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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 8 juin 1983 - Vol. 27 N° 33

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures dix-neuf minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez prendre vos places.

Question de privilège au nom de l'Assemblée

Éditorial du quotidien The Gazette déformant la vérité

J'ai l'intention, dès ce moment-ci et avant les affaires courantes, de soulever, comme le président peut le faire, une question de privilège au nom de l'Assemblée et en mon nom. La décision que j'ai dû rendre hier quant à la recevabilité de l'avis de question de privilège que m'ont fait parvenir sept députés a suscité des réactions et des commentaires dont certains peuvent constituer un bris de privilège de l'Assemblée et de son président. Plus précisément, l'éditorial du quotidien The Gazette de ce matin, le 8 juin, est une déformation grossière de la vérité et une accusation à peine voilée de partialité. Je lis les deux premiers paragraphes de l'éditorial en question. "Richard Guay, speaker of the National Assembly has ruled that Premier Lévesque does not infringe the privileges of his fellow legislators when he answers their questions "in an incomplete and inexact manner" and therefore has rejected a motion accusing the premier of misleading the National Assembly. "Not telling the whole truth is common practice among ministers everywhere. But to withhold the whole truth in order to mislead the legislators is a parliamentary crime. Eight Liberals in the Assembly accused Premier Lévesque of this crime. They felt so strongly that they were willing to put their seats on the line. The Parti québécois is elated that Mr. Guay won't give the accusation a hearing."

Je m'en réfère au traité, Parliamentary Practice, de Erskine May qui dit - je le cite très sommairement - au sujet du président, du speaker: "The chief characteristics attaching to the Office of the Speaker of the House of Commons are authority and impartiality."

J'ajoute, à la page 152 du même traité, où on dit: "As examples of speeches and writings which have been held to constitute breaches of privilege or contempts may be mentioned: Reflections on the character of the Speaker and accusations of partiality in the discharge of his duty."

Je précise ceci. Je n'avais pas et je n'ai pas à porter de jugement sur des déclarations du premier ministre ou de quelque autre membre de l'Assemblée, contrairement à l'affirmation du premier paragraphe de l'éditorial de The Gazette. J'avais à décider si le fait qu'une réponse soit perçue comme étant incomplète ou inexacte constituait un bris de privilège. Après avoir scrupuleusement fouillé la question, j'en suis arrivé à la constatation qu'il n'existe pas de tel privilège parmi la liste de ces droits et immunités dont jouissent le Parlement et ses membres afin de leur permettre de s'acquitter de leurs fonctions, et je ne puis en créer.

En treize pages, j'ai expliqué les tenants et les aboutissants de cette décision. J'ai précisé que, loin de permettre à un député, quel qu'il soit, ou un ministre de mentir, la loi et le règlement accordaient une présomption à savoir que les parlementaires sont des personnes d'honneur et qu'en conséquence on doit prendre leur parole. En outre, le président ne rend pas ses décisions pour qu'un groupe de députés se réjouisse. Il les rend en fonction du règlement, de la loi, de l'usage, de la jurisprudence et de la doctrine.

C'est ce que j'ai fait hier. C'est ce que je continuerai à faire encore. Les insinuations de The Gazette ne changeront rien aux critères très élevés de neutralité que je me suis fixés et que j'ai fixés à mes collaborateurs depuis mon élection à la présidence.

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Rapport annuel du Protecteur du citoyen

Au dépôt de documents, j'ai à déposer le rapport du Protecteur du citoyen pour l'année 1981.

Résolutions du Comité mixte

de coopération interparlementaire

entre le Québec et la Belgique

J'ai également à déposer les résolutions et communiqués de presse de la cinquième session du Comité mixte de coopération interparlementaire entre l'Assemblée nationale du Québec et le Conseil de la Communauté française de Belgique.

Le leader du gouvernement, pour le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Rapport annuel de l'Office de la sécurité du revenu

des chasseurs et piégeurs cris

M. Bertrand: Oui, je voudrais déposer le rapport annuel 1981-1982 de l'Office de la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris.

Le Président: Rapport déposé. Au dépôt de rapports de commissions élues. M. le député de Châteauguay.

Étude du projet de loi no 29

M. Dussault: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme qui a siégé le 6 juin 1983 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 29, Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec et d'autres dispositions législatives. Le projet de loi a été adopté sans amendement.

Le Président: Rapport déposé. M. le député de Roberval, par M. le député de Deux-Montagnes.

Étude du projet de loi no 11

M. de Bellefeuille: Au nom de mon collègue de Roberval, en sa qualité de rapporteur de la commission permanente des finances et des comptes publics, je dépose le rapport de la commission élue permanente des finances et des comptes publics qui s'est réunie le 6 juin 1983 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 11, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-dépôts. Le projet de loi a été adopté avec amendement.

Le Président: Rapport déposé.

Il n'y a pas de dépôt de rapports du greffier en loi sur les projets de loi privés. Il n'y a pas de présentation de projets de loi au nom du gouvernement, ni au nom des députés. Ce qui nous amène à la période des questions. M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, avant de poser ma question au premier ministre, me permettez-vous, comme leader parlementaire de l'Opposition - peut-être dans la foulée de la question de privilège que vous avez soulevée - de réitérer que de notre côté, nous n'avons pas mis et nous n'avons jamais eu l'intention de mettre en doute votre impartialité dans la décision que vous avez rendue hier, et que votre décision n'a aucunement changé la confiance que nous nourrissons à l'égard de la présidence et du président.

M. Bertrand: Question de règlement, M. le Président. Puisque le leader de l'Opposition vient de faire état de sa réaction ici même ce matin à l'Assemblée nationale relativement à la décision que vous avez rendue hier, puis-je, M. le Président, vous demander à ce moment-ci, à partir même de la déclaration que vous venez de faire relativement à un article paru dans The Gazette, à la page éditoriale, je crois, en regard des paroles que vous avez prononcées quant au sens qu'on devait donner à la décision que vous avez rendue hier et à l'interprétation qu'on devait lui donner, vous demander peut-être d'inviter le leader de l'Opposition à poursuivre dans sa question pour avoir l'interprétation exacte des paroles qu'il a prononcées hier au réseau TVA? Je l'ai entendu au réseau TVA en conférence de presse. Cela se lisait de la façon suivante, c'est M. Lalonde qui parle: "Maintenant que je sais qu'un ministre ou un député - mais ce sont surtout des ministres qui répondent à des questions - peut mentir impunément et conformément au règlement, il y a là un déséquilibre qui n'est pas, ne va pas dans le sens de la crédibilité de l'institution." Dois-je comprendre que le député de Marguerite-Bourgeoys a rehaussé la crédibilité de l'institution en interprétant de cette façon votre décision hier?

Le Président: Je n'ai pas à porter de... À l'ordre! J'ai précisé tantôt, dans la question de privilège que j'ai soulevée, que je n'avais pas à porter de jugement et que je n'avais pas porté de jugement, contrairement à ce que disait le journal, sur des déclarations faites en Chambre. Je n'ai pas à en porter non plus sur des déclarations faites par d'autres membres de l'Assemblée nationale à l'extérieur de la Chambre. La décision que j'ai rendue hier était très claire, il me semble. J'en ai réitéré l'essentiel ce matin. Je pense, et j'espère, en autant que je suis concerné, qu'on peut en rester là. M. le leader parlementaire de l'Opposition.

QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS

Le règlement hors cour du saccage de LG 2

M. Lalonde: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre. C'est la première question que je pose au premier ministre sur ce problème, à l'Assemblée nationale, depuis le 20 février 1979. Il s'agit de la poursuite de 32 000 000 $ de la SEBJ, la Société d'énergie de la Baie James, à la suite du saccage de LG 2, pour un règlement de 200 000 $. Est-il exact qu'avant Noël 1978 le premier ministre a demandé à son chef de cabinet, M. Jean-Roch Boivin, de transmettre à M. Claude Laliberté, président-directeur général de la Société d'énergie de la Baie James, le désir du premier ministre

que la cause soit abandonnée et qu'un règlement intervienne?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Comme il a été établi très clairement pendant les neuf semaines que ces messieurs d'en face ont fait durer ce qui est devenu pour eux un plaisir un peu morbide, la réponse, c'est oui.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Lalonde: Est-il exact qu'effectivement, le 3 janvier 1979, M. Jean-Roch Boivin a convoqué M. Laliberté à une rencontre et lui a dit que le premier ministre souhaitait que la cause soit abandonnée par la Société d'énergie de la Baie James et qu'un règlement intervienne?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président.

M. Lalonde: Encore au premier ministre, est-il exact que, dans sa réponse à une question que j'ai posée le 20 février 1979, le premier ministre a complètement escamoté ce qu'il appelle l'histoire du 3 janvier? (10 h 30)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: ...l'objectif en me levant n'est certainement pas d'empêcher le député de Marguerite-Bourgeoys de poser des questions, ni, évidemment, d'empêcher le premier ministre de donner les réponses à ces questions. Mais je voudrais que nous puissions savoir - je crois que c'est le rôle de la présidence de nous l'indiquer - à partir du moment où une commission parlementaire a siégé pendant neuf semaines, que ces questions y ont été posées, à partir du moment où le premier ministre lui-même a répondu, aux questions formulées non seulement par le député de Marguerite-Bourgeoys, mais par tous les autres, si on peut reprendre ici des affaires qui y ont été discutées, reprendre l'ensemble de ce débat, alors que toutes les réponses ont été données à toutes les questions que les députés de l'Opposition avaient le loisir de poser. Je vous demande de statuer là-dessus avant que nous poursuivions.

M. Gratton: Question de règlement.

Le Président: Oui, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, ce matin, ce n'est pas la première fois qu'un député à l'Assemblée pose des questions sur le sujet qui était débattu. Même au cours de la commission parlementaire, à plusieurs reprises, nous avons posé des questions tant au premier ministre qu'au ministre responsable de la commission sur le déroulement des travaux de la commission parlementaire. Ce que le leader du gouvernement est en train de nous dire, c'est que nous n'aurions pas le loisir de poser des questions ici parce que les mêmes questions ont été posées à la commission parlementaire.

Justement, le rapport de la commission parlementaire n'est pas encore déposé ici à l'Assemblée nationale. J'en profite pour demander au leader parlementaire du gouvernement à quel moment il le déposera puisqu'il l'a déjà sur son bureau depuis hier matin, me dit-on.

Des voix: Ah?

Le Président: Votre intervention sur la de règlement était peut-être pertinente au début, mais, à la fin, elle a débouché sur une tout autre question à laquelle le leader parlementaire du gouvernement pourra répondre à loisir maintenant, ou en vertu de l'article 34 ultérieurement. Quant à savoir si oui ou non on peut revenir en Chambre sur une même question, je ne connais pas de règlement particulier qui l'interdise. Il faut faire attention aux questions de règlement où on dit au président: Est-ce qu'on peut faire telle chose? C'est un peu vaste, et je veux bien avoir autant ou aussi peu de sagesse que la nature m'en a donné, mais, en même temps, je ne peux pas...

Pour répondre plus précisément, la semaine dernière je rencontrais mon homologue de la Chambre des communes à Ottawa qui, à des questions comme celle-là, en Chambre, répond tout simplement qu'elle n'est pas une école de procédure. Aux gens qui me demandent comment procéder dans telle circonstance ou est-ce que cela constitue une question, je suis forcé de leur dire: Du côté du règlement, si vous avez des objections à soulever, si vous voulez faire un appel au règlement, faites-le en me signalant en quoi le règlement est violé, non pas en me demandant s'il y a viol du règlement de manière générale.

M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, on ne peut pas répondre en capsule - je demanderais à vous d'abord et ensuite à la Chambre une certaine latitude - à ce genre de questions qui sont faites uniquement pour

faire peut-être, en 1983, ce qu'au dernier jour de la session en 1979, arrivant avec deux questions, posant deux questions exclusivement et demandant un mini-débat à la fin de cette dernière journée de la session pour aller un peu plus loin dans le contenu de l'éventuel règlement... autrement dit, des questions telles que posées auxquelles j'ai répondu. Une chose certaine, c'est que si on veut les reposer maintenant, quatre ans plus tard en 1983, c'est-à-dire neuf ans après le saccage que les bandits à la solde en grande partie de ces messieurs...

Des voix: Oh! Oh! Oh!

M. Lévesque (Taillon): ...ceux qui siègent encore en cette Chambre et il y a des survivants de ces débris du gouvernement libéral de 1970 à 1976. Je vais situer l'affaire dans son décor et on me le permettra, M. le Président.

J'ai pris comme habitude, en vie politique...

M. Doyon: De mentir.

M. Bertrand: M. le Président...

Le Président: M. le député de Louis-Hébert, je vous ai clairement entendu dire au premier ministre "de mentir". Je vous prie de bien vouloir retirer vos paroles sans autres commentaires.

M. Doyon: M. le Président... Le Président: À l'ordre!

M. Doyon: ...les paroles que j'ai prononcées ont été une réaction spontanée. Je retire mes paroles.

Le Président: M. le député de Louis-Hébert, je vous ai demandé de retirer vos paroles sans commentaires.

M. Doyon: Je viens de retirer mes paroles.

Le Président: Très bien. M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, cela explique peut-être et cela explique aussi ce que je veux dire, ce que vient de dire le député de Louis-Hébert. En politique ou dans l'action politique, avec toute la complexité que cela comporte, avec les affaires qui sont d'intérêt public mais qui sont en marche, il est évident, n'importe quel imbécile devrait savoir cela, que jamais on ne peut dire tout ce qu'on pense et on ne peut même pas dire tout ce qu'on sait. J'ai eu une règle, et je l'ai toujours suivie, et je suis convaincu, encore aujourd'hui, de l'avoir suivie en répondant aux deux questions du député de Marguerite-Bourgeoys, le dernier jour de la session en 1979, c'est de ne jamais dire le contraire de ce que je pense, ni le contraire de ce que je sais.

Il arrive, par exemple, qu'en disant ce qu'on pense, on finit par ressentir quelque chose et l'individu qui vient de parler l'illustre admirablement de la même façon que les paroles que s'est permises hier le député de Marguerite-Bourgeoys à l'extérieur de la Chambre ne resteront pas sans lendemain, parce que cela c'était à l'extérieur de la Chambre. On se reverra.

Des voix: Bravo!

M. Lévesque (Taillon): Cela étant dit, en 1974, si j'ai bonne mémoire au mois de mars, il y a un peu plus de neuf ans, des bandits, c'est le seul mot qui convienne et cela a été clairement établi par la commission Cliche qu'un de ces messieurs d'en face a eu le culot d'appeler - il a fallu faire des pressions auprès de ce gouvernement pour qu'il applique le rapport de la commission Cliche - dont un de ces messieurs s'est permis, dis-je, à la fin de cette espèce de plaisir morbide de leur commission parlementaire, de dire: "les sornettes de la commission Cliche." Ce n'étaient pas des sornettes. C'est la seule enquête qui ait clairement établi les responsabilités. Je ne crois pas que ce doive être oublié. Si on a été obligé de démêler le caca assez infect que ces messieurs nous avaient laissé, ce n'est quand même pas nous qui l'avions fabriqué.

Des voix: Oh!

Une voix: Est-ce parlementaire?

M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas nous qui nous étions servis... Ce n'est pas nous... M. le Président, je suis prêt à les attendre.

Le Président: Oui, mais M. le premier ministre, en concluant, quand même.

M. Lévesque (Taillon): Non, M. le Président, je vous demande de me laisser enchaîner jusqu'au 20 février 1979. Je vous le demande.

M. Gratton: Tirez-la! Tirez la chaîne! M. Rivest: Tirez sur la chaîne!

Le Président: M. le premier ministre, je veux simplement signaler ceci.

Effectivement, les ministres, le règlement le dit, ont droit à une certaine latitude. L'usage veut que le premier ministre et le chef de l'Opposition en aient un peu plus.

Sur une question d'honneur et d'intégrité, je suis prêt à en accorder encore davantage, mais nous sommes quand même à la période des questions et je vous prierais de le faire le plus rapidement possible.

M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas nous, forcément, qui avions, comme travailleurs d'élection, les gens que nous savons. Ce n'est pas nous qui avions négocié avec ces bandits un monopole syndical à la Baie-James qui, finalement, a mené à ce saccage. Ce sont les survivants du gouvernement dont ils faisaient partie, ce gouvernement et les survivants de ce gouvernement. Quelque quatre ans plus tard, on nous avertit, parce que des procédures avaient fini par être prises, à la fin de novembre ou au début de décembre 1978, que le procès arrivait. On avait d'autres problèmes. Comme aujourd'hui, d'ailleurs, on a bien d'autres problèmes à affronter et à essayer de régler le mieux possible. À ce moment-là, on s'est fait une opinion et je crois encore qu'il était de mon devoir de me faire une opinion.

J'ai demandé à mon chef de cabinet, après avoir été averti par la partie syndicale - c'est normal - de l'imminence du procès, qu'on s'aide mutuellement à se faire une opinion. Avec sa formation juridique, il a vu les procureurs qui ont offert de le rencontrer et il les a écoutés. Moi, j'ai relu, entre autres - je vous jure que ce n'était pas nécessairement une volupté - le rapport de la commission Cliche qui établissait les faits. À partir de là, on a tiré une conclusion, une opinion. Il n'y avait pas eu - j'espère qu'on s'en rend compte - le moindre soupçon de l'ombre du commencement d'une négociation. On essayait de se faire une opinion pour la transmettre à qui de droit. (10 h 40)

Le 3 janvier, comme l'a dit le député de Marguerite-Bourgeoys, Me Boivin, mon chef de cabinet, a transmis cette opinion. Tout cela, jusque-là, essentiellement pour se faire une opinion et de la transmettre. Le mot "négociation" ne pouvait même pas venir à l'esprit.

Le 1er février, j'ai rencontré - c'était la première fois et la seule fois - face à face, ensemble, les trois principaux dirigeants d'Hydro-Québec, toujours en 1979, soit M. Saulnier, administrateur bien connu et qui était président du conseil d'administration, M. Boyd et M. Laliberté, les présidents-directeurs généraux. Cela a été la seule rencontre où j'ai fait connaître, d'homme à homme, mon opinion.

Le 20 février, en Chambre, le député de Marguerite-Bourgeoys arrive comme une fleur à la dernière journée de la session, alors que, depuis douze jours, il aurait pu poser ses questions en long et en large. Il les avait déjà posées à quelqu'un d'autre et il n'avait pas eu de réponse. Il arrive avec, très précisément, deux questions: La première: Est-il vrai qu'il est question d'un règlement - enfin, je le cite de mémoire, M. le Président, nous nous reporterons au dossier encore une fois, s'il le faut - hors cour dans le cas du procès sur le saccage de la Baie-James? J'ai répondu: Oui, il en est question. Je ne pouvais pas en dire davantage parce que, le 20 février, ce n'était pas réglé. Cela s'est réglé le mois suivant.

Deuxièmement - là, j'essaie de me souvenir des termes parce qu'ils sont importants - est-il exact que c'est dans le bureau, avec le premier ministre, ou dans le bureau du premier ministre que s'est négocié tout ou partie de ce règlement? Le député de Marguerite-Bourgeoys, s'il a oublié, pourra revérifier pour voir. C'est à peu près cela. Ah! Vous savez, vos paroles historiques, je ne les traîne pas tout le temps avec moi.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre, j'ai beau faire preuve d'un très grand laxisme - trop, probablement - mais on est presque rendu à la moitié de la période des questions. Je veux bien donner une latitude au premier ministre et sur une question d'intégrité en particulier, d'une part, mais là, vraiment, je pense qu'on abuse quelque peu du temps de la Chambre. M. le leader parlementaire de l'Opposition, vous voulez soulever...

M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais simplement vous rappeler, ainsi qu'au premier ministre, que ma question était très courte. Je vais la répéter: Est-il exact que, dans sa réponse à une question, le 20 février, le premier ministre a complètement escamoté l'histoire du 3 janvier? Je ne veux pas qu'il répète le témoignage qu'il a rendu en commission parlementaire.

M. Pagé: L'avez-vous escamotée? Vous l'avez dit...

Le Président: M. le premier ministre, s'il vous plaît, sur la question.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je termine parce que, justement, c'est là où se trouve le hic. J'ai évoqué, pendant quelques minutes, très précisément, l'arrière-plan. Neuf ans après, quatre ans, sauf erreur, après cette journée du 20 février 1979, est-ce que ce règlement avait été négocié, de près ou de loin, par le premier ministre ou dans le bureau du premier ministre? Premièrement, il n'existait pas encore. C'est un mois plus tard qu'il a fini par arriver.

Deuxièmement, ce que je viens d'évoquer, il me semble, dans une période des questions, appelait la réponse que j'ai donnée. L'essentiel, c'était: Non, il n'y a pas eu de négociations, d'aucune sorte. Si on m'avait demandé: Comment vous êtes-vous formé une opinion? je l'aurais dit. Mais on m'a demandé: Est-ce que cela a été négocié dans votre bureau ou par vous? D'aucune façon. Est-ce qu'on avait une opinion? Oui, et personnellement - c'est cela qui m'intéresse - je l'avais. Il y a des gens qui en ont profité pour dire que c'était une ingérence; on pourrait y revenir...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): ...je l'avais transmise...

Le Président: Je m'excuse, M. le premier ministre. J'espère qu'on ne se retrouvera pas, lors de la période des questions, devant d'autres réponses aussi longues, malgré la complexité du sujet. Je comprends qu'ici, il s'agit de l'honneur et de l'intégrité d'une personne. Mais quand même, c'est la période des questions. C'est, hélas, beaucoup trop long.

M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, en espérant ne pas avoir la même réponse. Est-ce que je peux répéter ma question? Est-il exact que, dans sa réponse à une question le 20 février 1979, le premier ministre a complètement escamoté l'histoire du 3 janvier?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je reprends l'essentiel de la fin de ma réponse. Jusqu'au 3 janvier, on s'était fait une opinion; on l'avait transmise. Je l'avais fait transmettre. Le député de Marguerite-Bourgeoys demande, en Chambre - c'est la seule question qu'il a trouvé à poser: Est-il exact que cela a été négocié, ce règlement qui n'existait pas encore, par le premier ministre ou par le bureau du premier ministre? La réponse a été: Non. Cela n'a pas été négocié, ni directement ni indirectement, par le premier ministre ou par son bureau. C'était la vérité. Cela demeure la vérité. On pourra essayer d'asperger de toutes les calomnies possibles - mais il y en a une sur laquelle on va se retrouver - celui qui vous parle, M. le Président, cela demeure la vérité. C'est tout.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition, question complémentaire.

M. Lalonde: M. le Président, sans faire de préambule, je veux simplement vous informer que les menaces du premier ministre me font trembler.

J'aimerais répéter la question: Est-il exact que, dans sa réponse à une question le 20 février...

Une voix: Pauvre Fernandl

M. Lalonde: ...1979, le premier ministre a complètement escamoté l'histoire du 3 janvier?

Le Président: Je veux bien permettre une dernière fois... c'est la troisième fois, je pense, que la question revient. Mais la personne à qui la question est posée - c'est un usage bien connu en cette Chambre -peut répondre selon ses propres termes. Normalement, lorsqu'une question a été posée, on n'est pas censé y revenir. Je veux bien la permettre pour la troisième fois, mais ce sera la dernière. Si on n'est pas satisfait des réponses du premier ministre, je n'y peux rien. C'est le privilège du premier ministre, comme d'un ministre, de répondre selon ses propres termes, selon ses propres paroles, à une question. C'est l'usage.

M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le truc est tellement cousu de fil blanc, il a servi pendant neuf semaines, vous y avez échappé, vous êtes très chanceux. J'ai dû en endurer une partie parce que cela me concernait quelque peu. C'est le truc cousu de fil blanc, la vieille manoeuvre éculée du pseudo-procureur qui se dit trois fois, quatre fois...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): C'est ainsi qu'on s'est rendu odieux vis-à-vis de gens honorables pendant des semaines et des semaines. Moi cela me rend franchement mon calme. Pour la troisième fois, mais sans le répéter parce qu'un gars se tanne, je vous dirai: Lisez donc ma dernière réponse, d'accord?

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: Puisque le premier ministre ne veut pas répondre précisément à ma question, je vais m'en reporter au ruban 1720 du 2 juin de la commission parlementaire où le premier ministre disait: C'est vrai que le 20 février j'avais complètement escamoté cette histoire du 3 janvier.

N'est-il pas vrai qu'en cachant son rôle moteur, son initiative du 3 janvier 1979, le

premier ministre a trompé l'Assemblée nationale, l'empêchant ainsi de faire un débat public sur l'interférence du premier ministre dans cette histoire au moment où la décision n'était pas encore prise par le conseil d'administration de la SEBJ? (10 h 50)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Par rapport à la responsabilité politique qu'on a, cela aurait été très intelligent d'intervenir après que la décision eut été prise, on l'admettra. Franchement, il y a déjà eu une bande des quatre. Je voyais cette bande des huit fonctionner pendant neuf semaines. La bande des quatre était très dangereuse. La bande des huit, elle, donnait plutôt l'impression d'entendre tout un groupe de sépulcres blanchis, c'est-à-dire la bonne vieille image classique de la Bible qui est le symbole classique de l'hypocrisie professionnelle. C'est à cela qu'on a été exposé pendant des semaines et des semaines. C'est cela qu'on veut continuer.

Je répète, M. le Président, que je n'ai eu aucun rôle moteur. J'ai fait connaître une opinion qui était aussi une recommandation. Cela a été la cause d'une rencontre où on m'a demandé, avec la courtoisie normale, parce qu'il y a une interaction entre la responsabilité politique et la responsabilité administrative... Ce n'est pas pour rien qu'il y a des ministres de tutelle. Ce n'est pas pour rien qu'il y a des commissions parlementaires là-dessus. Donc, il y a un rôle à jouer. Je l'ai joué. C'était un rôle de recommandation, un point, c'est tout. Mais la question qui demandait si on avait négocié un règlement, que moi ou mon bureau avaient négocié un règlement, j'ai répondu en Chambre, j'ai donné tout l'essentiel et la réponse demeure la même: Non, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

Sondage de SORECOM sur la

situation économique au Québec

et l'idée d'une élection

sur l'indépendance

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre et j'espère que nous aurons droit à un vocabulaire parlementaire et plus approprié de la bouche d'un premier ministre. Dans un sondage publié aujourd'hui, sondage effectué par SORECOM Inc., entre les 13 et 19 mai dernier et commandité par la Chambre de commerce du district de Montréal, nous apprenons, dans les résultats de ce sondage, que 83% des répondants trouvent que cela ne va pas tellement bien ou pas bien du tout quant à la situation économique au Québec. Et je note, M. le Président, que ce sondage s'adressait exclusivement à des Québécois francophones, si une telle précision peut être de nature à éviter encore une fois au premier ministre d'utiliser un langage excessif. Dans les résultats de ce sondage, on voit également -et c'est là le but de ma question - que 77% des répondants indiquent que l'idée d'avoir une élection sur l'indépendance... Si je traduis bien les résultats du sondage, 77% des répondants et 79% à Montréal disent que ce nouvel exercice de la part du gouvernement nuirait à la reprise économique. Le premier ministre a-t-il pris connaissance de ce sondage et en reconnaît-il la valeur?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je reconnais la valeur des inquiétudes que cela peut refléter. C'est évident, pour ce qui est de dire que cela ne va pas tellement bien ou pas bien du tout dans le domaine économique, qu'on est encore sous le coup d'une crise. On espère que la reprise qui est commencée, en Amérique du Nord, en particulier, va s'accentuer. Une chose certaine, c'est que non seulement pendant ces neuf semaines, deux mois et plus, où ces messieurs cherchaient s'il n'y avait pas moyen de fabriquer un scandale - cette année, on n'a pas de films pornos, alors, il faut trouver autre chose - pendant ces neuf semaines où ces messieurs n'avaient rien, strictement rien, et Dieu sait que cela fait des mois et des mois qu'ils n'ont rien - c'est peut-être à cause de ce vide, justement, qu'il faut qu'ils le remplissent avec quelque chose - pendant ces semaines et ces mois où ils n'ont rien eu à proposer - finalement, deux ou trois d'entre eux ont même découvert, cela a paru dans les journaux, que c'était un désert complet d'idées et, je vous le jure, un maigre petit filet de mots qui se répètent sans arrêt comme ceux du député de Marguerite-Bourgeoys - pendant ce temps, dis-je, nous, on travaillait sur la situation économique. On a trouvé le temps d'accélérer les investissements. On a...

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: Une question de règlement, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, selon votre décision d'hier, on doit accepter la réponse que nous donne un ministre, quelle qu'elle soit, mais doit-on accepter qu'un premier ministre ne réponde jamais aux questions posées?

Le Président: Non pas selon ma

décision d'hier, mais selon un article du règlement qui date de bien avant ma décision d'hier, on doit... Ce n'est pas moi qui ai inventé cet article. D'autre part, quant à la nature de la réponse, je réitère ce que je disais, ce que j'ai dit à d'autres périodes de questions et ce que mes prédécesseurs ont dit aussi: La façon dont des ministres choisissent de répondre aux questions relève d'eux et non pas de moi. M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, pendant que ces gens se répétaient sans cesse dans leurs calomnies ou essayaient de les étayer, pendant deux mois et pendant les mois qui ont précédé, on a accéléré...

M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement, M. le Président.

M. Bertrand: Voyons donc! Franchement!

Le Président: M. le chef de l'Opposition, sur une question de règlement.

M. Lévesque (Bonaventure): M. le Président, je ne sais pas si le premier ministre est complètement obsédé, mais je pense qu'on doit se référer à notre règlement et à l'article 170: "La réponse à une question doit se limiter au point qu'elle touche..."

M. Lalonde: Oui.

M. Levesque (Bonaventure): Or, j'ai posé une question précise au premier ministre, et s'il veut revenir à la question no 1 posée par le député de Marguerite-Bourgeoys, ayons un débat là-dessus, qu'il permette que l'on puisse vider la question ou qu'il accepte de dire qu'il a trompé la Chambre, mais qu'on vide donc cette question pour qu'on puisse poser d'autres questions qui pourront avoir des réponses directes et dignes d'un premier ministre et non pas dans le langage que nous avons connu.

Le Président: Si nous lisons l'article 170, effectivement, tout le monde ferait bien de s'en inspirer et d'y réfléchir peut-être avant chaque période de questions. "La réponse à une question doit se limiter au point qu'elle touche - je relis ce que disait M. le chef de l'Opposition - être brève - il me semble que ce n'est pas ambigu - et claire et ne contenir ni argument ni expression d'opinion. Toutefois - M. le chef de l'Opposition me rappelait l'autre jour que c'est lui qui l'avait fait ajouter lorsqu'il était leader du gouvernement - une certaine latitude est accordée aux ministres." On ajoute: "Une réponse est tenue pour finale." La latitude qu'on accorde aux ministres ne doit pas donner lieu à ce qui pourrait devenir de l'abus. M. le premier ministre, en conclusion, s'il vous plaît!

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je rappellerais - je suis sûr que vous l'avez noté - que puisqu'on permet des préambules et qu'ils sont nécessairement remplis d'intentions, ce préambule du député de Bonaventure qui arrive tout à coup à la rescousse de ses troupes évoquait un certain sondage tout récent qui parlait de l'inquiétude que peut susciter la situation économique. Il me semble que c'est l'arrière-plan de sa question et que c'est aussi l'arrière-plan que doit adopter ma réponse. Or, pendant que dure encore - et c'est vrai - la morosité qui a été créée par la crise sur laquelle, sans arrêt, en dépit des distractions qu'essayaient de nous imposer ces gens, on a travaillé comme des chiens, les résultats sont ceux-ci; peut-être que cela pourrait rassurer les gens qui évoquent le sondage: sur 101 000 emplois créés depuis quatre mois pendant que ces messieurs s'amusaient à ce qu'on sait; créer...

Le Président: Je m'excuse, mais il y a un abus. La réponse doit se limiter au point qu'elle touche, être brève et claire, et ne contenir ni argument ni expression d'opinion. La question, me semble-t-il, bien qu'il y avait effectivement un préambule, qu'il y avait une toile de fond; mais la toile de fond qui était évoquée ne permet pas... À partir de là, on pourrait formuler une réponse d'une heure évoquant tous les sujets, passant par tous les ministères, et finalement ne jamais toucher ce qui était la question même. Il faut répondre à la question et non pas au préambule, bien qu'on puisse y faire référence. M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, vous admettrez tout de même que je n'ai pas touché à tous les ministères, je n'en avais pas touché un seul encore et je n'en toucherai pas.

Le Président: Oui, mais avant d'y arriver.

M. Lévesque (Taillon): J'avais juste une réponse à faire. Je vais reprendre la question parce que je sais bien - enfin le truc parlementaire c'est cela - qu'il y a 77% de ces gens qui diraient, qui sentiraient - c'est cela la question, on demandait si j'étais d'accord - que l'idée d'évoquer de nouveau, avec insistance, la souveraineté politique, l'émancipation politique du Québec, cela nuirait à la reprise économique. Or, pendant que ces messieurs ne foutaient rien, sauf essayer de chercher des scandales depuis quatre mois, en janvier, février, mars, avril, au moment où on parlait de nouveau de ce

sujet, il s'est créé 101 000 emplois au Canada. Pendant ces mois, 44 000 ont été créés au Québec, selon les statistiques officielles: 44% des emplois pour 26% de la population. Si ça continue à faire du tort comme ça, c'est mieux d'en parler le plus souvent possible. (11 heures)

Des voix: Bravo! Très bien!

Le Président: M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. Je désire me lever sur une question de privilège. Tout à l'heure, pour faire suite à une demande que vous m'avez faite, j'ai retiré des paroles spontanées que j'avais prononcées et qui étaient antiparlementaires, je le reconnais. Cependant, je veux qu'il soit absolument clair que ma conviction personnelle et intime, qui est celle de la plupart des gens ici...

Le Président: Normalement, quand on retire ses paroles - d'ailleurs, je vous l'ai dit tantôt - on les retire sans commentaire, sans quoi, évidemment, on peut emberlificoter tout cela pour que ça revienne au même. Si c'est pour me dire que vous les retirez, mais que vous les conservez néanmoins dans votre esprit, il n'y a pas de question de privilège là-dessus.

M. Doyon: M. le Président, mon intention n'est pas celle-là. Je pense qu'il est essentiel de spécifier, étant donné que ma position est connue sur ce qui s'est passé et mon opinion sur ce que le premier ministre...

Des voix: Ah! Ah!

M. Doyon: M. le Président, je dois continuer. Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté...

Le Président: Vous soulevez une question de privilège. Tout en vous accordant une certaine latitude, je cherche en quoi votre privilège est violé à l'heure actuelle.

M. Doyon: M. le Président, je soulève une question de privilège pour que personne ne soit induit en erreur de ce côté-là de la Chambre sur ce que je pense de ce qui s'est produit auparavant.

Le Président: Je ne sais pas si vous voyez, M. le député de Louis-Hébert, le genre de précédent que ça créerait, alors que tout député pourrait à tout bout de champ se lever sur une question de privilège pour s'assurer qu'on a bien compris de l'autre côté. Ce n'est pas tout à fait la notion même de la question de privilège, M. le député de Louis-Hébert. Je suis convaincu que vous le savez également. M. le député de Pontiac.

La papeterie de Matane

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre. Un groupe de citoyens de la région de Matane composé des maires de la région, des membres de la Chambre de commerce, du comité d'action, du conseil économique et des syndicats de producteurs de bois, désirent connaître la réponse à leurs lettre et télégramme du 16 mai dernier concernant la papeterie de Matane. Ma question au premier ministre est la suivante: Est-ce que le premier ministre peut leur fournir cette réponse ici même à l'Assemblée nationale puisqu'ils se sont déplacés de Matane pour ce motif?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, inutile de dire que nous comprenons l'impatience du maire de Matane et de ses concitoyens. J'avais effectivement reçu une lettre au milieu du mois dernier du maire de Matane, M. Dion. Malheureusement, il y a eu certains encombrements à l'agenda, dont une grande partie causée par l'effarante perte de temps infligée à tout le monde par ces messieurs. Je dois m'excuser auprès du maire de Matane et de ses concitoyens de n'avoir par répondu avec la promptitude normale. J'ai même cherché à rejoindre le maire Dion, hier soir, mais il était absent, ce qui est normal. Si on a l'occasion de les rencontrer, on pourra expliquer ce que je vais dire très brièvement à la Chambre.

Premièrement, l'engagement qu'on a pris au moment où il était question de deux projets dans la Matapédia et les environs, c'est-à-dire la cartonnerie qui a été construite dans la vallée de la Matapédia, à Sayabec, et qui doit d'ailleurs avoir une inauguration officielle bientôt puis, en même temps, une papeterie qui devait aller et qui doit toujours aller à Matane, c'est un engagement qui demeure. Quant à nous, comme gouvernement, la prochaine usine importante dans ce secteur qui sera construite au Québec sera localisée à Matane.

La crise, l'effondrement des marchés -un effondrement plus que relatif - et certains facteurs qui sont loin d'être tous sous notre contrôle n'ont pas rendu et ne rendent pas encore facile la réalisation de ce projet. Encore une fois, c'est un engagement ferme et qui demeure mais tout ne se fait pas aussi vite qu'on le voudrait.

Là-dessus peut-être pour donner plus d'explication, mon collègue le ministre de l'Énergie et des Ressources pourrait ajouter

quelques mots, je crois bien.

Le Président: Non, non. Je m'excuse. Lorsqu'une question est adressée au premier ministre, je veux bien qu'il en réfère à un ministre pour répondre à la question mais, une fois qu'il y a lui-même répondu, ce serait encore là abuser du temps de la Chambre que de permettre ensuite à un ministre de donner une deuxième réponse.

Je voudrais qu'on ait comme règle que lorsque l'on veut céder la parole à un ministre on la lui cède immédiatement. Fort bien. Non pas répondre d'abord et avoir une deuxième réponse ensuite.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je me rends évidemment à votre remarque. C'est peut-être un excès de scrupule. On essaie de répondre le plus complètement possible. On croit que c'est une période d'information pour les citoyens.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. M. le premier ministre est-ce que je peux comprendre de votre réponse que vous êtes disposé à rencontrer le groupe de Matane pour discuter à fond et faire la lumière dans ce dossier aujourd'hui?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, on n'aura peut-être pas tout le temps qu'on voudrait. Évidemment l'impatience les poussant, et je les comprends, on n'a pas pris rendez-vous, on essaiera au moins de trouver le moyen de faire le tour rapide de la question. Oui.

Le Président: Question principale, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce et ensuite M. le député de Groulx.

M. Scowen: Ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture n'est pas en Chambre. Peut-on aller le chercher?

Une voix: Le voilà:

Une voix: Il roule. Il roule.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture nous honorant maintenant de sa présence, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci. Je dois vous prévenir M. le Président que c'est une question qui comporte un très long préambule parce que j'attends une très longue réponse du ministre.

Le Président: Essayez donc le contraire.

SOQUIA et Sodispro

M. Scowen: Cela touche la société d'État SOQUIA. La compagnie SOQUIA, qui est une compagnie d'État, a pris l'habitude d'investir dans les petites et moyennes entreprises dans le domaine agroalimentaire. Il y a une vingtaine d'investissements de ce genre. Ces petites et moyennes entreprises dans le domaine agroalimentaire, dont SOQUIA détient une partie des actions, ont pris la mauvaise habitude de faire faillite. Je pense qu'il y en a cinq ou six qui ont fait faillite.

Chaque fois, jusqu'ici, le gouvernement a dit aux fournisseurs de ces compagnies qui sont normalement les petites et moyennes entreprises québécoises ou même les cultivateurs: Arrangez-vous avec vos problèmes. Les créanciers de ces sociétés sont laissés à leurs problèmes. Cependant, il arrive très souvent que c'est le gouvernement qui a implicitement encouragé les fournisseurs à vendre à ces compagnies avec une garantie implicite du gouvernement et dans certains cas il y avait même plus que cela, un contrôle de ces compagnies par le gouvernement. Un contrôle qui donnait toutes les indications aux fournisseurs et cultivateurs qu'ils pouvaient compter sur le gouvernement afin qu'il respecte les engagements en cas de faillite.

Aujourd'hui on est devant un cas spécifique que j'ai soulevé déjà à deux reprises en Chambre, le cas de Sodispro. J'aimerais avoir des informations très spécifiques du ministre concernant cette compagnie.

On prétend, M. le ministre, que depuis l'automne 1981, ce n'étaient pas les dirigeants de la compagnie Sodispro qui étaient en charge de la construction et de l'achat des produits, mais la compagnie SOQUIA elle-même qui dirigeait l'entreprise.

Cependant, dans une lettre que vous avez adressée aux actionnaires, aux créanciers de Sodispro, vous avez dit: Il est tout à fait inexact d'affirmer que Sodispro ait été administrée depuis l'automne 1981 soit par SOQUIA soit par une compagnie nommée par SOQUIA.

Est-il vrai que SOQUIA n'était pas responsable depuis l'automne 1981 pour l'administration et la construction de Sodispro à Saint-Hyacinthe?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. (11 h 10)

M. Garon: Si le député de Notre-Dame-de-Grâce avait été ici, hier soir, il aurait

entendu que, dans mon discours en réplique sur le projet de loi no 30, j'ai parlé de ces questions d'une façon très claire. J'ai dit qu'il y a deux genres de participation de SOQUIA. Il y a des entreprises où SOQUIA est actionnaire à 100%; chacune de ces entreprises a des profits. Il y a aussi des entreprises que SOQUIA ne dirige pas parce qu'elle est actionnaire minoritaire. Elle a participé à 20% ou 30% dans le capital-actions pour des projets qui nécessitaient du capital-actions plus important et que les actionnaires ne pouvaient pas fournir. SOQUIA ne dirige pas ces entreprises. Elle est un actionnaire minoritaire et, comme tout actionnaire minoritaire, elle peut avoir une voix au conseil d'administration, mais elle n'a pas la majorité. Ce n'est pas SOQUIA qui décide.

Quand des entreprises de cette nature sont en difficulté, il ne faut pas penser que c'est une société d'État qui est en difficulté, c'est une entreprise dans laquelle SOQUIA a une participation minoritaire. C'est ce que j'ai dit, hier, c'est ce que je répète. Maintenant, si on pense qu'une entreprise dans laquelle SOQUIA a une participation minoritaire doit être considérée comme une société d'État, à ce moment-là, je dis simplement que SOQUIA ne doit pas investir dans ce genre d'entreprise. Il s'agit encore une fois d'une entreprise privée où il y a une participation minoritaire qui, au lieu de se faire sous forme de prêts, se fait sous forme de capital-actions à 20%, 25%, 30% et même jusqu'à 50%. SOQUIA ne dirige pas l'entreprise, elle est essentiellement un appui à l'entreprise.

M. Scowen: Deux courtes questions additionnelles.

Le Président: Courtes, cette fois-ci.

M. Scowen: La première concerne spécifiquement Sodispro. Si vous dites que SOQUIA n'était pas la compagnie qui contrôlait Sodispro, comment pouvez-vous expliquer le témoignage de M. Jean-Guy Judd à savoir que lui, le directeur de Sodispro, dès l'automne 1981, disait sous serment - je l'ai ici - qu'il ne travaillait pas pour Sodispro mais directement pour SOQUIA?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: S'il y a des gens qui pensent qu'ils ont des recours, la meilleure façon n'est pas de faire plaider leur cause par le député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est d'aller devant les tribunaux. Dans un cas, un créancier y a eu recours, l'avocat de Sodispro. Il est allé devant le Barreau et c'est Sodispro qui a gagné pour faire réduire son compte qui était trop élevé.

Quand des gens ont une bonne cause, s'ils pensent qu'ils ont des droits qui ne sont pas reconnus, la meilleure façon de les faire reconnaître est d'aller devant le tribunal. Le juge est là pour faire enquête, pour que les gens fassent leur preuve pour déterminer s'ils ont droit ou non à des montants. C'est à eux de le faire, ce n'est pas à moi ni au député de Notre-Dame-de-Grâce. Essayer de faire la preuve devant cette Assemblée, cela ne mènera nulle part. Quand des gens ont une bonne preuve, ils plaident devant le tribunal; quand ils ont une mauvaise preuve, ils plaident par le biais des députés de l'Opposition.

Des voix: Bravo!

Le Président: Une très courte et dernière question complémentaire, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: En ce cas, puis-je dire, au nom du ministre, aux fournisseurs des filiales de SOQUIA aujourd'hui, aux fournisseurs et aux cultivateurs, aux pêcheurs qui fournissent les crustacés de la Gaspésie, à Nutribec Ltée, Semico Inc., Snyder et Sécobec: Aujourd'hui, messieurs, si vous êtes fournisseurs de ces compagnies, faites attentio,n parce que le ministre ne prendra aucune responsabilité pour vos créances si ces compagnies font faillite comme les autres l'ont déjà fait? Il va vous conseiller simplement d'aller plaider devant les tribunaux.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Garon: Il n'y a pas là de question; c'est une constatation du député de Notre-Dame-de-Grâce. C'est évident que SOQUIA n'assumera pas - ce n'est pas son rôle - les dettes des entreprises dans lesquelles elle a une participation; autrement, la SDI devrait assumer les dettes de toutes les entreprises dans lesquelles elle participe.

M. Scowen: Voyons donc!

M. Garon: Au lieu de participer sous forme de prêts, elle participe sous forme de capital-actions en étant minoritaire, mais ne dirige pas l'entreprise. C'est facile à comprendre, pourtant. Au lieu d'avancer l'argent sous forme de prêts, elle l'avance sous forme de capital-actions, et aussi sous forme de prêts, mais sans diriger l'entreprise. Si elle dirigeait l'entreprise, vous seriez les premiers à parler d'ingérence de l'État. Parce qu'elle ne la dirige pas, maintenant, vous voudriez qu'elle assume toutes les responsabilités de l'entreprise comme si elle en avait la charge. Je ne comprends pas votre raisonnement.

Le Président: Question principale, M. le député de Groulx.

M. Gratton: M. le Président, question de règlement.

Le Président: Je m'excuse. Question de règlement, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, sauf erreur, la période des questions est terminée depuis cinq minutes. Est-ce qu'il s'agit d'un précédent que d'accorder une question après que la période des questions est écoulée?

Le Président: M. le député de Gatineau, au moment où j'ai reconnu le député de Notre-Dame-de-Grâce et que je lui ai cédé la parole, je lui ai indiqué une question principale suivi par une question du député de Groulx. D'autre part, il y a eu un très grand nombre de questions de règlement. Il y a eu des réponses anormalement longues, c'est le moins qu'on puisse dire, au cours de cette période des questions. Le président a et exerce souvent une certaine latitude quant à l'heure même où finit la période des questions. Il l'exerce très souvent d'ailleurs à la faveur des députés de l'Opposition. Dans ce cas-ci, je l'exerce à la faveur du député de Groulx qui m'indiquait, depuis fort longtemps, depuis dix minutes après le début de la période des questions, qu'il souhaitait poser une question. Donc, une question principale et on en finira là. M. le député de Groulx.

Salon de la sous-traitance Transport 1983

M. Fallu: M. le Président, en vous remerciant d'avoir protégé ce droit des parlementaires et en remerciant mes collègues, je vais tâcher de faire rapidement en raccourcissant au maximum mon préambule.

Souvent, les travailleurs de l'automobile nous ont fait valoir qu'il n'y a que 8% des voitures qui sont montées au Québec contre seulement 2% et même moins de 2%, soit 1,8% des pièces qui sont fabriquées au Québec. Avec insistance, ils ont demandé au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, d'organiser des méthodes de sous-traitance. Finalement, le ministre a accepté et il annonçait récemment qu'un salon de la sous-traitance dans le transport, pour l'année 1983, se tiendrait au Palais des congrès et, de ce fait, inaugurerait le Palais des congrès la semaine prochaine.

J'ai deux questions très précises: D'abord, quelles sont les industries de transport qui sont invitées, mais surtout d'après quels critères a-t-on invité ces compagnies? De la même façon, pour les PME, quelles sont, non pas en les nommant - loin de là - d'une façon générale, les PME qui ont été invitées et surtout quels critères le ministère a-t-il utilisés pour les inviter?

Le Président: Brève réponse, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Biron: M. le Président, il est exact que le Salon de la sous-traitance Transport 1983 dans les pièces d'automobile et les équipements de transport aura lieu la semaine prochaine au Palais des congrès, soit les 15 et 16 juin. Nous avons invité, comme donneurs de commandes, des grandes entreprises qui sont établies au Québec comme GM, Kenworth, Bombardier et Prévost Car. En plus, Renault-AMC a sollicité la permission d'y être présente aussi parce qu'elle veut donner des contrats de pièces d'automobile à des entreprises québécoises.

Quant aux PME québécoises, on en attend environ 500 qui ont été choisies d'après des critères bien particuliers: Un contrôle de qualité adéquat, on a essayé de les aider pour améliorer leur contrôle de qualité, un financement adéquat de l'entreprise, une technologie moderne et aussi une capacité à exporter.

On juge que, au cours de ces deux jours, des centaines de milliers de dollars sinon des millions de dollars de commandes pourront être prises, mais si on considère que la seule société General Motors, à 5ainte-Thérèse, donne 5 000 000 $ de commandes à chaque jour pour des pièces de sous-traitance, c'est très important pour les entreprises québécoises. Dans ce sens-là, il y va de la volonté du gouvernement du Québec d'augmenter la production de pièces d'automobile et de pièces d'équipement de transport au Québec en vue de réussir à créer le maximum d'emplois dans ce secteur des plus importants dans le développement technologique.

On espère que les PME, qui vont pouvoir y participer, vont profiter pleinement de la présence sur la terre québécoise de grandes entreprises de transport.

Le Président: La période des questions est terminée. J'aimerais simplement, en guise de souvenir de cette période des questions, qu'on puisse y réfléchir pour les prochaines. C'est, à peu près à tous égards, tout ce qu'il ne faut pas faire dans une période des questions. Des réponses beaucoup trop longues, beaucoup trop longues, qui amènent aussi des questions trop longues. Cela illustre tout à fait ce que je m'évertue à dire, depuis le début, qu'un abus d'un côté peut amener un abus de l'autre et que, d'abus en abus, cela donne ce genre de situation. J'espère bien qu'on n'aura pas à la revivre. M. le député de Portneuf.

(11 h 20)

M. Pagé: M. le Président, à la fin de la période des questions, je voudrais soulever une question de privilège, qui vous est adressée le plus brièvement possible. C'est en même temps une demande, M. le Président, que je voudrais vous formuler au nom des députés de l'Opposition. Je voudrais vous demander s'il vous serait possible, de profiter d'une prochaine séance de notre Assemblée pour rappeler aux membres de cette Chambre les dispositions de notre règlement, plus particulièrement les dispositions prévues à l'article 99.8 de notre règlement, où il est indiqué qu'il est interdit à un député qui a la parole de se servir d'un langage violent ou blessant à l'adresse de qui que ce soit ou irrespectueux pour l'Assemblée.

M. le Président, j'aimerais aussi, si c'était possible, que vous référiez à cette bonne vieille notion, à laquelle on réfère à l'occasion, des termes qui sont parlementaires ou non parlementaires, plus particulièrement concernant les propos du premier ministre, ce matin. Je ne réfère pas à ceux tenus à l'extérieur de la Chambre.

Au nom de la dignité de notre institution, du respect de notre Chambre et de ses membres, je tiens à vous dire, en terminant, que je m'en inquiète et que mes collègues s'en inquiètent, parce que les propos du premier ministre sont dignes des fonds de cour et des tavernes mal tenues.

Le Président: Puisqu'il s'agissait tout autant d'une question de règlement, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Oui, M. le Président. Enchaînant avec les propos du député de Portneuf, qu'il me soit aussi permis, à mon tour, de rappeler qu'il existe effectivement un article 99, paragraphe 8, qui empêche un député de se servir d'un langage violent ou blessant à l'adresse de qui que ce soit ou irrespectueux pour l'Assemblée. Je pense, M. le Président, que vous l'avez démontré ce matin: vous avez fait respecter ce règlement lorsque vous avez invité, entre autres, le député de Louis-Hébert à retirer les paroles qu'il avait tenues lorsqu'il avait indiqué que le premier ministre avait menti.

Aussi, un député - peut-être que, là-dessus, il y en a quelques-uns qui pourraient le prendre à leur compte - ne peut pas imputer des motifs indignes à un autre député ou refuser d'accepter sa parole. Et une réponse doit être considérée comme finale une fois qu'elle a été donnée. C'est un autre article du règlement. Je pense que cela pourrait inspirer, entre autres, les députés qui, ce matin, sont revenus à la charge trois ou quatre fois avec la même question alors qu'ils sont censés prendre la réponse pour finale. Le député de Louis-

Hébert s'est permis de contrevenir à l'article 99, paragraphe 8.

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

M. Doyon: Question de règlement.

Le Président: Puisque nous sommes toujours sur une question de règlement, vous pouvez intervenir, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, le leader du gouvernement devrait être le premier à savoir qu'il n'a pas le droit de référer - il l'a fait par deux fois dans sa question de règlement - à un incident qui a été réglé par votre intervention, où le député de Louis-Hébert a retiré ses paroles. C'est tout à fait non conforme au règlement que de faire ce que vient de faire le leader du gouvernement, et je vous prierais de le lui indiquer, M. le Président.

Une voix: C'est malhonnête.

M. Gratton: Et c'est malhonnête, à part cela.

Le Président: Sur la question de règlement, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Oui, M. le Président. Le député de Gatineau vient de dire très clairement qu'à votre demande et pour me conformer à votre demande - je n'ai eu aucune hésitation à le faire par respect pour le poste que vous occupez - j'ai retiré les paroles que j'ai dites. La demande qui a été faite par le député de Portneuf, M. le Président, cela a été que certains termes qui, selon votre jugement et selon le jugement de plusieurs personnes, peuvent aussi être considérés comme non parlementaires, devraient faire l'objet de la même sorte d'intervention que celle que vous avez eue à mon égard, M. le Président. Je demanderais - c'est là qu'on verra comment se comportent les gens - que la réaction des gens de l'autre côté de la Chambre soit aussi correcte que celle que j'ai eue, M. le Président, quand j'ai retiré mes paroles. C'est tout ce qu'on demande de ce côté-ci.

Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement, la remarque de M. le député de Gatineau et celle de M. le député de Louis-Hébert m'apparaissent effectivement fondées. Ayant demandé à M. le député de Louis-Hébert de retirer ses paroles, celui-ci l'ayant fait de bonne grâce, ses paroles sont considérées comme n'ayant pas été prononcées ou doivent être considérées comme n'ayant pas été prononcées. À ce moment-là, il est mal à propos d'y référer subséquemment.

Quant au paragraphe 8 de l'article 99, je suis fort heureux que M. le député de Portneuf le soulève, parce que, effectivement, je suis aussi quelque peu préoccupé par le langage que l'on entend par moments dans l'enceinte de cette Assemblée. Il est plus facile pour le président d'intervenir sur des termes précis que l'on peut considérer comme antiparlementaires -j'ai eu à le faire à deux reprises au cours des deux derniers jours - bien que la notion de terme antiparlementaire ait évolué considérablement au fil des années. Je lisais, dans l'ancien règlement - j'invite mes collègues que cela intéresse à le faire - une vaste nomenclature de termes antiparlementaires, qui étaient à l'époque antiparlementaires, et qui sont aujourd'hui tolérés ou permis, à tort ou à raison, mais, enfin, l'évolution est telle que nous en sommes arrivés là. Ce qui est plus difficile à faire, si je puis solliciter l'attention des caucus respectifs... M. le président du Conseil du trésor, si vous voulez tenir un caucus puis-je vous inviter à le tenir à l'extérieur? Pour l'instant, quand le président parle, il est le seul à avoir la parole. Ce qui vaut également pour les députés dans les coins. Il y a des fumoirs pour tenir des caucus ou des entretiens. Quand le président est debout et a la parole, les autres sont censés bien vouloir se garder de parler.

Je disais donc au sujet du langage général... M. le ministre, je veux bien que votre adjoint parlementaire et vous ayez des choses à vous dire, mais, s'il vous plaît, ce n'est pas ici sur le parquet de la Chambre que cela doit se faire. Il y a, de manière générale, cela me permet de le dire, un laxisme dans le décorum de cette Assemblée qui est absolument inadmissible. À cet égard, je ne puis pas, seul, jouer au préfet de discipline. Après tout, nous sommes entre adultes majeurs et vaccinés et, par conséquent, chacun peut prendre sa part de responsabilité, l'assumer. À cet égard, je fais appel à tous mes collègues de l'Assemblée pour que le décorum de cette institution soit respecté. Jusqu'à maintenant, je ne peux pas dire que j'ai trouvé qu'il l'avait été.

Quant au langage de manière générale, encore là je dois faire appel à tous mes collègues pour qu'eux-mêmes fassent preuve d'autodiscipline et, dans certains cas, je dirais même d'autocensure de manière à utiliser un langage respectueux de l'Assemblée. Il est évident que, dans la foulée d'une phrase, l'ensemble de la phrase peut être couché en termes qui ne sont pas particulièrement élégants; il n'y a pas nécessairement dans la phrase de termes précis qui sont antiparlementaires, mais l'ensemble de la phrase peut être d'une qualité douteuse pour une institution comme celle-ci. Je ne peux pas à tout bout de champ passer derrière et corriger chaque phrase qui peut être ainsi couchée. Je fais encore appel - M. le député de Montmagny-L'Islet, s'il vous plaît - à tous mes collègues. Il est difficile de faire appel à un maintien de décorum quand tout le monde est en train de parler de son côté et que personne n'écoute ce que le président dit.

Cet appel, je l'ai fait et je le fais sérieusement. Je pense qu'il y va de l'intérêt de notre institution. M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: J'aurais une question de règlement à soulever, concernant un incident qui s'est répété ici à quelques reprises, et je profite de la présence du ministre de l'Énergie et des Ressources pour le soulever alors qu'il est là. Depuis quelques semaines, le député d'Outremont pose des questions au ministre sur différents sujets faisant ainsi son devoir. Maintenant, le ministre refuse de répondre, mais non pas conformément au paragraphe 2 de l'article 171, qui dit qu'un ministre ou un député peut toujours refuser de répondre à une question sans donner de raison. Le ministre a simplement indiqué qu'il refusait de répondre aussi longtemps qu'une querelle entre lui et le député d'Outremont ne sera pas lavée. M. le Président, soit qu'il le provoque en duel ou quelque chose comme cela, mais au fond les citoyens ont droit d'avoir des réponses aux questions qui sont posées au ministre. Je pense que cette attitude du ministre brime le droit du député d'Outremont de faire son devoir de député de l'Opposition, d'accomplir sa tâche et je vous demanderais de nous indiquer de quelle façon on va permettre au député d'Outremont d'avoir des réponses du ministre de l'Énergie et des Ressources. Il y en a plusieurs en banque actuellement. D'ailleurs, le ministre a pris avis au début de quelques questions avant de refuser de répondre.

J'aimerais d'abord savoir quand il va donner réponse à ces questions dont il a pris avis et ensuite quelle est l'attitude que le ministre devrait avoir, il me semble, pour répondre aux questions du député d'Outremont. (11 h 30)

Le Président: Vous pouvez toujours... Écoutez, encore là je vous réitère que je n'aime pas ce genre de question. Les deux formations politiques sont entourées d'équipes de recherchistes chevronnés et beaucoup mieux étoffés que le président pour décider des moyens à prendre et fouiller dans ce sens. Je vous avoue que, par moment, je suis porté à envier les deux formations politiques de pouvoir compter sur de telles ressources. J'aimerais pouvoir les avoir moi aussi à portée de main, à l'occasion. Donc, je vous réitère que le président n'est pas - sans vouloir faire de mauvais jeu de mots - une école de procédure, et la manière de le

faire...

M. Lalonde: M. le Président, je m'excuse. J'ai peut-être été mal compris. Je ne vous demande pas de directive.

Le Président: Ah bon!

M. Lalonde: Je vous demande de rappeler le ministre à l'ordre, parce qu'il viole l'article 171.

M. Bertrand: Non, non, non, il ne viole pas cet article.

M. Lalonde: Oui.

Le Président: C'est-à-dire qu'en vertu de l'article 171.2, il peut bien décider de répondre sans donner de raisons.

M. Bertrand: Il n'a pas à donner les raisons.

Le Président: Voilà, effectivement! Si le ministre de l'Énergie et des Ressources continue à avoir son différend avec le député d'Outremont, je n'y peux rien et je pense que nous y pouvons peu de chose. Je souhaiterais bien qu'ils le règlent en dehors de cette Chambre entre eux. En tout état de cause, si le ministre de l'Énergie et des Ressources ne veut pas répondre à une question du député d'Outremont, il peut invoquer l'article 171.2. À ce moment-là, il n'a pas de raisons à donner.

M. Pagé: M. le Président, à ce sujet... Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: ...je voudrais ajouter ma voix à celle de notre leader. Il deviendrait impérieux et urgent que le problème se règle entre l'honorable ministre de l'Énergie et des Ressources et l'honorable député d'Outremont. J'ai cru comprendre que cela devrait se régler à l'extérieur de la Chambre. Nous sommes favorables à un règlement hors cour, pour autant que cela ne coûte pas 32 000 000 $.

M. Duhaime: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: Je ne vois pas, M. le ministre, en quoi votre privilège est touché.

M. Duhaime: Oui, parce qu'on laisse entendre, M. le Président, que je refuse de répondre sans motifs valables.

Le Président: Non, non. Personne n'a mentionné cela. On a simplement dit que vous refusez de répondre pour le motif que vous évoquez, qui est le différend que vous avez avec le député d'Outremont, mais à ce moment-là, ce n'est pas une des causes prévues à l'article 171.1 et 171.2. Si on ne veut pas répondre, en vertu de l'article 171.2, on ne donne pas de raisons, mais personne n'a porté de jugement sur votre différend. J'ai simplement souhaité et je souhaite encore qu'il se règle - je pense que c'est dans l'intérêt de l'Assemblée - et de préférence hors du parquet de cette Assemblée, parce que nous en parlons beaucoup, me semble-t-il.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Oui. Sur la question de règlement soulevée par le leader parlementaire de l'Opposition, je crois qu'il a adressé une ou deux questions - deux questions, je crois - au député de Saint-Maurice, ministre de l'Énergie et des Ressources...

M. Lalonde: Trois.

M. Bertrand: ...Trois? Oui lui demandant s'il avait l'intention de répondre, quand, comment, etc. Il m'apparaîtrait tout à fait normal par consentement, à ce moment-ci qu'on puisse tout de même permettre au ministre de l'Énergie et des Ressources de répondre très rapidement à ces deux ou trois questions et d'indiquer quelle est sa réaction aux questions que vous lui avez posées. Vous avez demandé au député, premièrement, s'il avait l'intention de répondre aux questions et, deuxièmement, quand il avait l'intention de répondre aux questions. Je pense que, dans ce contexte, vous êtes en droit de vous attendre que le ministre vous donne une réponse à ce moment-ci relativement à votre question de' règlement. C'est le sens de votre intervention. Sinon, je me demande pourquoi vous vous êtes levé.

M. Lalonde: Non, non.

Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Lalonde: M. le Président, non, je voulais simplement soulever le fait que l'attitude du ministre est contraire au règlement. S'il a l'intention de répondre aux questions, j'aimerais qu'il le fasse à la fin de la période des questions, comme d'habitude, alors que les députés sont ici - le député d'Outremont pourra poser des questions additionnelles - et qu'il nous indique, s'il ne veut pas répondre aux questions, qui est son adjoint parlementaire; on pourra lui poser des questions.

Le Président: M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, dans le sillage de notre post-mortem de la période des questions, et plus particulièrement de votre premier commentaire sur le nombre des questions, la longueur des questions et la longueur des réponses, je pense que tout en appréciant au plus haut point vos efforts en ce sens, à savoir d'invoquer de façon répétée le règlement, il est clair maintenant que cette espèce d'incantation ne fonctionnera pas. Votre appel à l'autodiscipline n'ira pas plus loin que la période des questions de demain. Je vous suggère un effort un peu plus soutenu et détaillé relativement à ce problème. Je vous suggère, par exemple, l'étude des périodes des questions dans les autres Parlements, de façon très précise. Dans ce contexte, un stagiaire parlementaire a fait une étude de la période des questions à Ottawa. On va vous la faire parvenir. Ce n'est pas très structuré. Ce n'est pas complet, mais je pense qu'on devrait le faire pour l'Angleterre, pour Ottawa et pour la France afin de voir s'il ne serait pas possible - voilà ma deuxième suggestion - de faire un règlement expérimental, intérimaire, pour la prochaine session afin de vraiment essayer, d'un côté comme de l'autre, de vous armer avec les outils adéquats, vu le sérieux de la situation.

Le Président: Vous m'inquiétez quand vous parlez des outils. La commission de l'Assemblée nationale qui siège sur la réforme parlementaire, c'est très certainement un sujet qui pourrait l'intéresser. Nous pourrions effectivement aborder la question dans le cadre de ses travaux. Vous désespérez ou enfin vous êtes plus pessimiste que moi sur la nature humaine en prétendant que l'autodiscipline et l'autocensure n'ira pas plus loin que demain. Quant à moi, j'espère qu'elle ira au moins jusqu'à la fin de la semaine et on verra pour la semaine prochaine.

D'autre part, j'ai reçu un avis de question de privilège de la part des collaborateurs de la présidence. Pour être bien clair - tantôt je faisais allusion aux deux équipes qui entourent les formations politiques - on me dit: "Ce n'est pas la qualité qui diffère entre les collaborateurs immédiats des partis et ceux de la présidence, mais bien seulement la quantité." C'était évidemment le sens de mon propos.

Une voix: C'est ce qu'on avait compris.

Le Président: Ce qui nous amène aux motions. M. le leader parlementaire du gouvernement.

Travaux des commissions

M. Bertrand: Je voudrais d'abord obtenir le consentement pour que, cet après- midi, entre 15 heures et 18 heures, trois commissions parlementaires puissent siéger. Il s'agirait de celles des affaires municipales, pour les auditions publiques relativement au projet de loi no 28; de l'étude du projet de loi no 30, SOQUIA, article par article et l'étude des crédits du ministère du Commerce extérieur. Est-ce que cela va?

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? Est-ce qu'il y a consentement? Je m'excuse. Il y a consentement.

M. Bertrand: Je fais donc motion pour qu'au salon rouge, de 11 h 45 à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, la commission des affaires municipales se réunisse pour entendre des groupes relativement au projet de loi no 28; qu'à la salle 81-A, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunisse pour faire l'étude article par article du projet de loi no 30 et qu'à la salle 91-A, de 11 h 45 à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, la commission parlementaire permanente du commerce extérieur se réunisse pour procéder à l'étude des crédits de ce ministère pendant une période de quatre heures. Par la suite, on me dit que de 21 h 30 à 24 heures, à la salle 91-A, ce soit la commission des finances et des comptes publics qui se réunisse pour poursuivre l'étude - et j'espère la terminer - du projet de loi no 8, article par article.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Ce qui nous mène aux questions en vertu de l'article 34 sur nos travaux.

Recours à l'article 34

M. Pagé: En vertu de l'article 34, il y a des questions que je voudrais poser au leader. À quel moment le leader du gouvernement a-t-il l'intention de convoquer la commission parlementaire chargée d'étudier le rapport du projet de loi no 14...

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Pagé: Le projet de loi no 14 sur les mesures fiscales qui a été adopté en commission parlementaire hier. Oui, oui.

M. Lalonde: Je pense qu'il n'a pas été déposé.

M. Bertrand: Non.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, je ferai la vérification. Je ne suis pas convaincu que ce rapport ait été déposé.

Une voix: Il n'a pas été déposé encore.

M. Bertrand: Ah bon! Dès qu'on l'aura en notre possession, on se fera immédiatement un devoir de le déposer, au moment des affaires courantes, quand il est prévu de déposer de tel rapport.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Pagé: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip de l'Opposition.

M. Pagé: Est-ce à dire qu'il sera automatiquement pris en considération le lendemain?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Pas nécessairement. Est-ce que le député de Portneuf veut m'indiquer qu'il voudrait qu'on procède de cette façon?

M. Pagé: On voudrait savoir exactement à quel moment arrivera l'étape de la prise en considération du rapport. Je voudrais aussi demander au leader s'il peut nous indiquer à quel moment la commission parlementaire de l'habitation et de la protection du consommateur, chargée d'étudier article par article le projet de loi no 24 qui a été adopté hier en deuxième lecture, sera appelée?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Sur le projet de loi no 24, ce sera probablement lundi. Article par article? Il ne semble pas, non. Pour le projet de loi no 14, dès que j'aurai l'information, je pourrai la communiquer au député de Portneuf.

Maintenant, je voudrais donner l'information relativement à la commission parlementaire permanente du travail, qui entend des groupes relativement au projet de loi sur le Code du travail, que nous entendrons fort probablement les groupes qu'il reste à entendre demain après-midi; il en resterait un, je crois que c'est l'Association des manufacturiers canadiens, vendredi après-midi, de telle sorte qu'avec l'après-midi de jeudi et probablement une partie de l'après-midi de vendredi nous pourrions avoir terminé les travaux de cette commission.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. Lundi dernier, j'ai demandé au leader du gouvernement, à cause de l'absence du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, s'il était prêt à déposer les troisième, quatrième et cinquième rapports concernant l'illégalité des règlements adoptés en vertu de la loi 101, et il a pris avis de cette question. Hier, le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration a pris l'engagement de déposer la troisième étude sur l'illégalité de ces règlements. J'aimerais demander au leader s'il est prêt à déposer la quatrième, la cinquième étude et ainsi de suite sur l'illégalité des règlements adoptés en vertu de la loi 101.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, ce n'est pas moi qui procéderai au dépôt, s'il doit y avoir dépôt de quelque document que ce soit, c'est le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. Je vais donc l'informer, premièrement, de la question que vous avez posée et de l'engagement qu'il semble avoir pris. Je ne me rappelle pas exactement la réponse qu'il avait donnée relativement à ce troisième rapport. Pour les autres, dans quelques minutes, au Conseil des ministres, je vais lui transmettre votre demande.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: M. le Président, dernièrement, je demandais au ministre de l'Environnement quand il rendrait public le projet de règlement sur les déchets industriels, tel que promis depuis décembre 1978. Est-ce que le leader peut nous dire si nous connaîtrons d'ici la fin de la session le projet de règlement sur les déchets industriels?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Même réponse qu'auparavant. Je dirai à Mme la députée que je me ferai un devoir, dans les minutes qui vont suivre, de demander au ministre quelles sont ses intentions à ce sujet.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Viger.

M. Maciocia: M. le Président, est-ce

que le leader parlementaire pourrait nous indiquer quand le projet de loi no 22, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement touristique, sera appelé?

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: La semaine prochaine, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Y a-t-il d'autres questions en vertu de l'article 34?

Aux affaires du jour, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Je vous demanderais - il n'y aura pas de débat là-dessus - d'appeler l'article 16 du feuilleton d'aujourd'hui.

Prise en considération du rapport

de la commission qui a étudié le

projet de loi no 20

Le Vice-Président (M. Rancourt): Prise en considération du rapport de la commission permanente des affaires sociales qui a étudié le projet de loi no 20, Loi favorisant la retraite anticipée et améliorant la rente des conjoints survivants. Est-ce que cette prise en considération est adoptée?

M. Lalonde: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: M. le Président, nous procéderons maintenant à l'étude en deuxième lecture du projet de loi no 21. Avant que vous appeliez cet article 9 du feuilleton, je veux immédiatement indiquer que, par la suite, nous procéderons à la deuxième lecture du projet de loi no 27 sur l'industrie de la construction. Ensuite, nous enchaînerons avec les trois projets de loi inscrits au nom du ministre des Transports: le projet de loi no 31, Loi modifiant la Loi sur les transports, le projet de loi no 25, Loi sur la Société québécoise des transports, et le projet de loi no 15, Loi modifiant la Loi sur l'expropriation et le Code civil.

Projet de loi no 21 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Deuxième lecture du projet de loi no 21, Loi modifiant les régimes de retraite et diverses dispositions législatives.

La parole est au président du Conseil du trésor et ministre délégué à la Réforme administrative.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Nous allons débattre un projet de loi éminemment technique et qui cache, sous une apparence un peu rébarbative, un grand nombre de mesures dont l'impact social est important, particulièrement en ce qui a trait aux employés du secteur public, puisque ce projet de loi porte plus spécifiquement sur les régimes de retraite des employés de l'État.

On se souviendra que cette Assemblée nationale a adopté un projet de loi, l'été dernier, portant le no 68, qui réduisait de façon substantielle les bénéfices consentis aux employés du secteur public dans le cadre de leur régime de retraite. En effet, nous devions faire face à une augmentation spectaculaire du coût des régimes de retraite. Je dois souligner que le gouvernement précédent avait, en 1973, pris conscience du coût explosif des deux régimes traditionnels de retraite pour les employés du secteur public, c'est-à-dire le régime de rentes des enseignants et le régime de rentes des fonctionnaires, avait donc pris la décision de modifier ces régimes de retraite pour introduire un nouveau régime de retraite universel applicable à tous les nouveaux employés qui s'appelait le RREGOP.

En fait le coût de ces régimes était tellement important que le gouvernement avait même pris comme habitude de ne pas comptabiliser la contribution de l'employeur au coût de ces régimes de manière à ne pas amplifier le déficit très important que l'on observait dans ces régimes de retraite. De fait, jusqu'en 1977 ou 1978 le gouvernement ne comptabilisait pas ses contributions qu'il aurait dû faire au coût des régimes de retraite des fonctionnaires et des enseignants essentiellement pour ne pas faire apparaître le déficit de façon trop importante.

En 1977 le ministre des Finances devait modifier la pratique comptable et présenter une comptabilisation beaucoup plus claire, beaucoup plus évidente du coût des régimes de retraite. Ceci avait amené à ce moment-là le gouvernement et tous les intervenants dans le milieu, je pense, à comprendre le coût extrêmement élevé des régimes de retraite et, dans la crise que nous traversions, il devenait nécessaire d'en ajuster les bénéfices à la baisse, ce qui ne voulait pas dire pour autant que ce régime de retraite ne devait pas continuer à faire l'objet d'une réflexion continue pour voir dans quelle mesure on ne pourrait pas en améliorer l'application et bonifier un certain nombre de clauses.

Le présent projet de loi représente ce consensus que nous avons pu faire avec la partie syndicale au cours de la dernière ronde de négociations. En effet, un des sujets au coeur du débat de la dernière ronde de

négociations a clairement été les régimes de retraite. Après la loi 68, les syndicats ont voulu inscrire ce sujet au coeur des préoccupations des employés du secteur public et en faire un objet de négociation. Je dois souligner qu'avant les décrets imposés par la loi 105 à l'ensemble des employés du secteur public nous avions convenu de lettres d'entente avec les syndicats pour apporter un certain nombre de modifications, c'est-à-dire que ce sujet a été au coeur du débat à la suite de la loi 68 et les syndicats ont voulu ramener le sujet des régimes de retraite sur la table de négociation et le considérer comme sujet prioritaire, ce que nous avons d'ailleurs convenu de faire.

La négociation a donc porté en bonne partie au début sur les régimes de retraite, ce qui nous a amenés, finalement, à cette espèce d'accord dont j'ai fait part à l'Assemblée nationale en déposant ce projet de loi no 21.

Donc, ce projet de loi a fait l'objet de discussions avec les dirigeants syndicaux. Il a été soumis pour consultation au comité d'administration du régime de retraite, c'est-à-dire la Commission administrative du régime de retraite, où siègent des représentants des centrales syndicales - trois représentants en fait et également un représentant de l'association - et traduit un consensus entre les parties. Il permet au gouvernement de donner suite à des engagements pris lors de la négociation.

Ce projet de loi permettra également de bonifier de façon substantielle les avantages prévus dans les régimes de retraite actuels surtout pour permettre la mise en place de tout un ensemble de mesures de résorption pour les effectifs en disponibilité, ce sur quoi je m'attarderai tantôt.

Soulignons également qu'il permettra de corriger un certain nombre de mesures qui pénalisaient les employées de l'État, particulièrement celles qui avaient du soit abandonner leur emploi autrefois, lorsqu'elles se mariaient ou encore attendaient un enfant, ou encore des dispositions aujourd'hui pour couvrir les cas de congé de maternité.

Un peu dans la même optique qui est de concevoir des modes organisationnels du travail plus adaptés aux besoins d'aujourd'hui, un certain nombre de mesures porteront sur une bonification des régimes de retraite dans le cas des employés qui choisissent de travailler à temps partiel. (11 h 50)

Enfin, c'est peut-être le point administratif le plus important bien que le sujet de ce projet de loi comporte un grand nombre de bonifications ou d'améliorations sur l'administration même du régime de retraite. Soulignons une mesure importante: la restructuration complète de la Commission administrative du régime de retraite pour assurer une parité de représentation des employés sur l'administration des régimes de retraite pour qu'ils puissent à la fois surveiller l'application quant aux bénéficiaires des régimes de retraite, mais également qu'ils puissent surveiller le placement des fonds qui y sont versés, de telle sorte qu'ils puissent en même temps exercer un contrôle sur la rentabilité des sommes qu'ils ont mises de côté pour assurer leur retraite.

Donc, un des aspects essentiels du projet de loi no 21 est relié à la problématique des surplus d'effectifs enseignants au Québec. En effet, de 1960 à 1970 ou 1975, nous avons assisté à une croissance spectaculaire de notre réseau d'enseignement au Québec pour faire face à une natalité croissante, également pour introduire un certain nombre de développements essentiels dans notre réseau d'éducation. On peut penser à la création des polyvalentes, on peut penser à la création des collèges d'enseignement général et public, nos cégeps; par conséquent, ces nouveaux développements ont entraîné une augmentation substantielle des effectifs d'enseignement au Québec.

Soulignons en même temps que l'enseignement s'est amélioré, s'est sophistiqué et on a introduit des champs de spécialisation qui ont fait que nos enfants avaient droit à des matières beaucoup plus spécialisées, allant beaucoup plus en profondeur et leur donnant des connaissances de beaucoup supérieures à celles auxquelles nous avions droit, notre génération, durant cette période où nous avons fait nos études, c'est-à-dire un enseignement plus spécialisé, plus complet. Un enseignement plus spécialisé, plus complet impliquait des changements dans la formation de nos enseignants, ceux-ci se sont effectivement spécialisés et ont donné moins de cours généraux et davantage de cours plus spécialisés.

L'ensemble de ces mesures ont permis d'observer un abaissement du ratio maître-élèves. Par exemple, en 1973, il nous fallait, pour assurer l'enseignement dans nos écoles, en général, un professeur pour à peu près 20 élèves. Lorsqu'on essaie de mesurer la charge d'enseignement, l'une des bonnes façons de la mesurer, c'est de regarder en moyenne combien il y a d'élèves par professeur. Si un professeur doit, en moyenne, s'occuper de plus d'élèves, que ce soit parce qu'il enseigne à plus de groupes ou qu'il enseigne à des classes plus nombreuses, à ce moment-là, on dit que le ratio élèves-professeur a tendance à augmenter. Or, qu'est-ce que nous constatons en 1973-1974 dans le rapport maître-élèves qui mesure bien, en fait, cette charge confiée à l'enseignant? Ce ratio était de 1 pour 20,2 en 1973-1974. Il devait baisser. En fait, en 1976-1977, il était de 1 pour 18 et en 1979-1980, de 1 pour 16,8. Il

a donc baissé de façon continue. On peut donc dire que la charge d'enseignement a baissé de façon systématique.

Or, dans la mesure où, au cours de la dernière ronde des négociations, l'objectif était d'accroître la tâche d'enseignement, il faut donc prévoir que le rapport maître-élèves au Québec va tendre, vers 1985-1986, à 1 pour 18,2, c'est-à-dire que la charge globale d'enseignement va retrouver le niveau qu'elle avait atteint en 1976-1977. Évidemment, dans la mesure où nous devons faire face à une dénatalité au Québec, dans la mesure où nous devons demander aux enseignants dans le secteur public de donner un enseignement à un nombre légèrement plus élevé d'élèves - on peut donc dire qu'en 1976, un professeur devait enseigner en moyenne à 16,8 élèves - en 1985-1986, il devra enseigner, en moyenne, à 18,2 élèves. Il aura donc une charge d'enseignement légèrement supérieure. Il devra enseigner en moyenne à 1,5 élève de plus par année. On voit l'alourdissement de la tâche. Eh bien, c'est clair que si nous avons, d'un côté, une dénatalité, donc une diminution du nombre d'enfants dans nos écoles, et qu'en même temps nos enseignants doivent enseigner à un peu plus d'élèves, forcément, nous aurons besoin d'un peu moins d'enseignants.

Qu'est-ce que nous constatons? Nous constatons qu'effectivement, de 1978 à nos jours, à 1983, le nombre d'enseignants dont on n'avait pas nécessairement besoin pour l'enseignement proprement dit a augmenté. En 1978, il y en avait 20; en 1979, ce nombre passait à 95; 547 en 1980 pour atteindre 709 en 1981; en 1982, le nombre d'enseignants dits en disponibilité était de 2319 et, en 1983, de 2345.

Je mets en garde immédiatement les membres de cette Assemblée et mes concitoyens contre une mauvaise interprétation souvent de ces chiffres, du nombre de mises en disponibilité. Cela ne veut pas dire que ces enseignants ne travaillent pas; mais cela veut dire que, pour répondre aux besoins normaux de l'enseignement, nous avons 2345 enseignants de trop. Ces enseignants peuvent, évidemment, travailler, à ce moment-là, à faire de la suppléance. On sait que la maladie touche les enseignants comme tous les autres citoyens au Québec et qu'il arrive qu'un enseignant doive s'absenter pendant une période de quelques jours ou de quelques semaines. À ce moment-là, nous avons besoin d'enseignants que nous engageons à temps partiel. Plutôt que d'engager des enseignants à temps partiel additionnels, il est bien évident que nous faisons appel à ces enseignants en disponibilité. Donc, ils sont utilisés souvent, à une très forte partie de leur temps. Également, on peut les utiliser pour des projets pédagogiques d'encadrement qui n'étaient pas prévus au programme, mais qui font en sorte que la disponibilité d'enseignants nous permet d'améliorer la qualité de l'enseignement. Mais il faut quand même constater que, pour répondre aux besoins immédiats de l'enseignement, nous avons 2345 enseignants de trop. Ce nombre va croître dans les années qui viennent.

Or, nous nous sommes engagés à tout mettre en oeuvre pour faire en sorte que l'on puisse réduire le nombre de ces enseignants en disponibilité de manière à réduire le coût, mais également - c'est cela qui est important, M. le Président - pour faire en sorte que, constatant qu'un grand nombre de ces enseignants en disponibilité sont des jeunes professeurs... Il est normal que, lorsque l'on doive se départir d'un enseignant, eh bien, on conserve d'abord l'enseignant qui a une plus longue ancienneté, qui a une plus longue expérience; c'est normal, il est là depuis plus longtemps, il a donc priorité quant à l'occupation du poste en question. Ce qui veut dire que les enseignants que l'on peut qualifier de trop ou enseignants en disponibilité sont nécessairement des enseignants plus jeunes.

L'on sait à quel point il est important que l'on puisse renouveler le corps professoral, introduire du sang neuf, pour faire en sorte que nos enfants puissent rencontrer à la fois des enseignants d'expérience, plus âgés, plus mûris, ayant une plus grande connaissance de la vie, d'une part, mais également aient accès à de jeunes enseignants frais émoulus de l'université, plus agressifs, remplis d'idées nouvelles, voulant littéralement changer le monde, et qui, évidemment, apportent un élément extraordinairement dynamique et valable à une école, à un collège, à une polyvalente et à l'université.

Il faut, par tous les moyens possibles, faire en sorte que l'on puisse s'assurer que le corps professoral, le corps d'enseignants, d'éducateurs, ne vieillisse pas trop rapidement. Donc, trouver des moyens pour accélérer la rotation du personnel à l'intérieur du secteur public de l'enseignement.

Nous avons donc voulu mettre en place toute une série de moyens. Mais il ne fallait pas que ces moyens perdent de leur efficacité par suite d'une mésadaptation de nos régimes de retraite à l'intention de nos employés, qui ferait en sorte que nos employés seraient peu incités à profiter de ces mesures. Ce que nous apportons comme changements aux régimes de retraite aujourd'hui consiste en bonne partie à des bonifications de nos régimes de retraite pour rendre ces mesures de diminution des effectifs en surplus plus faciles d'application. Je vais passer ces différentes mesures en revue. (12 heures)

D'une part, il est fréquent que des éducateurs aient le goût de se recycler, peut-être de prendre une année tous les cinq

ans, par exemple, ou tous les quatre ans pour faire des études. On a même des cas assez fréquents aujourd'hui où, mari et femme travaillant dans le monde de l'enseignement, pour s'occuper de l'éducation de leurs propres enfants l'un ou l'autre - ou l'un et l'autre - des deux membres désire prendre en alternance une année pour s'occuper de la famille et envisagerait d'accepter un salaire moindre pour avoir la chance de prendre ce congé sabbatique. La mesure est simple à comprendre. Si nous voulons donner tous les quatre ans un congé à une personne - nous voulons évidemment la payer pendant ce temps parce que, sans salaire, évidemment ce n'est pas facile - on se rend bien compte que nous allons payer une année sur quatre pour du travail qui ne sera pas fourni.

Que fait-on? On propose, à ce moment, de baisser le salaire pendant les trois autres années de manière que l'enseignant reçoive 75% de son salaire, par exemple, chaque année pendant trois ans et que la quatrième année il obtienne un congé avec solde à 75% de son salaire. Ceci permet donc à un enseignant, pendant quatre années, de recevoir les trois quarts de son salaire, année après année, mais évidemment d'avoir droit à une année sur quatre de congé pendant laquelle il continuera à être payé. Cela ne coûtera pas plus cher à l'État et cela introduit une souplesse qui permettra à des enseignants de pouvoir tirer parti d'une telle mesure et d'ajuster leurs tâches en fonction de leurs besoins, soit leurs besoins d'éducation personnelle ou encore d'éducation de leurs enfants. Il est important, si on introduit une telle mesure, que cela n'affecte pas le régime de retraite et, de ce fait, l'enseignant qui profitera d'un tel programme accumulera une pleine année au chapitre de son régime de retraite et non pas les trois quarts d'une année. C'est important parce que ceci ne retardera pas la date à laquelle il pouvait prendre sa retraite, ne diminuera pas la pension à laquelle il aurait eu droit à l'âge de sa retraite.

Donc, le fait de participer à un tel programme n'entraînera aucun inconvénient quant à son régime de retraite. On peut même considérer que l'on va bonifier son régime de retraite puisqu'il n'aura pas à contribuer à une pleine année de cotisation lorsqu'il recevra 75% de son salaire, il n'aura qu'à fournir 75% de sa cotisation prévue. Donc, pour un coût moindre, il achète un bénéfice de retraite aussi intéressant que ce qui lui était accordé antérieurement. C'est donc une première bonification.

On peut parler d'une deuxième bonification au sens où les enseignants qui ont atteint un âge plus avancé désireraient prendre immédiatement leur retraite. Toutefois, ils n'ont pas accumulé les 35 années de service ou encore ils n'ont pas atteint les 65 ans prévus dans les régimes actuels de retraite et, par conséquent, ils n'y ont pas droit à l'heure actuelle. Et, s'ils choisissent de prendre une retraite anticipée, il y a une réduction des bénéfices de retraite de manière à faire en sorte que cela ne se traduise pas par des coûts additionnels pour le gouvernement. Mais cette réduction des avantages de retraite, évidemment, a comme inconvénient qu'elle baisse de façon importante, et très rapidement, les avantages auxquels un enseignant aurait droit. Il est évident que ceci décourage les enseignants à prendre des retraites anticipées.

Comment corrige-t-on cela? Essentiellement, en permettant à un enseignant, après entente avec son employeur, la commission scolaire, par exemple, de prendre sa retraite même s'il n'a pas accumulé 35 ans. Nous lui créditons, à ce moment, l'équivalent des années de préretraite, ce qui veut dire qu'un enseignant qui aurait atteint 62 ans et qui devrait encore attendre trois ans avant d'être admissible à sa retraite pourrait prendre trois années d'anticipation sur sa retraite et se verrait créditer la pleine retraite comme s'il avait complété ses 65 ans. Évidemment, on ne peut pas exagérer dans la générosité d'une telle mesure et ces crédits anticipés de retraite ne pourront pas dépasser cinq ans. C'est assez évident, car il y a un coût très important attaché à ce que quelqu'un prenne sa retraite avant terme car alors, nous le payons 70%, par exemple, de son salaire s'il a atteint la maturité, nous lui donnons 70% de son salaire mais, cependant, nous ne retirons aucune prestation de travail lorsqu'il est en retraite. Par conséquent, il y a un coût très important associé à cette prise de retraite anticipée. Donc, il faut limiter cet avantage et nous le limitons essentiellement à 5 ans, mais cela veut dire qu'il va devenir intéressant pour un enseignant de prendre sa retraite avant d'avoir atteint 65 ans ou avant d'avoir atteint 35 années de service.

M. le Président, cette mesure n'est pas la seule pour inciter au départ volontaire des enseignants plus âgés et permettre de cette façon à des enseignants plus jeunes en disponibilité de s'intégrer dans le groupe d'enseignants en service. Il y a également une autre mesure. Il arrive souvent qu'un enseignant a accumulé 35 années de service, mais n'a pas atteint 65 ans. Il a donc droit, cependant, de prendre sa retraite pleine et entière. Toutefois, comme il n'a pas 65 ans, il ne reçoit pas sa pension de vieillesse. Il ne reçoit pas non plus les bénéfices du Régime de rentes du Québec, ce qui fait que sa pension est inférieure à celle qu'il aura quand il aura atteint 65 ans. Voilà une désincitation à prendre sa retraite. Voici ce que nous proposons. Nous proposons de lui accorder, dès l'âge où il prend sa retraite,

c'est-à-dire que s'il a atteint 62 ans, il est admissible à sa retraite... Nous lui verserons à l'avance sa pension de vieillesse du Canada. Nous lui verserons à l'avance sa prestation du Régime de rentes du Québec, de telle sorte que, jusqu'à ce qu'il atteigne 65 ans, il ne soit pas désavantagé et ait véritablement une pleine pension, comme s'il avait 65 ans. Donc, nous lui verserons sa pension qu'Ottawa aurait dû lui verser. Nous la verserons à la place d'Ottawa. Évidemment, vous me direz: Cela coûte de l'argent. En fait, ce que l'on fait, c'est répartir le coût de cette mesure sur l'ensemble de la période présumée de retraite en effectuant essentiellement une réduction actuarielle du coût de cette mesure, ce qui fait qu'en pratique, il aura droit à une pension très légèrement diminuée sur toute la période, mais il aura quand même bénéficié à 62 ans d'une pleine pension qui représente souvent 90% ou 95% du revenu auquel il avait droit. Donc, cette personne se retrouve dans une situation où il est plus avantageux de ne pas travailler que de travailler puisqu'elle peut même souvent trouver du travail à l'extérieur en plus de sa pension, ce qui, évidemment, lui permet à ce moment-là non seulement de jouir d'une condition de vie - si la personne veut voyager, par exemple - absolument unique, mais en plus de cela, souvent à des conditions de revenus supérieurs à ceux dont elle bénéficierait si elle restait au travail. Voilà donc une mesure qui va à nouveau encourager nos enseignants plus âgés à prendre leur retraite et permettre à des jeunes de s'intégrer à l'équipe d'enseignement.

Je voudrais souligner aussi des mesures que nous mettons en place concernant l'emploi à temps partiel. On sait à quel point nos sociétés vivent très durement la révolution technologique. Je crois parfois qu'on se fait beaucoup d'illusions quand on parle de politique de plein emploi en ce sens qu'on ne réalise peut-être pas assez que les changements technologiques font en sorte qu'avec moins d'employés, on peut produire autant de richesses et même plus de richesses. La révolution technologique ne nous appauvrit pas comme société. Elle nous enrichit. Toutefois, pour produire la même richesse, nous devons faire face, à ce moment-là, au problème de la productivité, c'est-à-dire que nous avons besoin de moins d'employés pour produire cette richesse. Collectivement, nous avons la même quantité d'argent, nous avons les mêmes biens de consommation, nous pouvons prendre les mêmes vacances, mais il y a moins de gens qui travaillent et cette richesse se trouve alors concentrée entre les mains de ceux qui détiennent le capital ou qui ont la chance d'avoir un emploi. (12 h 10)

Il y a une façon de répartir cet argent plus équitablement. Certes, l'impôt joue ce rôle, mais il y a une autre façon, qui est d'introduire le travail partagé, c'est-à-dire de faire en sorte que les gens travaillent moins d'heures et donnent la chance à d'autres de trouver un emploi. Or, l'introduction du temps partiel se heurte évidemment à certains inconvénients; par exemple, si un employé choisissait de travailler à mi-temps au gouvernement et revenait dans deux ans ou dans trois ans à temps plein parce qu'il a des problèmes de responsabilités qui l'obligent à travailler à temps plein, il ne pourrait pas racheter ce congé à temps partiel dont il a bénéficié aux fins de son régime de retraite. Ce qui veut dire que la pension à laquelle il aurait droit, lorsque viendrait l'âge de sa retraite, serait inférieure du fait qu'il a travaillé à mi-temps pendant un an, deux ans ou trois ans. Il a donc choisi un congé à mi-temps. Or, si nous voulons inciter les employés de l'État à accepter des congés à mi-temps pour donner la chance à d'autres dans cette période difficile de chômage, il y aurait intérêt à ce que le régime de retraite ne perde pas de ses avantages. Donc, les enseignants ayant choisi de travailler à mi-temps pourront choisir de racheter ce congé à mi-temps aux fins de la retraite et faire en sorte que la retraite en question ne soit pas diminuée quand arrivera l'âge de la retraite.

Soulignons aussi - c'est une question fort technique sur laquelle je ne veux pas m'étendre - que le calcul pour la pension d'un employé travaillant à temps partiel sera également revalorisé, en ce sens que, dans le passé, lorsqu'on calculait la pension sur la base des cinq meilleures années, on devait additionner du service crédité pour atteindre un total de cinq ans. On imagine que si quelqu'un travaillait à mi-temps, il fallait prendre son salaire pendant dix années, à mi-temps, pour faire cinq ans, et regarder quel était son salaire moyen pendant ces dix ans. Or, on sait qu'avec l'inflation, les salaires augmentent dans le temps. Alors, prendre un salaire moyen sur dix ans donne une moyenne inférieure à un salaire moyen sur cinq ans. Donc, l'employé à mi-temps se trouvait forcé à une pension qui, lorsqu'on la calculait, était sur une base annuelle inférieure à celle que l'on calculait pour un employé à temps plein; non pas seulement parce qu'il avait travaillé à mi-temps, et il était normal qu'il ait une pension moindre, mais également parce qu'on l'avait calculé sur une base étalée d'années de service cumulées à cinq ans, c'est-à-dire souvent sur une période beaucoup plus longue que cinq ans. Désormais, nous calculerons véritablement sur une période, pendant laquelle il a travaillé, de cinq ans. Qu'il ait travaillé à mi-temps, au quart de temps, au dixième de temps est sans importance, nous appliquerons le calcul

sur une période où il aura travaillé pendant cinq ans. Par conséquent, la moyenne que nous obtiendrons sera tout à fait comparable à la moyenne que nous calculons pour un employé qui travaille à temps plein. L'employé à temps partiel ne subira donc pas de désavantage à la suite d'un travail à temps partiel.

Voilà deux mesures qui inciteront sans doute les employés de l'État à recourir davantage au temps partiel. De cette façon, ceci permettra au gouvernement de créer davantage d'emplois et donc, effectivement, de mieux répartir le travail au sein de nos concitoyens.

Je souligne en passant - et je suis convaincu que ma collègue, la ministre déléguée à la Condition féminine voudra en parler davantage - un certain nombre de mesures qui assureront une meilleure protection aux enseignantes qui, on le sait, à la suite sans doute d'une tradition qui pouvait peut-être se défendre socialement il y a 20 ans, mais qui est absolument incompréhensible aujourd'hui, voulait qu'une enseignante qui se mariait ou encore une enseignante qui attendait un enfant devait démissionner, était forcée de démissionner, car on estimait que donner la classe à des jeunes en attendant un enfant était quasi immoral. Par conséquent, on demandait à cette enseignante de démissionner. Ces enseignantes revenaient au travail ultérieurement, mais elles n'avaient jamais le droit de racheter ces années de contribution qu'on leur avait remboursées à leur départ, ce qui fait qu'elles se retrouvent aujourd'hui avec une pension inférieure à la suite de politiques socialement inacceptables.

Je ne voudrais pas critiquer ce que nos pères envisageaient comme étant moral ou immoral - ils avaient sans doute leurs raisons - mais aujourd'hui, on ne peut pas accepter ces raisons. Par conséquent, il fallait permettre à ces enseignantes qui, aujourd'hui, atteignent l'âge de la retraite, de pouvoir racheter ces années où elles avaient du quitter le monde de l'enseignement de manière qu'au moins, ayant été pénalisées une fois parce qu'elles avaient du quitter leur emploi, elles ne soient pas pénalisées une deuxième fois en devant recevoir une retraite inférieure à la suite d'une politique inacceptable. C'est un des exemples d'amélioration du régime de retraite que nous avons négociée avec la partie syndicale.

Le dernier point portera sur une amélioration de l'administration de nos régimes de retraite. C'est une simplification des procédures administratives dans beaucoup de cas quant au calcul, par exemple, du taux d'intérêt que l'on doit payer sur des remboursements de cotisation, quant à la façon de voter les crédits sur les régimes de retraite à l'Assemblée nationale, quant à la date de révision des taux de cotisation. Il y a un très grand nombre de mesures administratives qui vont faciliter la gestion et qui sont à l'avantage de tous les cotisants en général.

Il y a une modification sur laquelle je veux m'attacher, c'est celle portant sur la composition de la Commission administrative du régime de retraite. L'ancienne commission était composée de douze membres parmi lesquels siégeaient quatre représentants des employés de l'État, syndiqués ou non. Les cadres, par exemple, n'étaient pas représentés. Or, après la présentation à l'Assemblée nationale de la loi 68 qui a modifié la contribution des deux parties en faisant en sorte que, maintenant, les employés défraient la moitié du coût des régimes de retraite et le gouvernement défraie l'autre moitié, il nous est apparu qu'il n'était pas normal que les employés n'aient pas une égale voix au chapitre quant à l'application de ces régimes de retraite aux bénéficiaires qui y ont droit. Il nous est également apparu anormal que les employés de l'État n'aient pas un droit de regard sur les placements des fonds qui s'accumulent au chapitre des régimes de retraite de manière qu'ils puissent s'assurer qu'effectivement, quand viendra l'âge de la retraite, ils obtiennent tous les avantages auxquels les sommes qu'ils ont mises de côté leur donnaient droit.

Aussi, la composition de notre Commission administrative du régime de retraite sera modifiée de telle sorte que, désormais, il y aura 14 membres à la commission plus un président et que, si on examine en pratique la représentation des employés syndiqués et non syndiqués, on constate qu'ils seront à pleine parité. Je dirais même que, dans la mesure où nous acceptons d'intégrer à la représentation gouvernementale le cadre qui pourrait être appelé, par exemple, à représenter ce groupe d'employés qui, dans le passé, ne pouvaient pas participer à l'administration de la Commission administrative du régime de retraite, on pourra même dire que nous aurons non seulement la parité, mais le gouvernement pourra même être considéré comme étant moins bien représenté. (12 h 20)

Toutefois, nous le faisons dans la mesure où l'expérience que nous avons acquise, après plusieurs années de travail avec les représentants des employés syndiqués à l'ancienne Commission administrative du régime de retraite, a été fort heureuse. En fait, les relations sont excellentes, sont bonnes, et dans la mesure où, effectivement, nous ne voyons aucune raison pour ne pas penser que les employés doivent avoir véritablement une représentation équitable, désormais, les syndicats, les associations d'employés non syndiqués, les associations d'employés auront

une représentation beaucoup plus appropriée à la Commission administrative des régimes de retraite. Ils auront en fait une parité complète avec les représentants gouvernementaux et les représentants des cadres à la commission, ce qui devrait donner à ce moment-là une plus grande égalité des voix et des droits de parole lors de l'administration des décisions prises par la Commission administrative du régime de retraite. On sait par exemple que ce comité de retraite a un droit d'appel, un droit de regard sur toutes les décisions de la commission concernant l'application des régimes de retraite et que tout employé, tout bénéficiaire qui n'est pas satisfait d'une décision de la commission a recours à ce comité de retraite pour aller en appel. De fait, ce comité de retraite aura un droit final de jugement et assurera à tous les gens qui iront en appel qu'ils seront traités par des représentants à la fois de leurs intérêts mais, également, des intérêts de l'employeur, ce qui est évidemment normal.

Donc, M. le Président, je termine là-dessus, voici un projet de loi qui apportera sur plusieurs points, une bonification aux actuels régimes de retraite, qui fera en sorte que des mesures pour faciliter le plein emploi au Québec par l'introduction du temps partiel, par les prises de retraite accélérées, que ces mesures seront d'application plus facile et davantage populaires d'une part. Ce projet de loi rendra possibles également des modifications à l'administration qui permettront une représentation plus égale, plus égalitaire des employés de l'État, qui défraient la moitié du coût des régimes de retraite; il permettra également d'apporter une certaine simplification et une certaine amélioration à l'administration quotidienne des régimes de retraite qui devrait se traduire peut-être pas par des coûts inférieurs mais certainement par une facilité d'application qui fera en sorte que toutes les cotisations et tous les bénéficiaires seront placés dans des situations plus claires, plus limpides, plus faciles d'application.

Voici un projet de loi qui, je pense, devrait faire l'unanimité. Je pense qu'il témoigne en tout cas de la volonté du gouvernement de continuer à examiner de façon permanente les conditions de travail des employés de l'État et de voir à les améliorer sans cependant entraîner des coûts qui soient à ce point exorbitants que la collectivité québécoise ne puisse pas les absorber. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: M. le Président, nous allons, bien sûr, concourir très volontiers à l'adoption en deuxième lecture de ce projet de loi dont le ministre vient de nous exposer l'essentiel, dans la mesure où il apporte, autant sur le plan administratif que sur le plan du contenu des régimes de retraite, des améliorations sensibles.

Dans son intervention, le ministre a rappelé que ce projet de loi venait après le projet de loi no 68. Il ne faudrait pas que le ministre oublie de dire à la Chambre qu'autant il est vrai que les représentants des travailleurs ont pu discuter et convenir des améliorations qu'apporte le présent projet de loi aux régimes de retraite, autant ils n'ont pas concouru et accepté la modification unilatérale qui a été apportée par le projet de loi no 68 que l'Assemblée nationale a adopté sur division au mois de juin dernier. Le projet de loi no 68 était de la même nature que les projets de loi 70, 105 et 111 qui ont été tellement décriés non seulement par les employés des secteurs public et parapublic mais également par l'ensemble de la société québécoise dans la mesure où il s'agissait là de la part du gouvernement, de décisions tout à fait unilatérales.

Ce projet de loi touche et concerne des questions extrêmement importantes qui concernent au premier chef les conditions de travail des travailleurs des secteurs public et parapublic et par inférence sans doute, ceux-là même du secteur privé, dans la mesure où les conditions de travail des secteurs public et parapublic servent parfois de "modèle" -j'utilise l'expression entre guillemets - pour les conventions collectives qui sont négociées dans le secteur privé. Ces questions concernent des notions importantes qui touchent au statut même du travailleur lorsqu'on parle de congé sabbatique, de retraite anticipée, de sécurité de vieillesse, tout le problème de la mise en disponibilité, les questions des droits de la femme, par exemple, au titre des congés de maternité, tout cela en rapport avec les régimes de retraite. Effectivement, comme l'a indiqué le ministre, le gouvernement, par ce projet de loi, a convenu avec les représentants des travailleurs d'un certain nombre de modifications et de progrès dont nous ne contestons en aucune façon les mérites.

Le projet de loi permettra en effet aux employés de ne pas être pénalisés dans leur régime de retraite à l'occasion de certaines conditions particulières qu'ils sont appelés à vivre au cours de leur carrière. Ainsi, par exemple - et le ministre l'a indiqué dans son intervention - les enseignants, le monde de l'enseignement est très important dans ce projet de loi. Une enseignante forcée de démissionner pour raison de mariage et de maternité pourra, en effet, par ce projet de loi, continuer de cotiser à son fonds de retraite durant les années où elle ne travaillera pas. Elle ne sera donc pas

pénalisée pour les années perdues au niveau du travail à l'égard de son régime de retraite. Il s'agit là d'une mesure que le ministre a mentionnée et qui est extrêmement positive.

De même, pour les employés du gouvernement devant bénéficier de l'assurance-santé durant quelque temps, il est maintenant prévu que leur assureur versera la cotisation qu'en temps normal l'assuré aurait lui-même payée. Ainsi, ces jours de travail perdus pour causes de maladie ou autres, ne se répercuteront pas au niveau des prestations du régime de retraite. Cela aussi, je pense, est une amélioration qu'il faut signaler.

Je voudrais également mentionner un certain nombre d'améliorations qui nous ont davantage frappés et qui sont peut-être davantage d'intérêt pour les gens, tout le problème, également évoqué par le ministre, des congés sabbatiques à traitement différé. Ainsi, après une entente avec l'employeur, une personne soumise au régime pourra différer une partie de ses traitements, donc, accepter une baisse de ceux-ci pendant un certain nombre d'années, quatre au maximum, dans le but de couvrir son congé sabbatique. Durant cette entente, la cotisation à verser au régime de retraite sera en proportion du traitement que recevra l'employé.

Nous avons cependant un point d'interrogation. Nous pourrons en discuter lors de l'étude article par article avec le ministre. En effet, pendant le temps qu'une personne soumise au régime accepte ainsi de baisser son salaire dans le but de retirer, lors de son congé sabbatique, la partie du traitement que l'employeur gardera pendant un certain temps lui rapportera certains dividendes, intérêts ou autres. Or, nous n'avons pas vu dans le projet de loi d'endroit où il serait indiqué que cette part de l'intérêt qui devrait revenir à l'employé sera effectivement payée. Qu'est-ce qui arrivera de cette part de l'intérêt? On en reparlera au moment de l'étude article par article.

Ainsi, un employé qui décide, après entente, que l'employeur pourra garder 10% de son traitement pendant un maximum de quatre ans pour pouvoir prendre un congé sabbatique de six mois, ces 10%, si l'employé qui les a gagnés ne les avait pas mis dans cette entente, ils lui auraient rapporté des intérêts. Cette somme lui revient donc, mais il n'y a aucune garantie dans le projet de loi qu'il pourra effectivement retirer de l'intérêt sur le montant qu'il aura ainsi consenti à payer. C'est une question qu'on s'est posée sur cet aspect du projet de loi. (12 h 30)

Concernant la retraite anticipée, une personne remplissant certaines conditions, telles, par exemple, celles d'avoir 35 années de services ou d'être âgée de 65 ans, pourra anticiper sa retraite de cinq années au maximum. Cependant, la personne ne peut être admissible qu'une fois à ce plan. Ainsi, un fonctionnaire qui décide d'anticiper sa retraite à l'âge de 58 ans, par exemple, après 35 années de service et décide, un an plus tard, de revenir au travail, ne pourra plus - si on a fait une bonne lecture du projet de loi - avoir droit au plan de retraite anticipée tant qu'il n'aura pas atteint l'âge normal de la retraite. Ce n'est peut-être pas une mauvaise chose en soi, parce que probablement que le gouvernement veut éviter qu'il y ait un va-et-vient de prise de retraite anticipée et de retour au travail. Mais on pourra obtenir, je pense, au moment de l'étude article par article, certaines explications additionnelles de la part du ministre.

Concernant la mise en disponibilité, ce fameux problème, évidemment, qui a sa résonance et son écho particulier dans le domaine de l'enseignement, une personne mise en disponibilité pourra, en vertu du projet de loi, continuer à verser une cotisation à son régime de retraite le temps de cette mise en disponibilité. De cette façon, elle pourra continuer à accumuler des fonds de retraite et, dans ce sens - je pense que le ministre l'a indiqué également - ce temps de mise en disponibilité ne sera donc pas, comme c'était le cas dans le passé, une pénalité pour cette personne en regard de son régime de retraite. C'est un point qui nous semble non seulement intéressant, mais extrêmement important, surtout, comme je l'indiquais, dans le secteur de l'éducation où, depuis un certain nombre d'années, pour les raisons que l'on connaît, un très grand nombre d'enseignants sont mis en disponibilité un an ou quelquefois même davantage. Or, ces années représentaient, pour ces travailleurs qui ont à vivre la situation ou l'évolution de la structure de notre système d'éducation, une perte assez importante dans l'accumulation de leurs fonds de retraite.

De plus, le traitement étant plus bas durant cette période, les personnes touchées par cette mise en disponibilité cotiseront en proportion de leur traitement. La chose nous paraît logique puisque la cotisation à un régime de retraite ne doit pas être non plus, en aucun cas, dans toute la mesure du possible, un fardeau fiscal quelconque, additionnel, plus lourd pour le bénéficiaire. D'ailleurs, je pense que, dans le projet de loi, l'indice ne doit pas dépasser 35%, parce que, autrement, s'il n'y avait pas cette limite, cela représenterait un "trop-payé" que l'employeur s'empresserait de rembourser.

M. le Président, je voudrais également soulever le problème des congés sans traitement d'au moins 30 jours auxquels réfère le projet de loi. Un employé qui prend un congé sans solde durant une période de 30

jours ou plus, donc qui ne paie pas une cotisation pour son régime de retraite, n'ayant pas de traitement, l'employeur ne peut lui retirer sa part. Cependant, cette personne peut, à son retour au travail, si on a fait une bonne lecture du projet de loi, cotiser pour cette période. Il s'agit là également, je pense, d'une amélioration qui mérite d'être signalée. Cependant, cette personne - faut-il le préciser - devra payer 200%, je pense, de sa cotisation au régime de retraite, c'est-à-dire sa part et celle de l'employeur. Là également, la chose nous paraît normale puisque l'employeur n'a pas à débourser pour une période de temps où l'employé n'a pas travaillé sans raison valable. Comme on lui donne ainsi le choix de débourser ou non sa cotisation, l'employé ne sera donc pas pénalisé pour la période de temps où il a pris son congé sans solde.

D'autres aspects du projet de loi mériteraient d'être signalés. Le ministre, dans son intervention, en a mentionné quelques-uns. Je pense qu'il faut insister - et je suis convaincu que notre collègue, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine, le signalera également - sur les améliorations apportées par le projet de loi au titre des jours de congé de maternité. Ainsi, par exemple, les jours de congé de maternité qu'une enseignante ou une fonctionnaire peut se créditer sont portés de 120 à 130. Les personnes employées à temps partiel - cela intéresse également un très grand nombre de femmes dans les secteurs public et parapublic - retrouvent ainsi, en vertu du projet de loi, presque tous les avantages du temps complet, autant en ce qui touche le régime de retraite qu'en ce qui touche les cotisations à ce régime ainsi que les remboursements et autres considérations afférentes.

Le mot conjoint mérite également d'être signalé. La notion de conjoint est élargie par le projet de loi dans le sens des préoccupations de Mme la ministre déléguée à la Condition féminine et également de très nombreux intervenants au Québec. Dans la loi actuelle, il ne fallait pas que l'un des deux conjoints soit marié à une tierce personne, c'est-à-dire n'ait pas obtenu un divorce, alors que, dans le projet de loi que nous étudions présentement, on mentionne la notion de résidence depuis trois mois sur une base maritale, c'est-à-dire habiter ensemble, même sans être mariés, mais il n'est pas spécifié comme dans l'ancienne loi que les conjoints devront effectivement être mariés.

Le ministre a parlé également des réformes qui sont apportées à la commission administrative du rôle également de cette responsabilité administrative. Concernant la commission, M. le ministre, on ne l'a pas trouvé dans le projet de loi, on ne spécifie pas le nombre de personnes faisant partie du comité de retraite ou issu de la commission.

Faudrait-il le mentionner? Il y a des questions de quorum et de fonctionnement que nous serons appelés à étudier. Je ne veux pas allonger inutilement le débat. Je pense qu'il s'agit là, encore une fois, de questions extrêmement techniques, mais derrière toute cette technicité, cette complexité du projet de loi, on voit qu'il y a des notions extrêmement importantes qui sont en jeu: congés sabbatiques, congés de maternité, retraite anticipée, etc., qui sont extrêmement importantes lorsque l'on considère les conditions de travail des secteurs public et parapublic.

Le ministre a signalé les impacts même économiques, c'est-à-dire extérieurs aux secteurs public et parapublic, dans la mesure où la notion de retraite anticipée, de congé, de travail à temps partiel risquent de créer des possibilités d'emploi pour un très grand nombre de travailleurs. Il ne s'agit pas de penser que cela est une mesure extrêmement significative de redressement économique, mais je ne voudrais pas non plus diminuer l'importance et la signification de ce projet de loi au plan économique, comme le ministre l'a indiqué. Comme je vous l'ai signalé, nous voterons sans aucune réserve pour le principe de ce projet de loi qui, comme le ministre nous l'a dit, a fait l'objet de négociations et d'ententes avec les représentants des employés des secteurs public et parapublic. C'est dans ce sens que nous croyons qu'après cet épisode combien malheureux que l'on a connu au terme des négociations dans le secteur public et parapublic, le gouvernement ajuste quelque peu son tir, panse certaines blessures graves qu'il a causées pour les raisons que l'on sait et que l'on a signalées à maintes reprises au gouvernement, c'est-à-dire un manque de prévision et une mauvaise gestion du gouvernement au titre de la négociation des conditions de travail des secteurs public et parapublic.

Comme le gouvernement semble s'amender sur un certain nombre d'aspects, peut-être pas majeurs, mais néanmoins importants, nous voulons bien prendre avec lui acte des corrections qu'il apporte lui-même aux erreurs graves qu'il a commises dans ce domaine.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je pense que tous mes collègues qui sont intervenus jusqu'à ce moment-ci sur ce projet de loi ont prévu mes interventions. C'était juste de les prévoir, puisque ce projet concerne entre autres les femmes. Peut-être pour relever certaines remarques du député de Jean-Talon, si le gouvernement

a manqué dans l'aspect de ses prévisions et de sa gestion, je pense qu'il n'est pas le seul. Cela concerne peut-être, si on veut, dans ces périodes difficiles, parce qu'il y a beaucoup d'autres entreprises, d'autres gouvernements, et je pense même des mouvements syndicaux qui ont trouvé la crise particulièrement difficile. Ils tentent de trouver les moyens les plus adéquats possible pour y répondre en tentant d'atténuer les effets de ces moyens choisis et peut-être qu'aujourd'hui, l'étude de ce projet de loi nous amène justement à constater qu'il est cependant possible d'apporter une certaine bonification à des gestes qu'on devait forcément poser.

Il a été souligné aussi par mes collègues de cette Assemblée que ce projet de loi était très technique. Je pense que c'est très juste, mais - cette haute technicité du projet de loi ne doit pas nous faire oublier qu'il s'agit essentiellement dans ce projet d'amélioration ou de bonification concernant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic. J'espère aussi, chaque fois qu'on pose ce genre de gestes, qu'on les discute avec nos partenaires qui finiront par avoir des impacts sur le secteur privé. (12 h 40)

On dit que les objectifs de notre gouvernement, c'est entre autres à l'égard des négociations avec nos employés des réseaux parapublics, d'atteindre une certaine forme de parité avec le secteur privé. Je pense qu'il faudrait aussi que le secteur privé se penche, à l'occasion, sur les mesures que nous choisissons de privilégier, particulièrement dans les régimes de retraite, et que cela vienne peut-être bonifier certains régimes qui sont offerts à leurs employés ou qui sont discutés avec leurs employés. Je dois vous dire que je pense particulièrement, à ce moment-ci, aux problèmes de discrimination - j'y reviendrai - reliés aux avantages sociaux. On sait qu'on a éliminé cette possibilité dans la Charte des droits et libertés de la personne que nous avons amendée, mais le débat n'est pas terminé et j'espère que ce que nous posons comme geste nous amènera à apporter des conclusions positives à ce débat, de sorte qu'on élimine effectivement la discrimination au niveau des avantages sociaux.

Je vais m'arrêter sur les principaux éléments du projet de loi qui concernent les femmes. J'aimerais cependant souligner, au départ, deux éléments que mes collègues ont aussi repris, mais je pense que cela fait partie du corps même du projet de loi et il m'apparaît important qu'on s'y arrête. Ce sont, d'une part, les perspectives d'une simplification de l'administration des régimes et cela va dans la perspective de la politique gouvernementale. Nous éliminons beaucoup de délais, donc, certaines tracasseries administratives qui n'existeront plus et heureusement, je pense, parce que certains de ces délais amenaient des gens à être pénalisés à long terme et de façon importante si ces délais n'étaient pas respectés.

C'est un peu bête, finalement, que, pour quelques jours, parfois, avant d'annoncer, en fait, ou de demander qu'on puisse participer à certains aspects du régime, on perde pendant des années un avantage relié à une rente. L'élimination de ces délais va aussi dans la perspective d'une déréglementation à laquelle le gouvernement tente de s'attaquer le mieux possible, de telle sorte qu'on élimine ces embêtements administratifs, et parfois même inutiles, et qu'on rétablisse une certaine équité dans le système.

L'autre élément, avant que j'aborde cette question qui concerne les femmes, en particulier, c'est la modification des structures chargées d'administrer les régimes de pension et d'assurances. Nous arrivons à une proposition qui est un projet de parité dans une des principales structures de la commission et je pense particulièrement au comité de retraite paritaire qui sera composé du président-directeur général de la commission et de quatorze membres dont ce comité décisionnel, en regard de l'administration des décisions relatives aux participants du RRE, du RRF, du RREGOP, tous ces termes qu'on retrouve très bien définis dans le projet de loi. J'aimerais m'arrêter essentiellement sur sa composition.

On y parle du président de la commission et de quatorze autres membres nommés pour une période qui n'excède pas deux ans, dont huit, entre autres, seront répartis de la façon suivante: une personne qui représente le personnel non syndicable, le personnel d'encadrement, un représentant de chacune des centrales syndicales, soit la CSN, la CEQ et la FTQ, et trois représentants des groupements d'associations de salariés et enfin un représentant des bénéficiaires du régime, ce qui est intéressant dans ce projet de loi et qu'il m'importait de souligner ce matin.

Je vais m'arrêter maintenant en tentant de traiter de façon bloquée, si on veut, les mesures qui concernent particulièrement les femmes qui sont effectivement des bonifications. D'abord, les dispositions reliées au congé de maternité. Ces dispositions vont maintenant permettre en tout temps de faire créditer une période de congé de maternité. Une personne qui est en congé de maternité ne subit pas de perte au niveau de sa rente de retraite puisque cette période lui est comptée comme du temps travaillé, mais elle doit toutefois faire une demande à ce sujet. La modification suggérée ici enlève les délais qui étaient prévus pour faire une demande; ceci afin que

cette période soit créditée.

Les dispositions reliées au congé de maternité permettront aussi le rachat - on l'a déjà dit - d'un congé sans traitement même s'il est suivi d'un congé de maternité. Les dispositions actuelles ne permettent le rachat d'un congé sans traitement que s'il est suivi d'un retour au travail, condition non remplie évidemment par les personnes qui prennent à la suite un congé de maternité sans solde; c'est donc avantageux pour les femmes.

Le projet de loi propose aussi d'augmenter à un maximum de 130 jours ouvrables le nombre de jours pouvant être crédités à un employé en congé de maternité. Mon collègue de Jean-Talon le soulignait sans expliciter cela davantage. C'est vrai que c'est une amélioration pour les femmes. Pourquoi procède-t-on de cette façon? Pourquoi allonge-t-on? Parce qu'il est prévu que, si l'état de santé de l'enfant le justifie, on peut prolonger ce congé de maternité de 20 semaines qu'il est à 26 semaines. Si ce n'était pas prévu dans le régime de retraite, ces six semaines nous excluaient de cet avantage. C'est pour cette raison, entre autres, qu'on a augmenté le maximum de jours ouvrables. C'est un premier volet.

Le deuxième volet, ce sont les dispositions reliées au rachat des crédits de rentes. Une autre disposition permettra en tout temps le rachat d'un congé sans traitement au RREGOP. Les dispositions actuelles permettent le rachat si la demande est faite à l'intérieur d'un certain délai, toujours. Les modifications proposées éliminent le délai tout en prévoyant un paiement d'intérêt si la demande de rachat est faite après la fin de l'année civile au cours de laquelle le congé se termine. C'est avantageux pour les personnes qui prennent un congé sans solde. Ce sont surtout des femmes. Mon collègue, le président du Conseil du trésor, soulignait que l'un ou l'autre des conjoints peut se prévaloir de cette mesure et prendre un congé sans solde. Ce sont encore beaucoup de femmes qui sont concernées, mais la proportion augmente du côté des hommes. C'est heureux parce que cela va, entre autres, dans le sens d'une égalité. Peut-être bien que les hommes, se sentant un peu plus responsables de leurs enfants, commencent à s'en occuper à leur tour.

Cela peut être aussi des congés... J'entends dire qu'on trouve cette remarque dure, mais enfin elle est la réalité, malheureusement, réalité qu'on tente de corriger et j'espère qu'on y arrivera. C'est un peu long de changer les mentalités, je pense que tout le monde en conviendra.

Cependant, cette modification sur le rachat en tout temps d'un congé sans traitement, même si elle se fait en dehors des délais prévus et qu'il y a un intérêt qui est facturé, ce qui est assez normal, cela permet à des gens qui auraient moins de disponibilité financière de racheter ces crédits de rentes à un moment où leur disponibilité est plus grande. Cela est aussi un avantage qui n'est pas mentionné souvent, mais qui est là. Le projet permettra aux personnes qui travaillent à temps partiel de racheter des crédits de rentes et ainsi de ne pas être pénalisées au moment où elles prennent leur retraite. C'est assez important. En soi, la mesure est intéressante, mais elle est significative d'une orientation qui a été prise relativement au travail à temps partiel et on parlera davantage de congé à mi-temps que de travail à mi-temps. C'est une philosophie qu'on essaie de développer et qui place le travail à temps partiel dans une tout autre perspective que celle selon laquelle on aborde habituellement cette question.

Il y a aussi une autre modification à laquelle je faisais référence lors de mon introduction. Cette modification propose l'établissement de tables de primes unisexes aux fins de l'achat des crédits de rentes. C'est une question qui a toujours l'air très compliquée; mais finalement elle ne l'est pas tant que cela. Se basant sur le fait que les femmes vivent plus longtemps, on doit donc leur payer des rentes pendant de plus longues périodes. On dit: Comme on doit leur payer des rentes pendant de plus longues périodes, on va leur donner un montant un peu plus bas, parce qu'elles vont en avoir plus longtemps. Si elles veulent donc avoir au total le même montant, il sera plus petit pendant plus longtemps. Je dis que les femmes devront être pauvres pendant plus longtemps. Cela n'existe pas dans nos régimes, mais cela existe dans les régimes privés, ce que je voudrais d'abord corriger au moment où on va réexaminer les avantages sociaux par l'étude des règlements modifiant la Charte des droits et libertés de la personne.

Cependant, dans notre régime, on payait plus cher notre crédit à l'achat si on était une femme, puisqu'on disait: Soit qu'on le paie plus cher à ce moment-ci pour avoir le même gain par la suite, ou qu'on ait un gain plus bas en payant le même prix au moment où on les achète. Cela, c'est corrigé. Je suis particulièrement heureuse que ce soit corrigé parce que je pense que, si on se met à regarder un certain nombre d'autres facteurs, - évidemment, il y a notre longévité, notre capacité de vivre plus longtemps - je pense qu'il y en a un certain nombre qui ont un impact sur l'aspect de durée de vie des personnes qui n'est pas nécessairement lié au sexe.

Cela nous amènerait peut-être à nous poser un certain nombre de questions. Sans doute que, si on faisait une étude, on

constaterait que les fumeurs et les non-fumeurs ont une durée de vie moyenne différente. On constaterait sans doute aussi que les personnes qui, par exemple, perdent des points de conduite sont des risques plus élevés. On l'a constaté dans les régimes d'assurance automobile, cela représente des risques plus élevés quant à leur vie. On constaterait un certain nombre de facteurs comme ceux-là qui font que le sexe deviendrait peut-être plus secondaire si on se posait ce type de question sur la notion de risque. (12 h 50)

Les femmes étant plus conscientes de l'importance de la qualité de la vie y accordent peut-être plus d'attention, ce qui fait que leur longévité est d'autant prolongée. Nous corrigeons ici au niveau du rachat, ce qui est une amélioration, en espérant que les entreprises privées s'en inspireront. Je le souhaite fortement.

Enfin, il y a des dispositions reliées aux enfants à charge. Il y a une proposition qui vise à limiter à 90% la pension de la personne décédée, l'ensemble des bénéfices payables aux ayants droit, et reconnaît le droit à ces bénéfices à tous les enfants de cette personne. C'est ce que soulignait tout à l'heure mon collègue de Jean-Talon. Comme existent maintenant de plus en plus des unions de fait, des séparations, des divorces - c'est malheureux, mais c'est un fait, c'est un constat qu'on doit faire - il y a donc des enfants de différents mariages qui peuvent être présents dans la situation concernée par la personne qui lègue une partie de son régime ou les effets de son régime, ou qui peuvent être nés d'unions de fait. Donc, ils pourront être reconnus par cette correction apportée au projet.

Enfin, mon collègue, le président du Conseil du trésor, s'y est arrêté tout à l'heure, et même si ça ne concerne que quelques personnes, je pense que ça vaut la peine de le souligner. Il a dit que c'était peut-être une réalité sociale avec laquelle on avait appris à vivre. Il s'agit du fait que certaines personnes, des femmes, parce qu'elles décidaient de se marier ou d'avoir des enfants, lorsqu'elles étaient dans l'enseignement en particulier, devaient quitter leur emploi, devaient carrément démissionner. Certaines de ces femmes ont été pénalisées et le projet de loi tente de corriger ce qui leur est arrivé en leur permettant de remettre les cotisations qu'on leur avait remboursées au moment de leur congédiement.

C'était peut-être un phénomène social qu'on acceptait à ce moment-là, qui n'est jamais acceptable en soi, me semble-t-il, mais enfin on l'acceptait à ce moment-là. Je voudrais l'utiliser un peu, deux secondes ou deux minutes, pour parler des programmes d'accès à l'égalité. Des gens ont de la difficulté à comprendre pourquoi les femmes, des groupes de femmes de même que d'autres groupes de la collectivité se battent pour faire un rattrapage un petit peu plus rapide dans les conditions de travail ou dans l'accès à certains services en implantant entre autres ce que l'on appelle des programmes d'accès à l'égalité.

Des gens disent: Pourquoi veut-on aller si vite? Laissons faire les choses. Dans 50 ans, probablement que les femmes composeront la moitié de cette Assemblée nationale. Je suis un peu plus impatiente que cela, je n'ai pas le goût que cela prenne 50 ans et je dis qu'il faut faire des programmes d'accès à l'égalité; il faut prendre des mesures correctives.

Quand on constate que des choses comme celles-là ont existé, non pas il y a 50 ans, non pas il y a 60 ans, mais il y a à peine 10 ou 15 ans, je me dis que c'est peut-être normal que maintenant, à cause de cette discrimination qu'on a vécue dans le temps, qui était carrément injuste même au plan humain tout simplement, on ait le goût de se rattraper et d'aller un petit peu plus vite dans les corrections des discriminations.

D'ailleurs, parfois, en période de crise en particulier, je me dis que ces vieux réflexes reviennent un peu à la surface. J'ai participé à quelques reprises à des lignes ouvertes ou à des discussions avec des personnes peut-être moins préoccupées que je ne le suis, comme ministre à la Condition féminine, de cette question d'équité concernant les femmes et la réflexion venait parfois. Je me disais: Mon Dieu! on n'a pas beaucoup de respect humain pour la faire encore, mais enfin elle venait: Pourquoi les femmes ne retourneraient-elles pas à la maison pour laisser la place aux vraies personnes qui devraient travailler, les pourvoyeurs qui sont évidemment les hommes? Je me dis que c'est ce vieux réflexe qu'on avait où les femmes étaient considérées comme dépendantes, non autonomes, devant se fier essentiellement à un pourvoyeur, et cette notion d'égalité n'existait pas, tout compte fait. Je me dis que parfois cela surgit de nouveau, malheureusement. J'espère qu'avec le temps, ce type de comportement disparaîtra complètement de nos discours et de nos interventions.

J'ai tenté de faire le tour de l'ensemble des éléments du projet de loi qu'il me paraissait important de souligner à ce moment-ci et qui ont un impact sur les participantes au régime; aussi sur cet aspect de déréglementation, de simplification, d'élimination des délais et cette approche d'une plus grande parité dans la prise de décision par le fait, d'ailleurs, que ce sont les personnes qui participent, qui contribuent au régime et qui en ont aussi les bénéfices, si on veut, de sorte qu'elles y trouvent une

place au niveau du processus décisionnel.

Pour toutes ces raisons, je ne peux que me réjouir du projet de loi que nous étudions aujourd'hui et il est évident que je vais l'appuyer. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. L'horloge indique qu'il reste quatre minutes. Comme mon intervention sera courte, mais pas à ce point que je puisse espérer la terminer dans l'espace de trois minutes, je demanderais la suspension du débat.

Le Vice-Président (M. Jolivet):

L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

(Reprise de la séance à 15 h 05)

Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Vous pouvez vous asseoir.

Nous reprenons le débat de deuxième lecture du projet de loi no 21, Loi modifiant les régimes de retraite et diverses dispositions législatives.

La parole est au député de Louis-Hébert. M. le député.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. Le projet de loi no 21 qui nous est présenté par le gouvernement, plus particulièrement par le président du Conseil du trésor et ministre délégué à l'Administration, est un projet de loi très éclectique qui couvre une variété de sujets. On apprend, en feuilletant ce projet de loi qui est quand même considérable étant donné qu'il contient 115 pages, qu'il modifie au moins quatorze lois différentes. Il serait illusoire, M. le Président, n'étant pas un expert et n'étant pas un actuaire non plus, de penser en faire le tour. Cependant, les quelques connaissances que j'ai et les rencontres que j'ai eues avec un certain nombre de personnes m'obligent à porter à la connaissance du gouvernement un certain nombre de choses.

D'abord, ce projet de loi se situe dans la suite d'un certain nombre d'événements législatifs qui ont, pour employer une expression populaire, donné mauvaise bouche aux gens qui, justement, vont être affectés par ce projet de loi. On ne peut pas croire qu'on puisse subir les effets de lois que j'hésite presque à nommer, étant donné que cela a été fait si souvent ici, à l'Assemblée nationale, comme les lois nos 68, 70, 111, etc., et arriver avec un projet de loi qui, évidemment, tente de corriger certaines situations déficientes sans que les gens qui devraient, qui doivent ou qui devront, plus exactement, bénéficier des dispositions de ce projet de loi se méfient un tantinet. Il est dans la nature humaine de se méfier quand on a été "maltraité" de quelque façon. J'emploie ce mot entre guillemets, ne trouvant pas, pour le moment, d'autres mots. On dit, en langage populaire encore, que chat échaudé craint l'eau froide. Pourtant, c'est l'eau chaude qu'il devrait craindre et il craint l'eau froide. Pourquoi? Parce que c'est de l'eau.

Je veux bien croire aux bonnes intentions du gouvernement, aux bonnes intentions du ministre et du président du Conseil du trésor en ce qui concerne les situations qui doivent être corrigées par ce projet de loi. Cependant, force m'est de rappeler que des gestes ont été posés récemment, des gestes pensés, des gestes planifiés, des gestes envers la fonction publique, des gestes envers les travailleurs et les travailleuses des hôpitaux, des gestes envers les enseignants et les enseignantes, qui les ont mis dans une situation pire que celle qu'ils connaissaient avant l'intervention du gouvernement. Qu'on ne se surprenne pas qu'on exprime, de la part de ces gens que je viens de mentionner, une certaine crainte vis-à-vis les interventions futures du gouvernement, quelles qu'elles soient, en ce qui les concerne.

Il serait contraire à la nature humaine que de pouvoir croire une telle chose. C'est dans cette ligne de pensée que je dis au ministre: il faut que vous alliez plus loin dans certains domaines. Il faut que vous fassiez certains ajustements. Je fais référence plus particulièrement à une première chose qui me frappe en ce qui concerne le congé sabbatique à traitement différé. Je ne pense pas qu'on puisse chercher querelle au ministre président du Conseil du trésor ni au gouvernement. D'ailleurs, c'est une de nos suggestions, c'est une des avenues que nous avions suggéré d'explorer pour la solution du problème auquel avait à faire face le gouvernement quand il s'est agi de diminuer les coûts attachés au paiement des salaires des enseignants et des enseignantes. Nous avions nous-mêmes, de ce côté-ci de la Chambre, suggéré d'explorer cette avenue. Maintenant, le ministre, dans ce projet de loi no 21, fait état de la possibilité d'un salaire moindre dans l'espace de quatre ans pour pouvoir permettre à des enseignants et à des enseignantes de disposer d'une année de congé sabbatique.

Très bien. Nous en sommes. Pas de problème, nous sommes d'accord avec cela. Cependant, il faudrait penser que sur les fonds épargnés par le gouvernement, étant donné qu'il devra faire des déductions

salariales de l'ordre d'un quart, 25%, sur le salaire annuel des enseignants et des enseignantes qui voudront se prévaloir de cela, il faut que le gouvernement pense que ces fonds qui ne seront pas déboursés, ces subventions, j'imagine, qui ne seront pas versées aux commissions scolaires parce que le besoin ne sera pas là pour des salaires qui ne devront pas être payés dans telle année, vont rapporter des revenus et vont payer des intérêts. Ce que je demande au président du Conseil du trésor et au gouvernement, c'est de tenir compte de ces revenus dont va profiter le gouvernement du fait qu'il n'aura pas, pendant l'espace de quatre ans, à payer 25% du salaire de quelqu'un ou de quelqu'une qui décide de se prévaloir de ce congé sabbatique à traitement différé. Avec les taux d'intérêt qu'on connaît, avec aussi le temps - parce qu'il pourra s'écouler, sur un traitement donné, une période de quatre ans le gouvernement va donc profiter de l'intérêt de 25% du salaire pendant quatre ans pour la première année de celui ou de celle qui voudra avoir un congé sabbatique à traitement différé. L'année d'après, ce sera pendant trois ans, deux ans et finalement un an. Je ne trouve nulle part dans la loi de disposition qui tienne compte de cette épargne de fonds que fera le gouvernement. Je pense qu'en toute équité, en toute honnêteté, en toute justice et en toute comptabilité purement et simplement on devrait en tenir compte. Je demande au ministre de m'indiquer dans sa réplique s'il a l'intention de tenir compte de cela, s'il a l'intention de faire un effort pour ajuster la loi pour tenir compte de cette épargne que fera le gouvernement. Je ne veux pas en parler plus longtemps. Je pense que je me suis fait comprendre là-dessus.

Je voudrais aussi dire un mot sur le fait que la retraite anticipée est une chose qui doit être rendue possible avec le moins de dommages possible pour ceux qui décident d'en prendre avantage. Je crois qu'il y a un effort de fait de ce côté-là, mais je pense que cela devrait peut-être aller plus loin. Il y a des personnes qui, rendues à 55 ans, ont travaillé suffisamment longtemps, ont donné le meilleur d'elles-mêmes, ne sont plus disponibles ou aptes à apprendre de nouvelles techniques, à exercer de nouveaux métiers ou une nouvelle profession ou à faire la bifurcation qu'imposeraient les changements technologiques. Je pense que, dans des cas semblables, le gouvernement devrait permettre une retraite anticipée plus facile. Je pense, plus particulièrement, aux personnes que nous appelons, par euphémisme, les fonctionnaires ou les enseignants, en tout cas les personnes des secteurs public et parapublic sous-utilisées ou inutilisées, celles qu'on a qualifiées de "tablettés".

Ces personnes coûtent très cher à l'État. Elles souffrent d'une situation qui leur est imposée, à la suite de situations de conflit personnel avec lesquelles elles doivent vivre et dont elles ne sont très souvent pas responsables, à la suite de changements d'orientation qui leur ont été imposés, à la suite de changements de direction dont elles dépendent. Ce personnel sous-utilisé ou inutilisé devrait pouvoir profiter des avantages de la retraite anticipée, et ce dès l'âge de 55 ans, avec possiblement certaines pénalités qui pourraient faire en sorte que ces personnes aient un prix à payer. D'un autre côté, - je ne comprends pas très bien le projet de loi à ce sujet, si le ministre veut m'éclairer, il le fera - il faudrait qu'elles puissent se retirer honorablement de l'enseignement, se retirer de la fonction publique, se retirer du secteur hospitalier. Sans qu'elles le veuillent, d'une façon involontaire, elles sont devenues un boulet jusqu'à un certain point pour l'ensemble des contribuables québécois; un boulet financier, puisqu'on leur paie leur plein salaire et, finalement, elles sont les premières à l'admettre, elles ne gagnent pas leur sel. Elles ne demanderaient pas mieux que de faire des concessions financières acceptables, qu'elles pourraient discuter de façon à pouvoir se retirer honorablement de la fonction publique, du secteur public ou parapublic tout en cessant d'être payées et tout en profitant d'une retraite qui soit acceptable, d'une retraite qui soit raisonnable.

Dans ce domaine, il faudra que le gouvernement fasse des efforts particuliers.

Il devra tout d'abord très spécifiquement de faire l'inventaire précis du nombre de personnes qui seraient affectées par de telles mesures. Pour faire cet inventaire, il faudra qu'on reconnaisse que le problème existe. Il faudra qu'on voie que telle chose existe à l'intérieur de la fonction publique, à l'intérieur du monde enseignant, à l'intérieur du secteur hospitalier, que du personnel sous-utilisé ou inutilisé. Il faudra qu'on reconnaisse cela. Ce n'est pas l'apanage exclusif de ce gouvernement. Je ne lui lance pas la pierre d'avoir inventé cette situation de fait, mais étant donné qu'il nous arrive avec un projet de loi volumineux de 114 pages, le projet de loi no 21, je lui demande de faire un effort maintenant pour corriger cette situation.

C'est le temps de faire ça, c'est le temps de faire un inventaire et c'est le temps de faire des propositions précises. Cela peut être fait à un coût raisonnable. Tout compté, je pense qu'on pourra facilement en venir à la conclusion que ça coûtera moins cher au trésor public, ça coûtera moins cher en deniers publics de proposer une retraite dans des termes non pas d'une extrême générosité, mais dans des termes acceptables à des gens qui veulent se

retirer du domaine où ils sont actuellement de façon qu'ils puissent utiliser leurs énergies à autre chose. Je demanderais au président du Conseil du trésor de faire en sorte que cet inventaire se fasse, cette prise de conscience du personnel non utilisé dans le secteur public, dans le monde du travail des secteurs public et parapublic.

Dans les prochains jours, j'imagine, le projet de loi sur la disparition du ministère de la Fonction publique sera présenté. Le moment est choisi, tout concourt pour qu'on réalise que ce problème existe et qu'on fasse un effort concerté, un effort réfléchi, un effort réel pour régler ce problème. Cela peut être fait maintenant à la condition qu'on réalise que le besoin est là. Tout ce qu'il manque maintenant, c'est une volonté de la part du gouvernement.

Je ne peux absolument pas non plus, en tant que représentant de ma formation politique dans ce domaine, passer sous silence l'injustice criante qui dure depuis de nombreuses années en ce qui concerne les religieux et les religieuses laïcisés sécularisés. Ce problème a été exposé de toutes les façons, à tous les niveaux, il a été expliqué de long en large. Il y a des gens dont le dévouement est absolument sans borne et qui, depuis de nombreuses années, tentent d'expliquer à toutes les instances et à toutes les occasions l'acuité du problème auquel ils ont à faire face. Malheureusement, c'est toujours une occasion ratée après une autre occasion ratée. Mais la situation ne peut pas durer indéfiniment. (15 h 20)

Je pense que le gouvernement a une responsabilité, premièrement, de réaliser qu'il y a des situations injustes qui peuvent exister. Quand on a réalisé cela, il il faut faire un effort pour les corriger. C'est le gouvernement qui a cette responsabilité. On doit réaliser que la situation des enseignants sécularisés après 1965 a été, d'une façon très discriminatoire, à l'encontre de leurs intérêts. C'est une situation dont ils sont, à proprement parler, les victimes.

J'écoutais le ministre, tout à l'heure, qui faisait état des améliorations qu'on trouvait dans le projet de loi qui acceptait ce que notre société en est venue à accepter, c'est-à-dire des unions matrimoniales qui, auparavant, auraient fait l'objet d'une condamnation sociale.

Dans la même ligne de pensée je fais appel au ministre pour que, ayant réalisé cela et dans la ligne du même raisonnement que celui qu'il tient au sujet des conjoints et des conjointes, des compagnons et des compagnes, des retraités futurs ou présents, il tienne compte aussi de l'évolution de notre société en ce qui concerne les religieux et les religieuses sécularisés après 1965. Leur situation économique au sujet de la retraite est catastrophique et intenable. Je ne pense pas que le gouvernement puisse même feindre actuellement de l'ignorer. La connaissant - elle lui a été expliquée en commission parlementaire et de différentes façons à tout moment donné - je demanderais au ministre d'en tenir compte et de faire en sorte qu'elle soit corrigée; que le ministre profite du projet de loi no 21 pour y insérer des dispositions qui corrigeraient la situation.

Je sais, parce que j'en ai été informé personnellement, que les personnes qui sont des représentants autorisés de ces religieux et religieuses sécularisés sont prêtes à rencontrer le ministre, à lui expliquer leur situation, à faire savoir comment pourrait être corrigé leur problème. Dans les circonstances je fais appel à la bonne foi du ministre, à son esprit d'équité et de justice; je fais appel au même raisonnement qu'il tenait il y a quelques minutes, avant que nous n'allions prendre le déjeuner, M. le Président. Il nous disait que notre société a évolué. Ce qui était inacceptable pour nos pères est effectivement devenu acceptable pour nous maintenant. Dans les circonstances, M. le Président, ne pouvant m'adresser au ministre, je le fais par votre intermédiaire sachant qu'il m'écoute attentivement j'espère, je lui demande de faire cet effort et de poursuivre plus loin son raisonnement. Si c'est bon pour un groupe, c'est bon pour l'autre.

Je n'ai pas de démonstration à tout casser à faire de cela, je n'ai pas comme il le fait très souvent, à sortir ma petite calculatrice. Il va le comprendre sans que j'aie à le faire. Ce n'est pas une question de sinus et de cosinus, c'est le simple bon sens. À partir de là, je fais appel au ministre. Qu'il laisse sa calculatrice dans ses poches et qu'il accepte le principe. Qu'il regarde la question d'équité et la question de principe, il sortira sa calculatrice après pour faire ses calculs. Qu'il regarde le fond du problème.

C'étaient les questions que je voulais soumettre à cette Assemblée, c'était ce que je voulais demander au gouvernement de considérer dans ce discours de deuxième lecture. Je suis d'accord avec le projet de loi, ma formation politique est d'accord avec le projet de loi, nous vous soulignons que des améliorations peuvent être apportées, qui doivent être apportées. Nous demandons, parce que c'est encore le temps de le faire, au ministre de bien vouloir se pencher sur ces problèmes que j'ai énumérés. Si jamais il peut le faire, comme je pense qu'il est de son devoir de le faire, il pourrait considérablement bonifier le projet de loi à l'étude devant nous.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le président du Conseil du trésor et ministre délégué à la Réforme administrative, votre droit de réplique.

M. Yves Bérubé (réplique)

M. Bérubé: Merci, M. le Président. Merci, M. le whip, votre présence m'est chaude au coeur.

Ma réplique ne saurait être très acerbe dans la mesure où je n'ai entendu que des appuis de part et d'autre de la Chambre au projet de loi qui a été déposé. Je pense qu'il faut reconnaître que ce n'est pas un projet de loi pénalisateur, au contraire, c'est un projet de loi à l'avantage des employés du secteur public qui bonifie des conditions de régime de retraite et qui, je pense, sera apprécié de tous, d'autant plus qu'il permet en même temps de mettre en place des politiques pour mieux utiliser les effectifs à l'emploi de la société québécoise et, de ce fait, ne peut être qu'apprécié de l'ensemble de nos concitoyens.

Je reprendrai quand même certaines réflexions qui ont surtout abordé des points extérieurs au sujet. C'était assez intéressant d'entendre le député de Louis-Hébert me recommander de ranger mon ordinateur loin de moi et de m'engager sur le principe pour, une fois que je me serais engagé sur le principe, sortir mon ordinateur. C'est bien là le député de Louis-Hébert. J'ai commencé par sortir mon ordinateur avant de discuter de principe et, malheureusement, mon ordinateur m'a enseigné que s'engager sur des principes était parfois très aléatoire. Ainsi, le point soulevé par le député de Louis-Hébert peut se résumer de façon très simple. Des religieux ne participaient pas aux régimes de retraite de l'État, étant entendu que leur communauté religieuse leur assurait le toit, l'asile, lorsque viendrait le moment de prendre leur retraite. Le problème s'est posé, cependant, lorsqu'un grand nombre de nos concitoyens religieux ont quitté les ordres et, souvent, ont continué à travailler, soit dans le secteur de l'éducation où ils étaient ou ailleurs. Ils se sont donc retrouvés sans pension assurée pour leurs vieux jours. Il y avait un cas particulier assez évident. C'était le cas de deux personnes, un ex-religieux, et un laïc, qui, dès le départ, avaient fait carrière toute leur vie dans l'enseignement, dans la même école. L'un se retrouvait avec une pension, l'autre sans pension. Face à cette situation, le gouvernement s'est laissé attendrir et, il y a quelques années, nous avons déposé à l'Assemblée nationale un projet de loi qui a été adopté, la loi no 60, et qui a permis à ces ex-religieux enseignants de racheter une partie des années antérieures, non pas toutes. Ils avaient également droit à des crédits de rente pour les années qu'ils ne pouvaient pas racheter.

À cet égard, j'ai le plus grand respect pour la patience et la persévérance du groupe Dolbec qui ne manque pas, sans doute à tous les jours, d'assaillir le bureau du député pour faire pression sur lui, comme il le fait d'ailleurs sur tous les députés du parti de ce côté-ci de la Chambre. Et je peux comprendre que le député de Louis-Hébert finisse par se laisser tenter par l'idée que, déjà, ce que nous avons offert n'était peut-être pas suffisamment généreux, qu'il faudrait aller plus loin, qu'il faudrait peut-être accorder la pleine reconnaissance, tel qu'il le demande.

Ceci ne coûterait pas cher, M. le Président; seulement 78 000 000 $. Je m'excuse d'avoir pris ma calculatrice avant de m'être engagé sur le principe, mais quand même. Cela ne coûterait que 78 000 000 $. Mais il y a un problème, M. le Président. Notre charte des droits, que l'Opposition libérale respecte, on le sait - elle en profite pour dénoncer tout geste de l'Assemblée nationale qui pourrait être en violation avec la charte des droits - dit qu'on ne peut faire de discrimination sur la base du statut. Il est gênant, à ce moment-là, de ne pas appliquer cette même générosité non seulement aux ex-religieux, mais également aux religieux. Pourquoi un religieux serait-il traité différemment par le député de Louis-Hébert qu'un ex-religieux? À moins de porter un jugement moral sur le fait que la personne a quitté les ordres, ce qui ne m'apparaît pas approprié certainement et n'est certainement pas dans l'esprit du député de Louis-Hébert, sans aucun doute. Si je voulais, au nom de l'équité la plus complète, traiter religieux et ex-religieux sur la même base, il faudrait que j'ajoute 500 000 000 $. Je m'excuse, M. le Président, d'utiliser mon ordinateur, c'est 500 000 000 $. (15 h 30)

Mais j'ai un problème. Il existe à Hydro-Québec des employés qui avaient travaillé dans les anciennes sociétés nationalisées au moment de la création d'Hydro-Québec. Ces concitoyens, parce qu'ils n'avaient pas contribué à des régimes de retraite aussi généreux que ceux d'Hydro-Québec, n'ont pas droit à des rentes, des pensions aussi généreuses que leurs collègues avec qui ils travaillent. Iniquité, me diriez-vous, M. le Président. Peut-être pas vous, mais vous vous feriez l'interprète du député de Louis-Hébert pour me transmettre sa perception. En effet, si on est pour traiter les ex-religieux d'une façon, il faut traiter également tous nos concitoyens qui ont gagné leur vie dans des entreprises et qui n'ont pas eu la chance au début de leur carrière de profiter des mêmes régimes de retraite que ceux avec qui ils travaillent maintenant. Cela ne coûterait que 200 000 000 $. Je m'excuse de prendre mon calculateur à nouveau, mais malheureusement il faut le calculer, 200 000 000 $. 500 000 000 $ plus 200 000 000 $, cela fait 700 000 000 $, plus 78 000 000 $, cela fait 778 000 000 $, M. le Président, ce que vient de demander le

député de Louis-Hébert au nom de la plus grande équité. D'ailleurs, je vois le député de Brome-Missisquoi qui rigole en arrière de votre trône, M. le Président. Je vois également qu'il est, lui aussi, saisi par l'ampleur des chiffres. Il faut parfois, effectivement, faire un petit calcul avant de s'engager sur des principes.

Ce n'est pas tout, M. le Président. Il y a dans tout le réseau des affaires sociales, et mon collègue des Affaires sociales pourrait en témoigner, un grand nombre de nos concitoyens qui travaillaient dans les hôpitaux avant que le ministère n'assume la responsabilité de ces institutions de santé. Ils n'ont pas droit, non plus, à des pensions aussi généreuses que leurs concitoyens qui ont eu la chance de participer toute leur vie au régime de retraite du gouvernement. Si on est pour le faire pour les ex-religieux, pour les religieux, pour les employés d'Hydro-Québec ayant participé aux entreprises dites nationalisées, il faudrait le faire pour les employés du réseau des affaires sociales qui, également, se retrouvent avec une pension moins généreuse parce qu'au début de leur carrière leur hôpital n'était pas intégré au réseau des affaires sociales.

Cela ne coûterait que 1 300 000 000 $ comme opération d'équité, c'est-à-dire que le principe d'équité dont parle le député de Louis-Hébert coûte 2 000 000 000 $.

Autant, comme société, on pourrait vouloir accorder à tous nos concitoyens le traitement le plus généreux possible durant leurs vieux jours, autant il faut aussi tenir compte de ce que cela coûterait, car alors il faudrait aller le chercher dans la poche de tout le reste du monde. Il y a des gens qui eux n'auraient de tels avantages, puisqu'ils n'ont pas la chance de travailler pour l'Etat, mais qui seraient obligés de payer ces milliards et ces milliards de dollars pour assurer de telles conditions. Là se pose un autre problème d'équité. Doit-on faire payer à quelqu'un qui ne profite pas d'un avantage la grosse somme pour permettre à certains de profiter de ces avantages?

Après être passé par l'utilisation d'un calculateur, on retombe sur un autre principe d'équité: c'est que tout ce qui est beau, bon et généreux ne peut peut-être pas être assumé par la collectivité qui n'a pas les moyens à l'heure actuelle de s'offrir de telles conditions. Non pas que ce ne soit pas désirable en soi. Que les ex-religieux enseignants désirent de meilleures conditions de retraite, j'en suis, je le comprends. Mais que la collectivité québécoise pense qu'elle n'a pas 78 000 000 $, 300 000 000 $, 500 000 000 $, 1 000 000 000 $, 2 000 000 000 $ pour garantir des conditions absolument uniformes à l'ensemble des employés du secteur public, qu'ils aient défrayé ou non le coût de tels régimes dans les années où ils ont commencé à travailler, il faut quand même reconnaître qu'il y a là plus qu'un principe d'équité au sens limité que l'abordait le député de Louis-Hébert, mais il y a un principe d'équité beaucoup plus large, c'est qu'est-ce que la société peut effectivement offrir aux employés du secteur public. De toute évidence, la calculatrice permet parfois de ramener la discussion partie d'un principe à un autre principe, et de nous amener à ce moment, je pense, à décider de ne pas aller plus loin. C'est la raison pour laquelle, après avoir longuement étudié le cas des ex-religieux enseignants, des religieux enseignants, des religieux travaillant ailleurs au gouvernement, après avoir regardé le cas des employés nationalisés d'Hydro-Québec, le cas des employés du réseau des affaires sociales, nous avons dû reconnaître qu'ils ne profitent pas, il est vrai, d'un régime de retraite aussi avantageux que leurs concitoyens, mais que ceci résulte simplement de conditions de travail auxquelles ils étaient assujettis au début de leur carrière, lesquelles ont fait en sorte qu'ils n'ont pu accumuler un fonds de retraite aussi avantageux. Nous ne pouvons pas comme collectivité corriger ce problème particulier. S'il doit être corrigé, il doit être corrigé au nom de l'équité même pour l'ensemble des citoyens et, à ce moment-là, il y a une prise en considération des coûts qu'il faut faire.

Quant aux autres remarques du député de Louis-Hébert, il a souligné, d'une part, que l'octroi de congés sabbatiques dont le coût est nul pour le gouvernement se traduit aussi par une économie, dans la mesure où on ne paie que 75% ou 80% du salaire, et il s'est posé la question suivante: Qu'est-ce que le gouvernement ferait avec l'économie? Je pense que, sans doute parce qu'il n'était pas au courant, il n'a pas pu souligner la création d'un fonds pour le personnel enseignant mis en disponibilité, lequel fonds sert essentiellement à accroître le niveau de rémunération pour les enseignants si nous réussissons à réduire le nombre d'enseignants en disponibilité en deçà d'un certain seuil. C'est-à-dire, M. le Président, que les économies que nous faisons grâce à la retraite anticipée, grâce au programme de congés sabbatiques, ces économies servent essentiellement à financer ou vont servir essentiellement à financer une bonification des conditions de travail des employés du secteur public. Nous avons dégagé une masse d'argent que nous avons mise dans un compte qui a été voté ici à l'Assemblée nationale. Ce compte ou ce fonds est administré conjointement par les syndicats et le gouvernement et c'est ce fonds qui sert à financer toutes les mesures dont nous parlons ici dans ce projet de loi; ce fonds, effectivement, fait en sorte que les économies dont on parle sont recyclées en

amélioration des conditions de travail des employés du secteur public. Donc, le gouvernement ne fait pas d'économies. Il recycle cet argent en amélioration des conditions de travail.

Le député de Louis-Hébert a également mentionné que la retraite anticipée ainsi proposée par le gouvernement était fort avantageuse, et je le reconnais. Il a souligné qu'on devrait permettre à tout employé de pouvoir également prendre une retraite anticipée plus vite encore que ce qui est proposé dans le projet de loi, c'est-à-dire d'être encore plus généreux. Il a dit: Cependant, le gouvernement pourrait évidemment envisager une pénalité qui pourrait s'appliquer à quelqu'un qui choisirait une retraite anticipée. Il a mentionné l'âge de 55 ans, par exemple, lorsque quelqu'un, étant fatigué ou usé et ne voulant pas se recycler, voudrait peut-être pouvoir prendre sa retraite plus tôt et que le gouvernement devrait permettre à quelqu'un de prendre sa retraite plus rapidement, prévoyant, évidemment, une pénalité, a-t-il dit. Je dois dire que cette mesure existe, à l'heure actuelle, avec pleine réduction actuarielle, c'est-à-dire que quelqu'un qui veut prendre une retraite anticipée peut le faire, mais il y a, évidemment, je ne dirais pas une pénalité, mais une réduction actuarielle du montant de sa pension, c'est-à-dire qu'on tient compte que du fait que l'on va verser sa pension en moyenne sur une plus longue période; le montant auquel il a droit est ajusté à la baisse en conséquence. Donc, à nouveau, je dois répondre au député de Louis-Hébert que sa remarque est intéressante. Cependant, non seulement est-elle intéressante, mais elle est déjà permise dans la loi existante. Par conséquent, ce que l'on peut conclure, c'est que non seulement le projet de loi, semble-t-il, obtient l'appui de l'Opposition, d'une part, mais d'autre part, ce qui est extrêmement intéressant, c'est de constater que les suggestions que l'Opposition nous fait sont déjà réalisées dans l'ensemble.

Une autre suggestion qu'il m'a faite -et je comprends qu'elle part d'un bon sentiment, d'un sentiment de générosité vis-à-vis de nos concitoyens ex-religieux - c'est de ranger ma calculatrice. Malheureusement, si j'avais oublié de ranger la calculatrice, si j'avais, au contraire, fait mine de ranger la calculatrice et décidé de me prononcer sur le principe avant d'en connaître les coûts, les conséquences d'une telle décision auraient pu entraîner des coûts pour l'État québécois de près de 2 000 000 000 $, si j'avais voulu traiter avec la même équité l'ensemble de nos concitoyens. Et cela ne m'apparaissait pas possible. (15 h 40)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Louis-Hébert, en vertu de...

M. Doyon: Oui, en vertu de l'article qui me permet de poser une question si le ministre le permet.

Le Vice-Président (M. Jolivet):

D'accord, en vertu de l'article 100. M. le ministre permet-il une question?

M. Doyon: C'est une très courte question, M. le ministre.

M. Bérubé: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui. Allez-y, M. le député.

M. Doyon: M. le ministre, seriez-vous prêt à reconnaître que les services rendus à la société par les religieux et les religieuses dont on parle sont énormes et que, s'ils ne méritent pas une pleine reconnaissance financière de la part du gouvernement, au moins pourrait-il y avoir un genre de merci que vous n'avez pas encore prononcé?

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, non seulement cela, mais mes propos n'ont pas été pour dénoncer les employés du secteur public ex-religieux, au contraire, j'ai souligné - et je dois le faire - que, si nous devons dire un merci, je demanderais au député de Louis-Hébert de bien vouloir également témoigner son appréciation aux dizaines et dizaines de milliers d'employés du secteur hospitalier qui n'étaient pas employés de l'État il y a un certain nombre d'années et qui n'ont pas non plus un programme de retraite aussi avantageux. Ces concitoyens qui se sont occupés de notre santé pendant toutes ces années ont droit à nos remerciements. Par conséquent, c'est l'ensemble des employés du secteur public qui ont droit à nos remerciements et non une catégorie particulière.

Le Vice-Président (M. Jolivet): La deuxième lecture du projet de loi no 21, Loi modifiant les régimes de retraite et diverses dispositions législatives, est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture du projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des finances et des comptes publics

M. Boucher: Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des finances et des comptes publics.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: Je vous demanderais d'appeler l'article 12 de notre feuilleton d'aujourd'hui et de reconnaître le ministre des Affaires sociales, le député d'Anjou.

Projet de loi no 27 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet): La deuxième lecture du projet de loi no 27, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. Je reconnaîtrais le ministre du Travail. M. le ministre.

M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): C'est à titre de ministre du Travail par intérim que je prends la parole sur le projet de loi no 27 parrainé par mon collègue le député de Sherbrooke, M. Raynald Fréchette, qui, nous le souhaitons tous de ce côté comme en face, puisque c'est un homme qui s'est gagné le respect de tout le monde en cette Chambre, sera de retour le plus tôt possible.

Le projet de loi no 27 dont nous commençons l'étude n'est pas un projet de loi qui donnera lieu à de très grands débats ou fera l'objet de querelles de principe importantes. Il s'agit d'un projet de loi dont la nature est essentiellement mécanique et technique. Néanmoins, comme notre règlement nous astreint à discuter des principes plutôt que de chaque article au stade de la deuxième lecture, je tenterai ici de traduire ces dimensions mécaniques sur certains principes.

Il vise à assurer la sécurité juridique du vote d'allégeance syndicale qui se tiendra dans la construction d'ici la fin de l'année 1983. Il vise également à confirmer la légalité de la formation du comité mixte prévu en 1982, comme il vise à préciser le caractère consultatif des interprétations du décret qui sont faites par le Comité mixte de la construction. Il prévoit également le rajeunissement de certaines dispositions en matière de conciliation. D'autres dispositions sont de nature essentiellement administrative, visant à faciliter la réclamation pour salaire dû et à simplifier certaines procédures administratives et aussi très concrètement à épargner des deniers importants au niveau de l'Office de la construction à l'égard de l'utilisation des services comptables dans certains cas.

Quant au vote d'allégeance syndicale, il faut noter que le dernier vote a eu cours -on se le rappellera - à l'automne 1981 et que la négociation a été amorcée en février 1982. Les parties n'ayant pu s'entendre, elles ont choisi plutôt que de préparer une nouvelle convention collective, ce qui ne semblait pas possible, de prolonger le décret demandant au gouvernement de faire en sorte qu'il expire au 30 avril 1984, ce qui à quoi acquiesça le Conseil des ministres dans un arrêté en conseil qui prolonge effectivement ce décret jusqu'au 30 avril 1984. Ceci pourrait, semble-t-il, selon les juristes, avoir comme conséquence juridique d'affecter la légalité du vote d'adhésion syndicale qui devrait être tenu au cours de l'automne 1983. Compte tenu de la durée exceptionnelle de cette prolongation, il nous apparaît essentiel que survienne la tenue de ce vote d'adhésion syndicale avant le début des négociations, et ce conformément à l'esprit des dispositions de cette loi. Nous prévoyons donc expressément la tenue d'un vote d'allégeance syndicale dans le secteur de la construction au Québec, qui devrait intervenir en novembre 1983.

Quant au comité mixte, on le sait, qui réunit les parties syndicale et patronale, il a été formé à la suite de l'adoption du décret. Les parties ont senti le besoin, à compter de septembre 1982, pour donner suite au scrutin qui s'était tenu à l'automne de 1981, de constituer le nouveau comité à partir des nouvelles majorités ou du nouveau niveau de représentation syndicale qui avait été exprimé à travers le vote. Compte tenu du fait que le décret n'a pas été renouvelé, mais seulement prolongé, il faut, dans ce cas également, s'assurer qu'il n'y a pas de contestation de la légalité du comité mixte. À cet égard, nous confirmons la légalité de la formation de ce comité pour ne pas nous voir acculés au fait que l'ensemble des décisions qui auraient été prises par celui-ci depuis sa formation soient annulées ou soient susceptibles d'être annulées ou de donner lieu à des recours.

Par ailleurs, le comité mixte est chargé, en vertu de la loi, de décider des litiges quant à l'interprétation de la convention collective ou du décret. Si les membres du comité ne parviennent pas à s'entendre, c'est-à-dire si les parties patronale et syndicale ne parviennent pas à s'entendre, automatiquement, les questions quant à l'interprétation du décret ou de la convention collective reviennent à l'office, ce qui est le cas de l'immense majorité des objets dont est saisi ce comité mixte depuis plusieurs années.

Cette fonction était considérée comme étant de nature administrative. Cependant,

une jurisprudence récente de la Cour supérieure, qui fait l'objet d'un appel, a amené à considérer que cette juridiction était de nature judiciaire ou quasi judiciaire ou qu'elle serait exclusive. Cette décision est actuellement pendante devant la Cour d'appel du Québec et pourrait, si elle était confirmée par cette cour, entraîner des délais additionnels dans la perception des sommes dues aux salariés de l'industrie de la construction. En outre, il semble contraire à la règle de justice naturelle qu'on puisse à la fois être juge et partie, c'est-à-dire attribuer à l'office le pouvoir, d'une part, de décider de l'interprétation du décret et ensuite poursuivre en justice au nom des salariés suivant cette interprétation. Nous précisons donc en conséquence, dans le projet de loi no 27, le caractère uniquement consultatif des interprétations faites par le comité mixte de l'Office de la construction du Québec.

Par ailleurs, je voudrais évoquer cinq ou six éléments de nature un peu plus technique qu'on retrouve dans le projet de loi, notamment à l'égard des rapports périodiques que l'office fait parvenir au comité mixte de telle sorte que celui-ci puisse s'acquitter de ses mandats. Or, ces rapports, en vertu de la loi, doivent en ce moment être faits par des vérificateurs externes, ce qui entraîne évidemment, sur le plan des déboursés, des honoraires importants de professionnels de l'extérieur de l'office, alors que l'office a les capacités de rédiger ces rapports trimestriels avec ses ressources humaines internes sans faire appel à l'extérieur.

Quant aux dimensions de garantie d'utilisation adéquate, de respect de l'ensemble des dispositions de nos lois quant à l'utilisation des fonds qui sont de nature publique ou quasi publique, la présence du vérificateur du gouvernement ainsi que la présence des services internes de l'office est garante, je pense, de l'intégrité de ce type d'activité à l'égard, encore une fois, des rapports trimestriels qui doivent être transmis au comité mixte.

Par ailleurs, en vue d'assurer la mise à exécution du décret, l'office peut actuellement examiner ou prendre des extraits ou copies du système d'enregistrement, du registre obligatoire et de la liste de paie des employeurs. Au moment où on arrive à une cause où il faut mettre en preuve ces documents, la loi, en ce moment, contraint l'office à mettre la main sur les originaux, ce qui implique évidemment des ennuis pour beaucoup d'employeurs, sans compter les ressources humaines considérables qu'il faut affecter par exemple, à retracer des chèques originaux. Les amendements que nous apportons prévoient donc la possibilité que des photocopies certifiées conformes par le président de l'office puissent être admises en preuve comme étant valables comme des originaux. (15 h 50)

Dans le cas des falsifications ou de la destruction volontaire de registres ou dans le cas où les renseignements fournis à l'office ont été volontairement faussés, celui-ci doit, conformément à la règle générale, poursuivre dans les douze mois de la date à laquelle l'infraction a été commise. Par ailleurs, l'action civile ne se prescrit que par six mois contrairement aux dispositions générales en matière de salaire qu'on retrouve dans le Code civil.

Nous prévoyons donc, afin de remédier à cet état de fait, qu'en cas de falsification ou de fausse déclaration, la prescription ne court qu'à compter de la date à laquelle l'infraction a été portée à la connaissance de l'office et non pas celle où l'infraction a été commise et que l'action civile se prescrira dorénavant par douze mois telle que le prévoit d'ailleurs la règle du Code civil.

Il reste trois éléments. D'une part, dans le cas de faillite ou de mise en liquidation d'une compagnie, si l'office veut obtenir des administrateurs de cette compagnie les six mois de salaire dus aux salariés, il doit obtenir un jugement qui reconnaît l'exigibilité du salaire et doit ensuite poursuivre les administrateurs dans les six mois du jugement. Cette façon de procéder par double recours, évidemment à l'intérieur de délais souvent très courts, met l'office dans une position difficile pour aller récupérer ces sommes dues aux travailleurs.

Nous amendons donc la loi en y prévoyant qu'en cas de faillite ou d'ordonnance de mise en liquidation d'une entreprise, il suffit qu'une réclamation de la dette soit déposée dans l'année de la faillite ou de la mise en liquidation et nous amendons la loi pour y ajouter le cas du jugement sur le salaire qui est rapporté insatisfait.

Quant au commissaire de la construction, on le sait, il a juridiction de décider de tout problème relatif aux personnes ou aux travaux qui sont régis par la loi. Rien cependant n'indique l'effet de ces décisions. Nous précisons donc à cette fin dans le projet de loi que la décision du commissaire est finale et sans appel.

En ce qui touche le conciliateur, la loi prévoit sa nomination au cours d'une négociation dans la construction, soit sur demande d'une partie, soit de son propre chef, par le ministre du Travail. Rien n'est cependant prévu quant au cadre et au déroulement de cette conciliation. Nous inspirant du Code du travail, M. le Président, nous prévoyons dorénavant que le ministre pourra le nommer quand il le désirera. Il ne sera pas tenu d'attendre les 60 jours de négociations infructueuses pour le nommer.

Nous prévoyons également que le conciliateur pourra, à la suite de réunions auxquelles les parties sont tenues d'assister, faire rapport au ministre du Travail.

Quant à l'arbitrage sur plainte, la loi prévoit un arbitrage possible lorsqu'il y a une plainte relative à la liberté syndicale quand elle n'a pas été réglée évidemment, à la satisfaction des parties intéressées. Les règles qui concernent la tenue de cet arbitrage qui est largement assimilable à l'arbitrage de griefs sont cependant, sauf en ce qui concerne les délais, absolument inexistantes. Nous précisons donc dans le projet de loi no 27 que les règles relatives à l'arbitrage des griefs sont aussi applicables à l'arbitrage relatif à la liberté syndicale.

C'est là l'essentiel du contenu de ce projet de loi no 27 qui est, encore une fois, de nature plutôt technique et qui, il est vrai, par certaines omissions, ne comprend pas la refonte que certains auraient voulue, notamment à l'égard de la représentativité. Nous avons cependant été, au ministère du Travail, essentiellement guidés par le fait qu'il fallait prendre les dispositions nécessaires pour qu'avant la fin du mois de juin, nous puissions prendre ces décisions qui légaliseront la tenue d'un scrutin d'allégeance syndicale à l'automne.

Quant au reste, je présume qu'il y aurait peut-être des choses à faire dans ce domaine. Je pense que l'adjoint parlementaire du ministre du Travail aurait quelques mots à dire là-dessus. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Pierre-J. Paradis

M. Paradis: Merci, M. le Président. J'interviens en deuxième lecture sur le projet de loi qui modifie la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. Les députés de ce côté-ci de la Chambre et possiblement des députés de l'autre côté de la Chambre auraient pu s'attendre que le gouvernement saisisse cette occasion de modifier la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction pour régler les problèmes majeurs, les problèmes épineux auxquels ont à faire face les travailleurs de la construction, les entrepreneurs de la construction, les consommateurs, comme vous, M. le Président, ainsi que les membres de l'Assemblée nationale qui reçoivent à leur bureau de comté, d'une semaine à l'autre, des gens qui sont aux prises avec ces problèmes.

Quels sont les problèmes dont les travailleurs nous parlent lorsqu'ils nous rendent visite à nos bureaux de comté? Les problèmes découlent tout simplement de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, une loi qui impose un certificat de classification à celui qui veut travailler dans ce domaine, un permis de travail, autrement dit. Le Québécois n'a pas le droit au travail dans l'industrie de la construction, il doit obtenir un permis pour pouvoir y travailler.

Il y a deux sortes de cartes qu'on doit détenir si on veut oeuvrer dans ce domaine: une carte de compétence, qui certifie qu'on est quelqu'un de compétent et qui vous garantit que si un menuisier va installer un escalier chez vous, M. le Président il sera à angle droit et vous ne déboulerez pas en sortant le samedi matin ou le samedi soir. C'est la garantie que la carte de compétence vous donne. Le plombier qui installera vos tuyaux a une carte de compétence; ça ne dégouttera pas, ça ne suintera pas. L'électricien qui fera une installation électrique chez vous est aussi compétent et le feu ne prendra pas quinze minutes après avoir remis le courant. Tout cela grâce à la carte de compétence du Parti libéral du Québec. Nous en sommes. Nous n'avons rien contre la compétence, les travailleurs n'ont rien contre la compétence, les employeurs n'ont rien contre la compétence et j'ajouterais même que les consommateurs exigent la compétence.

Il y a une deuxième carte qui abolit le droit au travail, qui ne reconnaît pas que quelqu'un qui est compétent puisse travailler dans l'industrie de la construction au Québec. Ce sont les problèmes qui nous reviennent le plus souvent dans nos bureaux de comté. On a des gens compétents détenteurs de cette carte de compétence qui ont des employeurs prêts à les embaucher dans nos régions et à qui on doit dire: Non, tu n'as pas le droit de travailler parce que le gouvernement péquiste a décidé que ça prenait un permis de travail et, pour obtenir ce permis de travail, il faut avoir travaillé un certain nombre d'heures dans les années antérieures: 1000 heures, 5000 heures, 10 000 heures.

On demande au Parti québécois de faire un effort de réflexion. Ce n'est pas la première fois. Mes collègues de Mégantic-Compton, de Hull, de Beauce-Sud, de Portneuf et combien d'autres ont demandé au gouvernement de se prêter à cet effort de réflexion. Est-ce qu'on trouve une réponse dans le présent projet de loi? Non. Mais il y a encore davantage, il y a tous les jeunes au Québec, ceux qu'on envoie dans les écoles de métiers pour apprendre ces métiers de plombier, d'électricien, de menuisier et à qui on décerne de très beaux certificats de compétence, à qui on dit: Tu n'as pas le droit d'avoir de carte de classification, tu n'as pas le droit de travailler parce que tu n'as pas travaillé 1000 heures l'année dernière. C'est bien clair, M. le Président. Vous, vous comprenez pourquoi il n'a pas travaillé 1000 heures l'année passée, il était à l'école. Il n'a pas travaillé 5000 heures au

cours des cinq dernières années, vous comprenez ça, il était à l'école durant les cinq dernières années.

On demande simplement au gouvernement d'apporter les amendements nécessaires qui vont permettre à ces jeunes d'entrer sur le marché du travail. On demande au Parti québécois de reconnaître le droit au travail de cette jeunesse québécoise dans le domaine de la construction comme dans plusieurs autres domaines.

Oui, M. le Président, vous me soulignez la pertinence du débat. J'y arrive. Je voulais juste dire ce que ça ne touche pas, en commençant. C'est quand même assez long. On a participé à plusieurs débats et on a demandé plusieurs modifications. L'employeur est obligé d'aller chercher des travailleurs dans d'autres régions. Je pensais que le ministre du Travail, qui vient de vivre un cas comme député du comté de Sherbrooke, nous présenterait des amendements afin que ces travailleurs de la construction du comté de Sherbrooke puissent venir travailler chez moi, après que ceux de chez nous auront été engagés, naturellement, dans le comté de Brome-Missisquoi, qu'ils puissent venir travailler à Bromont, à l'agrandissement de l'usine IBM. Bien non, on est obligé d'aller de l'autre côté du fleuve Saint-Laurent pour chercher des travailleurs et ceux du comté du ministre n'ont pas le droit de venir travailler chez nous. M. le Président, à quelle logique s'attache-t-on? À quelle économie tient cette philosophie péquiste? (16 heures)

Il y a également le fait que le consommateur, qui est un travailleur, qui a un salaire moyen de beaucoup inférieur à celui des travailleurs de la construction, ne peut pas payer les taux qui sont prescrits par les décrets de la construction, un salaire moyen de plus de 19 $ l'heure. Les consommateurs n'ont pas les moyens de faire effectuer ces travaux-là. Je vous parle de simples consommateurs. Je pourrais vous parler du gouvernement du Québec qui n'a plus les moyens. Je pourrais vous parler d'institutions qui relèvent du gouvernement du Québec et qui n'ont plus les moyens.

À cet effet, j'attire votre attention sur une décision qui a été rendue récemment, le 27 avril 1983, par le commissaire de la construction, dans une cause impliquant le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke - c'est un organisme dont la source de financement est le gouvernement du Québec - l'employeur, et l'Office de la construction du Québec. Je vous résume les faits, comme le commissaire l'a fait. "Il s'agit de travaux de peinture exécutés par une vingtaine de salariés de l'employeur sur ou à l'intérieur de ses bâtiments, au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke." Savez-vous ce que l'employeur, qui est financé par le gouvernement, plaide dans cette cause-là? L'employeur, le consommateur, plaide ce qui suit: "Aussi, si les quelque 20 salariés dont il est question deviennent assujettis au décret, l'employeur devra les renvoyer car il sera dans l'impossibilité de payer le taux de salaire et d'accorder les avantages prévus par le décret de la construction en plus d'avoir à observer les conditions de travail prévues à la convention." Et le commissaire du travail a donné raison à l'employeur. Si le gouvernement n'a plus les moyens, comment pouvons-nous prétendre que nos municipalités, nos individus, nos travailleurs ordinaires, dans nos comtés, ont encore les moyens d'être assujettis à un tel décret de la construction?

Je reviens plus spécifiquement au projet de loi comme tel qui nous est présenté, qui prévoit ce qui suit. Là, on va se fier aux notes explicatives. "Il oblige, d'abord, l'Office de la construction du Québec -l'OCQ - à inclure dans les rapports comptables qu'il est légalement tenu de faire un état de toutes les sommes qu'il perçoit ainsi que de leur emploi. Il établit également par qui ces rapports peuvent être préparés." Si on lit plus loin, c'est un comptable. "Il détermine en outre la portée tant des interprétations du décret faites par le Comité mixte de la construction que des décisions rendues par le commissaire de la construction." Très bien. "Il précise ensuite les règles applicables à la conciliation et à l'arbitrage des plaintes." Très bien, parce qu'on comprend qu'il y en a des plaintes avec un tel régime. M. le Président, vous comprenez cela facilement, vous aussi. "Il assouplit la procédure de recouvrement de salaire lors de la faillite ou de la mise en liquidation d'une entreprise et permet un tel recours lorsqu'un jugement ordonnant le paiement de salaire a été rapporté insatisfait." Très bien, M. le Président. "Ce projet rajeunit - il ne pouvait pas les vieillir - certaines dispositions et prescriptions en matière de poursuite pénale ou d'action civile. Il corrige en outre certains textes ou références devenus désuets ou erronés." Très bien, M. le Président. "Il prévoit enfin expressément la tenue d'un vote d'allégeance syndicale au cours de l'année 1983 et confirme la légalité de la formation, en 1982, de l'actuel Comité mixte de la construction."

Oui, mais est-ce qu'on a prévu quelque chose qui va faire en sorte que soient évités les problèmes qu'on a connus, la dernière fois, concernant le maraudage? Rien, M. le Président. Est-ce que ce projet de loi répond aux préoccupations qui nous sont acheminées par les travailleurs? Est-ce qu'il répond aux préoccupations qui nous sont acheminées par les employeurs? Est-ce qu'il répond aux préoccupations qui nous sont acheminées par

les jeunes qui sortent de nos écoles? Est-ce que ce projet de loi répond aux préoccupations qui nous sont acheminées, à nos bureaux de comté, toutes les semaines, par les consommateurs? Non, M. le Président. Ce projet de loi est à l'image du gouvernement d'en face, vide de sens, vide de philosophie, vide de pensée et basé sur aucune réflexion.

M. le Président, le projet de loi contient également - je sais que je n'ai pas le droit, en deuxième lecture, de référer à un article - un principe qui est celui du non-assujettissement à la Loi constitutionnelle de 1982, à la Charte canadienne des droits et libertés. On soustrait les modifications. On prend la peine de soustraire de minces amendements - des amendements qui ne règlent rien, finalement - à la Charte canadienne des droits et libertés. En vertu de quelle pensée, de quelle philosophie, de quel principe, M. le Président, s'oblige-t-on à soustraire ce projet de loi à la Charte canadienne des droits et libertés? Quels droits et libertés - j'espère que là-dessus le député de Prévost, adjoint parlementaire au ministre du Travail pourra répondre - des travailleurs, des employeurs, des consommateurs vise-t-on à brimer par ces amendements? Pourquoi insère-t-on un tel article dans un projet de loi qui vise à modifier une autre loi déjà adoptée à l'Assemblée nationale du Québec? Ce projet de loi a été pondu, parce que je ne peux pas dire réfléchi, sans aucune consultation. Dans un télex du 2 juin 1983, Jean-Paul Rivard de la FTQ-Construction disait ce qui suit du projet de loi qui est devant nous: Les amendements proposés à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction sont nettement inadéquats. Il ajoutait: On se demande d'où viennent ces amendements sur les pouvoirs du comité mixte. À notre connaissance, ni les employeurs ni les syndicats ne les ont demandés et j'oserais ajouter, vous pourriez ajouter votre voix à la mienne, ni les consommateurs. Qui a demandé ces amendements? Ce n'est certainement pas, suivant le télégramme de M. Rivard, la FTQ-Construction.

Ce ne serait pas non plus suivant la teneur d'une lettre, parce qu'il semble que les conversations ou même les consultations soient rompues entre le gouvernement et le Conseil provincial des métiers de la construction (International). Si je me fie au texte d'une lettre qu'expédiait le 1er juin 1983 le président de cette centrale syndicale, M. Maurice Pouliot, à l'honorable Alain Marcoux, la mesquinerie de ce gouvernement va aussi loin que ce qui suit. Écoutez bien la lecture de cette lettre. Elle est datée du 1er juin. Elle est adressée à l'honorable Alain Marcoux: "M. le ministre, le 27 mai dernier, l'inauguration du Palais des congrès avait lieu à Montréal. Certaines centrales syndicales étaient invitées à participer à cette inauguration et recevaient des mains du premier ministre une plaquette souvenir en témoignage de la qualité de leurs travaux et la compétence dont ils ont fait preuve lors de cette construction. Nous désirons vous mentionner - c'est toujours M. Pouliot, le président du Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International) qui parle - que notre organisme, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction a un degré de représentativité de 24% dans l'industrie de la construction et que dans plusieurs métiers, tels que les monteurs de structures d'acier, constructeurs d'ascenseurs, plombiers, etc., nous représentons 90% des travailleurs. Cela, M. le ministre, n'est pas du ouï-dire. Vous pouvez vérifier ces données auprès de l'Office de la construction du Québec. "Il nous apparaît totalement inacceptable pour un gouvernement pseudo-responsable d'inviter à cette inauguration certaines centrales et d'ignorer la deuxième association en importance dans l'industrie de la construction. Il est évident que lors de l'adoption de la loi 109, le 4 décembre 1980, le gouvernement a tenté de soustraire le Conseil provincial international de l'industrie de la construction. Cependant, les travailleurs ont simplement refusé de cautionner un tel geste. Nous tenons à vous souligner que si la construction du Palais des congrès s'est réalisée aux dates prévues, une des raisons est sûrement due au fait que notre organisme a pris ses responsabilités lors des négociations pour le renouvellement du décret de l'industrie de la construction en février 1982. Même si le décret expirait le 30 avril 1982, seul le Conseil provincial international et la CSD-Construction participaient aux rencontres pour commencer les négociations. Faute de majorité, cette dite négociation ne pouvait pas débuter. Ce n'est que vers le 15 avril 1982 que la FTQ-Construction acceptait de rencontrer l'AECQ, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec avec notre organisme, conformément à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. "Nous croyons, en terminant, qu'il est de notre devoir de dénoncer publiquement le fait que le Conseil provincial international n'était pas représenté à cette inauguration. Le président-directeur général, Maurice Pouliot." Copie à René Lévesque et à Gérard D. Levesque, chef de l'Opposition à l'Assemblée nationale. (16 h 10)

M. le Président, si ce n'est pas le conseil provincial - c'est clair que le premier ministre a choisi de traiter son président de menteur, sans l'entendre -qui a été consulté, si ce n'est pas la FTQ

Construction, suivant le télex de M. Rivard, si ce n'est pas le patron, si ce ne sont pas les consommateurs qui ont été consultés sur ces amendements, qui l'a été? On vous soumet respectueusement qu'on aimerait entendre de la part de l'adjoint parlementaire du ministre une réponse, mais jusqu'à maintenant, si on exclut tous ces gens, que reste-t-il? Il ne reste pas autre chose que le petit entourage politique du bureau du ministre du Travail dans les officines du bureau du ministre du Travail où cela a été préparé sans consultation ni avec les travailleurs, ni avec les employeurs, ni avec les consommateurs, ni avec les députés qui reçoivent des gens à leur bureau de comté chaque semaine. Cela règle quoi, le projet de loi qu'on a déposé?

En terminant, le ministre des Affaires sociales qui remplace de façon intérimaire le ministre du Travail qui est présentement à l'hôpital a offert ses meilleurs voeux de prompt rétablissement à notre collègue. Au nom de l'Opposition et en mon nom personnel, je lui offre nos meilleurs voeux. Je souhaite le voir revenir en santé au plus tôt parmi nous pour qu'enfin, le Parti québécois puisse déposer en cette Chambre, si une telle chose est possible de la part d'une telle formation politique, un projet de loi qui modifiera la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction en tenant compte des revendications qui vous sont faites par toute la population québécoise, par les travailleurs, par les entrepreneurs et par les consommateurs, un projet de loi qui sera issu d'une pensée politique, d'une mûre réflexion, non pas un projet de loi qui aura été rédigé dans les hautes officines d'une des tours à Québec par quelques conseillers politiques qui sont complètement déconnectés de la réalité québécoise. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Prévost, adjoint parlementaire au ministre du Travail.

M. Robert Dean

M. Dean: M. le Président, j'interviens en deuxième lecture du projet de loi qui modifie la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction. Évidemment, il s'agit d'un projet de loi qui apporte des modifications plutôt techniques à cette loi, des précisions et des correctifs dictés par l'évolution de l'industrie de la construction et d'un certain nombre de décisions, rendues ou appréhendées, des tribunaux. Notre ami, le député de Brome-Missisquoi nous demande qui a sollicité ces amendements. On peut dire que les événements et l'évolution ont requis ces amendements, des événements imprévus, d'une certaine façon. D'abord parce qu'en 1982, lors des négociations dans l'industrie de la construction, en pleine période de crise économique et avec des difficultés vécues par les parties syndicales ou par les centrales syndicales, il y a eu des difficultés au moment de former un groupe majoritaire pour négocier. Finalement, un groupe majoritaire a été formé, composé de la FTQ-Construction et du Conseil provincial international qui, tenant compte de la situation dramatique de l'économie qui affectait le Québec comme les autres pays du monde, a engagé une négociation assez rapide qui a touché principalement les salaires, qui a laissé de côté les autres éléments d'une convention collective et d'un décret éventuel et a eu comme résultat que le gouvernement a prolongé le décret de l'industrie de la construction pour une période de deux ans, jusqu'au mois d'avril 1984. À la suite de cet événement, certaines craintes juridiques sont apparues quant à la possibilité et à la légalité de tenir un nouveau vote d'allégeance syndicale dans l'industrie de la construction, à l'automne 1983, comme préalable essentiel aux négociations de 1984. Aussi, pour tenir compte de certaines évolutions du nombre de centrales syndicales dans l'industrie de la construction et de la proportion du vote lors de la dernière campagne de maraudage, on a formé le Comité mixte de l'industrie de la construction. En tenant compte de cela et toujours à cause de cette prolongation du décret, on a eu certains doutes de la part des juristes. On a décelé une nécessité de préciser clairement dans la loi que le comité mixte actuel est parfaitement légal, et que le vote d'allégeance nécessaire, l'automne prochain, comme préalable aux négociations ordonnées dans l'industrie de la construction en 1984, sera tenu sans crainte d'obstacle ou d'entrave juridique.

Aussi, ce projet de loi no 27 prévoit une série de modifications de nature très technique, comptable, pour éviter des ambiguïtés, pour effectuer certaines économies administratives. Finalement, il apporte deux précisions et clarifications quant à l'utilisation possible du service de conciliation dans les négociations de l'industrie de la construction de la même façon qu'on utilise des conciliateurs en vertu du Code du travail. Finalement, on précise un peu et on rend un peu plus semblables au Code du travail les conditions entourant l'arbitrage des plaintes au sujet de la liberté syndicale dans l'industrie de la construction.

Je suis d'accord et le gouvernement est d'accord qu'il s'agit de modifications très modestes dictées par l'évolution, par des événements dans une industrie qui, comme toute autre industrie et comme le monde entier, est en constante évolution.

Évidemment, je pense qu'il y en a qui auraient souhaité - je ne pense pas, j'en suis

sûr et je suis d'accord avec le député de Brome-Missisquoi, tant du côté patronal que du côté des centrales syndicales, il y a autant de souhaits et d'opinions qu'il y a d'organismes patronaux et d'organismes syndicaux - il y en a qui auraient souhaité des modifications beaucoup plus profondes. Sans rancune, je voudrais souligner au député de Brome-Missiquoi qu'hier soir même, en commission parlementaire, lui et ses collègues, en pariant du Code du travail, nous reprochaient de présenter un projet de loi, selon leurs paroles, comme un cheveu sur la soupe, à la fin de la session, et de les bousculer, en quelque sorte. Donc, je souligne très amicalement au député de Brome-Missisquoi que s'il fallait qu'on arrive aujourd'hui à débattre un projet de loi qui applique une réforme beaucoup plus en profondeur à la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, peut-être qu'on aurait eu droit à un barrage en règle de la part de l'Opposition nous disant: Vous arrivez avec des choses trop profondes. Évidemment, selon la centrale ou le groupe patronal auquel on appartient dans la construction, on aurait souhaité des choses beaucoup plus substantielles. (16 h 20)

Il y a des gens qui souhaiteraient que la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction soit tout simplement abrogée pour devenir un chapitre particulier du Code du travail. Il faut souligner que la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction est effectivement une loi permanente d'exception qui exclut de l'application du Code du travail les travailleurs et employeurs de l'industrie de la construction. Il s'agit d'un régime particulier pour l'industrie de la construction.

Il y en a qui souhaitent, comme je l'ai dit, que dans une réforme plus profonde du Code du travail, l'industrie de la construction vienne à tomber sous la gouverne de ce code sous forme d'un chapitre, spécial du Code du travail qui tiendrait compte du caractère particulier de l'industrie de la construction. Il y en a d'autres, en ce qui concerne la représentativité des syndicats dans l'industrie de la construction, qui, tout en reconnaissant ou en continuant à reconnaître le principe de la pluralité syndicale dans l'industrie de la construction, à cause du caractère particulier de l'industrie, auraient souhaité qu'on trouve le moyen, dans la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, d'arriver à une façon de déterminer, pour la durée d'une convention collective, à la suite du vote d'allégeance syndicale, un mandataire, un seul et unique porte-parole des travailleurs qui, à la suite du vote de maraudage, aurait le mandat de représenter en entier les travailleurs et aurait le bénéfice des appuis financiers nécessaires pour bien effectuer ce travail.

Il y en a même, non seulement du côté des travailleurs, mais même du côté patronal, dans l'industrie de la construction, qui souhaiteraient la déréglementation presque totale des relations du travail et la remise entre les mains des partenaires ou des parties la conduite des relations dans l'industrie de la construction. Le ministre des Affaires sociales qui, par intérim, est ministre du Travail pendant l'absence regrettée du député de Sherbrooke, ministre du Travail, a souligné que dans les délibérations, dans les études qui se feront dans les prochains mois concernant le sujet toujours brûlant des relations du travail au Québec dans tous les domaines, certaines de ces hypothèses seront étudiées, considérées, débattues entre les partenaires et devant la population, et probablement, en temps et lieu, vont résulter en des projets de loi qui apporteraient des réformes plus profondes.

Le ministre du Travail, qui est absent pour cause de maladie, a dit lui-même qu'il était nécessaire de voir de plus près notre loi dans ce secteur et d'apporter des amendements plus profonds. Je suis d'accord avec cette attitude et je suis très heureux de constater, dans le discours du député de Brome-Missisquoi, que lui aussi, au nom de sa formation politique, souhaite qu'on revoie en profondeur ce régime de relations du travail dans la construction. Je suis aussi très heureux de constater que, finalement, notre ami de Brome-Missisquoi, au nom de sa formation, a reconnu l'importance de la priorité régionale de l'embauche dans l'industrie de la construction.

Finalement, on peut souhaiter le bienvenue à nos collègues d'en face sur le train de la pensée sociale qui existe au Québec depuis les années soixante en ce qui regarde certains problèmes qui persistent depuis longtemps dans l'industrie de la construction. Dans les années soixante, je m'en souviens - je me promenais beaucoup au Québec à cette époque-là - les événements très malheureux qui se sont produits à Sorel, à Baie-Comeau, sur la Côte-Nord, où des travailleurs de la région renversaient les autos des travailleurs qui venaient de Montréal en disant: Ils viennent "voler nos jobs". Donc, des expressions très tristes, très regrettables de désir de travailler, de nécessité d'avoir une priorité d'embauche dans la construction.

La loi 290, adoptée en 1968 par un gouvernement de l'Union Nationale, touchait comme volets importants de tout problème de main-d'oeuvre et d'embauche dans la construction, d'abord la question de compétence, soit une reconnaissance quelconque de compétence dans son métier pour chaque travailleur de la construction, tant pour son propre bénéfice que pour celui du consommateur qui achète éventuellement une maison ou qui construit une plus grande

entreprise.

En 1968 on se souciait aussi du problème de sécurité d'emploi des travailleurs de la construction et des questions de priorité d'embauche.

En 1970-1971 le juge Allan Gold, un juge de grand prestige au Québec, a apporté à la société québécoise des recommandations, des études sur un certain nombre de problèmes touchant les relations du travail qui étaient très bénéfiques à la marche de la société québécoise. Lui aussi, dans son rapport, étudiait à nouveau les problèmes de l'industrie de la construction. Il en est aussi venu à la conclusion que la façon d'assurer une certaine priorité, un certain droit de travail dans l'industrie de la construction, était de tenir compte du nombre d'heures travaillées dans l'industrie de la construction. Il parlait aussi toujours de ce deuxième volet qui constitue une carte de compétence. Toujours une question de compétence professionnelle, à savoir comment on pourrait reconnaître ce principe-là et deuxièmement, mais c'est aussi important, voir comment on décidera qui a priorité parmi les travailleurs. Ce même thème se répétait toujours au début des années soixante-dix où on parlait des heures travaillées dans la construction et aussi d'accorder une priorité régionale aux travailleurs de la construction comme critère.

Le problème du règlement de placement et toutes ces questions d'énoncés. Je reviens là-dessus très brièvement. J'ai eu l'occasion, en cette Chambre, lors d'une question avec débat, en commission parlementaire, selon toutes les formules que permettent nos règlements parlementaires, de dire que le règlement de placement dans la construction est essentiellement la contrepartie dans la construction de l'ancienneté dans des usines, dans des bureaux où il y a des travailleurs, syndiqués ou non, et où on accorde une certaine préférence de relative sécurité d'emploi selon les années de services auprès d'une compagnie ou, dans le cas de la construction, on calcule cela du mieux qu'on peut en termes d'heures travaillées.

À la suite de tous ces événements malheureux qu'on a connus dans la construction, à la fin des années soixante, au début des années soixante-dix, l'enquête Cliche a été constituée, pas par le gouvernement du Parti québécois, par le gouvernement du Parti libéral, M. le Président. Encore là la commission Cliche a constaté que l'insécurité d'emploi pour les travailleurs de la construction constituait la principale source de difficultés qu'on rencontre dans cette industrie, y compris la violence. C'est aussi tragique que cela. On a déploré, depuis des années, la violence dans l'industrie de la construction. C'étaient malheureusement des travailleurs qui se battaient, trop de travailleurs qui se battaient pour trop peu d'emplois. C'était vrai dans les années soixante, c'était vrai dans les années soixante-dix et c'est vrai dans cette période de crise où, malgré les efforts de tout le monde, il y a 90 000, 92 000 travailleurs qui ont une carte de l'Office de la construction et au moment où on se parle, 45 000, 50 000 qui ont effectivement du travail.

La commission Cliche aussi, en cherchant des solutions adaptées à l'industrie de la construction, parlait de préférence d'emploi basée sur les heures de travail effectuées au cours de l'année précédente. Elle précisait aussi que tous les salariés de l'industrie devaient être visés par ce concept et non seulement les travailleurs dans les métiers les plus spécialisés qui avaient été reconnus par le rapport du juge Gold.

Donc, en 1975, à la suite de la commission Cliche, le gouvernement libéral de l'époque - non pas le Parti québécois - a modifié la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction pour créer l'Office de la construction qui était l'une des recommandations de la commission Cliche. C'est l'Office de la construction qui a soumis, en 1975, un projet de règlement de placement dans l'industrie de la construction qui a été étudié par le gouvernement de l'époque, mais qui n'a pas été adopté par le gouvernement de l'époque. Les élections sont arrivées, le Parti québécois a été porté au pouvoir et nous avons terminé l'étude et adopté ce règlement de placement, toujours dans le but de reconnaître les vrais travailleurs de la construction, de prévoir la préférence d'embauche régionale et la mise en place de nouveaux systèmes de placement.

Je suis heureux de constater que nos amis de l'Opposition sont d'accord qu'il faut apporter des correctifs. Nous apportons, par ce projet de loi no 27, un certain nombre de correctifs techniques nécessaires pour assurer la tenue d'un vote d'allégeance syndicale dans la construction l'automne prochain en vue des négociations de 1984, malgré la déception de certains qu'on ne soit pas allé plus loin plus rapidement. Pour prendre un exemple, les déclarations des collègues du député de Brome-Missisquoi hier soir, en commission parlementaire, réclamant des réformes plus profondes, qui vont nécessiter des discussions assez poussées et longues, car il y a autant de points de vue sur la solution de ces problèmes dans l'industrie de la construction qu'il y a de gens intervenant dans le débat, que ce soit la partie patronale, la partie syndicale, la partie gouvernementale ou les partis politiques.

On peut donc se donner rendez-vous dans les prochains mois, tout en adoptant ce projet de loi nécessaire à ce moment-ci pour permettre de régler un certain nombre de choses d'ici un an dans l'industrie de la construction. On peut se donner rendez-vous

pour continuer à discuter et à rediscuter des problèmes et des possibilités de réforme plus en profondeur dans cette industrie troublée par des difficultés naturelles à cette industrie, par des difficultés économiques et par des problèmes particuliers de relations du travail que présente l'industrie de la construction. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Beauce-Sud.

M. Hermann Mathieu

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je veux d'abord offrir mes voeux de prompt et complet rétablissement au ministre du Travail qui est actuellement retenu à l'hôpital. Je voudrais profiter de ce débat en deuxième lecture du projet de loi no 27, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, pour mentionner que c'est dommage que le projet de loi ne fasse pas mention des véritables injustices qui découlent de l'application du fameux règlement de placement dans l'industrie de la construction. J'ai toujours considéré et je crois que tous les gens considèrent que le droit au travail est un droit fondamental, un droit sacré, un droit inaliénable. Tout individu a le droit de choisir son métier et de vivre de son travail. Est-ce qu'il y a quelque chose de plus normal que de choisir son métier?

Le travail est un élément de dignité et de liberté pour l'homme. Combien de gens viennent dans nos bureaux de comté nous dire: Je suis obligé de vivre des prestations de l'aide sociale; je me sens démoli; je n'ai plus aucune dignité. Surtout quand ce sont des ouvriers qualifiés depuis longtemps, quand ce sont nos jeunes, notre belle relève, notre jeunesse qui a autant de talents, qui a autant d'ambitions que ceux qui l'ont précédée, je vous assure, je vous affirme que je ne peux pas demeurer indifférent devant de tels propos. Je me demande comment il se fait qu'il n'y a que la province de Québec dans toute l'Amérique du Nord, 50 États américains, 10 provinces du Canada, qui ait un fameux règlement de placement dans l'industrie de la construction. Mais on est donc bien fins, nous! On veut donc bien se singulariser d'avec les autres. Est-ce que c'est parce qu'on veut avoir des relations plus intimes avec la francophonie? Est-ce que c'est parce qu'on fait des voyages en France pour voir comment cela se passe sous un régime socialisant?

Je voudrais d'abord bien vous mentionner que je n'ai rien contre le certificat de qualification. Vous savez, il faut faire une distinction, parce que, pour les gens, c'est un peu compliqué. Deux cartes sont nécessaires pour oeuvrer dans l'industrie de la construction. Il y a le certificat de qualification, ce qu'on appelle la carte de compétence, et le certificat de classification de l'OCQ, ce qu'on appelle le permis de travail.

M. le Président, je crois qu'il est tout à fait normal que tout individu qui postule un travail, que ce soit chauffeur d'autobus, mécanicien, barbier, infirmière, avocat, médecin, subisse des tests de qualification, des examens, dans le but, d'abord, de protéger le public - si on fait venir un électricien, on sait qu'il est qualifié. La même chose pour un plombier, etc. - et dans le but également de protéger et de reconnaître certains droits acquis aux détenteurs de cette carte. Je veux vous dire que nous sommes tout à fait favorables à l'idée d'une carte de compétence, d'un certificat de qualification. Mais, là où nous ne sommes pas d'accord, c'est sur l'imposition de ce fameux certificat de classification de l'OCQ - l'Office du crime du Québec, dois-je le redire - ce qu'on appelle le permis de travail.

Je voudrais vous mentionner les injustices qui découlent de ce règlement odieux. Le journal Le Soleil, du mercredi 17 juin 1981, nous rapportait qu'un individu de Saint-Georges-de-Beauce, M. Gérard

Larochelle, qui exécutait un travail à La Malbaie, avait été arrêté par les agents de l'OCQ. Le juge, dans son jugement, a statué que ce monsieur avait le droit de travailler, parce qu'il détenait une carte de compétence, un certificat de qualification, avant que le règlement de l'OCQ ne soit mis en application. Or, il nous semble que c'est un jugement tout à fait intéressant. Le juge se basait sur la théorie des droits acquis, c'est-à-dire que M. Larochelle, qui détenait un certificat de qualification depuis environ une vingtaine d'années, avait le droit, selon le juge Côté, de continuer à travailler sans qu'on vienne l'en empêcher par le certificat de classification de l'OCQ parce qu'en vertu de la théorie des droits acquis, on lui reconnaissait ce droit. (16 h 40)

C'était rapporté dans le Soleil le 17 juin 1981. Le Soleil du 18 juin 1981 - cela n'a pas pris de temps - faisait part que Québec en appellera de la décision de la cour. Un gouvernement qui est censé avoir été élu pour ses préjugés favorables envers les travailleurs! Québec en appellera de la décision de la cour. Cela m'a tout simplement scandalisé de voir une chose semblable. Le fait que le gouvernement du Québec interjette appel de la décision du juge Côté, M. Larochelle ne pourra pas, tant que la Cour d'appel n'aura pas statué, exercer son métier parce qu'il est soumis aux règles de l'OCQ. M. le Président, dois-je vous mentionner que le jugement du juge Côté donnait le feu vert, libérait du boulet

de l'OCQ tous les travailleurs qualifiés dont le certificat rétroagissait avant l'entrée en vigueur du règlement de l'OCQ?

D'un trait de plume, Québec appelle, 18 juin 1981. Nous sommes rendus en 1983 et le jugement n'est toujours pas rendu. Il est à prévoir que la décision de première instance sera maintenue. Je trouve cela tout à fait épouvantable que le gouvernement se comporte de cette manière envers les travailleurs de la construction. Tout à l'heure, j'entendais le député de Prévost nous dire qu'il fallait le règlement pour distinguer les vrais travailleurs des faux. Je crois que M. Larochelle, qui détenait un certificat de qualification depuis environ 20 ans, doit être un vrai travailleur de la construction. Je conviens très bien qu'il y a eu des abus dans le domaine de la construction. On disait que des pompiers, des policiers, des professeurs s'adonnaient à ce métier, et étaient du travail, aux vrais, j'en conviens. Il y a certainement eu des abus. Il ne faut pas que le remède soit pire que le mal, cause plus de mal que le mal original.

Je vais vous citer, brièvement, une couple de lettres que j'ai reçues parmi de nombreuses qui sont très évocatrices: "Saint-Georges, 13 avril 1983. M. Hermann Mathieu. M. le député, la dernière est pour confirmer que l'application de la carte de l'OCQ qui est demandée par le syndicat et est approuvée par le gouvernement actuel est inconcevable. Pour ma part, je n'ai plus le droit de pratiquer ce métier que j'ai fait environ 30 ans, ce qui m'amène à être chômeur - Je pense que le signataire doit être un vrai travailleur de la construction. -J'espère que vous continuerez à travailler comme dans le passé de toutes vos forces pour l'abolition de cette carte qui enlève une grande partie de notre liberté."

Autre lettre: "M. le député, quand est-ce qu'on va avoir un gouvernement qui va abolir ces - excusez-moi - maudites cartes de l'OCQ. Cela fait depuis l'âge de 17 ans que je travaille sur la construction. J'en ai maintenant 28, c'est-à-dire onze ans. C'est donc dire que je pense avoir l'expérience nécessaire pour faire ce travail aussi bien que n'importe quel gradué de l'OCQ. Je n'ai jamais cessé de courir d'un bord à l'autre: Algérie, États-Unis, Alberta. Je suis marié, un enfant, je n'ai même pas de métier pour faire vivre ma famille. Je sens perdre ma dignité d'homme et de père de famille, avec toutes ces lois. Y a-t-il quelque chose de plus normal que de vouloir faire vivre sa petite famille? Je suis révolté d'être assis dans la maison presque à l'année. Je veux travailler dans ma province, chez nous, si on l'est encore. Où est-ce qu'on s'en va? Je ne le sais pas. Si ce n'était pas de ces fameuses cartes, je pourrais commencer à travailler demain matin. Partout où j'ai passé, j'ai contenté mes employeurs. J'en suis rendu à presque haïr et maudire cette belle et grande province où je suis né."

M. le Président, je pense que ce sont des témoignages qui ne peuvent nous laisser insensibles. Je n'en cite que deux. Je me souviens d'un autre qui m'a écrit me disant: "Je vous écris un mot de désespoir. Les polices viendront me chercher d'une journée à l'autre, et parce que j'ai travaillé sans carte de l'OCQ, je vais coucher sur le veneer encore pendant quelques jours, etc." C'est une situation absolument intolérable.

Que disait l'Assemblée des évêques du Québec, le 5 avril 1983, sous la signature de Son Excellence Mgr Adolphe Proulx, évêque de Gatineau-Hull? Je cite: "Nous croyons donc avec vous que ces travailleurs qualifiés ne devraient pas perdre leur permis de travail pour la seule raison qu'ils n'ont pu accomplir les mille heures de travail requises selon le décret." Si c'est vrai pour nos pères de famille qui sont réduits au chômage et à l'aide sociale, que dire de nos jeunes qui, comme je le disais tantôt, ont du talent, de l'idéal et de l'ambition? Vous savez ce qu'on peut avoir d'ambition et de motivation à 20 ans. Or, on vient leur fermer absolument hermétiquement le marché du travail. On les forme dans les écoles. On les prépare à être menuisiers, plombiers, électriciens et autres et lorsque arrive le temps de travailler, on les réduit à l'aide sociale.

Je voudrais faire ici un appel pressant au nom de cette relève, au nom de nos jeunes qui ont le droit de choisir leur travail, qui désirent demeurer au Québec, mais qu'on ne les plafonne pas à l'aide sociale. Dans le moment, on nivelle tout le monde à la base et on plafonne les aspirations de nos jeunes. Avec les méthodes de ce gouvernement, si les affaires d'un entrepreneur deviennent un peu trop prospères, on prend la masse et on lui en donne un bon coup sur la tête en lui disant: Tu vas prendre ton trou. Tout le monde égal dans la médiocrité. Quand arrive le temps d'affirmer l'idéal et l'ambition des jeunes, on les plafonne et on les plafonne bas, si vous me permettez l'expression.

C'est un cri du coeur que je lance au gouvernement en faveur de notre jeunesse. Peut-on se permettre de voir notre jeunesse sacrifiée comme le disaient si bien les évêques le printemps dernier? Cela peut devenir le génocide de notre peuple. Si une personne souffre d'hémorragie, la substance qui coule d'une veine, c'est ce qu'elle a de plus important dans son organisme. Quand je vois nos jeunes dont le talent, l'ambition et l'idéal sont refoulés ou qui sont voués à l'exil, en Alberta, etc., c'est une hémorragie. Le refoulement est une asphyxie et l'exil est une hémorragie. Pensez-vous qu'on va pouvoir assurer une relève à notre Québec auquel nous sommes tous attachés en traitant les jeunes de cette manière? Je dis que nous ne

pourrons pas contenir ou refouler sous l'éteignoir pendant bien des années le talent et l'ambition de ces jeunes.

Je voudrais également dire un mot du traitement un peu cavalier fait aux personnes qui sont traînées devant le tribunal parce qu'elles doivent travailler. J'ai entendu plusieurs plaintes à savoir que certains procureurs à la cour de l'OCQ disent, quand l'accusé dit: Coudon, j'ai une femme et des enfants. Votre femme et vos enfants, cela ne nous intéresse pas. Allez-vous-en à l'aide sociale. Je pense que ce sont des paroles regrettables.

M. le Président, je ne veux pas être plus long, mais je voudrais faire un appel pressant, un appel vibrant au gouvernement pour qu'il corrige ces injustices. L'année dernière, j'avais posé une question relativement au nombre de poursuites dans les années antérieures. Dossiers ouverts en 1981: 6155; 1979, 8814; 1977, 5565. Ce sont des dizaines de milliers de dossiers. C'est intolérable. Or, le gouvernement modifie le règlement deux ou trois fois par année, mais c'est toujours un empêtrement. Quand la substance est profondément mauvaise, quand vous voulez le modifier pour l'améliorer, vous n'êtes pas capable de manoeuvrer une substance qui est mauvaise en soi. Je ne dis pas que le gouvernement a de mauvaises intentions. Ce n'est pas le but de mon propos, mais je dis que cette situation ne peut plus durer. S'il n'y a pas d'équivalent à l'OCQ ailleurs en Amérique, pourquoi faut-il se singulariser à ce point ici au Québec et imposer de telles contraintes et de telles injustices? (16 h 50)

En terminant, je dis au gouvernement: Cessez la violence! Vous parliez de violence physique sur les chantiers. Que dire de la violence morale qui est beaucoup plus dommageable que la violence physique et qui fait tant de mal à nos jeunes et à nos vrais travailleurs de la construction? Cessez les injustices que ce fameux règlement perpétue. Je dis au gouvernement, oui, à la qualification mais, de grâce, abolissez le plus tôt possible cette fameuse carte de classification, ce permis de travail tout à fait indigne de Québécois libres. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des Affaires sociales, député d'Anjou et ministre du Travail par intérim.

M. Pierre-Marc Johnson (réplique)

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai été sensible au discours du député de Beauce-Sud qui évoque le drame quotidien de dizaines de milliers de Québécois en chômage, qu'ils soient dans l'industrie de la construction ou ailleurs. Je me permettrai, puisque l'Opposition a choisi de faire porter l'essentiel de ses interventions sur la dimension du règlement de placement qu'on pourrait appeler connexe, bien que totalement absente de ce projet de loi, d'y apporter quelques propos de mon cru.

C'est vrai que la situation économique est épouvantablement dure pour des dizaines de milliers de familles au Québec. Elle est d'autant plus dure pour les jeunes qui ont été formés dans notre société au slogan de: S'instruire, c'est s'enrichir. Ils ont parfois de la misère à voir la lumière au bout du tunnel. Mais je dirais que beaucoup des choses que nous a rapportées le député de Beauce-Sud ne sont pas caractéristiques ou typiques des métiers de la construction. Ces choses sont réelles, mais elles sont caractéristiques et typiques de ceux qui sont atteints par le chômage. Il ne s'agit pas de se mettre la tête dans le sable à l'égard de ces problèmes, il s'agit cependant de constater que les instruments que le gouvernement a pour pallier ces problèmes de chômage dans notre société, avec la crise économique que nous vivons, sont quand même limités.

Je parlerai maintenant un peu plus précisément de ce que cela signifie dans la construction, cette exigence de la classification qui est un problème que je connais un peu pour avoir été de passage au ministère du Travail lorsque ces décisions ont dû être prises. Le principe général qui était alors évoqué était celui de permettre aux véritables travailleurs de la construction de gagner leur vie sur les chantiers de construction, sans se voir imposer une sorte de concurrence qu'on pourrait qualifier de plus ou moins déloyale de la part de ceux qui ne faisaient pas de ce métier leur gagne-pain. Pourquoi? C'est essentiellement à cause des constatations de la commission Cliche qui sont celles qu'on constate un peu partout sur le continent, dans beaucoup d'États américains et dans beaucoup de provinces canadiennes, celui de la violence physique et de la dureté quant à ce qui peut se passer sur les chantiers quand l'offre d'emploi est deux fois inférieure à la demande.

En pratique, au Québec, dans les années 1976 et 1977, il y avait environ 200 000 personnes inscrites à l'OCQ comme travailleurs de la construction. Dieu sait pourtant qu'à l'époque des meilleures années de la construction il y avait du travail au Québec, alors qu'il y avait de la construction dans beaucoup d'endroits pour à peine la moitié et même moins que la moitié du nombre de personnes inscrites. Il y avait encore à cette époque - on s'en souviendra -de la violence. Le juge Cliche avait constaté comme d'autres personnes, et non pas seulement lui, qu'il fallait trouver un moyen de normaliser l'accès aux chantiers de construction pour ceux qui, en termes de

qualifications professionnelles, y avaient accès.

Je préciserai ici une chose ou deux. Ce n'est pas parce que l'on est plombier, électricien ou menuisier que par définition, on travaille dans la construction. C'est une image qui est malheureusement encore véhiculée. Il existe des plombiers dans les entreprises, des électriciens d'entretien; il existe des charpentiers-menuisiers dans les entreprises, ailleurs que dans le secteur de la construction. Il y a même, dans ces métiers, une majorité d'employés, dans certains cas, qu'on retrouve ailleurs que dans les métiers de la construction. Ce sont des métiers du même type, mais qui sont exercés en dehors de la construction domiciliaire, de la construction commerciale ou industrielle. C'est un peu comme si on disait: Sortir de l'université avec un diplôme en droit, ça ne vous donne pas automatiquement la garantie que c'est au gouvernement du Québec, au contentieux d'Hydro-Québec ou à Bell Canada que vous allez travailler. À cet égard, la construction est reconnue spécifiquement comme étant un domaine auquel aspirent beaucoup de ces finissants des métiers de la construction, le domaine proprement dit de la construction est un peu le domaine auquel aspirent ces jeunes.

Il y a des débouchés ailleurs, qui sont peu nombreux à cause de la situation économique, mais qui ne sont pas plus nombreux dans la construction qu'ils l'étaient; au contraire, ils sont moins nombreux qu'ils l'étaient en 1976. Il y a au Québec, au moment où on se parle, à peine 50 000 travailleurs-année sur nos chantiers de construction, alors qu'il y en a près de 100 000 inscrits à l'OCQ. Quand même on en inscrirait 300 000 à l'OCQ, ça ne donnera pas un emploi de plus dans la construction. Qu'on se mette dans la tête que le chômage dans le secteur de la construction ne dépend pas de la réglementation, il dépend de l'activité économique dans le secteur de la construction.

Des voix: C'est ça!

M. Johnson (Anjou): Dans ce cadre, que vient faire la réglementation? La réglementation vient, c'est vrai d'une façon contraignante, limiter l'accès à ces postes dans le secteur de la construction à des personnes en fonction de critères de présence historique dans le milieu. Mon collègue, le député de Prévost, l'adjoint parlementaire du ministre du Travail, l'a bien évoqué tout à l'heure, c'est dans le secteur de la construction plus ou moins ce qui est l'équivalent de l'ancienneté dans le secteur industriel. Quand ça va mal dans une compagnie, que ce soit à General Motors ou ailleurs, s'ils sont obligés de mettre des gens à pied parce qu'il y a moins de gens qui consomment les produits, ça se fait par ordre d'ancienneté. Le règlement de la construction est analogique; je ne dis pas qu'il est identique, mais il s'inspire du même type de principe que ce qu'on retrouve dans les règles d'ancienneté dans le secteur industriel.

C'est vrai que c'est contraignant, mais ça implique aussi deux conséquences qu'il ne faut pas oublier. À partir du moment où on sait que, règlement pas règlement, il n'y aura pas plus d'activité économique sur le plan de la construction, que cela dépend de facteurs extrinsèques à la réglementation, nous constatons deux choses. D'une part, nous constatons que les travailleurs de la construction qui, encore une fois, peuvent être occupés au nombre d'environ 50 000, alors qu'il y en a presque 100 000 d'inscrits à l'OCQ, ont un revenu annuel moyen de 15 000 $. Ce n'est quand même pas le pactole, ce n'est quand même pas être gras dur, un revenu moyen de 15 000 $ pour bien des gens qui, dans certains cas, sont des pères de famille, des mères de famille - il y en a moins, il faut le dire, dans les métiers de la construction - et qui sont des citoyens qui, dans bien des cas, ont 40, 45 ans, qui ont des obligations familiales. Ils ont un salaire moyen de 15 000 $.

M. le Président, s'il n'y avait pas de règlement de la construction, d'une part, il y aurait sûrement, surtout dans le contexte économique que l'on connaît, de la violence à beaucoup d'endroits sur les chantiers de construction. On l'a vu poindre récemment à l'égard de travaux très précis entre deux syndicats, alors que les gens se battent pour des emplois. La première conséquence, s'il n'y avait pas au moins cette sorte de contingentement relatif d'accès à l'industrie et non pas au métier, il y aurait de la violence. Deuxièmement, il est très clair que le salaire moyen des individus serait nettement inférieur à 15 000 $, dans la mesure où ils seraient plus nombreux à se partager un nombre d'heures donné.

L'industrie de la construction peut fournir tant de personnes-année. À cet égard, il est très clair qu'il y a des conséquences au niveau du marché noir, nous le savons, et chaque fois que nous intervenons à l'égard du marché noir, nous entendons les gens en face et d'autres qui nous parlent des libertés individuelles. À toutes fins utiles, le choix, ç'a été quoi? Cela a été de dire oui ou non au règlement. À partir du moment où on réglemente, il faut l'assumer avec cohérence, il faut en subir les conséquences. (17 heures)

S'il est vrai que je suis sensible aux difficultés que connaissent des hommes qui ont travaillé de leurs mains dans ces métiers, ici ou ailleurs au Canada, aux États-Unis, en Afrique du Nord, en Asie ou au Moyen-Orient, il est vrai aussi que si

nous n'avions pas cette réglementation il y aurait, d'une part, de la violence et, d'autre part, sans doute, un revenu moyen nettement inférieur puisque, si le taux horaire est à 10 $, 12 $ ou 13 $ dans certains cas, il faut se rappeler que plus les individus partagent les emplois, plus cela devient difficile.

Néanmoins, M. le Président, les structures syndicales ici au Québec ont commencé une réflexion qui prendra sans doute un certain temps mais où il y a un courage qui s'exprime de toute évidence par certaines structures syndicales, commencé à évoquer cette question du partage de l'emploi pour que les heures disponibles dans la construction soient le mieux possible partagées et qu'il y ait là le meilleur équilibre possible de revenus entre les individus qui y travaillent.

Ce n'est pas une démarche facile dans un pays de liberté individuelle mais peut-être que ce secteur de notre société est en train de se rendre compte qu'il y a aussi des solidarités collectives à exercer. Au fur et à mesure de l'expression de cette liberté chez les individus par leurs structures syndicales, peut-être verrons-nous un meilleur partage des emplois dans ce domaine.

Il n'y a pas de solution magique, règlement de placement ou pas. Si ce n'est pas celui qui a été cité, ou l'un des trois ou quatre individus qui ont été cités par le député de Beauce-Sud, qui est en chômage, ce seront trois autres par définition et ces problèmes humains graves, importants, auxquels nous devons être sensibles ne peuvent pas connaître de solution simpliste comme celle de l'abolition d'un règlement qui, par ailleurs, a des effets, on le sait, qui sont positifs à l'égard de ceux qui sont dans le milieu comme à l'égard du climat social.

Je dirai finalement qu'on s'est fait des gorges chaudes à dire qu'aucune réglementation de cette nature n'existait ailleurs sur le continent nord-américain. S'il est exact que les autres États ou les provinces au Canada n'ont pas adopté de règlements analogues, les structures syndicales s'en sont occupées joyeusement. Dans le cas des États-Unis, avoir accès à un chantier de construction, cela se fait par le Union Hall et les critères appliqués par les structures syndicales ne sont pas nécessairement des critères qui ont le caractère objectif d'une réglementation comme celle qu'il y a au Québec.

On sait qu'il y a régulièrement, en Colombie britannique, en Ontario et dans toutes les régions des États-Unis, des actes de violence constants, de batailles intersyndicales et, deuxièmement, des problèmes entourant - quand ce n'est pas carrément la corruption - au moins une attitude de domination de certaines structures syndicales à l'égard des travailleurs.

Heureusement au Québec, sans prétendre que toutes ces choses ont pu être totalement écartées, je pense que nous les vivons ici nettement à un moindre degré. Dans les circonstances, M. le Président, je pense que ce règlement, malgré les difficultés qu'il présente et malgré le fait qu'il pourra donner ouverture éventuellement à une certaine libéralisation, a encore sa place ici. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la deuxième lecture du projet de loi no 27, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.

Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission du travail

M. Boucher: Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission parlementaire du travail.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint.

M. Boucher: Je vous demanderais maintenant d'appeler l'article 13 de notre feuilleton d'aujourd'hui.

Projet de loi no 31 Deuxième lecture

Le Vice-Président (M. Jolivet):

Deuxième lecture du projet de loi no 31, Loi modifiant la Loi sur les transports. M. le ministre des Transports.

M. Michel Clair

M. Clair: M. le Président, le projet de loi dont nous entreprenons maintenant l'étude en deuxième lecture s'intitule Loi modifiant la Loi sur les transports et ne comporte que trois articles.

À première vue on pourrait donc penser qu'il s'agit d'un projet de loi d'une importance secondaire mais le vrai titre de ce projet de loi devrait être plutôt loi

légalisant la pratique du covoiturage pour les fins de déplacements domicile-travail et domicile-études. À ce titre-là, malgré le nombre d'articles limité du projet de loi, on serait à même de constater, à partir de ce titre et des conséquences de ce projet de loi, toute l'importance que prend le projet de loi no 31 dans l'organisation même du transport des personnes au Québec. La légalisation du covoiturage, on en a parlé pendant plusieurs années au Québec. Que ce soit sous le régime libéral qui nous a précédés; que ce soit au moment de l'adoption du nouveau Code de la sécurité routière, que ce soit au moment de l'adoption de la Loi sur l'assurance automobile du Québec, à plusieurs reprises est revenu dans l'opinion publique ce désir exprimé par d'aucuns de légaliser le covoiturage au Québec.

Quant à moi, j'ai maintes fois souligné au cours des derniers mois l'intention du gouvernement de procéder maintenant à une légalisation du covoiturage en permettant la pratique de cette activité sans permis spécial pour les gens se déplaçant régulièrement entre leur domicile et leur lieu de travail ou encore entre leur domicile et leur lieu d'étude. Soit parce qu'ils ne disposent pas d'un véhicule personnel ou encore par souci d'économie et compte tenu de la faible qualité ou même de l'absence de service de transport en commun dans certains endroits, un grand nombre d'individus se regroupent pour n'utiliser qu'une automobile pour se rendre à leur lieu de travail ou d'étude. Cette pratique n'a cessé de connaître une popularité de plus en plus grande au cours des dernières années.

La possibilité de covoiturer permet donc à ces personnes de trouver une solution satisfaisante à leur problème de transport. Elle peut leur éviter l'obligation d'acquérir un véhicule en propre ou encore, dans certains cas, d'avoir à se procurer un deuxième véhicule pour la famille. Surtout, ce transport communautaire permet d'atténuer l'effet de la hausse croissante des coûts de transport que nous avons connue depuis la crise pétrolière en 1973.

À cet effet, j'aimerais mentionner les résultats d'une étude faite à ce sujet par le Club Automobile du Québec, un organisme bien connu, dans laquelle il est précisé que pour un kilométrage annuel de 15 000 kilomètres, une voiture coûte entre 2800 $, dans le cas d'une petite cylindrée, et 4300 $ selon, justement, la catégorie du véhicule automobile utilisé. Ce sont là des frais très importants, qui constituent une part importante du budget familial. Je considère qu'il nous faut tout mettre en oeuvre pour permettre aux Québécoises et aux Québécois d'économiser à ce niveau et de dégager ainsi des sommes d'argent importantes pour les autres besoins de la famille.

Le covoiturage présente également des avantages importants pour la collectivité. Sur le plan énergétique, il contribue à diminuer la consommation globale d'une source d'énergie importée, coûteuse et non renouvelable. En diminuant le volume de véhicules circulant aux heures de pointe et en optimalisant l'utilisation des infrastructures existantes, le covoiturage peut aider à repousser la nécessité d'investir dans de nouveaux équipements routiers. D'ailleurs, des expériences qui ont eu cours aux États-Unis ont démontré justement qu'on pouvait retarder des investissements publics en matière d'infrastructures routières ou de transport en commun par une promotion adéquate du transport par covoiturage.

Finalement, l'accroissement du taux d'occupation de chaque véhicule automobile diminue également la demande en aires de stationnement dans les centre-ville, ce qui se traduit par d'importantes économies d'espace dans les milieux hautement urbanisés. Que dire maintenant des économies de vies humaines que cela peut comporter de covoiturer? Nous savons tous que la fatigue accumulée par le conducteur est un des facteurs des accidents d'automobile. Dans la mesure où un certain nombre de personnes se regroupent pour aller au travail avec une seule voiture, bien souvent en alternant les personnes qui conduisent le véhicule, on diminue également considérablement les risques d'accident et, en conséquence, cela a un impact social non négligeable. (17 h 10)

L'éventualité d'une légalisation du covoiturage fait l'objet depuis plusieurs années de consultations dans le milieu concerné. Il en a été fait mention, notamment, dans le plan d'action intitulé: De nouvelles avenues pour le taxi, alors que le gouvernement signifiait son intention de légaliser à court terme la pratique existante du covoiturage et, également, d'en faire ou d'en favoriser la promotion.

Cette initiative a reçu, je dois le dire, l'appui de nombreux organismes et regroupements lors de la commission parlementaire sur le taxi. Les représentants de l'industrie du taxi de même que les propriétaires d'autobus ont, par le passé, signifié leur inquiétude face à une éventuelle légalisation du covoiturage. Cette inquiétude est en voie de se résorber en raison principalement d'une meilleure compréhension de la problématique du covoiturage.

Dans le domaine du taxi en particulier, les perspectives d'avenir de cette industrie, dans le contexte de l'ouverture éventuelle de nouveaux marchés, ont eu pour effet de diminuer considérablement les appréhensions à ce sujet. De plus, quelques rencontres ont été effectuées entre les représentants de l'association, Covoiturage Québec Inc., un organisme sans but lucratif voué à la

promotion et à l'implantation du covoiturage, et ceux de la Fédération des ligues de taxi du Québec. Il appert que le taxi pourrait être développé comme un des moyens mis à la disposition des adeptes du covoiturage. Donc, M. le Président, à cet égard, non pas une incompatibilité entre la légalisation du covoiturage et le développement de l'industrie du taxi, mais, au contraire, une communauté de vues, une complémentarité qui viserait à faire la promotion non seulement du covoiturage par un véhicule propriété des covoiturés, mais également de pouvoir faire du covoiturage en utilisant le taxi. Tel est le sens des discussions qui ont eu cours entre la Fédération des ligues de taxi du Québec et Covoiturage Québec Inc.

En ce qui concerne toujours l'industrie du taxi, le covoiturage, en diminuant la dépendance des individus face à leur automobile, pourrait même avoir un effet très positif sur l'industrie du taxi. Alors que l'avantage comparatif du covoiturage augmente avec la distance, celui du taxi a tendance à diminuer. Les possibilités de chevauchement sont donc limitées. Sur ce point-là, M. le Président, je voudrais insister sur une dimension.

Il est bien connu que les gens covoiturent rarement pour de courtes distances et font beaucoup plus souvent appel pour des courts déplacements, lorsqu'ils n'utilisent ni le transport en commun ni leur véhicule propre, au taxi. C'est le recours usuel de déplacement rapide, peu coûteux, dans les centres urbains, sur de courtes distances. D'ailleurs, la majorité des courses, 80% des courses de taxi, sont pour une distance de moins de cinq kilomètres, alors que l'expérience américaine, des expériences étrangères nous apprennent qu'environ 80% des déplacements en matière de covoiturage, les navetteurs, comme on les appelle parfois, 80% de ceux-ci voyagent sur une distance d'au moins quinze kilomètres, une distance pour laquelle on utilise rarement un taxi. On voit donc, M. le Président, que loin de venir en opposition, le développement de l'industrie du taxi et le développement du covoiturage, ces deux modes de transport, ces deux techniques douces de transport, sont susceptibles de se compléter plutôt que de s'affronter.

Par ailleurs, M. le Président, les covoiturés, les navetteurs, sont des clients potentiels du taxi pour les courses à l'heure du déjeuner, pour les rencontres dans le cadre de leur travail ou pour le retour à la maison à une heure inhabituelle. Dans ce sens-là, je connais effectivement des gens, dans la région de Montréal, qui font du covoiturage et il est fréquent de constater que, chez des fonctionnaires, par exemple, qui covoiturent ensemble entre leur résidence et le lieu de leur travail, si l'un d'entre eux, pour une raison ou pour une autre, pendant la journée, doit se déplacer sur une courte distance, rapidement, il fait alors appel au taxi, alors que s'il n'avait pas covoituré le matin, en se rendant à son travail, de toute évidence, celui-ci se serait servi de sa voiture plutôt que de se servir d'un taxi.

Sur cette question, donc, non pas une opposition. On ne devrait pas voir comme une possibilité d'enlever du marché au taxi en légalisant le covoiturage, mais, au contraire, comme une autre façon de diversifier, d'augmenter la clientèle des propriétaires et des chauffeurs de taxi.

En ce qui concerne maintenant les propriétaires d'autobus, l'Association des propriétaires d'autobus du Québec m'a fait parvenir, il y a quelques jours, peut-être même hier, et probablement qu'elle a fait de même auprès de mon critique en matière de transport, le député de Laporte. Cette association s'inquiète de la légalisation du covoiturage craignant que cela ne vienne miner la rentabilité de l'industrie du transport par autobus, du transport privé. À cet égard, il me semble, premièrement, que ces craintes sont largement exagérées, que l'objectif de la légalisation du covoiturage n'est aucunement de permettre que se développe un système parallèle de transport lucratif, mais simplement d'offrir une solution de rechange à des personnes qui ne peuvent ou ne veulent se payer des automobiles privées, qui désirent se regrouper pour covoiturer, c'est le terme à employer dans les circonstances, et non pas de développer un système parallèle de transport.

Tout comme dans le cas de l'industrie du taxi, dans la mesure où des gens abandonnent une voiture personnelle, font un autre choix que la voiture individuelle, c'est autant d'habitudes de prises que d'utiliser d'autres modes de transport que l'automobile personnelle. Dans ce sens, je suis convaincu qu'une personne qui prend l'habitude pour les fins de déplacement domicile-travail, par exemple, de covoiturer, cette personne sera un client en puissance plus certain pour l'autobus privé ou public que si cette personne conserve l'habitude de n'utiliser que son véhicule personnel. Cela m'apparaît évident, encore une fois, en ce qui concerne les propriétaires d'autobus qu'il n'y aura pas de conséquence négative pour eux en légalisant la pratique du covoiturage, mais qu'au contraire, en développant une solution de rechange à l'automobile privée qu'on contribue à augmenter le potentiel d'utilisation de tous les autres modes de transport en commun ou semi-collectifs, comme le taxi, y compris l'autobus interurbain.

Deuxièmement, en ce qui concerne les propriétaires d'autobus, je voudrais également rappeler qu'un groupe de travail conjoint du ministère des Transports du Québec et de l'Association des propriétaires d'autobus du

Québec est déjà en marche et devrait être en mesure de nous faire des recommandations à l'automne quant aux meilleurs moyens à prendre pour améliorer le sort de l'industrie du transport en commun privé au Québec et également de rajeunir le cadre réglementaire de ce transport en commun très important pour les régions du Québec. D'autre part, il y a lieu de souligner que lors de la commission parlementaire sur la réforme du cadre institutionnel et financier du transport en commun dans la région de Montréal, de nombreux intervenants ont souligné l'importance de favoriser le développement de modes alternatifs de déplacement dont le covoiturage pour les populations de banlieue.

Vous vous souviendrez sûrement qu'on parlait, à ce moment de développer non seulement les moyens lourds de transport, mais également de développer ce qu'on avait appelé les techniques douces de transport à savoir le covoiturage, le taxi collectif, le transport par autobus, etc. Le covoiturage constitue en effet une solution de rechange particulièrement intéressante dans les secteurs semi-urbains où l'organisation de services de transport en commun traditionnels n'est pas viable financièrement en raison de la faible densité de population. Il faut considérer que le covoiturage est un fait acquis au Québec et que la modification législative aura principalement pour effet de régulariser, de légaliser la situation. D'ailleurs, l'expérience nord-américaine révèle que la plupart des provinces canadiennes et des Etats américains ont légalisé cette activité. Au Québec, actuellement, la Loi sur les transports édicte: "Que nul ne peut fournir des services à l'aide de moyen d'un système de transport contre une rémunération directe ou indirecte s'il ne détient le permis prescrit à cette fin par règlement." (17 h 20)

Bien sûr, les règlements de transport prescrivent des permis pour transporter des personnes contre rémunération. Cette disposition de la Loi sur les transports prête à interprétation dans le cas du covoiturage et c'est cette ambiguïté qui a freiné le développement du covoiturage particulièrement en empêchant la promotion officielle et légale de cette activité. L'esprit des réformes mises de l'avant récemment dans le domaine des transports qui visent avant tout une utilisation plus rationnelle des équipements existants plaide en faveur d'une adaptation du contexte réglementaire à la réalité actuelle ainsi qu'aux tendances futures. Non seulement cela plaide en faveur de la légalisation du covoiturage, mais également l'adoption, en 1978, de la Loi sur l'assurance automobile du Québec, qui, malheureusement, avait été décriée à l'époque par l'Opposition, en garantissant l'indemnisation de toutes les personnes victimes, blessées ou tuées dans un accident d'automobile, il n'y avait plus, du point de vue des assurances - et il n'y a plus du point de vue des assurances - d'obstacle à la légalisation du covoiturage.

Donc, M. le Président, je propose de modifier, par le projet de loi no 31, l'article 36 de la Loi sur les transports, afin de légaliser la pratique du covoiturage vers les lieux de travail ou les lieux d'études. Je propose que la contribution exigée des usagers dans le cadre de tels services ne couvre que les frais d'utilisation du véhicule, ce qui empêchera, comme je l'expliquais tantôt, le développement de systèmes lucratifs parallèlement aux services réguliers de transport existants, le type de transport autorisé devant en effet avoir un caractère carrément communautaire.

La proposition ne limite pas le type de véhicules pouvant être utilisés dans le cadre de tels services. Le sens commun ainsi que les expériences étrangères démontrent que les véhicules le plus fréquemment utilisés sont d'abord, bien sûr, l'automobile personnelle et, deuxièmement, la fourgonnette, d'une capacité variant entre dix et quinze passagers. Le fait que de tels services devront être dispensés à des fins non lucratives diminue également et annule, à toutes fins utiles, l'incitation à utiliser des véhicules à haute ou à très haute capacité.

En conclusion, il y a donc lieu de souligner que si l'objectif principal du présent projet de loi est de normaliser la situation d'un bon nombre de personnes qui pratiquent déjà le covoiturage, cette mesure législative, en éliminant l'ambiguïté légale, facilitera sa promotion et favorisera, par le fait même, son développement. Déjà, plusieurs organismes, dont l'association, Covoiturage Québec Inc., travaillent activement à promouvoir l'organisation de cette forme de transport en mettant l'accent sur la mise en place de programmes de covoiturage à partir de grandes entreprises. D'ailleurs, je me permets de féliciter, comme ministre des Transports du Québec -et, j'en suis sûr, au nom de tous mes collègues - les fondateurs de l'association, Covoiturage Québec Inc. qui, dans des circonstances qui n'étaient pas faciles pour eux, ont obtenu le soutien moral et financier des deux niveaux de gouvernement afin de se constituer une petite équipe qui, bénévolement, à toutes fins utiles, au départ, a fait la promotion du covoiturage auprès de grandes entreprises et qui a contribué largement à l'avancement dans les mentalités du milieu du taxi et du milieu des propriétaires d'autobus, à l'avancement de cette idée de légaliser le covoiturage et d'en faire la promotion.

Dans le cas des entreprises situées en banlieues éloignées, dans des zones peu

denses et mal desservies par le transport en commun, le transport des employés peut, en effet, constituer un problème majeur, et les différentes formes de covoiturage se révèlent une solution très avantageuse. Cette situation vaut également pour les entreprises situées en milieu urbain, mais éprouvant des problèmes de stationnement. C'est spécifiquement à ces problèmes que l'on vise à apporter une solution et que l'association, Covoiturage Québec Inc. s'attaque également. De plus, il me fait plaisir d'indiquer que plusieurs organismes gouvernementaux, en particulier la Régie de l'assurance automobile du Québec, comme organisme, et Radio-Québec, en plus du ministère des Transports du Québec, se sont montrés intéressés à s'associer à la promotion du covoiturage au Québec. Pour les pouvoirs publics, finalement, la pratique du covoiturage peut atténuer la nécessité de mettre en place des services de transport en commun dans les zones peu denses, services qui sont généralement largement déficitaires.

La légalisation du covoiturage et la promotion de cette activité ne constituent qu'une étape dans le développement d'un plan de transport faisant appel à un ensemble de services correspondant aux besoins particuliers des différentes catégories d'utilisateurs et dans un contexte d'efficacité économique et sociale. Il n'en représente pas moins, j'en suis convaincu, une étape très importante, très significative et des plusrentables pour la société québécoise. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Laporte.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je me réjouis du dépôt du projet de loi no 31 qui vise à éliminer l'imbroglio légal en rapport avec le covoiturage au Québec. Enfin, on légalisera un mode de transport privé par lequel un groupe de personnes demeurant à proximité voyagent ensemble pour couvrir d'une façon économique le trajet entre la résidence et le lieu de travail. Cette loi permettra un partage en tout ou en partie des frais du véhicule par un groupe de personnes qui se rendent à leur travail ou à leur lieu d'études. Il ne sera plus nécessaire de requérir un permis de la Commission des transports du Québec pour ce genre de transport collectif. On vise à résoudre l'ambiguïté de la loi face à la pratique du covoiturage.

Mais pourquoi faire la promotion du covoiturage? Ce mode de transport en vigueur aux États-Unis depuis au moins dix ans et, en Ontario, depuis plus de cinq ans, vise à rentabiliser l'infrastructure routière en place, à dégager et décongestionner les centre-ville, à complémenter les systèmes de transport en vigueur et à permettre des économies aux usagers tout en favorisant une meilleure productivité des employés dans les entreprises. Je me dois quand même de blâmer le gouvernement pour sa lenteur à présenter un tel projet de loi.

Qu'il me soit permis de faire un bref historique de la situation en Amérique du Nord. Avec la crise du pétrole en 1973, le gouvernement fédéral américain s'est grandement impliqué dans la promotion du covoiturage. Il a établi des lois-cadres pour favoriser le covoiturage et environ 40 États américains ont légalisé le covoiturage. Le gouvernement américain a financé des études sur les avantages et l'implantation du covoiturage. Il a participé activement à des projets pilotes, à la promotion des activités du covoiturage; il a aussi alloué des fonds de capitalisation pour construire des voies réservées, des stationnements, le tout pour favoriser l'usage du covoiturage. En effet, si on veut que quelque chose réussisse, il faut nécessairement y conférer certains avantages. L'effet a été dramatique. On estime qu'en 1975, on économisait déjà 3 500 000 000 de gallons d'essence par année par l'usage du covoiturage. Je cite The Report of the National Task Force on the Ride Sharing 1980, à la page 7. Mais on n'est pas satisfait aux États-Unis, on veut doubler les économies pour l'année 1985.

Au Canada, c'est l'Ontario qui a pris les premières mesures législatives, en 1977, à l'effet de modifier le "Public Vehicle Act" pour légaliser et déréglementer la pratique du covoiturage. Plusieurs programmes pour favoriser le développement du covoiturage sont maintenant en oeuvre en Ontario. Je me réjouis que le gouvernement considère qu'il y a des solutions douces dans un plan de transport collectif. Depuis des années, le gouvernement favorise le développement du transport collectif selon des solutions lourdes telles que le plan de Belleval et la ligne de métro de surface no 6 récemment proposée à la Communauté urbaine de Montréal par le gouvernement du Québec via le COTREM, qui est le Conseil des transports de la région de Montréal. Le préjugé favorable du gouvernement envers les solutions lourdes de transport en commun collectif a rendu le gouvernement myope en regard des préférences de la population vis-à-vis du transport collectif privé. En effet, le covoiturage au noir est une pratique bien établie. Une étude du COTREM faite en 1982 démontrait qu'il y avait au moins 110 000 navetteurs ou covoiturés dans la région de Montréal pour se rendre à leur travail. Le covoiturage existe, c'est un fait indéniable, et jusqu'à récemment le gouvernement refusait d'en permettre un développement harmonieux. (17 h 30)

Encore cette année, si l'Opposition officielle n'avait pas insisté fortement auprès du ministre des Transports, le gouvernement hésiterait encore à institutionnaliser la pratique du covoiturage. Je ne comprends pas ses hésitations, quand on connaît tous les avantages du covoiturage. Le covoiturage diminue les coûts de transport pour ceux qui en font l'usage, il diminue le stress du transport et améliore la productivité de l'employé. Le covoiturage permet aux entreprises de réduire les coûts du stationnement. En regard de la collectivité, il permet une utilisation plus efficace de l'infrastructure routière, une économie de pétrole et, mieux encore, il améliore la qualité de la vie en diminuant la pollution et les embouteillages sur les routes.

Je me réjouis donc de la libération du covoiturage, mais je presse maintenant le gouvernement d'établir un préjugé favorable à l'égard du transport collectif privé. C'est une solution voulue par les Québécois et elle doit être insérée dans une politique globale de développement du transport collectif favorisant des solutions légères. Qu'on cesse donc de communiser le transport collectif et de ne promouvoir que des solutions lourdes. Plus que jamais il faut penser au développement de modes de transport adaptés aux goûts et aux besoins de la population.

Plus conformes aux habitudes des Québécois, ces solutions dites légères ont également l'avantage de ne coûter absolument rien à l'État et au trésor public. Par exemple, abolir le péage sur les autoroutes pour les véhicules transportant plus de trois personnes est beaucoup plus conforme aux préférences des citoyens que de construire un métro de surface de 200 000 000 $ à 300 000 000 $ en plein champ.

L'abolition du péage implique certes des coûts. Une étude effectuée par le COTREM en 1983 intitulée Possibilités de covoiturage sur les autoroutes à péage à Montréal évalue les coûts de mise en oeuvre approximativement à 500 000 $ et conclut que les coûts préférentiels sont minimes par rapport aux bénéfices escomptés. Enfin, une autre étude d'un fonctionnaire du ministère des Transports en mars 1983 intitulée L'avantage énergétique du covoiturage au Québec conclut: "L'ensemble des scénarios permettent de conclure que des économies au titre des frais variables d'utilisation des véhicules, au titre des places de stationnement requises par les navetteurs et au titre de la consommation de carburants peuvent provenir du covoiturage."

Je me réjouis que le gouvernement ait finalement cédé aux pressions des navetteurs ou des covoiturés, aux pressions de l'Opposition et surtout aux pressions de l'organisme Covoiturage Québec, pressions qui avaient pour but d'inciter le ministre des

Transports à légaliser le covoiturage.

Quand on connaît le préjugé favorable du gouvernement actuel pour le transport collectif et surtout pour les solutions lourdes, dont le meilleur exemple est ce projet de métro de surface qu'on veut construire entre Saint-Laurent et Pointe-aux-Trembles, à travers des parcs industriels où il n'y a à peu près aucune densité de population et à travers les champs de Rivière-des-Prairies et Pointe-aux-Trembles, quand on considère la guerre implacable que le gouvernement du Québec mène aux automobilistes depuis qu'il est là - je ne veux citer à ce sujet que la hausse incroyable de la taxe d'essence l'an dernier, la hausse qui a fait doubler le coût des péages sur les autoroutes il y a un an, la hausse du coût d'immatriculation, la hausse de la taxe de vente à 9%, et j'en passe de meilleures - je me dis qu'il y a lieu de se réjouir de la conversion récente du ministre qui a finalement reconnu le bien-fondé de cette mesure qui vise à légaliser le covoiturage.

À ce sujet, M. le Président, permettez-moi de citer un extrait d'un éditorial du journal Le Devoir, écrit par le journaliste Jean Francoeur, le 2 juin dernier, qui disait: "Ainsi donc, l'automobile, après tout le mal qu'on a pu en dire, s'obstine à ne pas mourir; mieux, elle s'adapte aux circonstances nouvelles. "Le procès de la voiture individuelle, dont le dossier est fort lourd en matière de crimes sociaux, a été souvent instruit. Mais le public, loin de condamner l'accusée, aurait plutôt tendance à lyncher ses accusateurs." Les accusateurs sont le ministre des Transports et le gouvernement du Québec qui ont décidé de livrer la guerre à l'automobiliste. Je reprends l'article du Devoir intitulé: "Les illégaux du covoiturage". "L'automobile est responsable de l'étalement urbain des années 60. Elle a exigé d'énormes dépenses publiques d'infrastructures. Elle congestionne les artères des centre-ville aux heures de pointe et pollue l'atmosphère." On dit un peu plus loin: "Mais elle résiste. Elle a tenu le coup de deux chocs pétroliers majeurs. Elle brave même au Québec la taxe ascenseur de M. Parizeau. Certains y verront un complot des multinationales: ce qui est bon pour GM, etc. La vérité, qu'on le déplore ou non, c'est que nos contemporains, s'ils ont cessé de faire de la grosse voiture un des symboles de leur statut social, n'en restent pas moins profondément attachés aux valeurs qu'elle représente, dont celle d'une mobilité individuelle presque totale. Il y a là un roc contre lequel se sont brisés les efforts des réformateurs sociaux les mieux intentionnés. "Contre l'automobile, on a voulu jouer le transport en commun: autobus et métro. On a stoppé le développement des réseaux autoroutiers et consacré des budgets

considérables à la décongestion des centre-ville, notamment par le percement de tunnels à circulation rapide. Mais on avait sous-estimé le coût même de ces installations. Nouveau coup de barre par la suite: un moratoire sur la construction du métro. "Ce moratoire a été levé depuis et, la conjoncture pressant, Québec s'affaire à accélérer de nouveaux investissements en matière de transport en commun. De là le débat sur le prolongement du métro de Montréal où sont apparues les limites des lourdes infrastructures de transport en commun lorsqu'il s'agit de desservir des territoires à faible densité."

Parmi les solutions dites légères, en plus du covoiturage on doit considérer par exemple la multiplication des voies réservées pour les véhicules qui transportent plusieurs passagers, les stationnements incitatifs, le taxi collectif, le métrobus et le dégrèvement fiscal - pourquoi pas - pour les véhicules de transport de personnes à haute densité.

Le gouvernement doit devenir le promoteur d'une politique à tendance légère, et le covoiturage me semble une excellente première initiative. Ce qui est plus important, c'est que le gouvernement permette le plus vite possible d'autres mesures reconnues efficaces pour promouvoir le transport collectif privé. Nos voisins ont déjà beaucoup d'expérience dans ce domaine et ils ne demandent pas mieux que de nous aider.

Je voudrais souligner en terminant les efforts de Covoiturage Québec Inc. qui, depuis sa fondation en 1981, a fait une promotion exemplaire du covoiturage dans un contexte des plus difficiles. On avait à briser l'apathie du gouvernement et à le rallier à sa cause en même temps qu'il fallait organiser le transport collectif privé chez des employeurs et des employés qui craignaient l'illégalité. Maintenant la voie est ouverte et je suis sûr que le dynamisme de Covoiturage Québec Inc. permettra un développement rapide et harmonieux de ce mode de transport en commun privé.

En terminant, M. le Président, je dis donc: Longue vie au covoiturage! Je vous remercie. (17 h 40)

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Vimont et adjoint parlementaire au ministre des Transports.

M. Jean-Guy Rodrigue

M. Rodrigue: M. le Président, en prenant connaissance du projet de loi no 31, qui a pour objet de modifier la Loi sur les transports afin de légaliser le covoiturage, il m'est venu à l'esprit une réflexion à l'effet que ce ne sont pas toujours les projets de loi les plus volumineux et les plus coûteux qui affectent le plus les citoyens. On en a un bon exemple par ce projet de loi qui ne comporte que trois articles mais qui, finalement, aura probablement des répercussions beaucoup plus importantes que sa teneur modeste ne pourrait le laisser supposer.

Effectivement, ce projet de loi, quoique modeste par son volume, n'en aura pas moins des répercussions importantes pour des milliers de travailleurs et des milliers d'étudiants qui, chaque jour, doivent parcourir des distances parfois fort importantes pour se rendre à leur lieu de travail ou d'études ou en revenir. Ce projet de loi prévoit en effet qu'il sera désormais permis à un particulier, lorsqu'il se rend à son lieu de travail ou qu'il en revient, de transporter des personnes qui se déplacent pour les mêmes raisons et ce, moyennant une contribution couvrant les frais d'utilisation de son véhicule. On pourra donc, à l'avenir, dans le cas du covoiturage, partager entre ceux qui utilisent l'automobile les frais de trajet dans les limites prévues dans le cadre de cette loi, c'est-à-dire des personnes qui utilisent un même véhicule pour se rendre à leur lieu de travail ou encore à leur lieu d'études, ou dans l'environnement du lieu de travail ou du lieu d'études de celui qui conduit le véhicule.

L'adoption de cette loi permettra, en premier lieu, de légaliser une pratique à laquelle s'adonnent déjà bon nombre de travailleurs et d'étudiants québécois. En fait, selon M. Jean Francoeur du Devoir, dans le même éditorial que citait le député de Laporte, il y aurait actuellement plus de 500 000 personnes qui, chaque jour, utilisent ce mode de transport pour se rendre ou revenir du travail ou de leur lieu d'études et qui ignorent, pour la plupart, qu'en agissant ainsi elles se trouvent à tout le moins en situation d'illégalité technique, si vous me permettez l'expression. Ce qui est plus important encore, c'est que cette mesure législative va permettre dorénavant de faire la promotion de ce mode de transport qui comporte de nombreux avantages tant pour les individus que pour la collectivité.

J'étais heureux d'entendre le ministre, tout à l'heure, nous dire que déjà des plans de communication sont sur les tables de travail afin qu'une fois cette loi adoptée les citoyens du Québec soient sensibilisés aux avantages extrêmement importants que cette pratique peut avoir autant pour eux que pour la collectivité. Ce qui est peut-être plus important encore, c'est que cette pratique, si elle était plus répandue, permettrait, en effet, de diminuer le nombre de véhicules qui circulent sur nos routes et dans nos villes aux heures de pointe. Cela aurait pour conséquence d'accélérer la circulation, cela va de soi, et de réduire ainsi les temps requis pour se rendre au travail et en revenir, puisqu'il y aurait moins

d'automobiles sur nos routes et dans nos rues, diminuant ainsi les embouteillages que, trop souvent, l'on connaît, soit à l'abord des ponts, dans la région de Montréal en particulier, ou encore sur certaines rues fort achalandées.

Il est ainsi également rapporté que l'utilisation d'un véhicule pour le covoiturage - je fais référence à une étude qui a été faite en Californie - enlève entre deux et quatre automobiles de la route. Par contre, s'il s'agit d'utiliser des fourgonnettes à dix ou douze places, comme le font déjà, d'ailleurs, certaines compagnies dans la région de Montréal, pour le transport de leurs salariés, à ce moment-là, c'est huit automobiles qu'on sort de la route pour les remplacer par un seul véhicule. C'est donc ainsi qu'un accroissement du covoiturage devrait permettre l'augmentation de la capacité du système routier du Québec sans qu'il soit nécessaire d'y investir un seul cent à même les fonds publics. Il y a des équipements qui sont là. Ils sont parfois surutilisés. Mais en permettant aux citoyens d'utiliser un véhicule pour transporter deux, trois ou quatre personnes moyennant rémunération et en réduisant ainsi le nombre de véhicules sur nos routes, il va de soi que nous allons retarder d'autant l'obligation dans laquelle se retrouverait le gouvernement de construire de nouvelles routes ou d'élargir celles qui existent déjà.

Pour mieux illustrer la rentabilité du covoiturage par rapport aux autres modes de transport en commun, vous me permettrez, M. le Président, de citer un extrait du mémoire qu'a présenté l'organisme, Covoiturage Québec Inc., à la commission parlementaire des transports concernant la proposition gouvernementale sur l'organisation et le financement du transport en commun dans la région de Montréal. Je pense que, là, cela mettra un peu en perspective les propos que tenait le député de Laporte, tout à l'heure.

Covoiturage Québec Inc. nous disait ceci: C'est que le covoiturage, d'abord, se définit comme un mode de transport collectif privé par lequel un groupe de personnes habitant et travaillant dans le même secteur ou le long d'une route commune voyagent dans un même véhicule et partagent les frais du trajet en totalité ou en partie, selon le cas. Il poursuivait en indiquant que le covoiturage s'inscrit dans les préoccupations gouvernementales énoncées dans les six premières lignes de sa proposition, le transport en commun, un choix régional.

Tout à l'heure, j'écoutais attentivement le député de Laporte qui "se réjouissait" -entre guillemets; je pense qu'il faisait un peu de démagogie - qui feignait de "se réjouir" -entre guillemets - que le gouvernement cède finalement aux pressions des groupes comme Covoiturage Québec Inc. C'est faire injure à la réalité que de tenir de tels propos. De fait, le ministère des Transports et le ministre actuel des Transports ont participé activement à l'appui financier de cet organisme de façon que ce groupe puisse mener à termes les études qu'il avait entreprises et, effectivement, cet appui qu'ils ont reçu du ministère des Transports du Québec et également du ministère fédéral des Transports leur a permis de présenter un mémoire extrêmement bien structuré lors de la commission qui a siégé l'automne dernier. Dans ce contexte, je pense qu'il est extrêmement démagogique de vouloir prétendre aujourd'hui, comme l'a fait le député de Laporte, que le gouvernement céderait finalement à des pressions. Il a souhaité ces pressions, si vous permettez, en supportant les efforts du groupe qui, selon le député de Laporte, aurait fait ces pressions.

Ce covoiturage s'inscrit effectivement dans les préoccupations du gouvernement du Québec et pour une raison bien simple, c'est qu'il contribuera largement à la consolidation du tissu urbain dans les grandes agglomérations, à l'amélioration de la qualité de la vie, à la diminution de la consommation énergétique et, finalement, cela va dans le sens de la priorité que le gouvernement veut accorder au transport collectif par rapport au transport individuel qui est devenu prohibitif, au cours des dernières années, non pas seulement à cause de la taxe sur l'essence, mais parce que les pétroliers ont augmenté radicalement le prix de l'essence. Je pense que tout le monde est au courant du fait qu'il y a peut-être sept, huit ou dix ans, on pouvait acheter un baril de pétrole pour 3 $ et qu'aujourd'hui les pays de l'OPEP vendent leur pétrole environ 29 $ le baril, mais qu'ils sont allés jusqu'à 35 $ l'an passé. (17 h 50)

C'est cela qui, fondamentalement, explique la hausse des prix de l'essence. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de jeter un coup d'oeil sur un tableau récemment et on y voyait que les taxes et redevances que perçoit le gouvernement du Québec sont à peu près égales aux taxes et redevances que perçoit le gouvernement fédéral sur le litre d'essence que nous achetons à la pompe. Si le prix de l'essence est si élevé au Québec, il y a là certainement, à tout le moins, une responsabilité partagée entre les pétroliers eux-mêmes qui sont effectivement les premiers responsables et les gouvernements qui, par le biais de ces taxes, vont chercher les sommes qui leur sont nécessaires pour maintenir et améliorer le réseau routier au Québec et ailleurs au Canada. On dit que le covoiturage améliorera la qualité de la vie. Aujourd'hui, dans le Soleil, j'ai lu un article où effectivement on établit que l'automobile est responsable de 35% de la pollution atmosphérique dans les villes importantes un

peu partout dans le monde.

Je cite un cours passage de l'article. C'est une étude d'Environnement-Canada qui disait ceci: "Il rappelle entre autres choses aux citoyens que l'automobile est responsable de 35% de toute la pollution de l'air." C'est donc dire, M. le Président, que, par le biais d'une mesure, qui a peut-être l'air un peu anodine, comme l'adoption ou la légalisation du covoiturage, ceci est de nature à réduire sensiblement la pollution atmosphérique que nous constatons dans des villes importantes comme Montréal, Québec ou ailleurs au Québec, en particulier, en fait, dans les mois d'hiver, alors que la circulation est beaucoup plus lente et que les véhicules, pour toutes sortes de raisons, cheminent lentement dans les rues et même, parfois, sont bloquées par des embouteillages qui se prolongent à cause d'accrochages ou parce que la chaussée est mal dégagée.

Une utilisation croissante du covoiturage permettrait également de réduire la demande en espaces de stationnement dans les centre-ville. Et comme je viens de le mentionner, la pollution qui est engendrée par le trop grand nombre de voitures qui y circulent ne pourrait que diminuer et ainsi, nous pourrions revaloriser cette qualité de vie des usagers de nos centre-ville et, surtout, de ceux qui y habitent à longueur d'année.

D'un autre côté, l'économie d'énergie qu'entraînerait l'utilisation de ce mode de transport sur une grande échelle permettrait en même temps de réduire de plusieurs millions de dollars la facture de notre pétrole importé. C'est aussi une conséquence fort intéressante puisque, au Québec, nous ne produisons pas de pétrole; ce sont des importations pour la totalité du produit que nous consommons. Le fait de réduire la consommation est, bien sûr, un facteur important pour améliorer notre balance des paiements avec les autres pays. Également, la diminution du nombre de véhicules en circulation reporterait à plus tard la nécessité d'investir des fonds publics dans de nouveaux équipements routiers, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, qui seraient d'autant plus coûteux qu'ils devraient être réalisés dans des zones fortement urbanisées.

Finalement, le covoiturage constitue aussi une alternative intéressante et un mode de transport complémentaire dans les secteurs semi-urbains où il serait trop coûteux d'implanter des services de transport en commun en raison de la faible densité de la population. Dans cet ordre d'idées - et encore là, j'aimerais relever des paroles que le député de Laporte a dites tout à l'heure: Le covoiturage ne viendra pas remplacer le transport en commun, mais ce qu'il peut faire, c'est d'être un complément au transport en commun. Pour ceux qui vivent dans la banlieue de Montréal, comme c'est mon cas, à Laval, par exemple, ou encore sur la rive sud ou dans l'est, dans le coin de Repentigny, on constate une pratique qui est courante. Les gens partiront de points dispersés un peu partout dans toute la ville et utiliseront leur véhicule personnel, parce qu'ils sont souvent dans des zones non densément peuplées, donc non desservies par les systèmes de transport en commun - il serait trop coûteux de le faire dans ces zones - pour se rendre à la tête du métro, soit à Longueuil ou à Henri-Bourassa dans le nord de Montréal puis ils utiliseront le transport en commun. De la même façon, si le métro de surface est réalisé vers Rivières-des-Prairies et, possiblement, Pointe-aux-Trembles, les personnes qui demeurent dans l'est de la ville de Laval, ou encore du côté de Terrebonne ou dans ce coin, pourront utiliser ce mode de covoiturage pour se rendre ensemble à une station du métro de surface et, par la suite, utiliser le transport en commun pour aller au centre-ville. Il y a donc là complémentarité entre ces deux modes de transport qui permet de franchir des trajets quand même importants, mais de le faire dans le temps le plus court possible.

Je peux vous dire, pour avoir travaillé au centre-ville de Montréal pendant un bon bout de temps, que je ne suis pas trop intéressé à utiliser mon véhicule personnel pour aller me promener dans les rues de Montréal, surtout en hiver. Il y a beaucoup de Lavallois qui réagissent comme moi. Ils préfèrent utiliser leur véhicule pour se rendre à la tête du métro et, de là, utiliser le métro pour se rendre en ville. Il est certain que les modes de transport en commun actuels ne satisfont pas tous ceux qui doivent se déplacer quotidiennement, bien sûr. Beaucoup préfèrent, pour des raisons personnelles, utiliser leur automobile. Par ce projet de loi, nous favoriserons donc le regroupement de ces citoyens en unités de covoiturage pour en faire un véritable mode de transport collectif privé qui, effectivement, servira d'appoint au système de transport public.

Il est également certain que le développement du covoiturage ne peut être que quelque chose de positif, tant sur le plan humain qu'économique. En effet, ce système accroîtra très certainement les relations entre les citoyens et contribuera à l'amélioration d'une certaine qualité de vie. Le covoiturage permettra donc de réconcilier l'automobile, si chère à la culture des Québécois... À ce niveau, si ça peut rassurer les citoyens - parce que je ne suis pas sûr qu'ils croient le député de Laporte lorsqu'il tente de nous présenter comme étant des ennemis, des adversaires implacables de l'automobile, c'est un peu farfelu comme affirmation - si ça peut les rassurer, je pense que le covoiturage va permettre de réconcilier l'automobile si chère à la culture

des Québécois, et le transport collectif, ce qui permet une énorme économie en coûts de transport. Je vais donc appuyer sans réserve ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Maskinongé.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Compte tenu de l'heure, je vous demande la suspension du débat.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que nous suspendions nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise de la séance à 20 h 11)

Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre place.

Avant de vous donner la parole, M. le leader adjoint du gouvernement, pour l'information des personnes qui sont en cette Assemblée, je veux dire qu'il y a trois commissions qui siègent en même temps que l'Assemblée, ce soir. Donc, il y a quorum, mais les députés sont peu nombreux en Chambre.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: Merci, M. le Président. Je vous demanderais de rappeler l'article 13 de notre feuilleton et de reconnaître le député de Maskinongé.

Le Vice-Président (M. Rancourt):

Deuxième lecture du projet de loi no 31, Loi modifiant la Loi sur les transports. M. le député de Maskinongé.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Merci, M. le Président. J'ai plaisir à intervenir sur le projet de loi no 31 concernant le covoiturage au Québec. Je vous dirai, comme l'a souligné mon collègue de Laporte, qu'il n'est pas trop tôt pour que le gouvernement apporte un tel projet de loi. Nous dirons immédiatement, comme nous l'avons dit avant d'ailleurs, que nous souscrivons entièrement à ce projet de loi.

Dans le passé, beaucoup de pressions ont été faites par des organismes et par les différents partis politiques pour légaliser cette situation qui existe, à toutes fins utiles - je pense qu'on n'a pas à se le cacher, avec le projet de loi no 31 on légalisera tout simplement une situation qui existe - au Québec depuis quelques dizaines d'années.

Combien de fois rencontre-t-on, au Québec, des citoyens qui vont travailler à la même usine, qui s'en vont dans le même coin pour travailler ou pour autre chose et tout le monde décide de monter dans une même voiture? Le problème était toujours le suivant: tout le monde se posait des questions concernant les assurances. Le covoiturage étant une activité illégale, s'il y avait eu un grave accident d'automobile, des blessés graves et qu'on avait découvert que la personne qui se trouvait à l'intérieur de l'automobile défrayait une partie des coûts, si minimes soient-ils, est-ce que les assurances auraient accepté de défrayer les coûts de l'accident? Je pense que cela a toujours existé au Québec et, présentement, on décide de légaliser le covoiturage et c'est heureux.

S'il n'y a que quelques intervenants de l'Opposition parmi d'autres en cette Chambre, M. le Président, c'est parce que nous sommes conscients que c'est un projet de loi bénéfique. Nous sommes conscients que c'est un projet de loi bénéfique. Nous sommes conscients que c'est un projet de loi qui était attendu de la population. Nous sommes conscients par ailleurs qu'il reste encore beaucoup de travaux parlementaires d'ici le 18 ou le 21 juin et nous ne voulons pas davantage allonger nos discours et prendre plus de temps de cette Chambre. Évidemment, tous ceux qui veulent intervenir sont les bienvenus, c'est sûr et certain. Je vous dis immédiatement que l'Opposition n'aura que quelques intervenants à faire entendre.

Cette loi du covoiturage aura des effets bénéfiques. Je me permets d'en énumérer quelques-uns. D'abord, pour le citoyen qui va participer à ce covoiturage, il s'agira pour lui d'un moyen de transport peu dispendieux. On a connu les grosses organisations de transport en commun qu'affectionne plus particulièrement ce gouvernement - on sait jusqu'à quel point on aime faire de grosses structures, des monstres administratifs où tout le monde se sent un peu poigné - comme les commissions de transports de Québec et de Montréal. À Montréal, on s'en rend peut-être un peu plus compte qu'ailleurs parce qu'elle crée des problèmes aux citoyens plus souvent

qu'autrement. Quand on a déjà ces gros monstres administratifs que sont les commissions de transport, il est . heureux qu'on offre un moyen de transport palliatif, pour corriger certains abus qui existent déjà. Si cela devient un moyen de transport peu dispendieux, tant mieux.

Les citoyens se rappelleront que depuis quatre ou cinq ans, on a mis l'emphase au Québec, au Canada, en Amérique sur l'économie d'énergie. Encore là, quand le projet de loi sera adopté et que les gens pourront utiliser ce système de transport, ce sera une source d'économie d'énergie. Je pense que c'est important, ce point de vue. On a aussi parlé de l'élimination d'une partie des autos sur nos routes. Nous ne connaissons pas tellement, dans nos milieux ruraux, les problèmes d'encombrement aux heures de pointe sur nos routes. Je profite de la présence du ministre des Transports pour lui dire que nos réseaux routiers, en milieu rural, mériteraient d'être de beaucoup améliorés. Un effort se fait dans ce sens, mais il est malheureusement minime. C'est vrai que le gouvernement est à court de piastres, mais, quand même, je pense qu'on pourrait en mettre plus, au moins du côté de la nationalisation de l'amiante. Même si nos réseaux routiers ont besoin d'être améliorés en milieu rural, on ne connaît quand même pas la congestion des heures de pointe. Mais, quand on vit dans l'arrondissement de Montréal, M. le Président, je pense que l'élimination de quelques centaines d'automobiles, par ce projet de loi, sera encore bénéfique pour la circulation, pour les routes et pour le pavage. Enfin, je pense que ce sera bénéfique à tout point de vue.

On a parlé aussi de la pollution. On met beaucoup d'emphase, depuis plusieurs années, pour essayer de dépolluer notre atmosphère, pour faire en sorte que la qualité de vie de nos citoyens dans tous les milieux soit meilleure. Je ne vous cacherai pas, M. le Président, que si on réussit, dans plusieurs secteurs, à éliminer des centaines d'autos, le problème de la pollution va s'en ressentir. Déjà, nos citoyens vont respirer mieux. C'est une autre occasion que nous avons de dire que ce projet de loi est bénéfique.

Passons à un problème d'un autre ordre, le stationnement. Quand on vit dans les grandes villes, on sait jusqu'à quel point il est difficile de stationner, de garer nos autos, soit pour aller travailler, soit pour aller magasiner. Il est difficile d'avoir un stationnement dans nos grandes villes. S'il y a moins d'autos, M. le Président, déjà cela va améliorer cet aspect. Ce sera beaucoup moins dispendieux aussi pour les municipalités, qui n'auront pas besoin de s'ingénier à peut-être exproprier des maisons, des pâtés de maisons, pour tâcher d'en faire des stationnements et peut-être qu'au lieu de faire des stationnements, on fera des parcs, on fera de la verdure. On améliorera encore la qualité de vie de nos citoyens et ce sera encore heureux de ce côté-là.

J'aimerais cependant attirer l'attention du gouvernement sur un point. Nous avons le transport en commun à Montréal et à Québec, qui est lourd, mais qui est nécessaire, avec la densité de population que nous connaissons dans ces milieux. Nous avons aussi un autre point, ce que j'appellerai le transport collectif privé, les transporteurs collectifs privés. Trop souvent, dans nos municipalités, il y a des gens qui veulent s'organiser et le ministère des Transports, je devrais plutôt dire, pour être plus juste, la Commission des transports du Québec est très sévère dans l'attribution de permis de transport. (20 h 20)

Je sais, par exemple, que dans mon comté, pour vous souligner un seul cas, à Pointe-du-Lac, et Trois-Rivières-Ouest, entre autres, on avait un transporteur privé qui était prêt à desservir toute une population qui n'était pas desservie par la Commission de transport de Trois-Rivières, Cap-de-la-Madeleine et de Trois-Rivières-Ouest. Pointe-du-Lac n'était pas desservie. Il y a des coins dans Trois-Rivières-Ouest qui font partie de la grande région métropolitaine de la Mauricie, du centre de Trois-Rivières, qui n'étaient pas desservis par la Commission des transports de Trois-Rivières, Commission des transports des Forges. C'est l'appellation qu'on lui donne. Alors qu'il y avait des transporteurs privés qui étaient prêts à dispenser ce service et qui effectivement le dispensaient, on les a empêchés de continuer à donner ce service aux citoyens. On leur a dit: Vous n'avez pas de permis, vous ne pouvez donc pas faire le service.

Il faut savoir que ce n'est pas tout le monde qui est capable, au Québec, de se payer un taxi surtout dans des milieux ruraux où on est obligé de faire une dizaine de milles, une quinzaine de milles ou de kilomètres. Ce n'est pas tout le monde qui peut se payer des voitures-taxi. Donc, le ministère devrait mettre l'emphase dans le futur. Si on pouvait greffer à cette loi, si on pouvait apporter rapidement une autre loi. Je vous dirai tout de suite là-dessus que vous n'avez rien à craindre si jamais vous apportez une loi dans ce sens pour favoriser le transport collectif privé. L'Opposition donnera son accord rapidement et on vous promet qu'il se fera seulement un discours limité à dix minutes, si vous voulez, mais on vous donnera notre bénédiction rapidement pour tâcher de corriger cette situation qui existe dans nos milieux ruraux trop souvent. Quand on a empêché un transporteur privé d'effectuer du transport dans ces municipalités, de Pointe-du-Lac et de Trois-Rivières-Ouest et même si on a fait

beaucoup de pressions, même si le ministre des Transports aussi est venu à mon aide du côté de la Commission des transports, je pense bien qu'on s'est rendu compte qu'il fallait que cette loi soit amendée, que les règlements sont vieillots, qu'ils existent depuis des années, et cela est un autre problème de notre Parlement. Il y a des règlements qui existent depuis 25, 30 ans et on vit encore avec ces lois qui sont vieilles, ces règlements qui sont désuets et on ne les change pas. Je pense que cela mérite une attention spéciale.

Je suis persuadé que dans le meilleur intérêt des Québécois et des Québécoises, cette loi doit être adoptée le plus rapidement possible. Nous, de l'Opposition, allons concourir à l'adoption de cette loi et nous espérons, évidemment, dire au gouvernement que tant et aussi longtemps qu'il apportera des lois bénéfiques comme celle-là, l'Opposition sera toujours d'accord avec lui. Quand vous parlerez d'indépendance, ce sera autre chose. Cela fera des débats comme on en a eu ce matin, triste spectacle, malheureusement. Merci.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Châteauguay, adjoint parlementaire au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Roland Dussault

M. Dussault: Merci, M. le Président. Pour beaucoup de gens, le covoiturage ne sera pas une formule nouvelle. Comme on l'a dit à plusieurs reprises, c'est une formule fort utile pour bien des gens, mais illégale. Pour lever cette illégalité, il suffit d'exempter de l'obligation d'obtenir un permis celui qui transporte de sa résidence vers un lieu de travail ou un lieu d'études des passagers, moyennant une certaine contribution. En fait, c'est l'objet de la loi no 31 de lever cette obligation de devoir obtenir un permis. Quand le ministre des Transports a déposé à l'Assemblée nationale le projet de loi no 31, je pense que j'ai été le plus heureux des députés puisque les avantages du covoiturage, il y a plusieurs mois que nous les attendons dans ma région. C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à prendre la parole sur ce projet de loi et je vous dis tout de suite, M. le Président, que je serai quand même bref.

Cette exemption d'obtenir un permis pour faire du covoiturage, je l'ai personnellement demandée au gouvernement à plusieurs reprises, parce que je savais que les gens de ma région y tenaient. On a souvent vu, d'ailleurs, des lettres ouvertes dans les journaux locaux chez nous préconisant cette mesure d'exemption du permis pour le covoiturage. Mais, dans notre région, il est inévitable qu'on relie cette question au problème du pont Mercier. Je vous ai déjà parlé ici à l'Assemblée nationale du problème du pont Mercier, problème temporaire relié à des travaux qui doivent se faire. On est quand même heureux que les travaux se fassent, parce qu'il faut que ce pont reste en service, mais le pont Mercier a quasiment atteint sa pleine capacité d'absorption de la circulation en provenance de la région à destination de Montréal. Chez nous, on pense que toute mesure semblable devrait nous aider à faire durer plus longtemps cette possibilité du pont d'absorber la circulation. C'est donc un moyen identifié comme, possiblement, retardant l'atteinte de cette limite d'absorption de la circulation.

En fait, le covoiturage est comme une mesure complémentaire à celle déjà imaginée ou mise en application. On sait, par exemple - c'est une situation qu'on peut ramener en novembre 1976, au moment où je suis devenu le député de Châteauguay - il y avait un problème énorme de circulation vers le pont Mercier. Les deux tiers environ des gens qui devaient passer par là passaient dans un corridor simple, alors que les gens qui représentaient l'autre tiers environ passaient dans un corridor pour les deux tiers. Il y avait là une aberration sur le plan géométrique qu'on a fait corriger. On a fait poser des feux de circulation de façon à pouvoir ordonner la circulation. Depuis ce temps, nous connaissons sur le pont Mercier une très grande amélioration de la situation. Le gens en veulent plus. Les gens veulent qu'on ait les meilleures solutions possible. C'est d'ailleurs le droit des gens. Nous avons aussi pensé à une voie préférentielle pour les autobus en provenance de notre région vers Montréal. Nous avons un petit problème de ce côté. Ce n'est pas que nous ne voulons pas appliquer la solution, c'est que, depuis l'affaire Cross dans la réserve indienne de Kahnawake, il y a un contentieux qui a découlé de cela qui fait qu'il ne nous est pas possible pour le moment d'appliquer la solution. Mais heureusement qu'il y aura le covoiturage qui pourra améliorer la situation.

Il y a aussi bien sûr l'amélioration du transport en commun dans notre région. Il y a quelques minutes, lors d'une réunion, j'en parlais encore avec le ministre des Transports: il y a un projet d'améliorer très sensiblement le transport dans notre région. C'est quelque chose qui pourrait d'ailleurs se faire assez rapidement. Nous considérons dans notre région que le covoiturage viendrait en complément s'ajouter à ces solutions. De toute évidence, le covoiturage serait une solution supplémentaire à celles qu'on a déjà imaginées ou qu'on a implantées.

C'est sans doute la meilleure façon de mesurer jusqu'à quel point on pourrait changer des choses si les gens se donnaient la peine de monter à plusieurs dans une

même voiture. Il arrive souvent qu'on voit sur le pont Mercier des gens qui sont tout seuls. Il y a beaucoup de gens qui s'en vont dans un même lieu de travail et qui voyagent seuls. Cela fait évidemment beaucoup plus d'autos sur le pont Mercier. Ce problème est le même sur tous les ponts de la région de Montréal. C'est certain que ce que nous connaissons chez nous - notre expérience nous le fait voir - s'appliquerait de la même façon sur tous les autres ponts de la région de Montréal. (20 h 30)

Au-delà de ce contexte qui est plus particulier à ma région du sud-ouest, je voudrais dire que, à mon avis, le covoiturage aura d'autres impacts positifs, et je voudrais en nommer quelques-uns. Par exemple, sur le plan énergétique, ça me semble le plus important - peut-être que je suis davantage préoccupé par ces questions - étant donné notre dépendance énorme à l'égard des produits énergétiques qui nous viennent de l'étranger, on appréciera sûrement le covoiturage, car cela signifie des milliers de gallons de mazout qu'on ne devra pas importer parce qu'on n'aura pas à les brûler à partir de la mécanique automobile. Son corollaire, c'est, en fait, la pollution que produisent ces milliers de gallons de pétrole qui sont brûlés par les automobiles et qui sont multipliés par autant de voitures. On sait que, moins il y aura de mazout brûlé, moins il y aura de gaz carbonique dans l'atmosphère, cela va de soi.

Le covoiturage, qui sera maintenant légal grâce au projet de loi no 31, comporte aussi des avantages sur le plan des espaces urbains. Je pense qu'un de mes collègues en a parlé avant le souper. Il représente des avantages puisqu'il aura pour effet d'entraîner la multiplication de ces espaces urbains qui sont utilisés à des fins de stationnement pour les voitures. C'est sûr que, plus il entre d'automobiles sur l'île de Montréal, plus il y a des problèmes de stationnement. On sait que les terrains de stationnement à Montréal sont engorgés, mais je pense bien qu'on peut croire qu'un engorgement de terrain de stationnement, ça veut dire des coûts aussi pour ceux qui les utilisent. Plus l'espace est rare, plus les prix sont élevés.

Un autre impact positif qui découlera de cette exemption d'obtention de permis pour pouvoir faire du covoiturage, c'est celui de la réduction des coûts de construction de routes. Conjugué à l'effort de rationalisation du transport en commun, qui est un objectif extrêmement important du présent gouvernement, le covoiturage devrait occasionner l'épargne de sommes substantielles à long terme, sommes qui pourront être remises à profit dans le transport en commun. Si on évite la multiplication des voitures sur les routes, il y aura un frein aux besoins d'élargir les routes, d'en ajouter, etc.

Un autre impact positif du covoiturage qui est relié au transport en commun comme tel - je ne me retrouve pas dans mes notes mais je vais y arriver, M. le Président - plus spécifiquement celui très coûteux qui doit être fourni, faute de mieux, dans les régions moins populeuses. On sait que la sophistication ou la ramification poussée du service de transport en commun dans les régions à faible densité, compte parmi les facteurs qui provoquent l'inflation des coûts dans le transport en commun.

Présentement cela demeure souvent la seule façon de permettre à des centaines de travailleurs d'être véhiculés vers leur milieu de travail. Mais donner un service à ces gens-là dans ces régions faiblement peuplées, cela occasionne des coûts considérables. Une sorte d'encouragement se fera le jour où les gens pourront utiliser le covoiturage. Les gens qui s'en vont dans la même direction pourront monter ensemble et cela n'enlèvera pas de travail à personne, cela ne nuira à personne que cela se passe comme cela. Au contraire, ce sera même plus agréable que les gens voyagent ensemble.

Le covoiturage palliera avantageusement cette difficulté qu'on connaît dans ces régions faiblement peuplées en assurant à ces gens qui forment une minorité, un service de transport acceptable.

En somme, pour terminer je pense que mes collègues du côté ministériel comme ceux de l'Opposition l'ont tous reconnu, il n'y a que des avantages à légaliser le covoiturage. C'est la raison pour laquelle je voterai pour ce projet de loi no 31 en deuxième lecture. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Vachon.

M. David Payne

M. Payne: Merci, M. le Président. Je suis tenté d'ajouter quelques réflexions à la discussion parce que je ne pense pas que ce soit un débat controversé. Nous discutons ce soir la proposition pour permettre à des citoyens de voyager ensemble dans la même voiture. C'est cela que veut dire la notion de covoiturage, partager une voiture ou, à la limite, des fois ce qu'on appelle, je pense, une fourgonnette pour une dizaine ou une quinzaine de personnes.

C'est logique et raisonnable parce qu'avec le coût de l'essence aujourd'hui et avec la crise énergétique que nous subissons tous, il est évident qu'il faut être progressiste dans notre recherche de nouvelles façons de voyager, de se rendre au travail ou visiter des amis, de se rendre en ville. Par contre, il n'y a rien de révolutionnaire dans ce projet de loi parce

que j'ai remarqué que cela existe aussi dans d'autres villes dans le monde. À Londres, c'est à peu près la même chose, la loi permet effectivement ce qu'on appelle là "the car pools", où les gens partagent la même voiture ensemble. C'est la même chose à San Francisco, la même chose à Chicago. Les gens, en voyageant ensemble, lorsqu'ils ont décidé de former un "car pool" temporairement ou contractuellement, peuvent se rendre en ville ou à un endroit pour emprunter un autre moyen de transport. Ils peuvent se rendre, par exemple, au métro ou à l'autobus ou, évidemment, directement à leur propre bureau.

C'est donc quelque chose de complémentaire, si je comprends bien, au principe du transport en commun. Ce n'est pas pour concurrencer le transport en commun, ni l'autobus, ni le taxi. Nous savons très bien que le taxi traditionnel est favorisé davantage et préféré de ceux qui veulent parcourir de petites distances. Par contre, ceux qui veulent profiter du covoiturage sont plutôt enclins à le faire sur des distances un peu plus longues.

Le projet de loi est progressiste. Cela peut aussi aider les associations, particulièrement les associations à but non lucratif. On peut penser aux associations de l'âge d'or, aux écoles, aux étudiants qui veulent se regrouper pour faire le trajet ensemble, leur philosophie étant qu'ils vont ainsi partager les coûts et les frais. Il n'y a pas longtemps, une expérience très intéressante a été faite dans la ville de San Francisco. Une commission de transport a décidé de devenir acquéreur d'un certain nombre de fourgonnettes. Par la suite, elle a loué ces fourgonnettes à des regroupements de citoyens. Je vois la possibilité - il n'y a rien dans le projet de loi qui puisse l'en empêcher - pour une commission de transport, particulièrement une commission de transport qui doit desservir les endroits éloignés des grandes villes, d'utiliser ce moyen de compléter ou d'ajouter une dimension à ses services aux citoyens.

Ce ne sera pas simplement une question de bénéfices pour les citoyens, cela ajoutera aussi quelque chose à la qualité de la vie. C'est plus sympathique, plus humain de voyager avec d'autres. C'est plus normal, d'ailleurs, si vous pensez à cela. On est passé à travers la révolution industrielle, cela a créé le besoin de la voiture, de l'automobile. Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais je les lisais cet après-midi. Nous savons tous que la plupart des gens voyagent seuls ou, à la limite, avec une autre personne dans une voiture à quatre places. Dans quelques années, nos petits-enfants vont considérer cette approche comme démodée. Les voitures sont maintenant beaucoup plus petites et je pense que le temps est venu de rationaliser les moyens de transport.

(20 h 40)

Je n'ai pas besoin de résumer ici les bénéfices pour l'économie générale. J'ai touché légèrement les bénéfices pour l'individu. Je pense que c'est un changement logique. D'ailleurs, à la limite, depuis toujours on fait du covoiturage. On est habitués à partager les frais entre nous. Particulièrement, si on fait le "car pool" ou les voyages ensemble régulièrement, c'est normal qu'on partage les coûts. Mais étant donné que c'est très difficile à contrôler ou à "policer", comme on dit, c'est normal, je pense, que le législateur soit conscient de ce fait-là. Si ce n'est pas contrôlable, si cela peut être "policé", il serait tout à fait normal que cela soit régularisé.

Donc, je n'ai aucune difficulté à appuyer le projet de loi, M. le Président. Je pense que c'est progressiste. Comme je l'ai dit, ce n'est pas dramatique. Cela va affecter favorablement la qualité de notre vie et, sans hésitation, j'appuie ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Richmond.

M. Yvon Vallières

M. Vallières: Merci, M. le Président. Le ministre des Transports va sûrement être heureux ce soir puisque, peut-être pour la première fois, en cette Chambre, je suis d'accord avec une de ses politiques. Comme vous le savez, le parrain de ce projet de loi a eu l'occasion de croiser le fer à plusieurs reprises avec celui qui vous parle sur d'autres sujets sur lesquels nous sommes loin d'être d'accord. Vous savez que nos divergences de vues sont très profondes en ce qui a trait à l'amélioration et à la conservation du réseau routier, en particulier dans le domaine de la voirie rurale.

Vous me permettrez, M. le Président, à ce moment-ci, de rappeler quand même au ministre que je soutiens que 1,6% du budget de la province consacré à la construction du réseau routier continue de m'apparaître nettement insuffisant. Je veux également dire au ministre que, malgré le fait que nous ayons, aujourd'hui, le projet de loi no 31, concernant le covoiturage, je dois lui indiquer et indiquer au gouvernement que ce projet de loi arrive de façon bien tardive. L'Opposition libérale a, à plusieurs reprises, par la voix de son porte-parole, le député de Laporte, demandé que le gouvernement accouche d'une politique dans ce domaine et force nous est de constater que cette politique s'est fait attendre trop longtemps, selon nous à tout le moins.

Ce projet de loi que nous avons devant nous comporte, évidemment, des incidences pour les milieux urbains en particulier, mais il aura aussi des conséquences en milieu

rural et, je dirais, semi-urbain. Il va de soi qu'un bon réseau routier, des routes carrossables constituent également une excellente façon de faire la promotion du covoiturage.

Je veux simplement vous indiquer ce que nous dit ce projet de loi de façon bien précise à l'article 1. En fait, c'est un projet de loi qui comporte un seul article qui vient modifier l'article 36 de la Loi sur les transports et qui nous dit que le premier alinéa ne s'applique pas à une personne qui, lorsqu'elle se rend à son lieu de travail ou d'études ou en revient, transporte d'autres personnes pour leur permettre de se rendre à leur lieu de travail ou d'études ou d'en revenir, à la condition que la rémunération requise de celles-ci ne constitue qu'une contribution aux frais d'utilisation du véhicule. Même si ce projet de loi est très succinct et, finalement, très court, je pense qu'il a une grande importance et que ses conséquences vont être importantes dans divers milieux.

Pour plusieurs personnes qui nous entendent depuis longtemps, en fait, depuis le début de cet après-midi, parler de covoiturage, je pense que c'est important de définir de façon précise en quoi cela consiste. Il s'agit tout simplement d'un mode de transport où un groupe d'individus, travaillant au même endroit s'organisent afin de faire le trajet ensemble entre leur domicile et le lieu du travail. Ces personnes utilisent le même véhicule et partagent les frais de déplacement. En fait, l'article 36 de la loi actuelle exige un permis émis par la Commission des transports à ceux qui offrent du transport moyennant rémunération. Évidemment, il y a également une lacune, c'est que quelqu'un qui fait la demande de ce permis en covoiturage à la Commission des transports ne peut l'obtenir puisque le permis est inexistant. Ce projet de loi vient donc légaliser une situation, un état de fait, puisqu'il se fait déjà à l'intérieur du Québec, comme vous le savez, du covoiturage, mais il se fait de façon plus ou moins légale. Au moment où on se parle, selon les données que nous avons, il y aurait environ 500 000 Québécois qui se rendent actuellement à leur travail en covoiturage. Mais, c'est là, je pense, l'importance de ce projet de loi que nous avons devant nous, il demeure que plus de 1 000 000 de Québécois se rendent encore à leur travail seuls dans leur véhicule.

Il va de soi que cette formule de covoiturage présente de nombreux avantages qui, tous, vont faire en sorte que l'automobiliste va être gagnant en fin de compte. Nous avons évidemment avantage à diminuer le nombre d'automobiles qui circulent sur nos routes. Évidemment, quelles seraient les conséquences d'une diminution importante du nombre de véhicules sur nos routes? Plusieurs de mes collègues y faisaient allusion, mais c'est évident qu'il y aurait moins de pollution dans l'air. Il y aurait évidemment une grande économie du point de vue de l'énergie et moins d'automobiles sur les routes, moins d'accidents sur nos routes. Cela veut donc dire éventuellement des économies possiblement appréciables concernant les assurances pour les propriétaires d'automobile. Il y aurait donc moins de risques d'accidents sur nos routes en ayant moins de véhicules en circulation. Il y aurait évidemment comme autre avantage la réduction de la congestion urbaine. Dieu sait que ceux qui sont en ville aux heures de pointe vont reconnaître l'importance que le gouvernement du Québec légifère afin de permettre ou de mettre en pratique une formule qui permette d'éliminer plusieurs centaines d'automobiles des routes aux heures de pointe.

Il y aurait moins de stress. Vous savez que, dans nos grandes villes, beaucoup de gens sont stressés par le fait de cette congestion qui existe continuellement aux heures de pointe et je pense également -c'est un objectif peut-être plus éloigné - que le rendement des travailleurs devrait être meilleur du fait que ce stress pourrait être diminué en regard des automobilistes et la santé des gens ne pourrait également que s'améliorer à la suite de cette décision du gouvernement d'agir dans le secteur du covoiturage. Il y a un autre élément qui est très positif dans cette loi, c'est que cela ne demande aucune dépense publique additionnelle. Cela permet d'utiliser et de rentabiliser, comme le revendiquait à plusieurs reprises l'Opposition, de rentabiliser les investissements passés concernant l'infrastructure routière que nous nous sommes donnée en particulier dans les années passées, en particulier sous le gouvernement du Parti libéral où des investissements considérables ont été faits afin de nous doter d'un réseau routier, d'une infrastructure routière conforme aux exigences de notre siècle.

Le gouvernement a pris beaucoup de temps à agir. Si on avait un reproche à lui faire, ce serait d'avoir pris beaucoup de temps à accoucher d'une loi qui en fait ne comporte qu'un seul article qui modifie l'article 36 de la Loi actuelle sur les transports. Simplement, rappelons que le covoiturage existe aux États-Unis depuis une dizaine d'années, qu'il existe en Ontario depuis 1977, qu'il existe également dans d'autres provinces canadiennes, comme le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et la Saskatchewan. Pourquoi le gouvernement a-t-il attendu si longtemps avant de légaliser une situation qu'il connaît depuis longtemps et dont il avait été saisi par nombre d'organismes et, j'en suis

persuadé, par la population en général? (20 h 50)

Le covoiturage étant légalisé, en milieu semi-urbain particulièrement où le transport en commun est difficile à organiser et difficilement rentable - il faut également l'admettre - ce transport en commun est souvent, non seulement difficile à organiser, mais il l'est tellement qu'il est presque inexistant dans bien des milieux. Cette loi devrait, je pense, inciter nos travailleurs à faire davantage usage du covoiturage, à faire davantage usage d'une automobile pour transporter plusieurs travailleurs, mais il y a toujours, évidemment, cette crainte répandue du fait qu'on assistait, il y a quelques années en particulier, au harcèlement de ce qu'on appelle les "bleus", les préposés dans des voitures bleues du ministère des Transports qui faisaient en sorte, à la suite de plaintes des transporteurs en commun, d'arrêter les gens qui faisaient du covoiturage. Il y a cette crainte, que le projet de loi no 31 enlèvera.

Il y a aussi une autre crainte très répandue en ce qui concerne le problème des assurances. Combien de fois a-t-on entendu les gens qui voulaient faire du covoiturage dire qu'ils considéraient l'assurance comme un handicap majeur: Il faut que je prenne une assurance spéciale pour faire du covoiturage ou encore, si j'ai un accident, si je blesse quelqu'un ou s'il y a décès, je serai poursuivi par la famille, etc. Il y avait cette espèce de crainte qui est très importante et qui empêchait beaucoup de gens, effectivement, de faire du covoiturage. Même si cette appréhension était fausse, elle était et elle demeure existante, je pense.

J'espère que beaucoup de gens vont prendre connaissance de ce projet de loi afin qu'on sache, dorénavant - et j'en parlerai peut-être de façon un peu plus détaillée tantôt - qu'au plan des assurances, cela ne pose vraiment aucune espèce de problème. Je pense à un milieu comme chez nous, un milieu rural et semi-urbain. Je pense qu'un projet de loi comme celui-là devrait être très intéressant pour nos contribuables de façon générale, qui se déplacent du milieu rural vers des endroits où on retrouve des manufactures d'importance ou des industries importantes comme à Valcourt, Richmond, Asbestos, Sherbrooke et Victoriaville.

Je pense, en particulier, à d'autres personnes dans le secteur de l'enseignement, par exemple, qui pourront se déplacer vers une même école en covoiturage. Je pense que ce sont autant de facteurs qui nous motivent à être favorables à ce projet de loi que nous avons devant nous. Si le député de Richmond peut, dans une certaine mesure, contribuer à faire en sorte que ses électeurs se servent davantage du covoiturage, soyez assurés que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que cela puisse devenir une politique efficace.

Pour ce qui est des gens qui se demandent si, par exemple, cela nécessite une assurance spéciale ou particulière pour faire du covoiturage, je pense qu'il est important de leur dire immédiatement que non, ce n'est pas nécessaire. D'ailleurs, depuis le 1er mars 1978, les dommages corporels sont maintenant assurés par la Régie de l'assurance automobile du Québec et pour ce qui est des dommages matériels, ils sont couverts par des compagnies d'assurances privées. En ce qui concerne les dommages corporels, il faut remarquer également qu'aucune faute n'est attribuée maintenant à l'une ou l'autre des parties impliquées dans un accident d'automobile. Donc, le covoiturage par automobile ne nécessite pas d'assurances spéciales pour dommages matériels. Cela ne nécessite, en fait, qu'une police d'assurance randonnée spécifiant que l'on utilise son véhicule pour voyager au travail.

Beaucoup de gens vous demanderont: Si je fais du covoiturage, cela a-t-il des conséquences sur les coûts d'immatriculation? Non plus. Pour ce qui est de l'automobile ordinaire, l'immatriculation est la même. Pour ce qui est de la fourgonnette, je pense, cependant, qu'il y a deux types de permis. Peut-être que le ministre des Transports pourrait nous en parler tout à l'heure. Il y a deux types de permis selon que la fourgonnette transporte des gens qui rémunèrent la personne qui fait le voyage ou s'il n'y a pas de rémunération. Dans le cas de non-rémunération, je sais que cela ne nécessite pas de permis de la Commission des transports mais, dans le cas de la rémunération, je pense qu'un permis est nécessaire de même qu'une immatriculation avec des plaques AT.

Somme toute, je vois dans ce projet de loi des effets très bénéfiques que je veux souligner. J'indique au ministre des Transports que j'appuierai sa démarche.

Avant de terminer, je donnerai quelques exemples des conséquences, au plan économique, pour l'utilisateur du covoiturage. Je lisais un document qui a été préparé par Covoiturage Québec Inc., indiquant des données qui ont été préparées par le Club automobile du Québec. Combien en coûte-t-il pour utiliser une voiture personnelle pour se rendre au travail? J'ai ici quelques données quand même intéressantes qui nous indiquent que, pour un cas type, celui d'une personne qui doit parcourir 30 kilomètres pour aller à son travail, soit 18 milles, les coûts d'utilisation de l'automobile en frais fixes et en frais variables, dans le cas d'une voiture de modèle compact, seraient de 478 $ par mois, soit 5730 $ annuellement. En réalité, seulement 67% de l'ensemble des coûts de fonctionnement de l'automobile, en frais fixes et en frais variables, devraient servir

pour déterminer combien il en coûte pour le transport entre la résidence et le travail.

Donc, la personne qui habite à 30 kilomètres de son travail, voyageant seule avec un véhicule de type compact, dépense 3839 $ annuellement pour se rendre au travail. Ce qui est répandu dans l'opinion publique, c'est que les gens nous disent: J'aurais une automobile quand même. Je paierais quand même les frais d'immatriculation et d'assurance. Donc, ce que les gens sont portés à calculer pour leur déplacement au travail, c'est plutôt les frais variables tels l'essence, l'huile, l'entretien et l'usure des pneus. En tenant compte de ces seuls facteurs de frais variables, on a également des données intéressantes. Pour celui qui utilise une automobile de type compact et qui voyage seul, ces frais reviennent à 122 $ par mois, soit 1464 $ par année, tandis que s'il fait du covoiturage, prenons l'hypothèse qu'il y a trois personnes qui voyagent avec lui, les coûts par personne seraient de 40 $ par mois, donc de 480 $ par année, ce qui fait une économie de l'ordre de 1000 $ pour ce travailleur qui demeure à 18 milles de son travail et qui déciderait de faire du covoiturage pour se rendre à son travail. C'est donc une économie substantielle pour le travailleur.

Par surcroît, je terminerais ma courte allocution sur le projet de loi no 31 de façon un peu méchante à l'endroit du gouvernement, mais je pense que cette formule pourrait constituer une douce revanche à l'endroit du ministre des Finances et de sa taxe ascenseur de 40%. Si l'automobiliste trouve cette taxe - comme je pense qu'il le constate - nettement abusive à son endroit, il peut prendre sa revanche et faire en sorte que beaucoup moins de revenus que ceux prévus par le ministre des Finances ne soient perçus pour chaque litre d'essence dépensé au cours de l'année. En utilisant le covoiturage, il privera le ministre des Finances des revenus de cette surtaxe qu'il conteste. Donc, en plus d'une économie substantielle, il pourrait avoir cet avantage de priver le ministre des Finances d'une taxe que tous les automobilistes décrient dans le Québec.

Donc, en ce qui me concerne, j'appuierai le projet de loi no 31. J'espère que mes collègues en feront autant et j'espère également que le ministre des Transports constatera que le député de Richmond, parce qu'il se le fait souvent dire... On nous dit souvent qu'on manque d'objectivité, qu'on critique pour critiquer, que l'Opposition est là pour critiquer le gouvernement. Vous constaterez que, quand les projets de loi ont de l'allure, nous le reconnaissons et nous donnons l'appui requis à des projets qui veulent avantager les populations respectives de nos comtés. Merci. (21 heures)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Chambly.

M. Luc Tremblay

M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je veux remercier tout d'abord l'Opposition qui appuie cette loi, et je vous dirais que si je n'étais pas aussi convaincu des valeurs positives du projet de loi no 31, je serais inquiet de voir l'Opposition, pour une fois, voter avec nous pour un projet de loi.

Évidemment, le covoiturage, ce n'est pas une chose nouvelle pour plusieurs de mes concitoyens. On sait que, depuis déjà fort longtemps, des gens qui travaillent dans la même industrie, par exemple, et qui demeurent en banlieue - c'est à peu près le cas pour tous les citoyens du comté de Chambly qui sont des banlieusards qui, en grande partie, travaillent soit à Longueuil, soit à Montréal - pratiquent le covoiturage des deux façons possibles. La première façon, c'est qu'un des travailleurs utilise sa voiture d'une façon constante, profite du fait qu'il se rend au travail pour amener d'autres travailleurs dans son auto et leur demande de contribuer aux frais que cela comporte. L'autre manière, c'est lorsque quatre travailleurs, par exemple, travaillent dans la même industrie, demeurent près l'un de l'autre et utilisent une semaine l'automobile de l'un d'entre eux, l'autre semaine, celle d'un autre, et ainsi de suite, ce qui fait qu'ils ont les avantages du covoiturage et qu'ils usent moins leur automobile.

Le problème est moins grand maintenant que la loi sur l'assurance automobile a été adoptée. On sait qu'avant l'assurance automobile gouvernementale, les gens qui pratiquaient le covoiturage étaient inquiets à savoir ce qui arrive s'il y a un accident, si on est impliqué dans un accident où la responsabilité de la personne qui pratique le covoiturage est démontrée. C'était une préoccupation, on ne savait pas si c'était légal à ce point de vue, si les assurances paieraient et si la personne qui pratiquait le covoiturage ne serait pas, finalement, actionnée par des gens impliqués dans un accident.

Maintenant que la loi sur l'assurance automobile a été adoptée et est en vigueur depuis déjà quelques années, les citoyens savent qu'en ce qui concerne les blessures matérielles, ça n'a rien à voir avec le covoiturage. L'automobile, la quincaillerie, c'est payé par les assurances normalement. En ce qui concerne les dommages physiques aux personnes, c'est couvert automatiquement par l'assurance automobile du Québec et les coûts des services de santé sont défrayés.

Le seul problème qui restait et que nous corrigeons par ce projet de loi, c'est l'illégalité dans laquelle se trouvaient ces gens face à la défense pour un individu

d'exiger un paiement à une personne qu'il covoiturait. Ce désavantage n'existera plus maintenant, les citoyens pourront en toute sérénité pratiquer le covoiturage et, par ce fait même, obtenir les nouveaux avantages que le covoiturage offre.

Un de ces avantages, et ce n'est pas le moindre, c'est la possibilité pour deux, trois, quatre ou cinq personnes de discuter soir et matin des problèmes de leur communauté, des problèmes de leur travail tout en cheminant vers leur lieu de travail ou leur résidence le soir.

Personnellement, je connais des couples qui se sont rencontrés en covoiturant d'abord et, par la suite, en cohabitant. Il y a un autre avantage et ce sont les coûts. On a fait mention déjà du pétrole, qui est fortement taxé, on le sait, on l'admet, et une des raisons pour lesquelles le pétrole est si fortement taxé, c'est pour faire en sorte que les gens utilisent moins leur automobile qu'auparavant, autrement dit qu'il y ait moins de gaspillage d'une énergie qui est devenue très dispendieuse, particulièrement le pétrole, qu'on fait venir en totalité de l'extérieur. C'est donc une des raisons pour lesquelles la taxe sur l'essence a été instituée.

Comme le député de Richmond le faisait, nous invitons les citoyens à faire en sorte d'économiser du pétrole et, par le fait même, d'économiser des taxes. Économiser le pétrole rend le Québec plus autosuffisant en énergie.

On sait que, dans la région de Montréal, la route 116 par exemple, entre l'échangeur Charles-Lemoyne et ce qu'on appelait autrefois le rond-point de Saint-Hubert, est surchargée. Les travaux sont nécessaires, c'est dans la programmation du gouvernement. J'espère que, dans un avenir assez rapproché, la route sera améliorée, élargie, parce que la circulation est devenue très dense sur cette artère. Il y a approximativement 70 000 autos par jour qui circulent sur cette voie et plusieurs de ces autos ne sont occupées que par une personne. Donc, si on réussissait à faire en sorte que deux, trois ou quatre personnes utilisent la même auto, cela baisserait d'autant la circulation sur la route 116 aussi bien que sur le pont Jacques-Cartier, sur le pont Champlain, au tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine ou sur le pont Victoria, des ponts qui sont utilisés par mes concitoyens et qui sont surchargés.

J'avoue que, depuis quelques années, avec l'utilisation plus grande du transport en commun, le problème est moins évident, la circulation se fait mieux, mais il y aurait lieu de l'améliorer encore. C'est une économie considérable pour le gouvernement de ne pas avoir à bâtir un nouveau pont, c'est aussi un avantage écologique important puisqu'un pont, cela détruit les abords de la rivière. On fait de nouvelles routes d'accès et cela comporte des frais considérables. C'est donc une économie non seulement pour les personnes qui utilisent le covoiturage mais aussi bien pour l'État et donc, inévitablement, pour les contribuables qui n'auront pas à payer ces infrastructures.

Cela a une implication importante aussi sur la pollution. Moins d'automobiles, moins de pollution, c'est évident. Les gens conserveront leur automobile plus longtemps, on les retrouvera moins vite dans les cours de "scrap", comme on dit. Les pneus durent plus longtemps et on sait que les pneus causent de la pollution. Pour ma part, je ne sais pas où va tout le caoutchouc des pneus qu'on use, mais il s'en va dans l'atmosphère, dans le système, c'est du caoutchouc perdu brûlé quelque part. À tous les égards, finalement, c'est un avantage énorme contre la pollution. (21 h 10)

Il y a aussi des avantages pour ceux qui utilisent le covoiturage. Il y a des gens qui vont en retirer des bénéfices directs. Ceux qui se sont habitués à utiliser ce moyen de transport à deux, trois ou quatre par automobile, occasionnellement, ne peuvent pas profiter de ce transport avec leurs compagnons pour un soir, pour un jour ou une semaine; que font ces gens? Dans bien des cas, dans un comté comme le mien, les gens vont emprunter l'autobus pour se rendre dans la ville et, une fois rendus, ils vont prendre un taxi pour rentrer chez eux. Ils vont prendre des taxis le midi pour aller faire leurs emplettes et, à l'occasion, pour se déplacer à Montréal, par affaires. S'ils ne vont pas loin, ils vont utiliser le taxi ou une autre possibilité, le transport en commun à Montréal, le métro ou les autobus. Il y a donc des avantages économiques pour les chauffeurs de taxi. Comme une personne ne prendrait pas tous les jours un taxi de Chambly à Montréal parce que ce serait trop coûteux, elle pourrait quand même le prendre pour une journée s'il elle est prise à Montréal et qu'elle veut revenir, si elle s'est levée trop tard et qu'elle est pressée de se rendre au travail. Cela peut arriver. Il y a donc des avantages économiques pour les taxis.

Une fois cette loi adoptée, cela nous permettra d'étudier différentes autres mesures - non seulement nous, mais les municipalités et tous les intervenants qui pourraient être intéressés par un tel projet -pour inciter les gens à utiliser le système de covoiturage. On pourrait étudier immédiatement des formes d'incitation comme la gratuité de péage sur les autoroutes et les ponts. Les gens qui seraient quatre dans une automobile ne paieraient plus pour emprunter le pont Champlain ou au poste de péage de l'autoroute de Chambly, sur les autres autoroutes, à Repentigny ou à

Laval. Ce serait une mesure d'incitation aux gens à économiser l'énergie et cela aiderait aussi le gouvernement en ne l'obligeant pas à construire de nouvelles infrastructures.

Cela pourra toucher également les municipalités qui ont un problème de transport en commun. Des gens qui voudraient venir s'installer en banlieue ne le font pas parce qu'ils se disent que le transport sera trop coûteux. Ces municipalités cherchent des solutions pour démontrer aux gens que ça ne coûte pas plus cher de vivre en banlieue qu'à Montréal tout en profitant de la nature, de l'air pur, de la verdure, des avantages de la montagne à Saint-Bruno, des avantages du bassin à Chambly, des avantages du Richelieu, tout le long de la rivière.

La ville de Chambly a déjà fait une étude importante sur les allées et venues des travailleurs: Combien de fois ils allaient à Montréal, à quelle heure ils partaient, où ils allaient exactement, etc. Elle a fait une étude et il en est résulté la mise sur pied d'un bureau, d'une organisation où on peut téléphoner en disant: Moi, je pars de Chambly à telle heure, je demeure dans tel coin de Chambly et je me rends dans tel coin de Montréal, à Longueuil ou à Boucherville pour revenir à telle heure. C'est une sorte de bureau central qui met les gens en contact de façon à leur permettre de covoiturer.

Une fois ce projet de loi adopté, mis en application et rendu public pour aider les citoyens à l'utiliser, il restera, M. le Président, dans un autre domaine au moins, des améliorations à apporter. Ce n'est pas critiquer que de suggérer et de dire: Voilà, nous avons franchi une étape et il y en a d'autres à franchir. Il y en aura toujours. Il y a plusieurs personnes, des jeunes en général, qui pratiquent l'auto-stop. On sait qu'il y a des contraintes à cela. Les autostoppeurs, par exemple, n'ont pas le droit de faire de l'autostop sur les autoroutes. Il y aurait lieu d'étudier des mesures qui pourraient permettre à des gens, aussi bien à la campagne que dans les villes, la pratique de l'auto-stop. Il arrive souvent que des gens voyagent seuls, parce qu'ils doivent voyager seuls. Ce sont des représentants de commerce, des gens qui voyagent à des heures irrégulières et qui seraient très heureux de conduire quelqu'un qui fait de l'auto-stop. Cela m'arrive. Cela m'est arrivé cette semaine, sur l'autoroute, de faire monter quelqu'un - je ne me rappelle plus où c'était, sur la Transcanadienne - et de le conduire jusqu'à Québec. Il s'en allait à Chicoutimi sur le pouce.

Il faudrait faciliter ce moyen de transport, parce qu'il y a des contraintes, encore une fois, qui ne permettent pas autant qu'on le voudrait l'utilisation de ce moyen de transport qui ne coûte absolument rien de plus, parce que, quand je fais monter quelqu'un dans mon auto, le pétrole que j'utilise, je l'utiliserais quand même en me rendant où je vais. Je fais simplement utiliser l'énergie déjà dépensée pour en faire profiter une autre personne qui s'en va dans la même direction que moi.

M. le Président, cela me fait plaisir d'appuyer cette proposition qui est, à mon avis, une solution pour plusieurs personnes de ma circonscription, Chambly, aussi bien que des grandes régions. J'imagine que, partout au Québec, les gens retrouvent un peu les mêmes problèmes, mais à différents degrés.

Alors, c'est un pas dans la bonne direction et, encore une fois, je suis très heureux de voter pour le projet de loi no 31. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Groulx.

M. Élie Fallu

M. Fallu: Merci, M. le Président. Vous serez sans doute étonné de voir qu'autant de députés se lèvent pour parler d'un projet de loi qui, à tous égards, ne comporte que trois articles. Il y a un article central, le deuxième porte sur la constitution comme tous les projets de loi et le troisième indique que le présent projet de loi entre en vigueur le jour de sa sanction.

Si nous sommes plusieurs, c'est que ce projet de loi revêt une certaine importance. L'importance n'est pas, je dirais, dans l'essence même du projet de loi ou dans ses conséquences immédiates. C'est au-delà de tout cela.

Le covoiturage pour le travail, le covoiturage pour se rendre aux études. J'ai moi-même tenu à me déplacer à l'instant, depuis la commission parlementaire où on entend les mémoires sur la Communauté urbaine de l'Outaouais à propos du projet de loi no 28, pour venir participer au débat. Le covoiturage dans notre société fait partie d'une attitude nouvelle. Je dirai que c'est la sortie de nos anciennes habitudes d'individualisme, de consommation à outrance, de hâte, de vitesse, tout cela, évidemment, sous le signe de l'efficacité. (21 h 20)

Ces changements d'attitude indiquent l'émergence de nouvelles valeurs dans notre société. Ce sont les valeurs de la participation, de la mise en commun, de la prise en main, de l'entraide. Cela ressemble d'ailleurs à d'autres valeurs qu'on retrouve dans la société qui se développent en parallèle. Celle de la coopération, de la copropriété, du bénévolat. Tout cela se ressemble. C'est en fait ce que j'appellerai d'une façon un peu synoptique une nouvelle qualité de vie en commun dans une société, dans notre société.

Plus encore, à mon avis, c'est en quelque sorte, cette toute petite loi une brique, une pierre, ou devrais-je dire une planche qu'on est en train de clouer sur cette maison qu'on est en train de bâtir ensemble avec notre peuple. Cela fait partie aussi de ces grands mouvements internationaux qu'on sent, un peu partout dans le monde, naître et prendre une ampleur considérable, qu'on retrace sous un vocable général de société dite écologique. C'est très concrètement, d'ailleurs, le sens que nous donnons ici dans notre société à certaines marches contre les armements nucléaires. Ce sont des actions positives également qui sont faites par la société, le gouvernement qui la représente. Cela va dans le même sens que l'inauguration solennelle que nous faisions hier avec le ministre de l'Environnement, à Blainville, de l'usine Stablex qui vient régler le problème des déchets industriels, toxiques, inorganiques.

Cela va dans le même sens que la fermeture des dépotoirs qui fumaient jadis un peu partout alentour de nos villes et dans nos campagnes. Cela va dans le même sens d'ailleurs que les mesures prises par le ministre des Transports dans le développement des pistes cyclables, qualité de vie, je veux dire Kino-Québec, mise en forme du citoyen et de la citoyenne, utilisation de méthodes douces, de méthodes écologiques pour se rendre au travail. Cela va d'ailleurs dans le même sens que les choix récents de ce gouvernement en ce qui a trait à privilégier le transport en commun sur la construction d'autoroutes. Cela va dans le même sens finalement que l'épuration des eaux.

M. le Président, je m'excuse, peut-être trouvez-vous que trois petites lignes dans un projet de loi et en dire autant alentour cela a l'air de faire perdre le temps de la Chambre. À mon avis, bien au contraire. Il faut comme cela, de temps à autre, savoir placer des actions ponctuelles, des actions concrètes, même les actions les plus humbles devrais-je dire, les plus simples, dans leur véritable perspective, ce qui vaut à l'Assemblée nationale cet après-midi et ce soir de s'arrêter un long moment sur un geste qui représente très exactement cinq lignes dans un projet de loi. Si nous le faisons, c'est parce que nous le faisons en perspective de société.

Le covoiturage est pour nous ou s'inscrit pour nous dans une des solutions de rechange du transport en commun. Car on ne peut pas, avec nos gros autobus - même fabriqués chez nous, à côté de chez nous, à Saint-Eustache, qui coûtent très cher - dans lesquels il faut mettre des chauffeurs, il faut mettre des répartiteurs, il faut mettre des administrateurs, il faut mettre des corporations sur pied pour faire la gérance, il faut imprimer et vendre des billets, il faut que cela coûte cher pour rapporter. Mais cela ne peut se faire qu'aux endroits où il y a une concentration de population considérable. À combien d'endroits dans nos banlieues éloignées, pour tous ces navetteurs qui travaillent à l'usine dans le village, qui ont à voyager le long du fleuve Saint-Laurent depuis Montmagny pour aller travailler à la Davie Shipbuilding, à Lauzon, bref, pour tous ces gens qui n'ont pas le transport en commun, c'est une alternative. C'est donc un choix qui peut d'ailleurs se mixer avec du transport en commun.

Songeons, par exemple, à ces lieux de rassemblement ou de regroupement, ces stationnements en bout de ligne, que ce soit au bout de la ligne du Canadien National de Saint-Eustache vers Montréal maintenant intégrée par le ministre des Transports, il y a quelques mois, à la Commission de transport de Montréal. Pensons à ces stationnements en bout de ligne du côté de Brossard ou de Saint-Hubert, des lignes d'autobus, celles-là, qui peuvent permettre là des lieux de regroupement de gens qui, précisément, font du covoiturage ou qui en ont fait en venant de chez eux. Comment dirais-je, M. le Président? Je crois qu'il nous faut peut-être lire la loi telle qu'elle était auparavant, et voir ce qu'elle est maintenant.

Auparavant, nous pouvions lire que: "Nul ne peut - donc, il était interdit -fournir des services à l'aide d'un moyen ou d'un système de transport - y compris une voiture, une automobile - contre une rémunération directe ou indirecte - c'est vrai qu'on n'a jamais payé les chauffeurs d'autobus en leur donnant un sac de pommes ou un sac de "klondikes" la journée de la Sainte-Catherine; il fallait des billets, mais il était même interdit de se faire covoiturer et de payer en pommes, en oranges ou en tomates de saison - s'il ne détient le permis prescrit à cette fin par règlement." Il fallait détenir un permis. À toutes fins utiles, il fallait peut-être avoir soit un autobus avec une ligne d'autobus ou encore avoir un taxi.

Maintenant, on nous dit: "Le premier alinéa - celui que je viens de citer - ne s'applique également pas à une personne qui, lorsqu'elle se rend à son lieu de travail ou d'études et en revient, transporte d'autres personnes pour leur permettre de se rendre à leur lieu de travail ou d'études ou pour en revenir, à la condition que la rémunération requise de celles-ci ne constitue qu'une contribution aux frais d'utilisation du véhicule." Donc, faire du covoiturage, ce n'est pas faire de l'argent. C'est simplement partager des dépenses. C'est simplement défrayer ensemble les dépenses de transport telles que l'essence, l'entretien du véhicule et, dans certains cas, cela pourrait même être la dépréciation de l'automobile ou de la fourgonnette, puisque cela pourrait même

être un achat en commun.

Cela peut prendre des valeurs multiples. Cela peut être un des navetteurs ou l'un des covoitureurs qui achète une fourgonnette, qui achète même un autobus, s'ils sont en nombre suffisant pour la remplir, et ils se partagent les frais, mais seulement les frais. Cette loi n'a pas de règlement. Elle n'a que ce seul article que j'ai souligné ici, en jaune. Il n'y a pas de règlement, c'est-à-dire que le ministre ne dira pas comment il faut calculer, combien de personnes, il y aura, si, dans la fourgonnette on sera quatre, cinq, dix, douze ou quinze. Il n'y a aucun règlement. C'est laissé au bon jugement de chacun et à l'organisation d'un groupe ou d'une petite collectivité qui sait se prendre en main. On sait que, dans certains États américains, cela a touché jusqu'à 8%, même 10% et même 12% de gens, de travailleurs et d'étudiants qui se sont ainsi regroupés et qui, évidemment, ont enlevé un nombre considérable de voitures de la route aux heures de pointe.

J'ai quelque chose à ajouter, car le ministre des Transports sait - pour lui avoir déjà écrit, il y a plus d'un an, pour avoir posé des questions en Chambre, il y a maintenant environ un an, c'était l'époque, évidemment, où on annonçait, et j'ai souvenance de ce 20 mai 1982 où on annonçait la hausse des tarifs de péage autoroutiers - comment nous avons insisté, mes collègues et moi du caucus Laurentides-Lanaudière, pour avoir cette loi de covoiturage pour diminuer pour nos concitoyens les frais de transport. On lui avait également demandé une voie réservée sur l'autoroute, il l'a néanmoins accordée aux taxis et aux autobus. C'est cela de fait. De toute façon, on ne lui demande plus de réserver une voie aux covoitureurs parce que nous sommes convaincus qu'au prochain budget, il n'y aura plus de péage sur les autoroutes, du moins nous y comptons bien. (21 h 30)

Je reviens au covoiturage. Le covoiturage est là dans la loi. Il doit être là maintenant dans les moeurs. Ce sont les changements d'une société. C'est déjà commencé. La loi n'existait pas mais les gens avaient commencé à le faire vraiment. Il faudra publiciser, il faudra donner aux individus, à ces regroupements, les outils qu'il faut. On n'aura peut-être pas nos couloirs réservés sur le pont Champlain; on n'aura peut-être pas nos couloirs réservés sur le pont Jacques-Cartier; on n'aura peut-être pas nos couloirs réservés sur l'autoroute des Laurentides ou sur l'autoroute 40 ou celle des Cantons-de-l'Est, mais on peut faire des choses relativement simples.

La semaine dernière, au moment du dépôt de la loi 31, j'avais l'occasion, comme je le fais à chaque semaine dans deux hebdos de chez nous, de présenter une chronique, La chronique du député. Je faisais entre autres deux propositions. La première s'adressait aux hebdos. Cela peut s'adresser également aux quotidiens. Je leur suggérais de réserver un espace intitulé Covoiturage, à titre gracieux de service public. Ce seraient les usagers potentiels qui pourraient ainsi, faire connaissance les uns avec les autres et organiser ainsi des regroupements de covoitureurs. Donc, j'invite les hebdos, notamment aux environs des grandes villes, des grands centres à offrir aux covoitureurs ce service: un petit espace dans lequel les gens pourraient s'identifier, se faire connaître, indiquer de quel endroit ils partent, où ils vont, à quelle heure et leur numéro de téléphone évidemment.

Je faisais une deuxième suggestion. D'ailleurs, la semaine dernière, j'ai adressé cette suggestion directement aux maires des municipalités du mon comté. Nous avons, depuis un an, depuis que le débat sur le transport en commun dans la région de Montréal est vraiment bien amorcé, nous avons ensemble beaucoup réfléchi au transport en commun. Nous ne sommes pas sûrs qu'il nous faille des gros métros ou des gros wagons diesel sur rails, ou des gros autobus. On dit qu'il y a peut-être moyen avec un peu d'imagination maintenant et fort d'un tas d'expériences qui ont été faites ailleurs, il y a peut-être moyen de faire des choses intéressantes qui ne coûteraient pas trop cher, comme, par exemple, le covoiturage et le taxi collectif doublés d'autobus qui, au lieu de faire la navette dans nos villes, attendraient le taxi collectif et les covoitureurs à des stationnements réservés.

Je leur faisais la suggestion suivante: qu'on réserve, qu'on prévoie d'ici quelques mois des espaces dans les stationnements publics, des espaces qui sont un peu éloignés, un peu moins occupés par les gens, où il y a peu de chalands, avec une pancarte marquée "covoitureurs" pour que les gens sachent, soient incités de cette manière à se regrouper à certains endroits et, quelquefois, à plusieurs; si on manque le premier, on prend le deuxième. On sait que souvent les gens vont à peu près dans le même bout. De chez moi, cela pourrait être tous ceux qui descendent le matin à Canadair, ceux qui descendent à Vickers, comme on disait jadis, MLW, ceux qui vont dans le centre-ville etc. Cela pourrait être même des centres commerciaux qui, souvent, sont placés le long des autoroutes pour avoir une meilleure exposition qui pourraient gratuitement offrir, avec une pancarte de stationnement, une invitation aux covoitureurs pour se stationner tout au fond du stationnement qui n'est jamais utilisé. Voilà une méthode intéressante pour faciliter le regroupement des covoitureurs. J'ai également quelques suggestions à faire au ministre.

Le ministère n'a pas tout transféré au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et à la banque des terres agricoles, il possède de très nombreux résidus de terrain le long des autoroutes, notamment près des entrées. On a coupé un peu carré, mais il reste beaucoup de résidus de terrain qui pourraient faire d'excellents stationnements pour les covoitureurs. J'irais même plus loin que ça, et je l'ai vu de mes yeux aux États-Unis. On pourrait installer des stationnements de covoitureurs dans les boucles d'autoroute. Vous savez, ces belles boucles d'autoroute où l'on tond, au moins trois fois durant l'été, très proprement le gazon, ça sert à quoi? Même pas à alimenter les animaux. Peut-être qu'on pourrait y installer à certains endroits des regroupements qui permettraient le stationnement de covoitureurs.

M. le Président, tout ça, c'est une société qui est en train de changer chez nous. C'est une société dans laquelle il y a de nouvelles valeurs, comme je le disais au départ: des valeurs d'entraide, des valeurs de copropriété, des valeurs de coopération, des valeurs d'amitié. Il y a un collègue qui disait tantôt qu'il connaissait un garçon et une fille qui s'étaient rencontrés dans le covoiturage. Je pense que, dans le covoiturage, une partie d'une nation va se retrouver et se donner des outils de mise en commun, simplement.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Bellechasse.

M. Claude Lachance

M. Lachance: Merci, M. le Président. Le 31 mai dernier, le ministre des Transports décidait de présenter la Loi modifiant la Loi sur les transports, concernant le covoiturage. Ce projet de loi, d'après ce qu'on peut voir, ne suscitera pas de la part de l'Opposition de "filibuster", d'obstruction systématique, si j'en juge par les propos des collègues de l'Opposition. J'entendais tantôt le député de Richmond dire que - ce n'était pas méchant de sa part, il fallait bien qu'il soulève quelques points négatifs - cette mesure aurait dû être annoncée beaucoup plus tôt.

J'aimerais, vous rappeler que l'actuel député de Richmond a été député, ici même à l'Assemblée nationale, de 1973 à 1976 et, à l'époque, le gouvernement Bourassa était au pouvoir. Il aurait pu, je pense, avec l'influence qu'il avait au sein de son caucus, convaincre le ministre des Transports de l'époque d'adopter cette mesure qui, aujourd'hui, semble lui sourire. Bien sûr, à l'époque d'Honoré Mercier ou à l'époque de M. Chapleau, arriver avec une telle mesure aurait été inconcevable à l'Assemblée législative de cette époque. À ce moment-là, évidemment, on n'utilisait pas tellement les voitures automobiles, c'étaient plutôt les charrettes à boeufs ou les chevaux. Je pense bien que ça ne posait pas tellement de problèmes au niveau du covoiturage, d'autant plus que les gens, pour la plupart, travaillaient chez eux dans une entreprise artisanale ou dans le domaine de l'agriculture.

Je suis heureux que le ministre des Transports ait décidé, à la suite des représentations qui lui ont été faites, de nous présenter ce projet de loi qui va permettre de régulariser une situation, de moderniser la législation en vigueur pour rendre le tout conforme aux pratiques actuelles. Le ministre des Transports n'a pas cru bon attendre un autre siècle, peut-être à l'an 2083, où il y a fort à parier que d'autres moyens seront utilisés. Pourquoi pas la "téléportation" instantanée, comme on en voit actuellement dans les films de science-fiction? Ce serait encore plus avantageux que le covoiturage. (21 h 40)

Si on revient au projet de loi no 31, si on regarde le projet de loi comme tel, on constate qu'il n'est pas très volumineux. En fait, il comporte exactement trois articles et le dernier dit ceci: "La présente loi entre en vigueur le jour de sa sanction." Je pense bien que ce n'est pas en terme de quantité mais en terme d'effet qu'il faut voir le projet de loi.

Je pense qu'il est important d'abord de définir ce qu'on entend par covoiturage. D'autres collègues l'ont fait avant moi, je pense que c'est une technique dans l'enseignement, vous connaissez cela, M. le Président, il faut répéter constamment et c'est la meilleure façon didactique éprouvée avec les méthodes que vous connaissez bien.

Le covoiturage c'est le fait pour une personne, lorsqu'elle se rend à son lieu de travail ou d'études ou en revient, de transporter d'autres personnes se déplaçant pour les mêmes fins contre une contribution couvrant les frais d'utilisation du véhicule.

Vous avez compris par cette définition, M. le Président, qu'il ne s'agit pas, pour quelqu'un qui possède un véhicule, de gagner sa vie avec le covoiturage. En fait il s'agit, pour les usagers, d'une alternative supplémentaire fort intéressante parmi tant d'autres, dont le transport en commun, qui possède des effets extrêmement positifs dont j'aurai l'occasion de parler tout à l'heure.

On est en 1983 et, croyez-le ou non, la loi actuelle interdit à quiconque de fournir des services de transport contre rémunération directe ou indirecte, à moins de détenir le permis prescrit à cet effet. C'est ce qui explique que certaines personnes qui, jusqu'à maintenant pratiquaient le covoiturage, se sentaient un petit peu nerveuses parce qu'elles savaient qu'elles étaient en marge de la légalité. Cependant, si mes informations sont exactes, le ministère des Transports n'a

jamais appliqué avec rigueur cette disposition de la loi et c'est une preuve qu'on devait s'adapter avec un projet de loi moderne.

Cependant le fait que c'était interdit par la loi jusqu'à maintenant faisait en sorte qu'on ne pouvait pas faire la promotion du covoiturage comme étant un moyen par exemple fort approprié, dans les circonstances actuelles, de voyager.

Des études existent sur le comportement des usagers de la route - je vais vous en citer seulement deux - et on se rend compte que, par exemple, les déplacements les plus fréquents sont ceux qu'on effectue entre son lieu de résidence et son travail. Par exemple, 30% des Montréalais utilisent le transport en commun. C'est très peu quand on considère la densité de la population et les moyens à sa disposition pour se véhiculer à son lieu de travail.

D'après une étude de Statistique Canada qui date de 1980, on ajoute que 50% des personnes qui se rendent à leur travail y vont seules. C'est donc dire l'espèce de gaspillage d'énergie que représente un tel déplacement.

Une autre étude qui essaie de voir pourquoi les gens ne sont pas friands d'utiliser des moyens de transport en commun, qui sont pourtant cinq à dix fois moins cher que le transport dans son véhicule personnel, c'est l'étude du COTREM, le Conseil des transports de la région de Montréal, qui a été effectuée à l'hiver 1982 d'après un échantillonnage de 5000 personnes. On constate que les automobilistes qui se promènent seuls dans leur véhicule donnent certaines raisons très précises pour expliquer leur comportement. La première raison donnée par ordre d'importance, c'est le fait que le véhicule privé constitue un moyen de transport plus rapide; deuxièmement que c'est un moyen de transport plus souple et, troisièmement, que c'est un moyen de transport plus confortable. Ce sont les raisons énumérées pour lesquelles on ne veut pas utiliser d'autres moyens et en particulier le transport en commun.

Je suis heureux que le ministre des Transports ait décidé, à ce moment-ci, de présenter cette mesure. Cela indique bien que l'actuel ministre des Transports est ouvert aux suggestions. Déjà, des députés ministériels ou d'autres groupes avaient fait des représentations demandant que le covoiturage soit légalisé. Cela s'inscrit dans le cadre de certaines mesures de modernisation de la législation, par exemple, l'utilisation des véhicules jaunes, des véhicules de transport scolaire, qui pourront être utilisés dans des milieux comme le mien, des milieux ruraux, où le transport en commun n'est pas rentable.

Je disais tantôt que cela rendait certaines personnes nerveuses de véhiculer des collègues ou des covoituriers. Un des premiers aspects qui a incité au covoiturage s'est révélé au moment de l'arrivée de l'assurance automobile. La menace qui planait sur une personne qui décidait de faire monter d'autres personnes dans son véhicule avant l'arrivée de l'assurance automobile, cela constituait à l'époque un obstacle de taille. On avait peur, dans le cas d'un accident, d'être l'objet de poursuites qui pouvaient, comme on le disait, "mettre quelqu'un dans le chemin" et lui causer des problèmes jusqu'à la fin de ses jours.

C'était un premier pas et on se devait d'aller plus loin. Déjà, au moment où on se parle, même si cette façon d'agir n'était pas sanctionnée légalement, dans le comté que je représente, le covoiturage est utilisé. J'espère qu'il le sera davantage après l'adoption de la loi 31. Il existe des entreprises - je vais vous en énumérer quelques-unes - qui regroupent 100, 200, 300 et même 400 employés. Les gens ont constaté, lors de la crise de l'énergie, qu'il était avantageux et même préférable, pour maintes raisons, de se véhiculer, de voyager ensemble. Je pense aux Industries provinciales de Saint-Damien, qui comptent environ 300 travailleurs. Je sais pertinemment que plusieurs travailleurs de cette usine voyagent ensemble selon les "quarts" de travail. Même chose en ce qui concerne l'abattoir de volailles et la Coopérative de Dorchester à Saint-Anselme. Quand je suis dans mon comté, à ma résidence, je vois passer des véhicules qui partent vers 7 h 15 le matin et qui reviennent vers 17 h 30 le soir. Ce sont des espèces de fourgonnettes dans lesquelles une douzaine de personnes prennent place. Elles se véhiculent comme cela de Saint-Nazaire à Saint-Anselme quotidiennement, économisant ainsi de l'argent et de l'énergie.

Même chose en ce qui concerne les travailleurs du sanatorium Bégin à Lac-Etchemin, les travailleurs de Prévost Car à Sainte-Claire et encore davantage peut-être, à cause d'une distance plus considérable, les travailleurs de Bellechasse qui se rendent aux chantiers maritimes de Davie, à Lauzon.

Si on y pense bien, le fait de voyager en groupe a des avantages non négligeables. Par exemple, le fait d'avoir moins d'automobiles en circulation, cela se traduit par toute une série de conséquences que je me permettrai de vous énumérer brièvement. S'il y a moins d'automobiles en circulation, cela veut dire qu'il va y avoir moins d'argent du budget familial affecté au transport entre la résidence et le lieu de travail. Cet argent pourra servir de façon beaucoup plus productive ailleurs. Cela veut dire qu'il y aura moins d'énergie non renouvelable de gaspillée; exemple, le pétrole. Cela se traduit également par le fait qu'il y aura moins d'argent de dépensé

en carburant. Il y aura moins de frais d'entretien de l'automobile: frais de toutes sortes: les freins, les pneus, les pièces mobiles, la carrosserie, surtout en période hivernale, qui se détériore sous l'effet du sel, du calcium.

Cette mesure se traduit aussi par moins de pollution atmosphérique, l'un des maux de notre temps. Moins d'espaces de stationnement seront également requis auprès des usines, des manufactures ou des bureaux. Souvent, ce sont des sommes considérables qu'on doit affecter pour des espaces de stationnement, particulièrement dans les milieux urbains. (21 h 50)

Cela veut dire également moins de risques d'accidents et je pense qu'il s'agit là d'un point majeur. S'il y a moins de risques d'accidents, moins d'accidents, cela signifie qu'il y aura des répercussions concrètes, tangibles, non négligeables, sur les primes d'assurance automobile que vous et moi devons payer. Cela veut dire également, par voie de conséquence logique, qu'il y aura moins de blessés, qu'il y aura moins de morts. Cela n'a pas de prix. Cela veut dire également - cela me sourit - qu'il y aura moins de policiers sur les routes. Moins de policiers seront requis pour faire respecter le Code sur la sécurité routière. Finalement, comme autre mesure, moins de dépenses gouvernementales en infrastructures routières, en construction d'autoroutes, surtout en entretien, parce qu'une fois que la route est construite, ce n'est pas terminé. Il faut être capable de l'entretenir et cela accapare actuellement une bonne partie du budget du ministère des Transports.

En terminant, je tiens à féliciter le ministre des Transports d'avoir proposé cette mesure et c'est avec plaisir, évidemment, que je l'appuie et que je vais voter pour le projet de loi no 31. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Je tiens aussi à prendre quelques minutes pour parler du fameux projet de loi no 31 qui, en fait, est une loi qui vient normaliser une situation, une pratique déjà suivie par un grand nombre de citoyens. On dit souvent, au Québec, qu'il y a beaucoup de règlements et beaucoup de contraintes. Ce projet de loi vient en enlever une pour permettre à des citoyens, qui pratiquent déjà le covoiturage, de le faire d'une façon libre, ouverte et également d'une façon un peu plus payante. Je suis tout à fait d'accord avec ce projet de loi, qui, pour le gouvernement, n'implique aucune charge financière. Au contraire, comme disait mon collègue de Bellechasse, cela amènera des économies un peu partout, pas nécessairement une économie qu'on pourra voir dans les budgets de façon très claire, mais qui, avec le temps et un peu dans tous les domaines, sera perceptible quand même assez facilement.

Cette pratique de covoiturage n'est pas nouvelle. C'est vrai, comme le disait l'Opposition, que ce projet de loi aurait pu arriver avant, mais il vient maintenant et il vient grâce au gouvernement du Parti québécois. C'est important qu'on le présente principalement dans une période économique assez difficile où l'énergie, principalement le pétrole, une énergie qui n'est pas disponible chez nous, devient de plus en plus rare et de plus en plus coûteuse. Donc, c'est une très bonne chose que cela vienne et cela permet à chacun, comme individu, de faire des économies puis de changer, dans plusieurs cas, des habitudes ou d'en développer de nouvelles.

C'est vrai qu'on est habitué - les chiffres le prouvent - à voyager en solitaire. 70% des travailleurs, au Québec, utilisent leur voiture pour aller travailler, mais 50% de ces gens-là voyagent seuls. Cela veut dire que ce sont des coûts énormes. Si on relevait rapidement les coûts, ce que coûte une voiture, on s'apercevrait que c'est, pour chaque citoyen, une des dépenses du budget familial les plus élevées. Le coût annuel d'une voiture, si on compte les frais fixes et les frais variables, cela varie entre près de 5000 $ et au-delà de 7000 $, selon que c'est une petite voiture compacte ou une voiture standard. Donc, les coûts sont énormes. On n'a qu'à penser aux assurances, à l'immatriculation, au permis, à la dépréciation, au financement et aux intérêts. Tous ces coûts fixes, on doit les absorber lorsqu'on a une automobile. Il y a aussi les coûts variables qui sont l'essence, les changements d'huile, les pneus, l'entretien, le péage et le stationnement. Tout cela mis ensemble, comme je le disais tantôt, c'est entre 5000 $ et 7000 $, selon la grosseur de la voiture, qu'on doit, chaque année, investir. Donc, il y a des coûts.

Évidemment, les gens vont dire: De toute façon, j'ai besoin de ma voiture, que ce soit les fins de semaine ou pour d'autres sorties. Évidemment, cela ne veut pas dire qu'on n'aura plus de voiture. Sauf que si on enlève les coûts variables, c'est une économie extraordinaire qu'on peut faire. C'est une économie qui va varier entre 1000 $ et 2000 $ par année si on pratique le covoiturage et si on n'utilise plus la voiture simplement pour aller travailler. C'est environ 1000 $ qu'on économise, selon la grosseur de la voiture. Cela peut même aller jusqu'à environ 1700 $, selon que c'est une grosse ou une petite voiture. Mais on économise aussi et on n'y pense peut-être pas suffisamment, sur le péage et sur les

frais de stationnement. Il y a des économies à faire pour chacun des individus en pratiquant le covoiturage. Au niveau collectif aussi, ce n'est pas seulement une amélioration de la qualité de vie qu'on est capable de créer par cela, c'est une meilleure utilisation de notre territoire, de nos équipements qu'on possède déjà. Cela vaut la peine d'y voir même au niveau collectif. Comme je le disais au début, cela peut nous permettre de changer des habitudes, mais d'en créer de nouvelles. Ces habitudes, c'est, justement, de voyager avec d'autres, avec nos voisins, avec les gens de la rue, avec les gens du coin. On connaît cela surtout dans les milieux qui ne sont pas nécessairement des grandes villes comme Montréal et Québec, mais dans les coins semi-urbains, semi-ruraux où les gens voyagent, où les gens doivent se déplacer.

On se déplace d'ailleurs maintenant des villes vers l'extérieur avec les centres de haute technologie et les centres industriels qui se développent à l'extérieur des villes, des grands centres et aussi des centres régionaux. Comme on doit se déplacer pour se rendre au même endroit, il est facile d'utiliser la même voiture. C'est une économie pour le propriétaire de la voiture. C'est une économie aussi évidemment pour ceux qui profitent de la nouvelle politique de covoiturage. Cela vaut la peine de créer cette habitude, les liens qu'on crée; c'est aussi pour la collectivité un danger de moins d'accident. Moins il y a de gens sur la route, moins il y a de danger, surtout dans les grands centres comme Montréal et Québec, les gens de banlieue qui vont travailler en ville, il y a moins de risques d'accidents, il y a moins de pollution et aux heures de pointe aussi il y a moins de circulation, donc, ce n'est pas tout congestionné. On peut aussi regagner dans le temps.

En créant cette habitude, on s'habitue aussi à utiliser encore davantage les transports en commun qui coûtent très cher et qui vont nous coûter de moins en moins cher avec l'accroissement de l'utilisation. C'est une habitude à développer que la loi 31 nous permet pour les grands centres, nous permet aussi pour les centres secondaires, comme je le disais tantôt, parce que là où n'existent pas déjà des systèmes en commun, des systèmes d'autobus, dans les villes moyennes ou plus petites, c'est un excellent moyen d'économiser et de sauver, comme individus sur nos dépenses personnelles, comme collectivité surtout dans des centres où il devient de plus en plus difficile de trouver du stationnement dans les centre-ville. C'est une excellent moyen, en voyageant plusieurs dans une seule automobile, d'être capables d'aller stationner au bon endroit au centre-ville. Comme il y a moins d'automobiles, avec l'espace qu'on possède présentement on est capable de répondre à la demande sans être obligé d'amener de très gros investissements pour être capable de satisfaire à l'accroissement constant du nombre de véhicules.

C'est un projet de loi qui ne coûte rien et qui peut aider tout le monde, donc, à plus forte raison, il faut en profiter. Au niveau des économies, c'est important. Au niveau des économies de l'État, c'est aussi important lorsqu'on veut utiliser l'argent que possède l'État présentement pour améliorer notre système routier. Si on veut l'améliorer dans les campagnes un peu partout, si on veut investir davantage dans le métro, ce n'est pas en faisant en sorte que l'automobile prenne toute la place qu'on va réussir à prendre cet argent justement pour être capable de l'utiliser là où on peut investir davantage dans des constructions qui vont servir des populations qui n'ont pas présentement à leur service un système de transport en commun. Je ne veux pas m'éterniser plus longtemps, M. le Président, juste pour rappeler que cela aide tous les gens, tous les travailleurs, les écoliers qui peuvent se rendre à des lieux communs. Je crois qu'au niveau du système public, étant donné qu'on va créer l'habitude, cela va aussi être positif dans ce sens.

Je ne pense pas que cela va nuire à personne. Pas plus à l'industrie du taxi, finalement, puisqu'on trouve en échange de nouveaux marchés qui vont leur permettre d'être capables de reprendre peut-être quelques passagers qu'ils pourraient perdre à cause d'une loi comme celle-là. Sauf que moi je dis que si on crée l'habitude, ils vont pouvoir en regagner, et comme les gens vont voyager en groupe, donc, à certaines occasions ils vont devoir prendre le taxi et les économies qu'ils vont faire sur leurs dépenses automobiles, ils vont les remettre sur le taxi. Je ne crois pas que le covoiturage soit nuisible au taxi. Au contraire, en développant l'utilisation au maximum du covoiturage et des services publics, des moyens de locomotion qu'on peut mettre en commun, le taxi fait partie de ces outils dont on dispose. Je crois que c'est un projet qui est bénéfique qui va être accepté à l'unanimité, parce que l'expérience ailleurs en Amérique du Nord nous a prouvé que c'était bénéfique. Nous le faisons et je crois que c'est une très bonne chose. Je vais évidemment voter pour ce projet de loi et je suis content que cela nous arrive maintenant, à un moment où on doit faire, dans la mesure du possible, le plus d'économies d'énergie possible. Merci, M. le Président. (22 heures)

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des Transports, votre droit de réplique.

M. Michel Clair (réplique)

M. Clair: Oui, M. le Président. Vous me voyez ravi, au début de ce droit de réplique, de l'accueil qui a été réservé par tous les députés de cette Chambre au projet de loi no 31 visant à légaliser le covoiturage. Vous avez vu, tant par le contenu des interventions qui étaient toutes positives à l'égard de cette loi que par l'approche même des députés à cette idée de légaliser le covoiturage, que cette loi répond à un besoin essentiel du Québec en matière de modernisation de sa politique des transports.

Je suis également ravi du fait que pour une des rares fois, effectivement, comme mes collègues l'ont souligné, les députés de l'Opposition nous ont indiqué qu'enfin ils allaient voter pour une des mesures mises de l'avant par le gouvernement. Dans ce sens, je suis heureux de constater que l'Opposition ait choisi, au lieu de faire un débat partisan comme cela lui arrive beaucoup trop souvent, de faire cette fois-ci un débat positif et d'appuyer le gouvernement dans une mesure très importante.

En effet, comme plusieurs collègues l'ont souligné, je pense que ce n'est pas à l'épaisseur et au nombre d'articles d'un projet de loi qu'on peut mesurer son importance, mais bien davantage aux conséquences sociales, économiques et humaines qu'il peut avoir. En matière de transport, la légalisation du covoiturage était certainement un geste important à poser en ce sens. Autant le nombre que le contenu des interventions témoigne bien de l'importance qu'à l'Assemblée nationale, en tout cas, les députés accordent au projet de loi concernant la légalisation du covoiturage.

Même si l'Opposition s'est montrée favorable à l'adoption de ce projet de loi, elle a néanmoins soulevé ou rabâché deux critiques qu'elle formule régulièrement en matière de transport, notamment en ce qui concerne les automobilistes. En effet, vous avez entendu l'Opposition accuser à plusieurs reprises le gouvernement d'en avoir contre les automobilistes, de considérer les automobilistes comme des gens à exploiter, des gens indésirables et des gens pour lesquels le gouvernement ne voulait rien faire. C'est ce que dit l'Opposition.

Pourtant, rien dans l'action gouvernementale ne justifie de la part de l'Opposition ou de qui que ce soit une accusation à l'endroit du gouvernement de ne pas s'être préoccupé des automobilistes au même titre que des autres citoyens ou des citoyens dans d'autres circonstances. En effet, l'Opposition se limite à regarder, en ce qui concerne les automobilistes, uniquement la question de la taxe sur le carburant, une taxe temporaire que le gouvernement a dû se résoudre à imposer en novembre 1981 pour des raisons de conjoncture économique que nous connaissons tous.

L'Opposition prend bien garde, cependant, de ne pas signaler les nombreux gestes qui ont été posés par ce gouvernement en faveur des automobilistes et qui ont apporté des dividendes concrets aux automobilistes. J'en donne quelques exemples.

D'abord, en matière d'assurance automobile, nous avons introduit, en 1978, un régime public d'assurance automobile garantissant le remplacement du revenu de toute personne blessée ou tuée dans un accident d'automobile, compensant pleinement les pertes économiques; c'est l'expression que la marraine de ce projet de loi, Mme Payette, employait à l'époque. Donc, nous bénéficions, depuis 1978, d'un régime d'assurance automobile qui fait l'envie d'un grand nombre d'États dans le monde entier. C'est donc un avantage quant à la couverture des éventuelles victimes d'accidents d'automobile.

Il y a mieux que cela, en termes de coûts de l'assurance automobile, pour une protection de toute la population qui circule dans un véhicule automobile, nous facturons une prime sur le permis de conduire, qui a été augmentée au cours des deux premières années du régime, mais principalement à partir d'une contribution au moment de l'immatriculation d'un véhicule automobile. Cette contribution a été fixée à 85 $ en 1978. Six ans plus tard, en 1984, la prime d'assurance automobile n'aura augmenté pour les automobilistes que de 10 $, passant de 85 $ à 95 $, une augmentation de 12% sur six ans. Il n'y a pas un seul régime d'assurance, à ma connaissance, dans le monde entier, qui n'ait pas augmenté de plus de 12% au cours des six dernières années, 1984 inclus. Cela a donc comporté pour les automobilistes des avantages certains, évidents, sur le plan économique, financier, de procéder à la nationalisation du secteur de l'assurance automobile pour les blessures corporelles.

Il y a une autre mesure que nous avons prise cette année pour les automobilistes. Non seulement les primes d'assurance automobile reliées à l'immatriculation auront augmenté de seulement 10 $ en six ans, mais, mieux que cela, en ce qui concerne la contribution de l'assurance automobile reliée au permis de conduire, pour toute personne qui n'aura accumulé aucun point d'inaptitude, qui aura un dossier vierge sur le plan de la conduite automobile, nous avons annoncé, l'année dernière, qu'à compter du mois d'avril dernier, une réduction de 10 $ sur le renouvellement d'un permis de conduire de deux ans était accordée à ces automobilistes. C'est donc un avantage réel que nous avons voulu leur consentir.

Il y a une autre mesure qui est une mesure attentive à l'égard des besoins des

automobilistes. Vous connaissez fort bien, vous aussi, comme conducteur d'une automobile, les longues files d'attente au moment du renouvellement des plaques, en février, mars et avril de chaque année. C'était une constatation depuis longtemps que les automobilistes connaissaient annuellement des inconvénients à cause de ces longues files d'attente. Qu'est-ce que nous avons fait pour soulager les automobilistes à cet égard? Nous avons introduit ce que nous appelons l'étalement de l'immatriculation. Cette année a été la dernière où les automobilistes ont dû faire la queue dans les bureaux émetteurs puisqu'à compter du mois d'août prochain, tous les Québécois et les Québécoises détenteurs d'un certificat d'immatriculation se présenteront en bloc de un douzième, chaque mois, réparti sur l'année, de façon à éviter qu'il y ait un engorgement annuel.

Il y a une autre mesure permanente que nous avons prise et que nous utilisons pour favoriser les automobilistes, ce sont les investissements en construction routière. Cette année, c'est 450 000 000 $ qui seront consacrés à la construction routière et un budget d'entretien du réseau routier qui frise les 500 000 000 $. Presque 1 000 000 000 $ par année consacrés à l'amélioration des routes, à l'entretien des voies routières, donc une contribution énorme de la part du gouvernement pour les automobilistes. Ce qui démontre encore une fois que c'est inexact ce que dit l'Opposition quand elle accuse le gouvernement de ne pas s'être préoccupé des automobilistes.

D'autres mesures sur lesquelles je passe rapidement, parce que je vois que le temps file. Nous avons publié un guide de la signalisation routière qui vise à rendre service aux automobilistes. Nous publions encore cette année à près de 500 000 exemplaires une carte routière qui est disponible pour les automobilistes. Cela coûte plusieurs centaines de milliers de dollars chaque année. (22 h 10)

Nous menons une campagne de sécurité routière qui a porté des dividendes réels. Nous sommes parvenus, par rapport à la dernière année du régime libéral, 1975, la dernière année complète, à faire passer le nombre de morts sur les routes au Québec d'environ 2500 à 1500. Cela ne s'est pas fait tout seul, ça s'est fait par un souci réel du sort des automobilistes en menant des campagnes de sécurité, que ce soit sur le port de la ceinture de sécurité, que ce soit l'adoption d'un nouveau Code de la sécurité routière qui vise fondamentalement les automobilistes. Ce sont tout autant de mesures qui visent à favoriser les automobilistes.

M. le Président, je pense que, par cette brève énumération, on peut constater que la seule accusation que l'Opposition a véhiculée dans ce débat, soit celle de ne pas se préoccuper du sort des automobilistes, d'être contre l'automobile, est mal fondée. Cependant, ce que l'Opposition n'accepte pas, c'est que nous avons fait, comme gouvernement, un choix d'offrir au plus grand nombre, à l'ensemble de la population, autant que faire se peut, une alternative à l'automobile privée en essayant de favoriser le transport en commun partout où cela était possible et de favoriser aussi ce que nous appelons les techniques douces de transport. Ce ne sont pas les libéraux qui ont inventé les techniques douces de transport, non plus que ceux-là qui en ont fait les premiers la promotion.

Les libéraux confondent le fait que nous voulons offrir une alternative à l'automobile avec ce qui serait une politique antiautomobiliste. Nous l'avons dit et je le répète, notre gouvernement vise, partout où c'est possible, à offrir une alternative réelle aux personnes pour répondre à leurs besoins de déplacement autrement que par l'automobile privée.

Le troisième reproche que les libéraux nous font, ils nous disent: Quand vous parlez de transport en commun, vous ne pensez qu'à des investissements lourds dans le métro, le métro de surface, l'achat d'autobus et vous ne faites rien pour le développement des techniques douces de transport moins coûteuses. À meilleure preuve, disait le député de Laporte, si ce n'avait pas été de nous, vous n'auriez pas légalisé le covoiturage. Cela est inexact et injuste parce que la seule raison pour laquelle nous n'avions pas légalisé le covoiturage jusqu'à maintenant, depuis deux ans, c'est essentiellement parce que l'industrie du taxi en particulier s'y opposait et nous avons voulu amener ces gens à comprendre, en concertation avec nous, qu'il y allait de l'intérêt de l'industrie du taxi, mais aussi de l'ensemble de la population que nous procédions à la légalisation du covoiturage, qui est une des techniques douces de transport.

Cependant, en matière de techniques douces de transport, ce n'est pas la seule mesure que le gouvernement du Québec ait mise de l'avant pour favoriser les alternatives peu coûteuses à l'automobile privée. Je vous en donne toute une série. Des voies réservées. Quel est le gouvernement qui, le premier, a implanté des voies réservées au Québec? Une ici à Québec, sur la côte d'Abraham, une sur le pont Champlain et une autre sur le pont Viau en direction de Laval. C'est notre gouvernement qui a subventionné l'implantation de voies réservées afin d'accélérer la circulation aux heures de pointe pour les autobus et de favoriser ce que nous appelons le transport modal des

personnes, à savoir de faire en sorte que le plus grand nombre de personnes soient intéressées à aller vers le transport en commun sans ajouter d'infrastructures coûteuses - il y a un grand nombre d'autobus - mais simplement en améliorant l'efficacité, la rapidité de la circulation.

Une autre technique douce, une politique visant à favoriser l'utilisation du vélo, de la bicyclette en matière de transport des personnes dans les centres urbains. Savez-vous que le gouvernement du Québec est le seul au Canada, à ma connaissance, qui ait un programme de subventions aux aménagements cyclables pour les fins de déplacements domicile-travail ou domicile-études afin de répondre aux besoins de transport et de déplacement des personnes et non pas seulement de loisirs.

Cette politique n'est pas complètement étrangère au fait qu'au Québec nous puissions compter sur un organisme comme Vélo-Québec qui a été appuyé par le ministère des Transports, qui fait l'envie d'à peu près toutes les provinces canadiennes et qui a pu, avec le ministère, développer un programme d'aide financière aux municipalités intéressées à procéder à des aménagements cyclables répondant aux besoins de leur population.

On a un programme dans lequel nous investissons environ 600 000 $ par année et nous avons de cette façon contribué à développer au-delà du covoiturage, au-delà des voies réservées, une autre technique douce parce qu'il en coûtait très peu, c'était d'utiliser des budgets déjà existants à des fins de transport par un mode alternatif, la bicyclette.

Dans le cas du transport scolaire, là aussi, sans qu'il en coûte un cent au gouvernement du Québec, nous avons développé, en changeant notre politique de transport scolaire, la politique de transport scolaire établie en 1974 par le gouvernement qui nous a précédés, trois techniques douces d'un seul trait. En effet, maintenant, aujourd'hui, au moment où on se parle, au Québec plus d'une douzaine de commissions scolaires ont déjà utilisé l'autorisation que je leur ai donnée de permettre à des adultes de monter à bord des autobus scolaires quand il y a de la place. Cela tombait sous le sens et c'est fait.

Une deuxième mesure, c'est de permettre aux municipalités de transiger avec un transporteur scolaire lorsqu'elles veulent utiliser cette flotte d'autobus pour du transport en commun d'appoint. Cela est fait.

Une troisième mesure qui entrera en vigueur au cours des très prochaines semaines, c'est la possibilité de faire de la charte-partie avec un autobus scolaire sur des distances de 200 kilomètres et moins à l'aller et au retour. Là encore, ce ne sont pas les libéraux qui ont découvert les techniques douces mais, au contraire, le gouvernement du Parti québécois.

Dans le domaine du taxi collectif aussi nous avons été le premier gouvernement à favoriser clairement l'élargissement du marché traditionnel du taxi vers le taxi collectif et c'est dans ce sens-là qu'un projet de loi sera déposé à l'automne ou qu'un avant-projet de loi sera rendu public au cours de l'été.

Finalement, dans le domaine du transport adapté, il y avait aussi des besoins de transport adapté pour des personnes handicapées. Nous avons utilisé les minibus, un système parallèle dans lequel nous investissons une quinzaine de millions de dollars par année. Là encore, nous sommes en avance sur toutes les provinces canadiennes. J'ai même eu droit à des félicitations du ministre des Transports du Canada à cet égard, ce qui est assez rare de sa part.

Non seulement nous avons utilisé des minibus, mais nous avons utilisé une autre technique douce, le taxi, dans au moins deux régions du Québec, la rive sud de Montréal et ici même à Québec, sans qu'il en coûte plus cher à l'État mais, au contraire, en permettant des économies appréciables aux exploitants et aux contribuables et en offrant un service de qualité aux personnes handicapées, en matière de transport adapté.

Une autre mesure qui visait à favoriser l'utilisation du transport en commun qui existe déjà, surtout en période hivernale et par mauvais temps, a été la construction de centaines de milliers d'abribus dans les territoires des commissions de transport. Nous savons tous que pendant la période hivernale, ce n'est pas agréable parfois d'attendre aux grands vents pendant quelques minutes. Même si la fréquence d'autobus est très élevée dans les territoires densément urbanisés des réseaux de transport, il n'en demeure pas moins que ce n'est pas agréable d'attendre l'autobus en plein vent pendant cinq, dix ou quinze minutes, dépendamment de la durée de battement entre deux autobus. (22 h 20)

Conscients de cela, pour inciter un plus grand nombre d'usagers à utiliser de manière confortable le transport en commun, nous avons développé une politique de subvention à 75% du coût de construction de centaines, voire de milliers d'abribus répartis autant à Trois-Rivières, à Québec, à Montréal qu'à Chicoutimi-Jonquière, partout où il y a du transport en commun organisé. Tout autant donc, des mesures dites de techniques douces visant essentiellement, elles aussi, à offrir une alternative à l'automobile privée sans qu'il en coûte très cher à l'État et même, dans certains cas, sans qu'il n'en coûte rien à l'État. C'est dans ce sens que se sont

inscrites des mesures, que s'est inscrite la mesure de la légalisation du covoiturage que nous adoptons aujourd'hui en deuxième lecture, l'implantation de voies réservées, une politique visant à favoriser l'utilisation de la bicyclette, le décloisonnement de l'utilisation de 8500 autobus scolaires, le taxi collectif, le transport adapté, l'intégration tarifaire sur les trains de banlieue et, éventuellement, pour l'ensemble des réseaux de transport en commun de la région de Montréal, dès que les autorités municipales de la région de Montréal seront entendues, des abribus, des stationnements d'incitation à Brossard, à Saint-Hubert, toute une série de mesures qui font partie d'un ensemble, d'une politique visant essentiellement à offrir une alternative à l'automobile.

Je pense que c'est dans ce contexte qu'il faut situer le geste important que nous posons aujourd'hui en légalisant le covoiturage. En effet, il faut bien voir la réalité du transport des personnes dans son ensemble. Nous avons pris des mesures visant à faciliter la vie aux automobilistes partout où il était possible de le faire. Nous avons continué à investir massivement dans la construction et l'entretien du réseau routier, selon des priorités différentes du gouvernement précédent, il est vrai, mais nous avons continué à investir pour offrir un service de qualité aux automobilistes, surtout dans les régions. C'est une différence par rapport au gouvernement qui nous a précédés.

Deuxièmement, afin de favoriser au maximum les économies d'énergie, les économies personnelles, une alternative à l'automobile, le gouvernement a adopté une politique optant carrément, en matière de développement, pour favoriser le développement du transport en commun dans toutes les grandes agglomérations urbaines du Québec. Aujourd'hui, je suis fier de vous dire que sous notre gouvernement toutes les grandes agglomérations urbaines du Québec se sont dotées de systèmes modernes de transport en commun. C'était un choix politique, nous l'avons fait. Dans le même sens, si nous étions prêts à investir des centaines de millions dans les techniques lourdes de transport, l'équipement de nos agglomérations urbaines en matière d'infrastructures de transport, nous n'avons pas négligé non plus les techniques douces de transport que j'ai énumérées tantôt et parmi lesquelles l'une des plus importantes est sans doute celle d'aujourd'hui, l'adoption en deuxième lecture du projet de loi no 31 assurant la légalisation du covoiturage.

Voilà l'essentiel des propos que je voulais tenir au moment de cette réplique. En terminant, je tiens à nouveau à remercier mes collègues des deux côtés de la Chambre qui sont intervenus dans le débat; tous m'ont indiqué qu'ils appuyaient le projet de loi no 31, la légalisation du covoiturage. Ce qu'il nous reste maintenant à espérer, c'est qu'une fois pour toutes, par les discours qui ont été tenus en Chambre, nous ayons réussi à dissiper complètement dans l'esprit de la population qu'il y a quelque chose d'illégal ou de dangereux sur le plan des assurances ou sur quelque autre plan que ce soit à pratiquer le covoiturage. Par l'adoption de cette loi, au moment de la sanction de cette loi, nous pourrons assurer l'ensemble des Québécois et des Québécoises qu'il y a un avantage réel à utiliser le covoiturage pour les fins de déplacement domicile-travail, domicile-études. Il n'y a pas plus de risque à courir sur le plan juridique, sur le plan des assurances ou autres à pratiquer le covoiturage qu'à utiliser son propre véhicule. J'espère qu'au cours des prochains mois alors que Radio-Québec, la Régie de l'assurance automobile du Québec et plusieurs grandes entreprises privées manifesteront publiquement et concrètement leur appui au covoiturage, la population, dans son ensemble, y verra un avantage et qu'elle voudra s'en prévaloir. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): La deuxième lecture du projet de loi no 31, Loi modifiant la Loi sur les transports, est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des transports

M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission élue permanente des transports.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boucher: Je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à demain matin, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.

Nos travaux sont ajournés à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 26)

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