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(Dix heures dix-neuf minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Veuillez prendre vos places.
Question de privilège au nom de
l'Assemblée
Éditorial du quotidien The Gazette
déformant la vérité
J'ai l'intention, dès ce moment-ci et avant les affaires
courantes, de soulever, comme le président peut le faire, une question
de privilège au nom de l'Assemblée et en mon nom. La
décision que j'ai dû rendre hier quant à la
recevabilité de l'avis de question de privilège que m'ont fait
parvenir sept députés a suscité des réactions et
des commentaires dont certains peuvent constituer un bris de privilège
de l'Assemblée et de son président. Plus
précisément, l'éditorial du quotidien The Gazette de ce
matin, le 8 juin, est une déformation grossière de la
vérité et une accusation à peine voilée de
partialité. Je lis les deux premiers paragraphes de l'éditorial
en question. "Richard Guay, speaker of the National Assembly has ruled that
Premier Lévesque does not infringe the privileges of his fellow
legislators when he answers their questions "in an incomplete and inexact
manner" and therefore has rejected a motion accusing the premier of misleading
the National Assembly. "Not telling the whole truth is common practice among
ministers everywhere. But to withhold the whole truth in order to mislead the
legislators is a parliamentary crime. Eight Liberals in the Assembly accused
Premier Lévesque of this crime. They felt so strongly that they were
willing to put their seats on the line. The Parti québécois is
elated that Mr. Guay won't give the accusation a hearing."
Je m'en réfère au traité, Parliamentary Practice,
de Erskine May qui dit - je le cite très sommairement - au sujet du
président, du speaker: "The chief characteristics attaching to the
Office of the Speaker of the House of Commons are authority and
impartiality."
J'ajoute, à la page 152 du même traité, où on
dit: "As examples of speeches and writings which have been held to constitute
breaches of privilege or contempts may be mentioned: Reflections on the
character of the Speaker and accusations of partiality in the discharge of his
duty."
Je précise ceci. Je n'avais pas et je n'ai pas à porter de
jugement sur des déclarations du premier ministre ou de quelque autre
membre de l'Assemblée, contrairement à l'affirmation du premier
paragraphe de l'éditorial de The Gazette. J'avais à
décider si le fait qu'une réponse soit perçue comme
étant incomplète ou inexacte constituait un bris de
privilège. Après avoir scrupuleusement fouillé la
question, j'en suis arrivé à la constatation qu'il n'existe pas
de tel privilège parmi la liste de ces droits et immunités dont
jouissent le Parlement et ses membres afin de leur permettre de s'acquitter de
leurs fonctions, et je ne puis en créer.
En treize pages, j'ai expliqué les tenants et les aboutissants de
cette décision. J'ai précisé que, loin de permettre
à un député, quel qu'il soit, ou un ministre de mentir, la
loi et le règlement accordaient une présomption à savoir
que les parlementaires sont des personnes d'honneur et qu'en conséquence
on doit prendre leur parole. En outre, le président ne rend pas ses
décisions pour qu'un groupe de députés se
réjouisse. Il les rend en fonction du règlement, de la loi, de
l'usage, de la jurisprudence et de la doctrine.
C'est ce que j'ai fait hier. C'est ce que je continuerai à faire
encore. Les insinuations de The Gazette ne changeront rien aux critères
très élevés de neutralité que je me suis
fixés et que j'ai fixés à mes collaborateurs depuis mon
élection à la présidence.
Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclarations
ministérielles.
Rapport annuel du Protecteur du citoyen
Au dépôt de documents, j'ai à déposer le
rapport du Protecteur du citoyen pour l'année 1981.
Résolutions du Comité mixte
de coopération interparlementaire
entre le Québec et la Belgique
J'ai également à déposer les résolutions et
communiqués de presse de la cinquième session du Comité
mixte de coopération interparlementaire entre l'Assemblée
nationale du Québec et le Conseil de la Communauté
française de Belgique.
Le leader du gouvernement, pour le ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Rapport annuel de l'Office de la
sécurité du revenu
des chasseurs et piégeurs cris
M. Bertrand: Oui, je voudrais déposer le rapport annuel
1981-1982 de l'Office de la sécurité du revenu des chasseurs et
piégeurs cris.
Le Président: Rapport déposé. Au
dépôt de rapports de commissions élues. M. le
député de Châteauguay.
Étude du projet de loi no 29
M. Dussault: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission élue permanente de
l'industrie, du commerce et du tourisme qui a siégé le 6 juin
1983 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 29, Loi
modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec et
d'autres dispositions législatives. Le projet de loi a été
adopté sans amendement.
Le Président: Rapport déposé. M. le
député de Roberval, par M. le député de
Deux-Montagnes.
Étude du projet de loi no 11
M. de Bellefeuille: Au nom de mon collègue de Roberval, en
sa qualité de rapporteur de la commission permanente des finances et des
comptes publics, je dépose le rapport de la commission élue
permanente des finances et des comptes publics qui s'est réunie le 6
juin 1983 aux fins d'étudier article par article le projet de loi no 11,
Loi modifiant la Loi sur l'assurance-dépôts. Le projet de loi a
été adopté avec amendement.
Le Président: Rapport déposé.
Il n'y a pas de dépôt de rapports du greffier en loi sur
les projets de loi privés. Il n'y a pas de présentation de
projets de loi au nom du gouvernement, ni au nom des députés. Ce
qui nous amène à la période des questions. M. le leader
parlementaire de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, avant de poser ma question au
premier ministre, me permettez-vous, comme leader parlementaire de l'Opposition
- peut-être dans la foulée de la question de privilège que
vous avez soulevée - de réitérer que de notre
côté, nous n'avons pas mis et nous n'avons jamais eu l'intention
de mettre en doute votre impartialité dans la décision que vous
avez rendue hier, et que votre décision n'a aucunement changé la
confiance que nous nourrissons à l'égard de la présidence
et du président.
M. Bertrand: Question de règlement, M. le
Président. Puisque le leader de l'Opposition vient de faire état
de sa réaction ici même ce matin à l'Assemblée
nationale relativement à la décision que vous avez rendue hier,
puis-je, M. le Président, vous demander à ce moment-ci, à
partir même de la déclaration que vous venez de faire relativement
à un article paru dans The Gazette, à la page éditoriale,
je crois, en regard des paroles que vous avez prononcées quant au sens
qu'on devait donner à la décision que vous avez rendue hier et
à l'interprétation qu'on devait lui donner, vous demander
peut-être d'inviter le leader de l'Opposition à poursuivre dans sa
question pour avoir l'interprétation exacte des paroles qu'il a
prononcées hier au réseau TVA? Je l'ai entendu au réseau
TVA en conférence de presse. Cela se lisait de la façon suivante,
c'est M. Lalonde qui parle: "Maintenant que je sais qu'un ministre ou un
député - mais ce sont surtout des ministres qui répondent
à des questions - peut mentir impunément et conformément
au règlement, il y a là un déséquilibre qui n'est
pas, ne va pas dans le sens de la crédibilité de l'institution."
Dois-je comprendre que le député de Marguerite-Bourgeoys a
rehaussé la crédibilité de l'institution en
interprétant de cette façon votre décision hier?
Le Président: Je n'ai pas à porter de... À
l'ordre! J'ai précisé tantôt, dans la question de
privilège que j'ai soulevée, que je n'avais pas à porter
de jugement et que je n'avais pas porté de jugement, contrairement
à ce que disait le journal, sur des déclarations faites en
Chambre. Je n'ai pas à en porter non plus sur des déclarations
faites par d'autres membres de l'Assemblée nationale à
l'extérieur de la Chambre. La décision que j'ai rendue hier
était très claire, il me semble. J'en ai
réitéré l'essentiel ce matin. Je pense, et
j'espère, en autant que je suis concerné, qu'on peut en rester
là. M. le leader parlementaire de l'Opposition.
QUESTIONS ORALES DES DÉPUTÉS
Le règlement hors cour du saccage de LG
2
M. Lalonde: M. le Président, ma question s'adresse au
premier ministre. C'est la première question que je pose au premier
ministre sur ce problème, à l'Assemblée nationale, depuis
le 20 février 1979. Il s'agit de la poursuite de 32 000 000 $ de la
SEBJ, la Société d'énergie de la Baie James, à la
suite du saccage de LG 2, pour un règlement de 200 000 $. Est-il exact
qu'avant Noël 1978 le premier ministre a demandé à son chef
de cabinet, M. Jean-Roch Boivin, de transmettre à M. Claude
Laliberté, président-directeur général de la
Société d'énergie de la Baie James, le désir du
premier ministre
que la cause soit abandonnée et qu'un règlement
intervienne?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Comme il a été
établi très clairement pendant les neuf semaines que ces
messieurs d'en face ont fait durer ce qui est devenu pour eux un plaisir un peu
morbide, la réponse, c'est oui.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Lalonde: Est-il exact qu'effectivement, le 3 janvier 1979, M.
Jean-Roch Boivin a convoqué M. Laliberté à une rencontre
et lui a dit que le premier ministre souhaitait que la cause soit
abandonnée par la Société d'énergie de la Baie
James et qu'un règlement intervienne?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président.
M. Lalonde: Encore au premier ministre, est-il exact que, dans sa
réponse à une question que j'ai posée le 20 février
1979, le premier ministre a complètement escamoté ce qu'il
appelle l'histoire du 3 janvier? (10 h 30)
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bertrand: M. le Président...
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: ...l'objectif en me levant n'est certainement pas
d'empêcher le député de Marguerite-Bourgeoys de poser des
questions, ni, évidemment, d'empêcher le premier ministre de
donner les réponses à ces questions. Mais je voudrais que nous
puissions savoir - je crois que c'est le rôle de la présidence de
nous l'indiquer - à partir du moment où une commission
parlementaire a siégé pendant neuf semaines, que ces questions y
ont été posées, à partir du moment où le
premier ministre lui-même a répondu, aux questions
formulées non seulement par le député de
Marguerite-Bourgeoys, mais par tous les autres, si on peut reprendre ici des
affaires qui y ont été discutées, reprendre l'ensemble de
ce débat, alors que toutes les réponses ont été
données à toutes les questions que les députés de
l'Opposition avaient le loisir de poser. Je vous demande de statuer
là-dessus avant que nous poursuivions.
M. Gratton: Question de règlement.
Le Président: Oui, M. le député de
Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, ce matin, ce n'est pas la
première fois qu'un député à l'Assemblée
pose des questions sur le sujet qui était débattu. Même au
cours de la commission parlementaire, à plusieurs reprises, nous avons
posé des questions tant au premier ministre qu'au ministre responsable
de la commission sur le déroulement des travaux de la commission
parlementaire. Ce que le leader du gouvernement est en train de nous dire,
c'est que nous n'aurions pas le loisir de poser des questions ici parce que les
mêmes questions ont été posées à la
commission parlementaire.
Justement, le rapport de la commission parlementaire n'est pas encore
déposé ici à l'Assemblée nationale. J'en profite
pour demander au leader parlementaire du gouvernement à quel moment il
le déposera puisqu'il l'a déjà sur son bureau depuis hier
matin, me dit-on.
Des voix: Ah?
Le Président: Votre intervention sur la de
règlement était peut-être pertinente au début, mais,
à la fin, elle a débouché sur une tout autre question
à laquelle le leader parlementaire du gouvernement pourra
répondre à loisir maintenant, ou en vertu de l'article 34
ultérieurement. Quant à savoir si oui ou non on peut revenir en
Chambre sur une même question, je ne connais pas de règlement
particulier qui l'interdise. Il faut faire attention aux questions de
règlement où on dit au président: Est-ce qu'on peut faire
telle chose? C'est un peu vaste, et je veux bien avoir autant ou aussi peu de
sagesse que la nature m'en a donné, mais, en même temps, je ne
peux pas...
Pour répondre plus précisément, la semaine
dernière je rencontrais mon homologue de la Chambre des communes
à Ottawa qui, à des questions comme celle-là, en Chambre,
répond tout simplement qu'elle n'est pas une école de
procédure. Aux gens qui me demandent comment procéder dans telle
circonstance ou est-ce que cela constitue une question, je suis forcé de
leur dire: Du côté du règlement, si vous avez des
objections à soulever, si vous voulez faire un appel au
règlement, faites-le en me signalant en quoi le règlement est
violé, non pas en me demandant s'il y a viol du règlement de
manière générale.
M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, on ne peut
pas répondre en capsule - je demanderais à vous d'abord et
ensuite à la Chambre une certaine latitude - à ce genre de
questions qui sont faites uniquement pour
faire peut-être, en 1983, ce qu'au dernier jour de la session en
1979, arrivant avec deux questions, posant deux questions exclusivement et
demandant un mini-débat à la fin de cette dernière
journée de la session pour aller un peu plus loin dans le contenu de
l'éventuel règlement... autrement dit, des questions telles que
posées auxquelles j'ai répondu. Une chose certaine, c'est que si
on veut les reposer maintenant, quatre ans plus tard en 1983,
c'est-à-dire neuf ans après le saccage que les bandits à
la solde en grande partie de ces messieurs...
Des voix: Oh! Oh! Oh!
M. Lévesque (Taillon): ...ceux qui siègent encore
en cette Chambre et il y a des survivants de ces débris du gouvernement
libéral de 1970 à 1976. Je vais situer l'affaire dans son
décor et on me le permettra, M. le Président.
J'ai pris comme habitude, en vie politique...
M. Doyon: De mentir.
M. Bertrand: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Louis-Hébert, je vous ai clairement entendu dire au premier ministre "de
mentir". Je vous prie de bien vouloir retirer vos paroles sans autres
commentaires.
M. Doyon: M. le Président... Le Président:
À l'ordre!
M. Doyon: ...les paroles que j'ai prononcées ont
été une réaction spontanée. Je retire mes
paroles.
Le Président: M. le député de
Louis-Hébert, je vous ai demandé de retirer vos paroles sans
commentaires.
M. Doyon: Je viens de retirer mes paroles.
Le Président: Très bien. M. le premier
ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, cela
explique peut-être et cela explique aussi ce que je veux dire, ce que
vient de dire le député de Louis-Hébert. En politique ou
dans l'action politique, avec toute la complexité que cela comporte,
avec les affaires qui sont d'intérêt public mais qui sont en
marche, il est évident, n'importe quel imbécile devrait savoir
cela, que jamais on ne peut dire tout ce qu'on pense et on ne peut même
pas dire tout ce qu'on sait. J'ai eu une règle, et je l'ai toujours
suivie, et je suis convaincu, encore aujourd'hui, de l'avoir suivie en
répondant aux deux questions du député de
Marguerite-Bourgeoys, le dernier jour de la session en 1979, c'est de ne jamais
dire le contraire de ce que je pense, ni le contraire de ce que je sais.
Il arrive, par exemple, qu'en disant ce qu'on pense, on finit par
ressentir quelque chose et l'individu qui vient de parler l'illustre
admirablement de la même façon que les paroles que s'est permises
hier le député de Marguerite-Bourgeoys à
l'extérieur de la Chambre ne resteront pas sans lendemain, parce que
cela c'était à l'extérieur de la Chambre. On se
reverra.
Des voix: Bravo!
M. Lévesque (Taillon): Cela étant dit, en 1974, si
j'ai bonne mémoire au mois de mars, il y a un peu plus de neuf ans, des
bandits, c'est le seul mot qui convienne et cela a été clairement
établi par la commission Cliche qu'un de ces messieurs d'en face a eu le
culot d'appeler - il a fallu faire des pressions auprès de ce
gouvernement pour qu'il applique le rapport de la commission Cliche - dont un
de ces messieurs s'est permis, dis-je, à la fin de cette espèce
de plaisir morbide de leur commission parlementaire, de dire: "les sornettes de
la commission Cliche." Ce n'étaient pas des sornettes. C'est la seule
enquête qui ait clairement établi les responsabilités. Je
ne crois pas que ce doive être oublié. Si on a été
obligé de démêler le caca assez infect que ces messieurs
nous avaient laissé, ce n'est quand même pas nous qui l'avions
fabriqué.
Des voix: Oh!
Une voix: Est-ce parlementaire?
M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas nous qui nous
étions servis... Ce n'est pas nous... M. le Président, je suis
prêt à les attendre.
Le Président: Oui, mais M. le premier ministre, en
concluant, quand même.
M. Lévesque (Taillon): Non, M. le Président, je
vous demande de me laisser enchaîner jusqu'au 20 février 1979. Je
vous le demande.
M. Gratton: Tirez-la! Tirez la chaîne! M. Rivest:
Tirez sur la chaîne!
Le Président: M. le premier ministre, je veux simplement
signaler ceci.
Effectivement, les ministres, le règlement le dit, ont droit
à une certaine latitude. L'usage veut que le premier ministre et le chef
de l'Opposition en aient un peu plus.
Sur une question d'honneur et d'intégrité, je suis
prêt à en accorder encore davantage, mais nous sommes quand
même à la période des questions et je vous prierais de le
faire le plus rapidement possible.
M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas nous,
forcément, qui avions, comme travailleurs d'élection, les gens
que nous savons. Ce n'est pas nous qui avions négocié avec ces
bandits un monopole syndical à la Baie-James qui, finalement, a
mené à ce saccage. Ce sont les survivants du gouvernement dont
ils faisaient partie, ce gouvernement et les survivants de ce gouvernement.
Quelque quatre ans plus tard, on nous avertit, parce que des procédures
avaient fini par être prises, à la fin de novembre ou au
début de décembre 1978, que le procès arrivait. On avait
d'autres problèmes. Comme aujourd'hui, d'ailleurs, on a bien d'autres
problèmes à affronter et à essayer de régler le
mieux possible. À ce moment-là, on s'est fait une opinion et je
crois encore qu'il était de mon devoir de me faire une opinion.
J'ai demandé à mon chef de cabinet, après avoir
été averti par la partie syndicale - c'est normal - de
l'imminence du procès, qu'on s'aide mutuellement à se faire une
opinion. Avec sa formation juridique, il a vu les procureurs qui ont offert de
le rencontrer et il les a écoutés. Moi, j'ai relu, entre autres -
je vous jure que ce n'était pas nécessairement une volupté
- le rapport de la commission Cliche qui établissait les faits. À
partir de là, on a tiré une conclusion, une opinion. Il n'y avait
pas eu - j'espère qu'on s'en rend compte - le moindre soupçon de
l'ombre du commencement d'une négociation. On essayait de se faire une
opinion pour la transmettre à qui de droit. (10 h 40)
Le 3 janvier, comme l'a dit le député de
Marguerite-Bourgeoys, Me Boivin, mon chef de cabinet, a transmis cette opinion.
Tout cela, jusque-là, essentiellement pour se faire une opinion et de la
transmettre. Le mot "négociation" ne pouvait même pas venir
à l'esprit.
Le 1er février, j'ai rencontré - c'était la
première fois et la seule fois - face à face, ensemble, les trois
principaux dirigeants d'Hydro-Québec, toujours en 1979, soit M.
Saulnier, administrateur bien connu et qui était président du
conseil d'administration, M. Boyd et M. Laliberté, les
présidents-directeurs généraux. Cela a été
la seule rencontre où j'ai fait connaître, d'homme à homme,
mon opinion.
Le 20 février, en Chambre, le député de
Marguerite-Bourgeoys arrive comme une fleur à la dernière
journée de la session, alors que, depuis douze jours, il aurait pu poser
ses questions en long et en large. Il les avait déjà
posées à quelqu'un d'autre et il n'avait pas eu de
réponse. Il arrive avec, très précisément, deux
questions: La première: Est-il vrai qu'il est question d'un
règlement - enfin, je le cite de mémoire, M. le Président,
nous nous reporterons au dossier encore une fois, s'il le faut - hors cour dans
le cas du procès sur le saccage de la Baie-James? J'ai répondu:
Oui, il en est question. Je ne pouvais pas en dire davantage parce que, le 20
février, ce n'était pas réglé. Cela s'est
réglé le mois suivant.
Deuxièmement - là, j'essaie de me souvenir des termes
parce qu'ils sont importants - est-il exact que c'est dans le bureau, avec le
premier ministre, ou dans le bureau du premier ministre que s'est
négocié tout ou partie de ce règlement? Le
député de Marguerite-Bourgeoys, s'il a oublié, pourra
revérifier pour voir. C'est à peu près cela. Ah! Vous
savez, vos paroles historiques, je ne les traîne pas tout le temps avec
moi.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le premier ministre, j'ai beau faire
preuve d'un très grand laxisme - trop, probablement - mais on est
presque rendu à la moitié de la période des questions. Je
veux bien donner une latitude au premier ministre et sur une question
d'intégrité en particulier, d'une part, mais là, vraiment,
je pense qu'on abuse quelque peu du temps de la Chambre. M. le leader
parlementaire de l'Opposition, vous voulez soulever...
M. Lalonde: M. le Président, j'aimerais simplement vous
rappeler, ainsi qu'au premier ministre, que ma question était
très courte. Je vais la répéter: Est-il exact que, dans sa
réponse à une question, le 20 février, le premier ministre
a complètement escamoté l'histoire du 3 janvier? Je ne veux pas
qu'il répète le témoignage qu'il a rendu en commission
parlementaire.
M. Pagé: L'avez-vous escamotée? Vous l'avez
dit...
Le Président: M. le premier ministre, s'il vous
plaît, sur la question.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je termine
parce que, justement, c'est là où se trouve le hic. J'ai
évoqué, pendant quelques minutes, très
précisément, l'arrière-plan. Neuf ans après, quatre
ans, sauf erreur, après cette journée du 20 février 1979,
est-ce que ce règlement avait été négocié,
de près ou de loin, par le premier ministre ou dans le bureau du premier
ministre? Premièrement, il n'existait pas encore. C'est un mois plus
tard qu'il a fini par arriver.
Deuxièmement, ce que je viens d'évoquer, il me semble,
dans une période des questions, appelait la réponse que j'ai
donnée. L'essentiel, c'était: Non, il n'y a pas eu de
négociations, d'aucune sorte. Si on m'avait demandé: Comment vous
êtes-vous formé une opinion? je l'aurais dit. Mais on m'a
demandé: Est-ce que cela a été négocié dans
votre bureau ou par vous? D'aucune façon. Est-ce qu'on avait une
opinion? Oui, et personnellement - c'est cela qui m'intéresse - je
l'avais. Il y a des gens qui en ont profité pour dire que c'était
une ingérence; on pourrait y revenir...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): ...je l'avais transmise...
Le Président: Je m'excuse, M. le premier ministre.
J'espère qu'on ne se retrouvera pas, lors de la période des
questions, devant d'autres réponses aussi longues, malgré la
complexité du sujet. Je comprends qu'ici, il s'agit de l'honneur et de
l'intégrité d'une personne. Mais quand même, c'est la
période des questions. C'est, hélas, beaucoup trop long.
M. le leader parlementaire de l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, en espérant ne pas
avoir la même réponse. Est-ce que je peux répéter ma
question? Est-il exact que, dans sa réponse à une question le 20
février 1979, le premier ministre a complètement escamoté
l'histoire du 3 janvier?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je reprends
l'essentiel de la fin de ma réponse. Jusqu'au 3 janvier, on
s'était fait une opinion; on l'avait transmise. Je l'avais fait
transmettre. Le député de Marguerite-Bourgeoys demande, en
Chambre - c'est la seule question qu'il a trouvé à poser: Est-il
exact que cela a été négocié, ce règlement
qui n'existait pas encore, par le premier ministre ou par le bureau du premier
ministre? La réponse a été: Non. Cela n'a pas
été négocié, ni directement ni indirectement, par
le premier ministre ou par son bureau. C'était la vérité.
Cela demeure la vérité. On pourra essayer d'asperger de toutes
les calomnies possibles - mais il y en a une sur laquelle on va se retrouver -
celui qui vous parle, M. le Président, cela demeure la
vérité. C'est tout.
Le Président: M. le leader parlementaire de l'Opposition,
question complémentaire.
M. Lalonde: M. le Président, sans faire de
préambule, je veux simplement vous informer que les menaces du premier
ministre me font trembler.
J'aimerais répéter la question: Est-il exact que, dans sa
réponse à une question le 20 février...
Une voix: Pauvre Fernandl
M. Lalonde: ...1979, le premier ministre a complètement
escamoté l'histoire du 3 janvier?
Le Président: Je veux bien permettre une dernière
fois... c'est la troisième fois, je pense, que la question revient. Mais
la personne à qui la question est posée - c'est un usage bien
connu en cette Chambre -peut répondre selon ses propres termes.
Normalement, lorsqu'une question a été posée, on n'est pas
censé y revenir. Je veux bien la permettre pour la troisième
fois, mais ce sera la dernière. Si on n'est pas satisfait des
réponses du premier ministre, je n'y peux rien. C'est le
privilège du premier ministre, comme d'un ministre, de répondre
selon ses propres termes, selon ses propres paroles, à une question.
C'est l'usage.
M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le truc est
tellement cousu de fil blanc, il a servi pendant neuf semaines, vous y avez
échappé, vous êtes très chanceux. J'ai dû en
endurer une partie parce que cela me concernait quelque peu. C'est le truc
cousu de fil blanc, la vieille manoeuvre éculée du
pseudo-procureur qui se dit trois fois, quatre fois...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): C'est ainsi qu'on s'est rendu
odieux vis-à-vis de gens honorables pendant des semaines et des
semaines. Moi cela me rend franchement mon calme. Pour la troisième
fois, mais sans le répéter parce qu'un gars se tanne, je vous
dirai: Lisez donc ma dernière réponse, d'accord?
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Lalonde: Puisque le premier ministre ne veut pas
répondre précisément à ma question, je vais m'en
reporter au ruban 1720 du 2 juin de la commission parlementaire où le
premier ministre disait: C'est vrai que le 20 février j'avais
complètement escamoté cette histoire du 3 janvier.
N'est-il pas vrai qu'en cachant son rôle moteur, son initiative du
3 janvier 1979, le
premier ministre a trompé l'Assemblée nationale,
l'empêchant ainsi de faire un débat public sur
l'interférence du premier ministre dans cette histoire au moment
où la décision n'était pas encore prise par le conseil
d'administration de la SEBJ? (10 h 50)
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Par rapport à la
responsabilité politique qu'on a, cela aurait été
très intelligent d'intervenir après que la décision eut
été prise, on l'admettra. Franchement, il y a déjà
eu une bande des quatre. Je voyais cette bande des huit fonctionner pendant
neuf semaines. La bande des quatre était très dangereuse. La
bande des huit, elle, donnait plutôt l'impression d'entendre tout un
groupe de sépulcres blanchis, c'est-à-dire la bonne vieille image
classique de la Bible qui est le symbole classique de l'hypocrisie
professionnelle. C'est à cela qu'on a été exposé
pendant des semaines et des semaines. C'est cela qu'on veut continuer.
Je répète, M. le Président, que je n'ai eu aucun
rôle moteur. J'ai fait connaître une opinion qui était aussi
une recommandation. Cela a été la cause d'une rencontre où
on m'a demandé, avec la courtoisie normale, parce qu'il y a une
interaction entre la responsabilité politique et la
responsabilité administrative... Ce n'est pas pour rien qu'il y a des
ministres de tutelle. Ce n'est pas pour rien qu'il y a des commissions
parlementaires là-dessus. Donc, il y a un rôle à jouer. Je
l'ai joué. C'était un rôle de recommandation, un point,
c'est tout. Mais la question qui demandait si on avait négocié un
règlement, que moi ou mon bureau avaient négocié un
règlement, j'ai répondu en Chambre, j'ai donné tout
l'essentiel et la réponse demeure la même: Non, M. le
Président.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
Sondage de SORECOM sur la
situation économique au Québec
et l'idée d'une élection
sur l'indépendance
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question
s'adresse au premier ministre et j'espère que nous aurons droit à
un vocabulaire parlementaire et plus approprié de la bouche d'un premier
ministre. Dans un sondage publié aujourd'hui, sondage effectué
par SORECOM Inc., entre les 13 et 19 mai dernier et commandité par la
Chambre de commerce du district de Montréal, nous apprenons, dans les
résultats de ce sondage, que 83% des répondants trouvent que cela
ne va pas tellement bien ou pas bien du tout quant à la situation
économique au Québec. Et je note, M. le Président, que ce
sondage s'adressait exclusivement à des Québécois
francophones, si une telle précision peut être de nature à
éviter encore une fois au premier ministre d'utiliser un langage
excessif. Dans les résultats de ce sondage, on voit également -et
c'est là le but de ma question - que 77% des répondants indiquent
que l'idée d'avoir une élection sur l'indépendance... Si
je traduis bien les résultats du sondage, 77% des répondants et
79% à Montréal disent que ce nouvel exercice de la part du
gouvernement nuirait à la reprise économique. Le premier ministre
a-t-il pris connaissance de ce sondage et en reconnaît-il la valeur?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je reconnais la valeur des
inquiétudes que cela peut refléter. C'est évident, pour ce
qui est de dire que cela ne va pas tellement bien ou pas bien du tout dans le
domaine économique, qu'on est encore sous le coup d'une crise. On
espère que la reprise qui est commencée, en Amérique du
Nord, en particulier, va s'accentuer. Une chose certaine, c'est que non
seulement pendant ces neuf semaines, deux mois et plus, où ces messieurs
cherchaient s'il n'y avait pas moyen de fabriquer un scandale - cette
année, on n'a pas de films pornos, alors, il faut trouver autre chose -
pendant ces neuf semaines où ces messieurs n'avaient rien, strictement
rien, et Dieu sait que cela fait des mois et des mois qu'ils n'ont rien - c'est
peut-être à cause de ce vide, justement, qu'il faut qu'ils le
remplissent avec quelque chose - pendant ces semaines et ces mois où ils
n'ont rien eu à proposer - finalement, deux ou trois d'entre eux ont
même découvert, cela a paru dans les journaux, que c'était
un désert complet d'idées et, je vous le jure, un maigre petit
filet de mots qui se répètent sans arrêt comme ceux du
député de Marguerite-Bourgeoys - pendant ce temps, dis-je, nous,
on travaillait sur la situation économique. On a trouvé le temps
d'accélérer les investissements. On a...
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Une question de règlement, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, selon votre décision
d'hier, on doit accepter la réponse que nous donne un ministre, quelle
qu'elle soit, mais doit-on accepter qu'un premier ministre ne réponde
jamais aux questions posées?
Le Président: Non pas selon ma
décision d'hier, mais selon un article du règlement qui
date de bien avant ma décision d'hier, on doit... Ce n'est pas moi qui
ai inventé cet article. D'autre part, quant à la nature de la
réponse, je réitère ce que je disais, ce que j'ai dit
à d'autres périodes de questions et ce que mes
prédécesseurs ont dit aussi: La façon dont des ministres
choisissent de répondre aux questions relève d'eux et non pas de
moi. M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, pendant que
ces gens se répétaient sans cesse dans leurs calomnies ou
essayaient de les étayer, pendant deux mois et pendant les mois qui ont
précédé, on a accéléré...
M. Levesque (Bonaventure): Question de règlement, M. le
Président.
M. Bertrand: Voyons donc! Franchement!
Le Président: M. le chef de l'Opposition, sur une question
de règlement.
M. Lévesque (Bonaventure): M. le Président, je ne
sais pas si le premier ministre est complètement obsédé,
mais je pense qu'on doit se référer à notre
règlement et à l'article 170: "La réponse à une
question doit se limiter au point qu'elle touche..."
M. Lalonde: Oui.
M. Levesque (Bonaventure): Or, j'ai posé une question
précise au premier ministre, et s'il veut revenir à la question
no 1 posée par le député de Marguerite-Bourgeoys, ayons un
débat là-dessus, qu'il permette que l'on puisse vider la question
ou qu'il accepte de dire qu'il a trompé la Chambre, mais qu'on vide donc
cette question pour qu'on puisse poser d'autres questions qui pourront avoir
des réponses directes et dignes d'un premier ministre et non pas dans le
langage que nous avons connu.
Le Président: Si nous lisons l'article 170, effectivement,
tout le monde ferait bien de s'en inspirer et d'y réfléchir
peut-être avant chaque période de questions. "La réponse
à une question doit se limiter au point qu'elle touche - je relis ce que
disait M. le chef de l'Opposition - être brève - il me semble que
ce n'est pas ambigu - et claire et ne contenir ni argument ni expression
d'opinion. Toutefois - M. le chef de l'Opposition me rappelait l'autre jour que
c'est lui qui l'avait fait ajouter lorsqu'il était leader du
gouvernement - une certaine latitude est accordée aux ministres." On
ajoute: "Une réponse est tenue pour finale." La latitude qu'on accorde
aux ministres ne doit pas donner lieu à ce qui pourrait devenir de
l'abus. M. le premier ministre, en conclusion, s'il vous plaît!
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je
rappellerais - je suis sûr que vous l'avez noté - que puisqu'on
permet des préambules et qu'ils sont nécessairement remplis
d'intentions, ce préambule du député de Bonaventure qui
arrive tout à coup à la rescousse de ses troupes évoquait
un certain sondage tout récent qui parlait de l'inquiétude que
peut susciter la situation économique. Il me semble que c'est
l'arrière-plan de sa question et que c'est aussi l'arrière-plan
que doit adopter ma réponse. Or, pendant que dure encore - et c'est vrai
- la morosité qui a été créée par la crise
sur laquelle, sans arrêt, en dépit des distractions qu'essayaient
de nous imposer ces gens, on a travaillé comme des chiens, les
résultats sont ceux-ci; peut-être que cela pourrait rassurer les
gens qui évoquent le sondage: sur 101 000 emplois créés
depuis quatre mois pendant que ces messieurs s'amusaient à ce qu'on
sait; créer...
Le Président: Je m'excuse, mais il y a un abus. La
réponse doit se limiter au point qu'elle touche, être brève
et claire, et ne contenir ni argument ni expression d'opinion. La question, me
semble-t-il, bien qu'il y avait effectivement un préambule, qu'il y
avait une toile de fond; mais la toile de fond qui était
évoquée ne permet pas... À partir de là, on
pourrait formuler une réponse d'une heure évoquant tous les
sujets, passant par tous les ministères, et finalement ne jamais toucher
ce qui était la question même. Il faut répondre à la
question et non pas au préambule, bien qu'on puisse y faire
référence. M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, vous
admettrez tout de même que je n'ai pas touché à tous les
ministères, je n'en avais pas touché un seul encore et je n'en
toucherai pas.
Le Président: Oui, mais avant d'y arriver.
M. Lévesque (Taillon): J'avais juste une réponse
à faire. Je vais reprendre la question parce que je sais bien - enfin le
truc parlementaire c'est cela - qu'il y a 77% de ces gens qui diraient, qui
sentiraient - c'est cela la question, on demandait si j'étais d'accord -
que l'idée d'évoquer de nouveau, avec insistance, la
souveraineté politique, l'émancipation politique du
Québec, cela nuirait à la reprise économique. Or, pendant
que ces messieurs ne foutaient rien, sauf essayer de chercher des scandales
depuis quatre mois, en janvier, février, mars, avril, au moment
où on parlait de nouveau de ce
sujet, il s'est créé 101 000 emplois au Canada. Pendant
ces mois, 44 000 ont été créés au Québec,
selon les statistiques officielles: 44% des emplois pour 26% de la population.
Si ça continue à faire du tort comme ça, c'est mieux d'en
parler le plus souvent possible. (11 heures)
Des voix: Bravo! Très bien!
Le Président: M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Je désire me
lever sur une question de privilège. Tout à l'heure, pour faire
suite à une demande que vous m'avez faite, j'ai retiré des
paroles spontanées que j'avais prononcées et qui étaient
antiparlementaires, je le reconnais. Cependant, je veux qu'il soit absolument
clair que ma conviction personnelle et intime, qui est celle de la plupart des
gens ici...
Le Président: Normalement, quand on retire ses paroles -
d'ailleurs, je vous l'ai dit tantôt - on les retire sans commentaire,
sans quoi, évidemment, on peut emberlificoter tout cela pour que
ça revienne au même. Si c'est pour me dire que vous les retirez,
mais que vous les conservez néanmoins dans votre esprit, il n'y a pas de
question de privilège là-dessus.
M. Doyon: M. le Président, mon intention n'est pas
celle-là. Je pense qu'il est essentiel de spécifier, étant
donné que ma position est connue sur ce qui s'est passé et mon
opinion sur ce que le premier ministre...
Des voix: Ah! Ah!
M. Doyon: M. le Président, je dois continuer. Il ne doit
pas y avoir d'ambiguïté...
Le Président: Vous soulevez une question de
privilège. Tout en vous accordant une certaine latitude, je cherche en
quoi votre privilège est violé à l'heure actuelle.
M. Doyon: M. le Président, je soulève une question
de privilège pour que personne ne soit induit en erreur de ce
côté-là de la Chambre sur ce que je pense de ce qui s'est
produit auparavant.
Le Président: Je ne sais pas si vous voyez, M. le
député de Louis-Hébert, le genre de
précédent que ça créerait, alors que tout
député pourrait à tout bout de champ se lever sur une
question de privilège pour s'assurer qu'on a bien compris de l'autre
côté. Ce n'est pas tout à fait la notion même de la
question de privilège, M. le député de
Louis-Hébert. Je suis convaincu que vous le savez également. M.
le député de Pontiac.
La papeterie de Matane
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au premier ministre. Un groupe de citoyens de la région de
Matane composé des maires de la région, des membres de la Chambre
de commerce, du comité d'action, du conseil économique et des
syndicats de producteurs de bois, désirent connaître la
réponse à leurs lettre et télégramme du 16 mai
dernier concernant la papeterie de Matane. Ma question au premier ministre est
la suivante: Est-ce que le premier ministre peut leur fournir cette
réponse ici même à l'Assemblée nationale puisqu'ils
se sont déplacés de Matane pour ce motif?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, inutile de
dire que nous comprenons l'impatience du maire de Matane et de ses concitoyens.
J'avais effectivement reçu une lettre au milieu du mois dernier du maire
de Matane, M. Dion. Malheureusement, il y a eu certains encombrements à
l'agenda, dont une grande partie causée par l'effarante perte de temps
infligée à tout le monde par ces messieurs. Je dois m'excuser
auprès du maire de Matane et de ses concitoyens de n'avoir par
répondu avec la promptitude normale. J'ai même cherché
à rejoindre le maire Dion, hier soir, mais il était absent, ce
qui est normal. Si on a l'occasion de les rencontrer, on pourra expliquer ce
que je vais dire très brièvement à la Chambre.
Premièrement, l'engagement qu'on a pris au moment où il
était question de deux projets dans la Matapédia et les environs,
c'est-à-dire la cartonnerie qui a été construite dans la
vallée de la Matapédia, à Sayabec, et qui doit d'ailleurs
avoir une inauguration officielle bientôt puis, en même temps, une
papeterie qui devait aller et qui doit toujours aller à Matane, c'est un
engagement qui demeure. Quant à nous, comme gouvernement, la prochaine
usine importante dans ce secteur qui sera construite au Québec sera
localisée à Matane.
La crise, l'effondrement des marchés -un effondrement plus que
relatif - et certains facteurs qui sont loin d'être tous sous notre
contrôle n'ont pas rendu et ne rendent pas encore facile la
réalisation de ce projet. Encore une fois, c'est un engagement ferme et
qui demeure mais tout ne se fait pas aussi vite qu'on le voudrait.
Là-dessus peut-être pour donner plus d'explication, mon
collègue le ministre de l'Énergie et des Ressources pourrait
ajouter
quelques mots, je crois bien.
Le Président: Non, non. Je m'excuse. Lorsqu'une question
est adressée au premier ministre, je veux bien qu'il en
réfère à un ministre pour répondre à la
question mais, une fois qu'il y a lui-même répondu, ce serait
encore là abuser du temps de la Chambre que de permettre ensuite
à un ministre de donner une deuxième réponse.
Je voudrais qu'on ait comme règle que lorsque l'on veut
céder la parole à un ministre on la lui cède
immédiatement. Fort bien. Non pas répondre d'abord et avoir une
deuxième réponse ensuite.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je me rends
évidemment à votre remarque. C'est peut-être un
excès de scrupule. On essaie de répondre le plus
complètement possible. On croit que c'est une période
d'information pour les citoyens.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Pontiac.
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. M. le premier
ministre est-ce que je peux comprendre de votre réponse que vous
êtes disposé à rencontrer le groupe de Matane pour discuter
à fond et faire la lumière dans ce dossier aujourd'hui?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, on n'aura
peut-être pas tout le temps qu'on voudrait. Évidemment
l'impatience les poussant, et je les comprends, on n'a pas pris rendez-vous, on
essaiera au moins de trouver le moyen de faire le tour rapide de la question.
Oui.
Le Président: Question principale, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce et ensuite M. le
député de Groulx.
M. Scowen: Ma question s'adresse au ministre de
l'Agriculture.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture n'est pas en
Chambre. Peut-on aller le chercher?
Une voix: Le voilà:
Une voix: Il roule. Il roule.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture nous
honorant maintenant de sa présence, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci. Je dois vous prévenir M. le
Président que c'est une question qui comporte un très long
préambule parce que j'attends une très longue réponse du
ministre.
Le Président: Essayez donc le contraire.
SOQUIA et Sodispro
M. Scowen: Cela touche la société d'État
SOQUIA. La compagnie SOQUIA, qui est une compagnie d'État, a pris
l'habitude d'investir dans les petites et moyennes entreprises dans le domaine
agroalimentaire. Il y a une vingtaine d'investissements de ce genre. Ces
petites et moyennes entreprises dans le domaine agroalimentaire, dont SOQUIA
détient une partie des actions, ont pris la mauvaise habitude de faire
faillite. Je pense qu'il y en a cinq ou six qui ont fait faillite.
Chaque fois, jusqu'ici, le gouvernement a dit aux fournisseurs de ces
compagnies qui sont normalement les petites et moyennes entreprises
québécoises ou même les cultivateurs: Arrangez-vous avec
vos problèmes. Les créanciers de ces sociétés sont
laissés à leurs problèmes. Cependant, il arrive
très souvent que c'est le gouvernement qui a implicitement
encouragé les fournisseurs à vendre à ces compagnies avec
une garantie implicite du gouvernement et dans certains cas il y avait
même plus que cela, un contrôle de ces compagnies par le
gouvernement. Un contrôle qui donnait toutes les indications aux
fournisseurs et cultivateurs qu'ils pouvaient compter sur le gouvernement afin
qu'il respecte les engagements en cas de faillite.
Aujourd'hui on est devant un cas spécifique que j'ai
soulevé déjà à deux reprises en Chambre, le cas de
Sodispro. J'aimerais avoir des informations très spécifiques du
ministre concernant cette compagnie.
On prétend, M. le ministre, que depuis l'automne 1981, ce
n'étaient pas les dirigeants de la compagnie Sodispro qui étaient
en charge de la construction et de l'achat des produits, mais la compagnie
SOQUIA elle-même qui dirigeait l'entreprise.
Cependant, dans une lettre que vous avez adressée aux
actionnaires, aux créanciers de Sodispro, vous avez dit: Il est tout
à fait inexact d'affirmer que Sodispro ait été
administrée depuis l'automne 1981 soit par SOQUIA soit par une compagnie
nommée par SOQUIA.
Est-il vrai que SOQUIA n'était pas responsable depuis l'automne
1981 pour l'administration et la construction de Sodispro à
Saint-Hyacinthe?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation. (11 h 10)
M. Garon: Si le député de Notre-Dame-de-Grâce
avait été ici, hier soir, il aurait
entendu que, dans mon discours en réplique sur le projet
de loi no 30, j'ai parlé de ces questions d'une façon très
claire. J'ai dit qu'il y a deux genres de participation de SOQUIA. Il y a des
entreprises où SOQUIA est actionnaire à 100%; chacune de ces
entreprises a des profits. Il y a aussi des entreprises que SOQUIA ne dirige
pas parce qu'elle est actionnaire minoritaire. Elle a participé à
20% ou 30% dans le capital-actions pour des projets qui nécessitaient du
capital-actions plus important et que les actionnaires ne pouvaient pas
fournir. SOQUIA ne dirige pas ces entreprises. Elle est un actionnaire
minoritaire et, comme tout actionnaire minoritaire, elle peut avoir une voix au
conseil d'administration, mais elle n'a pas la majorité. Ce n'est pas
SOQUIA qui décide.
Quand des entreprises de cette nature sont en difficulté, il ne
faut pas penser que c'est une société d'État qui est en
difficulté, c'est une entreprise dans laquelle SOQUIA a une
participation minoritaire. C'est ce que j'ai dit, hier, c'est ce que je
répète. Maintenant, si on pense qu'une entreprise dans laquelle
SOQUIA a une participation minoritaire doit être considérée
comme une société d'État, à ce moment-là, je
dis simplement que SOQUIA ne doit pas investir dans ce genre d'entreprise. Il
s'agit encore une fois d'une entreprise privée où il y a une
participation minoritaire qui, au lieu de se faire sous forme de prêts,
se fait sous forme de capital-actions à 20%, 25%, 30% et même
jusqu'à 50%. SOQUIA ne dirige pas l'entreprise, elle est essentiellement
un appui à l'entreprise.
M. Scowen: Deux courtes questions additionnelles.
Le Président: Courtes, cette fois-ci.
M. Scowen: La première concerne spécifiquement
Sodispro. Si vous dites que SOQUIA n'était pas la compagnie qui
contrôlait Sodispro, comment pouvez-vous expliquer le témoignage
de M. Jean-Guy Judd à savoir que lui, le directeur de Sodispro,
dès l'automne 1981, disait sous serment - je l'ai ici - qu'il ne
travaillait pas pour Sodispro mais directement pour SOQUIA?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: S'il y a des gens qui pensent qu'ils ont des recours,
la meilleure façon n'est pas de faire plaider leur cause par le
député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est d'aller devant les
tribunaux. Dans un cas, un créancier y a eu recours, l'avocat de
Sodispro. Il est allé devant le Barreau et c'est Sodispro qui a
gagné pour faire réduire son compte qui était trop
élevé.
Quand des gens ont une bonne cause, s'ils pensent qu'ils ont des droits
qui ne sont pas reconnus, la meilleure façon de les faire
reconnaître est d'aller devant le tribunal. Le juge est là pour
faire enquête, pour que les gens fassent leur preuve pour
déterminer s'ils ont droit ou non à des montants. C'est à
eux de le faire, ce n'est pas à moi ni au député de
Notre-Dame-de-Grâce. Essayer de faire la preuve devant cette
Assemblée, cela ne mènera nulle part. Quand des gens ont une
bonne preuve, ils plaident devant le tribunal; quand ils ont une mauvaise
preuve, ils plaident par le biais des députés de
l'Opposition.
Des voix: Bravo!
Le Président: Une très courte et dernière
question complémentaire, M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: En ce cas, puis-je dire, au nom du ministre, aux
fournisseurs des filiales de SOQUIA aujourd'hui, aux fournisseurs et aux
cultivateurs, aux pêcheurs qui fournissent les crustacés de la
Gaspésie, à Nutribec Ltée, Semico Inc., Snyder et
Sécobec: Aujourd'hui, messieurs, si vous êtes fournisseurs de ces
compagnies, faites attentio,n parce que le ministre ne prendra aucune
responsabilité pour vos créances si ces compagnies font faillite
comme les autres l'ont déjà fait? Il va vous conseiller
simplement d'aller plaider devant les tribunaux.
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Garon: Il n'y a pas là de question; c'est une
constatation du député de Notre-Dame-de-Grâce. C'est
évident que SOQUIA n'assumera pas - ce n'est pas son rôle - les
dettes des entreprises dans lesquelles elle a une participation; autrement, la
SDI devrait assumer les dettes de toutes les entreprises dans lesquelles elle
participe.
M. Scowen: Voyons donc!
M. Garon: Au lieu de participer sous forme de prêts, elle
participe sous forme de capital-actions en étant minoritaire, mais ne
dirige pas l'entreprise. C'est facile à comprendre, pourtant. Au lieu
d'avancer l'argent sous forme de prêts, elle l'avance sous forme de
capital-actions, et aussi sous forme de prêts, mais sans diriger
l'entreprise. Si elle dirigeait l'entreprise, vous seriez les premiers à
parler d'ingérence de l'État. Parce qu'elle ne la dirige pas,
maintenant, vous voudriez qu'elle assume toutes les responsabilités de
l'entreprise comme si elle en avait la charge. Je ne comprends pas votre
raisonnement.
Le Président: Question principale, M. le
député de Groulx.
M. Gratton: M. le Président, question de
règlement.
Le Président: Je m'excuse. Question de règlement,
M. le député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, sauf erreur, la
période des questions est terminée depuis cinq minutes. Est-ce
qu'il s'agit d'un précédent que d'accorder une question
après que la période des questions est écoulée?
Le Président: M. le député de Gatineau, au
moment où j'ai reconnu le député de
Notre-Dame-de-Grâce et que je lui ai cédé la parole, je lui
ai indiqué une question principale suivi par une question du
député de Groulx. D'autre part, il y a eu un très grand
nombre de questions de règlement. Il y a eu des réponses
anormalement longues, c'est le moins qu'on puisse dire, au cours de cette
période des questions. Le président a et exerce souvent une
certaine latitude quant à l'heure même où finit la
période des questions. Il l'exerce très souvent d'ailleurs
à la faveur des députés de l'Opposition. Dans ce cas-ci,
je l'exerce à la faveur du député de Groulx qui
m'indiquait, depuis fort longtemps, depuis dix minutes après le
début de la période des questions, qu'il souhaitait poser une
question. Donc, une question principale et on en finira là. M. le
député de Groulx.
Salon de la sous-traitance Transport 1983
M. Fallu: M. le Président, en vous remerciant d'avoir
protégé ce droit des parlementaires et en remerciant mes
collègues, je vais tâcher de faire rapidement en raccourcissant au
maximum mon préambule.
Souvent, les travailleurs de l'automobile nous ont fait valoir qu'il n'y
a que 8% des voitures qui sont montées au Québec contre seulement
2% et même moins de 2%, soit 1,8% des pièces qui sont
fabriquées au Québec. Avec insistance, ils ont demandé au
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, d'organiser des
méthodes de sous-traitance. Finalement, le ministre a accepté et
il annonçait récemment qu'un salon de la sous-traitance dans le
transport, pour l'année 1983, se tiendrait au Palais des congrès
et, de ce fait, inaugurerait le Palais des congrès la semaine
prochaine.
J'ai deux questions très précises: D'abord, quelles sont
les industries de transport qui sont invitées, mais surtout
d'après quels critères a-t-on invité ces compagnies? De la
même façon, pour les PME, quelles sont, non pas en les nommant -
loin de là - d'une façon générale, les PME qui ont
été invitées et surtout quels critères le
ministère a-t-il utilisés pour les inviter?
Le Président: Brève réponse, M. le ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Biron: M. le Président, il est exact que le Salon de la
sous-traitance Transport 1983 dans les pièces d'automobile et les
équipements de transport aura lieu la semaine prochaine au Palais des
congrès, soit les 15 et 16 juin. Nous avons invité, comme
donneurs de commandes, des grandes entreprises qui sont établies au
Québec comme GM, Kenworth, Bombardier et Prévost Car. En plus,
Renault-AMC a sollicité la permission d'y être présente
aussi parce qu'elle veut donner des contrats de pièces d'automobile
à des entreprises québécoises.
Quant aux PME québécoises, on en attend environ 500 qui
ont été choisies d'après des critères bien
particuliers: Un contrôle de qualité adéquat, on a
essayé de les aider pour améliorer leur contrôle de
qualité, un financement adéquat de l'entreprise, une technologie
moderne et aussi une capacité à exporter.
On juge que, au cours de ces deux jours, des centaines de milliers de
dollars sinon des millions de dollars de commandes pourront être prises,
mais si on considère que la seule société General Motors,
à 5ainte-Thérèse, donne 5 000 000 $ de commandes à
chaque jour pour des pièces de sous-traitance, c'est très
important pour les entreprises québécoises. Dans ce
sens-là, il y va de la volonté du gouvernement du Québec
d'augmenter la production de pièces d'automobile et de pièces
d'équipement de transport au Québec en vue de réussir
à créer le maximum d'emplois dans ce secteur des plus importants
dans le développement technologique.
On espère que les PME, qui vont pouvoir y participer, vont
profiter pleinement de la présence sur la terre québécoise
de grandes entreprises de transport.
Le Président: La période des questions est
terminée. J'aimerais simplement, en guise de souvenir de cette
période des questions, qu'on puisse y réfléchir pour les
prochaines. C'est, à peu près à tous égards, tout
ce qu'il ne faut pas faire dans une période des questions. Des
réponses beaucoup trop longues, beaucoup trop longues, qui
amènent aussi des questions trop longues. Cela illustre tout à
fait ce que je m'évertue à dire, depuis le début, qu'un
abus d'un côté peut amener un abus de l'autre et que, d'abus en
abus, cela donne ce genre de situation. J'espère bien qu'on n'aura pas
à la revivre. M. le député de Portneuf.
(11 h 20)
M. Pagé: M. le Président, à la fin de la
période des questions, je voudrais soulever une question de
privilège, qui vous est adressée le plus brièvement
possible. C'est en même temps une demande, M. le Président, que je
voudrais vous formuler au nom des députés de l'Opposition. Je
voudrais vous demander s'il vous serait possible, de profiter d'une prochaine
séance de notre Assemblée pour rappeler aux membres de cette
Chambre les dispositions de notre règlement, plus
particulièrement les dispositions prévues à l'article 99.8
de notre règlement, où il est indiqué qu'il est interdit
à un député qui a la parole de se servir d'un langage
violent ou blessant à l'adresse de qui que ce soit ou irrespectueux pour
l'Assemblée.
M. le Président, j'aimerais aussi, si c'était possible,
que vous référiez à cette bonne vieille notion, à
laquelle on réfère à l'occasion, des termes qui sont
parlementaires ou non parlementaires, plus particulièrement concernant
les propos du premier ministre, ce matin. Je ne réfère pas
à ceux tenus à l'extérieur de la Chambre.
Au nom de la dignité de notre institution, du respect de notre
Chambre et de ses membres, je tiens à vous dire, en terminant, que je
m'en inquiète et que mes collègues s'en inquiètent, parce
que les propos du premier ministre sont dignes des fonds de cour et des
tavernes mal tenues.
Le Président: Puisqu'il s'agissait tout autant d'une
question de règlement, M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: Oui, M. le Président. Enchaînant avec
les propos du député de Portneuf, qu'il me soit aussi permis,
à mon tour, de rappeler qu'il existe effectivement un article 99,
paragraphe 8, qui empêche un député de se servir d'un
langage violent ou blessant à l'adresse de qui que ce soit ou
irrespectueux pour l'Assemblée. Je pense, M. le Président, que
vous l'avez démontré ce matin: vous avez fait respecter ce
règlement lorsque vous avez invité, entre autres, le
député de Louis-Hébert à retirer les paroles qu'il
avait tenues lorsqu'il avait indiqué que le premier ministre avait
menti.
Aussi, un député - peut-être que, là-dessus,
il y en a quelques-uns qui pourraient le prendre à leur compte - ne peut
pas imputer des motifs indignes à un autre député ou
refuser d'accepter sa parole. Et une réponse doit être
considérée comme finale une fois qu'elle a été
donnée. C'est un autre article du règlement. Je pense que cela
pourrait inspirer, entre autres, les députés qui, ce matin, sont
revenus à la charge trois ou quatre fois avec la même question
alors qu'ils sont censés prendre la réponse pour finale. Le
député de Louis-
Hébert s'est permis de contrevenir à l'article 99,
paragraphe 8.
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
M. Doyon: Question de règlement.
Le Président: Puisque nous sommes toujours sur une
question de règlement, vous pouvez intervenir, M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, le leader du gouvernement
devrait être le premier à savoir qu'il n'a pas le droit de
référer - il l'a fait par deux fois dans sa question de
règlement - à un incident qui a été
réglé par votre intervention, où le député
de Louis-Hébert a retiré ses paroles. C'est tout à fait
non conforme au règlement que de faire ce que vient de faire le leader
du gouvernement, et je vous prierais de le lui indiquer, M. le
Président.
Une voix: C'est malhonnête.
M. Gratton: Et c'est malhonnête, à part cela.
Le Président: Sur la question de règlement, M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Oui, M. le Président. Le député de
Gatineau vient de dire très clairement qu'à votre demande et pour
me conformer à votre demande - je n'ai eu aucune hésitation
à le faire par respect pour le poste que vous occupez - j'ai
retiré les paroles que j'ai dites. La demande qui a été
faite par le député de Portneuf, M. le Président, cela a
été que certains termes qui, selon votre jugement et selon le
jugement de plusieurs personnes, peuvent aussi être
considérés comme non parlementaires, devraient faire l'objet de
la même sorte d'intervention que celle que vous avez eue à mon
égard, M. le Président. Je demanderais - c'est là qu'on
verra comment se comportent les gens - que la réaction des gens de
l'autre côté de la Chambre soit aussi correcte que celle que j'ai
eue, M. le Président, quand j'ai retiré mes paroles. C'est tout
ce qu'on demande de ce côté-ci.
Le Président: M. le leader parlementaire du gouvernement,
la remarque de M. le député de Gatineau et celle de M. le
député de Louis-Hébert m'apparaissent effectivement
fondées. Ayant demandé à M. le député de
Louis-Hébert de retirer ses paroles, celui-ci l'ayant fait de bonne
grâce, ses paroles sont considérées comme n'ayant pas
été prononcées ou doivent être
considérées comme n'ayant pas été
prononcées. À ce moment-là, il est mal à propos d'y
référer subséquemment.
Quant au paragraphe 8 de l'article 99, je suis fort heureux que M. le
député de Portneuf le soulève, parce que, effectivement,
je suis aussi quelque peu préoccupé par le langage que l'on
entend par moments dans l'enceinte de cette Assemblée. Il est plus
facile pour le président d'intervenir sur des termes précis que
l'on peut considérer comme antiparlementaires -j'ai eu à
le faire à deux reprises au cours des deux derniers jours - bien que la
notion de terme antiparlementaire ait évolué
considérablement au fil des années. Je lisais, dans l'ancien
règlement - j'invite mes collègues que cela intéresse
à le faire - une vaste nomenclature de termes antiparlementaires, qui
étaient à l'époque antiparlementaires, et qui sont
aujourd'hui tolérés ou permis, à tort ou à raison,
mais, enfin, l'évolution est telle que nous en sommes arrivés
là. Ce qui est plus difficile à faire, si je puis solliciter
l'attention des caucus respectifs... M. le président du Conseil du
trésor, si vous voulez tenir un caucus puis-je vous inviter à le
tenir à l'extérieur? Pour l'instant, quand le président
parle, il est le seul à avoir la parole. Ce qui vaut également
pour les députés dans les coins. Il y a des fumoirs pour tenir
des caucus ou des entretiens. Quand le président est debout et a la
parole, les autres sont censés bien vouloir se garder de parler.
Je disais donc au sujet du langage général... M. le
ministre, je veux bien que votre adjoint parlementaire et vous ayez des choses
à vous dire, mais, s'il vous plaît, ce n'est pas ici sur le
parquet de la Chambre que cela doit se faire. Il y a, de manière
générale, cela me permet de le dire, un laxisme dans le
décorum de cette Assemblée qui est absolument inadmissible.
À cet égard, je ne puis pas, seul, jouer au préfet de
discipline. Après tout, nous sommes entre adultes majeurs et
vaccinés et, par conséquent, chacun peut prendre sa part de
responsabilité, l'assumer. À cet égard, je fais appel
à tous mes collègues de l'Assemblée pour que le
décorum de cette institution soit respecté. Jusqu'à
maintenant, je ne peux pas dire que j'ai trouvé qu'il l'avait
été.
Quant au langage de manière générale, encore
là je dois faire appel à tous mes collègues pour
qu'eux-mêmes fassent preuve d'autodiscipline et, dans certains cas, je
dirais même d'autocensure de manière à utiliser un langage
respectueux de l'Assemblée. Il est évident que, dans la
foulée d'une phrase, l'ensemble de la phrase peut être
couché en termes qui ne sont pas particulièrement
élégants; il n'y a pas nécessairement dans la phrase de
termes précis qui sont antiparlementaires, mais l'ensemble de la phrase
peut être d'une qualité douteuse pour une institution comme
celle-ci. Je ne peux pas à tout bout de champ passer derrière et
corriger chaque phrase qui peut être ainsi couchée. Je fais encore
appel - M. le député de Montmagny-L'Islet, s'il vous plaît
- à tous mes collègues. Il est difficile de faire appel à
un maintien de décorum quand tout le monde est en train de parler de son
côté et que personne n'écoute ce que le président
dit.
Cet appel, je l'ai fait et je le fais sérieusement. Je pense
qu'il y va de l'intérêt de notre institution. M. le leader
parlementaire de l'Opposition.
M. Lalonde: J'aurais une question de règlement à
soulever, concernant un incident qui s'est répété ici
à quelques reprises, et je profite de la présence du ministre de
l'Énergie et des Ressources pour le soulever alors qu'il est là.
Depuis quelques semaines, le député d'Outremont pose des
questions au ministre sur différents sujets faisant ainsi son devoir.
Maintenant, le ministre refuse de répondre, mais non pas
conformément au paragraphe 2 de l'article 171, qui dit qu'un ministre ou
un député peut toujours refuser de répondre à une
question sans donner de raison. Le ministre a simplement indiqué qu'il
refusait de répondre aussi longtemps qu'une querelle entre lui et le
député d'Outremont ne sera pas lavée. M. le
Président, soit qu'il le provoque en duel ou quelque chose comme cela,
mais au fond les citoyens ont droit d'avoir des réponses aux questions
qui sont posées au ministre. Je pense que cette attitude du ministre
brime le droit du député d'Outremont de faire son devoir de
député de l'Opposition, d'accomplir sa tâche et je vous
demanderais de nous indiquer de quelle façon on va permettre au
député d'Outremont d'avoir des réponses du ministre de
l'Énergie et des Ressources. Il y en a plusieurs en banque actuellement.
D'ailleurs, le ministre a pris avis au début de quelques questions avant
de refuser de répondre.
J'aimerais d'abord savoir quand il va donner réponse à ces
questions dont il a pris avis et ensuite quelle est l'attitude que le ministre
devrait avoir, il me semble, pour répondre aux questions du
député d'Outremont. (11 h 30)
Le Président: Vous pouvez toujours... Écoutez,
encore là je vous réitère que je n'aime pas ce genre de
question. Les deux formations politiques sont entourées d'équipes
de recherchistes chevronnés et beaucoup mieux étoffés que
le président pour décider des moyens à prendre et fouiller
dans ce sens. Je vous avoue que, par moment, je suis porté à
envier les deux formations politiques de pouvoir compter sur de telles
ressources. J'aimerais pouvoir les avoir moi aussi à portée de
main, à l'occasion. Donc, je vous réitère que le
président n'est pas - sans vouloir faire de mauvais jeu de mots - une
école de procédure, et la manière de le
faire...
M. Lalonde: M. le Président, je m'excuse. J'ai
peut-être été mal compris. Je ne vous demande pas de
directive.
Le Président: Ah bon!
M. Lalonde: Je vous demande de rappeler le ministre à
l'ordre, parce qu'il viole l'article 171.
M. Bertrand: Non, non, non, il ne viole pas cet article.
M. Lalonde: Oui.
Le Président: C'est-à-dire qu'en vertu de l'article
171.2, il peut bien décider de répondre sans donner de
raisons.
M. Bertrand: Il n'a pas à donner les raisons.
Le Président: Voilà, effectivement! Si le ministre
de l'Énergie et des Ressources continue à avoir son
différend avec le député d'Outremont, je n'y peux rien et
je pense que nous y pouvons peu de chose. Je souhaiterais bien qu'ils le
règlent en dehors de cette Chambre entre eux. En tout état de
cause, si le ministre de l'Énergie et des Ressources ne veut pas
répondre à une question du député d'Outremont, il
peut invoquer l'article 171.2. À ce moment-là, il n'a pas de
raisons à donner.
M. Pagé: M. le Président, à ce sujet...
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: ...je voudrais ajouter ma voix à celle de
notre leader. Il deviendrait impérieux et urgent que le problème
se règle entre l'honorable ministre de l'Énergie et des
Ressources et l'honorable député d'Outremont. J'ai cru comprendre
que cela devrait se régler à l'extérieur de la Chambre.
Nous sommes favorables à un règlement hors cour, pour autant que
cela ne coûte pas 32 000 000 $.
M. Duhaime: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: Je ne vois pas, M. le ministre, en quoi
votre privilège est touché.
M. Duhaime: Oui, parce qu'on laisse entendre, M. le
Président, que je refuse de répondre sans motifs valables.
Le Président: Non, non. Personne n'a mentionné
cela. On a simplement dit que vous refusez de répondre pour le motif que
vous évoquez, qui est le différend que vous avez avec le
député d'Outremont, mais à ce moment-là, ce n'est
pas une des causes prévues à l'article 171.1 et 171.2. Si on ne
veut pas répondre, en vertu de l'article 171.2, on ne donne pas de
raisons, mais personne n'a porté de jugement sur votre différend.
J'ai simplement souhaité et je souhaite encore qu'il se règle -
je pense que c'est dans l'intérêt de l'Assemblée - et de
préférence hors du parquet de cette Assemblée, parce que
nous en parlons beaucoup, me semble-t-il.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: Oui. Sur la question de règlement
soulevée par le leader parlementaire de l'Opposition, je crois qu'il a
adressé une ou deux questions - deux questions, je crois - au
député de Saint-Maurice, ministre de l'Énergie et des
Ressources...
M. Lalonde: Trois.
M. Bertrand: ...Trois? Oui lui demandant s'il avait l'intention
de répondre, quand, comment, etc. Il m'apparaîtrait tout à
fait normal par consentement, à ce moment-ci qu'on puisse tout de
même permettre au ministre de l'Énergie et des Ressources de
répondre très rapidement à ces deux ou trois questions et
d'indiquer quelle est sa réaction aux questions que vous lui avez
posées. Vous avez demandé au député,
premièrement, s'il avait l'intention de répondre aux questions
et, deuxièmement, quand il avait l'intention de répondre aux
questions. Je pense que, dans ce contexte, vous êtes en droit de vous
attendre que le ministre vous donne une réponse à ce moment-ci
relativement à votre question de' règlement. C'est le sens de
votre intervention. Sinon, je me demande pourquoi vous vous êtes
levé.
M. Lalonde: Non, non.
Le Président: M. le leader parlementaire de
l'Opposition.
M. Lalonde: M. le Président, non, je voulais simplement
soulever le fait que l'attitude du ministre est contraire au règlement.
S'il a l'intention de répondre aux questions, j'aimerais qu'il le fasse
à la fin de la période des questions, comme d'habitude, alors que
les députés sont ici - le député d'Outremont pourra
poser des questions additionnelles - et qu'il nous indique, s'il ne veut pas
répondre aux questions, qui est son adjoint parlementaire; on pourra lui
poser des questions.
Le Président: M. le député de Westmount.
M. French: M. le Président, dans le sillage de notre
post-mortem de la période des questions, et plus particulièrement
de votre premier commentaire sur le nombre des questions, la longueur des
questions et la longueur des réponses, je pense que tout en
appréciant au plus haut point vos efforts en ce sens, à savoir
d'invoquer de façon répétée le règlement, il
est clair maintenant que cette espèce d'incantation ne fonctionnera pas.
Votre appel à l'autodiscipline n'ira pas plus loin que la période
des questions de demain. Je vous suggère un effort un peu plus soutenu
et détaillé relativement à ce problème. Je vous
suggère, par exemple, l'étude des périodes des questions
dans les autres Parlements, de façon très précise. Dans ce
contexte, un stagiaire parlementaire a fait une étude de la
période des questions à Ottawa. On va vous la faire parvenir. Ce
n'est pas très structuré. Ce n'est pas complet, mais je pense
qu'on devrait le faire pour l'Angleterre, pour Ottawa et pour la France afin de
voir s'il ne serait pas possible - voilà ma deuxième suggestion -
de faire un règlement expérimental, intérimaire, pour la
prochaine session afin de vraiment essayer, d'un côté comme de
l'autre, de vous armer avec les outils adéquats, vu le sérieux de
la situation.
Le Président: Vous m'inquiétez quand vous parlez
des outils. La commission de l'Assemblée nationale qui siège sur
la réforme parlementaire, c'est très certainement un sujet qui
pourrait l'intéresser. Nous pourrions effectivement aborder la question
dans le cadre de ses travaux. Vous désespérez ou enfin vous
êtes plus pessimiste que moi sur la nature humaine en prétendant
que l'autodiscipline et l'autocensure n'ira pas plus loin que demain. Quant
à moi, j'espère qu'elle ira au moins jusqu'à la fin de la
semaine et on verra pour la semaine prochaine.
D'autre part, j'ai reçu un avis de question de privilège
de la part des collaborateurs de la présidence. Pour être bien
clair - tantôt je faisais allusion aux deux équipes qui entourent
les formations politiques - on me dit: "Ce n'est pas la qualité qui
diffère entre les collaborateurs immédiats des partis et ceux de
la présidence, mais bien seulement la quantité." C'était
évidemment le sens de mon propos.
Une voix: C'est ce qu'on avait compris.
Le Président: Ce qui nous amène aux motions. M. le
leader parlementaire du gouvernement.
Travaux des commissions
M. Bertrand: Je voudrais d'abord obtenir le consentement pour
que, cet après- midi, entre 15 heures et 18 heures, trois commissions
parlementaires puissent siéger. Il s'agirait de celles des affaires
municipales, pour les auditions publiques relativement au projet de loi no 28;
de l'étude du projet de loi no 30, SOQUIA, article par article et
l'étude des crédits du ministère du Commerce
extérieur. Est-ce que cela va?
Le Président: Cette motion est-elle adoptée? Est-ce
qu'il y a consentement? Je m'excuse. Il y a consentement.
M. Bertrand: Je fais donc motion pour qu'au salon rouge, de 11 h
45 à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à
24 heures, la commission des affaires municipales se réunisse pour
entendre des groupes relativement au projet de loi no 28; qu'à la salle
81-A, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, la
commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se
réunisse pour faire l'étude article par article du projet de loi
no 30 et qu'à la salle 91-A, de 11 h 45 à 13 heures et de 15
heures à 18 heures, la commission parlementaire permanente du commerce
extérieur se réunisse pour procéder à
l'étude des crédits de ce ministère pendant une
période de quatre heures. Par la suite, on me dit que de 21 h 30
à 24 heures, à la salle 91-A, ce soit la commission des finances
et des comptes publics qui se réunisse pour poursuivre l'étude -
et j'espère la terminer - du projet de loi no 8, article par
article.
Le Président: Cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Ce qui nous mène aux
questions en vertu de l'article 34 sur nos travaux.
Recours à l'article 34
M. Pagé: En vertu de l'article 34, il y a des questions
que je voudrais poser au leader. À quel moment le leader du gouvernement
a-t-il l'intention de convoquer la commission parlementaire chargée
d'étudier le rapport du projet de loi no 14...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Pagé: Le projet de loi no 14 sur les mesures fiscales
qui a été adopté en commission parlementaire hier. Oui,
oui.
M. Lalonde: Je pense qu'il n'a pas été
déposé.
M. Bertrand: Non.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, je ferai la
vérification. Je ne suis pas convaincu que ce rapport ait
été déposé.
Une voix: Il n'a pas été déposé
encore.
M. Bertrand: Ah bon! Dès qu'on l'aura en notre possession,
on se fera immédiatement un devoir de le déposer, au moment des
affaires courantes, quand il est prévu de déposer de tel
rapport.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Pagé: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le whip de
l'Opposition.
M. Pagé: Est-ce à dire qu'il sera automatiquement
pris en considération le lendemain?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: Pas nécessairement. Est-ce que le
député de Portneuf veut m'indiquer qu'il voudrait qu'on
procède de cette façon?
M. Pagé: On voudrait savoir exactement à quel
moment arrivera l'étape de la prise en considération du rapport.
Je voudrais aussi demander au leader s'il peut nous indiquer à quel
moment la commission parlementaire de l'habitation et de la protection du
consommateur, chargée d'étudier article par article le projet de
loi no 24 qui a été adopté hier en deuxième
lecture, sera appelée?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: Sur le projet de loi no 24, ce sera probablement
lundi. Article par article? Il ne semble pas, non. Pour le projet de loi no 14,
dès que j'aurai l'information, je pourrai la communiquer au
député de Portneuf.
Maintenant, je voudrais donner l'information relativement à la
commission parlementaire permanente du travail, qui entend des groupes
relativement au projet de loi sur le Code du travail, que nous entendrons fort
probablement les groupes qu'il reste à entendre demain
après-midi; il en resterait un, je crois que c'est l'Association des
manufacturiers canadiens, vendredi après-midi, de telle sorte qu'avec
l'après-midi de jeudi et probablement une partie de l'après-midi
de vendredi nous pourrions avoir terminé les travaux de cette
commission.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. Lundi dernier, j'ai
demandé au leader du gouvernement, à cause de l'absence du
ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, s'il
était prêt à déposer les troisième,
quatrième et cinquième rapports concernant
l'illégalité des règlements adoptés en vertu de la
loi 101, et il a pris avis de cette question. Hier, le ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration a pris l'engagement de
déposer la troisième étude sur l'illégalité
de ces règlements. J'aimerais demander au leader s'il est prêt
à déposer la quatrième, la cinquième étude
et ainsi de suite sur l'illégalité des règlements
adoptés en vertu de la loi 101.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, ce n'est pas moi qui
procéderai au dépôt, s'il doit y avoir dépôt
de quelque document que ce soit, c'est le ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration. Je vais donc l'informer, premièrement,
de la question que vous avez posée et de l'engagement qu'il semble avoir
pris. Je ne me rappelle pas exactement la réponse qu'il avait
donnée relativement à ce troisième rapport. Pour les
autres, dans quelques minutes, au Conseil des ministres, je vais lui
transmettre votre demande.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Mme la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: M. le Président, dernièrement, je
demandais au ministre de l'Environnement quand il rendrait public le projet de
règlement sur les déchets industriels, tel que promis depuis
décembre 1978. Est-ce que le leader peut nous dire si nous
connaîtrons d'ici la fin de la session le projet de règlement sur
les déchets industriels?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: Même réponse qu'auparavant. Je dirai
à Mme la députée que je me ferai un devoir, dans les
minutes qui vont suivre, de demander au ministre quelles sont ses intentions
à ce sujet.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Viger.
M. Maciocia: M. le Président, est-ce
que le leader parlementaire pourrait nous indiquer quand le projet de
loi no 22, Loi modifiant la Loi sur l'aide au développement touristique,
sera appelé?
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader
parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: La semaine prochaine, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Y a-t-il d'autres
questions en vertu de l'article 34?
Aux affaires du jour, M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: Je vous demanderais - il n'y aura pas de
débat là-dessus - d'appeler l'article 16 du feuilleton
d'aujourd'hui.
Prise en considération du rapport
de la commission qui a étudié le
projet de loi no 20
Le Vice-Président (M. Rancourt): Prise en
considération du rapport de la commission permanente des affaires
sociales qui a étudié le projet de loi no 20, Loi favorisant la
retraite anticipée et améliorant la rente des conjoints
survivants. Est-ce que cette prise en considération est
adoptée?
M. Lalonde: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. le leader parlementaire du gouvernement.
M. Bertrand: M. le Président, nous procéderons
maintenant à l'étude en deuxième lecture du projet de loi
no 21. Avant que vous appeliez cet article 9 du feuilleton, je veux
immédiatement indiquer que, par la suite, nous procéderons
à la deuxième lecture du projet de loi no 27 sur l'industrie de
la construction. Ensuite, nous enchaînerons avec les trois projets de loi
inscrits au nom du ministre des Transports: le projet de loi no 31, Loi
modifiant la Loi sur les transports, le projet de loi no 25, Loi sur la
Société québécoise des transports, et le projet de
loi no 15, Loi modifiant la Loi sur l'expropriation et le Code civil.
Projet de loi no 21 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Deuxième lecture du projet de loi no 21, Loi modifiant les
régimes de retraite et diverses dispositions législatives.
La parole est au président du Conseil du trésor et
ministre délégué à la Réforme
administrative.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Nous
allons débattre un projet de loi éminemment technique et qui
cache, sous une apparence un peu rébarbative, un grand nombre de mesures
dont l'impact social est important, particulièrement en ce qui a trait
aux employés du secteur public, puisque ce projet de loi porte plus
spécifiquement sur les régimes de retraite des employés de
l'État.
On se souviendra que cette Assemblée nationale a adopté un
projet de loi, l'été dernier, portant le no 68, qui
réduisait de façon substantielle les bénéfices
consentis aux employés du secteur public dans le cadre de leur
régime de retraite. En effet, nous devions faire face à une
augmentation spectaculaire du coût des régimes de retraite. Je
dois souligner que le gouvernement précédent avait, en 1973, pris
conscience du coût explosif des deux régimes traditionnels de
retraite pour les employés du secteur public, c'est-à-dire le
régime de rentes des enseignants et le régime de rentes des
fonctionnaires, avait donc pris la décision de modifier ces
régimes de retraite pour introduire un nouveau régime de retraite
universel applicable à tous les nouveaux employés qui s'appelait
le RREGOP.
En fait le coût de ces régimes était tellement
important que le gouvernement avait même pris comme habitude de ne pas
comptabiliser la contribution de l'employeur au coût de ces
régimes de manière à ne pas amplifier le déficit
très important que l'on observait dans ces régimes de retraite.
De fait, jusqu'en 1977 ou 1978 le gouvernement ne comptabilisait pas ses
contributions qu'il aurait dû faire au coût des régimes de
retraite des fonctionnaires et des enseignants essentiellement pour ne pas
faire apparaître le déficit de façon trop importante.
En 1977 le ministre des Finances devait modifier la pratique comptable
et présenter une comptabilisation beaucoup plus claire, beaucoup plus
évidente du coût des régimes de retraite. Ceci avait
amené à ce moment-là le gouvernement et tous les
intervenants dans le milieu, je pense, à comprendre le coût
extrêmement élevé des régimes de retraite et, dans
la crise que nous traversions, il devenait nécessaire d'en ajuster les
bénéfices à la baisse, ce qui ne voulait pas dire pour
autant que ce régime de retraite ne devait pas continuer à faire
l'objet d'une réflexion continue pour voir dans quelle mesure on ne
pourrait pas en améliorer l'application et bonifier un certain nombre de
clauses.
Le présent projet de loi représente ce consensus que nous
avons pu faire avec la partie syndicale au cours de la dernière ronde de
négociations. En effet, un des sujets au coeur du débat de la
dernière ronde de
négociations a clairement été les régimes de
retraite. Après la loi 68, les syndicats ont voulu inscrire ce sujet au
coeur des préoccupations des employés du secteur public et en
faire un objet de négociation. Je dois souligner qu'avant les
décrets imposés par la loi 105 à l'ensemble des
employés du secteur public nous avions convenu de lettres d'entente avec
les syndicats pour apporter un certain nombre de modifications,
c'est-à-dire que ce sujet a été au coeur du débat
à la suite de la loi 68 et les syndicats ont voulu ramener le sujet des
régimes de retraite sur la table de négociation et le
considérer comme sujet prioritaire, ce que nous avons d'ailleurs convenu
de faire.
La négociation a donc porté en bonne partie au
début sur les régimes de retraite, ce qui nous a amenés,
finalement, à cette espèce d'accord dont j'ai fait part à
l'Assemblée nationale en déposant ce projet de loi no 21.
Donc, ce projet de loi a fait l'objet de discussions avec les dirigeants
syndicaux. Il a été soumis pour consultation au comité
d'administration du régime de retraite, c'est-à-dire la
Commission administrative du régime de retraite, où
siègent des représentants des centrales syndicales - trois
représentants en fait et également un représentant de
l'association - et traduit un consensus entre les parties. Il permet au
gouvernement de donner suite à des engagements pris lors de la
négociation.
Ce projet de loi permettra également de bonifier de façon
substantielle les avantages prévus dans les régimes de retraite
actuels surtout pour permettre la mise en place de tout un ensemble de mesures
de résorption pour les effectifs en disponibilité, ce sur quoi je
m'attarderai tantôt.
Soulignons également qu'il permettra de corriger un certain
nombre de mesures qui pénalisaient les employées de
l'État, particulièrement celles qui avaient du soit abandonner
leur emploi autrefois, lorsqu'elles se mariaient ou encore attendaient un
enfant, ou encore des dispositions aujourd'hui pour couvrir les cas de
congé de maternité.
Un peu dans la même optique qui est de concevoir des modes
organisationnels du travail plus adaptés aux besoins d'aujourd'hui, un
certain nombre de mesures porteront sur une bonification des régimes de
retraite dans le cas des employés qui choisissent de travailler à
temps partiel. (11 h 50)
Enfin, c'est peut-être le point administratif le plus important
bien que le sujet de ce projet de loi comporte un grand nombre de bonifications
ou d'améliorations sur l'administration même du régime de
retraite. Soulignons une mesure importante: la restructuration complète
de la Commission administrative du régime de retraite pour assurer une
parité de représentation des employés sur l'administration
des régimes de retraite pour qu'ils puissent à la fois surveiller
l'application quant aux bénéficiaires des régimes de
retraite, mais également qu'ils puissent surveiller le placement des
fonds qui y sont versés, de telle sorte qu'ils puissent en même
temps exercer un contrôle sur la rentabilité des sommes qu'ils ont
mises de côté pour assurer leur retraite.
Donc, un des aspects essentiels du projet de loi no 21 est relié
à la problématique des surplus d'effectifs enseignants au
Québec. En effet, de 1960 à 1970 ou 1975, nous avons
assisté à une croissance spectaculaire de notre réseau
d'enseignement au Québec pour faire face à une natalité
croissante, également pour introduire un certain nombre de
développements essentiels dans notre réseau d'éducation.
On peut penser à la création des polyvalentes, on peut penser
à la création des collèges d'enseignement
général et public, nos cégeps; par conséquent, ces
nouveaux développements ont entraîné une augmentation
substantielle des effectifs d'enseignement au Québec.
Soulignons en même temps que l'enseignement s'est
amélioré, s'est sophistiqué et on a introduit des champs
de spécialisation qui ont fait que nos enfants avaient droit à
des matières beaucoup plus spécialisées, allant beaucoup
plus en profondeur et leur donnant des connaissances de beaucoup
supérieures à celles auxquelles nous avions droit, notre
génération, durant cette période où nous avons fait
nos études, c'est-à-dire un enseignement plus
spécialisé, plus complet. Un enseignement plus
spécialisé, plus complet impliquait des changements dans la
formation de nos enseignants, ceux-ci se sont effectivement
spécialisés et ont donné moins de cours
généraux et davantage de cours plus
spécialisés.
L'ensemble de ces mesures ont permis d'observer un abaissement du ratio
maître-élèves. Par exemple, en 1973, il nous fallait, pour
assurer l'enseignement dans nos écoles, en général, un
professeur pour à peu près 20 élèves. Lorsqu'on
essaie de mesurer la charge d'enseignement, l'une des bonnes façons de
la mesurer, c'est de regarder en moyenne combien il y a d'élèves
par professeur. Si un professeur doit, en moyenne, s'occuper de plus
d'élèves, que ce soit parce qu'il enseigne à plus de
groupes ou qu'il enseigne à des classes plus nombreuses, à ce
moment-là, on dit que le ratio élèves-professeur a
tendance à augmenter. Or, qu'est-ce que nous constatons en 1973-1974
dans le rapport maître-élèves qui mesure bien, en fait,
cette charge confiée à l'enseignant? Ce ratio était de 1
pour 20,2 en 1973-1974. Il devait baisser. En fait, en 1976-1977, il
était de 1 pour 18 et en 1979-1980, de 1 pour 16,8. Il
a donc baissé de façon continue. On peut donc dire que la
charge d'enseignement a baissé de façon systématique.
Or, dans la mesure où, au cours de la dernière ronde des
négociations, l'objectif était d'accroître la tâche
d'enseignement, il faut donc prévoir que le rapport
maître-élèves au Québec va tendre, vers 1985-1986,
à 1 pour 18,2, c'est-à-dire que la charge globale d'enseignement
va retrouver le niveau qu'elle avait atteint en 1976-1977. Évidemment,
dans la mesure où nous devons faire face à une
dénatalité au Québec, dans la mesure où nous devons
demander aux enseignants dans le secteur public de donner un enseignement
à un nombre légèrement plus élevé
d'élèves - on peut donc dire qu'en 1976, un professeur devait
enseigner en moyenne à 16,8 élèves - en 1985-1986, il
devra enseigner, en moyenne, à 18,2 élèves. Il aura donc
une charge d'enseignement légèrement supérieure. Il devra
enseigner en moyenne à 1,5 élève de plus par année.
On voit l'alourdissement de la tâche. Eh bien, c'est clair que si nous
avons, d'un côté, une dénatalité, donc une
diminution du nombre d'enfants dans nos écoles, et qu'en même
temps nos enseignants doivent enseigner à un peu plus
d'élèves, forcément, nous aurons besoin d'un peu moins
d'enseignants.
Qu'est-ce que nous constatons? Nous constatons qu'effectivement, de 1978
à nos jours, à 1983, le nombre d'enseignants dont on n'avait pas
nécessairement besoin pour l'enseignement proprement dit a
augmenté. En 1978, il y en avait 20; en 1979, ce nombre passait à
95; 547 en 1980 pour atteindre 709 en 1981; en 1982, le nombre d'enseignants
dits en disponibilité était de 2319 et, en 1983, de 2345.
Je mets en garde immédiatement les membres de cette
Assemblée et mes concitoyens contre une mauvaise interprétation
souvent de ces chiffres, du nombre de mises en disponibilité. Cela ne
veut pas dire que ces enseignants ne travaillent pas; mais cela veut dire que,
pour répondre aux besoins normaux de l'enseignement, nous avons 2345
enseignants de trop. Ces enseignants peuvent, évidemment, travailler,
à ce moment-là, à faire de la suppléance. On sait
que la maladie touche les enseignants comme tous les autres citoyens au
Québec et qu'il arrive qu'un enseignant doive s'absenter pendant une
période de quelques jours ou de quelques semaines. À ce
moment-là, nous avons besoin d'enseignants que nous engageons à
temps partiel. Plutôt que d'engager des enseignants à temps
partiel additionnels, il est bien évident que nous faisons appel
à ces enseignants en disponibilité. Donc, ils sont
utilisés souvent, à une très forte partie de leur temps.
Également, on peut les utiliser pour des projets pédagogiques
d'encadrement qui n'étaient pas prévus au programme, mais qui
font en sorte que la disponibilité d'enseignants nous permet
d'améliorer la qualité de l'enseignement. Mais il faut quand
même constater que, pour répondre aux besoins immédiats de
l'enseignement, nous avons 2345 enseignants de trop. Ce nombre va croître
dans les années qui viennent.
Or, nous nous sommes engagés à tout mettre en oeuvre pour
faire en sorte que l'on puisse réduire le nombre de ces enseignants en
disponibilité de manière à réduire le coût,
mais également - c'est cela qui est important, M. le Président -
pour faire en sorte que, constatant qu'un grand nombre de ces enseignants en
disponibilité sont des jeunes professeurs... Il est normal que, lorsque
l'on doive se départir d'un enseignant, eh bien, on conserve d'abord
l'enseignant qui a une plus longue ancienneté, qui a une plus longue
expérience; c'est normal, il est là depuis plus longtemps, il a
donc priorité quant à l'occupation du poste en question. Ce qui
veut dire que les enseignants que l'on peut qualifier de trop ou enseignants en
disponibilité sont nécessairement des enseignants plus
jeunes.
L'on sait à quel point il est important que l'on puisse
renouveler le corps professoral, introduire du sang neuf, pour faire en sorte
que nos enfants puissent rencontrer à la fois des enseignants
d'expérience, plus âgés, plus mûris, ayant une plus
grande connaissance de la vie, d'une part, mais également aient
accès à de jeunes enseignants frais émoulus de
l'université, plus agressifs, remplis d'idées nouvelles, voulant
littéralement changer le monde, et qui, évidemment, apportent un
élément extraordinairement dynamique et valable à une
école, à un collège, à une polyvalente et à
l'université.
Il faut, par tous les moyens possibles, faire en sorte que l'on puisse
s'assurer que le corps professoral, le corps d'enseignants,
d'éducateurs, ne vieillisse pas trop rapidement. Donc, trouver des
moyens pour accélérer la rotation du personnel à
l'intérieur du secteur public de l'enseignement.
Nous avons donc voulu mettre en place toute une série de moyens.
Mais il ne fallait pas que ces moyens perdent de leur efficacité par
suite d'une mésadaptation de nos régimes de retraite à
l'intention de nos employés, qui ferait en sorte que nos employés
seraient peu incités à profiter de ces mesures. Ce que nous
apportons comme changements aux régimes de retraite aujourd'hui consiste
en bonne partie à des bonifications de nos régimes de retraite
pour rendre ces mesures de diminution des effectifs en surplus plus faciles
d'application. Je vais passer ces différentes mesures en revue. (12
heures)
D'une part, il est fréquent que des éducateurs aient le
goût de se recycler, peut-être de prendre une année tous les
cinq
ans, par exemple, ou tous les quatre ans pour faire des études.
On a même des cas assez fréquents aujourd'hui où, mari et
femme travaillant dans le monde de l'enseignement, pour s'occuper de
l'éducation de leurs propres enfants l'un ou l'autre - ou l'un et
l'autre - des deux membres désire prendre en alternance une année
pour s'occuper de la famille et envisagerait d'accepter un salaire moindre pour
avoir la chance de prendre ce congé sabbatique. La mesure est simple
à comprendre. Si nous voulons donner tous les quatre ans un congé
à une personne - nous voulons évidemment la payer pendant ce
temps parce que, sans salaire, évidemment ce n'est pas facile - on se
rend bien compte que nous allons payer une année sur quatre pour du
travail qui ne sera pas fourni.
Que fait-on? On propose, à ce moment, de baisser le salaire
pendant les trois autres années de manière que l'enseignant
reçoive 75% de son salaire, par exemple, chaque année pendant
trois ans et que la quatrième année il obtienne un congé
avec solde à 75% de son salaire. Ceci permet donc à un
enseignant, pendant quatre années, de recevoir les trois quarts de son
salaire, année après année, mais évidemment d'avoir
droit à une année sur quatre de congé pendant laquelle il
continuera à être payé. Cela ne coûtera pas plus cher
à l'État et cela introduit une souplesse qui permettra à
des enseignants de pouvoir tirer parti d'une telle mesure et d'ajuster leurs
tâches en fonction de leurs besoins, soit leurs besoins
d'éducation personnelle ou encore d'éducation de leurs enfants.
Il est important, si on introduit une telle mesure, que cela n'affecte pas le
régime de retraite et, de ce fait, l'enseignant qui profitera d'un tel
programme accumulera une pleine année au chapitre de son régime
de retraite et non pas les trois quarts d'une année. C'est important
parce que ceci ne retardera pas la date à laquelle il pouvait prendre sa
retraite, ne diminuera pas la pension à laquelle il aurait eu droit
à l'âge de sa retraite.
Donc, le fait de participer à un tel programme n'entraînera
aucun inconvénient quant à son régime de retraite. On peut
même considérer que l'on va bonifier son régime de retraite
puisqu'il n'aura pas à contribuer à une pleine année de
cotisation lorsqu'il recevra 75% de son salaire, il n'aura qu'à fournir
75% de sa cotisation prévue. Donc, pour un coût moindre, il
achète un bénéfice de retraite aussi intéressant
que ce qui lui était accordé antérieurement. C'est donc
une première bonification.
On peut parler d'une deuxième bonification au sens où les
enseignants qui ont atteint un âge plus avancé désireraient
prendre immédiatement leur retraite. Toutefois, ils n'ont pas
accumulé les 35 années de service ou encore ils n'ont pas atteint
les 65 ans prévus dans les régimes actuels de retraite et, par
conséquent, ils n'y ont pas droit à l'heure actuelle. Et, s'ils
choisissent de prendre une retraite anticipée, il y a une
réduction des bénéfices de retraite de manière
à faire en sorte que cela ne se traduise pas par des coûts
additionnels pour le gouvernement. Mais cette réduction des avantages de
retraite, évidemment, a comme inconvénient qu'elle baisse de
façon importante, et très rapidement, les avantages auxquels un
enseignant aurait droit. Il est évident que ceci décourage les
enseignants à prendre des retraites anticipées.
Comment corrige-t-on cela? Essentiellement, en permettant à un
enseignant, après entente avec son employeur, la commission scolaire,
par exemple, de prendre sa retraite même s'il n'a pas accumulé 35
ans. Nous lui créditons, à ce moment, l'équivalent des
années de préretraite, ce qui veut dire qu'un enseignant qui
aurait atteint 62 ans et qui devrait encore attendre trois ans avant
d'être admissible à sa retraite pourrait prendre trois
années d'anticipation sur sa retraite et se verrait créditer la
pleine retraite comme s'il avait complété ses 65 ans.
Évidemment, on ne peut pas exagérer dans la
générosité d'une telle mesure et ces crédits
anticipés de retraite ne pourront pas dépasser cinq ans. C'est
assez évident, car il y a un coût très important
attaché à ce que quelqu'un prenne sa retraite avant terme car
alors, nous le payons 70%, par exemple, de son salaire s'il a atteint la
maturité, nous lui donnons 70% de son salaire mais, cependant, nous ne
retirons aucune prestation de travail lorsqu'il est en retraite. Par
conséquent, il y a un coût très important associé
à cette prise de retraite anticipée. Donc, il faut limiter cet
avantage et nous le limitons essentiellement à 5 ans, mais cela veut
dire qu'il va devenir intéressant pour un enseignant de prendre sa
retraite avant d'avoir atteint 65 ans ou avant d'avoir atteint 35 années
de service.
M. le Président, cette mesure n'est pas la seule pour inciter au
départ volontaire des enseignants plus âgés et permettre de
cette façon à des enseignants plus jeunes en disponibilité
de s'intégrer dans le groupe d'enseignants en service. Il y a
également une autre mesure. Il arrive souvent qu'un enseignant a
accumulé 35 années de service, mais n'a pas atteint 65 ans. Il a
donc droit, cependant, de prendre sa retraite pleine et entière.
Toutefois, comme il n'a pas 65 ans, il ne reçoit pas sa pension de
vieillesse. Il ne reçoit pas non plus les bénéfices du
Régime de rentes du Québec, ce qui fait que sa pension est
inférieure à celle qu'il aura quand il aura atteint 65 ans.
Voilà une désincitation à prendre sa retraite. Voici ce
que nous proposons. Nous proposons de lui accorder, dès l'âge
où il prend sa retraite,
c'est-à-dire que s'il a atteint 62 ans, il est admissible
à sa retraite... Nous lui verserons à l'avance sa pension de
vieillesse du Canada. Nous lui verserons à l'avance sa prestation du
Régime de rentes du Québec, de telle sorte que, jusqu'à ce
qu'il atteigne 65 ans, il ne soit pas désavantagé et ait
véritablement une pleine pension, comme s'il avait 65 ans. Donc, nous
lui verserons sa pension qu'Ottawa aurait dû lui verser. Nous la
verserons à la place d'Ottawa. Évidemment, vous me direz: Cela
coûte de l'argent. En fait, ce que l'on fait, c'est répartir le
coût de cette mesure sur l'ensemble de la période
présumée de retraite en effectuant essentiellement une
réduction actuarielle du coût de cette mesure, ce qui fait qu'en
pratique, il aura droit à une pension très
légèrement diminuée sur toute la période, mais il
aura quand même bénéficié à 62 ans d'une
pleine pension qui représente souvent 90% ou 95% du revenu auquel il
avait droit. Donc, cette personne se retrouve dans une situation où il
est plus avantageux de ne pas travailler que de travailler puisqu'elle peut
même souvent trouver du travail à l'extérieur en plus de sa
pension, ce qui, évidemment, lui permet à ce moment-là non
seulement de jouir d'une condition de vie - si la personne veut voyager, par
exemple - absolument unique, mais en plus de cela, souvent à des
conditions de revenus supérieurs à ceux dont elle
bénéficierait si elle restait au travail. Voilà donc une
mesure qui va à nouveau encourager nos enseignants plus
âgés à prendre leur retraite et permettre à des
jeunes de s'intégrer à l'équipe d'enseignement.
Je voudrais souligner aussi des mesures que nous mettons en place
concernant l'emploi à temps partiel. On sait à quel point nos
sociétés vivent très durement la révolution
technologique. Je crois parfois qu'on se fait beaucoup d'illusions quand on
parle de politique de plein emploi en ce sens qu'on ne réalise
peut-être pas assez que les changements technologiques font en sorte
qu'avec moins d'employés, on peut produire autant de richesses et
même plus de richesses. La révolution technologique ne nous
appauvrit pas comme société. Elle nous enrichit. Toutefois, pour
produire la même richesse, nous devons faire face, à ce
moment-là, au problème de la productivité,
c'est-à-dire que nous avons besoin de moins d'employés pour
produire cette richesse. Collectivement, nous avons la même
quantité d'argent, nous avons les mêmes biens de consommation,
nous pouvons prendre les mêmes vacances, mais il y a moins de gens qui
travaillent et cette richesse se trouve alors concentrée entre les mains
de ceux qui détiennent le capital ou qui ont la chance d'avoir un
emploi. (12 h 10)
Il y a une façon de répartir cet argent plus
équitablement. Certes, l'impôt joue ce rôle, mais il y a une
autre façon, qui est d'introduire le travail partagé,
c'est-à-dire de faire en sorte que les gens travaillent moins d'heures
et donnent la chance à d'autres de trouver un emploi. Or, l'introduction
du temps partiel se heurte évidemment à certains
inconvénients; par exemple, si un employé choisissait de
travailler à mi-temps au gouvernement et revenait dans deux ans ou dans
trois ans à temps plein parce qu'il a des problèmes de
responsabilités qui l'obligent à travailler à temps plein,
il ne pourrait pas racheter ce congé à temps partiel dont il a
bénéficié aux fins de son régime de retraite. Ce
qui veut dire que la pension à laquelle il aurait droit, lorsque
viendrait l'âge de sa retraite, serait inférieure du fait qu'il a
travaillé à mi-temps pendant un an, deux ans ou trois ans. Il a
donc choisi un congé à mi-temps. Or, si nous voulons inciter les
employés de l'État à accepter des congés à
mi-temps pour donner la chance à d'autres dans cette période
difficile de chômage, il y aurait intérêt à ce que le
régime de retraite ne perde pas de ses avantages. Donc, les enseignants
ayant choisi de travailler à mi-temps pourront choisir de racheter ce
congé à mi-temps aux fins de la retraite et faire en sorte que la
retraite en question ne soit pas diminuée quand arrivera l'âge de
la retraite.
Soulignons aussi - c'est une question fort technique sur laquelle je ne
veux pas m'étendre - que le calcul pour la pension d'un employé
travaillant à temps partiel sera également revalorisé, en
ce sens que, dans le passé, lorsqu'on calculait la pension sur la base
des cinq meilleures années, on devait additionner du service
crédité pour atteindre un total de cinq ans. On imagine que si
quelqu'un travaillait à mi-temps, il fallait prendre son salaire pendant
dix années, à mi-temps, pour faire cinq ans, et regarder quel
était son salaire moyen pendant ces dix ans. Or, on sait qu'avec
l'inflation, les salaires augmentent dans le temps. Alors, prendre un salaire
moyen sur dix ans donne une moyenne inférieure à un salaire moyen
sur cinq ans. Donc, l'employé à mi-temps se trouvait forcé
à une pension qui, lorsqu'on la calculait, était sur une base
annuelle inférieure à celle que l'on calculait pour un
employé à temps plein; non pas seulement parce qu'il avait
travaillé à mi-temps, et il était normal qu'il ait une
pension moindre, mais également parce qu'on l'avait calculé sur
une base étalée d'années de service cumulées
à cinq ans, c'est-à-dire souvent sur une période beaucoup
plus longue que cinq ans. Désormais, nous calculerons
véritablement sur une période, pendant laquelle il a
travaillé, de cinq ans. Qu'il ait travaillé à mi-temps, au
quart de temps, au dixième de temps est sans importance, nous
appliquerons le calcul
sur une période où il aura travaillé pendant cinq
ans. Par conséquent, la moyenne que nous obtiendrons sera tout à
fait comparable à la moyenne que nous calculons pour un employé
qui travaille à temps plein. L'employé à temps partiel ne
subira donc pas de désavantage à la suite d'un travail à
temps partiel.
Voilà deux mesures qui inciteront sans doute les employés
de l'État à recourir davantage au temps partiel. De cette
façon, ceci permettra au gouvernement de créer davantage
d'emplois et donc, effectivement, de mieux répartir le travail au sein
de nos concitoyens.
Je souligne en passant - et je suis convaincu que ma collègue, la
ministre déléguée à la Condition féminine
voudra en parler davantage - un certain nombre de mesures qui assureront une
meilleure protection aux enseignantes qui, on le sait, à la suite sans
doute d'une tradition qui pouvait peut-être se défendre
socialement il y a 20 ans, mais qui est absolument incompréhensible
aujourd'hui, voulait qu'une enseignante qui se mariait ou encore une
enseignante qui attendait un enfant devait démissionner, était
forcée de démissionner, car on estimait que donner la classe
à des jeunes en attendant un enfant était quasi immoral. Par
conséquent, on demandait à cette enseignante de
démissionner. Ces enseignantes revenaient au travail
ultérieurement, mais elles n'avaient jamais le droit de racheter ces
années de contribution qu'on leur avait remboursées à leur
départ, ce qui fait qu'elles se retrouvent aujourd'hui avec une pension
inférieure à la suite de politiques socialement
inacceptables.
Je ne voudrais pas critiquer ce que nos pères envisageaient comme
étant moral ou immoral - ils avaient sans doute leurs raisons - mais
aujourd'hui, on ne peut pas accepter ces raisons. Par conséquent, il
fallait permettre à ces enseignantes qui, aujourd'hui, atteignent
l'âge de la retraite, de pouvoir racheter ces années où
elles avaient du quitter le monde de l'enseignement de manière qu'au
moins, ayant été pénalisées une fois parce qu'elles
avaient du quitter leur emploi, elles ne soient pas pénalisées
une deuxième fois en devant recevoir une retraite inférieure
à la suite d'une politique inacceptable. C'est un des exemples
d'amélioration du régime de retraite que nous avons
négociée avec la partie syndicale.
Le dernier point portera sur une amélioration de l'administration
de nos régimes de retraite. C'est une simplification des
procédures administratives dans beaucoup de cas quant au calcul, par
exemple, du taux d'intérêt que l'on doit payer sur des
remboursements de cotisation, quant à la façon de voter les
crédits sur les régimes de retraite à l'Assemblée
nationale, quant à la date de révision des taux de cotisation. Il
y a un très grand nombre de mesures administratives qui vont faciliter
la gestion et qui sont à l'avantage de tous les cotisants en
général.
Il y a une modification sur laquelle je veux m'attacher, c'est celle
portant sur la composition de la Commission administrative du régime de
retraite. L'ancienne commission était composée de douze membres
parmi lesquels siégeaient quatre représentants des
employés de l'État, syndiqués ou non. Les cadres, par
exemple, n'étaient pas représentés. Or, après la
présentation à l'Assemblée nationale de la loi 68 qui a
modifié la contribution des deux parties en faisant en sorte que,
maintenant, les employés défraient la moitié du coût
des régimes de retraite et le gouvernement défraie l'autre
moitié, il nous est apparu qu'il n'était pas normal que les
employés n'aient pas une égale voix au chapitre quant à
l'application de ces régimes de retraite aux bénéficiaires
qui y ont droit. Il nous est également apparu anormal que les
employés de l'État n'aient pas un droit de regard sur les
placements des fonds qui s'accumulent au chapitre des régimes de
retraite de manière qu'ils puissent s'assurer qu'effectivement, quand
viendra l'âge de la retraite, ils obtiennent tous les avantages auxquels
les sommes qu'ils ont mises de côté leur donnaient droit.
Aussi, la composition de notre Commission administrative du
régime de retraite sera modifiée de telle sorte que,
désormais, il y aura 14 membres à la commission plus un
président et que, si on examine en pratique la représentation des
employés syndiqués et non syndiqués, on constate qu'ils
seront à pleine parité. Je dirais même que, dans la mesure
où nous acceptons d'intégrer à la représentation
gouvernementale le cadre qui pourrait être appelé, par exemple,
à représenter ce groupe d'employés qui, dans le
passé, ne pouvaient pas participer à l'administration de la
Commission administrative du régime de retraite, on pourra même
dire que nous aurons non seulement la parité, mais le gouvernement
pourra même être considéré comme étant moins
bien représenté. (12 h 20)
Toutefois, nous le faisons dans la mesure où l'expérience
que nous avons acquise, après plusieurs années de travail avec
les représentants des employés syndiqués à
l'ancienne Commission administrative du régime de retraite, a
été fort heureuse. En fait, les relations sont excellentes, sont
bonnes, et dans la mesure où, effectivement, nous ne voyons aucune
raison pour ne pas penser que les employés doivent avoir
véritablement une représentation équitable,
désormais, les syndicats, les associations d'employés non
syndiqués, les associations d'employés auront
une représentation beaucoup plus appropriée à la
Commission administrative des régimes de retraite. Ils auront en fait
une parité complète avec les représentants gouvernementaux
et les représentants des cadres à la commission, ce qui devrait
donner à ce moment-là une plus grande égalité des
voix et des droits de parole lors de l'administration des décisions
prises par la Commission administrative du régime de retraite. On sait
par exemple que ce comité de retraite a un droit d'appel, un droit de
regard sur toutes les décisions de la commission concernant
l'application des régimes de retraite et que tout employé, tout
bénéficiaire qui n'est pas satisfait d'une décision de la
commission a recours à ce comité de retraite pour aller en appel.
De fait, ce comité de retraite aura un droit final de jugement et
assurera à tous les gens qui iront en appel qu'ils seront traités
par des représentants à la fois de leurs intérêts
mais, également, des intérêts de l'employeur, ce qui est
évidemment normal.
Donc, M. le Président, je termine là-dessus, voici un
projet de loi qui apportera sur plusieurs points, une bonification aux actuels
régimes de retraite, qui fera en sorte que des mesures pour faciliter le
plein emploi au Québec par l'introduction du temps partiel, par les
prises de retraite accélérées, que ces mesures seront
d'application plus facile et davantage populaires d'une part. Ce projet de loi
rendra possibles également des modifications à l'administration
qui permettront une représentation plus égale, plus
égalitaire des employés de l'État, qui défraient la
moitié du coût des régimes de retraite; il permettra
également d'apporter une certaine simplification et une certaine
amélioration à l'administration quotidienne des régimes de
retraite qui devrait se traduire peut-être pas par des coûts
inférieurs mais certainement par une facilité d'application qui
fera en sorte que toutes les cotisations et tous les
bénéficiaires seront placés dans des situations plus
claires, plus limpides, plus faciles d'application.
Voici un projet de loi qui, je pense, devrait faire l'unanimité.
Je pense qu'il témoigne en tout cas de la volonté du gouvernement
de continuer à examiner de façon permanente les conditions de
travail des employés de l'État et de voir à les
améliorer sans cependant entraîner des coûts qui soient
à ce point exorbitants que la collectivité
québécoise ne puisse pas les absorber. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Jean-Talon.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, nous allons, bien sûr,
concourir très volontiers à l'adoption en deuxième lecture
de ce projet de loi dont le ministre vient de nous exposer l'essentiel, dans la
mesure où il apporte, autant sur le plan administratif que sur le plan
du contenu des régimes de retraite, des améliorations
sensibles.
Dans son intervention, le ministre a rappelé que ce projet de loi
venait après le projet de loi no 68. Il ne faudrait pas que le ministre
oublie de dire à la Chambre qu'autant il est vrai que les
représentants des travailleurs ont pu discuter et convenir des
améliorations qu'apporte le présent projet de loi aux
régimes de retraite, autant ils n'ont pas concouru et accepté la
modification unilatérale qui a été apportée par le
projet de loi no 68 que l'Assemblée nationale a adopté sur
division au mois de juin dernier. Le projet de loi no 68 était de la
même nature que les projets de loi 70, 105 et 111 qui ont
été tellement décriés non seulement par les
employés des secteurs public et parapublic mais également par
l'ensemble de la société québécoise dans la mesure
où il s'agissait là de la part du gouvernement, de
décisions tout à fait unilatérales.
Ce projet de loi touche et concerne des questions extrêmement
importantes qui concernent au premier chef les conditions de travail des
travailleurs des secteurs public et parapublic et par inférence sans
doute, ceux-là même du secteur privé, dans la mesure
où les conditions de travail des secteurs public et parapublic servent
parfois de "modèle" -j'utilise l'expression entre guillemets - pour les
conventions collectives qui sont négociées dans le secteur
privé. Ces questions concernent des notions importantes qui touchent au
statut même du travailleur lorsqu'on parle de congé sabbatique, de
retraite anticipée, de sécurité de vieillesse, tout le
problème de la mise en disponibilité, les questions des droits de
la femme, par exemple, au titre des congés de maternité, tout
cela en rapport avec les régimes de retraite. Effectivement, comme l'a
indiqué le ministre, le gouvernement, par ce projet de loi, a convenu
avec les représentants des travailleurs d'un certain nombre de
modifications et de progrès dont nous ne contestons en aucune
façon les mérites.
Le projet de loi permettra en effet aux employés de ne pas
être pénalisés dans leur régime de retraite à
l'occasion de certaines conditions particulières qu'ils sont
appelés à vivre au cours de leur carrière. Ainsi, par
exemple - et le ministre l'a indiqué dans son intervention - les
enseignants, le monde de l'enseignement est très important dans ce
projet de loi. Une enseignante forcée de démissionner pour raison
de mariage et de maternité pourra, en effet, par ce projet de loi,
continuer de cotiser à son fonds de retraite durant les années
où elle ne travaillera pas. Elle ne sera donc pas
pénalisée pour les années perdues au niveau du
travail à l'égard de son régime de retraite. Il s'agit
là d'une mesure que le ministre a mentionnée et qui est
extrêmement positive.
De même, pour les employés du gouvernement devant
bénéficier de l'assurance-santé durant quelque temps, il
est maintenant prévu que leur assureur versera la cotisation qu'en temps
normal l'assuré aurait lui-même payée. Ainsi, ces jours de
travail perdus pour causes de maladie ou autres, ne se répercuteront pas
au niveau des prestations du régime de retraite. Cela aussi, je pense,
est une amélioration qu'il faut signaler.
Je voudrais également mentionner un certain nombre
d'améliorations qui nous ont davantage frappés et qui sont
peut-être davantage d'intérêt pour les gens, tout le
problème, également évoqué par le ministre, des
congés sabbatiques à traitement différé. Ainsi,
après une entente avec l'employeur, une personne soumise au
régime pourra différer une partie de ses traitements, donc,
accepter une baisse de ceux-ci pendant un certain nombre d'années,
quatre au maximum, dans le but de couvrir son congé sabbatique. Durant
cette entente, la cotisation à verser au régime de retraite sera
en proportion du traitement que recevra l'employé.
Nous avons cependant un point d'interrogation. Nous pourrons en discuter
lors de l'étude article par article avec le ministre. En effet, pendant
le temps qu'une personne soumise au régime accepte ainsi de baisser son
salaire dans le but de retirer, lors de son congé sabbatique, la partie
du traitement que l'employeur gardera pendant un certain temps lui rapportera
certains dividendes, intérêts ou autres. Or, nous n'avons pas vu
dans le projet de loi d'endroit où il serait indiqué que cette
part de l'intérêt qui devrait revenir à l'employé
sera effectivement payée. Qu'est-ce qui arrivera de cette part de
l'intérêt? On en reparlera au moment de l'étude article par
article.
Ainsi, un employé qui décide, après entente, que
l'employeur pourra garder 10% de son traitement pendant un maximum de quatre
ans pour pouvoir prendre un congé sabbatique de six mois, ces 10%, si
l'employé qui les a gagnés ne les avait pas mis dans cette
entente, ils lui auraient rapporté des intérêts. Cette
somme lui revient donc, mais il n'y a aucune garantie dans le projet de loi
qu'il pourra effectivement retirer de l'intérêt sur le montant
qu'il aura ainsi consenti à payer. C'est une question qu'on s'est
posée sur cet aspect du projet de loi. (12 h 30)
Concernant la retraite anticipée, une personne remplissant
certaines conditions, telles, par exemple, celles d'avoir 35 années de
services ou d'être âgée de 65 ans, pourra anticiper sa
retraite de cinq années au maximum. Cependant, la personne ne peut
être admissible qu'une fois à ce plan. Ainsi, un fonctionnaire qui
décide d'anticiper sa retraite à l'âge de 58 ans, par
exemple, après 35 années de service et décide, un an plus
tard, de revenir au travail, ne pourra plus - si on a fait une bonne lecture du
projet de loi - avoir droit au plan de retraite anticipée tant qu'il
n'aura pas atteint l'âge normal de la retraite. Ce n'est peut-être
pas une mauvaise chose en soi, parce que probablement que le gouvernement veut
éviter qu'il y ait un va-et-vient de prise de retraite anticipée
et de retour au travail. Mais on pourra obtenir, je pense, au moment de
l'étude article par article, certaines explications additionnelles de la
part du ministre.
Concernant la mise en disponibilité, ce fameux problème,
évidemment, qui a sa résonance et son écho particulier
dans le domaine de l'enseignement, une personne mise en disponibilité
pourra, en vertu du projet de loi, continuer à verser une cotisation
à son régime de retraite le temps de cette mise en
disponibilité. De cette façon, elle pourra continuer à
accumuler des fonds de retraite et, dans ce sens - je pense que le ministre l'a
indiqué également - ce temps de mise en disponibilité ne
sera donc pas, comme c'était le cas dans le passé, une
pénalité pour cette personne en regard de son régime de
retraite. C'est un point qui nous semble non seulement intéressant, mais
extrêmement important, surtout, comme je l'indiquais, dans le secteur de
l'éducation où, depuis un certain nombre d'années, pour
les raisons que l'on connaît, un très grand nombre d'enseignants
sont mis en disponibilité un an ou quelquefois même davantage. Or,
ces années représentaient, pour ces travailleurs qui ont à
vivre la situation ou l'évolution de la structure de notre
système d'éducation, une perte assez importante dans
l'accumulation de leurs fonds de retraite.
De plus, le traitement étant plus bas durant cette
période, les personnes touchées par cette mise en
disponibilité cotiseront en proportion de leur traitement. La chose nous
paraît logique puisque la cotisation à un régime de
retraite ne doit pas être non plus, en aucun cas, dans toute la mesure du
possible, un fardeau fiscal quelconque, additionnel, plus lourd pour le
bénéficiaire. D'ailleurs, je pense que, dans le projet de loi,
l'indice ne doit pas dépasser 35%, parce que, autrement, s'il n'y avait
pas cette limite, cela représenterait un "trop-payé" que
l'employeur s'empresserait de rembourser.
M. le Président, je voudrais également soulever le
problème des congés sans traitement d'au moins 30 jours auxquels
réfère le projet de loi. Un employé qui prend un
congé sans solde durant une période de 30
jours ou plus, donc qui ne paie pas une cotisation pour son
régime de retraite, n'ayant pas de traitement, l'employeur ne peut lui
retirer sa part. Cependant, cette personne peut, à son retour au
travail, si on a fait une bonne lecture du projet de loi, cotiser pour cette
période. Il s'agit là également, je pense, d'une
amélioration qui mérite d'être signalée. Cependant,
cette personne - faut-il le préciser - devra payer 200%, je pense, de sa
cotisation au régime de retraite, c'est-à-dire sa part et celle
de l'employeur. Là également, la chose nous paraît normale
puisque l'employeur n'a pas à débourser pour une période
de temps où l'employé n'a pas travaillé sans raison
valable. Comme on lui donne ainsi le choix de débourser ou non sa
cotisation, l'employé ne sera donc pas pénalisé pour la
période de temps où il a pris son congé sans solde.
D'autres aspects du projet de loi mériteraient d'être
signalés. Le ministre, dans son intervention, en a mentionné
quelques-uns. Je pense qu'il faut insister - et je suis convaincu que notre
collègue, Mme la ministre déléguée à la
Condition féminine, le signalera également - sur les
améliorations apportées par le projet de loi au titre des jours
de congé de maternité. Ainsi, par exemple, les jours de
congé de maternité qu'une enseignante ou une fonctionnaire peut
se créditer sont portés de 120 à 130. Les personnes
employées à temps partiel - cela intéresse
également un très grand nombre de femmes dans les secteurs public
et parapublic - retrouvent ainsi, en vertu du projet de loi, presque tous les
avantages du temps complet, autant en ce qui touche le régime de
retraite qu'en ce qui touche les cotisations à ce régime ainsi
que les remboursements et autres considérations afférentes.
Le mot conjoint mérite également d'être
signalé. La notion de conjoint est élargie par le projet de loi
dans le sens des préoccupations de Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine et
également de très nombreux intervenants au Québec. Dans la
loi actuelle, il ne fallait pas que l'un des deux conjoints soit marié
à une tierce personne, c'est-à-dire n'ait pas obtenu un divorce,
alors que, dans le projet de loi que nous étudions présentement,
on mentionne la notion de résidence depuis trois mois sur une base
maritale, c'est-à-dire habiter ensemble, même sans être
mariés, mais il n'est pas spécifié comme dans l'ancienne
loi que les conjoints devront effectivement être mariés.
Le ministre a parlé également des réformes qui sont
apportées à la commission administrative du rôle
également de cette responsabilité administrative. Concernant la
commission, M. le ministre, on ne l'a pas trouvé dans le projet de loi,
on ne spécifie pas le nombre de personnes faisant partie du
comité de retraite ou issu de la commission.
Faudrait-il le mentionner? Il y a des questions de quorum et de
fonctionnement que nous serons appelés à étudier. Je ne
veux pas allonger inutilement le débat. Je pense qu'il s'agit là,
encore une fois, de questions extrêmement techniques, mais
derrière toute cette technicité, cette complexité du
projet de loi, on voit qu'il y a des notions extrêmement importantes qui
sont en jeu: congés sabbatiques, congés de maternité,
retraite anticipée, etc., qui sont extrêmement importantes lorsque
l'on considère les conditions de travail des secteurs public et
parapublic.
Le ministre a signalé les impacts même économiques,
c'est-à-dire extérieurs aux secteurs public et parapublic, dans
la mesure où la notion de retraite anticipée, de congé, de
travail à temps partiel risquent de créer des possibilités
d'emploi pour un très grand nombre de travailleurs. Il ne s'agit pas de
penser que cela est une mesure extrêmement significative de redressement
économique, mais je ne voudrais pas non plus diminuer l'importance et la
signification de ce projet de loi au plan économique, comme le ministre
l'a indiqué. Comme je vous l'ai signalé, nous voterons sans
aucune réserve pour le principe de ce projet de loi qui, comme le
ministre nous l'a dit, a fait l'objet de négociations et d'ententes avec
les représentants des employés des secteurs public et parapublic.
C'est dans ce sens que nous croyons qu'après cet épisode combien
malheureux que l'on a connu au terme des négociations dans le secteur
public et parapublic, le gouvernement ajuste quelque peu son tir, panse
certaines blessures graves qu'il a causées pour les raisons que l'on
sait et que l'on a signalées à maintes reprises au gouvernement,
c'est-à-dire un manque de prévision et une mauvaise gestion du
gouvernement au titre de la négociation des conditions de travail des
secteurs public et parapublic.
Comme le gouvernement semble s'amender sur un certain nombre d'aspects,
peut-être pas majeurs, mais néanmoins importants, nous voulons
bien prendre avec lui acte des corrections qu'il apporte lui-même aux
erreurs graves qu'il a commises dans ce domaine.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je pense que tous mes
collègues qui sont intervenus jusqu'à ce moment-ci sur ce projet
de loi ont prévu mes interventions. C'était juste de les
prévoir, puisque ce projet concerne entre autres les femmes.
Peut-être pour relever certaines remarques du député de
Jean-Talon, si le gouvernement
a manqué dans l'aspect de ses prévisions et de sa gestion,
je pense qu'il n'est pas le seul. Cela concerne peut-être, si on veut,
dans ces périodes difficiles, parce qu'il y a beaucoup d'autres
entreprises, d'autres gouvernements, et je pense même des mouvements
syndicaux qui ont trouvé la crise particulièrement difficile. Ils
tentent de trouver les moyens les plus adéquats possible pour y
répondre en tentant d'atténuer les effets de ces moyens choisis
et peut-être qu'aujourd'hui, l'étude de ce projet de loi nous
amène justement à constater qu'il est cependant possible
d'apporter une certaine bonification à des gestes qu'on devait
forcément poser.
Il a été souligné aussi par mes collègues de
cette Assemblée que ce projet de loi était très technique.
Je pense que c'est très juste, mais - cette haute technicité du
projet de loi ne doit pas nous faire oublier qu'il s'agit essentiellement dans
ce projet d'amélioration ou de bonification concernant les
régimes de retraite des secteurs public et parapublic. J'espère
aussi, chaque fois qu'on pose ce genre de gestes, qu'on les discute avec nos
partenaires qui finiront par avoir des impacts sur le secteur privé. (12
h 40)
On dit que les objectifs de notre gouvernement, c'est entre autres
à l'égard des négociations avec nos employés des
réseaux parapublics, d'atteindre une certaine forme de parité
avec le secteur privé. Je pense qu'il faudrait aussi que le secteur
privé se penche, à l'occasion, sur les mesures que nous
choisissons de privilégier, particulièrement dans les
régimes de retraite, et que cela vienne peut-être bonifier
certains régimes qui sont offerts à leurs employés ou qui
sont discutés avec leurs employés. Je dois vous dire que je pense
particulièrement, à ce moment-ci, aux problèmes de
discrimination - j'y reviendrai - reliés aux avantages sociaux. On sait
qu'on a éliminé cette possibilité dans la Charte des
droits et libertés de la personne que nous avons amendée, mais le
débat n'est pas terminé et j'espère que ce que nous posons
comme geste nous amènera à apporter des conclusions positives
à ce débat, de sorte qu'on élimine effectivement la
discrimination au niveau des avantages sociaux.
Je vais m'arrêter sur les principaux éléments du
projet de loi qui concernent les femmes. J'aimerais cependant souligner, au
départ, deux éléments que mes collègues ont aussi
repris, mais je pense que cela fait partie du corps même du projet de loi
et il m'apparaît important qu'on s'y arrête. Ce sont, d'une part,
les perspectives d'une simplification de l'administration des régimes et
cela va dans la perspective de la politique gouvernementale. Nous
éliminons beaucoup de délais, donc, certaines tracasseries
administratives qui n'existeront plus et heureusement, je pense, parce que
certains de ces délais amenaient des gens à être
pénalisés à long terme et de façon importante si
ces délais n'étaient pas respectés.
C'est un peu bête, finalement, que, pour quelques jours, parfois,
avant d'annoncer, en fait, ou de demander qu'on puisse participer à
certains aspects du régime, on perde pendant des années un
avantage relié à une rente. L'élimination de ces
délais va aussi dans la perspective d'une déréglementation
à laquelle le gouvernement tente de s'attaquer le mieux possible, de
telle sorte qu'on élimine ces embêtements administratifs, et
parfois même inutiles, et qu'on rétablisse une certaine
équité dans le système.
L'autre élément, avant que j'aborde cette question qui
concerne les femmes, en particulier, c'est la modification des structures
chargées d'administrer les régimes de pension et d'assurances.
Nous arrivons à une proposition qui est un projet de parité dans
une des principales structures de la commission et je pense
particulièrement au comité de retraite paritaire qui sera
composé du président-directeur général de la
commission et de quatorze membres dont ce comité décisionnel, en
regard de l'administration des décisions relatives aux participants du
RRE, du RRF, du RREGOP, tous ces termes qu'on retrouve très bien
définis dans le projet de loi. J'aimerais m'arrêter
essentiellement sur sa composition.
On y parle du président de la commission et de quatorze autres
membres nommés pour une période qui n'excède pas deux ans,
dont huit, entre autres, seront répartis de la façon suivante:
une personne qui représente le personnel non syndicable, le personnel
d'encadrement, un représentant de chacune des centrales syndicales, soit
la CSN, la CEQ et la FTQ, et trois représentants des groupements
d'associations de salariés et enfin un représentant des
bénéficiaires du régime, ce qui est intéressant
dans ce projet de loi et qu'il m'importait de souligner ce matin.
Je vais m'arrêter maintenant en tentant de traiter de façon
bloquée, si on veut, les mesures qui concernent particulièrement
les femmes qui sont effectivement des bonifications. D'abord, les dispositions
reliées au congé de maternité. Ces dispositions vont
maintenant permettre en tout temps de faire créditer une période
de congé de maternité. Une personne qui est en congé de
maternité ne subit pas de perte au niveau de sa rente de retraite
puisque cette période lui est comptée comme du temps
travaillé, mais elle doit toutefois faire une demande à ce sujet.
La modification suggérée ici enlève les délais qui
étaient prévus pour faire une demande; ceci afin que
cette période soit créditée.
Les dispositions reliées au congé de maternité
permettront aussi le rachat - on l'a déjà dit - d'un congé
sans traitement même s'il est suivi d'un congé de
maternité. Les dispositions actuelles ne permettent le rachat d'un
congé sans traitement que s'il est suivi d'un retour au travail,
condition non remplie évidemment par les personnes qui prennent à
la suite un congé de maternité sans solde; c'est donc avantageux
pour les femmes.
Le projet de loi propose aussi d'augmenter à un maximum de 130
jours ouvrables le nombre de jours pouvant être crédités
à un employé en congé de maternité. Mon
collègue de Jean-Talon le soulignait sans expliciter cela davantage.
C'est vrai que c'est une amélioration pour les femmes. Pourquoi
procède-t-on de cette façon? Pourquoi allonge-t-on? Parce qu'il
est prévu que, si l'état de santé de l'enfant le justifie,
on peut prolonger ce congé de maternité de 20 semaines qu'il est
à 26 semaines. Si ce n'était pas prévu dans le
régime de retraite, ces six semaines nous excluaient de cet avantage.
C'est pour cette raison, entre autres, qu'on a augmenté le maximum de
jours ouvrables. C'est un premier volet.
Le deuxième volet, ce sont les dispositions reliées au
rachat des crédits de rentes. Une autre disposition permettra en tout
temps le rachat d'un congé sans traitement au RREGOP. Les dispositions
actuelles permettent le rachat si la demande est faite à
l'intérieur d'un certain délai, toujours. Les modifications
proposées éliminent le délai tout en prévoyant un
paiement d'intérêt si la demande de rachat est faite après
la fin de l'année civile au cours de laquelle le congé se
termine. C'est avantageux pour les personnes qui prennent un congé sans
solde. Ce sont surtout des femmes. Mon collègue, le président du
Conseil du trésor, soulignait que l'un ou l'autre des conjoints peut se
prévaloir de cette mesure et prendre un congé sans solde. Ce sont
encore beaucoup de femmes qui sont concernées, mais la proportion
augmente du côté des hommes. C'est heureux parce que cela va,
entre autres, dans le sens d'une égalité. Peut-être bien
que les hommes, se sentant un peu plus responsables de leurs enfants,
commencent à s'en occuper à leur tour.
Cela peut être aussi des congés... J'entends dire qu'on
trouve cette remarque dure, mais enfin elle est la réalité,
malheureusement, réalité qu'on tente de corriger et
j'espère qu'on y arrivera. C'est un peu long de changer les
mentalités, je pense que tout le monde en conviendra.
Cependant, cette modification sur le rachat en tout temps d'un
congé sans traitement, même si elle se fait en dehors des
délais prévus et qu'il y a un intérêt qui est
facturé, ce qui est assez normal, cela permet à des gens qui
auraient moins de disponibilité financière de racheter ces
crédits de rentes à un moment où leur disponibilité
est plus grande. Cela est aussi un avantage qui n'est pas mentionné
souvent, mais qui est là. Le projet permettra aux personnes qui
travaillent à temps partiel de racheter des crédits de rentes et
ainsi de ne pas être pénalisées au moment où elles
prennent leur retraite. C'est assez important. En soi, la mesure est
intéressante, mais elle est significative d'une orientation qui a
été prise relativement au travail à temps partiel et on
parlera davantage de congé à mi-temps que de travail à
mi-temps. C'est une philosophie qu'on essaie de développer et qui place
le travail à temps partiel dans une tout autre perspective que celle
selon laquelle on aborde habituellement cette question.
Il y a aussi une autre modification à laquelle je faisais
référence lors de mon introduction. Cette modification propose
l'établissement de tables de primes unisexes aux fins de l'achat des
crédits de rentes. C'est une question qui a toujours l'air très
compliquée; mais finalement elle ne l'est pas tant que cela. Se basant
sur le fait que les femmes vivent plus longtemps, on doit donc leur payer des
rentes pendant de plus longues périodes. On dit: Comme on doit leur
payer des rentes pendant de plus longues périodes, on va leur donner un
montant un peu plus bas, parce qu'elles vont en avoir plus longtemps. Si elles
veulent donc avoir au total le même montant, il sera plus petit pendant
plus longtemps. Je dis que les femmes devront être pauvres pendant plus
longtemps. Cela n'existe pas dans nos régimes, mais cela existe dans les
régimes privés, ce que je voudrais d'abord corriger au moment
où on va réexaminer les avantages sociaux par l'étude des
règlements modifiant la Charte des droits et libertés de la
personne.
Cependant, dans notre régime, on payait plus cher notre
crédit à l'achat si on était une femme, puisqu'on disait:
Soit qu'on le paie plus cher à ce moment-ci pour avoir le même
gain par la suite, ou qu'on ait un gain plus bas en payant le même prix
au moment où on les achète. Cela, c'est corrigé. Je suis
particulièrement heureuse que ce soit corrigé parce que je pense
que, si on se met à regarder un certain nombre d'autres facteurs, -
évidemment, il y a notre longévité, notre capacité
de vivre plus longtemps - je pense qu'il y en a un certain nombre qui ont un
impact sur l'aspect de durée de vie des personnes qui n'est pas
nécessairement lié au sexe.
Cela nous amènerait peut-être à nous poser un
certain nombre de questions. Sans doute que, si on faisait une étude,
on
constaterait que les fumeurs et les non-fumeurs ont une durée de
vie moyenne différente. On constaterait sans doute aussi que les
personnes qui, par exemple, perdent des points de conduite sont des risques
plus élevés. On l'a constaté dans les régimes
d'assurance automobile, cela représente des risques plus
élevés quant à leur vie. On constaterait un certain nombre
de facteurs comme ceux-là qui font que le sexe deviendrait
peut-être plus secondaire si on se posait ce type de question sur la
notion de risque. (12 h 50)
Les femmes étant plus conscientes de l'importance de la
qualité de la vie y accordent peut-être plus d'attention, ce qui
fait que leur longévité est d'autant prolongée. Nous
corrigeons ici au niveau du rachat, ce qui est une amélioration, en
espérant que les entreprises privées s'en inspireront. Je le
souhaite fortement.
Enfin, il y a des dispositions reliées aux enfants à
charge. Il y a une proposition qui vise à limiter à 90% la
pension de la personne décédée, l'ensemble des
bénéfices payables aux ayants droit, et reconnaît le droit
à ces bénéfices à tous les enfants de cette
personne. C'est ce que soulignait tout à l'heure mon collègue de
Jean-Talon. Comme existent maintenant de plus en plus des unions de fait, des
séparations, des divorces - c'est malheureux, mais c'est un fait, c'est
un constat qu'on doit faire - il y a donc des enfants de différents
mariages qui peuvent être présents dans la situation
concernée par la personne qui lègue une partie de son
régime ou les effets de son régime, ou qui peuvent être
nés d'unions de fait. Donc, ils pourront être reconnus par cette
correction apportée au projet.
Enfin, mon collègue, le président du Conseil du
trésor, s'y est arrêté tout à l'heure, et même
si ça ne concerne que quelques personnes, je pense que ça vaut la
peine de le souligner. Il a dit que c'était peut-être une
réalité sociale avec laquelle on avait appris à vivre. Il
s'agit du fait que certaines personnes, des femmes, parce qu'elles
décidaient de se marier ou d'avoir des enfants, lorsqu'elles
étaient dans l'enseignement en particulier, devaient quitter leur
emploi, devaient carrément démissionner. Certaines de ces femmes
ont été pénalisées et le projet de loi tente de
corriger ce qui leur est arrivé en leur permettant de remettre les
cotisations qu'on leur avait remboursées au moment de leur
congédiement.
C'était peut-être un phénomène social qu'on
acceptait à ce moment-là, qui n'est jamais acceptable en soi, me
semble-t-il, mais enfin on l'acceptait à ce moment-là. Je
voudrais l'utiliser un peu, deux secondes ou deux minutes, pour parler des
programmes d'accès à l'égalité. Des gens ont de la
difficulté à comprendre pourquoi les femmes, des groupes de
femmes de même que d'autres groupes de la collectivité se battent
pour faire un rattrapage un petit peu plus rapide dans les conditions de
travail ou dans l'accès à certains services en implantant entre
autres ce que l'on appelle des programmes d'accès à
l'égalité.
Des gens disent: Pourquoi veut-on aller si vite? Laissons faire les
choses. Dans 50 ans, probablement que les femmes composeront la moitié
de cette Assemblée nationale. Je suis un peu plus impatiente que cela,
je n'ai pas le goût que cela prenne 50 ans et je dis qu'il faut faire des
programmes d'accès à l'égalité; il faut prendre des
mesures correctives.
Quand on constate que des choses comme celles-là ont
existé, non pas il y a 50 ans, non pas il y a 60 ans, mais il y a
à peine 10 ou 15 ans, je me dis que c'est peut-être normal que
maintenant, à cause de cette discrimination qu'on a vécue dans le
temps, qui était carrément injuste même au plan humain tout
simplement, on ait le goût de se rattraper et d'aller un petit peu plus
vite dans les corrections des discriminations.
D'ailleurs, parfois, en période de crise en particulier, je me
dis que ces vieux réflexes reviennent un peu à la surface. J'ai
participé à quelques reprises à des lignes ouvertes ou
à des discussions avec des personnes peut-être moins
préoccupées que je ne le suis, comme ministre à la
Condition féminine, de cette question d'équité concernant
les femmes et la réflexion venait parfois. Je me disais: Mon Dieu! on
n'a pas beaucoup de respect humain pour la faire encore, mais enfin elle
venait: Pourquoi les femmes ne retourneraient-elles pas à la maison pour
laisser la place aux vraies personnes qui devraient travailler, les pourvoyeurs
qui sont évidemment les hommes? Je me dis que c'est ce vieux
réflexe qu'on avait où les femmes étaient
considérées comme dépendantes, non autonomes, devant se
fier essentiellement à un pourvoyeur, et cette notion
d'égalité n'existait pas, tout compte fait. Je me dis que parfois
cela surgit de nouveau, malheureusement. J'espère qu'avec le temps, ce
type de comportement disparaîtra complètement de nos discours et
de nos interventions.
J'ai tenté de faire le tour de l'ensemble des
éléments du projet de loi qu'il me paraissait important de
souligner à ce moment-ci et qui ont un impact sur les participantes au
régime; aussi sur cet aspect de déréglementation, de
simplification, d'élimination des délais et cette approche d'une
plus grande parité dans la prise de décision par le fait,
d'ailleurs, que ce sont les personnes qui participent, qui contribuent au
régime et qui en ont aussi les bénéfices, si on veut, de
sorte qu'elles y trouvent une
place au niveau du processus décisionnel.
Pour toutes ces raisons, je ne peux que me réjouir du projet de
loi que nous étudions aujourd'hui et il est évident que je vais
l'appuyer. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. L'horloge indique qu'il
reste quatre minutes. Comme mon intervention sera courte, mais pas à ce
point que je puisse espérer la terminer dans l'espace de trois minutes,
je demanderais la suspension du débat.
Le Vice-Président (M. Jolivet):
L'Assemblée suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
(Reprise de la séance à 15 h 05)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Vous pouvez vous asseoir.
Nous reprenons le débat de deuxième lecture du projet de
loi no 21, Loi modifiant les régimes de retraite et diverses
dispositions législatives.
La parole est au député de Louis-Hébert. M. le
député.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. Le projet de loi no 21
qui nous est présenté par le gouvernement, plus
particulièrement par le président du Conseil du trésor et
ministre délégué à l'Administration, est un projet
de loi très éclectique qui couvre une variété de
sujets. On apprend, en feuilletant ce projet de loi qui est quand même
considérable étant donné qu'il contient 115 pages, qu'il
modifie au moins quatorze lois différentes. Il serait illusoire, M. le
Président, n'étant pas un expert et n'étant pas un
actuaire non plus, de penser en faire le tour. Cependant, les quelques
connaissances que j'ai et les rencontres que j'ai eues avec un certain nombre
de personnes m'obligent à porter à la connaissance du
gouvernement un certain nombre de choses.
D'abord, ce projet de loi se situe dans la suite d'un certain nombre
d'événements législatifs qui ont, pour employer une
expression populaire, donné mauvaise bouche aux gens qui, justement,
vont être affectés par ce projet de loi. On ne peut pas croire
qu'on puisse subir les effets de lois que j'hésite presque à
nommer, étant donné que cela a été fait si souvent
ici, à l'Assemblée nationale, comme les lois nos 68, 70, 111,
etc., et arriver avec un projet de loi qui, évidemment, tente de
corriger certaines situations déficientes sans que les gens qui
devraient, qui doivent ou qui devront, plus exactement,
bénéficier des dispositions de ce projet de loi se méfient
un tantinet. Il est dans la nature humaine de se méfier quand on a
été "maltraité" de quelque façon. J'emploie ce mot
entre guillemets, ne trouvant pas, pour le moment, d'autres mots. On dit, en
langage populaire encore, que chat échaudé craint l'eau froide.
Pourtant, c'est l'eau chaude qu'il devrait craindre et il craint l'eau froide.
Pourquoi? Parce que c'est de l'eau.
Je veux bien croire aux bonnes intentions du gouvernement, aux bonnes
intentions du ministre et du président du Conseil du trésor en ce
qui concerne les situations qui doivent être corrigées par ce
projet de loi. Cependant, force m'est de rappeler que des gestes ont
été posés récemment, des gestes pensés, des
gestes planifiés, des gestes envers la fonction publique, des gestes
envers les travailleurs et les travailleuses des hôpitaux, des gestes
envers les enseignants et les enseignantes, qui les ont mis dans une situation
pire que celle qu'ils connaissaient avant l'intervention du gouvernement. Qu'on
ne se surprenne pas qu'on exprime, de la part de ces gens que je viens de
mentionner, une certaine crainte vis-à-vis les interventions futures du
gouvernement, quelles qu'elles soient, en ce qui les concerne.
Il serait contraire à la nature humaine que de pouvoir croire une
telle chose. C'est dans cette ligne de pensée que je dis au ministre: il
faut que vous alliez plus loin dans certains domaines. Il faut que vous fassiez
certains ajustements. Je fais référence plus
particulièrement à une première chose qui me frappe en ce
qui concerne le congé sabbatique à traitement
différé. Je ne pense pas qu'on puisse chercher querelle au
ministre président du Conseil du trésor ni au gouvernement.
D'ailleurs, c'est une de nos suggestions, c'est une des avenues que nous avions
suggéré d'explorer pour la solution du problème auquel
avait à faire face le gouvernement quand il s'est agi de diminuer les
coûts attachés au paiement des salaires des enseignants et des
enseignantes. Nous avions nous-mêmes, de ce côté-ci de la
Chambre, suggéré d'explorer cette avenue. Maintenant, le
ministre, dans ce projet de loi no 21, fait état de la
possibilité d'un salaire moindre dans l'espace de quatre ans pour
pouvoir permettre à des enseignants et à des enseignantes de
disposer d'une année de congé sabbatique.
Très bien. Nous en sommes. Pas de problème, nous sommes
d'accord avec cela. Cependant, il faudrait penser que sur les fonds
épargnés par le gouvernement, étant donné qu'il
devra faire des déductions
salariales de l'ordre d'un quart, 25%, sur le salaire annuel des
enseignants et des enseignantes qui voudront se prévaloir de cela, il
faut que le gouvernement pense que ces fonds qui ne seront pas
déboursés, ces subventions, j'imagine, qui ne seront pas
versées aux commissions scolaires parce que le besoin ne sera pas
là pour des salaires qui ne devront pas être payés dans
telle année, vont rapporter des revenus et vont payer des
intérêts. Ce que je demande au président du Conseil du
trésor et au gouvernement, c'est de tenir compte de ces revenus dont va
profiter le gouvernement du fait qu'il n'aura pas, pendant l'espace de quatre
ans, à payer 25% du salaire de quelqu'un ou de quelqu'une qui
décide de se prévaloir de ce congé sabbatique à
traitement différé. Avec les taux d'intérêt qu'on
connaît, avec aussi le temps - parce qu'il pourra s'écouler, sur
un traitement donné, une période de quatre ans le gouvernement va
donc profiter de l'intérêt de 25% du salaire pendant quatre ans
pour la première année de celui ou de celle qui voudra avoir un
congé sabbatique à traitement différé.
L'année d'après, ce sera pendant trois ans, deux ans et
finalement un an. Je ne trouve nulle part dans la loi de disposition qui tienne
compte de cette épargne de fonds que fera le gouvernement. Je pense
qu'en toute équité, en toute honnêteté, en toute
justice et en toute comptabilité purement et simplement on devrait en
tenir compte. Je demande au ministre de m'indiquer dans sa réplique s'il
a l'intention de tenir compte de cela, s'il a l'intention de faire un effort
pour ajuster la loi pour tenir compte de cette épargne que fera le
gouvernement. Je ne veux pas en parler plus longtemps. Je pense que je me suis
fait comprendre là-dessus.
Je voudrais aussi dire un mot sur le fait que la retraite
anticipée est une chose qui doit être rendue possible avec le
moins de dommages possible pour ceux qui décident d'en prendre avantage.
Je crois qu'il y a un effort de fait de ce côté-là, mais je
pense que cela devrait peut-être aller plus loin. Il y a des personnes
qui, rendues à 55 ans, ont travaillé suffisamment longtemps, ont
donné le meilleur d'elles-mêmes, ne sont plus disponibles ou aptes
à apprendre de nouvelles techniques, à exercer de nouveaux
métiers ou une nouvelle profession ou à faire la bifurcation
qu'imposeraient les changements technologiques. Je pense que, dans des cas
semblables, le gouvernement devrait permettre une retraite anticipée
plus facile. Je pense, plus particulièrement, aux personnes que nous
appelons, par euphémisme, les fonctionnaires ou les enseignants, en tout
cas les personnes des secteurs public et parapublic sous-utilisées ou
inutilisées, celles qu'on a qualifiées de "tablettés".
Ces personnes coûtent très cher à l'État.
Elles souffrent d'une situation qui leur est imposée, à la suite
de situations de conflit personnel avec lesquelles elles doivent vivre et dont
elles ne sont très souvent pas responsables, à la suite de
changements d'orientation qui leur ont été imposés,
à la suite de changements de direction dont elles dépendent. Ce
personnel sous-utilisé ou inutilisé devrait pouvoir profiter des
avantages de la retraite anticipée, et ce dès l'âge de 55
ans, avec possiblement certaines pénalités qui pourraient faire
en sorte que ces personnes aient un prix à payer. D'un autre
côté, - je ne comprends pas très bien le projet de loi
à ce sujet, si le ministre veut m'éclairer, il le fera - il
faudrait qu'elles puissent se retirer honorablement de l'enseignement, se
retirer de la fonction publique, se retirer du secteur hospitalier. Sans
qu'elles le veuillent, d'une façon involontaire, elles sont devenues un
boulet jusqu'à un certain point pour l'ensemble des contribuables
québécois; un boulet financier, puisqu'on leur paie leur plein
salaire et, finalement, elles sont les premières à l'admettre,
elles ne gagnent pas leur sel. Elles ne demanderaient pas mieux que de faire
des concessions financières acceptables, qu'elles pourraient discuter de
façon à pouvoir se retirer honorablement de la fonction publique,
du secteur public ou parapublic tout en cessant d'être payées et
tout en profitant d'une retraite qui soit acceptable, d'une retraite qui soit
raisonnable.
Dans ce domaine, il faudra que le gouvernement fasse des efforts
particuliers.
Il devra tout d'abord très spécifiquement de faire
l'inventaire précis du nombre de personnes qui seraient affectées
par de telles mesures. Pour faire cet inventaire, il faudra qu'on reconnaisse
que le problème existe. Il faudra qu'on voie que telle chose existe
à l'intérieur de la fonction publique, à
l'intérieur du monde enseignant, à l'intérieur du secteur
hospitalier, que du personnel sous-utilisé ou inutilisé. Il
faudra qu'on reconnaisse cela. Ce n'est pas l'apanage exclusif de ce
gouvernement. Je ne lui lance pas la pierre d'avoir inventé cette
situation de fait, mais étant donné qu'il nous arrive avec un
projet de loi volumineux de 114 pages, le projet de loi no 21, je lui demande
de faire un effort maintenant pour corriger cette situation.
C'est le temps de faire ça, c'est le temps de faire un inventaire
et c'est le temps de faire des propositions précises. Cela peut
être fait à un coût raisonnable. Tout compté, je
pense qu'on pourra facilement en venir à la conclusion que ça
coûtera moins cher au trésor public, ça coûtera moins
cher en deniers publics de proposer une retraite dans des termes non pas d'une
extrême générosité, mais dans des termes acceptables
à des gens qui veulent se
retirer du domaine où ils sont actuellement de façon
qu'ils puissent utiliser leurs énergies à autre chose. Je
demanderais au président du Conseil du trésor de faire en sorte
que cet inventaire se fasse, cette prise de conscience du personnel non
utilisé dans le secteur public, dans le monde du travail des secteurs
public et parapublic.
Dans les prochains jours, j'imagine, le projet de loi sur la disparition
du ministère de la Fonction publique sera présenté. Le
moment est choisi, tout concourt pour qu'on réalise que ce
problème existe et qu'on fasse un effort concerté, un effort
réfléchi, un effort réel pour régler ce
problème. Cela peut être fait maintenant à la condition
qu'on réalise que le besoin est là. Tout ce qu'il manque
maintenant, c'est une volonté de la part du gouvernement.
Je ne peux absolument pas non plus, en tant que représentant de
ma formation politique dans ce domaine, passer sous silence l'injustice criante
qui dure depuis de nombreuses années en ce qui concerne les religieux et
les religieuses laïcisés sécularisés. Ce
problème a été exposé de toutes les façons,
à tous les niveaux, il a été expliqué de long en
large. Il y a des gens dont le dévouement est absolument sans borne et
qui, depuis de nombreuses années, tentent d'expliquer à toutes
les instances et à toutes les occasions l'acuité du
problème auquel ils ont à faire face. Malheureusement, c'est
toujours une occasion ratée après une autre occasion
ratée. Mais la situation ne peut pas durer indéfiniment. (15 h
20)
Je pense que le gouvernement a une responsabilité,
premièrement, de réaliser qu'il y a des situations injustes qui
peuvent exister. Quand on a réalisé cela, il il faut faire un
effort pour les corriger. C'est le gouvernement qui a cette
responsabilité. On doit réaliser que la situation des enseignants
sécularisés après 1965 a été, d'une
façon très discriminatoire, à l'encontre de leurs
intérêts. C'est une situation dont ils sont, à proprement
parler, les victimes.
J'écoutais le ministre, tout à l'heure, qui faisait
état des améliorations qu'on trouvait dans le projet de loi qui
acceptait ce que notre société en est venue à accepter,
c'est-à-dire des unions matrimoniales qui, auparavant, auraient fait
l'objet d'une condamnation sociale.
Dans la même ligne de pensée je fais appel au ministre pour
que, ayant réalisé cela et dans la ligne du même
raisonnement que celui qu'il tient au sujet des conjoints et des conjointes,
des compagnons et des compagnes, des retraités futurs ou
présents, il tienne compte aussi de l'évolution de notre
société en ce qui concerne les religieux et les religieuses
sécularisés après 1965. Leur situation économique
au sujet de la retraite est catastrophique et intenable. Je ne pense pas que le
gouvernement puisse même feindre actuellement de l'ignorer. La
connaissant - elle lui a été expliquée en commission
parlementaire et de différentes façons à tout moment
donné - je demanderais au ministre d'en tenir compte et de faire en
sorte qu'elle soit corrigée; que le ministre profite du projet de loi no
21 pour y insérer des dispositions qui corrigeraient la situation.
Je sais, parce que j'en ai été informé
personnellement, que les personnes qui sont des représentants
autorisés de ces religieux et religieuses sécularisés sont
prêtes à rencontrer le ministre, à lui expliquer leur
situation, à faire savoir comment pourrait être corrigé
leur problème. Dans les circonstances je fais appel à la bonne
foi du ministre, à son esprit d'équité et de justice; je
fais appel au même raisonnement qu'il tenait il y a quelques minutes,
avant que nous n'allions prendre le déjeuner, M. le Président. Il
nous disait que notre société a évolué. Ce qui
était inacceptable pour nos pères est effectivement devenu
acceptable pour nous maintenant. Dans les circonstances, M. le
Président, ne pouvant m'adresser au ministre, je le fais par votre
intermédiaire sachant qu'il m'écoute attentivement
j'espère, je lui demande de faire cet effort et de poursuivre plus loin
son raisonnement. Si c'est bon pour un groupe, c'est bon pour l'autre.
Je n'ai pas de démonstration à tout casser à faire
de cela, je n'ai pas comme il le fait très souvent, à sortir ma
petite calculatrice. Il va le comprendre sans que j'aie à le faire. Ce
n'est pas une question de sinus et de cosinus, c'est le simple bon sens.
À partir de là, je fais appel au ministre. Qu'il laisse sa
calculatrice dans ses poches et qu'il accepte le principe. Qu'il regarde la
question d'équité et la question de principe, il sortira sa
calculatrice après pour faire ses calculs. Qu'il regarde le fond du
problème.
C'étaient les questions que je voulais soumettre à cette
Assemblée, c'était ce que je voulais demander au gouvernement de
considérer dans ce discours de deuxième lecture. Je suis d'accord
avec le projet de loi, ma formation politique est d'accord avec le projet de
loi, nous vous soulignons que des améliorations peuvent être
apportées, qui doivent être apportées. Nous demandons,
parce que c'est encore le temps de le faire, au ministre de bien vouloir se
pencher sur ces problèmes que j'ai énumérés. Si
jamais il peut le faire, comme je pense qu'il est de son devoir de le faire, il
pourrait considérablement bonifier le projet de loi à
l'étude devant nous.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le président du
Conseil du trésor et ministre délégué à la
Réforme administrative, votre droit de réplique.
M. Yves Bérubé
(réplique)
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Merci, M.
le whip, votre présence m'est chaude au coeur.
Ma réplique ne saurait être très acerbe dans la
mesure où je n'ai entendu que des appuis de part et d'autre de la
Chambre au projet de loi qui a été déposé. Je pense
qu'il faut reconnaître que ce n'est pas un projet de loi
pénalisateur, au contraire, c'est un projet de loi à l'avantage
des employés du secteur public qui bonifie des conditions de
régime de retraite et qui, je pense, sera apprécié de
tous, d'autant plus qu'il permet en même temps de mettre en place des
politiques pour mieux utiliser les effectifs à l'emploi de la
société québécoise et, de ce fait, ne peut
être qu'apprécié de l'ensemble de nos concitoyens.
Je reprendrai quand même certaines réflexions qui ont
surtout abordé des points extérieurs au sujet. C'était
assez intéressant d'entendre le député de
Louis-Hébert me recommander de ranger mon ordinateur loin de moi et de
m'engager sur le principe pour, une fois que je me serais engagé sur le
principe, sortir mon ordinateur. C'est bien là le député
de Louis-Hébert. J'ai commencé par sortir mon ordinateur avant de
discuter de principe et, malheureusement, mon ordinateur m'a enseigné
que s'engager sur des principes était parfois très
aléatoire. Ainsi, le point soulevé par le député de
Louis-Hébert peut se résumer de façon très simple.
Des religieux ne participaient pas aux régimes de retraite de
l'État, étant entendu que leur communauté religieuse leur
assurait le toit, l'asile, lorsque viendrait le moment de prendre leur
retraite. Le problème s'est posé, cependant, lorsqu'un grand
nombre de nos concitoyens religieux ont quitté les ordres et, souvent,
ont continué à travailler, soit dans le secteur de
l'éducation où ils étaient ou ailleurs. Ils se sont donc
retrouvés sans pension assurée pour leurs vieux jours. Il y avait
un cas particulier assez évident. C'était le cas de deux
personnes, un ex-religieux, et un laïc, qui, dès le départ,
avaient fait carrière toute leur vie dans l'enseignement, dans la
même école. L'un se retrouvait avec une pension, l'autre sans
pension. Face à cette situation, le gouvernement s'est laissé
attendrir et, il y a quelques années, nous avons déposé
à l'Assemblée nationale un projet de loi qui a été
adopté, la loi no 60, et qui a permis à ces ex-religieux
enseignants de racheter une partie des années antérieures, non
pas toutes. Ils avaient également droit à des crédits de
rente pour les années qu'ils ne pouvaient pas racheter.
À cet égard, j'ai le plus grand respect pour la patience
et la persévérance du groupe Dolbec qui ne manque pas, sans doute
à tous les jours, d'assaillir le bureau du député pour
faire pression sur lui, comme il le fait d'ailleurs sur tous les
députés du parti de ce côté-ci de la Chambre. Et je
peux comprendre que le député de Louis-Hébert finisse par
se laisser tenter par l'idée que, déjà, ce que nous avons
offert n'était peut-être pas suffisamment généreux,
qu'il faudrait aller plus loin, qu'il faudrait peut-être accorder la
pleine reconnaissance, tel qu'il le demande.
Ceci ne coûterait pas cher, M. le Président; seulement 78
000 000 $. Je m'excuse d'avoir pris ma calculatrice avant de m'être
engagé sur le principe, mais quand même. Cela ne coûterait
que 78 000 000 $. Mais il y a un problème, M. le Président. Notre
charte des droits, que l'Opposition libérale respecte, on le sait - elle
en profite pour dénoncer tout geste de l'Assemblée nationale qui
pourrait être en violation avec la charte des droits - dit qu'on ne peut
faire de discrimination sur la base du statut. Il est gênant, à ce
moment-là, de ne pas appliquer cette même
générosité non seulement aux ex-religieux, mais
également aux religieux. Pourquoi un religieux serait-il traité
différemment par le député de Louis-Hébert qu'un
ex-religieux? À moins de porter un jugement moral sur le fait que la
personne a quitté les ordres, ce qui ne m'apparaît pas
approprié certainement et n'est certainement pas dans l'esprit du
député de Louis-Hébert, sans aucun doute. Si je voulais,
au nom de l'équité la plus complète, traiter religieux et
ex-religieux sur la même base, il faudrait que j'ajoute 500 000 000 $. Je
m'excuse, M. le Président, d'utiliser mon ordinateur, c'est 500 000 000
$. (15 h 30)
Mais j'ai un problème. Il existe à Hydro-Québec des
employés qui avaient travaillé dans les anciennes
sociétés nationalisées au moment de la création
d'Hydro-Québec. Ces concitoyens, parce qu'ils n'avaient pas
contribué à des régimes de retraite aussi
généreux que ceux d'Hydro-Québec, n'ont pas droit à
des rentes, des pensions aussi généreuses que leurs
collègues avec qui ils travaillent. Iniquité, me diriez-vous, M.
le Président. Peut-être pas vous, mais vous vous feriez
l'interprète du député de Louis-Hébert pour me
transmettre sa perception. En effet, si on est pour traiter les ex-religieux
d'une façon, il faut traiter également tous nos concitoyens qui
ont gagné leur vie dans des entreprises et qui n'ont pas eu la chance au
début de leur carrière de profiter des mêmes régimes
de retraite que ceux avec qui ils travaillent maintenant. Cela ne
coûterait que 200 000 000 $. Je m'excuse de prendre mon calculateur
à nouveau, mais malheureusement il faut le calculer, 200 000 000 $. 500
000 000 $ plus 200 000 000 $, cela fait 700 000 000 $, plus 78 000 000 $, cela
fait 778 000 000 $, M. le Président, ce que vient de demander le
député de Louis-Hébert au nom de la plus grande
équité. D'ailleurs, je vois le député de
Brome-Missisquoi qui rigole en arrière de votre trône, M. le
Président. Je vois également qu'il est, lui aussi, saisi par
l'ampleur des chiffres. Il faut parfois, effectivement, faire un petit calcul
avant de s'engager sur des principes.
Ce n'est pas tout, M. le Président. Il y a dans tout le
réseau des affaires sociales, et mon collègue des Affaires
sociales pourrait en témoigner, un grand nombre de nos concitoyens qui
travaillaient dans les hôpitaux avant que le ministère n'assume la
responsabilité de ces institutions de santé. Ils n'ont pas droit,
non plus, à des pensions aussi généreuses que leurs
concitoyens qui ont eu la chance de participer toute leur vie au régime
de retraite du gouvernement. Si on est pour le faire pour les ex-religieux,
pour les religieux, pour les employés d'Hydro-Québec ayant
participé aux entreprises dites nationalisées, il faudrait le
faire pour les employés du réseau des affaires sociales qui,
également, se retrouvent avec une pension moins généreuse
parce qu'au début de leur carrière leur hôpital
n'était pas intégré au réseau des affaires
sociales.
Cela ne coûterait que 1 300 000 000 $ comme opération
d'équité, c'est-à-dire que le principe
d'équité dont parle le député de
Louis-Hébert coûte 2 000 000 000 $.
Autant, comme société, on pourrait vouloir accorder
à tous nos concitoyens le traitement le plus généreux
possible durant leurs vieux jours, autant il faut aussi tenir compte de ce que
cela coûterait, car alors il faudrait aller le chercher dans la poche de
tout le reste du monde. Il y a des gens qui eux n'auraient de tels avantages,
puisqu'ils n'ont pas la chance de travailler pour l'Etat, mais qui seraient
obligés de payer ces milliards et ces milliards de dollars pour assurer
de telles conditions. Là se pose un autre problème
d'équité. Doit-on faire payer à quelqu'un qui ne profite
pas d'un avantage la grosse somme pour permettre à certains de profiter
de ces avantages?
Après être passé par l'utilisation d'un calculateur,
on retombe sur un autre principe d'équité: c'est que tout ce qui
est beau, bon et généreux ne peut peut-être pas être
assumé par la collectivité qui n'a pas les moyens à
l'heure actuelle de s'offrir de telles conditions. Non pas que ce ne soit pas
désirable en soi. Que les ex-religieux enseignants désirent de
meilleures conditions de retraite, j'en suis, je le comprends. Mais que la
collectivité québécoise pense qu'elle n'a pas 78 000 000
$, 300 000 000 $, 500 000 000 $, 1 000 000 000 $, 2 000 000 000 $ pour garantir
des conditions absolument uniformes à l'ensemble des employés du
secteur public, qu'ils aient défrayé ou non le coût de tels
régimes dans les années où ils ont commencé
à travailler, il faut quand même reconnaître qu'il y a
là plus qu'un principe d'équité au sens limité que
l'abordait le député de Louis-Hébert, mais il y a un
principe d'équité beaucoup plus large, c'est qu'est-ce que la
société peut effectivement offrir aux employés du secteur
public. De toute évidence, la calculatrice permet parfois de ramener la
discussion partie d'un principe à un autre principe, et de nous amener
à ce moment, je pense, à décider de ne pas aller plus
loin. C'est la raison pour laquelle, après avoir longuement
étudié le cas des ex-religieux enseignants, des religieux
enseignants, des religieux travaillant ailleurs au gouvernement, après
avoir regardé le cas des employés nationalisés
d'Hydro-Québec, le cas des employés du réseau des affaires
sociales, nous avons dû reconnaître qu'ils ne profitent pas, il est
vrai, d'un régime de retraite aussi avantageux que leurs concitoyens,
mais que ceci résulte simplement de conditions de travail auxquelles ils
étaient assujettis au début de leur carrière, lesquelles
ont fait en sorte qu'ils n'ont pu accumuler un fonds de retraite aussi
avantageux. Nous ne pouvons pas comme collectivité corriger ce
problème particulier. S'il doit être corrigé, il doit
être corrigé au nom de l'équité même pour
l'ensemble des citoyens et, à ce moment-là, il y a une prise en
considération des coûts qu'il faut faire.
Quant aux autres remarques du député de
Louis-Hébert, il a souligné, d'une part, que l'octroi de
congés sabbatiques dont le coût est nul pour le gouvernement se
traduit aussi par une économie, dans la mesure où on ne paie que
75% ou 80% du salaire, et il s'est posé la question suivante: Qu'est-ce
que le gouvernement ferait avec l'économie? Je pense que, sans doute
parce qu'il n'était pas au courant, il n'a pas pu souligner la
création d'un fonds pour le personnel enseignant mis en
disponibilité, lequel fonds sert essentiellement à
accroître le niveau de rémunération pour les enseignants si
nous réussissons à réduire le nombre d'enseignants en
disponibilité en deçà d'un certain seuil.
C'est-à-dire, M. le Président, que les économies que nous
faisons grâce à la retraite anticipée, grâce au
programme de congés sabbatiques, ces économies servent
essentiellement à financer ou vont servir essentiellement à
financer une bonification des conditions de travail des employés du
secteur public. Nous avons dégagé une masse d'argent que nous
avons mise dans un compte qui a été voté ici à
l'Assemblée nationale. Ce compte ou ce fonds est administré
conjointement par les syndicats et le gouvernement et c'est ce fonds qui sert
à financer toutes les mesures dont nous parlons ici dans ce projet de
loi; ce fonds, effectivement, fait en sorte que les économies dont on
parle sont recyclées en
amélioration des conditions de travail des employés du
secteur public. Donc, le gouvernement ne fait pas d'économies. Il
recycle cet argent en amélioration des conditions de travail.
Le député de Louis-Hébert a également
mentionné que la retraite anticipée ainsi proposée par le
gouvernement était fort avantageuse, et je le reconnais. Il a
souligné qu'on devrait permettre à tout employé de pouvoir
également prendre une retraite anticipée plus vite encore que ce
qui est proposé dans le projet de loi, c'est-à-dire d'être
encore plus généreux. Il a dit: Cependant, le gouvernement
pourrait évidemment envisager une pénalité qui pourrait
s'appliquer à quelqu'un qui choisirait une retraite anticipée. Il
a mentionné l'âge de 55 ans, par exemple, lorsque quelqu'un,
étant fatigué ou usé et ne voulant pas se recycler,
voudrait peut-être pouvoir prendre sa retraite plus tôt et que le
gouvernement devrait permettre à quelqu'un de prendre sa retraite plus
rapidement, prévoyant, évidemment, une pénalité,
a-t-il dit. Je dois dire que cette mesure existe, à l'heure actuelle,
avec pleine réduction actuarielle, c'est-à-dire que quelqu'un qui
veut prendre une retraite anticipée peut le faire, mais il y a,
évidemment, je ne dirais pas une pénalité, mais une
réduction actuarielle du montant de sa pension, c'est-à-dire
qu'on tient compte que du fait que l'on va verser sa pension en moyenne sur une
plus longue période; le montant auquel il a droit est ajusté
à la baisse en conséquence. Donc, à nouveau, je dois
répondre au député de Louis-Hébert que sa remarque
est intéressante. Cependant, non seulement est-elle intéressante,
mais elle est déjà permise dans la loi existante. Par
conséquent, ce que l'on peut conclure, c'est que non seulement le projet
de loi, semble-t-il, obtient l'appui de l'Opposition, d'une part, mais d'autre
part, ce qui est extrêmement intéressant, c'est de constater que
les suggestions que l'Opposition nous fait sont déjà
réalisées dans l'ensemble.
Une autre suggestion qu'il m'a faite -et je comprends qu'elle part d'un
bon sentiment, d'un sentiment de générosité
vis-à-vis de nos concitoyens ex-religieux - c'est de ranger ma
calculatrice. Malheureusement, si j'avais oublié de ranger la
calculatrice, si j'avais, au contraire, fait mine de ranger la calculatrice et
décidé de me prononcer sur le principe avant d'en connaître
les coûts, les conséquences d'une telle décision auraient
pu entraîner des coûts pour l'État québécois
de près de 2 000 000 000 $, si j'avais voulu traiter avec la même
équité l'ensemble de nos concitoyens. Et cela ne m'apparaissait
pas possible. (15 h 40)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Louis-Hébert, en vertu de...
M. Doyon: Oui, en vertu de l'article qui me permet de poser une
question si le ministre le permet.
Le Vice-Président (M. Jolivet):
D'accord, en vertu de l'article 100. M. le ministre permet-il une
question?
M. Doyon: C'est une très courte question, M. le
ministre.
M. Bérubé: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Oui. Allez-y, M. le
député.
M. Doyon: M. le ministre, seriez-vous prêt à
reconnaître que les services rendus à la société par
les religieux et les religieuses dont on parle sont énormes et que,
s'ils ne méritent pas une pleine reconnaissance financière de la
part du gouvernement, au moins pourrait-il y avoir un genre de merci que vous
n'avez pas encore prononcé?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bérubé: M. le Président, non seulement
cela, mais mes propos n'ont pas été pour dénoncer les
employés du secteur public ex-religieux, au contraire, j'ai
souligné - et je dois le faire - que, si nous devons dire un merci, je
demanderais au député de Louis-Hébert de bien vouloir
également témoigner son appréciation aux dizaines et
dizaines de milliers d'employés du secteur hospitalier qui
n'étaient pas employés de l'État il y a un certain nombre
d'années et qui n'ont pas non plus un programme de retraite aussi
avantageux. Ces concitoyens qui se sont occupés de notre santé
pendant toutes ces années ont droit à nos remerciements. Par
conséquent, c'est l'ensemble des employés du secteur public qui
ont droit à nos remerciements et non une catégorie
particulière.
Le Vice-Président (M. Jolivet): La deuxième lecture
du projet de loi no 21, Loi modifiant les régimes de retraite et
diverses dispositions législatives, est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture du projet
de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission des finances et des
comptes publics
M. Boucher: Je fais motion pour que ce projet de loi soit
déféré à la commission des finances et des comptes
publics.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: Je vous demanderais d'appeler l'article 12 de notre
feuilleton d'aujourd'hui et de reconnaître le ministre des Affaires
sociales, le député d'Anjou.
Projet de loi no 27 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet): La deuxième lecture
du projet de loi no 27, Loi modifiant la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction. Je reconnaîtrais le ministre du Travail.
M. le ministre.
M. Pierre-Marc Johnson
M. Johnson (Anjou): C'est à titre de ministre du Travail
par intérim que je prends la parole sur le projet de loi no 27
parrainé par mon collègue le député de Sherbrooke,
M. Raynald Fréchette, qui, nous le souhaitons tous de ce
côté comme en face, puisque c'est un homme qui s'est gagné
le respect de tout le monde en cette Chambre, sera de retour le plus tôt
possible.
Le projet de loi no 27 dont nous commençons l'étude n'est
pas un projet de loi qui donnera lieu à de très grands
débats ou fera l'objet de querelles de principe importantes. Il s'agit
d'un projet de loi dont la nature est essentiellement mécanique et
technique. Néanmoins, comme notre règlement nous astreint
à discuter des principes plutôt que de chaque article au stade de
la deuxième lecture, je tenterai ici de traduire ces dimensions
mécaniques sur certains principes.
Il vise à assurer la sécurité juridique du vote
d'allégeance syndicale qui se tiendra dans la construction d'ici la fin
de l'année 1983. Il vise également à confirmer la
légalité de la formation du comité mixte prévu en
1982, comme il vise à préciser le caractère consultatif
des interprétations du décret qui sont faites par le
Comité mixte de la construction. Il prévoit également le
rajeunissement de certaines dispositions en matière de conciliation.
D'autres dispositions sont de nature essentiellement administrative, visant
à faciliter la réclamation pour salaire dû et à
simplifier certaines procédures administratives et aussi très
concrètement à épargner des deniers importants au niveau
de l'Office de la construction à l'égard de l'utilisation des
services comptables dans certains cas.
Quant au vote d'allégeance syndicale, il faut noter que le
dernier vote a eu cours -on se le rappellera - à l'automne 1981 et que
la négociation a été amorcée en février
1982. Les parties n'ayant pu s'entendre, elles ont choisi plutôt que de
préparer une nouvelle convention collective, ce qui ne semblait pas
possible, de prolonger le décret demandant au gouvernement de faire en
sorte qu'il expire au 30 avril 1984, ce qui à quoi acquiesça le
Conseil des ministres dans un arrêté en conseil qui prolonge
effectivement ce décret jusqu'au 30 avril 1984. Ceci pourrait,
semble-t-il, selon les juristes, avoir comme conséquence juridique
d'affecter la légalité du vote d'adhésion syndicale qui
devrait être tenu au cours de l'automne 1983. Compte tenu de la
durée exceptionnelle de cette prolongation, il nous apparaît
essentiel que survienne la tenue de ce vote d'adhésion syndicale avant
le début des négociations, et ce conformément à
l'esprit des dispositions de cette loi. Nous prévoyons donc
expressément la tenue d'un vote d'allégeance syndicale dans le
secteur de la construction au Québec, qui devrait intervenir en novembre
1983.
Quant au comité mixte, on le sait, qui réunit les parties
syndicale et patronale, il a été formé à la suite
de l'adoption du décret. Les parties ont senti le besoin, à
compter de septembre 1982, pour donner suite au scrutin qui s'était tenu
à l'automne de 1981, de constituer le nouveau comité à
partir des nouvelles majorités ou du nouveau niveau de
représentation syndicale qui avait été exprimé
à travers le vote. Compte tenu du fait que le décret n'a pas
été renouvelé, mais seulement prolongé, il faut,
dans ce cas également, s'assurer qu'il n'y a pas de contestation de la
légalité du comité mixte. À cet égard, nous
confirmons la légalité de la formation de ce comité pour
ne pas nous voir acculés au fait que l'ensemble des décisions qui
auraient été prises par celui-ci depuis sa formation soient
annulées ou soient susceptibles d'être annulées ou de
donner lieu à des recours.
Par ailleurs, le comité mixte est chargé, en vertu de la
loi, de décider des litiges quant à l'interprétation de la
convention collective ou du décret. Si les membres du comité ne
parviennent pas à s'entendre, c'est-à-dire si les parties
patronale et syndicale ne parviennent pas à s'entendre, automatiquement,
les questions quant à l'interprétation du décret ou de la
convention collective reviennent à l'office, ce qui est le cas de
l'immense majorité des objets dont est saisi ce comité mixte
depuis plusieurs années.
Cette fonction était considérée comme étant
de nature administrative. Cependant,
une jurisprudence récente de la Cour supérieure, qui fait
l'objet d'un appel, a amené à considérer que cette
juridiction était de nature judiciaire ou quasi judiciaire ou qu'elle
serait exclusive. Cette décision est actuellement pendante devant la
Cour d'appel du Québec et pourrait, si elle était
confirmée par cette cour, entraîner des délais additionnels
dans la perception des sommes dues aux salariés de l'industrie de la
construction. En outre, il semble contraire à la règle de justice
naturelle qu'on puisse à la fois être juge et partie,
c'est-à-dire attribuer à l'office le pouvoir, d'une part, de
décider de l'interprétation du décret et ensuite
poursuivre en justice au nom des salariés suivant cette
interprétation. Nous précisons donc en conséquence, dans
le projet de loi no 27, le caractère uniquement consultatif des
interprétations faites par le comité mixte de l'Office de la
construction du Québec.
Par ailleurs, je voudrais évoquer cinq ou six
éléments de nature un peu plus technique qu'on retrouve dans le
projet de loi, notamment à l'égard des rapports
périodiques que l'office fait parvenir au comité mixte de telle
sorte que celui-ci puisse s'acquitter de ses mandats. Or, ces rapports, en
vertu de la loi, doivent en ce moment être faits par des
vérificateurs externes, ce qui entraîne évidemment, sur le
plan des déboursés, des honoraires importants de professionnels
de l'extérieur de l'office, alors que l'office a les capacités de
rédiger ces rapports trimestriels avec ses ressources humaines internes
sans faire appel à l'extérieur.
Quant aux dimensions de garantie d'utilisation adéquate, de
respect de l'ensemble des dispositions de nos lois quant à l'utilisation
des fonds qui sont de nature publique ou quasi publique, la présence du
vérificateur du gouvernement ainsi que la présence des services
internes de l'office est garante, je pense, de l'intégrité de ce
type d'activité à l'égard, encore une fois, des rapports
trimestriels qui doivent être transmis au comité mixte.
Par ailleurs, en vue d'assurer la mise à exécution du
décret, l'office peut actuellement examiner ou prendre des extraits ou
copies du système d'enregistrement, du registre obligatoire et de la
liste de paie des employeurs. Au moment où on arrive à une cause
où il faut mettre en preuve ces documents, la loi, en ce moment,
contraint l'office à mettre la main sur les originaux, ce qui implique
évidemment des ennuis pour beaucoup d'employeurs, sans compter les
ressources humaines considérables qu'il faut affecter par exemple,
à retracer des chèques originaux. Les amendements que nous
apportons prévoient donc la possibilité que des photocopies
certifiées conformes par le président de l'office puissent
être admises en preuve comme étant valables comme des originaux.
(15 h 50)
Dans le cas des falsifications ou de la destruction volontaire de
registres ou dans le cas où les renseignements fournis à l'office
ont été volontairement faussés, celui-ci doit,
conformément à la règle générale, poursuivre
dans les douze mois de la date à laquelle l'infraction a
été commise. Par ailleurs, l'action civile ne se prescrit que par
six mois contrairement aux dispositions générales en
matière de salaire qu'on retrouve dans le Code civil.
Nous prévoyons donc, afin de remédier à cet
état de fait, qu'en cas de falsification ou de fausse
déclaration, la prescription ne court qu'à compter de la date
à laquelle l'infraction a été portée à la
connaissance de l'office et non pas celle où l'infraction a
été commise et que l'action civile se prescrira dorénavant
par douze mois telle que le prévoit d'ailleurs la règle du Code
civil.
Il reste trois éléments. D'une part, dans le cas de
faillite ou de mise en liquidation d'une compagnie, si l'office veut obtenir
des administrateurs de cette compagnie les six mois de salaire dus aux
salariés, il doit obtenir un jugement qui reconnaît
l'exigibilité du salaire et doit ensuite poursuivre les administrateurs
dans les six mois du jugement. Cette façon de procéder par double
recours, évidemment à l'intérieur de délais souvent
très courts, met l'office dans une position difficile pour aller
récupérer ces sommes dues aux travailleurs.
Nous amendons donc la loi en y prévoyant qu'en cas de faillite ou
d'ordonnance de mise en liquidation d'une entreprise, il suffit qu'une
réclamation de la dette soit déposée dans l'année
de la faillite ou de la mise en liquidation et nous amendons la loi pour y
ajouter le cas du jugement sur le salaire qui est rapporté
insatisfait.
Quant au commissaire de la construction, on le sait, il a juridiction de
décider de tout problème relatif aux personnes ou aux travaux qui
sont régis par la loi. Rien cependant n'indique l'effet de ces
décisions. Nous précisons donc à cette fin dans le projet
de loi que la décision du commissaire est finale et sans appel.
En ce qui touche le conciliateur, la loi prévoit sa nomination au
cours d'une négociation dans la construction, soit sur demande d'une
partie, soit de son propre chef, par le ministre du Travail. Rien n'est
cependant prévu quant au cadre et au déroulement de cette
conciliation. Nous inspirant du Code du travail, M. le Président, nous
prévoyons dorénavant que le ministre pourra le nommer quand il le
désirera. Il ne sera pas tenu d'attendre les 60 jours de
négociations infructueuses pour le nommer.
Nous prévoyons également que le conciliateur pourra,
à la suite de réunions auxquelles les parties sont tenues
d'assister, faire rapport au ministre du Travail.
Quant à l'arbitrage sur plainte, la loi prévoit un
arbitrage possible lorsqu'il y a une plainte relative à la
liberté syndicale quand elle n'a pas été
réglée évidemment, à la satisfaction des parties
intéressées. Les règles qui concernent la tenue de cet
arbitrage qui est largement assimilable à l'arbitrage de griefs sont
cependant, sauf en ce qui concerne les délais, absolument inexistantes.
Nous précisons donc dans le projet de loi no 27 que les règles
relatives à l'arbitrage des griefs sont aussi applicables à
l'arbitrage relatif à la liberté syndicale.
C'est là l'essentiel du contenu de ce projet de loi no 27 qui
est, encore une fois, de nature plutôt technique et qui, il est vrai, par
certaines omissions, ne comprend pas la refonte que certains auraient voulue,
notamment à l'égard de la représentativité. Nous
avons cependant été, au ministère du Travail,
essentiellement guidés par le fait qu'il fallait prendre les
dispositions nécessaires pour qu'avant la fin du mois de juin, nous
puissions prendre ces décisions qui légaliseront la tenue d'un
scrutin d'allégeance syndicale à l'automne.
Quant au reste, je présume qu'il y aurait peut-être des
choses à faire dans ce domaine. Je pense que l'adjoint parlementaire du
ministre du Travail aurait quelques mots à dire là-dessus. Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Brome-Missisquoi.
M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: Merci, M. le Président. J'interviens en
deuxième lecture sur le projet de loi qui modifie la Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction. Les
députés de ce côté-ci de la Chambre et possiblement
des députés de l'autre côté de la Chambre auraient
pu s'attendre que le gouvernement saisisse cette occasion de modifier la Loi
sur les relations du travail dans l'industrie de la construction pour
régler les problèmes majeurs, les problèmes épineux
auxquels ont à faire face les travailleurs de la construction, les
entrepreneurs de la construction, les consommateurs, comme vous, M. le
Président, ainsi que les membres de l'Assemblée nationale qui
reçoivent à leur bureau de comté, d'une semaine à
l'autre, des gens qui sont aux prises avec ces problèmes.
Quels sont les problèmes dont les travailleurs nous parlent
lorsqu'ils nous rendent visite à nos bureaux de comté? Les
problèmes découlent tout simplement de la Loi sur les relations
du travail dans l'industrie de la construction, une loi qui impose un
certificat de classification à celui qui veut travailler dans ce
domaine, un permis de travail, autrement dit. Le Québécois n'a
pas le droit au travail dans l'industrie de la construction, il doit obtenir un
permis pour pouvoir y travailler.
Il y a deux sortes de cartes qu'on doit détenir si on veut
oeuvrer dans ce domaine: une carte de compétence, qui certifie qu'on est
quelqu'un de compétent et qui vous garantit que si un menuisier va
installer un escalier chez vous, M. le Président il sera à angle
droit et vous ne déboulerez pas en sortant le samedi matin ou le samedi
soir. C'est la garantie que la carte de compétence vous donne. Le
plombier qui installera vos tuyaux a une carte de compétence; ça
ne dégouttera pas, ça ne suintera pas. L'électricien qui
fera une installation électrique chez vous est aussi compétent et
le feu ne prendra pas quinze minutes après avoir remis le courant. Tout
cela grâce à la carte de compétence du Parti libéral
du Québec. Nous en sommes. Nous n'avons rien contre la
compétence, les travailleurs n'ont rien contre la compétence, les
employeurs n'ont rien contre la compétence et j'ajouterais même
que les consommateurs exigent la compétence.
Il y a une deuxième carte qui abolit le droit au travail, qui ne
reconnaît pas que quelqu'un qui est compétent puisse travailler
dans l'industrie de la construction au Québec. Ce sont les
problèmes qui nous reviennent le plus souvent dans nos bureaux de
comté. On a des gens compétents détenteurs de cette carte
de compétence qui ont des employeurs prêts à les embaucher
dans nos régions et à qui on doit dire: Non, tu n'as pas le droit
de travailler parce que le gouvernement péquiste a décidé
que ça prenait un permis de travail et, pour obtenir ce permis de
travail, il faut avoir travaillé un certain nombre d'heures dans les
années antérieures: 1000 heures, 5000 heures, 10 000 heures.
On demande au Parti québécois de faire un effort de
réflexion. Ce n'est pas la première fois. Mes collègues de
Mégantic-Compton, de Hull, de Beauce-Sud, de Portneuf et combien
d'autres ont demandé au gouvernement de se prêter à cet
effort de réflexion. Est-ce qu'on trouve une réponse dans le
présent projet de loi? Non. Mais il y a encore davantage, il y a tous
les jeunes au Québec, ceux qu'on envoie dans les écoles de
métiers pour apprendre ces métiers de plombier,
d'électricien, de menuisier et à qui on décerne de
très beaux certificats de compétence, à qui on dit: Tu
n'as pas le droit d'avoir de carte de classification, tu n'as pas le droit de
travailler parce que tu n'as pas travaillé 1000 heures l'année
dernière. C'est bien clair, M. le Président. Vous, vous comprenez
pourquoi il n'a pas travaillé 1000 heures l'année passée,
il était à l'école. Il n'a pas travaillé 5000
heures au
cours des cinq dernières années, vous comprenez ça,
il était à l'école durant les cinq dernières
années.
On demande simplement au gouvernement d'apporter les amendements
nécessaires qui vont permettre à ces jeunes d'entrer sur le
marché du travail. On demande au Parti québécois de
reconnaître le droit au travail de cette jeunesse
québécoise dans le domaine de la construction comme dans
plusieurs autres domaines.
Oui, M. le Président, vous me soulignez la pertinence du
débat. J'y arrive. Je voulais juste dire ce que ça ne touche pas,
en commençant. C'est quand même assez long. On a participé
à plusieurs débats et on a demandé plusieurs
modifications. L'employeur est obligé d'aller chercher des travailleurs
dans d'autres régions. Je pensais que le ministre du Travail, qui vient
de vivre un cas comme député du comté de Sherbrooke, nous
présenterait des amendements afin que ces travailleurs de la
construction du comté de Sherbrooke puissent venir travailler chez moi,
après que ceux de chez nous auront été engagés,
naturellement, dans le comté de Brome-Missisquoi, qu'ils puissent venir
travailler à Bromont, à l'agrandissement de l'usine IBM. Bien
non, on est obligé d'aller de l'autre côté du fleuve
Saint-Laurent pour chercher des travailleurs et ceux du comté du
ministre n'ont pas le droit de venir travailler chez nous. M. le
Président, à quelle logique s'attache-t-on? À quelle
économie tient cette philosophie péquiste? (16 heures)
Il y a également le fait que le consommateur, qui est un
travailleur, qui a un salaire moyen de beaucoup inférieur à celui
des travailleurs de la construction, ne peut pas payer les taux qui sont
prescrits par les décrets de la construction, un salaire moyen de plus
de 19 $ l'heure. Les consommateurs n'ont pas les moyens de faire effectuer ces
travaux-là. Je vous parle de simples consommateurs. Je pourrais vous
parler du gouvernement du Québec qui n'a plus les moyens. Je pourrais
vous parler d'institutions qui relèvent du gouvernement du Québec
et qui n'ont plus les moyens.
À cet effet, j'attire votre attention sur une décision qui
a été rendue récemment, le 27 avril 1983, par le
commissaire de la construction, dans une cause impliquant le Centre hospitalier
universitaire de Sherbrooke - c'est un organisme dont la source de financement
est le gouvernement du Québec - l'employeur, et l'Office de la
construction du Québec. Je vous résume les faits, comme le
commissaire l'a fait. "Il s'agit de travaux de peinture exécutés
par une vingtaine de salariés de l'employeur sur ou à
l'intérieur de ses bâtiments, au Centre hospitalier universitaire
de Sherbrooke." Savez-vous ce que l'employeur, qui est financé par le
gouvernement, plaide dans cette cause-là? L'employeur, le consommateur,
plaide ce qui suit: "Aussi, si les quelque 20 salariés dont il est
question deviennent assujettis au décret, l'employeur devra les renvoyer
car il sera dans l'impossibilité de payer le taux de salaire et
d'accorder les avantages prévus par le décret de la construction
en plus d'avoir à observer les conditions de travail prévues
à la convention." Et le commissaire du travail a donné raison
à l'employeur. Si le gouvernement n'a plus les moyens, comment
pouvons-nous prétendre que nos municipalités, nos individus, nos
travailleurs ordinaires, dans nos comtés, ont encore les moyens
d'être assujettis à un tel décret de la construction?
Je reviens plus spécifiquement au projet de loi comme tel qui
nous est présenté, qui prévoit ce qui suit. Là, on
va se fier aux notes explicatives. "Il oblige, d'abord, l'Office de la
construction du Québec -l'OCQ - à inclure dans les rapports
comptables qu'il est légalement tenu de faire un état de toutes
les sommes qu'il perçoit ainsi que de leur emploi. Il établit
également par qui ces rapports peuvent être
préparés." Si on lit plus loin, c'est un comptable. "Il
détermine en outre la portée tant des interprétations du
décret faites par le Comité mixte de la construction que des
décisions rendues par le commissaire de la construction." Très
bien. "Il précise ensuite les règles applicables à la
conciliation et à l'arbitrage des plaintes." Très bien, parce
qu'on comprend qu'il y en a des plaintes avec un tel régime. M. le
Président, vous comprenez cela facilement, vous aussi. "Il assouplit la
procédure de recouvrement de salaire lors de la faillite ou de la mise
en liquidation d'une entreprise et permet un tel recours lorsqu'un jugement
ordonnant le paiement de salaire a été rapporté
insatisfait." Très bien, M. le Président. "Ce projet rajeunit -
il ne pouvait pas les vieillir - certaines dispositions et prescriptions en
matière de poursuite pénale ou d'action civile. Il corrige en
outre certains textes ou références devenus désuets ou
erronés." Très bien, M. le Président. "Il prévoit
enfin expressément la tenue d'un vote d'allégeance syndicale au
cours de l'année 1983 et confirme la légalité de la
formation, en 1982, de l'actuel Comité mixte de la construction."
Oui, mais est-ce qu'on a prévu quelque chose qui va faire en
sorte que soient évités les problèmes qu'on a connus, la
dernière fois, concernant le maraudage? Rien, M. le Président.
Est-ce que ce projet de loi répond aux préoccupations qui nous
sont acheminées par les travailleurs? Est-ce qu'il répond aux
préoccupations qui nous sont acheminées par les employeurs?
Est-ce qu'il répond aux préoccupations qui nous sont
acheminées par
les jeunes qui sortent de nos écoles? Est-ce que ce projet de loi
répond aux préoccupations qui nous sont acheminées,
à nos bureaux de comté, toutes les semaines, par les
consommateurs? Non, M. le Président. Ce projet de loi est à
l'image du gouvernement d'en face, vide de sens, vide de philosophie, vide de
pensée et basé sur aucune réflexion.
M. le Président, le projet de loi contient également - je
sais que je n'ai pas le droit, en deuxième lecture, de
référer à un article - un principe qui est celui du
non-assujettissement à la Loi constitutionnelle de 1982, à la
Charte canadienne des droits et libertés. On soustrait les
modifications. On prend la peine de soustraire de minces amendements - des
amendements qui ne règlent rien, finalement - à la Charte
canadienne des droits et libertés. En vertu de quelle pensée, de
quelle philosophie, de quel principe, M. le Président, s'oblige-t-on
à soustraire ce projet de loi à la Charte canadienne des droits
et libertés? Quels droits et libertés - j'espère que
là-dessus le député de Prévost, adjoint
parlementaire au ministre du Travail pourra répondre - des travailleurs,
des employeurs, des consommateurs vise-t-on à brimer par ces
amendements? Pourquoi insère-t-on un tel article dans un projet de loi
qui vise à modifier une autre loi déjà adoptée
à l'Assemblée nationale du Québec? Ce projet de loi a
été pondu, parce que je ne peux pas dire réfléchi,
sans aucune consultation. Dans un télex du 2 juin 1983, Jean-Paul Rivard
de la FTQ-Construction disait ce qui suit du projet de loi qui est devant nous:
Les amendements proposés à la Loi sur les relations du travail
dans l'industrie de la construction sont nettement inadéquats. Il
ajoutait: On se demande d'où viennent ces amendements sur les pouvoirs
du comité mixte. À notre connaissance, ni les employeurs ni les
syndicats ne les ont demandés et j'oserais ajouter, vous pourriez
ajouter votre voix à la mienne, ni les consommateurs. Qui a
demandé ces amendements? Ce n'est certainement pas, suivant le
télégramme de M. Rivard, la FTQ-Construction.
Ce ne serait pas non plus suivant la teneur d'une lettre, parce qu'il
semble que les conversations ou même les consultations soient rompues
entre le gouvernement et le Conseil provincial des métiers de la
construction (International). Si je me fie au texte d'une lettre
qu'expédiait le 1er juin 1983 le président de cette centrale
syndicale, M. Maurice Pouliot, à l'honorable Alain Marcoux, la
mesquinerie de ce gouvernement va aussi loin que ce qui suit. Écoutez
bien la lecture de cette lettre. Elle est datée du 1er juin. Elle est
adressée à l'honorable Alain Marcoux: "M. le ministre, le 27 mai
dernier, l'inauguration du Palais des congrès avait lieu à
Montréal. Certaines centrales syndicales étaient invitées
à participer à cette inauguration et recevaient des mains du
premier ministre une plaquette souvenir en témoignage de la
qualité de leurs travaux et la compétence dont ils ont fait
preuve lors de cette construction. Nous désirons vous mentionner - c'est
toujours M. Pouliot, le président du Conseil provincial du Québec
des métiers de la construction (International) qui parle - que notre
organisme, le Conseil provincial du Québec des métiers de la
construction a un degré de représentativité de 24% dans
l'industrie de la construction et que dans plusieurs métiers, tels que
les monteurs de structures d'acier, constructeurs d'ascenseurs, plombiers,
etc., nous représentons 90% des travailleurs. Cela, M. le ministre,
n'est pas du ouï-dire. Vous pouvez vérifier ces données
auprès de l'Office de la construction du Québec. "Il nous
apparaît totalement inacceptable pour un gouvernement pseudo-responsable
d'inviter à cette inauguration certaines centrales et d'ignorer la
deuxième association en importance dans l'industrie de la construction.
Il est évident que lors de l'adoption de la loi 109, le 4
décembre 1980, le gouvernement a tenté de soustraire le Conseil
provincial international de l'industrie de la construction. Cependant, les
travailleurs ont simplement refusé de cautionner un tel geste. Nous
tenons à vous souligner que si la construction du Palais des
congrès s'est réalisée aux dates prévues, une des
raisons est sûrement due au fait que notre organisme a pris ses
responsabilités lors des négociations pour le renouvellement du
décret de l'industrie de la construction en février 1982.
Même si le décret expirait le 30 avril 1982, seul le Conseil
provincial international et la CSD-Construction participaient aux rencontres
pour commencer les négociations. Faute de majorité, cette dite
négociation ne pouvait pas débuter. Ce n'est que vers le 15 avril
1982 que la FTQ-Construction acceptait de rencontrer l'AECQ, l'Association des
entrepreneurs en construction du Québec avec notre organisme,
conformément à la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction. "Nous croyons, en terminant, qu'il est de notre
devoir de dénoncer publiquement le fait que le Conseil provincial
international n'était pas représenté à cette
inauguration. Le président-directeur général, Maurice
Pouliot." Copie à René Lévesque et à Gérard
D. Levesque, chef de l'Opposition à l'Assemblée nationale. (16 h
10)
M. le Président, si ce n'est pas le conseil provincial - c'est
clair que le premier ministre a choisi de traiter son président de
menteur, sans l'entendre -qui a été consulté, si ce n'est
pas la FTQ
Construction, suivant le télex de M. Rivard, si ce n'est pas le
patron, si ce ne sont pas les consommateurs qui ont été
consultés sur ces amendements, qui l'a été? On vous soumet
respectueusement qu'on aimerait entendre de la part de l'adjoint parlementaire
du ministre une réponse, mais jusqu'à maintenant, si on exclut
tous ces gens, que reste-t-il? Il ne reste pas autre chose que le petit
entourage politique du bureau du ministre du Travail dans les officines du
bureau du ministre du Travail où cela a été
préparé sans consultation ni avec les travailleurs, ni avec les
employeurs, ni avec les consommateurs, ni avec les députés qui
reçoivent des gens à leur bureau de comté chaque semaine.
Cela règle quoi, le projet de loi qu'on a déposé?
En terminant, le ministre des Affaires sociales qui remplace de
façon intérimaire le ministre du Travail qui est
présentement à l'hôpital a offert ses meilleurs voeux de
prompt rétablissement à notre collègue. Au nom de
l'Opposition et en mon nom personnel, je lui offre nos meilleurs voeux. Je
souhaite le voir revenir en santé au plus tôt parmi nous pour
qu'enfin, le Parti québécois puisse déposer en cette
Chambre, si une telle chose est possible de la part d'une telle formation
politique, un projet de loi qui modifiera la Loi sur les relations du travail
dans l'industrie de la construction en tenant compte des revendications qui
vous sont faites par toute la population québécoise, par les
travailleurs, par les entrepreneurs et par les consommateurs, un projet de loi
qui sera issu d'une pensée politique, d'une mûre réflexion,
non pas un projet de loi qui aura été rédigé dans
les hautes officines d'une des tours à Québec par quelques
conseillers politiques qui sont complètement déconnectés
de la réalité québécoise. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Prévost, adjoint parlementaire au ministre du
Travail.
M. Robert Dean
M. Dean: M. le Président, j'interviens en deuxième
lecture du projet de loi qui modifie la Loi sur les relations du travail dans
l'industrie de la construction. Évidemment, il s'agit d'un projet de loi
qui apporte des modifications plutôt techniques à cette loi, des
précisions et des correctifs dictés par l'évolution de
l'industrie de la construction et d'un certain nombre de décisions,
rendues ou appréhendées, des tribunaux. Notre ami, le
député de Brome-Missisquoi nous demande qui a sollicité
ces amendements. On peut dire que les événements et
l'évolution ont requis ces amendements, des événements
imprévus, d'une certaine façon. D'abord parce qu'en 1982, lors
des négociations dans l'industrie de la construction, en pleine
période de crise économique et avec des difficultés
vécues par les parties syndicales ou par les centrales syndicales, il y
a eu des difficultés au moment de former un groupe majoritaire pour
négocier. Finalement, un groupe majoritaire a été
formé, composé de la FTQ-Construction et du Conseil provincial
international qui, tenant compte de la situation dramatique de
l'économie qui affectait le Québec comme les autres pays du
monde, a engagé une négociation assez rapide qui a touché
principalement les salaires, qui a laissé de côté les
autres éléments d'une convention collective et d'un décret
éventuel et a eu comme résultat que le gouvernement a
prolongé le décret de l'industrie de la construction pour une
période de deux ans, jusqu'au mois d'avril 1984. À la suite de
cet événement, certaines craintes juridiques sont apparues quant
à la possibilité et à la légalité de tenir
un nouveau vote d'allégeance syndicale dans l'industrie de la
construction, à l'automne 1983, comme préalable essentiel aux
négociations de 1984. Aussi, pour tenir compte de certaines
évolutions du nombre de centrales syndicales dans l'industrie de la
construction et de la proportion du vote lors de la dernière campagne de
maraudage, on a formé le Comité mixte de l'industrie de la
construction. En tenant compte de cela et toujours à cause de cette
prolongation du décret, on a eu certains doutes de la part des juristes.
On a décelé une nécessité de préciser
clairement dans la loi que le comité mixte actuel est parfaitement
légal, et que le vote d'allégeance nécessaire, l'automne
prochain, comme préalable aux négociations ordonnées dans
l'industrie de la construction en 1984, sera tenu sans crainte d'obstacle ou
d'entrave juridique.
Aussi, ce projet de loi no 27 prévoit une série de
modifications de nature très technique, comptable, pour éviter
des ambiguïtés, pour effectuer certaines économies
administratives. Finalement, il apporte deux précisions et
clarifications quant à l'utilisation possible du service de conciliation
dans les négociations de l'industrie de la construction de la même
façon qu'on utilise des conciliateurs en vertu du Code du travail.
Finalement, on précise un peu et on rend un peu plus semblables au Code
du travail les conditions entourant l'arbitrage des plaintes au sujet de la
liberté syndicale dans l'industrie de la construction.
Je suis d'accord et le gouvernement est d'accord qu'il s'agit de
modifications très modestes dictées par l'évolution, par
des événements dans une industrie qui, comme toute autre
industrie et comme le monde entier, est en constante évolution.
Évidemment, je pense qu'il y en a qui auraient souhaité -
je ne pense pas, j'en suis
sûr et je suis d'accord avec le député de
Brome-Missisquoi, tant du côté patronal que du côté
des centrales syndicales, il y a autant de souhaits et d'opinions qu'il y a
d'organismes patronaux et d'organismes syndicaux - il y en a qui auraient
souhaité des modifications beaucoup plus profondes. Sans rancune, je
voudrais souligner au député de Brome-Missiquoi qu'hier soir
même, en commission parlementaire, lui et ses collègues, en
pariant du Code du travail, nous reprochaient de présenter un projet de
loi, selon leurs paroles, comme un cheveu sur la soupe, à la fin de la
session, et de les bousculer, en quelque sorte. Donc, je souligne très
amicalement au député de Brome-Missisquoi que s'il fallait qu'on
arrive aujourd'hui à débattre un projet de loi qui applique une
réforme beaucoup plus en profondeur à la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction, peut-être qu'on aurait eu
droit à un barrage en règle de la part de l'Opposition nous
disant: Vous arrivez avec des choses trop profondes. Évidemment, selon
la centrale ou le groupe patronal auquel on appartient dans la construction, on
aurait souhaité des choses beaucoup plus substantielles. (16 h 20)
Il y a des gens qui souhaiteraient que la Loi sur les relations du
travail dans l'industrie de la construction soit tout simplement abrogée
pour devenir un chapitre particulier du Code du travail. Il faut souligner que
la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction est
effectivement une loi permanente d'exception qui exclut de l'application du
Code du travail les travailleurs et employeurs de l'industrie de la
construction. Il s'agit d'un régime particulier pour l'industrie de la
construction.
Il y en a qui souhaitent, comme je l'ai dit, que dans une réforme
plus profonde du Code du travail, l'industrie de la construction vienne
à tomber sous la gouverne de ce code sous forme d'un chapitre,
spécial du Code du travail qui tiendrait compte du caractère
particulier de l'industrie de la construction. Il y en a d'autres, en ce qui
concerne la représentativité des syndicats dans l'industrie de la
construction, qui, tout en reconnaissant ou en continuant à
reconnaître le principe de la pluralité syndicale dans l'industrie
de la construction, à cause du caractère particulier de
l'industrie, auraient souhaité qu'on trouve le moyen, dans la Loi sur
les relations du travail dans l'industrie de la construction, d'arriver
à une façon de déterminer, pour la durée d'une
convention collective, à la suite du vote d'allégeance syndicale,
un mandataire, un seul et unique porte-parole des travailleurs qui, à la
suite du vote de maraudage, aurait le mandat de représenter en entier
les travailleurs et aurait le bénéfice des appuis financiers
nécessaires pour bien effectuer ce travail.
Il y en a même, non seulement du côté des
travailleurs, mais même du côté patronal, dans l'industrie
de la construction, qui souhaiteraient la déréglementation
presque totale des relations du travail et la remise entre les mains des
partenaires ou des parties la conduite des relations dans l'industrie de la
construction. Le ministre des Affaires sociales qui, par intérim, est
ministre du Travail pendant l'absence regrettée du député
de Sherbrooke, ministre du Travail, a souligné que dans les
délibérations, dans les études qui se feront dans les
prochains mois concernant le sujet toujours brûlant des relations du
travail au Québec dans tous les domaines, certaines de ces
hypothèses seront étudiées, considérées,
débattues entre les partenaires et devant la population, et
probablement, en temps et lieu, vont résulter en des projets de loi qui
apporteraient des réformes plus profondes.
Le ministre du Travail, qui est absent pour cause de maladie, a dit
lui-même qu'il était nécessaire de voir de plus près
notre loi dans ce secteur et d'apporter des amendements plus profonds. Je suis
d'accord avec cette attitude et je suis très heureux de constater, dans
le discours du député de Brome-Missisquoi, que lui aussi, au nom
de sa formation politique, souhaite qu'on revoie en profondeur ce régime
de relations du travail dans la construction. Je suis aussi très heureux
de constater que, finalement, notre ami de Brome-Missisquoi, au nom de sa
formation, a reconnu l'importance de la priorité régionale de
l'embauche dans l'industrie de la construction.
Finalement, on peut souhaiter le bienvenue à nos collègues
d'en face sur le train de la pensée sociale qui existe au Québec
depuis les années soixante en ce qui regarde certains problèmes
qui persistent depuis longtemps dans l'industrie de la construction. Dans les
années soixante, je m'en souviens - je me promenais beaucoup au
Québec à cette époque-là - les
événements très malheureux qui se sont produits à
Sorel, à Baie-Comeau, sur la Côte-Nord, où des travailleurs
de la région renversaient les autos des travailleurs qui venaient de
Montréal en disant: Ils viennent "voler nos jobs". Donc, des expressions
très tristes, très regrettables de désir de travailler, de
nécessité d'avoir une priorité d'embauche dans la
construction.
La loi 290, adoptée en 1968 par un gouvernement de l'Union
Nationale, touchait comme volets importants de tout problème de
main-d'oeuvre et d'embauche dans la construction, d'abord la question de
compétence, soit une reconnaissance quelconque de compétence dans
son métier pour chaque travailleur de la construction, tant pour son
propre bénéfice que pour celui du consommateur qui achète
éventuellement une maison ou qui construit une plus grande
entreprise.
En 1968 on se souciait aussi du problème de
sécurité d'emploi des travailleurs de la construction et des
questions de priorité d'embauche.
En 1970-1971 le juge Allan Gold, un juge de grand prestige au
Québec, a apporté à la société
québécoise des recommandations, des études sur un certain
nombre de problèmes touchant les relations du travail qui étaient
très bénéfiques à la marche de la
société québécoise. Lui aussi, dans son rapport,
étudiait à nouveau les problèmes de l'industrie de la
construction. Il en est aussi venu à la conclusion que la façon
d'assurer une certaine priorité, un certain droit de travail dans
l'industrie de la construction, était de tenir compte du nombre d'heures
travaillées dans l'industrie de la construction. Il parlait aussi
toujours de ce deuxième volet qui constitue une carte de
compétence. Toujours une question de compétence professionnelle,
à savoir comment on pourrait reconnaître ce principe-là et
deuxièmement, mais c'est aussi important, voir comment on
décidera qui a priorité parmi les travailleurs. Ce même
thème se répétait toujours au début des
années soixante-dix où on parlait des heures travaillées
dans la construction et aussi d'accorder une priorité régionale
aux travailleurs de la construction comme critère.
Le problème du règlement de placement et toutes ces
questions d'énoncés. Je reviens là-dessus très
brièvement. J'ai eu l'occasion, en cette Chambre, lors d'une question
avec débat, en commission parlementaire, selon toutes les formules que
permettent nos règlements parlementaires, de dire que le
règlement de placement dans la construction est essentiellement la
contrepartie dans la construction de l'ancienneté dans des usines, dans
des bureaux où il y a des travailleurs, syndiqués ou non, et
où on accorde une certaine préférence de relative
sécurité d'emploi selon les années de services
auprès d'une compagnie ou, dans le cas de la construction, on calcule
cela du mieux qu'on peut en termes d'heures travaillées.
À la suite de tous ces événements malheureux qu'on
a connus dans la construction, à la fin des années soixante, au
début des années soixante-dix, l'enquête Cliche a
été constituée, pas par le gouvernement du Parti
québécois, par le gouvernement du Parti libéral, M. le
Président. Encore là la commission Cliche a constaté que
l'insécurité d'emploi pour les travailleurs de la construction
constituait la principale source de difficultés qu'on rencontre dans
cette industrie, y compris la violence. C'est aussi tragique que cela. On a
déploré, depuis des années, la violence dans l'industrie
de la construction. C'étaient malheureusement des travailleurs qui se
battaient, trop de travailleurs qui se battaient pour trop peu d'emplois.
C'était vrai dans les années soixante, c'était vrai dans
les années soixante-dix et c'est vrai dans cette période de crise
où, malgré les efforts de tout le monde, il y a 90 000, 92 000
travailleurs qui ont une carte de l'Office de la construction et au moment
où on se parle, 45 000, 50 000 qui ont effectivement du travail.
La commission Cliche aussi, en cherchant des solutions adaptées
à l'industrie de la construction, parlait de préférence
d'emploi basée sur les heures de travail effectuées au cours de
l'année précédente. Elle précisait aussi que tous
les salariés de l'industrie devaient être visés par ce
concept et non seulement les travailleurs dans les métiers les plus
spécialisés qui avaient été reconnus par le rapport
du juge Gold.
Donc, en 1975, à la suite de la commission Cliche, le
gouvernement libéral de l'époque - non pas le Parti
québécois - a modifié la Loi sur les relations du travail
dans l'industrie de la construction pour créer l'Office de la
construction qui était l'une des recommandations de la commission
Cliche. C'est l'Office de la construction qui a soumis, en 1975, un projet de
règlement de placement dans l'industrie de la construction qui a
été étudié par le gouvernement de l'époque,
mais qui n'a pas été adopté par le gouvernement de
l'époque. Les élections sont arrivées, le Parti
québécois a été porté au pouvoir et nous
avons terminé l'étude et adopté ce règlement de
placement, toujours dans le but de reconnaître les vrais travailleurs de
la construction, de prévoir la préférence d'embauche
régionale et la mise en place de nouveaux systèmes de
placement.
Je suis heureux de constater que nos amis de l'Opposition sont d'accord
qu'il faut apporter des correctifs. Nous apportons, par ce projet de loi no 27,
un certain nombre de correctifs techniques nécessaires pour assurer la
tenue d'un vote d'allégeance syndicale dans la construction l'automne
prochain en vue des négociations de 1984, malgré la
déception de certains qu'on ne soit pas allé plus loin plus
rapidement. Pour prendre un exemple, les déclarations des
collègues du député de Brome-Missisquoi hier soir, en
commission parlementaire, réclamant des réformes plus profondes,
qui vont nécessiter des discussions assez poussées et longues,
car il y a autant de points de vue sur la solution de ces problèmes dans
l'industrie de la construction qu'il y a de gens intervenant dans le
débat, que ce soit la partie patronale, la partie syndicale, la partie
gouvernementale ou les partis politiques.
On peut donc se donner rendez-vous dans les prochains mois, tout en
adoptant ce projet de loi nécessaire à ce moment-ci pour
permettre de régler un certain nombre de choses d'ici un an dans
l'industrie de la construction. On peut se donner rendez-vous
pour continuer à discuter et à rediscuter des
problèmes et des possibilités de réforme plus en
profondeur dans cette industrie troublée par des difficultés
naturelles à cette industrie, par des difficultés
économiques et par des problèmes particuliers de relations du
travail que présente l'industrie de la construction. Je vous remercie,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Beauce-Sud.
M. Hermann Mathieu
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je veux d'abord offrir
mes voeux de prompt et complet rétablissement au ministre du Travail qui
est actuellement retenu à l'hôpital. Je voudrais profiter de ce
débat en deuxième lecture du projet de loi no 27, Loi modifiant
la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la construction, pour
mentionner que c'est dommage que le projet de loi ne fasse pas mention des
véritables injustices qui découlent de l'application du fameux
règlement de placement dans l'industrie de la construction. J'ai
toujours considéré et je crois que tous les gens
considèrent que le droit au travail est un droit fondamental, un droit
sacré, un droit inaliénable. Tout individu a le droit de choisir
son métier et de vivre de son travail. Est-ce qu'il y a quelque chose de
plus normal que de choisir son métier?
Le travail est un élément de dignité et de
liberté pour l'homme. Combien de gens viennent dans nos bureaux de
comté nous dire: Je suis obligé de vivre des prestations de
l'aide sociale; je me sens démoli; je n'ai plus aucune dignité.
Surtout quand ce sont des ouvriers qualifiés depuis longtemps, quand ce
sont nos jeunes, notre belle relève, notre jeunesse qui a autant de
talents, qui a autant d'ambitions que ceux qui l'ont
précédée, je vous assure, je vous affirme que je ne peux
pas demeurer indifférent devant de tels propos. Je me demande comment il
se fait qu'il n'y a que la province de Québec dans toute
l'Amérique du Nord, 50 États américains, 10 provinces du
Canada, qui ait un fameux règlement de placement dans l'industrie de la
construction. Mais on est donc bien fins, nous! On veut donc bien se
singulariser d'avec les autres. Est-ce que c'est parce qu'on veut avoir des
relations plus intimes avec la francophonie? Est-ce que c'est parce qu'on fait
des voyages en France pour voir comment cela se passe sous un régime
socialisant?
Je voudrais d'abord bien vous mentionner que je n'ai rien contre le
certificat de qualification. Vous savez, il faut faire une distinction, parce
que, pour les gens, c'est un peu compliqué. Deux cartes sont
nécessaires pour oeuvrer dans l'industrie de la construction. Il y a le
certificat de qualification, ce qu'on appelle la carte de compétence, et
le certificat de classification de l'OCQ, ce qu'on appelle le permis de
travail.
M. le Président, je crois qu'il est tout à fait normal que
tout individu qui postule un travail, que ce soit chauffeur d'autobus,
mécanicien, barbier, infirmière, avocat, médecin, subisse
des tests de qualification, des examens, dans le but, d'abord, de
protéger le public - si on fait venir un électricien, on sait
qu'il est qualifié. La même chose pour un plombier, etc. - et dans
le but également de protéger et de reconnaître certains
droits acquis aux détenteurs de cette carte. Je veux vous dire que nous
sommes tout à fait favorables à l'idée d'une carte de
compétence, d'un certificat de qualification. Mais, là où
nous ne sommes pas d'accord, c'est sur l'imposition de ce fameux certificat de
classification de l'OCQ - l'Office du crime du Québec, dois-je le redire
- ce qu'on appelle le permis de travail.
Je voudrais vous mentionner les injustices qui découlent de ce
règlement odieux. Le journal Le Soleil, du mercredi 17 juin 1981, nous
rapportait qu'un individu de Saint-Georges-de-Beauce, M. Gérard
Larochelle, qui exécutait un travail à La Malbaie, avait
été arrêté par les agents de l'OCQ. Le juge, dans
son jugement, a statué que ce monsieur avait le droit de travailler,
parce qu'il détenait une carte de compétence, un certificat de
qualification, avant que le règlement de l'OCQ ne soit mis en
application. Or, il nous semble que c'est un jugement tout à fait
intéressant. Le juge se basait sur la théorie des droits acquis,
c'est-à-dire que M. Larochelle, qui détenait un certificat de
qualification depuis environ une vingtaine d'années, avait le droit,
selon le juge Côté, de continuer à travailler sans qu'on
vienne l'en empêcher par le certificat de classification de l'OCQ parce
qu'en vertu de la théorie des droits acquis, on lui reconnaissait ce
droit. (16 h 40)
C'était rapporté dans le Soleil le 17 juin 1981. Le Soleil
du 18 juin 1981 - cela n'a pas pris de temps - faisait part que Québec
en appellera de la décision de la cour. Un gouvernement qui est
censé avoir été élu pour ses préjugés
favorables envers les travailleurs! Québec en appellera de la
décision de la cour. Cela m'a tout simplement scandalisé de voir
une chose semblable. Le fait que le gouvernement du Québec interjette
appel de la décision du juge Côté, M. Larochelle ne pourra
pas, tant que la Cour d'appel n'aura pas statué, exercer son
métier parce qu'il est soumis aux règles de l'OCQ. M. le
Président, dois-je vous mentionner que le jugement du juge
Côté donnait le feu vert, libérait du boulet
de l'OCQ tous les travailleurs qualifiés dont le certificat
rétroagissait avant l'entrée en vigueur du règlement de
l'OCQ?
D'un trait de plume, Québec appelle, 18 juin 1981. Nous sommes
rendus en 1983 et le jugement n'est toujours pas rendu. Il est à
prévoir que la décision de première instance sera
maintenue. Je trouve cela tout à fait épouvantable que le
gouvernement se comporte de cette manière envers les travailleurs de la
construction. Tout à l'heure, j'entendais le député de
Prévost nous dire qu'il fallait le règlement pour distinguer les
vrais travailleurs des faux. Je crois que M. Larochelle, qui détenait un
certificat de qualification depuis environ 20 ans, doit être un vrai
travailleur de la construction. Je conviens très bien qu'il y a eu des
abus dans le domaine de la construction. On disait que des pompiers, des
policiers, des professeurs s'adonnaient à ce métier, et
étaient du travail, aux vrais, j'en conviens. Il y a certainement eu des
abus. Il ne faut pas que le remède soit pire que le mal, cause plus de
mal que le mal original.
Je vais vous citer, brièvement, une couple de lettres que j'ai
reçues parmi de nombreuses qui sont très évocatrices:
"Saint-Georges, 13 avril 1983. M. Hermann Mathieu. M. le député,
la dernière est pour confirmer que l'application de la carte de l'OCQ
qui est demandée par le syndicat et est approuvée par le
gouvernement actuel est inconcevable. Pour ma part, je n'ai plus le droit de
pratiquer ce métier que j'ai fait environ 30 ans, ce qui m'amène
à être chômeur - Je pense que le signataire doit être
un vrai travailleur de la construction. -J'espère que vous continuerez
à travailler comme dans le passé de toutes vos forces pour
l'abolition de cette carte qui enlève une grande partie de notre
liberté."
Autre lettre: "M. le député, quand est-ce qu'on va avoir
un gouvernement qui va abolir ces - excusez-moi - maudites cartes de l'OCQ.
Cela fait depuis l'âge de 17 ans que je travaille sur la construction.
J'en ai maintenant 28, c'est-à-dire onze ans. C'est donc dire que je
pense avoir l'expérience nécessaire pour faire ce travail aussi
bien que n'importe quel gradué de l'OCQ. Je n'ai jamais cessé de
courir d'un bord à l'autre: Algérie, États-Unis, Alberta.
Je suis marié, un enfant, je n'ai même pas de métier pour
faire vivre ma famille. Je sens perdre ma dignité d'homme et de
père de famille, avec toutes ces lois. Y a-t-il quelque chose de plus
normal que de vouloir faire vivre sa petite famille? Je suis
révolté d'être assis dans la maison presque à
l'année. Je veux travailler dans ma province, chez nous, si on l'est
encore. Où est-ce qu'on s'en va? Je ne le sais pas. Si ce n'était
pas de ces fameuses cartes, je pourrais commencer à travailler demain
matin. Partout où j'ai passé, j'ai contenté mes
employeurs. J'en suis rendu à presque haïr et maudire cette belle
et grande province où je suis né."
M. le Président, je pense que ce sont des témoignages qui
ne peuvent nous laisser insensibles. Je n'en cite que deux. Je me souviens d'un
autre qui m'a écrit me disant: "Je vous écris un mot de
désespoir. Les polices viendront me chercher d'une journée
à l'autre, et parce que j'ai travaillé sans carte de l'OCQ, je
vais coucher sur le veneer encore pendant quelques jours, etc." C'est une
situation absolument intolérable.
Que disait l'Assemblée des évêques du Québec,
le 5 avril 1983, sous la signature de Son Excellence Mgr Adolphe Proulx,
évêque de Gatineau-Hull? Je cite: "Nous croyons donc avec vous que
ces travailleurs qualifiés ne devraient pas perdre leur permis de
travail pour la seule raison qu'ils n'ont pu accomplir les mille heures de
travail requises selon le décret." Si c'est vrai pour nos pères
de famille qui sont réduits au chômage et à l'aide sociale,
que dire de nos jeunes qui, comme je le disais tantôt, ont du talent, de
l'idéal et de l'ambition? Vous savez ce qu'on peut avoir d'ambition et
de motivation à 20 ans. Or, on vient leur fermer absolument
hermétiquement le marché du travail. On les forme dans les
écoles. On les prépare à être menuisiers, plombiers,
électriciens et autres et lorsque arrive le temps de travailler, on les
réduit à l'aide sociale.
Je voudrais faire ici un appel pressant au nom de cette relève,
au nom de nos jeunes qui ont le droit de choisir leur travail, qui
désirent demeurer au Québec, mais qu'on ne les plafonne pas
à l'aide sociale. Dans le moment, on nivelle tout le monde à la
base et on plafonne les aspirations de nos jeunes. Avec les méthodes de
ce gouvernement, si les affaires d'un entrepreneur deviennent un peu trop
prospères, on prend la masse et on lui en donne un bon coup sur la
tête en lui disant: Tu vas prendre ton trou. Tout le monde égal
dans la médiocrité. Quand arrive le temps d'affirmer
l'idéal et l'ambition des jeunes, on les plafonne et on les plafonne
bas, si vous me permettez l'expression.
C'est un cri du coeur que je lance au gouvernement en faveur de notre
jeunesse. Peut-on se permettre de voir notre jeunesse sacrifiée comme le
disaient si bien les évêques le printemps dernier? Cela peut
devenir le génocide de notre peuple. Si une personne souffre
d'hémorragie, la substance qui coule d'une veine, c'est ce qu'elle a de
plus important dans son organisme. Quand je vois nos jeunes dont le talent,
l'ambition et l'idéal sont refoulés ou qui sont voués
à l'exil, en Alberta, etc., c'est une hémorragie. Le refoulement
est une asphyxie et l'exil est une hémorragie. Pensez-vous qu'on va
pouvoir assurer une relève à notre Québec auquel nous
sommes tous attachés en traitant les jeunes de cette manière? Je
dis que nous ne
pourrons pas contenir ou refouler sous l'éteignoir pendant bien
des années le talent et l'ambition de ces jeunes.
Je voudrais également dire un mot du traitement un peu cavalier
fait aux personnes qui sont traînées devant le tribunal parce
qu'elles doivent travailler. J'ai entendu plusieurs plaintes à savoir
que certains procureurs à la cour de l'OCQ disent, quand l'accusé
dit: Coudon, j'ai une femme et des enfants. Votre femme et vos enfants, cela ne
nous intéresse pas. Allez-vous-en à l'aide sociale. Je pense que
ce sont des paroles regrettables.
M. le Président, je ne veux pas être plus long, mais je
voudrais faire un appel pressant, un appel vibrant au gouvernement pour qu'il
corrige ces injustices. L'année dernière, j'avais posé une
question relativement au nombre de poursuites dans les années
antérieures. Dossiers ouverts en 1981: 6155; 1979, 8814; 1977, 5565. Ce
sont des dizaines de milliers de dossiers. C'est intolérable. Or, le
gouvernement modifie le règlement deux ou trois fois par année,
mais c'est toujours un empêtrement. Quand la substance est
profondément mauvaise, quand vous voulez le modifier pour
l'améliorer, vous n'êtes pas capable de manoeuvrer une substance
qui est mauvaise en soi. Je ne dis pas que le gouvernement a de mauvaises
intentions. Ce n'est pas le but de mon propos, mais je dis que cette situation
ne peut plus durer. S'il n'y a pas d'équivalent à l'OCQ ailleurs
en Amérique, pourquoi faut-il se singulariser à ce point ici au
Québec et imposer de telles contraintes et de telles injustices? (16 h
50)
En terminant, je dis au gouvernement: Cessez la violence! Vous parliez
de violence physique sur les chantiers. Que dire de la violence morale qui est
beaucoup plus dommageable que la violence physique et qui fait tant de mal
à nos jeunes et à nos vrais travailleurs de la construction?
Cessez les injustices que ce fameux règlement perpétue. Je dis au
gouvernement, oui, à la qualification mais, de grâce, abolissez le
plus tôt possible cette fameuse carte de classification, ce permis de
travail tout à fait indigne de Québécois libres. Merci, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Affaires sociales, député d'Anjou et ministre du Travail par
intérim.
M. Pierre-Marc Johnson (réplique)
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai
été sensible au discours du député de Beauce-Sud
qui évoque le drame quotidien de dizaines de milliers de
Québécois en chômage, qu'ils soient dans l'industrie de la
construction ou ailleurs. Je me permettrai, puisque l'Opposition a choisi de
faire porter l'essentiel de ses interventions sur la dimension du
règlement de placement qu'on pourrait appeler connexe, bien que
totalement absente de ce projet de loi, d'y apporter quelques propos de mon
cru.
C'est vrai que la situation économique est
épouvantablement dure pour des dizaines de milliers de familles au
Québec. Elle est d'autant plus dure pour les jeunes qui ont
été formés dans notre société au slogan de:
S'instruire, c'est s'enrichir. Ils ont parfois de la misère à
voir la lumière au bout du tunnel. Mais je dirais que beaucoup des
choses que nous a rapportées le député de Beauce-Sud ne
sont pas caractéristiques ou typiques des métiers de la
construction. Ces choses sont réelles, mais elles sont
caractéristiques et typiques de ceux qui sont atteints par le
chômage. Il ne s'agit pas de se mettre la tête dans le sable
à l'égard de ces problèmes, il s'agit cependant de
constater que les instruments que le gouvernement a pour pallier ces
problèmes de chômage dans notre société, avec la
crise économique que nous vivons, sont quand même
limités.
Je parlerai maintenant un peu plus précisément de ce que
cela signifie dans la construction, cette exigence de la classification qui est
un problème que je connais un peu pour avoir été de
passage au ministère du Travail lorsque ces décisions ont
dû être prises. Le principe général qui était
alors évoqué était celui de permettre aux
véritables travailleurs de la construction de gagner leur vie sur les
chantiers de construction, sans se voir imposer une sorte de concurrence qu'on
pourrait qualifier de plus ou moins déloyale de la part de ceux qui ne
faisaient pas de ce métier leur gagne-pain. Pourquoi? C'est
essentiellement à cause des constatations de la commission Cliche qui
sont celles qu'on constate un peu partout sur le continent, dans beaucoup
d'États américains et dans beaucoup de provinces canadiennes,
celui de la violence physique et de la dureté quant à ce qui peut
se passer sur les chantiers quand l'offre d'emploi est deux fois
inférieure à la demande.
En pratique, au Québec, dans les années 1976 et 1977, il y
avait environ 200 000 personnes inscrites à l'OCQ comme travailleurs de
la construction. Dieu sait pourtant qu'à l'époque des meilleures
années de la construction il y avait du travail au Québec, alors
qu'il y avait de la construction dans beaucoup d'endroits pour à peine
la moitié et même moins que la moitié du nombre de
personnes inscrites. Il y avait encore à cette époque - on s'en
souviendra -de la violence. Le juge Cliche avait constaté comme d'autres
personnes, et non pas seulement lui, qu'il fallait trouver un moyen de
normaliser l'accès aux chantiers de construction pour ceux qui, en
termes de
qualifications professionnelles, y avaient accès.
Je préciserai ici une chose ou deux. Ce n'est pas parce que l'on
est plombier, électricien ou menuisier que par définition, on
travaille dans la construction. C'est une image qui est malheureusement encore
véhiculée. Il existe des plombiers dans les entreprises, des
électriciens d'entretien; il existe des charpentiers-menuisiers dans les
entreprises, ailleurs que dans le secteur de la construction. Il y a
même, dans ces métiers, une majorité d'employés,
dans certains cas, qu'on retrouve ailleurs que dans les métiers de la
construction. Ce sont des métiers du même type, mais qui sont
exercés en dehors de la construction domiciliaire, de la construction
commerciale ou industrielle. C'est un peu comme si on disait: Sortir de
l'université avec un diplôme en droit, ça ne vous donne pas
automatiquement la garantie que c'est au gouvernement du Québec, au
contentieux d'Hydro-Québec ou à Bell Canada que vous allez
travailler. À cet égard, la construction est reconnue
spécifiquement comme étant un domaine auquel aspirent beaucoup de
ces finissants des métiers de la construction, le domaine proprement dit
de la construction est un peu le domaine auquel aspirent ces jeunes.
Il y a des débouchés ailleurs, qui sont peu nombreux
à cause de la situation économique, mais qui ne sont pas plus
nombreux dans la construction qu'ils l'étaient; au contraire, ils sont
moins nombreux qu'ils l'étaient en 1976. Il y a au Québec, au
moment où on se parle, à peine 50 000 travailleurs-année
sur nos chantiers de construction, alors qu'il y en a près de 100 000
inscrits à l'OCQ. Quand même on en inscrirait 300 000 à
l'OCQ, ça ne donnera pas un emploi de plus dans la construction. Qu'on
se mette dans la tête que le chômage dans le secteur de la
construction ne dépend pas de la réglementation, il dépend
de l'activité économique dans le secteur de la construction.
Des voix: C'est ça!
M. Johnson (Anjou): Dans ce cadre, que vient faire la
réglementation? La réglementation vient, c'est vrai d'une
façon contraignante, limiter l'accès à ces postes dans le
secteur de la construction à des personnes en fonction de
critères de présence historique dans le milieu. Mon
collègue, le député de Prévost, l'adjoint
parlementaire du ministre du Travail, l'a bien évoqué tout
à l'heure, c'est dans le secteur de la construction plus ou moins ce qui
est l'équivalent de l'ancienneté dans le secteur industriel.
Quand ça va mal dans une compagnie, que ce soit à General Motors
ou ailleurs, s'ils sont obligés de mettre des gens à pied parce
qu'il y a moins de gens qui consomment les produits, ça se fait par
ordre d'ancienneté. Le règlement de la construction est
analogique; je ne dis pas qu'il est identique, mais il s'inspire du même
type de principe que ce qu'on retrouve dans les règles
d'ancienneté dans le secteur industriel.
C'est vrai que c'est contraignant, mais ça implique aussi deux
conséquences qu'il ne faut pas oublier. À partir du moment
où on sait que, règlement pas règlement, il n'y aura pas
plus d'activité économique sur le plan de la construction, que
cela dépend de facteurs extrinsèques à la
réglementation, nous constatons deux choses. D'une part, nous constatons
que les travailleurs de la construction qui, encore une fois, peuvent
être occupés au nombre d'environ 50 000, alors qu'il y en a
presque 100 000 d'inscrits à l'OCQ, ont un revenu annuel moyen de 15 000
$. Ce n'est quand même pas le pactole, ce n'est quand même pas
être gras dur, un revenu moyen de 15 000 $ pour bien des gens qui, dans
certains cas, sont des pères de famille, des mères de famille -
il y en a moins, il faut le dire, dans les métiers de la construction -
et qui sont des citoyens qui, dans bien des cas, ont 40, 45 ans, qui ont des
obligations familiales. Ils ont un salaire moyen de 15 000 $.
M. le Président, s'il n'y avait pas de règlement de la
construction, d'une part, il y aurait sûrement, surtout dans le contexte
économique que l'on connaît, de la violence à beaucoup
d'endroits sur les chantiers de construction. On l'a vu poindre
récemment à l'égard de travaux très précis
entre deux syndicats, alors que les gens se battent pour des emplois. La
première conséquence, s'il n'y avait pas au moins cette sorte de
contingentement relatif d'accès à l'industrie et non pas au
métier, il y aurait de la violence. Deuxièmement, il est
très clair que le salaire moyen des individus serait nettement
inférieur à 15 000 $, dans la mesure où ils seraient plus
nombreux à se partager un nombre d'heures donné.
L'industrie de la construction peut fournir tant de
personnes-année. À cet égard, il est très clair
qu'il y a des conséquences au niveau du marché noir, nous le
savons, et chaque fois que nous intervenons à l'égard du
marché noir, nous entendons les gens en face et d'autres qui nous
parlent des libertés individuelles. À toutes fins utiles, le
choix, ç'a été quoi? Cela a été de dire oui
ou non au règlement. À partir du moment où on
réglemente, il faut l'assumer avec cohérence, il faut en subir
les conséquences. (17 heures)
S'il est vrai que je suis sensible aux difficultés que
connaissent des hommes qui ont travaillé de leurs mains dans ces
métiers, ici ou ailleurs au Canada, aux États-Unis, en Afrique du
Nord, en Asie ou au Moyen-Orient, il est vrai aussi que si
nous n'avions pas cette réglementation il y aurait, d'une part,
de la violence et, d'autre part, sans doute, un revenu moyen nettement
inférieur puisque, si le taux horaire est à 10 $, 12 $ ou 13 $
dans certains cas, il faut se rappeler que plus les individus partagent les
emplois, plus cela devient difficile.
Néanmoins, M. le Président, les structures syndicales ici
au Québec ont commencé une réflexion qui prendra sans
doute un certain temps mais où il y a un courage qui s'exprime de toute
évidence par certaines structures syndicales, commencé à
évoquer cette question du partage de l'emploi pour que les heures
disponibles dans la construction soient le mieux possible partagées et
qu'il y ait là le meilleur équilibre possible de revenus entre
les individus qui y travaillent.
Ce n'est pas une démarche facile dans un pays de liberté
individuelle mais peut-être que ce secteur de notre société
est en train de se rendre compte qu'il y a aussi des solidarités
collectives à exercer. Au fur et à mesure de l'expression de
cette liberté chez les individus par leurs structures syndicales,
peut-être verrons-nous un meilleur partage des emplois dans ce
domaine.
Il n'y a pas de solution magique, règlement de placement ou pas.
Si ce n'est pas celui qui a été cité, ou l'un des trois ou
quatre individus qui ont été cités par le
député de Beauce-Sud, qui est en chômage, ce seront trois
autres par définition et ces problèmes humains graves,
importants, auxquels nous devons être sensibles ne peuvent pas
connaître de solution simpliste comme celle de l'abolition d'un
règlement qui, par ailleurs, a des effets, on le sait, qui sont positifs
à l'égard de ceux qui sont dans le milieu comme à
l'égard du climat social.
Je dirai finalement qu'on s'est fait des gorges chaudes à dire
qu'aucune réglementation de cette nature n'existait ailleurs sur le
continent nord-américain. S'il est exact que les autres États ou
les provinces au Canada n'ont pas adopté de règlements analogues,
les structures syndicales s'en sont occupées joyeusement. Dans le cas
des États-Unis, avoir accès à un chantier de construction,
cela se fait par le Union Hall et les critères appliqués par les
structures syndicales ne sont pas nécessairement des critères qui
ont le caractère objectif d'une réglementation comme celle qu'il
y a au Québec.
On sait qu'il y a régulièrement, en Colombie britannique,
en Ontario et dans toutes les régions des États-Unis, des actes
de violence constants, de batailles intersyndicales et, deuxièmement,
des problèmes entourant - quand ce n'est pas carrément la
corruption - au moins une attitude de domination de certaines structures
syndicales à l'égard des travailleurs.
Heureusement au Québec, sans prétendre que toutes ces
choses ont pu être totalement écartées, je pense que nous
les vivons ici nettement à un moindre degré. Dans les
circonstances, M. le Président, je pense que ce règlement,
malgré les difficultés qu'il présente et malgré le
fait qu'il pourra donner ouverture éventuellement à une certaine
libéralisation, a encore sa place ici. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que la
deuxième lecture du projet de loi no 27, Loi modifiant la Loi sur les
relations du travail dans l'industrie de la construction, est
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté.
Le Secrétaire adjoint: Deuxième lecture de ce
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
Renvoi à la commission du travail
M. Boucher: Je fais motion pour que ce projet de loi soit
déféré à la commission parlementaire du
travail.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion est-elle
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint.
M. Boucher: Je vous demanderais maintenant d'appeler l'article 13
de notre feuilleton d'aujourd'hui.
Projet de loi no 31 Deuxième lecture
Le Vice-Président (M. Jolivet):
Deuxième lecture du projet de loi no 31, Loi modifiant la Loi sur
les transports. M. le ministre des Transports.
M. Michel Clair
M. Clair: M. le Président, le projet de loi dont nous
entreprenons maintenant l'étude en deuxième lecture s'intitule
Loi modifiant la Loi sur les transports et ne comporte que trois articles.
À première vue on pourrait donc penser qu'il s'agit d'un
projet de loi d'une importance secondaire mais le vrai titre de ce projet de
loi devrait être plutôt loi
légalisant la pratique du covoiturage pour les fins de
déplacements domicile-travail et domicile-études. À ce
titre-là, malgré le nombre d'articles limité du projet de
loi, on serait à même de constater, à partir de ce titre et
des conséquences de ce projet de loi, toute l'importance que prend le
projet de loi no 31 dans l'organisation même du transport des personnes
au Québec. La légalisation du covoiturage, on en a parlé
pendant plusieurs années au Québec. Que ce soit sous le
régime libéral qui nous a précédés; que ce
soit au moment de l'adoption du nouveau Code de la sécurité
routière, que ce soit au moment de l'adoption de la Loi sur l'assurance
automobile du Québec, à plusieurs reprises est revenu dans
l'opinion publique ce désir exprimé par d'aucuns de
légaliser le covoiturage au Québec.
Quant à moi, j'ai maintes fois souligné au cours des
derniers mois l'intention du gouvernement de procéder maintenant
à une légalisation du covoiturage en permettant la pratique de
cette activité sans permis spécial pour les gens se
déplaçant régulièrement entre leur domicile et leur
lieu de travail ou encore entre leur domicile et leur lieu d'étude. Soit
parce qu'ils ne disposent pas d'un véhicule personnel ou encore par
souci d'économie et compte tenu de la faible qualité ou
même de l'absence de service de transport en commun dans certains
endroits, un grand nombre d'individus se regroupent pour n'utiliser qu'une
automobile pour se rendre à leur lieu de travail ou d'étude.
Cette pratique n'a cessé de connaître une popularité de
plus en plus grande au cours des dernières années.
La possibilité de covoiturer permet donc à ces personnes
de trouver une solution satisfaisante à leur problème de
transport. Elle peut leur éviter l'obligation d'acquérir un
véhicule en propre ou encore, dans certains cas, d'avoir à se
procurer un deuxième véhicule pour la famille. Surtout, ce
transport communautaire permet d'atténuer l'effet de la hausse
croissante des coûts de transport que nous avons connue depuis la crise
pétrolière en 1973.
À cet effet, j'aimerais mentionner les résultats d'une
étude faite à ce sujet par le Club Automobile du Québec,
un organisme bien connu, dans laquelle il est précisé que pour un
kilométrage annuel de 15 000 kilomètres, une voiture coûte
entre 2800 $, dans le cas d'une petite cylindrée, et 4300 $ selon,
justement, la catégorie du véhicule automobile utilisé. Ce
sont là des frais très importants, qui constituent une part
importante du budget familial. Je considère qu'il nous faut tout mettre
en oeuvre pour permettre aux Québécoises et aux
Québécois d'économiser à ce niveau et de
dégager ainsi des sommes d'argent importantes pour les autres besoins de
la famille.
Le covoiturage présente également des avantages importants
pour la collectivité. Sur le plan énergétique, il
contribue à diminuer la consommation globale d'une source
d'énergie importée, coûteuse et non renouvelable. En
diminuant le volume de véhicules circulant aux heures de pointe et en
optimalisant l'utilisation des infrastructures existantes, le covoiturage peut
aider à repousser la nécessité d'investir dans de nouveaux
équipements routiers. D'ailleurs, des expériences qui ont eu
cours aux États-Unis ont démontré justement qu'on pouvait
retarder des investissements publics en matière d'infrastructures
routières ou de transport en commun par une promotion adéquate du
transport par covoiturage.
Finalement, l'accroissement du taux d'occupation de chaque
véhicule automobile diminue également la demande en aires de
stationnement dans les centre-ville, ce qui se traduit par d'importantes
économies d'espace dans les milieux hautement urbanisés. Que dire
maintenant des économies de vies humaines que cela peut comporter de
covoiturer? Nous savons tous que la fatigue accumulée par le conducteur
est un des facteurs des accidents d'automobile. Dans la mesure où un
certain nombre de personnes se regroupent pour aller au travail avec une seule
voiture, bien souvent en alternant les personnes qui conduisent le
véhicule, on diminue également considérablement les
risques d'accident et, en conséquence, cela a un impact social non
négligeable. (17 h 10)
L'éventualité d'une légalisation du covoiturage
fait l'objet depuis plusieurs années de consultations dans le milieu
concerné. Il en a été fait mention, notamment, dans le
plan d'action intitulé: De nouvelles avenues pour le taxi, alors que le
gouvernement signifiait son intention de légaliser à court terme
la pratique existante du covoiturage et, également, d'en faire ou d'en
favoriser la promotion.
Cette initiative a reçu, je dois le dire, l'appui de nombreux
organismes et regroupements lors de la commission parlementaire sur le taxi.
Les représentants de l'industrie du taxi de même que les
propriétaires d'autobus ont, par le passé, signifié leur
inquiétude face à une éventuelle légalisation du
covoiturage. Cette inquiétude est en voie de se résorber en
raison principalement d'une meilleure compréhension de la
problématique du covoiturage.
Dans le domaine du taxi en particulier, les perspectives d'avenir de
cette industrie, dans le contexte de l'ouverture éventuelle de nouveaux
marchés, ont eu pour effet de diminuer considérablement les
appréhensions à ce sujet. De plus, quelques rencontres ont
été effectuées entre les représentants de
l'association, Covoiturage Québec Inc., un organisme sans but lucratif
voué à la
promotion et à l'implantation du covoiturage, et ceux de la
Fédération des ligues de taxi du Québec. Il appert que le
taxi pourrait être développé comme un des moyens mis
à la disposition des adeptes du covoiturage. Donc, M. le
Président, à cet égard, non pas une incompatibilité
entre la légalisation du covoiturage et le développement de
l'industrie du taxi, mais, au contraire, une communauté de vues, une
complémentarité qui viserait à faire la promotion non
seulement du covoiturage par un véhicule propriété des
covoiturés, mais également de pouvoir faire du covoiturage en
utilisant le taxi. Tel est le sens des discussions qui ont eu cours entre la
Fédération des ligues de taxi du Québec et Covoiturage
Québec Inc.
En ce qui concerne toujours l'industrie du taxi, le covoiturage, en
diminuant la dépendance des individus face à leur automobile,
pourrait même avoir un effet très positif sur l'industrie du taxi.
Alors que l'avantage comparatif du covoiturage augmente avec la distance, celui
du taxi a tendance à diminuer. Les possibilités de chevauchement
sont donc limitées. Sur ce point-là, M. le Président, je
voudrais insister sur une dimension.
Il est bien connu que les gens covoiturent rarement pour de courtes
distances et font beaucoup plus souvent appel pour des courts
déplacements, lorsqu'ils n'utilisent ni le transport en commun ni leur
véhicule propre, au taxi. C'est le recours usuel de déplacement
rapide, peu coûteux, dans les centres urbains, sur de courtes distances.
D'ailleurs, la majorité des courses, 80% des courses de taxi, sont pour
une distance de moins de cinq kilomètres, alors que l'expérience
américaine, des expériences étrangères nous
apprennent qu'environ 80% des déplacements en matière de
covoiturage, les navetteurs, comme on les appelle parfois, 80% de ceux-ci
voyagent sur une distance d'au moins quinze kilomètres, une distance
pour laquelle on utilise rarement un taxi. On voit donc, M. le
Président, que loin de venir en opposition, le développement de
l'industrie du taxi et le développement du covoiturage, ces deux modes
de transport, ces deux techniques douces de transport, sont susceptibles de se
compléter plutôt que de s'affronter.
Par ailleurs, M. le Président, les covoiturés, les
navetteurs, sont des clients potentiels du taxi pour les courses à
l'heure du déjeuner, pour les rencontres dans le cadre de leur travail
ou pour le retour à la maison à une heure inhabituelle. Dans ce
sens-là, je connais effectivement des gens, dans la région de
Montréal, qui font du covoiturage et il est fréquent de constater
que, chez des fonctionnaires, par exemple, qui covoiturent ensemble entre leur
résidence et le lieu de leur travail, si l'un d'entre eux, pour une
raison ou pour une autre, pendant la journée, doit se déplacer
sur une courte distance, rapidement, il fait alors appel au taxi, alors que
s'il n'avait pas covoituré le matin, en se rendant à son travail,
de toute évidence, celui-ci se serait servi de sa voiture plutôt
que de se servir d'un taxi.
Sur cette question, donc, non pas une opposition. On ne devrait pas voir
comme une possibilité d'enlever du marché au taxi en
légalisant le covoiturage, mais, au contraire, comme une autre
façon de diversifier, d'augmenter la clientèle des
propriétaires et des chauffeurs de taxi.
En ce qui concerne maintenant les propriétaires d'autobus,
l'Association des propriétaires d'autobus du Québec m'a fait
parvenir, il y a quelques jours, peut-être même hier, et
probablement qu'elle a fait de même auprès de mon critique en
matière de transport, le député de Laporte. Cette
association s'inquiète de la légalisation du covoiturage
craignant que cela ne vienne miner la rentabilité de l'industrie du
transport par autobus, du transport privé. À cet égard, il
me semble, premièrement, que ces craintes sont largement
exagérées, que l'objectif de la légalisation du
covoiturage n'est aucunement de permettre que se développe un
système parallèle de transport lucratif, mais simplement d'offrir
une solution de rechange à des personnes qui ne peuvent ou ne veulent se
payer des automobiles privées, qui désirent se regrouper pour
covoiturer, c'est le terme à employer dans les circonstances, et non pas
de développer un système parallèle de transport.
Tout comme dans le cas de l'industrie du taxi, dans la mesure où
des gens abandonnent une voiture personnelle, font un autre choix que la
voiture individuelle, c'est autant d'habitudes de prises que d'utiliser
d'autres modes de transport que l'automobile personnelle. Dans ce sens, je suis
convaincu qu'une personne qui prend l'habitude pour les fins de
déplacement domicile-travail, par exemple, de covoiturer, cette personne
sera un client en puissance plus certain pour l'autobus privé ou public
que si cette personne conserve l'habitude de n'utiliser que son véhicule
personnel. Cela m'apparaît évident, encore une fois, en ce qui
concerne les propriétaires d'autobus qu'il n'y aura pas de
conséquence négative pour eux en légalisant la pratique du
covoiturage, mais qu'au contraire, en développant une solution de
rechange à l'automobile privée qu'on contribue à augmenter
le potentiel d'utilisation de tous les autres modes de transport en commun ou
semi-collectifs, comme le taxi, y compris l'autobus interurbain.
Deuxièmement, en ce qui concerne les propriétaires
d'autobus, je voudrais également rappeler qu'un groupe de travail
conjoint du ministère des Transports du Québec et de
l'Association des propriétaires d'autobus du
Québec est déjà en marche et devrait être en
mesure de nous faire des recommandations à l'automne quant aux meilleurs
moyens à prendre pour améliorer le sort de l'industrie du
transport en commun privé au Québec et également de
rajeunir le cadre réglementaire de ce transport en commun très
important pour les régions du Québec. D'autre part, il y a lieu
de souligner que lors de la commission parlementaire sur la réforme du
cadre institutionnel et financier du transport en commun dans la région
de Montréal, de nombreux intervenants ont souligné l'importance
de favoriser le développement de modes alternatifs de déplacement
dont le covoiturage pour les populations de banlieue.
Vous vous souviendrez sûrement qu'on parlait, à ce moment
de développer non seulement les moyens lourds de transport, mais
également de développer ce qu'on avait appelé les
techniques douces de transport à savoir le covoiturage, le taxi
collectif, le transport par autobus, etc. Le covoiturage constitue en effet une
solution de rechange particulièrement intéressante dans les
secteurs semi-urbains où l'organisation de services de transport en
commun traditionnels n'est pas viable financièrement en raison de la
faible densité de population. Il faut considérer que le
covoiturage est un fait acquis au Québec et que la modification
législative aura principalement pour effet de régulariser, de
légaliser la situation. D'ailleurs, l'expérience
nord-américaine révèle que la plupart des provinces
canadiennes et des Etats américains ont légalisé cette
activité. Au Québec, actuellement, la Loi sur les transports
édicte: "Que nul ne peut fournir des services à l'aide de moyen
d'un système de transport contre une rémunération directe
ou indirecte s'il ne détient le permis prescrit à cette fin par
règlement." (17 h 20)
Bien sûr, les règlements de transport prescrivent des
permis pour transporter des personnes contre rémunération. Cette
disposition de la Loi sur les transports prête à
interprétation dans le cas du covoiturage et c'est cette
ambiguïté qui a freiné le développement du
covoiturage particulièrement en empêchant la promotion officielle
et légale de cette activité. L'esprit des réformes mises
de l'avant récemment dans le domaine des transports qui visent avant
tout une utilisation plus rationnelle des équipements existants plaide
en faveur d'une adaptation du contexte réglementaire à la
réalité actuelle ainsi qu'aux tendances futures. Non seulement
cela plaide en faveur de la légalisation du covoiturage, mais
également l'adoption, en 1978, de la Loi sur l'assurance automobile du
Québec, qui, malheureusement, avait été
décriée à l'époque par l'Opposition, en
garantissant l'indemnisation de toutes les personnes victimes, blessées
ou tuées dans un accident d'automobile, il n'y avait plus, du point de
vue des assurances - et il n'y a plus du point de vue des assurances -
d'obstacle à la légalisation du covoiturage.
Donc, M. le Président, je propose de modifier, par le projet de
loi no 31, l'article 36 de la Loi sur les transports, afin de légaliser
la pratique du covoiturage vers les lieux de travail ou les lieux
d'études. Je propose que la contribution exigée des usagers dans
le cadre de tels services ne couvre que les frais d'utilisation du
véhicule, ce qui empêchera, comme je l'expliquais tantôt, le
développement de systèmes lucratifs parallèlement aux
services réguliers de transport existants, le type de transport
autorisé devant en effet avoir un caractère carrément
communautaire.
La proposition ne limite pas le type de véhicules pouvant
être utilisés dans le cadre de tels services. Le sens commun ainsi
que les expériences étrangères démontrent que les
véhicules le plus fréquemment utilisés sont d'abord, bien
sûr, l'automobile personnelle et, deuxièmement, la fourgonnette,
d'une capacité variant entre dix et quinze passagers. Le fait que de
tels services devront être dispensés à des fins non
lucratives diminue également et annule, à toutes fins utiles,
l'incitation à utiliser des véhicules à haute ou à
très haute capacité.
En conclusion, il y a donc lieu de souligner que si l'objectif principal
du présent projet de loi est de normaliser la situation d'un bon nombre
de personnes qui pratiquent déjà le covoiturage, cette mesure
législative, en éliminant l'ambiguïté légale,
facilitera sa promotion et favorisera, par le fait même, son
développement. Déjà, plusieurs organismes, dont
l'association, Covoiturage Québec Inc., travaillent activement à
promouvoir l'organisation de cette forme de transport en mettant l'accent sur
la mise en place de programmes de covoiturage à partir de grandes
entreprises. D'ailleurs, je me permets de féliciter, comme ministre des
Transports du Québec -et, j'en suis sûr, au nom de tous mes
collègues - les fondateurs de l'association, Covoiturage Québec
Inc. qui, dans des circonstances qui n'étaient pas faciles pour eux, ont
obtenu le soutien moral et financier des deux niveaux de gouvernement afin de
se constituer une petite équipe qui, bénévolement,
à toutes fins utiles, au départ, a fait la promotion du
covoiturage auprès de grandes entreprises et qui a contribué
largement à l'avancement dans les mentalités du milieu du taxi et
du milieu des propriétaires d'autobus, à l'avancement de cette
idée de légaliser le covoiturage et d'en faire la promotion.
Dans le cas des entreprises situées en banlieues
éloignées, dans des zones peu
denses et mal desservies par le transport en commun, le transport des
employés peut, en effet, constituer un problème majeur, et les
différentes formes de covoiturage se révèlent une solution
très avantageuse. Cette situation vaut également pour les
entreprises situées en milieu urbain, mais éprouvant des
problèmes de stationnement. C'est spécifiquement à ces
problèmes que l'on vise à apporter une solution et que
l'association, Covoiturage Québec Inc. s'attaque également. De
plus, il me fait plaisir d'indiquer que plusieurs organismes gouvernementaux,
en particulier la Régie de l'assurance automobile du Québec,
comme organisme, et Radio-Québec, en plus du ministère des
Transports du Québec, se sont montrés intéressés
à s'associer à la promotion du covoiturage au Québec. Pour
les pouvoirs publics, finalement, la pratique du covoiturage peut
atténuer la nécessité de mettre en place des services de
transport en commun dans les zones peu denses, services qui sont
généralement largement déficitaires.
La légalisation du covoiturage et la promotion de cette
activité ne constituent qu'une étape dans le développement
d'un plan de transport faisant appel à un ensemble de services
correspondant aux besoins particuliers des différentes catégories
d'utilisateurs et dans un contexte d'efficacité économique et
sociale. Il n'en représente pas moins, j'en suis convaincu, une
étape très importante, très significative et des plusrentables pour la société québécoise. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Je me réjouis
du dépôt du projet de loi no 31 qui vise à éliminer
l'imbroglio légal en rapport avec le covoiturage au Québec.
Enfin, on légalisera un mode de transport privé par lequel un
groupe de personnes demeurant à proximité voyagent ensemble pour
couvrir d'une façon économique le trajet entre la
résidence et le lieu de travail. Cette loi permettra un partage en tout
ou en partie des frais du véhicule par un groupe de personnes qui se
rendent à leur travail ou à leur lieu d'études. Il ne sera
plus nécessaire de requérir un permis de la Commission des
transports du Québec pour ce genre de transport collectif. On vise
à résoudre l'ambiguïté de la loi face à la
pratique du covoiturage.
Mais pourquoi faire la promotion du covoiturage? Ce mode de transport en
vigueur aux États-Unis depuis au moins dix ans et, en Ontario, depuis
plus de cinq ans, vise à rentabiliser l'infrastructure routière
en place, à dégager et décongestionner les centre-ville,
à complémenter les systèmes de transport en vigueur et
à permettre des économies aux usagers tout en favorisant une
meilleure productivité des employés dans les entreprises. Je me
dois quand même de blâmer le gouvernement pour sa lenteur à
présenter un tel projet de loi.
Qu'il me soit permis de faire un bref historique de la situation en
Amérique du Nord. Avec la crise du pétrole en 1973, le
gouvernement fédéral américain s'est grandement
impliqué dans la promotion du covoiturage. Il a établi des
lois-cadres pour favoriser le covoiturage et environ 40 États
américains ont légalisé le covoiturage. Le gouvernement
américain a financé des études sur les avantages et
l'implantation du covoiturage. Il a participé activement à des
projets pilotes, à la promotion des activités du covoiturage; il
a aussi alloué des fonds de capitalisation pour construire des voies
réservées, des stationnements, le tout pour favoriser l'usage du
covoiturage. En effet, si on veut que quelque chose réussisse, il faut
nécessairement y conférer certains avantages. L'effet a
été dramatique. On estime qu'en 1975, on économisait
déjà 3 500 000 000 de gallons d'essence par année par
l'usage du covoiturage. Je cite The Report of the National Task Force on the
Ride Sharing 1980, à la page 7. Mais on n'est pas satisfait aux
États-Unis, on veut doubler les économies pour l'année
1985.
Au Canada, c'est l'Ontario qui a pris les premières mesures
législatives, en 1977, à l'effet de modifier le "Public Vehicle
Act" pour légaliser et déréglementer la pratique du
covoiturage. Plusieurs programmes pour favoriser le développement du
covoiturage sont maintenant en oeuvre en Ontario. Je me réjouis que le
gouvernement considère qu'il y a des solutions douces dans un plan de
transport collectif. Depuis des années, le gouvernement favorise le
développement du transport collectif selon des solutions lourdes telles
que le plan de Belleval et la ligne de métro de surface no 6
récemment proposée à la Communauté urbaine de
Montréal par le gouvernement du Québec via le COTREM, qui est le
Conseil des transports de la région de Montréal. Le
préjugé favorable du gouvernement envers les solutions lourdes de
transport en commun collectif a rendu le gouvernement myope en regard des
préférences de la population vis-à-vis du transport
collectif privé. En effet, le covoiturage au noir est une pratique bien
établie. Une étude du COTREM faite en 1982 démontrait
qu'il y avait au moins 110 000 navetteurs ou covoiturés dans la
région de Montréal pour se rendre à leur travail. Le
covoiturage existe, c'est un fait indéniable, et jusqu'à
récemment le gouvernement refusait d'en permettre un
développement harmonieux. (17 h 30)
Encore cette année, si l'Opposition officielle n'avait pas
insisté fortement auprès du ministre des Transports, le
gouvernement hésiterait encore à institutionnaliser la pratique
du covoiturage. Je ne comprends pas ses hésitations, quand on
connaît tous les avantages du covoiturage. Le covoiturage diminue les
coûts de transport pour ceux qui en font l'usage, il diminue le stress du
transport et améliore la productivité de l'employé. Le
covoiturage permet aux entreprises de réduire les coûts du
stationnement. En regard de la collectivité, il permet une utilisation
plus efficace de l'infrastructure routière, une économie de
pétrole et, mieux encore, il améliore la qualité de la vie
en diminuant la pollution et les embouteillages sur les routes.
Je me réjouis donc de la libération du covoiturage, mais
je presse maintenant le gouvernement d'établir un préjugé
favorable à l'égard du transport collectif privé. C'est
une solution voulue par les Québécois et elle doit être
insérée dans une politique globale de développement du
transport collectif favorisant des solutions légères. Qu'on cesse
donc de communiser le transport collectif et de ne promouvoir que des solutions
lourdes. Plus que jamais il faut penser au développement de modes de
transport adaptés aux goûts et aux besoins de la population.
Plus conformes aux habitudes des Québécois, ces solutions
dites légères ont également l'avantage de ne coûter
absolument rien à l'État et au trésor public. Par exemple,
abolir le péage sur les autoroutes pour les véhicules
transportant plus de trois personnes est beaucoup plus conforme aux
préférences des citoyens que de construire un métro de
surface de 200 000 000 $ à 300 000 000 $ en plein champ.
L'abolition du péage implique certes des coûts. Une
étude effectuée par le COTREM en 1983 intitulée
Possibilités de covoiturage sur les autoroutes à péage
à Montréal évalue les coûts de mise en oeuvre
approximativement à 500 000 $ et conclut que les coûts
préférentiels sont minimes par rapport aux
bénéfices escomptés. Enfin, une autre étude d'un
fonctionnaire du ministère des Transports en mars 1983 intitulée
L'avantage énergétique du covoiturage au Québec conclut:
"L'ensemble des scénarios permettent de conclure que des
économies au titre des frais variables d'utilisation des
véhicules, au titre des places de stationnement requises par les
navetteurs et au titre de la consommation de carburants peuvent provenir du
covoiturage."
Je me réjouis que le gouvernement ait finalement
cédé aux pressions des navetteurs ou des covoiturés, aux
pressions de l'Opposition et surtout aux pressions de l'organisme Covoiturage
Québec, pressions qui avaient pour but d'inciter le ministre des
Transports à légaliser le covoiturage.
Quand on connaît le préjugé favorable du
gouvernement actuel pour le transport collectif et surtout pour les solutions
lourdes, dont le meilleur exemple est ce projet de métro de surface
qu'on veut construire entre Saint-Laurent et Pointe-aux-Trembles, à
travers des parcs industriels où il n'y a à peu près
aucune densité de population et à travers les champs de
Rivière-des-Prairies et Pointe-aux-Trembles, quand on considère
la guerre implacable que le gouvernement du Québec mène aux
automobilistes depuis qu'il est là - je ne veux citer à ce sujet
que la hausse incroyable de la taxe d'essence l'an dernier, la hausse qui a
fait doubler le coût des péages sur les autoroutes il y a un an,
la hausse du coût d'immatriculation, la hausse de la taxe de vente
à 9%, et j'en passe de meilleures - je me dis qu'il y a lieu de se
réjouir de la conversion récente du ministre qui a finalement
reconnu le bien-fondé de cette mesure qui vise à légaliser
le covoiturage.
À ce sujet, M. le Président, permettez-moi de citer un
extrait d'un éditorial du journal Le Devoir, écrit par le
journaliste Jean Francoeur, le 2 juin dernier, qui disait: "Ainsi donc,
l'automobile, après tout le mal qu'on a pu en dire, s'obstine à
ne pas mourir; mieux, elle s'adapte aux circonstances nouvelles. "Le
procès de la voiture individuelle, dont le dossier est fort lourd en
matière de crimes sociaux, a été souvent instruit. Mais le
public, loin de condamner l'accusée, aurait plutôt tendance
à lyncher ses accusateurs." Les accusateurs sont le ministre des
Transports et le gouvernement du Québec qui ont décidé de
livrer la guerre à l'automobiliste. Je reprends l'article du Devoir
intitulé: "Les illégaux du covoiturage". "L'automobile est
responsable de l'étalement urbain des années 60. Elle a
exigé d'énormes dépenses publiques d'infrastructures. Elle
congestionne les artères des centre-ville aux heures de pointe et pollue
l'atmosphère." On dit un peu plus loin: "Mais elle résiste. Elle
a tenu le coup de deux chocs pétroliers majeurs. Elle brave même
au Québec la taxe ascenseur de M. Parizeau. Certains y verront un
complot des multinationales: ce qui est bon pour GM, etc. La
vérité, qu'on le déplore ou non, c'est que nos
contemporains, s'ils ont cessé de faire de la grosse voiture un des
symboles de leur statut social, n'en restent pas moins profondément
attachés aux valeurs qu'elle représente, dont celle d'une
mobilité individuelle presque totale. Il y a là un roc contre
lequel se sont brisés les efforts des réformateurs sociaux les
mieux intentionnés. "Contre l'automobile, on a voulu jouer le transport
en commun: autobus et métro. On a stoppé le développement
des réseaux autoroutiers et consacré des budgets
considérables à la décongestion des centre-ville,
notamment par le percement de tunnels à circulation rapide. Mais on
avait sous-estimé le coût même de ces installations. Nouveau
coup de barre par la suite: un moratoire sur la construction du métro.
"Ce moratoire a été levé depuis et, la conjoncture
pressant, Québec s'affaire à accélérer de nouveaux
investissements en matière de transport en commun. De là le
débat sur le prolongement du métro de Montréal où
sont apparues les limites des lourdes infrastructures de transport en commun
lorsqu'il s'agit de desservir des territoires à faible
densité."
Parmi les solutions dites légères, en plus du covoiturage
on doit considérer par exemple la multiplication des voies
réservées pour les véhicules qui transportent plusieurs
passagers, les stationnements incitatifs, le taxi collectif, le métrobus
et le dégrèvement fiscal - pourquoi pas - pour les
véhicules de transport de personnes à haute densité.
Le gouvernement doit devenir le promoteur d'une politique à
tendance légère, et le covoiturage me semble une excellente
première initiative. Ce qui est plus important, c'est que le
gouvernement permette le plus vite possible d'autres mesures reconnues
efficaces pour promouvoir le transport collectif privé. Nos voisins ont
déjà beaucoup d'expérience dans ce domaine et ils ne
demandent pas mieux que de nous aider.
Je voudrais souligner en terminant les efforts de Covoiturage
Québec Inc. qui, depuis sa fondation en 1981, a fait une promotion
exemplaire du covoiturage dans un contexte des plus difficiles. On avait
à briser l'apathie du gouvernement et à le rallier à sa
cause en même temps qu'il fallait organiser le transport collectif
privé chez des employeurs et des employés qui craignaient
l'illégalité. Maintenant la voie est ouverte et je suis sûr
que le dynamisme de Covoiturage Québec Inc. permettra un
développement rapide et harmonieux de ce mode de transport en commun
privé.
En terminant, M. le Président, je dis donc: Longue vie au
covoiturage! Je vous remercie. (17 h 40)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Vimont et adjoint parlementaire au ministre des Transports.
M. Jean-Guy Rodrigue
M. Rodrigue: M. le Président, en prenant connaissance du
projet de loi no 31, qui a pour objet de modifier la Loi sur les transports
afin de légaliser le covoiturage, il m'est venu à l'esprit une
réflexion à l'effet que ce ne sont pas toujours les projets de
loi les plus volumineux et les plus coûteux qui affectent le plus les
citoyens. On en a un bon exemple par ce projet de loi qui ne comporte que trois
articles mais qui, finalement, aura probablement des répercussions
beaucoup plus importantes que sa teneur modeste ne pourrait le laisser
supposer.
Effectivement, ce projet de loi, quoique modeste par son volume, n'en
aura pas moins des répercussions importantes pour des milliers de
travailleurs et des milliers d'étudiants qui, chaque jour, doivent
parcourir des distances parfois fort importantes pour se rendre à leur
lieu de travail ou d'études ou en revenir. Ce projet de loi
prévoit en effet qu'il sera désormais permis à un
particulier, lorsqu'il se rend à son lieu de travail ou qu'il en
revient, de transporter des personnes qui se déplacent pour les
mêmes raisons et ce, moyennant une contribution couvrant les frais
d'utilisation de son véhicule. On pourra donc, à l'avenir, dans
le cas du covoiturage, partager entre ceux qui utilisent l'automobile les frais
de trajet dans les limites prévues dans le cadre de cette loi,
c'est-à-dire des personnes qui utilisent un même véhicule
pour se rendre à leur lieu de travail ou encore à leur lieu
d'études, ou dans l'environnement du lieu de travail ou du lieu
d'études de celui qui conduit le véhicule.
L'adoption de cette loi permettra, en premier lieu, de légaliser
une pratique à laquelle s'adonnent déjà bon nombre de
travailleurs et d'étudiants québécois. En fait, selon M.
Jean Francoeur du Devoir, dans le même éditorial que citait le
député de Laporte, il y aurait actuellement plus de 500 000
personnes qui, chaque jour, utilisent ce mode de transport pour se rendre ou
revenir du travail ou de leur lieu d'études et qui ignorent, pour la
plupart, qu'en agissant ainsi elles se trouvent à tout le moins en
situation d'illégalité technique, si vous me permettez
l'expression. Ce qui est plus important encore, c'est que cette mesure
législative va permettre dorénavant de faire la promotion de ce
mode de transport qui comporte de nombreux avantages tant pour les individus
que pour la collectivité.
J'étais heureux d'entendre le ministre, tout à l'heure,
nous dire que déjà des plans de communication sont sur les tables
de travail afin qu'une fois cette loi adoptée les citoyens du
Québec soient sensibilisés aux avantages extrêmement
importants que cette pratique peut avoir autant pour eux que pour la
collectivité. Ce qui est peut-être plus important encore, c'est
que cette pratique, si elle était plus répandue, permettrait, en
effet, de diminuer le nombre de véhicules qui circulent sur nos routes
et dans nos villes aux heures de pointe. Cela aurait pour conséquence
d'accélérer la circulation, cela va de soi, et de réduire
ainsi les temps requis pour se rendre au travail et en revenir, puisqu'il y
aurait moins
d'automobiles sur nos routes et dans nos rues, diminuant ainsi les
embouteillages que, trop souvent, l'on connaît, soit à l'abord des
ponts, dans la région de Montréal en particulier, ou encore sur
certaines rues fort achalandées.
Il est ainsi également rapporté que l'utilisation d'un
véhicule pour le covoiturage - je fais référence à
une étude qui a été faite en Californie - enlève
entre deux et quatre automobiles de la route. Par contre, s'il s'agit
d'utiliser des fourgonnettes à dix ou douze places, comme le font
déjà, d'ailleurs, certaines compagnies dans la région de
Montréal, pour le transport de leurs salariés, à ce
moment-là, c'est huit automobiles qu'on sort de la route pour les
remplacer par un seul véhicule. C'est donc ainsi qu'un accroissement du
covoiturage devrait permettre l'augmentation de la capacité du
système routier du Québec sans qu'il soit nécessaire d'y
investir un seul cent à même les fonds publics. Il y a des
équipements qui sont là. Ils sont parfois surutilisés.
Mais en permettant aux citoyens d'utiliser un véhicule pour transporter
deux, trois ou quatre personnes moyennant rémunération et
en réduisant ainsi le nombre de véhicules sur nos routes, il va
de soi que nous allons retarder d'autant l'obligation dans laquelle se
retrouverait le gouvernement de construire de nouvelles routes ou
d'élargir celles qui existent déjà.
Pour mieux illustrer la rentabilité du covoiturage par rapport
aux autres modes de transport en commun, vous me permettrez, M. le
Président, de citer un extrait du mémoire qu'a
présenté l'organisme, Covoiturage Québec Inc., à la
commission parlementaire des transports concernant la proposition
gouvernementale sur l'organisation et le financement du transport en commun
dans la région de Montréal. Je pense que, là, cela mettra
un peu en perspective les propos que tenait le député de Laporte,
tout à l'heure.
Covoiturage Québec Inc. nous disait ceci: C'est que le
covoiturage, d'abord, se définit comme un mode de transport collectif
privé par lequel un groupe de personnes habitant et travaillant dans le
même secteur ou le long d'une route commune voyagent dans un même
véhicule et partagent les frais du trajet en totalité ou en
partie, selon le cas. Il poursuivait en indiquant que le covoiturage s'inscrit
dans les préoccupations gouvernementales énoncées dans les
six premières lignes de sa proposition, le transport en commun, un choix
régional.
Tout à l'heure, j'écoutais attentivement le
député de Laporte qui "se réjouissait" -entre guillemets;
je pense qu'il faisait un peu de démagogie - qui feignait de "se
réjouir" -entre guillemets - que le gouvernement cède finalement
aux pressions des groupes comme Covoiturage Québec Inc. C'est faire
injure à la réalité que de tenir de tels propos. De fait,
le ministère des Transports et le ministre actuel des Transports ont
participé activement à l'appui financier de cet organisme de
façon que ce groupe puisse mener à termes les études qu'il
avait entreprises et, effectivement, cet appui qu'ils ont reçu du
ministère des Transports du Québec et également du
ministère fédéral des Transports leur a permis de
présenter un mémoire extrêmement bien structuré lors
de la commission qui a siégé l'automne dernier. Dans ce contexte,
je pense qu'il est extrêmement démagogique de vouloir
prétendre aujourd'hui, comme l'a fait le député de
Laporte, que le gouvernement céderait finalement à des pressions.
Il a souhaité ces pressions, si vous permettez, en supportant les
efforts du groupe qui, selon le député de Laporte, aurait fait
ces pressions.
Ce covoiturage s'inscrit effectivement dans les préoccupations du
gouvernement du Québec et pour une raison bien simple, c'est qu'il
contribuera largement à la consolidation du tissu urbain dans les
grandes agglomérations, à l'amélioration de la
qualité de la vie, à la diminution de la consommation
énergétique et, finalement, cela va dans le sens de la
priorité que le gouvernement veut accorder au transport collectif par
rapport au transport individuel qui est devenu prohibitif, au cours des
dernières années, non pas seulement à cause de la taxe sur
l'essence, mais parce que les pétroliers ont augmenté
radicalement le prix de l'essence. Je pense que tout le monde est au courant du
fait qu'il y a peut-être sept, huit ou dix ans, on pouvait acheter un
baril de pétrole pour 3 $ et qu'aujourd'hui les pays de l'OPEP vendent
leur pétrole environ 29 $ le baril, mais qu'ils sont allés
jusqu'à 35 $ l'an passé. (17 h 50)
C'est cela qui, fondamentalement, explique la hausse des prix de
l'essence. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de jeter un coup d'oeil sur un
tableau récemment et on y voyait que les taxes et redevances que
perçoit le gouvernement du Québec sont à peu près
égales aux taxes et redevances que perçoit le gouvernement
fédéral sur le litre d'essence que nous achetons à la
pompe. Si le prix de l'essence est si élevé au Québec, il
y a là certainement, à tout le moins, une responsabilité
partagée entre les pétroliers eux-mêmes qui sont
effectivement les premiers responsables et les gouvernements qui, par le biais
de ces taxes, vont chercher les sommes qui leur sont nécessaires pour
maintenir et améliorer le réseau routier au Québec et
ailleurs au Canada. On dit que le covoiturage améliorera la
qualité de la vie. Aujourd'hui, dans le Soleil, j'ai lu un article
où effectivement on établit que l'automobile est responsable de
35% de la pollution atmosphérique dans les villes importantes un
peu partout dans le monde.
Je cite un cours passage de l'article. C'est une étude
d'Environnement-Canada qui disait ceci: "Il rappelle entre autres choses aux
citoyens que l'automobile est responsable de 35% de toute la pollution de
l'air." C'est donc dire, M. le Président, que, par le biais d'une
mesure, qui a peut-être l'air un peu anodine, comme l'adoption ou la
légalisation du covoiturage, ceci est de nature à réduire
sensiblement la pollution atmosphérique que nous constatons dans des
villes importantes comme Montréal, Québec ou ailleurs au
Québec, en particulier, en fait, dans les mois d'hiver, alors que la
circulation est beaucoup plus lente et que les véhicules, pour toutes
sortes de raisons, cheminent lentement dans les rues et même, parfois,
sont bloquées par des embouteillages qui se prolongent à cause
d'accrochages ou parce que la chaussée est mal
dégagée.
Une utilisation croissante du covoiturage permettrait également
de réduire la demande en espaces de stationnement dans les centre-ville.
Et comme je viens de le mentionner, la pollution qui est engendrée par
le trop grand nombre de voitures qui y circulent ne pourrait que diminuer et
ainsi, nous pourrions revaloriser cette qualité de vie des usagers de
nos centre-ville et, surtout, de ceux qui y habitent à longueur
d'année.
D'un autre côté, l'économie d'énergie
qu'entraînerait l'utilisation de ce mode de transport sur une grande
échelle permettrait en même temps de réduire de plusieurs
millions de dollars la facture de notre pétrole importé. C'est
aussi une conséquence fort intéressante puisque, au
Québec, nous ne produisons pas de pétrole; ce sont des
importations pour la totalité du produit que nous consommons. Le fait de
réduire la consommation est, bien sûr, un facteur important pour
améliorer notre balance des paiements avec les autres pays.
Également, la diminution du nombre de véhicules en circulation
reporterait à plus tard la nécessité d'investir des fonds
publics dans de nouveaux équipements routiers, comme je l'ai
mentionné tout à l'heure, qui seraient d'autant plus
coûteux qu'ils devraient être réalisés dans des zones
fortement urbanisées.
Finalement, le covoiturage constitue aussi une alternative
intéressante et un mode de transport complémentaire dans les
secteurs semi-urbains où il serait trop coûteux d'implanter des
services de transport en commun en raison de la faible densité de la
population. Dans cet ordre d'idées - et encore là, j'aimerais
relever des paroles que le député de Laporte a dites tout
à l'heure: Le covoiturage ne viendra pas remplacer le transport en
commun, mais ce qu'il peut faire, c'est d'être un complément au
transport en commun. Pour ceux qui vivent dans la banlieue de Montréal,
comme c'est mon cas, à Laval, par exemple, ou encore sur la rive sud ou
dans l'est, dans le coin de Repentigny, on constate une pratique qui est
courante. Les gens partiront de points dispersés un peu partout dans
toute la ville et utiliseront leur véhicule personnel, parce qu'ils sont
souvent dans des zones non densément peuplées, donc non
desservies par les systèmes de transport en commun - il serait trop
coûteux de le faire dans ces zones - pour se rendre à la
tête du métro, soit à Longueuil ou à Henri-Bourassa
dans le nord de Montréal puis ils utiliseront le transport en commun. De
la même façon, si le métro de surface est
réalisé vers Rivières-des-Prairies et, possiblement,
Pointe-aux-Trembles, les personnes qui demeurent dans l'est de la ville de
Laval, ou encore du côté de Terrebonne ou dans ce coin, pourront
utiliser ce mode de covoiturage pour se rendre ensemble à une station du
métro de surface et, par la suite, utiliser le transport en commun pour
aller au centre-ville. Il y a donc là complémentarité
entre ces deux modes de transport qui permet de franchir des trajets quand
même importants, mais de le faire dans le temps le plus court
possible.
Je peux vous dire, pour avoir travaillé au centre-ville de
Montréal pendant un bon bout de temps, que je ne suis pas trop
intéressé à utiliser mon véhicule personnel pour
aller me promener dans les rues de Montréal, surtout en hiver. Il y a
beaucoup de Lavallois qui réagissent comme moi. Ils
préfèrent utiliser leur véhicule pour se rendre à
la tête du métro et, de là, utiliser le métro pour
se rendre en ville. Il est certain que les modes de transport en commun actuels
ne satisfont pas tous ceux qui doivent se déplacer quotidiennement, bien
sûr. Beaucoup préfèrent, pour des raisons personnelles,
utiliser leur automobile. Par ce projet de loi, nous favoriserons donc le
regroupement de ces citoyens en unités de covoiturage pour en faire un
véritable mode de transport collectif privé qui, effectivement,
servira d'appoint au système de transport public.
Il est également certain que le développement du
covoiturage ne peut être que quelque chose de positif, tant sur le plan
humain qu'économique. En effet, ce système accroîtra
très certainement les relations entre les citoyens et contribuera
à l'amélioration d'une certaine qualité de vie. Le
covoiturage permettra donc de réconcilier l'automobile, si chère
à la culture des Québécois... À ce niveau, si
ça peut rassurer les citoyens - parce que je ne suis pas sûr
qu'ils croient le député de Laporte lorsqu'il tente de nous
présenter comme étant des ennemis, des adversaires implacables de
l'automobile, c'est un peu farfelu comme affirmation - si ça peut les
rassurer, je pense que le covoiturage va permettre de réconcilier
l'automobile si chère à la culture
des Québécois, et le transport collectif, ce qui permet
une énorme économie en coûts de transport. Je vais donc
appuyer sans réserve ce projet de loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Maskinongé.
M. Picotte: Merci, M. le Président. Compte tenu de
l'heure, je vous demande la suspension du débat.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que nous
suspendions nos travaux jusqu'à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. Nos travaux
sont suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise de la séance à 20 h 11)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît! Veuillez prendre place.
Avant de vous donner la parole, M. le leader adjoint du gouvernement,
pour l'information des personnes qui sont en cette Assemblée, je veux
dire qu'il y a trois commissions qui siègent en même temps que
l'Assemblée, ce soir. Donc, il y a quorum, mais les
députés sont peu nombreux en Chambre.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: Merci, M. le Président. Je vous demanderais de
rappeler l'article 13 de notre feuilleton et de reconnaître le
député de Maskinongé.
Le Vice-Président (M. Rancourt):
Deuxième lecture du projet de loi no 31, Loi modifiant la Loi sur
les transports. M. le député de Maskinongé.
M. Yvon Picotte
M. Picotte: Merci, M. le Président. J'ai plaisir à
intervenir sur le projet de loi no 31 concernant le covoiturage au
Québec. Je vous dirai, comme l'a souligné mon collègue de
Laporte, qu'il n'est pas trop tôt pour que le gouvernement apporte un tel
projet de loi. Nous dirons immédiatement, comme nous l'avons dit avant
d'ailleurs, que nous souscrivons entièrement à ce projet de
loi.
Dans le passé, beaucoup de pressions ont été faites
par des organismes et par les différents partis politiques pour
légaliser cette situation qui existe, à toutes fins utiles - je
pense qu'on n'a pas à se le cacher, avec le projet de loi no 31 on
légalisera tout simplement une situation qui existe - au Québec
depuis quelques dizaines d'années.
Combien de fois rencontre-t-on, au Québec, des citoyens qui vont
travailler à la même usine, qui s'en vont dans le même coin
pour travailler ou pour autre chose et tout le monde décide de monter
dans une même voiture? Le problème était toujours le
suivant: tout le monde se posait des questions concernant les assurances. Le
covoiturage étant une activité illégale, s'il y avait eu
un grave accident d'automobile, des blessés graves et qu'on avait
découvert que la personne qui se trouvait à l'intérieur de
l'automobile défrayait une partie des coûts, si minimes
soient-ils, est-ce que les assurances auraient accepté de
défrayer les coûts de l'accident? Je pense que cela a toujours
existé au Québec et, présentement, on décide de
légaliser le covoiturage et c'est heureux.
S'il n'y a que quelques intervenants de l'Opposition parmi d'autres en
cette Chambre, M. le Président, c'est parce que nous sommes conscients
que c'est un projet de loi bénéfique. Nous sommes conscients que
c'est un projet de loi bénéfique. Nous sommes conscients que
c'est un projet de loi qui était attendu de la population. Nous sommes
conscients par ailleurs qu'il reste encore beaucoup de travaux parlementaires
d'ici le 18 ou le 21 juin et nous ne voulons pas davantage allonger nos
discours et prendre plus de temps de cette Chambre. Évidemment, tous
ceux qui veulent intervenir sont les bienvenus, c'est sûr et certain. Je
vous dis immédiatement que l'Opposition n'aura que quelques intervenants
à faire entendre.
Cette loi du covoiturage aura des effets bénéfiques. Je me
permets d'en énumérer quelques-uns. D'abord, pour le citoyen qui
va participer à ce covoiturage, il s'agira pour lui d'un moyen de
transport peu dispendieux. On a connu les grosses organisations de transport en
commun qu'affectionne plus particulièrement ce gouvernement - on sait
jusqu'à quel point on aime faire de grosses structures, des monstres
administratifs où tout le monde se sent un peu poigné - comme les
commissions de transports de Québec et de Montréal. À
Montréal, on s'en rend peut-être un peu plus compte qu'ailleurs
parce qu'elle crée des problèmes aux citoyens plus souvent
qu'autrement. Quand on a déjà ces gros monstres
administratifs que sont les commissions de transport, il est . heureux qu'on
offre un moyen de transport palliatif, pour corriger certains abus qui existent
déjà. Si cela devient un moyen de transport peu dispendieux, tant
mieux.
Les citoyens se rappelleront que depuis quatre ou cinq ans, on a mis
l'emphase au Québec, au Canada, en Amérique sur l'économie
d'énergie. Encore là, quand le projet de loi sera adopté
et que les gens pourront utiliser ce système de transport, ce sera une
source d'économie d'énergie. Je pense que c'est important, ce
point de vue. On a aussi parlé de l'élimination d'une partie des
autos sur nos routes. Nous ne connaissons pas tellement, dans nos milieux
ruraux, les problèmes d'encombrement aux heures de pointe sur nos
routes. Je profite de la présence du ministre des Transports pour lui
dire que nos réseaux routiers, en milieu rural, mériteraient
d'être de beaucoup améliorés. Un effort se fait dans ce
sens, mais il est malheureusement minime. C'est vrai que le gouvernement est
à court de piastres, mais, quand même, je pense qu'on pourrait en
mettre plus, au moins du côté de la nationalisation de l'amiante.
Même si nos réseaux routiers ont besoin d'être
améliorés en milieu rural, on ne connaît quand même
pas la congestion des heures de pointe. Mais, quand on vit dans
l'arrondissement de Montréal, M. le Président, je pense que
l'élimination de quelques centaines d'automobiles, par ce projet de loi,
sera encore bénéfique pour la circulation, pour les routes et
pour le pavage. Enfin, je pense que ce sera bénéfique à
tout point de vue.
On a parlé aussi de la pollution. On met beaucoup d'emphase,
depuis plusieurs années, pour essayer de dépolluer notre
atmosphère, pour faire en sorte que la qualité de vie de nos
citoyens dans tous les milieux soit meilleure. Je ne vous cacherai pas, M. le
Président, que si on réussit, dans plusieurs secteurs, à
éliminer des centaines d'autos, le problème de la pollution va
s'en ressentir. Déjà, nos citoyens vont respirer mieux. C'est une
autre occasion que nous avons de dire que ce projet de loi est
bénéfique.
Passons à un problème d'un autre ordre, le stationnement.
Quand on vit dans les grandes villes, on sait jusqu'à quel point il est
difficile de stationner, de garer nos autos, soit pour aller travailler, soit
pour aller magasiner. Il est difficile d'avoir un stationnement dans nos
grandes villes. S'il y a moins d'autos, M. le Président,
déjà cela va améliorer cet aspect. Ce sera beaucoup moins
dispendieux aussi pour les municipalités, qui n'auront pas besoin de
s'ingénier à peut-être exproprier des maisons, des
pâtés de maisons, pour tâcher d'en faire des stationnements
et peut-être qu'au lieu de faire des stationnements, on fera des parcs,
on fera de la verdure. On améliorera encore la qualité de vie de
nos citoyens et ce sera encore heureux de ce côté-là.
J'aimerais cependant attirer l'attention du gouvernement sur un point.
Nous avons le transport en commun à Montréal et à
Québec, qui est lourd, mais qui est nécessaire, avec la
densité de population que nous connaissons dans ces milieux. Nous avons
aussi un autre point, ce que j'appellerai le transport collectif privé,
les transporteurs collectifs privés. Trop souvent, dans nos
municipalités, il y a des gens qui veulent s'organiser et le
ministère des Transports, je devrais plutôt dire, pour être
plus juste, la Commission des transports du Québec est très
sévère dans l'attribution de permis de transport. (20 h 20)
Je sais, par exemple, que dans mon comté, pour vous souligner un
seul cas, à Pointe-du-Lac, et Trois-Rivières-Ouest, entre autres,
on avait un transporteur privé qui était prêt à
desservir toute une population qui n'était pas desservie par la
Commission de transport de Trois-Rivières, Cap-de-la-Madeleine et de
Trois-Rivières-Ouest. Pointe-du-Lac n'était pas desservie. Il y a
des coins dans Trois-Rivières-Ouest qui font partie de la grande
région métropolitaine de la Mauricie, du centre de
Trois-Rivières, qui n'étaient pas desservis par la Commission des
transports de Trois-Rivières, Commission des transports des Forges.
C'est l'appellation qu'on lui donne. Alors qu'il y avait des transporteurs
privés qui étaient prêts à dispenser ce service et
qui effectivement le dispensaient, on les a empêchés de continuer
à donner ce service aux citoyens. On leur a dit: Vous n'avez pas de
permis, vous ne pouvez donc pas faire le service.
Il faut savoir que ce n'est pas tout le monde qui est capable, au
Québec, de se payer un taxi surtout dans des milieux ruraux où on
est obligé de faire une dizaine de milles, une quinzaine de milles ou de
kilomètres. Ce n'est pas tout le monde qui peut se payer des
voitures-taxi. Donc, le ministère devrait mettre l'emphase dans le
futur. Si on pouvait greffer à cette loi, si on pouvait apporter
rapidement une autre loi. Je vous dirai tout de suite là-dessus que vous
n'avez rien à craindre si jamais vous apportez une loi dans ce sens pour
favoriser le transport collectif privé. L'Opposition donnera son accord
rapidement et on vous promet qu'il se fera seulement un discours limité
à dix minutes, si vous voulez, mais on vous donnera notre
bénédiction rapidement pour tâcher de corriger cette
situation qui existe dans nos milieux ruraux trop souvent. Quand on a
empêché un transporteur privé d'effectuer du transport dans
ces municipalités, de Pointe-du-Lac et de Trois-Rivières-Ouest et
même si on a fait
beaucoup de pressions, même si le ministre des Transports aussi
est venu à mon aide du côté de la Commission des
transports, je pense bien qu'on s'est rendu compte qu'il fallait que cette loi
soit amendée, que les règlements sont vieillots, qu'ils existent
depuis des années, et cela est un autre problème de notre
Parlement. Il y a des règlements qui existent depuis 25, 30 ans et on
vit encore avec ces lois qui sont vieilles, ces règlements qui sont
désuets et on ne les change pas. Je pense que cela mérite une
attention spéciale.
Je suis persuadé que dans le meilleur intérêt des
Québécois et des Québécoises, cette loi doit
être adoptée le plus rapidement possible. Nous, de l'Opposition,
allons concourir à l'adoption de cette loi et nous espérons,
évidemment, dire au gouvernement que tant et aussi longtemps qu'il
apportera des lois bénéfiques comme celle-là, l'Opposition
sera toujours d'accord avec lui. Quand vous parlerez d'indépendance, ce
sera autre chose. Cela fera des débats comme on en a eu ce matin, triste
spectacle, malheureusement. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Châteauguay, adjoint parlementaire au ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Roland Dussault
M. Dussault: Merci, M. le Président. Pour beaucoup de
gens, le covoiturage ne sera pas une formule nouvelle. Comme on l'a dit
à plusieurs reprises, c'est une formule fort utile pour bien des gens,
mais illégale. Pour lever cette illégalité, il suffit
d'exempter de l'obligation d'obtenir un permis celui qui transporte de sa
résidence vers un lieu de travail ou un lieu d'études des
passagers, moyennant une certaine contribution. En fait, c'est l'objet de la
loi no 31 de lever cette obligation de devoir obtenir un permis. Quand le
ministre des Transports a déposé à l'Assemblée
nationale le projet de loi no 31, je pense que j'ai été le plus
heureux des députés puisque les avantages du covoiturage, il y a
plusieurs mois que nous les attendons dans ma région. C'est la raison
pour laquelle j'ai tenu à prendre la parole sur ce projet de loi et je
vous dis tout de suite, M. le Président, que je serai quand même
bref.
Cette exemption d'obtenir un permis pour faire du covoiturage, je l'ai
personnellement demandée au gouvernement à plusieurs reprises,
parce que je savais que les gens de ma région y tenaient. On a souvent
vu, d'ailleurs, des lettres ouvertes dans les journaux locaux chez nous
préconisant cette mesure d'exemption du permis pour le covoiturage.
Mais, dans notre région, il est inévitable qu'on relie cette
question au problème du pont Mercier. Je vous ai déjà
parlé ici à l'Assemblée nationale du problème du
pont Mercier, problème temporaire relié à des travaux qui
doivent se faire. On est quand même heureux que les travaux se fassent,
parce qu'il faut que ce pont reste en service, mais le pont Mercier a quasiment
atteint sa pleine capacité d'absorption de la circulation en provenance
de la région à destination de Montréal. Chez nous, on
pense que toute mesure semblable devrait nous aider à faire durer plus
longtemps cette possibilité du pont d'absorber la circulation. C'est
donc un moyen identifié comme, possiblement, retardant l'atteinte de
cette limite d'absorption de la circulation.
En fait, le covoiturage est comme une mesure complémentaire
à celle déjà imaginée ou mise en application. On
sait, par exemple - c'est une situation qu'on peut ramener en novembre 1976, au
moment où je suis devenu le député de Châteauguay -
il y avait un problème énorme de circulation vers le pont
Mercier. Les deux tiers environ des gens qui devaient passer par là
passaient dans un corridor simple, alors que les gens qui représentaient
l'autre tiers environ passaient dans un corridor pour les deux tiers. Il y
avait là une aberration sur le plan géométrique qu'on a
fait corriger. On a fait poser des feux de circulation de façon à
pouvoir ordonner la circulation. Depuis ce temps, nous connaissons sur le pont
Mercier une très grande amélioration de la situation. Le gens en
veulent plus. Les gens veulent qu'on ait les meilleures solutions possible.
C'est d'ailleurs le droit des gens. Nous avons aussi pensé à une
voie préférentielle pour les autobus en provenance de notre
région vers Montréal. Nous avons un petit problème de ce
côté. Ce n'est pas que nous ne voulons pas appliquer la solution,
c'est que, depuis l'affaire Cross dans la réserve indienne de Kahnawake,
il y a un contentieux qui a découlé de cela qui fait qu'il ne
nous est pas possible pour le moment d'appliquer la solution. Mais heureusement
qu'il y aura le covoiturage qui pourra améliorer la situation.
Il y a aussi bien sûr l'amélioration du transport en commun
dans notre région. Il y a quelques minutes, lors d'une réunion,
j'en parlais encore avec le ministre des Transports: il y a un projet
d'améliorer très sensiblement le transport dans notre
région. C'est quelque chose qui pourrait d'ailleurs se faire assez
rapidement. Nous considérons dans notre région que le covoiturage
viendrait en complément s'ajouter à ces solutions. De toute
évidence, le covoiturage serait une solution supplémentaire
à celles qu'on a déjà imaginées ou qu'on a
implantées.
C'est sans doute la meilleure façon de mesurer jusqu'à
quel point on pourrait changer des choses si les gens se donnaient la peine de
monter à plusieurs dans une
même voiture. Il arrive souvent qu'on voit sur le pont Mercier des
gens qui sont tout seuls. Il y a beaucoup de gens qui s'en vont dans un
même lieu de travail et qui voyagent seuls. Cela fait évidemment
beaucoup plus d'autos sur le pont Mercier. Ce problème est le même
sur tous les ponts de la région de Montréal. C'est certain que ce
que nous connaissons chez nous - notre expérience nous le fait voir -
s'appliquerait de la même façon sur tous les autres ponts de la
région de Montréal. (20 h 30)
Au-delà de ce contexte qui est plus particulier à ma
région du sud-ouest, je voudrais dire que, à mon avis, le
covoiturage aura d'autres impacts positifs, et je voudrais en nommer
quelques-uns. Par exemple, sur le plan énergétique, ça me
semble le plus important - peut-être que je suis davantage
préoccupé par ces questions - étant donné notre
dépendance énorme à l'égard des produits
énergétiques qui nous viennent de l'étranger, on
appréciera sûrement le covoiturage, car cela signifie des milliers
de gallons de mazout qu'on ne devra pas importer parce qu'on n'aura pas
à les brûler à partir de la mécanique automobile.
Son corollaire, c'est, en fait, la pollution que produisent ces milliers de
gallons de pétrole qui sont brûlés par les automobiles et
qui sont multipliés par autant de voitures. On sait que, moins il y aura
de mazout brûlé, moins il y aura de gaz carbonique dans
l'atmosphère, cela va de soi.
Le covoiturage, qui sera maintenant légal grâce au projet
de loi no 31, comporte aussi des avantages sur le plan des espaces urbains. Je
pense qu'un de mes collègues en a parlé avant le souper. Il
représente des avantages puisqu'il aura pour effet d'entraîner la
multiplication de ces espaces urbains qui sont utilisés à des
fins de stationnement pour les voitures. C'est sûr que, plus il entre
d'automobiles sur l'île de Montréal, plus il y a des
problèmes de stationnement. On sait que les terrains de stationnement
à Montréal sont engorgés, mais je pense bien qu'on peut
croire qu'un engorgement de terrain de stationnement, ça veut dire des
coûts aussi pour ceux qui les utilisent. Plus l'espace est rare, plus les
prix sont élevés.
Un autre impact positif qui découlera de cette exemption
d'obtention de permis pour pouvoir faire du covoiturage, c'est celui de la
réduction des coûts de construction de routes. Conjugué
à l'effort de rationalisation du transport en commun, qui est un
objectif extrêmement important du présent gouvernement, le
covoiturage devrait occasionner l'épargne de sommes substantielles
à long terme, sommes qui pourront être remises à profit
dans le transport en commun. Si on évite la multiplication des voitures
sur les routes, il y aura un frein aux besoins d'élargir les routes,
d'en ajouter, etc.
Un autre impact positif du covoiturage qui est relié au transport
en commun comme tel - je ne me retrouve pas dans mes notes mais je vais y
arriver, M. le Président - plus spécifiquement celui très
coûteux qui doit être fourni, faute de mieux, dans les
régions moins populeuses. On sait que la sophistication ou la
ramification poussée du service de transport en commun dans les
régions à faible densité, compte parmi les facteurs qui
provoquent l'inflation des coûts dans le transport en commun.
Présentement cela demeure souvent la seule façon de
permettre à des centaines de travailleurs d'être
véhiculés vers leur milieu de travail. Mais donner un service
à ces gens-là dans ces régions faiblement peuplées,
cela occasionne des coûts considérables. Une sorte d'encouragement
se fera le jour où les gens pourront utiliser le covoiturage. Les gens
qui s'en vont dans la même direction pourront monter ensemble et cela
n'enlèvera pas de travail à personne, cela ne nuira à
personne que cela se passe comme cela. Au contraire, ce sera même plus
agréable que les gens voyagent ensemble.
Le covoiturage palliera avantageusement cette difficulté qu'on
connaît dans ces régions faiblement peuplées en assurant
à ces gens qui forment une minorité, un service de transport
acceptable.
En somme, pour terminer je pense que mes collègues du
côté ministériel comme ceux de l'Opposition l'ont tous
reconnu, il n'y a que des avantages à légaliser le covoiturage.
C'est la raison pour laquelle je voterai pour ce projet de loi no 31 en
deuxième lecture. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Vachon.
M. David Payne
M. Payne: Merci, M. le Président. Je suis tenté
d'ajouter quelques réflexions à la discussion parce que je ne
pense pas que ce soit un débat controversé. Nous discutons ce
soir la proposition pour permettre à des citoyens de voyager ensemble
dans la même voiture. C'est cela que veut dire la notion de covoiturage,
partager une voiture ou, à la limite, des fois ce qu'on appelle, je
pense, une fourgonnette pour une dizaine ou une quinzaine de personnes.
C'est logique et raisonnable parce qu'avec le coût de l'essence
aujourd'hui et avec la crise énergétique que nous subissons tous,
il est évident qu'il faut être progressiste dans notre recherche
de nouvelles façons de voyager, de se rendre au travail ou visiter des
amis, de se rendre en ville. Par contre, il n'y a rien de
révolutionnaire dans ce projet de loi parce
que j'ai remarqué que cela existe aussi dans d'autres villes dans
le monde. À Londres, c'est à peu près la même chose,
la loi permet effectivement ce qu'on appelle là "the car pools",
où les gens partagent la même voiture ensemble. C'est la
même chose à San Francisco, la même chose à Chicago.
Les gens, en voyageant ensemble, lorsqu'ils ont décidé de former
un "car pool" temporairement ou contractuellement, peuvent se rendre en ville
ou à un endroit pour emprunter un autre moyen de transport. Ils peuvent
se rendre, par exemple, au métro ou à l'autobus ou,
évidemment, directement à leur propre bureau.
C'est donc quelque chose de complémentaire, si je comprends bien,
au principe du transport en commun. Ce n'est pas pour concurrencer le transport
en commun, ni l'autobus, ni le taxi. Nous savons très bien que le taxi
traditionnel est favorisé davantage et préféré de
ceux qui veulent parcourir de petites distances. Par contre, ceux qui veulent
profiter du covoiturage sont plutôt enclins à le faire sur des
distances un peu plus longues.
Le projet de loi est progressiste. Cela peut aussi aider les
associations, particulièrement les associations à but non
lucratif. On peut penser aux associations de l'âge d'or, aux
écoles, aux étudiants qui veulent se regrouper pour faire le
trajet ensemble, leur philosophie étant qu'ils vont ainsi partager les
coûts et les frais. Il n'y a pas longtemps, une expérience
très intéressante a été faite dans la ville de San
Francisco. Une commission de transport a décidé de devenir
acquéreur d'un certain nombre de fourgonnettes. Par la suite, elle a
loué ces fourgonnettes à des regroupements de citoyens. Je vois
la possibilité - il n'y a rien dans le projet de loi qui puisse l'en
empêcher - pour une commission de transport, particulièrement une
commission de transport qui doit desservir les endroits éloignés
des grandes villes, d'utiliser ce moyen de compléter ou d'ajouter une
dimension à ses services aux citoyens.
Ce ne sera pas simplement une question de bénéfices pour
les citoyens, cela ajoutera aussi quelque chose à la qualité de
la vie. C'est plus sympathique, plus humain de voyager avec d'autres. C'est
plus normal, d'ailleurs, si vous pensez à cela. On est passé
à travers la révolution industrielle, cela a créé
le besoin de la voiture, de l'automobile. Je n'ai pas les chiffres devant moi,
mais je les lisais cet après-midi. Nous savons tous que la plupart des
gens voyagent seuls ou, à la limite, avec une autre personne dans une
voiture à quatre places. Dans quelques années, nos petits-enfants
vont considérer cette approche comme démodée. Les voitures
sont maintenant beaucoup plus petites et je pense que le temps est venu de
rationaliser les moyens de transport.
(20 h 40)
Je n'ai pas besoin de résumer ici les bénéfices
pour l'économie générale. J'ai touché
légèrement les bénéfices pour l'individu. Je pense
que c'est un changement logique. D'ailleurs, à la limite, depuis
toujours on fait du covoiturage. On est habitués à partager les
frais entre nous. Particulièrement, si on fait le "car pool" ou les
voyages ensemble régulièrement, c'est normal qu'on partage les
coûts. Mais étant donné que c'est très difficile
à contrôler ou à "policer", comme on dit, c'est normal, je
pense, que le législateur soit conscient de ce fait-là. Si ce
n'est pas contrôlable, si cela peut être "policé", il serait
tout à fait normal que cela soit régularisé.
Donc, je n'ai aucune difficulté à appuyer le projet de
loi, M. le Président. Je pense que c'est progressiste. Comme je l'ai
dit, ce n'est pas dramatique. Cela va affecter favorablement la qualité
de notre vie et, sans hésitation, j'appuie ce projet de loi. Merci, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Richmond.
M. Yvon Vallières
M. Vallières: Merci, M. le Président. Le ministre
des Transports va sûrement être heureux ce soir puisque,
peut-être pour la première fois, en cette Chambre, je suis
d'accord avec une de ses politiques. Comme vous le savez, le parrain de ce
projet de loi a eu l'occasion de croiser le fer à plusieurs reprises
avec celui qui vous parle sur d'autres sujets sur lesquels nous sommes loin
d'être d'accord. Vous savez que nos divergences de vues sont très
profondes en ce qui a trait à l'amélioration et à la
conservation du réseau routier, en particulier dans le domaine de la
voirie rurale.
Vous me permettrez, M. le Président, à ce moment-ci, de
rappeler quand même au ministre que je soutiens que 1,6% du budget de la
province consacré à la construction du réseau routier
continue de m'apparaître nettement insuffisant. Je veux également
dire au ministre que, malgré le fait que nous ayons, aujourd'hui, le
projet de loi no 31, concernant le covoiturage, je dois lui indiquer et
indiquer au gouvernement que ce projet de loi arrive de façon bien
tardive. L'Opposition libérale a, à plusieurs reprises, par la
voix de son porte-parole, le député de Laporte, demandé
que le gouvernement accouche d'une politique dans ce domaine et force nous est
de constater que cette politique s'est fait attendre trop longtemps, selon nous
à tout le moins.
Ce projet de loi que nous avons devant nous comporte, évidemment,
des incidences pour les milieux urbains en particulier, mais il aura aussi des
conséquences en milieu
rural et, je dirais, semi-urbain. Il va de soi qu'un bon réseau
routier, des routes carrossables constituent également une excellente
façon de faire la promotion du covoiturage.
Je veux simplement vous indiquer ce que nous dit ce projet de loi de
façon bien précise à l'article 1. En fait, c'est un projet
de loi qui comporte un seul article qui vient modifier l'article 36 de la Loi
sur les transports et qui nous dit que le premier alinéa ne s'applique
pas à une personne qui, lorsqu'elle se rend à son lieu de travail
ou d'études ou en revient, transporte d'autres personnes pour leur
permettre de se rendre à leur lieu de travail ou d'études ou d'en
revenir, à la condition que la rémunération requise de
celles-ci ne constitue qu'une contribution aux frais d'utilisation du
véhicule. Même si ce projet de loi est très succinct et,
finalement, très court, je pense qu'il a une grande importance et que
ses conséquences vont être importantes dans divers milieux.
Pour plusieurs personnes qui nous entendent depuis longtemps, en fait,
depuis le début de cet après-midi, parler de covoiturage, je
pense que c'est important de définir de façon précise en
quoi cela consiste. Il s'agit tout simplement d'un mode de transport où
un groupe d'individus, travaillant au même endroit s'organisent afin de
faire le trajet ensemble entre leur domicile et le lieu du travail. Ces
personnes utilisent le même véhicule et partagent les frais de
déplacement. En fait, l'article 36 de la loi actuelle exige un permis
émis par la Commission des transports à ceux qui offrent du
transport moyennant rémunération. Évidemment, il y a
également une lacune, c'est que quelqu'un qui fait la demande de ce
permis en covoiturage à la Commission des transports ne peut l'obtenir
puisque le permis est inexistant. Ce projet de loi vient donc légaliser
une situation, un état de fait, puisqu'il se fait déjà
à l'intérieur du Québec, comme vous le savez, du
covoiturage, mais il se fait de façon plus ou moins légale. Au
moment où on se parle, selon les données que nous avons, il y
aurait environ 500 000 Québécois qui se rendent actuellement
à leur travail en covoiturage. Mais, c'est là, je pense,
l'importance de ce projet de loi que nous avons devant nous, il demeure que
plus de 1 000 000 de Québécois se rendent encore à leur
travail seuls dans leur véhicule.
Il va de soi que cette formule de covoiturage présente de
nombreux avantages qui, tous, vont faire en sorte que l'automobiliste va
être gagnant en fin de compte. Nous avons évidemment avantage
à diminuer le nombre d'automobiles qui circulent sur nos routes.
Évidemment, quelles seraient les conséquences d'une diminution
importante du nombre de véhicules sur nos routes? Plusieurs de mes
collègues y faisaient allusion, mais c'est évident qu'il y aurait
moins de pollution dans l'air. Il y aurait évidemment une grande
économie du point de vue de l'énergie et moins d'automobiles sur
les routes, moins d'accidents sur nos routes. Cela veut donc dire
éventuellement des économies possiblement appréciables
concernant les assurances pour les propriétaires d'automobile. Il y
aurait donc moins de risques d'accidents sur nos routes en ayant moins de
véhicules en circulation. Il y aurait évidemment comme autre
avantage la réduction de la congestion urbaine. Dieu sait que ceux qui
sont en ville aux heures de pointe vont reconnaître l'importance que le
gouvernement du Québec légifère afin de permettre ou de
mettre en pratique une formule qui permette d'éliminer plusieurs
centaines d'automobiles des routes aux heures de pointe.
Il y aurait moins de stress. Vous savez que, dans nos grandes villes,
beaucoup de gens sont stressés par le fait de cette congestion qui
existe continuellement aux heures de pointe et je pense également -c'est
un objectif peut-être plus éloigné - que le rendement des
travailleurs devrait être meilleur du fait que ce stress pourrait
être diminué en regard des automobilistes et la santé des
gens ne pourrait également que s'améliorer à la suite de
cette décision du gouvernement d'agir dans le secteur du covoiturage. Il
y a un autre élément qui est très positif dans cette loi,
c'est que cela ne demande aucune dépense publique additionnelle. Cela
permet d'utiliser et de rentabiliser, comme le revendiquait à plusieurs
reprises l'Opposition, de rentabiliser les investissements passés
concernant l'infrastructure routière que nous nous sommes donnée
en particulier dans les années passées, en particulier sous le
gouvernement du Parti libéral où des investissements
considérables ont été faits afin de nous doter d'un
réseau routier, d'une infrastructure routière conforme aux
exigences de notre siècle.
Le gouvernement a pris beaucoup de temps à agir. Si on avait un
reproche à lui faire, ce serait d'avoir pris beaucoup de temps à
accoucher d'une loi qui en fait ne comporte qu'un seul article qui modifie
l'article 36 de la Loi actuelle sur les transports. Simplement, rappelons que
le covoiturage existe aux États-Unis depuis une dizaine d'années,
qu'il existe en Ontario depuis 1977, qu'il existe également dans
d'autres provinces canadiennes, comme le Manitoba, le Nouveau-Brunswick,
l'Île-du-Prince-Édouard et la Saskatchewan. Pourquoi le
gouvernement a-t-il attendu si longtemps avant de légaliser une
situation qu'il connaît depuis longtemps et dont il avait
été saisi par nombre d'organismes et, j'en suis
persuadé, par la population en général? (20 h
50)
Le covoiturage étant légalisé, en milieu
semi-urbain particulièrement où le transport en commun est
difficile à organiser et difficilement rentable - il faut
également l'admettre - ce transport en commun est souvent, non seulement
difficile à organiser, mais il l'est tellement qu'il est presque
inexistant dans bien des milieux. Cette loi devrait, je pense, inciter nos
travailleurs à faire davantage usage du covoiturage, à faire
davantage usage d'une automobile pour transporter plusieurs travailleurs, mais
il y a toujours, évidemment, cette crainte répandue du fait qu'on
assistait, il y a quelques années en particulier, au harcèlement
de ce qu'on appelle les "bleus", les préposés dans des voitures
bleues du ministère des Transports qui faisaient en sorte, à la
suite de plaintes des transporteurs en commun, d'arrêter les gens qui
faisaient du covoiturage. Il y a cette crainte, que le projet de loi no 31
enlèvera.
Il y a aussi une autre crainte très répandue en ce qui
concerne le problème des assurances. Combien de fois a-t-on entendu les
gens qui voulaient faire du covoiturage dire qu'ils considéraient
l'assurance comme un handicap majeur: Il faut que je prenne une assurance
spéciale pour faire du covoiturage ou encore, si j'ai un accident, si je
blesse quelqu'un ou s'il y a décès, je serai poursuivi par la
famille, etc. Il y avait cette espèce de crainte qui est très
importante et qui empêchait beaucoup de gens, effectivement, de faire du
covoiturage. Même si cette appréhension était fausse, elle
était et elle demeure existante, je pense.
J'espère que beaucoup de gens vont prendre connaissance de ce
projet de loi afin qu'on sache, dorénavant - et j'en parlerai
peut-être de façon un peu plus détaillée
tantôt - qu'au plan des assurances, cela ne pose vraiment aucune
espèce de problème. Je pense à un milieu comme chez nous,
un milieu rural et semi-urbain. Je pense qu'un projet de loi comme
celui-là devrait être très intéressant pour nos
contribuables de façon générale, qui se déplacent
du milieu rural vers des endroits où on retrouve des manufactures
d'importance ou des industries importantes comme à Valcourt, Richmond,
Asbestos, Sherbrooke et Victoriaville.
Je pense, en particulier, à d'autres personnes dans le secteur de
l'enseignement, par exemple, qui pourront se déplacer vers une
même école en covoiturage. Je pense que ce sont autant de facteurs
qui nous motivent à être favorables à ce projet de loi que
nous avons devant nous. Si le député de Richmond peut, dans une
certaine mesure, contribuer à faire en sorte que ses électeurs se
servent davantage du covoiturage, soyez assurés que je ferai tout ce qui
est en mon pouvoir pour que cela puisse devenir une politique efficace.
Pour ce qui est des gens qui se demandent si, par exemple, cela
nécessite une assurance spéciale ou particulière pour
faire du covoiturage, je pense qu'il est important de leur dire
immédiatement que non, ce n'est pas nécessaire. D'ailleurs,
depuis le 1er mars 1978, les dommages corporels sont maintenant assurés
par la Régie de l'assurance automobile du Québec et pour ce qui
est des dommages matériels, ils sont couverts par des compagnies
d'assurances privées. En ce qui concerne les dommages corporels, il faut
remarquer également qu'aucune faute n'est attribuée maintenant
à l'une ou l'autre des parties impliquées dans un accident
d'automobile. Donc, le covoiturage par automobile ne nécessite pas
d'assurances spéciales pour dommages matériels. Cela ne
nécessite, en fait, qu'une police d'assurance randonnée
spécifiant que l'on utilise son véhicule pour voyager au
travail.
Beaucoup de gens vous demanderont: Si je fais du covoiturage, cela
a-t-il des conséquences sur les coûts d'immatriculation? Non plus.
Pour ce qui est de l'automobile ordinaire, l'immatriculation est la même.
Pour ce qui est de la fourgonnette, je pense, cependant, qu'il y a deux types
de permis. Peut-être que le ministre des Transports pourrait nous en
parler tout à l'heure. Il y a deux types de permis selon que la
fourgonnette transporte des gens qui rémunèrent la personne qui
fait le voyage ou s'il n'y a pas de rémunération. Dans le cas de
non-rémunération, je sais que cela ne nécessite pas de
permis de la Commission des transports mais, dans le cas de la
rémunération, je pense qu'un permis est nécessaire de
même qu'une immatriculation avec des plaques AT.
Somme toute, je vois dans ce projet de loi des effets très
bénéfiques que je veux souligner. J'indique au ministre des
Transports que j'appuierai sa démarche.
Avant de terminer, je donnerai quelques exemples des
conséquences, au plan économique, pour l'utilisateur du
covoiturage. Je lisais un document qui a été
préparé par Covoiturage Québec Inc., indiquant des
données qui ont été préparées par le Club
automobile du Québec. Combien en coûte-t-il pour utiliser une
voiture personnelle pour se rendre au travail? J'ai ici quelques données
quand même intéressantes qui nous indiquent que, pour un cas type,
celui d'une personne qui doit parcourir 30 kilomètres pour aller
à son travail, soit 18 milles, les coûts d'utilisation de
l'automobile en frais fixes et en frais variables, dans le cas d'une voiture de
modèle compact, seraient de 478 $ par mois, soit 5730 $ annuellement. En
réalité, seulement 67% de l'ensemble des coûts de
fonctionnement de l'automobile, en frais fixes et en frais variables, devraient
servir
pour déterminer combien il en coûte pour le transport entre
la résidence et le travail.
Donc, la personne qui habite à 30 kilomètres de son
travail, voyageant seule avec un véhicule de type compact,
dépense 3839 $ annuellement pour se rendre au travail. Ce qui est
répandu dans l'opinion publique, c'est que les gens nous disent:
J'aurais une automobile quand même. Je paierais quand même les
frais d'immatriculation et d'assurance. Donc, ce que les gens sont
portés à calculer pour leur déplacement au travail, c'est
plutôt les frais variables tels l'essence, l'huile, l'entretien et
l'usure des pneus. En tenant compte de ces seuls facteurs de frais variables,
on a également des données intéressantes. Pour celui qui
utilise une automobile de type compact et qui voyage seul, ces frais reviennent
à 122 $ par mois, soit 1464 $ par année, tandis que s'il fait du
covoiturage, prenons l'hypothèse qu'il y a trois personnes qui voyagent
avec lui, les coûts par personne seraient de 40 $ par mois, donc de 480 $
par année, ce qui fait une économie de l'ordre de 1000 $
pour ce travailleur qui demeure à 18 milles de son travail et qui
déciderait de faire du covoiturage pour se rendre à son travail.
C'est donc une économie substantielle pour le travailleur.
Par surcroît, je terminerais ma courte allocution sur le projet de
loi no 31 de façon un peu méchante à l'endroit du
gouvernement, mais je pense que cette formule pourrait constituer une douce
revanche à l'endroit du ministre des Finances et de sa taxe ascenseur de
40%. Si l'automobiliste trouve cette taxe - comme je pense qu'il le constate -
nettement abusive à son endroit, il peut prendre sa revanche et faire en
sorte que beaucoup moins de revenus que ceux prévus par le ministre des
Finances ne soient perçus pour chaque litre d'essence
dépensé au cours de l'année. En utilisant le covoiturage,
il privera le ministre des Finances des revenus de cette surtaxe qu'il
conteste. Donc, en plus d'une économie substantielle, il pourrait avoir
cet avantage de priver le ministre des Finances d'une taxe que tous les
automobilistes décrient dans le Québec.
Donc, en ce qui me concerne, j'appuierai le projet de loi no 31.
J'espère que mes collègues en feront autant et j'espère
également que le ministre des Transports constatera que le
député de Richmond, parce qu'il se le fait souvent dire... On
nous dit souvent qu'on manque d'objectivité, qu'on critique pour
critiquer, que l'Opposition est là pour critiquer le gouvernement. Vous
constaterez que, quand les projets de loi ont de l'allure, nous le
reconnaissons et nous donnons l'appui requis à des projets qui veulent
avantager les populations respectives de nos comtés. Merci. (21
heures)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Chambly.
M. Luc Tremblay
M. Tremblay: Merci, M. le Président. Je veux remercier
tout d'abord l'Opposition qui appuie cette loi, et je vous dirais que si je
n'étais pas aussi convaincu des valeurs positives du projet de loi no
31, je serais inquiet de voir l'Opposition, pour une fois, voter avec nous pour
un projet de loi.
Évidemment, le covoiturage, ce n'est pas une chose nouvelle pour
plusieurs de mes concitoyens. On sait que, depuis déjà fort
longtemps, des gens qui travaillent dans la même industrie, par exemple,
et qui demeurent en banlieue - c'est à peu près le cas pour tous
les citoyens du comté de Chambly qui sont des banlieusards qui, en
grande partie, travaillent soit à Longueuil, soit à
Montréal - pratiquent le covoiturage des deux façons possibles.
La première façon, c'est qu'un des travailleurs utilise sa
voiture d'une façon constante, profite du fait qu'il se rend au travail
pour amener d'autres travailleurs dans son auto et leur demande de contribuer
aux frais que cela comporte. L'autre manière, c'est lorsque quatre
travailleurs, par exemple, travaillent dans la même industrie, demeurent
près l'un de l'autre et utilisent une semaine l'automobile de l'un
d'entre eux, l'autre semaine, celle d'un autre, et ainsi de suite, ce qui fait
qu'ils ont les avantages du covoiturage et qu'ils usent moins leur
automobile.
Le problème est moins grand maintenant que la loi sur l'assurance
automobile a été adoptée. On sait qu'avant l'assurance
automobile gouvernementale, les gens qui pratiquaient le covoiturage
étaient inquiets à savoir ce qui arrive s'il y a un accident, si
on est impliqué dans un accident où la responsabilité de
la personne qui pratique le covoiturage est démontrée.
C'était une préoccupation, on ne savait pas si c'était
légal à ce point de vue, si les assurances paieraient et si la
personne qui pratiquait le covoiturage ne serait pas, finalement,
actionnée par des gens impliqués dans un accident.
Maintenant que la loi sur l'assurance automobile a été
adoptée et est en vigueur depuis déjà quelques
années, les citoyens savent qu'en ce qui concerne les blessures
matérielles, ça n'a rien à voir avec le covoiturage.
L'automobile, la quincaillerie, c'est payé par les assurances
normalement. En ce qui concerne les dommages physiques aux personnes, c'est
couvert automatiquement par l'assurance automobile du Québec et les
coûts des services de santé sont défrayés.
Le seul problème qui restait et que nous corrigeons par ce projet
de loi, c'est l'illégalité dans laquelle se trouvaient ces gens
face à la défense pour un individu
d'exiger un paiement à une personne qu'il covoiturait. Ce
désavantage n'existera plus maintenant, les citoyens pourront en toute
sérénité pratiquer le covoiturage et, par ce fait
même, obtenir les nouveaux avantages que le covoiturage offre.
Un de ces avantages, et ce n'est pas le moindre, c'est la
possibilité pour deux, trois, quatre ou cinq personnes de discuter soir
et matin des problèmes de leur communauté, des problèmes
de leur travail tout en cheminant vers leur lieu de travail ou leur
résidence le soir.
Personnellement, je connais des couples qui se sont rencontrés en
covoiturant d'abord et, par la suite, en cohabitant. Il y a un autre avantage
et ce sont les coûts. On a fait mention déjà du
pétrole, qui est fortement taxé, on le sait, on l'admet, et une
des raisons pour lesquelles le pétrole est si fortement taxé,
c'est pour faire en sorte que les gens utilisent moins leur automobile
qu'auparavant, autrement dit qu'il y ait moins de gaspillage d'une
énergie qui est devenue très dispendieuse,
particulièrement le pétrole, qu'on fait venir en totalité
de l'extérieur. C'est donc une des raisons pour lesquelles la taxe sur
l'essence a été instituée.
Comme le député de Richmond le faisait, nous invitons les
citoyens à faire en sorte d'économiser du pétrole et, par
le fait même, d'économiser des taxes. Économiser le
pétrole rend le Québec plus autosuffisant en énergie.
On sait que, dans la région de Montréal, la route 116 par
exemple, entre l'échangeur Charles-Lemoyne et ce qu'on appelait
autrefois le rond-point de Saint-Hubert, est surchargée. Les travaux
sont nécessaires, c'est dans la programmation du gouvernement.
J'espère que, dans un avenir assez rapproché, la route sera
améliorée, élargie, parce que la circulation est devenue
très dense sur cette artère. Il y a approximativement 70 000
autos par jour qui circulent sur cette voie et plusieurs de ces autos ne sont
occupées que par une personne. Donc, si on réussissait à
faire en sorte que deux, trois ou quatre personnes utilisent la même
auto, cela baisserait d'autant la circulation sur la route 116 aussi bien que
sur le pont Jacques-Cartier, sur le pont Champlain, au tunnel
Louis-Hippolyte-Lafontaine ou sur le pont Victoria, des ponts qui sont
utilisés par mes concitoyens et qui sont surchargés.
J'avoue que, depuis quelques années, avec l'utilisation plus
grande du transport en commun, le problème est moins évident, la
circulation se fait mieux, mais il y aurait lieu de l'améliorer encore.
C'est une économie considérable pour le gouvernement de ne pas
avoir à bâtir un nouveau pont, c'est aussi un avantage
écologique important puisqu'un pont, cela détruit les abords de
la rivière. On fait de nouvelles routes d'accès et cela comporte
des frais considérables. C'est donc une économie non seulement
pour les personnes qui utilisent le covoiturage mais aussi bien pour
l'État et donc, inévitablement, pour les contribuables qui
n'auront pas à payer ces infrastructures.
Cela a une implication importante aussi sur la pollution. Moins
d'automobiles, moins de pollution, c'est évident. Les gens conserveront
leur automobile plus longtemps, on les retrouvera moins vite dans les cours de
"scrap", comme on dit. Les pneus durent plus longtemps et on sait que les pneus
causent de la pollution. Pour ma part, je ne sais pas où va tout le
caoutchouc des pneus qu'on use, mais il s'en va dans l'atmosphère, dans
le système, c'est du caoutchouc perdu brûlé quelque part.
À tous les égards, finalement, c'est un avantage énorme
contre la pollution. (21 h 10)
Il y a aussi des avantages pour ceux qui utilisent le covoiturage. Il y
a des gens qui vont en retirer des bénéfices directs. Ceux qui se
sont habitués à utiliser ce moyen de transport à deux,
trois ou quatre par automobile, occasionnellement, ne peuvent pas profiter de
ce transport avec leurs compagnons pour un soir, pour un jour ou une semaine;
que font ces gens? Dans bien des cas, dans un comté comme le mien, les
gens vont emprunter l'autobus pour se rendre dans la ville et, une fois rendus,
ils vont prendre un taxi pour rentrer chez eux. Ils vont prendre des taxis le
midi pour aller faire leurs emplettes et, à l'occasion, pour se
déplacer à Montréal, par affaires. S'ils ne vont pas loin,
ils vont utiliser le taxi ou une autre possibilité, le transport en
commun à Montréal, le métro ou les autobus. Il y a donc
des avantages économiques pour les chauffeurs de taxi. Comme une
personne ne prendrait pas tous les jours un taxi de Chambly à
Montréal parce que ce serait trop coûteux, elle pourrait quand
même le prendre pour une journée s'il elle est prise à
Montréal et qu'elle veut revenir, si elle s'est levée trop tard
et qu'elle est pressée de se rendre au travail. Cela peut arriver. Il y
a donc des avantages économiques pour les taxis.
Une fois cette loi adoptée, cela nous permettra d'étudier
différentes autres mesures - non seulement nous, mais les
municipalités et tous les intervenants qui pourraient être
intéressés par un tel projet -pour inciter les gens à
utiliser le système de covoiturage. On pourrait étudier
immédiatement des formes d'incitation comme la gratuité de
péage sur les autoroutes et les ponts. Les gens qui seraient quatre dans
une automobile ne paieraient plus pour emprunter le pont Champlain ou au poste
de péage de l'autoroute de Chambly, sur les autres autoroutes, à
Repentigny ou à
Laval. Ce serait une mesure d'incitation aux gens à
économiser l'énergie et cela aiderait aussi le gouvernement en ne
l'obligeant pas à construire de nouvelles infrastructures.
Cela pourra toucher également les municipalités qui ont un
problème de transport en commun. Des gens qui voudraient venir
s'installer en banlieue ne le font pas parce qu'ils se disent que le transport
sera trop coûteux. Ces municipalités cherchent des solutions pour
démontrer aux gens que ça ne coûte pas plus cher de vivre
en banlieue qu'à Montréal tout en profitant de la nature, de
l'air pur, de la verdure, des avantages de la montagne à Saint-Bruno,
des avantages du bassin à Chambly, des avantages du Richelieu, tout le
long de la rivière.
La ville de Chambly a déjà fait une étude
importante sur les allées et venues des travailleurs: Combien de fois
ils allaient à Montréal, à quelle heure ils partaient,
où ils allaient exactement, etc. Elle a fait une étude et il en
est résulté la mise sur pied d'un bureau, d'une organisation
où on peut téléphoner en disant: Moi, je pars de Chambly
à telle heure, je demeure dans tel coin de Chambly et je me rends dans
tel coin de Montréal, à Longueuil ou à Boucherville pour
revenir à telle heure. C'est une sorte de bureau central qui met les
gens en contact de façon à leur permettre de covoiturer.
Une fois ce projet de loi adopté, mis en application et rendu
public pour aider les citoyens à l'utiliser, il restera, M. le
Président, dans un autre domaine au moins, des améliorations
à apporter. Ce n'est pas critiquer que de suggérer et de dire:
Voilà, nous avons franchi une étape et il y en a d'autres
à franchir. Il y en aura toujours. Il y a plusieurs personnes, des
jeunes en général, qui pratiquent l'auto-stop. On sait qu'il y a
des contraintes à cela. Les autostoppeurs, par exemple, n'ont pas le
droit de faire de l'autostop sur les autoroutes. Il y aurait lieu
d'étudier des mesures qui pourraient permettre à des gens, aussi
bien à la campagne que dans les villes, la pratique de l'auto-stop. Il
arrive souvent que des gens voyagent seuls, parce qu'ils doivent voyager seuls.
Ce sont des représentants de commerce, des gens qui voyagent à
des heures irrégulières et qui seraient très heureux de
conduire quelqu'un qui fait de l'auto-stop. Cela m'arrive. Cela m'est
arrivé cette semaine, sur l'autoroute, de faire monter quelqu'un - je ne
me rappelle plus où c'était, sur la Transcanadienne - et de le
conduire jusqu'à Québec. Il s'en allait à Chicoutimi sur
le pouce.
Il faudrait faciliter ce moyen de transport, parce qu'il y a des
contraintes, encore une fois, qui ne permettent pas autant qu'on le voudrait
l'utilisation de ce moyen de transport qui ne coûte absolument rien de
plus, parce que, quand je fais monter quelqu'un dans mon auto, le
pétrole que j'utilise, je l'utiliserais quand même en me rendant
où je vais. Je fais simplement utiliser l'énergie
déjà dépensée pour en faire profiter une autre
personne qui s'en va dans la même direction que moi.
M. le Président, cela me fait plaisir d'appuyer cette proposition
qui est, à mon avis, une solution pour plusieurs personnes de ma
circonscription, Chambly, aussi bien que des grandes régions. J'imagine
que, partout au Québec, les gens retrouvent un peu les mêmes
problèmes, mais à différents degrés.
Alors, c'est un pas dans la bonne direction et, encore une fois, je suis
très heureux de voter pour le projet de loi no 31. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Groulx.
M. Élie Fallu
M. Fallu: Merci, M. le Président. Vous serez sans doute
étonné de voir qu'autant de députés se
lèvent pour parler d'un projet de loi qui, à tous égards,
ne comporte que trois articles. Il y a un article central, le deuxième
porte sur la constitution comme tous les projets de loi et le troisième
indique que le présent projet de loi entre en vigueur le jour de sa
sanction.
Si nous sommes plusieurs, c'est que ce projet de loi revêt une
certaine importance. L'importance n'est pas, je dirais, dans l'essence
même du projet de loi ou dans ses conséquences immédiates.
C'est au-delà de tout cela.
Le covoiturage pour le travail, le covoiturage pour se rendre aux
études. J'ai moi-même tenu à me déplacer à
l'instant, depuis la commission parlementaire où on entend les
mémoires sur la Communauté urbaine de l'Outaouais à propos
du projet de loi no 28, pour venir participer au débat. Le covoiturage
dans notre société fait partie d'une attitude nouvelle. Je dirai
que c'est la sortie de nos anciennes habitudes d'individualisme, de
consommation à outrance, de hâte, de vitesse, tout cela,
évidemment, sous le signe de l'efficacité. (21 h 20)
Ces changements d'attitude indiquent l'émergence de nouvelles
valeurs dans notre société. Ce sont les valeurs de la
participation, de la mise en commun, de la prise en main, de l'entraide. Cela
ressemble d'ailleurs à d'autres valeurs qu'on retrouve dans la
société qui se développent en parallèle. Celle de
la coopération, de la copropriété, du
bénévolat. Tout cela se ressemble. C'est en fait ce que
j'appellerai d'une façon un peu synoptique une nouvelle qualité
de vie en commun dans une société, dans notre
société.
Plus encore, à mon avis, c'est en quelque sorte, cette toute
petite loi une brique, une pierre, ou devrais-je dire une planche qu'on est en
train de clouer sur cette maison qu'on est en train de bâtir ensemble
avec notre peuple. Cela fait partie aussi de ces grands mouvements
internationaux qu'on sent, un peu partout dans le monde, naître et
prendre une ampleur considérable, qu'on retrace sous un vocable
général de société dite écologique. C'est
très concrètement, d'ailleurs, le sens que nous donnons ici dans
notre société à certaines marches contre les armements
nucléaires. Ce sont des actions positives également qui sont
faites par la société, le gouvernement qui la représente.
Cela va dans le même sens que l'inauguration solennelle que nous faisions
hier avec le ministre de l'Environnement, à Blainville, de l'usine
Stablex qui vient régler le problème des déchets
industriels, toxiques, inorganiques.
Cela va dans le même sens que la fermeture des dépotoirs
qui fumaient jadis un peu partout alentour de nos villes et dans nos campagnes.
Cela va dans le même sens d'ailleurs que les mesures prises par le
ministre des Transports dans le développement des pistes cyclables,
qualité de vie, je veux dire Kino-Québec, mise en forme du
citoyen et de la citoyenne, utilisation de méthodes douces, de
méthodes écologiques pour se rendre au travail. Cela va
d'ailleurs dans le même sens que les choix récents de ce
gouvernement en ce qui a trait à privilégier le transport en
commun sur la construction d'autoroutes. Cela va dans le même sens
finalement que l'épuration des eaux.
M. le Président, je m'excuse, peut-être trouvez-vous que
trois petites lignes dans un projet de loi et en dire autant alentour cela a
l'air de faire perdre le temps de la Chambre. À mon avis, bien au
contraire. Il faut comme cela, de temps à autre, savoir placer des
actions ponctuelles, des actions concrètes, même les actions les
plus humbles devrais-je dire, les plus simples, dans leur véritable
perspective, ce qui vaut à l'Assemblée nationale cet
après-midi et ce soir de s'arrêter un long moment sur un geste qui
représente très exactement cinq lignes dans un projet de loi. Si
nous le faisons, c'est parce que nous le faisons en perspective de
société.
Le covoiturage est pour nous ou s'inscrit pour nous dans une des
solutions de rechange du transport en commun. Car on ne peut pas, avec nos gros
autobus - même fabriqués chez nous, à côté de
chez nous, à Saint-Eustache, qui coûtent très cher - dans
lesquels il faut mettre des chauffeurs, il faut mettre des répartiteurs,
il faut mettre des administrateurs, il faut mettre des corporations sur pied
pour faire la gérance, il faut imprimer et vendre des billets, il faut
que cela coûte cher pour rapporter. Mais cela ne peut se faire qu'aux
endroits où il y a une concentration de population considérable.
À combien d'endroits dans nos banlieues éloignées, pour
tous ces navetteurs qui travaillent à l'usine dans le village, qui ont
à voyager le long du fleuve Saint-Laurent depuis Montmagny pour aller
travailler à la Davie Shipbuilding, à Lauzon, bref, pour tous ces
gens qui n'ont pas le transport en commun, c'est une alternative. C'est donc un
choix qui peut d'ailleurs se mixer avec du transport en commun.
Songeons, par exemple, à ces lieux de rassemblement ou de
regroupement, ces stationnements en bout de ligne, que ce soit au bout de la
ligne du Canadien National de Saint-Eustache vers Montréal maintenant
intégrée par le ministre des Transports, il y a quelques mois,
à la Commission de transport de Montréal. Pensons à ces
stationnements en bout de ligne du côté de Brossard ou de
Saint-Hubert, des lignes d'autobus, celles-là, qui peuvent permettre
là des lieux de regroupement de gens qui, précisément,
font du covoiturage ou qui en ont fait en venant de chez eux. Comment
dirais-je, M. le Président? Je crois qu'il nous faut peut-être
lire la loi telle qu'elle était auparavant, et voir ce qu'elle est
maintenant.
Auparavant, nous pouvions lire que: "Nul ne peut - donc, il était
interdit -fournir des services à l'aide d'un moyen ou d'un
système de transport - y compris une voiture, une automobile - contre
une rémunération directe ou indirecte - c'est vrai qu'on n'a
jamais payé les chauffeurs d'autobus en leur donnant un sac de pommes ou
un sac de "klondikes" la journée de la Sainte-Catherine; il fallait des
billets, mais il était même interdit de se faire covoiturer et de
payer en pommes, en oranges ou en tomates de saison - s'il ne détient le
permis prescrit à cette fin par règlement." Il fallait
détenir un permis. À toutes fins utiles, il fallait
peut-être avoir soit un autobus avec une ligne d'autobus ou encore avoir
un taxi.
Maintenant, on nous dit: "Le premier alinéa - celui que je viens
de citer - ne s'applique également pas à une personne qui,
lorsqu'elle se rend à son lieu de travail ou d'études et en
revient, transporte d'autres personnes pour leur permettre de se rendre
à leur lieu de travail ou d'études ou pour en revenir, à
la condition que la rémunération requise de celles-ci ne
constitue qu'une contribution aux frais d'utilisation du véhicule."
Donc, faire du covoiturage, ce n'est pas faire de l'argent. C'est simplement
partager des dépenses. C'est simplement défrayer ensemble les
dépenses de transport telles que l'essence, l'entretien du
véhicule et, dans certains cas, cela pourrait même être la
dépréciation de l'automobile ou de la fourgonnette, puisque cela
pourrait même
être un achat en commun.
Cela peut prendre des valeurs multiples. Cela peut être un des
navetteurs ou l'un des covoitureurs qui achète une fourgonnette, qui
achète même un autobus, s'ils sont en nombre suffisant pour la
remplir, et ils se partagent les frais, mais seulement les frais. Cette loi n'a
pas de règlement. Elle n'a que ce seul article que j'ai souligné
ici, en jaune. Il n'y a pas de règlement, c'est-à-dire que le
ministre ne dira pas comment il faut calculer, combien de personnes, il y aura,
si, dans la fourgonnette on sera quatre, cinq, dix, douze ou quinze. Il n'y a
aucun règlement. C'est laissé au bon jugement de chacun et
à l'organisation d'un groupe ou d'une petite collectivité qui
sait se prendre en main. On sait que, dans certains États
américains, cela a touché jusqu'à 8%, même 10% et
même 12% de gens, de travailleurs et d'étudiants qui se sont ainsi
regroupés et qui, évidemment, ont enlevé un nombre
considérable de voitures de la route aux heures de pointe.
J'ai quelque chose à ajouter, car le ministre des Transports sait
- pour lui avoir déjà écrit, il y a plus d'un an, pour
avoir posé des questions en Chambre, il y a maintenant environ un an,
c'était l'époque, évidemment, où on
annonçait, et j'ai souvenance de ce 20 mai 1982 où on
annonçait la hausse des tarifs de péage autoroutiers - comment
nous avons insisté, mes collègues et moi du caucus
Laurentides-Lanaudière, pour avoir cette loi de covoiturage pour
diminuer pour nos concitoyens les frais de transport. On lui avait
également demandé une voie réservée sur
l'autoroute, il l'a néanmoins accordée aux taxis et aux autobus.
C'est cela de fait. De toute façon, on ne lui demande plus de
réserver une voie aux covoitureurs parce que nous sommes convaincus
qu'au prochain budget, il n'y aura plus de péage sur les autoroutes, du
moins nous y comptons bien. (21 h 30)
Je reviens au covoiturage. Le covoiturage est là dans la loi. Il
doit être là maintenant dans les moeurs. Ce sont les changements
d'une société. C'est déjà commencé. La loi
n'existait pas mais les gens avaient commencé à le faire
vraiment. Il faudra publiciser, il faudra donner aux individus, à ces
regroupements, les outils qu'il faut. On n'aura peut-être pas nos
couloirs réservés sur le pont Champlain; on n'aura
peut-être pas nos couloirs réservés sur le pont
Jacques-Cartier; on n'aura peut-être pas nos couloirs
réservés sur l'autoroute des Laurentides ou sur l'autoroute 40 ou
celle des Cantons-de-l'Est, mais on peut faire des choses relativement
simples.
La semaine dernière, au moment du dépôt de la loi
31, j'avais l'occasion, comme je le fais à chaque semaine dans deux
hebdos de chez nous, de présenter une chronique, La chronique du
député. Je faisais entre autres deux propositions. La
première s'adressait aux hebdos. Cela peut s'adresser également
aux quotidiens. Je leur suggérais de réserver un espace
intitulé Covoiturage, à titre gracieux de service public. Ce
seraient les usagers potentiels qui pourraient ainsi, faire connaissance les
uns avec les autres et organiser ainsi des regroupements de covoitureurs. Donc,
j'invite les hebdos, notamment aux environs des grandes villes, des grands
centres à offrir aux covoitureurs ce service: un petit espace dans
lequel les gens pourraient s'identifier, se faire connaître, indiquer de
quel endroit ils partent, où ils vont, à quelle heure et leur
numéro de téléphone évidemment.
Je faisais une deuxième suggestion. D'ailleurs, la semaine
dernière, j'ai adressé cette suggestion directement aux maires
des municipalités du mon comté. Nous avons, depuis un an, depuis
que le débat sur le transport en commun dans la région de
Montréal est vraiment bien amorcé, nous avons ensemble beaucoup
réfléchi au transport en commun. Nous ne sommes pas sûrs
qu'il nous faille des gros métros ou des gros wagons diesel sur rails,
ou des gros autobus. On dit qu'il y a peut-être moyen avec un peu
d'imagination maintenant et fort d'un tas d'expériences qui ont
été faites ailleurs, il y a peut-être moyen de faire des
choses intéressantes qui ne coûteraient pas trop cher, comme, par
exemple, le covoiturage et le taxi collectif doublés d'autobus qui, au
lieu de faire la navette dans nos villes, attendraient le taxi collectif et les
covoitureurs à des stationnements réservés.
Je leur faisais la suggestion suivante: qu'on réserve, qu'on
prévoie d'ici quelques mois des espaces dans les stationnements publics,
des espaces qui sont un peu éloignés, un peu moins occupés
par les gens, où il y a peu de chalands, avec une pancarte
marquée "covoitureurs" pour que les gens sachent, soient incités
de cette manière à se regrouper à certains endroits et,
quelquefois, à plusieurs; si on manque le premier, on prend le
deuxième. On sait que souvent les gens vont à peu près
dans le même bout. De chez moi, cela pourrait être tous ceux qui
descendent le matin à Canadair, ceux qui descendent à Vickers,
comme on disait jadis, MLW, ceux qui vont dans le centre-ville etc. Cela
pourrait être même des centres commerciaux qui, souvent, sont
placés le long des autoroutes pour avoir une meilleure exposition qui
pourraient gratuitement offrir, avec une pancarte de stationnement, une
invitation aux covoitureurs pour se stationner tout au fond du stationnement
qui n'est jamais utilisé. Voilà une méthode
intéressante pour faciliter le regroupement des covoitureurs. J'ai
également quelques suggestions à faire au ministre.
Le ministère n'a pas tout transféré au
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et
à la banque des terres agricoles, il possède de très
nombreux résidus de terrain le long des autoroutes, notamment
près des entrées. On a coupé un peu carré, mais il
reste beaucoup de résidus de terrain qui pourraient faire d'excellents
stationnements pour les covoitureurs. J'irais même plus loin que
ça, et je l'ai vu de mes yeux aux États-Unis. On pourrait
installer des stationnements de covoitureurs dans les boucles d'autoroute. Vous
savez, ces belles boucles d'autoroute où l'on tond, au moins trois
fois durant l'été, très proprement le gazon, ça
sert à quoi? Même pas à alimenter les animaux.
Peut-être qu'on pourrait y installer à certains endroits des
regroupements qui permettraient le stationnement de covoitureurs.
M. le Président, tout ça, c'est une société
qui est en train de changer chez nous. C'est une société dans
laquelle il y a de nouvelles valeurs, comme je le disais au départ: des
valeurs d'entraide, des valeurs de copropriété, des valeurs de
coopération, des valeurs d'amitié. Il y a un collègue qui
disait tantôt qu'il connaissait un garçon et une fille qui
s'étaient rencontrés dans le covoiturage. Je pense que, dans le
covoiturage, une partie d'une nation va se retrouver et se donner des outils de
mise en commun, simplement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Bellechasse.
M. Claude Lachance
M. Lachance: Merci, M. le Président. Le 31 mai dernier, le
ministre des Transports décidait de présenter la Loi modifiant la
Loi sur les transports, concernant le covoiturage. Ce projet de loi,
d'après ce qu'on peut voir, ne suscitera pas de la part de l'Opposition
de "filibuster", d'obstruction systématique, si j'en juge par les propos
des collègues de l'Opposition. J'entendais tantôt le
député de Richmond dire que - ce n'était pas
méchant de sa part, il fallait bien qu'il soulève quelques points
négatifs - cette mesure aurait dû être annoncée
beaucoup plus tôt.
J'aimerais, vous rappeler que l'actuel député de Richmond
a été député, ici même à
l'Assemblée nationale, de 1973 à 1976 et, à
l'époque, le gouvernement Bourassa était au pouvoir. Il aurait
pu, je pense, avec l'influence qu'il avait au sein de son caucus, convaincre le
ministre des Transports de l'époque d'adopter cette mesure qui,
aujourd'hui, semble lui sourire. Bien sûr, à l'époque
d'Honoré Mercier ou à l'époque de M. Chapleau, arriver
avec une telle mesure aurait été inconcevable à
l'Assemblée législative de cette époque. À ce
moment-là, évidemment, on n'utilisait pas tellement les voitures
automobiles, c'étaient plutôt les charrettes à boeufs ou
les chevaux. Je pense bien que ça ne posait pas tellement de
problèmes au niveau du covoiturage, d'autant plus que les gens, pour la
plupart, travaillaient chez eux dans une entreprise artisanale ou dans le
domaine de l'agriculture.
Je suis heureux que le ministre des Transports ait décidé,
à la suite des représentations qui lui ont été
faites, de nous présenter ce projet de loi qui va permettre de
régulariser une situation, de moderniser la législation en
vigueur pour rendre le tout conforme aux pratiques actuelles. Le ministre des
Transports n'a pas cru bon attendre un autre siècle, peut-être
à l'an 2083, où il y a fort à parier que d'autres moyens
seront utilisés. Pourquoi pas la "téléportation"
instantanée, comme on en voit actuellement dans les films de
science-fiction? Ce serait encore plus avantageux que le covoiturage. (21 h
40)
Si on revient au projet de loi no 31, si on regarde le projet de loi
comme tel, on constate qu'il n'est pas très volumineux. En fait, il
comporte exactement trois articles et le dernier dit ceci: "La présente
loi entre en vigueur le jour de sa sanction." Je pense bien que ce n'est pas en
terme de quantité mais en terme d'effet qu'il faut voir le projet de
loi.
Je pense qu'il est important d'abord de définir ce qu'on entend
par covoiturage. D'autres collègues l'ont fait avant moi, je pense que
c'est une technique dans l'enseignement, vous connaissez cela, M. le
Président, il faut répéter constamment et c'est la
meilleure façon didactique éprouvée avec les
méthodes que vous connaissez bien.
Le covoiturage c'est le fait pour une personne, lorsqu'elle se rend
à son lieu de travail ou d'études ou en revient, de transporter
d'autres personnes se déplaçant pour les mêmes fins contre
une contribution couvrant les frais d'utilisation du véhicule.
Vous avez compris par cette définition, M. le Président,
qu'il ne s'agit pas, pour quelqu'un qui possède un véhicule, de
gagner sa vie avec le covoiturage. En fait il s'agit, pour les usagers, d'une
alternative supplémentaire fort intéressante parmi tant d'autres,
dont le transport en commun, qui possède des effets extrêmement
positifs dont j'aurai l'occasion de parler tout à l'heure.
On est en 1983 et, croyez-le ou non, la loi actuelle interdit à
quiconque de fournir des services de transport contre
rémunération directe ou indirecte, à moins de
détenir le permis prescrit à cet effet. C'est ce qui explique que
certaines personnes qui, jusqu'à maintenant pratiquaient le covoiturage,
se sentaient un petit peu nerveuses parce qu'elles savaient qu'elles
étaient en marge de la légalité. Cependant, si mes
informations sont exactes, le ministère des Transports n'a
jamais appliqué avec rigueur cette disposition de la loi et c'est
une preuve qu'on devait s'adapter avec un projet de loi moderne.
Cependant le fait que c'était interdit par la loi jusqu'à
maintenant faisait en sorte qu'on ne pouvait pas faire la promotion du
covoiturage comme étant un moyen par exemple fort approprié, dans
les circonstances actuelles, de voyager.
Des études existent sur le comportement des usagers de la route -
je vais vous en citer seulement deux - et on se rend compte que, par exemple,
les déplacements les plus fréquents sont ceux qu'on effectue
entre son lieu de résidence et son travail. Par exemple, 30% des
Montréalais utilisent le transport en commun. C'est très peu
quand on considère la densité de la population et les moyens
à sa disposition pour se véhiculer à son lieu de
travail.
D'après une étude de Statistique Canada qui date de 1980,
on ajoute que 50% des personnes qui se rendent à leur travail y vont
seules. C'est donc dire l'espèce de gaspillage d'énergie que
représente un tel déplacement.
Une autre étude qui essaie de voir pourquoi les gens ne sont pas
friands d'utiliser des moyens de transport en commun, qui sont pourtant cinq
à dix fois moins cher que le transport dans son véhicule
personnel, c'est l'étude du COTREM, le Conseil des transports de la
région de Montréal, qui a été effectuée
à l'hiver 1982 d'après un échantillonnage de 5000
personnes. On constate que les automobilistes qui se promènent seuls
dans leur véhicule donnent certaines raisons très précises
pour expliquer leur comportement. La première raison donnée par
ordre d'importance, c'est le fait que le véhicule privé constitue
un moyen de transport plus rapide; deuxièmement que c'est un moyen de
transport plus souple et, troisièmement, que c'est un moyen de transport
plus confortable. Ce sont les raisons énumérées pour
lesquelles on ne veut pas utiliser d'autres moyens et en particulier le
transport en commun.
Je suis heureux que le ministre des Transports ait décidé,
à ce moment-ci, de présenter cette mesure. Cela indique bien que
l'actuel ministre des Transports est ouvert aux suggestions.
Déjà, des députés ministériels ou d'autres
groupes avaient fait des représentations demandant que le covoiturage
soit légalisé. Cela s'inscrit dans le cadre de certaines mesures
de modernisation de la législation, par exemple, l'utilisation des
véhicules jaunes, des véhicules de transport scolaire, qui
pourront être utilisés dans des milieux comme le mien, des milieux
ruraux, où le transport en commun n'est pas rentable.
Je disais tantôt que cela rendait certaines personnes nerveuses de
véhiculer des collègues ou des covoituriers. Un des premiers
aspects qui a incité au covoiturage s'est révélé au
moment de l'arrivée de l'assurance automobile. La menace qui planait sur
une personne qui décidait de faire monter d'autres personnes dans son
véhicule avant l'arrivée de l'assurance automobile, cela
constituait à l'époque un obstacle de taille. On avait peur, dans
le cas d'un accident, d'être l'objet de poursuites qui pouvaient, comme
on le disait, "mettre quelqu'un dans le chemin" et lui causer des
problèmes jusqu'à la fin de ses jours.
C'était un premier pas et on se devait d'aller plus loin.
Déjà, au moment où on se parle, même si cette
façon d'agir n'était pas sanctionnée légalement,
dans le comté que je représente, le covoiturage est
utilisé. J'espère qu'il le sera davantage après l'adoption
de la loi 31. Il existe des entreprises - je vais vous en
énumérer quelques-unes - qui regroupent 100, 200, 300 et
même 400 employés. Les gens ont constaté, lors de la crise
de l'énergie, qu'il était avantageux et même
préférable, pour maintes raisons, de se véhiculer, de
voyager ensemble. Je pense aux Industries provinciales de Saint-Damien, qui
comptent environ 300 travailleurs. Je sais pertinemment que plusieurs
travailleurs de cette usine voyagent ensemble selon les "quarts" de travail.
Même chose en ce qui concerne l'abattoir de volailles et la
Coopérative de Dorchester à Saint-Anselme. Quand je suis dans mon
comté, à ma résidence, je vois passer des véhicules
qui partent vers 7 h 15 le matin et qui reviennent vers 17 h 30 le soir. Ce
sont des espèces de fourgonnettes dans lesquelles une douzaine de
personnes prennent place. Elles se véhiculent comme cela de
Saint-Nazaire à Saint-Anselme quotidiennement, économisant ainsi
de l'argent et de l'énergie.
Même chose en ce qui concerne les travailleurs du sanatorium
Bégin à Lac-Etchemin, les travailleurs de Prévost Car
à Sainte-Claire et encore davantage peut-être, à cause
d'une distance plus considérable, les travailleurs de Bellechasse qui se
rendent aux chantiers maritimes de Davie, à Lauzon.
Si on y pense bien, le fait de voyager en groupe a des avantages non
négligeables. Par exemple, le fait d'avoir moins d'automobiles en
circulation, cela se traduit par toute une série de conséquences
que je me permettrai de vous énumérer brièvement. S'il y a
moins d'automobiles en circulation, cela veut dire qu'il va y avoir moins
d'argent du budget familial affecté au transport entre la
résidence et le lieu de travail. Cet argent pourra servir de
façon beaucoup plus productive ailleurs. Cela veut dire qu'il y aura
moins d'énergie non renouvelable de gaspillée; exemple, le
pétrole. Cela se traduit également par le fait qu'il y aura moins
d'argent de dépensé
en carburant. Il y aura moins de frais d'entretien de l'automobile:
frais de toutes sortes: les freins, les pneus, les pièces mobiles, la
carrosserie, surtout en période hivernale, qui se
détériore sous l'effet du sel, du calcium.
Cette mesure se traduit aussi par moins de pollution
atmosphérique, l'un des maux de notre temps. Moins d'espaces de
stationnement seront également requis auprès des usines, des
manufactures ou des bureaux. Souvent, ce sont des sommes considérables
qu'on doit affecter pour des espaces de stationnement, particulièrement
dans les milieux urbains. (21 h 50)
Cela veut dire également moins de risques d'accidents et je pense
qu'il s'agit là d'un point majeur. S'il y a moins de risques
d'accidents, moins d'accidents, cela signifie qu'il y aura des
répercussions concrètes, tangibles, non négligeables, sur
les primes d'assurance automobile que vous et moi devons payer. Cela veut dire
également, par voie de conséquence logique, qu'il y aura
moins de blessés, qu'il y aura moins de morts. Cela n'a pas de prix.
Cela veut dire également - cela me sourit - qu'il y aura moins de
policiers sur les routes. Moins de policiers seront requis pour faire respecter
le Code sur la sécurité routière. Finalement, comme autre
mesure, moins de dépenses gouvernementales en infrastructures
routières, en construction d'autoroutes, surtout en entretien, parce
qu'une fois que la route est construite, ce n'est pas terminé. Il faut
être capable de l'entretenir et cela accapare actuellement une bonne
partie du budget du ministère des Transports.
En terminant, je tiens à féliciter le ministre des
Transports d'avoir proposé cette mesure et c'est avec plaisir,
évidemment, que je l'appuie et que je vais voter pour le projet de loi
no 31. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Merci, M. le Président. Je tiens aussi
à prendre quelques minutes pour parler du fameux projet de loi no 31
qui, en fait, est une loi qui vient normaliser une situation, une pratique
déjà suivie par un grand nombre de citoyens. On dit souvent, au
Québec, qu'il y a beaucoup de règlements et beaucoup de
contraintes. Ce projet de loi vient en enlever une pour permettre à des
citoyens, qui pratiquent déjà le covoiturage, de le faire d'une
façon libre, ouverte et également d'une façon un peu plus
payante. Je suis tout à fait d'accord avec ce projet de loi, qui, pour
le gouvernement, n'implique aucune charge financière. Au contraire,
comme disait mon collègue de Bellechasse, cela amènera des
économies un peu partout, pas nécessairement une économie
qu'on pourra voir dans les budgets de façon très claire, mais
qui, avec le temps et un peu dans tous les domaines, sera perceptible quand
même assez facilement.
Cette pratique de covoiturage n'est pas nouvelle. C'est vrai, comme le
disait l'Opposition, que ce projet de loi aurait pu arriver avant, mais il
vient maintenant et il vient grâce au gouvernement du Parti
québécois. C'est important qu'on le présente
principalement dans une période économique assez difficile
où l'énergie, principalement le pétrole, une
énergie qui n'est pas disponible chez nous, devient de plus en plus rare
et de plus en plus coûteuse. Donc, c'est une très bonne chose que
cela vienne et cela permet à chacun, comme individu, de faire des
économies puis de changer, dans plusieurs cas, des habitudes ou d'en
développer de nouvelles.
C'est vrai qu'on est habitué - les chiffres le prouvent -
à voyager en solitaire. 70% des travailleurs, au Québec,
utilisent leur voiture pour aller travailler, mais 50% de ces gens-là
voyagent seuls. Cela veut dire que ce sont des coûts énormes. Si
on relevait rapidement les coûts, ce que coûte une voiture, on
s'apercevrait que c'est, pour chaque citoyen, une des dépenses du budget
familial les plus élevées. Le coût annuel d'une voiture, si
on compte les frais fixes et les frais variables, cela varie entre près
de 5000 $ et au-delà de 7000 $, selon que c'est une petite voiture
compacte ou une voiture standard. Donc, les coûts sont énormes. On
n'a qu'à penser aux assurances, à l'immatriculation, au permis,
à la dépréciation, au financement et aux
intérêts. Tous ces coûts fixes, on doit les absorber
lorsqu'on a une automobile. Il y a aussi les coûts variables qui sont
l'essence, les changements d'huile, les pneus, l'entretien, le péage et
le stationnement. Tout cela mis ensemble, comme je le disais tantôt,
c'est entre 5000 $ et 7000 $, selon la grosseur de la voiture, qu'on doit,
chaque année, investir. Donc, il y a des coûts.
Évidemment, les gens vont dire: De toute façon, j'ai
besoin de ma voiture, que ce soit les fins de semaine ou pour d'autres sorties.
Évidemment, cela ne veut pas dire qu'on n'aura plus de voiture. Sauf que
si on enlève les coûts variables, c'est une économie
extraordinaire qu'on peut faire. C'est une économie qui va varier entre
1000 $ et 2000 $ par année si on pratique le covoiturage et si on
n'utilise plus la voiture simplement pour aller travailler. C'est environ 1000
$ qu'on économise, selon la grosseur de la voiture. Cela peut même
aller jusqu'à environ 1700 $, selon que c'est une grosse ou une petite
voiture. Mais on économise aussi et on n'y pense peut-être pas
suffisamment, sur le péage et sur les
frais de stationnement. Il y a des économies à faire pour
chacun des individus en pratiquant le covoiturage. Au niveau collectif aussi,
ce n'est pas seulement une amélioration de la qualité de vie
qu'on est capable de créer par cela, c'est une meilleure utilisation de
notre territoire, de nos équipements qu'on possède
déjà. Cela vaut la peine d'y voir même au niveau collectif.
Comme je le disais au début, cela peut nous permettre de changer des
habitudes, mais d'en créer de nouvelles. Ces habitudes, c'est,
justement, de voyager avec d'autres, avec nos voisins, avec les gens de la rue,
avec les gens du coin. On connaît cela surtout dans les milieux qui ne
sont pas nécessairement des grandes villes comme Montréal et
Québec, mais dans les coins semi-urbains, semi-ruraux où les gens
voyagent, où les gens doivent se déplacer.
On se déplace d'ailleurs maintenant des villes vers
l'extérieur avec les centres de haute technologie et les centres
industriels qui se développent à l'extérieur des villes,
des grands centres et aussi des centres régionaux. Comme on doit se
déplacer pour se rendre au même endroit, il est facile d'utiliser
la même voiture. C'est une économie pour le propriétaire de
la voiture. C'est une économie aussi évidemment pour ceux qui
profitent de la nouvelle politique de covoiturage. Cela vaut la peine de
créer cette habitude, les liens qu'on crée; c'est aussi pour la
collectivité un danger de moins d'accident. Moins il y a de gens sur la
route, moins il y a de danger, surtout dans les grands centres comme
Montréal et Québec, les gens de banlieue qui vont travailler en
ville, il y a moins de risques d'accidents, il y a moins de pollution et aux
heures de pointe aussi il y a moins de circulation, donc, ce n'est pas tout
congestionné. On peut aussi regagner dans le temps.
En créant cette habitude, on s'habitue aussi à utiliser
encore davantage les transports en commun qui coûtent très cher et
qui vont nous coûter de moins en moins cher avec l'accroissement de
l'utilisation. C'est une habitude à développer que la loi 31 nous
permet pour les grands centres, nous permet aussi pour les centres secondaires,
comme je le disais tantôt, parce que là où n'existent pas
déjà des systèmes en commun, des systèmes
d'autobus, dans les villes moyennes ou plus petites, c'est un excellent moyen
d'économiser et de sauver, comme individus sur nos dépenses
personnelles, comme collectivité surtout dans des centres où il
devient de plus en plus difficile de trouver du stationnement dans les
centre-ville. C'est une excellent moyen, en voyageant plusieurs dans une seule
automobile, d'être capables d'aller stationner au bon endroit au
centre-ville. Comme il y a moins d'automobiles, avec l'espace qu'on
possède présentement on est capable de répondre à
la demande sans être obligé d'amener de très gros
investissements pour être capable de satisfaire à l'accroissement
constant du nombre de véhicules.
C'est un projet de loi qui ne coûte rien et qui peut aider tout le
monde, donc, à plus forte raison, il faut en profiter. Au niveau des
économies, c'est important. Au niveau des économies de
l'État, c'est aussi important lorsqu'on veut utiliser l'argent que
possède l'État présentement pour améliorer notre
système routier. Si on veut l'améliorer dans les campagnes un peu
partout, si on veut investir davantage dans le métro, ce n'est pas en
faisant en sorte que l'automobile prenne toute la place qu'on va réussir
à prendre cet argent justement pour être capable de l'utiliser
là où on peut investir davantage dans des constructions qui vont
servir des populations qui n'ont pas présentement à leur service
un système de transport en commun. Je ne veux pas m'éterniser
plus longtemps, M. le Président, juste pour rappeler que cela aide tous
les gens, tous les travailleurs, les écoliers qui peuvent se rendre
à des lieux communs. Je crois qu'au niveau du système public,
étant donné qu'on va créer l'habitude, cela va aussi
être positif dans ce sens.
Je ne pense pas que cela va nuire à personne. Pas plus à
l'industrie du taxi, finalement, puisqu'on trouve en échange de nouveaux
marchés qui vont leur permettre d'être capables de reprendre
peut-être quelques passagers qu'ils pourraient perdre à cause
d'une loi comme celle-là. Sauf que moi je dis que si on crée
l'habitude, ils vont pouvoir en regagner, et comme les gens vont voyager en
groupe, donc, à certaines occasions ils vont devoir prendre le taxi et
les économies qu'ils vont faire sur leurs dépenses automobiles,
ils vont les remettre sur le taxi. Je ne crois pas que le covoiturage soit
nuisible au taxi. Au contraire, en développant l'utilisation au maximum
du covoiturage et des services publics, des moyens de locomotion qu'on peut
mettre en commun, le taxi fait partie de ces outils dont on dispose. Je crois
que c'est un projet qui est bénéfique qui va être
accepté à l'unanimité, parce que l'expérience
ailleurs en Amérique du Nord nous a prouvé que c'était
bénéfique. Nous le faisons et je crois que c'est une très
bonne chose. Je vais évidemment voter pour ce projet de loi et je suis
content que cela nous arrive maintenant, à un moment où on doit
faire, dans la mesure du possible, le plus d'économies d'énergie
possible. Merci, M. le Président. (22 heures)
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Transports, votre droit de réplique.
M. Michel Clair (réplique)
M. Clair: Oui, M. le Président. Vous me voyez ravi, au
début de ce droit de réplique, de l'accueil qui a
été réservé par tous les députés de
cette Chambre au projet de loi no 31 visant à légaliser le
covoiturage. Vous avez vu, tant par le contenu des interventions qui
étaient toutes positives à l'égard de cette loi que par
l'approche même des députés à cette idée de
légaliser le covoiturage, que cette loi répond à un besoin
essentiel du Québec en matière de modernisation de sa politique
des transports.
Je suis également ravi du fait que pour une des rares fois,
effectivement, comme mes collègues l'ont souligné, les
députés de l'Opposition nous ont indiqué qu'enfin ils
allaient voter pour une des mesures mises de l'avant par le gouvernement. Dans
ce sens, je suis heureux de constater que l'Opposition ait choisi, au lieu de
faire un débat partisan comme cela lui arrive beaucoup trop souvent, de
faire cette fois-ci un débat positif et d'appuyer le gouvernement dans
une mesure très importante.
En effet, comme plusieurs collègues l'ont souligné, je
pense que ce n'est pas à l'épaisseur et au nombre d'articles d'un
projet de loi qu'on peut mesurer son importance, mais bien davantage aux
conséquences sociales, économiques et humaines qu'il peut avoir.
En matière de transport, la légalisation du covoiturage
était certainement un geste important à poser en ce sens. Autant
le nombre que le contenu des interventions témoigne bien de l'importance
qu'à l'Assemblée nationale, en tout cas, les
députés accordent au projet de loi concernant la
légalisation du covoiturage.
Même si l'Opposition s'est montrée favorable à
l'adoption de ce projet de loi, elle a néanmoins soulevé ou
rabâché deux critiques qu'elle formule régulièrement
en matière de transport, notamment en ce qui concerne les
automobilistes. En effet, vous avez entendu l'Opposition accuser à
plusieurs reprises le gouvernement d'en avoir contre les automobilistes, de
considérer les automobilistes comme des gens à exploiter, des
gens indésirables et des gens pour lesquels le gouvernement ne voulait
rien faire. C'est ce que dit l'Opposition.
Pourtant, rien dans l'action gouvernementale ne justifie de la part de
l'Opposition ou de qui que ce soit une accusation à l'endroit du
gouvernement de ne pas s'être préoccupé des automobilistes
au même titre que des autres citoyens ou des citoyens dans d'autres
circonstances. En effet, l'Opposition se limite à regarder, en ce qui
concerne les automobilistes, uniquement la question de la taxe sur le
carburant, une taxe temporaire que le gouvernement a dû se
résoudre à imposer en novembre 1981 pour des raisons de
conjoncture économique que nous connaissons tous.
L'Opposition prend bien garde, cependant, de ne pas signaler les
nombreux gestes qui ont été posés par ce gouvernement en
faveur des automobilistes et qui ont apporté des dividendes concrets aux
automobilistes. J'en donne quelques exemples.
D'abord, en matière d'assurance automobile, nous avons introduit,
en 1978, un régime public d'assurance automobile garantissant le
remplacement du revenu de toute personne blessée ou tuée dans un
accident d'automobile, compensant pleinement les pertes économiques;
c'est l'expression que la marraine de ce projet de loi, Mme Payette, employait
à l'époque. Donc, nous bénéficions, depuis 1978,
d'un régime d'assurance automobile qui fait l'envie d'un grand nombre
d'États dans le monde entier. C'est donc un avantage quant à la
couverture des éventuelles victimes d'accidents d'automobile.
Il y a mieux que cela, en termes de coûts de l'assurance
automobile, pour une protection de toute la population qui circule dans un
véhicule automobile, nous facturons une prime sur le permis de conduire,
qui a été augmentée au cours des deux premières
années du régime, mais principalement à partir d'une
contribution au moment de l'immatriculation d'un véhicule automobile.
Cette contribution a été fixée à 85 $ en 1978. Six
ans plus tard, en 1984, la prime d'assurance automobile n'aura augmenté
pour les automobilistes que de 10 $, passant de 85 $ à 95 $, une
augmentation de 12% sur six ans. Il n'y a pas un seul régime
d'assurance, à ma connaissance, dans le monde entier, qui n'ait pas
augmenté de plus de 12% au cours des six dernières années,
1984 inclus. Cela a donc comporté pour les automobilistes des avantages
certains, évidents, sur le plan économique, financier, de
procéder à la nationalisation du secteur de l'assurance
automobile pour les blessures corporelles.
Il y a une autre mesure que nous avons prise cette année pour les
automobilistes. Non seulement les primes d'assurance automobile reliées
à l'immatriculation auront augmenté de seulement 10 $ en six ans,
mais, mieux que cela, en ce qui concerne la contribution de l'assurance
automobile reliée au permis de conduire, pour toute personne qui n'aura
accumulé aucun point d'inaptitude, qui aura un dossier vierge sur le
plan de la conduite automobile, nous avons annoncé, l'année
dernière, qu'à compter du mois d'avril dernier, une
réduction de 10 $ sur le renouvellement d'un permis de conduire de deux
ans était accordée à ces automobilistes. C'est donc un
avantage réel que nous avons voulu leur consentir.
Il y a une autre mesure qui est une mesure attentive à
l'égard des besoins des
automobilistes. Vous connaissez fort bien, vous aussi, comme conducteur
d'une automobile, les longues files d'attente au moment du renouvellement des
plaques, en février, mars et avril de chaque année.
C'était une constatation depuis longtemps que les automobilistes
connaissaient annuellement des inconvénients à cause de ces
longues files d'attente. Qu'est-ce que nous avons fait pour soulager les
automobilistes à cet égard? Nous avons introduit ce que nous
appelons l'étalement de l'immatriculation. Cette année a
été la dernière où les automobilistes ont dû
faire la queue dans les bureaux émetteurs puisqu'à compter du
mois d'août prochain, tous les Québécois et les
Québécoises détenteurs d'un certificat d'immatriculation
se présenteront en bloc de un douzième, chaque mois,
réparti sur l'année, de façon à éviter qu'il
y ait un engorgement annuel.
Il y a une autre mesure permanente que nous avons prise et que nous
utilisons pour favoriser les automobilistes, ce sont les investissements en
construction routière. Cette année, c'est 450 000 000 $ qui
seront consacrés à la construction routière et un budget
d'entretien du réseau routier qui frise les 500 000 000 $. Presque 1 000
000 000 $ par année consacrés à l'amélioration des
routes, à l'entretien des voies routières, donc une contribution
énorme de la part du gouvernement pour les automobilistes. Ce qui
démontre encore une fois que c'est inexact ce que dit l'Opposition quand
elle accuse le gouvernement de ne pas s'être préoccupé des
automobilistes.
D'autres mesures sur lesquelles je passe rapidement, parce que je vois
que le temps file. Nous avons publié un guide de la signalisation
routière qui vise à rendre service aux automobilistes. Nous
publions encore cette année à près de 500 000 exemplaires
une carte routière qui est disponible pour les automobilistes. Cela
coûte plusieurs centaines de milliers de dollars chaque année. (22
h 10)
Nous menons une campagne de sécurité routière qui a
porté des dividendes réels. Nous sommes parvenus, par rapport
à la dernière année du régime libéral, 1975,
la dernière année complète, à faire passer le
nombre de morts sur les routes au Québec d'environ 2500 à 1500.
Cela ne s'est pas fait tout seul, ça s'est fait par un souci réel
du sort des automobilistes en menant des campagnes de sécurité,
que ce soit sur le port de la ceinture de sécurité, que ce soit
l'adoption d'un nouveau Code de la sécurité routière qui
vise fondamentalement les automobilistes. Ce sont tout autant de mesures qui
visent à favoriser les automobilistes.
M. le Président, je pense que, par cette brève
énumération, on peut constater que la seule accusation que
l'Opposition a véhiculée dans ce débat, soit celle de ne
pas se préoccuper du sort des automobilistes, d'être contre
l'automobile, est mal fondée. Cependant, ce que l'Opposition n'accepte
pas, c'est que nous avons fait, comme gouvernement, un choix d'offrir au plus
grand nombre, à l'ensemble de la population, autant que faire se peut,
une alternative à l'automobile privée en essayant de favoriser le
transport en commun partout où cela était possible et de
favoriser aussi ce que nous appelons les techniques douces de transport. Ce ne
sont pas les libéraux qui ont inventé les techniques douces de
transport, non plus que ceux-là qui en ont fait les premiers la
promotion.
Les libéraux confondent le fait que nous voulons offrir une
alternative à l'automobile avec ce qui serait une politique
antiautomobiliste. Nous l'avons dit et je le répète, notre
gouvernement vise, partout où c'est possible, à offrir une
alternative réelle aux personnes pour répondre à leurs
besoins de déplacement autrement que par l'automobile privée.
Le troisième reproche que les libéraux nous font, ils nous
disent: Quand vous parlez de transport en commun, vous ne pensez qu'à
des investissements lourds dans le métro, le métro de surface,
l'achat d'autobus et vous ne faites rien pour le développement des
techniques douces de transport moins coûteuses. À meilleure
preuve, disait le député de Laporte, si ce n'avait pas
été de nous, vous n'auriez pas légalisé le
covoiturage. Cela est inexact et injuste parce que la seule raison pour
laquelle nous n'avions pas légalisé le covoiturage jusqu'à
maintenant, depuis deux ans, c'est essentiellement parce que l'industrie du
taxi en particulier s'y opposait et nous avons voulu amener ces gens à
comprendre, en concertation avec nous, qu'il y allait de l'intérêt
de l'industrie du taxi, mais aussi de l'ensemble de la population que nous
procédions à la légalisation du covoiturage, qui est une
des techniques douces de transport.
Cependant, en matière de techniques douces de transport, ce n'est
pas la seule mesure que le gouvernement du Québec ait mise de l'avant
pour favoriser les alternatives peu coûteuses à l'automobile
privée. Je vous en donne toute une série. Des voies
réservées. Quel est le gouvernement qui, le premier, a
implanté des voies réservées au Québec? Une ici
à Québec, sur la côte d'Abraham, une sur le pont Champlain
et une autre sur le pont Viau en direction de Laval. C'est notre gouvernement
qui a subventionné l'implantation de voies réservées afin
d'accélérer la circulation aux heures de pointe pour les autobus
et de favoriser ce que nous appelons le transport modal des
personnes, à savoir de faire en sorte que le plus grand nombre de
personnes soient intéressées à aller vers le transport en
commun sans ajouter d'infrastructures coûteuses - il y a un grand nombre
d'autobus - mais simplement en améliorant l'efficacité, la
rapidité de la circulation.
Une autre technique douce, une politique visant à favoriser
l'utilisation du vélo, de la bicyclette en matière de transport
des personnes dans les centres urbains. Savez-vous que le gouvernement du
Québec est le seul au Canada, à ma connaissance, qui ait un
programme de subventions aux aménagements cyclables pour les fins de
déplacements domicile-travail ou domicile-études afin de
répondre aux besoins de transport et de déplacement des personnes
et non pas seulement de loisirs.
Cette politique n'est pas complètement étrangère au
fait qu'au Québec nous puissions compter sur un organisme comme
Vélo-Québec qui a été appuyé par le
ministère des Transports, qui fait l'envie d'à peu près
toutes les provinces canadiennes et qui a pu, avec le ministère,
développer un programme d'aide financière aux
municipalités intéressées à procéder
à des aménagements cyclables répondant aux besoins de leur
population.
On a un programme dans lequel nous investissons environ 600 000 $ par
année et nous avons de cette façon contribué à
développer au-delà du covoiturage, au-delà des voies
réservées, une autre technique douce parce qu'il en coûtait
très peu, c'était d'utiliser des budgets déjà
existants à des fins de transport par un mode alternatif, la
bicyclette.
Dans le cas du transport scolaire, là aussi, sans qu'il en
coûte un cent au gouvernement du Québec, nous avons
développé, en changeant notre politique de transport scolaire, la
politique de transport scolaire établie en 1974 par le gouvernement qui
nous a précédés, trois techniques douces d'un seul trait.
En effet, maintenant, aujourd'hui, au moment où on se parle, au
Québec plus d'une douzaine de commissions scolaires ont
déjà utilisé l'autorisation que je leur ai donnée
de permettre à des adultes de monter à bord des autobus scolaires
quand il y a de la place. Cela tombait sous le sens et c'est fait.
Une deuxième mesure, c'est de permettre aux municipalités
de transiger avec un transporteur scolaire lorsqu'elles veulent utiliser cette
flotte d'autobus pour du transport en commun d'appoint. Cela est fait.
Une troisième mesure qui entrera en vigueur au cours des
très prochaines semaines, c'est la possibilité de faire de la
charte-partie avec un autobus scolaire sur des distances de 200
kilomètres et moins à l'aller et au retour. Là encore, ce
ne sont pas les libéraux qui ont découvert les techniques douces
mais, au contraire, le gouvernement du Parti québécois.
Dans le domaine du taxi collectif aussi nous avons été le
premier gouvernement à favoriser clairement l'élargissement du
marché traditionnel du taxi vers le taxi collectif et c'est dans ce
sens-là qu'un projet de loi sera déposé à l'automne
ou qu'un avant-projet de loi sera rendu public au cours de
l'été.
Finalement, dans le domaine du transport adapté, il y avait aussi
des besoins de transport adapté pour des personnes handicapées.
Nous avons utilisé les minibus, un système parallèle dans
lequel nous investissons une quinzaine de millions de dollars par année.
Là encore, nous sommes en avance sur toutes les provinces canadiennes.
J'ai même eu droit à des félicitations du ministre des
Transports du Canada à cet égard, ce qui est assez rare de sa
part.
Non seulement nous avons utilisé des minibus, mais nous avons
utilisé une autre technique douce, le taxi, dans au moins deux
régions du Québec, la rive sud de Montréal et ici
même à Québec, sans qu'il en coûte plus cher à
l'État mais, au contraire, en permettant des économies
appréciables aux exploitants et aux contribuables et en offrant un
service de qualité aux personnes handicapées, en matière
de transport adapté.
Une autre mesure qui visait à favoriser l'utilisation du
transport en commun qui existe déjà, surtout en période
hivernale et par mauvais temps, a été la construction de
centaines de milliers d'abribus dans les territoires des commissions de
transport. Nous savons tous que pendant la période hivernale, ce n'est
pas agréable parfois d'attendre aux grands vents pendant quelques
minutes. Même si la fréquence d'autobus est très
élevée dans les territoires densément urbanisés des
réseaux de transport, il n'en demeure pas moins que ce n'est pas
agréable d'attendre l'autobus en plein vent pendant cinq, dix ou quinze
minutes, dépendamment de la durée de battement entre deux
autobus. (22 h 20)
Conscients de cela, pour inciter un plus grand nombre d'usagers à
utiliser de manière confortable le transport en commun, nous avons
développé une politique de subvention à 75% du coût
de construction de centaines, voire de milliers d'abribus répartis
autant à Trois-Rivières, à Québec, à
Montréal qu'à Chicoutimi-Jonquière, partout où il y
a du transport en commun organisé. Tout autant donc, des mesures dites
de techniques douces visant essentiellement, elles aussi, à offrir une
alternative à l'automobile privée sans qu'il en coûte
très cher à l'État et même, dans certains cas, sans
qu'il n'en coûte rien à l'État. C'est dans ce sens que se
sont
inscrites des mesures, que s'est inscrite la mesure de la
légalisation du covoiturage que nous adoptons aujourd'hui en
deuxième lecture, l'implantation de voies réservées, une
politique visant à favoriser l'utilisation de la bicyclette, le
décloisonnement de l'utilisation de 8500 autobus scolaires, le taxi
collectif, le transport adapté, l'intégration tarifaire sur les
trains de banlieue et, éventuellement, pour l'ensemble des
réseaux de transport en commun de la région de Montréal,
dès que les autorités municipales de la région de
Montréal seront entendues, des abribus, des stationnements d'incitation
à Brossard, à Saint-Hubert, toute une série de mesures qui
font partie d'un ensemble, d'une politique visant essentiellement à
offrir une alternative à l'automobile.
Je pense que c'est dans ce contexte qu'il faut situer le geste important
que nous posons aujourd'hui en légalisant le covoiturage. En effet, il
faut bien voir la réalité du transport des personnes dans son
ensemble. Nous avons pris des mesures visant à faciliter la vie aux
automobilistes partout où il était possible de le faire. Nous
avons continué à investir massivement dans la construction et
l'entretien du réseau routier, selon des priorités
différentes du gouvernement précédent, il est vrai, mais
nous avons continué à investir pour offrir un service de
qualité aux automobilistes, surtout dans les régions. C'est une
différence par rapport au gouvernement qui nous a
précédés.
Deuxièmement, afin de favoriser au maximum les économies
d'énergie, les économies personnelles, une alternative à
l'automobile, le gouvernement a adopté une politique optant
carrément, en matière de développement, pour favoriser le
développement du transport en commun dans toutes les grandes
agglomérations urbaines du Québec. Aujourd'hui, je suis fier de
vous dire que sous notre gouvernement toutes les grandes agglomérations
urbaines du Québec se sont dotées de systèmes modernes de
transport en commun. C'était un choix politique, nous l'avons fait. Dans
le même sens, si nous étions prêts à investir des
centaines de millions dans les techniques lourdes de transport,
l'équipement de nos agglomérations urbaines en matière
d'infrastructures de transport, nous n'avons pas négligé non plus
les techniques douces de transport que j'ai énumérées
tantôt et parmi lesquelles l'une des plus importantes est sans doute
celle d'aujourd'hui, l'adoption en deuxième lecture du projet de loi no
31 assurant la légalisation du covoiturage.
Voilà l'essentiel des propos que je voulais tenir au moment de
cette réplique. En terminant, je tiens à nouveau à
remercier mes collègues des deux côtés de la Chambre qui
sont intervenus dans le débat; tous m'ont indiqué qu'ils
appuyaient le projet de loi no 31, la légalisation du covoiturage. Ce
qu'il nous reste maintenant à espérer, c'est qu'une fois pour
toutes, par les discours qui ont été tenus en Chambre, nous ayons
réussi à dissiper complètement dans l'esprit de la
population qu'il y a quelque chose d'illégal ou de dangereux sur le plan
des assurances ou sur quelque autre plan que ce soit à pratiquer le
covoiturage. Par l'adoption de cette loi, au moment de la sanction de cette
loi, nous pourrons assurer l'ensemble des Québécois et des
Québécoises qu'il y a un avantage réel à utiliser
le covoiturage pour les fins de déplacement domicile-travail,
domicile-études. Il n'y a pas plus de risque à courir sur le plan
juridique, sur le plan des assurances ou autres à pratiquer le
covoiturage qu'à utiliser son propre véhicule. J'espère
qu'au cours des prochains mois alors que Radio-Québec, la Régie
de l'assurance automobile du Québec et plusieurs grandes entreprises
privées manifesteront publiquement et concrètement leur appui au
covoiturage, la population, dans son ensemble, y verra un avantage et qu'elle
voudra s'en prévaloir. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): La deuxième
lecture du projet de loi no 31, Loi modifiant la Loi sur les transports,
est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission des transports
M. Boucher: M. le Président, je fais motion pour que ce
projet de loi soit déféré à la commission
élue permanente des transports.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de déférence est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boucher: Je fais motion pour que nous ajournions nos travaux
à demain matin, 10 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté.
Nos travaux sont ajournés à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 26)