi
sur l'Assemblée nationale du Québec, apporte un certain nombre de
modifications à notre fonctionnement actuel qui représentent
effectivement des améliorations.
Nous avons tous eu l'occasion, en commission parlementaire, avant la
réimpression du projet de loi, de faire un certain nombre de suggestions
au leader du gouvernement qui en a plus ou moins, il faut bien le dire, tenu
compte dans la réimpression, mais on voit qu'un certain nombre de choses
réapparaissent telles qu'elles avaient été placées
dans le projet de loi initial.
Je voudrais donc, M. le Président, si vous me le permettez,
souligner un certain nombre d'éléments qui sont renfermés
dans le projet de loi no 90 et qui pourraient éventuellement faire
l'objet d'amendements en commission parlementaire, après la
deuxième lecture.
D'abord, toute la question du Bureau de l'Assemblée nationale. On
sait que ce qui est proposé dans le projet de loi no 90 est un bureau
pour diriger, non seulement les travaux de l'Assemblée nationale, mais
aussi les outils de travail pour l'ensemble des députés. C'est
une innovation importante. Actuellement, ce rôle est joué par un
comité de régie interne qui est surtout dirigé par
l'Exécutif, puisque ce sont, d'abord et avant tout, des ministres qui
sont majoritairement représentés au comité de régie
interne. Ce que nous propose le projet de loi no 90, c'est de former un Bureau
de l'Assemblée nationale qui viserait à édicter les normes
et les règlements qui devraient s'appliquer quant aux outils de travail
des députés. Pour moi, c'est une amélioration. Il n'en
demeure pas moins que, dans la façon même dont on procède
pour la nomination des membres du bureau, je dis, M. le Président, que
c'est changer une piastre pour quatre 0, 25 $.
Si on regarde le fonctionnement qui nous est proposé, qu'est-ce
que c'est, à toutes fins utiles? C'est que le gouvernement, le parti
gouvernemental, va nommer quatre de ses membres qui ne seront pas des membres
de l'Exécutif, mais qui seront des membres du parti gouvernemental,
alors que le parti d'Opposition ou les partis d'Opposition verront à
nommer les trois autres personnes.
De qui ces personnes vont-elles dépendre? Je continue, M. le
Président, à maintenir que tu dépends des gens qui te
nomment et que tu rends des comptes aux gens qui t'élisent. Si
l'Assemblée nationale doit se doter d'un bureau, il est important, pour
ma part, que ce soit l'Assemblée nationale qui vote pour les
représentants de l'Assemblée nationale à ce bureau. De
cette façon, les sept députés de cette Assemblée
seraient vraiment les représentants de l'ensemble des
députés. Il ne faudrait pas oublier, M. le Président,
qu'on donne un rôle à ce bureau qui n'a rien à voir, mais
rien à voir, avec l'activité gouvernementale, qui ne vise en rien
à empêcher ou à bloquer l'action partisane du gouvernement
non plus que l'action partisane de l'Opposition. C'est vraiment un groupe de
députés nommés par leurs pairs pour régler des
questions ou statuer sur des questions qui concernent leurs pairs. Pourquoi
donc n'aurions-nous pas, quant à l'élection du bureau, un
mécanisme, celui que l'on choisit pour notre élection dans notre
comté, c'est-à-dire des mises en nomination, en candidature, et
un vote par l'ensemble des membres de cette Assemblée en notant,
cependant - le projet de loi pourrait le faire - qu'on doit assurer un
équilibre entre l'Opposition et le parti gouvernemental? Il me semble
que cela nous donnerait au moins l'occasion de voter pour les gens qu'on veut
voir nous représenter à ce Bureau de l'Assemblée
nationale. Quant à faire des améliorations, arrêtons donc
d'améliorer les affaires seulement petit pas à petit pas. Quant
à changer complètement notre mode de fonctionnement, changeons
donc en même temps la façon d'élire les gens, pour en faire
des personnes responsables.
C'est donc un élément important comme toute la question du
quorum qui a été combien de fois soulevée. Je maintiens
que le rapport Vaugeois, relativement au quorum, avait une bonne orientation et
que c'est celle que le projet de loi no 90 devrait retenir, c'est-à-dire
un quorum de départ et l'assurance aussi qu'il ne peut y avoir de vote
sans l'appel des députés. De cette façon, les
députés pourraient participer à davantage de travaux
à l'extérieur de cette Chambre et n'auraient pas, comme seul
objectif, lorsqu'il y sont, que de participer à la loi du nombre, d'un
côté ou de l'autre, de toute façon. Que l'on soit d'un
côté ou de l'autre sur les questions qui nous préoccupent,
il ne faudrait jamais oublier...
On est placé devant un projet de loi qui devrait nous amener
à des débats non partisans parce qu'un jour ou l'autre, de toute
façon, on traverse d'un côté ou de l'autre de la Chambre,
et on est placé, un jour ou l'autre, à vivre les situations qui
ont été vécues par d'autres. Il me semble donc que c'est
dans cette perspective qu'il faudrait situer le projet de loi no 90.
De même si on veut redonner un peu de dignité au Parlement,
il faudrait commencer par en donner aux parlementaires. Pour en donner aux
parlementaires, M. le Président, il me semble illogique de
prévoir qu'un député ne puisse pas déposer en cette
Chambre un projet de loi qu'il a lui-même préparé, sous
prétexte que cela pourrait entraîner, par exemple, des
dépenses gouvernementales. On sait que notre procédure
parlementaire et telle qu'une fois qu'un projet de loi est déposé
à l'Assemblée nationale, à partir du moment où il
est inscrit au feuilleton, c'est le leader du gouvernement et lui seul qui peut
faire l'appel des projets de loi. Donc, la possibilité pour un
député de présenter un projet de loi, même si cela
devait faire appel à des dépenses gouvernementales, cela ne met
aucunement en danger le gouvernement puisque, par la voie de son leader, le
gouvernement est le seul capable de décider si oui ou non un projet va
suivre son cours. Évidemment, il y a la possibilité du mercredi,
mais cette possibilité, comme le souligne le leader de l'Opposition,
pourrait être inscrite dans les restrictions à l'article dont je
parle.
Dernier aspect quant à la reconnaissance des parlementaires,
toute la question du budget de l'Assemblée nationale. Je trouve, quant
à moi, un peu étrange que le Parlement soit l'organisme
habilité à voter les crédits et les budgets de l'ensemble
des ministères, mais quand on est rendu à voter le nôtre,
cela a l'air qu'on n'est plus assez grand garçon ou grande fille pour le
faire nous-mêmes. Je trouve étrange que, dans un autre projet de
loi qui nous a été présenté, quand on veut
"contrôler" les dépenses du Directeur général des
élections, on demande que cela soit soumis à l'Assemblée
nationale. Autrement dit, on n'est pas allé jusqu'à dire que le
Conseil du trésor vérifierait les dépenses mêmes
quotidiennes du Directeur général des élections; on a dit:
Cela va aller à l'Assemblée nationale. Mais l'Assemblée
nationale, elle, quant à son budget, il faudrait qu'elle se soumette aux
directives des Finances et du trésor. Il me semble que si c'est ici
qu'on doit voter le budget des autres, cela doit nous donner suffisamment de
maturité pour voter les outils de travail de l'Assemblée
nationale en appliquant à ces budgets les critères qu'on applique
aux autres lorsqu'on les vote.
Finalement, vous voyez donc qu'il y a un certain nombre d'amendements
que j'annonce immédiatement et que je proposerai en troisième
lecture, non pas parce que ce sont pour moi des éléments
suffisants pour repousser ce projet de loi qui, comme je l'ai dit,
présente des éléments fort positifs, mais il me semble que
notre travail est aussi d'amener ce qu'on voudrait avoir comme bonifications au
moment où on fera l'étude article par article.
Il reste évidemment toute la question du personnel de
l'Assemblée nationale. Je vous rappellerai qu'une commission
spéciale, la Commission spéciale sur la fonction publique, qui a
été mise sur pied par cette Assemblée en novembre dernier,
a déposé son rapport en juin dernier, sur lequel rapport
l'Assemblée nationale s'est prononcée en demandant au
gouvernement d'en appliquer les principales recommandations. Ce rapport
contenait une recommandation selon laquelle il nous faudrait, dans l'avenir,
distinguer le personnel de l'Assemblée nationale des autres, sans
nécessairement faire perdre des droits acquis aux employés qui
sont là, sans leur faire perdre les liens juridiques qui peuvent les
unir à la fonction publique. Il nous semblait important, après
une étude du fonctionnement d'autres Parlements, de reconnaître le
personnel de l'Assemblée nationale comme étant un personnel
particulier, qui doit répondre à des exigences
particulières, mais qui doit aussi recevoir un traitement particulier
parce que son travail s'effectue dans des circonstances différentes de
celles des autres employés. J'ai déjà souligné le
fait à la commission parlementaire et je ne retrouve rien dans le projet
de loi réimprimé qui nous indique une volonté
gouvernementale d'appliquer cette recommandation de la Commission
spéciale sur la fonction publique.
Il reste finalement deux points mineurs qui ont fait l'objet de combien
de discussions à cette Assemblée nationale: toute la question de
la rémunération et de la pension. En commission parlementaire
comme en sous-commission, à quelques reprises, j'ai demandé au
leader du gouvernement de dissocier ces deux questions, de dissocier le
fonctionnement et les mécanismes de travail du député,
donc, les mécanismes de travail à l'Assemblée nationale
même, et la question de la rémunération. Je
réitère aujourd'hui cette demande, en espérant que le
leader en comprendra l'importance. Que ces deux questions soient
dissociées et que l'on puisse adopter nos règles de
fonctionnement au moins en se donnant des chances de tenir un discours
identique sur ces questions, et qu'on laisse les différences s'exprimer
sur les questions de salaires et de régimes de retraite. Il me semble
que cela est vital et qu'on devrait en tenir compte. (17 h 20)
Sur la question des salaires, j'aurais pu
recommander des amendements à ce qui est proposé dans le
projet de loi. J'aurais pu, par exemple, parler de réduction
modulée -quel beau terme - de récupération modulée.
Cela veut dire, par exemple, que la récupération modulée
aurait pu avoir comme effet, entre le 1er janvier 1983 et le 1er avril qui
vient, dans les trois mois de l'année 1983, de demander, non pas parce
qu'ils sont trop payés, non pas parce qu'ils sont responsables, non,
parce qu'il faut qu'ils fassent leur part, aux plus hauts
rémunérés de l'Assemblée nationale d'abandonner une
partie de leur paie.
Cela aurait suivi le même mécanisme que celui qu'on vient
de voter dans la loi 105. Cela aurait eu comme effet de laisser les plus bas
salariés de l'Assemblée nationale sans aucune
récupération. Mais cela aurait demandé aux autres, ceux
qui ont juste un petit montant additionnel d'avoir une réduction plus
légère, et là, de mettre l'ensemble de la
réduction, les gros 20%, aux plus hauts rémunérés
et dire: Pendant trois mois, les ministres et tous ceux qui ont des fonctions
plus rémunérées, eux, ils procéderont par grandeur
d'âme, par désir d'améliorer les choses, par désir
de faire leur part, ils se feront récupérer 20% de leur salaire.
J'aurais pu faire cela. L'occasion aurait été trop belle compte
tenu de ce qu'on vient de vivre.
Je ne le ferai pas, parce que cela fait trop longtemps que je dis que
ces questions ont entretenu des discours démagogiques à
l'Assemblée nationale. Cela fait trop de fois que j'interviens pour dire
qu'on n'ose pas ici faire le débat véritable et fondamental sur
la question des salaires. Je vais quand même dire et maintenir que compte
tenu de ce qu'on vient de vivre, il est indécent que ce gouvernement ne
gèle pas les salaires cette année et pour l'an prochain, comme il
l'a déjà fait dans le passé. Parce qu'il faut se rendre
compte que le gouvernement l'a déjà fait, ce n'est pas nouveau,
depuis 1976, le gouvernement a demandé à l'Assemblée
nationale et aux députés, aux membres de l'Assemblée
nationale, de geler leurs salaires. Ils l'ont fait dans le passé. Ils
l'ont fait au moins une fois. Les autres fois, ils ont limité leurs
augmentations à 6%.
C'est un geste qui a déjà été posé.
Est-ce que dans les circonstances, on ne pourrait pas au moins s'entendre pour
dire: Trouvons un mécanisme qui va nous permettre d'éviter que
cette question revienne devant nous à tout jamais, mais en même
temps, au moins ne poussons pas l'odieux d'ajouter quoi que ce soit à
nos salaires pour cette année. J'annonce, si ce n'est pas
déjà annoncé, que j'aurai un amendement à cet
égard lors de la commission parlementaire. Pour moi, c'est important,
comme il est important aussi que ce projet de loi contienne un mécanisme
qui fasse en sorte que jamais plus les députés soient
obligés d'être dans cette position abjecte d'avoir à
décider de leurs propres salaires, avec tout ce que cela peut
entraîner de questions démagogiques. Dans le passé,
reconnaissons au moins qu'il y avait eu un mécanisme de trouvé.
En 1974, le gouvernement, après avoir fait faire une étude par
des gens impartiaux, en dehors du parlement, avait trouvé un
mécanisme.
Ce mécanisme faisait en sorte que jamais plus les parlementaires
auraient eu à se prononcer sur la question de leurs salaires. On a voulu
jouer dedans. On a voulu faire les "smarts", et on a fait de la
démagogie avec cette question. Maintenant, payons pour la
démagogie qu'on a faite dans le passé. Au moins, profitons de
l'expérience et plaçons dans la loi un mécanisme qui va
faire en sorte que jamais plus les parlementaires n'auront à se pencher
sur cette question, ou accordons - ce qui serait plus intéressant - les
mêmes droits et les mêmes privilèges à l'ensemble des
travailleurs pour qu'ils puissent eux-mêmes décider de leurs
salaires, eux aussi. J'espère, M. le Président, que vous
m'entendez bien. J'entends, moi aussi.
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. Bisaillon: Merci, M. le Président. Le dernier point
dont je voulais traiter, c'est la question du régime de retraite. Toute
l'analyse qui pouvait être faite sur le régime de retraite actuel
des députés a démontré qu'effectivement ce
régime de retraite était devenu assez difficile à
défendre. À la décharge de ceux qui l'avaient pensé
à l'époque, il faudrait quand même rappeler -ce n'est pas
inutile de le faire pour les gens qui nous regardent - dans quelles
circonstances ce régime de retraite avait été mis sur
pied. Il a été mis sur pied à une époque où
l'âge d'entrée dans la vie publique était beaucoup plus
élevé qu'il ne l'est aujourd'hui. Cela a aussi été
fait à une époque où la durabilité dans la fonction
publique était plus longue, parce qu'à l'époque, il
faudrait bien qu'on se rappelle que ça ne siégeait pas au rythme
de maintenant. C'étaient trois ou quatre mois par année. Ce
n'était pas non plus pour discuter de toutes les questions qui sont
soumises aujourd'hui au Parlement ou aux parlementaires. Donc, le travail
était moins important et moins volumineux par la force des choses, parce
qu'il y avait moins de programmes, moins de projets de loi et aussi moins de
temps pour légiférer. Mais ces fonctions étaient surtout
remplies par des personnes plus âgées qui entraient en politique
alors qu'il y avait déjà une bonne partie de leur vie
d'exercée dans une autre profession ou dans une autre activité et
qui
restaient plus longtemps parce que c'était moins
épuisant.
Aujourd'hui, M. le Président, on se rend compte que c'est la
situation inverse. De plus en plus, l'âge moyen d'entrée dans la
vie publique est relativement bas - 35 ans au moment où on se parle - et
dure relativement peu de temps, finalement; quand une personne a maintenant
fait dix ou douze ans, c'est à peu près le maximum qu'on peut
imposer à quelqu'un. Évidemment, cela dépend des
circonstances, mais, de façon générale, c'est ce qu'on
remarque actuellement. Il est bien évident, M. le Président,
qu'à partir du moment où un fonds de retraite a été
pensé pour des gens plus âgés qui restaient plus longtemps,
qui gagnaient moins d'argent aussi et qui travaillaient un peu moins et qu'on
applique les mêmes normes, les mêmes critères à des
gens qui sont plus jeunes et qui restent moins longtemps, c'est évident
que les coûts entraînés par le régime sont
conséquents et il faut donc apporter dans ce sens des modifications.
Je termine, M. le Président, en disant que, si on doit apporter
des modifications, il faudrait quand même tenir compte d'un certain
nombre d'éléments qui sont, par exemple, les droits acquis d'un
certain nombre d'entre nous qui siégeons depuis un certain temps
à l'Assemblée nationale, en acceptant de faire des coupures sur
le reste, et aussi en tenant compte d'idées peut-être
différentes de celles qu'on est habitué à discuter
lorsqu'on parle d'un régime de retraite. J'ai déjà fait
des suggestions, M. le Président. Je les ai faites en commission
parlementaire. Je les ai faites en sous-commission. Cela n'apparaît pas
maintenant.
Je demande encore une fois que cette Assemblée nationale, au
moment où elle demandera l'étude de ce projet de loi en
commission parlementaire - je termine avec cette phrase, M. le Président
- que les membres de la commission puissent examiner d'autres modes: par
exemple la possibilité d'un abandon de la pension s'il y avait une
intégration dans la fonction publique du Québec comme emploi.
C'est une chose qui ne coûterait rien et qui amènerait un peu
d'acquis au niveau de la fonction publique, tout en reconnaissant la
possibilité d'un placement privilégié à
l'intérieur de la fonction publique, pour autant que cela corresponde
aux normes de la fonction publique. Il y a une deuxième recommandation
que j'avais faite, c'est-à-dire la possibilité pour un
député de ne pas participer au régime, de décider
lui-même s'il veut ou ne veut pas participer au régime de retraite
et qu'on lui verse un montant d'argent en compensation, s'il ne participe pas.
Autrement dit, c'est l"'opting out" avec une compensation financière, M.
le Président.
M. Vaugeois: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur une question de
règlement, M. le député de
Trois-Rivières.
(17 h 30)
M. Vaugeois: En écoutant le député de
Sainte-Maire, j'essayais de relire le règlement, entre autres l'article
no 70. Comme il a annoncé un amendement pour la commission
parlementaire, je voudrais être certain qu'il est conscient que
peut-être bien que si son amendement modifie substantiellement ce qui est
déjà dans le projet de loi, il ne pourra pas... Je ne voudrais
pas qu'on soit privé de sa proposition.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche.
M. Bisaillon: Juste un instant, M. le Président, sur la
question de règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la question de
règlement, M. le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Oui, sur la question de règlement. J'ai bien
compris, quant à moi, que les amendements que je proposais
n'étaient pas des amendements qui modifient les principes qui sont dans
le projet de loi, de sorte qu'ils sont toujours possibles en commission
parlementaire, et même plus loin, il serait possible aussi, après
la commission parlementaire, d'en faire devant cette Chambre.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre. Pour
l'instant, je crois que, comme le député de Sainte-Marie dit
lui-même qu'en commission parlementaire, cela ne modifie pas les
principes, pour l'instant, je lui laisse la responsabilité de proposer
ses amendements où il le veut. M. le ministre.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, tout d'abord, c'est
beaucoup plus en tant qu'ex-whip que je voudrais situer mon intervention. J'ai
eu la chance pendant au moins trois ans de côtoyer mes collègues
et je sais à quel point certains subissent des frustrations et à
quel point on se sent, à plusieurs moments, comme ne faisant pas partie
intégrante de cette Chambre. Au contraire, plusieurs passent des
remarques comme celles-ci: Nous sommes des machines à voter. Nous avons
de la difficulté en commission parlementaire, lorsque le ministre pilote
une loi, à exprimer nos propres points de vue. Plusieurs nous
disent également: Qu'est-ce que je ferai à l'étude
des crédits, comme député? Étudier
élément par élément, c'est le "show" du critique de
l'Opposition - c'est l'expression qu'on entend - et du ministre
impliqué.
Une voix: C'est cela.
M. Chevrette: Que de fois j'ai entendu ces expressions. Si j'ai
adhéré assez spontanément à cette partie de la loi,
c'est précisément parce qu'on vise à créer des
commissions où les députés eux-mêmes pourront jouer
un rôle concret, où les députés eux-mêmes
pourront questionner l'administration publique, où les
députés eux-mêmes pourront faire des suggestions. On sait
pertinemment que le cadre légal que nous avons devant nous ne fixe pas
le type de commissions; il donne le pouvoir à l'Assemblée
nationale de créer divers types de commissions. Mais je pense que tout
le monde sait bien dans cette Chambre que nous avons l'intention de
créer, par exemple, une commission des finances publiques où tout
parlementaire, de quelque côté de la Chambre qu'il soit, pourra
questionner régulièrement sur les finances publiques.
Nous avons l'intention de créer des commissions d'initiative
parlementaire où un simple député pourra être
à l'origine, pourra présenter lui-même certains projets de
lois en cette Assemblée nationale, et cela m'apparaît
drôlement important. Nous pourrons également, à certaines
commissions, questionner des sociétés d'État, questionner
des régies d'État, qui viendront s'asseoir, qui viendront
expliquer le pourquoi de leurs décisions. On sait fort bien que, dans
notre cadre législatif, il y a des sociétés d'État
qui ont une autonomie fort grande et qui, malheureusement, ne doivent
répondre devant cette Chambre que par l'intermédiaire d'un
ministre tuteur. On pourra, si on crée cette commission publique,
demander à la Ligue des droits de l'homme, par exemple, de venir se
présenter; demander à la Régie des alcools du
Québec de venir s'asseoir devant les parlementaires pour être
questionnée; demander à tout autre groupe qui a une
autorité, une autonomie, en termes de fonctionnement, de venir
répondre de ses faits et gestes devant la commission parlementaire.
Cette partie m'apparaît extrêmement importante pour les
parlementaires et, en particulier, pour ceux du pouvoir. Quel que soit le parti
qui sera au pouvoir, je pense que c'est important que tous les parlementaires
de cette Chambre se sentent un peu revalorisés et puissent exprimer leur
point de vue un peu plus à l'aise, un peu plus dégagés que
dans le cadre dans lequel nous sommes présentement.
Il y a également le Bureau de l'Assemblée nationale...
J'écoutais le député de Sainte-Marie dire tantôt
qu'il serait préférable qu'on élise ici qui on voudra.
Bien sûr, c'est bien évident que dans son cas, c'est la seule
façon pour lui d'être élu. Mais je me demande ce que les
libéraux diraient si on nommait, leurs représentants au Bureau de
l'Assemblée nationale. Est-ce que les libéraux aimeraient qu'on
les leur impose par l'Assemblée nationale, parce que le
côté majoritaire aura toujours raison? Est-ce que la
majorité pourrait sélectionner, dans notre régime
parlementaire, ceux parmi vous qu'on voudrait voir siéger?
M. le député de Jean-Talon, vous auriez des chances, mais
je ne peux pas en dire autant du député de
Mégantic-Compton. Donc, à partir de là, il est
évident que cela présente un danger. Je suis convaincu que dans
le régime de parlementarisme que nous vivons, les formations mêmes
de l'Opposition n'accepteraient pas cela. Quant au député
indépendant, je le comprends. C'est un choix qu'il a fait. On ne peut
pas changer la nature des choses. C'est tout.
Pour ce qui est du quorum de 10%, je suis entièrement d'accord
aussi, pas parce que j'ai été whip, pas parce que c'est difficile
à certains moments de garder des gens dans une Assemblée, mais
combien pourrons-nous avoir de députés intéressés
à travailler à des commissions d'initiative parlementaire? On a
eu un groupe - le député de Sainte-Marie peut en témoigner
-sur la fonction publique, un groupe qui a travaillé passablement; un
autre groupe qui a travaillé à la commission pour la protection
de la jeunesse, dans une commission spécifique, a travaillé
énormément également. Donc, à mon avis, on pourra,
avec un quorum peut-être réduit, permettre à des individus
de s'absenter sur une base régulière pour préparer des
thèses particulières et nous permettre peut-être, comme
Parlement, d'avoir le résultat ou les fruits d'une cogitation, d'un
travail sérieux fait par un groupe de parlementaires qui se seront
donné un objectif précis sur lequel ils étaient
intéressés à travailler. Cela me sourit.
M. le Président, en cette Chambre, on a parlé de la
dignité du Parlement. Cela a été un peu repris et
ridiculisé par notre ami de Sainte-Marie, disant que 80 000 pages, ce
n'était pas digne. Le lieu de cette Chambre, c'est un lieu où
chaque député est libre de s'exprimer. Il peut se lever, il peut
dire ce qu'il veut. On vit dans un régime de parti, c'est un fait. Il y
en a qui préfèrent jouer leur rôle de dissidence à
l'intérieur de leurs structures. Ce doit sûrement être ainsi
à l'intérieur du Parti libéral, comme c'est le cas ici
à l'intérieur de la majorité ministérielle. Il y a
des gens qui ne sont pas d'accord, mais qui le disent à leur caucus,
comme il y a des gens chez nous qui ne sont pas d'accord et qui ne se
gênent pas pour le dire à nos caucus. Ils enregistrent leur
dissidence là. Pour certains, cela s'arrête là. Pour
d'autres, ils préfèrent exprimer leur dissidence d'une
façon plus officielle. Il y en a d'autres qui sentent même le
besoin de nous quitter. C'est leur droit le plus fondamental. On vit dans un
régime démocratique. Je ne vois pas en quoi cette Chambre ne
permet pas à un individu de s'exprimer. Qu'on s'exprime à
l'encontre d'un point de vue ou pour un point de vue, cela n'entache en rien la
dignité de cette Chambre. Quelqu'un peut être contre un point de
vue dans cette Chambre, il n'est pas plus fin pour autant qu'un autre qui est
pour. C'est une question d'évaluation, c'est une question d'orientation
politique. C'est une question purement et simplement de parti pris à un
moment donné pour ou contre un objectif précis ou un geste
précis. Donc, je ne vois pas en quoi on puisse parler d'un manque de
dignité, quelle que soit la décision que nous avons à
prendre.
Quant aux salaires, vous me faites rire un petit peu par vos arguments,
MM. de l'Opposition. Vous me faites sourire. Je vais rester exclusivement au
niveau des échanges globaux que nous avons. On sait très bien
dans le fond qu'il n'y a pas un groupe de salariés au Québec qui
a suivi le rythme d'augmentation des parlementaires. Depuis 1977 jusqu'en 1982,
les augmentations ont été de l'ordre de 37%. De 1977 à
1982, 37% divisé par 5, cela fait 7%. Dans la fonction publique, 70%
d'augmentation, et si on avait suivi la proposition libérale, c'est
quelque 80% d'augmentation qu'on aurait eu. On a mis un terme à cela.
À tous ceux qui pensent que c'est prohibitif les 37% sur cinq ans,
dites-leur que le gouvernement de ce côté-ci est prêt
à proposer cela pour les cinq prochaines années à
n'importe quel groupe de la fonction publique, quels que soient leur
qualité et leur statut. 37% sur cinq ans, voyons! Il y eu de
l'exagération à écouter nos amis d'en face. Faut-il
être hypocrites un tant soit peu pour oser dire cela? Votre propre
proposition, celle de M. Bourassa, pour respecter les termes exacts
exigés par le député de Jean-Talon, nous aurait
donné quelque 80% d'augmentation. On a limité cela à 37%
depuis cinq ans... et c'est trop! C'est trop! (17 h 40)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre!
À l'ordre!
M. Chevrette: Écoutez, qu'est-ce qu'on se dit quand on se
rencontre? On est un groupe de masochistes. Combien de fois ai-je entendu cela
dans mes conversations avec vous autres? On est "toto"! Il y a des
professionnels qui gagnent 55 000 $ et nous sommes encore à 35 000 $. On
travaille 80 heures par semaine et ils travaillent 32 heures et demie ou 35
heures. On se le dit cela, n'est-ce pas, quand on se croise?
Arrêtez donc vos petits discours hypocrites! Écoutez, on
est à 35 000 $! Je connais des gens, dans cette Chambre, des deux
côtés de la Chambre, qui perdent de l'argent. Il y a des gens qui
perdent de l'argent sur le régime de retraite, la
longévité.
Je connais quelqu'un de votre côté qui me disait, je ne
sais pas quand, que la longévité d'un député au
Québec est de 59 ans en moyenne. On a un fonds de retraite applicable
à 60 ans, celle que l'on propose, et on exagère? Mon doux qu'on
exagère! On est à un an de moins que la longévité
normale moyenne des gens du Québec. Voyons! Soyons au moins
raisonnables! Je trouve cela effrayant. On peut bien être masochiste et
dire qu'il faut donner l'exemple, mais va-t-il falloir attendre, et je pose une
question précise... Pardon, M. le Président, j'en fais une
question de règlement et je voudrais que mon temps soit suspendu. Si le
député de Mégantic-Compton continue à
m'interrompre, qu'il aille s'asseoir à sa place, s'il vous plaît.
Je n'ai interrompu personne de leur côté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): II est évident que
quelqu'un qui veut prendre la parole doit être à son siège.
Bien sûr! S'il vous plaît! À l'ordre! M. le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je disais qu'au plan
des salaires on devrait cesser d'être masochiste. Qu'on cesse. Cela n'a
pas de bon sens. On aura dans cette Chambre, d'ici quelques années, si
on continue à faire ce qu'on fait, deux catégories de gens, pas
plus et pas moins. On aura celui qui est millionnaire et qui vient ridiculiser
notre petite augmentation. Je comprends, il vit d'autres intérêts.
Des gens qui sont assis sur 1 000 000 $, qui ont des intérêts qui
entrent à la pochetée, il leur est facile de dire: Qu'est-ce que
vous faites avec vos petits 35 000 $? On n'est pas pour s'augmenter...
Écoutez donc une minute! C'est facile de dire cela. On peut avoir cette
catégorie de gens et on peut avoir aussi une autre catégorie de
gens, complètement à l'inverse. Mais on n'aura peut-être
pas l'image d'une société complète. Je pense qu'il est
important d'y penser. Au-delà de tous nos discours, on se doit de
rechercher une formule, à mon sens, qui permette à quelque
catégorie de citoyens que ce soit, ou bien non nantis ou bien
extrêmement bien nantis, à la classe moyenne et
intermédiaire de siéger dans cette Chambre.
Il y a des gens qui perdent jusqu'à 8000 $, 10 000 $, 15 000 $
pour être député. Vous allez me dire, oui, mais...
J'écoutais le député de Nelligan, il a dit: Oui, mais ils
se représenteraient quand même. Bien sûr! Bien sûr!
Mais on connaît
les responsabilités d'ordre social, on connaît les
responsabilités familiales que nous avons aussi. Dans bien des cas, cela
représente des problèmes extrêmement graves. Si vous n'en
savez pas quelque chose, parlez un peu entre vous.
Personnellement, je suis d'accord avec le gel proposé, mais
j'espère qu'un jour ou l'autre on va cesser cette forme de masochisme,
que nous entretenons collectivement, exclusivement pour des prises de position
politiques partisanes. Je vous rappelle, avant de faire un discours
enflammé d'analyser les échanges que nous avons.
Pour conclure, de part et d'autre - je ne me gênerai pas pour le
dire - comment peut-on purement et simplement, pour des motifs partisans,
à l'occasion, faire en sorte que le citoyen ordinaire n'ait même
plus un intérêt à se présenter comme
député parce qu'il y va d'une perte de traitement? Mais si
c'était exclusivement une perte de traitementl De plus, si vous faisiez
le calcul horaire, ce serait un déficit épouvantable, vous le
savez. Pour un simple enseignant, à quelque seize périodes par
semaine, cela donnerait 34 800 $. Pour un député, c'est 35 096 $
pour 80 heures de travail en moyenne. Cela aussi s'évalue pour un
peuple. Je n'ai jamais eu honte, personnellement, de dire ce que je gagnais
comme député, comme adjoint parlementaire, comme whip ou comme
ministre. Je n'ai jamais eu honte de dire ce que je gagnais. J'espère
que n'importe qui en cette Chambre n'a pas honte de le dire, compte tenu de la
somme de travail exigée. On n'est plus à l'heure où les
députés pouvaient mener conjointement deux ouvrages: celui de
député et celui de faire du bureau d'avocat ou du bureau de
médecin. On n'est plus à cette heure. On exige maintenant des
députés de l'Assemblée nationale, de quelque
côté qu'ils soient, beaucoup et de plus en plus. On exige de nous
d'être présents non seulement durant la semaine, mais de
réaliser toute cette dimension sociale de nos programmes de fin de
semaine que vous savez tous.
Je pense que nous avons fait des efforts, en 1977, en gelant nos
salaires. Nous avons fait des efforts en les augmentant de 6% alors qu'il y
avait des propositions. C'est vrai que c'était basé sur un
rapport neutre. C'est vrai que cela aurait peut-être pu régler
tous les problèmes, à l'époque, si on avait
continué à les laisser progresser, conformément au rapport
Bonenfant. On serait rendu à 43 000 $, je pense, alors que le salaire de
base d'un député est de 35 000 $. Quand les gens nous disent:
Oui, mais vous avez des choses de payées. Oui, 7500 $. Il faudrait
peut-être les démystifier. 7500 $, non imposables. Combien cela
vous coûte-t-il, vous de l'Opposition, si vous avez autant de
représentation qu'on en a? Depuis quand cela n'a-t-il pas
été indexé? Vous le savez. Arrêtons d'être
masochistes.
N'essayons pas de donner à la population l'image qu'on veut se
graisser ici. C'est faux. Au contraire, s'il y a un Parlement où,
à toutes fins utiles, on a posé des gestes pour diminuer
concrètement et régulièrement le pouvoir d'achat, c'est
bien le Parlement de Québec où on a même, je pense, une
perte de 25% de notre pouvoir d'achat au cours des cinq dernières
années. Il n'y a pas un groupe syndiqué au Québec, il n'y
a pas un groupe de salariés au Québec qui a subi cette baisse
graduelle de son pouvoir d'achat. De grâce, cessons les hypocrisies.
Rallions-nous donc à une formule qui tienne compte de la conjoncture.
Acceptons un gel, oui, mais ne soyons pas masochistes au point qu'il y aura des
répercussions sur la qualité même des hommes et des femmes
qui entreront dans cette Chambre plus tard. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Viger.
M. Cosmo Maciocia
M. Maciocia: Merci, M. le Président. Je prends la parole
à 17 h 50 et la Chambre suspend ses travaux à 18 heures. Je vais
profiter de ces dix minutes seulement pour répondre à certaines
questions que le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche vient de
poser ici, à l'ensemble de l'Assemblée nationale.
On n'est pas sans savoir que la semaine dernière, dans à
peine quelques heures, l'Assemblée nationale a dû adopter le
projet de loi no 105, le projet de loi pour couper les salaires des
travailleurs et des travailleuses dans les secteurs public et parapublic.
Aujourd'hui, à quelques heures à peine de ce débat, qui a
été tellement orageux ici, à l'Assemblée nationale,
le gouvernement actuel nous propose le projet de loi no 90, projet de loi dans
lequel on retrouve une augmentation de salaire pour les députés.
Il faut se rappeler des choses.
Le 15 novembre 1981, en cette Chambre, au-delà de 50
députés sont devenus admissibles à un régime de
pension du gouvernement du Québec. Deux jours après, deux jours
seulement après, on a eu droit, si vous vous le rappelez bien, au projet
de loi no 39. On a eu droit, pour la première fois dans l'histoire du
Québec, à un deuxième budget financier. M. le
Président, vous vous rappelez sans doute que, par ce deuxième
budget qui, comme je le disais, a été présenté pour
la première fois dans l'histoire du Québec, le gouvernement
actuel et le ministre des Finances en particulier allaient chercher dans les
poches des contribuables au-delà de 1 200 000 000 $. (17 h 50)
Vous vous rappellerez aussi le projet de loi no 39 dans lequel il y
avait une augmentation de la taxe sur l'essence de 100%. Vous vous rappellerez
aussi le projet de loi no 16 qu'on a dû adopter l'année
dernière et par lequel Hydro-Québec devenait une
société du gouvernement et non plus une société du
peuple québécois; on a eu droit à une augmentation de 16%
sur l'électricité par la même occasion. Comme je le disais,
au même moment où on allait chercher dans la poche des
contribuables québécois 1 200 000 000 $, ici, je ne dirai pas
qu'on s'est voté, mais on était admissible au même moment
à une pension qui coûtait aux contribuables
québécois au-delà de 600 000 $ ou 700 000 $ par
année.
Le projet de loi no 90 n'a aucun bon sens dans la situation actuelle. Il
faut dire que le projet de loi ne contient pas seulement une augmentation de
salaire de 6%. C'est vrai, c'est seulement à partir du 1er avril et non
pas du 1er janvier, mais ça veut dire quoi? C'est une augmentation quand
même. Le député de Taschereau, dans son intervention, nous
disait: Voyons, il n'y a pas d'augmentation dans le projet de loi no 90! S'il
restait tel qu'il l'est actuellement, il y aurait une augmentation à
partir du 1er janvier, mais, avec le projet de loi no 90, il n'y a pas
d'augmentation. C'est fauxl II y a une augmentation, elle n'est que
retardée du 1er janvier au 1er avril 1983.
M. Guay: M. le Président, question de
privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le député de Taschereau et leader adjoint du
gouvernement.
M. Guay: Je n'ai pas d'objection à ce que le
député développe l'argumentation qu'il veuille, mais,
attention, il a dit que ce que j'avais dit était faux et ensuite il a
confirmé ce que j'avais dit. Il faudrait qu'il se fasse une idée.
Ou bien c'est faux, ou bien c'est vrai. Comme il dit que c'est faux et qu'il
confirme par la suite, il y a une certaine incohérence.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Viger.
M. Maciocia: Je dirai quelle hypocrisie, quelle
irresponsabilité et quel manque de transparence de la part de ce
gouvernement. Comme je le disais, c'est vrai que l'augmentation de 6%
débute le 1er avril 1983. Au moment qu'on demande aux citoyens du
Québec, au moment qu'on demande à 325 000 employés des
secteurs public et parapublic de donner au gouvernement un montant de leurs
salaires, je considère que c'est inconcevable, irresponsable de la part
de nous tous ici à l'Assemblée nationale de se voter une
augmentation de salaire de 6%.
Retournons aussi au régime de retraite. Ces gens qui se disent
purs, ces gens se sont fait élire sur la pureté, c'étaient
les seuls qui connaissaient la vérité, les seuls qui
défendaient la population du Québec. Vous vous rappelez sans
doute qu'ils ont parlé de ce régime de retraite. Cela fait 18, 19
mois qu'on siège ici, cela fait 18, 19 mois que j'entends parler de cela
qu'il fallait couper dans les régimes de retraite. Pourquoi cela
n'a-t-il pas été fait avant? Quelles sont les raisons qui ont
poussé ce gouvernement à ne pas agir avant? Pourtant tout le
monde le sait que la crise économique, la crise financière du
Québec était encore pire en 1981 qu'en 1982. À ce moment,
on a vu par toutes sortes de taxes déguisées pénaliser la
population du Québec, mais on n'a jamais eu le courage de poser le geste
de geler ou disons de couper le régime de retraite des
députés à l'Assemblée nationale.
Pourquoi? Je me suis posé cette question: Est-ce qu'ils sont
vraiment des purs? La réponse est venue tout de suite après. Ils
ont attendu le 15 novembre 1981 pour en parler encore un peu plus fort et, pour
ne pas, deux semaines après le 15 novembre, couper ou sabrer dans le
régime de retraite des députés, ils ont attendu encore un
an avant de proposer un projet de loi qui coupe et qui, à toutes fins
utiles, élimine le régime de retraite des députés
à l'Assemblée nationale. À partir du 15 avril 1981,
au-delà de 50 députés ministériels, au-delà
de 50 députés péquistes sont devenus admissibles au
régime de retraite du gouvernement du Québec. Est-ce cela, la
pureté? Est-ce comme cela qu'on dit aux gens, à la population du
Québec: On est dans une situation désastreuse, il faut qu'on
coupe et il faut se serrer la ceinture?
M. le Président, ils ont arrangé leurs petites affaires
avant, leur bonheur pour demain matin ou le lendemain. Il faut dire, en toute
sincérité, qu'à la prochaine élection
générale il n'y en aura pas beaucoup, du côté
ministériel, de ces députés qui seront
réélus. Ils ont arrangé leurs petites affaires et on en a
eu la confirmation dans un document qui nous est tombé dans les mains
datant du 25 mai 1981. Le cabinet du premier ministre avait déjà
demandé, au lendemain de l'élection, de voir qui était
admissible au régime de retraite et quel était le montant de la
pension de chacun des députés du côté
ministériel. Cela c'est vraiment dire à la population du
Québec: Nous passons avant tout et on veut absolument que nos affaires
soient réglées avant celles qui sont dans l'intérêt
de la population du Québec.
M. le Président, il ne faut pas oublier non plus qu'en 1974,
quand le gouvernement
du Parti libéral du temps avait proposé, sur la
recommandation d'un comité complètement indépendant,
d'augmenter le salaire des députés, on avait eu droit à
des remarques de la part du côté ministériel, et je cite:
"Nous donnons le mauvais exemple à la population". On viendra ensuite
dire aux Québécois: Serrez-vous la ceinture. Quelle honte de ne
pas tenir compte des besoins de nos concitoyens et d'être les premiers
à nous servir à même les fonds dont nous avons la gardei Si
nous étions des fiduciaires de l'entreprise privée, si nous
avions la garde des fonds privés, on nous appellerait des dilapidateurs.
Il y a des peines prévues pour cela dans la loi.
Ce sont ces gens qui disaient cela en 1974. Et pourtant, le contexte
économique et la situation économique du Québec
étaient de beaucoup meilleurs que ce qu'on vit actuellement en 1982.
À part l'augmentation visible de 6% à laquelle on a droit
en vertu de cette loi no 90, il ne faut pas oublier une autre chose, parce que
ces gens sont des spécialistes des taxes déguisées et des
revenus déguisés. On a vu à un certain moment qu'à
part la question salariale, comme je le disais, on a droit actuellement...
Qu'est-ce qu'on a à l'Assemblée nationale du Québec? On a
27 ministres. Avec l'ancienne loi, on avait droit seulement à 12
adjoints parlementaires. Actuellement, avec le projet de loi no 90, au lieu de
12, le gouvernement en place peut nommer 27 adjoints parlementaires. Cela veut
dire 15 adjoints parlementaires de plus qui coûtent 7000 $ chacun par
année...
Une voix: Ah! C'est épouvantable!
M. Maciocia: M. le Président, ce n'est plus 6%
d'augmentation de salaire, mais il faut dire que c'est 26%, 27% ou 28%
d'augmentation de salaire. Demain matin, au lendemain de l'adoption du projet
de loi, ce gouvernement peut nommer 15 autres adjoints parlementaires.
Une voix: C'est épouvantable!
M. Maciocia: Nous ne pourrons absolument rien dire parce que le
projet de loi le prévoit. C'est inutile que le côté
ministériel vienne nous garantir de ne pas le faire en disant: Mais non!
On ne le fera pas, c'est seulement en cas... Vous savez, on connaît la
façon d'agir de ce gouvernement.
Vous me faites signe qu'il est 18 heures, M. le Président, et
qu'il faut suspendre. Je demande, si vous voulez, la suspension des
débats jusqu'à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Vous demandez la
suspension des débats, M. le député de Viger. Nos travaux
sont supendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 01)
(Reprise de la séance à 20 h 03)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Vous pouvez vous asseoir.
La parole est au député de Viger. Il lui reste neuf
minutes.
M. le député de Viger.
M. Maciocia: Merci, M. le Président. Comme je le disais
avant la suspension à 18 heures, ces gens sont des spécialistes
des taxes déguisées et des spécialistes du salaire
déguisé. Je disais tantôt que, dans le projet de loi no 90,
à l'article 25, au lieu de douze adjoints parlementaires, il y a dans ce
projet de loi, la possibilité d'aller jusqu'à 27 adjoints
parlementaires. Je disais aussi que chaque adjoint reçoit un salaire de
7000 $ de plus que le salaire des députés.
M. le Président, ce n'est pas seulement 6%, comme je le disais
tantôt, mais c'est 26%, 27% ou 28% d'augmentation de salaire à
laquelle auront droit ces gens qui seront nommés adjoints
parlementaires. On a fait le petit calcul suivant: parmi les
députés ministériels qui sont de l'autre
côté, qui sont 75 actuellement ici à l'Assemblée
nationale, avec le projet de loi no 90, il y en aura 68 qui auront droit
à des cadeaux supplémentaires, de petits cadeaux, des cadeaux
déguisés, de l'argent déguisé, de 7000 $, de 4000 $
et d'autre argent d'autre manière. Après cela, ils ont le
courage, pour ne pas dire le culot, d'aller chercher dans les poches des
travailleurs et travailleuses des secteurs public et parapublic un pourcentage
de leur salaire avec la dernière loi 105.
M. le Président, avec le projet de loi no 90, il y a 27
ministres, 27 adjoints parlementaires, 7 présidents de commission, un
président de l'Assemblée, deux vice-présidents de
l'Assemblée, un leader parlementaire adjoint, un whip en chef, trois
whips adjoints, pour un total de 69 personnes sur 75. Cela veut dire qu'il y a
69 personnes, du côté ministériel, sur 75, qui ont un
salaire supplémentaire au salaire de député.
M. Bertrand: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Un instant, M. le
député de Viger. M. le leader a une question en vertu de
l'article 100. Est-ce que le député de Viger accepterait une
question de la part du leader?
M. Maciocia: M. le Président, je vais terminer mon
discours avant. Vous le savez très bien, c'est la deuxième fois
dans mon discours que ces gens d'en face, que j'appellerai, comme le
député de Maskinongé les a appelés, des hypocrites,
je vais attendre...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît, M.
le député! M. le leader.
M. Bertrand: M. le Président, est-ce que j'ai
été respectueux du règlement en me levant et en demandant
de me prévaloir de l'article 100?
Le Vice-Président (M. Jolivet): Effectivement, mais M. le
député de Viger, peut continuer puisqu'il a demandé
à continuer son intervention jusqu'à la fin.
M. Maciocia: Merci beaucoup, M. le Président, d'avoir dit
au leader du gouvernement qu'il y a d'autres moyens pour poser des
questions.
Je disais que ces gens-là sont tellement hypocrites, tellement
masochistes...
Une voix: C'est vrai!
M. Maciocia:... que le 15 novembre 1981, comme je le disais, ils
ont soutiré de la poche des contribuables québécois
au-delà de 500 000 $ parce qu'ils ont eu droit au régime de
retraite après cinq ans ou deux mandats. Comment voulez-vous que la
population du Québec ait plus confiance en ces gens-là
actuellement? Eux qui se disaient purs, eux qui se sont fait élire sous
de fausses représentations? Aujourd'hui on a droit à des cadeaux
de Noël. On dit à la population: Non, mais c'est ça, on a
augmenté seulement de 37% pendant six ans.
Imaginez-vous quelle hypocrisiel Ils arrivent avec une augmentation de
6% quand les autres employés des secteurs public et parapublic ont eu
droit à une diminution de salaire. Ils arrivent avec des augmentations
détournées. Un adjoint parlementaire aura 20% de plus en salaire
qu'un député. Vous avez droit à 27 adjoints. Il y en a 12,
mais selon le projet de loi vous avez droit à 27, ce qui veut dire 15 de
plus. C'est ça l'hypocrisie, c'est ça la
malhonnêteté, la transparence de ce gouvernement.
Je disais tantôt au député de Joliette -quand il a
fait son discours - que c'est lui spécialement qui a
bénéficié de cela pendant je ne sais combien
d'années, des cadeaux qu'on appelle des cadeaux déguisés,
de l'argent déguisé, de la part de la population du
Québec. Il se permet lui-même aujourd'hui de dire: Qu'est-ce que
c'est 6%? Dans le contexte économique actuel, c'est beaucoup, c'est
trop. Ce ne sont pas seulement les 6%, mais ce sont toutes les autres choses
qui sont rattachées à ça.
Je répète encore ce que mes collègues du Parti
libéral ont demandé et redemandent encore fermement à ces
députés, au gouvernement du Parti québécois,
à ces gens d'en face, comme on les appelle. On demande d'apporter quatre
amendements à ce projet de loi. Le premier, que le nombre d'adjoints
parlementaires demeure à 12 au lieu de 27. Deuxièmement, le gel
des salaires jusqu'au 31 décembre 1983. C'est là qu'on
démontrera vraiment si on a le courage de se priver de la même
façon qu'on a privé d'autres citoyens du Québec de leur
droit de vivre et de vivre convenablement. (20 h 10)
Également, on demande le retrait de l'article prévoyant
une indexation à compter du 1er janvier 1984. Il faut retirer cet
article. On discutera de cette indexation le 1er janvier 1984 ou en
décembre 1983 pour voir si la situation économique est
différente, si on doit vraiment indexer les salaires des
députés. Comme je le disais tantôt, ce gouvernement, s'il a
vraiment un minimum de conscience, un minimum de bon sens, un minimum de
respect envers la population du Québec, devrait consentir à ces
amendements. Il devrait dire: On va se priver et se serrer la ceinture de la
même façon que les citoyens du Québec et les travailleurs
des secteurs public et parapublic seront obligés de le faire durant les
trois premiers mois de la prochaine année. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader, est-ce que
votre question est toujours appropriée? Il reste deux minutes à
l'intervention du député de Viger. Sinon, je reconnaîtrai
un autre intervenant.
Une voix: Un autre meilleur.
Le Vice-Président (M. Jolivet): D'accord. Qui veut parler
sur la deuxième...
Des voix: Ah!
M. Picotte: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Maskinongé et whip adjoint de l'Opposition.
Une voix: Lui, il est bon. Des voix: Bravo!
M. Picotte: Je vais être obligé de parler plus vite
que je pensais.
Une voix: Félicitations pour votre programme.
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Picotte: Merci, M. le Président.
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous
plaît! La meilleure façon d'avoir un discours calme, c'est
de ne pas provoquer. M. le député de Maskinongé.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci, M. le Président. J'aimerais vous dire,
au début de cette intervention, que, selon plusieurs, le
député de Vanier et leader parlementaire du gouvernement s'est
mis les pieds dans les plats lorsqu'il a présenté ce projet de
loi no 90. Je ne suis pas tout à fait de cet avis, je prétends
plutôt qu'il s'est trouvé un plat pour se mettre les pieds
lui-même dedans. Ce n'est pas parce que les principes émis dans
cette loi ne font pas l'objet de discussions intéressantes, loin de
là, c'est simplement parce que j'estime que le député de
Vanier aurait dû normalement, tel que l'a demandé notre
collègue le leader de l'Opposition, scinder ce projet de loi en deux
pour permettre aux parlementaires de se prononcer différemment à
la fois sur l'histoire des pensions, sur l'histoire des salaires et sur la
réforme parlementaire. Les trois points que nous avons à traiter
présentement sont importants. Je vais souscrire amplement à
plusieurs discours des gens d'en face et de ce côté-ci. Je vais
souscrire à la comparaison que l'on fait du salaire du
député et du travail qu'il a à effectuer, ses nombreuses
heures de travail. Tout le monde dans cette Chambre sera d'accord pour dire que
chacun des députés fait le maximum et fait son devoir, qu'il soit
d'un côté ou de l'autre de la Chambre. Chacun fait son devoir au
meilleur de sa connaissance et chacun essaie d'y accorder le nombre d'heures
nécessaires pour rendre service à ses commettants, à ses
électeurs.
Ce que j'aimerais faire remarquer aux gens d'en face - ils en
conviendront eux-mêmes - c'est ceci. Je ne rappellerai pas les discours
d'avant 1976, je pense bien que tout le monde dans cette Chambre en a entendu
parler. J'ai entendu des citations des gens du gouvernement, mes
collègues en ont cité des passages abondamment. En 1974, lorsque,
unanimement, les députés ont décidé de confier
à un comité indépendant le soin d'étudier la
question des salaires des députés - c'était unanime en
cette Chambre - tous conviendront que par partisanerie politique il y a des
gens qui, en face, ont simplement mal fait leur devoir, ont simplement
décidé de faire de cette question importante une question
politique. C'est sûr et certain, qu'on soit d'un côté de la
Chambre ou de l'autre, qu'il y a une tentation pour chacun des
députés de cette Chambre d'en faire une question politique. Mais
est-ce que les gens qui sont en face réalisent que, si nous vivons la
situation actuelle au moment où on se parle, c'est leur faute à
eux. Est-ce que les gens réalisent cela? Je pense que ce n'est pas
charrier pour personne de ce côté-ci de dire que, avec les savants
tableaux que nous a présentés le leader du gouvernement et qu'a
repris le leader adjoint, si cet écart des salaires existe, cela
dépend uniquement des gens d'en face et de tous les gens d'en face.
Je vais vous expliquer pourquoi. Premièrement, les six
péquistes qui étaient ici ont été des
irresponsables, en 1974, alors qu'ils ont eux-mêmes accepté le
principe. Il fallait que ce soit étudié par un comité
indépendant, ce qui fut fait. Ce qui fut présenté par le
leader du gouvernement, à ce moment, le chef intérimaire actuel
du Parti libéral, M. Gérard D. Levesque, c'était en
deça de ce que proposait aux parlementaires un comité
indépendant des politiciens, le comité Bonenfant, et c'est cela
qui s'est passé. La première erreur s'est commise là, par
partisanerie politique, en 1974. La deuxième erreur, quand on dit et
qu'on parle de l'écart qui existe présentement dans les salaires,
savez-vous ce que cela veut dire? Qui a décidé tout simplement
toujours par partisanerie, toujours pour se faire une belle jambe politique
face à la population, qui a décidé en 1977-1978 de changer
cette loi? C'est toujours le gouvernement actuel.
Pourtant, à ce moment, il n'y avait pas de crise, car le ministre
des Finances se plaît à nous répéter qu'il ne
pouvait pas prévoir ces trous, comme il ne pouvait pas prévoir
cette crise. Donc, qu'on ne vienne pas nous dire aujourd'hui qu'on pouvait
prévoir une crise et que déjà on commençait
à vouloir freiner les salaires des députés. Non, tout
simplement, encore une fois dans ce parti, par souci de la communication, par
souci de plaire au public, on n'a pas regardé de façon
responsable ce qui allait être la situation des salaires des
députés en 1980 ou en 1982. On a dit: Si on modifiait cette loi,
le monde, le public, les gens du Québec trouveraient que nous sommes des
parlementaires hors pair. Ils trouveraient qu'on a voulu tout simplement faire
de cette question l'idée d'une bonne administration de ce
gouvernement.
Évidemment, c'est sûr qu'on ne pouvait pas prévoir
qu'en 1982 l'administration du gouvernement allait être pleine de trous,
que l'administration du gouvernement allait être déficitaire de
beaucoup plus que prévu, mais on a dit: Le souci d'un bon gouvernement
est déjà... Et regardez, on modifie le salaire des
députés en 1977 et en 1978. Il ne faudrait pas aujourd'hui,
mesdames et messieurs - je le regrette et je vous le dis bien sereinement - que
vous fassiez ce que vous nous faites présentement comme gadget en face
de nous et que vous disiez à la population: Si on se compare aux
députés fédéraux... Mais oui, si on se compare aux
députés libéraux! Si vous aviez laissé filer la loi
comme elle était, vous seriez arrivés au même niveau, et de
consentement mutuel,
parce que c'était tout simplement un comité
indépendant des politiciens. Personne aujourd'hui ne serait
blâmé.
Les raisons que vous invoquez à savoir que notre salaire, qui, je
vous l'accorde, ne correspond pas à la tâche que chacun, sans
exception, fait, en cette Chambre, ne serait pas aujourd'hui ce qu'il est...
Si, par souci politique, par souci de communication, pour tâcher de faire
ce qu'on appelle les "smarts" devant la population, si vous n'aviez pas fait
cela, messieurs, vous ne seriez pas obligés de faire des comparaisons
et, aujourd'hui, vos plaintes à savoir qu'il y a des gens qui ne
viendront pas en politique, des gens de valeur, à cause du salaire,
seraient justifiées. (20 h 20)
C'est vous qui avez amené le Parlement dans ce cul-de-sac. C'est
vous qui avez amené les parlementaires au salaire qu'ils ont
présentement. Que se passe-t-il maintenant? Pourquoi nous, de
l'Opposition, vous disons-nous, tout en étant d'accord que le
député est mal payé... Que vous disons-nous,
présentement? Vous avez dit dernièrement, il n'y a pas tellement
longtemps, la semaine dernière, lors de l'adoption de la loi 105, et
vous l'avez dit à qui voulait l'entendre - on voit les ministres
présentement qui se lèvent en Chambre pour nous informer - qu'il
y aura des coupures l'année prochaine dans le prochain budget dans
plusieurs domaines. On fait des coupures dans les hôpitaux et vous nous
dites: On n'a plus d'argent. Si, messieurs - et c'est regrettable de vous dire
cela - on n'a plus d'argent pour les secteurs public et parapublic, si on n'a
plus d'argent pour garder certaines lois dans les hôpitaux ou certains
avantages aux employés et certains services dans les hôpitaux ou
dans le domaine de l'éducation; si on n'a plus d'argent pour cela, ne
serait-ce que les 100 000 $ ou les 150 000 $ que cela coûte à
l'État, décemment, on n'a plus d'argent non plus pour les
salaires des députés du Québec. C'est aussi simple que
cela.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Picotte: C'est cela que j'ai dit. Le principe est le suivant:
On ne dit pas qu'on est surpayé, au contraire, on dit qu'on ne l'est pas
assez. Là-dessus, on est tous d'accord, mais, quand il ne reste plus
d'argent, il n'en reste plus et pour les députés du Québec
et pour tout le monde du Québec. Il n'en reste plus d'argent. C'est ce
principe qu'il faut que les gens d'en face comprennent. C'est ce principe qu'il
faut défendre et c'est ce principe que, malheureusement, on est
appelé à discuter en même temps que la réforme
parlementaire.
C'est dans ce domaine que je trouve que le député de
Vanier n'a pas été correct. Ce serait bien plus facile encore
d'adopter des lois, s'il acceptait de scinder ces deux lois, cela serait
adopté probablement beaucoup plus facilement que ce n'est parti pour
être fait présentement, d'ici à la fin de la session. Si on
le scindait, on pourrait parler de la réforme parlementaire, sur
laquelle tout le monde est d'accord. Je rends hommage à mon
collègue de Trois-Rivières qui est de ma région, qui a
fait de l'excellent travail là-dedans. Je l'écoutais hier soir,
il a dit de grandes vérités. On a été sur la
même longueur d'onde que lui dans bien des domaines; il y a trop de
règlements et trop de choses qui font en sorte que le citoyen est
lésé aujourd'hui. Le principe, c'est cela.
Je regrette, mais si aujourd'hui vous avez à faire une bataille
là-dessus, si aujourd'hui, c'est pénible - et je sais que c'est
pénible - pour un gouvernement de présenter un projet de loi
semblable - cela prend beaucoup de courage et cela prend aussi du culot, je
dois le dire - il faut beaucoup de courage pour défendre un tel projet
de loi. J'ai beaucoup d'estime pour ceux d'en face qui se lèvent et
disent que c'est bien mérité, mais le principe, messieurs, ne le
perdez pas de vue. Il n'y a plus d'argent dans le fond du tonneau et, quand il
n'y en a plus, il n'y en a plus pour personne. C'est cela qu'il faut
comprendre.
On a aussi à discuter du régime de retraite. Je pense bien
qu'on s'entendra assez rapidement sur cette question de régime de
retraite, mais, encore là, il ne faudrait pas être des
démagogues. Il faudrait se rappeler que, lorsque le régime de
retraite a été mis en vigueur dans ce Parlement, c'était
une pension... J'en ai connu plusieurs parlementaires à la retraite,
évidemment avant les derniers qui sont arrivés à la
retraite. J'en ai connu plusieurs parlementaires élus en 1960, 1962,
1966 qui sont à la retraite et qui ont été obligés
de travailler pour l'État, parce qu'ils n'étaient pas capables de
manger trois fois par jour avec leur pension de député. Pourquoi?
Parce que le salaire des députés était minime dans ce
temps.
Il ne faudrait pas charrier et dire: C'est épouvantable ce que
les autres gouvernements nous ont légué comme régime de
retraite. Vous le savez très bien. S'il y a des gens qui peuvent le
comprendre dans cette Chambre, c'est bien le député de Vanier et
le député d'Anjou, dont les pères ont été
premiers ministres du Québec et à qui j'en profite pour rendre un
hommage en passant. S'il y a des gens qui peuvent comprendre que le
système de pension était loin d'être exagéré
il y a dix ans, ce sont bien ces députés, parce que le salaire du
politicien était minable à ce moment et qu'en plus de cela il y
avait une pension qui n'en valait à peu près pas la peine quand
on prenait sa retraite. On en conviendra, tout le
monde. Il y a une autre chose, c'est que l'âge moyen des
députés qui sont élus à cette Assemblée a
beaucoup changé depuis une décennie. En 1965, en 1966, on venait
à l'Assemblée nationale du Québec, et la moyenne
d'âge était beaucoup plus élevée. Depuis une
décennie, la moyenne d'âge est beaucoup plus basse. Je comprends,
le député de Terrebonne n'est peut-être pas d'accord avec
cela, il a été élu un petit peu plus âgé,
mais il y en a d'autres dans son parti, je pense à d'autres
députés...
Vous conviendrez tout le monde - je pense bien que vous allez me donner
raison là-dessus - que depuis une décennie il y a beaucoup plus
de jeunes députés qui se font élire à
l'Assemblée nationale. Il est exact que des cas comme M. Claude Charron,
par exemple, il y a quinze ans, on n'en avait pas. Aujourd'hui, M. Charron a
quitté la politique avec une pension qu'il a payée, qu'il a
méritée. Je suis heureux qu'il l'ait à part cela, je dois
vous dire cela en passant, c'est un droit acquis, je suis heureux qu'il l'ait.
On sait très bien que cela va peut-être prendre quelque temps
avant qu'il puisse se replacer et trouver un autre emploi. Il y a des
libéraux aussi. Il y a des unionistes et il y a des péquistes
aussi. C'est ce que vous voulez savoir et c'est ce que je dis. Vous devriez
être capables de comprendre cela. Vous comprenez assez bien la langue
française pour savoir que c'est ce que cela veut dire. Il y a des
députés de tous les partis politiques. C'est bien
mérité, c'est à eux et cela leur appartient.
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre:
M. Picotte: M. le Président, ce que je veux vous dire par
là, c'est qu'avec cette décennie passée, avec ce groupe de
parlementaires qui peuvent en bénéficier plus jeunes, avec les
salaires qui ont drôlement fait un bond depuis une dizaine
d'années... Je me souviens quand j'ai été élu, je
pense qu'on avait 16 000 $ ou 17 000 $ par année. On en est maintenant
rendu à 35 000 $ à peu près, le double, en l'espace d'une
dizaine d'années tout au plus. C'est sûr que la pension, à
ce moment, a considérablement augmenté. Donc, tout le monde dans
cette Chambre est d'accord pour dire que le régime de retraite, à
cause de ces facteurs, est beaucoup trop élevé. On est d'accord
tout le monde. Si le bill était scindé, cela se ferait encore
rapidement, parce qu'on est d'accord qu'il faut freiner cela, qu'il faut
diminuer cela parce que cela coûte cher à l'État. Il faut
que cela prenne plus de temps pour obtenir. On est aussi d'accord avec cela.
C'est un autre point important.
Il y a aussi un troisième point où on est encore plus
d'accord que vous autres, c'est le point de la réforme parlementaire.
C'est sûr qu'il y a des choses qui accrochent. On en a fait part dans des
commissions, à quelques endroits. On a parlé de quorum, on peut
se poser des questions sur le quorum. Quand on compare le quorum avec Ottawa,
je pense qu'il faudrait faire aussi une comparaison de distance.
À part le député d'Ungava et quelques autres
députés, je pense que la distance est beaucoup moindre pour nous
de venir siéger à Québec que cela peut l'être d'un
côté à l'autre du pays, quand on parle du
fédéral. On trouve peut-être que le quorum n'est pas assez
élevé, ce sont quand même des détails qu'on peut
facilement discuter.
Il y a aussi un point sur lequel on pourrait s'entendre. Avec les
adjoints parlementaires que vous aurez le droit de nommer, c'est sûr que
cela permettra à des gars d'augmenter leur salaire par en
arrière, sans être obligés de passer par la loi. On aura
une augmentation de salaire par la porte d'en arrière. On trouve
ça trop nombreux. Il y aurait peut-être encore moyen de discuter
ça intelligemment de part et d'autre de cette Chambre, M. le
Président. Je pense que c'est tout ça qu'il faut
évaluer.
Vous me permettrez de vous dire ceci en terminant: N'oubliez jamais que
la situation que nous sommes appelés à débattre
aujourd'hui, qui est odieuse envers la population à cause de la loi 105,
que vous venez d'adopter, et de la loi 70 qui, à notre avis, est
indécente, parce que, dans le fond du baril, il ne reste plus d'argent,
c'est vous-mêmes qui l'avez provoquée et j'espère que vous
n'en voudrez à personne, s'il y en a parmi vous qui n'ont pas le
goût de voter de la même façon que vous autres, en vous
rappelant que, si vous n'aviez pas fait de basse partisanerie politique en 1974
et que si vous n'aviez pas voulu montrer à la population un emballage
spécial en 1976 et en 1977 en changeant cette loi, vous ne vous
retrouveriez pas dans cette situation aujourd'hui, et c'est tant pis pour vous
autres et pour nous autres aussi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Frontenac.
M. Gilles Grégoire M. Grégoire: M. le
Président
Une voix: Emmenez-en des constitutions!
Le Vice-Président (M. Jolivet): S'il vous plaît! De
la même façon que j'ai demandé qu'on respecte le
député de Maskinongé, je demande qu'on respecte le
député de Frontenac.
M. le député de Frontenac.
M. Grégoire: II y a 24 heures que j'écoute les
députés de l'Opposition sur le projet de loi no 90, qui traite de
la réforme parlementaire, de la réforme du régime de
retraite et de l'indexation des salaires et je me demande encore, après
24 heures, s'ils sont pour ou contre ce projet de loi en deuxième
lecture.
C'est vrai que ça prend un tour de force pour être en
mesure de parler sur un projet de loi pendant 24 heures et qu'ensuite, personne
ne sache si celui ou celle qui parle est pour ou contre: 24 heures de discours
de la part de l'Opposition et personne n'a pu deviner. Êtes-vous pour ou
contre? On ne le sait pas.
Mme Juneau: On ne le sait pas.
M. Grégoire: Cela veut dire parler sans rien dire. En
fait, je voudrais savoir, j'aimerais que vous nous disiez si vous êtes
pour ou contre le projet de loi en deuxième lecture. Vous ne l'avez pas
dit.
Une voix: Ils ne l'ont pas encore lu!
M. Gérgoire: On dit: On voudrait scinder le projet de loi
en deux. Tout bon parlementaire sait fort bien qu'immédiatement
après la deuxième lecture, le projet de loi s'en va en commission
parlementaire et là, il n'est pas scindé en deux, il est
scindé autant de fois qu'il y a d'articles dans le projet de loi. Chaque
article est étudié séparément. C'est en commission
parlementaire que c'est scindé. À ce moment-là, vous
pourrez faire le travail le plus sérieux que vous voudrez, article par
article. De l'article qui traite de la réforme parlementaire, vous
pourrez dire: Nous sommes pour, et voter pour. De l'article qui traite du
régime de retraite, vous pourrez dire: Nous sommes pour; nous allons
voter pour. De l'article qui traite de l'augmentation des salaires, vous
pourrez dire: Nous sommes contre; nous voterons contre. Ce sera scindé
à ce moment-là. Mais, à l'heure actuelle, vous ne le dites
pas.
Savez-vous pourquoi? Je pense que vous avez la tentation de voter contre
le projet de loi. Parce que si vous votez contre, qu'est-ce que cela veut dire?
Cela veut dire que vous votez contre la réforme parlementaire. Vous n'en
voulez pas de réforme parlementaire. Vous allez vous servir d'un
prétexte - on va y revenir tout à l'heure - mais vous voulez
voter contre.
Une voix: C'est le monde à l'envers.
M. Grégoire: Vous voulez voter contre les
améliorations au régime de retraite. Le gouvernement du
Québec, le gouvernement du Parti québécois, propose un
nouveau régime de retraite qui va faire économiser 20 000 $ par
année par député. Ce sont les députés qui
vont retirer cela en moins. Vous n'êtes pas contents. Vous voudriez
essayer d'étouffer les changements que nous voulons apporter au
régime de retraite. Alors, vous dites: À cause des petits 6%
d'augmentation de salaire, on va bloquer tout le projet de loi. Est-ce que
c'est cela que vous voulez?
Une voix: Non.
M. Grégoire: Si vous voulez laisser passer la
réforme du régime de retraite et la réforme parlementaire,
vous n'avez qu'à voter pour le projet de loi en deuxième lecture.
En commission parlementaire, chaque article est étudié
séparément. Il y aura un vote séparé pour chacun
des articles. Lorsqu'il y a deux paragraphes dans un article, cela prend un
vote pour chacun des deux paragraphes de l'article. S'il y a cinq paragraphes
dans l'article du projet de loi, cela prend cinq votes, soit un vote pour
chacun des cinq paragraphes de l'article du projet de loi. Là, vous
pourrez vous exprimer sur chacun des points. Aujourd'hui, ce qu'on vous demande
d'approuver, c'est un projet de loi concernant l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale comprend différentes choses. Cela comprend
la réforme parlementaire. Cela comprend le régime de retraite.
Cela comprend les salaires. J'admets que ce sont des choses différentes,
mais c'est pour cela qu'il y a autant d'articles. C'est pour cela qu'il y a
tous ces articles. Combien y en a-t-il?
Une voix: II y en a beaucoup.
M. Grégoire: II y en a beaucoup. Je vais vous dire le
nombre d'articles et vous allez pouvoir voter autant de fois qu'il y a
d'articles. Il y a au-delà de 225 articles. Cela va vous permettre de
voter 225 fois. Pour chaque article, vous direz ce que vous en pensez.
M. le Président, j'ai entendu l'Opposition nous parler surtout de
l'indexation de 6%. Je voudrais faire une comparaison entre le
député à Ottawa et le député à
Québec. J'ai déjà été à Ottawa et
maintenant je suis à Québec. Je suis en mesure de faire la
comparaison. À Ottawa, le député gagne 50 000 $ par
année. À Québec, le député gagne 35 000 $
donc 15 000 $ de plus pour le député à Ottawa. On parle
des 7500 $ de compte de dépenses pour le député de
Québec. À Ottawa, c'est 15 000 $, le double. À Ottawa,
quand le député est élu, on lui donne, à tous les
ans, un petit carton c'est une passe de train du Canadien National ou du
Canadien Pacifique. Le gars demeure à Québec et il va se promener
à Toronto. Ce n'est pas là qu'il siège, il siège
à Ottawa, mais sa petite
passe de train est bonne pour aller a Toronto. Si le gars veut aller se
promener à l'Île-du-Prince-Edouard, il prend le train, il prend le
traversier, cela ne lui coûte rien, c'est une passe gratuite. S'il veut
aller se promener à Vancouver, il sort son petit carton, c'est la passe
du député fédéral sur tous les trains du Canada.
Partout au Canada, il a sa passe de train gratuite, pour lui, sa femme et ses
enfants.
Une voix: Non, non, non?
M. Grégoire: Oui, le député, sa femme et ses
enfants. Embarque la famille, la belle-mère, on s'en va à
Vancouver! C'est gratuit, c'est le gouvernement fédéral qui paie.
C'est gratuit? Embarque la famille, on s'en va pique-niquer à Vancouver.
L'année suivante, on s'en va pique-niquer à
l'Île-du-Prince-Édouard. Une autre année, on ira
pique-niquer à Terre-Neuve. C'est gratuit, même les
traversiers.
Une voix: Les avions?
M. Grégoire: L'avion, bien oui. Air Canada, des passes
gratuites. Cela se promènel Si ça ne va pas assez vite en train,
ils n'ont qu'à prendre leur passe d'avion. Embarquez la famille, on va
faire un pique-nique à Vancouver. Gratuit? Pas gratuit, nous, on paie.
Ils sont assez bien traités, hein?
Nous autres, les députés d'ici, quand on envoie une lettre
de notre bureau de comté, ça coûte un timbre de 0, 30 $
avec la photo de Sa Majesté la reine, mais pas à Ottawa. À
Ottawa, quand vous êtes élu, vous ne savez pas ce qu'ils font? Ils
disent: Mettez vos initiales ici. Ils prennent nos initiales et ils nous font
une estampe en caoutchouc, ils nous donnent la boîte avec l'encre dedans
et quand on veut envoyer une lettre, bang! sur l'enveloppe et envoiel gratuitl
Aie, la femme, as-tu des cartes de Noël à envoyer, apporte-moi tout
cela, bang! bang! bang! avec l'estampe et ça part! Ce n'est pas de
valeur, ça ne coûte rien, ce sont nos taxes.
Le salaire est de 15 000 $ de plus, le compte de dépenses est de
15 000 $ de plus...
Des voix: Oh!
M. Grégoire: 7500 $ de plus, excusez-moi. C'est le double,
excusez-moi. Je corrige mon erreur. C'est un lapsus linguae, c'est 15 000 $ au
lieu de 7500 $ et les timbres, c'est gratuit. Les pique-niques à
Vancouver avec la famille, c'est gratuit. L'avion et envoie donc! Mais quel est
le rôle du député fédéral? Qu'est-ce qu'il
fait, en fait?
Une voix: II écrase le Québec.
M. Grégoire: C'est un fait, mais on n'en parlera pas. Ils
s'occupent de quoi, les députés fédéraux? Ce n'est
quand même pas eux qui s'occupent des routes; ils ne s'occupent pas des
routes. Ce n'est quand même pas eux qui s'occupent des réseaux
d'aqueduc et d'égout pour aider les municipalités, non. Les
hôpitaux? Ce n'est pas Ottawa. Les écoles, ce n'est pas Ottawa non
plus. Les universités? Ce n'est pas Ottawa. Aider à
établir des réseaux de protection contre les incendies dans les
municipalités? Ce n'est pas Ottawa. Le bien-être social? Ce n'est
pas Ottawa.
Une voix: On n'arrive pas? (20 h 40)
M. Grégoire: Attendez un peu, on va arriver à
Ottawa, on va y être tantôt. Disons d'abord ce qu'ils ne font pas.
On va commencer par ce qu'ils ne font pas avec leurs salaires de 50 000 $,
leurs passes de trains et leurs passes d'avions. Commençons par ce
qu'ils ne font pas. Ils ne s'occupent tout de même pas de tout ce qu'on a
mentionné là. Les richesses naturelles, le développement
des pâtes et papiers, les terres et forêts, non, ce n'est pas
Ottawa. L'amiante, ce n'est pas Ottawa, ils ont peur de cela les
étoiles. Non. Les principaux ministères, quoi. L'agriculture, non
seulement ils ne s'en occupent, ils veulent détruire l'agriculture au
Québec. Cela est dans leur rôle. Alors, de quoi s'occupent-ils?
Qu'est-ce qu'ils font? Là les gars, vous allez vous gratter la
tête.
Les dépenses militaires, les canons, les tanks, les avions, les
bateaux de guerre et les bombes, cela est Ottawa. Le chômage, cela est
Ottawa. Les bureaux de poste, avec les lettres qui arrivent toujours cinq, six,
sept, huit jours en retard, c'est Ottawa. À part cela, qu'est-ce qu'ils
font à Ottawa? Est-ce qu'il y en a qui peuvent m'aider pour me dire ce
qu'ils font à Ottawa? Aidez-moi un peu. Ah, oui, ils adoptent des lois
comme la loi S-31 pour essayer de nuire au Québec, essayer
d'empêcher la Caisse de dépôt de se développer. C'est
vrai, là j'ai oublié le pire. En plus de recevoir 50 000 $ en
salaire, 15 000 $ de comptes de dépenses, les billets d'avion, les
passes de train, les étampes en caoutchouc pour les timbres, savez-vous
où nos députés paient leurs impôts? En Ontario, oui.
André Ouellet, le gars qui veut étouffer le Québec avec la
loi S-31, il l'a dit dans le journal. Il l'a admis. Il a dit: Écoutez,
je ne suis tout de même pas pour demander à ma femme de demeurer
à Montréal. Elle demeure à Ottawa et on paie nos
impôts à Ottawa, en Ontario. Avez-vous déjà vu plus
sans coeur que cela?
Oui, quand on compare le rôle du député
fédéral au rôle du député du Québec,
il y a une grosse différence. Le député
québécois lui, il est proche de la population.
II s'occupe des choses qui touchent le citoyen québécois.
Les citoyens québécois viennent nous voir nous à notre
bureau. Je vois mon député fédéral, il a une salle
d'attente avec deux chaises, elles sont toujours vides. Moi j'ai une salle
d'attente avec 60 chaises et c'est toujours plein. Pourquoi? Parce que le
rôle du député québécois c'est de s'occuper
des intérêts du peuple québécois dans le domaine de
l'éducation, dans le domaine de la santé, dans le domaine des
habitations à loyer modique, dans le domaine des centres d'accueil, dans
le domaine de l'agriculture pour essayer, premièrement, de
défaire ce que fait Ottawa de mal, et en plus de cela essayer d'aider
nos agriculteurs. Son rôle dans les pêcheries, dans les routes, je
vois le ministre des Transports, toute la construction, l'entretien, les
réparations des routes, des ponts et tout, c'est le député
québécois.
Les loisirs, aider à avoir des investissements dans le domaine
des loisirs, que ce soient des terrains de balle molle, des patinoires, des
terrains de tennis, des piscines, ce sont toujours les députés
québécois. Qui est-ce qui s'occupe de la santé et de la
sécurité au travail? Ce n'est pas Ottawa, c'est le
député québécois. Qui est-ce qui s'occupe de tout,
des richesses naturelles, de développer nos mines d'amiante, de
développer nos usines de pâtes et papiers? C'est le
député québécois. C'est pour cela que les citoyens
viennent voir le député québécois. C'est pour cela
que le député québécois ne peut pas siéger
plus de trois jours par semaine. C'est pour être avec son monde le
restant du temps alors que le député à Ottawa arrive
à Ottawa le lundi matin, il repart le vendredi et il se cache. Quand il
repart, oui.
Quand on compare les rôles - oui, je l'ai quitté vite
à part cela, après trois mandats, j'ai dit: Bonjour la visite.
J'ai eu le temps de les connaître. Trois mandats, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. Oui, parce que moi, quand je suis
arrivé à Ottawa, j'étais un bon fédéraliste
comme vous vous l'êtes actuellement. Je suis arrivé à
Ottawa avec le drapeau du Canada, "from coast to coast", d'un océan
à l'autre. J'étais pour cela, moi. Mais quand je suis
arrivé là, par exemple, la première question que j'ai
posée, c'était au ministre de l'Agriculture à Ottawa, j'ai
demandé: Combien prêtez-vous aux cultivateurs du Canada? Il m'a
dit: 200 000 000 $. J'ai dit: Combien en Alberta? 60 000 000 $. Combien en
Saskatchewan? 50 000 000 $. Combien à
l'Île-du-Prince-Édouard? 2 000 000 $ par année. Combien au
Québec? 1 500 000 $.
Des voix: Ah!
M. Grégoire: J'ai dit: Quoi? Écoutez cela, M. le
député de Beauce-Sud. J'ai dit: Quoi? Cela n'a pas de sens! Quand
je suis arrivé à Ottawa, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, j'étais avec 26 collègues du Québec.
Les règlements de la Chambre des communes n'avaient jamais
été imprimés en français. Jamais! Jamais cela
n'avait été imprimé en français.
M. Mathieu: M. le Président, une question...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député. Je ne veux pas vous interrompre, mais le
député de Beauce-Sud soulève une question de...
M. Mathieu: En vertu de l'article 100, j'aimerais poser une
question au député de Frontenac.
M. Grégoire: Je vais répondre après.
Le Vice-Président (M. Jolivet): D'accord. M. le
député de Beauce-Sud, le député de Frontenac
m'indique qu'il veut répondre à la fin de son intervention.
M. Grégoire: Après, toutes les questions que vous
voudrez.
Une voix:...
M. Grégoire: Oui, j'étais pour cela. Quand j'ai
posé ma deuxième question à je ne me rappelle plus trop
quel ministre, j'ai demandé: Aïe, l'Énergie atomique du
Canada, cela a l'air d'une grosse compagnie. Ce sont tous des
ingénieurs, des savants et des scientifiques. Comment y en a-t-il qui
travaillent là-dedans? 6000. Oh! Et combien y en a-t-il du Québec
là, des Québécois? -34. J'ai dit: Wo!
La troisième question était adressée au ministre
des Transports à Ottawa. J'ai dit: Combien dépensez-vous, parce
qu'il venait juste d'y avoir un accident où un train avait heurté
un autobus dans le coin de Dorval, c'était il y a environ 20 ans, j'ai
dit: Combien dépensez-vous pour les passages à niveau dans tout
le Canada? Il m'a dit: Je pense que c'est 110 000 000 $ cette année. -
Combien au Québec? - 2 000 000 $. J'ai dit: Quoi? C'était ainsi
sur toute la ligne.
Le fédéraliste qui est arrivé à Ottawa avec
le drapeau du Canada "from coast to coast", à chaque question, son
drapeau baissait un peu et, à la fin, il était en bas! À
la fin, il était rendu en bas, parce que le "coast to coast" avait un
point au milieu -le Québec - qui n'était pas dans le "coast to
coast". Il était dans le trou. Il a baissé, le drapeau. Je suis
parti. Je suis revenu ici, mais je m'aperçois, par exemple, que si un
député veut réellement aider son peuple, s'il veut
réellement aider les Québécois, c'est
ici, parce que c'est ici que sont réellement les
véritables décisions pour tout ce qui touche l'individu. À
Ottawa, cela touche les affaires internationales. À Ottawa, cela touche
la guerre. Cela touche toutes ces choses. Oui, mais ici, au Québec,
quand je vois le résultat... Vous êtes là qui regardez tout
cela, le député fédéral a 50 000 $ par
année, le député de Québec a 35 000 $, et, avec
tous les avantages que j'ai énumérés pour le
député fédéral, je vais vous dire une chose, je
n'ai aucune gêne à voter pour le projet de loi 90. La
réforme parlementaire, vous êtes pour, vous aussi, de même
que la réforme du régime de retraite. N'oubliez pas que cela va
épargner 20 000 $ par année par député au
gouvernement du Québec. Il reste les 6%. Je vais vous dire bien
franchement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Quant à
moi, je m'en balance comme dans l'an quarante. Savez-vous ce que cela donne? Le
savez-vous ce que cela donne? C'est pour neuf mois. 6%, cela va donner environ
1500 $. Là-dessus, il va partir en impôt environ la moitié,
et ce qui me choque le plus d'accepter les 6%, c'est que, là-dessus, je
vais être obligé de payer 300 $ de plus en impôt à
Ottawa quand je sais ce qu'on y fait avec notre argent. On va acheter des
bombes de plus avec nos 300 $.
Je vais vous dire bien franchement que la loi, comme le disait si bien
le leader parlementaire du gouvernement et ministre des Communications, la loi
qu'on étudie présentement va épargner 3 000 000 $ par
année au peuple du Québec, en épargnant sur le
régime de retraite. Elle va peut-être coûter 220 000 $ de
plus - même pas - avec les 6%. Cela va équivaloir à
l'augmentation que la fonction publique va recevoir en moyenne le 1er avril. Et
puis? Et puis? Avec la loi que vous avez adoptée en 1974, si on l'avait
gardée telle quelle, notre salaire aujourd'hui, au lieu d'être 37
000 $, serait de 48 000 $. Au lieu d'être 48 000 $ au 1er avril, il va
être rendu à 37 000 $. Et puis? Si on avait gardé la loi
que vous avez adoptée, on garderait encore le régime de retraite
tel que vous l'avez voté et notre salaire serait de 48 000 $ au lieu
d'être 37 000 $. Et puis? Il va augmenter de 6% pour neuf mois? Et puis?
Moi, quand je travaille ici... Et, en fin de semaine, vous l'avez fait comme
moi, vous êtes restés vous aussi jusqu'à 2 heures, 3 heures
ou 4 heures du matin, toute la semaine dernière et encore hier un peu,
dans ce temps-là, demandez-vous du temps double, parce que vous avez
fait du temps supplémentaire? Non. Vous le savez, n'est-ce pas?
Avez-vous demandé le temps et demi? Allez-vous demander des surplus?
Non, on ne demande pas cela, nous autres. On le fait. (20 h 50)
Mais si je compare mon rôle, par exemple, avec celui de nos 74
nouilles à Ottawa, je calcule qu'il n'y a rien là, et ce n'est
pas moi qui m'en ferai avec cela. Regardez plutôt les faits tels qu'ils
sont. On augmente comme la fonction publique en général, pas
plus, pas moins, même qu'on a été beaucoup moins
augmenté qu'eux autres au cours des six dernières années,
beaucoup moins, la moitié moins qu'eux autres, trois fois moins
qu'à Ottawa, où ils ont été augmentés depuis
les six dernières années. Alors, ce n'est pas moi qui me ferai
des scrupules là-dessus. Étant donné le travail qui est
accompli aujourd'hui, surtout celui qu'on doit accomplir dans une
période de crise comme celle que nous traversons présentement,
où on doit faire encore plus que ce qu'on doit faire en temps de
prospérité, eh bien, quant à moi, je vais vous dire bien
franchement, je n'ai aucune hésitation à voter pour la loi no
90.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Mégantic-Compton.
M. Fabien Bélanger
M. Bélanger: Merci, M. le Président. C'est toujours
agréable de prendre la parole immédiatement après le
député de Frontenac qui nous a fait une
démonstration...
Une voix:... éloquente...
M. Bélanger:... vraiment éloquente de tous les
avantages qu'il avait à Ottawa. C'est à se demander ce qui a bien
pu l'attirer au Québec pour qu'il fasse un retour comme cela. Il y a
là-bas des salaires extraordinaires, des avantages pour pique-niquer,
comme il l'a si bien dit, à Terre-Neuve, à Vancouver et un peu
partout; il y a sûrement quelque chose à Québec qui l'a
attiré pour qu'il revienne ici offrir ses services qui, semble-t-il,
étaient tout simplement indispensables.
Une voix: II s'est fait battre. Il s'est fait battre.
M. Bélanger: Malheureusement, nous devrons revenir au
Québec pour étudier la loi no 90, une loi qui, en quelque sorte,
ressemble beaucoup à la politique péquiste. C'est un
méli-mélo; tout est mélangé. Il y a d'une part la
réorganisation du fonctionnement du pouvoir législatif et,
d'autre part, on revoit le salaire et le régime de retraite des
députés.
C'est très simple, nous demandons une chose: pourquoi ne pas
scinder le projet de loi? Pour que nous puissions discuter de la réforme
parlementaire, qui est une chose et, ensuite, discuter du salaire et du
régime de
retraite des députés. Quant au salaire des
députés, je n'ai aucune hésitation à dire qu'un
député qui gagne 35 000 $ par année, cela n'a absolument
rien de scandaleux; pas de problème sur cela, on s'entend très
bien. Sauf qu'il faut savoir une chose, il faut se rappeler également
une chose. C'est qu'il y a à peine quelques heures, dans cette
même Assemblée nationale, on adoptait 109 décrets; on
adoptait une loi qui avait pour effet d'aller chercher dans la poche des
travailleurs et des travailleuses du Québec le
déjà-gagné. Cela est un précédent qui ne
s'est jamais vu. Nous serions vraiment - je vous le dis sincèrement -
mal vus de nous voter une augmentation de salaire, même si elle est
reportée du 1er janvier au 1er avril. Bien, mon Dieu! mon Dieu! Trois
mois, qu'est-ce que c'est? Comme l'a si bien démontré le
député de Frontenac, on paiera un peu moins d'impôt et cela
ne paraîtra pas. Ce n'est pas là le problème, absolument
pas.
Ce qui m'inquiète le plus, c'est que cette loi no 90 a des effets
pour nous, de l'Opposition, qui ne sont pas du tout les mêmes que du
côté ministériel. Là, je vais m'expliquer. On veut
tout simplement, par cette loi no 90, porter le nombre d'adjoints
parlementaires de 12 à 27. Alors, qu'est-ce que cela veut dire? Cela
veut dire qu'un adjoint parlementaire gagne actuellement 20% de plus qu'un
député, environ 7000 $ de plus par année, et là on
veut en avoir autant que de ministres. Si on regarde un peu ce que cela donne
pour le parti ministériel, vous verrez que c'est pas mal
intéressant, si je peux retrouver ma feuille. On a exactement 27
adjoints parlementaires, 27 ministres; un président, deux
vice-présidents, dont vous, qui occupez le fauteuil, M. le
Président, je suis fier pour vous, je vous félicite; on a le
whip, le whip adjoint, etc. Finalement, 68 membres du côté
ministériel peuvent avoir une augmentation de salaire, tout en laissant
croire à la population du Québec qu'on a tout simplement
gelé les salaires.
J'appelle cela une augmentation de salaire hypocrite. Lorsque mon
collègue, le député de Maskinongé, vous a
traités de bande d'hypocrites, bien, il n'y avait rien d'extraordinaire
dans cela. Il y a là un peu de vérité si vous voulez en
convenir avec moi. Vous nous dites: On sabre dans le régime de retraite,
on coupe, on épargne de l'argent aux contribuables. Ce n'est pas tout
à fait vrai.
Une voix: Bien oui.
M. Bélanger: Vous épargnez de l'argent aux
contribuables, mais vous allez en chercher d'une autre façon. Vous allez
en chercher en doublant et plus, même, le nombre d'adjoints
parlementaires.
M. le Président, encore une fois, c'est vraiment une loi
péquiste. Ce n'est pas fini, ce n'est pas tout. En nommant ces 27
adjoints parlementaires, on voit très bien la petite politique qu'on
peut faire également avec cela. On envoie un communiqué de presse
dans les comtés: Le premier ministre du Québec, à la suite
du dévouement du député de tel ou tel comté, a cru
bon, a décidé de le nommer adjoint parlementaire. Donc, d'une
part, le député reçoit 7000 $ de plus par année et,
en même temps, le premier ministre fait de la politique dans les
comtés, en démontrant le dévouement, les grandes
qualités extraordinaires du député. C'est encore une chose
qui est tout simplement inacceptable.
D'ailleurs, je me demande pourquoi on tient aujourd'hui à nommer
des adjoints parlementaires alors que, si on lit le journal des Débats
de 1974, le chef de l'Opposition, qui était le député de
Sauvé, disait que les adjoints parlementaires n'étaient
absolument rien, ils étaient des coupeurs de rubans que le ministre
envoyait à sa place lorsqu'il n'y avait pas assez de capital politique
pour lui. On envoyait l'adjoint parlementaire manier les ciseaux.
C'étaient des porteurs de valises. C'étaient des ouvreurs de
portes. Pourquoi, aujourd'hui, est-ce devenu si important d'avoir des adjoints
parlementaires? Je vous pose la question.
Entre nous, sincèrement, que voulez-vous que fasse l'adjoint
parlementaire du ministre qui s'occupe des citoyens? Que voulez-vous que le
ministre du Revenu fasse d'un adjoint parlementaire? C'est tout simplement de
la petite politicaillerie, c'est encore un gouvernement d'images, qui tente de
vendre toujours la même chose, son image, point final. Il tente
également de jouer avec la population, en lui disant: On est bon, on a
eu le courage de faire cela, les autres gouvernements ne l'ont pas eu. Ce
courage, je trouve qu'il est venu très tard. Il est venu un petit peu
plus de cinq ans après la prise du pouvoir. Ce même courage, il
est arrivé après deux élections et un petit peu plus de
cinq ans, ce qui fait que la fameuse réforme qu'on s'apprête
à apporter à la pension ne touchera justement pas ceux qui ont
deux élections et cinq ans à leur crédit. Pourquoi?
En 1977, on vous disait: Révisez donc le régime de
retraite des députés qui est trop généreux. On a
expliqué pourquoi. Ce régime de retraite était tout
à fait logique au moment où on l'a instauré. La moyenne
d'âge des députés était beaucoup plus
élevée qu'elle ne l'est en ce moment. On vous le disait, on vous
l'a dit. L'ancien député de Chomedey, Jean-Noël Lavoie, vous
l'a dit en 1977, vous l'a dit en 1978, vous l'a dit en 1979, vous l'a dit en
1980, mais ce n'était pas le temps. Il fallait attendre d'abord de voir
si on gagnerait encore une fois les élections et si la majorité
des députés serait
admissible à l'ancien régime de retraite. C'était
prioritaire, bien avant les intérêts des
Québécois.
Aujourd'hui, on nous arrive avec un projet de loi, comme je l'ai
mentionné, rempli de toutes sortes d'implications, de réformes
parlementaires et, dans cela, on insère justement le salaire et le
régime de retraite des députés. Si ce gouvernement a
vraiment un peu de sincérité, s'il lui en reste le moindrement,
qu'on scinde le projet de loi. Nous nous prononcerons sur une réforme
parlementaire et nous pourrons nous prononcer ensuite sur le salaire et le
régime de retraite des députés. Ce n'est pas chinois, ce
n'est pas compliqué. Il n'y a absolument rien là, deux projets de
loi. Cette session-ci, on n'a pas eu tellement de projets de loi, on pourrait
sincèrement faire un projet de loi de plus et cela ne dérangerait
absolument rien.
On nous a reproché à nous, de l'Opposition, de ne jamais
rien suggérer. On va vous en suggérer des choses. Pourquoi ne pas
maintenir le nombre d'adjoints parlementaires actuel? Le gel des salaires
jusqu'au 31 décembre 1983, cela ne fera mourir personne. On va passer
à travers. Cela va donner l'exemple à la population du
Québec. Cela va faire en sorte que ces travailleurs et ces travailleuses
qui ont été si durement frappés, si injustement
frappés, aient au moins la satisfaction de savoir que ceux-là
même qui les ont frappés s'imposent également un petit peu
de sacrifices. (21 heures)
On pourra également retirer l'article prévoyant
l'indexation à compter du 1er janvier 1984. Le ministre des Finances dit
lui-même qu'il a de la difficulté à prévoir quelles
seront les rentrées de fonds en 1983. Pourquoi ne pas attendre? En
décembre 1983, on regardera ça. Si la situation économique
s'est replacée, si les finances du Québec se sont
replacées et si, par bonheur, on avait eu la chance de reprendre le
pouvoir, peut-être que la situation sera davantage
améliorée et, là, on pourrait revoir ça.
C'est aussi simple que ça, il n'y a rien de sorcier, il n'y a
rien de chinois, on demande tout simplement un petit peu de logique, un petit
peu de bon sens. Comment pouvons-nous honnêtement nous voter, à
nous de l'Opposition, une petite augmentation de salaire de 6% et à
vous, du côté ministériel, une augmentation, avec vos
adjoints parlementaires, qui totalise environ 20%? Comment pouvons-nous faire
ça honnêtement, en parlementaires supposément responsables?
C'est tout simplement de l'indécence.
Je vois le député de Sauvé qui est là,
j'aimerais lui citer...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Guay: M. le Président, je soulève une question
de privilège. Le député de Mégantic-Compton vient
d'affirmer que les députés ministériels augmentaient les
salaires de 20% alors que le projet de loi prévoit simplement de
différer une augmentation déjà prévue de 6%. Il n'a
jamais été question de 20% et en ce sens c'est un fait inexact.
Le député de Mégantic-Compton induit la Chambre et la
population en erreur.
Une voix: Voilà!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Bélanger: Si on m'avait écouté, j'ai dit
simplement que nous, de l'Opposition, avions 6% à compter du 1er avril
1983 et de l'autre côté, avec la nomination en masse d'adjoints
parlementaires, ce qui représente déjà 20% du salaire,
plus les 6%, ça fait une moyenne d'environ 23% ou 24%; c'est simplement
ça que j'ai dit, c'est la pure vérité et je la
maintiens.
M. Guay: Question de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le leader adjoint du gouvernement.
S'il vous plaît!
M. Guay: M. le Président, encore une fois le
député de Mégantic-Compton rapporte un fait inexact. Le
projet de loi...
M. Lalonde: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: Je pense que la question de privilège du
leader adjoint du gouvernement n'est pas recevable. S'il n'est pas d'accord
avec ce que le député de Mégantic-Compton dit, il pourra
l'exprimer dans son discours ou à la fin si cela réfère
à un discours du leader adjoint. Il me semble que ce que le
député de Mégantic-Compton a dit était clair. Par
la nomination de 15 adjoints parlementaires de plus, ils auront 20% de salaire
de plus, plus les 6% qui viendront en avril 1983. C'est exact, c'est tout
à fait conforme au projet de loi que vous voulez faire adopter.
M. Guay: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la question de
règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Guay: Le député de Marguerite-
Bourgeoys vient à son tour de répandre une
fausseté. Le projet de loi ne prévoit pas nommément la
nomination de 27 adjoints parlementaires, contrairement à ce qu'on dit,
il ne fait tout simplement pas de limite au nombre d'adjoints parlementaires,
ce qui est très différent...
M. Lalonde: Ce n'est pas une question de privilège.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la question de
règlement.
M. Lalonde: Ce n'est pas une question de privilège, M. le
Président, quand même!
Le Vice-Président (M. Rancourt): C'est une question de
règlement.
M. Guay: M. le Président, il ne peut pas y avoir de
question de règlement sur la question de règlement.
Le leader parlementaire de l'Opposition a soulevé une question de
règlement qui lui a permis de faire un débat quant au fond. Je
parle sur sa question de règlement. Ce que dit le député
de Mégantic-Compton et ce que répète le leader de
l'Opposition, ce n'est pas dans le projet de loi et l'augmentation qui est
différée au 1er avril plutôt qu'au 1er janvier, est, pour
tout le monde, de 6%.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Lalonde: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
règlement, M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: Le leader adjoint du gouvernement vient de dire que
c'est faux qu'il soit prévu dans le projet de loi no 90 qu'on puisse
avoir 15 adjoints parlementaires de plus qu'on a actuellement. Or, le projet de
loi no 90 prévoit qu'on ait un nombre d'adjoints parlementaires
égal aux ministres, qui sont 27. On a 12 adjoints parlementaires, ce qui
fait 15 de plus.
Des voix: C'est ça!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Sur la même
question de règlement.
M. Guay: Le député de Marguerite-Bourgeoys, qui est
avocat, sait aussi bien que moi qu'une disposition "habilitante" dans un projet
de loi qui dit qu'il peut y avoir n'implique pas qu'il y aura et c'est bien
différent.
Des voix: Ah! Ah! Ah! Une voix: On vous connaît!
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît:
S'il vous plaît! M. le député de Mégantic-Compton,
vous avez la parole.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Je constate de
plus en plus que c'est difficile ici de faire une intervention sans être
dérangé par des questions de règlement, etc.
Si je sais bien compter - je pense que je sais bien compter, M. le
Président - un adjoint parlementaire reçoit une prime de 20% de
son salaire et l'augmentation de 6% prévue au 1er avril 1983. Donc, on
parle de 26%. Cela ne s'appliquera pas pour l'ensemble des
députés mais une bonne partie des députés
ministériels, parce qu'il en restera six qui n'auront pas de bonbon, qui
n'auront pas de fonctions d'adjoint parlementaire. Six seulement. 68 sur 74
auront quelque chose. Donc, c'est tout simplement la pure vérité
que de dire...
Le Vice-Président (M. Rancourt): Question de
privilège, M. le leader...
Une voix:...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Question de privilège, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Guay: Le député de Mégantic-Compton vient
d'affirmer que la grande majorité des députés
ministériels vont jouir d'une augmentation de 20%. M. le
Président...
M. Lalonde: M. le Président, question de
règlement.
M. Guay:... c'est tout à fait inexact.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
J'ai donné la parole au député de Mégantic-Compton
et il peut continuer son allocution.
M. Bélanger: Merci, M. le Président. De toute
façon...
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
M. Bélanger:... nous, on a compris et je suis
persuadé que la population du Québec va très vite
comprendre.
Revenons, M. le Président, à ces fameuses augmentations de
salaire qu'on s'apprête à donner. Revenons un peu en
arrière, en 1974. Cela me fait plaisir de voir
le député de Sauvé à son siège et je
vais lui citer quelques passages de son discours en deuxième lecture sur
le projet de loi no 87. Cela va sûrement vous rappeler de merveilleux
souvenirs de l'époque où vous étiez vraiment des purs, des
gens à l'écoute du peuple, de la population. Qu'est-ce qu'on
disait des augmentations de salaire en 1974? Écoutez bien ce que le
député de Sauvé disait.
Une voix: C'est qui?
M. Bélanger: Le député de Sauvé, qui
est actuellement ministre et vice-premier ministre.
Des voix: Oui?
M. Bélanger: Oui. Il disait à peu près ceci,
M. le Président: "Quelle honte de ne pas tenir compte de nos concitoyens
et d'être les premiers à nous servir à même les fonds
publics. "
Des voix: Ah!
M. Bélanger: C'est pas beau cela? C'est magnifique.
Une voix: Le député de Sauvé?
M. Bélanger: "Si nous étions des fiduciaires de
l'entreprise privée, si nous avions la garde des fonds
privés...
Une voix: II disait cela, lui.
M. Bélanger:... - il parle des fonds privés.
Toujours le même ministre, M. le Président - on nous appellerait
des dilapidateurs. Il y a des peines prévues pour cela. " C'est dans
l'entreprise privée; heureusement qu'il n'y en a pas dans les fonds
publics parce qu'il manquerait plusieurs ministres de l'autre
côté, M. le Président. Je vous jure qu'ils nous
écouteraient à la télévision et non pas ici de leur
siège.
Il en ajoutait toujours, M. le Président: "Nous avons, comme
parlementaires écoutez ce que disait le député de
Sauvé, c'est magnifique - comme élus de la population, pas
seulement des avantages à recueillir. Nous avons aussi un exemple
à donner. " C'est cela que nous voulons faire, M. le Président.
Nous voulons donner l'exemple après l'adoption de cette loi-matraque,
cette loi que nous avons adoptée à toute vapeur, cette loi qui
nous a empêchés de remplir notre rôle d'Opposition. Il
était impossible d'étudier 80 000 pages de décrets.
Même si Mme la députée de Dorion dit que c'est 35 000, je
ne sais pas si elle a eu le temps de les compter. Nous, on n'a pas eu le temps
de les compter. On les a vues et c'était impossible de faire un
travail.
Une voix: On n'a pas fini.
M. Bélanger: Et on n'a pas fini de les compter,
d'ailleurs. On est encore à le faire.
C'est cet exemple que nous voulons donner et cet exemple, M. le
Président, est très simple. Nous voulons tout simplement scinder
ce projet de loi. Nous voulons le gel des salaires des députés
pour l'année 1983. En 1984, on verra, si cela va bien au Québec,
si l'économie est relancée, si le gouvernement a tout simplement
les moyens de nous payer. Dans le moment, il semble qu'il ne les a pas. Je
préfère qu'on gèle mon salaire que de fermer des centres
d'accueil et de priver de services les malades dans les hôpitaux. C'est
aussi simple que cela. C'est une Opposition responsable. Ce n'est pas une
question de faire de la démagogie. C'est une question de
responsabilité. C'est pour cela, M. le Président, que nous
demandons: De grâce, scindez ce projet de loi qu'on puisse, d'une part,
voter pour une réforme parlementaire et, d'autre part, être tout
simplement raisonnables envers les citoyens du Québec en acceptant, nous
aussi, de faire notre part de sacrifices. Merci.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader du
gouvernement, en vertu de l'article 100.
M. Bertrand: Est-ce que je peux poser une question au
député de Mégantic-Compton, en vertu de l'article 100?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Mégantic-Compton refuse.
M. Bertrand: Merci. On a peur?
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
Une voix: Adopté, M. le Président. (21 h 10)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous étudions
ce soir, en deuxième lecture, le projet de loi no 90, Loi sur
l'Assemblée nationale du Québec. C'est un projet de loi qui
apporte une réforme importante à l'Assemblée nationale.
Pour citer les notes explicatives: "II consacre la suprématie du
Parlement du Québec constitué de l'Assemblée nationale et
du lieutenant-gouverneur et affirme solennellement le caractère
particulier et les prérogatives de l'Assemblée nationale".
C'est un projet de loi qui rajeunit
l'institution qu'est l'Assemblée nationale. Je crois qu'il
était attendu depuis longtemps. Je pense aussi qu'on peut dire qu'il est
le bienvenu et qu'il semble, dans ses dispositions principales, recueillir
l'adhésion de la plus grande partie des députés.
Malheureusement, un bonheur ne vient jamais seul, tout comme un malheur, et le
gouvernement a jugé bon d'adjoindre à ce projet de loi des
dispositions, un peu comme un genre de piggy-back, accrochées au projet
de loi. Après la bonne partie du projet de loi, il y a une partie
beaucoup plus discutable, une partie aux termes de laquelle le gouvernement
veut augmenter le salaire des députés et modifier
également la pension.
Vous comprendrez que cela crée un certain problème de
conscience parce que ceux qui parmi nous, ici, de l'Opposition, voudraient
voter pour la réforme parlementaire et qui voudraient voter contre les
dispositions qui vont majorer le salaire des députés, se
demandent quoi faire. Est-ce qu'on devrait voter pour ou contre? Pourtant, le
rôle du député, qui est évidemment consacré
au travail que nous faisons et qui est rémunéré par un
salaire, est important. Je pense qu'on peut dire que le travail
qu'accomplissent les députés est considérable. Les
députés doivent ici étudier les différentes
pièces de législation qui leur sont confiées; nous avons
à faire l'étude des projets de loi, nous avons à les
critiquer en tant qu'Opposition, nous assistons à de longues
séances des commissions parlementaires où nous tentons
d'améliorer les projets de loi. Nous avons également beaucoup de
travail à faire dans nos circonscriptions. Nous rencontrons les
électeurs qui viennent nous voir, nous servons de lien ou de canal entre
les électeurs et l'État. Nous servons également de lien
entre les organismes de nos comtés, les commissions scolaires, les
municipalités et l'appareil gouvernemental. Nous avons à
véhiculer quantité d'informations à nos électeurs,
sans parler de toutes les activités sociales, les week-ends complets
où nous devons assister à des activités dans nos
comtés et un peu partout à travers la province. Je pense qu'on
peut dire que le député accomplit un travail qui le tient
captif.
J'aimerais citer à ce propos des paroles que prononçait en
cette Chambre un ancien premier ministre du Québec, M. Jean Lesage, qui
disait: "Les députés sont ainsi forcés de délaisser
leurs affaires personnelles davantage chaque jour. Les moins fortunés
d'entre eux en souffrent énormément et c'est clair; cela les
place dans une situation difficile, souvent intenable et les expose à
toutes sortes de tentations auxquelles ils peuvent être amenés
à succomber à cause de leurs obligations familiales ou autres. "
M. Lesage continuait: "C'est un risque, à mon sens, que ne peut pas se
permettre de courir la démocratie. D'autre part, plusieurs hommes de
valeur qui pourraient être un apport précieux à notre vie
politique hésitent ou refusent de se porter candidat parce que,
disent-ils, ils n'ont pas les moyens d'être députés.
Combien de fois avons-nous entendu dire cela? Dans trop de cas, c'est
malheureusement l'exacte vérité. " C'est M. Jean Lesage qui
disait cela il y a quelques années.
Un autre premier ministre du Québec, M. Daniel Johnson, disait
à ce sujet: "M. le Président, en principe, il faut rechercher une
rémunération qui, dans les limites de la décence, dans les
limites de l'appréciation la plus objective possible, respecte à
la fois la fonction, la qualité de la fonction et constitue une
rémunération adéquate pour le travail accompli. "
Je pense donc que la plupart des gens se rendent compte que le
député a beaucoup de travail à faire et qu'il doit, en
conséquence, être rémunéré d'une façon
adéquate. Là n'est pas le problème.
J'écoutais hier le leader du gouvernement qui tentait justement,
avec des tableaux et des statistiques, de nous démontrer pourquoi on
devrait augmenter le salaire des députés. Je dois avouer que le
leader plaidait avec beaucoup de verve et avec beaucoup de conviction. Je
dirais même que c'était un peu pathétique de l'entendre
parce qu'il s'efforçait de nous convaincre et, en autant que moi
j'étais convaincu, on peut dire qu'il prêchait à des
convertis parce qu'on n'a pas à nous faire la démonstration
qu'actuellement le salaire des députés est peut-être moins
important qu'il ne devrait l'être. D'autres députés se sont
efforcés de nous prouver qu'au cours des quatre ou cinq dernières
années évidemment, le salaire des députés n'a pas
augmenté autant qu'il aurait dû. Je pense que la
démonstration est facile à faire puisqu'on nous dit qu'en 1977 ce
gouvernement avait gelé complètement le salaire des
députés et que, dans les années suivantes, on a
limité l'augmentation à 6%. C'est bien évident que le
salaire a pris un retard et qu'au cours des années dernières,
alors que les pourcentages d'augmentation du coût de la vie oscillaient
entre 9%, 10% et 11%, le salaire des députés n'augmentait que de
6%.
La conséquence de tout cela, c'est qu'aujourd'hui nous avons des
salaires qui, semble-t-il, sont moins importants que ce qu'ils devraient
être. Les députés, surtout du côté du
gouvernement, s'en plaignent amèrement. Moi, je leur réponds
qu'ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes. Si les salaires
sont moins élevés aujourd'hui qu'on voudrait qu'ils le soient,
qui en sont les responsables? Ce sont ces gens. Ils sont aujourd'hui les
victimes de leur propre turpitude. Quand je les entends aujourd'hui
les larmes aux yeux, les mouchoirs à la main venir se plaindre et
venir brailler devant la population, je trouve cela ridicule.
Tout à l'heure, on entendait le député de Frontenac
nous parler de piastres et de pourcentages, de 100% d'augmentation dans le
privé et nous, seulement 30%. Je trouve cela humiliant, à
proprement parler, d'avoir à faire un discours semblable pour venir
faire la démonstration qu'aujourd'hui ils sont eux-mêmes les
victimes de leur propre manque de jugement. C'est cela qui est arrivé.
Je dois avouer que, quant à moi, ils ont creusé leur propre
fosse. Ils ont fait leur lit et, maintenant, ils sont couchés dedans.
Ils ont posé leur propre piège. Ils sont maintenant
piégés. Ils sont pris exactement dans le piège qu'ils se
sont eux-mêmes tendu.
J'écoutais, hier, le leader du gouvernement et je trouvais cela
à la fois pathétique et aussi très drôle parce que
dans les heures qui avaient précédé, j'avais pris le temps
de lire les propos que nous tenait en 1974 le député de
Sauvé, maintenant vice-premier ministre. Je sais que, tout à
l'heure, mon collègue de Mégantic-Compton citait ses propos. J'ai
cherché un terme qui serait le plus parlementaire possible pour
décrire l'attitude qu'avait adoptée à ce moment celui que
le journal des Débats appelle M. Jacques-Yvan Morin. Je n'en ai pas
trouvé d'autre que le mot hypocrite. Je m'excuse envers le vice-premier
ministre. Je ne voudrais pas le traiter d'hypocrite, mais il n'y a pas d'autre
façon de décrire l'attitude tout à fait démagogique
qu'il a eue, en 1974, lors d'un débat qui se tenait en cette
Chambre.
Plaçons-nous un peu, si vous le voulez, dans le temps. En 1974,
à la fin de l'année 1974, à la même période
que maintenant, le gouvernement libéral du temps tentait d'introduire un
projet de loi pour faire en sorte que le salaire des députés soit
porté à un montant qui était considéré par
un groupe tout à fait indépendant comme étant raisonnable.
À ce moment, le député de Sauvé, qui aujourd'hui ne
semble pas apprécier particulièrement les reproches qu'on lui
fait, s'était levé et avait fait des discours tout à fait
démagogiques dans lesquels il disait ceci: Nous vivons - à ce
moment, en 1974 - dans une période, disait-il, où
l'économie est très mauvaise et c'est scandaleux d'augmenter les
salaires, même de penser à augmenter les salaires. Je peux
à peine résister, moi aussi, à la tentation de citer
quelques-uns de ses propos. Je n'en citerai pas long. D'abord,
évidemment, il a lancé cette célèbre phrase: Nous
allons identifier qui sont les sangsues des fonds publics. Les sangsues des
fonds publics, c'était le gouvernement libéral qui tentait
d'augmenter les salaires à un montant considéré comme
étant décent.
(21 h 20)
Je vais en passer un peu. "Dans un contexte économique...
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît; M.
le député de Laporte.
M. Bourbeau: M. le Président, malheureusement pour le
vice-premier ministre et député de Sauvé, on sait que les
paroles s'envolent, mais que les écrits demeurent. Or, ses écrits
ont demeuré. Alors qu'il jouait les vierges offensées parce qu'on
tentait d'augmenter les salaires à une époque où
l'économie était dix fois meilleure qu'aujourd'hui, il disait
ceci, que cela créait un scandale, un scandale que va créer le
geste du gouvernement dans l'opinion publique québécoise. "Le
gouvernement a décidé d'augmenter, coûte que coûte,
les salaires des députés et cela constitue disait-il - un abus de
pouvoir, un abus de confiance. " Il disait un peu plus loin: "Peut-il exister
un moment plus mal choisi pour procéder à une telle hausse de
salaires?" M. le Président, quand on regarde ce qui se passe
aujourd'hui, on constate que la vie a de ces retours, des retours assez
surprenants, parce que les paroles du député de Sauvé
peuvent être appliquées textuellement aujourd'hui et lui
être retournées.
À ce moment-là, le député de Rosemont, je
pense bien, enfinl M. Maurice Bellemare avait dit ceci au député
de Sauvé, il l'avait traité de sépulcre blanchi. M. le
Président, ce n'est pas moi qui l'ai dit. C'est le député
Bellemare qui trouvait que c'était la façon dont on devait
qualifier le vice-premier ministre.
M. le Président, je ne parlerai pas, comme mon collègue de
Mégantic-Compton, de l'expression tout à fait antiparlementaire
qu'il employait alors qu'il traitait le gouvernement de sangsue collée
aux fonds publics, mais il disait: "Qui sommes-nous? Après tout,
sommes-nous des profiteurs? On nous a élus pour diriger, pour participer
à la direction des affaires de ce pays. Nous sommes responsables du bien
commun, de l'état de notre demeure collective qui est le Québec.
" Et un peu plus loin: "Nous devrions être dans cet État, dans ce
pays qui est le nôtre, les premiers à servir et non pas les
premiers servis. " Et que fait-il aujourd'hui? Dans son projet de loi, il vote
des augmentations de salaires aux députés, alors qu'il coupe 20%
dans le salaire de ses propres employés. Et un peu plus loin: "Appliquer
ces principes à nos modestes personnes. " Évidemment, le
député de Sauvé se qualifiait lui-même de modeste.
Il disait: "... en nous disant que les autres se débrouilleront comme
ils le pourront, mais jamais en ce qui nous concerne. " Les autres,
M. le Président, ce sont les employés du gouvernement qui
tentent de se débrouiller aujourd'hui comme ils le peuvent avec leur
diminution de salaire pendant que nous, semble-t-il, on va jouir de
l'augmentation que nous vote le gouvernement.
Donc, M. le Président, j'entendais hier et aujourd'hui ces gens
qui tentaient de nous convaincre que les salaires des députés
n'étaient pas assez importants, que les salaires des
députés n'avaient pas été indexés depuis
quatre ou cinq ans. J'étais parfaitement au courant de tout cela. On ne
m'a rien appris. On ne m'a absolument rien appris. Tout ce que je sais,
cependant, c'est que, malheureusement pour vous, vous arrivez trop tard.
Même si on voulait aujourd'hui donner suite à vos demandes ou
à vos réclamations, ce serait, à proprement parler,
indécent d'augmenter les salaires au moment où tout le monde voit
les siens coupés. Dans le secteur privé, M. le Président,
on considère aujourd'hui que c'est une chance que de garder son emploi.
On ne demande pas d'augmentation. Un grand nombre de gens dans le secteur
privé voient leur salaire réduit et se considèrent encore
chanceux de ne pas perdre leur emploi. Dans le secteur public, on voit des
employés du gouvernement qui se font couper leur salaire de 20%. Si on
arrivait aujourd'hui et qu'on disait, comme on veut le faire: Les
députés auront une augmentation de 6% dans quatre mois, une autre
augmentation neuf mois plus tard indexée au coût de la vie, je
trouverais cela, M. le Président, tout à fait honteux de me
présenter devant mes électeurs et leur expliquer comment il se
fait qu'on s'est voté des augmentations de salaire dans un contexte
semblable. Si j'étais vous, j'aurais honte. Je ne retournerais
même pas dans mon comté.
M. le Président, ce qu'il y a de drôle là-dedans -
on l'a souligné, mais je voudrais revenir là-dessus - c'est qu'on
vote des augmentations de 6% - on l'a dit - et, du côté du
gouvernement, il semble qu'on ne trouve pas cela suffisant. Mon collègue
expliquait tantôt qu'on a trouvé une façon d'aller ajouter
des augmentations additionnelles presque à la majorité des
députés du gouvernement du Parti québécois. On a
inventé une clause dans le projet de loi qui est ici, aux termes de
laquelle on nommera 27 adjoints parlementaires; il y en a 12
présentement; on en augmentera le nombre à 27. Or, vous savez que
les ministres ont actuellement des salaires très importants. Maintenant,
il y a 27 ministres, on leur adjoindra 27 adjoints parlementaires qui, eux,
auront également une surprime importante, on augmentera leur salaire de
20%. Donc, cela ferait 54 députés du Parti
québécois qui auront beaucoup plus que le salaire minimum du
député. Comme vous savez, il y a en plus que cela; les autres:
sept présidents de commission, la présidence, les adjoints du
président, les whips, les leaders adjoints etc. Finalement, on a fait le
total: sur les 75 députés du Parti québécois, il y
en a 68 ou 69 qui auront non pas le salaire d'un simple député,
mais des surprimes, des boni, pour faire un travail dont le
député de Sauvé disait il y a quelques années qu'il
n'était pas très important dans le cas des adjoints
parlementaires; il les traitait d'une façon très
méprisante de "porteurs de valises", de "coupeurs de rubans". Nous ne
souscrivons pas nécessairement à cette définition. Mais,
ce qu'on peut dire, c'est que, dans ce parti où la très grande
majorité des députés n'auront pas le salaire minimum, on
se retrouvera dans cette Chambre avec deux catégories de
députés. Il y aura d'une part les députés
libéraux qui auront le salaire d'un député et qui feront
leur travail consciencieusement, et il y aura d'autre part les
députés péquistes qui, eux, auront tous le salaire minimum
plus des surprimes, de 3500 $, de 7000 $, de 15 000 $, le montant qu'on
voudra.
Quand je regarde cela en face, c'est un peu comme une armée
où vous auriez à peu près 95% de colonels et 5% de
soldats. C'est ce que vous aurez, à peu près 6 soldats sur 79 ou
76, tous les autres seront des colonels, des généraux, des
capitaines. Finalement, il n'y aura à peu près personne qui
portera les fusils.
Le moyen n'est même pas gracieux. Vous avez employé une
méthode qui, vraiment, ne sent pas bon. Je pense qu'on peut facilement
la déceler et les citoyens du Québec vous jugeront, messieurs,
à vos actes.
Finalement, sur la question du régime de retraite - je n'ai plus
beaucoup de temps, vous me faites signe - il est étrange de remarquer
qu'on ait décidé de l'augmenter maintenant et non pas
rétroactivement au 1er avril 1981. Si on l'avait fait, la plupart des
députés péquistes élus en 1976 n'auraient pas droit
à la pension automatique, la grosse pension, etc. Je pense que,
lorsqu'on s'est présenté ici, il y avait des règles du
jeu. Qu'on les change, très bien. La pension -c'est admis - était
beaucoup trop importante et je ne pense pas qu'il était correct de la
garder, mais qu'on la change pour tout le monde et rétroactivement au 13
avril 1981 au moment où tout le monde s'est fait élire.
J'aimerais élaborer ma pensée sur le régime de
retraite, mais vous me dites que mon temps achève. En
résumé, je dirais que le projet de loi no 90, que l'on examine
présentement, contient des dispositions heureuses qui devraient
permettre de moderniser et d'améliorer l'institution parlementaire
très importante que constitue l'Assemblée nationale du
Québec. Ce projet est le fruit de longues études et d'un certain
consensus à l'égard des principales mesures visant à
réformer notre institution
parlementaire. Malheureusement, le gouvernement a jugé bon
d'ajouter à ce projet de loi des mesures visant à modifier les
conditions de salaire et du régime de retraite des
députés. Ce faisant, le gouvernement a décidé de
diminuer la pension des députés, geste attendu depuis longtemps
et qui s'imposait, mais il a également favorisé un grand nombre
de députés péquistes élus en 1976 en s'assurant que
tous ces gens se qualifiaient sous l'ancien régime de retraite, avant de
l'abolir évidemment. Également, le projet de loi prévoit
des augmentations de salaire, après qu'on a coupé de 20% les
salaires des fonctionnaires de l'État. De plus, le gouvernement a
trouvé le moyen d'augmenter sensiblement les revenus de la presque
totalité des députés péquistes en leur trouvant des
fonctions additionnelles, des titres honorifiques, qui sont
rémunérés en plus du salaire de base. Donc, des
augmentations de salaires substantielles par la porte d'en arrière.
En terminant, je dis ceci: nous disons non aux augmentations de salaire
directes et camouflées. Nous disons oui à la réforme
parlementaire. Nous demandons, comme l'ont dit mes collègues, de scinder
le projet de loi en deux de façon qu'on puisse voter pour la
réforme parlementaire. Nous demandons une entrée en vigueur du
régime de retraite rétroactivement au 13 avril 1981. (21 h
30)
En conclusion, j'aurais aimé citer encore une fois le
député de Sauvé, mais je vois que vous ne me donnerez pas
de temps, M. le Président, parce qu'il y avait une magnifique conclusion
à ajouter qui aurait fait les délices du député de
Sauvé.
J'ajouterai cependant et uniquement que la réputation et l'image
du député dont parlait en 1974 le député de
Sauvé exigent un minimum de décence, exigent que les
députés se comportent comme des gens responsables et
raisonnables. C'est bien là l'attitude qu'adopte l'Opposition dans ce
débat. Je vous remercie.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Le 10 décembre
dernier, durant le débat sur la loi 105, je suis intervenue, exprimant
au nom de l'ensemble des gens formant la circonscription électorale de
Johnson le pourquoi du geste que j'allais poser en votant pour cette loi 105
qui favorisait les moins bien nantis du Québec.
Aujourd'hui, le 14 décembre, donc quatre jours après, le
projet de loi no 90!
Mes collègues et moi nous sommes posés certaines
questions. On s'est dit: Est-ce que le "timing" est bon? Est-ce que cela a du
sens qu'on pense à se donner 4, 8% d'augmentation à partir du 1er
avril? On s'est posé toutes ces questions. On a été
hésitants à savoir si cela avait du sens, mais quand on a vu
qu'en touchant à nos pensions, on se trouvait à épargner
presque 20 000 $ par député, ici au gouvernement du
Québec, que cela économiserait 2 800 000 $ à tous les
contribuables du Québec, à ce moment, notre décision a
été vite prise. Je crois qu'il est important qu'on ait une
solidarité chez les membres du parti pour être capables de voter
pour le projet de loi no 90 afin d'être justes et équitables
envers tous ceux qu'on représente.
Je disais donc que le projet de loi no 90 renferme trois volets:
premièrement, sur la réforme parlementaire qui ordonne et
précise les dispositions ayant trait à l'organisation du
fonctionnement du pouvoir législatif. Je suis sûre que les gens de
mon comté ne veulent pas m'entendre parler de ce volet de la loi. Ils
veulent savoir quel est mon salaire, quelle est ma pension. Je vais leur faire
plaisir encore, je vais leur parler de mon salaire et je vais leur parler de ma
pension.
Savez-vous que les journaux - M. le Président, vous suivez cela
de près vous aussi - et la radio ont fait grand état en fin de
semaine des 6% d'augmentation du salaire des députés. On a
glissé fort discrètement, dans cette même publicité,
le régime de retraite des députés. Permettez-moi de
questionner ceux mêmes qui m'ont élue parce que, comme vous le
savez, chacun d'entre nous doit répondre de ses faits et gestes devant
ses électeurs.
Je dirai donc à mes électeurs dans Johnson: Croyez-vous
que votre députée provinciale, pour son travail, pour son
implication dans vos dossiers personnels, pour tout ce dont vous avez besoin,
doit obligatoirement être moins bien rémunérée que
les députés fédéraux? Dans le comté de
Johnson, on a trois députés fédéraux. Mes deux
collègues ici les connaissent aussi. On a M. Marcel Ostiguy, de
Saint-Hyacinthe, M. Jean Lapierre, de Shefford, et M. Alain Tardif, de
Richmond.
En juillet 1981, le gouvernement fédéral est intervenu
dans leur salaire, et rétroactivement à juillet 1980, pour leur
ajouter de façon substantielle la rémunération de base des
députés fédéraux. À compter du 1er janvier
1983, M. Marcel Ostiguy, de Saint-Hyacinthe, M. Jean Lapierre, de Shefford et
M. Alain Tardif, de Richmond et tous les autres d'Ottawa gagneront 15 000 $ de
plus que nous tous ici, mes chers collègues de l'Assemblée
nationale. Je voudrais demander à mon collègue de
Saint-Hyacinthe, qui connaît bien
M. Ostiguy, s'il gagne 50 000 $ comme le député d'Ottawa?
C'est 50 350 $, je m'excuse, j'avais oublié 350 $. Le
député de Shefford connaît Jean Lapierre lui aussi; est-ce
que vous gagnez la même chose que Jean Lapierre, M. le
député de Shefford, membre de l'Assemblée nationale du
Québec?
Une voix: Non.
Mme Juneau: Non, on ne gagne pas la même chose qu'eux, il y
a une légère différence de 15 000 $. En deux ans, soit du
1er janvier 1980 au 1er janvier 1982, les députés du
Québec ont vu leur salaire augmenter de 12, 4%. Pour la même
période, les députés d'Ottawa voyaient leur salaire
augmenter de 58, 8%. C'est toute une augmentation, hein?
Si vous voulez, je reculerai encore un petit peu plus loin, soit du 1er
janvier 1977 - je vais vous en donner, des chiffres - au 1er avril 1983: les
députés du Québec, 33, 8% d'augmentation; les
députés d'Ottawa, 97, 5%. Si je vous donne ça en chiffres,
MM. les députés de l'Opposition, c'est que le 1er janvier 1977
les députés du Québec gagnaient 27 800 $ et, à la
même date, les députés d'Ottawa gagnaient 25 500 $. Le 1er
janvier 1982, les députés du Québec, 35 096 $, les
députés d'Ottawa - écoutez bien ça, M. le
Président! - 50 350 $. C'est tout un bond, hein?
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît:
Mme Juneau: Oui, je comprends.
Nous autres, au Québec, je pense qu'on n'a pas été
voraces sur nos salaires. Depuis plusieurs années, on a 5% ou 6%
d'augmentation et il y a des années où on n'a rien du tout. C'est
pour ça que je pense que c'est important qu'on ait une solidarité
et qu'on puisse voter pour le projet de loi no 90 pour nous donner ce tout
petit peu d'augmentation, soit de 4, 8%, en nous soustrayant 20 000 $ de notre
régime de retraite.
Avec les 4, 8% d'augmentation du 1er avril 1983, notre salaire total -
le mien, donc - est de 37 202 $. Si vous calculez cela, on est loin des 50 350
$ du fédéral. Mes collègues et moi n'exigeons pas de
recevoir les mêmes traitements que nos égaux du
fédéral. Jamais de la vie! Tout ce qu'il y a dans le projet de
loi no 90, c'est 4, 8% à partir du 1er avril. Saviez-vous, gens de
Johnson, que si le projet de loi no 90 n'était pas adopté, ce
n'est pas 4, 8% d'augmentation au 1er avril 1983 que nous aurions, c'est 6%
à compter du 1er janvier.
C'est facile pour l'Opposition de s'opposer, de nous traiter
d'inconscients, d'irresponsables, d'immatures et j'en passe, je suis polie
quand je dis seulement ça. C'est facile aussi de crier à la
vierge offensée quand ça ne touche pas notre portefeuille. Vous
savez, messieurs et mesdames de l'Opposition...
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
Mme la députée de Johnson.
Mme Juneau: Je disais donc qu'ils savent très bien, eux
aussi, que lorsque le projet de loi sera adopté, même s'ils ont
parlé contre, ils l'auront pareil. C'est pour ça que ça ne
leur fait rien de piailler et de dire toutes sortes de choses.
Des voix:...
Mme Juneau: C'est ça!
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Je vais demander la collaboration de cette Assemblée pour que,
quels que soient les députés qui prendront la parole, ils aient
au moins l'occasion de le faire en toute quiétude.
Mme la députée de Johnson.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. J'ai l'impresion que
je les touche quelque part.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
Mme Juneau: Je ne sais pas s'ils enverront leur augmentation
à Centraide. (21 h 40)
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
Mme Juneau: Allez-vous envoyer votre augmentation à
Centraide? Si vous ne voulez pas l'avoir, vous pourriez l'envoyer
là.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous
plaît!
Une voix: Consentement pour qu'ils répondent.
Le Vice-Président (M. Rancourt): S'il vous plaît!
Mme la députée de Johnson.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je voudrais m'adresser
aux gens du comté de Johnson. Je ne sais pas s'ils sont au courant, M.
le Président, qu'il y a 50 000 personnes qui reçoivent un salaire
supérieur à celui de leur député. J'ai fait
quelques recherches.
Une voix: Dans la fonction publique. Mme Juneau: Dans la
fonction publique.
Oui, merci. J'ai fait quelques recherches, M. le Président, et je
me suis aperçue que, dans les 330 000 salariés des secteurs
public et parapublic, un salarié sur sept est mieux payé que vos
députés. Depuis le 1er juillet 1974 au 1er juillet 1982,
saviez-vous combien certaines catégories de travailleurs ont eu
d'augmentation? Est-ce que vous me permettez d'en nommer quelques-uns? Attendez
un peu!
Des voix: Oui.
Mme Juneau: Écoutez bien! Les agents de bureau, classe
nominale, échelon 2, 165%. Journaliers, taux horaire, 144, 2%.
Infirmières, échelon 5, 142, 5%. Ingénieurs, classe II,
119, 6%. Ce ne sont pas des députés. C'est bien moins que cela.
Le salaire industriel moyen, 118, 4%. Enseignants, 17 ans de scolarité,
13 ans d'expérience, 114, 1%. Les députés à Ottawa,
93, 7%. Le salaire minimum au Québec a augmenté de 90, 5%. Nous,
les députés du Québec, 67, 1%, les moins bien
payés, les moins augmentés. C'est tout simplement cela.
M. le Président, on ne veut pas jouer aux martyrs. Ce n'est pas
cela qu'on veut. On veut juste être capables de fonctionner
décemment, être capables de rendre les services dont nos citoyens
ont besoin. Point à la ligne.
Je ne vous ai pas encore parlé du nombre d'heures. J'ai
écouté le député de Maskinongé et je suis
certaine qu'il est d'accord parce qu'il l'a dit tout à l'heure. Pour une
fois, en tout cas, je peux vous dire qu'il a fait un discours qui était
sensé. Quand je l'ai entendu parler sur la loi no 105, j'ai dit: Mon
Dieu, s'il faut qu'il reparle, ce ne sera pas un cadeau. Mais, aujourd'hui, il
a parlé décemment. Il a mentionné, comme je vais vous le
dire, que nos heures ne ressemblent pas du tout aux heures des gens normaux,
aux gens qui travaillent dans la fonction publique. Ils font 32, 35 heures par
semaine, bien souvent 21 heures quand ce sont des profs. J'évaluerais
nos heures de travail à environ 14 heures par jour. Je pense que je ne
suis pas trop généreuse. Je calculais cela, cinq jours par
semaine. Je ne parle pas de nos fins de semaine où on a trois ou quatre
soirées d'inauguration, de ci et de ça. Je vous parle d'une
semaine de cinq jours. Cinq jours, cela fait 70 heures. Je ne pense pas que
personne dise que ce n'est pas vrai. Les députés travaillent fort
et longtemps.
Maintenant, M. le Président, même si les journaux n'ont pas
fait grand état des régimes de retraite, laissez-moi quelques
minutes pour vous en parler un peu. Pour commencer, je vais vous nommer toute
la poutine et après on va en parler. Premièrement, qu'est-ce que
cela touche le projet de loi no 90? Le projet de loi no 90 touche les
allocations conditionnelles abolies. Se souvient-on que ces allocations
auraient assuré une continuité du revenu du député
durant deux ans selon un taux de remplacement de 80%, puis de 50%?
Deuxièmement, M. le Président, l'allocation de transition est
majorée à deux mois de traitement par année de service au
lieu d'un mois. Troisièmement, la pension deviendra payable à 60
ans sous réserve que le député ait siégé
cinq années, à 61 ans s'il a fait quatre années, à
62 ans s'il en a fait trois, et ainsi de suite. Quatrièmement,
l'allocation de transition sera fondée à la fois sur
l'indemnité du député et sur l'indemnité
additionnelle. Pour finir, l'allocation de transition se calculera soit sur les
indemnités des douze derniers mois, soit sur les indemnités des
trois meilleures années. Rappelons-nous que, selon une étude
actuarielle, au 31 décembre 1981, la contribution annuelle de
l'État à l'actuel régime de retraite se chiffrait à
85, 4%. C'est un montant assez astronomique. Avec la loi 90, savez-vous combien
ça coûtera à l'État? 31% pour les nouveaux
députés. C'est une baisse substantielle; on a baissé de
54, 4% la contribution de l'État. Quand je parle de la contribution de
l'État, cela veut dire les taxes et les impôts de nos
électeurs et de nos électrices.
Au moment où je vous parle - je veux le redire aux gens de
Johnson, ils le savent, je le leur ai dit maintes fois - je gagne 35 096 $. La
pension et les autres avantages aujourd'hui, avant la loi 90, me donnaient 31
299 $. Supposons que la loi 90 entre en vigueur ce soir même, j'aurai
encore 35 096 $ de salaire, mais ma pension et les autres avantages seront
réduits à 12 204 $. Faut-il hésiter avant de voter pour
une loi qui va nous permettre d'économiser et de rendre justice à
tout le monde? Pour moi seule, c'est 19 095 $, tout près de 20 000 $.
Multipliez cela par les 122 députés et cela donne 2 800 000 $ de
moins, que les députés du Québec vont coûter aux
"payeurs de taxes".
Il me semble qu'on devrait avoir un peu de cohérence. Si, la
semaine dernière, en votant pour la loi 105, nous avons demandé
à nos employés d'être compréhensifs au nom de
l'équité sociale, on ne pourrait jamais accepter de laisser notre
fonds de retraite tel qu'il était, on ne pourrait pas non plus accepter
une augmentation de façon indécente. Tout ce qu'on demande, dans
ce projet de loi no 90, c'est "un tout petit" 4, 8% à partir du 1er
avril 1983 et 20 000 $ de moins pour le fonds de retraite. Je pense que c'est
important qu'on réalise que 2 800 000 $, dans une économie
difficile comme celle que l'on vit présentement, et qu'il ne faut pas
hésiter et voter pour le projet de loi no 90. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Hull.
M. Gilles Rocheleau
M. Rocheleau: M. le Président, je trouve absolument
épouvantable d'entendre l'équipe qui a été retenue
par le côté ministériel, l'équipe de pleureuses et
de braillards. Avec les citoyens, ce soir, nous négocions les salaires
de l'Assemblée nationale et de nos illustres députés, plus
particulièrement ceux du côté ministériel. Nous, de
l'Opposition, il est bien évident que nous allons devoir subir cette
loi, indépendamment du résultat. On se souviendra que, samedi
dernier, ce même gouvernement imposait à sa fonction publique la
loi 105 qui contenait 109 décrets où on retrouvait plus de 80 000
feuilles sur nos bureaux. Les feuilles, c'étaient les décrets.
(21 h 50)
Ce soir, nous négocions les salaires des députés.
Est-ce que cela se peut? J'espère que vous suivez actuellement le
débat à l'Assemblée nationale tenant compte du fait que
nous sommes à entendre des mensonges épouvantables, grossiers,
indécents, des déclarations que ces ministériels ont
faites au cours des dernières années, plus
particulièrement depuis 1974, et à l'aube de l'année 1983,
nous déposent un projet de loi no 90, Loi sur l'Assemblée
nationale. Il est bien évident que c'est souhaitable que l'on
révise certains articles, de la Loi sur l'Assemblée nationale,
que l'on modifie certaines attitudes, certaines approches, que l'on revalorise
le rôle du député; tout le monde est pour la vertu.
Ce que je trouve d'absolument inconcevable, moi, je suis un nouveau
député, j'ai été élu au mois d'avril 1981
dans la dernière brassée. À ce moment, il est bien
évident qu'on examinait les salaires payés à
l'Assemblée nationale, 35 000 $ par année, on se disait: Pour le
travail d'un député, ce n'est pas un salaire exorbitant tenant
compte du travail qu'il y a à faire. Ceux qui veulent bien travailler
parce qu'on est libre de faire le travail que l'on veut dans nos comtés
et ici même à l'Assemblée nationale. Ce que je trouve
malheureux, c'est qu'il est vrai que tout le monde aime cela avoir une
augmentation de salaire, tout le monde souhaite voir ses revenus augmenter.
C'est normal surtout quand on examine la situation au Québec. Combien il
y en a, des 500 000 chômeurs actuellement qui aimeraient cela avoir un
job juste pour gagner assez d'argent pour faire vivre leur famille, pour amener
un peu de nourriture sur la table! Ceux qui sont encore chômeurs, qui ne
sont pas encore décrochés de l'assurance-chômage et qui
sont près de devenir des prestataires de l'aide sociale parce qu'il n'y
a plus de jobs et que le chômage est pratiquement fini, comment
allez-vous faire pour vivre?
Vous nous écoutez ce soir. On parle de salaires de 35 000 $, de
40 000 $ et vous devez avoir l'eau à la bouche. Si vous aviez simplement
un salaire de 10 000 $, 12 000 $, 15 000 $ par année. Mais non, vous ne
l'avez pas. Nous, on traite de salaires qu'on pourrait prétendre
énormes pour certains d'entre vous. On pourrait regarder des salaires
comme celui de Guy Lafleur qui a contesté, 300 000 $ à 400 000 $
par année, il n'était pas heureux de son rendement. Il payait un
taux d'impôt au Québec et il voulait renégocier ses
ententes. Les frères Stastny à Québec, ce sont des gars
formidables. On voulait renégocier des salaires parce que quelque 100
000 $ par année, ce n'est rien. Les salaires, c'est difficile à
évaluer, ce qui doit être payé à l'un, ce qui doit
être payé à l'autre, pour autant que tout le monde a un
job.
Moi ce que je trouve de plus écoeurant dans la situation
actuelle, c'est qu'on vient à peine de voter une loi, la loi 105, 109
décrets qui enlèvent dans la poche des fonctionnaires
provinciaux, des secteurs public et parapublic, 20% de salaire que ces gens
gagnaient, salaire selon lequel ces gens s'étaient habitués
à vivre et le gouvernement pour camoufler ses trous a
décidé - pas d'aller emprunter, pas demander, pas négocier
- d'aller voler les employés de la fonction pubique de 20%. Quand on
entend les pleurnicheurs de l'autre côté qui nous disent: On fait
pénitence. On se serre la ceinture. On reporte notre augmentation qu'on
devait avoir le 1er janvier 1983, on reporte cela au mois d'avril, on va avoir
seulement 6%. On fait un sacrifice. On coupe nos pensions. Écoutez!
J'écoutais le leader du gouvernement, hier soir, qui a commencé
avec ses tableaux qui nous démontraient le salaire payé à
un député à l'Assemblée nationale du Québec.
En 1977, un député gagnait 27 800 $ et du même coup, le
leader du gouvernement comparait le salaire d'un agent de recherche qui
gagnait, à ce moment-là, 28 700 $, 100 $ de moins qu'un
député. Ce même leader du gouvernement disait: Nous, les
députés, on fait des sacrifices. On a été
raisonnables. On a pris à peine 6% par année. Il y a des
années qui ont passé et cela totalise aujourd'hui un salaire de
35 096 $, alors que le même agent de recherche gagne présentement
47 000 $, 12 000 $ de plus que le député en 1982, que le
même député et cette même personne en 1977.
On se souvient que le PQ a été élu en 1976. C'est
où, le gaspillage? Quand, de notre côté, on a dit à
cette Assemblée nationale que le Parti québécois avait
gaspillé les fonds publics, effectivement, ils ont négocié
des conditions salariales abusives. Ce sont eux qui ont donné à
nos employés
de la fonction publique les salaires qu'ils ont aujourd'hui. Ils ont
acheté le référendum. Il fallait calmer. Il fallait avoir
la paix. Ils essayaient de faire passer le oui et on sait comment cela s'est
passé, l'affaire. Ils ont tenté d'acheter toutes sortes de belles
choses jusqu'au moment où ce même gouvernement et le ministre des
Finances s'aperçoivent qu'on est tout à fait en faillite. Et
là, on vient nous dire et on vient pratiquement blâmer nos
employés de la fonction publique du salaire qu'ils ont actuellement.
J'écoutais tantôt la députée de Johnson qui disait:
II s'est payé des augmentations d'au-delà de 162% depuis 1977
à nos infirmières, tant pour cent à nos enseignants, tant
pour cent à nos secrétaires, tant pour cent à nos agents
de ceci, à nos agents de cela. C'est ce gouvernement qui a
accepté ces conventions collectives. Une négociation, cela se
fait des deux côtés: du côté patronal et du
côté syndical. Si le côté patronal a trop
donné, il se trouve dans la situation où il est aujourd'hui. Et
là, on vient brailler. On vient mettre cela sur la faute de tout le
monde.
On faisait des comparaisons tantôt avec les députés
fédéraux: Ils gagnent 50 000 $ par année et on gagne 35
000 $. C'est effrayant! C'est effrayant, les députés
fédéraux gagnent 50 000 $ par année et on gagne 35 000 $.
Et après? Et après? Nous autres, on se dit une chose: Vous avez
mis en déconfiture la situation économique au Québec. Vous
nous avez poussé cela dans les reins depuis 1976 et là, vous
venez pleurer. Nous, on vous dit: Mesdames et messieurs du côté
ministériel, ayez au moins la décence de repousser votre
augmentation jusqu'à la fin de décembre 1983 et là, on va
voir comment cela va aller. On va voir si on est en mesure de se rajuster. On
devrait payer l'Assemblée nationale et ses députés selon
leur compétence administrative et selon les résultats positifs.
Quand le Québec est la pire province au point de vue financier,
économique et même social, on ne se paie pas d'augmentation de
salaire.
On va nous dire: On a réduit notre régime de retraite.
Mais attendez une minute! La "gang" de péquistes qui ont
été élus en 1976, ils ne passent pas au "cash", eux. Ah,
non, non, non! Eux, ils se sont organisés la "bean" de façon
telle que s'ils se font foutre à la porte à la prochaine
élection, ils partent gras dur. On a vu le petit Charron partir l'autre
jour. Bon! On part de toutes sortes de façons de l'Assemblée
nationale. Mais lui, il part avec 27 900 balles dans ses poches, 34 ans,
chômeur, rien à faire. Cela se peut-il? (22 heures)
II y en a d'autres qui sont partis et il y en a sûrement d'autres
qui partiront. Mais on a sacrifié dans le projet de loi, 24
députés péquistes élus au mois d'avril 1981; tous
les autres pacagent dans les patates quand on part. C'est écoeurant de
faire cela, c'est épouvantable. Vous devriez avoir honte. On devrait
commencer à siéger seulement la nuit pour adopter des affaires
comme cela. Je pense qu'en tant que Québécois, j'ai honte de
vous. Je ne suis pas tout seul. Il commence à y en avoir une maudite
"gang" en arrière de moi.
Cela ne se peut pas que la population du Québec accepte de se
faire leurrer de cette façon et qu'on vient nous brailler dans la face,
qu'on vient se péter les babines et qu'on vient nous dire: Est-ce qu'on
n'est pas mal poignés? Voyons donc! Ceux qui écoutent les
débats à la télévision ce soir, regardez moi cela
aller. Gang de picosseux, l'autre bord. Ce sont des grignoteux de
"golée", cela grignote ici, cela grignote là, cela grignote
partout. Ils ont grignoté dans vos impôts, pour ceux qui ont
reçu les avis, vous vous en souvenez? Ils empêchent les gens de
travailler avec la carte de classification. Il n'y a rien qu'ils ne font pas
pour mettre tout le monde au désespoir au Québec.
Une voix: C'est vrai.
M. Rocheleau: Et là, ils viennent nous parler qu'ils font
un sacrifice. Bien, voyons donc! Ce qu'on recommande - poignez cette affaire et
essayez-le pour le "fun", embarquez avec les nouveaux, retournez au 13 avril
1981 à la loi rétroactive. Je suis d'accord avec cela 100 milles
à l'heure, parce que, pour vous planter, je ferais n'importe quoi.
Avez-vous compris? N'importe quoi. N'est-ce pas? Retournez au 13 avril 1981,
ayez au moins cette décence; c'est rien que cela qu'on vous demande.
Acceptez de geler vos salaires jusqu'au 31 décembre. C'est une
façon déguisée... On a 12 adjoints parlementaires, on l'a
dit, on l'a répété, on vous le répétera
encore: les ministres en veulent chacun un, pour se tenir par la patte -
savez-vous? - quand ils s'en vont dehors et quand ils se promènent, pour
se faire ouvrir la porte. Peut-être que le chauffeur n'ouvre plus la
porte avec la baisse de son salaire. Alors, il faudra un adjoint pour ouvrir la
porte du Cadillac -savez-vous? - pour faire entrer M. le ministre. L'adjoint
parlementaire nous disait: Est-ce que cela a du bon sens: 35 000 $? Mais lui,
il est payé 66 000 $ par année, qu'est-ce qu'il a à se
plaindre? Il vient nous faire des petits dessins, des petits portraits, voyons
donc! Il est ministre, il prend l'avion et floup! on "fly", et puis la voiture,
le service et pratiquement le bar dans l'auto.
Je comprends que les députés péquistes, aie! Cela
doit être poigné dans ce caucus, une affaire épouvantable.
Oui, ils doivent s'aimer là-dedans. On en a vu un petit
échantillon samedi. Là, il n'y a pas grand-monde de l'autre
côté, mais en tout cas, ce n'est pas grave, on leur parle puis,
cela
entre d'un bord et sort de l'autre. Ce n'est pas tellement grave. Mais
j'aimerais vous lire un petit article qui a paru, un moment donné, quand
on a parlé d'adjoints parlementaires. Il y en a qui ne pensent pas en
mal de vous. Je vais vous lire cela: Au sujet des adjoints parlementaires,
évidemment, on n'est pas dans le vestibule pour rien. Les
députés qui s'attendaient à devenir ministres et qui ne le
sont pas ou qui se font remettre la nomination de mois en mois ou
d'année en année en leur disant: "Espère, attends ton
tour. Il y aura bien un scandale qui liquidera quelques postes et tu auras bien
l'occasion de monter. " N'est-ce pas? C'est l'un des vôtres qui a dit
cela; c'est M. Claude Charron; il est parti, il a laissé sa place
à un autre; on vous invite peut-être à faire pareil; c'est
une façon de sortir n'est-ce pas?
Ah non! Je vous avoue que depuis que je suis ici, je suis
bouleversé par l'attitude de ce gouvernement péquiste qui n'a pas
assez de coeur et de décence pour dire aux citoyens du Québec
dans quelles conditions on est, premièrement, et avoir
l'honnêteté et la franchise de dire où on s'en va. Si le
gouvernement péquiste veut se payer une augmentation de salaire, qu'il
en discute ouvertement, qu'il ne se cache pas en arrière de ceci et en
arrière ce cela. Voyons donc!
Dans la situation actuelle, je considère que ce Parlement ne
mérite pas d'augmentation de salaire. Que ce soit retardé de
trois mois ou de six mois, vous ne méritez pas cela. C'est impensable de
nous avoir amenés dans ce pétrin. Vous avez sur la table ce soir
un projet de loi pour vous donner des salaires, alors qu'on devrait discuter
d'économie, alors qu'on devrait discuter d'emplois, alors qu'on devrait
parler de quelle façon on va relancer cette province dans l'action.
Quand on regarde cela, cela va encore plus loin. Ils sont 74
députés péquistes -écoutez bien cela, c'est le
"fun" - et, pour avoir une augmentation de salaire déguisée,
parce qu'ils refoulent cela dans le temps, ils se donnent tous des jobs. Ils se
ramassent 7000 $ ici, 3500 $ là, ils s'accrochent une "job" de
vice-présidence. Cela fonctionne comme cela, 68 sur 74 vont avoir des
jobs. Les six autres vont être des braillards, ils vont brailler parce
qu'ils n'auront rien. La députée de Maisonneuve n'a pas
mérité grand-chose dernièrement, elle a voté contre
le projet de loi no 105. Le député de Sainte-Marie,
c'était un péquiste, et il s'est refoulé en
arrière. Un instant! Le député de Deux-Montagnes, la
semaine passée, vous n'avez pas suivi votre caucus. Quand le premier
ministre a tiré sur la chaîne, la patte ne vous a pas
monté! Vous allez y goûter, cela n'a pas de bon sens!
M. le Président, quand on regarde tout cela, c'est de la folie
furieuse. À l'Assemblée nationale, on devrait actuellement
travailler très fort, tous les députés, des deux
côtés de la Chambre, pour essayer de se sortir du trou dans lequel
ce gouvernement péquiste nous a plongés. On a demandé
l'autre jour de faire des élections, de tester le pouls pour le "fun".
Lâchez les sondages et allez-y pour vrai! Ne vous en faites pas, on est
prêt. Je vais vous dire pourquoi on est prêt. C'est parce que la
population, vous le savez, vous autres, vous ne la suivez plus, vous ne pouvez
même plus lui parler. Les associations péquistes de certains
comtés revendiquent des choses auprès du premier ministre. Il ne
les écoute même plus. Quand je disais qu'on rencontrait des
péquistes, il y a du maudit bon monde là-dedans. On en rencontre
sur la rue, dans les réunions, un peu partout, mais cela fait des
drôles de grimaces aujourd'hui. C'est tout croche. Ils se disent: Est-ce
que cela a du bon sens que j'aie voté pour cela! Mourir comme cela,
c'est assez pour aller chez le diable! C'est cela qu'on nous dit. Je trouve
cela triste un peu, parce que ces mêmes gens se sont fait prendre en
1976. Vous les avez accrochés à nouveau en 1981, avec la
"barouette" de promesses de René. Il se promenait partout dans les
comtés, 6 000 000 000 $, on promet ici, on promet là et envoie
donc! Le lendemain de l'élection, le crash, pouf, dans le trou,
"kaputt", fini! On n'a jamais été dans pire situation de notre
vie. Voyons donc! Est-ce que cela a du maudit bon sens! Quand on regarde cela,
on s'imagine qu'on est à faire de la "fripe". Dans vos salons, restez
assis bien tranquilles, on s'en vient. Quand on va arriver, on va
dépanner le Québec. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, me lever après
l'intervention de mon collègue de Hull, j'ai bien l'impression que cela
va sembler une intervention extrêmement austère. De toute
façon, je ne prendrai la parole que pour quelques minutes pour indiquer
quelques points sur lesquels je pense qu'on devrait réfléchir
davantage en commission parlementaire. (22 h 10)
En ce qui concerne la première partie du projet de loi no 90, qui
porte sur l'Assemblée nationale elle-même, les droits de
l'Assemblée nationale, un projet de loi qui veut en quelque sorte
rajeunir ce qui nous régit présentement et peut-être
prendre une distance un peu plus grande entre les pouvoirs de
l'Assemblée nationale et les pouvoirs de l'exécutif, d'autres de
mes collègues l'ont signalé avant moi, on aurait souhaité
que le gouvernement soit un peu
plus hardi dans cette démarche. Même s'il y a, à
l'intérieur de cette première partie du projet de loi, des choses
positives, c'est un pas extrêmement hésitant qui donne à
peine à l'Assemblée nationale des pouvoirs supplémentaires
qui sont bien en deçà de ce qui avait été
prévu par le rapport Vaugeois ou dans d'autres réflexions qui
avaient été faites sur le fonctionnement de l'Assemblée
nationale, que ce soit par notre ancien collègue de Saint-Laurent, M.
Forget, même notre ancien collègue, M. Jean-Noël Lavoie ou
d'autres personnes qui, d'un côté ou de l'autre de
l'Assemblée nationale, comme le signalait hier soir le leader de
l'Opposition, ont fait des recommandations qui restent encore lettre morte pour
un grand nombre.
Je sais fort bien que le gouvernement a formé un comité
pour étudier tout le problème de la délégation de
la réglementation qui échappe à l'Assemblée
nationale. Nous avons là un comité qui étudiera pendant un
an ou davantage, qui reviendra peut-être avec des suggestions à
l'Assemblée, mais, avant que le gouvernement ne décide d'agir sur
les recommandations que ce comité pourra faire, il coulera encore bien
de l'eau sous les ponts.
Il faut regretter qu'en ce sens-là on ne retrouve rien quant aux
pouvoirs de l'Assemblée nationale en ce qui touche la
réglementation déléguée.
Je voudrais parler simplement sur certains points, peut-être
ont-ils été soulevés alors que je n'étais pas en
cette Chambre, je m'excuse, si c'est une répétition. Il y a par
exemple cette disposition du projet de loi no 90 qui, somme toute,
réitère ce qui existe déjà présentement, par
exemple, qu'une Législature est d'au plus cinq ans à compter de
la publication après une élection générale de
l'avis visé à l'article 134 de la Loi électorale,
c'est-à-dire que le mandat d'un gouvernement ne doit pas excéder
cinq ans.
Il me semble que le gouvernement a laissé de côté
une occasion assez intéressante à ce moment-ci de fixer à
quatre ans et à une date déterminée le mandat d'un
gouvernement. Il y a différentes raisons pour cela. On sait fort bien
que l'espèce de suspense qui existe entre ce qu'on reconnaît
généralement comme le mandat normal d'un gouvernement, soit
quatre ans, et le temps où il décide d'appeler une
élection, produit une espèce de vide où tout l'appareil
gouvernemental se trouve en quelque sorte immobilisé. On se rappellera,
par exemple, que, dans le cas du gouvernement du Parti québécois,
dès le printemps, les gens s'attendaient qu'il y ait une élection
à l'automne de 1980. À partir de ce moment-là, on a pu
assister, par exemple, à un déplacement du personnel des cabinets
politiques. Personne n'étant très sûr de ce que serait
l'issue de l'élection, le personnel des cabinets politiques se trouvait
des tablettes ou des casiers dans la fonction publique parce qu'à ce
moment-là il faisait partie de la fonction publique automatiquement. Par
la suite, l'élection n'a pas eu lieu, comme normalement prévu en
novembre 1980, mais le gouvernement jugeant que ses chances seraient
meilleures, a finalement retardé l'élection jusqu'au printemps
1981.
Si bien qu'à ce moment-là vous avez, d'une part, un
gouvernement qui, à mon point de vue, et quel que soit le gouvernement
en place, est beaucoup moins responsable parce qu'il me semble que son objectif
dans ces derniers 18 mois, s'il décide de retarder la date des
élections, est davantage fixé sur des calculs
électoralistes, sur des gestes qui vont le favoriser dans l'opinion
publique plutôt que le défavoriser, sur des calculs qui ne sont
pas nécessairement dans l'intérêt de la population mais
bien davantage dans l'intérêt d'un parti politique, celui qui est
au pouvoir, celui qui doit décider de la date du déclenchement
d'une élection.
Aux États-Unis, vous avez ces élections à une date
ferme, à une période précise, et je pense que tout le
monde a à y gagner. D'abord, la population ne fait pas des
hypothèses pendant un an et demi ou même davantage, à
savoir si l'élection aura lieu à l'automne, au printemps ou
à l'automne suivant. Un fonctionnarisme important n'a pas à se
dire: Mon Dieu, les élections commencent à ralentir la machine,
parce qu'il y aura peut-être des élections à l'automne et,
ensuite, les élections sont retardées. Je le dis non seulement
pour le gouvernement qui est en face devant nous -je l'ai vécu avec le
gouvernement qui est en face de nous - mais je suis certaine que les
mêmes élucubrations et les mêmes échafaudages se sont
faits, dans le passé, sous d'autres gouvernements. Je tiens à
dire ici, M. le Président, que je regrette que le gouvernement, au
moment où il nous présente des modifications au règlement
de l'Assemblée nationale et aux règles générales
qui nous régissent, n'ait pas - je pense que c'était
peut-être une question de courage -eu le courage, dans
l'intérêt de la population, de fixer une date fixe et un mandat
déterminé pour la durée d'une législation.
Le deuxième point que je voudrais signaler, c'est qu'on
prévoit justement, dans cette première partie, que
l'Assemblée siège dans la ville de Québec, on s'y
attendait un peu, mais qu'elle peut aussi siéger à tout endroit
du Québec. J'avoue humblement que j'ignore ce que mes collègues
ont dit à ce sujet. Mais il me semble tout à fait incongru que
l'on puisse songer que l'Assemblée nationale aille siéger
à l'extérieur de la ville de Québec. Ne serait-ce que sur
la question
des coûts, vous vous imaginez, déplacer l'Assemblée
nationale! Certains me rétorqueront peut-être que c'est en cas de
situation d'urgence, le parlement est rasé par les flammes.
Écoutez! M. le Président, si le parlement est rasé par les
flammes et qu'on est totalement dans l'incapacité de siéger
à l'intérieur de ses murs, je pense qu'à ce
moment-là, le gouvernement peut invoquer une question d'urgence et faire
adopter, d'un commun accord, par l'ensemble de l'Assemblée nationale,
qu'un autre endroit, à Québec - je dis qu'il devrait rester
à Québec - soit choisi pour nos délibérations et
pour prendre nos décisions législatives. Ceci, de toute
façon, même si on invoque ce genre de situation d'urgence pour
introduire une telle clause - elle n'a jamais existé dans le
passé - laisse une porte ouverte. Peut-être que ce n'est pas
l'intention du gouvernement de l'utiliser à d'autres fins. Mais
n'oubliez pas que, quand on légifère, qu'on ouvre ce genre de
porte dans un projet de loi, on l'ouvre pour plusieurs, pour ceux qui sont en
place et peut-être davantage pour ceux qui vont suivre. Je
m'étonne vraiment de cette disposition.
Quant à la possibilité des commissions itinérantes
que l'on prévoit et qui, je pense, sont une bonne initiative,
désormais d'autres l'ont expliqué avant moi - on formerait
différents types de commissions parlementaires comme on en a
déjà eu pour la fonction publique, pour la Loi sur la protection
de la jeunesse, on prévoirait même qu'une commission ordinaire de
l'Assemblée nationale, que ce soit la commission de l'énergie et
des ressources, ou la commission des affaires sociales, aille siéger
à l'extérieur du parlement, je pense que ce devrait être
utilisé avec beaucoup de circonspection et dans des circonstances
exceptionnelles.
Je sais que le leader de l'Opposition a quand même indiqué
hier certaines balises à l'application de cette disposition du projet de
loi. Je serais peut-être même plus sévère que le
leader de l'Opposition à cet égard et il faudrait vraiment parler
de conditions exceptionnelles et de conditions vraiment d'urgence dans une
région précise ou d'un problème d'urgence dans un endroit
précis pour se prévaloir d'une telle disposition. Je l'ai
moi-même vécu et n'oubliez pas qu'il s'agissait d'une commission
non partisane. Il s'agissait de la commission sur la protection de la jeunesse,
qui était une commission non partisane. Je pense que je dois rendre
hommage à tous les membres qui siégeaient à cette
commission, parce qu'on l'a utilisée d'une façon non partisane au
cours de ces tournées qui étaient une première à
l'Assemblée nationale, à savoir qu'une commission parlementaire
spéciale se déplace dans l'ensemble du Québec ou, enfin,
dans quelques régions du Québec. Mais, malgré tout, ce
n'est plus le caractère de l'Assemblée nationale. C'est beaucoup
plus un type d'audiences publiques où, comme je le disais tout à
l'heure, le caractère est tout à fait changé. Je pense
même que ceci conditionne en quelque sorte le comportement des
élus. (22 h 20)
Je craindrais fort que ces commissions parlementaires
itinérantes, si elles devaient être étendues, si on devait
leur donner une extension la moindrement importante, détournent le
travail des commissions parlementaires de leur fin véritable et leur
donnent un caractère électoraliste beaucoup plus grand. Je ne
vois vraiment pas ce qu'y gagnerait l'Assemblée nationale. Je serais
beaucoup plus favorable, si on veut rendre les commissions parlementaires plus
accessibles au public, à utiliser le média de la
télévision que nous avons déjà
intégré à l'Assemblée nationale. C'est d'ailleurs
dans le même sens que je m'étonne qu'on puisse vouloir
déplacer le Parlement ailleurs qu'à Québec justement parce
qu'on a déjà dépensé des millions à ce
sujet. Je pense que les citoyens, d'une façon générale,
sont satisfaits que l'Assemblée ait fait cette dépense pour leur
ouvrir à l'extérieur de l'enceinte de l'Assemblée
nationale le fonctionnement du Parlement. Dans le même sens, je pense
qu'on pourrait étendre ce service du côté des commissions
parlementaires comme nous l'avons déjà fait plutôt que de
penser à des déplacements vers l'extérieur.
Sur cette première partie, il y a un point ou une suggestion qui
a été faite par le député de Sainte-Marie, que je
voudrais appuyer, et qui, je pense, avait déjà fait l'objet de
discussions à la sous-commission qui a étudié ce projet.
Elle propose que les membres du Bureau de direction de l'Assemblée
nationale, le nouveau bureau qui sera formé, soient élus par
l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale. Il peut y avoir une
certaine crainte de déséquilibre, compte tenu de la
majorité du gouvernement, qu'un plus grand nombre de membres de la
majorité parlementaire soient nommés, mais si, vraiment, d'un
côté comme de l'autre, on veut respecter l'esprit de cette loi, il
va de soi que, sans établir de règle formelle, on choisirait des
membres qui respecteraient cet équilibre. Il faut quand même faire
confiance, dans le fonctionnement de l'Assemblée nationale, aux membres
qui la composent. N'est-ce pas là, au point de départ, même
si c'est fait d'une façon un peu hésitante, l'esprit de ce projet
de loi? C'est une suggestion qui devrait être retenue ou qui
mériterait d'être examinée davantage.
En ce qui a trait au quorum, celui qu'on suggère, de 10 membres
plus le président, sur 122 députés, me semble
extrêmement faible. Si vous ne suivez pas un peu ce qui se passe à
l'Assemblée nationale,
ça ne prend pas de temps avant que vous soyez - si je peux
utiliser l'expression -débranchés...
Une voix: Déphasés.
Mme Lavoie-Roux:... ou déphasés par rapport
à ce qui fait l'objet des débats généraux à
l'Assemblée nationale. Par respect pour les gens qui nous élisent
pour siéger à l'Assemblée nationale, on doit assurer un
minimum convenable comme quorum. Cela me semble essentiel. Dans ce sens, 10 ou
12 députés?
Une voix: 10%.
Mme Lavoie-Roux: 10% de 122, cela fait 12 députés.
12 députés sur un groupe de 122 députés qui, en
dehors des sessions parlementaires, ont comme première
responsabilité - je mets à part, compte tenu de leurs
responsabilités particulières, les ministres - de siéger,
le devoir des autres, s'ils ne sont pas en commission parlementaire,
normalement, est d'être à l'Assemblée nationale. Ceci
m'attirera peut-être des reproches de mon propre whip, car je ne suis
peut-être pas aussi fidèle que je devrais l'être à
l'Assemblée nationale, mais, entre ce qui peut être nos faiblesses
personnelles et ce qui devrait être le principe et l'application
réelle d'un principe qui respecterait l'Assemblée nationale et
les délégations que les citoyens nous font en nous élisant
à l'Assemblée nationale, je pense vraiment que 12
députés pour le quorum ce n'est pas suffisant, M. le
Président.
En ce qui a trait à la deuxième partie, je ne serai pas
très longue en ce qui touche les salaires et les régimes de
retraite. J'ai écouté avec beaucoup d'attention, d'ailleurs, il
l'a fait avec un style assez intéressant, le leader du gouvernement hier
soir, je pense, ou avant-hier soir, lorsqu'il nous a montré tous ses
tableaux pour établir que l'écart allait sans cesse en
s'élargissant entre le salaire des députés et le salaire
des fonctionnaires de telle classe ou des professionnels. C'était fort
intéressant. Je pense que là où le gouvernement, et le
leader, à l'occasion, a manqué c'est en établissant ses
tableaux pour essayer de justifier une position qui en soi peut-être n'a
même pas besoin d'être justifiée; mais il y a introduit un
élément biaisé en faisant la comparaison sur ses tableaux
uniquement avec les salaires des députés fédéraux
alors qu'il aurait dû normalement faire cette comparaison avec une autre
province, en l'occurrence l'Ontario qui, comme nombre de députés
et importance de la population, se compare beaucoup mieux que le
fédéral.
Évidemment, c'était une occasion de plus. Le leader du
gouvernement, qui, au point de départ, avait tenté - je le pense
sincèrement - d'avoir une approche non partisane, est
immédiatement tombé dans ce travers qui est tellement
viscéral maintenant chez nos adversaires d'en face que, même
lorsqu'on veut prendre une approche non partisane, on ne peut pas
l'éviter, si bien que la comparaison s'est faite avec le gouvernement
d'Ottawa alors qu'en toute objectivité elle aurait du se faire avec le
gouvernement de l'Ontario. Peut-être que le gouvernement
fédéral a exagéré dans l'augmentation de ses
salaires; qu'il en porte la responsabilité. Mais, quand on veut
convaincre la population que nos positions sont bien fondées, je pense
qu'on devrait prendre un point de comparaison qui est vraiment comparable. Si
l'on regarde ce que l'Ontario gagne, on réalise fort bien qu'on est loin
d'être derrière l'Ontario, on est devant l'Ontario.
Deux autres petits points, si vous me le permettez. Cela n'est pas pour
jouer les purs. Je pense que c'est vrai que les députés ont des
responsabilités familiales, ils ont droit à un salaire
décent, mais je pense que ce qui est incompréhensible de la part
du gouvernement, c'est que, pendant trois jours, nous nous sommes assis ici
à l'Assemblée nationale et que de l'autre côté de la
Chambre, en particulier, on a tenté de justifier la
récupération des salaires chez les employés de
l'État en faisant valoir la crise économique terrible dont tout
le monde est conscient pour effectuer cette récupération. Le
débat était à peine froid puisqu'il s'était
à peine écoulé 24 heures entre le temps de la fin du
débat du samedi soir et notre début de discussion hier que
déjà ceci était une page tournée du passé.
C'était comme si c'était un événement qui
s'était passé sur une autre planète, et on vient demander
d'indexer nos salaires à partir du mois d'avril. Je pense qu'une simple
décence exigerait qu'au moins on donne l'exemple et qu'on n'indexe pas
les salaires pour l'année 1983 et qu'on attende en décembre 1983,
comme on l'exige pour beaucoup d'autres fonctionnaires dont le salaire sera
gelé pour l'époque.
Un dernier mot sur les régimes de retraite. Cela aussi je le
reproche au leader du gouvernement, c'est tout à coup la vertu du
gouvernement d'avoir modifié le régime de retraite sur lequel il
y avait un consensus. Tout le monde était d'accord que ce régime
ne pouvait pas continuer, qu'il était trop coûteux, que les
facteurs sociologiques, l'âge des députés, etc., avaient
changé depuis longtemps et que tout le monde disait: II faut que ce soit
changé. Quand on vient nous parler de la vertu du gouvernement alors
qu'on s'est bien assuré que tous les députés qui sont
arrivés ici avant 1981 ont été bien
protégés, il faut bien le dire. La vérité - et moi
j'en suis une de 1976, je rentre dans le paquet, M. le
Président - c'est que tous les députés qui sont
arrivés en cette Chambre avant 1981 sont protégés. On va
peut-être dire, il y a une petite modification, mais par contre on a le
dédommagement de la transition qui compense largement ce que moi je
pourrais perdre si par hasard je quittais après huit ans. (22 h 30)
La vérité, c'est qu'on ne peut pas faire valoir notre
vertu. Il aurait peut-être fallu être plus soucieux de la justice
envers tous nos collègues de l'Assemblée nationale, mais moi
j'accepte mal - et comme je vous le dis, je me sens tout à fait à
l'aise pour le dire parce que je suis du groupe de 1976 -que les seuls qui
soient vraiment pénalisés par le nouveau projet de régime
de retraite que l'on prévoit pour les députés, soient nos
collègues qui sont arrivés ici à l'Assemblée
nationale en 1981. Je trouve que c'est une insulte. Ou bien on leur accordait
la même protection qu'on nous accorde à nous de 1976, de 1973 ou
de 1970, ou les pénalités touchaient d'une façon semblable
tous les députés qui sont ici dans cette Chambre. Je pense que
là, nous nous retrouverons devant deux poids, deux mesures.
En terminant, je pense qu'on ne peut pas plaider la vertu ou exhiber ce
qu'on pourrait appeler une attitude vertueuse vis-à-vis du projet de loi
qui est devant nous. La première partie a des aspects extrêmement
intéressants. Quant à la deuxième partie, on fait ce que
nous devons faire. Personne ne peut prétendre à la vertu parce
que c'est lui qui le présente. Le gouvernement aurait dû le
présenter avant de toute façon. Je pense surtout qu'il faut se
demander - je demande au gouvernement de le réexaminer - s'il est
réellement raisonnable à ce moment-ci d'imposer le gel et la
récupération salariale à tous les employés des
secteurs public et parapublic. Et même dans le secteur privé, il y
a aussi beaucoup de gels. On le sait. On se l'est fait dire de l'autre
côté. À tous ces citoyens, on a imposé un gel et
pour nous, le gel ne vaut que pour trois mois et on recommence, je comprends,
dans l'ordre de 6%, nos augmentations de salaires au 1er avril 1983.
M. le Président, je vous remercie et j'espère que le
gouvernement, sans démagogie ni d'un côté ni de l'autre, va
examiner ce projet de loi un peu plus en profondeur. Je pense que ce sera
peut-être une excuse de plus pour troubler la paix sociale que tout le
monde souhaite, en dépit des événements qui sont survenus
la semaine dernière. Je pense qu'il ne faut pas ajouter de l'huile sur
le feu et qu'à cet égard, le gouvernement devrait
réfléchir un peu plus et peut-être prévoir ce gel du
salaire des députés pour le total de l'année 1983. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: M. le Président, je n'ai pas vraiment
l'intention d'intervenir très longtemps sur le sujet, parce que quand
cela fait déjà 24 heures, ou à peu près, qu'on
discute du même sujet, finalement, cela finit par être très
répétitif. Je tiens seulement à intervenir pour dire que
moi aussi, je vais voter pour le projet de loi 90. Je vais vous dire en partie
pourquoi et je vais aussi commenter quelques réflexions que j'ai
entendues au cours des interventions précédentes.
Premièrement, je dois féliciter la députée
de L'Acadie pour son intervention qui a rattaché cela à un point
sur lequel elle s'est attardée un peu, soit le quorum qui est
proposé dans le projet de loi no 90 en disant qu'il faudrait qu'on soit
plus souvent à l'Assemblée nationale ou en tout cas, le plus
possible. Mais en même temps, elle a dit juste avant: Je n'ai pas
assisté à toutes les séances, parce que j'étais
prise en commission parlementaire ou ailleurs. Donc, je ne sais pas si telle ou
telle chose a été dite. Mais je me suis aperçu d'une
chose-, c'est qu'elle n'avait pas été ici en permanence à
cause d'autres obligations, mais cela ne l'a pas empêchée
d'être - en tout cas, de tout ce que j'ai entendu - la
députée du côté de l'Opposition qui a fait la
meilleure analyse du projet de loi no 90. Donc, ce n'est pas
nécessairement vrai que lorsqu'on est toujours ici à
écouter des discours qui sont plus souvent politiques, amusants ou
quelquefois même démagogiques, cela nous permet d'approfondir
davantage un projet de loi.
Je suis d'accord avec le projet de loi en ce qui concerne le point
précis du quorum, parce que nos obligations comme parlementaires, mais
aussi comme députés, nous obligent à tellement de gestes
d'action, à tellement de présence un peu partout que finalement,
ce n'est pas ici en passant notre temps le plus souvent possible assis sur
notre siège à écouter qu'on peut faire le plus de boulot,
et à travailler le plus dans l'intérêt des gens de notre
comté et de l'ensemble des citoyens du Québec. Car il ne faut pas
oublier qu'en plus d'être ici pour adopter des lois et discuter sur des
lois, on doit être en commission parlementaire. On doit aussi
siéger aux comités de préparation de lois, en ce qui
concerne, en tout cas, le côté ministériel. On doit aussi
être dans notre comté. On doit assister à certaines
activités qui se passent un peu partout, plus souvent dans notre
comté mais assez souvent à Québec. On doit se
déplacer pour aller dans les cabinets si on veut que nos dossiers
avancent; donc, on doit être mobiles, on doit
se déplacer. On ne peut pas être à
l'Assemblée nationale en permanence, quand on siège comme on le
fait présentement, 16 ou 18 heures par jour, parce que nos dossiers
n'avanceraient pas et on ne serait pas prêts à présenter
des projets de loi ou à intervenir en commission parlementaire. Donc, je
suis d'accord avec ce qui est proposé pour le quorum. Je pense que la
députée de L'Acadie l'a un peu confirmé, même si son
intervention était dans le sens que c'est un peu trop petit comme
nombre, mais je pense que c'est acceptable quand on sait tout ce que les
députés doivent faire quand ils sont à Québec,
quelle est leur tâche comme parlementaires, comme
députés.
J'interviendrai aussi un peu rapidement sur ce qu'on appelle la
réforme parlementaire qui est proposée dans le projet de loi no
90, dont très peu de gens ont parlé malheureusement, du moins du
côté de l'Opposition. Je rappellerai juste les grands objectifs
qui sont fixés dans le projet de loi no 90: il y a l'indépendance
de l'Assemblée nationale, donner plus de pouvoirs aux
députés; il y a aussi un meilleur équilibre de nos
institutions politiques, un meilleur contrôle du pouvoir exécutif,
un meilleur contrôle de l'administration publique, un meilleur
contrôle des finances et des dépenses publiques. On nous reproche
souvent de ne pas contrôler suffisamment, on nous dit qu'il y a du
gaspillage un peu partout, qu'on ne peut pas intervenir rapidement, que
l'Assemblée n'a pas assez de pouvoirs sur les sommes importantes qui
sont dépensées à divers niveaux de la machine
gouvernementale. On est en train de se donner des outils au moyen du projet de
loi no 90 pour se fixer des contrôles qui nous permettront de mieux
vérifier les dépenses. Il y a aussi la revalorisation du
processus législatif et la modernisation du fonctionnement de
l'Assemblée nationale et de ses commissions de façon qu'on soit
plus productifs. Donc, si on améliore les contrôles, si on permet
de donner plus de pouvoirs aux commissions, d'avoir plus de commissions, c'est
tout à fait normal, comme je le disais tantôt, qu'on vienne
diminuer la présence obligatoire à l'Assemblée nationale.
Donc, c'est un projet qui se tient, c'est un projet cohérent.
Il y a aussi une critique qui est faite assez souvent dans la
première partie, si on pense à la réforme parlementaire,
par les gens de l'Opposition: On dit qu'on veut donner des augmentations aux
députés péquistes. On dit qu'on veut leur donner des
promotions, que c'est compris dans le projet de loi no 90 qu'on pourra nommer
plus d'adjoints parlementaires. C'est normal qu'on mette cela dans le projet de
loi parce qu'il est fait pour les années à venir. Il ne faudrait
pas qu'on soit toujours à faire des amendements; donc, il faut
prévoir les années à venir dans un projet de loi, sauf que
si c'est vrai que le passé est garant de l'avenir, il faudrait regarder
quelque chose.
À l'heure actuelle, on a, selon la loi qui existe, la
possibilité d'avoir douze adjoints parlementaires et on n'en a
même pas douze. On n'a même pas utilisé le nombre qui nous
est permis présentement. Donc, il ne faudrait pas charrier parce que le
projet de loi no 90 permettra d'en nommer davantage. Il ne faudrait pas
présumer que parce qu'on en permet plus, il y en aura plus:
Présentement, on n'utilise même pas le nombre qui nous est permis.
On utilise davantage de chefs d'équipes; je sais de quoi je parle, je
suis chef d'équipe pour un ministère. C'est fait sans
augmentation de salaire et cela nous permet d'être aussi efficaces. On le
fait parce que du côté ministériel le travail ne nous fait
pas peur.
Ce qui me surprend aussi, c'est qu'on parle très peu du projet de
loi du côté de l'Opposition, alors que ce projet de loi compte
exactement 245 articles. On en parle comme s'il n'y avait finalement qu'un
article: l'augmentation de 6%. Je vais y venir parce que je n'ai pas peur du
tout d'en parler et de voter pour. Il n'y a pas juste cela dans le projet de
loi, il ne faudrait pas l'oublier. C'est une réforme pour faire en sorte
qu'on soit encore plus efficaces, plus productifs, que l'Assemblée
nationale et ses institutions donnent un meilleur service à la
population et contrôlent mieux les finances. Je ne m'attarderai pas plus
longtemps là-dessus parce qu'il semble qu'on fait pas mal
l'unanimité excepté sur quelques points. Je pense que les
intervenants du côté ministériel l'on fait et de meilleure
façon que je ne pourrais le faire. (22 h 40)
Donc, je viendrai au projet de loi no 90 sur ce qui concerne le salaire
des députés, les revenus des députés. Pour moi,
c'est plutôt une victoire qu'autre chose, le fait de présenter le
projet de loi no 90 et je vous expliquerai pourquoi. Je n'étais pas
encore député, j'étais candidat et l'une des choses que je
véhiculais déjà, dans les assemblées que je
faisais, les discours et les rencontres publiques que j'avais, c'est que je
trouvais scandaleux que les députés du Québec se paient
des régimes de retraite aussi luxueux. J'utilisais, pour décrire
ce régime de retraite, l'expression: "un régime chromé
d'aide sociale de luxe pour des gens à l'aise dans bien des cas". Je le
disais, je le pensais et je le pense encore. Donc, pour moi, ce soir, de parler
sur un projet de loi qui vient enfin arrêter cela, qui vient enfin
limiter le régime de retraite, c'est une victoire, je suis tout à
fait content qu'on ait le courage de s'imposer cela.
Les gens de l'Opposition disent: Oui, c'est bien facile, ils se
pénalisent en ne se pénalisant pas. Personnellement, cela me
pénalise parce que ma pension, je vais l'avoir à 60 ans,
pas avant, et de beaucoup diminuée. Ceux qui ont été
élus en 1976 et avant se pénalisent aussi, il ne faut pas
l'oublier, parce que quand on parle d'une diminution d'à peu près
19 000 $, en chiffres ronds, c'est 19 000 $ par année de moins
d'investis dans le régime de retraite. C'est cela que chacun accepte, de
notre côté, de recevoir en moins comme régime de retraite.
Je pense que cela prend du courage pour le faire. On continue à prouver
que ce qu'on a véhiculé, durant la campagne électorale, on
est en train de le faire. Si les gens s'attaquent tant aux 6% dans
l'Opposition, c'est que cela leur fait mal, au fond, de perdre un régime
de retraite aussi chromé, aussi luxueux.
M. le Président, une des choses importantes dans le projet de loi
qu'il ne faudrait pas oublier, c'est cela, l'abolition du régime de
retraite. C'est fini de voir des anciens députés de 35, 36, 38,
40, 45 et 50 ans partir avec une grosse pension à vie, indexée
annuellement, peu importe leur richesse, peu importent leurs revenus, peu
importe leur profession, peu importent leurs revenus venant de toutes sources.
C'est à 60 ans pour nous, les élus de 1981 et les futurs
députés. Donc, on ne viendra plus maintenant ici pour se chercher
des grosses pensions, se faire élire pour ensuite partir en disant: Je
profite des deniers de l'État avec l'aide sociale de luxe. Non, c'est
fini. Maintenant, on va venir parce qu'on a envie de faire quelque chose pour
les Québécois et les Québécoises. C'est un des
points majeurs qui apparaît dans le projet de loi no 90. Comme je vous le
disais tantôt, j'en suis très fier, parce que c'est une chose que
j'avais hâte qu'on ait le courage de faire.
Une autre chose qui apparaît là-dedans, qui touche les 6%
et qu'il ne faudrait pas oublier, c'est ceci. Je ne sais pas si cela a
été suffisamment dit, mais je le répète, ce sera
juste un peu plus clair. Si on n'adoptait pas le projet de loi no 90, il ne
faudrait pas oublier que la fameuse indexation de 6%, cette augmentation de nos
salaires, ce n'est pas le 1er avril 1983 qu'on l'aurait, mais le 1er janvier.
Selon la loi qui existe présentement, selon ce qui a déjà
été adopté, une augmentation est prévue au 1er
janvier qui vient dans quelques semaines. C'est cela, la réalité.
Il ne faudrait pas se la cacher et il ne faudrait pas non plus la cacher
à la population. On a une augmentation qui, dans la loi actuelle, en
fait, légalement, nous est due dans quelques semaines, le 1er janvier.
Avec le projet de loi no 90, on impose le gel au 1er janvier et on reporte
l'augmentation au 1er avril prochain. On la reporte en avril, en même
temps que les employés du secteur public vont aussi aller chercher une
certaine récupération. C'est en même temps.
On s'accroche aussi au secteur public en disant que, étant
donné qu'en janvier tout le monde est gelé ou coupé, nous
aussi, sauf que nous on n'a pas eu d'indexation au cours de l'année
1982, il ne faut pas l'oublier. On gèle nos salaires au 1er janvier 1983
pour aller chercher une indexation au 1er avril 1983, en même temps que
le secteur public. Comme l'indexation de 6% s'échelonnera sur une
période de neuf mois seulement, ça veut dire une augmentation
réelle de 4, 8% pour l'année, ce qui, en réalité,
équivaut à une augmentation moins élevée que celle
accordée au secteur public.
Donc, je ne pense pas qu'on exagère. Je ne reviendrai pas sur
l'ouvrage du député comme tel à savoir si c'est
mérité ou pas. Finalement, on a décidé qu'on gelait
nos salaires le 1er janvier, qu'on s'accrochait au 1er avril, comme tout le
secteur, avec une indexation qui, sur une période de neuf mois,
répartie sur l'ensemble de l'année, équivaut à une
indexation moindre que celle accordée au secteur public.
Il ne faudrait pas oublier aussi que peu importe ce qui a
été dit sur notre horaire, l'ouvrage qu'on a à faire, les
déplacements qu'on a à effectuer, ne nous empêchent pas
d'être moins payés au kilométrage que nos employés.
Cela n'empêche pas aussi qu'à l'intérieur même du
secteur public québécois, plus de 50 000 fonctionnaires ont un
salaire plus élevé que celui des députés. C'est
avec beaucoup moins de sécurité et d'avantages pour nous.
Donc, je ne pense pas que ce soit une honte de venir reporter notre
augmentation de 6% en même temps qu'on décide enfin de mettre la
hache dans ce fameux régime de retraite chromé qui fait
certainement mal aux gens d'en face. Jamais cela ne s'est fait, ils ne l'ont
jamais demandé non plus, sauf que nous on l'avait promis et on le
réalise même si ça nous touche tous de ce
côté-ci.
J'aimerais maintenant rappeler rapidement pour les contribuables ce que
ça veut dire le fait qu'on se vote 6% au 1er avril, mais qu'en
même temps on mette la hache - je pense que c'est une expression
acceptable dans le cas présent - dans nos régimes de retraite.
Cela veut dire que notre indexation, globalement, pour l'ensemble de la
députation des deux côtés de la Chambre, coûtera aux
contribuables pour l'année 1983, 200 000 $. Par contre, pour
l'année 1983 seulement, la réduction des coûts par les
coupures qu'on effectue dans notre régime de retraite est de 3 000 000 $
qu'on récupérera. C'est 3 000 000 $ de moins que coûteront
les 122 députés. Donc, si on prend l'économie de 3 000 000
$ moins la charge de 200 000 $ pour notre indexation, ça veut dire que
pour les contribuables québécois, finalement, c'est une
diminution des coûts de leurs députés de 2 800 000 $.
Cela veut dire que ça nous donne 2 800 000 $ de plus à
injecter dans l'économie, à utiliser à autre chose.
Quand, de l'autre côté, on nous accuse de toujours
gaspiller, qu'on nous apporte des exemples de 10 000 $, de 20 000 $, de 40 000
$ et de 50 000 $ ici et là dans le décor, il serait temps, pour
une fois, plutôt que de nous accuser et d'essayer de nous salir et de
trouver toutes sortes d'arguments négatifs, de nous féliciter
d'avoir eu le courage de couper et de faire une économie de 2 800 000 $
qu'on pourra utiliser effectivement pour créer des emplois. On l'a
prouvé parce qu'à chaque semaine on annonce des programmes de
création d'emplois un peu partout dans chaque secteur, dans chaque
ministère pour essayer d'aider ceux qui sont les plus mal pris.
Présentement, c'est sur nos salaires, sur nos régimes de
retraite, qu'on va chercher, par le projet de loi no 90, 2 800 000 $. Donc, je
pense qu'on n'a pas à avoir honte. On n'a pas à avoir honte
surtout si on fait des comparaisons. Pour ma part, je n'ai absolument pas de
honte à me comparer à quelqu'un qui est très près
de moi, qui est mon député fédérai, dans mon
comté. Je pense qu'on a le droit de le faire parce qu'on a un emploi pas
mal identique. On est tous les deux des Québécois, tous les deux
élus par des électeurs d'une circonscription électorale du
même nom, qui devraient normalement travailler dans
l'intérêt des gens qui nous ont élus. C'est bien sûr
que je ne peux pas prendre le train gratuitement. De toute façon, quand
même je voudrais prendre le train, dans ma région, on a
enlevé toutes les lignes qui existaient. Il n'y a plus de train. On les
voit à la télévision seulement.
On ne peut pas non plus prendre l'avion gratuitement, comme ils le font,
pour voyager, ce qui est payé par nos taxes et nos impôts. Mais
cela n'est pas calculé sur leurs salaires. En tout cas, on n'en voit pas
l'enveloppe globale. On n'a pas de montant équivalent, sauf qu'ils
l'ont. Nous, on est obligés de payer les timbres, pas eux. Ce sont des
montants très importants. Ce sont des avantages qu'ils ont. Mais je ne
reviendrai pas là-dessus, ce sont des avantages que nous n'avons pas.
(22 h 50)
C'est quoi la différence, au niveau salarial, entre mon
député fédéral, dans mon comté, et moi? On
est en train de parler de salaire. C'est plus de 400 $ par semaine. Vous avez
bien compris. Le député fédéral, dans mon
comté, a un salaire de 400 $ par semaine de plus que le mien. Je pense
que je n'ai pas à avoir honte de voter pour un projet de loi qui va
faire en sorte qu'on va s'accrocher au 1er avril, comme le secteur public
québécois, pour aller chercher 4, 8% d'augmentation pour
l'année qui vient, alors que nous, nous sommes limités à
une moyenne d'environ 4, 8% depuis 1976. Je pense que c'est tout à fait
logique. On n'a pas à avoir honte. C'est la raison pour laquelle non
seulement je vous dis que je vais effectivement voter pour le projet de loi no
90, mais je n'ai pas du tout honte de le défendre ici et d'expliquer mon
geste.
Pour toutes ces raisons, c'est évident que je vais voter pour le
projet de loi no 90, premièrement, parce que cela nous met sur un pied
d'égalité avec le secteur public, quant aux dates d'augmentation
et parce que cela nous prive également d'une augmentation le 1er janvier
1983. Si on n'adoptait pas le projet de loi no 90, ce serait, à mon
avis, tout à fait inacceptable. Cela nous permet aussi d'abolir ce
fameux régime de retraite ou, du moins, de l'ajuster de façon
qu'il soit plus acceptable par les contribuables québécois,
particulièrement en période de crise économique. Cela nous
permet aussi de faire en sorte que l'Assemblée nationale et toutes ses
institutions finissent de nous permettre à travailler mieux pour
l'ensemble des Québécois et des Québécoises.
C'est pourquoi, je vais voter pour le projet de loi en toute conscience
et, personnellement, j'ai confiance que la population saura apprécier
l'économie qui sera ainsi réalisée par ce projet de loi.
Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Beauce-Sud.
M. Hermann Mathieu
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Nous étudions,
en deuxième lecture, le projet de loi no 90 intitulé Loi sur
l'Assemblée nationale du Québec. Ce projet de loi comporte deux
principes très importants et très différents. Le premier
concerne l'organisation et le fonctionnement du pouvoir législatif. Le
second concerne l'indemnité des députés et le
régime de retraite.
M. le Président, il s'agit là de principes tellement
différents que je suis d'avis que le gouvernement devrait scinder en
deux ce projet de loi afin de permettre le respect de la liberté de
chaque parlementaire qui veut voter pour le principe de la réforme
parlementaire et contre le principe de la hausse de salaire des
députés.
Concernant le principe de la réforme parlementaire, je crois
qu'il est tout à fait souhaitable et normal de mettre à jour le
fonctionnement de l'Assemblée nationale. Des sous-commissions de
l'Assemblée nationale ont étudié depuis plusieurs
années cette réforme qui s'impose et je pense bien qu'outre
certains points de discussion, certaines réserves il n'y a pas de
parlementaires qui peuvent s'opposer aL principe de cette
réforme.
M. le Président, vous me permettrez de mentionner un article qui,
je crois, rendra de grands services à l'avenir et évitera
beaucoup d'injustices, l'article où l'on parle de nommer un
jurisconsulte qui pourra donner des avis aux membres de l'Assemblée
nationale. Ceci permettra d'éviter certains conflits
d'intérêts appréhendés ou autres choses. Je crois
que c'est souhaitable et que ce sera bénéfique pour les membres
de cette Assemblée comme pour la population.
Vous me permettrez cependant d'exprimer certaines réserves au
principe de la réforme parlementaire, surtout lorsqu'on parle de la
possibilité d'augmenter le nombre d'adjoints parlementaires pour en
arriver au nombre actuel des ministres. Tout à l'heure, on disait:
Même si le gouvernement le peut, cela ne veut pas dire qu'il va le faire.
Le législateur, normalement, ne parle pas pour rien. Lorsque le
gouvernement prévoit cette possibilité d'augmenter le nombre
d'adjoints parlementaires, je crois que c'est tout à fait discutable et
je ne suis pas d'accord avec cet article, avec cette possibilité de
réforme qu'on nous présente.
Concernant les adjoints parlementaires, ces personnes qui semblent
graviter plus étroitement près d'un ministre, quel est leur
rôle ou leur fonction, plus exactement? Je vais rappeler à
plusieurs ce que disait en cette Chambre le député de
Sauvé et actuel vice-premier ministre en 1974, lors de l'étude du
projet de loi no 87. Voici ce que disait le vice-premier ministre: Au sujet des
adjoints parlementaires, ils étaient des coupeurs de rubans, ils
coupaient les rubans que le ministre ne daignait pas aller couper parce que ce
n'était pas rentable électoralement. Il continuait:
C'était un prix de consolation pour les députés qui ne
sont pas nommés ministres. Plus loin: Les adjoints parlementaires sont
des ouvreurs de portes, des porteurs de valises. L'indemnité
additionnelle accordée aux adjoints était "un prix coco".
Si c'était cela en 1974, je n'ai pas constaté que leur
rôle ait tellement évolué au cours des dernières
années. J'aimerais que le vice-premier ministre nous donne son avis
aujourd'hui sur ce qu'il disait alors pour savoir s'il parlait à travers
son chapeau, d'une façon démagogique, ou s'il était mal
renseigné.
Concernant le second principe de ce projet de loi, l'augmentation du
salaire des députés, je regrette que ce débat se fasse
dans un climat tout à fait peu propice à un véritable
débat de fond. On devrait traiter de ce problème au grand jour,
prendre le temps nécessaire pour faire un débat public, alors
qu'on ne fait ici, la nuit, qu'effleurer le problème. Vous me permettrez
de dire que je regrette cette mention au projet de loi.
Je trouve que l'augmentation des salaires de 6% le 1er avril 1983 est
une chose tout à fait inopportune surtout après l'adoption de la
loi matraque, de la loi 105 la semaine dernière qui, elle, venait, on le
sait, imposer environ 109 décrets - on dit de 35 000 à 90 000
pages - et qui venaient récupérer, qui venaient couper les
salaires des fonctionnaires de 20% le 1er janvier. Je trouve qu'il s'agit
là d'une provocation tout à fait inutile en temps de crise. Nous,
de l'Assemblée nationale, nous devrions adopter le même
régime que l'on impose aux autres pour ne pas avoir deux poids, deux
mesures.
Je mentionnerai que je suis d'accord avec le fait que les
députés sont sous-payés et que cela empêche des gens
de grande valeur, et parfois de condition modeste, de se présenter pour
être députés à l'Assemblée nationale, mais je
crois que le temps est mal choisi de parler de cela. Je me demande comment le
leader du gouvernement a pu déposer le projet de loi 105, qui venait
baisser de 20% le salaire des employés de la fonction publique et
parapublique le 1er janvier, et le même jour, le même matin
déposer le projet de loi 90 qui vient entre autres augmenter le 1er
avril le salaire des députés. M. le Président, je trouve
que c'est un paradoxe qui nous est fait par un gouvernement
social-démocrate ayant un préjugé soi-disant favorable aux
travailleurs.
M. le Président, relativement aux augmentations de salaires, vous
savez que ce que l'on dit, ce que l'on écrit reste, et que cela peut
incommoder à l'occasion de se le faire rappeler. La semaine
dernière, quand nous étudiions le projet de loi 105, les
députés du Parti québécois disaient: Cela nous fait
mal au coeur. Ce n'est pas drôle d'être obligés de faire ce
qu'on fait là avec nos copains, les syndicalistes, les gens qui nous ont
élus. Je me demande comment il se fait qu'on puisse changer de
mentalité en l'espace de deux ou trois jours. Voyant leur maladie, leur
mal de coeur, le leader du gouvernement a-t-il décidé de les
guérir avec le projet de loi no 90? (23 heures)
De toute façon, que disaient les députés du Parti
québécois en 1974? Je vous mentionne que nous n'étions pas
en temps de crise, qu'il n'y avait pas à peu près 500 000
chômeurs et 400 000 assistés sociaux. Nous étions en pleine
prospérité économique. Nous verrons ce que disait le suave
vice-premier ministre, alors chef de l'Opposition, lors de l'étude du
projet de loi no 87. Voici ce qu'il disait: "Nous allons pouvoir identifier les
sangsues des fonds publics".
Une voix: Ah!
M. Mathieu: Plus loin: "Nous donnons le mauvais exemple à
la population. On viendra ensuite dire aux Québécois: Serrez-vous
la
ceinture. " Si c'était de mise en 1974, je crois que c'est
beaucoup plus de mise en 1982. Il disait: "Quelle honte de ne pas tenir compte
des besoins de nos citoyens et d'être les premiers à nous servir
à même les fonds dont nous avons la garde. Si nous étions
des fiduciaires dans l'entreprise privée, si nous avions la garde de
fonds privés, on nous appellerait des dilapidateurs. Il y a des peines
prévues pour cela dans la loi. " Plus loin: "Nous devons exiger de ce
gouvernement l'indexation de tous les salaires. " Est-ce cela qu'il a fait la
semaine dernière par la loi no 105? Il disait: "Le rôle du
député, ce n'est pas de se servir d'abord". Ce sont de belles
paroles du temps où il était dans l'Opposition. Il disait:
"Peut-il exister un moment plus mal choisi pour procéder à une
telle hausse de salaire?" Et je continue: "Au moment où la conjoncture
économique se gâte, voulons-nous montrer que nous sommes au
service des Québécois, des serviteurs du bien commun ou donner
l'impression que nous pensons avant tout à nous-mêmes et passer
pour des sangsues collées aux fonds publics?" Ce qui était vrai
en 1974 doit être vrai en 1982, alors que le contexte économique
s'est considérablement détérioré surtout par les
politiques du gouvernement du Parti québécois. Il disait
également: "Si nous consentons à nous indexer nous-mêmes,
nous devons faire la même démarche pour l'ensemble des citoyens
québécois. " Plus loin: "II ne s'agit pas de dire d'abord combien
je veux, mais il s'agit de dire est-ce que les autres en ont assez et dans cela
est-ce que je peux me servir après avoir servi les autres?" Plus loin:
"On verra à ce que les décrets couvrant des conditions salariales
d'un grand nombre de Québécois non syndiqués soient
rouverts et repensés. "
Je n'ose qualifier ces propos qui étaient tenus alors - je le
répète - que la conjoncture économique était tout
à fait favorable et beaucoup mieux en point qu'aujourd'hui. Que dire
maintenant des augmentations détournées? Tout à l'heure,
j'entendais le député de Shefford et, à l'entendre parler,
la loi que nous adoptons apporte des économies appréciables. Je
conviens que, sur le plan du régime de retraite, il y a une
amélioration qui était nécessaire et qui a
été demandée par l'ancien président de
l'Assemblée nationale, M. Jean-Noël Lavoie, au moment où il
occupait votre fauteuil, M. le Président, et également quand il
travaillait dans l'Opposition.
Or, ce que je retiens des propos du député de Shefford qui
m'a précédé tout à l'heure, c'est que son discours
est une parfaite illustration des politiques du gouvernement du Parti
québécois. Si on augmente, cela baisse et, si on baisse, cela
monte. C'est ce que je retiens de son discours: nos salaires baissent alors
qu'ils montent; et les salaires de la fonction publique augmentent alors qu'ils
baissent.
Que dire des augmentations détournées? Vous savez qu'il y
en a dans le projet de loi no 90. Vous me direz: De quelle manière
peut-on détourner des augmentations? C'est bien facile. Tout à
l'heure, je vous ai dit que le nombre d'adjoints parlementaires passait de 12
à 27, c'est-à-dire autant d'adjoints qu'il y a de ministres; il y
en a 27 présentement. On parle de 7 présidents de commission,
d'un président de l'Assemblée nationale, de deux
vice-présidents, d'un leader parlementaire adjoint, d'un whip en chef,
de deux whips adjoints, pour un total de 68. Cela veut dire que d'une
manière ou d'une autre, il y a 68 députés du Parti
québécois qui auront des augmentations malgré le projet de
loi no 90. Il y en a seulement six qui n'auront pas d'augmentation. M. le
Président, je n'oserai pas qualifier cette manière
détournée de faire indirectement ce qu'on n'ose pas faire
directement.
Je voudrais vous dire quelques mots également du régime de
retraite. Je l'ai dit tout à l'heure, le régime de retraite
était d'une largesse inacceptable. C'est un régime qui avait
été mis à l'essai mais qui méritait depuis
longtemps d'être modifié, et nous sommes tous d'accord. On dit
qu'il a été mis à l'essai par les libéraux, c'est
vrai, mais le gouvernement du Parti québécois a daigné
modifier la Loi sur les salaires des députés en 1977. Pourquoi ne
pas avoir profité de cette occasion pour modifier également le
plantureux régime de retraite qui appartenait aux élus de
l'Assemblée nationale?
M. le Président, puisque le temps va me manquer, ce que je
retiens de cette modification, qui apporte, semble-t-il, un soulagement
considérable à la caisse de l'État, c'est que,
malgré la réforme, 45 élus du Parti
québécois de 1976 seront admissibles à la pension
plantureuse, alors que, si la loi rétroagissait au 13 avril 1981, ils ne
le seraient pas. J'aime bien quand on prêche la vertu, mais j'aime quand
on la pratique. Je pense que le test d'authenticité n'est pas de
prêcher, mais bien de pratiquer la vertu. Pourquoi avoir attendu alors
que le Parti québécois a pris le pouvoir en 1976? Il a eu cinq
ans jusqu'en 1981 pour modifier ce plantureux fonds de retraite qu'il a
dénoncé avec combien de vigueur alors qu'il était dans
l'Opposition.
M. le Président, en conclusion, je voudrais mentionner que, sauf
les réserves que j'ai exprimées tout à l'heure quant
à la possibilité de nommer des adjoints parlementaires à
un nombre égal de ministres, je suis d'accord avec le principe de la
réforme parlementaire, et je souhaite que ce principe de réforme
parlementaire soit accepté à l'unanimité. Les
parlementaires ont à vivre dans ce système
et il est bon et nécessaire que tout le monde l'ait
accepté. On a plus de chance que le système par la suite soit
respecté. Autant je souscris au principe de la réforme
parlementaire, autant je ne peux cependant accepter le régime
d'augmentation des salaires; régime que je dirais camouflé et
hypocrite en ces temps où beaucoup de gens ont de la misère, en
ces temps de chômage, en ces temps où le nombre d'assistés
sociaux ne cesse de croître.
Alors, je vous dis que, pour moi, ce principe est tout à fait
inacceptable. C'est pourquoi je demande et j'espère que le gouvernement
acceptera de faire les modifications suivantes, c'est-à-dire,
premièrement, de maintenir le nombre d'adjoints parlementaires au nombre
actuel, soit douze; deuxièmement, que le gouvernement gèle les
salaires, non seulement du 1er janvier 1983 au 1er avril 1983, mais pour toute
l'année 1983. Nous pourrons être en mesure à la fin de
l'année de réévaluer les conséquences, selon que
l'économie permettra ou ne permettra pas un renouvellement ou une
indexations. (23 h 10)
Troisièmement, je demande au gouvernement de ne pas indexer le
salaire des députés, tel que prévu au projet de loi, le
1er janvier 1984. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cette indexation
pourra être évaluée en temps et lieu si le contexte
économique s'y prête. Donc, je demande au leader du gouvernement
de scinder ce projet de loi, d'en faire deux projets de loi. Je trouverais
regrettable d'avoir à voter contre le projet de loi sur la
réforme parlementaire, mais si les deux principes sont dans la
même loi, c'est pour moi un cas de conscience dans le contexte actuel et
il me sera impossible d'appuyer ce projet de loi à moins qu'il ne soit
scindé.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Affaires culturelles, député de Montmorency.
M. Clément Richard
M. Richard: M. le Président, j'avais eu l'occasion, au
printemps 1980 - je crois que c'était au mois de juin 1980 - grâce
à la collaboration des membres de toutes les formations politiques alors
représentées à l'Assemblée nationale,
c'est-à-dire la majorité ministérielle actuelle, le Parti
libéral et également l'Union Nationale, au moment où
j'occupais votre fauteuil, de soumettre à cette Assemblée un
avant-projet de loi qui proposait une réforme fondamentale de la Loi sur
l'Assemblée nationale. Ce fait a été évoqué
par le leader parlementaire du gouvernement et également par le leader
parlementaire de l'Opposition et je leur en sait gré.
À la suite du dépôt de cet avant-projet de loi, une
sous-commission de l'Assemblée nationale avait été
formée, que j'avais l'honneur de présider, pour étudier le
projet de réforme qui était proposé. Plusieurs
réunions se sont tenues et c'est aujourd'hui qu'est soumise cette
réforme extrêmement importante pour le devenir de cette
institution fondamentale qu'est le Parlement de Québec. Le Parlement de
Québec est la première institution et l'institution indispensable
des Québécois et des Québécoises.
Ce que proposait et ce que propose toujours cette réforme, c'est
d'abord et avant tout - cela m'apparaît tellement important - de faire en
sorte que l'Assemblée nationale ne soit plus administrée en
catimini par le président et par trois membres du Conseil des ministres.
Quand j'ai occupé votre fauteuil, M. le Président, j'ai eu
tôt fait de me rendre compte qu'il y avait là une anomalie
inadmissible, puisque le Parlement appartient à tous les
Québécois et à toutes les Québécoises.
Puisqu'il doit, de toute nécessité, représenter l'ensemble
des Québécois et des Québécoises, il n'est pas
normal que cette institution soit dirigée exclusivement par des membres
émanant de la majorité ministérielle.
Quand le projet de loi no 90 propose la création d'un Bureau de
l'Assemblée nationale, il vient corriger cette anomalie et faire en
sorte que, désormais, il y ait un véritable exécutif de
l'Assemblée nationale et que l'Assemblée soit dirigée en
toute transparence, et non plus en catimini, par toutes les formations
politiques représentées à l'Assemblée nationale, je
sais que la majorité ministérielle, bien sûr, et
l'Opposition ont applaudi à cette réforme qui est une entreprise
de modernisation qui vient corriger, à mon humble avis, une anomalie qui
aurait dû être corrigée depuis longtemps.
Le projet de loi no 90 propose également que les commissions
parlementaires soient désormais, et on le verra par les
règlements qui forcément devront s'ajouter au projet de loi, plus
adaptées aux besoins d'une société moderne, mieux
équipées, mieux en mesure de répondre aux besoins de
l'ensemble des parlementaires et cela aussi m'apparaît important.
On a évoqué, des deux côtés de la Chambre, la
création du poste de jurisconsulte et je me félicite de la
création de ce poste, qui m'est apparu, durant les quatre années
où j'ai occupé votre fonction, une nécessité. J'ai
envie de vous raconter un petit fait pour vous montrer comment ce jurisconsulte
qui sera appelé à régler les problèmes de conflit
d'intérêts qui peuvent se soulever occasionnellement et même
assez souvent parfois pour les membres de
l'Assemblée nationale. J'ai envie de vous raconter une anecdote.
Un membre de l'Assemblée nationale bien connu était
terrorisé à l'idée de pouvoir être
déqualifié comme député, donc de ne plus avoir le
droit de siéger en cette Chambre pour l'unique raison qu'il était
propriétaire d'une station-service. Et il craignait qu'un jour, ou un
soir, ou une nuit, à son insu, quelqu'un, un officier de la
Sûreté du Québec s'arrête à sa station-service
pour faire le plein d'essence et au regard de la loi que nous sommes
appelés à modifier, cela constituait une dérogation qui
rendait le député inhabile à siéger en cette
Chambre. Voilà pourquoi il était devenu important d'apporter des
modifications et pour calmer en quelque sorte, si je peux m'exprimer ainsi, les
angoisses de certains membres de l'Assemblée nationale devant les
possibilités de conflit d'intérêts. Il devenait donc
important de créer ce poste de jurisconsulte. Je voudrais, dans les
quelques minutes qui me restent, surtout engager en quelque sorte le dialogue
avec Mme la députée de L'Acadie qui a, à mon humble avis,
soulevé des questions d'un grand intérêt avec une
sobriété qui l'honore, et je voudrais si possible tenter
d'apporter quelques réponses aux questions intéressantes qu'elle
a soulevées en faisant état de la même
sobriété. Mme la députée de L'Acadie est tout
à fait d'accord avec la création d'un Bureau de
l'Assemblée nationale et elle constate comme tous les membres de
l'Assemblée nationale que cela va devenir une institution importante au
coeur même de cette autre institution qu'est l'Assemblée nationale
elle-même. Sauf qu'elle se pose des questions à savoir si on ne
devrait pas plutôt permettre que, parce que là, ce sont les
formations politiques qui vont être appelées,
représentées au sein de l'Assemblée nationale qui vont
être appelées à désigner les membres qui vont
siéger au sein de cet exécutif de l'Assemblée nationale,
Mme la députée de L'Acadie se pose la question à savoir si
ces membres du bureau ne devraient pas être élus par l'ensemble de
l'Assemblée nationale. La question est intéressante mais dans
l'état actuel de notre parlementarisme, je ne suggérerais pas
cette formule parce que ce serait extrêmement périlleux,
extrêmement dangereux. On risquerait ainsi - je pense que Mme la
députée de L'Acadie va le reconnaître -d'imposer en quelque
sorte la tyrannie de la majorité. On ne peut pas permettre que ce soit
la majorité ministérielle qui désigne en quelque sorte les
membres de l'Opposition, ou d'un tiers parti, au sein du bureau,
c'est-à-dire de l'exécutif de l'Assemblée nationale. (23 h
20)
Dans ces conditions, il m'apparaît que le projet de loi no 90
propose la seule solution qui soit réaliste dans l'état actuel de
notre parlementarisme. À l'origine du Parlement, je pense que cela eut
été possible puisqu'à l'origine du parlementarisme
britannique - et vous le savez mieux que quiconque - il n'y avait pas de
formation politique, c'est après la naissance même du Parlement
que sont nées les formations politiques, que se sont regroupés
des hommes et des femmes - je n'oserais pas dire des femmes parce que Mme la
députée de L'Acadie me corrigera pour dire qu'à
l'époque, il n'y en avait pas - par intérêt, par
affinité, pour constituer des formations politiques. Donc, aujourd'hui,
nous sommes en présence d'un état de fait, il y a des formations
politiques qui, qu'on le veuille ou non, sont en quelque sorte,
condamnées à s'affronter et dans de pareilles conditions, laisser
à la majorité ministérielle le soin de désigner les
membres de l'Opposition au sein du bureau, cela m'apparaîtrait une
entreprise périlleuse. J'ai la conviction que Mme la
députée de L'Acadie n'aurait pas beaucoup de difficulté
à se faire élire par l'actuelle majorité
ministérielle, mais je ne pourrais pas en dire autant de bien d'autres
membres de l'Opposition.
Et, Mme la députée de L'Acadie, avec raison encore une
fois, je crois, pose la question en ce qui a trait au siège de
l'Assemblée nationale. Elle a peut-être raison d'être
inquiète parce que, pour la première fois, il est dit dans un
projet de loi sur l'Assemblée nationale qu'elle pourra siéger
ailleurs qu'à Québec. À ma connaissance, il est vrai que
c'est aussi la première fois que cela apparaît dans un texte de
loi sur l'Assemblée nationale. Je dois vous rappeler que cette question
avait été évoquée au cours des discussions que nous
avions eues en préparation du projet de loi, en 1980. Si cela
apparaît dans le projet de loi, c'est uniquement pour prévoir les
cas de force majeure. La Loi sur l'exécutif, si je ne m'abuse,
prévoit que l'Exécutif peut, en cas de force majeure, comme un
incendie, comme une guerre, par exemple, aller siéger ailleurs
qu'à son siège social.
Malheureusement, jusqu'à maintenant, enfin, heureusement, il n'y
a pas eu de cataclysmes, il n'y a pas eu de ces cas de force majeure quoique je
voudrais rappeler à Mme la députée de L'Acadie que le
parlement de Québec a déjà été
incendié. Alors c'est uniquement pour prévoir le cas de force
majeure, c'est-à-dire un cas d'incendie, de guerre, qui permettrait au
président de l'Assemblée nationale de convoquer
l'Assemblée nationale ailleurs qu'à son siège social
habituel. Autrement, il y aurait risque que la convocation ne soit pas
légale et donc, tout ce qui serait adopté par cette
Assemblée, illégalement convoquée, pourrait être
entaché de nullité.
Mme la députée de L'Acadie regrette
aussi que le projet de loi ne propose pas un terme fixe aux
législatures. En d'autres termes, ce que Mme la députée de
L'Acadie suggère, c'est que la loi prévoie des élections
à dates fixes. Là aussi, il y a une difficulté, et de
taille, parce qu'en régime parlementaire britannique, on ne peut pas,
à cause du principe même de la responsabilité
ministérielle, fixer la date des élections. Tout ce qu'on peut
faire, et c'est précisément ce que la loi propose, c'est de fixer
l'échéance maximale. Une Législature -la loi le dit
clairement - ne peut pas durer plus de cinq ans. Et c'est comme cela dans tous
les Parlements de type britannique. Autrement, c'est le principe même de
la responsabilité ministérielle qu'on remet en cause.
Qu'on se souvienne qu'en 1973, le premier ministre d'alors, M. Robert
Bourassa, avait déclenché des élections seulement trois
ans après son élection; la même chose en 1976. C'est une
prérogative du premier ministre dans le régime parlementaire
britannique, autrement, on tombe dans le régime présidentiel de
type américain. Alors là, c'est une remise en cause assez
fondamentale. Je suis disposé à discuter des mérites du
régime présidentiel américain qui, je pense, est un
régime qui n'est pas sans mérite. Mais, tant et aussi longtemps
qu'on choisira, et on n'a pas trop le choix, la constitution canadienne
étant ce qu'elle est, mais tant qu'on est condamné à
vivre, moi, je suis de ceux qui aiment bien le régime parlementaire
britannique, tant qu'on doit vivre dans le régime parlementaire
britannique, on doit accepter cette prérogative du premier ministre.
Alors, modifier la loi en conséquence, ce serait modifier notre
régime fondamentalement et je pense que cela n'est pas ce dont il
s'agit.
Mme la députée de L'Acadie, et là je suis
tenté de lui donner raison toutefois, s'inquiète du fait que les
commissions parlementaires pourront désormais siéger en dehors de
Québec. Là, je pense que Mme la députée de L'Acadie
a parfaitement raison de s'inquiéter de ce fait et de cette disposition
dans le projet de loi no 90, à moins que cette disposition ne soit
suivie d'une disposition dans le règlement de l'Assemblée
nationale qui prévoirait une mécanique pour choisir là
où les commissions sont susceptibles de siéger en dehors de
Québec. Je pense que, là-dessus, Mme la députée de
L'Acadie a parfaitement raison, sauf qu'on imagine mal que la mécanique
soit prévue dans le projet de loi no 90 lui-même. Je pense que
cette mécanique, normalement, devrait être prévue dans le
règlement de l'Assemblée nationale. À cet égard, je
pense qu'elle avait raison de s'inquiéter. En somme, c'est une
réforme attendue depuis longtemps, une entreprise de modernisation
encore sans doute perfectible, mais qui, je pense, apportera des changements
intéressants au fonctionnement de l'Assemblée nationale.
M. le Président, toujours en réponse à Mme la
députée de L'Acadie, qui a évoqué la question des
salaires, je voudrais seulement lui rappeler qu'elle a omis de signaler un fait
d'importance. Elle nous dit qu'on aurait dû faire comme nous avons fait
pour les autres - ce discours a été repris d'ailleurs par le
député de Beauce-Sud - et geler les salaires de l'ensemble des
membres de l'Assemblée nationale. Ce qu'on a omis de dire, c'est que ces
salaires ont été gelés à partir de 1978.
Une voix: Ah!
M. Richard: En 1978, c'était une modification à une
mesure libérale, une mesure trop libérale, qui a
été apportée et, en 1978, c'est le gel complet. En 1979,
6%; en 1980, 6%; en 1981, 6%; en 1982, 6% et, pour les trois premiers mois de
1983, 0%.
Une voix: Oh!
(23 h 30)
M. Richard: M. le Président, je vois que le
député de Brome-Missisquoi fait encore une fois des pitreries. Je
ne l'ai pas interrompu et Dieu que c'était tentant! Alors qu'il me
laisse donc finir mon intervention.
M. le Président, c'est une perte du pouvoir d'achat, pour
l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, d'au-delà de 25%
depuis 1978. Cela doit être dit et je suis en désaccord avec ceux
qui souhaiteraient qu'on impose ce même régime aux autres, parce
qu'il est impensable pour d'autres. Il pénaliserait beaucoup trop la
fonction publique et en cela, je ne suis ni le député de
Beauce-Sud, ni Mme la députée de L'Acadie, parce que cela serait
inacceptable de faire perdre, durant six ans, 25% à 26% du pouvoir
d'achat des employés de la fonction publique. C'est cela que M. le
député de Beauce-Sud aurait dû dire.
En ce qui a trait aux pensions - pour terminer, M. le Président -
encore une fois, c'est une mesure libérale que nous avons
été amenés à corriger; une mesure trop
libérale adoptée par l'Opposition, conservée par
l'Opposition, entérinée par l'Opposition et dont elle a largement
profité. C'est cette mesure que nous venons corriger, parce qu'elle
avait engendré trop d'abus. Quand on ne veut pas se livrer à un
exercice de démagogie pour camoufler un excellent projet de loi,
voilà ce qu'on dit, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Brome-Missisquoi.
M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: M. le Président, j'interviens en
deuxième lecture sur le projet de loi no 90, Loi sur l'Assemblée
nationale du Québec. Ce projet de loi a, à sa base, deux
principes fondamentaux et complètement distincts. Le premier principe se
retrouve au premier paragraphe des notes explicatives, premier paragraphe qui
se lit comme suit: "Ce projet de loi a pour objet d'ordonner, de
préciser et de mettre à jour les dispositions ayant trait
à l'organisation et au fonctionnement du pouvoir législatif -
donc, de l'Assemblée nationale. Il consacre la suprématie du
Parlement du Québec, constitué de l'Assemblée nationale et
du lieutenant-gouverneur, et affirme solennellement le caractère
particulier et les prérogatives de l'Assemblée nationale. "
Le Parti libéral du Québec en est, M. le Président,
et vous assure, au niveau de ce premier principe, toute sa collaboration, toute
sa collaboration pour que le rôle du député dans cette
institution parlementaire soit mis en valeur davantage. Au lieu d'être de
simples étampes approuvant des budgets ou critiquant des budgets, au
lieu d'être de simples étampes approuvant des mesures
législatives souvent rédigées par des administrateurs de
la fonction publique, les membres de l'Assemblée nationale deviennent de
véritables législateurs, deviennent, enfin, de véritables
administrateurs.
Le deuxième principe se retrouve à la deuxième page
des notes explicatives et se lit comme suit: "Le chapitre V du projet
édicte certaines conditions de travail des députés,
notamment l'indemnité annuelle qui leur est accordée, les
indemnités additionnelles conférées à certains
titulaires de fonctions parlementaires et l'allocation pour des dépenses
encourues dans l'exercice de leurs fonctions. "Le chapitre VI du projet
établit un nouveau régime de pension pour les
députés qui entreront en fonction... - écoutez bien la
date, M. le Président, cela va vous intéresser après le
1er janvier 1983, sans bénéficier d'une pension à cette
date, et pour ceux qui opteront d'y être assujettis. "
M. le Président, vous comprendrez aisément que le leader
de l'Opposition, député de Marguerite-Bourgeoys, ait
insisté, que chacun des députés libéraux qui ont
pris la parole dans ce débat ait insisté auprès du
gouvernement, plus spécifiquement auprès du leader du
gouvernement, député de Vanier, pour que l'on scinde ce projet de
loi de façon à permettre aux députés de voter
unanimement, si on peut arriver à des ententes, sur la suprématie
de l'Assemblée nationale, sur le travail du député. Une
telle loi ne peut être adoptée sans l'accord unanime des
parlementaires en cette Chambre ou du moins sans l'accord unanime des partis
qui y sont représentés.
La deuxième partie du projet de loi, et c'est peut-être la
plus délicate, traite de la rémunération des
députés en deux phases: la première, le salaire que l'on
reçoit comme député; la deuxième, la pension que
l'on recevra lorsqu'on aura quitté la vie politique. Derrière la
rémunération des députés, se cachent beaucoup de
choses et c'est peut-être pour cacher beaucoup de choses que le
gouvernement nous les a présentées à l'intérieur de
la Loi sur l'Assemblée nationale. C'est peut-être pour se masquer
davantage, c'est peut-être pour que cela ne transperce pas. C'est
peut-être pour que les gens qui nous écoutent ne comprennent pas
la position de ceux qui s'opposent à ce moment, à peine quelques
jours après l'adoption de la loi 105, la loi décrétant les
conditions de travail des employés de la fonction publique,
décrétant ces conditions de travail à la baisse. C'est
peut-être pour qu'on ne comprenne pas cela que le gouvernement nous l'a
camouflé dans le projet de loi no 90. La semaine passée, ici, on
a vécu ce qu'il est permis d'appeler - je pense que d'un
côté comme de l'autre de la Chambre on en conviendra - un drame
social, un revirement, un aboutissement des politiques "économiques" du
Parti québécois; politiques économiques qui ont
forcé les membres du gouvernement à décréter
à la baisse les conditions de travail de leurs employés. À
peine 24 heures après, qu'est-ce que ce gouvernement péquiste
fait? Il nous amène un projet de loi dans le but d'augmenter le salaire
des députés dans cette Chambre.
M. le Président, on est employeur et on diminue ses
employés de 20%, on sait qu'on a une énorme part de
responsabilités face aux 25% de la population qui vivent directement des
secours de l'État 1 500 000 Québécois dépendent de
l'assurance-chômage et de l'aide sociale pour survivre au Québec -
on impose des taxes spéciales; je vais en rappeler strictement une qui a
touché tous les citoyens, soit par le mode de transport qu'ils
utilisent, soit par les biens et services dont ils ont besoin, la taxe sur
l'essence augmentée de 100% l'an passé.
On est rendu à couper des services dans les hôpitaux, on
est rendu à couper des services dans le domaine de l'éducation,
on est rendu à demander à toute la population du Québec de
se serrer la ceinture et on a le front de déposer un tel projet de loi
à l'Assemblée nationale du Québec. En même temps
qu'on prononce ce discours de serrage, qu'on impose ces coupures et qu'on
diminue la paie des employés, en même temps, on se dit: Nous
autres, comme employeurs, comme responsables, on va augmenter nos salaires.
C'est beau de les entendre pleurer. Ils nous disent: Un
député, cela fait à peine
35 096 $ par année. Et là je ne parle pas de l'allocation
non imposable de 7500 $ qui s'y ajoute; 35 096 $ par année. Les
députés, cela travaille fort, cela fait beaucoup d'heures
à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire, dans le
comté. Pour la majorité, les députés travaillent
sept jours par semaine. Ils travaillent en moyenne quatorze heures par jour et,
si tu es député rural, c'est parfois pire. Et on essaie de nous
faire brailler en disant: 35 000 $, ce n'est pas suffisant. (23 h 40)
Je vais vous surprendre, je vais vous dire que, pour ceux qui font ce
travail d'une façon consciencieuse, qui s'imposent des sacrifices au
niveau de leur vie personnelle, vous avez probablement raison dans un contexte
économique de croissance, dans un contexte économique où
on crée de l'emploi, dans un contexte économique où on
offre aux plus défavorisés de la société ce dont
ils ont besoin, dans un contexte économique où on offre les
meilleurs services d'éducation et les meilleurs services sociaux, dans
un contexte économique où cela progresse, dans un contexte
économique où il y a un autre gouvernement que le vôtre au
pouvoir.
Savez-vous ce qui se cache derrière cette petite augmentation de
6%, alors qu'on diminue les employés de 20%? Il se cache autre chose. Il
se cache des députés péquistes d'avant-ban et
d'arrière-ban qui ne sont pas à 35 096 $ par année, plus
indemnité. Il se cache un Parti québécois qui, dans sa
quasi-totalité, reçoit des rémunérations qui sont
de beaucoup supérieures à ce que je vous dis. Cela est vrai pour
la quasi-totalité des députés de l'Opposition qu'ils
gagnent 35 000 $. Ce sera vrai, si ce projet de loi est adopté, pour une
petite minorité de députés péquistes. On regardera
combien gagnent les gens de l'autre côté. Le premier ministre -
et, dans chacun des postes, il faut ajouter, l'indemnité additionnelle
de 7500 $ non imposable - gagne 80 720 $, les 26 autres ministres qui forment
le Conseil des ministres gagnent chacun, sans compter l'indemnité
additionnelle, 66 682 $; les 27 adjoints parlementaires que permettra de nommer
le projet de loi qu'on nous demande d'adopter gagneront chacun 42 096 $, plus
l'indemnité de 7500 $. Les sept présidents de commission
parlementaire qu'il y a de l'autre côté gagneront 38 605 $. Le
président de l'Assemblée nationale, dont vous occupez le
siège présentement sans en retirer tous les avantages, gagne 66
682 $, plus l'indemnité additionnelle de 7500 $. Les deux
vice-présidents - je n'ai pas besoin de vous le dire, vous le savez, M.
le Vice-Président -gagnent 49 096 $ par année. Un leader
parlementaire adjoint gagne 42 096 $, plus l'indemnité additionnelle de
7500 $. Un whip en chef gagne 47 372 $, plus l'indemnité additionnelle
de 7500 $. Les trois whip adjoints gagnent 40 361 $, plus l'indemnité
additionnelle de 7500 $. Sur les 75 députés péquistes de
l'autre côté, en fin de compte, quand on aura fini de donner de
petites "jobs" à tous les petits "chums", il en restera cinq ou six. Qui
seront ces cinq ou six "tatas"?
Une voix: "Totos".
M. Paradis: M. le Président, il ne pourront pas vivre
longtemps dans ce régime. Les cinq ou six qui auront été
punis, cela se saura dans leur comté. On sera obligé de les
excuser, on sera obligé de leur donner un nanan additionnel, une petite
commission spéciale sur la réforme de la jeunesse ou n'importe
quoi, mais on leur donnera un petit "candy" et il n'en restera pas un seul.
C'est cela qui se cache en arrière de ce projet de loi.
L'Opposition dit: Gelez cela pour un an. Ne donnez pas l'augmentation de
6%; on se reverra l'automne prochain et on regardera quelle sorte de job
économique vous avez faite, les gars d'en face. On verra si vous en
méritez des augmentations et, si vous en méritez, le Parti
libéral ne s'entêtera pas à vous dire non. L'effort, les
sacrifices qu'un parlementaire s'impose lui valent une
rémunération additionnelle. Mais il y a une condition que vous
n'avez pas remplie et que je pense que vous ne pouvez pas remplir, c'est
d'être de bons gestionnaires, c'est de relancer l'économie au
Québec. Tant que vous ne le ferez pas, vous ne méritez pas
d'augmentation. Mais vous vous en foutez éperdument parce que,
même si vous accédez à la demande de l'Opposition de geler
les 6% pour un an, la liste des chiffres que j'ai cités demeure vraie,
sans l'augmentation des 6%. Les plus démunis et les plus pauvres d'entre
vous de l'autre côté, quand ce sera fini, cette petite
comédie et ce petit scénario, ce seront les sept
présidents de commission qui gagneront 38 605 $ par année, plus
une indemnité de 7500 $; ce seront les pires d'entre vous. Ce qui
restera vrai de ce côté pour la quasi-totalité des
députés de l'Opposition, c'est 35 096 $. On vous demande de nous
laisser là parce que ce serait indécent, sur le plan social de
poser ce geste à ce moment-ci.
Voilà sur les augmentations de salaires. Mais ils ne sont pas
plus transparents, et j'oserais quasiment dire et cela me gêne de le
dire, vous savez, ils ne sont pas moins hypocrites lorsqu'ils parlent de
pension. Qu'ont-ils fait quand ils parlent de pension? Qu'ont-ils fait, quand
ils ont repris le pouvoir au lendemain des élections? Le bureau du
premier ministre, dans le but de rester fort sur les pensions, s'est fait
commander une petite liste de ses députés-ministres auxquels il
manquait quelques mois
pour être des pensionnés de l'État à vie.
Parce que, pour être un pensionné de l'État à vie,
quand tu es député, il y a deux conditions à remplir; il
faut que tu aies fait deux élections et il faut que tu aies
siégé 60 mois. Mais, cela ne faisait pas 60 mois pour la grande
majorité de la "gang" péquiste d'en face. Le 25 mai 1981, notre
premier ministre Lévesque a reçu le résultat de son
étude et 11 s'est dit: On n'est pas pour amener cela tout de suite; on
va attendre à l'automne; on va attendre après le 15 novembre;
cela va faire 60 mois pour ma "gang".
M. le Président, aujourd'hui on nous présente un projet de
loi et vous savez, dans sa "gang", combien de ministres auxquels il manquait
quelques mois pour avoir leurs 60 mois. Je vais vous les nommer ces ministres,
les ministres qui ont été les premiers à piloter des
projets de loi pour baisser les salaires des employés. Il y a le
député de Vanier, le leader du gouvernement, qui, s'il s'en
allait demain matin, aurait 12 477, 18 $ par année le reste de sa
vie.
Une voix: Indexé.
M. Paradis: Indexé? Non, non, c'est ce qu'il a. Le
député de Mantane, cela ne fait pas longtemps qu'il est ministre;
il a essayé longtemps, mais cela a pris du temps, le président du
Conseil du trésor, aurait 21 572 $...
Une voix: II ne vaut pas cela.
M. Paradis:... par année et indexé. Le
député de Lotbinière, ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme, aurait 16 079 $. Je ne parlerai... Oui, je vais en parler. Le
député de Joliette, ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, aurait 14 809 $; le député de Drummond, ministre des
Transports, aurait 17 357 $; le député de Saint-Maurice, ministre
de l'Énergie et des Ressources, aurait 21 572 $; le député
de Sherbrooke, ministre du Revenu, aurait 7800 $; le député de
Lévis, ministre de l'Agriculture, aurait 21 572 $; le
député de Mercier, ministre des Communautés culturelles et
de l'Immigration, aurait 12 260 $; le ministre d'État
délégué à l'Aménagement, aurait 17 719 $; le
ministre des Affaires sociales, M. le Président, 20 513 $; le ministre
au Commerce extérieur, en charge du marasme économique, 21 563 $,
pour la "job" qu'il a faite, indexé à vie, M. le
Président; le ministre délégué aux Relations avec
les citoyens, 21 572 $; la ministre de la Fonction publique, qui a coupé
les employés, 15 124 $ pour ne pas travailler le reste de ses jours,
garanti à vie; le ministre des Affaires municipales, 21 563 $... Je n'ai
pas fini, M. le Président, j'ai commencé à 23 h 32. Le
ministre du Revenu, 15 190 $; le ministre de la Sécurité du
revenu a la plus belle, 21 534 $, lui en a une sécurité du
revenu.
M. le Président, c'est dans ce contexte qu'on nous
présente des augmentations de salaire et qu'on nous fait accroire qu'on
gèle les pensions. Du côté du PQ, on gèle les
pensions des autres; c'est ce qu'on fait. On ne gèle pas les pensions
des ministres; on ne gèle pas les pensions des députés
d'arrière-ban, parce qu'ils vont tous avoir des jobs additionnels qui
vont leur permettre d'avoir des revenus additionnels pour ajouter à leur
pension additionnelle. Il n'y a pas tellement longtemps en cette Chambre,
lorsque le Parti libéral, en pleine période de croissance
économique, avait voulu augmenter le salaire des députés
pour compenser pour les sacrifices qu'ils font pour siéger en cette
Chambre, le vice-premier ministre déclarait ce qui suit: "Nous allons
pouvoir identifier les sangsues des fonds publics". Eh bien, les sangsues des
fonds publics sont toutes de l'autre côté, ce soir. Les sangsues
des fonds publics ont coupé les employés de l'État la
semaine passée et, aujourd'hui, ils ont les mains dans le "cash", parce
qu'ils savent ce qui va leur arriver aux prochaines élections. (23 h
50)
C'est ce qu'on vous dit, en tant que députés
libéraux, ce que la population de l'ensemble du Québec vous dit,
MM. les ministres et MM. les adjoints parlementaires, tout le monde de l'autre
côté. Imaginez-vous la situation suivante: Un employé dans
une compagnie qui a manqué de coeur à l'ouvrage, qui a
manqué d'imagination, qui a tenté de saboter l'industrie se
présente devant son "boss" et lui dit: "Boss", augmente-moi. C'est ce
que vous faites ce soir, c'est ce que vous faites par le biais du projet de loi
no 90. Si vous en voulez des augmentations de salaires, si les parlementaires
de cette Chambre en veulent des augmentations de salaire, ils vont être
obligés de démontrer à la population qu'ils sont capables
de bien gérer les fonds publics du Québec. Ils vont être
obligés de démontrer à la population qu'ils sont capables
d'assurer la croissance économique. Ils vont être obligés
de démontrer à la population qu'ils ne créeront pas des
pertes d'emplois, mais qu'ils font de la véritable création
d'emplois pour l'ensemble des travailleurs du Québec. Quand les
parlementaires de cette Chambre se retrouveront dans une période comme
celle-là - je termine là-dessus, M. le Président -dans une
période de croissance économique, ils viendront ici en toute
dignité, avec tout le mérite qui leur sera reconnu, se voter une
augmentation de salaire et, à ce moment-là, cela ne sera pas un
Parti québécois qui sera au pouvoir, cela sera un Parti
libéral.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Papineau.
M. Mark Assad
M. Assad: M. le Président, la semaine passée, le
gouvernement est arrivé avec un projet de loi, le projet de loi no 105.
Cela a été très frustrant de voir que ce gouvernement en
est arrivé au point que, littéralement, il a fallu qu'il aille
reprendre ce qu'il avait donné et que les autres avaient
négocié de bonne foi. Ce soir, nous avons devant nous dans cette
Chambre le projet de loi no 90, projet de loi qui devrait être
scindé en deux pour une très simple raison: parce qu'il traite de
trois sujets distincts. La question des salaires des députés et
la question des pensions... Logiquement, cela serait plus simple de diviser le
projet de loi en deux, de faire deux projets de loi dont on pourrait contribuer
à corriger les lacunes. Mais non, c'est compliqué, tellement
compliqué que, par bout, dans ce projet de loi no 90, c'est
discriminatoire. C'est plutôt un projet de loi piégé, parce
que le parti ministériel sait très bien qu'une augmentation de
salaire, surtout après avoir coupé les salaires des secteurs
public et parapublic, est très impopulaire. Je dirai plutôt que
c'est un non-sens dans le contexte actuel. Mais le parti ministériel
voudrait qu'on soit complice de cette affaire: en incorporant la question des
pensions, on accepte les changements et, par conséquent, l'augmentation
des salaires. C'est injuste, c'est malhonnête et c'est hypocrite.
Vous avez démontré encore une fois votre inconscience
envers la population en arrivant avec un projet de loi proposant une hausse de
salaire quand vous savez que la quasi-totalité de notre population fait
des sacrifices et qu'il y en a d'autres qui vivent de chômage
quotidiennement. Au lieu d'être le véritable leader de notre
société, de donner l'exemple, de démontrer que vous
êtes conscients de la situation, qu'au moins vous sympathisez avec les
gens qui ont des difficultés, c'est le contraire. Vous êtes
complètement aveuglés.
Je voudrais donc que vous puissiez vous voir vraiment comment vous
êtes, que vous enleviez ce masque que vous avez, que vous mettiez l'image
de côté pour un instant! Demandez-vous si c'est acceptable, si
c'est normal par les temps qui courent d'arriver avec un projet de loi qui
comporte une augmentation.
Le leader du gouvernement a dit lui-même que la loi actuelle sur
la Législature date de 115 ans. Ne pourriez-vous pas attendre un peu
plus? Après 115 ans, vous pourriez attendre encore. Est-ce que cela
presse autant? Économiquement, c'est très difficile. C'est
quasiment aussi difficile que les années trente, même pire pour
beaucoup de gens.
En 1974, le Parti québécois parlait d'un régime, du
régime de retraite des députés.
En 1974, je me le rappelle très bien, j'étais en cette
Chambre. Et, en 1976, le Parti québécois forme le gouvernement.
Est-ce que vous allez me faire croire que cela a pris six ans pour changer le
régime de retraite? Dès la première session de 1977, vous
auriez pu le changer très facilement, ce régime que vous avez
dénoncé en 1974. Vous l'avez dénoncé en 1975, en
1976; vous avez dit que c'était une pension scandaleuse, une honte. Vous
avez fait des déclarations enflammées, vous étiez
indignés. Mais cela vous a pris six ans avant de faire des changements
qui auraient pu être faits en deux mois, en 1977. Est-ce que cela n'est
pas hypocrite? Vous allez nous faire croire, après six ans, que vous
arrivez avec une découverte qui va épargner de l'argent à
l'État? Qu'est-ce que vous avez fait? Rien pendant six ans. Ou,
plutôt, vous avez pris avantage de ce régime de retraite
vous-mêmes. Vous l'avez exploité complètement.
J'ai la liste de tous les ministres qui ont été
élus en 1976. Tous les ministres de 1976 qui sont ici aujourd'hui en
cette Chambre y gagnent 20 000 $ et plus. Vous allez me faire croire qu'en 1976
ils n'auraient pas pu faire les changements? Ils ne le voulaient pas. C'est un
geste d'hypocrisie. Même en 1981, rien n'a été
changé. Imaginez-vous, cela faisait déjà cinq ans. Ceux
qui avaient dénoncé cette pension disant qu'elle était
épouvantable... Cinq ans, imaginez-vous, absolument rien!
Pourquoi? C'est très simple. Les députés qui ont
été élus en 1976, comme le député de
Brome-Missisquoi l'a mentionné, il fallait qu'ils attendent d'être
élus une deuxième fois. Il fallait qu'ils attendent cinq ans,
c'est-à-dire soixante mois, avant d'être admissibles à une
pension indexée à vie et ils ont pris leur temps pour être
certain d'atteindre leur objectif. Et après, découverte! on va
changer ces pensions scandaleuses. Six ans pour faire la lumière. Je me
demande quelle sorte de conscience sociale vous avez. Après tout cela,
vous jouez les purs, les parangons de la vertu et de la transparence.
Transparents, oui, parce qu'on voit à travers votre jeu. C'est
très évident, votre jeu indigne. Et vous voulez notre
complicité dans cette affaire, dans ce projet de loi qui est
piégé. C'est typique de votre style de parler des deux
côtés de votre bouche. (minuit)
Vous projetez une image, mais les faits en sont loin. Vous avez bien
protégé vos intérêts. Si vous aviez pu faire la
même chose pour tous les Québécois, au lieu de nous
léguer une crise non seulement économique, mais maintenant
sociale! Vous êtes tellement cyniques; vous savez très bien que
les gens qui sont de bonne foi, par nature, oublient. Vous allez provoquer une
autre crise, ici, au Québec. Mais peu à peu,
les gens voient votre vrai visage et non l'image du Parti
québécois. Comme l'ancien président des États-Unis,
M. Abraham Lincoln, le disait: Vous pouvez tromper une partie de la population
tout le temps, mais vous ne pouvez tromper tout le monde tout le temps. Vos
jours sont comptés et le plus triste, c'est que vous êtes devenus
victimes de votre propre image. Votre image ne correspond pas à la
réalité et, d'une certaine façon, c'est votre punition et
ce sera la déchéance de votre parti.
M. le Président, ce projet de loi arrive avec des changements qui
sont nécessaires, on est d'accord sur cela, mais que dans ce même
projet de loi on essaie de faire adopter l'augmentation des salaires des
députés, c'est du camouflage. Pourquoi? C'est très simple.
Dans la situation économique actuelle, comme le député de
Brome-Missisquoi l'a dit, c'est indécent. On ne peut pas se permettre de
donner une cenne de plus dans les circonstances. On vient de couper des
salaires, on a été chercher de l'argent dans les poches des
employés. Comment pourrons-nous aujourd'hui, par un projet de loi, nous
donner une augmentation? La situation économique est tellement
difficile! Comment pensez-vous que la population puisse accepter cela, quand
c'est nous qui devrions donner l'exemple dans cette société?
Est-ce qu'on donne l'exemple? Est-ce que vous avez donné l'exemple
depuis les quelques dernières années? Vous ne l'avez pas
donné. Ne nous demandez pas de ce côté d'être
complices de votre jeu! Du tout!
Vous êtes aveuglés. Regardez-vous donc! Vous ne
reflétez plus la réalité des choses au Québec.
C'est assez difficile parce qu'on a affaire à des gens qui se croient
les seuls à posséder la vérité. Cela devient
très frustrant pour nous ici. Mais, comme je l'ai mentionné, vos
jours sont comptés. Et la meilleure chose qui puisse arriver à la
province de Québec, c'est que vos jours soient très courts et
qu'on mette le Québec sur la voie du progrès, qu'on se sorte de
toute la misère dans laquelle vous nous avez mis depuis les quelques
dernières années. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Châteauguay et adjoint parlementaire au ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Roland Dussault
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je suis heureux
d'avoir l'occasion ce soir, à cette heure, d'exprimer mon point de vue
sur le projet de loi no 90 en deuxième lecture, projet de loi portant
sur la réforme parlementaire et celle de la rémunération
des députés, c'est-à-dire leur régime de retraite
et leur salaire. Cependant, je trouve dommage que le débat ait lieu sous
le signe de la vengeance des gens d'en face. C'est un sujet qui se prête
à tellement plus de maturité.
Cette réforme, dont l'étude a commencé hier par le
discours très à point du leader du gouvernement, peut être
qualifiée de majeure, car elle comporte bon nombre de
réalignements, dont certains feront l'objet de mon discours. Il y avait
longtemps qu'on parlait d'une réforme qui puisse avoir une portée
aussi significative. En fait, depuis 1964, certains gestes des gouvernements
ont démontré un tel intérêt. Par exemple, en 1963,
le premier ministre Jean Lesage confie à Jean-Charles Bonenfant le soin
de rédiger un document sur la réforme parlementaire. Le 9 janvier
de cette année, M. Bonenfant remet son document La réforme du
travail parlementaire au Québec. Le 7 février, un comité
spécial est formé pour étudier l'opportunité
d'amender le règlement. En février 1965, la création d'un
comité spécial pour étudier l'opportunité d'amender
le règlement de l'Assemblée législative. En mars de cette
année, le leader du gouvernement annonce qu'une entente a
été conclue avec l'Opposition, afin de permettre l'étude
des crédits budgétaires de certains ministères par des
comités spéciaux. Un premier comité est formé le 16
mars.
En février 1966, des amendements sont apportés au
règlement en vue de permettre au comité plénier
chargé de l'étude des crédits de confier l'examen d'une
partie de ses crédits à un comité. En février 1967,
il y a une déclaration ministérielle de la part du premier
ministre d'alors, M. Johnson, sur l'urgence d'une refonte des
règlements. Le 3 août, à cette fin, il y a formation par
l'Assemblée d'un comité préliminaire de sept membres, avec
le mandat de préparer les grandes lignes d'un plan de travail devant
servir de guide au comité qui sera ultérieurement institué
pour étudier les moyens d'améliorer le travail de
l'Assemblée législative. Un comité préliminaire
recommande la refonte complète des règlements, la permission de
s'adjoindre des experts et la permission de siéger même lorsque la
Chambre ne siège pas. Cela semble rappeler des souvenirs aux gens qui
travaillent pour nous à l'Assemblée nationale.
Le 17 décembre 1968, on crée un comité
spécial de l'Assemblée législative du Québec, avec
pouvoir d'entendre des témoins pour étudier les moyens
d'améliorer le travail de l'Assemblée et préparer un
nouveau règlement comportant des transformations substantielles. En
février 1969, l'Assemblée abandonne la tradition qui consiste
à présenter pour la forme, avant le débat sur le discours
inaugural, le bill no 1, sur la prestation des serments d'office. C'est sans
doute un restant d'un certain régime.
Mais c'est le lendemain qui est plus important; le 26 février, un
premier rapport du comité sur la refonte du règlement est
déposé. Ses recommandations visent à limiter de
façon fort sensible la durée des périodes de questions et
les débats de l'Assemblée nationale, de même qu'à
accroître le travail des commissions parlementaires et à former la
commission de l'Assemblée nationale. Un deuxième rapport est
déposé le lendemain, d'ailleurs, et même un
troisième au mois de mars, mais qui amende le premier rapport.
Cette refonte donne lieu à quelques petits changements au
règlement et à la création en mai de la commission des
engagements financiers. En 1970, sous la présidence de M.
Fréchette, qui est maintenant un député du Parti
québécois, des amendements sessionnels qui avaient
été adoptés en mars 1969 sont reconduits pour la session
qui commence; donc, on avait expérimenté des règlements.
En septembre 1970, un comité ad hoc de la commission permanente de
l'Assemblée nationale est constitué en vue de la refonte des
règlements. Cela se passait sous la présidence de M. Lavoie.
En 1971, on assiste à un début d'amélioration des
services aux députés de même qu'à leurs conditions
de travail et de rémunération. Le 27 mars 1972,
l'Assemblée adopte unanimement un nouveau règlement de
l'Assemblée nationale, à titre de règlement sessionnel. Le
13 mars 1973, il y a adoption d'un nouveau règlement de
l'Assemblée, à titre de règlement permanent; ce nouveau
règlement contient 169 articles tandis que l'ancien en comptait 812.
Cela a dû être tout un soulagement pour tous les membres de
l'Assemblée nationale, à ce moment-là.
En 1973, on assiste à des améliorations sur le plan de la
rémunération des députés ayant des fonctions
additionnelles. Je voudrais ajouter à ceci que plusieurs articles de la
Loi sur la Législature sont modifiés afin de tenir compte, pour
fins de pension, du fait qu'un député peut être du sexe
féminin. C'était un début de compréhension de la
condition féminine.
En juillet 1974, la commission de régie interne de
l'Assemblée nationale a constitué un comité
extra-parlementaire et je cite les mots du mandat d'alors: "Dans le but de
faire une évaluation des montants, ainsi que de la nature des
indemnités et allocations attribuées aux membres de
l'Assemblée nationale et aux titulaires de certaines fonctions reconnues
par la loi de la Législature". Alors, ce comité était
présidé par Me Jean-Charles Bonenfant. (0 h 10)
En 1975, en janvier précisément, l'indemnité des
députés est indexée annuellement. En février de
cette année, sous le président Lavoie, un comité de
travail est formé avec mandat de faire un relevé de l'état
des services de l'Assemblée et proposer un nouveau plan établi
selon les principes modernes d'organisation et tenant compte de l'autonomie de
l'Assemblée, dont le plan définitif commencera à
s'appliquer en décembre 1978, c'est-à-dire plus de deux ans
après. En novembre 1976, M. Robert Burns devient ministre d'État
à la Réforme électorale et parlementaire. Je pense que
c'était la première fois qu'on donnait un rôle très
spécifique à un ministre pour assurer une réforme autant
sur le plan électoral que sur le plan parlementaire. En 1977, en
novembre, l'Assemblée nationale met à l'essai un règlement
sessionnel qui comprend l'abolition de la séance du vendredi, une
question avec débat, un changement de la procédure des votes, une
procédure expéditive pour les projets de loi non contestés
et une nouvelle procédure pour les affaires courantes.
En 1978, le 22 février, le règlement sessionnel de 1977
est reconduit, auquel on ajoute la diminution de la durée du
débat sur le discours inaugural et sur le discours sur le budget,
l'établissement d'un calendrier parlementaire avec ajournement à
date fixe et l'entrée en vigueur automatique des règles en fin de
session. Ce qui nous permet d'épargner beaucoup de temps et de finir
à une date raisonnable.
D'ailleurs le 3 octobre 1978, on a assisté au début de la
télédiffusion des débats à l'Assemblée
nationale, ce qui nous permet maintenant d'être entendus par nos
électeurs. Le 22 décembre de cette année,
l'Assemblée nationale limite à 6% l'augmentation annuelle du
salaire des députés. L'année suivante, en avril, le
ministre d'État à la Réforme électorale et
parlementaire confie à un comité la refonte de la Loi sur la
Législature. Ce comité était composé de
députés ministériels, donc du côté du Parti
québécois, MM. Gendron, Guay, Ouellette et Michaud, qui ont
été présidents, ainsi que moi-même. Nous nous sommes
réunis à huit reprises et nous avons remis notre rapport le 20
juin de la même année.
Ce rapport abordait les sujets suivants: la régie interne, les
commissions parlementaires, certaines règles de fonctionnement de
l'Assemblée - par exemple l'inscription des intervenants au débat
- le quorum, le dépôt de documents d'orientation politique. Cela
comprenait aussi les fonctions parlementaires relativement aux adjoints
parlementaires, aux présidents et aux vice-présidents, de
même que des avis sur les indemnités, les pensions et, enfin, les
conflits d'intérêts. Ce rapport a constitué le début
d'orientation d'une réforme qui s'est articulée autour d'une
réflexion du député de Trois-Rivières nommé,
le 1er mai 1981, adjoint parlementaire au ministre délégué
aux Affaires parlementaires, après qu'en juin
1980, le président de l'Assemblée nationale du temps ait
déposé un avant-projet de loi sur l'Assemblée nationale,
avant-projet qui aurait pris plusieurs des recommandations du comité
Michaud.
M. le Président, la réforme était attendue si on se
fie à tout ce qui s'est passé depuis 1964. Bien que l'essence de
la présente réforme parlementaire découle des initiatives
les plus récentes de l'actuel gouvernement du Québec et de son
équipe ministérielle au sens large, force est d'admettre qu'elle
découle, comme je l'ai démontré, d'un élan
historique dont chacun des soubresauts doit être apprécié
à son mérite. Cependant, force est d'admettre aussi que c'est une
tendance récente, très récente même, que les
parlementaires cherchent des moyens leur permettant de se distancier du pouvoir
exécutif. Ce qui va plus loin que la simple recherche d'un remaniement
de règlements.
Dans l'ensemble, cette réforme parlementaire répondra
à des besoins plusieurs fois identifiés par de nombreux
parlementaires. En satisfaisant ces besoins, cette réforme va changer
substantiellement la relation entre le pouvoir législatif,
c'est-à-dire celui de l'Assemblée nationale, et les pouvoirs de
l'exécutif et de l'administration publique, c'est-à-dire ceux du
gouvernement. Cette réforme, en rendant ainsi l'Assemblée
nationale plus indépendante du pouvoir exécutif, ce qui est un
objectif très important de la réforme, va exiger de tous les
parlementaires des adaptations sur le plan des comportements et des attitudes.
Ce qui sera un défi qui est dans la nature même des hommes et
femmes politiques de vouloir relever. Certains objets d'étude, comme
certains de leurs instruments de travail -c'est le cas des commissions
parlementaires -sont appelés à évoluer dans le sens d'une
revalorisation du processus législatif et d'un meilleur contrôle
des finances et des dépenses publiques. De même, cette
réforme élargira le champ de surveillance, par l'Assemblée
nationale, des actes de l'exécutif et organismes autonomes. M. le
Président, grâce à la possibilité qu'offre la
réforme de recevoir certains organismes publics dans le cadre d'un
nouveau type de commission parlementaire, les parlementaires se verront
faciliter l'analyse et la compréhension de l'administration et du
fonctionnement de ces organismes. La loi 90 faisant disparaître
l'exclusivité des commissions dites permanentes, il restera à
faire reconnaître les modalités d'application de ces principes
dans le règlement de l'Assemblée nationale.
Je voudrais maintenant aborder un élément qui me tient
à coeur, c'est-à-dire le Bureau de l'Assemblée nationale.
Il s'agit d'une modification majeure au fonctionnement de l'Assemblée
nationale parce qu'elle change profondément les rôles.
Ce bureau, composé du président et des
députés de l'Assemblée nationale, exercera des fonctions
de contrôle, de réglementation et de gestion,
particulièrement à l'égard des allocations versées
aux députés et relativement à l'organisation
administrative de l'Assemblée nationale.
À ma connaissance, cette nouveauté est apparue pour la
première fois comme préoccupation des députés lors
des travaux du comité Michaud, créé en avril 1979. Je me
rappelle avoir fait, lors des travaux de ce comité, la suggestion
d'implanter un tel bureau, après avoir constaté, lors d'une
mission d'étude en France auprès du Conseil de l'Europe à
Strasbourg précisément, en janvier ou février 1979,
l'existence d'un tel bureau à l'Assemblée nationale
française. On me corrigera si je me trompe, mais je pense que c'est
aussi lors des travaux de ce comité Michaud qu'est apparue, pour la
première fois, l'idée d'une indemnité de départ que
la présente loi 90 a retenue sous l'appellation d'allocation de
transition.
L'idée était de Gilles Michaud, le président. Il ne
se doutait pas, à ce moment, à quel point elle lui aurait
été utile, cette allocation de transition, si elle avait
été en vigueur à la dernière élection. Vous
savez le sort qui a été réservé à notre
collègue Michaud, de Laprairie. Permettez-moi, M. le Président,
de rendre hommage à ce travailleur acharné et à ce
député consciencieux qu'a été Gilles Michaud,
l'ex-député de Laprairie.
Pour revenir au Bureau de l'Assemblée nationale tel que
préconisé par la loi 90, il est intéressant de remarquer
que l'Opposition aura sa place au sein de ce bureau. Le temps était venu
de remplacer l'actuel Comité de régie interne de
l'Assemblée nationale, contrôlé par le gouvernement,
puisque trois ministres y siègent, donc coloré politiquement, par
un bureau fondamentalement représentatif de tous les membres de
l'Assemblée nationale et de leur appartenance politique.
Un autre aspect intéressant à faire ressortir, c'est le
pouvoir que la loi accorde au bureau de déroger à l'application
de toute loi ou règlement de nature administrative, si l'utilisation de
règles particulières permet d'atteindre plus efficacement les
objectifs et l'exercice des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Cette
ouverture de la loi a l'immense avantage de permettre au bureau d'utiliser des
approches nouvelles, une possibilité qui s'accommode bien avec des
objectifs d'évolution du fonctionnement de l'Assemblée
nationale.
Autre aspect non négligeable, c'est la possibilité qu'aura
maintenant l'Assemblée nationale, par le biais du Bureau de
l'Assemblée, d'être consultée dans la préparation
des prévisions budgétaires de l'Assemblée, ce qui
m'apparaît aller de soi
dans l'esprit que, dorénavant, cette Assemblée sera
complètement maîtresse des dépenses qui la concernent
intimement, c'est-à-dire celles qui concernent les services
professionnels directement reliés aux fonctions et
responsabilités des députés.
Un autre élément de la réforme que je voudrais
faire ressortir, c'est celui de la création de la fonction de
jurisconsulte. Ce sage conseiller, auquel des députés pourront se
référer afin de satisfaire aux exigences nouvelles de la Loi sur
l'Assemblée nationale, en termes d'éthique, afin d'éviter
qu'ils ne se retrouvent en situation de conflit d'intérêts ou
d'incompatibilité de fonctions, trouve sa justification dans l'existence
de ce pan complet de la loi 90 qui traite des conflits d'intérêts,
justifiant à lui seul une loi d'amendement à la loi actuelle.
Plusieurs autres aspects de la loi, sur le plan de l'Assemblée
nationale et de son fonctionnement, mériteraient qu'on s'y attarde. Je
voudrais me garder du temps pour aborder la question de la
rémunération que l'Opposition ne manque pas de "confusionner", si
on me permet l'expression. Dans son deuxième volet, la réforme
contenue dans la loi 90 vise à corriger une situation que tous, ou
à peu près, qualifient de scandaleuse. Tout le monde
considère, tout compte fait, que le salaire des députés,
ajouté au coût du régime de retraite et aux autres
coûts de fonctionnement répondant aux besoins de la fonction de
député, ce qu'on appelle la rémunération globale,
atteint un sommet inacceptable de 66 395 $ par député par
année; 66 395 $.
Il est moins connu, cependant, que ce sommet inacceptable, cette
rémunération globale de 66 395 $ par député, par
année, s'explique par la très large part du coût de la
pension que l'État québécois est appelé à
fournir. Cet apport gouvernemental représente annuellement 85, 4% de la
rémunération de base du député, qui est de 35 096 $
actuellement. De ces 66 395 $ que coûte un député au total,
29 867 $ représente la part imputable au régime de retraite, 29
867 $ sur 66 395 $. (0 h 20)
Dans la réforme de la rémunération, la question de
la pension ne peut être isolée de la question du salaire. Celui
qui ne regarde pas ou qui se refuse à regarder ce qui advient des deux
composantes, salaire et pension, dans la réforme de la
rémunération globale ne peut pas en comprendre la vraie
portée, car cela ne permet pas de placer dans son vrai contexte la
minime augmentation de salaire à laquelle les députés
auront droit en avril prochain, après un gel de trois mois analogue
à celui des travailleurs des secteurs public et parapublic.
C'est l'approche globale qu'a choisie le gouvernement pour corriger la
situation actuelle. C'était, d'ailleurs, la seule qui permettait
d'obtenir des résultats équitables. Le gouvernement a voulu
corriger la situation actuelle en fixant un niveau raisonnable de salaire en
fonction d'une rémunération globale en rendant la pension
acceptable aux députés et à la population, ce qui fera
épargner aux Québécois, à l'État
québécois, des sommes considérables dès l'an
prochain. Le salaire des députés avait été
fixé à 27 800 $ en 1974, au même niveau qu'un fonctionnaire
dit admministrateur classe IV. Une série d'événements a
fait que celui du député s'est rendu lentement à 35 000 $
tandis que celui de l'administrateur classe IV s'est rendu à 43 000 $,
ce qui fait une différence de 6000 $ en faveur de l'administrateur.
La loi 90, en plaçant le salaire du député dans un
contexte global - j'y reviendrai - après un gel de trois mois, fait
passer son salaire de 35 000 $ à 37 000 $, c'est-à-dire une
augmentation de 4, 8%, alors que le front commun, dans la même
période, aura obtenu 5, 8%, c'est-à-dire 1% de plus. La part du
gouvernement dans le fonds qui servira à payer la pension des
députés ayant diminué considérablement, puisqu'elle
passera de 84% maintenant à 31% après l'adoption de la loi 90,
c'est entre 19 000 $ et 20 000 $ par député que le gouvernement
n'aura plus à payer. Au lieu de 66 395 $ que coûte chaque
député, tout compris, c'est 48 400 $ qu'il coûtera chaque
année dorénavant, ce qui fera épargner aux
Québécois des sommes considérables dès l'an
prochain. En effet, si on calcule bien, une épargne de 19 000 $ par
député par année, multipliée par 122
députés, cela représente 2 300 000 $
épargnés par l'État québécois, que les
contribuables n'auront pas à payer. C'est sans doute une contribution
très appréciable à l'effort collectif de trouver des fonds
nécessaires pour la création d'emplois.
Une comparaison avec les fédéraux permet de saisir la
vraie portée de l'économie. Entre janvier 1977 et avril 1983,
alors que les députés québécois de
l'Assemblée nationale auront vu leurs salaires augmenter de 33, 8%, ceux
des députés fédéraux auront augmenté de 97,
5%. De 33, 8% à 97, 5%. Quand le salaire du député de
l'Assemblée nationale sera passé de 27 800 $ à 37 200 $,
celui des députés fédéraux sera passé de 25
000 $ à 50 300 $.
Je voudrais ajouter une petite information au tableau qu'a fait tout
à l'heure le député de Brome-Missisquoi quand il a
évoqué la pension à laquelle auront droit certains membres
du Parti québécois - et je vais terminer là-dessus - s'ils
sortent de la vie politique à la fin du présent mandat. Je
voudrais dire que le député Assad, qui a parlé avant moi,
aurait une pension de 19 936 $. M. Harry Blank aurait une pension de 42 589 $,
M. Lucien Caron aurait une
pension de 30 771 $, M. Ciaccia en aurait une de 25 648 $ - plus celle
du fédéral, évidemment, ce n'est pas indiqué ici -
M. Lalonde, le leader, aurait 32 877 $, Mme Lavoie-Roux aurait 20 066 $, M.
Gérard D. Levesque, le chef, aurait 65 831 $ - c'est plus que notre
Lévesque à nous - M. Mailloux aurait 43 022 $, M. Pagé
aurait 28 293 $ - je ne sais pas s'il le savait - M. Picotte, l'ineffable M.
Picotte, aurait 27 844 $.
Ce que je veux dire par là, c'est qu'il fallait tout simplement
tenir compte des droits acquis. Je sais très bien que, si nous avions
enlevé ces droits acquis, ils auraient été les premiers -
je vous le redirai ensuite, M. le député Pagé - à
nous tomber dessus et nous auraient fait une guerre épouvantable, et ils
auraient eu le droit de le faire, parce qu'un droit sacré doit
être respecté. C'est respecté pour nous, comme c'est
respecté pour eux.
Donc, globalement, un tel résultat ne devrait faire que des
heureux et, pourtant, les amis d'en face ne sont pas contents. Comme
d'habitude, ils critiquent et essaient de mêler les gens; ils n'ont pas
de solution de rechange, ils n'ont pas de suggestions et ils voteront, sans
doute, contre. Je voterai en faveur parce que c'est le simple bon sens et c'est
la recherche du meilleur équilibre. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Robert Baldwin.
M. John O'Gallagher
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Je voudrais faire
remarquer que celui qui m'a précédé, le
député de Châteauguay, est un adjoint parlementaire qui
gagne au-delà de 50 000 $ par année. Nous, de l'Opposition,
faisons face à un dilemme dans ce projet de loi, comme tout le monde
peut s'en apercevoir. Car il y a deux éléments: la réforme
de notre institution parlementaire et l'augmentation des salaires des
députés. Nous sommes en faveur de la réforme de notre
institution parlementaire, car c'est sain et cela suit une évolution
normale, comme dans toute société. Nous sommes en faveur du
Bureau de l'Assemblée nationale, en faveur de l'exécutif de
l'Assemblée nationale et même pour le jurisconsulte qui pourrait
régler quelques problèmes qui affectent non seulement les
députés, mais peut-être ceux qui ont affaire à
nous.
On aurait peut-être même des recommandations à
apporter pour améliorer la réforme parlementaire. Je pense que le
député de Trois-Rivières a fait mention dans son discours,
hier soir, de la réglementation qui est hors de contrôle dans
plusieurs lois. On voit cela. Il a mentionné, entre autres, l'Office de
la construction où la réglementation a vraiment
dépassé les exigences de notre Assemblée. Ce n'est pas
cela qu'on voulait faire, mais on voit aujourd'hui, avec cette
réglementation, que nous avons une main-d'oeuvre parallèle
clandestine. Ces gens sont obligés de travailler d'une manière
clandestine pour nourrir leur famille à cause des règlements de
l'Office de la construction. Ce n'est pas correct. On devrait peut-être
avoir une espèce de Protecteur du citoyen ou un conseil à
l'Assemblée nationale qui pourrait jeter un coup d'oeil, examiner ou
vérifier ces règlements qui s'ajoutent à toutes ces
lois.
J'ai reçu plusieurs plaintes à mon bureau au sujet de
l'Office de la construction et pas seulement pour avoir le droit de travailler.
Vu que la loi no 101 dit que des personnes morales seront servies seulement en
français, les fonctionnaires prennent cela d'une manière
extrêmement zélée. Pour eux, une compagnie, c'est une
personne morale; une compagnie limitée, c'est quasiment une
multi-nationale. Mais on sait que, dans le Québec, la grande
majorité des personnes morales, des compagnies sont de petites boutiques
familiales. Il y a des gens de mon comté, des anglophones de tout le
Québec qui se voient refuser des services par l'Office de la
construction pour de l'information, parce qu'ils portent un nom de compagnie.
C'est seulement une petite compagnie, une petite boutique familiale. C'est du
zèle dans la réglementation. Nous, de l'Assemblée
nationale, je pense qu'on devrait aussi, dans notre réforme
éventuelle, avoir une occasion d'examiner cette
réglementation.
C'est très bien, nous sommes favorables à une
réforme normale, à une réforme saine qui suive
l'évolution normale. Nous sommes pour. Mais, quand on vient nous parler
d'augmentation de salaire - c'est vrai qu'il va y avoir un petit gel de trois
mois pour les ministériels - même une augmentation de 6% n'est pas
acceptable. D'ailleurs, le député de Châteauguay a fait
l'historique de toute cette réforme sur la question des salaires des
députés depuis MM. Lesage et Johnson jusqu'à 1974. Le
rapport de la commission Bonenfant a été débattu en cette
Chambre avec tellement de démagogie par le Parti
québécois. À ce moment, en 1974, rappelez-vous que
c'était une période de croissance économique et toutes les
projections que cette commission pouvait faire disaient que les
députés, aujourd'hui, devraient gagner environ 50 000 $. Il y a
même des députés en face qui ont dit que c'était
très bien. Mais qui, de cette commission, pouvait savoir qu'il y aurait
une crise au Québec en 1982, que notre déficit annuel
dépasserait 3 000 000 000 $, que notre déficit accumulé
dépasserait 18 000 000 000 $? Y a-t-il des gens de cette commission qui
auraient su que nos impôts et nos taxes seraient les plus
élevés de tous les citoyens du Canada, de tous les
citoyens en Amérique du Nord? L'essence au Québec, l'assurance
automobile, les péages sont tous beaucoup plus élevés que
n'importe où au Canada. On paie notre essence, comme vous le savez, 0,
56 $ ou 0, 57 $ le litre; en Ontario, on peut l'avoir pour 0, 37 $. Nous avons
le record des faillites dans tout le Canada. On a quasiment 500 000
chômeurs et 500 000 assistés sociaux. On a des fermetures d'usines
une par derrière l'autre, des départs de compagnies et on a des
coupures imposées par le gouvernement, par le président Conseil
du trésor, coupures nécessaires, mais qui touchent les personnes
âgées, les malades et les assistés sociaux. C'est une crise
et, tout dernièrement, la semaine passée, vous avez voté
une coupure de 20% pour les travailleurs de la fonction publique sur une
période de trois mois. Cela n'est pas acceptable. Vous voulez vous voter
une augmentation de 6%, à partir du 1er avril; cela n'est pas
décent.
M. le Président, à l'Assemblée nationale, avec
notre salaire de base, nous sommes très bien payés quand on
compare cela avec le reste des autres provinces du Canada. Au Québec, on
gagne 42 596 $ environ, incluant l'indemnité de 7500 $; en Ontario, le
député gagne 40 000 $, un peu plus de 2000 $ de moins; en
Colombie britannique, il gagne 36 000 $; au Manitoba, il gagne 27 000 $; en
Alberta, il gagne 28 400 $; au Nouveau-Brunswick, il gagne 30 000 $; en
Nouvelle-Écosse, il gagne 30 000 $; à Terre-Neuve, il gagne 24
500 $; à l'Île-du-Prince-Édouard, il gagne 19 000 $; en
Saskatchewan, il gagne 27 000 $ et, dans les Territoires du Nord-Ouest, il
gagne 25 000 $. Alors, nous sommes les plus chèrement payés de
tous les députés provinciaux du Canada. C'est vrai que les
députés... au niveau fédéral gagnent 50 000 $. Pour
les mêmes raisons, ce n'est pas plus décent. Dans une
période de crise à travers le pays, ce n'est pas acceptable.
Nous, de l'Opposition, on exige qu'il y ait un gel sur les salaires
jusqu'à ce que l'économie reprenne. Cela serait normal, c'est
à cela que les gens s'attendent. Mais qu'est-ce qu'on trouve aujourd'hui
avec votre projet de loi no 90? On trouve qu'une fois que ce sera mis en
vigueur, à partir de 1984, 91% des députés en face vont
gagner quasiment 50 000 $. Il y a seulement six pauvres petits moutons qui vont
recevoir le même salaire qu'un député de l'Opposition. On
voit, d'après votre loi - il y a 27 ministres - qu'il va y avoir 27
adjoints parlementaires qui vont gagner 20% de plus qu'un député
normal; ils vont augmenter leur salaire à 50 000 $ par année. On
va augmenter le nombre d'adjoints de 12 à 27. Il y a 7 présidents
de commission, un président de l'Assemblée, 2
vice-présidents de l'Assemblée, un leader parlementaire adjoint,
un whip en chef et 2 whips adjoints, donc 68 députés sur 74 qui
reçoivent des primes additionnelles. Il ne reste que 6 pauvres petits
moutons qui vont recevoir le même salaire que nous de l'Opposition. Je
pense que la population pourrait commencer à prendre des paris pour
savoir qui vont être ces 6 pauvres petits moutons. Vous dites que ce
n'est pas une augmentation? C'est une farce. Vous êtes des hypocrites
pour dire cela. Avec cela, il n'y a pas de création d'emplois, c'est un
autre gaspillage d'argent. Il y a seulement la création d'une prime pour
les députés du gouvernement. Ce n'est pas décent. Vous
devriez avoir le courage de geler les salaires au moins pour un an. Au sujet
des pensions, c'est aussi... Je cherche un mot parlementaire, M. le
Président, pour décrire ma réaction à cette affaire
des pensions. On peut tout simplement dire que, semble-t-il, c'est
extrêmement drôle que vous adoptiez cette politique de changer les
salaires après que la grande majorité des députés,
au moins 50, peuvent se qualifier sous l'ancien régime qui était
beaucoup plus avantageux. Vous l'avez fait après le 15 novembre dernier,
tout simplement. Vous avez attendu quelques semaines pour imposer ce
changement. Cela non plus, ce n'est pas acceptable. La population va vous
juger.
En terminant, je voudrais simplement citer votre vice-premier ministre,
le député de Sauvé: Nous avons en tant que parlementaires,
en tant qu'élus de la population, pas seulement des avantages à
recueillir, nous avons aussi un exemple à donner. Je pense que cette
occasion qui nous est fournie par ce projet de loi est une occasion que ne
devraient pas rater les membres de l'Assemblée nationale. Les membres de
l'Assemblée nationale ne devraient pas mettre de côté la
possibilité de remettre à plus tard cette augmentation de
salaire. C'est le vice-premier ministre de la province de Québec qui
disait cela, M. Jacques-Yvan Morin. J'appuie cette proposition du
député de Sauvé. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jeanne-Mance.
M. Michel Bissonnet
M. Bissonnet: M. le Président, je serai le dernier
intervenant pour la formation politique que je représente à
l'Assemblée nationale. (0 h 40)
Permettez-moi, tout d'abord, de vous dire que, lorsque nous avons
reçu le projet de loi no 90, j'ai trouvé que ce projet de loi
était "heavy". C'est l'expression que nous avons dans le comté de
Jeanne-Mance. Lorsque j'ai reçu, en même temps, le projet de loi
no 105, j'ai trouvé que c'était un
projet de loi "heavy", compte tenu de la présentation du projet
de loi no 90.
Le leader parlementaire de notre formation politique, dès le
départ de cette deuxième lecture du projet de loi 90, a fait des
revendications auprès du gouvernement dans le but de scinder ce projet
de loi en deux: un projet de loi qui toucherait le salaire des
députés et qui traiterait également du régime de
retraite et un autre projet de loi distinct qui toucherait la réforme
parlementaire. Je demande à ce gouvernement s'il est possible d'amender
ce projet de loi pour présenter deux projets de loi distincts. Je pense
que cela nous aiderait, nous les parlementaires, à étudier ce
projet de loi qui contient des dimensions très distinctes.
Évidemment, à la suite...
M. Bertrand: Question de privilège, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Question de
privilège de la part du leader.
M. Bertrand: Je voudrais dire au député de
Jeanne-Mance qu'il peut arriver que la nuit porte conseil.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: C'est un voeu que je fais au nom de tous mes
collègues qui sont intervenus dans ce dossier et au nom de la formation
politique que je représente. Je pense qu'il serait utile pour le
débat que nous puissions étudier et adopter ce projet de loi en
le divisant en deux.
Lorsque j'ai reçu ce projet de loi no 90, évidemment, j'ai
été très surpris, à la suite du dépôt
du projet de loi no 105, qu'on présente à ce Parlement un projet
de loi pour donner une augmentation de 6% aux parlementaires de cette
Assemblée nationale, compte tenu qu'on diminuait le salaire des
employés. Évidemment, on ne touchait pas aux cadres de la
fonction publique, mais on touchait aux salariés, qu'on diminuait
jusqu'à 20%. Donc, j'ai trouvé, au point de vue
stratégique, que ce projet de loi n'était pas bienvenu, compte
tenu de la situation économique que nous vivons.
Je pense qu'il est important, lorsqu'on parle à
l'intérieur de ce projet de loi d'augmenter les salaires des
députés de 6% à compter du 1er avril et qu'on parle
également d'une indexation des salaires des députés au 1er
janvier 1984 de situer la position de notre parti relativement à cela.
Nous demandons au gouvernement de geler les salaires des députés
et de reconsidérer le tout l'automne prochain, compte tenu de la
performance que ce gouvernement péquiste nous apportera dans les dix
prochains mois, pour voir si les députés méritent une
augmentation de salaire.
Quant au régime de retraite, je me rappelle très bien que
- je vais citer cela à titre d'exemple pour les concitoyens qui nous
écoutent - qu'un député qui a été élu
durant deux mandats et qui a comptabilisé au moins cinq années de
service est admissible à une pension qui est indexée au
coût de la vie chaque année. Je voudrais vous rappeler que,
lorsque nous avons étudié l'offre du gouvernement
fédéral, au mois de novembre 1981, vers le 5 ou le 6 novembre,
sur la question de la constitution et des négociations qui ont suivi,
l'ex-ministre des Affaires intergouvernementales a annoncé son intention
de démissionner du gouvernement du Québec vers le 6 novembre, si
ma mémoire est fidèle. Il n'a, cependant, transmis sa
démission comme membre de cette Assemblée qu'après le 15
novembre, soit vers le 15 décembre et, évidemment, en donnant sa
démission le 15 décembre, sa pension a été
indexée au coût de la vie le 1er janvier 1982. Donc, l'ex-ministre
des Affaires intergouvernementales n'a démissionné que le 15
décembre 1981, malgré le fait qu'il avait indiqué à
la presse son intention de démissionner. C'était après ses
cinq ans.
La position de notre parti relativement à ce projet de loi, en ce
qui a trait au régime de retraite - le député de
Brome-Missisquoi nous a présenté une brochette de tous les
ministres et députés du Parti québécois et de
certains députés du Parti libéral qui sont admissibles
à ce régime de retraite depuis le 15 novembre 1981 puisque cela
fait plus de cinq ans qu'ils sont députés, parce que cela fait
plus de deux mandats -il est bien évident que pour l'Opposition il y a
eu un retard indu à agir parce que ce gouvernement avait annoncé
bien avant qu'on était pour changer le mécanisme de ce
régime de retraite.
Actuellement, les députés sont en très grande
majorité des députés du Parti québécois.
Pour apporter les réformes qu'on voulait apporter, on a attendu que tous
ces députés puissent être admissibles à ce
régime de retraite. On a durant le cours de ce débat
rappelé l'attitude du Parti québécois, notamment celle du
député de Sauvé, l'ex-ministre de l'Éducation - je
me permets de le nommer en cette Chambre - M. Jacques-Yvan Morin, qui en 1974
avait dirigé l'Opposition du Parti québécois. On avait
parlé amplement du travail des adjoints parlementaires, qui
étaient à ce moment-là des libéraux. Je cite M.
Morin. On va écouter ce qu'il disait des adjoints parlementaires. Selon
lui, ils servaient à couper des rubans, c'était un prix de
consolation pour les députés qui n'étaient pas
nommés ministres. Pour M. le ministre des Affaires
intergouvernementales, ami du ministre du Commerce extérieur, les
adjoints
parlementaires étaient des ouvreurs de portes et des porteurs de
valises. Pour lui l'indemnité additionnelle qu'on donne à un
adjoint parlementaire était un "prix coco". Voilà. Quand je parle
de "prix coco", je trouve cela "heavy".
Lorsqu'on regarde ce projet de loi... On a au Parti
québécois 74 députés. On a le premier ministre...
Je me permets de rappeler en terminant à titre de conclusion ce que
disait le député de Brome-Missisquoi: II y a un premier ministre
et il y a 26 autres ministres. Actuellement, il y a douze adjoints
parlementaires et un adjoint parlementaire, pour ceux qui nous écoutent,
c'est un député qui est censé travailler activement
à l'intérieur d'un ministère pour aider le ministre. Le
fait qu'on nomme un député adjoint parlementaire lui permet
d'avoir un "prix coco" - tel que le faisait valoir devant cette Chambre le
ministre des Affaires intergouvernementales, l'ex-ministre de
l'Éducation - un supplément de salaire de l'ordre de 7000 $.
À ces 27 ministres on ajoute 27 adjoints parlementaires - au lieu
de 12 - on ajoute également 7 présidents de commission, un
président de l'Assemblée, 2 vice-présidents de
l'Assemblée, un leader parlementaire adjoint, un whip en chef et 2 whips
adjoints. Ce qui fait 68 députés sur 74. Tous les
députés de cette Chambre ont actuellement une indemnité de
l'ordre de 35 000 $, plus les frais d'indemnité non imposables de 7500
$. À l'intérieur de cette Chambre, dans le Parti
québécois, à la suite de ce nouveau projet de
réforme, il y aura 6 députés qui auront un salaire de 35
000 $ sans autre indemnité. (0 h 50)
Évidemment, dans l'Opposition, nous avons le chef, le leader
parlementaire et le leader adjoint, et deux whips. Ce qui veut dire qu'il y a
quelque 30 députés de ce côté de la Chambre qui ont
une indemnité de base de 35 000 $ et cela s'arrête là. Ce
n'est pas qu'on soit jaloux, mais nous sommes convaincus... En tout cas, quand
je me suis présenté comme député, mon premier
objectif était d'aider mes concitoyens, de les représenter
à cette Assemblée et de travailler pour eux de façon
entière. C'est ce que j'ai fait quand j'étais maire de la ville
de Saint-Léonard et c'est ce que je fais actuellement. Les conditions
salariales, quant à moi, ne sont pas la priorité. La
priorité, c'est d'aider véritablement mes concitoyens, c'est de
faire le travail pour lequel on a été mandaté.
Si nous constatons qu'à l'intérieur de ce projet de loi,
on accorde une frime, un boni à tous les députés du Parti
québécois, sauf à six, comme le disait tantôt le
député de Brome-Missisquoi, j'ai l'impression que ces six
députés qui n'auront pas de boni, que ce soit comme
président de commission ou adjoint parlementaire, ces six
députés, comment seront-ils vus par leurs concitoyens dans leurs
comtés respectifs? Je pense...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Jeanne-Mance, il y a une question de règlement
de la part du whip de l'Opposition.
M. Pagé: Je m'excuse auprès de mon collègue.
Je comprends que son intervention est très intéressante, mais
notre règlement stipule qu'à ce moment nous devons avoir 30
députés en Chambre; on n'a pas quorum.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Effectivement. Qu'on
appelle les députés.
À l'ordre, s'il vous plaît! Reprenez vos places, il reste
sept minutes au député de Jeanne-Mance. M. le
député de Jeanne-Mance.
M. Bissonnet: Si mon collègue le député de
Portneuf a demandé l'appel du quorum, c'est parce que, avant de terminer
ce débat en deuxième lecture, nous voulons que tous les membres
de cette Assemblée connaissent très bien la position du Parti
libéral dans ce dossier. Nous avons demandé que ce projet de loi
soit scindé en deux projets de loi, un projet de loi qui traitera des
salaires et des pensions et un projet de loi qui traitera de la réforme
parlementaire à l'intérieur de ce Parlement. Donc, je continue et
je voudrais faire un parallèle avec ce que l'ex-ministre de
l'Éducation et maintenant ministre des Affaires intergouvernementales,
disait en 1974 - ceci a rapport évidemment à l'indexation qu'on
veut apporter aux salaires des députés à la fin de
l'année 1983 - et je cite donc le député de Sauvé
et ministre des Affaires intergouvernementales: "Si nous consentons à
nous indexer nous-mêmes, nous devons faire la même démarche
à tout le moins pour l'ensemble des citoyens québécois".
Ce que je veux vous dire, c'est que, avec mon collègue qui est ici, le
député de D'Arcy McGee, que je salue de façon
spéciale, qui est un grand juriste au Québec, nous avons fait le
débat sur le projet de loi concernant l'aide juridique. Nous avons
exposé, lui et moi, notre position parce que, à
l'intérieur de ce projet de loi, le gouvernement a décidé
de freiner l'indexation à l'aide juridique. Ce qui veut dire que, pour
nos citoyens les plus démunis, ceux qui sont célibataires et qui
reçoivent 170 $ par semaine et ceux qui sont mariés, qui retirent
185 $ par semaine et ceux qui ont un enfant, qui ont 210 $ par semaine, le
gouvernement du Parti québécois, dans ce projet de loi, n'a pas
permis qu'une indexation sur les salaires des plus défavorisés
soit ajustée pour leur permettre d'être admissibles à
l'aide juridique.
Aujourd'hui, M. le Président, on nous
présente un projet de loi à sens inverse où,
à l'intérieur d'un projet de loi, on parle d'une augmentation des
salaires, par l'indexation au niveau du coût de la vie. Donc, dans ce
dossier, le Parti libéral veut que cette réévalution des
salaires se fasse à l'automne 1983 parce que, pour nous, pour que ce
gouvernement du Parti québécois puisse augmenter les salaires, il
faut une crédibilité. Cette crédibilité s'atteint
par la performance que vous allez réaliser à l'intérieur
de la prochaine administration, car vos performances depuis six ans ne sont pas
favorables à une augmentation de vos salaires. (1 heure)
Je n'ai qu'à citer des municipalités du Québec,
lorsqu'on parle d'augmentation de salaire. Dans toutes les villes, il y a plus
d'un an, pour que les conseillers et les maires de chaque ville puissent
augmenter leur salaire, il fallait qu'ils votent un règlement et ce
règlement, les citoyens pouvaient s'y opposer. Le gouvernement, compte
tenu des difficultés, dans certaines municipalités, d'augmenter
les salaires par l'adoption d'un règlement soumis à
l'assemblée des électeurs, a changé sa procédure
pour permettre au conseil de ville d'adopter des règlements qui ne sont
pas soumis à l'approbation des électeurs en ce qui a trait aux
augmentations de salaire. Il y a eu deux expériences que je vais vous
citer, membres élus du Parti québécois. Nous allons parler
de la municipalité de Sherbrooke où, dans un premier pas, les
électeurs de la municipalité de Sherbrooke ont demandé,
à la suite de l'augmentation du salaire du maire et des conseillers, un
référendum.
À l'époque, le règlement devait être
approuvé par les électeurs. En fait, 500 électeurs
pouvaient s'opposer à l'adoption de ce règlement, ce qui a
été fait dans la municipalité de Sherbrooke. Après
les changements aux règlements, la municipalité de Sherbrooke a
présenté un règlement qui n'était pas soumis
à l'adoption des électeurs pour demander un
référendum et nous avons évidemment constaté que,
à la suite des élections municipales dans la municipalité
de Sherbrooke, le maire qui avait parrainé ce projet de règlement
avait été défait.
Dans le municipalité de Lachine, le maire Descary, à la
suite de l'adoption de cette nouvelle loi a présenté un projet de
règlement pour augmenter le salaire du maire et des conseillers. Ce
projet de règlement n'était pas soumis aux électeurs de la
municipalité de Lachine mais, à l'assemblée
subséquente, au moins 300 à 400 personnes se sont
présentées pour manifester leur objection à l'adoption
dudit règlement qui avait été adopté par le conseil
de la ville. La municipalité a jugé opportun de retirer le projet
de règlement.
Donc, en terminant, nous avons un projet de loi qui fait mal aux
employés des services public et parapublic et, d'autre part, nous avons
un projet de loi no 90, dans une situation économique difficile. Je me
permets de rappeler les paroles du député de Sauvé qui
disait effectivement: "Ce qui est bon pour les députés est
certainement bon pour l'ensemble de la population". Nous avons connu un projet
de loi matraque qui diminuait les salaires de nos employés. Lorsqu'on
fait partie d'un conseil d'administration et que nous n'atteignons pas les
performances que nous souhaitons, je pense qu'on ne doit pas pénaliser
nos employés. Si on pénalise nos employés, on n'a pas le
droit à une récompense. J'espère que ce gouvernement
scindera ce projet de loi pour pouvoir l'étudier au niveau du salaire et
des pensions et au niveau également de la réforme parlementaire
parce que nous avons besoin dans ce gouvernement d'une réforme
parlementaire. Nous avons trop de lois, trop de règlements. Comme nul
n'est censé ignorer la loi, je pense que nous sommes bien au-delà
de constater que tous les citoyens ne peuvent actuellement connaître
toutes les lois que nous avons au Québec. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader du
gouvernement, dans votre droit de réplique.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais demander
l'ajournement du débat.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée? Adopté.
M. Bertrand: Sur ce, je voudrais faire motion pour que nous
ajournions nos travaux; "ajournions" est un mot, à mon avis,
probablement inexact dans les circonstances mais que nous reprenions nos
travaux aujourd'hui, ce matin à 10 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Adopté. Donc, ajournement de nos travaux jusqu'à ce matin
10 heures.
(Fin de la séance à 01 h 05)